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JURITEXT000046992015
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ARRET
Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, 24 mars 2022, 21/000731
2022-03-24
Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion
Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
21/000731
02
ST_DENIS_REUNION
AFFAIRE : N RG No RG 21/00073 - No Portalis DBWB-V-B7F-FPTU Code Aff. : ARRÊT N AL/LL ORIGINE :JUGEMENT du Pôle social du TJ de SAINT DENIS en date du 16 Décembre 2020, rg no 20/00526 COUR D'APPEL DE SAINT-DENISDE LA RÉUNION CHAMBRE SOCIALEARRÊT DU 24 MARS 2022 APPELANT : Monsieur [X] [K] [D][Adresse 3][Localité 2]Représentant : Me Alexandre ALQUIER de la SELARL ALQUIER & ASSOCIÉS, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION INTIMÉE : L'URSSAF DU LIMOUSIN prise en la personne de son directeur en exercice[Adresse 1][Localité 4]Représentant : Me Philippe BARRE de la SELARL PHILIPPE BARRE, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION DÉBATS : En application des dispositions de l'article 946 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 14 décembre 2021 devant la cour composée de : Président : M. Alain LACOURConseiller : Mme Suzanne GAUDYConseiller : M. Laurent CALBOQui en ont délibéré après avoir entendu les avocats en leurs plaidoiries. A l'issue des débats, le président a indiqué que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition le 24 mars 2022. ARRÊT : mis à disposition des parties le 24 MARS 2022 greffier lors des débats : Mme Monique LEBRUNgreffier du prononcé par mise à disposition au greffe : Nadia HANAFI * ** LA COUR : Exposé du litige : Par requête enregistrée le 3 août 2020, M. [D] a saisi le tribunal judiciaire de Saint-Denis de la Réunion en contestation d'une décision implicite de la commission de recours amiable de l'URSSAF Limousin relative à la validation d'une mise en demeure en date du 3 février 2020 portant sur la somme de 3 578 euros. Le tribunal , par jugement du 16 décembre 2020, a notamment, validé la mise en demeure et condamné M. [D] à son paiement ainsi qu'à celui de la somme de 400 euros au titre de l'amende civile et à celle de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Appel de cette décision a été interjeté par M. [D] le 18 janvier 2021. La procédure a été instruite conformément aux dispositions de l'article 446-2 du code de procédure civile. Vu les conclusions notifiées le 23 septembre 2021 par M. [D], oralement soutenues à l'audience ; Vu les conclusions notifiées le 28 octobre 2021 par l'URSSAF Limousin, oralement soutenues à l'audience ; Pour plus ample exposé des moyens des parties, il est expressément renvoyé, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions susvisées ainsi qu'aux développements infra. Sur ce : Sur la recevabilité de l'appel : Vu l'article 34 du code de procédure civile ; Devant les premiers juges, M. [D] contestait une mise en demeure en date du 3 février 2020 délivrée par l'URSSAF Limousin, portant sur la somme de 3 578 euros. Le litige portait donc sur une somme inférieure au taux du dernier ressort. Toutefois, la mise en demeure portait partiellement sur le recouvrement de la contribution sociale généralisée et de la contribution au remboursement de la dette sociale. Pour ce seul motif, l'appel est recevable. Sur la saisine préjudicielle de la Cour de justice de l'Union européenne : Selon l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, le juge national saisi, s'il estime qu'une décision sur l'interprétation d'un traité ou des actes pris par les institutions de l'Union est nécessaire pour rendre son jugement, peut demander à la Cour de statuer sur cette question. Si le renvoi préjudiciel devant la CJUE est obligatoire lorsque la question est soulevée devant une juridiction dont la décision n'est pas susceptible d'un recours juridictionnel en droit interne, tel n'est pas le cas en l'espèce, le présent arrêt étant susceptible de pourvoi. En outre, il sera relevé, d'une part, que selon l'article 2, d) de la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive 84/450/CEE du Conseil et les directives 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil et le règlement (CE) no 2006/2004 du Parlement et du Conseil, on entend, aux fins de la directive, par « pratiques commerciales des entreprises vis-à-vis des consommateurs », « toute action, omission, conduite démarche ou communication commerciale, y compris la publicité et le marketing, de la part d'un professionnel, en relation avec la promotion, la vente ou la fourniture d'un produit aux consommateurs » ; d'autre part, que le recouvrement selon les règles d'ordre public du code de la sécurité sociale des cotisations et contributions dues par une personne assujettie à titre obligatoire au régime social des travailleurs indépendants ne revêt pas le caractère d'une pratique commerciale au sens des dispositions sus-rappelées et n'entre pas, dès lors dans le champ d'application de la directive. En conséquence la demande sera rejetée et le jugement confirmé de ce chef. Sur la régularité de la mise en demeure : Sur la nullité pour défaut de pouvoir à agir : Vu les articles L. 244-2 et R.244-1 du code de la sécurité sociale dans leur version applicable au litige ; La mise en demeure litigieuse a été émise par le directeur de l'URSSAF Limousin. N'étant pas de nature contentieuse, l'absence de signature ou d'identification de son signataire n'en affecte pas la validité. Le moyen de l'appelant, qui soutient qu'il appartient à la caisse de rapporter la preuve de ce que l'émetteur de la mise en demeure a été régulièrement nommé ou encore de la possibilité statutaire de nommer un directeur par intérim sous le mandat duquel la mise en demeure a été émise est dès lors inopérant. Sur la nullité formelle : L'omission des mentions prescrites par l'article L.212-1 du code des relations entre le public et les administrations n'affectant pas la validité de la mise en demeure prévue par l'article L.244-2 du code de la sécurité sociale, dès lors que celle-ci mentionne la dénomination de l'organisme qui l'a émise, ce qui est le cas en l'espèce, la mise en demeure litigieuse portant indication de ce qu'elle a été délivrée par l'URSSAF Limousin dont l'adresse est précisée, le moyen de l'appelant excipant de l'absence des mentions prévues par la loi est inopérant. La mise en demeure adressée par un organisme de sécurité sociale, qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d'avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti, doit lui permettre d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de ses obligations, en application des dispositions de l'article L.244-2 du code de la sécurité sociale. Tel est le cas en l'espèce, la mise en demeure délivrée le 3 février 2020 précisant la cause des sommes réclamées à M. [D], au titre des cotisations maladie maternité, des allocations familiales, de la CSG et CRDS, de la formation professionnelle, de la contribution additionnelle maladie et CURPS du 4e trimestre 2019, leurs montants respectifs, ainsi que les majorations de retard, générant une créance de 3 578 euros au titre des cotisations provisionnelles, en ce compris des majorations de retard à concurrence de 176 euros. Ces mentions permettaient donc à M. [D] de connaître la nature, la cause et l'étendue de son obligation. En conséquence, le moyen de nullité tiré de l'absence d'information du cotisant sur la nature, la cause et l'étendue de l'obligation est également inopérant. La mise en demeure sera validée pour la somme de 3 578 euros, dont 176 euros de majoration de retard. M. [D] sera condamné à son paiement. Sur les demandes de dommages-intérêts: M. [D] soutient que la caisse est fautive, sans toutefois le démontrer. Il sera en conséquence débouté de ce chef. PAR CES MOTIFS : La cour, Statuant publiquement, contradictoirement, Déclare l'appel recevable ; Confirme le jugement rendu le 16 décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Saint-Denis de la Réunion excepté en ce qu'il a condamné M. [D] au paiement d'une amende civile ; Statuant à nouveau de ce chef; Dit n'y avoir pas lieu à amende civile; Y ajoutant ; Rejette les demandes de M. [D] ; Rejette les demandes de de la Caisse générale de sécurité sociale de la Réunion ; Condamne M. [D] à payer à la caisse de sécurité sociale de la Réunion la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens. Le présent arrêt a été signé par M. Lacour, président, et par Mme Hanafi, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. Le greffier, Le président,
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JURITEXT000046992016
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ARRET
Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, 23 mars 2022, 19/018311
2022-03-23
Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion
Annule la décision déférée
19/018311
06
ST_DENIS_REUNION
ARRÊT No22/ PF R.G : No RG 19/01831 - No Portalis DBWB-V-B7D-FGYJ [M] C/ S.A. ELECTRICITE DE FRANCE (EDF) RG 1èRE INSTANCE : 2017005120 COUR D'APPEL DE SAINT- DENIS ARRÊT DU 23 MARS 2022 Chambre commerciale Appel d'une décision rendue par le TRIBUNAL MIXTE DE COMMERCE DE SAINT-DENIS en date du 24 AVRIL 2019 RG no: 2017005120 suivant déclaration d'appel en date du 06 JUIN 2019 APPELANT : Monsieur [S] [M][Adresse 1][Localité 4]Représentant : Me Xavier BELLIARD, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION INTIMEE : S.A. ELECTRICITE DE FRANCE (EDF)[Adresse 2][Localité 3]Représentant : Me Thierry CODET, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION CLÔTURE LE : 21/09/2020 DÉBATS : En application des dispositions de l'article 804 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 02 février 2022 devant la Cour composée de : Président : Madame Sophie PIEDAGNEL, ConseillèreConseiller : Madame Pauline FLAUSS, ConseillèreConseiller : Madame Magali ISSAD, Conseillère Qui en ont délibéré après avoir entendu les avocats en leurs plaidoiries. A l'issue des débats, la présidente a indiqué que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition le 23 mars 2022. Greffiere lors des débats et de la mise à disposition : Madame Nathalie BEBEAU, Greffière. ARRÊT : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 23 mars 2022. * * * LA COUR M. [M], exerçant sous l'enseigne "[S] [M]", est installateur d'appareils de climatisation à la Réunion. Il a conclu un partenariat avec EDF en 2010 afin de promouvoir l'installation de climatiseurs économes en énergie par le versement de primes aux installateurs justifiant de la pose de ce type de matériel. Suite à un différend sur la modification du montant des primes au 1er mars 2016, le règlement des factures émises par M. [M] sur les mois d'avril à août 2016 n'étaient pas réglées par EDF. Par lettre recommandée avec accusé de réception du 30 novembre 2016, EDF a résilié le partenariat avec M. [M]. Par acte d'huissier du 22 septembre 2017, M. [M] a saisi le tribunal mixte de commerce de St Denis aux fins de voir condamner EDF à l'indemniser à hauteur de la somme de 450.000 euros en réparation du préjudice matériel correspondant à la privation de ses gains suite à son éviction irrégulière et abusive du partenariat, à lui verser 44.333,10 euros au titre de deux factures impayées, outre 5.000 euros au titre des frais irrépétibles. De manière reconventionnelle, EDF a conclu au débouté de la demande indemnitaire et a sollicité la compensation des factures impayées avec un avoir détenu sur M. [M]. Elle a en outre sollicité, le paiement de la somme de 23.830 euros au titre de primes indûment perçues, l'indemnisation du temps consacré au suivi du dossier, l'indemnisation du préjudice né de l'utilisation non autorisée de sa marque par M. [M] et celle de son préjudice d'image, en sus de frais irrépétibles. Par jugement du 24 avril 2019, le tribunal a :- Condamné EDF à payer à M. [M] la somme de 44.333,10 euros au titre des factures- condamné M. [M] à payer à EDF la somme de 67.769,10 eurosAprès compensation- condamné M. [M] à payer à EDF la somme de 23.436 euros- débouté M. [M] du surplus de ses demandes- l'a condamné à payer à EDF la somme de 23.830 euros à titre de primes indûment perçues- ordonné à M. [M] de supprimer toute référence à EDF du site internet de son entreprise et de tout support édité par ses soins ou pour les besoins de son entreprise, et les références aux aides commerciales octroyées par EDF ainsi que les utilisations non autorisées de la marque EDF, et ce sous astreinte de 300 euros par jour de retard- condamné M. [M] à payer à EDF une somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile- laissé les dépens à la charge de ce dernier. Par déclaration du 6 juin 2019 au greffe de la cour d'appel de St Denis, M. [M] a formé appel du jugement. Il sollicite de la cour de :- Annuler la décision attaquée- Condamner EDF à lui payer les sommes suivantes :. 2.400.000 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation de son préjudice matériel correspondant à la privation des gains attendus du contrat par suite de son éviction irrégulière et abusive du partenariat CLIMECO PRO sur la période du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2020. 600.000 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation de son préjudice matériel correspondant à sa perte de chiffre d'affaires sur la période du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2020. 44.333,10 euros au titre des factures no16120100 et 17010200 en date du 1/12/2016 et du 2/01/2017. 200.000 euros, à titre de dommages et intérêts pour la période du 01/09/2018 au 31/12/2018, au titre de la perte de chance de bénéficier des primes EDF pour les particuliers. 400.000 euros, à titre de dommages et intérêts de ce même chef, mais pour la période du 31/12/2018 au 21/12/2020. 8.663,51 euros à titre d'intérêts de retard, s'agissant des factures des mois de janvier à septembre 2016, en application de l'article 441-6 du code de commerceSubsidiairement1) Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné EDF à lui payer à la somme de 44.333,10 euros au titre de factures2) Infirmer le jugement entrepris pour le surplus de ses dispositionsStatuant à nouveau:- Condamner EDF à lui payer les sommes suivantes :. 2.400.000 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation de son préjudice matériel correspondant à la privation des gains attendus du contrat par suite de son éviction irrégulière et abusive du partenariat CLIMECO PRO sur la période du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2020. 600.000 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation de son préjudice matériel correspondant à sa perte de chiffre d'affaires sur la période du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2020. 44.333,10 euros au titre des factures no16120100 et 17010200 en date du 1/12/2016 et du 2/01/2017. 200.000 euros, à titre de dommages et intérêts pour la période du 01/09/2018 au 31/12/2018, au titre de la perte de chance de bénéficier des primes EDF pour les particuliers. 400.000 euros, à titre de dommages et intérêts de ce même chef, mais pour la période du 31/12/2018 au 21/12/2020. 8 663,51 euros à titre d'intérêts de retard, s'agissant des factures des mois de janvier à septembre 2016, en application de l'article 441-6 du code de commerceEn tout état de cause- Condamner EDF à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700, et aux entiers dépens de première instance et d'appel. M. [M] soutient que le jugement est nul faute qu'il y soit statué sur sa demande de condamnation d'EDF aux intérêts de retard sur les factures de janvier à septembre 2016. Au fond, il conteste la faute qui lui est reprochée et affirme avoir utilisé l'ancienne grille de tarification pour les devis émis avant le 1er mars 2016, conformément à la lecture qui lui en a été faite par EDF. Il en déduit avoir agit de manière transparente à l'égard de son co-contractant, lequel ne pouvait au demeurant modifier de manière unilatérale les conditions du contrat par l'application d'une nouvelle grille qui n'avait pas recueillie son accord. Il en infère le caractère infondé de la résiliation. Il ajoute que cette résiliation est de surcroit irrégulière pour avoir été prononcée sans le respect de l'envoi d'un avis contractuel préalable. ll estime son préjudice au gains manqués sur la durée du dispositif des certificats d'économie d'énergie et à la perte de son avantage concurrentiel sur le réseau des installateurs. Il indique qu'EDF a commis une faute en rejetant sa demande d'adhésion au contrat de partenariat formée le 27 août 2018 alors qu'il remplissait les conditions pour ce faire. Il estime ainsi son préjudice à une limitation de ses perspectives de développement et par des gains manqués sur les opérations réalisées qui auraient du donner lieu au versement de primes. Il ajoute que les factures dont le paiement est réclamé ne sont pas contestées par EDF et que leur retard de paiement est soumis à l'intérêt de retard légal de l'article L.441-6 du code de commerce. Il conteste avoir réalisé des installations dans des espaces non éligibles à la prime et relève que la demande en paiement d'EDF ne serait justifiée que si l'avantage financier étatique dont elle a bénéficié du fait de ces opérations a été annulé. Il indique que le temps et l'énergie qui aurait été mobilisée pour le contrôle font partie des activités habituelles d'EDF. Il affirme que la marque d'EDF ne figure plus sur son site, que la mention "prime éco pro" ne figure plus sur son site et conteste toute atteinte à l'image d'EDF. EDF demande à la cour de :- Confirmer le jugement entreprissauf à :. condamner M. [M] à lui payer 1.100 euros en réparation du temps consacré à l'instruction et au suivi du dossier,. condamner M. [M] à lui payer la somme de 5.000 euros en réparation du préjudice subi en raison de l'utilisation non autorisée de la marque EDF et de la référence au mécanisme d'aide commerciale,En tout état de cause, - Condamner M.[M] à lui payer 5.000 euros au titre des frais irrépétibles, outre les dépens. Elle expose que l'omission de statuer alléguée est inexistante et, qu'en tout état de cause, elle n'est pas de nature à permettre le prononcé de l'annulation du jugement. Elle soutient qu'elle a valablement résilié le contrat la liant à M. [M] en application de son article 15.2.2 dès lors que ce dernier avait fait de fausses déclarations, antidatant des devis pour bénéficier des tarifs antérieurs au 1er mars 2016, et portant atteinte à son image. Elle précise que la résiliation ne s'inscrit pas dans le cadre de l'article des conditions générales consacré au sanctions. Elle rappelle que les conditions générales ont été acceptées, qu'elles prévoient la possibilité d'une modification des conditions sans préavis et que cette clause de fixation de prix est conforme à l'article 1164 du code civil. Elle fait valoir qu'elle disposait de la liberté contractuelle de réintégrer ou non M. [M] dans les accords de partenariat. Elle indique qu'en tout état de cause, les préjudices allégués relèvent de causes qui se recoupent, qu'ils sont calculés sur la base d'extrapolations financières et du chiffre d'affaires, non de la perte de marge brute. Elle réitère sa demande de remboursement de primes trop perçues par M. [M] dans des lieux non éligibles, pour lesquels elle n'a, de ce fait, pas sollicité de valorisation. Elle expose que les diverses fraudes de M. [M] ont entrainé la mobilisation de ses agents durant 35 heures totalisées. Elle ajoute que ces fautes ont terni son image, qu'elles ont pu être associées à son fonctionnement dans l'esprit de la clientèle. Par arrêt avant dire droit du 10 novembre 2021, la cour a invité les parties à présenter leurs observations :. eu égard aux règles de droit applicables au litige, sur le pouvoir du tribunal de grande instance de St Denis et de la cour d'appel de céans pour connaitre du litige ;. subsidiairement, sur le fondement juridique qu'elles estiment devoir être appliqué aux demandes. L'affaire a été renvoyée à l'audience du 2 février 2022 et les parties n'ont pas présenté d'observations. MOTIFS DE LA DECISION Vu les dernières conclusions de M. [M] déposées le 12 juin 2020 et celles d'EDF du 6 décembre 2019 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties ; Vu l'ordonnance de clôture du 21 septembre 2020 ; Sur les demandes en paiement de M. [M] Vu l'article 12 du code de procédure civile ; M. [M] forme une demande indemnitaire qui s'articule en deux points : 1/ l'indemnisation au titre de la rupture contractuelle abusive d'un "contrat de partenariat" à l'initiative d'EDFL'abus est lui-même envisagé sous les aspects suivants :- l'aspect procédural, à savoir le non respect par EDF d'un préavis contractuel avant la rupture ;- l'aspect de fond, à savoir qu'EDF ne pouvait imposer de nouvelles conditions tarifaires à M. [M], d'ailleurs non justifiées, et se prévaloir du non respect du nouveau tarif pour résilier le contrat ; 2/ le refus abusif par EDF d'une nouvelle demande d'adhésion au partenariat présentée par M. [M] en 2018 S'agissant du premier point 1/, il est rappelé que les dispositions de l'article L.446-2 du code de commerce dans sa version applicable au litige dispose "I.-Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : [...]4o D'obtenir ou de tenter d'obtenir, sous la menace d'une rupture brutale totale ou partielle des relations commerciales, des conditions manifestement abusives concernant les prix, les délais de paiement, les modalités de vente ou les services ne relevant pas des obligations d'achat et de vente ;5o De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels". L'appréciation du bienfondé de l'argumentaire reposant sur ces dispositions relève de la compétence exclusive des juridictions mentionnées à l'article D442-3 du code de commerce dans sa version applicable au litige, à savoir, en l'espèce, le tribunal de commerce de Paris et la cour d'appel de Paris. Eu égard à l'argumentaire développé par M. [M], sa demande indemnitaire apparait ne se référer qu'aux dispositions précitées de l'article L.446-2 du code de commerce, devenu L.446-1 du même code, de sorte que la cour , tout comme le tribunal de commerce de St Denis, est sans pouvoir de connaître du litige. S'agissant du second point 2/, M. [M] fait valoir que, bien que remplissant les conditions posées par EDF à la souscription d'un contrat de partenariat, l'intimée a refusé de façon discriminatoire de lui permettre d'y souscrire à nouveau en 2018, le désavantageant par l'impossibilité de bénéficier d'une prime d'installation au détriment d'autres concurrents et portant une atteinte grave et injustifié au fonctionnement de la concurrence sur le secteur. Cet argumentaire s'inscrit dans le cadre des dispositions de l'article L.420-2 du code de commerce, lequel dispose que "Est prohibée, [...], l'exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d'entreprises d'une position dominante sur le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci. Ces abus peuvent notamment consister en refus de vente, en ventes liées ou en conditions de vente discriminatoires ainsi que dans la rupture de relations commerciales établies, au seul motif que le partenaire refuse de se soumettre à des conditions commerciales injustifiées./ Est en outre prohibée, dès lors qu'elle est susceptible d'affecter le fonctionnement ou la structure de la concurrence, l'exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d'entreprises de l'état de dépendance économique dans lequel se trouve à son égard une entreprise cliente ou fournisseur. Ces abus peuvent notamment consister en refus de vente, en ventes liées, en pratiques discriminatoires visées aux articles L.442-1 à L.442-3 ou en accords de gamme". L'appréciation du bienfondé de l'argumentaire reposant sur ces dispositions relève de la compétence exclusive des juridictions mentionnées à l'article R. 420-3 du code de commerce, à savoir, en l'espèce, le tribunal de commerce de Paris et la cour d'appel de Paris. Il résulte de ce qui précède l'existence d'un défaut de pouvoir du tribunal de commerce de Saint Denis, et conséquemment, celui de la cour pour statuer sur les demandes indemnitaires de M. [M]. Dès lors, le jugement entrepris sera annulé. Sur les frais irrépétibles et les dépens Vu les articles 696 et 700 du code de procédure civile ; M. [M], qui succombe pour l'essentiel, supportera les dépens. L'équité commande de rejeter les demandes formées au titre des frais irrépétibles. PAR CES MOTIFS La cour, statuant publiquement et contradictoirement, par décision rendue en dernier ressort, en matière commerciale, par mise à disposition au greffe conformément à l'article 451 alinéa 2 du code de procédure civile ; - Constate le défaut de pouvoir juridictionnel du tribunal de commerce de Saint Denis pour connaître des demandes de M. [M] ; - Annule le jugement entrepris ; - Rejette les demandes formées en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; - Condamne M. [M] aux dépens. Le présent arrêt a été signé par Madame Sophie PIEDAGNEL, Conseillère, et par Madame Nathalie BEBEAU, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. LA GREFFIÈRE SIGNE LA PRÉSIDENTE
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ARRET
Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, 21 mars 2022, 21/018021
2022-03-21
Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion
Déclare l'acte de saisine caduc
21/018021
06
ST_DENIS_REUNION
COUR D'APPELDE SAINT-DENIS CHAMBRE CIVILERG N : No RG 21/01802 - No Portalis DBWB-V-B7F-FT7CRÉFÉRENCES : Appel d'un Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de SAINT PIERRE, décision attaquée en date du 22 Septembre 2021, enregistrée sous le no 21/01672 E.U.R.L. BENOITONReprésentant : Me Isabelle LAURET de la SAS MIL AVOCAT & ASSOCIES, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION APPELANTS.A. ENGEN REUNIONReprésentant : Me Mathieu GIRARD de la SELARL HOARAU-GIRARD, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION INTIME ORDONNANCE DE CADUCITÉ D'APPEL No22/82en date du 31 mars 2021 Par jugement en date du 22 septembre 2021, le juge des loyers commerciaux près le tribunal judiciaire de Saint Pierre de la Réunion a :-dit que la saisine de l'EURL Benoiton porte sur une rectification d'omission de statuer relevant de l'article 463 du code de procédure civile et non une omission matérielle relevant de l'article 462 du même code-dit que les demandes de l'EURL Benoiton sont irrecevables au regard du délai d'un an qui lui était imparti pour introduire sa requête-condamné l'EURL Benoiton à payer à la SA Vino Energy Réunion (anciennement SA Engen Réunion) la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile-condamné l'EURL Benoiton au dépens. Par déclaration datée du 14 octobre 2021 transmise au greffe par voie électronique le 20 octobre 2021, l'EURL Benoiton a interjeté appel de cette décision en intimant la SA Engen Réunion. La SA Vino Energy Réunion s'est constituée le 15 novembre 2021. Vu l'avis préalable à la constatation de la caducité de la déclaration d'appel adressé aux parties le 18 février 2022. Par conclusions RPVA du 28 février 2022, la SA Vino Energy Réunion demande au conseiller de la mise en état de :-juger que l'appelant n'a pas remis ses conclusions au greffe de la cour dans le délai de trois mois de sa déclaration-juger, en conséquence, la déclaration d'appel caduque, par application de l'article 908 du code de procédure civile-condamner l'EURL Benoiton aux entiers dépens et à payer à la SA Vino Energy Réunion la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. SUR QUOI Selon l'article 908 du code de procédure civile, à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant dispose d'un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel pour remettre ses conclusions au greffe. L'article 911 du code de procédure civile précise que sous la même sanction, les conclusions sont signifiées aux parties qui n'ont pas constitué avocat dans le mois de l'expiration des délais prévus à l'article 908 du code de procédure civile. En l'espèce:-la déclaration d'appel est en date du 14 octobre 2021-la SA Vino Energy Réunion s'est constituée le 15 novembre 2021 Or, l'EURL Benoiton n'a jamais déposé de conclusions. La caducité de sa déclaration d'appel sera donc prononcée. L'équité commande de faire droit à la demande de l'intimée présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; l'appelante est condamnée à lui verser à ce titre la somme de 1.000 euros ainsi qu'aux dépens de l'instance éteinte. PAR CES MOTIFS Nous, Sophie Piedagnel, conseillère de la mise en état, statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition au greffe conformément à l'article 451 alinéa 2 du code de procédure civile, par ordonnance susceptible de déféré, PRONONCONS la caducité de la déclaration d'appel formée par l'EURL Benoiton, CONDAMNONS l'EURL Benoiton à payer à la SA Vino Energy Réunion la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, CONDAMNONS l'EURL Benoiton aux dépens de l'instance éteinte. La greffière,Nathalie BEBEAU SIGNEELa conseillère de la mise en état,Sophie PIEDAGNEL copie délivrée le 31 Mars 2022 à : Me Isabelle LAURET de la SAS MIL AVOCAT & ASSOCIES, vestiaire : 61Me Mathieu GIRARD de la SELARL HOARAU-GIRARD, vestiaire : 3
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JURITEXT000046992018
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ARRET
Cour d'appel de Rennes, 3 mars 2022, 22/00104A
2022-03-03
Cour d'appel de Rennes
Délibéré pour mise à disposition de la décision
22/00104A
RA
RENNES
COUR D'APPEL DE RENNES No 49 / 2022 - No RG 22/00104 - No Portalis DBVL-V-B7G-SQVO JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT O R D O N N A N C E articles L 741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile Nous, Hélène CADIET, conseiller à la cour d'appel de RENNES, déléguée par ordonnance du premier président pour statuer sur les recours fondés sur les articles L.741-10 et suivants du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, assistée de Patricia IBARA, greffière, Statuant sur l'appel formé par courriel reçu le 02 Mars 2022 à 11 h 59 par la Cimade DER [Localité 4] pour : M. [W] [T], alias [P] [H]né le [Date naissance 1] 1972 à [Localité 3] (GÉORGIE)de nationalité Géorgienneayant pour avocat Me Sophie MARAL, avocat au barreau de RENNES d'une ordonnance rendue le 01 Mars 2022 à 17 h 34 par le juge des libertés et de la détention du Tribunal judiaire de RENNES qui a ordonné la prolongation du maintien de M. [W] [T], alias [P] [H] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée maximale de trente jours à compter du 1er mars 2022 à 11 h 13 ; En l'absence de représentant du préfet du LOIR ET CHER, dûment convoqué, ayant transmis son mémoire et fait parvenir ses pièces par courriel ce jour, En l'absence du procureur général régulièrement avisé, Monsieur DELPERIE, avocat général, ayant fait valoir ses observations par avis écrit, En présence de M. [W] [T], alias [P] [H], assisté de Me Sophie MARAL, avocat, Après avoir entendu en audience publique le 03 Mars 2022 à 14 H 00 l'appelant assisté de Mme [J] [N], interprète en langue géorgienne, et son avocat en leurs observations, Avons mis l'affaire en délibéré et le 03 mars 2022 à 15 heures 15, avons statué comme suit : M. [W] [T] alias [P] [H] (qui a usurpé l'identité d'un compatriote géorgien et dont la véritable identité n'a été révélée qu'à l'occasion de son embarquement prévu le 23 février 2022 selon PV du 23 février 2022 annexé à la requête en seconde prolongation), a fait l'objet d'un arrêté du préfet [Localité 2] du 16 juillet 2021 notifié le 29 juillet 2021 portant obligation de quitter le territoire dans un délai de 30 jours. Le préfet du Loir et Cher l'a placé en rétention administrative le 30 janvier 2022. Par ordonnance du 2 février 2022, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de TOURS a prolongé la rétention de M. [W] [T] pour vingt huit jours. Par ordonnance de seconde prolongation rendue le 1er mars 2022, le juge des libertés et de la détention a prolongé la rétention de M. [W] [T] pour un délai de 30 jours à compter du 1er mars 2022 11 heures 13. Par déclaration reçue de la Cimade au greffe de la cour le 2 mars 2022 à 11 heures 59, M. [W] [T] a interjeté appel de cette ordonnance qui lui a été notifiée le 1er mars à 17 heures 45. Il fait valoir, au soutien de sa demande d'infirmation de la décision entreprise et de sa demande de remise en liberté, l'irrecevabilité de requête du préfet en seconde prolongation en raison de l'absence de copie actualisée du registre et en l'absence de la mention concernant l'échec de l'éloignement du 23 février 2022. Le préfet sollicite la confirmation de la décision et a transmis son mémoire le 3 mars 2022. Le Procureur Général, suivant avis écrit du 2 mars 2022, sollicite la confirmation de la décision entreprise. Les avis susvisés ont été mis à disposition des parties avant l'audience. A l'audience, M. [W] [T], assisté de Mme [J] interprète en langue géorgienne ayant prêté serment au préalable et de son conseil Me [E], maintient les termes de son mémoire d'appel. SUR CE, L'appel est recevable, pour avoir été formé dans les formes et délais prescrits. Sur la recevabilité de la requête en seconde prolongation du préfet Si l'article R 743-2 du CESEDA dispose qu' "à peine d'irrecevabilité, la requête est motivée, datée et signée, selon le cas, par l'étranger ou son représentant ou par l'autorité administrative qui a ordonné le placement en rétention. Lorsque la requête est formée par l'autorité administrative, elle est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l'article L. 744-2", ce texte n'exige pas sous la même sanction de l'irrecevabilité que cette copie soit actualisée au jour de la requête. De même, l'article L 744-2 du même code auquel il est fait référence n'impose pas une périodicité d'actualisation du registre, ni n'édicte de sanction au cas où il ne serait pas à jour. La cour ne peut donc ajouter une condition à celles posées par la loi. Il convient de constater que la copie du registre prévu à l'article L 744-2 du CESEDA accompagnant la requête présentée par la préfecture, cette requête est recevable, alors, ainsi que l'a relevé justement le premier juge, qu'il ne saurait être fait grief à l'administration de ce que la copie ne comporte aucune mention afférente à l'échec de l'éloignement le 23 février 2022 à la suite de la révélation par le retenu de sa véritable identité lors de l'embarquement sur le vol à destination de TBILISSI dans la mesure où cet événement n'a entraîné aucune évolution quant à sa situation en rétention. Au surplus, l'article L 743-9 du CESEDA prévoit le contrôle par le juge du registre prévu à l'article L 744-2 du même code pour vérifier le respect de la notification des droits au moment du placement en rétention. Ce contrôle intervient de fait lors de la première demande de prolongation, il ne concerne pas la seconde demande de prolongation de la mesure de rétention administrative. Enfin, la cour observe que :- l'événement allégué manquant au registre produit en pièce 23 n'est pas d'un droit dont le juge des libertés et de la détention doit assurer le contrôle,- et que le retenu ne démontre ni même n'invoque avoir voulu exercer des droits et en avoir été empêché. Le moyen sera rejeté et l'ordonnance déférée sera confirmée en toutes ses dispositions. PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, Déclarons l'appel recevable, Déclarons recevable la requête en seconde prolongation de la préfecture, Confirmons l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rennes en date du 1er mars 2022, Laissons les dépens à la charge du Trésor Public. Fait à Rennes, le 03 mars 2022 à 15 heures 15. LE GREFFIER, PAR DÉLÉGATION, LE CONSEILLER, Notification de la présente ordonnance a été faite ce jour à M. [W] [T], alias [P] [H], à son avocat et au préfet Le Greffier, Cette ordonnance est susceptible d'un pourvoi en cassation dans les deux mois suivant la présente notification et dans les conditions fixées par les articles 973 et suivants du code de procédure civile. Communication de la présente ordonnance a été faite ce même jour au procureur général. Le Greffier
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JURITEXT000046992019
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ARRET
Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, 2 mars 2022, 18/009761
2022-03-02
Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion
Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
18/009761
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ST_DENIS_REUNION
ARRÊT No22/MI R.G : No RG 18/00976 - No Portalis DBWB-V-B7C-FA4T Société CASUALTY&GENERAL INSURANCE COMPANY EUROPE LIMITIED C/ Société FEDT DARWIN CONCEPTS.A. ALBIOMA LE GOL RG 1ERE INSTANCE : 2017 00349 COUR D'APPEL DE SAINT - DENIS ARRÊT DU 02 MARS 2022 Chambre commerciale Appel d'une décision rendue par le TRIBUNAL MIXTE DE COMMERCE DE SAINT PIERRE en date du 20 FEVRIER 2018 RG no 2017 00349 suivant déclaration d'appel en date du 22 JUIN 2018 APPELANTE : Société CASUALTY&GENERAL INSURANCE COMPANY EUROPE LIMITIEDSUITE3A-CENTRE PLAZA-HORSE BARRACK LANE, MAIN STREET GIBRALTARReprésentant : Me Caroline BOBTCHEFF de la SELARL CAROLINE BOBTCHEFF,Postulant, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION - Me Nicolas CIRON, Plaidant, de la SELARL NCS AVOCATS, Plaid, avocat au barreau de PARIS INTIMEES : Société FEDT DARWIN CONCEPT[Adresse 2][Adresse 2][Localité 3]Représentant : Me Laurent PAYEN de la SELARL PAYEN, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION S.A. ALBIOMA LE GOL[Adresse 1][Localité 4]Représentant : Me Christel VIDELO CLERC, Postulant, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION - Me Victoria AQUINO, Plaidant, avocat au barreau de PARIS CLOTURE LE : 17/06/2019 DÉBATS : En application des dispositions de l'article 785 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 03 novembre 2021 devant la cour composée de : Président : Madame Sophie PIEDAGNEL, ConseillèreConseiller : Madame Pauline FLAUSS, ConseillèreConseiller : Madame Magali ISSAD, Conseillère Qui en ont délibéré après avoir entendu les avocats en leurs plaidoiries. A l'issue des débats, la présidente a indiqué que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition le 02 mars 2022. Greffiere lors des débats et de la mise à disposition : Madame Nathalie BEBEAU, Greffière. ARRÊT : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 02 mars 2022. * * * LA COUR EXPOSE DU LITIGE Le 28 janvier 2013, la société ALBIOMA LE GOL a confié une mission de maîtrise d'oeuvre pour la conception d'unités de traitement des eaux pour sa centrale à la société ANTEA et conclu un contrat de réalisation d'une unité de traitement des eaux pluviales et industrielles avec la société ETCI. Le 24 avril 2014, la société ALBIOMA LE GOL a confié l'élaboration des plans d'exécution béton arme coffrage et ferraillage de la dalle effluent à la société FEDT. Le 8 juillet 2014, la société ALBIOMA a con é la réalisation d'une dalle en béton destinée à supporter les travaux constituant l'unité des travaux des eaux pluviales à la société TTS qui disposait d'une police d'assurance responsabilité civile et décennale auprès de la société CASUALTY & GENERAL INSURANCE COMPANY depuis le 1er janvier 2014. Le 5 décembre 2014, les travaux réalisés par la société TTS ont été réceptionnés sans réserve et l'unité de traitement des eaux a été mise en service fin décembre 2014. Courant janvier 2015, des désordres ont commencé à apparaître entraînant le dysfonctionnement de l'installation de l'unité de traitement des effluents. Par ordonnances de référés en date des 6 mars, 10 février, 22 septembre et 1er décembre 2015, une mission d'expertise a été ordonnée.Le rapport d‘expertise établi le 23 mars 2016 a xé dans la survenance des désordres la responsabilité de la société Albioma à hauteur de 50 %, celle de la société TTS à hauteur de 40% et celle de la société FEDT à hauteur de 10 % et évalué le préjudice à la somme de 1 666 429 euros. Par acte en date du 9 et 16 novembre 2016, la société ALBIOMA LE GOL a fait citer la société FEDT Darwin concept, anciennement dénommée FRANCE Engineering division technique (FEDT) et la société Casualty et General insurance company Europe Limited (CGICE) devant le tribunal de grande instance de Saint Pierre. Par jugement en date du 20 février 2018, le tribunal mixte de commerce de Saint Pierre a :-condamné la société FEDT Darwin Concept à payer à la société ALBIOMA LE GOL la somme 155.692,90 €, assortie des intérêts de retard au taux légal à compter de la présente assignation ;- dit que les intérêts échus dus au moins pour une année à compter de la présente assignation, porteront intérêt ;- condamné la société CASUALTY & GENERAL INSURANCE COMPANY à payer à la société ALBIOMA LE GOL la somme de 622.771,60 € assortie des intérêts de retard au taux légal à compter de la présente assignation ;- dit que les intérêts échus dus au moins pour une année à compter de la présente assignation, porteront intérêt ;- condamné la société FEDT Darwin Concept à payer à la société ALBlOMA LE GOL la somme de 2.030,10 € au titre des frais d'expertise ;-condamné la société CASUALTY & GENERAL INSURANCE COMPANY à payer à la société ALBIOMA LE GOL la somme de 8.120,40 € au titre des frais d'expertise ;- ordonné l'exécution provisoire du jugement à intervenir ;-condamné la société FEDT Darwin Concept à payer à la société ALBIOMA LE GOL la somme de 5.000 € an titre de l'article 700 du code de procédure civile ;- condamné la société CASUALTY GENERAL INSURANCE COMPANY à payer à la société ALBIOMA LE GOL la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;- condamné la société FEDT Darwin Concept et la société CASUALTY & GENERAL INSURANCE COMPANY aux entiers dépens. Par déclaration au greffe le 22 juin 2018, la société CASUALTY & GENERAL INSURANCE COMPANY a relevé appel du jugement. L'ordonnance de clôture a été rendue le 08 juillet 2021. MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES Dans ses conclusions notifiées par RPVA le 19 février 2019, la société CASUALTY & GENERAL INSURANCE COMPANY (CGICE) demande à la cour au visa des articles L.241-1 et suivants, L.243-1, A.243-1 du code des assurances et l'article 1240 (ex. Article 1382) du code civil et 1147 du code civil de :-Dire et juger que la compagnie CASUALTY AND GENERAL INSURANCE COMPANY EUROPE LIMITED est recevable en ses écritures et la déclarer bien fondée ;-REFORMER le jugement rendu le 20 février 2018 par le tribunal mixte de commerce de Saint-Pierre de La Réunion ;Et statuant de nouveau ;-A titre principal : sur la garantie d'assurance délivrée par la compagnie CGICE ;-Constater que la société ALBIOMA LE GOL ne produit pas la déclaration d'ouverture de chantier ;-Constater que les désordres sont postérieurs au 30 décembre 2014 ;-Constater que la réclamation de la société ALBIOMA LE GOL est postérieure au 30 décembre 2014 ;-Constater que la police souscrite par la société TOUS TRAVAUX SPÉCIAUX auprès de la compagnie CASUALTY AND GENERAL INSURANCE COMPANY EUROPE LIMITED a été résiliée pour non-paiement des primes à effet au 30 décembre 2014 ;-Constater que l'ouvrage construit par la société ALBIOMA LE GOL n'est pas soumis à l'obligation d'assurance décennale ;-Constater que la police d'assurance souscrite par la société TOUS TRAVAUX SPÉCIAUX auprès de la compagnie CASUALTY AND GENERAL INSURANCE COMPANY EUROPE LIMITED a pris effet à compter du 1er janvier 2014 ;-Constater que la police souscrite par la société TTS a été résiliée le 30 décembre 2014 pour non-paiement de la prime ;-Constater que la société TOUS TRAVAUX SPÉCIAUX avait resouscrit une garantie postérieurement à la résiliation de la garantie délivrée par la compagnie CASUALTY AND GENERAL INSURANCE COMPANY EUROPE LIMITED, soit au 30 décembre 2014, auprès de la compagnie ELITE INSURANCE sous le numéro DEC-ELI-003561 ;-Constater que le type d'ouvrage construit par la société ALBIOMA LE GOL est exclu du périmètre des garanties délivrées par la compagnie CASUALTY AND GENERAL INSURANCE COMPANY EUROPE LIMITED ;-Constater que la société TOUS TRAVAUX SPÉCIAUX est intervenue au titre de travaux de dallage de type industriel.En conséquence-Dire et juger que la garantie de responsabilité civile décennale de la police délivrée par la compagnie CASUALTY AND GENERAL INSURANCE COMPANY EUROPE LIMITED à la société TOUS TRAVAUX SPÉCIAUX n'est pas mobilisable ;-Débouter la société ALBIOMA LE GOL et la société FEDT DARWIN CONCEPT de leurs demandes fins et conclusions dirigées à l'encontre de la compagnie CASUALTY AND GENERAL INSURANCE COMPANY EUROPE LIMITED ;-Prononcer la mise hors de cause de la compagnie CASUALTY AND GENERAL INSURANCE COMPANY EUROPE LIMITED ;-Dire et juger qu'en tout état de cause, l'ouvrage n'étant pas soumis à l'obligation d'assurance, la compagnie CASUALTY AND GENERAL INSURANCE COMPANY EUROPE LIMITED est bien fondée à faire application des plafonds de garantie stipulés dans la police souscrite par la société TOUS TRAVAUX SPÉCIAUX et les franchises ;-Dire et juger que le plafond de garantie a été fixé à un montant de 150.000 € et la franchise contractuelle a été fixée à un montant de 5.000 €.A titre subsidiaire : sur l'appréciation du rapport d'expertise-Dire et juger que les événements climatiques survenus concomitamment à la survenance du sinistre sont une cause exonératoire de la responsabilité de la société TOUS TRAVAUX SPÉCIAUX ;-Dire et juger que les agissements de la société ALBIOMA LE GOL constituent une immixtion fautive, en sa qualité de maître d'ouvrage, exonératoire de toute responsabilité de la société TOUS TRAVAUX SPÉCIAUX-Dire et juger que la société TOUS TRAVAUX SPÉCIAUX n'a commis aucune faute en lien de causalité avec la survenance des désordres allégués par la société ALBIOMA LE GOL ;-Dire et juger que l'Expert judiciaire n'a pas caractérisé la nature décennale des désordres.En conséquence-Débouter la société ALBIOMA LE GOL et la société FEDT DARWIN CONCEPT de leurs demandes fins et conclusions dirigées à l'encontre de la compagnie CASUALTY AND GENERAL INSURANCE COMPANY EUROPE LIMITED en sa qualité d'assureur de la société TOUS TRAVAUX SPÉCIAUX;-Prononcer la mise hors de cause de la compagnie CASUALTY AND GENERAL INSURANCE COMPANY EUROPE LIMITED en sa qualité d'assureur de la société TOUS TRAVAUX SPÉCIAUX.A titre subsidiaire : sur les appels en garantieSur la confirmation du jugement-Dire et juger que la responsabilité de la société ALBIOMA LE GOL est engagée à hauteur de 50 % du montant du sinistre eu égard à l'importance des fautes commises par cette dernière.Et statuant de nouveau-Dire et juger que la responsabilité de la société FEDT est engagée à hauteur de 40 % du montant du sinistre eu égard à l'importance des fautes commises par cette dernière ;-Dire et juger que la responsabilité de la société TOUS TRAVAUX SPÉCIAUX ne saurait excéder 10 % du montant du sinistre.En tout état de cause,-Condamner in solidum la société ALBIOMA LE GOL et la société FEDT DARWIN CONCEPT à payer à la compagnie CASUALTY AND GENERAL INSURANCE COMPANY EUROPE LIMITED la somme de 20.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;-Condamner in solidum la société ALBIOMA LE GOL et la société FEDT DARWIN CONCEPT aux dépens de l'instance dont distraction au profit Maître Caroline BOBTCHEFF, qui en assurera le recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. La CGICE sollicite la réformation du jugement en ce qu'il a jugé que sa garantie était mobilisable.Elle fait observer que le maître de l'ouvrage ne peut à la fois soutenir que la prestation réalisée par la société TTS ne relève pas de la catégorie « génie civil » pour ne pas se voir opposer le plafond de garantie et la franchise stipulés dans la police d'assurance et, en même temps, soutenir que la prestation réalisée par la société TTS relève de la catégorie « génie civil » pour ne pas se voir opposer une exclusion de garantie.Elle soutient que si l'ouvrage réalisé par TTS relevait des garanties obligatoires, les dallages de type industriel ou commercial seraient exclus des garanties et que les conditions de mise en oeuvre de la garantie ne seraient pas réunies dés lors qu'il n'est pas rapporté la preuve que la DOC soit postérieure au 1er janvier 2014 et qu'elle soit intervenue pendant la durée de validité des garanties de CGICE.Elle fait valoir que les travaux de remblais et de dallage réalisés par la société TTS sont des éléments constitutifs de la centrale de traitement des eaux industrielles et de ruissellement qui est elle même un ouvrage de génie civil qui est exclu de la garantie obligatoire. La CGICE soutient que s'agissant d'une garantie facultative, les limitations de garantie sont applicables.Elle relève à ce titre le fait que :- la police d'assurance a été résiliée le 30 décembre 2014 pour non paiement de primes et que l'assureur Elite auprès de laquelle la société TTS avait souscrit une nouvelle garantie est susceptible de voir sa garantie mobilisée ;-la police d'assurance facultative prévoyait un plafond de garantie de 150 000 euros et une franchise de 5000 euros.Elle fait observer que l'expert judiciaire n'a pas caractérisé la nature décennale des désordres.CGICE soutient que la responsabilité de sa société TTS ne saurait être retenue en l'absence de faute en lien de causalité avec la survenance des désordres allégués, tenant les événements climatiques survenus entre décembre 2014 et mars 2015, les agissements de la société ALBIOMA LE GOL constituant une immixtion fautive, en sa qualité de maître d'ouvrage et les insuffisances de la maîtrise d'oeuvre qui n'a pas vérifié les compétences de TTS pour ce type d'ouvrage et qui n'a pas assuré un suivi d'exécution des travaux. Dans ses conclusions notifiées par RPVA le 17 décembre 2018, le Bureau d'Etudes FEDT DARWIN CONCEPT demande à la cour :-Confirmer le Jugement entrepris en ce qu'il a retenu la garantie de la compagnie CASUALTY & GENERAL INSURANCE COMPANY EUROPE LIMITED en qualité d'assureur de la société TTS ;-Recevant le Bureau d'Études FEDT en son appel incident et reformant le jugement entrepris ;-Vu la mission limitée du Bureau d'Études FEDT au dimensionnement des ouvrages en béton armé sans aucune mission relative à leur exécution,-Vu la cause directe et exclusive des désordres tenant à l'effondrement des remblais portant le radier,-Vu de plus fort l'absence de toute causalité entre le seul grief retenu par l'Expert à l'encontre des plans d'exécution du Bureau d'Études FEDT d'un appui différentiel du radier alors que dans tous les cas il est démontré que les désordres se seraient produits même sans l'appui reproché à l'Ingénieur béton, compte tenu de l'effondrement des remblais et qu'à l'inverse aucun élément ne permet de dire qu'il y aurait eu des désordres si les remblais avaient été exécutés conformément aux prescriptions du CCTP et non détruits par des venues d'eau et n'avaient donc subi que le tassement attendu intégré aux calculs,-Débouter la SOCIÉTÉ ALBIOMA LE GOL de ses demandes en tant que dirigées à l'encontre de la société FEDT qui devra être mise totalement hors de cause ;-Débouter la société CASUALTY & GENERAL INSURANCE COMPANY EUROPE LIMITED de son appel en garantie parfaitement injustifié à l'encontre de la société FEDT ;-Subsidiairement et si par impossible une condamnation devait malgré tout être maintenue à l'encontre de la société FEDT ;Vu les fautes de la société TTS dans l'exécution des remblais supports de la dalle,Vu de plus fort la garantie due par son assureur la société CASUALTY & GENERAL INSURANCE COMPANY EUROPE LIMITED ;Vu l'intervention directe de la société ALBIOMA LE GOL dans les travaux de remblaiement et sa responsabilité propre dans la non-protection du remblai aux ravinements extérieurs, sans intervention d'un maître d'oeuvre ni d'un géotechnicien,-Condamner la société CASUALTY & GENERAL INSURANCE COMPANY EUROPE LIMITED et la société ALBIOMA à relever et garantir indemne la société FEDT ;-Condamner la société CASUALTY & GENERAL INSURANCE COMPANY EUROPE LIMITED au paiement d'une somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du CPC, ainsi qu'aux entiers dépens distraits au profit de Maître Laurent PAYEN. La société FEDT sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné la société CGICE en sa qualité d'assureur de la société TTS et la réformation du jugement en ce qu'il l'a condamnée à hauteur de 10% des désordres.La société FEDT relève que Casualty soulève pour la première fois en appel que l'ouvrage réalisé par TTS ne relèverait pas de l'obligation d'assurance au titre de l'article L243-1 du code des assurances toute en soulignant que dans tous les cas de figure que cet ouvrage relève de la responsabilité décennale de l'entreprise, que les désordres relevés portent atteinte à la solidité et à la destination de l'ouvrage ; que TTS a contracté une assurance relevant de l'article L243-1-1 du code des assurances, que le fait que Casualty ne soit plus l'assureur à la date de la réclamation est inopérant au regard de la police d'assurance souscrite.Elle soutient que si la DOC n'a pas été communiquée, il est établi que le marché de la société TTS a été signé en juillet 2014, que la garantie souscrite par TTS auprès de son assureur pour l'année 2014 est parfaitement mobilisable dés lors que le marché s'inscrivait dans le cadre de la garantie souscrite auprès de Casualty pour l'année 2014.Elle relève que l'assureur de TTS ne saurait soutenir que les travaux seraient exclus des activités garanties dés lors qu'une garantie au titre des " activités, travaux réalisés dans le domaine des travaux publics et de génie civil" a été souscrite. La société FEDT qui conteste toute implication dans la survenance des désordres soutient que les remblais se sont affaissés sous leur poids propre et non du fait de la contrainte apportée par le radier, que la cause technique des désordres est imputable à l'absence de maîtrise des eaux pluviales ayant entraîné un lessivage des remblais dont l'exécution était non conforme aux règles de l'art.Elle fait valoir que :-elle a procédé à l'établissement des plans d'exécution des ouvrages en béton armé sur la base d'hypothèses de portance du remblai technique données par le maître d'ouvrage et en toute hypothèse du remblai technique conforme aux règles de l'art;- le fait d'avoir appuyé le radier qui est une dalle très rigide sur des remblais de grande hauteur et partiellement sur une tête de voile plus rigide que le reste de l'ouvrage relevait de la conception générale de l'ouvrage par la société ALBIOMA qui avait fourni les plans guide;- elle était chargée des calculs et plans d'exécution et elle n'avait pas à préconiser sur ses plans béton de recommandations particulières concernant le traitement des remblais;- elle s'appuyait dans ses calculs de déformation de la dalle sur les hypothèses fournies par la géotechnicien et les plans guide;-sa responsabilité ne saurait être recherchée au titre du calcul théorique de déformation de la dalle par-rapport aux paramètres de sol d'un remblai normalement compacté alors qu'en pratique ce remblai avait subi des tassements aussi imprévisibles qu'imprévus de plus de 15 cm pour lesquels aucune dalle n'aurait pu résister, à la fois du fait de la mauvaise constitution du radier et de causes extérieures liées à des venues d'eau non maîtrisées et provenant d'événements climatiques exceptionnels;-elle ne peut pas être concernée par la qualité d'exécution du remblai technique qu'il soit contigu ou non quelque soit sa hauteur;-il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir donné des indications sur la nature du remblai et des préconisations pour sa réalisation au titre d'un prétendu rôle de conseil dans la mesure où les informations concernant l'exécution de ces remblais étaient contenues à la fois dans le descriptif du lot rédigé par le concepteur et dans les prescriptions du géotechnicien. Elle fait valoir s'agissant de l'appel en garantie diligenté par Casualty sur le fondement de l'article 1240 du code civil qu'aucune faute causale n'est donc valablement invoquée par CASUALTY à son encontre et qu'elle ne pourra être dans tous les cas condamnée à garantir CASUALTY en quelque mesure que ce soit. Dans ses conclusions notifiées par RPVA le 17 mai 2019, la société ALBIOMA LE GOL demande à la cour au vu du rapport d'expertise du 23 mars 2016 et au visa des articles 1792 du code civil et L124-3 du code des assurances de :-Rejeter toutes les demandes, ns et conclusions présentées par les sociétés FEDT DARWIN CONCEPT, et CASUALTY & GENERAL INSURANCE COMPANY EUROPE LIMITED ;-Confirmer en tous ces points le jugement rendu par le Tribunal mixte de commerce de Saint-Pierre le 20 février 2018, soit :- Condamner la société FEDT DARWIN CONCEPT à payer à la société ALBIOMA LE GOL la somme de 155.692,90 € assortie des intérêts de retard au taux légal à compter du 20 février 2018 ;- Dire que les intérêts échus dus au moins pour une année à compter du 20 février 2018 porteront intérêt ;- Condamner la société CASUALTY & GENERAL INSURANCE COMPANY EUROPE LIMITED à payer à la société ALBIOMA LE GOL la somme de 622.771,60 € assortie des intérêts de retard au taux légal à compter du 20 février 2018 ;- Dire que les intérêts échus dus au moins pour une année à compter du 20 février 2018 porteront intérêt ;- Condamner la société FEDT DARWIN CONCEPT à payer à la société ALBIOMA LE GOL la somme de 2.030,10 € au titre des frais d'expertise ;- Condamner la compagnie CASUALTY & GENERAL INSURANCE COMPANY EUROPE LIMITED à payer à la société ALBIOMA LE GOL la somme de 8.120,40 € au titre des frais d'expertise ;En tout état de cause,-Condamner la société FEDT DARWIN CONCEPT à payer à la société ALBIOMA LE GOL la somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;- Condamner la compagnie CASUALITÉ & GENERAL INSURANCE COMPANY EUROPE LIMITED à payer à la société ALBIOMA LE GOL la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;-Condamner la société FEDT DARWIN CONCEPT et la compagnie CASUALITÉ & GENERAL INSURANCE COMPANY EUROPE LIMITED aux entiers dépens. La société ALBIOMA qui reconnaît sa responsabilité dans la survenance des désordres et qui ne conteste pas la part de responsabilité qui lui a été imputée par l'expert judiciaire soutient que la responsabilité de la société TTS est pleinement engagée et que cette dernière ne saurait, pour s'exonérer de sa responsabilité, invoquer des conditions climatiques qui ne revêtent pas en l'espèce, les caractéristiques de la force majeure et qui sont étrangères à la qualité du remblai réalisé par la société TTS que l'Expert Judiciaire qualifie d' « extrêmement mauvaise».Selon la société ALBIOMA, les travaux de radier et de remblai con és à la société TTS sont soumis à une obligation d'assurance et ne relèveraient pas de la garantie facultative de responsabilité afférente aux ouvrages de Génie civil non soumis à l'obligation d'assurance délivrée par la compagnie CGICE sous le no de police 0269226, dés lors que :-ils ne constituent pas en eux-mêmes l'ouvrage de traitement des effluents,-ils ne sont pas non plus des éléments constitutifs de ce type d'ouvrage dans la mesure où ils en sont parfaitement dissociables et qu'ils auraient pu tout aussi bien accueillir d'autres types d'ouvrages. Elle fait valoir que la garantie obligatoire de responsabilité décennale est mobilisable dés lors que :- l'exclusion de l'activité de dallage de type industriel ou commercial citée par la société CGICE ne gure pas dans la Catégorie Génie Civil,- la réalisation du remblai est comprise dans l'activité garantie par la Police d'Assurance au titre de la Catégorie Bâtiment,- le début du chantier est nécessairement postérieur au 1er janvier 2014, et ainsi à la prise d'effet du contrat d'assurance, l'absence de DOC important peu. Selon la société ALBIOMA,les limitations de garantie lui sont dés lors inopposables. La société ALBIOMA soutient que les arguments soulevés par la société FEDT pour se soustraire à sa responsabilité sont inopérants. * * * Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il convient de se reporter à leurs écritures ci-dessus visées figurant au dossier de la procédure en application de l'article 455 du code de procédure civile. MOTIFS A titre liminaire, il convient de rappeler que les demandes de constatations ou de dire et juger ne saisissent pas la cour de prétentions au sens des articles 4 et 954 du Code de procédure civile, de sorte qu'il n'y a pas lieu de se prononcer sur ces points. Sur l'ouvrage : Le litige concerne la réalisation d'une unité complète de traitement des eaux pluviales et industrielles d'une centrale thermique, installation classée pour l'environnement, située sur la commune de [Localité 4]. Sur les qualités des parties : La société ALBIOMA LE GOL (ALBIOMA) est la propriétaire et l'exploitante de la centrale thermique. Elle a engagé des travaux aux fins de réalisation d'une unité complète de traitement des eaux pluviales et industrielles et revêt à ce titre la qualité de maître De l'ouvrage. Le 28 janvier 2013, la société ALBIOMA a con é à la société ANTEA, société de conseil et d'ingénierie spécialisée, notamment, dans le traitement et la gestion des eaux usées en milieu industriel. une mission de maîtrise d'oeuvre de conception (phases APS, AVP, PRO, DCE-ACT et VISA) des unités de traitement des eaux de sa centrale. Le 23 décembre 2013, la société ALBIOMA, a conclu avec la société ETCI spécialisée dans le domaine du traitement des effluents liquides industriels.un contrat de réalisation « clé en mains » d'une unité complète de traitement des eaux pluviales et industrielles pour la centrale du Gol.Les sociétés ANTEA et ETCI n'ont pas été appelées dans la cause . Par bon de commande en date du 24 avril 2014,la société FEDT DARWIN CONCEPT (FEDT ) s'est vue confier en sa qualité de bureau d'études l'élaboration des plans d'exécution béton armé, coffrage et ferraillage de la dalle effluents ALG moyennant un prix de 7.800 euros HT. Par bon de commande en date du 8 juillet 2014, la société TOUS TRAVAUX SPECIAUX (TTS ) s'est vue confier par ALBIOMA la réalisation d'une dalle en béton, moyennant un prix de 407.933,28 euros HT. Sur la réception des travaux : La réception des travaux a été prononcée le 05 décembre 2014 sans réserve. Sur les désordres : Les désordres concernent : - le radier prévu pour accueillir les deux filières de traitement, eaux industrielles et eaux de ruissellement comportant les pompes alimentation coagulation, la cuve de coagulation - traitement eaux pluviales, la cuve de floculation-traitement eaux pluviales, la décantation lamellaire ; - traitement eaux pluviales, la cuve de reprise - traitement eaux pluviales, le traitement final pour réutilisation-traitement eaux pluviales, la cuve de reprise- traitement eaux industrielles, le traitement final pour réutilisation-traitement eaux industrielles ; - deux ouvrages de dimensions modestes, bassin tampon eaux industrielles et by-pass eaux industrielles.L'expert judiciaire a relevé :- des déformations du radier avec des affaissements de plusieurs dizaines de centimètres pour des surfaces qui devraient être parfaitement horizontales ;- des tassements du trop plein-by-pass eaux industrielles ayant entraîné son basculement et la dissociation de son bassin d'alimentation ;L'expert a noté qu'à l'exception du bassin, chaque ouvrage de génie civil présente des désordres, liés à des tassements. L'expert a constaté que le radier qui supporte les installations de traitement proprement et le by pass sont affectés de défauts majeurs les rendant inutilisables en l'état, exposant les équipements à un risque de rupture.Les désordres ont pour origine un phénomène de tassement des remblais sous les ouvrages liés à la mauvaise qualité des remblais et à un défaut de conception de l'ouvrage radier. L'expert a retenu les responsabilités suivantes :-50% pour la société ALBIOMA ;-40% pour la société 'TTS ;-10% pour la société FEDT. Le préjudice lié au sinistre a été évalué à la somme de 1.666.429 euros étant précisé que cette estimation doit être ramenée à 1 556 929 euros, l'expert ayant comptabilisé à deux reprises une somme de 109.500 euros .L'expert n'a pas identifié de responsabilité de l'entreprise ETCI chargée du process et de l'entreprise ANTEA dans la mesure où elle n'avait pas réalisé de maîtrise d'oeuvre d'exécution , la rédaction des cahiers des charges pour les travaux de génie civil, le projet de conception pour le génie civil , ni même l'avant projet et qu'elle n'était pas à l'origine du choix de l'entreprise. Sur les responsabilités : Aux termes de l'article 1792 du code civil, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère. L'article 1792-1 du même code prévoit qu'est réputé constructeur de l'ouvrage:1o Tout architecte, entrepreneur, technicien ou autre personne liée au maître de l'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage ;2o Toute personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu'elle a construit ou fait construire ;3o Toute personne qui, bien qu'agissant en qualité de mandataire du propriétaire de l'ouvrage, accomplit une mission assimilable à celle d'un locateur d'ouvrage. Selon les dispositions de l'article 1792-6 du même code, la réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves. Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente, soit à l'amiable, soit à défaut judiciairement. Elle est, en tout état de cause, prononcée contradictoirement. Sur le caractère décennal des désordres : L'expert judiciaire a pu constater que le radier présentait des défauts majeurs et considérables, que ce qui devrait être une assise horizontale, avec des tolérances de niveau de l'ordre de 5 millimètres, était lors des constatations une structure qui s'était affaissée de plusieurs dizaines de centimètres. Les installations avaient été démontées dans le but de les sauvegarder, les déformations du radier ne permettant plus aux ouvrages de fonctionner normalement et risquant de provoquer des déformations voire des ruptures dans ces équipements. Le radier en l'état était inadapté à accueillir les filières de traitement des eaux pluviales et des eaux industrielles.A l'exception du bassin, chaque ouvrage de génie civil présentait des défauts importants liés à des tassements. Pour le radier qui supportait les installations de traitement proprement dites, les défauts étaient majeurs. L'ouvrage n'était pas utilisable en l'état et nécessitait des travaux de réparation lourds.Il relève que pour le by-pass, les défauts étaient également majeurs et nécessitaient également des réparations lourdes.En l'espèce, les désordres sont de nature décennale dans la mesure ou ils portent atteinte à la solidité de l'ouvrage et le rendent impropre à sa destination . Sur la responsabilité de ALBIOMA : La société ALBIOMA, maître de l'ouvrage, n'a pas contesté la part de responsabilité qui lui a été imputée dans la survenance des désordres à proportion de 50%. Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a retenu à son encontre une part de responsabilité de 50 %. Sur les appels en garantie Sur la responsabilité de la société TTS : La société TTS est, en sa qualité de constructeur au sens de l'article 1792 du code civil, soumise à une responsabilité de plein droit sauf à démontrer que les dommages proviennent d'une cause étrangère.L'expert relève, s'agissant des remblais, que les tassements différentiels sont très importants et tout à fait anormaux pour un remblai technique convenablement réalisé ( de l'ordre de 20 cm le 11 mars) que les caractéristiques du remblai sont tellement mauvaises que, sans parler de tassements, la limite de rupture est atteinte ou susceptible de l'être entre 2 et 3 mètres ( en cumulant le poids propre du radier et des installations, les charges d'exploitation, l'eau en phase traitement et le poids propre du remblai qui se trouve au-dessus).L'expert judiciaire souligne que « l'entreprise TTS ne peut ignorer que le remblai doit servir de fondation à des ouvrages. Elle sait qu'elle réalise un remblai technique pour des ouvrages en béton armé qu'elle réalisera. Elle connaît l'usage de ces ouvrages dans la mesure où cet usage est mentionné dans son devis. ». L'expert considère que la mauvaise qualité des remblais est à l'origine des tassements même si les pluies ont pu largement participer à l'accélération des tassements des remblais dont les caractéristiques sont « tellement mauvaises ».S'agissant précisément du by-pass, l'expert indique que les tassements ne sont pas liés aux eaux de ruissellement, que seule la qualité du remblai peut être mise en cause pour expliquer les tassements aussi importants ( plusieurs centimètres pour à peine deux mètres de remblai) et que les armatures de liaison entre le bassin tampon et eaux industrielles à gauche et by-pass à droite semblent avoir été oubliées. L'ouverture entre les deux structures montre l'absence des armatures prévues. Il résulte de l'expertise que l'exécution défectueuse des travaux à la charge de la société TTS est une des causes principales de la survenance des désordres. L'entreprise TTS, professionnelle du bâtiment et des travaux publics et génie civil ne saurait s'exonérer de sa responsabilité en invoquant ses propres insuffisances ou les conditions climatiques qui ne revêtent pas en l'espèce, les caractéristiques de la force majeure. L'ensemble des défaillances telles que constatées par l'expert judiciaire relèvent de la sphère d'intervention de TTS dont la responsabilité dans la survenance des désordres est démontrée.La société TTS sera tenue à hauteur de 30 % des dommages à savoir 467 078,70 euros.Ce partage de responsabilité est opposable à son assureur, à la société ALBIOMA en sa qualité de maître de l'ouvrage et à la société FEDT.Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a retenu une part de responsabilité de 40 % à l'encontre de la société TTS et condamné son assureur au paiement de la somme de 622 771,60 euros. Sur la responsabilité du bureau d'études FEDT : Conformément a l'article 1792-1 du code civil :« Est réputé constructeur de l'ouvrage :1o Tout architecte, entrepreneur, technicien ou autre personne liée au maître de l'ouvrage par un contrat de louage d'ouvrage ;2o Toute personne qui vend, après achèvement, un ouvrage qu'elle a construit ou fait construire ;3o Toute personne qui, bien qu'agissant en qualité de mandataire du propriétaire de l'ouvrage, accomplit une mission assimilable de celle d'un locateur d'ouvrage. » L'expert relève dans son rapport que le bureau d'études en charge des études d'exécution a commis une erreur manifeste en faisant le choix d'utiliser comme appui pour un radier une tête de voile très rigide alors que le reste de l'ouvrage reposait sur des remblais de grande hauteur (7m par endroits) réalisés dans des conditions particulièrement difficiles (contigus). Il souligne que le bureau d'études est un sachant qui a une vision d'ensemble du projet , qui aurait du alerter son client ALBIOMA sur un projet qui, du fait de l'organisation mise en place, « avait toutes les chances d'aller dans le mur ».« Cette conception, qui n'était pas dictée par les plans guide, déroge à une règle assez élémentaire de conception de fondations qui consiste à éviter des modes de fondations distincts pour un même ouvrage, à éviter plus encore ce mélange lors qu'à l'évidence les deux fondations n'auront pas les mêmes tassements et que l'ouvrage est rigide et mal adapté à subir des tassements différentiels.Cependant, pour ce dernier point, si le remblai avait été de très bonne qualité, les conséquences de cette erreur se seraient probablement limitées à une fissuration du radier et quelques fausses pentes qui n'auraient pas conduit à rendre l'ouvrage inutilisable. » ; La société FEDT, bureau d'études ne saurait, en sa qualité de sachant, s'exonérer de sa responsabilité en invoquant la mauvaise constitution du radier dès lors qu'elle était chargée de l'élaboration des plans d'exécution béton armé, coffrage et ferraillage de la dalle effluents ALG, qu'elle était informée de l'importance des remblais qui présentaient des hauteurs variables et que l'expert a relevé l'absence d'indications sur les plans relatives à l'aspect délicat de la mise en oeuvre de ces remblais du fait de la conception adoptée et de préconisations relatives aux remblais et aux remblais contigus en particulier .La société FEDT, ne saurait de la même façon invoquer des conditions climatiques qui ne revêtent pas en l'espèce, les caractéristiques de la force majeure et qui sont étrangères à la qualité du remblai réalisé par la société TTS que l'Expert Judiciaire qualifie d' « extrêmement mauvaise». La responsabilité de la société FEDT sera retenue à hauteur de 20 % des dommages. Ce partage de responsabilité est opposable à la compagnie CGICE assureur de TTS et à la société ALBIOMA.La société FEDT sera condamnée au paiement de la somme de 311 385,80 euros. Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a retenu une part de responsabilité de 10 % à l'encontre de la société FEDT et condamné cette dernière au paiement de la somme de 155.692,90 euros. Sur la garantie de la compagnie CGICE assureur de TTS : L'article L241-1 du code des assurances dans sa version applicable au litige stipule que : « Toute personne physique ou morale, dont la responsabilité décennale peut être engagée sur le fondement de la présomption établie par les articles 1792 et suivants du code civil, doit être couverte par une assurance.A l'ouverture de tout chantier, elle doit être en mesure de justifier qu'elle a souscrit un contrat d'assurance la couvrant pour cette responsabilité.Tout contrat d'assurance souscrit en vertu du présent article est, nonobstant toute stipulation contraire, réputé comporter une clause assurant le maintien de la garantie pour la durée de la responsabilité décennale pesant sur la personne assujettie à l'obligation d'assurance. ». Selon les termes de l'article L243-3-1-1 du code des assurances dans sa version applicable au litige« Ne sont pas soumis aux obligations d'assurance édictées par les articles L. 241-1, L. 241-2, et L. 242-1 les ouvrages maritimes, lacustres, fluviaux, les ouvrages d'infrastructures routières, portuaires, aéroportuaires, héliportuaires, ferroviaires, les ouvrages de traitement de résidus urbains, de déchets industriels et d'effluents, ainsi que les éléments d'équipement de l'un ou l'autre de ces ouvrages.Les voiries, les ouvrages piétonniers, les parcs de stationnement, les réseaux divers, les canalisations, les lignes ou câbles et leurs supports, les ouvrages de transport, de production, de stockage et de distribution d'énergie, les ouvrages de stockage et de traitement de solides en vrac, de fluides et liquides, les ouvrages de télécommunications, les ouvrages sportifs non couverts, ainsi que leurs éléments d'équipement, sont également exclus des obligations d'assurance mentionnées au premier alinéa, sauf si l'ouvrage ou l'élément d'équipement est accessoire à un ouvrage soumis à ces obligations d'assurance.II.-Ces obligations d'assurance ne sont pas applicables aux ouvrages existants avant l'ouverture du chantier, à l'exception de ceux qui, totalement incorporés dans l'ouvrage neuf, en deviennent techniquement indivisibles. ». Sur la garantie mobilisable : Il résulte, tant de l'attestation d'assurance que des polices d'assurances qui ont été communiquées par l'assureur, que la société TTS a contracté auprès de la compagnie CGICE deux polices d'assurance responsabilité décennale.La première concerne la garantie des travaux de réparation soumis à l'obligation d'assurance décennale et la seconde, dite de génie civil, garantit les dommages de nature décennale causés aux ouvrages exclus de l'obligation d'assurance. L'unité complète de traitement des eaux pluviales et industrielles d'une centrale thermique est un ouvrage de génie civil ne relevant pas des ouvrages soumis à une obligation légale d'assurance aux termes de l'article L243-3-1-1 du code des assurances. Dès lors, le radier en béton destiné à accueillir les deux filières de traitement, eaux industrielles et eaux de ruissellement qui en est un élément constitutif ne relève pas des ouvrages soumis à une obligation légale d'assurance aux termes de l'article L243-3-1-1 du code des assurances . Il sera toutefois relevé que la société TTS a contracté une garantie facultative garantissant sa responsabilité décennale pour les ouvrages non soumis à garantie obligatoire auprès de la compagnie CGICE sous le no de police 0269226. Dés lors, la garantie contractée pour les ouvrages non soumis à garantie obligatoire auprès de la compagnie CGICE sous le no de police 0269226 a lieu de s'appliquer dés lors que les désordres constatés par l'expert judiciaire sont de nature décennale et compromettent la solidité et la destination des ouvrages. Sur les limites de la garantie tenant à la résiliation du contrat d'assurance responsabilité décennale : L'assureur produit copie de la mise en demeure de paiement des primes adressée le 21 novembre 2014 en recommandé précisant « faute de règlement de cette somme dans les prochains jours, votre garantie sera suspendue à partir du 20 /12/2014 puis résilié le 30/12/2014 ». Il sera toutefois rappelé qu'en application des dispositions de l'article L124-5 du code des assurances dans sa version applicable au litige, la garantie déclenchée par le fait dommageable couvre l'assuré contre les conséquences pécuniaires des sinistres, dès lors que le fait dommageable survient entre la prise d'effet initiale de la garantie et sa date de résiliation ou d'expiration, quelle que soit la date des autres éléments constitutifs du sinistre.De son côté, l'article R. 124-2 du Code des assurances ajoute :« Le délai subséquent des garanties déclenchées par la réclamation mentionnée aux quatrième et cinquième alinéas de l'article L. 124-5 ne peut être inférieur à dix ans lorsque l'assuré, personne physique ou morale :I. – Exerce l'une des professions suivantes : (...)8o Constructeur d'un ouvrage mentionné aux articles L. 231-1 du Code de la construction et de l'habitation et 1646-1, 1792-1, 1831-1 du Code civil, ainsi que ses sous-traitants ». L'article 303 Durée et maintien de la garantie figurant à l'intercalaire Garantie décennale dite de Génie Civil stipule que « la garantie est déclenchée par la réclamation conformément à l'article 124-5 du code des assurances. La garantie s'applique dès lors que le fait dommageable est survenu pendant la période de validité de la garantie et que la première réclamation est adressé à l'assuré aux assureurs entre la prise d'effet initiale de la garantie et son expiration. (?)La garantie s‘applique aux dommages connu de l'Assuré postérieurement à Ia date de résiliation ou d'expiration à la condition que, au moment ou l‘Assuré a eu connaissance de ce fait dommageable, cette garantie n'a pas été resouscrite. A ce titre, L'Assuré dispose d'un délai de 5 ans, subséquent à la date de résiliation du contrat, sauf pour professions précisées dans le décret numéro 2004-1284 du 26 novembre 2004. ». En l'espèce, il y a lieu de constater que la cause génératrice du dommage nécessaire à la mise en oeuvre de la garantie est constituée par les travaux qui ont été réalisés et réceptionnés avant que ne survienne la résiliation du contrat d'assurance le 30 décembre 2014. Les premiers désordres sont survenus courant janvier 2015 et les réclamations ont été adressées à l'entreprise TTS et à son assureur CGICE dans les délais subséquents de garantie tels que prévus par les articles L124-5 et R. 124-2 du Code des assurances. La souscription par TTS en 2015 d'une nouvelle police d'assurance auprès d'une autre compagnie d'assurance est inopérante dès lors que la garantie souscrite auprès de Elite Insurance n'est pas de même nature, s'agissant en l'espèce d'une assurance de responsabilité décennale obligatoire relative aux ouvrages soumis à une obligation de garantie. Dès lors, la garantie contractée auprès de la compagnie CGICE sous le no de police 0269226, peut être mise en jeu. Sur le plafond de garantie et la franchise : Il résulte de l'article 4.3 des Conditions Particulières de la Police d'Assurance que la garantie délivrée par la compagnie CGICE sous le no de police 0269226 est soumise à une limitation de plafond de 150 000 euros et qu'une franchise de 5000 euros est prévue .S'agissant d'une garantie facultative de responsabilité afférente aux ouvrages de Génie civil, le plafond de garantie de 150 000 euros comme la franchise de 5000 euros prévus par la police d'assurance no0269226 sont opposables au maître de l'ouvrage.La compagnie CGICE est bien fondée à opposer à la société ALBIOMA LE GOL et à la société FEDT DARWIN CONCEPT le plafond de garantie ainsi que la franchise stipulée dans la police.Dans ces conditions, le jugement querellé doit être réformé en ce qu'il a considéré que les ouvrages réalisés par la société TTS relevaient de l'obligation d'assurance, que la garantie des travaux de réparation soumis à l'obligation d'assurance décennale était mobilisée et condamné la compagnie CGICE au titre de la à payer à la société ALBIOMA LE GOL la somme de 622.771,60 € Sur les autres demandes : Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a condamné au titre de l'article 700 du code de procédure civile la société FEDT Darwin Concept à payer la somme de 5.000 € et la société CASUALTY GENERAL INSURANCE COMPANY la somme de 10.000 euros à la société ALBIOMA LE GOL ainsi qu' aux dépens. Le montant des frais d'expertise s'élevant à la somme de 20.301 euros et tenant le partage de responsabilités retenu, il convient de condamner la compagnie CGICE au paiement de la somme de 6.090,30 euros et la société FEDT à la somme de 4.060, 20 euros. Le jugement déféré sera infirmé sur ce point. Les sociétés ALBIOMA LE GOL, FEDT Darwin Concept et CASUALTY & GENERAL INSURANCE COMPANY sont déboutées de leurs demandes respectives de condamnations aux frais irrépétibles. Les sociétés FEDT Darwin Concept et CASUALTY & GENERAL INSURANCE COMPANY sont condamnées au dépens d'appel. PAR CES MOTIFS La cour statuant publiquement, contradictoirement, en matière commerciale, par mise à disposition au greffe conformément à l'article 451 alinéa 2 du code de procédure civile ; INFIRME le jugement en ce qu'il a : -Condamné la société FEDT Darwin Concept à payer à la société ALBIOMA LE GOL la somme 155 692,90 €, assortie des intérêts de retard au taux légal à compter de la présente assignation et dit que les intérêts échus dus au moins pour une année à compter de la présente assignation, porteront intérêt ;-Condamné la société CASUALTY & GENERAL INSURANCE COMPANY à payer à la société ALBIOMA LE GOL la somme de 622.771,60 € assortie des intérêts de retard au taux légal à compter de la présente assignation et dit que les intérêts échus dus au moins pour une année à compter de la présente assignation, porteront intérêt ;-Condamné la société FEDT Darwin Concept à payer à la société ALBlOMA LE GOL la somme de 2.030,10 € au titre des frais d'expertise ;-Condamné la société CASUALTY & GENERAL INSURANCE COMPANY à payer à la société ALBIOMA LE GOL la somme de 8.120,40 € au titre des frais d'expertise ; CONFIRME le jugement pour le surplus. Statuant à nouveau et y ajoutant : DIT que les désordres affectant l'unité de traitement des effluents sont de nature décennale ; FIXE les responsabilités selon le partage de responsabilité suivant :-La société ALBIOMA : 50 %-La société TTS : 30 %-La société FEDT Darwin Concept : 20 % ; DIT que les travaux confiés à la société TTS ne relèvent pas de la garantie obligatoire de responsabilité ; DIT que la garantie facultative de responsabilité afférente aux ouvrages de génie civil, contractée par la société TTS auprès de la société CASUALTY & GENERAL INSURANCE COMPANY sous le numéro de police d'assurance no0269226 doit être mobilisée ; DIT que le plafond de garantie de 150.000 euros ainsi que la franchise de 5000 euros stipulés dans la garantie facultative de responsabilité afférente aux ouvrages de génie civil, au titre de la police d'assurance no0269226 contractée par la société TTS auprès de la société CASUALTY & GENERAL INSURANCE COMPANY sont opposables à la société ALBIOMA LE GOL et à la société FEDT Darwin Concept ; CONDAMNE la société CASUALTY & GENERAL INSURANCE COMPANY à payer à la société ALBIOMA LE GOL la somme de 145.000 euros ; DIT que ladite condamnation est assortie des intérêts de retard au taux légal à compter de l' assignation ; DIT que les intérêts échus dus au moins pour une année à compter de la présente assignation, porteront intérêt ; DIT que ladite condamnation est assortie des intérêts de retard au taux légal à compter de l' assignation ; DIT que les intérêts échus dus au moins pour une année à compter de la présente assignation, porteront intérêt ; CONDAMNE la société CASUALTY & GENERAL INSURANCE COMPANY à payer à la société ALBIOMA LE GOL la somme de 6.090,30 € au titre des frais d'expertise ; CONDAMNE la société FEDT Darwin Concept à payer à la société ALBlOMA LE GOL la somme de 311.385,80 euros assortie des intérêts de retard au taux légal à compter de la présente assignation ; DIT que ladite condamnation est assortie des intérêts de retard au taux légal à compter de l' assignation ; CONDAMNE la société FEDT Darwin Concept à payer à la société ALBlOMA LE GOL la somme de 4.060,20 € au titre des frais d'expertise ; DIT que les intérêts échus dus au moins pour une année à compter de la présente assignation, porteront intérêt ; DEBOUTE la société ALBIOMA LE GOL de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ; DEBOUTE la société CASUALTY & GENERAL INSURANCE COMPANY de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ; DEBOUTE la société FEDT Darwin Concept de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ; CONDAMNE la société FEDT Darwin Concept et la société CASUALTY & GENERAL INSURANCE COMPANY aux entiers dépens d'appel. Le présent arrêt a été signé par Madame Sophie PIEDAGNEL, Conseillère, et par Madame Nathalie BEBEAU, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. LA GREFFIÈRE SIGNE LA PRÉSIDENTE
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JURITEXT000046992014
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ARRET
Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, 6 avril 2022, 22/003431
2022-04-06
Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion
Constate ou prononce le désistement d'instance et/ou d'action
22/003431
08
ST_DENIS_REUNION
COUR D'APPEL DE Saint-Denis Chambre des Libertés IndividuellesSoins Psychiatriques sous contrainte ORDONNANCE no 22/13DU 06 AVRIL 2022------------- République FrançaiseAu nom du Peuple Français No RG : No RG 22/00343 - No Portalis DBWB-V-B7G-FVMO No MINUTE : 22/13 Appel de l'ordonnance rendue le 23 Mars 2022 par le juge des libertés et de la détention du Tribunal de grande instance de Juge des libertés et de la détention de SAINT-DENIS DE LA REUNION APPELANT : Madame [Z] [L] [S]née le [Date naissance 1] 1985 à [Localité 4][Adresse 2][Adresse 2][Localité 3]non comparante Me Laurine VILLEZ, avocate de permanence désignée par le barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION INTIMES : Ministère Public Etablissement public de santé mentale de la Réunion Madame [E] [Z] [N] [H] Veuve [S][Adresse 2][Localité 3]tiers demandeur, Conseiller délégué : Yann BOUCHARE, conseiller, délégué par le premier président par ordonnance du 26 août 2019 GREFFIER : Anise DORVAL SANS DÉBATS ORDONNANCE prononcée par mise à disposition au greffe le 06 avril 2022 à et signée par Yann BOUCHARE, Conseiller délégué par le premier président, et Anise DORVAL, greffière ; Le greffier, Anise DORVAL Le conseiller délégué, Yann BOUCHARÉ
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JURITEXT000046990293
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ARRET
Cour d'appel d'Orléans, 22 décembre 2022, 22/019301
2022-12-22
Cour d'appel d'Orléans
Déclare la demande ou le recours irrecevable
22/019301
C1
ORLEANS
COUR D'APPEL D'ORLÉANS CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE GROSSES + EXPÉDITIONS : le 22/12/2022la SCP LAVAL - FIRKOWSKIla SELARL LUGUET DA COSTA ARRÊT du : 22 DECEMBRE 2022 No : 212 - 22 No RG 22/01930 No Portalis DBVN-V-B7G-GUD2 DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Juge de l'exécution d'ORLEANS en date du 17 Juin 2022 PARTIES EN CAUSE APPELANT :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265 2825 5789 5316Monsieur [G] [B] [H]Né le [Date naissance 1] 1960 à [Localité 8] ([Localité 8])[Adresse 12][Localité 8] Ayant pour avocat postulant Maître Olivier LAVAL, membre de la SCP LAVAL - FIRKOWSKI, avocat au barreau d'ORLEANS et pour avocat plaidant Maître Matthieu CHUDET, avocat au barreau de PARIS D'UNE PART INTIMÉES : - Timbre fiscal dématérialisé No: -/-Madame [N] [Y]Née le [Date naissance 3] 1947 à [Localité 11] ([Localité 11])[Adresse 5][Localité 8] Défaillante S.A. BANQUE TARNEAUD Prise en la personne de son représentant légal [Adresse 2][Localité 10] Défaillante Etablissement Public SERVICE DES IMPOTS DES PARTICULIERS DE [Localité 8] 8ème Pris en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social[Adresse 6][Localité 8] Défaillant - Timbre fiscal dématérialisé No: 1265 2814 6780 4369 La S.A. SOCIETE GENERALE Agissant en la personne de son représentant légal [Adresse 4][Localité 8] Ayant pour avocat Maître Arthur DA COSTA, membre de la SELARL LUGUET DA COSTA, avocat au barreau d'ORLEANS D'AUTRE PART DÉCLARATION D'APPEL en date du : 17 Août 2022 COMPOSITION DE LA COUR Lors des débats à l'audience publique du JEUDI 08 DECEMBRE 2022, à 14 heures, Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, en charge du rapport, et Madame Fanny CHENOT, Conseiller, ont entendu les avocats des parties en leurs plaidoiries, avec leur accord, par application de l'article 805 et 907 du code de procédure civile. Après délibéré au cours duquel Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel D'ORLEANS, et Madame Fanny CHENOT, Conseiller, ont rendu compte à la collégialité des débats à la Cour composée de : Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, Madame Fanny CHENOT, Conseiller,Madame Ferréole DELONS, Conseiller, Greffier : Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier lors des débats et du prononcé, ARRÊT : Prononcé publiquement par arrêt réputé contradictoire le JEUDI 22 DECEMBRE 2022 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE La Banque Tarneaud a fait délivrer à M. [G] [H], avocat au barreau de Paris, le 15 juillet 2020, un commandement de payer valant saisie sur des droits et biens immobiliers lui appartenant formant les lots numéros 18 et 32 d'un ensemble immobilier situé [Adresse 12] et [Adresse 7], ce en vertu de la copie exécutoire d'un acte notarié reçu le 26 octobre 2005, contenant vente à M. [H] et prêt de la Banque Tarneaud à ce dernier pour un montant en principal de 630.850 € et affectation hypothécaire des biens susvisés. Le commandement de payer valant saisie a été publié au service chargé de la publicité foncière de [Localité 8] 1 sous le volume 2020 no19. Par acte d'huissier du 26 octobre 2020, la Banque Tarneaud a fait assigner M. [H] devant le juge de l'exécution au tribunal judiciaire de Paris. Elle a dénoncé ce commandement par actes d'huissiers du 27 octobre 2020 à la Société Générale, au Service des Impôts des Particuliers de [Localité 8] et à Mme [N] [Y] en leur qualité de créanciers inscrits. Par jugement en date du 21 janvier 2021, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris a ordonné le renvoi de l'affaire au tribunal judiciaire d'Orléans sur le fondement de l'article 47 du Code de procédure civile. M. [H] a demandé qu'une mesure de conciliation ou de médiation judiciaire soit proposée aux parties, et subsidiairement qu'il soit sursis à statuer jusqu'à l'aboutissement de la procédure de distribution du prix de vente du bien immobilier de son débiteur M. [J], et que la créance de la Société générale soit déclarée éteinte par l'effet de la prescription biennale, outre l'octroi de délais de paiement concernant la dette envers la Banque Tarneaud et subsidiairement, l'autorisation de vendre amiablement son bien. La Banque Tarneaud et la Société générale ont conclu au débouté des demandes. Par jugement du 3 décembre 2021, rectifié par jugement du 4 février 2022, le juge de l'exécution près du tribunal judiciaire d'Orléans a :-rejeté la demande de M. [G] [H] tendant à ce qu'une mesure de médiation ou de conciliation soit mise en place,-dit n'y avoir lieu d'ordonner qu'il soit sursis à statuer sur les demandes présentées par la Banque Tarneaud, dans l'attente de l'issue de la procédure de distribution du prix de licitation d'un bien appartenant à MM [M] et [U] [J],-constaté que la Banque Tarneaud, créancier poursuivant, est munie d'un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible, et que la saisie immobilière pratiquée porte sur des droits saisissables,-mentionné que la créance de la Banque Tarneaud s'élève à la somme de 159.584,36 € et s'établit comme suit : Échéances impayées au 26 août 2019 : ...........................................8.812,26 € Intérêts de retard créance 1 au taux de 4,216 % l'an du 26 août 2019 au 28 septembre 2021 : ..............................................299,59 € Capital restant dû au 26 août 2019 : ............................................ 197.179,04 € Intérêts de retard créance 2 au taux de 4,216 % l'an du 26 août 2019 au 28 septembre 2021 : ........................................ 17.392,03 € Indemnité de 7 % du capital restant dû : ........................................ 13.802,53 € Encaissements : ............................................................................. -82.500,00 € Assurance à compter de juin 2019 : ................................................. 2.384,62 € Assurance : ..................................................................................... 2.214,29 € Intérêts au taux légal du 29 septembre 2021 jusqu'à parfait paiement : ..........................................................................mémoire-débouté M. [G] [H] de sa demande tendant à ce que la déclaration de créance de la Société Générale soit rejetée,-fixé la créance de la Société Générale à la somme de 122.331,84 € majorée des intérêts au taux légal à compter du 3 novembre 2016, sans capitalisation annuelle des intérêts,-rejeté la demande de délais de paiement formulée par M. [G] [H],-autorisé M. [G] [H] à poursuivre la vente amiable des droits et biens immobiliers tels que décrits au commandement de payer valant saisie qui lui a été délivré le 15 juillet 2020,-dit que le prix de vente ne pourra être inférieur à la somme nette vendeur de 1.300.000 €,-dit que le notaire chargé de formaliser la vente n'établira l'acte de vente qu'après la consignation du prix, des frais de la vente et justification du paiement des frais taxés,-dit que la réalisation de la vente sera examinée à l'audience du vendredi 1er avril 2022 à 14 heures,-rappelé qu'aucun délai supplémentaire ne pourra être accordé, sauf engagement écrit d'acquisition et pour permettre la rédaction et la conclusion de l'acte authentique de vente,-rappelé que la présente décision suspend le cours de la procédure de saisie,-rappelé au débiteur qu'il doit accomplir toutes les diligences pour parvenir à la vente et informer le créancier poursuivant, s'il le demande de ses diligences,-dit qu'à défaut de diligence, la procédure pourra être reprise sur l'assignation du créancier poursuivant,-dit que toute somme versée par l'acquéreur sera consignée et acquise aux parties à la distribution du prix de vente sauf rétractation légale de l'acquéreur,-sursis à statuer sur la contestation relative à la mise à prix du bien saisi,-rappelé que conformément à l'article R.311-7 du Code des procédures civiles d'exécution, le présent jugement sera signifié par les parties,-dit que les dépens seront compris dans les frais de poursuite soumis à taxe. M. [H] a formé appel de la décision par déclaration du 28 février 2022. Par arrêt du 27 octobre 2022, la cour d'appel d'Orléans a :- Infirmé le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. [G] [H] de sa demande tendant à ce que la déclaration de créance de la Société Générale soit rejetée et fixé la créance de la Société Générale à la somme de 122.331,84 € majorée des intérêts au taux légal à compter du 3 novembre 2016, sans capitalisation annuelle des intérêts ;Statuant à nouveau sur les seuls chefs infirmés : - Dit que la créance de la Société générale est prescrite et que sa déclaration de créance établie le 16 décembre 2020 est irrecevable ; - Confirme le jugement en ses autres dispositions critiquées ; Y ajoutant,- Rejette les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile; - Dit que chacune des parties conservera la charge des dépens exposés devant la cour. Entre temps, lors de l'audience du 1er avril 2022 aux fins d'examen de la réalisation de la vente amiable, le juge de l'exécution près du tribunal judiciaire d'Orléans a rejeté la demande de renvoi de l'audience formée par M. [H] dans l'attente de l'arrêt de la cour d'appel d'Orléans à venir sur appel du jugement du 21 janvier 2021. Par jugement du 17 juin 2022, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Orléans a :- Dit n'y avoir lieu d'ordonner qu'il soit sursis à statuer sur l'examen de la réalisation de la vente amiable, dans l'attente de l'issue de la procédure pendant devant la cour d'appel,- Constaté que M. [G] [H] ne produit aucun engagement écrit d'acquisition,En conséquence,- Ordonné la reprise de la procédure et la vente forcée - biens et droits immobiliers décrits au commandement de payer valant saisie immobilière délivrée à M. [G] [H] le 15 juillet 2020 à l'audience du juge de l'exécution près le tribunal judiciaire d'Orléans le 7 octobre 2022 à 14h00, en salle numéro 7 du tribunal judiciaire d'Orléans - 44 rue de la Bretonnerie, sur la mise à prix fixée par la Banque Tarneaud dans le cahier des conditions de vente,- Autorisé la Banque Tarneaud à faire procéder à la visite des biens saisis par tel huissier de son choix, au jour et heure de son choix dans les 15 jours qui précèdent la vente,- Autorisé l'huissier de justice à se faire assister, le cas échéant, de deux témoins, d'un serrurier et de la force publique,- Condamné M. [G] [H] aux dépens. Le premier juge a retenu qu'il ne pouvait être sursis à statuer sur la vente amiable autorisée, celle-ci n'étant pas concernée par l'appel interjeté, et que faute pour M. [G] [H] de produire un engagement d'acquisition du bien objet de la vente amiable, aucun délai supplémentaire ne pouvait être accordé. M. [H] a formé appel de la décision par déclaration du 17 août 2022 en intimant la SA Banque Tarneaud, la Société Générale, Mme [N] [Y] et le service des impôts des particuliers de [Localité 8], et en critiquant tous les chefs du jugement. Il a présenté par voie électronique le 25 août 2022 une requête afin d'assignation à jour fixe et a été autorisé par ordonnance du 1er septembre 2022 à délivrer une assignation pour l'audience du 8 décembre 2022. Il a fait assigner la Banque Tarneaud par acte du 14 septembre 2022, Mme [N] [I], la Société Générale et le Service des impôts des particuliers de [Localité 8] par actes du 9 septembre 2022. Les assignations ont toutes été déposées pour enrôlement au greffe de la cour par voie électronique le 20 septembre 2022. Par message adressée par voie électronique le 6 décembre 2022, le président de la chambre à laquelle l'affaire a été orientée l'affaire a soulevé d'office l'irrecevabilité éventuelle de l'appel en application de l'article 322-22 du Code des procédures civiles d'exécution et a autorisé les parties à former leurs observations éventuelles dès à présent ou en cours de délibéré au plus tard le 16 décembre 2022. Par dernières conclusions du 7 décembre 2022, M. [H] demande à la cour de: 1. Recevabilité de l'appelJuger recevable l'appel formé par M. [G] [H] à l'encontre du jugement du 17 juin 2022Juger recevables les prétentions ci-après formées par M. [G] [H] à hauteur de cour d'appelEn conséquence,2. Extinction de la procédure de saisie immobilièreInfirmer le jugement entrepris en ce qu'il :- Ordonne la reprise de la procédure et la vente forcée- Autorise la Banque Tarneaud à faire procéder à des visites du bien saisi- Autorise l'huissier de justice à se faire assister d'un serrurier et de témoinsStatuant à nouveau,Juger que la procédure de saisie immobilière (Jex TJ Orléans, RG no21/00011) se trouve éteinte par l'effet de l'extinction des créances de la Banque Tarneaud (poursuivant) et de la Société Générale (créancier inscrit)3. Extinction et radiation des privilèges et hypothèquesJuger que les privilèges et hypothèques de la Banque Tarneaud et de la Société Générale à l'encontre de M. [G] [H] se trouvent éteints par l'effet de l'extinction de leurs créances respectivesOrdonner la radiation de toutes les inscriptions hypothécaires prises par la Banque Tarneaud et la Société Générale sur le bien immobilier de monsieur [G] [H] sis à [Localité 8] (75008) dans un ensemble immobilier situé 23, avenue de Messine et 6/8, rue de Messine, cadastré section CL no[Cadastre 9] lieudit « [Adresse 12] et [Adresse 7] » pour une contenance de 06a 81caStatuer ce que de droit sur les dépens. Il fait valoir qu'il a interjeté appel le 18 août 2022 contre le jugement du 17 juin 2022 au motif notamment que le juge de l'exécution avait omis de statuer sur sa demande de délai de grâce formée dans ses conclusions du 1er avril 2022 et que de ce seul chef et nonobstant les dispositions de l'article 322-22 du Code des procédures civiles d'exécution, son appel est recevable. Il ajoute que les articles 564 et suivants autorisent des demandes nouvelles sous certaines conditions et que l'arrêt du 27 octobre 2022 de la cour est un élément nouveau justifiant d'en tirer toutes conséquences. Il soutient ensuite que la procédure de saisie immobilière est désormais sans objet puisque : - la créance du Trésor Public a été totalement soldée, celui-ci n'ayant au demeurant pas constitué avocat dans la présente instance en saisie immobilière,- Mme [I] épouse [Y], qui n'a pas constitué avocat n'entend pas recouvrer immédiatement sa créance et lui octroie un délai supplémentaire pour la rembourser,- la dette de la Banque Tarneaud a été totalement apurée, et cette dernière s'est désistée de son instance et de son action, par conclusions notifiées le 6 octobre 2022,- la créance alléguée par la Société générale est prescrite et sa déclaration de créance a été jugée irrecevable, par arrêt de cette cour du 27 octobre 2022. Il en déduit que les privilèges et hypothèques sont également éteints et qu'il convient d'en ordonner la radiation. Par dernières conclusions du 8 décembre 2022, la Société générale demande à la cour de :Déclarer M. [G] [H] irrecevable en son appel formé contre le jugement du juge de l'exécution du tribunal judiciaire d'Orléans en date du 17 juin 2022 et le rejeter. Condamner M. [H] à payer à la Société générale la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile. Condamner M. [H] aux entiers frais et dépens d'appel. Rejeter toutes prétentions, fins et conclusions plus amples ou contraires. Elle explique que l'appel est irrecevable sur le fondement des articles 322-22 et 322-25 du Code des procédures civiles d'exécution et qu'au surplus, les demandes sont irrecevables au motif qu'en matière d'assignation à jour fixe, l'appelant ne peut varier dans son argumentation, que l'article R311-5 du Code des procédures civiles d'exécution interdit toute contestation ou demande incidente postérieure à l'audience d'orientation et qu'au surplus les demandes formées par M. [H] ne relèvent pas de la compétence du juge de l'exécution. Elle ajoute qu'une omission de statuer se résout par la voie d'une requête en réparation d'une telle omission qui doit être présentée au juge de l'exécution et non par la voie d'un appel, et qu'une telle demande, qui n'est d'ailleurs pas maintenue en cause d'appel au soutien d'une demande de réformation, d'infirmation ou de réparation d'une omission de statuer, n'est pas recevable par simple application de l'article R. 311-5 du Code des procédures civiles d'exécution et de l'article R. 322-25, dernier alinéa, du même Code. Il est expressément référé aux écritures des parties pour plus ample exposé des faits ainsi que de leurs moyens et prétentions. La Banque Tarneaud, à laquelle l'assignation à jour fixe a été signifiée par acte du 14 septembre 2022 délivré à personne morale, n'a pas constitué avocat. Mme [N] [I] épouse [Y], à laquelle l'assignation à jour fixe a été signifiée par acte du 9 septembre 2022 délivré selon l'article 656 du Code de procédure civile, n'a pas constitué avocat. Le Centre des finances publiques (service des impôts des particuliers de [Localité 8] 8ème) auquel l'assignation à jour fixe a été signifiée par acte du 9 septembre 2022 délivré à personne morale, n'a pas constitué avocat. L'affaire a été fixée à l'audience du 8 décembre 2022. MOTIFS DE LA DÉCISION Au terme de l'article R 322-22 alinéas 3 et 4 du Code des procédures civiles d'exécution : "Lorsque la reprise de la procédure est postérieure à l'audience d'orientation, le juge fixe la date de l'audience d'adjudication qui se tient dans un délai compris entre deux et quatre mois. La décision est notifiée au débiteur saisi, au créancier poursuivant et aux créanciers inscrits.La décision qui ordonne la reprise de la procédure n'est pas susceptible d'appel." Le jugement entrepris, ordonnant la vente forcée, constitue un jugement de reprise de la procédure, non susceptible d'appel. Ainsi qu'il l'indique, M. [H] avait formé dans ses conclusions no 4 notifiées par voie électronique le 1er avril 2022, entre autres prétentions, une demande de délais de grâce qui n'apparaît pas dans le jugement et à laquelle le premier juge n'a pas répondu. M. [H] a mentionné cette omission dans sa requête. Néanmoins, une omission de statuer n'ouvre pas le droit de former appel mais, en application de l'article 463 du code de procédure civile, celui de saisir sur requête le juge qui a omis de statuer sur un chef de demande, afin qu'il répare l'omission. C'est seulement lorsqu'elle est régulièrement saisie d'un appel et que cet appel n'a pas été exclusivement formé pour réparer une omission de statuer qu'il appartient à la cour, par application combinée des articles 463 et 561 du code de procédure civile et en raison de l'effet dévolutif de l'appel, de réparer l'éventuelle omission de statuer commise par les premiers juges. Cette hypothèse ne correspond pas à la présente instance. En effet, en l'espèce, l'appel contre le jugement ayant ordonné la reprise de la procédure et la vente forcée du bien n'est pas recevable en application de l'article R 322-22 précité et ne l'est pas davantage du fait de l'omission de statuer invoquée par M [H], qui ne demande d'ailleurs pas à la cour de statuer sur la demande prétendument omise. L'appel sera donc déclaré irrecevable. M. [H] doit être condamné aux dépens exposés devant la cour et au paiement à la Société générale d'une somme de 1500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS La Cour, - Déclare l'appel irrecevable ; - Condamne M. [G] [H] à verser à la Société générale la somme de 1500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; - Condamne M. [G] [H] aux dépens d'appel. Arrêt signé par Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
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JURITEXT000046990294
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ARRET
Cour d'appel de Pau, 21 décembre 2022, 19/017771
2022-12-21
Cour d'appel de Pau
Envoi en médiation
19/017771
01
PAU
PS/CD Numéro 22/04557 COUR D'APPEL DE PAU 1ère Chambre ARRÊT DU 21/12/2022 Dossier : No RG 19/01777 - No Portalis DBVV-V-B7D-HINB Nature affaire : Demande d'un copropriétaire tendant à la cessation et/ou à la sanction d'une atteinte à la propriété ou à la jouissance d'un lot Affaire : [M] [U] épouse [E],[W] [E], [I] [E], [J] [E] C/ [V] [A], [H] [A], [P] [A]SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DE LA RÉSIDENCE [Adresse 22], Grosse délivrée le : à : RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS A R R Ê T prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 21 Décembre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. * * * * * APRES DÉBATS à l'audience publique tenue le 28 Novembre 2022, devant : Monsieur SERNY, magistrat honoraire, chargé du rapport, assisté de Madame DEBON, faisant fonction de greffière présente à l'appel des causes, Monsieur [L], en application des articles 805 et 907 du code de procédure civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de : Madame DUCHAC, PrésidenteMadame ROSA-SCHALL, ConseillèreMonsieur SERNY, Magistrat honoraire qui en ont délibéré conformément à la loi. dans l'affaire opposant : APPELANTS : Madame [M] [U] épouse [E]née le [Date naissance 11] 1946 à [Localité 24]de nationalité Française[Adresse 29][Adresse 22][Localité 15] Monsieur [W] [E]né le [Date naissance 3] 1973 à [Localité 19] de nationalité Française[Adresse 10][Localité 15] Monsieur [I] [E]né le [Date naissance 5] 1977 à [Localité 25]de nationalité Française[Adresse 16][Localité 17] Monsieur [J] [E]né le [Date naissance 12] 1986 à [Localité 18] de nationalité Française[Adresse 6][Localité 1] Représentés et assistés de Maître MOURA, avocat au barreau de PAU INTIMES : Monsieur [V] [A]né le [Date naissance 13] 1954 à [Localité 21]de nationalité FrançaiseMonplaisir[Localité 9] Madame [H] [A]née le [Date naissance 2] 1984 à [Localité 28]de nationalité Française[Adresse 4][Localité 14] Monsieur [P] [A]né le [Date naissance 7] 1977 à [Localité 28]de nationalité Française[Adresse 23][Localité 8] Représentés et assistés de Maître CHEVALLIER-FILLASTRE de la SCP CHEVALLIER-FILLASTRE, avocat au barreau de TARBES SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DE LA RÉSIDENCE [Adresse 22] représenté par l'Agence Immobilière 44-45, son syndic, SARL, prise en la personne de son gérant[Adresse 22][Adresse 26][Localité 15] Représenté et assisté de Maître TANDONNET de la SCP TANDONNET - LIPSOS LAFAURIE, avocat au barreau de TARBES sur appel de la décision en date du 14 FEVRIER 2019rendue par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE TARBESRG numéro : 17/00454 Vu l'acte d'appel initial du 24 mai 2019 ayant donné lieu à l'attribution du présent numéro de rôle, Vu le jugement dont appel rendu le 14 février 2019 qui a débouté les parties de leurs prétentions réciproques, Vu l'arrêt avant dire droit du 07 juin 2022 qui a invité les parties à mettre en cause le syndicat des copropriétaires pour la suite de la procédure d'appel, Vu l'intervention dudit syndicat des copropriétaires, Vu les demandes communes de l'ensemble des parties pour instituer une médiation, Le rapport ayant été fait oralement à l'audience. MOTIFS La situation litigieuse Les consorts [E] sont propriétaires indivis d'un chalet soumis au régime d'une copropriété horizontale située à [Localité 27] ; le chalet porte le no 7. Les consorts [A] sont propriétaires du [Adresse 20]. Selon le règlement de copropriété, les chalets sont des lots privatifs mais seulement sur l'assiette de leur construction telle qu'elle figure au règlement de copropriété. L'acte précise que les terrains environnant les chalets constituent des parties communes qui sont placées "sous le régime de l'indivision forcée". Le 28 avril 2012, l'assemblée générale des copropriétaires a autorisé les époux [A] à aménager un escalier sur les parties commune aux abords immédiats de leur chalet pour en améliorer la desserte. Des difficultés sont apparues durant les travaux en raison de l'opposition des consorts [E] qui ont invoqué des troubles de voisinage et des manquements aux règles d'urbanisme. Sur ce second point, seul le tribunal administratif dispose du pouvoir de statuer sur la validité des autorisations données ; s'il y a une difficulté de conformité en revanche, le débat peut être porté devant la cour. Le point sur la procédure Vu les articles 131-1 et suivants du code de procédure civile, Depuis l'arrêt du 07 juin 2022, le syndicat des copropriétaires a été attrait dans la cause de sorte que l'irrecevabilité soulevée peut se révéler sans objet dans un futur débat au fond. Cette intervention a été suivie d'une demande de toutes les parties tendant à l'institution d'une médiation. ll convient dès lors de designer en qualité de médiateur judiciaire la Chambre de Médiation Tarbes et Hautes-Pyrénées, en la personne de Monsieur [B] [X], avec la mission ci-après énoncée au dispositif du présent arrêt. La somme de 1.500 € TTC sera fixée à titre de provision à valoir sur les honoraires du médiateur qui sera versée a parts égales par chacune des parties directement entre les mains du médiateur au plus tard le 31 janvier 2023, à l'ordre de Madame le Régisseur de la Cour d'appel, à peine de caducité de la designation. Les dépens seront réservés. PAR CES MOTIFS : La cour, après en avoir délibéré, statuant, publiquement, contradictoirement, en dernier ressort et par arrêt mis à disposition au greffe, avant dire droit, Vu les dispositions des articles 131 et suivants du code de procédure civile, Désigne la Chambre de Médiation Tarbes et Hautes-Pyrénées et agréée Monsieur [B] [X] pour procéder par voie de médiation entre les parties, à la présentation des points de vue respectifs des parties, à la détermination de leurs intérêts respectifs ainsi que de leurs besoins et, si possible, à la négociation d'un protocole manifestant l'accord amiable intervenu, Désigne le Pôle médiation de la Cour d'appel de PAU pour procéder au suivi de la mesure de médiation, sous le contrôle du magistrat chargé de la mise en état de la 1ère chambre de cette cour, Invite la Chambre de Médiation Tarbes et Hautes-Pyrénées et Monsieur [B] [X] à procéder à l'exécution de sa mission, après versement de la consignation, dans un délai de TROIS MOIS à compter de la consignation et au plus tard le 01 juillet 2023, sauf renouvellement décidé par la juge à la demande du médiateur après accord des parties, Dit que pour mener à bien sa mission, le médiateur, entendra les parties et leurs conseils, Dit que le constat de fin de mission, qui ne fera pas mention des propositions transactionnelles éventuellement avancées au cours de la médiation, sera déposé au Greffe 1er juillet 2023 et remis à chacune des parties, Dit que, sur requête conjointe ou sur la demande de la partie la plus diligente, le magistrat chargé de la mise en état pourra être saisi afin de statuer sur toutes difficultés nées de l'exécution de la présente décision, Renvoie la cause et les parties à la mise en état électronique du 04 octobre 2023 pour qu'il soit conféré sur la suite donner au présent litige, Fixe à 1.500 euros TTC l'avance sur honoraires du médiateur de justice qui sera versée par chacune des parties directement entre les mains du médiateur au plus tard le 31 janvier 2023, à l'ordre de Madame le Régisseur de la Cour d'Appel de PAU à peine de caducité de la designation, Réserve les dépens, les droits et les moyens des parties. Le présent arrêt a été signé par Mme DUCHAC, Présidente, et par Mme DEBON, faisant fonction de Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire. LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE, Carole DEBON Caroline DUCHAC
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JURITEXT000046990295
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ARRET
Cour d'appel de Lyon, 20 décembre 2022, 22/084181
2022-12-20
Cour d'appel de Lyon
Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
22/084181
RT
LYON
No RG 22/08418 - No Portalis DBVX-V-B7G-OVPL Nom du ressortissant :[I] [P] [P] C/PREFET DE L'ISERE COUR D'APPEL DE LYON JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT ORDONNANCE DU 20 DECEMBRE 2022 statuant en matière de Rétentions Administratives des Etrangers Nous, Isabelle OUDOT, conseillère à la cour d'appel de Lyon, déléguée par ordonnances du premier président de ladite Cour en date du 1er septembre 2022 et du 16 décembre 2022 pour statuer sur les procédures ouvertes en application des articles L.342-7, L. 342-12, L. 743-11 et L. 743-21 du code d'entrée et de séjour des étrangers en France et du droit d'asile, Assistée de Charlotte COMBAL, greffière, En l'absence du ministère public, En audience publique du 20 Décembre 2022 dans la procédure suivie entre : APPELANT : M. [I] [P]né le [Date naissance 2] 2001 à [Localité 5] - COTE D'IVOIREde nationalité Ivoirienne Actuellement retenu au centre de rétention administrative de [Localité 4] comparant assisté de Maître Nathalie LOUVIER, avocat au barreau de LYON, commis d'office ET INTIME : M. LE PREFET DE L'ISERE [Adresse 1][Localité 3] non comparant, régulièrement avisé, représenté par Maître IRIRIRA NGANGA Dan, avocat au barreau de LYON, pour la SELARL SERFATY VENUTTI CAMACHO & CORDIER, avocats au barreau de l'AIN, Avons mis l'affaire en délibéré au 20 Décembre 2022 à 16 heures 30 et à cette date et heure prononcé l'ordonnance dont la teneur suit : FAITS ET PROCÉDURE Le 26 août 2019, une obligation de quitter le territoire français sans délai et avec interdiction de retour pendant un an a été notifiée à [I] [P] par le préfet de l'Isère. Par jugement du 25 septembre 2019 le tribunal administratif de Grenoble a rejeté la requête en annulation formée par [I] [P] et confirmé l'arrêté préfectoral. Le 30 septembre 2021 l'OFPRA a refusé la demande d'une protection au titre de l'asile formée par [I] [P]. Le 13 mars 2022, une obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours a été notifiée à [I] [P] par le préfet de l'Isère. Par jugement en date du 16 juin 2022 le tribunal administratif de Grenoble a rejeté le recours formé contre l'arrêté préfectoral. [I] [P] n'a pas mis à exécution des deux mesures d'éloignement. Le 17 octobre 2022, [I] [P] était interpellé alors qu'il importunait une femme et ses enfants et avait montré un couteau, une rixe s'en étant suivie entre l'intéressé et des personnes présentes. La procédure faisait l'objet d'un classement 61. Le 19 octobre 2022, l'autorité administrative a ordonné le placement d'[I] [P] en rétention dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire afin de permettre l'exécution de la mesure d'éloignement. Par ordonnance du 23 octobre 2022, sur infirmation du juge des libertés et de la détention, le conseiller délégué a ordonné la prolongation de la rétention administrative de [I] [P] pour une durée de vingt-huit jours et par ordonnance du 17 novembre 2022, le juge des libertés et de la détention a ordonné la prolongation de la rétention de M.[P] pour une durée de trente jours. Suivant requête du 17 décembre 2022, le préfet de l'Isère a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon aux fins de voir ordonner une nouvelle prolongation exceptionnelle de la rétention pour une durée de quinze jours. Le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon, dans son ordonnance du 18 décembre 2022 à 11heures10 a fait droit à cette requête. Par déclaration au greffe le 19 décembre 2022 à 12 heures 16, [I] [P] a interjeté appel de cette ordonnance en faisant valoir qu'aucun des critères définis par le CESEDA n'est réuni et que la troisième prolongation de sa rétention administrative est impossible en ce que l'autorité administrative n'établit pas la délivrance à bref délai d'un document de voyage. [I] [P] a demandé l'infirmation de l'ordonnance déférée et sa remise en liberté. Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience du 20 décembre 2022 à 10 heures 30. [I] [P] a comparu et a été assisté de son avocat. Le conseil d'[I] [P] a été entendu en sa plaidoirie pour soutenir les termes de la requête d'appel. Le préfet de l'Isère, représenté par son conseil, a demandé la confirmation de l'ordonnance déférée. [I] [P] a eu la parole en dernier. Il explique qu'il ne veut pas retourner en Côte d'Ivoire. MOTIVATION Sur la procédure et la recevabilité de l'appel Attendu que l'appel de [I] [P] relevé dans les formes et délais légaux est recevable ; Sur le bien-fondé de la requête Attendu que l'article L. 742-5 1 odu Ceseda dispose que « A titre exceptionnel, le juge des libertés et de la détention peut à nouveau être saisi aux fins de prolongation du maintien en rétention au-delà de la durée maximale de rétention prévue à l'article L. 742-4 lorsque l'étranger a fait obstruction à l'exécution d'office de la décision d'éloignement ; » Attendu que le conseil d'[I] [P] soutient que les conditions de ce texte ne sont pas réunies en ce que sa situation ne répond aux conditions de la troisième prolongation ; Attendu que l'autorité administrative a fait valoir dans sa requête qu'[I] [P] a été reconnu par les autorités ivoiriennes comme étant l'un de ses ressortissants et qu'un vol a été programmé le 14 décembre 2022 qui aurait pu permettre l'exécution de la mesure d'éloignement si [I] [P] n'avait pas refusé d'embarquer alors qu'il était avisé des conséquences de ce refus ; Que M.[P] ne conteste pas son refus d'embarquer et déclare clairement qu'il refuse de retourner dans son pays et n'entend pas se soumettre à la décision prise à son égard par l'autorité préfectorale ; Que l'obstruction délibérée d'[I] [P] a été constatée suivant procès-verbal en date du 14 décembre 2022 et permettait la prolongation de la rétention de l'intéressé conformément aux dispositions légales susvisées ainsi que l'a retenu le premier juge; Qu'en conséquence, l'ordonnance entreprise est confirmée ; PAR CES MOTIFS Déclarons recevable l'appel formé par [I] [P], Confirmons l'ordonnance déférée. La greffière, La conseillère déléguée, Charlotte COMBAL Isabelle OUDOT
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JURITEXT000046990296
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ARRET
Cour d'appel de Lyon, 20 décembre 2022, 22/084151
2022-12-20
Cour d'appel de Lyon
Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
22/084151
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LYON
No RG 22/08415 - No Portalis DBVX-V-B7G-OVPH Nom du ressortissant :[D] [S] [S]C/PREFET DU RHONE COUR D'APPEL DE LYON JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT ORDONNANCE DU 20 DECEMBRE 2022 statuant en matière de Rétentions Administratives des Etrangers Nous, Isabelle OUDOT, conseillère à la cour d'appel de Lyon, déléguée par ordonnances du premier président de ladite Cour en date du 1er septembre 2022 et du 16 décembre 2022 pour statuer sur les procédures ouvertes en application des articles L.342-7, L. 342-12, L. 743-11 et L. 743-21 du code d'entrée et de séjour des étrangers en France et du droit d'asile, Assistée de Charlotte COMBAL, greffière, En l'absence du ministère public, Statuant en notre cabinet, APPELANT : M. [D] [S]né le [Date naissance 1] 2004 à [Localité 3]de nationalité Marocaine Actuellement retenu au centre de rétention administrative de [Localité 4] Ayant pour conseil Maître Martine BOUCHET, avocat au barreau de LYON, commis d'office ET INTIME : M. LE PREFET DU RHONE [Adresse 6][Localité 2] Ayant pour conseil la SELARL SERFATY VENUTTI CAMACHO & CORDIER, avocats au barreau de l'AIN, Avons mis l'affaire en délibéré au 20 Décembre 2022 à 16heures30 et à cette date et heure prononcé l'ordonnance dont la teneur suit : FAITS ET PROCÉDURE Le 25 juillet 2022, une obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et assortie d'une interdiction de retour pendant 12 mois a été notifiée à [D] [S] par le préfet du Rhône. Par arrêtés des 29 août 2022 et 03 décembre 2022 le préfet du Rhône a assigné à résidence [D] [S]. Suivant procès-verbal en date du 04 octobre 2022 les policiers ont constaté que [D] [S] ne s'était pas présenté les 29 septembre et 03 octobre 2022. Le 14 décembre 2022 [D] [S] était interpellé suite à un contrôle d'identité opéré sur réquisitions du procureur de la République dans le cadre d'une opération de sécurisation dans le secteur de la [Adresse 5] et placé en garde à vue pour être porteur d'une bombe lacrymogène d'une capacité de 50ml, garde à vue à l'issue de laquelle le procureur de la République décidait d'une ordonnance pénale délictuelle sans date. Le 15 décembre 2022, le préfet du Rhône a ordonné le placement de [D] [S] en rétention dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire afin de permettre l'exécution de la mesure d'éloignement. Dans son ordonnance du 17 décembre 2022 à 11 heures 21, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon a fait droit à la requête déposée par le préfet du Rhône et a ordonné la prolongation de la rétention de [D] [S] dans les locaux du centre de rétention administrative de [Localité 4] pour une durée de vingt-huit jours. Par déclaration au greffe le 17 décembre 2022 à 11 heures 45, [D] [S] a interjeté appel de cette ordonnance dont il demande l'infirmation outre sa mise en liberté au visa de l'article L 554-1 devenu L 741-3 du CESEDA, [D] [S] et motive sa requête d'appel comme suit : « J'estime que Monsieur le Préfet du Rhône n'a pas effectué les diligences nécessaires afin d'organiser mon départ pendant les deux premiers jours de ma rétention. » Par courriel adressé le 19 décembre 2022 à 11 heures 54 les parties ont été informées que le magistrat délégué par le premier président envisageait de faire application des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 743-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) et les a invitées à faire part, le 20 décembre 2022 à 9 heures00 au plus tard, de leurs observations éventuelles sur l'absence de circonstance nouvelle de fait ou de droit depuis le placement en rétention administrative, ou sur l'absence d'éléments fournis à l'appui de la requête d'appel permettant de justifier qu'il soit mis fin à la rétention. Vu les observations de l'avocat de la préfecture du Rhône, reçues par courriel le 19 décembre 2022 à 16 heures 47, tendant à la confirmation de la décision querellée au motif que l'étranger n'a soulevé aucun moyen en première instance et n'apporte de surcroît aucun élément nouveau. Vu les observations de Maître [U] reçues par courriel le 19 décembre 2022 à 13 heures 28 par lesquelles elle indique: « N'ayant pas soulevé d'irrégularités, d'anomalies particulières concernant cette procédure, je m'en remets à la sagesse de la Cour ». Statuant sans audience, MOTIVATION Attendu que l'appel de [D] [S] relevé dans les formes et délais légaux est recevable ; Attendu qu'aux termes de l'alinéa 2 de l'article L. 743-23 du CESEDA, le premier président ou son délégué peut, lorsqu'il est saisi d'un appel contre une décision rendue par le juge des libertés et de la détention dans les cas prévus aux articles L. 741-10 et L. 742-8, rejeter la déclaration d'appel sans avoir préalablement convoqué les parties s'il apparaît qu'aucune circonstance nouvelle de fait ou de droit n'est intervenue depuis le placement en rétention administrative ou son renouvellement, ou que les éléments fournis à l'appui de la demande ne permettent manifestement pas de justifier qu'il soit mis fin à la rétention ; Attendu qu'en l'espèce, le juge des libertés et de la détention, dans l'ordonnance entreprise, a prolongé la rétention administrative sans que [D] [S] ne relève la moindre difficulté sur la diligence de l'autorité administrative à organiser son éloignement ; Que dans sa requête d'appel, [D] [S] a entendu pour la première fois en appel solliciter sa mise en liberté tout en faisant état d'une absence de diligences suffisantes de l'autorité administrative ; Attendu que ce moyen et la prétention qui lui est associée tendent uniquement à solliciter une mise en liberté et à obtenir de manière claire la mainlevée de la rétention administrative ce qui relève manifestement des prévisions de l'article L. 743-23 alinéa 2 du CESEDA ; Attendu qu'il ressort des pièces du débat qu'au moment de sa requête du 16 décembre 2022 à 15 heures 15, l'autorité administrative avait déjà saisi les autorités consulaires du Maroc afin d'obtenir l'identification de [D] [S] qui circulait sans document de voyage ; Attendu que le faible délai de moins de 48 heures dont dispose l'autorité préfectorale avant de saisir le juge des libertés et de la détention d'une requête en prolongation, ne lui permettait pas d'engager d'autres diligences utiles que celles dont elle fait état dans sa requête et qui sont justifiées dans le dossier de la procédure ; Attendu que [D] [S] ne fait pas état dans sa requête d'appel d'une quelconque circonstance nouvelle de droit ou de fait et ne fournit pas d'éléments permettant de justifier qu'il soit mis à sa rétention administrative ; Attendu que son appel doit dès lors être rejeté sans audience et l'ordonnance entreprise est confirmée ; PAR CES MOTIFS Déclarons recevable l'appel formé par [D] [S], Confirmons en toutes ses dispositions l'ordonnance déférée. La greffière, La conseillère déléguée, Charlotte COMBAL Isabelle OUDOT
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JURITEXT000046990297
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ARRET
Cour d'appel de Lyon, 20 décembre 2022, 22/084411
2022-12-20
Cour d'appel de Lyon
Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
22/084411
RT
LYON
No RG 22/08441 - No Portalis DBVX-V-B7G-OVQ6 Nom du ressortissant :[L] [C] [C] C/PREFET DU RHONE COUR D'APPEL DE LYON JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT ORDONNANCE DU 20 DECEMBRE 2022 statuant en matière de Rétentions Administratives des Etrangers Nous, Isabelle OUDOT, conseiller à la cour d'appel de Lyon, déléguée par ordonnance du premier président de ladite Cour en date du 1er septembre 2022 et du 16 décembre 2022 pour statuer sur les procédures ouvertes en application des articles L.342-7, L. 342-12, L. 743-11 et L. 743-21 du code d'entrée et de séjour des étrangers en France et du droit d'asile, Assistée de Charlotte COMBAL, greffier, En l'absence du ministère public, En audience publique du 20 Décembre 2022 dans la procédure suivie entre : APPELANT : M. [L] [C]né le [Date naissance 1] 1999 à [Localité 4]de nationalité Marocaine Actuellement retenu au centre de rétention administrative de [Localité 2] comparant assisté de Maître Nicolas BONNET, avocat au barreau de LYON, commis d'office et de Monsieur [T] [R], interprète en langue arabe inscrit sur la liste CESEDA, serment préalablement prêté ; ET INTIME : M. LE PREFET DU RHONE [Adresse 3][Localité 2] non comparant, régulièrement avisé, représenté par Maître IRIRIRA NGANGA Dan, avocat au barreau de LYON, pour la SELARL SERFATY VENUTTI CAMACHO & CORDIER, avocats au barreau de l'AIN, Avons mis l'affaire en délibéré au 20 Décembre 2022 à 16heures30 et à cette date et heure prononcé l'ordonnance dont la teneur suit : FAITS ET PROCÉDURE Le 26 novembre 2022, une obligation de quitter le territoire français sans délai et avec interdiction de retour pendant un an a été notifiée à [L] [C] par le préfet du Rhône. Le même jour, soit le 26 novembre 2022, le préfet a notifié à [L] [C] son assignation à résidence Le 15 décembre 2022, l'autorité administrative a ordonné le placement de [L] [C] en rétention dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire afin de permettre l'exécution de la mesure d'éloignement. Suivant requête du 16 décembre 2022, réceptionnée par le greffe du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon le jour même à 17 heures 26, [L] [C] a contesté la décision de placement en rétention administrative prise par le préfet du Rhône. Suivant requête du 16 décembre 2022, reçue le jour même à 15 heures 15, le préfet du Rhône a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon aux fins de voir ordonner la prolongation de la rétention pour une durée de vingt-huit jours. Dans son ordonnance du 17 décembre 2022 à 11 heures 35, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon a ordonné la jonction des deux procédures, déclaré régulière la décision de placement en rétention et ordonné la prolongation de la rétention de [L] [C] dans les locaux du centre de rétention administrative de [Localité 2] pour une durée de vingt-huit jours. Le 19 décembre 2022 à 17 heures 04, [L] [C] a interjeté appel de cette ordonnance dont il demande l'infirmation. Il sollicite de voir déclarer irrégulière la mesure de placement en rétention administrative prise par le préfet du Rhône et d'ordonner sa remise en liberté. Le conseil de M. [C] fait valoir que la décision de placement en rétention est irrégulière pour être entachée d'une erreur manifeste d'appréciation puisque son client n'a pas fait l'objet de poursuites pénales à l'issue de sa garde à vue du 13 au 15 décembre 2022 et qu'aucune circonstance nouvelle de droit ou de fait n'existe depuis l'assignation à résidence ordonnée le 26 novembre 2022. L'avocat de M. [C] soutient que la requête en prolongation est non fondée dés lors que la préfecture ne justifie pas avoir effectué des diligences pour permettre l‘exécution de la mesure d'éloignement entre le 29 novembre 2022, date de l'assignation à résidence et le 15 décembre 2022 date du placement en rétention alors qu'aucun texte et qu'aucune jurisprudence ne dispense la préfecture d'effectuer des diligences pour exécuter la mesure d'éloignement dés qu'elle a pris une obligation de quitter le territoire français. Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience du 20 décembre 2022 à 10 heures 30. [L] [C] a comparu et a été assisté d'un interprète et de son avocat. Le conseil de [L] [C] a été entendu en sa plaidoirie pour soutenir les termes de la requête d'appel. Le préfet du Rhône, représenté par son conseil, a demandé la confirmation de l'ordonnance déférée. [L] [C] a eu la parole en dernier. Il explique qu'il n'a pas de passeport, qu'il veut être libéré et avoir un délai de 24 heures pour quitter la France. MOTIVATION Sur la procédure et la recevabilité de l'appel Attendu que l'appel de [L] [C], relevé dans les formes et délais légaux est recevable ; Sur le moyen pris de l'erreur d'appréciation Attendu que le conseil de [L] [C] soutient que l'autorité administrative a commis une erreur d'appréciation en décidant du placement en rétention puisqu'aucune poursuite pénale n'a été décidée ensuite de la garde à vue et que M. [C] a toujours respecté l'assignation à résidence ; Attendu qu'une décision de placement en rétention n'est pas subordonnée à l'existence ou non de poursuites pénales décidées par le procureur de la République ; Qu'au cas d'espèce [L] [C] a été effectivement placé en garde à vue avec d'autres personnes dans le cadre d'une rixe pour laquelle les policiers ont été amenés à intervenir et que les pièces de la procédure établissent que l'enquête n'est pas finie et qu'aucun élément ne permet de connaître la décision à venir du parquet de Lyon ; Attendu qu'en l'espèce, l'arrêté du préfet du Rhône est motivé, notamment, par les éléments suivants :- [L] [C] a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français et d'une assignation à résidence dont il a respecté les obligations de pointage,- l'intéressé est connu des services de police pour des faits de vol à la roulotte et a été impliqué dans une affaire de violences dans le cadre de laquelle il a été interpellé le 14 décembre 2022 et placé en garde à vue, - [L] [C] ne peut justifier ni d'un hébergement stable et établi sur le territoire français puisqu'il se déclare sans domicile fixe ni de la réalité de ses moyens d'existence pour affirmer travailler dans la peinture sans démontrer le caractère licite de cette activité,- il est démuni de tout document d'identité,- il ne ressort pas de l'évaluation qui a été faite d'élément de vulnérabilité susceptible de faire obstacle à une mesure de rétention. Attendu, ainsi que l'a relevé le premier juge, au regard de la mesure d'éloignement dont fait l'objet [L] [C], du fait que ce dernier est démuni de tout document de voyage, qu'il ne justifie d'aucun domicile ni de ressources stables et établies, le préfet du Rhône a valablement pu considérer que [L] [C] ne présentait pas des garanties de représentation suffisantes et décider de son placement en rétention administrative, sans commettre une erreur manifeste d'appréciation. Sur le défaut de diligences Attendu que le conseil de M. [C] reproche à la préfecture de ne pas avoir fait de diligences entre le jour de l'assignation à résidence et le jour du placement en rétention administrative et soutient que les diligences doivent être faites dès que l'obligation de quitter le territoire français est édictée ; Attendu qu'il n'appartient ni au juge des libertés et de la détention ni au conseiller délégué d'apprécier de la pertinence d'une mesure d'assignation à résidence décidée par l'autorité administrative le jour même de l'édiction d‘une mesure d'éloignement ni des diligences qui sont engagées pendant le cours de cette mesure d'assignation à résidence ; Que le contrôle du juge judiciaire s'inscrit seulement dans le cadre des dispositions de l'article L 741-3 du ceseda, selon lesquelles « un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration doit exercer toute diligence à cet effet » ; Que le contrôle du juge judiciaire s'effectue donc à partir du moment où l'autorité administrative décide de l'exécution forcée de la mesure d'éloignement dans le cadre d'un placement en rétention ; Qu'au cas d'espèce au jour de sa requête la préfecture justifie avoir saisi le 15 décembre 2022 les autorités consulaires marocaines d'une demande de laissez-passer consulaire pour M. [C] qui circulait sans document de voyage en cours de validité ; Que le faible délai de moins de 48 heures dont dispose l'autorité préfectorale avant de saisir le juge des libertés et de la détention d'une requête en prolongation, ne lui permettait pas d'engager d'autres diligences utiles que celles dont elle fait état dans sa requête et qui sont justifiées dans le dossier de la procédure ; Que de surcroît et ainsi que le relève le premier juge, [L] [C], qui se plaint de l'absence de célérité dans les diligences faites par la préfecture, ne justifie pas avoir utilisé le temps dont il disposait lorsqu'il était assigné à résidence pour se rendre auprès de son consulat et engager les démarches nécessaires pour obtenir un document de voyage ce qui aurait permis de hâter l'exécution de la mesure ; Qu'il ne peut donc être valablement soutenu que les diligences utiles n'ont pas été engagées dans le bref délai de la rétention; Attendu qu'en conséquence, à défaut d'autres moyens soulevés, l'ordonnance entreprise est confirmée ; PAR CES MOTIFS Déclarons recevable l'appel formé par [L] [C], Confirmons en toutes ses dispositions l'ordonnance déférée. Le greffier, Le conseiller délégué, Charlotte COMBAL Isabelle OUDOT
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JURITEXT000046990298
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ARRET
Cour d'appel de Lyon, 20 décembre 2022, 22/084161
2022-12-20
Cour d'appel de Lyon
Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
22/084161
RT
LYON
No RG 22/08416 - No Portalis DBVX-V-B7G-OVPI Nom du ressortissant :[R] [T] [U] [U]C/PREFET DE LA LOIRE COUR D'APPEL DE LYON JURIDICTION DU PREMIER PRÉSIDENT ORDONNANCE DU 20 DECEMBRE 2022 statuant en matière de Rétentions Administratives des Etrangers Nous, Isabelle OUDOT, conseillère à la cour d'appel de Lyon, déléguée par ordonnances du premier président de ladite Cour en date du 1er septembre 2022 et du 16 décembre 2022 pour statuer sur les procédures ouvertes en application des articles L.342-7, L. 342-12, L. 743-11 et L. 743-21 du code d'entrée et de séjour des étrangers en France et du droit d'asile, Assistée de Charlotte COMBAL, greffière, En l'absence du ministère public, En audience publique du 20 Décembre 2022 dans la procédure suivie entre : APPELANT : M. [R] [T] [U] se disant [W] à l'audiencené le [Date naissance 1] 1997 à [Localité 5] de nationalité Algérienne se disant de nationalité marocaine lors de l'audience Actuellement retenu au centre de rétention administrative de [Localité 4] comparant assisté de Maître Nathalie LOUVIER, avocat au barreau de LYON, commis d'office et de Monsieur [S] [O], interprète en langue arabe inscrit sur la liste CESEDA, serment préalablement prêté ; ET INTIME : M. LE PREFET DE LA LOIRE [Adresse 2][Localité 3] non comparant, régulièrement avisé, représenté par Maître IRIRIRA NGANGA Dan, avocat au barreau de LYON, pour la SELARL SERFATY VENUTTI CAMACHO & CORDIER, avocats au barreau de l'AIN, Avons mis l'affaire en délibéré au 20 Décembre 2022 à 16heures30 et à cette date et heure prononcé l'ordonnance dont la teneur suit : FAITS ET PROCÉDURE Le 29 mars 2022, une obligation de quitter le territoire français sans délai a été notifiée à [R] [T] [U] par le préfet du Rhône. Le même jour, un arrêté d'assignation à résidence a été notifié à [R] [T] [U]. Suivant procès-verbal en date du 10 mai 2022, les services de police du Rhône ont constataté la carence de [R] [T] [U]. Le 24 juin 2022, [R] [T] [U] a été placé en garde à vue pour des faits de violences avec arme, rébellion, dégradation de biens public et violation de domicile. Par arrêté du 24 juin 2022, [R] [T] [U] était de nouveau assigné à résidence par l'autorité préfectorale. Suivant procès-verbal en date du 29 juillet 2022, les services de police de la Loire constataient la carence de [R] [T] [U]. Le 18 octobre 2022, [R] [T] [U] était placé en garde à vue pour des faits de violences et se présentait aux services de police sous une autre identité. Le 19 octobre 2022, la préfète de la Loire a ordonné le placement de [R] [T] [U] en rétention dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire afin de permettre l'exécution de la mesure d'éloignement. Par ordonnance du 21 octobre 2022 confirmée en appel le 24 octobre 2022 et par ordonnance du 18 novembre 2022 confirmée en appel le 20 novembre 2022, le juge des libertés et de la détention a prolongé la rétention administrative de [R] [T] [U] pour des durées de vingt-huit et trente jours. Suivant requête du 18 décembre 2022, le préfet de la Loire a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon aux fins de voir ordonner une nouvelle prolongation exceptionnelle de la rétention pour une durée de quinze jours. Dans son ordonnance du 18 décembre 2022 à 11heures10 le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Lyon,a fait droit à cette requête. Par déclaration au greffe le 19 décembre 2022 à 12 heures 15, [R] [T] [U] a interjeté appel de cette ordonnance en faisant valoir qu'aucun des critères définis par le CESEDA n'est réuni et que la troisième prolongation de sa rétention administrative est impossible en ce qu'il n'a pas fait obstruction à son éloignement et que l'autorité administrative n'établit pas la délivrance à bref délai d'un document de voyage. [R] [T] [U] a demandé l'infirmation de l'ordonnance déférée et sa remise en liberté. Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience du 20 décembre 2022 à 10 heures 30. [R] [T] [U] a comparu et a été assisté d'un interprète et de son avocat. Le conseil de [R] [T] [U] a été entendu en sa plaidoirie pour soutenir les termes de la requête d'appel. Le préfet de la Loire, représenté par son conseil, a demandé la confirmation de l'ordonnance déférée. [R] [T] [U] a eu la parole en dernier. Il explique qu'on l'a toujours appelé [W], qu'il ne connaît pas son nom de famille, pas ses parents. Il soutient qu'il est né au Maroc et qu'il est marocain et que c'est un juge qui lui a dit qu'il s'appelait [R] [T] [U]. Il souhaite quitter le centre de rétention et quitter la France par ses propres moyens. MOTIVATION Sur la procédure et la recevabilité de l'appel Attendu que l'appel de [R] [T] [U] relevé dans les formes et délais légaux est recevable ; Sur le bien-fondé de la requête Attendu que l'article L. 741-3 du CESEDA rappelle qu'un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que le temps strictement nécessaire à son départ et que l'administration doit exercer toute diligence à cet effet ; Attendu que l'article L. 742-5 3o du même code dispose que la troisième prolongation n'est possible qu'à titre exceptionnel et si, dans les derniers 15 jours, il apparaît que la mesure d'éloignement n'a pu être exécutée en raison du défaut de délivrance des documents de voyage par le consulat dont relève l'intéressé et qu'il est établi par l'autorité administrative compétente que cette délivrance doit intervenir à bref délai. Attendu que le conseil de [R] [T] [U] soutient que les conditions de ce texte ne sont pas réunies en ce que sa situation ne répond aux conditions de la troisième prolongation ; Attendu que l'autorité administrative fait valoir dans sa requête que :- le 23 mai 2022 [R] [T] [U] a été reconnu par les autorités algériennes comme l'un de leurs ressortissants via SCCOPOL ; - des démarches ont été engagées auprès des autorités algériennes pour l'obtention d'un laissez-passer consulaire dès le 20 octobre 2022, suivies de relances les 2 et 16, et 29 novembre 2022 ;- le 01 décembre 2022 le pôle central d'éloignement a été saisi d'une demande de routing et la préfecture est dans l'attente des coordonnées d'un vol ; Que de façon surprenante au jour de l'audience M. [U] se dit marocain tout en soutenant qu'il ne connaît pas son véritable nom de famille pour avoir vécu au Maroc et en Algérie ; Attendu que par les pièces du dossier, l'intéressé est identifié par Scccopol ce qui ne peut qu'accélérer le travail des autorités consulaires algériennes, la préfecture fournit les éléments qui permettent de retenir que la délivrance du laissez-passer consulaire doit intervenir à bref délai, Qu'en conséquence, l'ordonnance entreprise est confirmée ; PAR CES MOTIFS Déclarons recevable l'appel formé par [R] [T] [U], Confirmons l'ordonnance déférée. La greffière, La conseillère déléguée, Charlotte COMBAL Isabelle OUDOT
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JURITEXT000046990299
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ARRET
Cour d'appel de Poitiers, 20 décembre 2022, 22/000706
2022-12-20
Cour d'appel de Poitiers
Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
22/000706
PP
POITIERS
R E P U B L I Q U E F R A N Ç A I S EAU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS MINUTE No48 COUR D'APPEL DE POITIERS 20 Décembre 2022 CONTENTIEUX DES SOINS PSYCHIATRIQUES PROCEDURE DE CONTROLE DES MESURES ORDONNANCE No RG 22/00070 - No Portalis DBV5-V-B7G-GWCP M. [B] [T] Nous, Patrick CASTAGNÉ, président de chambre, agissant sur délégation du premier président de la cour d'appel de Poitiers, Assisté, lors des débats, d'Astrid CATRY, greffière placée, avons rendu le vingt décembre deux mille vingt deux l'ordonnance suivante, par mise à disposition au greffe, sur appel formé contre une ordonnance du Juge des libertés et de la détention de [Localité 7] en date du 29 Novembre 2022 en matière de soins psychiatriques sans consentement. APPELANT Monsieur [B] [T]né le [Date naissance 1] 1993 à [Localité 5]CHS [6][Adresse 9][Localité 7] non comparant représenté par Me [F], avocate au barreau de POITIERS placé sous le régime de l'hospitalisation complète en soins psychiatriques sans consentement mis en oeuvre par le Centre Hospitalier [6] INTIMÉS : CENTRE HOSPITALIER [6][Adresse 8][Localité 7] non comparant ni représenté MANDATAIRE JUDICIAIRE A LA PROTECTION DES MAJEURS, curateurCH G.[6][Adresse 9][Localité 7] non comparant ni représenté PREFECTURE DE VENDEE[Adresse 2][Localité 7] non comparant ni représenté Monsieur [M] [T][Adresse 3][Localité 4] non comparant ni représenté PARTIE JOINTE Ministère public, non représenté, ayant déposé des réquisitions écrites ; *** Vu la requête du 18 novembre 2022 par laquelle le Préfet de Vendée a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de la Roche sur Yon en vue de voir statuer sur le maintien des soins psychiatriques sous forme d'hospitalisation complète dont fait l'objetM. [B] [T] depuis le 19 octobre 2020, Vu l'ordonnance du 29 novembre 2022 par laquelle le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de la Roche sur Yon a :- constaté que la mesure d'hospitalisation dont M. [B] [T] fait l'objet est justifiée,- dit qu'elle doit être maintenue, Vu la LRAR du 9 décembre 2022 par laquelle M. [T] a interjeté appel de cette décision, dans des conditions de forme et de délai régulières au regard des dispositions de l'article R3211-18 du code de la santé publique, étant constaté qu'a été établi le 5 décembre 2022 un récépissé de notification indiquant que l'intéressé a refusé de signer l'accusé de réception mais que la copie de l'ordonnance et la notification des voies de recours lui ont été remises, Vu l'avis médical motivé adressé le 15 décembre 2022 par le docteur [G], praticien au centre Hospitalier [6] de la [Localité 7] sur Yon, Vu les réquisitions du Parquet général en date du 15 décembre 2022 tendant à la confirmation de la décision déférée, Entendu à l'audience du 19 décembre 2022 Me [F], représentant M. [T], qui a :- indiqué s'être entretenue avec M. [T] le 16 décembre 2022, - soutenu que le certificat médical de situation du 15 décembre 2022 (entré en soins psychiatriques sur décision du représentant de l'Etat le 19/10/2020 présente: persistance d'une désorganisation comportementale avec un vécu de persécution flou. Déni des troubles. Ambivalence par rapport aux soins.) n'est pas circonstancié pour être la copie conforme d'un certificat médical antérieur d'octobre 2022 alors qu'un certificat de situation du 14 novembre 2022 notait une évolution favorable de la maladie avec stabilisation psychique, adaptation du comportement, disparition des idées délirantes et acceptation passive de la prise en charge,- précisé que M. [T] a des projets de sortie, souhaite se rapprocher de sa famille et affirme avoir arrêté toute consommation de produits toxiques depuis des mois. MOTIFS La décision de première instance est exactement qualifiée de contradictoire, M. [T], qui avait refusé de comparaître pour "cause d'achat de noël" (ainsi qu'il résulte de la notification de convocation signée par lui), ayant été représenté par un avocat à l'audience. Le fait que le certificat de situation établi le 15 décembre 2022 par le docteur [G] est la reproduction d'un précédent certificat dressé par le même praticien le 13 octobre 2022 ne permet pas de considérer qu'il n'est pas circonstancié et qu'il est en contradiction avec le certificat établi par le docteur [K] le 14 novembre 2022. En effet, par-delà leurs divergences sur l'évolution de M. [T], les deux médecins s'accordent sur l'existence d'une "acceptation passive de la prise en charge" pour l'une et d'une "ambivalence par rapport aux soins" pour l'autre, et concluent tous deux, de manière concordante, à la nécessité d'une poursuite des soins sous forme d'une hospitalisation complète en temps plein afin d'assurer, comme exactement considéré par le premier juge, une stabilisation pérenne, préalable nécessaire à tout projet de sortie encadrée. La décision déférée sera en conséquence confirmée en toutes ses dispositions. PAR CES MOTIFS,Statuant contradictoirement et en dernier ressort: Vu l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de la Roche sur Yon en date du 29 novembre 2022, Déclare l'appel de M. [B] [T] recevable, Confirme la décision déférée en toutes ses dispositions, Laisse les dépens d'appel à la charge du Trésor Public. Et ont, le président et le greffier, signé la présente ordonnance. LE GREFFIER, LE PRESIDENT, Astrid CATRY Patrick CASTAGNÉ
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JURITEXT000046533753
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ARRET
Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, 4 octobre 2022, 22/010471
2022-10-04
Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion
Radie l'affaire pour défaut de diligence des parties
22/010471
02
ST_DENIS_REUNION
COUR D'APPELDE SAINT- DENIS Chambre sociale RG N : No RG 22/01047 - No Portalis DBWB-V-B7G-FW4HAffaire : S.A.S. HYDROTECH[Adresse 2][Adresse 2][Adresse 2]Représentant : Me Antony VANHAECKE de la SELARL CEOS AVOCATS, avocat au barreau de LYON APPELANTECAISSE GENERALE DE SECURITE SOCIALE DE LA REUNION (CGSSR)[Adresse 1][Adresse 1][Adresse 1]Représentant : Me Isabelle CLOTAGATIDE KARIM de la SCP CANALE-GAUTHIER-ANTELME- BENTOLILA, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION INTIMEE ORDONNANCE DE RADIATION No Nous, Alain LACOUR, président, assisté de Monique LEBRUN, greffière, Vu la procédure en instance d'appel inscrite au répertoire général sous le numéro No RG 22/01047 - No Portalis DBWB-V-B7G-FW4H, Attendu que ni l'appelante ni son conseil n'étaient présents à l'audience de ce jour , En conséquence, qu'il échet d'ordonner la radiation d'office. PAR CES MOTIFS Vu l'article 381 du Code de Procédure Civile. Ordonnons d'office la radiation de l'affaire. Laissons les dépens exposés à ce jour à la charge de chaque partie, sous réserve d'une éventuelle décision à intervenir sur le fond. Fait à Saint-Denis, le 04 octobre 2022 Le greffier,Monique LEBRUNLe président, chargé de l'instructionAlain LACOUR Le 4 octobre 2022 Expédition délivrée à : la SELARL CEOS AVOCATSla SCP CANALE-GAUTHIER-ANTELME-BENTOLILA
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JURITEXT000046510506
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ARRET
Cour d'appel de Nouméa, 29 janvier 2021, 20/001285
2021-01-29
Cour d'appel de Nouméa
Déclare la demande ou le recours irrecevable
20/001285
05
NOUMEA
COUR D'APPEL DE NOUMÉA Numéro de répertoire général: No RG 20/00128 - No Portalis DBWF-V-B7E-RS2 Date de la saisine: 16 Décembre 2020 Date de la décision attaquée:30 Juin 2020 Origine décision attaquée:Tribunal mixte de Commerce de NOUMEA LISTE DES PARTIES ET AVOCATS DU DOSSIERS.E.L.A.R.L. [J] [M] [E] MANDATAIRE JUDICIAIRE, ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL PROMOCAL, représentée par sa gérante en exercice Me [J] [M] [E], demeurant [Adresse 4] - [Localité 3] APPELANT S.A.S. BATICAL, demeurant [Adresse 2] - [Localité 3]Représentée par Me Yann BIGNON de la SARL LEXCAL, avocat au barreau de NOUMEAS.A.R.L. MENPOSE, demeurant [Adresse 1] - [Localité 3]Représentée par Me Yann BIGNON de la SARL LEXCAL, avocat au barreau de NOUMEA INTIMES ORDONNANCE IRRECEVABILITE Nous, Philippe ALLARD, président de chambre, désigné par le premier président de la cour d'appel de Nouméa ; Vu le jugement rendu le 30 juin 2020 par le tribunal mixte de commerce de Nouméa dans une instance opposant les sociétés Batical et Menpose à la société Promocal, Vu la requête d'appel déposée le 16 décembre 2020 par la selarl [E], agissant ès qualités de mandataire liquidateur de la société Promocal, Attendu qu'il résulte de l'article 899-2 du code de procédure civile que lorsque la constitution d'avocat est obligatoire, l'appelant qui n'a pas constitué avocat dans sa requête d'appel est tenu d'y procéder à peine d'irrecevabilité de la requête dans le délai d'un mois à compter du dépôt de celle-ci ; que l'article 899-4 du code de procédure civile précise qu'en cas de de non constitution d'avocat dans le délai prescrit, l'irrecevabilité est constatée d'office par le premier président ou le magistrat désigné par lui sans prorogation de délai possible ; Attendu que cette obligation a été rappelée à la selarl [E] dans l'avis à appelant qui lui a été adressé ; Attendu que la selarl [E] n'ayant pas constitué avocat dans le délai prescrit, l'appel doit être déclaré irrecevable ; PAR CES MOTIFS : Déclarons la requête d'appel irrecevable ; Constatons le dessaisissement de la cour ; Condamnons l'appelante aux dépens d'appel. Nouméa, le 29 Janvier 2021 M. Philippe ALLARD, président de chambre
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JURITEXT000046510507
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ARRET
Cour d'appel de Paris, 20 octobre 2022, 20/002434
2022-10-20
Cour d'appel de Paris
Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
20/002434
H0
PARIS
Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées aux parties le :République françaiseAu nom du Peuple français COUR D'APPEL DE PARISPôle 4 - Chambre 9 - B ARRET DU 20 Octobre 2022(no 184 , pages) Numéro d'inscription au répertoire général : S No RG 20/00243 - No Portalis 35L7-V-B7E-CCQPY Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 09 Septembre 2020 par le tribunal judiciaire de Melun RG no 20/00481 APPELANTE Madame [G] [N] (débitrice)[Adresse 5][Localité 7]comparante en personne INTIMES Monsieur [X] [N] (prêt familial)[Adresse 2][Localité 8]non comparant Madame [F] [T] (créancière-bailleresse)[Adresse 3][Localité 6]non comparante BNP PARIBAS CHEZ EFFICO-SORECO (00058/00309970/X000050535; 00058/00309970/X000050533) Service surendettement[Adresse 1][Localité 4]non comparante COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 septembre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Laurence ARBELLOT conseillère, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :Mme Muriel DURAND, présidenteMme Laurence ARBELLOT, conseillèreMme Fabienne TROUILLER, conseillère Greffière : Mme Alexandra AUBERT, lors des débats ARRET : - DÉFAUT- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Madame Muriel DURAND, présidente et par Madame Alexandra AUBERT, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. *** FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES Le 24 octobre 2019, la commission de surendettement des particuliers de Seine-et-Marne a déclaré recevable la demande présentée par Mme [G] [N] aux fins de bénéficier de mesures propres au traitement de sa situation de surendettement. Le 30 décembre 2019, la commission a imposé un rééchelonnement de tout ou d'une partie des créances sur une durée de 78 mois au taux de 0,87%. Le 27 janvier 2020, Mme [N] a contesté les mesures recommandées en réclamant une diminution de sa mensualité de remboursement qu'elle considère trop élevée pour lui permettre de se reloger. Par jugement rendu par défaut le 9 septembre 2020, le tribunal judiciaire de Meaux a :–déclaré recevable le recours,–fixé à 386,35 euros la contribution mensuelle de Mme [N] affectée à l'apurement du passif,–dit que Mme [N] s'acquittera de ses dettes par un échelonnement sur 84 mois avec un remboursement maximal mensuel de 381,26 euros, La juridiction a relevé que le passif s'élevait à la somme de 31 827,11 euros et a retenu des ressources de 2 123,35 euros par mois soit 1 785 euros de salaire et 338,35 euros de prestations familiales pour des charges de 1 737 euros par mois avec une capacité de remboursement réelle fixée à 386,35 euros par mois. La décision a été notifiée à Mme [N] par courrier du 09 septembre 2020. Par déclaration adressée le 18 septembre 2020 au greffe de la cour d'appel Paris, Mme [N] a interjeté appel du jugement en indiquant que sa situation financière avait changé, qu'elle ne percevait plus de la caisse d'allocations familiales que la somme de 67 euros et qu'elle ne bénéficiait plus des aides au logement. Elle précisait demander un effacement total de ses dettes voire une diminution significative du remboursement. Les parties ont été convoquées à l'audience du 13 septembre 2022. Mme [N] est présente et explique ne pas avoir respecté la décision compte tenu de son appel. Elle indique ne pouvoir payer les mensualités et solliciter une baisse de son remboursement à 100 euros ou un effacement de ses dettes. Elle explique qu'il ne lui reste que 200 euros par mois pour vivre et que la dette de loyers était celle de son ancien compagnon. Elle explique être aide-soignante en CDI et gagner 1 890 euros par mois. Elle indique avoir un enfant à charge de 7 ans, être séparée du père de l'enfant sans aucune pension alimentaire et sans aide au logement. Elle ajoute ne percevoir que 122 euros d'allocation de soutien familial. Elle précise être en colocation avec sa s?ur et payer la moitié du loyer soit environ 700 euros par mois. Elle ne conteste pas le montant des charges retenu sauf son loyer qui a augmenté de 30 euros environ. Aucun créancier n'a comparu.MOTIFS DE LA DÉCISION Il convient d'indiquer à titre liminaire que l'appel en matière de procédure de surendettement des particuliers, est formé, instruit et jugé selon les règles de la procédure sans représentation obligatoire figurant aux articles 931 à 949 du code de procédure civile. La procédure applicable devant la cour d'appel est donc la procédure orale de droit commun dans laquelle la prise en considération des écrits d'une partie par la cour est subordonnée à l'indication orale à l'audience par cette partie ou son représentant qu'elle se réfère à ses écritures. Dès lors, la cour ne peut prendre en compte les demandes ou observations présentées par écrit par les parties non comparantes. Sur la recevabilité du recours En l'absence de tout élément de nature à contredire le jugement sur ce point, la décision entreprise sera confirmée en ce qu'elle a déclaré recevable le recours. La bonne foi de Mme [N] n'est pas contestée et n'est pas susceptible d'être remise en cause au vu des éléments dont la cour dispose. Il n'y a donc pas lieu de statuer spécialement sur ce point. Sur les mesures Aux termes de l'article L.733-1 du code de la consommation, en l'absence de mission de conciliation ou en cas d'échec de celle-ci, la commission peut, à la demande du débiteur et après avoir mis les parties en mesure de fournir leurs observations, imposer tout ou partie des mesures suivantes :1o Rééchelonner le paiement des dettes de toute nature, y compris, le cas échéant, en différant le paiement d'une partie d'entre elles, sans que le délai de report ou de rééchelonnement puisse excéder sept ans ou la moitié de la durée de remboursement restant à courir des emprunts en cours ; en cas de déchéance du terme, le délai de report ou de rééchelonnement peut atteindre la moitié de la durée qui restait à courir avant la déchéance ;2o Imputer les paiements, d'abord sur le capital ;3o Prescrire que les sommes correspondant aux échéances reportées ou rééchelonnées porteront intérêt à un taux réduit qui peut être inférieur au taux de l'intérêt légal sur décision spéciale et motivée et si la situation du débiteur l'exige. Quelle que soit la durée du plan de redressement, le taux ne peut être supérieur au taux légal;4o Suspendre l'exigibilité des créances autres qu'alimentaires pour une durée qui ne peut excéder deux ans. Sauf décision contraire de la commission, la suspension de la créance entraîne la suspension du paiement des intérêts dus à ce titre. Durant cette période, seules les sommes dues au titre du capital peuvent être productives d'intérêts dont le taux n'excède pas le taux de l'intérêt légal. L'article L.733-3 du même code énonce que la durée totale des mesures mentionnées à l'article L. 733-1 ne peut excéder sept années. Aux termes de l'article R. 731-1 du code de la consommation : « Pour l'application des dispositions des articles L. 732-1, L. 733-1 et L. 733-4, la part des ressources mensuelles du débiteur à affecter à l'apurement de ses dettes est calculée, dans les conditions prévues aux articles L. 731-1, L.731-2 et L. 731-3, par référence au barème prévu à l'article R. 3252-2 du code du travail. Toutefois, cette somme ne peut excéder la différence entre le montant des ressources mensuelles réelles de l'intéressé et le montant forfaitaire du revenu de solidarité active mentionné au 2o de l'article L. 262-2 du code de l'action sociale et des familles applicable au foyer du débiteur ». L'article R. 731-2 précise : « La part de ressources réservée par priorité au débiteur est déterminée au regard de l'ensemble des dépenses courantes du ménage, qui intègre les dépenses mentionnées à l'article L. 731-2 ». Enfin selon l'article R.731-3 : « Le montant des dépenses courantes du ménage est apprécié par la commission, soit pour leur montant réel sur la base des éléments déclarés par le débiteur, soit en fonction du barème fixé par son règlement intérieur et prenant en compte la composition de la famille. Le règlement intérieur précise à quelles conditions et selon quelles modalités les dépenses sont prises en compte pour leur montant réel ou selon le barème. Lorsque la commission prend en compte des dépenses courantes du ménage pour leur montant réel, elle peut demander au débiteur d'en fournir des justificatifs. Si le débiteur ne les fournit pas, les dépenses concernées sont appréciées selon le barème susvisé ». En vertu des dispositions de l'article L.724-1 du code de la consommation, le débiteur qui se trouve dans une situation irrémédiablement compromise, caractérisée par l'impossibilité manifeste de mettre en oeuvre les mesures de traitement prévues par les articles L.732-1, L.733-1, L.733-7 et L.733-8 du même code, est éligible à la procédure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire s'il est constaté qu'il ne possède que des biens meublants nécessaires à la vie courante et des biens non professionnels indispensables à l'exercice de son activité professionnelle ou que l'actif est constitué de biens dépourvus de valeur marchande ou dont les frais de vente seraient manifestement disproportionnés au regard de leur valeur vénale. En application de ces textes, il incombe au juge de se référer aux éléments objectifs qui lui sont soumis, c'est-à-dire le rapport entre le montant des dettes et les revenus disponibles ou ceux prévisibles et de déterminer la part des revenus que le débiteur peut affecter au paiement de ses dettes au regard des éléments dont il dispose, en prenant en compte l'évolution prévisible des revenus du débiteur. Par ailleurs, il convient de rappeler que la situation n'est pas irrémédiablement compromise dès lors qu'elle est susceptible d'évoluer, du fait de l'âge du débiteur, de sa qualification et de sa situation personnelle. En l'espèce, le passif est non contesté à hauteur de 31 827,11 euros. Si le premier juge a retenu des ressources de 2 123,35 euros par mois constituées pour 1 785 euros de salaire et 338,35 euros de prestations familiales, Mme [N] justifie être employée en qualité d'aide-soignante à durée indéterminée au salaire de 1 890 euros net par mois selon bulletin de salaire d'août 2022 et ne percevoir de la caisse d'allocation familiale qu'une somme de 122,93 euros au titre de l'allocation de soutien familial sans aide au logement (attestation CAF du 8 septembre 2022). Ses ressources ont donc diminué à 2 012 euros par mois soit une baisse d'un peu plus de 100 euros par mois. Elle justifie d'un enfant de 7 ans à charge et ne conteste pas le montant évalué de ses charges à la somme de 1 737 euros par mois. Elle justifie toutefois de frais de cantine et de garde d'enfant lesquels n'avaient pas été pris en compte par le premier juge et qui peuvent être évalués à 80 euros par mois. La somme pouvant être affectée au remboursement des créanciers ne dépasse pas 195 euros par mois. Compte tenu de la situation de Mme [N], elle sera fixée à la somme de 100 euros par mois. Il s'en suit qu'il convient d'infirmer le jugement et de prévoir le remboursement des créances par un rééchelonnement sur une durée de 84 mois, période au cours de laquelle le taux des intérêts sera réduit à 0% selon les modalités suivantes : du 1er décembre 2022 au 1er novembre 2029, 100 euros par mois répartis de la façon suivante et dans les termes du dispositif : -60 euros à [F] [T],-10 euros à [X] [N],-30 euros à BNP Paribas avec effacement partiel des dettes à l'issue. Chaque partie supportera ses éventuels dépens d'appel. PAR CES MOTIFS LA COUR, Statuant publiquement, par arrêt par défaut et en dernier ressort rendu par mise à disposition au greffe : Infirme le jugement sauf en ce qu'il a déclaré recevable le recours, Statuant de nouveau et y ajoutant, Fixe la capacité mensuelle de remboursement Mme [G] [N] à la somme de 100 euros à compter de décembre 2022 ; Dit que les dettes sont rééchelonnées sur une durée de 84 mois, à compter de décembre 2022 ;Dit que le taux d'intérêt des créances est réduit à 0%, et que les dettes reportées ou rééchelonnées ne produisent pas d'intérêt ;Dit qu'à défaut de paiement d'une seule de ces échéances à son terme, l'ensemble du plan est de plein droit caduc 15 jours après une mise en demeure adressée à Mme [N] d'avoir à exécuter ses obligations restées infructueuses ; Dit que les dettes de Mme [G] [N] sont remboursées de la façon suivante, à compter de décembre 2022 : 84 mensualités au taux d'intérêt de 0% de 100 euros chacune réparties de la façon suivante :-60 euros à [F] [T],-30 euros à BNP Paribas (créances 00058/00309970/X000050535 et 00058/00309970/X000050533)-10 euros à [X] [N] ;Dit que le solde des dettes de [F] [T], de la BNP Paribas et de M. [X] [N] sera effacé à l'issue du plan ;Rappelle qu'il appartiendra à Mme [N] en cas de changement significatif de ses conditions de ressources à la hausse comme à la baisse, de ressaisir la commission de surendettement d'une nouvelle demande ;Laisse à la charge de chaque partie les éventuels dépens d'appel exposés par elle ;Dit que l'arrêt sera notifié par lettre simple à la commission de surendettement et aux parties par lettre recommandée avec accusé de réception. LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
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JURITEXT000046510508
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ARRET
Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, 12 octobre 2022, 19/005611
2022-10-12
Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion
Révocation de l'ordonnance de clôture
19/005611
06
ST_DENIS_REUNION
ARRÊT No22/SP R.G : No RG 19/00561 - No Portalis DBWB-V-B7D-FEWI [D][D]S.A.R.L. AUTOPROLOCATION C/ S.A. CREDIT MODERNE OCEAN INDIEN COUR D'APPEL DE SAINT - DENIS ARRÊT AVANT DIRE DROIT DU 12 OCTOBRE 2022 Chambre commerciale Appel d'une décision rendue par le TRIBUNAL MIXTE DE COMMERCE DE SAINT-DENIS en date du 04 MARS 2019 suivant déclaration d'appel en date du 03 AVRIL 2019 RG no APPELANTS : Monsieur [G] [L] [D][Adresse 2][Adresse 2][Adresse 2][Localité 4]Représentant : Me Vincent RICHARD, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION Madame [Z] [U] [F] [D][Adresse 2][Adresse 2][Adresse 2][Localité 4]Représentant : Me Vincent RICHARD, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION S.A.R.L. AUTOPROLOCATION[Adresse 3][Localité 4]Représentant : Me Vincent RICHARD, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION INTIMÉE : S.A. CREDIT MODERNE OCEAN INDIEN[Adresse 1][Localité 5]Représentant : Me Dominique LAW WAI, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION DATE DE CLÔTURE : 31/01/2022 DÉBATS : en application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 06 avril 2022 devant Madame PIEDAGNEL Sophie, Conseillère, qui en a fait un rapport, assistée de Madame Nathalie BEBEAU, Greffière, les parties ne s'y étant pas opposées. Ce magistrat a indiqué, à l'issue des débats, que l'arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 06 juillet 2022 prorogé par avis au 12 octobre 2022. Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Président : Madame Sophie PIEDAGNEL, ConseillèreConseiller : Madame Pauline FLAUSS, ConseillèreConseiller : Madame Magali ISSAD, Conseillère Qui en ont délibéré Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 12 octobre 2022. * * * LA COUR Dans le cadre d'une opération de défiscalisation, et suivant trois offres de crédit du 31 août 2015 la SA Crédit Moderne Océan Indien (le CMOI ou la banque) a consenti à la SNC Salazie Location 137, trois crédits destinés à l'acquisition de trois véhicules automobiles de marque Peugeot en vue de leur location auprès de la SARL Autoprolocation, dirigée par Mme [Z] [U] [F] [E] épouse [D], chacun des prêts comprenant une clause de réserve de propriété au profit de la banque. Le même jour, ont été conclus :-trois contrats de location entre les SNC Salazie Location et la société Autoprolocation, avec promesse irrévocable de rachat pour chacun d'entre eux-trois conventions tripartites de délégation et de mandat entre la SNC, la société Autoprolocation et le CMOI, aux termes desquelles l'emprunteur déléguait au CMOI le montant total des loyers et de toute somme dont la locataire pourrait être redevable résultant des contrats de locations consentis (pour assurer le remboursement du capital et des intérêts des prêts) et lui donnait mandat d'agir en ses lieu et place pour assurer la conservation des biens financés-les actes de cautions solidaires et indivisibles de M. [G] [L] [D] et son épouse dans la limite de la somme de 14.222,80 euros pour chacun des trois contrats de prêt conclus entre la banque et la SNC Salazie Location 137. A la suite de la défaillance de la société Autoprolocation dans le paiement des loyers, par lettre recommandée avec avis de réception en date du 6 mars 2017, la banque a notifié à la société débitrice la déchéance du terme des trois contrats de location et réclamé à la locataire et aux cautions le paiement des sommes lui restant dues et ce, en vain. Par actes d'huissier en date du 24 juillet 2017, le CMOI a fait assigner la société Autoprolocation ainsi que M. et Mme [D] devant le tribunal mixte de commerce de Saint Denis de la Réunion aux fins de condamnation à lui payer les sommes de 11.297,52 euros au titre du contrat no 275124, 11.297,52 euros au titre du contrat no 275125, 11.297,52 euros au titre du contrat no 275126 et 3.500 euros au titre des frais irrépétibles, la restitution des véhicules, sous astreinte, ainsi que la condamnation à lui payer la somme de 260,81 euros par mois en cas de restitution tardive jusqu'à restitution effective, et ce sous le bénéfice de l'exécution provisoire. Les défendeurs ont conclu au débouté des prétentions de la banque, sollicité en tout état de cause des délais de paiements ainsi qu'une indemnité de procédure de 3.000 euros. C'est dans ces conditions que, par jugement rendu le 4 mars 2019, le tribunal mixte de commerce de Saint Denis de la Réunion a :-déclaré la société CMOI recevable et bien fondée en ses demandes-condamné solidairement la SARL Autoprolocation et les époux [D] à payer à la société CMOI les sommes suivantes, déduction à faire de la somme de 7.250 euros :.11.297,52 euros au titre du contrat no 275124,.11.297,52 euros au titre du contrat no 275125,.11.297,52 euros au titre du contrat no 275126,et ce, avec les intérêts au taux légal sur la somme due en principal, à compter du premier impayé du mois de septembre 2016 jusqu'au règlement effectif des sommes dues-ordonné la restitution immédiate des trois véhicules Peugeot immatriculés [Immatriculation 6], [Immatriculation 8] et [Immatriculation 7] dans un lieu indiqué par la société CMOI, et ce, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du huitième jour suivant la signification de la présente décision-autorisé la société CMOI à appréhender les véhicules en quelque lieu et quelques mains qu'ils se trouvent et à les faire conduire dans le garage de son choix aux frais du débiteur, et ce, le cas échéant, avec l'assistance de la force publique-condamné solidairement la SARL Autoprolocation et les époux [D] à payer à la société CMOI la somme de 260,81 euros en cas de restitution tardive, par mois et pour chacun des véhicules jusqu'à leur restitution effective,-condamné la SARL Autoprolocation et les époux [D] à payer à la société CMOI la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile-autorisé les défendeurs à s'acquitter de leur dette en principal, intérêts et frais en 24 mensualités égales, et ce, à compter du premier jour ouvrable du mois suivant celui de la signification de la présente décision-dit qu'à défaut de règlement d'une seule échéance à sa date, l'entier solde sera exigible et les poursuites pourront être reprises-dit n'y avoir lieu à exécution provisoire-condamné les défendeurs aux dépens. Par déclaration au greffe en date du 3 avril 2019, la société Autoprolocation ainsi que M. et Mme [D] ont interjeté appel de cette décision. Par arrêt avant dire droit en date du 23 août 2021, la cour a invité les parties à mettre leurs écritures en conformité avec la situation juridique telle qu'elle ressort des pièces produites (les parties évoquant dans leurs conclusions indistinctement les contrats de prêts et les contrats de location, M. et Mme [D] n'est pas, a priori, caution de la société Autoprolocation au titre des contrats de location et la société Autoprolocation n'est pas, a priori, caution de la SNC Salazie Location 137 au titre des contrats de prêts), et à présenter toutes observations utiles, ordonné le rabat de l'ordonnance de clôture, renvoyé le dossier à l'audience de mise en état du 18 octobre 2021 et réservé l'ensemble des demandes et des dépens. Dans leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 3 juillet 2019, la société Autoprolocation et M. et Mme [D] demandent à la cour, au visa des articles (version applicable au présent litige) 1134, 1152, 1231, 1250 et 1147 du code civil et L341-4 du code de la consommation, de :-dire et juger recevable l'appel interjeté-réformer le jugement entreprisStatuant à nouveau-dire et juger que la société Autoprolocation a de bonne foi réglé en partie la dette contractuelle découlant des contrats litigieux-dire et juger que les clauses relatives à l'indemnité de résiliation doivent être qualifiées de clause pénale-dire et juger que le montant réclamé au titre de la clause pénale figurant dans les offres de crédit et dans les contrats de location, délégation et mandat, est manifestement excessif et doit être réduit dans des proportions substantielles et équitables au regard du montant des sommes réclamées et du montant de la dette réelle-dire et juger que les demandes présentées contre M. et Mme [D] à la fois au titre des contrats de crédit puis des contrats de location, délégation et mandat ne sont pas justifiées au regard de la qualité mise en cause et des montants réclamés, -dire et juger que la société CMOI ne peut valablement réclamer à la fois l'ensemble du paiement des loyers, la restitution des véhicules ainsi que le montant des clauses pénales sans violer le principe de réparation intégrale du préjudice-annuler la clause autorisant la société CMOI à intervenir par subrogation auprès de la société Autoprolocation-dire et juger irrecevable la demande en restitution immédiate des véhicules sur le fondement de la subrogation dont entend se prévaloir la société CMOI-dire et juger disproportionnés les engagements de caution souscrits par M. et Mme [D] au titre des contrats de crédit, location, délégation ou mandat, au jour de l'assignation délivrée par la société CMOI-prononcer la mise hors de cause de M. et Mme [D] au titre de tout engagement de caution relatif à l'offre de crédit de la société CMOI-dire et juger les engagements de caution inopposables à l'égard de M. et Mme [D] et prononcer la déchéance desdits engagements à l'égard de M. et Mme [D]En conséquence-rejeter la demande en restitution des véhicules au profit de la société CMOI-rejeter les demandes en paiement formées à l'égard de la société Autoprolocation et de M. et Mme [D] telles qu'elles sont libellées par la société CMOI et dans les montants sollicités, et à quelque titre que ce soitEn toute hypothèse-en cas de condamnation des défendeurs à l'égard de la société CMOI, quel qu'en soit le montant, accorder un délai de grâce de 24 mois eu égard aux difficultés financières de la société Autoprolocation et des tentatives régulières de la société de régler une part de la dette dans la mesure de ses possibilités-condamner la société CMOI à verser à la société Autoprolocation la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 15 octobre 2021, la banque demande à la cour de :-dire et juger l'appel de la SARL Autoprolocation et de M. et Mme [D] recevable-le dire et juger toutefois mal fondé-débouter la SARL Autoprolocation et M. et Mme [D] de toutes leurs demandes, fins et prétentions-confirmer en toutes ses dispositions le jugement entre pris-condamner, solidairement la SARL Autoprolocation et M. et Mme [D] à payer à la SA CMOI la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel dont il conviendra de faire masse et dont distraction au profit de Me D. Law-Wai qui pourra les recouvrer, conformément à l'article 699 du code de procédure civile. Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux conclusions des parties, visées ci-dessus, pour l'exposé de leurs prétentions et moyens. L'ordonnance de clôture est intervenue le 31 janvier 2022 et l'affaire a reçu fixation pour être plaidée à l'audience rapporteur du 6 avril 2022. Le prononcé de l'arrêt, par mise à disposition du greffe, a été fixé au 6 juillet 2022 prorogé au 12 octobre 2022. SUR CE, LA COUR Vu l'article 954 du code de procédure civile ; Vu les articles 13 et 16 du code de procédure civile ; Dans leurs dernières conclusions, les appelants demandent à la cour, notamment, de :-annuler la clause autorisant la société CMOI à intervenir par subrogation auprès de la société Autoprolocation-dire et juger irrecevable la demande en restitution immédiate des véhicules sur le fondement de la subrogation dont entend se prévaloir la société CMOI. Pour autant, ils ne précisent pas le fondement de ces demandes Dans ces conditions, il convient de rouvrir les débats afin d'inviter M. et Mme [D] et la société Autoprolocation de préciser le fondement juridique desdites demandes et permettre au CMOI de faire toutes observations utiles. PAR CES MOTIFS La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par arrêt avant dire droit, en matière commerciale, par mise à disposition au greffe, conformément à l'article 451 alinéa 2 du code de procédure civile ; REVOQUE l'ordonnance de clôture ; ORDONNE la réouverture des débats afin d'inviter M. [G] [L] [D], Mme [Z] [U] [F] [E] épouse [D] et la SARL Autoprolocation de préciser le fondement juridique de leur demande tendant à voir annuler la clause autorisant la SA Crédit Moderne Océan Indien (la société CMOI) à intervenir par subrogation auprès de la société Autoprolocation et dire et juger irrecevable la demande en restitution immédiate des véhicules sur le fondement de la subrogation dont entend se prévaloir la société CMOI et permettre à cette dernière de faire toutes observations utiles, et ce, avant le 7 novembre 2022, sous peine de radiation ; RENVOIE l'affaire à l'audience de mise en état du 21 novembre 2022 à 14 heures (audience dématérialisée) ; RESERVE les dépens. Le présent arrêt a été signé par Madame Sophie PIEDAGNEL, Conseillère, et par Madame Nathalie BEBEAU, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. LA GREFFIÈRESIGNELA PRÉSIDENTE
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JURITEXT000046510509
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ARRET
Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, 12 octobre 2022, 20/021161
2022-10-12
Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion
Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
20/021161
06
ST_DENIS_REUNION
ARRÊT No22/SP R.G : No RG 20/02116 - No Portalis DBWB-V-B7E-FOOY S.A. BANQUE FRANCAISE COMMERCIALE OCEAN INDIEN C/ [M] COUR D'APPEL DE SAINT - DENIS ARRÊT DU 12 OCTOBRE 2022 Chambre commerciale Appel d'une décision rendue par le TRIBUNAL MIXTE DE COMMERCE DE SAINT-PIERRE DE LA REUNION en date du 16 NOVEMBRE 2020 suivant déclaration d'appel en date du 01 DECEMBRE 2020 RG no 2020001325 APPELANTE : S.A. BANQUE FRANCAISE COMMERCIALE OCEAN INDIEN[Adresse 1][Adresse 1]Représentant : Me Cécile BENTOLILA de la SCP CANALE-GAUTHIER-ANTELME-BENTOLILA, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION INTIMÉE : Madame [P] [M][Adresse 2][Adresse 2][Adresse 2]Représentant : Me Isabelle SIMON, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION DATE DE CLÔTURE : 15/11/2021 DÉBATS : en application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 06 avril 2022 devant Madame PIEDAGNEL Sophie, Conseillère, qui en a fait un rapport, assistée de Madame Nathalie BEBEAU, Greffière, les parties ne s'y étant pas opposées. Ce magistrat a indiqué, à l'issue des débats, que l'arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 06 juillet 2022 prorogé par avis au 12 octobre 2022. Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Président : Madame Sophie PIEDAGNEL, ConseillèreConseiller : Madame Pauline FLAUSS, ConseillèreConseiller : Madame Magali ISSAD, Conseillère Qui en ont délibéré Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 12 octobre 2022. * * * LA COUR Suivant contrat de prêt professionnel no65950 du 27 février 2016, la SA Banque Française Commerciale Océan Indien (la BFCOI ou la banque) a consenti à la SARL Odalyna Beauty dont la gérante est Mme [P] [M] un prêt professionnel d'un montant de 62.000 euros remboursable en 84 mensualités d'un montant de 861,81 euros hors assurance et assorti d'un TEG de 6,3 % destiné à financer l'acquisition de matériel pour son activité de bar à ongles. Suivant acte sous seing privé du 8 avril 2016, Mme [P] [M] s'est portée caution solidaire dans la limite de la somme de 35.200 euros couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant des pénalités ou intérêts de retard pour la durée de sept ans. Suivant jugement du tribunal mixte de commerce de Saint-Pierre du 22 mai 2019, la SARL Odalyna Beauty a été placée en sauvegarde, convertie en liquidation judiciaire le 7 novembre 2019. La BFC OI a déclaré sa créance à hauteur de la somme de 45.676,13 euros le 3 décembre 2019 auprès du liquidateur. Suivant lettre recommandée avec accusé de réception reçue le 14 décembre 2019, la caution de Mme [M] a été actionnée par la BFCOI. Par acte d'huissier en date du 3 mars 2020, la BFCOI a fait assigner Mme [M] devant le tribunal mixte de commerce de Saint Pierre de la Réunion aux fins de condamnation à lui payer les sommes de 35.200 euros majorées des intérêts de retard au taux légal à compter de la mise en demeure du 10 décembre 2019 et 2.500 euros au titre des frais irrépétibles. Mme [M] a conclu au débouté des prétentions de la BFCOI et sollicité, à titre reconventionnel la condamnation de cette dernière à lui verser les sommes de 1.000 euros à titre de dommages-intérêts et 3.000 euros au titre des frais irrépétibles. C'est dans ces conditions que, par jugement rendu le 16 novembre 2020, le tribunal mixte de commerce de Saint Pierre de la Réunion a :-débouté la SA Banque Française Commerciale Océan Indien (BFCOI) de sa demande en paiement dirigée contre Mme [P] [M]-débouté Mme [P] [M] de sa demande de dommages et intérêts-condamné la SA Banque Française Commerciale Océan Indien (BFCOI) à payer à Mme [P] [M] la somme de 1.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile-condamné la SA Banque Française Commerciale Océan Indien (BFCOI) aux dépens de l'instance, y compris les rais de greffe taxés et à liquides à hauteur de 66,22 euros. Par déclaration au greffe en date du 1er décembre 2020, la BFC OI a interjeté appel de cette décision. Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 7 juillet 2021, la BFCOI demande à la cour, au visa des articles 1103, 1221, 1231-6 et 2288 du code civil et 15, 16 et 673 du code de procédure civile, de :A titre principal-annuler le jugement entrepris-condamner Mme [M] à verser à la BFCOI la somme de 35.200 euros en exécution de son engagement de caution du 8 avril 2016, majorée des intérêts de retard au taux légal à compter de la mise en demeure du 10 décembre 2019A titre subsidiaire-infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la BFCOI de ses demandes, condamné la BFCOI à payer à Mme [M] la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et condamné la BFCOI aux dépens-condamner, en conséquence, Mme [M] à verser à la BFCOI la somme de 35.200 euros en exécution de son engagement de caution du 8 avril 2016, majorée des intérêts de retard au taux légal à compter de la mise en demeure du 10 décembre 2019En tout état de cause-débouter Mme [M] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions-condamner Mme [M] à verser à la BFCOI la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile-condamner Mme [M] aux dépens de la première instance et de l'appel. Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 28 juin 2021, Mme [M] demande à la cour de :Rejetant toutes conclusions contraires comme injustes ou mal fondées-statuer ce que de droit sur la recevabilité de l'appel -débouter la BFCOI de l'ensemble de ses demandes relatives à la nullité du jugement de première instanceAu fond-confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions Y Ajoutant, -condamner la BFCOI au paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens. Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux conclusions des parties, visées ci-dessus, pour l'exposé de leurs prétentions et moyens. L'ordonnance de clôture est intervenue le 15 novembre 2021 et l'affaire a reçu fixation pour être plaidée à l'audience rapporteur du 6 avril 2022. Le prononcé de l'arrêt, par mise à disposition du greffe, a été fixé au 6 juillet 2022 prorogé au 12 octobre 2022. SUR CE, LA COUR A titre liminaire D'une part, il y a lieu de préciser qu'il sera fait application des dispositions du code civil dans leur version antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance no2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve de l'obligation dans la mesure où l'engagement de caution a été pris avant l'entrée en vigueur de la réforme. D'autre part, le jugement déféré doit être d'ores et déjà confirmé en ce qu'il a débouté Mme [M] de sa demande de dommages et intérêts, cette disposition n'étant pas discutée en cause d'appel par l'intéressée qui a conclu à la confirmation dudit jugement en toutes ses dispositions. Sur l'annulation du jugement sollicitée par la banque Selon la banque le principe du contradictoire consacré par les articles 15 et 16 du code de procédure civile et les exigences de l'article 673 du même code ont été violés et, par conséquence, la cour doit annuler le jugement dont appel et trancher l'ensemble du litige conformément à l'effet dévolutif de l'appel prévu à l'article 562 du même code.Elle soutient qu'en cours de première instance, elle n'a été destinataire que d'un seul jeu de conclusions de Mme [M], à savoir ses conclusions no1 notifiées le 22 juin 2020 car dûment remises à la barre, lors de l'audience et datées et signées à cette occasion par son conseil et accompagnées de ses pièces numérotées de 1 à 7.Elle fait valoir qu'elle n'a jamais reçu en première instance les conclusions no2 de Mme [M] ni ses nouvelles pièces numérotées de 8 à 22.Elle considère que l'intimée méconnaît manifestement l'article 673 du code de procédure civile lequel régit précisément la notification directe des actes entre avocats, à savoir la remise de conclusions et pièces contre décharge qui est une obligation légale tendant notamment au respect du contradictoire.Elle précise que l'adresse « [Courriel 4] » n'est pas l'adresse mail professionnelle de Me [B] [V], associée de la SCP Canale Gauthier Antelme [V] Clotagatide : les adresses mail de Me [V] et de la SCP Canale sont inchangées depuis de nombreuses années à savoir [Courriel 3] et [Courriel 5].Elle soutient encore que l'oralité des débats devant le tribunal mixte de commerce de Saint-Pierre ne saurait effacer l'absence de notification des conclusions no2 de Mme [M] et de ses pièces no8 à 22 et ajoute qu'il n'y a pas eu de plaidoirie de sorte qu'elle n'a pas eu connaissance des arguments développées dans les conclusions no 2 de Mme [M], ni de ses quinze nouvelles pièces et n'a pas été en mesure d'y répliquer.Enfin, elle argue que le code de procédure civile n'effectue pas de distinction entre les procédures orales et écrites s'agissant des notifications entre avocats. Selon Mme [M], ses conclusions no2 et les pièces visées ont bien été communiquées à la banque et le principe du contradictoire n'a pas été violé : elles ont été adressées à l'adresse « [Courriel 4] » qui était l'adresse enregistrée dans le logiciel du cabinet dans la mesure où elle avait été utilisée dans de précédentes affaires et utilisée pour l'envoi des premières conclusions.Elle fait valoir que le principe d'oralité consiste à exiger des parties qu'elles présentent leurs prétentions oralement à l'audience, que l'oralité touche toutes les demandes susceptibles d'être formulées par les plaideurs et que le juge ne peut statuer que sur les demandes qui ont été formulées oralement.Elle considère que dans la mesure où il est constant que l'affaire a été débattue oralement en audience publique et que chaque partie a pu exposer ses arguments et discuter des arguments et pièces adverses, le principe du contradictoire a été respecté.Elle ajoute qu'aucune disposition du code de procédure civile n'impose aux parties de s'échanger leurs conclusions contre décharge signée, les parties devant uniquement respecter le principe du contradictoire.Elle soutient que les articles 671 et suivants visés par l'établissement bancaire visent uniquement les modalités de communications applicables à la procédure écrite et non la procédure orale, dans le cadre de laquelle la communication des écritures et pièces se fait par tout moyen, or, il a parfaitement été démontré que les conclusions no2 et les pièces visées ont été communiquées sur la même adresse électronique que les conclusions no1 que la banque reconnaît avoir reçu. Sur quoi, D'une part, Aux termes de l'article 542 du code de procédure civile modifié par le décret no2017-891 du 6 mai 2017 : "L'appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel." L'appel-annulation ne peut sanctionner qu'une irrégularité dans la procédure d'élaboration du jugement. Il est soumis au droit commun de l'appel. Il sanctionne une irrégularité caractérisée et particulièrement grave de la part de la juridiction tels que le non-respect des droits de la défense ou la méconnaissance de l'étendue de son pouvoir de juger. Il n'est possible que sur démonstration d'un excès de pouvoir du juge. D'autre part, Dans les procédures écrites avec représentation obligatoire, les conclusions sont notifiées par « acte du palais », c'est-à-dire dans la forme des notifications entre avocats (articles 815 et 961 du code de procédure civile). Aux termes des articles 671 et 674 du même code, les notifications entre avocats se font, soit par signification, soit par notification directe. Selon l'article 672 du même code : « La signification est constatée par l'apposition du cachet et de la signature de l'huissier de justice sur l'acte et sa copie avec l'indication de la date et du nom de l'avocat destinataire ». Selon l'article 673 du même code : « La notification directe s'opère par la remise de l'acte en double exemplaire à l'avocat destinataire, lequel restitue aussitôt à son confrère l'un des exemplaires après l'avoir daté et visé ». En dehors des procédures écrites où la notification des conclusions est réglementée, elles peuvent être communiquées par tout moyen, notamment par courrier ou par télécopie, voire par courrier électronique. En l'espèce, il n'est pas contesté que les conclusions no2 ainsi que les pièces ont été communiquées le 6 avril 2020 par courriel à l'adresse personnelle de Me [V], avocate de la banque, comme l'avait été les premières conclusions qui, certes, avaient été en outre déposées et visées par le greffe, étant remarqué que :-la procédure est orale devant le tribunal mixte de commerce-l'audience s'est tenue le 5 octobre 2020-le jugement mentionne bien les demandes et moyens de chaque partir dans l'exposé du litige, même s'il renvoie « pour plus ample exposé des faits, des prétentions et moyens des parties » « aux écritures régulièrement déposées au greffe et auxquelles elles se sont référées lors de l'audience des débats, conformément à l'article 455 du code de procédure civile »-les parties n'ont pas sollicité l'autorisation de formuler les prétentions et les moyens par écrit prévue à l'article 861 du code de procédure civile impliquant une communication par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par notification entre avocats. Dans ces conditions, Mme [M] établissant la communication desdites conclusions et pièces, et ce, bien avant la date de l'audience publique, la demande tendant à annuler le jugement dont appel ne pourra qu'être rejetée. Sur la demande principale Selon la banque, l'ensemble des sommes dues au titre du prêt professionnel no65950 sont devenues exigibles au jour du jugement de conversion de la procédure de sauvegarde de l'EURL Odalyna Beauty en liquidation judiciaire rendu le 7 novembre 2019, outre une indemnité forfaitaire contractuelle égale à 7% du capital restant dû, soit la somme totale de 45.676,13 euros se décomposant comme suit :-4.423,75 euros correspondant aux cinq échéances de remboursement des mois de juin à octobre 2019-46,36 euros au titre des intérêts de retard-38.510,30 euros correspondant au capital restant dû au 07 novembre 2019-2.695,72 euros (7% x 35.510,30) au titre de l'indemnité forfaitaire contractuelle.Elle soutient que, conformément à l'article 1103 du code civil, Mme [M] est dans l'obligation de régler ses dettes et ce, dans la limite de la somme de 35.200 euros.S'agissant de l'absence de disproportion du cautionnement, la banque fait valoir que conformément à la jurisprudence constante de la Cour de cassation, le créancier est en droit de se fier aux informations qui lui sont fournies par la caution sur sa situation patrimoniale ; il n'est pas tenu de les vérifier en l'absence d'anomalies apparentes, or, en l'espèce, Mme [M] a signé une fiche de renseignements, en faisant précéder sa signature de la mention manuscrite suivante : « Je certifie sincères et exacts les renseignements fournis sur les deux pages » dans laquelle elle indique posséder un placement auprès du Crédit Agricole d'un montant de 16.318 euros et des valeurs mobilières d'un montant de 35.000 euros, soit un patrimoine mobilier d'un montant total de 51.318 euros et n'avoir aucune charge.Elle dément avoir eu connaissance du fait que les placements de Mme [M] étaient affectés à la création de son entreprise au jour de la souscription du cautionnement et du fait que la valeur mobilière déclarée consistait en un véhicule automobile.Elle ajoute que, dans le cadre d'un virement, l'établissement bancaire destinataire des fonds n'a pas connaissance du type de compte bancaire sur lequel se trouvait initialement les fonds et que, la voiture étant un élément du patrimoine, sa dépréciation ultérieure importe peu puisque, conformément à l'article L332-1 du code de la consommation, la disproportion alléguée s'apprécie à la valeur des biens de la caution au jour de la signature de son engagement.Elle fait encore valoir que Mme [M] ne produit à aucun moment un état de ses placements auprès du Crédit Agricole qui démontrerait que ceux-ci étaient réduits à néant le 8 avril 2016, jour de la souscription de son engagement de caution et qu'elle ne démontre pas non plus que ses valeurs mobilières déclarées pour un montant 35.000 euros n'existaient plus au jour de son engagement de caution et en déduit qu'elle pouvait valablement se fonder sur les déclarations de l'intimée pour retenir qu'au regard du montant des placements et valeurs mobilières déclarés pour un montant total de 51.318 euros, le cautionnement souscrit dans la limite de la somme de 35.200 euros n'apparaissait pas, au jour de sa signature, disproportionné. Mme [M] considère qu'elle rapporte la preuve de la disproportion de son engagement de caution par rapport à ses revenus et ses biens au moment de son engagement et de l'insuffisance de son patrimoine lorsqu'elle a été recherchée par le créancier.Elle fait valoir que, s'agissant du placement auprès du Crédit Agricole d'un montant de 16.318,00 euros, cette somme a servi à régler le montant du capital social s'élevant à 10.000 euros, ainsi que les frais liés au début d'activité de la société et notamment les frais administratifs, honoraires de constitution de la société, frais d'architecte, de licence de marque « BEAUTYBAR ONE», etc. , or, la banque ne pouvait l'ignorer dans la mesure elle a communiqué ces éléments à la gestionnaire du dossier de prêt :« Pour la licence et les redevances en PJ la facture Proforma.», de sorte que ces sommes ne pouvaient légitimement être considérées comme un élément de son patrimoineElle soutient que concernant les valeurs mobilières d'un montant de 35.000 euros, elles correspondaient à la valeur de son véhicule de marque Toyota RAV4 à la date de souscription de l'engagement de caution, acquis un an plus tôt par le couple, or, elle avait interrogé l'établissement de crédit sur ce point, dans la mesure où le questionnaire de solvabilité de la caution manquait de clarté, de sorte que la banque ne pouvait ignorer qu'elle avait reporté la valeur de son véhicule, à cette époque, sur la fiche de renseignement de la caution et compte tenu de la forte décote d'un véhicule automobile, la banque ne pouvait valablement considérer qu'il s'agit d'un élément de patrimoine permettant de garantir l'engagement de caution.Elle ajoute qu'à ce jour, sa situation ne s'est pas améliorée : sa société a été liquidée et elle est actuellement en contentieux avec le bailleur du local commercial ; elle perçoit des allocations Pôle Emploi à hauteur de 1.071 euros par mois, augmentées d'une contribution à l'entretien et à l'éducation de ses enfants à hauteur de 400 euros ainsi que des allocations CAF d'un montant de 546,55 euros ; elle est séparée de son compagnon et a la résidence principale de ses deux enfants ; ses charges mensuelles s'élèvent à 2.327 euros. Sur quoi, Pour rappel, dans la mesure où la BFC OI est un créancier professionnel, les dispositions du code de la consommation sont applicables à l'engagement de caution de Mme [M]. Il résulte des dispositions de l'article 2296 alinéa 1er (ancien) du même code civil que :« La solvabilité d'une caution ne s'estime qu'eut égard à ses propriétés foncières, excepté en matière de commerce ou lorsque la dette est modique.On n'a point égard aux immeubles litigieux ou dont la discussion deviendrait trop difficile par l'éloignement de leur situation. » Par ailleurs, en vertu des dispositions des articles L332-1 et L343-4 du code de la consommation (aujourd'hui abrogés par l'ordonnance du 15 septembre 2021 et intégrés au code civil) « Un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation. » Ces dispositions s'appliquent à toutes les cautions, averties ou non, à condition qu'elle soit une personne physique, au cautionnement présentant un caractère commercial et à tout créancier professionnel. La disproportion manifeste du cautionnement s'apprécie au regard de la capacité de la caution à faire face, avec ses biens et revenus, non à l'obligation garantie, selon les modalités de paiement propres à celle-ci, c'est à dire aux mensualités des prêts, mais au montant de son propre engagement. Il est tenu compte de l'endettement global de la caution y compris celui résultant d'engagements de caution, quand bien même ces engagements de caution auraient été déclarés disproportionnés, à condition qu'il s'agisse de cautionnements antérieurement souscrits mais il ne peut être tenu compte d'un cautionnement antérieur que le juge déclare nul et qui est ainsi anéanti rétroactivement. C'est la caution qui supporte la charge de la preuve de démontrer que son engagement de caution était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, le code de la consommation n'imposant pas au créancier professionnel de vérifier la situation financière de la caution lors de son engagement. La caution qui a rempli, à la demande de la banque, une fiche de renseignements relative à ses revenus et charges annuels et à son patrimoine, dépourvue d'anomalies apparentes sur les informations déclarées, ne peut, ensuite, soutenir que sa situation financière était en réalité moins favorable que celle qu'elle a déclarée au créancier. Ainsi, la banque n'a pas de vérification à faire sur les informations données par la caution dans une fiche que la caution certifiée exacte et signée en l'absence d'anomalies apparentes et peut les opposer sauf à intégrer des charges qu'elle ne pouvait ignorer. La sanction du caractère manifestement disproportionné de l'engagement de la caution est l'impossibilité pour le créancier professionnel de se prévaloir de cet engagement. Il incombe au créancier professionnel qui entend se prévaloir d'un contrat de cautionnement manifestement disproportionné lors de la conclusion aux biens et revenus de la caution, personne physique, d'établir que, au moment où il l'appelle, le patrimoine de celle-ci lui permet de faire face à ses obligations. En l'espèce, selon « contrat de prêt professionnel no65950 » du 27 février 2016, la BFCOI a consenti à la SARL Odalyna Beauty un prêt d'un montant de 62.000 euros au taux nominal fixe de 4,5% l'an (TEG 6,3%) remboursable en 84 mensualités pour financer partiellement des travaux et acquérir du matériel pour la création d'un bar à ongle d'un coût total de 117.000 euros, garantie par un nantissement du fonds de commerce et un cautionnement personnel, solidaire et indivisible de Mme [M], gérant de la société Odalyna Beauty. Selon « cautionnement solidaire et indivisible », paraphé, signé et portant les mentions manuscrites légales, Mme [M] s'est porté caution de la société Odalyna Beauty à hauteur de 35.200 euros sur 7 ans. La société Odalyna Beauty a été placé en sauvegarde par jugement en date du 22 mai 2019. Le 24 juillet 2019, la BFCOI a déclaré sa créance auprès de la SELARL Franklin Bach pour un montant de 45.057,30 euros. Par jugement en date du 7 novembre 2019, la procédure de sauvegarde a été convertie en liquidation judiciaire et la BFCOI a déclaré sa créance auprès du liquidateur pour un montant de 45.676,13 euros le 3 décembre 2019. Par courrier recommandé avec demande d'avis de réception daté du 10 décembre 2019 (pli non réclamé), la BFCOI a actionné Mme [M] en sa qualité de caution de la société Odalyna Beauty et mis en demeure Mme [M] de régler la somme de 35.200 euros sous quinzaine. La BFCOI verse au débats les « renseignements confidentiels sur personne physique appelée à donner une caution » signée par Mme [M] le 9 septembre 2015 et portant la mention manuscrite « je certifie sincères et exacts les renseignements fournis sur les deux pages » dont il ressort qu'à la rubrique « patrimoine mobilier » il est indiqué :-placement 16.318€ CA-valeur mobilière 35.000€-la case « revenu mensuel du travail » est laissée blanche-le « passif » ne comporte aucun élément. Mme [M] produit au dossier, notamment :-les statuts de la société-les justificatifs de la libération du capital social effectuée auprès de la BFCOI-le relevé de compte société-la facture pour la licence de marque Beautybar One : 11.400 euros-le virement architecte auprès du Crédit Agricole : 1.500 euros-la facture d'annonce légale : 67,05 euros-courriels de Mme [M] donnant ordre au Crédit Agricole de procéder au virement de la somme de 2.000 euros auprès de la BFCOI les 10, 16 et 18 mars 2016-courriel du 9 septembre 2015 dans lequel Mme [M] demande à sa conseillère BFCOI, notamment : « Pour la fiche caution, je suis désolée mais je ne sais pas si elle est correctement remplie en particulier la partie « sûreté » où je ne vois pas vraiment ce que demandez, s'agit-il de mes biens personnels ? Véhicules ?. ? »-la carte grise du véhicule automobile Toyota Rava S'agissant de sa situation socio-profesionnelle, Mme [M] verse aux débats, notamment :-une attestation de paiement Pôle Emploi du 13 novembre 2015 faisant état, notamment d'une allocation d'aide au retour à l'emploi (ARE) de 1.307,61 euros au 5 mai 2015-un justificatif d'impôt sur le revenu (impôt 2015 sur les revenus 2014) faisant mention de traitement et salaire pour 18.011 euros (soit 1.500,92 euros par mois)-un avis de situation déclaration à l'impôt sur le revenu 2017 (revenus 2016) ne faisant état d'aucun revenu-une ouverture de droit à l'allocation ARE du 30 juillet 2020 à raison de 35,70 euros net par jour pendant 215 jours-une attestation de la caisse d'allocation familiale (CAF) du 14 mars 2020 faisant état d'une allocation de logement versées à la SEM Aménage dévelop équipe pour 425 euros et des allocations familiales sous conditions de ressources de 131,55 euros pour [E] et [T] [F] ainsi qu'une retenue de 49 euros-un appel de charges de copropriété de 653,77 euros pour le premier trimestre 2020-frais de garde d'enfant pour 352 euros pour le mois de février 2020. En l'espèce, rien ne permet d'affirmer, comme le fait Mme [M], que la banque était informée de ce que la somme mentionnée dans la fiche de renseignements comme « placement » auprès du Crédit Agricole était consacrée à la création de la société ni que la « valeur mobilière » reportée à la rubrique « valeur mobilière » correspondait à un véhicule, le courriel du 9 septembre 2015 n'étant suivi d'aucune réponse de la part de la banque Par ailleurs, si Mme [M] n'a reporté aucune somme au titre des revenus mensuels du travail, force est de constater que le justificatif d'impôt relatif aux revenus 2014) faisait mention de traitement et salaire pour 18.011 euros (soit 1.500,92 euros par mois). Enfin, Mme [M] fait état d'un loyer de 850 euros par mois alors qu'elle verse aux débats un appel de charge de copropriété. En tout état de cause, Mme [M] qui a indiqué dans la fiche de renseignement, dépourvue de toute anomalie apparente, détenir un patrimoine mobilier d'un montant total de 51.315 euros (16.318 + 35.000) lui laissant un actif net disponible de 51.315 euros, tandis que son engagement de caution s'élevait à une somme bien inférieure de 35.200 euros et ce, en dépit du fait qu'elle ne faisait état d'aucun revenu, étant remarqué qu'elle ne faisait pas davantage référence à la moindre charge. Dans ces conditions Mme [M] échoue à rapporter la preuve de l'existence d'une disproportion manifeste par rapport à ses biens et revenus lors de la souscription de son engagement de caution. En conséquence, le jugement déféré doit être infirmé en ce qu'il a débouté la SA Banque Française Commerciale Océan Indien (BFCOI) de sa demande en paiement dirigée contre Mme [P] [M]. Dans ces conditions, il convient, statuant à nouveau, de condamner Mme [M] à verser à la BFCOI la somme de 35.200 euros en exécution de son engagement de caution du 8 avril 2016, majorée des intérêts de retard au taux légal à compter de la mise en demeure du 10 décembre 2019. Sur les dépens et les frais irrépétibles Compte tenu de l'infirmation totale du jugement dont appel, il convient de condamner Mme [M] aux dépens de première instance et d'appel et de la débouter de sa demande au titre des frais irrépétibles pour la procédure d'appel. Le jugement sera également infirmé en ce qu'il a condamné la banque à payer à Mme [M] la somme de 1.000 euros au titre des frais irrépétibles. Pour autant, aucun élément de la cause tiré de l'équité ou de la situation économique des parties ne commande qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, que ce soit en première instance comme en appel. PAR CES MOTIFS La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, en matière commerciale, par mise à disposition au greffe conformément à l'article 451 alinéa 2 du code de procédure civile ; DEBOUTE la SA Banque Française Commerciale Océan Indien de sa demande tenant à voir annuler le jugement rendu le 16 novembre 2020 par le tribunal mixte de commerce de Saint Pierre de la Réunion ; INFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 16 novembre 2020 par le tribunal mixte de commerce de de Saint Pierre de la Réunion ; Et statuant à nouveau CONDAMNE Mme [P] [M] à verser à la SA Banque Française Commerciale Océan Indien la somme de 35.200 euros en exécution de son engagement de caution du 8 avril 2016, majorée des intérêts de retard au taux légal à compter de la mise en demeure du 10 décembre 2019 ; Y ajoutant DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; CONDAMNE Mme [P] [M] aux dépens de première instance et d'appel. Le présent arrêt a été signé par Madame Sophie PIEDAGNEL, Conseillère, et par Madame Nathalie BEBEAU, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. LA GREFFIÈRESIGNELA PRÉSIDENTE
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JURITEXT000046510510
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ARRET
Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, 12 octobre 2022, 21/000641
2022-10-12
Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion
Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
21/000641
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ST_DENIS_REUNION
ARRÊT No22/SP R.G : No RG 21/00064 - No Portalis DBWB-V-B7F-FPTF S.E.L.A.R.L. SELARL [C] [N] C/ [R][T][I][I]S.C.P. SCP BARET / ETHEVE / VALERY / RIVIERE / BOST-BENCH AA / GILLOT / KIN SIONG-LAW KOUN COUR D'APPEL DE SAINT - DENIS ARRÊT DU 12 OCTOBRE 2022 Chambre commerciale Appel d'une décision rendue par le TRIBUNAL MIXTE DE COMMERCE DE SAINT-PIERRE en date du 09 NOVEMBRE 2020 suivant déclaration d'appel en date du 14 JANVIER 2021 RG no 2018003422 APPELANTE : S.E.L.A.R.L. [C] [N][Adresse 8][Localité 12]Représentant : Me Eric LEBIHAN de la SAS G&P LEGAL, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION INTIMÉES : Madame [W] [R][Adresse 9][Localité 13]Représentant : Me Laurent LABONNE, avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION Madame [F] [T][Adresse 9][Localité 13] Madame [D] [I][Adresse 9][Localité 13] Madame [A] [I][Adresse 10][Localité 13] S.C.P. SCP BARET / ETHEVE / VALERY / RIVIERE / BOST-BENCH AA / GILLOT / KIN SIONG-LAW KOUN[Adresse 7][Localité 12]Représentant : Me Abdoul karim AMODE de la SELARL AMODE & ASSOCIES (SELARL), avocat au barreau de SAINT-PIERRE-DE-LA-REUNION DATE DE CLÔTURE : 15/11/2021 DÉBATS : en application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 06 avril 2022 devant Madame PIEDAGNEL Sophie, Conseillère, qui en a fait un rapport, assistée de Madame Nathalie BEBEAU, Greffière, les parties ne s'y étant pas opposées. Ce magistrat a indiqué, à l'issue des débats, que l'arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 06 juillet 2022 prorogé par avis au 12 octobre 2022. Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Président : Madame Sophie PIEDAGNEL, ConseillèreConseiller : Madame Pauline FLAUSS, ConseillèreConseiller : Madame Magali ISSAD, Conseillère Qui en ont délibéré Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 12 octobre 2022. * * * LA COUR Par acte notarié en date du 18 septembre 2017, Mme [W] [M] [R] (Mme [R]) a fait donation en nue-propriété à sa fille, Mme [F] [G] [T] et ses petites-filles [A] [I] et [D] [I], de deux immeubles cadastrés section EK no[Cadastre 4] et [Cadastre 5] et section BW no[Cadastre 3] commune du [Localité 13]. Par jugement en date du 31 octobre 2017, le tribunal mixte de commerce de Saint Pierre de la Réunion a prononcé la liquidation judiciaire de Mme [R] et fixé la cessation des paiements au 1er juin 2017. Par actes d'huissier en date du 26 octobre 2018, la SELARL [C] [N], es qualité de liquidateur de Mme [R] exerçant sous l'enseigne « Chez [W] » (le liquidateur) a fait assigner Mme [R] et la SCP Michel Baret - Jean-François Thève - Jacques Valéry – Anne Rivière – Anne Bost-Benchaa - Pascal Gillot - Dorine Kin Siong-Law Koun, notaires associés (la SCP) devant le tribunal mixte de commerce de Saint Pierre de la Réunion statuant aux fins de voir prononcer la nullité de la donation intervenue le 18 septembre 2017. Par actes d'huissier en date du 18 avril 2019, le liquidateur a fait assigner en intervention forcée Mmes [T] et [I]. Par jugement mixte en date du 17 août 2020, le tribunal mixte de commerce de Saint Pierre de la Réunion a déclaré l'action des parties demanderesses recevable et ordonné la réouverture des débats afin de permettre la comparution personnelle des parties. C'est dans ces conditions que, par jugement rendu le 9 novembre 2020, le tribunal mixte de commerce de Saint Pierre de la Réunion a :-débouté la SELARL [C] [N] prise en la personne de Me [C] [N] es qualité de liquidateur de Mme [G] [K] [R] de sa demande de nullité de la donation intervenue le 18 septembre 2017 aux termes de laquelle Mme [W] [M] [R] faisait donation en nu-propriété à sa fille, Mme [F] [G] [T] et ses petites-filles, [A] [G] [P] [I] et [D] [I] de deux immeubles cadastrés section EK no[Cadastre 4] et [Cadastre 5] et section BW no[Cadastre 3] commune du [Localité 13] (974)-dit n'y avoir lieu à déclarer le jugement opposable à la SCP Michel Baret - Jean-François Thève - Jacques Valéry - Anne Rivière - Anne Bost-Benchaa - Pascal Gillot - Dorine Kin Siong-Law Koun, notaires associés-condamné la SELARL [C] [N] prise en la personne de Me [C] [N] es qualité de liquidateur de Mme [G] [K] [R] aux dépens de l'instance, y compris les frais de greffe taxés et liquidés à hauteur de 234,27 euros-dit n'y avoir lieu à exécution provisoire. Par déclaration au greffe en date du 14 janvier 2021, le liquidateur a interjeté appel de cette décision. Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 8 avril 2021, le liquidateur demande à la cour de :-dire et juger l'appel de la SELARL [C] [N] recevable et bien fondéEn conséquence-réformer en toutes ses dispositions le jugement entreprisStatuant à nouveauVu l'article L632-1 1o du code de commerce-constater que la période suspecte de la liquidation judiciaire de l'entreprise individuelle [W] [M] [R] s'étend du 1er juin 2017 au 31 octobre 2017-constater que la donation dressée aux bons soins de la SCP est intervenue à la date du 18 septembre 2017, soit pendant la période suspecte-en conséquence, la nullité étant de plein droit-dire et juger comme nulle et de nullité absolue la donation précitée-dire et juger que le présent jugement sera opposable à la SCP-dire n'y avoir lieu à frais irrépétibles-statuer ce que de droit quant aux dépens, dont distraction au profit de l'Avocat aux offres de droit. Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 14 juin 2021, Mme [R] demande à la cour de :-confirmer le jugement querellé dans toutes ses dispositions-condamner la SELARL [N] à payer à Mme [R] la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens de l'appel. Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 02 juillet 2021, la SCP demande à la cour de :Vu les articles 910-4 alinéa 1 et 562 du code de procédure civile, de :-constater que la cour d'appel ne fut saisie d'aucun chef du jugement entrepris-dire et juger que la cour d'appel n'a pas été saisie de l'appel du jugement du tribunal mixte de commerce de Saint-Pierre du 9 novembre 2020 (RG no 2018/003422).A titre subsidiaireD'une partVu les articles L632-1-I et L.632-4 du code de commerceVu l'article 122 du code de procédure civile ;D'autre partVu l'article 55 de la constitution ;Vu l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (Droit au respect de la vie privée et familiale : « l. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale »)Vu l'article 1er du protocole additionnel no1 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (Protection de la propriété : «Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. »)Vu la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme sur le principe de proportionnalitéVu la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne sur le principe de proportionnalitéVu la jurisprudence de la Cour de cassation sur le contrôle de proportionnalité-confirmer le entrepris dans toutes ses dispositions-condamner la SELARL [C] [N], en son nom propre, à verser 7.000 euros à la SCP Baret – Ethève – Valéry – Rivière – Bost Benchaa – Gillot – Kin Siong-Law Koun, aujourd'hui dénommée SELAS Les Notaires du front de mer, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers frais et dépens d'appel. Mmes [T] et [I] auxquelles la déclaration d'appel et les conclusions d'appelante ont été signifiées suivant actes en date du 12 avril 2021 (remis à personne), n'ont pas constitué avocat. Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux conclusions des parties, visées ci-dessus, pour l'exposé de leurs prétentions et moyens. L'ordonnance de clôture est intervenue le 15 novembre 2021 et l'affaire a reçu fixation pour être plaidée à l'audience rapporteur du 6 avril 2022. Le prononcé de l'arrêt, par mise à disposition du greffe, a été fixé au 6 juillet 2022 prorogé au 12 octobre 2022. SUR CE, LA COUR A titre liminaire Il convient de rappeler qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour ne doit statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif. Ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile les demandes des parties tendant à voir "constater" ou "donner acte" ou encore "considérer que" voire "dire et juger que" et la cour n'a dès lors pas à y répondre. Sur l'absence d'effet dévolutif La SCP soutient en substance que la déclaration d'appel du liquidateur ne respecte pas les exigences de l'article 910-4, alinéa 1, du code de procédure civile en ce que le liquidateur se borne à mentionner les motifs du jugement attaqué, qu'aucune régularisation n'est aujourd'hui possible, et, qu'en application de l'article 562 du même code, la dévolution n'a pas opéré. Le liquidateur ne fait valoir aucune observation. Sur quoi, La SCP se fonde, notamment, sur l'article 910-4 du code de procédure civile aux termes duquel :« A peine d'irrecevabilité, relevée d'office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l'ensemble de leurs prétentions sur le fond. L'irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.Néanmoins, et sans préjudice de l'alinéa 2 de l'article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait. » La cour constate que cet article concerne la recevabilité des conclusions et non la déclaration d'appel. En tout état de cause, Aux termes de l'article 901 du code de procédure civile :La déclaration d'appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe, contenant, outre les mentions prescrites par les 2o et 3o de l'article 54 et par le cinquième alinéa de l'article 57, et à peine de nullité :1o La constitution de l'avocat de l'appelant ;2o L'indication de la décision attaquée ;3o L'indication de la cour devant laquelle l'appel est porté ;4o Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.Elle est signée par l'avocat constitué. Elle est accompagnée d'une copie de la décision. Elle est remise au greffe et vaut demande d'inscription au rôle. Selon l'article 562 du même code :« L'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent.La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible. » Il en résulte que les mentions prévues par l'article 901, 4o, du code de procédure civile doivent figurer dans la déclaration d'appel, laquelle est un acte de procédure se suffisant à lui seul. Aux termes de l'article 542 du même code : « L'appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d'appel. » Il en résulte que :-lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement critiqués-l'effet dévolutif n'opère pas en l'absence d'énonciation expresse des chefs de jugement critiqués dans la déclaration d'appel qui sollicite seulement la réformation-la cour d'appel n'est saisie d'aucun litige et n'a pas à confirmer la décision attaquée, sauf indivisibilité de l'objet du litige. En l'espèce, l' « objet/portée de l'appel » la déclaration d'appel est ainsi rédigé :« Appel à l'encontre du Jugement rendu par le TMC de Saint Pierre le 9 novembre 2020 ; en ce qu'il a considéré, au visa de l'article L631-1 du Code de Commerce qu'une donation intervenue en période suspecte peut faire l'objet d'une annulation alors qu'elle doit faire l'objet d'une annulation, s'agissant en effet d'une nullité de droit obligatoire et non pas une nullité facultative ; En ayant refusé d'annuler une donation en période suspecte alors qu'il n'avait pas la faculté d'appréciation à ce titre, le Premier Juge a violé l'article L631-1 précisé. En ce qu'il ne pas ordonné la suspension de la procédure en cours jusqu'à la vente parfaire du bien immobilier pour lequel Mme [A] [I] a déclaré vouloir se rendre acquéreur, ainsi que le versement des fonds à la SELARL [N] en déboutant d'office le demandeur de son action, en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à déclarer le jugement non opposable à la SCP BARET en ce qu'il a condamné la Selarl [N] aux dépens et frais d'instance. » Ainsi, la déclaration d'appel est conforme aux dispositions de l'article 901 du code de procédure civile en ce qu'elle comporte « les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité », en ce que le jugement rendu par le TMC de Saint Pierre le 9 novembre 2020 a débouté « d'office le demandeur de son action », « dit n'y avoir lieu à déclarer le jugement non opposable à la SCP BARET » et « condamné la Selarl [N] aux dépens et frais d'instance ».La déclaration d'appel de la société Foncière 2001 visant les différents chefs de jugement qu'elle entend critiquer, la cour en est saisie. Dans ces conditions, la SCP ne pourra qu'être déboutée de sa demande tendant à voir constater que la cour n'est saisie d'aucun chef du jugement entrepris. Sur la nullité de la donation du 18 septembre 2017 en période suspecte Le liquidateur soutient en substance que la donation a été consentie en période suspecte et que la nullité est de droit et non pas simplement facultative : elle s'impose en conséquence au juge sans que ce dernier n'ait de faculté d'appréciation en ce domaine. Mme [R] expose qu'elle n'a jamais voulu soustraire un élément d'actif à la liquidation judiciaire puisque lorsque le dossier de donation a été ouvert à l'étude du Notaire elle ignorait qu'elle serait amenée à déposer une déclaration de cessation des paiements et à solliciter la liquidation judiciaire. En réalité, elle a fait un AVC en 2015 et souffre depuis d'une « maladie grave et invalidante » qui nécessite « plusieurs hospitalisations » ainsi qu'un suivi spécialisé régulier tous les 2 à 3 mois, avec régulièrement des examens d'imagerie (justifié par un certificat médical du docteur [L] daté du 6 octobre 2018). Voyant son état de santé décliner la concluante a pensé à ses petites filles, qui sont sans emploi, et à sa fille, qui est femme de ménage, et a consulté la SCP de Notaires pour avoir une estimation du montant des droits de succession à régler en cas de décès. Elle a constaté que sa fille et ses petites filles n'auraient jamais eu les moyens de régler les droits de succession (plus de 75.000 euros) et, sur les conseils de son notaire, elle a opté pour une donation de son vivant en réglant elle-même, avec ses maigres économies, les droits de mutation. Parallèlement son état de santé l'empêchait de travailler et les deux salariés de son « snack-bar », avec lesquels elle était en conflit pour avoir été violentée par eux, en ont profité pour se servir tant dans la caisse que dans le stock. Sur les conseils de son avocat elle a déposé une déclaration de cessation des paiements. Elle est toujours propriétaire d'une maison à usage d'habitation située à [Localité 14] valorisée par le notaire à 285.000 euros. Elle a proposé la vente de cette maison au liquidateur, sa valeur étant largement supérieure au passif de liquidation ce qui permet de désintéresser intégralement les créanciers et de payer les frais de procédure. Cela permet aussi de mettre sa fille et ses petites-filles à l'abri de la tourmente.Si Mme [R] ne nie pas le caractère impératif de l'article L632-1 du code de commerce, pour autant, elle soutient que dans l'arrêt [Z] contre [H] du 15 juillet 1964, la CJUE a déclaré que le droit issu des institutions européennes s'intègre aux systèmes juridiques des États membres qui sont obligés de le respecter : ainsi le droit européen a alors la primauté sur les droits nationaux de sorte que si une règle nationale est contraire au droit européen, les autorités des États membres doivent appliquer le droit européen ; cette primauté du droit européen sur les droits nationaux est absolue.Mme [R] considère qu'avec la vente de son bien immobilier situé à [Localité 14], le liquidateur dispose d'une procédure plus proportionnée et adaptée pour parvenir à son objectif, à savoir, désintéresser les créanciers.Elle estime que c'est à juste titre que le tribunal a considéré que le droit européen devait primer sur le droit national dès lors qu'il était démontré que la vente de sa maison était en cours et que le prix proposé permettait non seulement au liquidateur de désintéresser tous les créanciers mais aussi de laisser un reliquat pouvant être récupéré par elle.Mme [R] ajoute que l'annulation des donations aurait des conséquences manifestement excessives sur la situation de ses enfants et petits enfants puisque la succession a été volontairement partagée de son vivant, car ceux-ci ne pourront jamais s'acquitter des droits de succession après dévolution successorale, ses dernières économies ayant permis de payer les droits de mutation. Elle fait encore remarquer que la liquidation judiciaire de son entreprise est totalement impécunieuse alors qu'une annulation des donations supposerait, outre les frais de publicité foncière, l'exercice d'une procédure de licitation vente à la barre du juge de l'exécution statuant en matière de saisie immobilière, procédure particulièrement coûteuse, de l'ordre de 6.000 à 10.000 euros, somme dont le liquidateur ne dispose pas. La SCP argue principalement que la sanction prévue à l'article L632-1-I du code de commerce doit céder au principe de proportionnalité consacré par la cour de justice de l'union européenne, sauf à porter une atteinte excessive au droit au respect de la vie privée et familiale et au respect des biens. Sur quoi, D'une part, Il résulte de l'article L632-1 du code de commerce, dans sa rédaction issue de l'article 56 de l'ordonnance no2014-326 du 12 mars 2014 que :« I. -Sont nuls, lorsqu'ils sont intervenus depuis la date de cessation des paiements, les actes suivants :1o Tous les actes à titre gratuit translatifs de propriété mobilière ou immobilière;2o Tout contrat commutatif dans lequel les obligations du débiteur excédent notablement celles de l'autre partie ;3o Tout paiement, quel qu 'en ait été le mode, pour dettes non échues au jour du paiement ;4o Tout paiement pour dettes échues, fait autrement qu 'en espèces, effets de commerce, virements, bordereaux de cession visés par la loi no 81-1 du 2 janvier 1981 facilitant le crédit aux entreprises ou tout autre mode de paiement communément admis dans les relations d'affaires ;5o Tout dépôt et toute consignation de sommes effectués en application de l'article 2075-1 du code civil (1), a défaut d'une décision de justice ayant acquis force de chose jugée ;6o Toute hypothèque conventionnelle, toute hypothèque judiciaire ainsi que l'hypothèque légale des époux et tout droit de nantissement ou de gage constitués sur les biens du débiteur pour dettes antérieurement contractées ;7o Toute mesure conservatoire, à moins que l'inscription ou l'acte de saisie ne soit antérieur à la date de cessation de paiement ;8o Toute autorisation et levée d 'options définies aux articles L225-177 et suivants du présent code ;9o Tout transfert de biens ou de droits dans un patrimoine fiduciaire, à moins que ce transfert ne soit intervenu à titre de garantie d'une dette concomitamment contractée ;10o Tout avenant d'un contrat de fiducie affectant des droits ou biens déjà transférés dans un patrimoine fiduciaire à la garantie de dettes contractées antérieurement à cet avenant ;11 o Lorsque le débiteur est un entrepreneur individuel à responsabilité limitée, toute affectation ou modification dans l'affectation d'un bien, sous réserve du versement des revenus mentionnés à l'article L526-18, dont il est résulté un appauvrissement du patrimoine visé par la procédure au bénéfice d'un autre patrimoine de cet entrepreneur ;12o La déclaration d'insaisissabilité faite par le débiteur en application de l'article L526-1.II. -Le tribunal peut, en outre, annuler les actes a titre gratuit visés au 1 o du I et la déclaration visée au 12o faits dans les six mois précédant la date de cessation des paiements ». Ainsi, l'article L632-1, I 1o du code de commerce sanctionne par la nullité de plein droit les libéralités intervenues entre la cessation des paiements et l'ouverture de la procédure. Ce sont tous les actes à titre gratuit qui sont annulables, y compris le cautionnement, la résiliation volontaire, et surtout la remise de dette. Les nullités de droit sont obligatoires pour le juge et leurs causes sont limitativement énumérées. Dès lors que l'acte rentre dans l'énumération de l'article L632-1 du code de commerce, il doit être annulé par le tribunal. Cette sanction se justifie par la nature de l'acte commis qui est présumé fait en fraude des droits des créanciers et de l'entreprise. Outre les actes annulables de plein droit, peuvent être annulées les libéralités consenties dans les six mois précédant la cessation des paiements. (article L632-1 II) : cela concerne tous les actes à titre gratuit translatifs de propriété mobilière ou immobilière ainsi que la déclaration d'insaisissabilité faite par le débiteur en application de l'article L526-1. Par ailleurs, aux termes de l'article L632-2 du même code : dans sa rédaction issue de l'article 89 de l'ordonnance no2008-1345 du 18 décembre 2008 :« Les paiements pour dettes échues effectués à compter de la date de cessation des paiements et les actes à titre onéreux accomplis à compter de cette même date peuvent être annulés si ceux qui ont traité avec le débiteur ont eu connaissance de la cessation des paiements.Tout avis à tiers détenteur, toute saisie attribution ou toute opposition peut également être annulé lorsqu'il a été délivré ou pratiqué par un créancier à compter de la date de cessation des paiements et en connaissance de celle-ci. » Peuvent ainsi également être annulés les paiements pour dettes échues, les actes à titre onéreux et les avis à tiers détenteur, saisies-attribution ou oppositions, dès lors que le tiers était au courant de la cessation des paiements de leur débiteur. L'existence d'un préjudice causé au débiteur et aux créanciers n'est pas une condition nécessaire ; pour autant, le liquidateur doit justifier d'un intérêt pour agir et que cet intérêt est exprimé par la finalité donnée par la loi à l'action en nullité : la reconstitution du patrimoine du débiteur. La période suspecte est celle qui s'étend de la date de la cessation des paiements jusqu'à celle du jugement d'ouverture et, très précisément, à partir de la première heure du jour où est fixée la date de la cessation des paiements. La date de la cessation des paiements est fixée provisoirement par le tribunal qui a ouvert la procédure après avoir sollicité les observations du débiteur et ne peut être antérieure de plus de 18 mois à la date du jugement, conformément aux dispositions de l'article L631-8. L'article L632-4 du même code précise que « L'action en nullité est exercée par l'administrateur, le mandataire judiciaire, le commissaire à l'exécution du plan ou le ministère public. Elle a pour effet de reconstituer l'actif du débiteur. » L'action du liquidateur n'est soumise à aucun droit de prescription. D'autre part, Le principe de proportionnalité repose sur l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen suivant lequel la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires. À côté du respect de la vie privée, du domicile et de la correspondance, le respect des biens est aussi assuré par le protocole no 1 amendé par le protocole no 11 de la Convention européenne, au profit des personnes physiques ou morales. À ce titre est interdite la privation du droit de propriété pour une autre cause que l'utilité publique et dans des conditions prévues par la loi et par les principes généraux du droit international. Il en résulte la nécessité d'assurer un équilibre entre les besoins de l'intérêt général et les droits privés des individus et, en conséquence, de veiller au rapport proportionné entre les moyens employés et le but poursuivi. L'importance du principe de proportionnalité permet au juge judiciaire d'écarter des dispositions légales jugées contraires à l'exigence de proportionnalité dont la valeur est supérieure. Le code de commerce distingue les actes et les paiements conclus ou effectués pendant la période suspecte, en prévoyant la nullité de droit des actes et des paiements irréguliers par nature, et l'annulation facultative des actes et des paiements réguliers, si ceux qui ont traité avec le débiteur ont eu connaissance de la cessation des paiements (article L632-2). Ces dispositions sont justifiées par la nécessité d'annuler les actes et les paiements ayant appauvri le patrimoine du débiteur qui se trouvait déjà en cessation des paiements et par le principe d'égalité des créanciers et ce, en vu de reconstituer le patrimoine. Pour la Cour de cassation, cette action n'est pas contraire aux principes ayant valeur constitutionnelle tels que l'égalité devant la loi, la responsabilité, le respect des droits et de la liberté contractuelle, la clarté et l'intelligibilité de la loi ou encore la protection du droit de propriété. En l'espèce, par acte notarié en date du 18 septembre 2017, Mme [W] [M] [R] a consenti au profit de Mme [F] [G] [T], Mme [A] [G] [P] [I] et Mme [D] [I] (mineure au moment de la donation pour être née le [Date naissance 1] 2004) les donations suivantes en nue-propriété :-à concurrence de droits indivis pour 13/20èmes au profit de Mme [T] et pour 13/20ème au profit de Mme [D] [I] : un terrain sur lequel est édifié une maison d'habitation situé [Adresse 9] au [Localité 13] cadastrée section EK no[Cadastre 4] et [Cadastre 5], d'une valeur en toute propriété de 130.000 euros-à concurrence de droits indivis pour 13/20èmes au profit de Mme [T] et pour 13/20ème au profit de Mme [A] [I] : un terrain sur lequel sont édifiées deux maisons d'habitation situé [Adresse 11] [Adresse 9] au [Localité 13] cadastrées section BW no2309, d'une valeur en toute propriété de 290.000 euros. La nullité sollicitée par la SELARL [C] [N], es qualité de liquidateur de Mme [R], est une nullité de plein droit, s'agissant d'une donation en nue-propriété. La SCP produit au dossier, notamment, les échanges de courriels entre l'étude notariale et le liquidateur dont il ressort que :-le liquidateur a indiqué être favorable à la proposition d'achat d'un des biens appartenant à Mme [R] par sa petite-fille pour un prix de 100.000 euros (mail du 30 septembre 2020) la SCP indiquant : « cette vente permettrait de clôturer le dossier d'endettement de Madame [R], qui est une personne âgée et ayant une santé fragile ».-le compromis de vente lui a été transmis le 1er octobre 2020-à la demande du liquidateur, l'étude notariale a établi un avenant faisant mention des conditions suspensives de l'obtention de l'avis favorable du parquet et de l'autorisation du juge-commissaire ainsi qu'une procuration au nom de la SELARL [C] [N], représentée par [C] [N], mandataire judiciaire. Enfin, Mme [R] verse aux débats, notamment, le compromis de vente en date du 1er octobre 2020 par lequel elle vend, sous réserve de l'accomplissement des conditions stipulées dans l'acte à Mme [A] [G] [P] [I] une parcelle de terrain sur lequel sont édifiées deux maisons d'habitation, située [Adresse 6]) cadastré section HM no[Cadastre 2], actuellement loué à Mme [V] [Y] pour trois ans moyennant un loyer mensuel hors charge de 550 euros, au prix de 100.000 euros En l'état, comme le relève à juste titre les premiers juges, il est constant que :-l'acte de donation est intervenu le 18 septembre 2017 alors que la liquidation judiciaire de Mme [R] pour son activité de restauration rapide était prononcée le 31 octobre 2017 avec une cessation des paiements fixée au 1er juin 2017-le placement du débiteur en liquidation judiciaire emporte son dessaisissement au profit du liquidateur-il appartient au liquidateur de reconstituer l'actif du débiteur au besoin en utilisant la voie judiciaire et en engageant des procédures en annulation-la donation litigieuse est intervenue en période suspecte. La cour constate que :-aucun des éléments produits ne permet d'établir que Mme [R] a engagé des démarches dès 2016 en vue de répartir son patrimoine-ladite donation en nue-propriété à ses fille et petites filles concerne deux terrains situés au [Localité 13] sur lesquels sont édifiées trois maisons d'habitation ; elle a été consentie le 18 septembre 2017, soit, non seulement en pleine période suspecte, mais surtout moins deux mois avant le prononcé de la liquidation judiciaire-le compromis de vente produit au dossier concerne un troisième terrain sur lequel est édifiées deux maisons d'habitation situé sur la commune de [Localité 14] et est soumis l'obtention de l'avis favorable du parquet et de l'autorisation du juge-commissaire. La cour relève également que Mme [R] n'invoquent aucun principe de droit fondamental, son argumentation relevant davantage de l'opportunité et qu'en tout état de cause, elle aurait pu faire valoir ses droits en critiquant la décision, tant en ce qui concerne la date de la cessation des paiements que du prononcé de la liquidation judiciaire. Par ailleurs, comme le relève à bon droit le liquidateur, la vente du bien proposé en alternative de l'annulation de la donation n'a pas encore été autorisée par le juge-commissaire et sa réalisation concrète et effective comprenant le versement du prix entre les mains de la liquidation judiciaire. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la disposition légale n'était pas proportionnée à son objectif. En conséquence, le jugement déféré doit être infirmé en ce qu'il a :-débouté la SELARL [C] [N] prise en la personne de Me [C] [N] es qualité de liquidateur de Mme [G] [K] [R] de sa demande de nullité de la donation intervenue le 18 septembre 2017 aux termes de laquelle Mme [W] [M] [R] faisait donation en nu-propriété à sa fille, Mme [F] [G] [T] et ses petites-filles, [A] [G] [P] [I] et [D] [I] de deux immeubles cadastrés section EK no[Cadastre 4] et [Cadastre 5] et section BW no[Cadastre 3] commune du [Localité 13] (974)-dit n'y avoir lieu à déclarer le jugement opposable à la SCP Michel Baret - Jean-François Thève - Jacques Valéry - Anne Rivière - Anne Bost-Benchaa - Pascal Gillot - Dorine Kin Siong-Law Koun, notaires associés. Dans ces conditions, il convient, statuant à nouveau, d'annuler la donation intervenue le 18 septembre 2017 aux termes de laquelle Mme [W] [M] [R] faisait donation en nu-propriété à sa fille, Mme [F] [G] [T] et ses petites-filles, [A] [G] [P] [I] et [D] [I] de deux immeubles cadastrés section EK no[Cadastre 4] et [Cadastre 5] et section BW no[Cadastre 3] commune du [Localité 13] (974) et déclarer l'arrêt opposable à la SCP Michel Baret - Jean-François Thève - Jacques Valéry - Anne Rivière - Anne Bost-Benchaa - Pascal Gillot - Dorine Kin Siong-Law Koun, notaires associés. Sur les dépens et les frais irrépétibles Le jugement entrepris sera réformé en ses dispositions relatives aux dépens de première instance, en ce qu'il condamné la SELARL [C] [N] prise en la personne de Me [C] [N] es qualité de liquidateur de Mme [R] aux dépens de l'instance, y compris les frais de greffe taxés et liquidés à hauteur de 234,27 euros. Compte tenu de la nature de la procédure, aucune équité ne justifie d'allouer à l'une ou l'autre des parties une indemnité par application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens de première instance et d'appel seront supportés par Mme [W] [M] [R]. PAR CES MOTIFS La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort, en matière commerciale, par mise à disposition au greffe conformément à l'article 451 alinéa 2 du code de procédure civile ; INFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 9 novembre 2020 par le tribunal mixte de commerce de Saint Pierre de la Réunion ; Et statuant à nouveau PRONONCE la nullité de la donation intervenue le 18 septembre 2017 aux termes de laquelle Mme [W] [M] [R] faisait donation en nu-propriété à sa fille, Mme [F] [G] [T] et ses petites-filles, [A] [G] [P] [I] et [D] [I] de deux immeubles cadastrés section EK no[Cadastre 4] et [Cadastre 5] et section BW no[Cadastre 3] commune du [Localité 13] (974) ; DECLARE l'arrêt opposable à la SCP Michel Baret - Jean-François Thève - Jacques Valéry - Anne Rivière - Anne Bost-Benchaa - Pascal Gillot - Dorine Kin Siong-Law Koun, notaires associés ; Y ajoutant DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; CONDAMNE Mme [W] [M] [R] aux dépens de première instance et d'appel. Le présent arrêt a été signé par Madame Sophie PIEDAGNEL, Conseillère, et par Madame Nathalie BEBEAU, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. LA GREFFIÈRESIGNELA PRÉSIDENTE
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JURITEXT000046480912
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ARRET
Cour d'appel de Pau, 12 octobre 2022, 22/018411
2022-10-12
Cour d'appel de Pau
MEE-caducité partielle
22/018411
01
PAU
CD/SH Numéro 22/03598 COUR D'APPEL DE PAU 1ère Chambre ORDONNANCEdu 12 octobre 2022 Dossier : No RG 22/01841 - No Portalis DBVV-V-B7G-IIEI Affaire : S.A.R.L. SOKOA PISCINE C/ [B] [R]S.A. AXA FRANCE IARD - O R D O N N A N C E - Nous, Caroline DUCHAC, magistrate de la mise en état de la 1ère Chambre de la cour d'appel de PAU, Assistée de Sylvie HAUGUEL, greffière. Vu la procédure d'appel : ENTRE : S.A.R.L. SOKOA PISCINE[Adresse 3][Adresse 3] Représentée par Maître L'HOIRY de la SELARL L'HOIRY & VELASCO, avocat au barreau de BAYONNE APPELANTE ET : S.A. AXA FRANCE IARD[Adresse 2][Adresse 2] Représentée par Maître IRIART, avocat au barreau de PAU Madame [B] [R][Adresse 1][Adresse 1] INTIMÉES * * * Vu le jugement rendu le 2 mars 2022 par le tribunal judiciaire de BAYONNE dans un litige opposant : - Mme [B] [R] à- la SARL SOKOA PISCINE - la SA AXA FRANCE IARD Vu la déclaration d'appel formée le 30 juin 2022 par le conseil de la SARL SOKOA PISCINE, intimant les autres parties au litige. Mme [B] [R] n'a pas constitué avocat. Vu l'avis de caducité de la déclaration d'appel adressé par message RPVA du 16 septembre 2022, demandant à l'appelante de présenter ses observations écrites relativement à l'absence de signification de sa déclaration d'appel à Mme [B] [R], intimée non constituée. Vu l'absence de réponse. SUR CE Vu les articles, 902 et 911-1 du code de procédure civile :Vu l'article 553 du code de procédure civile; L'article 902 du code de procédure civile dispose qu'à « A peine de caducité de la déclaration d'appel relevée d'office, la signification doit être effectuée dans le mois de l'avis adressé par le greffe ». L'appel a été interjeté le 30 juin 2022. L'avis d'avoir à signifier la déclaration d'appel a été adressé par le greffe à l'appelante le 2 août 2022. L'appelante disposait jusqu'au 2 septembre 2022 pour signifier sa déclaration d'appel à Mme [B] [R] qui n'a pas constitué avocat. Elle ne justifie pas de cette signification. Suivant les dispositions de l'article 553 du code de procédure civile " en cas d'indivisibilité à l'égard de plusieurs parties, l'appel de l'une produit effet à l'égard des autres même si elles ne se sont pas jointes à l'instance.L'appel formé contre l'une n'est recevable que si toutes sont appelées à l'instance" ; Le litige en l'espèce n'est pas indivisible. La caducité ne sera prononcée qu'à l'égard de l' intimée non constituée. PAR CES MOTIFS Nous, Caroline DUCHAC, magistrate de la mise en état de la première chambre, DÉCLARONS caduque la déclaration d'appel formée le 30 juin 2022 par le conseil de la SARL SOKOA PISCINE contre le jugement rendu par le tribunal judiciaire de BAYONNE le 2 mars 2022, mais seulement en ce qu'elle est dirigée contre Mme [B] [R] ; RAPPELONS que cette ordonnance peut être déférée à la cour, dans les conditions de l'article 916 alinéa 2 du code de procédure civile ; DISONS que la présente décision sera notifiée par le greffe, aux représentants des parties, par voie électronique, Fait à Pau, le 12 octobre 2022 LA GREFFIÈRE, LA MAGISTRATE CHARGÉE DE LA MISE EN ETAT Sylvie HAUGUELCaroline DUCHAC
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JURITEXT000046480913
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ARRET
Cour d'appel de Colmar, 13 octobre 2022, 20/017461
2022-10-13
Cour d'appel de Colmar
Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
20/017461
4S
COLMAR
MINUTE No 22/785 NOTIFICATION : Copie aux parties - DRASS Clause exécutoire aux : - avocats- parties non représentées Le Le Greffier REPUBLIQUE FRANCAISEAU NOM DU PEUPLE FRANCAIS COUR D'APPEL DE COLMARCHAMBRE SOCIALE - SECTION SB ARRET DU 13 Octobre 2022 Numéro d'inscription au répertoire général : 4 SB No RG 20/01746 - No Portalis DBVW-V-B7E-HLC5 Décision déférée à la Cour : 15 Juin 2020 par le Pôle social du Tribunal Judiciaire de MULHOUSE APPELANTE : Société CHARLES SCHOENENBERGER, [Adresse 1][Localité 3] Représentée par Me Denis MARTINEZ, avocat au barreau de MARSEILLE INTIMEE : CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU HAUT-RHIN[Adresse 2][Localité 3] Dispensée de comparution COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Juin 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme ARNOUX, Conseiller, chargée d'instruire l'affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre, Mme ARNOUX, ConseillerMme HERY, Conseiller qui en ont délibéré. Greffier, lors des débats : Mme WALLAERT, Greffier ARRET : - contradictoire- prononcé par mise à disposition au greffe par Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre, - signé par Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre, et Mme WALLAERT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. * * * * * FAITS ET PROCEDURE Le 20 mars 2018, M. [L] [H] a été victime d'un accident sur son lieu de travail. Une déclaration d'accident de travail a été complétée par l'employeur le 23 mars 2018. Le 05 avril 2018, la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin a reconnu le caractère professionnel de l'accident. Le 06 juin 2018, la société Charles Schoenenberger a contesté cette décision auprès de la commission de recours amiable de la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin. En l'absence de réponse dans le délai d'un mois, la société Charles Schoenenberger a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) du Haut-Rhin le 22 août 2018. Suivant jugement en date du 15 juin 2020, le tribunal judiciaire de Mulhouse-pôle social, remplaçant le TASS, a : - déclaré recevable le recours introduit par la société Charles Schoenenberger à l'encontre du rejet implicite de la commission de recours amiable de la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin, - déclaré opposable à l'employeur la reconnaissance de l'accident du travail du 20 mars 2018 survenu à M. [L] [H], - dit qu'il n'y a pas lieu à expertise, - déclaré la décision de la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin du 05 avril 2018 concernant la prise en charge au titre de la législation professionnelle de l'accident du travail opposable à la société Charles Schoenenberger, - dit que les lésions, soins et arrêts de travail pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin jusqu'au 22 juillet 2018 sont opposables à la société Charles Schoenenberger, - dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens. La société Charles Schoenenberger a interjeté appel du jugement le 25 juin 2020. L'affaire a été fixée à l'audience du 16 juin 2022. La société Charles Schoenenberger reprend oralement ses conclusions visées le 06 septembre 2021 aux termes desquelles il est demandé d'infirmer le jugement rendu et de : *à titre principal,dire et juger que la décision prise par la caisse de reconnaître le caractère professionnel de l'accident lui est inopposable, les dispositions des articles R441-11 et R441-14 du code de la sécurité sociale n'ayant pas été respectées, *à titre subsidiaire,dire et juger que la décision lui est inopposable, la preuve de la matérialité des faits n'étant pas rapportée, *à titre infiniment subsidiaire,dire et juger que la demande d'expertise médicale est justifiée et par conséquent désigner un médecin expert avec pour mission de : - convoquer contradictoirement les parties, - se faire transmettre tous les éléments médicaux du dossier de M. [L] [H] par la caisse primaire qui ne pourra lui opposer le secret professionnel, - déterminer l'existence d'une éventuelle pathologie antérieure,- déterminer la durée des arrêts de travail en relation directe avec l'accident du travail du 20 mars 2018. La caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin, dispensée de comparution, se réfère à son écrit du 06 octobre 2021, visé le 14 octobre 2021. Il est sollicité : - la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions, - de dire et juger que la décision de la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin de prendre en charge, au titre de la législation professionnelle, l'accident survenu le 20 mars 2018 à M. [L] [H] est opposable à la société Charles Schoenenberger, - de dire et juger que la décision de la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin de prendre en charge au titre de la législation professionnelle, les soins et arrêts de travail consécutifs à l'accident du travail survenu le 20 mars 2018 à M. [L] [H] est opposable à la société Charles Schoenenberger jusqu'à la date de guérison de l'état de santé de l'assuré fixé au 22 juillet 2018, - de débouter la société Charles Schoenenberger de sa demande d'expertise, - de débouter la société Charles Schoenenberger de l'ensemble de ses prétentions. Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux dernières conclusions précédemment visées en application de l'article 455 du code de procédure civile. MOTIFS Interjeté dans les forme et délai légaux, l'appel est recevable. Sur le respect du principe du contradictoire L'article R441-10 du code de la sécurité sociale prévoit que la caisse dispose d'un délai de 30 jours à compter de la date à laquelle elle a reçu la déclaration d'accident et le certificat médical initial pour statuer sur le caractère professionnel de l'accident. Aux termes de l'article R441-11 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige issue du décret no2009-938 du 29 juillet 2009, en cas de réserves motivées de la part de l'employeur ou si elle l'estime nécessaire, la caisse envoie avant sa décision à l'employeur et à la victime d'un accident de travail ou d'une maladie professionnelle un questionnaire portant sur les circonstances de l'accident ou de la maladie professionnelle ou procède à une enquête auprès des intéressés. En l'espèce, la société Charles Schoenenberger soutient ne pas avoir émis de réserves immédiatement car le chantier était éloigné du siège social et qu'il lui a fallu un « certain temps pour reconstituer les événements ». Un courrier a été adressé à la caisse dans le délai de 30 jours (délai initial d'instruction). La décision de la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin lui a été notifiée le 09 avril alors que la lettre de réserve a pu être réceptionnée avant la prise de décision. Le courrier de réserves dont se prévaut l'employeur est parvenu à la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin le 12 avril 2018 alors que la décision de prise en charge a été notifiée le 06 avril 2018 et réceptionnée le 09 avril 2018. Il convient de s'attacher à la date à laquelle la caisse a envoyé la notification et non à celle de la réception par l'employeur ; il faut vérifier si la caisse a adressé sa décision dans le délai de 30 jours ouvrables. La caisse primaire d'assurance maladie produit la notification de sa décision adressée par lettre recommandée avec avis de réception, dont elle justifie du dépôt à la poste le 06 avril 2018 et de la réception par signature de l'avis de réception le 09 avril 2018. L'employeur produit uniquement la lettre de réserves en date du 05 avril 2018 avec la mention manuscrite LRAR 1A 1495404476 8. Ce seul élément ne suffit pas à établir que les réserves ont été réceptionnées avant la prise de décision. Le certificat médical en date du 20 mars 2018 décrivant les lésions a été produit et la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin estimant disposer d'éléments suffisants n'a pas procédé à une mesure d'instruction complémentaire. Dès lors que la déclaration d'accident de travail n'est pas accompagnée de réserves, la caisse est en mesure de décider d'une prise en charge d'emblée, sans être tenue de recourir à une mesure d'instruction ou de produire l'avis du médecin conseil. Le moyen d'inopposabilité a donc à bon droit été rejeté par les premiers juges, la caisse n'ayant pas méconnu le principe du contradictoire.Sur la matérialité de l'accident du travail Aux termes des dispositions de l'article L411-1 du code de sécurité sociale, «est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise». Selon la société Charles Schoenenberger la matérialité de l'accident n'est pas établie car la caisse primaire d'assurance maladie du Haut-Rhin ne rapporte pas la preuve lui incombant à savoir un faisceau d'indices graves et concordants : aucun témoin n'a assisté au fait accidentel ; il y avait un échafaudage sur le chantier loin du point de glissade ; les faits relatés par le salarié ne sont pas en rapport avec la réalité ; il pratique une activité sportive entraînant couramment des fractures du pouce (boxe) ; il a pratiqué des activités sportives les 29 avril et 03 mai 2018. En l'espèce, le 23 mars 2018, l'employeur a établi une déclaration d'accident du travail en ces termes «le salarié a déclaré « était en train de se déplacer sur la toiture terrasse pour prendre une photo, lorsqu'il a glissé sur une plaque de verglas et s'est fait mal au pouce en tombant au sol contre une barre d'échafaudage». L'accident est survenu au temps et au lieu du travail, soit le 20 mars 2018 à 7h30 (l'horaire de travail du salarié déclaré par l'employeur étant le matin de 7h30 à 12h), alors que le salarié se trouvait à son poste de travail sur un chantier de l'entreprise. Le certificat médical initial, établi le 20 mars 2018, le jour même de l'accident par le Centre hospitalier de [Localité 4], constate « main gauche : fracture luxation fermée du métacarpe du pouce » en cohérence avec la description des faits et le siège et la nature des lésions rapportés par le salarié à l'employeur le 20 mars 2018 à 8h dans un temps proche de l'accident (cf déclaration d'accident du travail). Les premiers juges ont par ailleurs relevé avec pertinence que les éléments avancés par la société Schoenenberger -lesquels sont repris en appel- ne sont pas probants et ne constituent pas un commencement de preuve de nature à démontrer que tout ou partie des lésions a une cause totalement étrangère au travail. En conséquence les premiers juges ont à bon droit retenu que la matérialité de l'accident du travail est établie et que les lésions dont souffre M. [L] [H] sont bien imputables à l'accident. Sur la contestation de la durée des arrêts de travail et des soins La société Charles Schoenenberger, au motif qu'elle n'a pas accès au dossier médical, s'interroge sur le bien fondé des arrêts de travail, ajoutant qu'un arrêt de plus de 150 jours paraît excessif pour une simple foulure du pouce ou même une fracture. A ce titre, il est sollicité une expertise médicale. En application de l'article L411-1 du code de la sécurité sociale, la présomption d'imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d'un accident du travail, dès lors qu'un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial d'accident du travail est assorti d'un arrêt de travail, s'étend pendant toute la durée d'incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l'état de la victime, et il appartient à l'employeur, dans ses rapports avec la caisse, dès lors que le caractère professionnel de l'accident est établi de prouver que les lésions invoquées / les soins prodigués ont une cause totalement étrangère au travail. Dès lors qu'un accident du travail est établi, la présomption d'imputabilité trouve à s'appliquer dans la mesure où la caisse justifie du caractère ininterrompu des arrêts de travail et soins y faisant suite. La demande d'expertise sollicitée par l'employeur a été rejetée par les premiers juges rappelant cette présomption. A hauteur d'appel, l'employeur n'apporte aucun élément nouveau justifiant qu'il soit fait droit à sa demande d'expertise alors que la caisse établit la continuité des symptômes et des soins depuis l'accident le 20 mars 2018 jusqu'à la date de guérison fixée au 22 juillet 2018 par le médecin conseil près la caisse comme l'ont relevé les premiers juges. Par conséquent, il s'impose sans recourir à une mesure d'expertise de confirmer le jugement entrepris qui a déclaré opposable à la société Charles Schoenenberger la décision de la caisse primaire d'assurance maladie de prendre en charge au titre du risque professionnel outre l'accident dont a été victime M. [L] [H], les soins et arrêts de travail consécutifs. Sur les dépens Le jugement entrepris est confirmé en ce qu'il a dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens. Succombant à hauteur d'appel, la société Charles Schoenenberger est condamnée aux dépens d'appel. PAR CES MOTIFS LA COUR, statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la Loi, DECLARE recevable l'appel interjeté par la société Charles Schoenenberger ; CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ; Y ajoutant : REJETTE la demande d'expertise sollicitée à titre subsidiaire par la société Charles Schoenenberger ; CONDAMNE la société Charles Schoenenberger aux dépens de la procédure d'appel. Le Greffier,Le Président,
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JURITEXT000046480914
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ARRET
Cour d'appel de Colmar, 13 octobre 2022, 21/004911
2022-10-13
Cour d'appel de Colmar
Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
21/004911
4S
COLMAR
MINUTE No 22/786 NOTIFICATION : Copie aux parties - DRASS Clause exécutoire aux : - avocats- parties non représentées Le Le Greffier REPUBLIQUE FRANCAISEAU NOM DU PEUPLE FRANCAIS COUR D'APPEL DE COLMARCHAMBRE SOCIALE - SECTION SB ARRET DU 13 Octobre 2022 Numéro d'inscription au répertoire général : 4 SB No RG 21/00491 - No Portalis DBVW-V-B7F-HPL2 Décision déférée à la Cour : 16 Décembre 2020 par le Pôle social du Tribunal Judiciaire de STRASBOURG APPELANTE : CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU BAS-RHINService contentieux[Adresse 1][Localité 3] Comparante en la personne de Mme [D] [X], munie d'un pouvoir INTIMEE : Société IDEA SERVICE[Adresse 2][Localité 4] Représentée par Me Florent LABRUGERE, avocat au barreau de LYON COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Juin 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme ARNOUX, Conseiller, chargée d'instruire l'affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre, Mme ARNOUX, ConseillerMme HERY, Conseiller qui en ont délibéré. Greffier, lors des débats : Mme WALLAERT, Greffier ARRET : - contradictoire- prononcé par mise à disposition au greffe par Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre, - signé par Mme FERMAUT, Magistrat honoraire, faisant fonction de Président de chambre, et Mme WALLAERT, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. * * * * * FAITS ET PROCEDURE Mme [B] [S], ouvrière au sein de la SAS Idea Service a été victime d'un accident de travail le 28 février 2013, lui ayant entraîné une fracture du poignet gauche. La Société Idea Service a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) du Bas-Rhin le 7 septembre 2017 suite à la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable de la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin, qui n'a pas répondu à son recours introduit le 7 juin 2017 pour contester l'imputabilité à l'accident des arrêts de travail et soins pris en charge par la caisse. Suivant jugement en date du 14 novembre 2018, le tribunal a ordonné une expertise sur pièces confiée au Dr [I]. Suivant jugement en date du 16 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Strasbourg-pôle social, remplaçant le TASS, a : - déclaré recevable le recours de la SAS Idea Service, - déclaré inopposable à la SAS Idea Service la décision de la caisse primaire d'assurance maladie de prendre en charge au titre de la législation professionnelle, l'accident dont a été victime Mme [B] [S] le 28 février 2013,- condamné la caisse primaire d'assurance maladie à la prise en charge des frais d'expertise du Dr [I] et aux entiers frais et dépens. La caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin a interjeté appel du jugement par lettre recommandée expédiée le 26 janvier 2021. L'affaire a été fixée à l'audience du 16 juin 2022. La caisse primaire d'assurance maladie reprend oralement ses conclusions adressées au greffe le 1er avril 2021 et demande à la cour : - d'infirmer le jugement en date du 16 décembre 2020,- de déclarer les arrêts de travail et soins pris en charge au titre de l'accident du travail du 01/03/2013 au 28/02/2014 de Mme [S] pleinement opposables à la société Idea Service, - de dire et juger que le rapport d'expertise du Dr [I] n'était pas nécessaire et n'apporte nullement la preuve d'une cause étrangère au travail ou d'un état pathologique antérieur étant à l'origine de la prise en charge des arrêts et soins consécutivement à l'accident du 01/03/2013 au 28/02/2014,- de condamner la société Idea Service aux entiers frais et dépens. La Société Idea Service reprend oralement ses conclusions adressées au greffe le 16 septembre 2021 et demande à la cour : - à titre principal de constater que la caisse primaire d'assurance maladie n'a pas accompli les diligences qui lui incombaient lors de l'expertise ordonnée par le tribunal judiciaire,- confirmer le jugement au motif que la caisse primaire d'assurance maladie n'a pas accompli les diligences qui lui incombaient afin d'apporter son concours à la mission impartie à l'expert,- juger que les arrêts de travail et soins et autres conséquences exclusivement imputables à l'accident du travail déclaré par Mme [S] sont inopposables,- condamner la caisse primaire d'assurance maladie à prendre en charge l'intégralité des frais d'expertise,- rembourser l'avance des frais supportés par la Société Idea Service, - à titre subsidiaire d'ordonner une nouvelle mesure d'expertise, juger que les opérations d'expertise devront se réaliser uniquement sur pièces, ordonner la communication de l'entier dossier médical de Mme [S] par la caisse primaire d'assurance maladie au Dr [R] médecin consultant de la société Idea Service et juger que les frais d'expertise seront entièrement mis à la charge de la caisse primaire d'assurance maladie. Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux dernières conclusions précédemment visées en application de l'article 455 du code de procédure civile. MOTIFS Le jugement entrepris, rendu le 16 décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Strasbourg, a été notifié par les soins du greffe le 6 janvier 2021 à la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin qui l'a reçu le 7 janvier 2021. Interjeté dans les forme et délai légaux, l'appel est recevable. Aux termes des dispositions de l'article L411-1 du code de sécurité sociale, «est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise». En l'espèce la caisse primaire d'assurance maladie rappelle que la présomption d'imputabilité édictée par l'article L411-1 du code de la sécurité sociale couvre l'ensemble des prestations servies jusqu'à la consolidation ou guérison. A cet effet, elle produit les arrêts de travail et prolongations du 01/03/2013 au 28/02/2014, date du certificat médical final, et précise que la consolidation a été fixée au 1er mars 2014. Au regard de la continuité des soins et arrêts, la prise en charge est, selon elle, justifiée. Pour sa part, la Société Idea Service fait observer que Mme [S] a bénéficié de 365 jours d'arrêt de travail suite à une fracture du poignet, alors que la durée moyenne est de 7 à 77 jours en fonction du travail de l'intéressé et du traitement médical. Elle s'interroge que les causes de ces prolongations pouvant être en lien avec une nouvelle lésion ou pathologie préexistante sans rapport avec l'accident initial et relève que l'expert n'a pas été en mesure de répondre à sa mission au regard des pièces produites par la caisse primaire d'assurance maladie à savoir attestation de versement des indemnités journalières et avis du médecin conseil. Sur ce, Il résulte des éléments du dossier que la déclaration d'accident de travail établie par l'employeur mentionne «en se dirigeant vers les toilettes, Mme [S] a glissé et est tombée sur le bras - fracture». Une expertise a été ordonnée avant dire droit par les premiers juges, qui ont relevé que la caisse ne produisait aucun certificat médical de prolongation permettant d'attester de la continuité des soins. L'expert estimant le dossier «très insuffisant pour statuer» n'a pas répondu à la mission qui lui était confiée compte tenu des pièces transmises par la caisse à savoir : attestation de versement des indemnités journalières et avis du médecin conseil. La Société Idea Service produit un avis médico-légal du Dr [R] en date du 11 juin 2021 qui déclare être « incapable de rendre un avis précis en raison de l'insuffisance de notre information rendant une analyse médico-légale impossible. En effet : 1. La longueur de l'arrêt paraît nettement disproportionnée compte tenu de la lésion initiale décrite, savoir une fracture de l'extrémité distale du radius gauche, après chute de sa hauteur, sans notion de complication [?] Une telle fracture justifie un arrêt de travail de 6 à 12 semaines, selon le traitement chez un travailleur manuel [?] Nous n'avons aucune précision sur le traitement entrepris [...] 2 Les arrêts de travail sont renouvelés toutes les 4 à 6 semaines par des certificats reproduisant la mention du CMI, sans autre précision [...], ne permettant pas d'apprécier l'évolution. [...] 3 Nous sommes donc dans la même situation que l'expert qui conclut «dossier très insuffisant pur statuer» ce qui nous ne pouvons que confirmer ». Or par application de l'article L411-1 susvisé, la présomption d'imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d'un accident du travail s'étend pendant toute la durée d'incapacité de travail précédent soit la guérison complète, soit la consolidation de l'état de la victime, et il appartient à l'employeur, dès lors que le caractère professionnel de l'accident est établi ou n'est pas contesté, dans ses rapports avec la caisse, de prouver que les lésions invoquées ont une cause étrangère au travail. Dès lors que la déclaration d'accident de travail n'est pas accompagnée de réserves, la caisse est en mesure de prendre une décision de prise en charge sans être tenue de recourir à une mesure d'instruction ou de produire l'avis du médecin conseil. En conséquence, les lésions dont souffre Mme [S] sont présumées imputables au travail ; du reste la matérialité de l'accident du travail n'a jamais été discutée. Le certificat médical initial en date du 1er mars 2013 établi par le Dr [C] [N] chirurgie de la main/microchirurgie et qui prescrit un arrêt de travail jusqu'au 30 avril 2013, mentionne une fracture du poignet gauche. Cette constatation figure sur les arrêts de prolongation désormais produits par la caisse des 11 avril, 28 mai, 25 juin, 12 août, 13 septembre, 31 octobre, 31 décembre 2013 et 28 février 2014. Les indemnités journalières ont été versées sans discontinuer du 01/03/2013 au 28/03/2013 et du 29/03/2013 au 28/02/2014 au titre de l'accident du travail du 28 février 2013. Aucun élément n'est apporté tant par le Dr [I] que par la Société Idea Service démontrant que les arrêts de travail ont pour origine une cause étrangère au travail ou sont exclusivement liés à un état pathologique antérieur. Dans ces conditions, étant relevé que l'employeur ne fait état d'aucun élément contredisant le lien entre les soins et arrêts et l'accident, les arrêts de travail et soins pris en charge au titre de l'accident du travail du 01/03/2013 au 28/02/2014 de Mme [S] sont opposables à la société Idea Service sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une nouvelle expertise médicale, qui serait superfétatoire en l'espèce. Le jugement entrepris sera par conséquent infirmé en ce qu'il a déclaré inopposable à la société Idea Service la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de l'accident dont a été victime Mme [S]. Compte tenu de la teneur de la présente décision, les dépens d'appel seront à la charge de la Société Idea Service. le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a condamné la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin à prendre en charge les frais d'expertise du Dr [I] ; ceux-ci seront à la charge de la société Idea Service ainsi que les dépens de première instance. PAR CES MOTIFS La Cour, statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire, en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la Loi, DECLARE recevable l'appel interjeté par la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin ; INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a dit recevable le recours de la Société Idea Service ; Statuant à nouveau et y ajoutant : DECLARE opposable à la Société Idea Service la décision de la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin de prendre en charge au titre de la législation professionnelle les arrêts de travail et soins du 1er mars 2013 au 28 février 2014 consécutifs à l'accident du travail dont a été victime Mme [B] [S] le 28 février 2013 ; CONDAMNE la Société Idea Service à prendre en charge les frais d'expertise du Dr [I] ; CONDAMNE la Société Idea Service aux dépens de première instance et d'appel. Le Greffier,Le Président,
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JURITEXT000047454950
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AUTRES_DECISIONS
Tribunal judiciaire de Paris, 17 février 2023, 21/05343
2023-02-17
Tribunal judiciaire de Paris
21/05343
CT0196
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TRIBUNALJUDICIAIREDE PARIS 3ème chambre2ème section No RG 21/05343No Portalis 352J-W-B7F-CUHE2 No MINUTE : Assignation du :07 Avril 2021 JUGEMENT rendu le 17 Février 2023 DEMANDERESSE S.A.S. CLIM DENFERT BOURQUIN[Adresse 6][Localité 5] représentée par Maître Leslie DICKSTEIN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D1398 DÉFENDEURS S.A.R.L. GROUPE ENDF[Adresse 2][Localité 4] Monsieur [K] [B][Adresse 1][Localité 3] représenté par Maître Murielle-Isabelle CAHEN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E1194 COMPOSITION DU TRIBUNAL Madame Irène BENAC, Vice-PrésidenteMadame Elodie GUENNEC, Vice-présidenteMonsieur Arthur COURILLON-HAVY, Juge assisté de Quentin CURABET, Greffier DÉBATS A l'audience du 25 Novembre 2022 tenue en audience publique devant Irène BENAC et Arthur COURILLON-HAVY, juges rapporteurs, qui sans opposition des avocats ont tenu seuls l'audience, et après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile. Avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe, en dernier lieu, le 17 Février 2023. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe ContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE 1. La société Clim denfert-bourquin (la société Clim denfert), qui commercialise des systèmes de climatisation et de traitement de l'air, reproche à la société Groupe endf et à son dirigeant, M. [K] [B], à titre personnel, l'usage pour la même activité du signe ‘Clim Denfert' en contrefaçon de sa marque homonyme, et la reproduction parasitaire de son site internet, faits qui ont été découverts en avril 2019, puis à nouveau en 2021 s'agissant de l'usage de la marque. La société défenderesse conteste notamment l'imputabilité des faits, en particulier en ce que ceux de 2021 auraient été accomplis non par elle mais par un prestataire. 2. La société Clim denfert invoque la marque verbale française ‘Clim Denfert' no 97 674 888, déposée le 23 avril 1997, renouvelée depuis, et enregistrée pour désigner les produits et services suivants en classes 37, 40 et 42 : « Installation et réparation de chauffage, installation et réparation d'appareils pour le conditionnement de l'air, la réfrigération, l'humidification de l'air. Informations en matière d'installation et de réparation de climatisation. Purification, rafraîchissement, humidification, dessication, désodorisation de l'air. Informations en matière de traitement de l'air. Consultation en matière de climatisation de locaux. Etablissement de plans pour la construction. Décoration intérieure. Travaux d'ingénieur en génie climatique. Etude de projets techniques dans le domaine du conditionnement de l'air. Elaboration (conception) de logiciels de gestion d'installations de climatisation ». 3. Après une mise en demeure en 2019 à propos de la reproduction du site internet et de l'usage du signe Clim Denfert sur une plateforme appelée ‘Houzz', qui a été suivie de la cessation des faits critiqués, puis une deuxième mise en demeure justifiée par l'absence de réponse explicite à la première, et s'étant enfin aperçue en 2021 de la reprise du signe Clim Denfert sur une annonce Google, elle a assigné la société Groupe endf et son gérant le 7 avril 2021 en contrefaçon de marque et parasitisme. L'instruction a été close le 23 juin 2022 et l'affaire plaidée le 25 novembre suivant. Prétentions des parties 4. Dans ses dernières conclusions (20 avril 2022), la société Clim denfert demande, avec exécution provisoire :? de condamner la société Groupe endf et M. [B], chacun, à lui payer les sommes forfaitaires suivantes : ? 15 000 euros pour la contrefaçon sur la plate-forme Houzz, ? 45 000 euros pour la contrefaçon dans l'annonce payante Google, ? 30 000 euros pour le parasitisme, ? 75 000 euros en réparation de son préjudice moral et de l'atteinte à son image de marque,? des mesures d'interdiction et de publication sous astreinte,? 25 000 euros de la part de chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens, « en ce compris les frais d'huissiers ». 5. Dans leurs dernières conclusions signifiées par voie électronique le 3 juin 2022, la société Groupe endf et M. [K] [B] résistent à l'ensemble des demandes y compris d'exécution provisoire et sollicitent eux-mêmes 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens, avec exécution provisoire. Moyens des parties 6. Sur la contrefaçon de marque, la société Clim denfert fait valoir que la société Groupe endf a commis des actes de contrefaçon par reproduction de sa marque Clim Denfert en revendiquant, sur la plateforme Houzz, avoir une boutique à l'enseigne ‘Clim Denfert Mediterranée' à [Localité 7], puis qu'une de ses annonces payantes sur le moteur de recherche Google a contenu, en titre, les termes « Clim Denfert ». La société Groupe endf admet avoir commis « une erreur purement matérielle » et fait valoir qu'elle a immédiatement supprimé les mots « Clim Denfert » de son site internet à réception de la lettre de mise en demeure du 7 juin 2019, de même qu'elle a fait rapidement modifier la nouvelle erreur sur l'annonce Google en 2021, commise selon elle par son nouveau prestataire. Ce à quoi la demanderesse répond que la défenderesse est responsable des faits commis par ses salariés et ne rapporte pas la preuve d'un contrat de prestation de service pour la rédaction des annonces sur le moteur de recherche Google. 7. Sur le parasitisme, la demanderesse reproche à la société Groupe endf d'avoir reproduit intégralement sur son site internet gendf.fr le plan, la structure, les fonctionnalités, l'agencement des rubriques et le contenu de son propre site internet climdenfert.com, cherchant ainsi selon elle à se placer dans son sillage sans bourse délier ; en réponse, la société Groupe endf estime que les similitudes relevées concernent le plan et les onglets et qu'il s'agit d'une présentation classique, l'agencement, les fonctionnalités et la structure du site de la demanderesse ne présentant aucune particularité, ce que conteste la demanderesse. 8. Sur la responsabilité personnelle du dirigeant pour les mêmes faits, la société Clim denfert soutient que celui-ci a répété en toute connaissance de cause des actes de contrefaçon et de parasitisme depuis 2019, et que les défendeurs ne démontrent pas qu'il ne s'agit pas d'une faute personnelle de M. [B] ni sa bonne foi. M. [B] conteste toute faute personnelle détachable de ses fonctions, toute intention frauduleuse et affirme avoir immédiatement mis fin aux faits reprochés. 9. Sur la réparation, enfin, la demanderesse, qui demande des sommes forfaitaires, précise qu'elles sont « à parfaire en attendant la communication des éléments relatifs à la campagne publicitaire menée sur Google » ; estime que son préjudice ne peut pas être contesté dès lors qu'il a été porté atteinte à ses droits ; que les pièces versées par les défendeurs ne sont pas probantes ; qu'en particulier, le graphique relatif à la campagne de publicité sur Google concerne une période limitée et n'est « pas officiel », que la défenderesse ne précise pas la destination de sa publicité ni les sommes investies, que la pièce remise à cet égard n'est pas probante car elle montre des paramètres modifiables « à la main » ; que, même à suivre ces pièces, 131 clics ont été comptabilisés sur le site de la défenderesse grâce aux mots-clés Clim Denfert, dont 12 ont donné lieu à un achat en ligne ou un appel depuis un mobile ; que cela indique, selon elle, au minimum une perte de 12 clients potentiels pour elle. Sur le parasitisme, elle soutient que la reproduction du contenu de son site a permis aux défendeurs d'économiser les frais de conception du site et de bénéficier de son propre référencement. Sur le préjudice moral, enfin, elle fait valoir qu'il « s'infère nécessairement un préjudice moral » en matière de concurrence déloyale. 10. Contre la réparation et les mesures demandées, les défendeurs estiment qu'elles ne sont pas justifiées, qu'aucune confusion par des clients n'a été démontrée, qu'aucun bénéfice n'a été retiré des faits litigieux, son chiffre d'affaires ayant même considérablement diminué en 2020 par rapport à 2019, tandis que la demanderesse a vu son chiffre d'affaires augmenter entre 2018 et 2019 ; que l'atteinte à l'image invoquée n'est pas non plus établie, et que les faits reprochés ont été commis sur une courte période n'ayant pas pu leur permettre de bénéficier d'un quelconque avantage. Ils contestent également les astreintes demandées dès lors qu'il n'existe plus de campagne d'annonces faisant apparaître les termes « Clim Denfert ». MOTIVATION I . Demandes en contrefaçon de marque 1 . Atteinte au droit du titulaire de la marque 11. Les droits sur les marques nationales sont prévus par la directive 2015/2436, à son article 10, rédigé en ces termes : « 1. L'enregistrement d'une marque confère à son titulaire un droit exclusif sur celle-ci. 2. Sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité de la marque enregistrée, le titulaire de ladite marque enregistrée est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires, pour des produits ou des services, d'un signe lorsque: a) le signe est identique à la marque et est utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels celle-ci est enregistrée; b) le signe est identique ou similaire à la marque et est utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires aux produits ou services pour lesquels la marque est enregistrée, s'il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion; le risque de confusion comprend le risque d'association entre le signe et la marque; » 12. L'atteinte au droit exclusif conféré par la marque, codifié en droit interne, en des termes non expressément incompatibles avec ceux de la directive, à l'article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle dans sa rédaction postérieure au 15 décembre 2019, est qualifiée de contrefaçon, engageant la responsabilité civile de son auteur, par l'article L. 716-4. 13. Les faits antérieurs au 15 décembre 2019 sont régis par le même article L. 713-2 dans sa rédaction alors en vigueur, elle-même transposant, d'une façon qui n'y était pas expressément incompatible, les dispositions de la directive 2008/95 prévoyant les droits conférés par la marque dans des termes en substance identiques à ceux, précités, de l'actuel article 10 de la nouvelle directive. Et l'atteinte au droit du titulaire de la marque était qualifiée de contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur par les termes identiques de l'ancien article L. 716-1. 14. La Cour de justice de l'Union européenne a précisé que le droit exclusif du titulaire de la marque, qui n'est pas absolu, ne l'autorise à s'opposer à l'usage d'un signe par un tiers en vertu de l'article correspondant à l'actuel article 10, dans les conditions énumérées au paragraphe 2, sous a) et b), que si cet usage porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque et notamment à sa fonction essentielle qui est de garantir aux consommateurs la provenance du produit ou du service (CJCE, 12 novembre 2002, Arsenal football club, C-206/01, point 51). 15. Il est constant que le signe Clim Denfert, identique à la marque de la demanderesse, a été utilisé en 2019 sur la page qui référençait la société Groupe endf sur un site tiers appelé Houzz. L'employeur étant responsable des faits commis par ses préposés dans le cadre de leurs fonctions, il est indifférent que l'usage de 2019 soit le fait du dirigeant de la défenderesse ou d'un de ses salariés ; il s'agit dans les deux cas d'un usage fait par elle. 16. Il est également constant qu'à partir de février 2021 le même signe apparaissait, de façon visible, dans une annonce payante du moteur de recherche Google renvoyant vers le site internet de la société Groupe endf. Bien que la défenderesse allègue être étrangère à ce fait, pour avoir délégué sa communication à un prestataire, cet usage n'en demeure pas moins fait en son nom et pour son compte ; il lui incombe alors d'exposer et de justifier en quoi, malgré ces circonstances, il devrait être considéré comme fait sans son accord et indépendamment de son propre comportement. Or elle n'expose pas de quelle façon son prestataire aurait non seulement pu prendre unilatéralement l'initiative de reproduire la marque d'un concurrent, ce qui est déjà improbable, mais aurait en outre choisi la même marque que celle qui avait déjà été reprise par la société Groupe endf elle-même deux années auparavant. Au contraire, il ressort des propres pièces de la société Groupe endf que son prestataire a « relancé » les « ads » c'est-à-dire les publicités, en suggérant ensuite des modifications par rapport à leur configuration préexistante (pièce Groupe endf no9), ce qui implique qu'il n'a, dans un premier temps, fait que republier les publicités et leurs mots-clés tels qu'ils avaient été créés antérieurement par la société Groupe endf. Les échanges de courriels ultérieurs (pièce Groupe endf no8) montrent même que le prestataire a ensuite recherché la validation de son client pour un « nouveau format » des annonces. L'usage du signe Clim Denfert résulte donc à l'évidence du comportement actif de la société Groupe endf, et lui est imputable, qu'il ait été en pratique accompli par un tiers ou par elle-même ; et son affirmation selon laquelle son prestataire aurait recouru à ce signe de son initiative et sans son accord relève d'une présentation des faits manifestement contraire à la réalité. 17. Il est enfin constant que cet usage a été fait sans l'autorisation de la société Clim denfert, dans la vie des affaires, pour désigner des services d'installation et réparation d'appareils pour le conditionnement de l'air, c'est-à-dire des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, et il est manifeste que par cet usage, des consommateurs ont pu voir dans ce signe l'indication de l'origine commerciale des services, ce qui a porté atteinte ou était susceptible de porter atteinte à la fonction essentielle de la marque. 18. La contrefaçon est donc caractérisée. 2 . Réparation 19. En vertu de l'article L. 716-4-10 du code de la propriété intellectuelle, pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement : 1o Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ; 2o Le préjudice moral causé à cette dernière ; 3o Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon. 20. À titre d'alternative, et sur demande de la partie lésée, la juridiction peut, en vertu du 2nd alinéa de l'article L. 716-4-10, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire, supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée. 21. Ces dispositions doivent être interprétées, d'une part, à la lumière du principe de réparation intégrale, en vertu duquel la partie lésée doit se trouver dans la situation qui aurait été la sienne en l'absence des faits litigieux, sans perte ni profit pour elle ; d'autre part, à la lumière de la directive 2004/48 sur le respect des droits de propriété intellectuelle, qui prévoit à son article 13 que les dommages et intérêts doivent être adaptés au préjudice que le titulaire du droit « a réellement subi du fait de l'atteinte ». 22. Au cas présent, le signe litigieux a été utilisé de façon isolée, dans des périodes de temps courtes, et a systématiquement été arrêté peu de temps après l'envoi d'une mise en demeure. Par ailleurs, la confusion invoquée par la demanderesse à propos d'une cliente qui l'aurait contactée par erreur (sa pièce no3) n'est pas avérée, cette cliente ayant découvert la page Houzz litigieuse dans le cadre d'une démarche de vérification après signature d'un devis avec la société Groupe endf par son père, dans des circonstances qui lui avaient certes paru suspectes mais sans usage de la marque Clim Denfert ; et cette démarche l'a précisément conduite à appeler la demanderesse pour vérifier avec qui la société Groupe endf était réellement en lien, et ne l'a pas amenée à opérer de confusion sur l'origine commerciale des services concernés. 23. Néanmoins, l'usage du signe litigieux sur une page promotionnelle d'un site internet, certes peu connu, mais dont il est constant qu'il a pour objet de permettre aux professionnels de s'attirer une clientèle, a en soi fait subir au titulaire de la marque une dilution de celle-ci, qui caractérise un préjudice, faible, qui peut être estimé ici à 2 000 euros, en tenant compte du préjudice moral. 24. Par ailleurs, l'usage de la marque dans la publicité sur le moteur de recherche Google a donné au signe contrefaisant une visibilité nettement plus grande, et exposé son titulaire à une atteinte corrélativement plus importante. La défenderesse a communiqué une copie du graphique établi par Google sur la fréquentation de son site internet grâce à cette publicité (pièce Groupe endf no19), dont elle déduit qu'il y a eu 131 clics sur la publicité, qui ont donné lieu à 12 personnes remplissant « le formulaire de demande », sans plus de précision. Mais, comme le souligne la demanderesse, ce document, qui n'est qu'une reproduction partielle de l'outil de suivi fourni par Google, ne permet pas d'évaluer la réalité et l'exhaustivité des informations ainsi extraites. Il faut alors apprécier au détriment de la défenderesse son refus d'apporter des éléments fiables, vérifiables et suffisamment clairs permettant d'apprécier les conséquences complètes de la contrefaçon. Au regard de la durée de celle-ci (2 mois), le préjudice en résultant peut alors être estimé à 8 000 euros, en tenant compte du préjudice moral. 25. En tenant ainsi compte de l'ensemble des éléments communiqués par les parties, le préjudice causé par la contrefaçon est de 10 000 euros, somme que la société Groupe endf est condamnée à payer à la demanderesse. 2 . Autres mesures 26. L'interdiction demandée est nécessaire pour mettre fin au préjudice. La défenderesse ayant persévéré dans la contrefaçon malgré une première interruption, une astreinte est nécessaire, dans les termes du dispositif. 27. Par ailleurs, la réitération des faits justifie, pour assurer un caractère dissuasif à la présente décision, d'enjoindre à la défenderesse de mentionner celle-ci sur son site internet, sous astreinte. Il est rappelé à la société Groupe endf qu'ainsi soumise à une obligation de faire, c'est à elle qu'il incombe d'en prouver l'exécution. La demande de publication dans des journaux est en revanche inutile au regard de l'enjeu du litige. II . Demandes en parasitisme 28. Est fautif, au sens de l'article 1240 du code civil, le fait, pour un agent économique, de se placer dans le sillage d'une entreprise en profitant indûment des investissements consentis ou de sa notoriété, ou encore de ses efforts et de son savoir-faire ; qualifié de parasitisme, il résulte d'un ensemble d'éléments appréhendés dans leur globalité (Cass. Com., 4 février 2014, no13-11.044 ; Cass. Com., 26 janvier 1999, no 96-22.457), et qu'il faut interpréter au regard du principe de liberté du commerce et de l'industrie. 29. La demanderesse démontre, par un constat d'huissier (sa pièce no4) et des comparaisons reprises dans ses conclusions (pp. 12-17), non contestées, que le site internet gendf.fr, dont il est constant qu'il s'agissait de celui de la société Groupe endf, reproduisait les noms de l'ensemble des rubriques de son site, ainsi que le texte d'un grand nombre d'entre elles, au mot près, à l'exception du nom de la demanderesse qui était à chaque fois remplacé par celui de la défenderesse. 30. Si, s'agissant des intitulés des rubriques, il ne s'agit manifestement pas d'un ensemble ayant demandé un effort tel qu'il caractérise en lui-même une valeur économique individualisée dont la reproduction ou l'imitation serait fautive, y compris sans leur structure d'ensemble, les textes eux-mêmes, en revanche, représentent un effort de rédaction, et permettent à celui qui se les réapproprie entièrement une économie de temps ou d'argent que rien ne justifie, et ce indépendamment de la banalité de l'information transmise par ces textes. Par ailleurs, si les photographies communes entre les deux sites viennent elles-mêmes d'autres sites internet comme le soulève la société Groupe endf, la reprise de ces photographies n'est pas critiquée et, s'agissant des textes, la défenderesse n'allègue pas que ces textes auraient une autre source que la demanderesse aurait elle-même copiée. La société Groupe endf s'est donc approprié ainsi le travail de la société Clim denfert, commettant ainsi un parasitisme fautif. La valeur de cette appropriation, rapportée à l'économie ainsi indûment réalisée, peut être évaluée à 1 500 euros. III . Demandes dirigées contre M. [B] à titre personnel 31. Le dirigeant d'une personne morale n'engage sa responsabilité personnelle dans l'exercice de ses fonctions que s'il commet intentionnellement une faute d'une particulière gravité, incompatible avec l'exercice normal des fonctions sociales (Cass. Com., 31 mars 2015). 32. M. [B], agissant en qualité de dirigeant de la société Groupe endf, a fait usage, certes à deux reprises séparées dans le temps, de façon intentionnelle, et alors qu'il avait déjà été mis en demeure, d'un signe contrefaisant une marque. La faible ampleur des faits en cause ne caractérise toutefois pas une gravité particulière qui la rendrait incompatible avec l'exercice normal des fonctions sociales. Les demandes dirigées contre M. [B] sont donc rejetées. IV . Dispositions finales 33. Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. L'article 700 du même code permet au juge de condamner en outre la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre, pour les frais exposés mais non compris dans les dépens, une somme qu'il détermine, en tenant compte de l'équité et de la situation économique de cette partie. 34. La société Groupe endf, qui perd le procès, est tenue aux dépens. En outre, par la réitération volontaire d'un comportement qu'elle savait illicite (ou l'absence de toute précaution pour éviter cette réitération du fait de la simple republication de publicités antérieures illicites, qu'au demeurant la demanderesse n'avait manifestement pas découvertes et n'avait pas poursuivies), elle a rendu un procès nécessaire pour la demanderesse ; l'équité commande alors qu'elle l'indemnise intégralement des frais qu'elle a dû exposer pour rechercher et démontrer les faits litigieux puis faire valoir ses droits devant le tribunal, bien que la demanderesse ait elle-même exagéré considérablement le montant de ses demandes indemnitaires. Ces frais peuvent être évalués, malgré l'absence de tout justificatif, en tenant compte de la propre demande de la défenderesse, à 10 000 euros (somme qui inclut les frais d'huissier non compris dans les dépens, comme les frais de constat). 35. Quant à M. [B], qui a bénéficié de la défense assurée par sa société, l'équité permet de rejeter sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 36. L'exécution provisoire est de droit, et rien ne justifie de l'écarter au cas présent, y-compris pour la publication. PAR CES MOTIFS Le tribunal : Condamne la société Groupe ENDF à payer 10 000 euros à la société Clim denfert-bourquin en réparation de la contrefaçon de la marque Clim Denfert ; Interdit à la société Groupe ENDF de faire usage du signe clim denfert (tout attaché ou non), passé un délai de 10 jours après la signification du jugement, sous astreinte de 1 000 euros par infraction constatée ; Condamne la société Groupe ENDF à payer 1 500 euros à la société Clim denfert-bourquin en réparation du parasitisme ; Rejette les demandes dirigées contre M. [B] ; Ordonne à la société Groupe ENDF de publier en haut de la page d'accueil de son site internet, de façon extrêmement visible, en caractères de taille plus grande que le reste de la page, le message suivant, pendant 2 mois en débutant au plus tard 15 jours après la signification du jugement, puis sous astreinte de 500 euros par jour de retard, qui courra au maximum pendant 90 jours : La société Groupe ENDF a été condamnée le 17 février 2022 par le tribunal judiciaire de Paris pour avoir contrefait la marque Clim Denfert appartenant à la société concurrente Clim denfert-bourquin. Rejette la demande en publication pour le surplus ; Se réserve la liquidation des astreintes ; Condamne la société Groupe endf aux dépens ainsi qu'à payer 10 000 euros à la société Clim denfert au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; Rejette la demande de M. [B] à ce titre. Fait et jugé à Paris le 17 Février 2023 Le Greffier La PrésidenteQuentin CURABET Irène BENAC
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JURITEXT000047454951
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AUTRES_DECISIONS
Tribunal judiciaire de Paris, 10 février 2023, 22/09077
2023-02-10
Tribunal judiciaire de Paris
22/09077
CT0196
x
TRIBUNALJUDICIAIREDE PARIS 3ème chambre2ème section No RG 22/09077No Portalis 352J-W-B7G-CXMQ5 No MINUTE : Assignation du :12 Juillet 2022 ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETATrendue le 10 Février 2023DEMANDERESSES Association WIMBI FOUNDATION[Adresse 3][Localité 5] Société WIMBI BOATS[Adresse 1][Localité 6] représentée par Maître Tamara BOOTHERSTONE de la SELEURL SELARL BOOTHERSTONE, avocat au barreau de PARIS, avocats plaidant, vestiaire #D2085 et par Maître John GASNERIE-CESARI, avocat au barreau d'AJACCIO, avocat plaidant, DEFENDERESSE S.A.R.L. 3BBB[Adresse 2][Localité 4] représentée par Maître Clara STEINITZ de la SELARL TALIENS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D0320 MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT Monsieur Arthur COURILLON-HAVY, Jugeassisté de Monsieur Quentin CURABET, Greffier lors des débats et de Madame Lorine MILLE, Greffière lors de la mise à dipsosition. DEBATS A l'audience du 12 Janvier 2023, avis a été donné aux avocats que l'ordonnance serait rendue le 10 Février 2023. ORDONNANCE Prononcée publiquement par mise à disposition au greffeContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE 1. L'association ‘Wimbi foundation', titulaire de marques verbales françaises ‘Wimbi' et, depuis le 16 juin 2020, d'une marque de l'Union européenne ‘Wimbi boats' désignant notamment des bateaux, et la société ‘Wimbi boats', licenciée exclusive de cette dernière marque (ensemble, le groupement Wimbi), reprochent à la société 3BBB, qui importait auparavant de façon licite des bateaux sous ces marques, d'avoir continué à le faire après le 8 mars 2019, date à laquelle une société de droit hong-kongais qui faisait fabriquer les bateaux a été dissoute, ce qui aurait rendu illicite toute importation de bateaux revêtus des marques. Procédures devant d'autres juridictions 2. Un bateau revêtu de la marque Wimbi ayant été saisi en douane le 19 mai 2021, l'association Wimbi foundation, la société Wimbi boats, ainsi que la dirigeante de celle-ci, une société civile ‘Wimbi', ont assigné le 19 juin 2021, devant le tribunal judiciaire de Lyon, la société 3BBB en contrefaçon des marques, d'abord les seules marques françaises puis, par demande incidente, la marque de l'Union européenne. 3. Une plainte a, par ailleurs, été portée auprès du procureur de la République de Thonons les bains. 4. Et une action en nullité des dessins ou modèles français a été engagée par la société 3BBB contre la société civile Wimbi devant le tribunal judiciaire de Marseille. Procès devant le présent tribunal 5. Puis, la défenderesse ayant soulevé l'incompétence du tribunal judiciaire de Lyon pour connaitre de l'atteinte à la marque de l'Union européenne, le groupement Wimbi a assigné le 12 juillet 2022 la société 3BBB devant le présent tribunal, en contrefaçon de sa marque de l'Union européenne Wimbi boats, no018170014, déposée le 20 décembre 2019, et enregistrée le 12 juin 2020 pour désigner, notamment, des bateaux. 6. Par conclusions respectives des 15 et 21 novembre 2022, la défenderesse a demandé un sursis à statuer et les demanderesses une communication forcée de pièces. L'incident a été entendu à l'audience du 12 janvier 2023. Prétentions et moyens des parties pour l'incident 7. Dans leurs conclusions respectives du 11 janvier 2023, le groupement Wimbi demande la communication sous astreinte des « pièces visées à [sa] pièce no30 », et la société 3BBB demande un sursis à statuer jusqu'au prononcé d'une décision définitive dans la procédure en cours devant le tribunal judiciaire de Lyon (21/04621) et jusqu'à l'issue de l'enquête du procureur de la République de Thonons les bains. Chacun résiste à la demande de l'autre, et ils réclament respectivement au titre de l'article 700 du code de procédure civile, 4 500 euros pour le groupement Wimbi dont 3 000 pour l'association et 1 500 pour la société, et 4 000 euros pour la société 3BBB. 8. Sur le sursis à statuer, la société 3BBB expose que les procédures de [Localité 7] et [Localité 9] portent sur les mêmes faits et qu'il existe ainsi un risque de contrariété de décisions, alors selon elle que ces autres procédures sont déjà très avancées, celle de [Localité 7] au regard de son ancienneté, tandis que le dossier de l'enquête pénale à [Localité 9] aurait déjà été remis au procureur ; elle estime être victime d'un acharnement procédural et de manoeuvres malhonnêtes (par exemple le demandeur lui réclame ici des pièces pour le bateau objet du procès lyonnais, qui lui ont déjà été refusées, et aurait cherché à retarder artificiellement le procès de [Localité 8] par un changement d'avocat tardif et une intervention intempestive de la société Wimbi boats qui n'est pas partie à ce litige-là) ; et affirme avoir cessé l'usage du signe litigieux, expliquant que le constat de commissaire de justice invoqué par le demandeur concerne en réalité un produit « légitimement revêtu » de la marque en vertu de l'article 14 du règlement 2017/1001. 9. Contre le sursis, le groupement Wimbi soutient que les procédures portent sur des droits distincts, et des faits distincts, à savoir, devant le tribunal de Lyon et au parquet de [Localité 9], l'unique bateau saisi en France par la douane, et devant le présent tribunal, de multiples ventes postérieures dans l'Union européenne et en ligne ; que les délais devant la chambre saisie de l'affaire au sein du tribunal de Lyon sont très longs, ce qu'aggraverait au demeurant l'attitude dilatoire selon elle de la défenderesse, qui aurait formé un nouvel incident devant être audiencé fin février 2023 seulement ; et que contrairement à ce qu'elle affirme, la défenderesse continuerait à exploiter la marque Wimbi boats. 10. Le groupement Wimbi demande, au titre du droit d'information, la communication de documents relatifs aux bateaux que la défenderesse a, selon elle, admis avoir importés « depuis 2019 », et qui correspondraient aux actes de contrefaçon en ligne qu'elle dit avoir relevés ; ces documents, qui sont énumérés dans sa pièce no30, correspondent selon elle à des documents que la défenderesse a obligatoirement en sa possession, au titre de la construction du navire, de son importation, et de sa vente, et ne seraient pas confidentiels. Elle estime que ces documents sont indispensables pour « mieux apprécier la contrefaçon dans son ensemble », en ce qu'ils permettront fixer la date de construction et d'importation des bateaux. 11. Contre la communication de pièces, la société 3BBB estime que les demanderesses n'expliquent pas la pertinence des pièces réclamées pour trancher le fond du litige, qui repose selon elle avant tout sur le consentement des demanderesses concernant l'usage de la marque, usage qui aurait été autorisé jusqu'à la mise en demeure du 16 mars 2021 ; qu'au contraire, les pièces demandées sont « essentiellement » des documents techniques, inutiles pour apprécier la contrefaçon, notamment la licéité de l'apposition de la marque Wimbi boats ; en particulier, que les devis et bons de commande, la communication avec ses clients, les factures de ventes, preuves de règlements, documents comptables et bancaires, bons de livraison, sont confidentiels, et ne permettent pas davantage d'apprécier la licéité de l'apposition de la marque ; que les « documents financiers et le cas échéants relatifs au financement » demandés sont vagues et non pertinents. MOTIVATION I . Sursis à statuer 12. Il est admis que même dans les cas où il n'y est pas tenu, le juge peut surseoir à statuer au regard de la bonne administration de la justice. Il faut notamment tenir compte, à cet égard, des incidences du risque de contrariété de décisions, du risque de travail inutile imposé aux parties pour instruire une affaire en vain, et de l'atteinte causée par le sursis demandé au droit de voir toute cause entendue dans un délai raisonnable. 13. Il est constant que l'action engagée à [Localité 7] par le groupement Wimbi (et une troisième société du même groupe) porte sur l'usage de marques Wimbi, très similaires à la marque invoquée dans la présente instance (Wimbi boats), lors de l'importation d'un bateau en France. Toutefois, la présente affaire porte sur d'autres faits que l'importation de ce bateau, et une autre marque. Elle ne dépend donc pas entièrement de cette autre procédure, et il n'est pas justifié d'attendre que celle-ci soit achevée, d'autant que le délai de son achèvement n'est pas encore connu, et que la question se poserait à nouveau si le jugement était frappé d'appel. 14. Par ailleurs, la plainte pénale porte également sur des marques françaises et non sur les marques de l'Union européenne ; et l'action publique n'ayant pas été mise en mouvement, la juridiction civile n'est pas tenue de surseoir à statuer en application de l'article 4 du code de procédure pénale. 15. Par conséquent, la demande de sursis à statuer est rejetée. II . Demande en communication de documents 16. L'article L. 713-4-9 du code de la propriété intellectuelle, appliquant l'article 8 de la directive 2004/48 relative au respect des droits de propriété intellectuelle, prévoit au bénéfice du demandeur à l'action en contrefaçon un droit d'information en vertu duquel, s'il n'existe pas d'empêchement légitime, la juridiction peut ordonner, au besoin sous astreinte, afin de déterminer l'origine et les réseaux de distribution des produits argüés de contrefaçon qui portent atteinte aux droits du demandeur, la production de tous documents ou informations détenus par le défendeur ou par toute personne qui a été trouvée en possession de produits argués de contrefaçon ou qui fournit des services utilisés dans de prétendues activités de contrefaçon ou encore qui a été signalée comme intervenant dans la production, la fabrication ou la distribution de ces produits ou la fourniture de ces services. 17. La directive précitée, à son article 8, paragraphe 2, sous b) prévoit que les informations visées peuvent comprendre des renseignements sur les quantités ainsi que sur le prix obtenu pour les marchandises ou services en question. Il s'ensuit que les renseignements sur « l'origine et les réseaux de distribution » incluent ceux portant sur l'étendue du préjudice. 18. Plus généralement, en application de l'article 3 de la même directive, la mesure doit ainsi être limitée à ce qui est effectif, et proportionné au regard, notamment, de l'intérêt du défendeur à la protection du secret des affaires. 19. Au cas présent, les informations demandées, très variées, et notamment les correspondances et documents comptables, sont confidentiels. Or la contrefaçon alléguée repose sur une affirmation, imparfaitement claire en l'état du débat, relative à l'incidence de la dissolution d'une société étrangère sur la fin de l'autorisation donnée à la société 3BBB d'importer des bateaux revêtus des marques ; elle n'est donc pas suffisamment évidente à ce stade du débat, pour justifier à elle seule l'atteinte au droit de la défenderesse. Il serait alors disproportionné à cet égard d'ordonner la communication des éléments demandés, d'autant plus qu'il n'est pas contesté qu'il n'existe aucun risque de disparition des informations, lesquelles pourront aisément être obtenues une fois le jugement sur la contrefaçon prononcé. 20. La demande d'informations pré-jugement est donc rejetée. III . Dispositions finales et suite de la procédure 21. Chaque partie voit ses demandes incidentes rejetées, de sorte qu'aucune ne doit prendre en charge les frais de l'autre. 22. Par ailleurs, l'assignation contient les moyens de fait relatifs à la contrefaçon dans la partie « I. Exposé des faits » ; à tel point que la partie « II. exposé de la demande » débute la discussion en l'espèce par « ainsi qu'il a été démontré ». Or l'article 768 du code de procédure civile dispose que « Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions » et que « le tribunal (...) n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion. » Dès lors, comme le permet l'article 782, il faut inviter les demanderesses à mettre leurs écritures en conformité avec les dispositions de l'article 768. PAR CES MOTIFS Le juge de la mise en état : Rejette la demande en sursis à statuer ; Rejette la demande en communication de documents ; Rejette les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; Fixe le prochain examen de la mise en état au 20 avril 2023, après :- signification pour le 10 mars 2023 par les demanderesses de conclusions conformes à l'article 768 du code de procédure civile, en ce que les moyens de droits et de fait (c'est-à-dire tout ce qui est invoqué pour fonder la décision demandée) doivent être tous invoqués dans la discussion, et non dans l'exposé des faits ; - puis conclusions en défense pour le 14 avril. Faite et rendue à Paris le 10 Février 2023 Le Greffier Le Juge de la mise en étatLorine MILLE Arthur COURILLON-HAVY
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JURITEXT000047454952
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AUTRES_DECISIONS
Tribunal judiciaire de Paris, 2 mars 2023, 19/07532
2023-03-02
Tribunal judiciaire de Paris
19/07532
CT0196
x
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 3ème chambre 1ère section No RG 19/07532 No Portalis 352J-W-B7D-CQE6F No MINUTE : JUGEMENT rendu le 02 mars 2023 DEMANDERESSE S.A.R.L. ALPA SYSTEMS INTERNATIONAL[Adresse 14][Localité 6] représentée par Me Béatrice MOREAU-MARGOTIN de la SELARL JP KARSENTY ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R0156 DÉFENDEURS S.A.S. MM[Adresse 1][Localité 17] Société OPTIONS CONSEIL[Adresse 20][Adresse 7]) représentées par Me Virginie LAPP, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #D1974 & Me Anne GUILBERT de la SCP LIENHARD & PETITOT, avocat au barreau de PARIS Maître [O] [G], de la SCP BTSG, ès qualité de liquidateur judiciaire de la SAS MM[Adresse 3][Localité 16] Défaillant Monsieur [C] [S][Adresse 13][Localité 17] Monsieur [C] [Z][Adresse 20][Adresse 7]) représentés par Me Vanessa BOUCHARA de la SELARL CABINET BOUCHARA - AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C0594 Maître [W] [K] ès qualié de curateur de la société OPTIONS CONSEIL[Adresse 19][Adresse 2]) Défaillant S.A.R.L. SOCIETE MEDITERRANEENNE DES ZEOLITHES[Adresse 12][Localité 9] Monsieur [A] [T][Adresse 15][Localité 8] Monsieur [W] [N][Adresse 18][Localité 22] représentés par Me Benoît LLAVADOR de la SELARLU LLAVADOR AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C1193 Monsieur [M] [X][Adresse 4][Localité 10] représenté par Me Emilie VERNHET LAMOLY de la SCP SVA, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #C0055 & Me Estelle RODRIGUEZ, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant S.A.R.L. RM DISTRIBUTION[Adresse 5][Localité 11] représentée par Me Pierre ORTOLLAND de la SEP ORTOLLAND, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R0231 Monsieur [C] [B][Adresse 21][Localité 11] Défaillant COMPOSITION DU TRIBUNAL Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointeElodie GUENNEC, Vice-présidenteMalik CHAPUIS, Juge, assistés de Caroline REBOUL, Greffière DEBATS A l'audience du 06 décembre 2022 tenue en audience publique, avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue le 02 mars 2023. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffeRéputé contradictoireEn premier ressort EXPOSE DU LITIGE La société Alpa Systems International, créée en 1995, est spécialisée dans le développement, la location et la vente de produits techniques améliorant l'hygiène et le stockage des produits frais dans les espaces réfrigérés. Dans le cadre de son activité, elle a mis au point des filtres stabilisateurs qui se composent de sachets contenant une composition de minéraux divisés naturels possédant notamment des propriétés d'absorption, permettant de réguler l'humidité de l'air et d'absorber les odeurs et gaz nocifs, se plaçant dans les espaces réfrigérés afin de conserver plus longtemps les produits qui y sont stockés. Elle a obtenu l'autorisation de mise sur le marché de son produit en juin 1999 et commercialise depuis cette date cette technologie sous la marque « Biocold Process » à destination de professionnels (restaurateurs, commerçants, cantines scolaires, supermarchés). Elle le distribue via un réseau de partenaires franchisés qu'elle forme aussi bien sur le procédé « Biocold Process », son installation et son entretien, que sur les techniques de vente. Messieurs [C] [B], [C] [S] et [C] [Z] ont rejoint ce réseau de franchise. M. [B] l'a intégré en 2007, par l'intermédiaire de la société RM Distribution, après signature d'un engagement de confidentialité et de non-divulgation, devenant partenaire référent dès 2009. M. [S] l'a rejoint en 2020, par l'intermédiaire de la société [S] Distribution devenue MM SAS, société spécialisée dans le commerce de produits spécifiques loués aux entreprises de transformation ou de distribution alimentaire et agroalimentaire. Sa société a été placée en liquidation judiciaire par un jugement rendu par le tribunal de commerce de Chalon-sur-Saône le 18 février 2021 fixant la date de cessation des paiements au 13 février 2021 et Maître [O] [G] de la SCP BTSG a été désigné en qualité de liquidateur judiciaire. Enfin, M. [Z] a intégré le réseau de franchise par le biais de la société de droit luxembourgeois Options Conseil en 2010, après signature d'un contrat de partenariat avec la société Alpa Systems International. La société Options Conseil est spécialisée dans les activités d'aide, de conseil et de formation au montage de projets, de conseil en stratégies et recherches de partenariats transnationaux. Le 17 février 2021, le tribunal d'arrondissement du Luxembourg a ouvert une procédure de faillite à son égard. Maître [W] [K] est désigné curateur de cette société. Alertée courant 2014 par la résiliation brutale de contrats de plusieurs clients, puis par la découverte chez l'un d'eux, sur les supports destinés à accueillir les cassettes " Biocold Process ", d'un autre produit, la société Alpa Systems International a obtenu plusieurs ordonnances sur requête. Arguant de ce que Messieurs [B], [Z] et [S] auraient créé et géré, un réseau parallèle et concurrent commercialisant un dispositif dit "Air Traitement" qui serait une reprise de son procédé en collaboration avec la société Méditerranéenne Des Zéolithes (Somez), spécialisée dans les produits minéraux " absorbants ", dont le représentant légal est M. [T] et le responsable de projet R&D de 2010 à 2017 M. [M] [X], la société Alpa Systems International a, le 23 janvier 2017, fait assigner la société MM SAS, la société Options Conseil, la société RM Distribution et la société Somez devant le tribunal de commerce de Paris afin de dénoncer la violation des contrats de partenariat. Par un jugement du 6 septembre 2018 confirmé par un arrêt du 13 février 2019 de la Cour d'appel de Paris, le tribunal de commerce de Paris s'est déclaré incompétent concernant la société Somez au profit du tribunal de commerce de Montpellier. La cour d'appel de Paris a également infirmé le jugement du 6 septembre 2018 en ce qu'il a déclaré le tribunal de commerce de Paris compétent en ce qui concerne la société RM Distribution, le litige la concernant étant également renvoyé devant le tribunal de commerce de Montpellier. Par un jugement du 4 février 2021, le tribunal de commerce de Paris a condamné les sociétés Options Conseil et SAS MM à l'indemniser pour la violation des dispositions contractuelles. Puis, par acte d'huissier du 21 juin 2017, la société Alpa Systems International a fait assigner la société MM SAS, M. [C] [S], la société Options Conseil, M. [C] [Z], la société RM Distribution M. [C] [B], la société Somez et M. [P] [L] devant le tribunal de grande instance de Montpellier en concurrence déloyale et parasitaires, et leur reproche également des actes de déstabilisation du réseau " Biocold Process " et une atteinte à son image. Entre temps, le 27 juillet 2015, la société Somez avait déposé une demande de brevet français no15 57165 intitulé " Dispositif de stabilisation d'un produit frais " délivré par l'INPI le 31 janvier 2020. Elle a également déposé une demande de brevet européen, le 27 juillet 2016, sous le no EP 3 123 872 B1, revendiquant la priorité de la demande de brevet français no1557165 et délivré le 18 avril 2018. Le 18 janvier 2019, la société Alpa Systems International a formé opposition auprès de l'OEB à l'encontre du brevet européen no1557165. Le 7 octobre 2019, la division d'opposition a rendu une décision intermédiaire. Le 11 février 2021, l'OEB a déclaré l'opposition recevable et le brevet européen a été révoqué. La décision est définitive depuis le 23 avril 2021, la société Somez n'ayant pas formé de recours. Par actes d'huissier des 27 mai, 28 mai, 7 juin et 11 juin 2019, la société Alpa Systems International a fait assigner la société MM SAS, M. [C] [S], la SARL Somez, M. [M] [X], M. [A] [T], M. [W] [N], la SARL RM Distribution, M. [C] [B], la société Options Conseil et M. [C] [Z] devant le tribunal de grande instance de Paris, devenu tribunal judiciaire de Paris à compter du 1er janvier 2020, afin de contester la validité de la demande du brevet FR 15 571165 et du brevet EP 3 123 872 ainsi que leur propriété. Par acte d'huissier du 24 juin 2021, la société Alpa Systems International a fait assigner le liquidateur judiciaire de la société MM SAS, Me [G], devant le tribunal judiciaire de Paris en intervention forcée. La procédure, enrôlée sous le no RG 21/9533, a été jointe à la présente procédure. De même, par acte d'huissier du 25 juin 2021, la société Alpa Systems International a fait assigner le curateur de la société Options Conseil, Me [K], en intervention forcée devant le tribunal judiciaire de Paris. La procédure, enrôlée sous le no RG 21/9307 a été jointe à la présente procédure. Par conclusions notifiées par la voie électronique le 10 février et le 15 juin 2020, la société Somez, M. [A] [T] et M. [W] [N] ainsi que les sociétés Options Conseil, MM SAS et Messieurs [Z] et [N] ont saisi le juge de la mise en état d'un incident. Par une ordonnance du 12 novembre 2020, le juge de la mise en état a :- Rejeté la demande de conciliation ou de médiation,- Rejeté la demande de sursis à statuer, - Débouté les sociétés Options Conseil, MM SAS, Messieurs [C] [Z] et [C] [S] de leur exception de nullité de l'assignation, - Rejeté l'exception de litispendance soulevée,- Débouté les sociétés Options Conseil, MM SAS, Messieurs [C] [Z] et [C] [S] de leur fin de non-recevoir,- Rejeté des demandes de mise hors de cause. Maître Ortolland, conseil de la société RM Distribution, a précisé dans un message du 16 juin 2020 que, sans nouvelles de sa cliente, il ne conclurait pas. Les sociétés Options Conseil, MM SAS et RM Distribution n'ont pas notifié de conclusions au fond. Bien que régulièrement cité le 7 juin 2019 en la personne de Madame [I] [B], son épouse, Monsieur [C] [B] n'a pas constitué d'avocat.Dans ses dernières conclusions du 16 février 2022, la société Alpa Systems International demande au tribunal judiciaire de Paris de : A Titre Principal :- Déclarer irrecevables les exceptions de litispendance et de connexité n'ayant pas été formées in limine litis par la société Somez, M. [A] [T] et M. [W] [N] ;- D'annuler le brevet FR 15 57165 dans son intégralité, avec transmission du jugement à l'INPI aux frais de la société Somez, dans la mesure où il présente une insuffisance de description et que les revendications 1 à 8 du brevet FR 15 57165 sont dépourvues de nouveauté et d'activité inventive;A Titre Subsidiaire :- Débouter la société Somez, M. [A] [T] et M. [W] [N] de leurs exceptions de litispendance et de connexité en raison de la compétence exclusive du Tribunal judiciaire de Paris sur ses demandes ;- Dire et juger recevable et bien fondée son action en revendication du brevet français FR 15 57165, dire qu'elle est la véritable titulaire et la subroger rétroactivement dans les droits de la société Somez avec transmission du jugement à l'INPI pour rectification du nom des inventeurs. - Condamner la société Somez à effectuer, à ses frais, toute formalité, souscrire tout acte et donner tout pouvoir en vue du transfert au nom de la société Alpa Systems International du brevet FR 15 57165, sous astreinte et lui enjoindre de lui remettre tout contrat affectant ce titre également sous astreinte;En tout état de cause :- Débouter M. [M] [X], la société Somez, Monsieur [T] et Monsieur [N] de leur demande reconventionnelle en procédure abusive ;- Débouter les défendeurs de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions ;- Constater que les sociétés RM Distribution, Options Conseil et MM SAS, et leurs dirigeants respectifs Messieurs [C] [B], [C] [Z] et [C] [S], en collaboration avec la société Somez et Messieurs [M] [X], [A] [T], et [W] [N] ont frauduleusement soustrait son savoir-faire pour son dispositif dénommé Biocold Process afin de procéder au dépôt des brevets FR 15 57165 et EP 3 123 872 et les condamner in solidum à lui régler la somme de 100.000 euros en réparation de son préjudice moral lié au détournement de son savoir-faire et à son dépôt frauduleux en tant que brevets ;- Fixer le montant de la créance qui lui est due à ce titre par la société MM SAS, à la somme de 100.000 euros;- Fixer le montant de la créance qui lui est due à ce titre par la société Options Conseil à la somme de 100.000 euros ;- Condamner in solidum les sociétés RM Distribution et Somez, Messieurs [C] [B], [C] [Z], [C] [S], [M] [X], [A] [T], et [W] [N] à lui régler la somme de 100.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;- Fixer le montant de la créance qui lui est due par la société MM SAS au titre de l'article 700 du code de procédure civile à la somme de 100.000 euros, à l'égard du passif de la procédure de liquidation judiciaire dont elle fait l'objet ; - Fixer le montant de la créance qui lui est due par la société Options Conseil à la somme de 100.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à l'égard du passif de la procédure de faillite dont elle fait l'objet ;- Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir ;- Se réserver la liquidation de l'astreinte. Par des conclusions notifiées électroniquement le 13 décembre 2021, Monsieur [M] [X] demande au tribunal de : A titre principal :- Juger irrecevables les demandes formées par la société Alpa Systems International à son encontre, ce dernier n'ayant ni qualité, ni intérêt à se défendre ;- Rejeter les demandes formées à son encontre ; A titre subsidiaire :- Juger non motivées et non fondées les demandes formées à son encontre et subsidiairement, condamner la société Somez, son ancien employeur, à le relever et garantir de toutes condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre, en incluant les frais irrépétibles et dépens auxquels il serait astreint et qu'il aura engagé ;En tout état de cause : - Tenant la légèreté blâmable de la demanderesse et l'absence de diligences préalables élémentaires, condamner la société Alpa Systems International à lui verser la somme de 5.000 (cinq mille) euros pour procédure abusive ;- Condamner la société Alpa Systems International à lui verser la somme de 6.000 (six mille) euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à parfaire outre les dépens. Par des conclusions notifiées électroniquement le 10 janvier 2022, Messieurs [C] [Z] et [C] [S] demandent quant à eux au tribunal de : A titre principal :- Constater que les brevets français noFR15 57165 et européen EP 3 123 872 ont été déposés par la seule société Somez ;- Constater qu'ils ne peuvent être tenus personnellement responsables de la prétendue exploitation réalisée par les sociétés MM SAS et Options Conseil qu'ils dirigeaient, n'ayant commis aucune faute intentionnelle d'une particulière gravité et détachable de leurs fonctions qui soit de nature à engager leur responsabilité ;En conséquence,- Débouter la société Alpa Systems International de l'ensemble des demandes formulées à leur encontre et ordonner leur mise hors de cause.A titre subsidiaire :- Constater l'absence de savoir-faire attribuable à la société Alpa Systems International et, en tout état de cause, l'absence de détournement frauduleux de ce prétendu savoir-faire par M. [Z] et M. [S] ;En conséquence, la débouter de ses demandes à leur encontre.A titre infiniment subsidiaire :- Constater qu'ils ne sauraient être tenus responsables de faits auxquels ils sont tout à fait étrangers et en conséquence, - Débouter la société Alpa Systems International de sa demande de condamnation solidaire, ou à tout le moins la cantonner à de plus justes proportions.En tout état de cause :- Débouter de toutes ses demandes la société Alpa Systems International, la condamner à leur verser à chacun 15.000 euros d'article 700 du code de procédure civile outre les dépens de l'instance avec distraction. Par des conclusions notifiées électroniquement le 10 janvier 2022, Messieurs [A] [T] et [W] [N] ainsi que la société Somez demandent au tribunal de : A titre liminaire :- Constater la litispendance, ou subsidiairement la connexité, entre les demandes de la société Alpa Systems International dans le cadre de la présente instance visant à faire juger que les défendeurs se seraient rendus coupables d'avoir " frauduleusement soustrait le savoir-faire développé par la société Alpa Systems International " et l'action en concurrence déloyale précédemment initiée par cette dernière devant Tribunal Judiciaire Montpellier;- Rejeter en conséquence cette demande comme irrégulière.A titre principal :- Dire et juger irrecevables les demandes formées par la société Alpa Systems International à l'encontre Messieurs [T] et [N], et en tout état de cause les déclarer infondées ;- Rejeter en outre la demande principale de la société Alpa Systems International en vue d'obtenir la nullité des brevets français et européen déposés par la société Somez, ainsi que sa demande subsidiaire d'attribution desdits brevets ;- Débouter enfin la société Alpa Systems International de sa demande d'indemnisation d'un préjudice moral ;A titre reconventionnel :- Condamner la société Alpa Systems International à verser à chacun des concluants la somme de 50.000 euros, à parfaire, à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;En tout état de cause :- Condamner enfin la société Alpa Systems International à payer à chacun des concluants la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;- La condamner aux entiers dépens de procédure. L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 mars 2022 et l'affaire plaidée à l'audience du 6 décembre 2022. MOTIFS Sur les exceptions de litispendance et de connexité Moyens des parties La société Somez, Messieurs [T] et [N] soulèvent une exception de litispendance et à tout le moins de connexité avec le litige pendant devant le tribunal judiciaire de Montpellier. Ils soulignent que la société Alpa Systems International poursuit l'engagement de leur responsabilité pour avoir prétendument soustrait de manière frauduleuse son savoir-faire alors que cette demande est déjà formée à l'encontre des mêmes parties attraites devant le tribunal judiciaire de Montpellier par assignations du 19 mai 2017. La société Alpa Systems International soulève l'irrecevabilité de cette exception de procédure, qu'elle estime dilatoire, dans la mesure où elle n'a pas été soulevée avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir, ni de manière simultanée avec une autre exception de procédure soulevée. En tout état de cause, elle conclut au rejet de cette demande dans la mesure où il n'existe pas d'identité entre les litiges pendants devant le tribunal judiciaire de Montpellier et de Paris et que le tribunal judiciaire de Paris est exclusivement compétent pour connaître des demandes relatives aux brevets sur le fondement des articles L. 615-17, D. 631-2 du code de la propriété intellectuelle et de l'article D. 211-6 du code de l'organisation judiciaire. Elle conclut que le juge de la mise en état a déjà statué en ce sens par une ordonnance du 12 novembre 2020. Appréciation du tribunal L'article 74 du code de procédure civile dispose que " Les exceptions doivent, à peine d'irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir. Il en est ainsi alors même que les règles invoquées au soutien de l'exception seraient d'ordre public. La demande de communication de pièces ne constitue pas une cause d'irrecevabilité des exceptions. Les dispositions de l'alinéa premier ne font pas non plus obstacle à l'application des articles 103, 111,112 et 118. " La litispendance est définie à l'article 100 du code de procédure civile : " Si le même litige est pendant devant deux juridictions de même degré également compétentes pour en connaître, la juridiction saisie en second lieu doit se dessaisir au profit de l'autre si l'une des parties le demande. A défaut, elle peut le faire d'office. " L'article 101 du même code de procédure civile dispose que " S'il existe entre des affaires portées devant deux juridictions distinctes un lien tel qu'il soit de l'intérêt d'une bonne justice de les faire instruire et juger ensemble, il peut être demandé à l'une de ces juridictions de se dessaisir et de renvoyer en l'état la connaissance de l'affaire à l'autre juridiction. " L'article 103 du code de procédure civile dispose que " l'exception de connexité peut être proposée en tout état de cause, sauf à être écartée si elle a été soulevée tardivement dans une intention dilatoire. " S'agissant de l'exception de litispendance, le juge de la mise en état a, par ordonnance du 12 novembre 2020, d'ores et déjà rejeté cette exception de procédure, soulignant qu'il n'y a pas identité entre les litiges pendants devant les tribunaux judiciaires de Montpellier et de Paris. La société Somez, Messieurs [T] et [N] ne sont donc pas recevables à soulever cette exception de procédure à nouveau devant le tribunal. De même, l'exception de connexité, si elle peut être soulevée à tout moment de la procédure, l'est en l'occurrence tardivement. En effet, le tribunal judiciaire de Montpellier a été saisi à la suite de la délivrance d'assignations en juin et juillet 2017, si bien que cette exception pouvait être soulevée, dans le cadre de la présente instance, devant le juge de la mise en état. En tout état de cause, les demandes litigieuses ne sont pas unies par des liens si étroits qu'il y aurait intérêt à les juger ensemble, étant au demeurant rappelé que le tribunal judiciaire de Paris est exclusivement compétent pour connaître des demandes formées au titre du brevet français FR 15 57165, en application des dispositions de articles L. 615-17, D. 631-2 et D. 211-6 du code de la propriété intellectuelle. La société Somez, Messieurs [T] et [N] sont donc irrecevables à soulever une exception de litispendance et l'exception de connexité doit être écartée. Sur les fins de non-recevoir et les demandes de mise hors de cause Moyens des parties Messieurs [T] et [N] concluent à l'irrecevabilité des demandes formées à leur égard pour défaut de qualité à se défendre. Ils estiment que la société Somez, titulaire du brevet litigieux, a seule intérêt à se défendre dans le cadre de l'action en nullité ou en revendication du brevet. Pour le surplus, ils ajoutent avoir toujours agi au nom et pour le compte de cette société dont ils sont les représentants légaux et associés. Enfin, ils exposent être étrangers aux contrats concernant le procédé " Air Traitement " ainsi qu'au brevet contesté, si bien que leur mise en cause est infondée, une faute détachable de l'exercice normal de leurs fonctions et d'une particulière gravité n'étant pas démontrée. M. [X] souligne en premier lieu une motivation lacunaire des conclusions de la demanderesse et rappelle ensuite qu'il n'est pas gérant de la société Somez mais seulement associé minoritaire et qu'il ne saurait être tenu pour responsable de ses agissements en sa qualité de salarié, alors qu'il n'a pas tiré profit de ce dépôt ou de l'exploitation du brevet. Il souligne que la société Somez est seule titulaire du brevet et qu'il ne s'est à aucun moment approprié le savoir-faire de la société Alpa Systems International en qualité d'inventeur. Enfin, M. [Z] et M. [S], qui rappellent n'être ni inventeurs ni titulaires du brevet litigieux, demandent leur mise hors de cause dans la mesure où ils ont agi en qualité de représentants légaux des sociétés Options Conseil et MM SAS qui sont également attraites à la cause pour un prétendu détournement du savoir-faire de la société Alpa Systems International. Ils concluent qu'il n'est pas démontré à quel titre leur responsabilité en tant que personnes physiques pourrait être recherchée, en l'absence de faute détachable grave. En réponse, la société Alpa Systems International estime que les demandes formées à l'égard des personnes physiques sont toutes recevables dans la mesure où elles ont activement participé, de manière personnelle et concertée, au détournement de son savoir-faire et à la mise sur le marché du produit " Air Traitement " qui reproduit son procédé "Biocold ". Elle souligne, en tout état de cause, qu'une faute détachable de leurs fonctions est caractérisée s'agissant de Messieurs [X], [T] et [N], dès lors que les agissements ont été commis de manière délibérée et sont d'une particulière gravité, le contenu des échanges mettant en évidence une participation personnelle à l'appropriation frauduleuse reprochée. Quant à M. Messieurs [Z] et [S], elle considère que la gravité de l'appropriation incriminée dépasse largement l'exercice normal des fonctions de dirigeant et justifie la qualification de faute détachable des fonctions. Elle rappelle que ces derniers ont profité de leur statut de partenaire franchisé du réseau Biocold pour analyser le procédé et identifier les caractéristiques innovantes et qu'avec Messieurs [T], [N] et [X], ils ont envisagé de mettre en place une nouvelle société qui serait titulaire des brevets, avec l'intention d'en tirer un profit personnel, indépendamment de leur qualité d'associé, de représentant légal ou de salarié. Elle ajoute que M. [X] a coordonné le dépôt des brevets dont la société Somez est titulaire. Appréciation du tribunal L'article 31 du code de procédure civile dispose que " l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé. " Aux termes des dispositions de l'article 32 du code de procédure civile, " est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir ". En d'autres termes, l'intérêt est exigé de toute personne qui agit dans l'instance, à un titre quelconque, comme demandeur, défendeur ou tiers intervenant. Le représentant légal d'une société étant l'un de ses organes, la faute commise par ce dernier dans l'exercice de ses fonctions constitue une faute de la société elle-même dont la victime peut demander réparation à celle-ci. En effet, en tant que personne morale, la société répond sur le fondement des articles 1240 et 1241 du Code civil, des dommages causés fautivement par un de ses représentants agissant ès qualités (Cass. 2e civ., 17 juill. 1967, no 65-12.671 Cass. 2e civ., 27 avr. 1977, no 75-14.761). En revanche, la responsabilité du dirigeant peut être engagée s'il a commis une faute séparable de ses fonctions, définie comme une faute intentionnelle d'une particulière gravité incompatible avec l'exercice normal des fonctions sociales (Cass. Com., 20 mai 2003). De même, la société répond des agissements de ses préposés et salariés dans l'exercice de leurs fonctions. N'engage pas sa responsabilité à l'égard des tiers le préposé qui agit sans excéder les limites de la mission qui lui a été impartie par son commettant (cass., ass. plén. , 25 février 2000). En revanche, la société n'est pas responsable des actes dommageables de l'un de ses préposés quand, agissant sans autorisation et à des fins étrangères à ses attributions, il s'est situé en dehors des fonctions auxquelles il était employé. Le commettant s'exonère ainsi de sa responsabilité si son préposé a agi hors des fonctions auxquelles il était employé, sans autorisation, et à des fins étrangères à ses attributions (Cass., Ass. Plén., 19 mai 1988). En l'espèce, la société Alpa System International, en sus de sa demande en annulation et, subsidiairement, en revendication de brevet, qu'elle dirige à l'encontre de la société Somez qui en est titulaire, sollicite l'octroi de dommages-intérêts sur le fondement de la responsabilité civile délictuelle de l'article 1240 du Code civil. Elle argue d'un détournement de son savoir-faire secret en vue de son dépôt à titre de brevet, ce qui est prohibé par les dispositions de l'article L. 611-8 du code de la propriété intellectuelle et constitutif, selon elle, d'une faute. Le brevet litigieux ayant été déposé au nom de la société Somez qui en est la titulaire, elle est recevable à se défendre de la commission d'une éventuelle faute dans ce cadre, ce qui n'est pas contesté. La demande est toutefois également dirigée à l'encontre de Messieurs [N] et [T], qui se sont déclarés inventeurs de l'invention dans le cadre du dépôt du brevet. Si Messieurs [T] et [N] sont respectivement représentant légal et associés de la société Somez, la société Alpa Systems International se prévaut à leur égard d'une faute grave, qu'elle qualifie de détachable de leurs fonctions. Il en est de même de Messieurs [Z] et [S]. Si les sociétés dont ils sont les représentants légaux, Options Conseil et MM SAS, sont attraites à la cause, la société Alpa Systems International invoque, au soutien de ses demandes formées à leur égard, des faits qu'elle qualifie de graves et de détachables des fonctions de dirigeants. Dès lors, s'il appartiendra au tribunal d'apprécier le bien fondé de la demande de la société Alpa Systems International en ce qu'elle est dirigée à leur égard, ces prétentions sont recevables, Messieurs [N], [T], [Z] et [S] ayant intérêt à se défendre. Quant à M. [X], la société Alpa Systems International lui reproche également des faits commis à titre personnel. Certes, il était à l'époque associé et salarié de la société Somez en qualité de responsable de projets R&D. Cependant, la société demanderesse soutient qu'il a commis des actes dépassant le cadre de son contrat de travail, de manière délibérée et d'une particulière gravité. Par conséquent, la demande doit être également déclarée recevable en ce qu'elle est dirigée à l'encontre de M. [X]. Il appartiendra au le tribunal se prononcer, au fond, sur le bien fondé de cette demande. Les demandes de mise hors de cause ne peuvent donc prospérer. Sur la demande de nullité du brevet FR 15 57165 Présentation du brevet FR 15 57165 L'invention est relative à un dispositif de stabilisation d'un produit frais, pouvant être des denrées alimentaires ou périssables, stocké dans un espace réfrigéré ouvert ou fermé tels que réfrigérateur, congélateur, chambre froide positive ou négative (page 1, lignes 1 à 9 de la partie description du brevet). La description du brevet souligne qu'actuellement, l'humidité dans un tel espace contenant des produits frais est mal régulée ce qui a pour conséquence une conservation assez faible de ces produits, un aspect visuel de mauvaise qualité et la production de mauvaises odeurs (page 1, lignes 10 à 14 de la description). Il est ajouté, à la page 1 aux lignes 15 à 32 de la description, qu'il n'existe pas, au jour du dépôt de la demande de brevet, de dispositif de stabilisation de produit frais permettant de réguler cette humidité en tenant compte de la température et du degré d'hygrométrie régnant dans l'espace réfrigéré mais également de l'environnement de fonctionnement de cet espace, alors que cela permettrait d'améliorer la conservation des produits frais, de supprimer les mauvaises odeurs générées par les produits frais et éventuellement d'éviter les moisissures. Pour pallier les inconvénients ainsi décrits, l'invention déposée propose un dispositif comprenant un produit de stabilisation naturel ou artificiel (qui peut être un zéolithe ou de l'alumine, un mélange de plusieurs zéolithes ou d'une ou plusieurs zéolithes et d'alumine) ayant subi un traitement chimique permettant de lui conférer une propriété chimique, enfermé dans une enveloppe ajoutée conçue en forme de boudin, dans un matériau adapté au contact alimentaire, doté de moyens de fixation permettant de l'accrocher à un endroit adéquat, de préférence dans un flux d'air. A cette fin, le brevet FR no15 57165 est composé des revendications suivantes, modifiées à la suite de la notification du rapport de recherche préliminaire :1. Dispositif de stabilisation (1) adapté à stabiliser un produit frais stocké dans un espace réfrigéré, comprenant :- un produit de stabilisation (2) qui comporte de l'alumine ou une zéolithe,- une enveloppe ajourée (3) qui laisse passer l'atmosphère régnant dans l'espace réfrigéré et qui enferme le produit de stabilisation (2),- caractérisé en ce que l'enveloppe ajourée (3) a une forme de boudin.2. Dispositif de stabilisation (1) selon la revendication 1, caractérisé en ce que le produit de stabilisation (2) est formé par un mélange de zéolithes.3. Dispositif de stabilisation (1) selon l'une des revendications 1 et 2, caractérisé en ce que le produit de stabilisation (2) est formé par un mélange d'alumine et d'au moins une zéolithe.4. Dispositif de stabilisation (1) selon l'une des revendications 1 à 3, caractérisé en ce qu'au moins un des produits de stabilisation (2) a préalablement subi un traitement chimique.5. Dispositif de stabilisation (1) selon la revendication 4, caractérisé en ce que le traitement chimique est une imprégnation du produit de stabilisation (2) dans une solution oxydante.6. Dispositif de stabilisation (1) selon l'une des revendications 1 à 5, caractérisé en ce que l'enveloppe ajourée (3) comprend des moyens de fixation adaptés à fixer le dispositif de stabilisation (1) dans l'espace réfrigéré.7. Dispositif de stabilisation (1) selon l'une des revendications 1 à 6, caractérisé en ce que l'enveloppe ajourée (3) est faite en un matériau adapté pour le contact alimentaire.8. Espace réfrigéré ayant une atmosphère circulante traversant un dispositif de stabilisation (1) selon l'une des revendications 1 à 7. Sur l'insuffisance de description Moyens des parties : La société Alpa Systems International estime que le brevet est nul dans la mesure où il n'est pas rédigé de manière suffisamment claire, précise et complète pour que l'homme de métier du domaine technique concerné, qu'elle désigne comme étant un technicien spécialisé dans les dispositifs de stabilisation permettant la conservation des produits frais dans les espaces réfrigérés ayant une connaissance des dispositifs du marché, puisse réaliser l'invention. Elle expose que la référence à la caractéristique technique essentielle de " boudin " figurant dans la revendication no1, sans la moindre précision relative à sa forme ou sa dimension pourtant indispensable en fonction de la taille de l'espace réfrigéré pour atteindre l'effet technique désiré, est ambiguë. Elle en déduit que l'homme de métier, qui ne trouvera de définition du " boudin " ni dans la description du brevet, ni dans le domaine technique connu, ne pourra pas reproduire l'invention, faute de savoir quelle forme lui donner. Elle souligne que Messieurs [X], [S] et [Z] ne le contestent pas. La société Somez, Messieurs [T] et [N] estiment que ce grief n'est pas pertinent dans la mesure où le brevet comprend des planches qui illustrent le boudin, qui se présente comme un filet allongé contenant les produits absorbants. Ils ajoutent que le terme [F] fait référence à sa forme et que la revendication no8 désigne clairement l'espace réfrigéré contenant le dispositif. Appréciation du tribunal : L'article L. 613-25 du code de la propriété intellectuelle dispose que " le brevet est déclaré nul par décision de justice : [?]b) S'il n'expose pas l'invention de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter ; " L'article L. 613-2 du code de la propriété intellectuelle dispose par ailleurs que " L'étendue de la protection conférée par le brevet est déterminée par les revendications. Toutefois, la description et les dessins servent à interpréter les revendications. [?] " L'exigence de suffisance de description, qui a pour finalité de garantir la possibilité pour l'homme du métier d'exécuter l'invention sans effort excessif grâce aux informations fournies par l'ensemble du brevet et ses propres connaissances techniques, est satisfaite dès lors que la description indique les moyens qui donnent à l'homme du métier, doté des capacités et des connaissances que l'on est en droit d'attendre de lui, la possibilité d'exécuter ou de mettre en oeuvre l'invention en faisant un effort raisonnable de réflexion par exemple des essais de routine. L'homme du métier est celui du domaine technique où se pose le problème que l'invention, objet du brevet, se propose de résoudre (Cass. Com., 20 novembre 2012, pourvoi no11-18.440). Il peut s'aider de la description et des dessins pour reproduire l'invention (Cass. Com., 20 mars 2007, pourvoi no05-12.626). En l'espèce, l'homme de métier est un technicien spécialisé dans les dispositifs de conservation de produits frais dans les espaces réfrigérés. S'agissant de la forme que doit revêtir l'enveloppe du produit, la revendication no 1 du brevet indique que " l'enveloppe ajourée (3) a une forme de boudin ". Dans la description du brevet, il est proposé un mode de réalisation donné à titre d'exemple non limitatif et illustré dans les figures en annexe. La description (page 5 lignes 23 et suivantes) précise que, dans cet exemple, " l'enveloppe ajourée est configurée sous la forme d'un boudin, dont les dimensions permettent de manipuler facilement le dispositif de stabilisation 1 et de traiter efficacement le produit frais contenu dans l'espace réfrigéré. L'enveloppe ajourée 3 pourrait être un filet ou une enveloppe, le filet ou l'enveloppe pouvant être fait d'un tissu poreux, d'un matériau rigide ou d'un matériau flexible, l'important étant la possibilité de laisser passer l'atmosphère régnant dans l'enceinte réfrigérée tout en emprisonnant le produit de stabilisation (2). ". La figure no1 comporte une illustration de ce boudin à titre d'exemple : Cette illustration, donnée à titre d'exemple non limitatif, en sus des éléments descriptifs, permet à l'homme de métier de comprendre et de se figurer une des formes que peut revêtir le " boudin " cité dans la revendication et ainsi reproduire sans difficulté l'invention. Certes, aucune dimension n'est précisée, que ce soit dans les revendications, la description ou les figures annexées. Cela peut notamment s'expliquer par le champ d'application très large de l'invention qui ne donne pas d'élément concernant la surface et la profondeur de l'espace réfrigéré concerné. Cependant, cela ne sera pas de nature à empêcher l'homme de métier de réaliser l'invention. En effet, celui-ci trouvera dans l'art antérieur les éléments nécessaires pour ajuster la quantité de produit nécessaire et adapter la dimension de l'invention. Le brevet US 2 765 046 "Air purifying device" (dispositif de purification d'air) publié le 2 octobre 1956 et versé aux débats, donne à ce titre des exemples de mélanges de matériaux de filtration, en pages 6 et 7 de la description, qui peuvent être utilisés pour chaque 100 litres d'espace de chambre de réfrigération pour obtenir une purification de l'air, tels que 100-120 g de charbon actif, 80-100 g d'alumine activée et 90-100 g de chaux vive ou encore 100 gr de charbon actif, 80g d'alumine active et 90 g de zéolithe. Par conséquent, il y a lieu de considérer que l'homme de métier pourra exécuter l'invention décrite dans le brevet sans difficulté excessive au regard des informations contenues dans le brevet et de ses connaissances professionnelles. Les revendications no1 et suivantes n'encourent donc pas le grief d'insuffisance de description invoqué. Sur l'absence de nouveauté Moyens des parties La société Alpa Systems International considère que le brevet n'est pas nouveau à deux titre. Elle soutient en premier lieu que le brevet est couvert par l'état de la technique. Elle expose que l'objet des revendications no1 à 8 du brevet litigieux est couvert par l'état de la technique au regard de l'enseignement du brevet US 2 765 046 publié le 2 octobre 1956. Elle souligne en premier lieu que le contenant divulgué par le brevet US présente une forme de parallélépipède ajourée qui correspond tout à fait à la forme de " boudin " de la revendication no1, ainsi que cela ressort de la planche no2 du brevet litigieux. Elle souligne que l'analyse de l'OEB est ainsi transposable au brevet français. La revendication no2, qui dépend de la revendication no1, et la revendication no3, sont, selon elle, également dépourvue de nouveauté au regard de l'exemple IV du document US'046 qui prescrit l'utilisation de zéolithes. Il en est de même de la revendication no4, dans la mesure où le document US'046 divulguait déjà qu'au moins un des produits de stabilisation du dispositif qui a préalablement subi un traitement chimique, en ce qu'il peut être lavé dans un solvant ou enrobé dans de l'argent colloïdale ou de l'oxyde d'argent. La société Alpa Systems International soutient également que la revendication no5, qui dépend de la revendication no4, est dépourvue de nouveauté au regard non seulement du brevet US'046 mais également des connaissances générales de l'homme de métier, qui, à la date du dépôt du brevet, sait déjà que l'argent colloïdal est une solution oxydante qui permet d'oxyder les molécules chimiques produites par les produits frais et notamment l'éthylène. La revendication no6 est selon elle, dépourvue de nouveauté en ce qu'elle divulgue l'enveloppe ajoutée du dispositif avec des moyens de fixation pour l'accrocher dans l'espace réfrigéré, ce qui apparaissait clairement sur les figures 1 et 2 du brevet US'046. De même, la revendication no7, qui prévoit que l'enveloppe ajourée doit être faite en un matériau adapté pour le contact alimentaire, se retrouve dans le dispositif décrit dans le brevet US'046. Enfin, elle souligne que la revendication no8 n'est pas davantage nouvelle, le brevet US'046 préconisant également une atmosphère circulante traversant le dispositif. La société Alpa Systems International rappelle que cette absence de nouveauté des revendications indépendances a conduit l'OEB à annuler le brevet européen. La société Alpa Systems International soutient en second lieu que l'invention a fait l'objet d'une divulgation publique antérieurement à son dépôt. Elle entend démontrer qu'en louant le dispositif " Air Traitement " à des tiers, les défendeurs ont procédé à une divulgation publique destructrice de nouveauté de l'ensemble des revendications du brevet français FR 15 57165. Elle expose que le dispositif a été mis en location auprès de sociétés dès le mois de janvier 2015, et à tout le moins à compter du 18 mars 2015, soit avant la date de demande de brevet française le 27 juillet 2015. Elle estime que la revendication no1 est ainsi divulguée dans la documentation de présentation du produit " Air Traitement ". Elle se prévaut des conditions générales du contrat de location qui donnent une description précise du produit et de ses caractéristiques techniques, aucun des contrats ne contenant de clause de confidentialité à l'égard des locataires. Les revendications no2 et no3 sont, selon elle, tout autant divulguées, l'analyse faite des échantillons prélevés lors des constatations de l'huissier de justice le 18 mars 2015 révélant un produit de stabilisation comportant de l'alumine et une zéolithe. Les revendications no4 et no5 ne sont pas davantage nouvelles puisque les analyses ont révélé la composition chimique. Il en est de même de la revendication no6, plusieurs moyens de fixation étant visibles dans les dispositifs " Air Traitement " dans les espaces réfrigérés. Les dispositifs divulgués comportaient également une enveloppe ajourée visible, dans un matériau adapté aux produits alimentaires, si bien que la revendication no7 n'est pas nouvelle. Enfin, le dispositif ayant été effectivement utilisé dans des espaces réfrigérés ayant une atmosphère circulante, la revendication no8 n'étant ainsi pas nouvelle. La société Alpa Systems International souligne que M. [X], [Z] et [S] ne le contestent pas. La société Somez, Messieurs [T] et [N] estiment que la société Alpa Systems International échoue dans sa démonstration d'une divulgation destructrice de nouveauté, dans la mesure où les actes considérés n'ont pas été réalisés par la société Somez. Appréciation du tribunal : Selon l'article L.611-10 alinéa 1 du code de la propriété intellectuelle, dans sa version applicable au litige, "1. Sont brevetables, dans tous les domaines technologiques, les inventions nouvelles impliquant une activité inventive et susceptibles d'application industrielle." Aux termes de l'article L.611-11 de ce même code, "Une invention est considérée comme nouvelle si elle n'est pas comprise dans l'état de la technique. L'état de la technique est constitué par tout ce qui a été rendu accessible au public avant la date de dépôt de la demande de brevet par une description écrite ou orale, un usage ou tout autre moyen. Est également considéré comme compris dans l'état de la technique le contenu de demandes de brevet français et de demandes de brevet européen ou international désignant la France, telles qu'elles ont été déposées, qui ont une date de dépôt antérieure à celle mentionnée au second alinéa du présent article et qui n'ont été publiées qu'à cette date ou qu'à une date postérieure ". L'article L. 613-25 du code de la propriété intellectuelle dispose que " le brevet est déclaré nul par décision de justice :a) Si son objet n'est pas brevetable aux termes des articles L. 611-10, L. 611-11 et L. 611-13 à L. 611-19 ; [?]" Enfin, aux termes des dispositions de l'article L. 611-13 du code de la propriété intellectuelle, " pour l'application de l'article L. 611-11, une divulgation de l'invention n'est pas prise en considération dans les deux cas suivants :-si elle a lieu dans les six mois précédant la date du dépôt de la demande de brevet ;-si elle résulte de la publication, après la date de ce dépôt, d'une demande de brevet antérieure et si, dans l'un ou l'autre cas, elle résulte directement ou indirectement :a) D'un abus évident à l'égard de l'inventeur ou de son prédécesseur en droit ;b) Du fait que l'invention ait été présentée par eux dans une exposition officielle ou officiellement reconnue au sens de la convention révisée concernant les expositions internationales signée à [Localité 24] le 22 novembre 1928.Toutefois, dans ce dernier cas, l'exposition de l'invention doit avoir été déclarée lors du dépôt et une justification produite dans les délais et conditions fixés par voie réglementaire. " L'élément de l'art antérieur n'est destructeur de nouveauté que s'il renferme tous les moyens techniques essentiels de l'invention dans la même forme, le même agencement et le même fonctionnement en vue du même résultat technique : l'antériorité, qui est un fait juridique dont l'existence, la date et le contenu doivent être prouvés par tous moyens par celui qui l'invoque, doit être unique et être révélée dans un document unique dont la portée est appréciée globalement.Le brevet US 2 765 046 publié le 2 octobre 1956, versé aux débats par la société Alpa Systems International, concerne un dispositif de purification d'air dans l'espace de stockage des réfrigérateurs. Dans sa partie description, le brevet identifie l'inconvénient que constituent les odeurs des produits alimentaires qui se transmettent de l'un à l'autre dans les espaces de stockage de réfrigération à entraînement mécanique, ainsi que les odeurs volatiles de certaines substances alimentaires et les effets indésirables sur l'apparence de certaines substances alimentaires. Il souligne qu'à cette date, les dispositifs existants et consistant par exemple dans l'utilisation de récipients hermétiques pour recouvrir les aliments, sont peu pratiques, inadéquats ou peu économiques et qu'aucun moyen n'a été trouvé jusqu'alors pour éliminer les odeurs dans ces espaces. L'invention est donc décrite comme permettant de purifier l'air et d'éliminer les odeurs des zones de stockage des réfrigérateurs de manière simple, économique et efficace, permettant de supprimer l'humidité. Le matériau de purification d'air consiste en des composés granulaires et absorbants de filtration d'air (page 2 lignes 25-26). Il peut être composé efficacement de substances d'absorption et d'adsorption tels que l'alumine et les zéolithes qui sont cités en exemple (page 5 lignes 25 à 30), les matériaux pouvant être régénérés par lavage aux solvants (page 6 ligne 6), l'utilisation d'un mélange ou de plusieurs couches de deux ou plusieurs composés de filtration en quantité appropriée est par ailleurs préconisée pour éliminer toutes les odeurs (page 5 lignes 33 à 35). La description expose que le matériau est contenu dans un récipient muni de parois perméables à l'air (page 2 ligne 27 et page 4 ligne 28), qui peut être facilement fixé de manière amovible à l'intérieur du réfrigérateur (page 2 ligne 28). Enfin, la description précise que si l'invention a été illustrée comme incorporée à un réfrigérateur domestique, elle n'est pas destinée à être limitée aux détails montrés. Le dispositif est ainsi illustré : La figure no4 du brevet représente la cassette qui correspond au boudin du brevet FR 15 57165. Au regard de l'ensemble de ces éléments, le brevet US 2 765 046, compris dans l'état de la technique lors du dépôt du brevet litigieux, doit être regardé comme privant de nouveauté les revendications 1 à 8 du brevet FR 15 57165, ce qui justifie le prononcé de son annulation. En tout état de cause, et au surplus, pour que la condition de nouveauté soit remplie, l'invention ne doit pas avoir été divulguée plus de six mois avant la date du dépôt du brevet, soit, en l'espèce, avant le 27 janvier 2015. Or, il ressort des pièces versées aux débats que le dispositif " Air Traitement ", qui fait l'objet du brevet litigieux, a été loué à des tiers avant cette date, sans que ces derniers ne soient par ailleurs particulièrement soumis à une obligation de confidentialité. A ce titre, il importe de relever : - un courriel de la société RM Distribution, signé de M. [B] en date du 17 novembre 2014, au terme duquel celui-ci fait une proposition commerciale pour proposer le dispositif " Air Traitement ", le désignant comme un " produit similaire " à " Biocold Process " mais " plus efficace ", indiquant avoir " conduit de nombreux essais dans vos magasins [?] depuis 8 mois, et tous sont unanimes pour reconnaître une plus grande efficacité que les cassettes Biocold Process ". Par un email du 3 décembre 2014, la société interlocutrice a annoncé avoir dénoncé le contrat pour les cassettes Biocold et confirmé la signature d'un nouveau contrat pour l'installation de filtres " Air Traitement " ; - un courriel de la société RM distribution signé par M. [B] le 4 novembre 2014 indiquant que les cinq essais (en chambre froide et vitrine boucherie) lancés dans cinq magasins, sont concluants et faisant une proposition commerciale ; - des fiches " essai Air Traitement " signées par la société RM Distribution avec plusieurs clients entre octobre 2013 et mai 2014 ; - une grille de tarifs 2014 pour " Air Traitement " à entête de la société RM Distribution ; - des factures de la société RM Distribution concernant des forfaits de location des filtres Air traitement sur un devis du 16 janvier 2015 ; - un procès-verbal de constat dressé par Me [E], huissier de justice, le 28 mars 2015 (pièce no47 de la demanderesse) au terme duquel il constate, dans une chambre froide de la société Satoriz, " un dispositif composé de trois boudins de tissus blanc suspendus à l'aide de trois coulissières aimantées " et obtient communication d'un contrat de location " Air Traitement " conclu avec la société RM Distribution à effet du 1er janvier 2015. Il ressort de ces pièces et en particulier du contrat de location du dispositif, la divulgation d'informations techniques : la présentation du dispositif précise qu'il a vocation à être installé dans des espaces réfrigérés. L'article 1er du modèle de contrat de location précité expose qu'il s'agit " d'un média filtrant à base de porosphères minérales et naturelles ", les fiches essais datées du 6 mai 2014 (pièce no33 du demandeur) précisent que la matière utilisée est des zéolithes, l'huissier de justice, dans le procès-verbal de constat du 18 mars 2015, décrit des " boudins de tissus blanc suspendu[s]à l'aide de trois coulissières aimantées ", en a par ailleurs saisi trois et les a placés sous scellés. Dans le cadre d'un nouveau procès-verbal de constat dressé les 11, 12 et 21 décembre 2018 et 8 et 11 janvier 2019, Me [V], huissier de justice, a procédé à la description et à l'ouverture desdits boudins avant d'en prélever une petite quantité pour analyse. L'huissier de justice le décrit de la façon suivante : " La compatibilité du matériau avec les denrées alimentaires se déduit de sa présence dans des espaces réfrigérés qui ont pour destination le stockage de telles denrées. Des photographies sont jointes au procès-verbal ainsi que les rapports d'analyse transmis par les laboratoires FILAB et ICMCB, concluant à la présence majoritaire de clinoptilolite-heulandite, une zéolithe naturelle. La présence de manganèse suppose par ailleurs un traitement chimique. Or, ce dispositif, installé en chambre froide, était accessible aux tiers sans qu'il ne soit démontré que ces tiers étaient tenus au secret, le contrat de location du dispositif ne prévoyant aucune disposition de cette nature. Il importe peu que les pièces concernent principalement la société RM Distribution et non la société Somez. Il est en tout état de cause démontré que les sociétés RM Distribution, MM SAS et Options Conseils s'étaient mises d'accord pour collaborer avec la société Somez, en vertu d'un contrat de collaboration signé le 24 janvier 2014, " afin d'aboutir à la créatio un boudin d'une dimension de 65 cm de long et environ 11 cm de circonférence. Il comprend une enveloppe extérieure en tissu ajouré sur toute sa périphérie [?] à l'intérieur de trouve une matière noire composée de granulés de taille supérieure aux performations qui n'en permettent pas le passage d'un ou de produit(s) permettant l'amélioration de la conservation de denrées (viandes, fruits, légumes?) en chambre froide (positive ou négative) ou en vitrine réfrigéré ". Il ressort par ailleurs notamment d'un email du 22 juin 2015 (pièce no50 de la demanderesse) que la société Somez, dans le cadre de cette collaboration a été chargée de déposer le brevet de l'invention que l'équipe commerciale (composée des sociétés cocontractantes de l'accord) allaient exploiter. Ces éléments viennent également contredire toute allégation d'abus à l'égard de l'inventeur. Il se déduit de l'ensemble de ces considérations et des éléments datés précités que les revendications du brevet litigieux étaient déjà divulguées plus de six mois avant la date de dépôt de la demande de brevet français. Par conséquent, le brevet FR 15 57165 doit être annulé pour défaut de nouveauté, sans qu'il y ait lieu d'examiner la question de son activité inventive ou de statuer sur la demande subsidiaire en revendication de brevet. Sur la demande de dommages-intérêts en réparation d'un préjudice moral Moyens des parties : La société Alpa Systems International conclut que le dépôt des brevets lui occasionne un préjudice moral en ce qu'il constitue une appropriation frauduleuse et une divulgation préjudiciable du savoir-faire secret qu'elle avait élaboré. Elle poursuit donc l'engagement de la responsabilité civile délictuelle des défendeurs, arguant de l'existence d'une faute grave, détachable de leurs fonctions ou excédant les termes de leur contrat de travail, s'agissant des personnes physiques attraites à la cause. En substance, elle reproche aux défendeurs d'avoir reproduit, après analyse, le procédé Biocold Process et d'avoir organisé le dépôt d'un brevet pour donner une apparence de légalité. Elle dénonce le détournement de son savoir-faire jusqu'alors secret sur la composition de son procédé Biocold Process (en particulier concernant la composition du produit et la combinaison particulière des zéolithes, dont la clinoptilolite, qui faisait l'objet d'une clause de confidentialité au sein de son réseau de franchise) et le caractère frauduleux du dépôt de son brevet tant auprès de l'INPI que de l'OEB. Ce détournement lui cause un préjudice moral car il porte sur de nombreuses années de recherches menées par son fondateur, ce savoir-faire représentant une valeur économique et commerciale. Elle ajoute que le dépôt du brevet a rendu public un certain nombre de caractéristiques essentielles secrètes du procédé Biocold Process, et que les défendeurs en ont tiré profit grâce à la commercialisation du produit " Air Traitement ", trompant ainsi la clientèle alors que le procédé Biocold Process est un succès depuis 20 ans. La société Somez dénonce un acharnement procédural à leur endroit, alors que d'autres juridictions sont saisies de mêmes demandes d'indemnisation. Elle affirme avoir procédé à des recherches et tests qui lui ont permis de déposer le brevet alors que son c?ur de métier est la recherche sur les zéolithes et conteste tout détournement du savoir-faire allégué. Messieurs [T] et [N] concluent à l'absence de faute commise qui soit séparable de leurs fonctions et, en tout état de cause, à l'absence de démonstration d'une appropriation frauduleuse du savoir-faire. M. [X] estime que sa responsabilité civile personnelle ne saurait être engagée alors qu'il a exécuté la mission qui lui était confiée par son ancien employeur, en qualité de responsable de projet R&D. Aucune initiative personnelle blâmable ou collusion ne peut lui être reprochée. Il expose l'absence de démonstration par la demanderesse d'un savoir-faire et soutient qu'il n'y a pas eu communication de ce savoir-faire. En tout état de cause, il affirme qu'il n'a pas eu les moyens de s'opposer à la mission confiée par son employeur. Il conclut à l'absence de faute et demande, subsidiairement à ce que son employeur le garantisse de toute condamnation. Soulignant également la confusion entretenue par la demanderesse entre les différentes procédures intentées devant différentes juridictions Messieurs [Z] et [S], qui contestent toute faute détachable grave permettant de retenir leur responsabilité à titre personnel, exposent que la société Alpa Systems International ne démontre pas l'existence d'un savoir-faire identifié, secret et lui conférant un avantage préférentiel, et ne prouve pas qu'ils l'aient, a fortiori, détourné. Ils concluent enfin à l'absence de préjudice moral démontré. Appréciation du tribunal : L'article 1240 du code civil dispose que " tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ". L'article L. 611-8 du code de la propriété intellectuelle dispose que " si un titre de propriété industrielle a été demandé soit pour une invention soustraite à l'inventeur ou à ses ayants cause, soit en violation d'une obligation légale ou conventionnelle, la personne lésée peut revendiquer la propriété de la demande ou du titre délivré. L'action en revendication se prescrit par cinq ans à compter de la publication de la délivrance du titre de propriété industrielle. Toutefois, en cas de mauvaise foi au moment de la délivrance ou de l'acquisition du titre, le délai de prescription est de cinq ans à compter de l'expiration du titre. " Il importe, à titre préalable, de souligner que le tribunal judiciaire de Paris est saisi d'une demande d'indemnisation du préjudice résultant, selon la société Alpa Systems International, de la soustraction frauduleuse d'éléments secrets de son savoir-faire concernant la composition du procédé Biocold Process en vue de son dépôt à titre de brevet et non de faits de concurrence déloyale ou parasitaire dont elle a parallèlement saisi le tribunal judiciaire de Montpellier. Elle cite d'ailleurs, pour fonder sa demande, les deux articles 1240 du Code civil et L. 611-8 du code de la propriété intellectuelle. Il est constant que le savoir-faire désigne, au sens commun, la méthode, la technique, la maîtrise, la manière de faire, propre à une entreprise, développée avec le temps par recherches, expérimentations, tâtonnements, qui détermine son habileté et son professionnalisme et qui est susceptible d'être transmise. En l'espèce, la société Alpa Systems International reproche aux défendeurs la soustraction frauduleuse de son savoir-faire sur la composition du produit Biocold Process qui a, selon elle, donné lieu au dépôt du brevet dont l'annulation est prononcée au terme de la présente procédure. L'aspect technico-commercial de ce savoir-faire, qui n'est pas l'objet du brevet déposé, n'est donc pas visé. La société fait principalement référence, à ce titre, au fait que l'utilisation de la clinoptilolite, c?ur de son savoir-faire maintenu secret, aurait été divulguée par le brevet litigieux. Cependant, ce seul élément de composition, alors qu'il s'agit d'une zéolithe et qu'il n'est pas présenté comme la composante à utiliser en priorité par le brevet qui la cite comme exemple, ne saurait, à lui seul, permettre de caractériser un savoir-faire secret substantiel. Si la société Alpa Systems international démontre la similarité de la composition du produit " Air Traitement " avec le procédé " Biocold " au terme d'analyses précédemment citées, elle n'indique pas en quoi le brevet déposé divulguerait un savoir-faire jusqu'alors secret puisqu'il ne précise pas le mélange minéral complexe et les quantités de ces produits contenus dans le filtre commercialisé (ce qu'elle lui reprochait au titre de l'insuffisance de description). En outre, la société Alpa Systems International ne peut, sans risquer la contradiction, solliciter réparation d'un préjudice moral que lui occasionne le dépôt à titre de brevet d'éléments prétendument secrets de son propre savoir-faire sur la composition du procédé " Biocold Process ", alors qu'elle a démontré avec succès dans le cadre de la présente instance, une absence de nouveauté de ce procédé qui était déjà connu de l'état de la technique et avait déjà fait l'objet d'un brevet, qualifié d'antériorité de toute pièce. Enfin, s'agissant du préjudice allégué et du lien de causalité, la société Alpa Systems International ne démontre pas, au moyen d'éléments probants, que la faute, à la supposer caractérisée, ait eu une incidence sur la clientèle ou sur son image, lui occasionnant ainsi un préjudice moral dont le quantum pourrait être justement apprécié par le tribunal. Sa demande de dommages-intérêts ne peut donc qu'être rejetée. Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'appel en garantie. Sur la demande reconventionnelle en dommages-intérêts pour procédure abusive Moyens des parties : Arguant du caractère abusif de la procédure engagée à son encontre, M. [X] demande la condamnation de la société Alpa Systems International à lui payer la somme de 5.000 euros. De même, la société Somez, aux côtés de Messieurs [T] et [N], demandent la somme de 50.000 euros. La société Alpa Systems International conclut au rejet de cette demande. Appréciation du tribunal : L'exercice d'une action en justice constitue un droit et ne dégénère en abus que s'il constitue un acte de malice ou de mauvaise foi ou s'il s'agit d'une erreur équipollente au dol. En l'espèce, il n'est pas démontré d'abus du droit d'ester en justice par la société Alpa Systems International qui voit une partie de ses prétentions prospérer. Les demandes de dommages-intérêts sur ce fondement seront donc rejetées. Sur les demandes annexes Succombant à titre principal, la société Somez sera condamnée aux dépens de l'instance. Supportant les dépens, elle sera condamnée à payer à la société Alpa Systems International la somme de 60.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Les autres demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 seront rejetées. L'exécution provisoire, compatible avec la nature de l'affaire sera ordonnée, sauf en ce qui concerne l'annulation du brevet FR 15 57165. La transmission du jugement, une fois passé en force de chose jugée, à la requête de la partie la plus diligente, à l'Institut [23] aux fins d'inscription au registre national des brevets et aux frais de la société Somez, sera ordonnée. PAR CES MOTIFS LE TRIBUNAL, DÉCLARE la société Somez, Messieurs [W] [N] et [A] [T] irrecevables à soulever une exception de litispendance ; REJETTE l'exception de connexité soulevée par la société Somez, Messieurs [W] [N] et [A] [T] ; DÉCLARE la société Alpa Systems International recevable en sa demande de dommages-intérêts en ce qu'elle est dirigée à l'encontre de Messieurs [W] [N], [A] [T], [M] [X], [C] [Z] et [C] [S] ; DIT que les revendications 1 à 8 du brevet FR 15 57 165 sont dépourvues de nouveauté ; En conséquence, ANNULE le brevet FR 15 57165 appartenant à la société Somez en toutes ses revendications ; ORDONNE la transmission du jugement, une fois passé en force de chose jugée,à la requête de la partie la plus diligente, à l'Institut [23] aux fins d'inscription au registre national des brevets, aux frais de la société Somez ; DÉBOUTE la société Alpa Systems International de sa demande de dommages-intérêts ; REJETTE les demandes de dommages-intérêts pour procédure abusive ; CONDAMNE la société Somez aux dépens de l'instance. CONDAMNE la société Somez à payer à la société Alpa Systems International la somme de 60.000 euros (soixante mille euros) sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; REJETTE les autres demandes sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; ORDONNE l'exécution provisoire de la présente décision, sauf en ce qui concerne la transcription de l'annulation du brevet FR 15 57165. Fait et jugé à Paris le 02 mars 2023. LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
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JURITEXT000047454953
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AUTRES_DECISIONS
Tribunal judiciaire de Paris, 2 mars 2023, 22/12892
2023-03-02
Tribunal judiciaire de Paris
22/12892
CT0196
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TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 3ème chambre 1ère section No RG 22/12892 No Portalis 352J-W-B7G-CYGJA No MINUTE : Assignation du :27 octobre 2022 JUGEMENT rendu le 02 mars 2023 DEMANDERESSE S.A.S.U. NOVARTIS PHARMA [Adresse 2][Localité 3] représentée par Me Thomas CUCHE de la SELARL DUCLOS THORNE MOLLET-VIEVILLE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0075 DÉFENDERESSE Société GENMAB A/S[Adresse 4][Localité 1] (DANEMARK) représentée par Me Jean-Baptiste LECA, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #P0075 COMPOSITION DU TRIBUNAL Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointeElodie GUENNEC, Vice-présidenteMalik CHAPUIS, Juge, assistés de Caroline REBOUL, Greffière DÉBATS En application de l'article L212-5-1 du Code de l'organisation judiciaire, l'affaire a été mise en délibéré sans audience.Avis a été donné aux parties que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 02 mars 2023. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffeContradictoireEn premier ressort Exposé du litige 1. La société par actions simplifiée Novartis pharma est une entreprise pharmaceutique française appartenant au groupe Novartis. Elle exploite et distribue en France le médicament « Kesimpta 20mg solution injectable » comprenant une solution du principe actif ofatumumab, qui est un anticorps monoclonal entièrement humain, produit à partir d'une lignée de cellules murines par la technologie de l'ADN recombinant. 2. La société de droit danois Genmab est une société de biotechnologie spécialisée dans le développement d'anticorps thérapeutiques pour le traitement du cancer. Elle est titulaire du certificat complémentaire de protection (CCP) no 12C0044 pour le médicament « Arzerra », contenant de l'ofatumumab, octroyé sur la base du brevet européen délivré sous le no EP 1 558 648 et d'une autorisation de mise sur le marché EU/1/10/625. 3. Par une décision du 15 avril 2021, l'Office européen des brevets a révoqué le brevet no EP 1 558 648 de la société Genmab dans son intégralité. 4. La société Genmab avait déposé le 17 octobre 2003 une demande de brevet européen lequel avait été délivré le 5 juin 2019 sous le no EP 3 284 753. Sur la base de ce brevet, la société Genmab avait déposé une demande de CCP no 21C1028 pour l'ofatumumab. Le 27 juin 2022, le directeur de l'INPI a notifié à la société Genmab ne pas pouvoir délivrer le CCP no 21C1028 (ce produit étant déjà couvert par le CCP no 12C0044). 5. Par un acte d'huissier du 27 octobre 2022, la société Novartis Pharma a assigné la société Genmab devant ce tribunal en nullité du CCP no 12C0044. 6. L'instruction a été close le 10 janvier 2023 et il a été procédé sans audience comme prévu aux articles 799 quatrième alinéa du code de procédure civile et L. 212-5-1 du code de l'organisation judiciaire. 7. Dans ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 9 janvier 2023, la société Novartis Pharma demande au tribunal, aux visas des articles 31 et 514 du code de procédure civile, des articles 3, 15.1, c) et 15.2 du règlement (CE) no 469/2009, concernant le certificat complémentaire de protection pour les médicaments, L. 613-27 et L. 615-17 du code de la propriété intellectuelle et D. 211-6 du code de l'organisation judiciaire, de :? Déclarer nul le certificat complémentaire de protection no 12C0044 du fait de la révocation de son brevet de base EP 1 558 648 intervenue définitivement le 5 mai 2021 ;? Prononcer l'annulation du certificat complémentaire de protection no 12C0044 ;? Dire que la présente décision sera inscrite dans le registre national des brevets à l'initiative de la partie la plus diligente ;? Dire que chacune des parties conservera à sa charge frais, honoraires et dépens ;? Dire n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de la décision à intervenir. 8. Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 6 janvier 2023, la société Genmab demande au tribunal, aux visas des articles 31 et 514 du code de procédure civile, des articles 3, 15.1, c) et 15.2 du règlement (CE) no 469/2009, concernant le certificat complémentaire de protection pour les médicaments, L. 613-27 et L. 615-17 du code de la propriété intellectuelle et D. 211-6 du code de l'organisation judiciaire, de :? Constater que la société Genmab acquiesce à la demande d'annulation du CCP no 12C0044, formée par la société Novartis Pharma, du fait de la révocation de son brevet de base EP 1 558 648 intervenue définitivement le 5 mai 2021 ;? Prononcer l'annulation du certification complémentaire de protection no 12C0044 ;? Dire que la présente décision sera inscrite dans le registre national des brevets à l'initiative de la partie la plus diligente ;? Dire que chacune des parties conservera à sa charge ses frais, honoraires et dépens ;? Dire n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de la décision à intervenir. MOTIFS 1) Sur la demande d'annulation du CCP no 12C0044 9. La société Novartis Pharma sollicite l'annulation du CCP no 12C0044 car le brevet de base no EP 1 558 648 auquel il se rattache a été révoqué dans son intégralité ce qui entraîne nécessairement la nullité du CCP no 12C0044. 10. La société Genmab acquiesce à la demande d'annulation du CCP no 12C0044 formée par la société Novartis Pharma (afin de permettre la délivrance du CCP 028). Sur ce, 11. Aux termes de l'article 15, 1., du règlement (CE) no 469/2009 du 6 mai 2009 du Parlement européen et du Conseil concernant le certificat complémentaire de protection pour les médicaments :« 1. Le certificat est nul : [...]c) Si le brevet de base est annulé ou limité de telle sorte que le produit pour lequel le certificat a été délivré n'est plus protégé par les revendications du brevet de base ou si, après l'extinction du brevet de base, il existe des motifs de nullité qui auraient justifié l'annulation ou la limitation ». 12. De la même manière, l'article 613-28 alinéa 1er du code de la propriété intellectuelle dispose que le CCP est nul si le brevet auquel il se rattache est nul. 13. En l'occurrence, le brevet EP 1 558 648, sur la base duquel le CCP no 12C0044 a été délivré, a été révoqué dans son intégralité par décision de l'Office européen des brevets publiée au Bulletin européen des brevets le 5 mai 2021. Conformément aux dispositions précitées, le CCP no 12C0044 doit donc être déclaré nul. En application des dispositions de l'article L. 615-27 deuxième alinéa du code de la propriété intellectuelle, la présente décision, une fois passée en force de chose jugée, sera transmise à l'INPI aux fins d'inscription au registre des brevets. 2) Sur les autres demandes 14. Conformément à l'accord des parties, chacune d'elles conservera à sa charge ses propres frais et dépens. 15. Il sera rappelé que la présente décision est de plein droit exécutoire conformément aux dispositions de l'article 514 du code de procédure civile dans sa rédaction issue du décret du 11 décembre 2019, aucune circonstance ne justifiant ici qu'il en soit décidé autrement. PAR CES MOTIFS, Le tribunal, statuant publiquement par jugement mis à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort, ANNULE le CCP no 12C0044 dont est titulaire la société Genmab A/S ; DIT que le présent jugement, une fois passé en force de chose jugée, sera transmis à l'Institut national de la propriété industrielle aux fins d'inscription au registre national des brevets à l'initiative de la partie la plus diligente ; DIT que chaque partie conservera à sa charge ses propres dépens ; DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ; RAPPELLE que le présent jugement est de plein droit assorti de l'exécution provisoire. Fait et jugé à Paris le 02 mars 2023 LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
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JURITEXT000047454954
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AUTRES_DECISIONS
Tribunal judiciaire de Paris, 2 mars 2023, 20/11694
2023-03-02
Tribunal judiciaire de Paris
20/11694
CT0196
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TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 3ème chambre 1ère section No RG 20/11694 No Portalis 352J-W-B7E-CTIB5 No MINUTE : Assignation du :05 octobre 2020 JUGEMENT rendu le 02 mars 2023 DEMANDERESSE S.A.R.L. LUZ[Adresse 3][Localité 6] représentée par Me Margaux NEGRE-CARILLON de l'AARPI VALMY AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C386 DÉFENDEURS S.A. LES CANEBIERS[Adresse 8][Localité 2] (SUISSE) représentée par Me Jonathan TOBOLSKI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C2049 Maître [F] [V], membre de la SCP [V], agissant ès qualité de liquidateur judiciaire de la société L'ORMEAU[Adresse 5][Localité 7] représenté par Me Brad SPITZ de la SELARL BRAD SPITZ, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #C0794 & Me Florent LADOUCE, avocat au barreau de DRAGUIGNAN, avocat plaidant COMPOSITION DU TRIBUNAL Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointeElodie GUENNEC, Vice-présidenteMalik CHAPUIS, Juge, assistés de Caroline REBOUL, Greffière DEBATS A l'audience du 24 janvier 2023 tenue en audience publique, avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue le 02 mars 2023. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffeContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DU LITIGE : 1. La société Luz, créée en 2011, conçoit et fabrique des maillots de bains, vêtements de plage et bodies, haut de gamme. Elle expose avoir créé en 2011 un modèle de maillot de bain dénommé « César ». 2. Se plaignant de la reproduction, par une concurrente, la société Les Canebiers, des caractéristiques originales de ce maillot de bain qui rencontrait un certain succès, la société Luz a obtenu, par un jugement de ce tribunal du 19 décembre 2019, qu'il soit fait défense à la société Les Canebiers d'importer, détenir, offrir à la vente, vendre les produits reproduisant les caractéristiques du maillot "César", sous astreinte de 500 euros par jour de retard courant à l'expiration d'un délai de 30 jours suivant la signification de la décision, et ordonné à la société Les Canebiers de rappeler des circuits commerciaux la totalité du stock de maillots "Bugadières" reproduisant les caractéristiques du maillot de bain "César" et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à exécuter la présente décision, courant à l'expiration d'un délai d'un mois suivant la signification du jugement. Le tribunal s'est expressément réservé la liquidation de l'astreinte prononcée. 3. Ce jugement a été signifié à la société Les Canebiers par acte d'huissier du 4 février 2020. 4. La société Luz expose avoir découvert, en août 2020, que le modèle « Bugadières » était toujours offert à la vente dans la boutique à l'enseigne Les Canebiers située [Adresse 1] à [Localité 9], où elle fait procéder à un constat d'achat par huissier de justice le 2 septembre 2020. Elle expose avoir encore procédé à l'achat d'un maillot de bain « Bugadières » le 7 septembre 2020 dans une boutique Les Canebiers située [Adresse 4] à [Localité 9]. 5. Aussi, par acte d'huissier du 5 octobre 2020, la société Luz a fait assigner la société Les Canebiers devant le tribunal judiciaire de Paris en liquidation d'astreinte. 6. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 5 juillet 2021, la société Luz demande au tribunal de : - Débouter la société Les Canebiers de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions; - Liquider l'astreinte provisoire à la somme de 96.000 euros et de condamner la société Les Canebiers S.A. à payer la société Luz cette somme ; - Interdire à la société Les Canebiers d'importer, détenir, offrir à la vente, vendre les produits reprenant les caractéristiques du maillot de bain référencé « César » de la société Luz et ce, sous astreinte définitive de 500 euros par jour de retard courant à l'expiration d'un délai de 30 jours suivant la signification du jugement et pendant six mois ; - Se réserver la liquidation des astreintes précitées ; - Condamner la société Les Canebiers à rembourser à la société Luz les frais engagés par elle pour la réalisation du procès-verbal de constat d'huissier du 2 septembre 2020 à hauteur de 404 euros TTC ; - Condamner la société Les Canebiers au paiement de la somme de 8.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; - Condamner la société Les Canebiers aux entiers dépens. 7. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 14 juin 2021, la société Les Canebiers demande au tribunal de : - Dire la société Les Canebiers recevable et bien fondée en l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ; - Constater que les maillots de bain litigieux ont été vendus par la société L'Ormeau dont le numéro RCS apparait sur les tickets de caisse résultant du procès-verbal de constat d'Huissier du 2 septembre 2020 ; - Constater que la société Les Canebiers a été empêchée de respecter l'injonction qui lui était faite en raison de la négligence de son distributeur unique, la société L'Ormeau ; En conséquence, à titre principal, - Ordonner la suppression de l'astreinte provisoire prononcée dans le jugement en date du 19 décembre 2019 au regard de la cause étrangère résultant de l'empêchement par un tiers, en application de l'article L 131-4 du code des procédures civiles d'exécution ; A titre subsidiaire, - Ordonner la substitution à l'astreinte provisoire de toute astreinte définitive qu'il plaira à la juridiction de céans, en application de l'article L 131-2 alinéa 2 du code des procédures civiles d'exécution ; A titre infiniment subsidiaire, - Ordonner la révision du montant de l'astreinte provisoire et le ramener à de plus justes proportions, au regard du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter, en application de l'article L 131-2 du code des procédures civiles d'exécution ; En tout état de cause, - Condamner la société Luz et la société L'Ormeau à verser chacune à la société Les Canebiers une somme de 5.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens. 8. L'instruction a été close par ordonnance du 14 juin 2022 après que le juge de la mise en état a, par une ordonnance du 14 avril 2022, déclaré la société les Canebiers irrecevable en ses demandes formées contre Me [F] [V] ès-qualités de mandataire liquidateur de la société l'Ormeau (la créance invoquée contre cette société n'ayant pas été soumise à la procédure de vérification en l'absence d'instance en cours au moment de l'ouverture de la procédure collective). L'affaire a été plaidée à l'audience du 24 janvier 2023. MOTIFS DE LA DÉCISION Moyens des parties 9. La société Luz soutient que la société Les Canebiers a continué de détenir, d'offrir à la vente et de vendre des produits en violation des injonctions prononcées par le tribunal judiciaire de Paris dans son jugement rendu le 19 décembre 2019, et ce, entre le 5 mars et le 5 septembre 2020. Elle ajoute que cette société ne justifie d'aucune démarche tendant à faire respecter les injonctions prononcées, les courriers adressés aux enseignes Les Canebiers postérieurement à la réception de l'assignation en liquidation d'astreinte, ne concernant pas la période pendant laquelle l'astreinte était effective. Selon la demanderesse, en effet, il appartenait à la société Les Canebiers, de veiller à ce que l'injonction soit respectée sur l'ensemble de son réseau et de tout mettre en oeuvre pour que son distributeur exécute l'injonction qui lui avait été faite. La société Luz ajoute que les sociétés Les Canebiers et L'Ormeau entretiennent des liens commerciaux étroits et souligne que le président de la société Les Canebiers, M. [E] [U] est également associé de la société L'Ormeau. La société Luz sollicite en définitive la liquidation de l'astreinte à la somme de 96.000 euros (500 euros x 186 jours de retard entre le 5 mars et le 5 septembre 2020). 10. La société Les Canebiers soutient quant à elle que la bonne exécution du jugement du 19 décembre 2019 dépendait exclusivement d'un tiers, la société L'Ormeau, unique distributeur des maillots de bain litigieux à qui elle affirme avoir donné pour instruction de détruire les modèles « Bugadières ». La société Les Canebiers ajoute qu'elle ne pouvait contrôler la véracité des déclarations d'un tiers qui lui avait assuré avoir procédé à la destruction totale du stock de maillot "Bugadières". Il s'agit selon elle d'une cause étrangère insurmontable justifiant la suppression de l'astreinte. Appréciation du tribunal 11. Aux termes de l'article L. 131-3 du code des procédures civiles d'exécution, l'astreinte, même définitive, est liquidée par le juge de l'exécution, sauf si le juge qui l'a ordonnée reste saisi de l'affaire ou s'en est expressément réservé le pouvoir. L'article L. 131-4 du même code prévoit que le montant de l'astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter. Le taux de l'astreinte définitive ne peut jamais être modifié lors de sa liquidation. L'astreinte provisoire ou définitive est supprimée en tout ou partie s'il est établi que l'inexécution ou le retard dans l'exécution de l'injonction du juge provient, en tout ou partie, d'une cause étrangère. 12. La cause étrangère est plus large que la notion de force majeure. Elle recouvre en pratique tous les cas où celui à la charge duquel avait été mise l'injonction s'est trouvé dans l'impossibilité, pour une raison quelconque, de s'y conformer (Cass. Civ. 2ème , 8 novembre 2001, pourvoi no 99-19.776 ; Cass. Civ. 2ème , 14 septembre 2006, pourvoi no 05-16729 ; Cass. Civ. 2ème , 11 février 2021, pourvoi no 19-23.240). 13. Il résulte en l'occurrence des pièces produites aux débats qu'il était encore possible, en violation de l'injonction prononcée le 19 décembre 2019, d'acquérir le maillot de bain "Bugadières" au sein de deux boutiques à l'enseigne "Les Canebiers [Localité 9]" situées à [Localité 9], l'une [Adresse 1], et l'autre [Adresse 4] et ce, le 2 septembre 2020. Il n'est pas contesté que ces boutiques étaient exploitées, jusqu'à sa liquidation survenue le 26 avril 2021, par une société L'Ormeau. 14. Aux termes du jugement du 19 décembre 2019, la société Les Canebiers avait l'interdiction de vendre le maillot " Bugadières" elle-même, mais avait également l'obligation de procéder au rappel de ce maillot de ses circuits commerciaux "sous le contrôle d'un huissier". C'est cette dernière injonction (non assortie de l'exécution provisoire) qui est en cause ici et que la société Les Canebiers ne peut prétendre avoir exécuté (alors que le jugement lui a été signifié le 4 février 2020 et qu'elle disposait d'un délai de 3 mois, compte tenu de son établissement en Suisse, pour faire appel, ce qu'elle n'a pas fait), par un message du 6 août 2020 du gérant de la société L'Ormeau aux termes duquel ce dernier écrivait au dirigeant de la société Les Canebiers "Compte sur moi pour faire au mieux et le plus vite", tandis que le fil de leur discussion apparaît sans lien avec l'injonction rappelée ci-dessus laquelle n'est pas même évoquée. 15. La lettre du 12 janvier 2021 (AR non produit) puis celle du 11 mai 2021 (AR signé par M. [D], dirigeant de la société L'Ormeau, le 19 mai 2021) apparaissent ainsi comme étant le seul commencement d'exécution de l'injonction de rappel des circuits commerciaux. 16. Il en résulte qu'aucune cause étrangère ne peut être retenue ici. 17. Aucun élément ne démontre en revanche que l'interdiction de vendre ou distribuer aurait été violée par la société Les Canebiers elle-même. 18. La société Les Canebiers sera donc condamnée au paiement de la somme de 8.900 euros soit 100 euros (et non 500) x 89 jours de retard, entre le 5 juin 2020 (1+ 3 mois suivant la signification le 4 février 2020), et le 2 septembre 2020 (date de la preuve de l'absence d'exécution), au titre de la liquidation de l'astreinte prononcée par le jugement du 19 décembre 2019. 19. Il sera fait droit à la demande de fixation d'une nouvelle astreinte selon les modalités précisées au dispositif de la présente décision, sans qu'il y ait lieu de s'en réserver la liquidation. 20. Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, la société Les Canebiers sera condamnée aux dépens, ainsi qu'à payer à la société Luz la somme de 5.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, cette somme incluant les frais de constat par huissier de justice. 21. Aucune circonsance ne justifiant qu'il en soit décidé autrement, il sera rappelé que la présente décision est de plein droit assortie de l'exécution provisoire. PAR CES MOTIFS LE TRIBUNAL, LIQUIDE l'astreinte prononcée par le jugement rendu entre les parties le 19 décembre 2019 à la somme de 8.900 euros et CONDAMNE la société Les Canebiers au paiement de cette somme à la société Luz ; INTERDIT à la société Les Canebiers d'importer, détenir, offrir à la vente, vendre les produits reprenant les caractéristiques du maillot de bain référencé « César » de la société Luz et ce, sous astreinte définitive de 1.000 euros par infraction constatée courant à l'expiration d'un délai de 30 jours suivant la signification du présent jugement et pendant 180 jours ; REJETTE le surplus des demandes ; CONDAMNE la société Les Canebiers aux dépens ; CONDAMNE la société Les Canebiers à payer à la société Luz la somme de 5.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, cette somme incluant le remboursement des frais d'établissement d'un constat par huissier de justice ; RAPPELLE que la présente décision est de plein droit assortie de l'exécution provisoire. Fait et jugé à Paris le 02 mars 2023. LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
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JURITEXT000047454955
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AUTRES_DECISIONS
Tribunal judiciaire de Paris, 2 mars 2023, 22/01293
2023-03-02
Tribunal judiciaire de Paris
22/01293
CT0196
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TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 3ème chambre 1ère section No RG 22/01293 No Portalis 352J-W-B7G-CV7KW No MINUTE : Assignation du :27 janvier 2022 Incident ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETATrendue le 02 mars 2023 DEMANDERESSE - DEFENDERESSE A L'INCIDENT S.A.S. HOLDING DIGITAL VILLAGE [Adresse 1][Adresse 1] représentée par Me Elise VAN BENEDEN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C14 DEFENDERESSE - DEMANDERESSE A L'INCIDENT S.A.S. DIGITAL VILLAGE IO [Adresse 2][Adresse 2] représentée par Me Jean-Mathieu BERTHO de l'AARPI JACOBACCI AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B0260 MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointeassistée de Caroline REBOUL, Greffière DEBATS A l'audience du 31 janvier 2023, avis a été donné aux avocats que l'ordonnance serait rendue le 02 mars 2023. ORDONNANCE Prononcée publiquement par mise à disposition au greffeContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DU LITIGE : 1. Le groupe Digital Village se présente comme spécialisé dans le domaine de la création digitale et la promotion immobilière. Son activité principale est de créer des sites internet, des logiciels et des solutions informatiques, y compris des espaces virtuels de rencontre et de travail, mais aussi d'exploiter des biens immobiliers. Les actifs incorporels du groupe son détenus par sa holding la société Holding Digital Village. 2. La société Holding Digital Village est ainsi la titulaire de 8 marques : - La marque verbale française "Digital Village" no4516720 déposée le 18 janvier 2019 pour désigner différents services en classes 35, 36, 41, 42, 43 et 45 ; - La marque semi-figurative française "DIGITAL VILLAGE" no4241777 enregistrée le 19 janvier 2016 pour désigner différents services en classes 35, 42 et 45 ; - La marque semi-figurative française "DV" no4191683 enregistrée le 24 juin 2015 pour désigner des services en classes 35, 42 et 43; - La marque verbale de l'Union européenne "Digital Village" no18011887 enregistrée le 18 janvier 2019 pour désigner différents services des classes 35, 41, 42 et 45; - La marque de semi-figurative l'Union européenne "DIGITAL VILLAGE" no15626872 enregistrée le 9 juillet 2016 pour désigner des services des classes 35, 36, 41, 42 et 45 ; . - La marque semi-figurative de l'Union européenne "DIGITAL VILLAGE" no017929765 enregistrée le 12 juillet 2018 pour désigner des services des classes 35, 41, 42, 43 et 45; - La marque semi-figurative de l'Union européenne "DV" no017929755 enregistrée le 12 juillet 2018 pour désigner des services des classes 35, 41, 42, 43 et 45; - La marque semi-figurative de l'Union européenne "DV" no15626881 enregistrée le 9 juillet 2016 pour désigner différents services en classes 35, 41, 42, 43 et 45; 3. La société Digital Village Io exploite quant à elle un métavers, au moyen de sa propre technologie de blockchain, le "Village protocol". Elle a annoncé la mise en vente, au cours du premier semestre 2022, de terrains virtuels et le lancement de sa crypto-monnaie, les "DV Coins". 4. Il est rappelé qu'un "métavers" (méta-univers) est un espace virtuel créé par programme informatique, rassemblant une communauté d'utilisateurs, présents sous la forme d'avatars et pouvant s'y déplacer, y interagir socialement et économiquement. L'objectif économique d'un métavers est de commercialiser aux utilisateurs des objets virtuels au moyen d'une cryptomonnaie, les "jetons non fongibles" (ou en langue anglaise les "Non Fungible Tokens" ou NFT). Un NFT permet ainsi d'associer un actif virtuel (un vêtement, un sac, un terrain, une vidéo, une oeuvre d'art...) à un jeton numérique non fongible. Détenir ce jeton, c'est être propriétaire de cet actif, propriété dont l'authenticité est garantie par la "blockchain". La blockchain est une technologie qui permet de sécuriser et de vérifier de manière transparente et infalsifiable des informations. Grâce à la blockchain, l'historique des informations peut être conservé sans que personne ne puisse l'altérer et sans intermédiaire. 5. Estimant les usages des signes "Digital Village" et "DV" faits par elle dans le metavers, contrefaisants de ses marques, la société Holding Digital Village a, par acte d'huissier du 27 janvier 2022, fait assigner la société Digital Village Io devant ce tribunal en contrefaçon de marques. 6. Alors qu'il lui était enjoint de conclure (au fond après sept mois de procédure), la société Digital Village Io a notifié, le 17 octobre 2022, des conclusions d'incident par lesquelles elle conteste la qualité à agir de la société Holding Digital Village, la publication de la cession de ses marques n'ayant été inscrite qu'après la délivrance de l'assignation. 7. Dans ses conclusions d'incident no2 notifiées le 9 janvier 2023, la société Digital Village Io demande au juge de la mise en état de déclarer irrecevables toutes les demandes formées par la société Holding Digital Village, faute de qualité à agir, de la condamner aux entiers dépens, dont distraction au profit de son avocat par application de l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'à lui payer la somme de 7.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 8. Dans ses conclusions d'incident notifiées électroniquement le 22 novembre 2022 la société Holding Digital Village demande quant à elle au juge de la mise en état de débouter la société Digital Village Io de l'ensemble de ses demandes et de la condamner à lui payer la somme de 2.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. 9. Plaidé à l'audience du 31 janvier 2023 l'incident a été mis en délibéré au 2 mars 2023. MOTIFS DE LA DÉCISION Moyens des parties 10. La société Digital Village Io soutient que la société Holding Digital Village n'est pas recevable à agir sur le fondement de droits de marques, la cession d'où elle tient ses droits n'ayant été publiée au registre des marques, qu'après la délivrance de l'assignation. Elle soutient à cet égard que cette irrecevabilité est insusceptible d'être couverte, ainsi que l'a selon elle jugé à plusieurs reprises la cour d'appel de Paris. 11. La société Holding Digital Village conclut à la recevabilité de ses demandes, les dispositions de l'article 126 du code de procédure civile étant, évidemment selon elle, applicables. Appréciation du juge de la mise en état 12. Selon l'article L. 714-7 du code de la propriété intellectuelle, "Toute transmission ou modification des droits attachés à une marque doit, pour être opposable aux tiers, être inscrite au Registre national des marques." 13. De la même manière, aux termes de l'article 27 "Opposabilité aux tiers" du règlement 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne, "1. Les actes juridiques concernant la marque de l'Union européenne visés aux articles 20, 22 et 25 ne sont opposables aux tiers dans tous les États membres qu'après leur inscription au registre. (...) 3. L'opposabilité aux tiers des actes juridiques visés à l'article 23 est régie par le droit de l'État membre déterminé en application de l'article 19." 14. Selon l'article 126 du code de procédure civile, " Dans le cas où la situation donnant lieu à fin de non-recevoir est susceptible d'être régularisée, l'irrecevabilité sera écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue. 15. Ces dispositions sont constamment interprétées comme excluant le droit d'agir en contrefaçon de tout cessionnaire ou licencié exclusif d'un titre de propriété industrielle tant que l'acte d'où il tient ses droits n'a pas été publié (Cass. Com., 7 juillet 2004, pourvoi no02-19.041 ; Cass. Com., 3 avril 2012, pourvoi no11-14.848 concernant des licenciés de brevets). Le cessionnaire est en revanche recevable à agir dès la publication de la cession, l'action pouvant concerner des faits antérieurs à la cession pour peu que l'acte de cession le spécifie (Cass. Com, 11 janvier 2000, pourvoi no97-10.838, Bull. 2000, IV, no6 ; CA Paris, 5 octobre 2011, RG no09/2423). 16. Conformément à l'article 126 du code de procédure civile précité, la publication de la cession a pour effet d'entraîner la régularisation de la procédure. 17. Les dispositions de l'article 126 du code de procédure civile n'ont toutefois pas d'effet rétroactif, c'est à dire que ces dispositions ne peuvent faire revivre une société ayant disparu à la date de la publication de la cession (CA Paris, 12 février 2021, RG no19/10551, Xena IP Holdings Ltd, cité par la défenderesse), ni des faits qui avaient cessé (CA Paris, 9 septembre 2022, RG no20/12901, Sony Interactive Entertainment Inc., également cité par la défenderesse ; Com., 29 juin 1999, pourvoi no 97-11.940, Bull. 1999, IV, no 144). Aucune situation similaire n'est alléguée ici. 18. La cession est intervenue le 18 janvier 2022, l'assignation, le 27 janvier 2022 et la publication aux registres respectivement les 30 août et 20 septembre 2022. Il en résulte que les demandes de la société Holding Digital Village sont recevables, les publications intervenues ayant eu pour effet de régulariser la présente procédure. 19. Les dépens et les demandes au titre de l'article 700 du code de procédre civile sont réservés. PAR CES MOTIFS, LE JUGE DE LA MISE EN ÉTAT, DÉCLARE recevables les demandes de la société Holding Digital Village; RÉSERVE les dépens et les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; DIT que l'affaire est renvoyée à l'audience de mise en état dématérialisée du :4 avril 2023 à 10 heures et qu'il est enjoint à la société Digital Village Io de conclure au fond pour cette date ; Faite et rendue à Paris le 02 mars 2023. LA GREFFIERE LA JUGE DE LA MISE EN ETAT
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JURITEXT000047454956
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AUTRES_DECISIONS
Tribunal judiciaire de Paris, 2 mars 2023, 22/02717
2023-03-02
Tribunal judiciaire de Paris
22/02717
CT0196
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TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 3ème chambre1ère section No RG 22/02717 No Portalis 352J-W-B7G-CV6K2 No MINUTE : Assignation du :14 février 2022 JUGEMENT rendu le 02 mars 2023 DEMANDERESSES Société FIDUCIAL[Adresse 2][Localité 5] Société FIDUCIAL FINANCIAL SERVICES[Adresse 2][Localité 5] Société BANQUE FIDUCIAL EN ABREGE FIDUBANQUE[Adresse 2][Localité 5] Société FIDUCIAL DIGITAL SOLUTIONS[Adresse 2][Localité 5] représentées par Me Louise LACROIX, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C0594 & Me Armelle GROLEE de l'AARPI DE FACTO, avocat au barreau de LYON, avocat plaidant DÉFENDERESSE S.A.S. GREEN IMPACT FIDUCIAL TRUST[Adresse 3][Localité 4] Défaillante COMPOSITION DU TRIBUNAL Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointeElodie GUENNEC, Vice-présidenteMalik CHAPUIS, Juge, assistés de Caroline REBOUL, Greffière DÉBATS A l'audience du 12 décembre 2022 tenue en audience publique, avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue le 16 février 2023. Le délibéré a été prorogé au 02 mars 2023. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffeRéputé contradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DU LITIGE : 1. Fondé en 1970, le groupe Fiducial se présente comme actif dans de nombreux domaines en offrant des services aussi bien comptables, que juridiques, informatiques ou encore de sécurité. Plus de 200 sociétés françaises composent le groupe dont plus de 60 utilisent le terme "Fiducial" dans leur dénomination. 2. La société Fiducial, immatriculée au RCS en 1984, est la holding du groupe. La société Fiducial Financial Services offre des services dans le domaine de la finance, plus particulièrement dans les fonds de placement. La société Banque Fiducial exerce une activité de banque. Enfin, la société Fiducial Digital Solutions réalise des prestations informatiques. 3. La société Fiducial est titulaire de nombreuses marques, dont : - la marque verbale de l'Union européenne "Fiducial" no010306141 déposée le 8 septembre 2011 pour désigner des produits et services dans toutes les classes ; - la marque verbale française "Fiducial" no 1 441 027, enregistrée le 10 mars 1987 et régulièrement renouvelée, pour désigner en classe 36 les services de "société de placement de fonds ayant vocation à gérer un portefeuille de valeurs mobilières et un patrimoine immobilier, d'assurances et de banques" ; - la marque verbale française "Fiducial", enregistrée le 14 mai 1990 sous le no 1 591 848, pour désigner différents services en classes 35, 36, 39, 41, 42, 43 et 45 (et en particulier en classe 36 les services d'assurances et de finances) ; - la marque semi-figurative française "Fiducial Finances" no 1 467 957, déposée le 26 mai 1988 et régulièrement renouvelée depuis en classe 36 - la marque semi-figurative française "Fiducial Conseil" no1 615 231, déposée le 17 octobre 1989 et régulièrement renouvelée depuis, qui revendique une protection en classes 35, 36, 38 et 41 - la marque semi-figurative française "Fiducial" no1 561 555 déposée le 23 novembre 1989 et dûment renouvelée depuis, qui revendique une protection en classes 9, 16, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 42 et 43 - la marque semi-figurative française "Fiducial" no4 017 538 déposée le 4 juillet 2013 en classes 9, 11, 16, 20, 35, 36, 37, 38, 39, 41, 42 et 45 - la marque semi-figurative française " Banque Fiducual, entreprendre avec vous" no4 047 727 déposée le 18 novembre 2013 en classes 9, 16, 35, 36, 38, 41, 42 et 45 4. La société Fiducial a également réservé les noms de domaine <www.fiducial.fr> et <www.fiducial.eu>, respectivement les 17 décembre 1997 et 23 juin 2006, lesquels renvoient à un site internet actif présentant, en langue française, l'ensemble des activités du groupe. 5. La société Fiducial expose avoir découvert en 2020 l'immatriculation d'une société dite "Green Impact Fiducial Trust", au RCS de Versailles le 1er juillet 2019, ayant pour activités déclarées selon son extrait Kbis celles de holding (prise de participation, contrôle de toute entreprise. Animation de groupe de sociétés). Elle a également découvert que cette dernière avait réservé le nom de domaine <www.greenimpact-fiducialtrust.com>. 6. Aussi, lui a-t'elle adressé une lettre de mise en demeure le 2 septembre 2020, réitérée le 25 septembre 2020, lui enjoignant de cesser de faire usage du signe Fiducial sous quelque forme et à quelque titre que ce soit. M. [U] [W] [X], dirigeant de la société Green Impact Fiducial Trust, a répondu qu'il ne serait pas déféré à cette injonction, le terme Fiducial étant selon lui un terme anglais inappropriable par la société Fiducial, tandis que l'activité de sa société, sous le signe "C GIFT" était exclusivement tournée vers l'Afrique. 7. Insatisfaites de cette réponse, les sociétés Fiducial ont, par acte d'huissier du 14 février 2022, fait assigner la société Green Impact Fiducial Trust devant le tribunal judiciaire de Paris en contrefaçon de marques ainsi qu'en concurrence déloyale. 8. Par leur assignation, les sociétés Fiducial, Fiducial Financial Services, Banque Fiducial (dite Fidubanque) et Fiducial Digital Solutions, demandent au tribunal de : - Ordonner à la société Green Impact Fiducial Trust de cesser, dans un délai de quinze jours à compter de la signification du jugement à intervenir, tout usage des signes "Green Impact Fiducial Trust", "Green Impact Fiducial" et "greenimpact-fiducialtrust.com" ainsi que de tout signe similaire comprenant le mot "Fiducial", à quelque titre que ce soit et notamment à titre de dénomination sociale, nom commercial, marque, nom de domaine, enseigne, sous astreinte définitive de 500 € par infraction constatée et de 500 € par jour de retard ; - Se réserver le pouvoir de liquider, le cas échéant, l'astreinte ainsi prononcée conformément aux dispositions de l'article L131-3 du code des procédures civiles d'exécution ; - Condamner la société Green Impact Fiducial Trust à verser à la société Fiducial la somme de 30.000 € de dommages et intérêts à titre d'indemnisation des actes de contrefaçon de ses marques françaises Fiducial no 1 591 848, no 1 441 027, no 1 467 957, no 1 615 231, no 1 561 555, no 4 017 538 et no 4 047 727 ainsi que de sa marque de l'Union Européenne Fiducial no010306141 ; - Condamner la société Green Impact Fiducial Trust à verser à la société Fiducial la somme de 30.000 € de dommages et intérêts à titre d'indemnisation de l'atteinte portée à ses marques Fiducial française no 1 591 848 et de l'Union Européenne no010306141 en raison de leur renommée ; - Condamner la société Green Impact Fiducial Trust à verser à la société Fiducial la somme globale de 20.000 € de dommages et intérêts à titre d'indemnisation des actes distincts de concurrence déloyale commis à son encontre ; - Condamner la société Green Impact Fiducial Trust à verser à la société Fiducial Financial Services la somme de 10.000 € de dommages et intérêts à titre d'indemnisation des actes distincts de concurrence déloyale commis à son encontre; - Condamner la société Green Impact Fiducial Trust à verser à la société Banque Fiducial (Fidubanque) la somme de 10.000 € de dommages et intérêts à titre d'indemnisation des actes distincts de concurrence déloyale commis à son encontre; - Condamner la société Green Impact Fiducial Trust à verser à la Société Fiducial Digital Solutions la somme de 10.000 € de dommages et intérêts à titre d'indemnisation des actes distincts de concurrence déloyale commis à son encontre ; - Ordonner la publication du jugement à intervenir, in extenso ou par extraits, dans cinq journaux ou magazines au choix des Sociétés Fiducial et aux frais avancés de la société Green Impact Fiducial Trust, dans la limite de 10.000 € H.T. par insertion ; - Condamner la société Green Impact Fiducial Trust à lui payer la somme de 20.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; - Condamner la société Green Impact Fiducial Trust aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Louise Lacroix, avocat, sur son affirmation de droit. 9. L'huissier de justice n'ayant pu délivrer l'assignation à la société Green Impact Fiducial Trust en l'absence d'établissement existant à l'adresse du siège social (ni le nom de la société, ni celui de son gérant, M. [U] [W] [X] ne figure sur la boîte aux lettres à l'adresse du [Adresse 3], non plus qu'à l'adresse de M. [U] [W] [X], [Adresse 1]), il a procédé selon les dispositions de l'article 659 du code de procédure civile. 10. L'instruction a été close par une ordonnance du 29 mars 2022 et l'affaire plaidée le 12 décembre 2022. MOTIFS DE LA DÉCISION 11. Il est rappelé à titre liminaire qu'en application de l'article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée. 1o) Sur la contrefaçon Moyens des demanderesses 12. Les sociétés demanderesses font valoir que, contrairement aux affirmations de la société défenderesse dans ses courriels, le terme Fiducial n'a aucune signification en langue anglaise, non plus qu'en langue française. Elles ajoutent que la société défenderesse a son siège en France, qu'elle est inscrite au registre du commerce et des sociétés de Versailles et qu'elle exploite un site internet accessible en France et rédigé en langue française, sans qu'aucune mention ne précise qu'il n'est qu'à l'attention du public africain. Elles soulignent enfin le risque de confusion dès lors que le projet de la société Green Impact Fiducial Trust est de proposer des services financiers inclusifs en offrant à tous un compte et la possibilité d'épargner sans discrimination ni frais bancaires cachés. 13. En ce qui concerne l'atteinte à la renommée de leurs marques, les demanderesses soulignent que leurs marques sont exploitées depuis plus de quarante ans et qu'elles sont au coeur d'un réseau très important. Elles ajoutent que le public fera un lien évident entre le signe litigieux et les marques, et que l'utilisation du signe Fiducial vise à tirer indûment profit de la renommée et du caractère distinctif des marques. Appréciation du tribunal 14. Conformément à l'article 9-2 du règlement 2017/1001 du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne , "sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité d'une marque de l'Union européenne, le titulaire de cette marque de l'Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe pour des produits ou services lorsque: (...) b) ce signe est identique ou similaire à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou services identiques ou similaires aux produits ou services pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public ; le risque de confusion comprend le risque d'association entre le signe et la marque. c) ce signe est identique ou similaire à la marque de l'Union européenne, indépendamment du fait que les produits ou services pour lesquels il est utilisé soient identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée, lorsque celle-ci jouit d'une renommée dans l'Union et que l'usage de ce signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque de l'Union européenne ou leur porte préjudice." 15. De la même manière, selon les articles L. 713-2 et L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle "Est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l'usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services : (...) 2o D'un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s'il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d'association du signe avec la marque. (...) d'un signe identique ou similaire à la marque jouissant d'une renommée et utilisé pour des produits ou des services identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, si cet usage du signe, sans juste motif, tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque, ou leur porte préjudice." 16. Interprétant les dispositions identiques au règlement de l'article 5 § 1 de la première Directive du Conseil du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des États membres sur les marques (89/104/CEE), la Cour de Justice de l'Union européenne a dit pour doit que, constitue un risque de confusion au sens de ce texte, le risque que le public puisse croire que les produits ou services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d'entreprises liées économiquement (CJCE, 29 septembre 1998, Canon, aff. C-39/97, point 29 ; CJCE, 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik, aff. C-342/97). Selon cette même jurisprudence, l'existence d'un risque de confusion dans l'esprit du public doit être appréciée globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce (CJCE, 11 novembre 1997, Sabel, aff. C-251/95, point 22), en tenant compte en particulier de leurs éléments distinctifs et dominants. 17. Afin d'apprécier le degré de similitude existant entre les marques concernées, la juridiction nationale doit déterminer leur degré de similitude visuelle, auditive et conceptuelle et, le cas échéant, évaluer l'importance qu'il convient d'attacher à ces différents éléments, en tenant compte de la catégorie de produits ou services en cause et des conditions dans lesquelles ils sont commercialisés (voir arrêt Lloyd Schuhfabrik, C-342/97 ). 18. Il est également rappelé que l'appréciation de la similitude entre deux signes ne peut se limiter à prendre en considération uniquement un composant d'une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d'opérer la comparaison en examinant les marques en cause considérées chacune dans son ensemble (CJCE, 12 juin 2007, OHMI/Shaker, aff. C-334/05, point 41). L'impression d'ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe peut, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants. Toutefois, ce n'est que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l'appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l'élément dominant (arrêts OHMI/Shaker, points 41 et 42, ainsi que CJCE, 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, aff. C-193/06, points 42 et 43). 19. À cet égard, la Cour a précisé qu'il n'est pas exclu qu'une marque antérieure, utilisée par un tiers dans un signe composé comprenant la dénomination de l'entreprise de ce tiers, conserve une position distinctive autonome dans le signe composé. Dès lors, aux fins de la constatation d'un risque de confusion, il suffit que, en raison de la position distinctive autonome conservée par la marque antérieure, le public attribue également au titulaire de cette marque l'origine des produits ou des services couverts par le signe composé (arrêt Medion, CJCE, 6 octobre 2005, aff. C-120/04, points 30 et 36). 20. Il est enfin rappelé qu'une marque est considérée comme renommée lorsqu'elle est connue d'une partie significative du public pertinent et qu'elle exerce un pouvoir d'attraction propre, indépendant du produit ou du service qu'elle identifie, étant précisé que le public pertinent est celui concerné par la marque (CJCE, 14 septembre 1999, C-375/97, General Motors, points 24 et 26). Pour apprécier la renommée, sont notamment - mais pas exclusivement - pris en compte l'ancienneté de la marque, son succès commercial, l'importance du budget publicitaire consacré, l'étendue géographique et la durée de son usage, son référencement dans la presse ou encore l'existence de sondages (CJCE, 14 septembre 1999, C-375/97, General Motors, point 27 ; TUE, 10 mai 2007, T-47/06, Antartica c/OHMI et the Nasdaq Stock Market, points 46 et 52). 21. Afin de caractériser l'atteinte à la renommée d'une marque, il importe que le public concerné établisse un lien entre le signe et la marque, sans qu'il soit nécessaire d'établir l'existence d'un risque de confusion, l'intensité de la renommée de la marque pouvant être prise en compte pour apprécier l'existence d'un tel lien (CJCE, 23 octobre 2003, C-408-01, Adidas-Salomon AG et Adidas Benelux BV c/ Fitnessworld Trading ; CJUE, 27 novembre 2008, C-252-07, Intel Corporation c/ CPM United Kingdom, point 53). Enfin, ce lien établi entre le signe litigieux et la marque doit porter préjudice au caractère distinctif de cette marque, ce qui suppose que le comportement économique du consommateur moyen ait été modifié par l'usage du signe. 22. La société Fiducial verse aux débats une revue de presse compilant de nombreux articles de journaux ou magazines, régionaux comme nationaux, commentant les décisions de ses dirigeants et les activités du groupe, de 2012 à 2021. Tous citent les marques à de nombreuses reprises. En particulier, le groupe Fiducial est présenté comme spécialisé dans les services, notamment dans le domaine comptable et financier, aux petites entreprises, professions libérales, artisans et commerçants. Le groupe y est également présenté comme ayant généré un chiffre d'affaires de plus d'1 milliard d'euros en Europe en 2019 (cf article Le Bien Public du 6 novembre 2019 - pièce Fiducial no29-1). Fondé en 1970, le groupe emploie plus de 16000 personnes réparties dans plus de 800 agences en Europe. Le groupe justifie de ses dépenses consolidées de communication qui se sont élevées à plus de 9 millions d'euros en 2019, dont 1,5 millions d'euros de sponsoring, en particulier d'événements sportifs. 23. Les sociétés demanderesses justifient ainsi amplement de la renommée des marques Fiducial par leur exploitation intensive ces vingt dernières années. 24. En outre, les marques verbales Fiducial sont enregistrées pour désigner les services financiers, de banque et d'assurance. Selon le procès-verbal de constat dressé le 16 juillet 2021 par Me [C], commissaire de justice à [Localité 7], la société Green Impact Fiducial Trust exerce une activité de "services financiers inclusifs" et à faible émission de CO2. Les services concernés par les marques et le signe litigieux sont donc fortement similaires. 25. Le public pertinent de ces services financiers est d'attention moyenne à élevée. 26. Le terme "Fiducial", en outre, s'il évoque l'institution du droit anglo-saxon de la fiducie, n'a pas de signification en langue française. En langue anglaise, ce terme est un adjectif qui signifie "basé sur la confiance" ou "trustworthy". Le signe Fiducial apparaît donc plutôt distinctif pour désigner les services de banque et d'assurance. 27. La ressemblance visuelle, auditive et conceptuelle entre les signes Fiducial, d'une part, et Green Impact Fiducial Trust, d'autre part, est moyenne, voire faible. 28. Néanmoins, "Fiducial" et "Trust" étant synonyme, et compte tenu de la renommée et de la distinctivité des marques Fiducial, il apparaît que le public pertinent traduira et comprendra le signe complexe et descriptif argué de contrefaçon comme le "Trust à Impact Vert de Fiducial". Aussi, compte tenu de la forte ressemblance des services concernés et de la distinctivité du signe Fiducial, ce dernier doit être regardé comme ayant conservé sa position distinctive autonome dans le syntagme "Green Impact Fiducial Trust", le public étant amené à croire, en dépit de son degré d'attention élevé, que les services proposés sous ce signe sont le fruit d'un partenariat avec le titulaire de la marque, voire même qu'il s'agit d'un fonds de Fiducial proposant des services bancaires aux personnes exclues du système bancaire traditionnel, ce qui n'est pas le cas. Le risque de confusion est donc établi. 29. Le public est également amené à faire un lien avec le groupe Fiducial, ce qui porte atteinte au caractère distinctif de ses marques, dont l'usage dans le signe litigieux évoque immédiatement la confiance et l'appui d'un groupe connu. 30. Le tribunal ne peut en outre que constater que le signe Green Impact Fiducial Trust est utilisé par cette société dans le contexte d'une activité commerciale visant à un avantage économique et non dans le domaine privé. Par conséquent, il est fait usage de ce signe dans la vie des affaires (arrêt [6], CJCE, 12 novembre 2002, aff. C-206/01, point 40 ; arrêt O2 holding, 12 juin 2008, C-533/06, arrêt Celine, CJCE, 11 septembre 2007, C-17/06, point 17 ) et pour distinguer ses services (arrêt Celine, point 22). Le signe désigne en effet la société, laquelle a son siège en région parisienne ; le signe désigne également un site internet présentant l'activité de la société et de ses dirigeants, lequel est accessible en France et rédigé en langue française. Il désigne également les services financiers proposés par cette société (cf ci-dessous extrait du site internet de la société défenderesse - pièce Fiducial no27) lesquels sont également désignés sous l'acronyme "C- GIFT" : 31. La contrefaçon et l'atteinte à la renommée des marques, et en particulier des marques verbales françaises et de l'Union européenne Fiducial no010306141, 1441027 et 1591848, sont donc établies. 2o) Sur les mesures de réparation 32. Il résulte de l'article L. 716-4-2 du code de la propriété intellectuelle que "L'action civile en contrefaçon est engagée par le titulaire de la marque (...) Toute partie à un contrat de licence est recevable à intervenir dans l'instance en contrefaçon engagée par une autre partie afin d'obtenir la réparation du préjudice qui lui est propre." 33. Selon l'article L. 716-4-10 du même code, "Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement : 1o Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ; 2o Le préjudice moral causé à cette dernière ; 3o Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon. Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée." 34. Enfin, l'article L. 716-4-11 prévoit que "En cas de condamnation civile pour contrefaçon, la juridiction peut ordonner, à la demande de la partie lésée, que les produits reconnus comme produits contrefaisants et les matériaux et instruments ayant principalement servi à leur création ou fabrication soient rappelés des circuits commerciaux, écartés définitivement de ces circuits, détruits ou confisqués au profit de la partie lésée. La juridiction peut aussi ordonner toute mesure appropriée de publicité du jugement, notamment son affichage ou sa publication intégrale ou par extraits dans les journaux ou sur les services de communication au public en ligne qu'elle désigne, selon les modalités qu'elle précise. Les mesures mentionnées aux deux premiers alinéas sont ordonnées aux frais du contrefacteur." 35. En application des dispositions précitées, il sera fait droit à la demande d'interdiction sous astreinte selon les modalités visées au dispositif de la présente décision. 36. Il est également retenu que les usages contrefaisants banalisent les marques et justifient la condamnation de la société Green Impact Fiducial Trust à payer à la société Fiducial, titulaire des marques la somme de 3.000 euros à titre de dommages-intérêts, cette somme tenant compte de la durée de l'usage (depuis 2019) et du fait que les services de la défenderesse sont principalement proposés sous l'acronyme "C-Gift", tandis que les sommes dues pour l'une et l'autre atteinte (aux marques et à leur renommée), qui visent les mêmes faits imputables à la défenderesse, ne peuvent se cumuler. 37. Le préjudice propre que subissent les sociétés Fiducial Financial Services, Banque Fiducial (dite Fidubanque) et Fiducial Digital Solutions, exploitantes des marques, du fait des agissements contrefaisants imputables à la société Green Imact Fiducial Trust sera réparé par le versement de la somme de 1.500 euros à chacune. 38. Ces mesures réparent suffisamment le préjudice subi, de sorte que la mesure de publication apparaît ici disproportionnée. Cette demande est rejetée. 39. Il n'est justifié d'aucun préjudice distinct, les atteintes à la dénomination sociale, au nom commercial, à l'enseigne et aux noms de domaine, visant en réalité les mêmes faits de la société Green Impact Fiducial Trust et déjà retenus au titre de la contrefaçon de marques. Ces demandes sont donc rejetées. 3o) Sur les autres demandes 40. Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, la société Green Impact Fiducial Trust sera condamnée aux dépens, ainsi qu'à payer à la société Fiducial la somme de 5.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. 41. Aucune circonstance n'imposant qu'il y soit dérogé, il convient de rappeler que la présente décision est de plein droit assortie de l'exécution provisoire conformément aux dispositions de l'article 514 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL, ENJOINT à la société Green Impact Fiducial Trust de cesser tout usage, en France et sur tout le territoire de l'Union européenne, du signe "Fiducial", à quelque titre que ce soit et notamment à titre de dénomination sociale, nom commercial, marque, nom de domaine, enseigne, et ce, sous astreinte de 200 € par jour de retard à exécuter la présente décision, courant à l'expiration d'un délai de 30 jours suivant la signification de la présente décision et pendant 180 jours ; CONDAMNE la société Green Impact Fiducial Trust à payer à la société Fiducial la somme de 3.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation des actes de contrefaçon et d'atteinte à la renommée de ses marques françaises et de l'Union européenne "Fiducial" no 1 591 848, no 1 441 027, no 1 467 957, no 1 615 231, no 1 561 555, no 4 017 538, no 4 047 727 et no010306141 ; CONDAMNE la société Green Impact Fiducial Trust à payer aux sociétés Fiducial Financial Services, Banque Fiducial (Fidubanque) et Fiducial Digital Solutions la somme de 1.500 € chacune à titre de dommages et intérêts réparant le préjudice propre que leur ont causé les actes contrefaisants ; CONDAMNE la société Green Impact Fiducial Trust aux dépens et autorise Maître Louise Lacroix, avocat, à recouvrer directement ceux dont elle aurait fait l'avance sans avoir reçu provision ; CONDAMNE la société Green Impact Fiducial Trust à payer à la société Fiducial la somme de 5.000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; RAPPELLE que la présente décision est de plein droit assortie de l'exécution provisoire. Fait et jugé à Paris le 02 mars 2023. LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
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JURITEXT000047454912
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ARRET
Cour d'appel d'Orléans, 17 septembre 2020, 19/025021
2020-09-17
Cour d'appel d'Orléans
Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
19/025021
C1
ORLEANS
COUR D'APPEL D'ORLÉANS CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE GROSSES + EXPÉDITIONS : le 17/09/2020Me Nelly GALLIERla SCP GUILLAUMA PESMEARRÊT du : 17 SEPTEMBRE 2020 No : 174 - 20 No RG 19/02502 - No Portalis DBVN-V-B7D-F7TI DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Grande Instance d'ORLEANS en date du 16 Janvier 2019 PARTIES EN CAUSE APPELANT :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265240372334968Monsieur [W] [S]né le [Date naissance 3] 1950 à [Localité 6][Adresse 2][Localité 4] Ayant pour avocat Me Nelly GALLIER, avocat au barreau de BLOIS, D'UNE PART INTIMÉE : - Timbre fiscal dématérialisé No: 1265240264936568La SA CA CONSUMER FINANCE anciennement dénommée SOFINCO, Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège[Adresse 1][Localité 5] Ayant pour avocat postulant Me Pierre GUILLAUMA, membre de la SCP GUILLAUMA et PESME, avocat au barreau d'ORLEANS et pour avocat plaidant Me Olivier HASCOET, membre de la SELARL HAUSSMANN KAINIC HASCOET HELAIN, avocat au barreau de l'Essonne, D'AUTRE PART DÉCLARATION D'APPEL en date du : 10 Juillet 2019ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 30 avril 2020 COMPOSITION DE LA COUR L'audience du 18 juin 2020 n'a pu se tenir compte tenu de l'état d'urgence sanitaire déclaré par la loi no2020-290 du 23 mars 2020. En application des dispositions de l'article 8 de l'ordonnance no2020-304 du 25 mars 2020 et après information des parties par le président de la chambre, la cour statue sans audience au vu des conclusions et des pièces transmises, après délibéré au cours duquel Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel D'ORLEANS, et Madame Fanny CHENOT, Conseiller, ont rendu compte à la Cour composée de: Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, Madame Fanny CHENOT, Conseiller,Madame Nathalie MICHEL, Conseiller, Greffier : Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier lors des débats et du prononcé, ARRÊT : Prononcé publiquement par arrêt contradictoire le 17 SEPTEMBRE 2020 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. EXPOSE DU LITIGE : Selon offre préalable acceptée le 7 février 2008, enregistrée le 29 février suivant au service des impôts des entreprise de Rouen Est, la société Sofinco, agissant sous la dénomination commerciale Viaxel, a consenti à M. [W] [S] un crédit d'un montant de 59 900 euros, remboursable en 72 échéances avec intérêts au taux nominal de 7,95 % l'an, destiné à financer l'acquisition d'un véhicule Mercedes d'occasion. Des mensualités étant restées impayées à compter du mois de juin 2011, la société Sofinco a provoqué la déchéance du terme le 12 juin 2012 et vainement mis en demeure M. [S], par courrier recommandé réceptionné le 15 juin suivant, de lui régler la somme de 38 811,03 euros. Par acte du 5 février 2013, la société CA Consumer Finance, anciennement dénommée Sofinco, a fait assigner M. [S] en paiement et en attribution de gage devant le tribunal de grande instance d'Orléans qui, par jugement du 16 janvier 2019, a : -condamné la SA CA Consumer Finance à payer à M. [S], à titre de dommages et intérêts pour manquement à son devoir de mise en garde, la somme de 30 000 euros-condamné M. [S] à payer à la SA CA Consumer Finance la somme de 37 187,53 euros en principal avec intérêts au taux contractuel « ramené à » 7,95 % l'an à compter de la mise en demeure du 12 juin 2012 au titre du remboursement du prêt consenti-attribué à la SA CA Consumer Finance son gage contractuel-condamné M. [S] à remettre à la SA CA Consumer Finance le véhicule Mercedes CLS 320 no de série WDD2193221A1055494 sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement-rappelé que la SA CA Consumer Finance est habile à faire appréhender le véhicule en quelque lieu où il pourrait se trouver et à faire vendre ledit véhicule aux enchères publiques ou de gré à gré, le produit de l'éventuelle vente venant en déduction du montant de la créance restant due-rejeté les autres chefs de demande M. [S] a relevé appel de cette décision par déclaration en date du 10 juillet 2019, en critiquant expressément tous les chefs du jugement en cause. Dans ses dernières conclusions notifiées le 27 mars 2020, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé de ses moyens,M. [S] demande à la cour, au visa des articles L. 110-4 du code de commerce, 1217 et 1231-1, 1343-5, 2224 et suivants, 2333 et suivants du code civil, et R. 222-11 et suivants du code des procédures civiles d'exécution, de : -le déclarer recevable et bien fondé en son appel à l'encontre du jugement rendu par le tribunal de grande instance d'Orléans le 16 janvier 2019 Infirmer ledit jugement ; -dire et juger la SA CA Consumer finance irrecevableet mal fondée en toutes ses demandes -le déclarer recevable et bien fondé en toutes ses demandes -constater le manquement de la SA CA Consumer Finance à son devoir de conseil et de mise en garde, En conséquence, -condamner la société CA Consumer Finance au paiement de la somme de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts-prononcer l'annulation des intérêts contractuels ayant couru depuis 2012 en raison des manquements reconnus de la SA CA Consumer finance -débouter la société CA Consumer Finance de sa demande d'attribution de gage et de condamnation à la remise du véhicule sous astreinte-débouter la société CA Consumer Finance de sa demande tendant à l'octroi de la somme de 2 623,50 euros au titre de la clause pénale en ce que cette demande est manifestement excessive-réduire le montant dû au titre de la clause pénale à la somme symbolique de 1 euroSubsidiairement, -lui accorder les plus larges délais de paiement, à savoir un report d'échéances de 24 mois -dire et juger que les échéances reportées porteront intérêts au taux légalEn tout état de cause, -débouter la SA CA Consumer Finance de toutes ses autres demandes, fins et conclusions-la condamner à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile-la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Maître N. Gallier, avocat aux offres de droit dans les termes de l'article 699 du code de procédure civile Dans ses dernières conclusions notifiées le 8 avril 2020, auxquelles il est pareillement renvoyé pour l'exposé de ses moyens, la société CA Consumer Finance demande à la cour, au visa des articles 1134 et suivants ancien du code civil et 1905 et suivants du même code, de : -déclarer M. [S] mal fondé en ses demandes, fins et conclusion d'appel-l'en débouter-accueillir son appel incident et y faire droit-infirmer en conséquence le jugement entrepris :>en ce qu'il l'a condamnée à payer à M. [S] la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement au devoir de mise en garde>en ce qu'il a réduit à 1 000 euros l'indemnité contractuelle de 8 %>en ce qu'il a rejeté la demande de capitalisation des intérêts et d'article 700 du code de procédure civile Statuant à nouveau sur ces points :-déclarer M. [S] irrecevable et subsidiairement mal fondé en ses demandes, fins et conclusions, l'en débouter-condamner M. [S] à lui payer la somme de 38 811,03 euros, avec intérêts au taux contractuel de 7,95 % l'an à compter de la mise en demeure du 12 juin 2012-ordonner la capitalisation annuelle des intérêts dans le cadre de l'anatocisme-confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. [S] à lui remettre le véhicule Mercedes CLS 320 no de série WDD2193221A1055494 sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement-condamner M. [S] à lui payer une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile -le condamner aux dépens qui seront recouvrés par la SCP Guillauma & Pesme L'instruction a été clôturée par ordonnance du 30 avril 2020, pour l'affaire être plaidée à l'audience du 18 juin suivant. Compte tenu de l'état d'urgence sanitaire déclaré par la loi no 2020-290 du 23 mars 2020, prorogé par la loi no 2020-546 du 11 mai 2020, l'audience du 18 juin 2020 n'a pu être tenue de manière ordinaire mais, conformément aux dispositions de l'article 8 de l'ordonnance no 2020-304 du 25 mars 2020, sans opposition des parties, toutes les deux représentées, dans les quinze jours du courrier qui leur a été adressé le 27 mai 2020 pour les aviser que la cour envisageait que la procédure se déroule sans audience, l'affaire a été mise en délibéré au 17 septembre 2020. SUR CE, LA COUR : La cour observe à titre liminaire, de première part que M. [S] qui, dans le dispositif de ses dernières écritures demande à la cour de déclarer la société CA Consumer finance irrecevable en ses demandes, n'articule aucun moyen au soutien de cette prétention, sur laquelle il ne sera donc pas statué ; de seconde part que les demandes de M. [S] fondées sur les articles 1217, 1231-1 et suivants et 1343-5 ne pourront être examinées que sur le fondement des articles 1147 et 1244-1 du code civil pris dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance no 2016-131 du 10 février 2016, dès lors que les textes auxquels fait référence l'appelant sont inapplicables à la cause selon les dispositions transitoires de l'ordonnance du 10 février 2016 qui, à son article 9 issu de la loi de ratification no 2018-287 du 20 avril 2018, énonce que les contrats conclus avant son entrée en vigueur, au 1er octobre 2016, demeurent soumis à la loi ancienne. I- Sur la demande en paiement du solde du crédit En application de l'article L. 311-3 du code de la consommation, pris dans son ancienne rédaction applicable à la cause, le crédit litigieux, souscrit le 7 février 2008, ne relève pas du domaine d'application du crédit à la consommation soumis aux prescriptions d'ordre public du code de la consommation, lesquelles ne s'appliquaient à l'époque qu'aux crédits d'un montant inférieur à 21 500 euros, et relève en conséquence au droit commun L'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance no 2016-131 du 10 février 2016, énonce que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. En l'espèce, le contrat litigieux contient dans un paragraphe IV intitulé « exécution du contrat » une clause 4-2 rédigée comme suit : « en cas de défaillance [de l'emprunteur] dans le remboursement, le prêteur pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu'à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent intérêts à un taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur pourra demander une indemnité égale à 8 % du capital dû». Cette indemnité de 8 %, qui constitue une clause pénale répondant à la définition des articles 1152 et 1226 anciens du code civil, ne peut produire intérêt qu'au taux légal. Cumulée avec les intérêts conventionnels dont le taux est nettement supérieur à celui de l'inflation, et même au taux légal majoré, cette clause pénale revêt un caractère manifestement excessif qui commande sa réduction à un montant qui, pour lui conserver son caractère comminatoire, sera fixé à 100 euros. M. [S], qui demande à la cour d'annuler les intérêts contractuels ayant couru depuis 2012 en raison de leur taux qu'il estime exorbitant, n'indique pas le fondement juridique sur lequel la cour devrait annuler la stipulation conventionnelle d'intérêts. Cette demande, infondée, ne peut donc prospérer. En application des principes qui viennent d'être dégagés et au vu des pièces versées aux débats, notamment l'offre préalable de prêt, le tableau d'amortissement et le décompte en date du 12 juin 2012, la créance de la société CA Consumer Finance sera arrêtée ainsi qu'il suit : -mensualités échues impayées : 9 922,86 euros-capital restant dû à la déchéance du terme : 22 870,97 euros-primes d'assurances échues et impayées : 856,57 euros-intérêts échus : 2 059,33 euros-clause pénale (réduite) : 100 eurosSoit un solde de 35 809,73 euros, à majorer des intérêts au taux conventionnel de 7,95 % l'an sur la somme de 32 793,83 euros à compter du 15 juin 2012, date de réception de la mise en demeure valant sommation de payer au sens de l'article 1153 ancien du code civil et des intérêts au taux légal sur le surplus à compter de la même date M. [S], qui ne justifie d'aucun paiement ni d'aucun fait libératoire au sens de l'article 1315 alinéa 2 ancien du code civil, sera condamné au paiement des sommes sus-énoncées, étant précisé qu'en application de l'article 1154 ancien du même code, les intérêts seront capitalisés annuellement à compter du 5 février 2013, date de la demande. II- Sur la demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour manquement du prêteur à son devoir de conseil et de mise en garde A) sur la recevabilité de la demande L'action en responsabilité contre le prêteur pour manquement à son devoir de mise en garde, formée en réponse à l'action en paiement engagée par celui-ci constitue, non pas une défense au fond qui échappe à la prescription, comme le soutient M. [S], mais une demande reconventionnelle aux fins d'allocation d'une indemnité pour perte de chance, dont la prescription court, non pas à compter de la date de conclusion du contrat comme le soutient la SA CA Consumer Finance, mais à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il s'est révélé à la victime (v. par. Civ. 1, 28 novembre 2018, no 17-20.707). En l'espèce les premières difficultés de remboursement se sont manifestées en juin 2011, époque à laquelle M. [S] a reçu les premiers courriers de relance qu'il verse aux débats. Sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts formée par conclusions signifiées le 2 décembre 2013, dans le délai de la prescription quinquennale prévue à l'article L. 110-4 du code de commerce, n'est pas atteinte à la prescription et doit donc être déclarée recevable. B) Sur le fond de la demande En application de l'article 1147 ancien du code civil, le dispensateur de crédit est tenu d'un devoir de mise en garde envers l'emprunteur non averti, ou lorsqu'il a sur ses revenus, son patrimoine et ses facultés de remboursement raisonnablement prévisibles, en l'état du succès escompté de l'opération financée, des informations que lui-même ignorait. La responsabilité du prêteur peut donc être engagée pour manquement à ce devoir à raison de l'inadaptation du prêt aux capacités financières de l'emprunteur ou du risque d'endettement excessif né de l'octroi du prêt. L'obligation de mise en garde à laquelle peut être tenu un établissement de crédit à l'égard d'un emprunteur non averti avant de lui consentir un prêt ne porte que sur l'inadaptation de celui-ci aux capacités financières de l'emprunteur ou sur le risque de l'endettement qui résulte de son octroi, et non sur les risques de l'opération financée, et s'apprécie à la date de l'engagement. Il s'ensuit que le prêteur n'est tenu d'aucun devoir de mise en garde si la charge de remboursement du prêt n'excède pas les facultés contributives de son client ou si ce dernier est un emprunteur averti. S'il appartient à l'établissement de crédit, conformément à l'article 1315 ancien, alinéa 2, du code civil, de prouver qu'il a rempli son devoir de mise en garde, encore faut-il que l'emprunteur établisse, au préalable, qu'à l'époque de la souscription du prêt litigieux, sa situation financière justifiait l'accomplissement d'un tel devoir (v. par ex. com. 11 avril 2012, no 11-14.507 ; civ. 1, 19 décembre 2013, no 12-20.606). Au cas particulier, M. [S] était à l'époque de la souscription du prêt litigieux retraité et gérant d'une SARL dénommée La maison de la coquille. Etant rappelé que la qualité d'emprunteur averti ne peut se déduire de la seule qualité de dirigeant de société, aucun élément du dossier ne permet de savoir quelle profession exerçait l'emprunteur avant de faire valoir ses droits à la retraite, quelle était son expérience professionnelle et ses qualifications, ni s'il était rompu ou non au monde des affaires, ce qu'on ne saurait déduire de la seule gérance de la société La Maison de la Coquille, qui exerçait une activité de promotion immobilière mais avait été créée en novembre 2007, quelques mois seulement avant la souscription du prêt en cause. Quand bien même l'opération de crédit en cause ne présentait pas de complexité particulière, on ne saurait considérer, dans ces circonstances, que M. [S] était un emprunteur averti. L'emprunteur qui invoque le manquement de la banque à son obligation de mise en garde doit apporter la preuve de l'inadaptation de son engagement à ses capacités financières et, dans l'administration de cette preuve, l'emprunteur, tenu d'un devoir de loyauté à l'égard du prêteur, doit justifier de ses capacités financières telles qu'elles ont été portées à la connaissance du prêteur lors de l'octroi du crédit. Au cas particulier, la société Sofinco, qui s'est renseignée sur la situation financière de M. [S] en préalable de l'octroi du crédit en cause, est donc en droit de se fier aux informations communiquées par l'emprunteur, sauf anomalies apparentes. En acceptant l'offre préalable de crédit en cause, M. [S] a certifié sur l'honneur l'exactitude des renseignements donnés, notamment ceux concernant ses revenus et son endettement. Sur cette offre, l'emprunteur a déclaré percevoir mensuellement des revenus du travail de 5 278 euros et des revenus autres de 3 700 euros, et n'a déclaré aucune charge particulière. Alors qu'il avait déclaré percevoir des revenus mensuels d'un total de 8 978 euros, M. [S] avait produit au vendeur automobile intermédiaire de crédit des pièces justificatives qui ont été ensuite transmises à la société Sofinco, qui les verse aux débats et desquelles il résulte que l'appelant avait justifié percevoir une pension de retraite de 1 366,52 euros, une rémunération de 3 000 euros pour la gérance de la société de promotion immobilière dont il était associé à hauteur de 50%, et être propriétaire de cinq logements donnés à bail entre mars 2005 et octobre 2006 moyennant des loyers représentant un revenu total de 3 517 euros. M. [S] ne peut de bonne foi reprocher à la société Sofinco de ne pas avoir pris en considération son endettement, notamment les mensualités d'un prêt immobilier qu'il indique rembourser à la Caisse d'épargne par mensualités de 3 432,05 euros depuis le 5 février 2007, ou encore l'engagement de caution solidaire qu'il a donné à hauteur de 960 000 euros au Crédit Mutuel, en garantie d'une ouverture de crédit souscrite par la SCI L'Auberge de la Ferté, alors que de manière déloyale, il a certifié sur l'honneur, en souscrivant le prêt litigieux, n'avoir aucune charge immobilière ou autre. Contrairement à ce qu'a retenu le premier juge en effet, on ne saurait considérer qu'il importe peu que M. [S] ait dissimulé son endettement. L'emprunteur qui omet de déclarer tout ou partie de ses charges, qui ne permet donc pas au prêteur d'apprécier le risque d'endettement qu'il encourt, ne peut ensuite se prévaloir d'un manquement de l'établissement de crédit à son devoir de mise en garde alors que ce manquement lui incombe, le prêteur n'ayant pu apprécier sa situation et les risques encourus en raison de sa déloyauté. M. [S] ne peut pas plus utilement faire valoir que l'assemblée générale ayant fixé la rémunération de sa gérance de la société La Maison de la Coquille serait postérieure à l'établissement de l'offre de prêt, ce qui inexact puisque l'assemblée en cause est du 14 janvier 2008 alors que le prêt a été conclu, non pas le 7 février 2007 comme l'a retenu par erreur le premier juge, mais le 7 février 2008. C'est de mauvaise foi encore qu'en se prévalant de la date qui figure sur les télécopies de transmission des pièces (22 janvier 2008), M. [S] indique que les justificatifs de sa situation n'avaient pas été produits au moment de l'établissement de l'offre de prêt, en omettant que l'offre a été émise le 17 janvier 2008 sur la foi des indications transmises au prêteur par le garage automobile auprès duquel il a fait l'acquisition du véhicule financé et qui, en tant qu'intermédiaire de crédit a ensuite transmis à la société Sofinco, par télécopies du 22 janvier 2008, l'ensemble des documents qu'il avait préalablement recueillis de M. [S] (justificatifs d'identité, de revenus, de domicile, etc.). Même à admettre que l'absence de revenus fonciers sur l'avis d'imposition de M. [S] constituait une anomalie qui aurait dû amener le prêteur à plus de vigilance, et à ne pas prendre en considération ces revenus locatifs pour l'appréciation de la situation financière de l'appelant au jour de son engagement, il en résulte que le prêt litigieux a été accordé à M. [S] sur la base de revenus mensuels justifiés à hauteur de 4 366,52 euros. Au regard de telles ressources, et même à ne retenir que celles dont il avait été justifié (pension de retraite et revenus de gérance), la société Sofinco ne pouvait considérer que l'obligation de rembourser une somme mensuelle de 1 075,36 euros faisait courir à M. [S] un risque particulier d'endettement. Etant rappelé que M. [S] s'était présenté comme propriétaire bailleur de cinq logements, exempt de toute charge de crédit immobilier, et que l'inadaptation du prêt aux capacités financières de l'emprunteur et le risque d'endettement né de son octroi s'apprécient à la date de l'engagement, de sorte que les difficultés financières auxquelles a été confronté l'appelant plus de trois après la conclusion du crédit litigieux, qui étaient imprévisibles pour le prêteur, sont sans emport, il apparaît que la charge de remboursement du prêt en cause ne créait pas de risque d'endettement excessif. Dès lors que le prêt litigieux était adapté aux capacités financières de l'emprunteur, telles qu'elles pouvaient être appréhendées, sans faute, par le prêteur, au regard des éléments qui lui avaient été communiqués, la société Sofinco n'était tenue d'aucun devoir de mise en garde à l'égard de M. [S]. L'appelant, qui reproche également au prêteur un manquement à son devoir de conseil, ne distingue pas celui-ci du devoir de mise en garde auquel n'était pas tenue, en l'espèce, l'intimée. Par infirmation du jugement entrepris, M. [S], qui n'apporte la preuve d'aucun manquement du prêteur à l'une quelconque de ses obligations, ne peut donc qu'être débouté de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts. Sur la demande d'attribution du gage En sollicitant la confirmation du jugement qui lui a attribué son gage contractuel et a condamné M. [S], sous astreinte, à lui remettre le véhicule gagé, la société CA Consumer Finance ne sollicite pas l'autorisation d'appréhender le véhicule qui lui a été donné en gage, ce qui relèverait effectivement de la compétence exclusive du juge de l'exécution, mais l'attribution de son gage. C'est donc de manière inopérante que l'appelant soutient que la cour ne pourrait connaître de cette demande en ce qu'elle ne relevait pas de la compétence du premier juge, mais de celle du juge de l'exécution. Le contrat de prêt contient en son article VI intitulé « gage et réserve de propriété » une clause selon laquelle « conformément au décret du 30 septembre 1953, l'emprunteur affecte le véhicule acheté en gage avec, à son gré, inscription à la préfecture compétente sur le registre prévu à cet effet ». Le gage automobile résultant de la seule convention des parties, son inscription sur le registre de la préfecture qui a délivré la carte grise est sans incidence sur la validité de la garantie, dont elle assure seulement l'opposabilité aux tiers, et au cas particulier, l'intimée justifie en produisant en pièce 17 le reçu idoine que son gage a fait l'objet d'une inscription à la préfecture du Loiret le 11 mars 2008. Les articles 2346 et 2347 du code civil relatifs à la réalisation et à l'attribution du gage, auxquels renvoie l'article 2352 sur le gage automobile, prévoient qu'à défaut de paiement de la dette garantie, le créancier gagiste peut faire ordonner en justice la vente du bien gagé, laquelle a lieu selon les modalités prévues par les procédures civiles d'exécution, et qu'il peut aussi faire ordonner en justice que le bien lui demeurera en paiement. L'intimée, qui sollicite par confirmation du jugement entrepris l'attribution judiciaire de son gage, et la condamnation sous astreinte de l'appelant à lui remettre le véhicule gagé, ne fournit aucun élément sur la valeur de ce véhicule et ne sollicite non plus aucune estimation à dire d'expert, alors même que l'attribution judiciaire du gage éteint la créance du gagiste à concurrence de sa valeur. Dans ces circonstances, sauf à rendre une décision qui soulèvera inévitablement des difficultés d'exécution, la demande d'attribution préférentielle sera rejetée, et avec elle la demande accessoire de remise du véhicule sous astreinte. Sur la demande de délais de paiement En application de l'article 1244-1 ancien du code civil, le juge peut, en considération des besoins du créancier, accorder au débiteur impécunieux un délai de grâce ou des délais de paiement qui, sans pouvoir excéder deux années, empruntent leurs mesures aux circonstances. M. [S], assigné en paiement courant 2013, a déjà bénéficié, de fait, de très larges délais de paiement. Il n'y a donc pas lieu de lui accorder de nouveaux délais. Sur les demandes accessoires M. [S], qui succombe au sens de l'article 696 du code de procédure civile, devra supporter les dépens de première instance et d'appel et régler à la société CA Consumer Finance, à qui il serait inéquitable de laisser la charge de la totalité de ses frais irrépétibles, une indemnité de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS CONFIRME la décision entreprise en cela seul qu'elle a rejeté la demande de délais de paiement de M. [W] [S], INFIRME la décision entreprise en toutes ses autres dispositions critiquées, STATUANT À NOUVEAU sur les chefs infirmés et y ajoutant : CONDAMNE M. [W] [S] à payer à la SA CA Consumer Finance la somme de 35 809,73 euros, avec intérêts au taux conventionnel de 7,95 % l'an sur la somme de 32 793,83 euros à compter du 15 juin 2012, et avec intérêts au taux légal sur le surplus à compter de la même date, ORDONNE la capitalisation annuelle des intérêts selon les modalités de l'article 1154 ancien du code civil à compter du 5 février 2013, DECLARE recevable mais mal fondée la demande reconventionnelle en dommages et intérêts de M. [W] [S], REJETTE en conséquence la demande indemnitaire de M. [W] [S] tirée d'un manquement du prêteur à son devoir de conseil et de mise en garde, DEBOUTE la société CA Consumer Finance de sa demande d'attribution judiciaire de son gage et de sa demande accessoire tendant à entendre condamner M. [W] [S], sous astreinte, à lui remettre le véhicule gagé, CONDAMNE M. [W] [S] à payer à la société CA Consumer Finance la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, CONDAMNE M. [W] [S] aux dépens première instance et d'appel, ACCORDE à la SCP Guillauma & Pesme le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. Arrêt signé par Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. LE GREFFIERLE PRÉSIDENT
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JURITEXT000047454913
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ARRET
Cour d'appel de Paris, 18 septembre 2020, 18/020217
2020-09-18
Cour d'appel de Paris
Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
18/020217
G3
PARIS
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISEdélivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS COUR D'APPEL DE PARISPôle 4 - Chambre 3 ARRÊT DU 18 SEPTEMBRE 2020 (no , pages) Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 18/02021 - No Portalis 35L7-V-B7C-B44TI Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Janvier 2018 -Tribunal d'Instance de PARIS - RG no 17-000348 APPELANTS Monsieur [W] [R][Adresse 3][Localité 4] Monsieur [J] [R][Adresse 3][Localité 4] Représentés par Me Françoise HERMET LARTIGUE, avocat au barreau de PARIS, toque : C0716 INTIMES Mademoiselle [I] [N][Adresse 2][Localité 6] Monsieur [P] [E] AJ 2018/006330[Adresse 7][Localité 5] Représentés par Me Caroline CLÉMENT-BIGORRE, avocat au barreau de PARIS, toque : E0258 (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2018/006330 du 30/03/2018 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS) COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l'article 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Juin 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Claude TERREAUX, Président de chambre, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :Monsieur Claude TERREAUX, président de chambreMonsieur Michel CHALACHIN, président de chambreMadame Pascale WOIRHAYE, conseillère Greffier, lors des débats : Mme Viviane REA ARRÊT : -contradictoire- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.- signé par Monsieur Claude TERREAUX, Président de chambre et par Madame Grégoire GROSPELLIER, greffier présent lors de la mise à disposition. ***Les consorts [R] sont propriétaires, dans l'immeuble sis [Adresse 7], d'un appartement situé au 2 ème étage à droite porte de droite, comprenant entrée, salle à manger, deux chambres, cuisine et WC.En 1952, cet appartement a été donné en location à Monsieur [S] [H], dans les termes de la loi du 1 er septembre 1948 ; à son décès son épouse, puis veuve, [K] [H] est devenue co-titulaire du bail. Au décès de cette dernière, son petit-fils, [F] [N], a revendiqué le bénéfice de la location, en indiquant avoir habité les lieux avec son aïeule et en indiquant être handicapé à 80%. [F] [N] est décédé le [Date décès 1] 2014. Le 10 octobre 2014, sa fille, [I] [N], 4 mois après le décès de son père, écrivait à ses bailleurs la lettre suivante : « Je vous informe du décès de mon père, [N] [F]. En conséquence, je m'acquitterai du montant du loyer pour la période du 1 er octobre 2014 au 31 décembre 2014. Cordialement et dans l'attente de votre réponse ». Il n'a pas été répondu à ce courrier.Elle a cessé de payer les loyers au motif, selon ses écritures, qu'elle ne recevait plus de quittances. Elle a néanmoins payé plusieurs loyers qui ont été encaissés par les propriétaires, pour partie avec retard, ceux-ci faisant valoir qu'ils ne reconnaissaient pas le droit de [I] [N] à rester dans les lieux. Aucun contrat écrit n'a été signé. Par constat d'huissier régulièrement autorisé, il a été constaté selon procès-verbal du 27 décembre 2016 que, malgré trois visites successives, les lieux étaient dans un état très médiocre et sans entretien, inoccupés au moment de ces trois visites, que les sanitaires n'étaient pas utilisés depuis longtemps, mais que cependant il y avait de la nourriture dans le frigo, et que des courriers adressés à [P] [E] et [I] [N] adressés sur place et à [A] [T] adressé chez un tiers à une autre adresse se trouvaient dans les lieux.Les témoins sur place ont indiqué à l'huissier que les lieux étaient inoccupés depuis environ un an. Sur assignation en expulsion de [I] [N] du 17 mars 2017, cette dernière a indiqué ne pas occuper les lieux et a précisé qu'elle savait que les lieux étaient occupés par [P] [E].L'affaire a été renvoyée devant le juge du fond et [P] [E] a été appelé en la cause. [I] [N] a fait valoir devant cette juridiction que ce dernier bénéficiait du bail initial. Par jugement entrepris du 9 janvier 2018, le Tribunal d'instance de PARIS 17ème a ainsi statué : -Ordonne la jonction des instances enregistrées au répertoire général sous les numéros 11/ 17 348 et 11/17 349 sous le numéro unique 11/ 17 348 ;-Constate que le bail du 19 mars 1952 a été résilié de plein droit ensuite du décès de M.[F] [N] intervenu le [Date décès 1] 2014 ;-Dit que M. [P] [E] bénéficie depuis le 11 juin 2014 du droit au maintien dans les lieux dans les conditions définies par la loi du 1er septembre 1948 sur le local à usage d'habitation situé [Adresse 7] (Zème étage, porte de droite) appartenant à M. [W] [R] et M. [J] [R] ;-Dit que le maintien dans les lieux s'opère aux clauses et conditions du contrat primitif non-contraires aux dispositions la loi du 1er septembre 1948 et qu'en conséquence, M. [P] [E] est redevable depuis le 11 juin 2014 d'un loyer dans les conditions définies par le bail du 19 mars 1952 et par la loi du 1er septembre 1948 ;-Rejette les demandes plus amples ou contraires, notamment la demande tendant à l'expulsion de Mme [I] [N] et M. [P] [E], la demande au titre de l'indemnité d'occupation et la demande de dommages intérêts formées par M. [W] [R] et M. [J] [R];-Condamne in solidum M. [W] [R] et M. [J] [R] aux dépens,-Condamne in solidum M. [W] [R] et M. [J] [C] à payer à Maître [L] [M] [O] la somme de 1.500 € en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous condition de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;-Ordonne l'exécution provisoire de la présente décision. Par dernières conclusions du 12 avril 2018, les consorts [R], appelants, demandent à la Cour : -De les recevoir les concluants en leur appel et y faisant droit, Vu l'article 5 de la loi du 1 er septembre 1948, modifié par la loi du 23 décembre 1986, -De confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a constaté que le bail du 19 mars 1952 a été résilié de plein droit en suite du décès de Monsieur [F] [N], survenu le 11 juin 2014 et en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à transmission ou transfert du droit au maintien dans les lieux au profit de Monsieur [E], -De l'infirmer pour le surplus en toutes ses dispositions, Et, Vu l'article 122 du Code de Procédure Civile, Vu l'article 1201 du Code Civil, -De dire Mademoiselle [I] [N] irrecevable et infondée à revendiquer un droit au profit de Monsieur [E], -De la dire mal fondée en l'intégralité de ses revendications émises de mauvaise foi, -De la condamner au paiement de la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts, Vu la résiliation de plein droit du bail du 19 mars 1952 à effet au 11 juin 2014, date du décès de Monsieur [N], Vu l'absence de congé délivré à Monsieur [F] [N], Vu l'absence de titre de Monsieur [P] [E], -De dire que Monsieur [E] ne peut bénéficier d'aucun droit au maintien dans les lieux, Subsidiairement, Vu l'article 1201 du Code Civil, -De dire que Monsieur [E] ne peut se prévaloir d'un titre ou d'un droit au maintien dans les lieux, A titre subsidiaire, -De dire que Monsieur [E] ne justifie pas par les pièces qu'il verse aux débats, avoir vécu effectivement avec Monsieur [F] [N], un an au moins avant son décès, En tout état de cause, -De le débouter de l'intégralité de ses demandes, -D'ordonner l'expulsion de Monsieur [P] [E], ainsi que celle de tous occupants dans les lieux de son chef, dans les formes habituelles, -D'ordonner la séquestration des meubles et objets mobiliers pouvant se trouver dans les lieux, dans tel garde-meubles du choix des consorts [R], aux frais risques et périls de Monsieur [P] [E], -De fixer l'indemnité d'occupation due par Monsieur [E] et solidairement par Mademoiselle [I] [N], tant en sa qualité de seule héritière de Monsieur [F] [N], qu'à raison de son occupation apparente, à compter du 11 juin 2014 et jusqu'à remise des clefs, à la somme de 1.012 euros par mois, charges en sus, -De condamner solidairement Monsieur [E] et Mademoiselle [N] au paiement de cette somme à compter du [Date décès 1] 2014 et jusqu'à remise des clefs, et ce sous déduction des sommes acquittées à titre d'indemnités d'occupation et en exécution du jugement rendu, -De condamner solidairement Mademoiselle [I] [N] et Monsieur [P] [E] au paiement de la somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, -De les condamner sous la même solidarité aux dépens, lesquels pourront être recouvrés par Maître Françoise HERMET-LARTIGUE, Avocat, conformément à l'article 699 du Code de Procédure Civile. Par dernières conclusions du 4 juin 2018, [I] [N] et [P] [E], intimés, demandent à la Cour de : - Confirmer le jugement du 9 janvier 2018 en toutes ses dispositions- Débouter Monsieur [W] [R] et Monsieur [J] [R] de leurs demandes, fins et conclusionsSubsidiairement- Fixer le montant de l'indemnité d'occupation au loyer actuellement appelé- Octroyer les plus larges délais à Monsieur [E] pour quitter l'appartement- Condamner solidairement Monsieur [W] [R] et Monsieur [J] [R] au paiement de la somme de 1.000 € à Mademoiselle [N] à titre de dommages et intérêts- Condamner solidairement Monsieur [W] [R] et Monsieur [J] [R] au paiement de la somme de 1.000 € à Monsieur [E] à titre de dommages et intérêts- Condamner solidairement Monsieur [W] [R] et Monsieur [J] [R] au paiement de la somme de 6.000 € au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991- Condamner solidairement Monsieur [W] [R] et Monsieur [J] [R] au paiement des dépens SUR CE ; Sur les droits de [I] [N] ; Considérant que il est constant que [I] [N] n'habite pas présentement dans les lieux ; qu'elle ne peut donc demander pour elle-même un droit au maintien dans les lieux et ne le fait d'ailleurs pas ;Considérant que c'est seulement suite à un constat d'huissier constatant qu'elle n'y résidait pas qu'elle a fait valoir qu'elle n'occupait pas les lieux et que c'était en fait un certain [P] [E] qui les occupait ; qu'elle a ajouté que ce dernier était handicapé à 80% ;Considérant qu'elle demande la confirmation du jugement en ce qu'il a dit que [P] [E] bénéficiait du maintien dans les lieux ;Mais considérant que [I] [N], qui ne justifie d'aucun mandat légal pour agir en justice, et ne soutient ni être la curatrice ou la tutrice de [P] [E], et n'habite pas dans les lieux, ne peut agir au bénéfice de ce dernier ; qu'elle sera déclarée irrecevable en son appel ainsi qu'en sa demande initiale sur ce point devant le premier juge ; que le jugement sera infirmé sur ce point ;Considérant qu'elle sera ainsi déclarée irrecevable en son action; Sur les droits de [P] [E] ; Considérant que l'article 5 de la loi du 1er septembre 1948 modifiée dispose :"I. - Le bénéfice du maintien dans les lieux pour les locaux visés à l'article premier appartient, en cas d'abandon de domicile ou de décès de l'occupant de bonne foi, au conjoint ou au partenaire lié à lui par un pacte civil de solidarité, et lorsqu'ils vivaient effectivement avec lui depuis plus d'un an, aux ascendants, aux personnes handicapées visées au 2o de l'article 27 (en fait alinéa 7- 2o suite aux réformes successives) ainsi que, jusqu'à leur majorité, aux enfants mineurs.Le maintien reste acquis au conjoint, au partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou au concubin de l'occupant, lorsque cet occupant a fait l'objet d'une condamnation devenue définitive, assortie d'une obligation de résider hors du domicile ou de la résidence du couple, pour des faits de violences commis sur son conjoint, son concubin, son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou sur leurs enfants. I bis. - Nonobstant les dispositions de l'article 1742 du code civil, même en l'absence de délivrance d'un congé au locataire, le contrat de location est résilié de plein droit par le décès du locataire. Le contrat de bail est également résilié de plein droit en cas d'abandon du domicile par le locataire, même en l'absence de délivrance d'un congé.Toutefois, le bénéfice du maintien dans les lieux appartient aux personnes visées au I du présent article.II. - Nonobstant les dispositions du I ci-dessus, le maintien dans les lieux reste acquis aux personnes qui en bénéficiaient antérieurement à la publication de la présente loi.En cas d'instance en divorce ou en séparation de corps, la juridiction saisie attribue à l'un des époux l'éventuel droit au maintien dans les lieux en considération des intérêts sociaux ou familiaux en cause. Si l'époux qui en est bénéficiaire n'est pas celui au nom duquel étaient délivrées les quittances, notification de la décision devra être faite au bailleur dans le délai de trois mois de son prononcé par lettre recommandée avec avis de réception. La juridiction prévue au chapitre V reste compétente sur toute contestation du bailleur quant à l'application des conditions exigées par la présente loi. Toutefois, le bénéfice du maintien dans les lieux ne s'appliquera pas aux locaux à usage exclusivement professionnel, à moins que l'une des personnes visées aux alinéas précédents ne continue à y exercer la profession à laquelle ces locaux étaient affectés" Considérant que l'article 27 7ème alinéa 2o de ladite loi, auquel renvoie son article 5 précedemment cité dispose :" La majoration pour insuffisance d'occupation n'est pas applicable : 1o Aux personnes âgées de plus de soixante-dix ans ; 2o Aux personnes titulaires : -Soit d'une pension de grand invalide de guerre ouvrant droit au bénéfice des dispositions de l'article L. 31 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; -Soit d'une rente d'invalide du travail correspondant à une incapacité au moins égale à 80 p. 100. -Soit d'une allocation servie à toute personne dont l'infirmité entraîne au moins 80 p. 100 d'incapacité permanente et qui est qualifiée Grand infirme en application de l'article 169 du code de la famille et de l'aide sociale (devenu l'article L241-3 du code de l'aide sociale et de la famille)...." Considérant qu'en l'espèce le bail initial a été conclu en 1952 avec [S] [H] dans les termes de la loi du 1 er septembre 1948, puis a été poursuivi avec [K] [H] son conjoint survivant ; qu'au décès de cette dernière, c'est son petit-fils, [F] [N], se disant handicapé à 80% et héritier direct, ce dont il n'aurait jamais justifié selon les consorts [R], qui a bénéficié de ce bail ; que suite au décès de ce dernier le 11 décembre 2014, [I] [N], sa fille, indiquant avoir habité à cet endroit avec sa grand-mère [K] [H], a adressé 4 mois plus tard un courrier reproduit ci-dessus, et a revendiqué le bénéfice de la location ; Mais considérant que ce courrier n'indique cependant pas qu'elle entend reprendre le bail mais simplement qu'elle "s'acquittera du montant du loyer pour la période du 1 er octobre 2014 au 31 décembre 2014" ; qu'elle cessera de payer régulièrement le loyer, puis ne le paiera plus ; que les propriétaires encaisseront avec retard ces loyers, refusant de considérer qu'elle était locataire ;Considérant que [I] [N] ne précisera jamais à ses propriétaires la véritable situation, à savoir qu'elle n'occupe pas les lieux, et que d'autre part elle les laisse occuper pour une raison ignorée à [P] [E] ; que la situation ne sera connue que tardivement par les propriétaires ;Considérant que [P] [E] n'a jamais payé lui-même de loyer ; qu'il ne saurait être considéré pour ce motif comme locataire de bonne foi au sens du texte susvisé ; que ce n'est qu'au cours de la procédure que les propriétaires ont appris fortuitement qu'il avait occupé de façon plus ou moins régulière les lieux ;Considérant qu'il ne peut non plus aujourd'hui prétendre bénéficier d'un droit au maintien dans les lieux alors que [F] [N], au surplus lui-même bénéficiaire d'un droit au maintien dans les lieux occupés par [K] [H], elle même tenant ses droits de son mari, est décédé le [Date décès 1] 2014 ;Considérant que de plus, par courriers du 10 octobre 2014 et du 20 janvier 2016, [I] [N] indique le paiement par elle de "loyers", ce qui tend à faire croire qu'elle a la qualité de locataire, qualité confirmée par un courrier du 7 avril 2017 de son conseil qui la qualifie également de locataire ; que dans plusieurs courriers elle se domicilie d'ailleurs sur place ; qu'elle n'y a jamais fait mention de la présence de [P] [E] ; Considérant que dès lors la situation présente un caractère frauduleux ; Considérant qu'au surplus que par constat d'huissier régulièrement autorisé, il a été constaté selon procès-verbal que, malgré trois visites successives, les lieux étaient inoccupés, dans un état très médiocre et sans entretien, que les sanitaires n'étaient pas utilisés depuis longtemps et étaient asséchés ; que le seul fait que du courrier récent ait été découvert sur place et que de la nourriture ait été entreposée dans le frigo ne permet pas de considérer que les lieux sont habités au sens des textes susvisés ; que les courriers découverts sur place étaient d'ailleurs adressés à cette adresse à [P] [E] et à [I] [N], qui pourtant prétend être domiciliée ailleurs, et à [A] [T] domicilié chez un tiers à une autre adresse, ce qui tend à laisser penser que les locaux constituaient un point de passage et une boîte aux lettres occasionnels entre personnes qui se connaissaient ; que les témoins sur place ont indiqué à l'huissier que les lieux étaient en réalité inoccupés depuis environ un an ; Considérant que les dispositions de la loi du 1er septembre 1948 modifiées sont dérogatoires aux règles du droit commun du bail d'habitation et restreignent les droits du propriétaire ; que notamment les modalités du bénéfice au maintien dans les lieux, qui en l'espèce dure depuis soixante-huit ans alors que personne ne paye plus de loyer, sont de droit strict ; que la seule personne qui s'est manifestée auprès du propriétaire est [I] [N] qui n'a jamais expressément déclaré souhaiter vouloir bénéficier d'une reprise des lieux, et que l'occupant épisodique de fait serait [P] [E], qui ne s'est jamais manifesté, était absent des lieux à trois reprises ainsi qu l'a constaté l'huissier alors qu'il était pourtant handicapé à 80% et disposait d'une carte à mobilité réduite avec station debout pénible, ce qui rend en théorie son absence de son domicile exceptionnelle, n'a jamais fourni le moindre élément pour justifier de son absence, n'a jamais payé un seul loyer et n'est apparu qu'en cours de procédure actionné par les appelants ; Considérant que il convient d'infirmer le jugement entrepris et de dire que [P] [E] sera débouté de toute ses demandes ; Sur les demandes des consorts [R] ; Sur les demandes des consorts [R] formées à l'encontre de [I] [N] ; Considérant qu'il résulte du sens de la présente décision et des explications des consorts [R] seront suffisamment indemnisés par le montant des chèques de [I] [N] qu'ils ont finalement encaissés ; que leur demande de dommages-intérêts de 5000€ supplémentaires sera rejetée ; Sur la demande d'indemnité d'occupation dirigée contre [P] [E] et [I] [N] ; Considérant que il est constant que l'occupation des locaux loués par [I] [N] est niée par les appelants ; qu'elle ne saurait donc être condamnée à payer une indemnité d'occupation ;Considérant que par ailleurs le constat d'huissier dressé par les appelants ne permet pas de considérer, ainsi qu'il a été vu plus haut, que [P] [E] occupait de façon durable les locaux ; que plusieurs personnes se rendaient dans cet appartement, qui était même inoccupé selon les témoins voisins ; que les appelants seront déboutés de leur demandes ; Sur la demande d'expulsion ; Considérant que il sera fait droit à la demande ; Considérant que [I] [N] et [P] [E], compte-tenu de la situation des parties, seront condamnés solidairement à payer aux consorts [R] la somme de 1200 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; PAR CES MOTIFS - Infirme le jugement entrepris ;-Dit [I] [N] irrecevable à agir au nom de [P] [E] ;-Déboute [I] [N] et [P] [E] de toutes leurs demandes ;-Ordonne l'expulsion de corps et de biens de [P] [E] et de toutes autres personnes se trouvant dans les lieux de son chef ou à quelque titre que ce soit du local à usage d'habitation et ses annexes situé [Adresse 7] (2ème étage à droit sur l'avenue, porte de droite) appartenant à M. [W] [R] et M. [J] [R] ; dit qu'il pourra être fait appel à la Force publique et à un serrurier aux frais de [P] [E] si nécessaire ;-Ordonne la séquestration des meubles et objets mobiliers pouvant se trouver dans les lieux, dans tel garde-meubles du choix des consorts [R], aux frais risques et périls de Monsieur [P] [E], -Dit que les sommes versées par chèques aux consorts [R] et encaissées par eux leur resteront acquises à titre de dommages-intérêts ;-Rejette toutes autres ou plus amples demandes ;-Condamne [I] [N] et [P] [E] solidairement à payer aux consorts [R] la somme de 1200€ sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;-Les condamne sous la même solidarité aux dépens et dit qu'ils seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
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JURITEXT000047454914
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ARRET
Cour d'appel de Paris, 18 septembre 2020, 18/063947
2020-09-18
Cour d'appel de Paris
Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
18/063947
G3
PARIS
Copies exécutoires délivrées aux parties le REPUBLIQUE FRANÇAISEAU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 4 - Chambre 3 ARRÊT DU 18 SEPTEMBRE 2020 (no /2020, pages) Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 18/06394 - No Portalis 35L7-V-B7C-B5LQA Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Février 2018 -Tribunal d'Instance de PARIS 19ème - RG no 11-17-001679 APPELANTS Madame [S] [H] épouse [E]Née le [Date naissance 1] 1987 à [Localité 9][Adresse 2] [Adresse 2][Localité 7] Monsieur [J] [E]Né le [Date naissance 4] 1975 à [Localité 8] (Mali)[Adresse 2] [Adresse 2][Localité 7] Représentés par Me Jean-Pierre BERTHILIER de la SCP BERTHILIER-TAVERDIN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0282 INTIMÉE Société REGIE IMMOBILIERE DE LA VILLE DE PARISSIRET : 552 032 708 00216Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège :[Adresse 3][Localité 6] Représentée par Me Nicolas GUERRIER de la SCP NICOLAS GUERRIER ET ALAIN DE LANGLE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0208 COMPOSITION DE LA COUR : En application : - de l'article 4 de la loi no 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19;- de l'ordonnance no 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété, notamment ses articles 1er et 8 ;- de l'ordonnance no 2020-306 du 25 mars 2020 modifiée relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période ; L'affaire a été retenue selon la procédure sans audience le 19 juin 2020, les avocats y ayant consenti expressément ou ne s'y étant pas opposés dans le délai de 15 jours de la proposition qui leur a été faite de recourir à cette procédure La cour composée comme suit en a délibéré : M. Claude TERREAUX, Président de chambreM Michel CHALACHIN, Président de chambre Mme Pascale WOIRHAYE, Conseillère ARRÊT : CONTRADICTOIRE - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par M. Claude TERREAUX, Président de chambre et par Grégoire Grospellier, Greffier, présent lors de la mise à disposition. ****FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES Par acte sous seing privé à effet du 24 août 2015, la Régie Immobilière de la Ville de Paris (la Rivp) a consenti à Monsieur [J] [E] et Madame [S] [E] née [H] un bail d'habitation soumis à la réglementation Hlm portant sur un appartement sis [Adresse 2], à [Localité 11] moyennant un loyer mensuel de 537,91 € outre 180 € de provisions sur charges. A la suite d'une enquête la Rivp a été informée que les époux [E] résident habituellement au [Adresse 5] à [Localité 10] en qualité de locataires aux termes d'un bail consenti le 7 juillet 2011, par la Société immobilière d'Economie Mixte de la Ville de Paris (Siemp). Par acte d'huissier du 17 novembre 2017, la Rivp a fait assigner Monsieur [J] [E] et Madame [S] [E] née [H] devant le Tribunal d'instance de [Localité 11] afin de solliciter la nullité du contrat de bail du fait des manoeuvres dolosives ayant vicié son consentement, l'expulsion de ceux-ci et leur condamnation à lui payer une indemnité d'occupation jusqu'au départ des lieux outre des dommages et intérêts et une indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile. Par jugement réputé contradictoire assorti de l'exécution provisoire en date du 6 février 2018, le Tribunal d'Instance de [Localité 11] a prononcé la nullité du bail consenti le 24 août 2015 par la Rivp à Monsieur [J] [E] et Madame [S] [E] née [H] pour dol de ces derniers, autorisé leur expulsion, les a condamnés in solidum à payer à la Rivp une indemnité d'occupation fixée au montant du loyer et des charges contractuels, une somme de 1.000 € de dommages et intérêts et une somme de 600 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile outre les entiers dépens. La Cour est saisie de l'appel interjeté par Monsieur [J] [E] et Madame [S] [E] née [H] à l'encontre de ce jugement selon déclaration formée le 27 mars 2018, régularisée le 29 juin 2018. Au dispositif de leurs conclusions d'appel notifiées par la voie électronique le 27 juin 2018 Monsieur [J] [E] et Madame [S] [E] née [H] sollicitent de la Cour, qu'elle : - Dise et juge recevables et bien fondés Monsieur [J] [E] et Madame [S] [E] née [H] en leur appel ; - Dise et juge que les manoeuvres dolosives au sens de l'article 1116, alinéa 1er, du Code civil n'apparaissent pas caractérisées en l'espèce ; - Infirme, en conséquence, le jugement entrepris en toutes ses dispositions ; - Déboute la Sa Rivp de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ; - Condamne la Sa Rivp à payer à Monsieur [J] [E] et Madame [S] [E] née [H] la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;- Condamne la Sa Rivp aux entiers dépens, conformément aux dispositions de l'article 696 du Code de procédure civile ; Au dispositif de ses conclusions d'intimée, portant appel incident, notifiées par la voie électronique le 31 août 2018, la Rivp sollicite de la Cour, au visa des articles 1108, 1109, 1116 alinéa 1er et 1134, anciens du Code civil, L.441-1 du Code de la construction et de l'habitation, qu'elle : - Confirme le jugement du Tribunal d'instance de Paris du 6 février 2018 en ce qu'il a : * prononcé la nullité du bail à effet du 24 août 2015, * ordonné l'expulsion de Monsieur [J] [E] et Madame [S] [E] née [H] ainsi que celle de tous occupants de leur chef si besoin est avec l'assistance de la Force Publique et d'un serrurier du logement qu'ils occupent dans l'immeuble sis [Adresse 2] à [Localité 11], *autorisé la séquestration de tous les meubles garnissant les lieux occupés aux frais des locataires,* fixé à compter des présentes l'indemnité d'occupation mensuelle au montant résultant du loyer contractuel majoré de 30% et augmentée de la provision pour charges, et condamné solidairement Monsieur [J] [E] et Madame [S] [E] née [H] au paiement des sommes dues de ce chef jusqu'à la libération définitive des lieux, - Condamne solidairement Monsieur [J] [E] et Madame [S] [E] née [H] à payer à la Rivp la somme de 1.500 € au titre des dommages et intérêts ;- Déboute Monsieur [J] [E] et Madame [S] [E] née [H] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;- Condamne solidairement Monsieur [J] [E] et Madame [S] [E] née [H] à la somme de 1.500€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens de la procédure d'appel. L'ordonnance de clôture a été prononcée le 19 juin 2020. Les conseils des parties ont accepté de déposer leurs dossiers en l'application de la procédure sans audience en vertu de l'article 8 de l'ordonnance no2020-304 du 25 mars 2020. **** MOTIFS DE L'ARRÊT Sur la nullité du bail et ses suites Les appelants font grief au premier juge d'avoir mal interprété leur situation réelle au moment de la passation du bail en date du 24 août 2015 et soutiennent que les "maladresses qui ont pu être commises par Madame [E] ne signalant pas qu'elle était séparée de fait de son mari" et que "l'attestation" de ses parents "précisant que les époux [E] étaient depuis toujours domiciliés chez eux avec leurs enfants" laquelle "n'était pas tout à fait conforme à la situation du couple " n'ont pas été déterminantes dans l'attribution du nouveau logement par la RIVP, y compris au regard des critères de l'article L 441-1 du Code de la Construction et de l'Habitation. Sur ce, il résulte de l'article 1116 ancien du Code civil, applicable à la présente instance, que "le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté". Aux termes de l'article L441-1 k) du Code de la construction et de l'habitation les logements sociaux doivent être attribués prioritairement aux personnes dépourvues de logement, y compris celles qui sont hébergées par des tiers. Or, la Commission d'attribution du logement a apprécié la situation de Monsieur et Madame [E] comme étant un couple marié, avec deux enfants sans logement et vivant depuis de longue date chez Monsieur [H], le père de Madame [E] en se fondant sur les déclarations des signataires et les motifs expressément décrits comme étant : "Décohabitation, sans logement ou hébergé ou en logement temporaire, rapprochement de la famille, trop petit". Ce travestissement intentionnel de la réalité a trompé la commission et par conséquent le bailleur qui ignorait lors de la passation du bail que les appelants étaient domiciliés au [Adresse 5] à [Localité 10] où ils étaient titulaires d'un bail conventionné depuis le 7 juillet 2011, consenti par la Société immobilière d'Economie Mixte de la Ville de Paris et n'en avaient pas donné congé. C'est donc par des motifs pertinents que, tirant exactement les conséquences habituelles en la matière et que la Cour adopte, le premier juge a prononcé la nullité du contrat de bail pour vice du consentement du bailleur par dol et ordonné l'expulsion des appelants, à défaut de départ volontaire des lieux, et les a condamnés in solidum au paiement d'une indemnité d'occupation telle que fixée. Sur la demande de dommages et intérêts formulée par la Rivp A titre d'appel incident, la Rivp porte à 1.500 € sa demande de dommages et intérêts formée au titre du préjudice que lui a causé le comportement de Monsieur [J] [E] et Madame [S] [E] née [H] à avoir en court-circuité le processus d'attribution des logements sociaux. Ces derniers n'ont fait valoir aucune argumentation à cet égard. Aucun élément nouveau ne commandant cependant une augmentation au quantum en instance d'appel, cette demande est rejetée. Sur les frais irrépétibles et les dépens Monsieur [J] [E] et Madame [S] [E] née [H], qui succombent en leur appel, seront condamnés in solidum aux dépens d'appel et à verser à la Rivp la somme de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, leur propre demande du même chef étant rejetée. **** PAR CES MOTIFS La Cour statuant en dernier ressort par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, CONFIRME le jugement du tribunal d'instance de [Localité 11] en date du 6 février 2018 en toutes ses dispositions ; Y ajoutant, DÉBOUTE Monsieur [J] [E] et Madame [S] [E] née [H] de leur demande sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; CONDAMNE in solidum Monsieur [J] [E] et Madame [S] [E] née [H] à verser à la Régie Immobilière de la Ville de Paris la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; DÉBOUTE Monsieur [J] [E] et Madame [S] [E] née [H] de leur demande du même chef ; CONDAMNE in solidum Monsieur [J] [E] et Madame [S] [E] née [H] aux dépens d'appel. LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
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JURITEXT000047454915
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ARRET
Cour d'appel de Paris, 18 septembre 2020, 19/053307
2020-09-18
Cour d'appel de Paris
Constate ou prononce le désistement d'instance et/ou d'action
19/053307
G1
PARIS
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISEdélivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS Cour d'appel de ParisPôle 4 - chambre 1 Arrêt du 18 septembre 2020 (no /2020, pages) Numéro d'inscription au répertoire général : RG 19/05330 -Portalis 35L7-V-B7D-B7P2M Décision déférée à la cour : jugement du 19 novembre 2018 -tribunal de grande instance de Bobigny - RG 17/08998 APPELANT Monsieur [X] [P][Adresse 2][Localité 4] Représenté par Me Fabien Barbudaux-Le Feuvre de la SCP BBO, avocat au barreau de Paris, toque : R057 INTIMÉE SCI Rosiers[Adresse 1][Localité 3] Représentée par Me Jean-Louis Israël, avocat au barreau de Paris, toque : D1131 Composition de la cour : En application des dispositions de l'article 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 1 juillet 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Monique Chaulet, conseiller, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : M. Claude Creton, présidentMme Christine Barberot, conseillère Mme Monique Chaulet, conseillère Greffier, lors des débats : M. Grégoire Grospellier Arrêt :- contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.- signé par Claude Creton, Président et par Grégoire Grospellier, greffier lors de la mise à disposition. *** M. [X] [P] a interjeté appel d'un jugement rendu par le tribunal de grande instance de Bobigny le 19 novembre 2018 qui l'a débouté de ses demandes et condamné à payer à la SCI Rosiers la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles de la procédure. Par conclusions signifiées par RPVA le 11 mars 2020, M. [P] demande à la cour, au visa des dispositions des articles 400 et 401 du code de procédure civile, de lui donner acte de son désistement d'instance et d'action et de dire que chaque partie conservera ses propres dépens. Par conclusions signifiées par RPVA le 16 mars 2020, la SCI Rosiers a déclaré accepter le désistement de M. [P] et demande à la cour de dire le désistement parfait et de dire que chaque partie conservera ses propres dépens. La clôture de l'instruction a été ordonnée le 18 juin 2020. SUR CE, M. [P] a déclaré se désister de son appel et la SCI Rosiers, intimée, a déclaré l'accepter. Le désistement est donc parfait et il convient de constater le désistement d'instance et d'action de M. [P] et de dire que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens. Le désistement emporte extinction de l'instance et dessaisissement de la cour. PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, la cour, Donne acte à M. [P] de son désistement d'instance et d'action, Constate l'extinction de l'instance et le dessaisissement de la cour, Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens. Le greffier, Le président,
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JURITEXT000047454916
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ARRET
Cour d'appel de Paris, 18 septembre 2020, 18/044307
2020-09-18
Cour d'appel de Paris
Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
18/044307
G3
PARIS
Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISEdélivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 4 - Chambre 3 ARRÊT DU 18 SEPTEMBRE 2020 (no /2020, pages) Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 18/04430 - No Portalis 35L7-V-B7C-B5FBX Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Janvier 2018 -Tribunal d'Instance de Fontainebleau - RG no 11-17-000349 APPELANTS M. [B] [X]Né le [Date naissance 2] 1950 à [Localité 11] (24)[Adresse 8][Localité 7] Mme [I] [E] épouse [X]Née le [Date naissance 5] 1951 à [Localité 10] (37)[Adresse 8][Localité 7] Représentés par Me Flavie MARIS-BONLIEU de la SCP BOUAZIZ - SERRA-AYALA - BONLIEU, avocat au barreau de FONTAINEBLEAU INTIMÉS M. [R] [F]Né le [Date naissance 1] 1946 à [Localité 9] [Adresse 3][Localité 6] Mme [U] [K] épouse [F]Née le [Date naissance 4] 1948 à [Localité 12] [Adresse 3][Localité 6] Représentés par Me Patrick COMBES de la SELARL DBCJ AVOCATS, avocat au barreau de Fontainebleau COMPOSITION DE LA COUR : En application : - de l'article 4 de la loi no 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19;- de l'ordonnance no 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété, notamment ses articles 1er et 8 ;- de l'ordonnance no 2020-306 du 25 mars 2020 modifiée relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période ; L'affaire a été retenue selon la procédure sans audience le 12 juin 2020, les avocats y ayant consenti expressément ou ne s'y étant pas opposés dans le délai de 15 jours de la proposition qui leur a été faite de recourir à cette procédure; La cour composée comme suit en a délibéré : M. Claude TERREAUX, Président de chambre M Michel CHALACHIN, Président de chambre Mme Pascale WOIRHAYE, Conseillère ARRÊT : CONTRADICTOIRE - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par M. Claude TERREAUX, Président de chambre et par Grégoire Grospellier Greffier présent lors du de la mise à disposition EXPOSÉ DU LITIGE Par acte sous seing privé du 10 septembre 2003, M. et Mme [R] [F]-[K] ont donné à bail à M. et Mme [B] [X]-[E] un logement situé [Adresse 8] à [Localité 7]. Le 8 septembre 2016, le bailleur a fait délivrer à M. [X] seul un commandement de payer la somme de 4 365,69 euros au titre des loyers et charges échus au mois de septembre 2016. Les époux [X] ont réglé la somme de 3 500 euros le 3 octobre 2016, puis celle de 999,61 euros le 26 octobre 2016. M. [F] a ensuite fait délivrer à Mme [X], le 17 février 2017, le même commandement de payer que celui délivré à son époux et portant sur la somme de 4 365,69 euros. Par acte d'huissier du 14 avril 2017, le bailleur a fait assigner les preneurs devant le tribunal d'instance de Fontainebleau afin de voir constater l'acquisition de la clause résolutoire du bail ou, subsidiairement, voir prononcer la résiliation du bail, et obtenir le paiement de l'arriéré de loyers ; Mme [F] est intervenue volontairement à l'instance. Par jugement du 19 janvier 2018, le tribunal a :- débouté les époux [F] de leur demande tendant au constat de l'acquisition de la clause résolutoire du bail,- prononcé la résiliation de celui-ci,- ordonné l'expulsion des occupants du logement,- condamné les preneurs au paiement d'une indemnité d'occupation mensuelle égale au montant du loyer et des charges qui auraient été dus si le bail s'était poursuivi, à compter de la résiliation du bail et jusqu'à la libération effective des lieux,- débouté les époux [F] de leurs autres demandes,- débouté les époux [X] de leur demande reconventionnelle d'expertise,- condamné M. et Mme [X] à payer aux époux [F] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,- condamné M. et Mme [X] aux dépens,- ordonné l'exécution provisoire du jugement. Par déclaration reçue au greffe de la cour le 27 février 2018, M. et Mme [X] ont interjeté appel de cette décision. Par dernières conclusions notifiées le 26 mars 2020, les appelants demandent à la cour de: - confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande d'acquisition de la clause résolutoire,- l'infirmer pour le surplus,- débouter les époux [F] de leur demande de résiliation judiciaire du bail et de leur demande d'expulsion compte tenu du règlement intégral des loyers,- en tout état de cause, constater que cette demande est sans objet dès lors qu'ils ont quitté les lieux le 2 novembre 2018,- condamner les époux [F] solidairement au paiement de la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour trouble de jouissance et celle de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens. Par dernières conclusions notifiées le 1er avril 2020, M. et Mme [F] demandent à la cour de :- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,- condamner les appelants in solidum au paiement de la somme de 1 368,67 euros au titre du solde des loyers, - débouter M. et Mme [X] de leurs demandes,- les condamner in solidum au paiement d'une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens. Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d'autre pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions. L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 juin 2020. MOTIFS Sur la demande de résiliation du bail Dans la mesure où l'arriéré locatif de 4 365,69 euros visé dans les commandements de payer délivrés le 8 septembre 2016 à M. [X] et le 17 février 2017 à son épouse avait été réglé les 3 et 26 octobre 2016, soit dans les deux mois ayant suivi la délivrance du premier de ces actes, c'est à bon droit que le tribunal a rejeté la demande visant à voir constater l'acquisition de la clause résolutoire du bail ; le fait que des loyers postérieurs à la délivrance de ces actes soient restés impayés importe peu, dès lors que les règlements effectués en octobre 2016 s'imputaient sur les dettes les plus anciennes, en l'occurrence les loyers visés dans les commandements de payer. Le tribunal a toutefois prononcé la résiliation du bail aux torts des preneurs en raison de la multiplication des retards de paiement du loyer depuis 2009 et du montant de la dette au mois de septembre 2016. Il est vrai que le décompte produit par les bailleurs révèle que, depuis 2009, les incidents de paiement se sont multipliés ; si la dette, qui s'élevait à 4 365,69 euros au mois de septembre 2016, a été apurée en octobre 2016, des incidents de paiement sont ensuite réapparus et ont continué jusqu'en juin 2017 ; même si, lorsque le jugement a été rendu, les époux [X] étaient à jour de leurs loyers, la multiplication des manquements à leur obligation essentielle de payer les loyers à la date prévue au contrat justifiait d'être sanctionnée. Compte tenu de ces éléments, c'est à juste titre que le tribunal a estimé que les manquements imputables aux preneurs étaient suffisamment graves pour justifier la résiliation du bail. Le jugement doit donc être confirmé sur ce point. Sur la dette locative Le décompte produit par les bailleurs fait apparaître que les preneurs étaient redevables de la somme de 1 368,67 euros lorsqu'ils ont libéré les lieux le 2 novembre 2018. Cependant, cette dette a d'ores et déjà été déduite du dépôt de garantie dont la restitution a été ordonnée par le tribunal d'instance dans son jugement du 6 septembre 2019 qui n'a pas été frappé d'appel ; la cour n'a donc pas à statuer sur la demande en paiement formulée par les intimés, ceux-ci ayant été condamnés au paiement du solde du dépôt de garantie par le tribunal, soit la somme de 211,33 euros, après déduction de la dette locative susvisée. Sur la demande indemnitaire présentée par les appelants Les preneurs font état d'un dégât des eaux qui se serait produit le 3 novembre 2013 en raison d'un désordre affectant la toiture de l'immeuble ; mais, si un constat de dégât des eaux a bien été établi à cette date, aucune autre pièce ne permet de savoir quelle suite a été donnée à ce sinistre ; en particulier, les appelants ne justifient pas avoir adressé une réclamation à leurs bailleurs au sujet de ce sinistre. Les époux [X] produisent un autre constat amiable de dégât des eaux en date du 5 février 2017 ; mais les bailleurs produisent une facture en date du 13 février 2017 prouvant qu'ils ont fait procéder au remplacement d'un joint sur l'alimentation de la baignoire, ce qui démontre qu'ils ont agi avec célérité pour faire réparer la fuite dont avaient été victimes les preneurs. Les appelants se plaignent ensuite d'un défaut de conformité de la chaudière, dont le vase d'expansion ne fonctionnait plus ; mais, alors qu'ils avaient adressé aux bailleurs une réclamation à ce sujet le 29 septembre 2017, ils produisent eux-mêmes une facture relative à la vérification de la pression du vase d'expansion et à la remise en route de la chaudière en date du 10 octobre 2017 et mentionnant que ces travaux ont été réalisés le 29 septembre 2017, ce qui prouve que les bailleurs ont satisfait leur demande le jour-même ; là encore, aucun reproche ne peut donc être formulé à l'encontre des époux [F]. Les appelants évoquent également une fuite de la chaudière qui serait survenue le 5 novembre 2017 et produisent à cet égard deux lettres de réclamation en date des 21 et 30 novembre 2017 ; mais ils déclarent eux-mêmes dans leurs conclusions que la chaudière a été changée le 7 février 2018, ce qui démontre que les bailleurs ont fait le nécessaire pour mettre fin au désordre. Les époux [X] produisent par ailleurs différents devis datant de 2013, 2014 et 2017, mais ces pièces sont insuffisantes à démontrer des manquements imputables aux propriétaires quant à leur obligation de délivrance, le fait de demander des devis à des entreprises ne permettant pas de prouver que des travaux de remise en état étaient nécessaires. C'est donc à bon droit que le tribunal a refusé d'ordonner l'expertise sollicitée par les appelants. Pour les mêmes motifs, la demande indemnitaire présentée par les appelants n'est pas justifiée et doit être rejetée. Sur les dépens et les frais irrépétibles Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a condamné les époux [X] au paiement des dépens. Les appelants étant déboutés de leurs demandes formées devant la cour, il convient de les condamner aux dépens de la procédure d'appel et de les débouter de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile. L'équité commande d'allouer aux intimés la somme supplémentaire de 1 000 euros sur le fondement de ce texte. PAR CES MOTIFS : La Cour, CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions, Y ajoutant : DÉBOUTE M. et Mme [X]-[E] de leurs demandes formées devant la cour, CONDAMNE M. et Mme [X]-[E] in solidum à payer la somme supplémentaire de 1 000 euros aux époux [F]-[K] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, CONDAMNE M. et Mme [X]-[E] aux dépens d'appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
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JURITEXT000047454917
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ARRET
Cour d'appel de Paris, 18 septembre 2020, 18/084907
2020-09-18
Cour d'appel de Paris
Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
18/084907
G3
PARIS
Copies exécutoires délivrées aux parties le REPUBLIQUE FRANÇAISEAU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 4 - Chambre 3 ARRÊT DU 18 SEPTEMBRE 2020 (no /2020, pages) Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 18/08490 - No Portalis 35L7-V-B7C-B5SN6 Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 Janvier 2018 -Tribunal d'Instance de MEAUX - RG no 11-17-000494 APPELANTE Société N2JSIRET : 483 532 230 00016Prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège :[Adresse 2][Localité 4] Représentée par Maître Maria Isabel CALCADA de la SELARL CALCADA-TOULON-LEGENDRE, avocat au barreau de MEAUX, Ayant pour avocat plaidant Maître EZ-ZAHER Mouniz, avocat au Barreau de MEAUX INTIMÉE Madame [U] [G]Née le [Date naissance 1] 1944 à [Localité 7][Adresse 3][Localité 5] Représentée par Me Yann ROCHER, avocat au barreau de Meaux COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Juillet 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Pascale WOIRHAYE, Conseillère, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : M Claude TERREAUX, Président chambre M Michel CHALACHIN, Président chambre Mme Pascale WOIRHAYE, Conseillère Greffier, lors des débats : Mme Viviane REA ARRÊT : CONTRADICTOIRE - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par M. Claude TERREAUX, Président et par Grégoire Grospellier, Greffier, présent lors de la mise à disposition. *** Par acte sous seing privé du 28 février 2009, la Sci N2J a donné à bail à Monsieur et Madame [G] un appartement sis [Adresse 3] à [Localité 6] moyennant un loyer mensuel d'un montant initial de 700 €. Par assignation du 29 mai 2015, la Sci N2J a saisi le Tribunal d'instance de Meaux pour solliciter l'expulsion de Monsieur et Madame [G], devenus occupants sans titre à compter du 1er mars 2015 par l'effet de la notification restée sans suite de leur part d'un congé aux fins de vente le 12 juin 2014 à effet au 28 février 2015. Parallèlement à cette procédure, la Sci N2J a fait assigner le 21 avril 2016 les époux [G] devant le Tribunal d'instance de Meaux statuant en référé pour faire constater l'acquisition de la clause résolutoire, obtenir leur expulsion et leur condamnation à la somme provisionnelle de 7.987,63 € au titre d'un arriéré de loyers. Par ordonnance du 15 novembre 2016, le président du Tribunal d'instance a condamné les époux [G] au paiement d'une provision de 7.000 € au titre d'arriérés de loyer arrêtés au mois d'octobre 2016, et retenu 1'existence d'une contestation sérieuse pour le surplus. Par jugement au fond exécutoire par provision en date du 7 décembre 2016, le Tribunal d'instance de Meaux a constaté que le congé donné le 12 juin 2014 n'était pas valable en l'absence d'une offre de relogement et que le bail était reconduit tacitement, il a débouté en conséquence la Sci N2J de ses demandes d'expulsion et d'indemnité d'occupation et condamné Monsieur et Madame [G] à lui payer la somme de 12.627,13 € au titre de loyers impayés arrêtés au 4 octobre 2016, avec intérêts au taux légal, et celle de 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile outre les dépens. Par exploit d'huissier du 8 février 2017, la société N2J a fait signifier à Madame [U] [G] et Monsieur [N] [G] un commandement de payer visant la clause résolutoíre du bail pour paiement de la somme en principal de 15.003,51 €, au titre des loyers et charges arrêtés au 10 janvier 2017. Par exploit d'huissier du 5 avril 2017, la Sci N2J a fait assigner Madame [U] [G] et Monsieur [N] [G] devant le Tribunal d'instance de Meaux, aux fins de voir, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :- constater l'acquisition de la clause résolutoíre insérée dans le contrat de bail à compter du 8 décembre 2015,- constater que Madame [U] [G] et Monsieur [N] [G] sont occupants sans droit ni titre de l'appartement depuis le 8 décembre 2015,- ordonner l'expulsion de Madame [U] [G] et Monsieur [N] [G] faute d'avoir libéré les lieux sous huitaine,- condamner solidairement Madame [U] [G] et Monsieur [N] [G] à payer à la Sci N2J la somme de 2.953,72 € correspondant aux arriérés de loyers dus depuis le 1er novembre 2016 et arrêtés au 1er avril 2017, somme à parfaire jusqu'au jour du prononcé du jugement,- condamner solidairement Madame [U] [G] et Monsieur [N] [G] à payer à la SCI N2J une indemnité d'occupation mensuelle égale au loyer courant et aux charges à compter du jugement jusqu'à complet déménagement et restitution des clés,- condamner Madame [U] [G] et Monsieur [N] [G] à payer à la SCI N2J la somme de 1000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,- condamner Madame [U] [G] et Monsieur [N] [G] aux dépens, Le 21 septembre 2017, Monsieur [N] [G] est décédé. Par jugement contradictoire en date du 31 janvier 2018, le Tribunal d'instance de Meaux a déclaré irrecevable 1'action en expulsion de la Sci N2J et l'a déboutée de sa demande d'indemnité d'occupation à l'encontre de Madame [G], condamné Madame [G] à payer à la Sci N2J la somme de 10.897,10 € au titre des loyers et charges dus entre le 5 octobre 2016 et le 1er décembre 2017 (mensualité de décembre 2017 incluse), assortie des intérêts au taux légal ; accordé un délai de grâce à Madame [G] pour le paiement de cette somme en 23 mensualités de 100 € chacune et le solde la 24ème et dit qu'à défaut de paiement d'une seule mensualité à son échéance après une mise en demeure restée infructueuse durant 15 jours, l'échelonnement sera caduc et la totalité de la somme restant due deviendra immédiatement exigible. La Cour est saisie de l'appel formé par la Sci N2J à l'encontre de ce jugement selon déclaration en date du 25 avril 2018. Au dispositif de ses dernières conclusions d'appel notifiées par la voie électronique le 30 décembre 2018, la Sci N2J sollicite de la Cour, au visa des articles 1134 du code civil (ancienne rédaction), 695, 696 et 700 du code de procédure civile et 7 de la loi no 89-462 du 6 juillet 1989, qu'elle :? Déclare recevable et fondé l'appel interjeté par la Sci N2J du jugement en date du 31 janvier 2018 rendu par le Tribunal d'Instance de Meaux ;Y faisant droit,? Infirme la décision entreprise en ce qu'elle a :- déclaré irrecevable l'action en expulsion de la société N2J,- débouté la société N2J de sa demande de constat d 'acquisition de la clause résolutoire,- débouté la société N2J de sa demande tendant à voir Madame [U] [G] condamnée au paiement d 'une indemnité d 'occupation,- accordé un délai de grâce à Madame [U] [G] pour le paiement de la somme de 10 897, 20€ au titre des loyers et charges échus dus entre le 5octobre 2016 et le 1er décembre 2017 (mensualité de décembre 2017 incluse) assortie des intérêts au taux légal à compter de la présente décision,- autorisé Madame [U] [G] à s'acquítter de la dette en 23 mensualités d 'un montant minimum de 100€ chacune, en plus du loyer courant, et une 24ème mensualité correspondant au solde de la dette (due en principal, frais et intérêts), payables le 10 de chaque mois, et pour la première fois le 10 du mois suivant la signification de la présente décision,- rappelé que conformément à l 'article 1343-5 du code civil, la décision du juge suspend les procédures d 'exécution qui auraient été engagées par le créancier, les majorations d 'intérêts ou les pénalités encourues à raison du retard cessent d 'être dues pendant le délai fixé par le tribunal,- dit qu'à défaut de paiement d 'une seule mensualité à son échéance, après une mise en demeure restée infructueuse durant quinze jours, l 'échelonnement sera caduc, la totalité de la somme restant due deviendra immédiatement exigible et la clause résolutoire reprendra ses effets,- débouté la société N2J de sa demande fondée sur l 'article 700 du code de procédure civile ;Et, statuant à nouveau,? Déclare recevable l'action en expulsion de la société N2J ;? Constate que dans le délai de deux mois ayant suivi la signification du commandement de payer en date du 08 février 2017, Madame [U] [G] n'a pas réglé l'intégralité du montant des loyers et charges locatives réclamés ;En conséquence,? Constate l'acquisition de la clause résolutoire insérée dans le contrat de bail en date du 28 février 2009 au 8 avril 2017 ;? prononce l'expulsion de Madame [U] [G] des lieux qu'elle occupe sis [Adresse 3] à [Localité 6], ainsi que de tous occupants de son chef, en la forme ordinaire et avec l'assistance du commissaire de police et de la force publique si besoin est ;? Condamne Madame [U] [G] à quitter les lieux loués sous astreinte de 200 € par jour de retard à compter du prononcer de la décision à intervenir, et ce jusqu'au jour de la complète libération des lieux ;? Ordonne le transport des meubles et objets mobiliers garnissant les lieux dans un garde-meuble ou tel autre lieu au choix du bailleur, aux frais, risques et périls de la défenderesse ;? Rappelle que si la personne expulsée ne les retire pas dans le délai imparti, les meubles peuvent être vendus ou déclarés abandonnés sur autorisation du Juge de l'exécution ;? Condamne Madame [U] [G] au paiement d'une indemnité d'occupation égale au montant du loyer et des charges à compter du 8 avril 2017 jusqu'à la libération effective des lieux ;? Rejette l'ensemble des demandes, fins et prétentions de Madame [U] [G] notamment relatives à des délais de paiement;? Condamne Madame [U] [G] à payer à la Sci N2J la somme de 2000 € par application de l'article 700 du Code de procédure civile ;? Condamne Madame [U] [G] en tous les dépens ;? Dise que ceux d'appel pourront être recouvrés directement par Maître Marie Isabel Calcada, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile. Au dispositif de ses conclusions d'intimée comportant appel incident notifiées par la voie électronique le 5 septembre 2018, Madame [U] [G] sollicite de la Cour, au visa des articles 1104 nouveau du Code civil, 1231-3 nouveau du Code civil et l'article 32-1 du Code de procédure civile, qu'elle :A titre principal :? Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la Sci N2J de sa demande d'expulsion et accordé des délais de paiement à Madame [G] pour apurer sa dette locative ;? Débouter la Sci N2J de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;Y ajoutant,? Accorde à Madame [G] un délai de 36 mois pour solder la dette locative et se reloger ;? Condamne la Sci N2J à payer à Madame [G] la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 32-1 du Code de procédure civile ;? Condamne la Sci N2J à payer à Madame [G] la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 1231-3 nouveau du Code civil ;? Condamne la Sci N2J à Madame [G] la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;? Condamne la Sci N2J aux entiers dépens. L'ordonnance de clôture a été prononcée le 18 juin 2020. MOTIFS DE L'ARRÊT Sur la recevabilité de la demande de constatation de l'acquisition de la clause résolutoire du bail et les demandes qui en découlent Aux termes de l'article 24 III de la loi du 6 juillet 1989, à peine d'irrecevabilité de la demande, l'assignation aux fins de constat de la résiliation est notifiée à la diligence de l'huissier de justice au représentant de l'Etat dans le département, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, au moins deux mois avant l'audience, afin qu'il saisisse l'organisme compétent désigné par le plan départemental d'action pour le logement et l'hébergement des personnes défavorisées. La Sci N2J verse en cause d'appel en pièce 17 la copie de la lettre en date du 5 avril 2017 de dénonciation de l'assignation du 5 avril 2017 pour l'audience du 7 juin 2017 par l'huissier Selarl Acthuis comportant copie de l'avis de réception en recommandé, qu'il lui avait été reproché de ne pas produire en première instance. Néanmoins, ainsi que le souligne à juste titre Madame [U] [G], l'avis de recommandé ne fait pas mention de sa réception par la Préfecture, de sorte que la Cour n'est pas mise en mesure de vérifier le délai ; il sera ajouté que cet avis porte le même numéro (AR 1A142832 06257) que celui de l'avis de dénonciation du commandement de payer à la Ccapex afférent au courrier de la même étude du 9 février 2017 produits en pièces 18 et 20, ce qui ajoute au caractère non probant de ce document. L'appelante échoue donc à démontrer que la procédure est régulière. En conséquence, le jugement est confirmé en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action en demande en constat de l'acquisition de la clause résolutoire et a rejeté les demandes consécutives tendant à l'expulsion et au paiement d'une indemnité d'occupation. Sur les demandes reconventionnelles de Madame [U] [G] S'agissant de la demande de délai de paiement Il n'y a pas lieu d'octroyer à Madame [U] [G] de délai supplémentaire à ceux qu'elle a obtenus en première instance et qu'elle n'a d'ailleurs pu respecter. Sa demande est rejetée. S'agissant de la demande en paiement d'une amende civile C'est à bon droit que le premier juge a rappelé que l'amende civile ne bénéficie pas à la partie qui invoque l'article 32-1 du Code de procédure civile. En l'espèce, il n'y a pas lieu de la prononcer. S'agissant de la demande de dommages et intérêts pour procédures à répétition Le fait que la Sci N2J succombe en son appel ne suffit pas à démontrer que cette voie de recours ait été exercée abusivement. Si Madame [U] [G] a pu échapper à plusieurs reprises à une mesure d'expulsion demandée contre elle à compter de 2015, c'est pour des raisons procédurales qui ne prouvent pas en elles-mêmes une intention malveillante du bailleur, lequel était fondé à recouvrer en justice les loyers que Madame [U] [G], devenue veuve, n'est plus en mesure d'acquitter, alors qu'elle n'effectue aucune démarche pour se reloger dans des conditions adaptées à ses ressources et besoins. Le jugement est confirmé en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts. Sur les frais irrépétibles et les dépens En considération de l'équité, chaque partie conservera à sa charge ses propres frais irrépétibles. En application de l'article 696 du Code de procédure civile, les dépens d'appel seront mis à la charge de la Sci N2J qui succombe en son recours, le jugement déféré étant par ailleurs confirmé quant aux dépens. PAR CES MOTIFS La Cour statuant en dernier ressort par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, CONFIRME le jugement du Tribunal d'instance de Meaux en date du 31 janvier 2018 en toutes ses dispositions ; Y ajoutant, DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ; CONDAMNE la Sci N2J aux dépens d'appel. LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
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JURITEXT000047454918
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ARRET
Cour d'appel de Paris, 18 septembre 2020, 18/041907
2020-09-18
Cour d'appel de Paris
Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
18/041907
G3
PARIS
Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISEdélivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 4 - Chambre 3 ARRÊT DU 18 SEPTEMBRE 2020 (no /2020, pages) Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 18/04190 - No Portalis 35L7-V-B7C-B5EJJ Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Novembre 2017 -Tribunal d'Instance de Melun - RG no 11-17-001957 APPELANT Monsieur [C] [H]Né le [Date naissance 3] 1970 à [Localité 5] (Maroc)[Adresse 2][Localité 4] Représenté par Me Nadia BORRULL, avocat au barreau de PARIS, toque : E0470(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2017/058187 du 05/02/2018 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS) INTIMÉE EPIC OPH77SIRET: 277 700 019 00015[Adresse 1][Localité 4] Représentée par Me Olivier LAURENT, avocat au barreau de MELUN COMPOSITION DE LA COUR : En application : - de l'article 4 de la loi no 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19;- de l'ordonnance no 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété, notamment ses articles 1er et 8 ;- de l'ordonnance no 2020-306 du 25 mars 2020 modifiée relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période ; L'affaire a été retenue selon la procédure sans audience le 12 juin 2020, les avocats y ayant consenti expressément ou ne s'y étant pas opposés dans le délai de 15 jours de la proposition qui leur a été faite de recourir à cette procédure; La cour composée comme suit en a délibéré : M. Claude TERREAUX, Président de chambre M Michel CHALACHIN, Président de chambre Mme Pascale WOIRHAYE, Conseillère ARRÊT : CONTRADICTOIRE - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par M. Claude Terreaux, Président de chambre et par Grégoire Grospellier, Greffier, présent lors de la mise à disposition. EXPOSÉ DU LITIGE Par acte sous seing privé du 17 mars 2016, l'office public de l'habitat de Seine-et-Marne-OPH 77 a donné à bail à M. [C] [H] un logement situé [Adresse 2]. Le 6 octobre 2016, le bailleur a fait délivrer au preneur un commandement de payer la somme de 732,48 euros et d'avoir à justifier de la souscription d'un contrat d'assurance contre les risques locatifs. Par acte d'huissier du 6 juin 2017, le bailleur a fait assigner le preneur devant le tribunal d'instance de Melun afin de voir constater l'acquisition de la clause résolutoire du bail et obtenir le paiement de l'arriéré de loyers. Par jugement du 14 novembre 2017, le tribunal a :- constaté l'acquisition de la clause résolutoire au 7 novembre 2016,- ordonné l'expulsion des occupants du logement,- condamné le preneur au paiement d'une indemnité d'occupation mensuelle égale au montant du loyer et des charges qui auraient été dus si le bail s'était poursuivi, à compter du 8 novembre 2016 et jusqu'à la libération effective des lieux, et de la somme de 3 830,84 euros au titre de l'arriéré de loyers, charges et indemnités d'occupation au 5 octobre 2017, mensualité de septembre incluse, et ce avec intérêts au taux légal à compter du 6 juin 2017 sur la somme de 3 291,86 euros et du jugement pour le surplus,- dispensé M. [H] du paiement d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,- condamné M. [H] aux dépens comprenant le coût du commandement de payer, de l'assignation, de sa dénonciation au préfet et des frais afférents aux actes requis pour l'exécution du jugement,- ordonné l'exécution provisoire du jugement. Par déclaration reçue au greffe de la cour le 23 février 2018, M. [H] a interjeté appel de cette décision. Par dernières conclusions notifiées le 16 avril 2018, l'appelant demande à la cour de :- infirmer le jugement entrepris,- dire que le bailleur sera condamné à lui délivrer un nouveau bail,- condamner le bailleur aux dépens. Par dernières conclusions notifiées le 29 mai 2018, l'OPH 77 demande à la cour de :- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,- condamner l'appelant au paiement de la somme de 472,24 euros au titre des indemnités d'occupation impayées au 23 avril 2018, sauf à parfaire, - débouter M. [H] de ses demandes,- le condamner au paiement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens. Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d'autre pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions. L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 juin 2020. MOTIFS M. [H] conteste le montant de l'arriéré locatif, soutenant que le décompte produit comporterait des anomalies ; mais le dernier décompte produit par le bailleur, purgé de tous frais de recouvrement, fait clairement apparaître que le preneur était encore redevable de la somme de 472,24 euros au 23 avril 2018 ; le jugement sera donc infirmé quant au montant de la dette locative. Concernant la résiliation du bail, l'appelant produit une attestation d'assurance couvrant la période du 11 novembre 2017 au 31 mars 2018 ; il ne justifie pas avoir assuré le bien loué dans le mois ayant suivi la délivrance du commandement du 6 octobre 2016 ; de plus, la période couverte est postérieure à l'audience qui s'est tenue devant le tribunal ; enfin, il ne justifie pas avoir assuré le bien postérieurement au 31 mars 2018. C'est donc à bon droit que le tribunal a constaté l'acquisition de la clause résolutoire du bail au 7 novembre 2016 sur le fondement de l'article 7 de la loi du 6 juillet 1989, avec toutes conséquences de droit. Pour ce qui concerne le protocole d'accord signé avec le bailleur le 30 janvier 2018, l'OPH 77 justifie l'avoir dénoncé le 30 mars 2018, en raison du non-respect de ses termes par l'appelant. Le jugement doit donc être confirmé en toutes ses dispositions, sauf à modifier le montant de la dette locative. L'équité commande d'allouer à l'intimé la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS : La Cour, CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qui concerne le montant de la dette locative, Statuant à nouveau sur ce point : CONDAMNE M. [C] [H] à payer à l'office public de l'habitat de Seine-et-Marne- OPH 77 la somme de 472,24 euros au titre des indemnités d'occupation dues au 23 avril 2018, Y ajoutant : DÉBOUTE M. [H] de toutes ses demandes formées devant la cour, Le CONDAMNE à payer à l'OPH 77 la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, CONDAMNE M. [H] aux dépens d'appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
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ARRET
Cour d'appel de Paris, 18 septembre 2020, 18/079657
2020-09-18
Cour d'appel de Paris
Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
18/079657
G3
PARIS
Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISEdélivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D'APPEL DE PARISPôle 4 - Chambre 3 ARRÊT DU 18 SEPTEMBRE 2020 (no , pages) Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 18/07965 - No Portalis 35L7-V-B7C-B5QXI Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Septembre 2017 -Tribunal d'Instance de 19ème Arrondissement de PARIS - RG no 11-15-001943 APPELANTE Société MEAUX RENTAL INTERNATIONALSIRET : 425 103 165 00014Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège :[Adresse 1][Localité 2] Représentée par Me Bénédicte DE LAVENNE-BORREDON de la SELARL DOUCHET DE LAVENNE Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : J131 INTIMÉ Monsieur [S] [M][Adresse 1][Localité 2] Défaillant :Assignation devant la cour d'appel de Paris du 29 juin 2018, par procès verbal de recherches infructueuses, conformément à l'article 659 du code de procédure civile. COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Juillet 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Pascale WOIRHAYE, Conseillère, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : M Claude TERREAUX, Président chambre M Michel CHALACHIN, Président chambre Mme Pascale WOIRHAYE, Conseillère Greffier, lors des débats : Mme Viviane REA ARRÊT : RENDU PAR DÉFAUT - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Claude Terreaux, Président de chambre, et par Grégoire Grospellier, Greffier, présent lors de la mise à disposition. **** FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES Par acte d'huissier en date du 12 novembre 2015, Monsieur [S] [M], se prévalant d'un contrat de bail consenti par la Sci Meaux Rental International, l'a fait assigner devant le Tribunal d'instance de Paris 19ème aux fins d'obtenir avec exécution provisoire, sa condamnation à procéder à sa réintégration dans les lieux loués et ce avec le concours de la force publique et sous astreinte de 100 € par jour de retard des la signification de la décision à intervenir, ou à titre subsidiaire à le reloger sous même astreinte, et à lui verser la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel, celle de 10.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral, et une indemnité de 1.000 € en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, outre les dépens. Par jugement contradictoire exécutoire par provision en date du 15 septembre 2017, le Tribunal d'instance de Paris 19ème a condamné la Sci Meaux Rental International à réintégrer Monsieur [S] [M] dans le logement sis [Adresse 1], appartement numéro 33, 4ème étage couloir gauche, 1ère porte gauche, ou en cas d'impossibilité dûment justifiée au locataire, à le reloger dans un logement d'une superficie équivalente de 34m2 avec les mêmes prestations dans le 19ème arrondissement de Paris, et ce sous astreinte de 80 €, condamné la Sci Meaux Rental International à verser à Monsieur [S] [M] la somme de 10.000 € au titre de son préjudice matériel et la somme de 2.000 € au titre de son préjudice moral, outre 1.000 € au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet1991ainsi qu'aux entiers dépens. La Cour est saisie de l'appel interjeté par la Sci Meaux Rental International à l'encontre de ce jugement par déclaration en date du 16 avril 2018, signifiée à Monsieur [S] [M] le 29 juin 2018 en application des dispositions de l'article 659 du Code de procédure civile, l'avis de réception étant revenu à l'étude avec la mention "destinataire inconnu à l'adresse". Au dispositif de ses conclusions d'appel notifiées par la voie électronique le 20 juin 2018 et signifiées à Monsieur [S] [M] le 29 juin 2018 en application des dispositions de l'article 659 du Code de procédure civile, la Sci Meaux Rental International sollicite de la Cour, au visa des articles 1240 et 1353 du Code Civil, qu'elle :- Infirme le jugement rendu le 15 septembre 2017 par le Tribunal d'instance de Paris 19ème statuant à nouveau,- Rejette toute demande de réintégration dans les lieux de Monsieur [S] [M] ; - Rejette toute demande d'indemnisation de Monsieur [S] [M] ; - Condamne Monsieur [S] [M] au paiement de la somme de 3.000 € au titre de réparation pour procédure abusive ;- Condamne Monsieur [S] [M] au paiement de la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;- Le condamne en tous les dépens par application des dispositions de l'article 696 du Code de procédure civile. L'ordonnance de clôture a été prise le 18 juin 2020. En application des dispositions de l'article 474, alinéa 2, du Code de procédure civile, l'arrêt à intervenir sera pris par défaut. **** MOTIFS DE L'ARRÊTLa Sci Meaux Rental International fait grief au premier juge d'avoir considéré que Monsieur [S] [M] avait été dépossédé de son logement alors qu'il ne démontrait pas la réalité du bail allégué, la pièce versé en tant que contrat étant illisible et l'attestation de la Caf ne pouvant constituer un justificatif de domicile. Néanmoins, la première page du bail que l'appelante produit permet à la Cour de lire en transparence qu'il concerne Monsieur [S] [M] pour la location d'un studio de 34 m2 sis au 4ème étage de l'immeuble sis [Adresse 1]. Il est observé par ailleurs que la Sci Meaux Rental International ne conteste pas être propriétaire de ce studio. C'est à bon droit que le tribunal a donc considéré que le bail était établi et que faute pour la Sci Meaux Rental International de produire un congé de Monsieur [S] [M] ou une autorisation de justice permettant l'expulsion, la voie de fait commise à changer les serrures de l'appartement loué à l'insu de Monsieur [S] [M] constituait une voie de fait. Le dispositif du jugement condamnant la Sci Meaux Rental International à reloger Monsieur [S] [M] est en conséquence confirmé en ce qu'il constitue une équitable remise des choses en l'état antérieur, la relation contractuelle n'ayant pas régulièrement pris fin. La Sci Meaux Rental International conteste encore sa condamnation au paiement de dommages et intérêts et soutient que, le bail n'ayant jamais existé, c'est mensongèrement que Monsieur [S] [M] a prétendu avoir été expulsé de ses biens. Sur ce, dès lors que la réalité du bail a été démontrée et que l'appelante n'est pas en mesure de justifier, comme elle en a la charge, que Monsieur [S] [M] a quitté volontairement l'appartement avec ses biens, après avoir restitué les clés, c'est à juste titre que le premier juge en a déduit que la Sci Meaux Rental International avait porté une atteinte grave au droit de propriété du locataire, qui justifie l'allocation de la somme de 10.000 € en réparation de son préjudice matériel. Le jugement est confirmé de ce chef. La violence commise par cette expulsion sans titre a causé également à Monsieur [S] [M] un préjudice moral qui doit être compensé. Le jugement sera également confirmé en ce que l'indemnisation a été arrêtée à la somme de 2.000 € de ce chef. Monsieur [S] [M] ayant triomphé en son action, la Sci Meaux Rental International sera déboutée de sa demande pour procédure abusive, qui est sans fondement. La Sci Meaux Rental International qui succombe en son appel, sera déboutée de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et condamnée aux dépens. **** PAR CES MOTIFS La Cour statuant en dernier ressort par arrêt prononcé par défaut mis à disposition au greffe, CONFIRME le jugement du tribunal d'instance de Paris 19ème en date du 15 septembre 2017 en toutes ses dispositions ; Y ajoutant, DÉBOUTE la Sci Meaux Rental International de sa demande de dommages et intérêts ; DÉBOUTE la Sci Meaux Rental International de sa demande sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; CONDAMNE la Sci Meaux Rental International aux dépens d'appel. LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
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JURITEXT000047454920
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ARRET
Cour d'appel de Paris, 18 septembre 2020, 18/079707
2020-09-18
Cour d'appel de Paris
Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
18/079707
G3
PARIS
Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISEdélivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D'APPEL DE PARISPôle 4 - Chambre 3 ARRÊT DU 18 SEPTEMBRE 2020 (no /2020, pages) Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 18/07970 - No Portalis 35L7-V-B7C-B5QXW Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Septembre 2017 -Tribunal d'Instance de 19ème Arrondissement de PARIS - RG no 11-16-000959 APPELANTE Société [Localité 3] RENTAL INTERNATIONALSIRET : 425 103 165 00014Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège :[Adresse 1][Localité 2] Représentée par Me Bénédicte DE LAVENNE-BORREDON de la SELARL DOUCHET DE LAVENNE Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : J131 INTIMÉE Madame [O] [M][Adresse 1][Localité 2] Défaillante :Assignation devant la cour d' Appel de Paris du 03/07/18 , par procès verbal de recherches infructueuses, conformément à l'article 659 du code de procédure civile. COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Juillet 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Pascale WOIRHAYE, Conseillère, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : M Claude TERREAUX, Président de chambre M Michel CHALACHIN, Président de chambre Mme Pascale WOIRHAYE, Conseillère Greffier, lors des débats : Mme Viviane REA, ARRÊT : RENDU PAR DÉFAUT - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Claude Terreaux, Président de chambre, et par Grégoire Grospellier, Greffier, présent lors de la mise à disposition. **** FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES Par acte sous seing privé en date du 1er octobre 2014, la Sci [Localité 3] Rental International a donné en location à Madame [O] [M] un logement situé [Adresse 1], bâtiment B rez-de-chaussée sur cour à droite, porte du fond à gauche, moyennant un loyer mensuel de 590 € outre 30 € de provision sur charges. Ce logement a fait l'objet d'un arrêté préfectoral d'insalubrité du 7 février 2014 portant interdiction d'habitation. Le 29 février 2016, Madame [O] [M] a quitté les lieux après avoir donné congé. Par acte d'huissier en date du 23 mai 2016, elle a fait a fait assigner la Sci [Localité 3] Rental International devant le Tribunal d'instance de Paris 19ème pour solliciter sa condamnation, avec le bénéfice de l'exécution provisoire, à lui verser la somme de 2.360 € au titre de la répétition de loyers indus, la somme de 1.500 € à titre de dommages et intérêts et celle de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile outre les dépens. Par jugement contradictoire exécutoire par provision en date du 15 septembre 2017, le Tribunal d'instance de Paris 19ème a accueilli la demande principale en son entier et condamné en outre la Sci [Localité 3] Rental International à payer à Madame [O] [M] la somme de 800 € à titre de dommages et intérêts et celle de 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile. La Cour est saisie de l'appel interjeté par la Sci [Localité 3] Rental International à l'encontre de ce jugement par déclaration en date du 16 avril 2018, signifiée à Madame [O] [M] le 3 juillet 2018 en application des dispositions de l'article 659 du Code de procédure civile, l'avis de réception étant revenu à l'étude avec la mention "destinataire inconnu à l'adresse". Au dispositif de ses conclusions d'appel notifiées par la voie électronique le 20 juin 2018 et signifiées à Madame [O] [M] le 3 juillet 2018 en application des dispositions de l'article 659 du Code de procédure civile, la Sci [Localité 3] Rental International sollicite de la Cour, au visa des articles 1240 et 1343-5 du Code Civil, qu'elle : - Infirme le jugement rendu le 15 septembre 2017 par le Tribunal d'instance de Paris 19ème statuant à nouveau,- Rejette toute demande d'indemnisation de Madame [O] [M] qui ne justifie pas de l'existence d'un préjudice ; - Accorde à la Sci [Localité 3] Rental International les plus larges délais de paiement ; - Condamne Madame [O] [M] au paiement de la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; - Condamne Madame [O] [M] en tous les dépens par application des dispositions de l'article 696 du Code de procédure civile. L'ordonnance de clôture a été prise le 1er juillet 2020 avant l'ouverture des débats. En application des dispositions de l'article 474, alinéa 2, du Code de procédure civile, l'arrêt à intervenir sera pris par défaut.**** MOTIFS DE L'ARRÊTLa Sci [Localité 3] Rental International fait grief au premier juge d'avoir considéré que le maintien dans les lieux avec paiement d'un loyer en dépit de l'arrêté d'insalubrité pris, a nécessairement occasionné un préjudice financier et moral à l'occupante, sans constater l'existence d'un préjudice moral ou financier distinct de la perte locative indemnisée par la restitution des loyers. Néanmoins, l'appelante plaide également, au soutien de sa demande de délai de paiement, l'importance de sa dette de charges, en produisant une ordonnance de référé en date du 29 janvier 2015, qui met en avant les dysfonctionnements de la gestion de la copropriété au sein de laquelle Madame [O] [M] louait son studio et le retard pris à l'exécution des travaux ayant justifié l'interdiction d'habiter du 18 juin 2014 et l'arrêté de péril du 28 octobre 2014. Cette pièce établit ainsi que l'intimée n'a pas profité d'un service normal de gestion des équipements communs et qu'elle a subi un péril en circulant dans un immeuble dont la partie supérieure n'était pas définitivement stabilisée. Son préjudice moral étant caractérisé, c'est à bon droit qu'une somme de 800 € lui a été octroyée à titre d'indemnisation de ce chef, l'appel étant rejeté. S'agissant des délais de paiement sollicités, la Cour observe qu'aucune pièce comptable n'est fournie, ni extrait Kbis pour accréditer l'impécuniosité persistante alléguée de l'appelante. Au contraire la même ordonnance de référé ci-dessus visée, révèle qu'elle est propriétaire de 20 lots dans l'immeuble et qu'elle a engagé les travaux en 2018 qui ont pu à ce jour lui permettre de relouer les appartements. Sa demande de délai est en conséquence rejetée comme non fondée, la Cour adoptant pour le surplus les motifs du premier juge stigmatisant la mauvaise foi du bailleur. La Sci [Localité 3] Rental International qui succombe en son appel, sera déboutée de sa demande sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et condamnée aux dépens. **** PAR CES MOTIFS La Cour statuant en dernier ressort par arrêt prononcé par défaut mis à disposition au greffe, CONFIRME le jugement du tribunal d'instance de Paris 19ème en date du 15 septembre 2017 en toutes ses dispositions ; Y ajoutant, DÉBOUTE la Sci [Localité 3] Rental International de sa demande formée sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; CONDAMNE la Sci [Localité 3] Rental International aux dépens d'appel. LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
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JURITEXT000047454921
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ARRET
Cour d'appel de Paris, 18 septembre 2020, 18/038617
2020-09-18
Cour d'appel de Paris
Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
18/038617
G3
PARIS
Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISEdélivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D'APPEL DE PARISPôle 4 - Chambre 3 ARRÊT DU 18 SEPTEMBRE 2020 (no /2020, pages) Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 18/03861 - No Portalis 35L7-V-B7C-B5C7K Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Novembre 2017 -Tribunal d'Instance de Paris 8ème - RG no 11-17-000114 APPELANTE Madame [E] [I]Née le [Date naissance 4] 1944 à [Localité 7][Adresse 2][Localité 5] Représentée par Me Florence FANNI, avocat au barreau de PARIS, toque : C0218(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2017/057775 du 05/02/2018 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS) INTIMÉ Monsieur [Z] [J]Né le [Date naissance 1] 1943 à [Localité 8][Adresse 3][Localité 6] Représenté par Me Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034 COMPOSITION DE LA COUR En application : - de l'article de la loi no2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 ;- de l'ordonnance no2020-304 du 25 mars portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété, notamment ses articles 1er et 8 ;- de l'ordonnance no2020-306 du 25 mars 2020 modifiée relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période ; L'affaire a été retenue selon la procédure sans audience, les avocats y ayant consenti expressément ou ne s'y étant pas opposés dans le délai de 15 jours de la proposition qui leur a été faite de recourir à cette procédure. La Cour composée comme suit en a délibéré :Monsieur Claude TERREAUX, président de chambreMonsieur Michel CHALACHIN, Président de chambreMadame Pascale WOIRHAYE, conseillère ARRÊT: CONTRADICTOIRE - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Claude Terreaux, Président et par Grégoire Grospellier, Greffier présent lors de la mise à disposition *** EXPOSÉ DU LITIGE Par acte sous seing privé du 22 septembre 1992, M. [Z] [J] a donné à bail à Mme [E] [I] divorcée [H] un logement situé [Adresse 2] à [Localité 5]. Le 31 mars 2016, le bailleur a fait délivrer à la locataire un congé pour reprise personnelle du bien à effet du 30 septembre 2016. Par acte d'huissier du 15 décembre 2016, le bailleur a fait assigner Mme [I] devant le tribunal d'instance de [Localité 5] afin de voir valider le congé et faire expulser la locataire. Par jugement du 20 novembre 2017, le tribunal a :- dit que le congé était valide,- dit que Mme [I] était occupante sans droit ni titre du logement depuis le 30 septembre 2016,- ordonné l'expulsion des occupants du logement,- condamné Mme [I] au paiement d'une indemnité d'occupation mensuelle égale au montant du loyer augmenté de la provision pour charges à compter du 30 septembre 2016 et jusqu'à la libération effective des lieux,- débouté M. [J] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,- condamné Mme [I] aux dépens,- ordonné l'exécution provisoire du jugement. Par déclaration reçue au greffe de la cour le 19 février 2018, Mme [I] a interjeté appel de cette décision. Par dernières conclusions notifiées le 4 avril 2018, l'appelante demande à la cour de :- infirmer le jugement entrepris,- constater que le congé ne remplit pas le formalisme prévu par l'article 15-I de la loi du 6 juillet 1989 et ne pouvait lui être délivré au regard de son âge et de ses revenus,- dire en conséquence que ce congé n'est pas valable et n'a produit aucun effet,- débouter M. [J] de ses demandes et le condamner aux dépens. Par dernières conclusions notifiées le 4 juillet 2018, M. [J] demande à la cour de :- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,- débouter Mme [I] de ses demandes,- condamner l'appelante au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'appel. Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d'autre pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions. L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 juin 2020. *** MOTIFS M. [J] a délivré congé à sa locataire, sur le fondement de l'article 15-I de la loi du 6 juillet 1989, afin de reprendre le logement pour y habiter personnellement. Contrairement à ce que soutient Mme [I], le congé aux fins de reprise qui lui a été délivré indiquait bien en quoi la décision de son bailleur présentait un caractère réel et sérieux, puisqu'il y était mentionné : "le caractère réel et sérieux du présent congé pour reprise est justifié par le fait que M. [Z] [J], retraité, est actuellement locataire de son logement et souhaite établir sa résidence principale dans les lieux qui vous sont loués". Cette explication était suffisante pour justifier du caractère réel et sérieux de la volonté de reprise, et n'avait pas à être complétée par des motifs d'ordre médical. Les problèmes de santé dont justifie le bailleur viennent conforter le caractère réel et sérieux de la décision de reprise, M. [J], qui souffre de douleurs dorsales, ayant besoin d'utiliser un ascenseur, alors que son logement actuel n'en dispose pas. Par ailleurs, l'appelante invoque le bénéfice des dispositions de l'article 15-III de la loi de 1989 au motif qu'elle était âgée de plus de 65 ans à la date d'échéance du contrat et qu'elle dispose de ressources très modestes ; mais ces dispositions ne sont pas applicables lorsque le bailleur est lui-même âgé de plus de 65 ans à la date d'échéance du contrat, ce qui est le cas de M. [J], né le [Date naissance 1] 1943, peu important dans ce cas le montant de ses ressources. C'est donc à bon droit que le tribunal a validé le congé délivré à Mme [I], avec toutes conséquences de droit. Dès lors, le jugement doit être confirmé en toutes ses dispositions. Mme [I], qui succombe en ses demandes, doit être condamnée aux dépens d'appel. L'équité commande de débouter l'intimé de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile. *** PAR CES MOTIFS La cour statuant publiquement, CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions, Y ajoutant : DÉBOUTE Mme [E] [I] de toutes ses demandes formées devant la cour, DÉBOUTE M. [Z] [J] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile, CONDAMNE Mme [I] aux dépens d'appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
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JURITEXT000047454922
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ARRET
Cour d'appel de Paris, 18 septembre 2020, 18/079677
2020-09-18
Cour d'appel de Paris
Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
18/079677
G3
PARIS
Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISEdélivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D'APPEL DE PARISPôle 4 - Chambre 3 ARRÊT DU 18 SEPTEMBRE 2020 (no /2020, pages) Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 18/07967 - No Portalis 35L7-V-B7C-B5QXO Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Septembre 2017 -Tribunal d'Instance de 19ème Arrondissement de PARIS - RG no 11-15-1942 APPELANTE Société MEAUX RENTAL INTERNATIONALSIRET : 425 103 165 00014Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège :[Adresse 1][Localité 2] Représentée par Me Bénédicte DE LAVENNE-BORREDON de la SELARL DOUCHET DE LAVENNE Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : J131 INTIMÉ Monsieur [J] [K][Adresse 1][Localité 2] Défaillant :Assignation devant la cour d'Appel de Paris du 03 juillet 2018, par procès verbal de recherches infructueuses, conformément à l'article 659 du code de procédure civile. COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Juillet 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Pascale WOIRHAYE, Conseillère, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : M Claude TERREAUX, Président de chambre M Michel CHALACHIN, Président de chambre Mme Pascale WOIRHAYE, Conseillère Greffier, lors des débats : Mme Viviane REA ARRÊT : RENDU PAR DÉFAUT - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Claude Terreaux, Président de chambre et par Grégoire Grospellier, Greffier, présent lors de la mise à disposition. **** FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES Par acte sous seing privé en date du 1er novembre 2012, la Sci Meaux Rental International a donné en location à Monsieur [J] [K] un logement situé au 4ème étage de l'immeuble [Adresse 1], moyennant un loyer mensuel de 600 € outre 20 € de provision sur charges. Ce logement a fait l'objet d'un arrêté de péril du 21 août 2012 portant interdiction de percevoir des loyers et Monsieur [J] [K] a quitté les lieux le 16 novembre 2014. Par acte d'huissier en date du 12 novembre 2015, il a fait assigner la Sci Meaux Rental International devant le Tribunal d'instance de Paris 19ème pour solliciter sa condamnation, avec le bénéfice de l'exécution provisoire, à lui verser la somme de 12.091,61 € au titre de la répétition de loyers indus, la somme de 1.500 € à titre de dommages et intérêts et celle de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile outre les dépens. Par jugement contradictoire exécutoire par provision en date du 15 septembre 2017, le Tribunal d'instance de Paris 19ème a accueilli la demande principale en son entier et condamné en outre la Sci Meaux Rental International à payer à Monsieur [J] [K] la somme de 800 € à titre de dommages et intérêts et celle de 500 € sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 au profit de Maître Laurent Loyer. La Cour est saisie de l'appel interjeté par la Sci Meaux Rental International à l'encontre de ce jugement par déclaration en date du 16 avril 2018, signifiée à Monsieur [J] [K] le 3 juillet 2018 en application des dispositions de l'article 659 du Code de procédure civile, l'avis de réception étant revenu à l'étude avec la mention "destinataire inconnu à l'adresse". Au dispositif de ses conclusions d'appel notifiées par la voie électronique le 20 juin 2018 et signifiées à Monsieur [J] [K] le 3 juillet 2018 en application des dispositions de l'article 659 du Code de procédure civile, la Sci Meaux Rental International sollicite de la Cour, au visa des articles 1240 et 1343-5 du Code Civil, qu'elle : - Infirme le jugement rendu le 15 septembre 2017 par le Tribunal d'instance de Paris 19ème statuant à nouveau,- Déduise la somme de 5.310,42 €, correspondant à la partie versée par la Caf au titre de l'Apl, de la condamnation au remboursement des loyers indus ; - Rejette toute demande d'indemnisation de Monsieur [J] [K] qui ne justifie pas de l'existence d'un préjudice ; - Accorde à la Sci Meaux Rental International les plus larges délais de paiement ; - Condamne Monsieur [J] [K] au paiement de la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;- Condamne Monsieur [J] [K] en tous les dépens par application des dispositions de l'article 696 du Code de procédure civile. L'ordonnance de clôture a été prise le 18 juin 2020. En application des dispositions de l'article 474, alinéa 2, du Code de procédure civile, l'arrêt à intervenir sera pris par défaut. **** MOTIFS DE L'ARRÊTLa Sci Meaux Rental International fait grief au premier juge d'avoir considéré que le locataire devait bénéficier de la restitution entre ses mains des allocations logement versées par la Caf directement au bailleur alors qu'aucun texte ne le prévoit et que par cette disposition Monsieur [J] [K] bénéficie d'un enrichissement injustifié. Néanmoins si les allocations logement constituent des prestations pour le locataire qui en remplit les conditions d'attribution et comme telles sont susceptibles d'être restituées à la Caf en cas d'indû, elles se substituent au loyer que doit verser le bénéficiaire à son bailleur et à cet égard valent paiement de ce loyer au profit de ce dernier. C'est donc à bon droit que le premier juge, considérant à juste titre que la Sci Meaux Rental International n'était pas en droit d'encaisser des loyers dès lors qu'un arrêté de péril avait été pris par l'autorité préfectorale concernant l'immeuble loué, a condamné celle-ci à restituer à Monsieur [J] [K] la totalité des sommes versées à titre de loyer, en ce compris celles obtenues directement de la Caf du chef de son locataire, lequel ne bénéficie pas de ce fait d'un enrichissement injustifié, mais récupère des prestations que seule la Caf serait en droit de lui contester. Le jugement est en conséquence confirmé. La Sci Meaux Rental International fait grief au premier juge d'avoir considéré que le maintien dans les lieux avec paiement d'un loyer en dépit de l'arrêté d'insalubrité pris, a nécessairement occasionné un préjudice financier et moral à l'occupant, sans constater l'existence d'un préjudice moral ou financier distinct de la perte locative indemnisée par la restitution des loyers. Néanmoins, l'appelante plaide également, au soutien de sa demande de délai de paiement, l'importance de sa dette de charges, en produisant une ordonnance de référé en date du 29 janvier 2015, qui met en avant les dysfonctionnements de la gestion de la copropriété au sein de laquelle Monsieur [J] [K] louait son studio et le retard pris à l'exécution des travaux ayant justifié l'interdiction d'habiter. Cette pièce établit ainsi que l'intimé n'a pas profité d'un service normal de gestion des équipements communs et qu'il a subi un péril en circulant dans un immeuble dont la partie supérieure n'était pas définitivement stabilisée. Son préjudice moral étant caractérisé, c'est à bon droit qu'une somme de 800 € lui a été octroyée à titre d'indemnisation de ce chef, l'appel étant rejeté. S'agissant des délais de paiement sollicités, la Cour observe qu'aucune pièce comptable n'est fournie, ni extrait Kbis pour accréditer l'impécuniosité persistante alléguée de l'appelante. Au contraire la même ordonnance de référé ci-dessus visée, révèle qu'elle est propriétaire de 20 lots dans l'immeuble et qu'elle a engagé les travaux en 2018 qui devaient conduire à la levée des arrêtés. Sa demande de délai est en conséquence rejetée comme non fondée, la Cour adoptant pour le surplus les motifs du premier juge stigmatisant la mauvaise foi du bailleur. La Sci Meaux Rental International qui succombe en son appel, sera déboutée de sa demande sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et condamnée aux dépens. **** PAR CES MOTIFS La Cour statuant en dernier ressort par arrêt prononcé par défaut mis à disposition au greffe, CONFIRME le jugement du tribunal d'instance de Paris 19ème en date du 15 septembre 2017 en toutes ses dispositions ; Y ajoutant, DÉBOUTE la Sci Meaux Rental International de sa demande formée sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; CONDAMNE la Sci Meaux Rental International aux dépens d'appel. LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
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JURITEXT000047454923
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ARRET
Cour d'appel de Paris, 18 septembre 2020, 20/013087
2020-09-18
Cour d'appel de Paris
Constate ou prononce le désistement d'instance et/ou d'action
20/013087
G1
PARIS
Copies exécutoires délivrées aux parties le REPUBLIQUE FRANCAISEAU NOM DU PEUPLE FRANCAIS COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 4 - Chambre 1 ARRET DU 18 SEPTEMBRE 2020 (no /2020, pages) Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 20/01308 - No Portalis 35L7-V-B7E-CBJ4O Décision déférée à la Cour : 'rrêt rendu par la 2ème chambre civile de la Cour de cassation le 5 décembre 2019. APPELANTS Monsieur [E] [B][Adresse 6][Localité 9] Madame [J] [V] veuve [B][Adresse 4][Localité 9] Madame [S] [B][Adresse 2][Localité 9] Monsieur [O] [B][Adresse 5][Localité 8] Monsieur [N] [B][Adresse 3][Localité 7] Représentés par Me Francis RAIMON de la SCP ALLAIN, KALTENBACH, RAIMON, DOULET, BORE, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 112 INTIMEE Société BANK POLSKA KASA OPIEKI[Adresse 10][Localité 1] / Pologne Représentée par Me Gaspare DORI de l'AARPI CASTALDI PARTNERS, avocat au barreau de PARIS, toque : R237 COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 10 septembre 2020, en audience publique, devant la Cour composée de :M. Claude CRETON, PrésidentM. Frédéric ARBELLOT, ConseillerMme Monique CHAULET, Conseillère qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par M. Claude CRETON, Président dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile. Greffier, lors des débats : M. Grégoire GROSPELLIER ARRET : - contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.- signé par Claude CRETON, Président et par Grégoire GROSPELLIER, Greffier présent lors de la mise à disposition. *** Vu l'appel interjeté par les consorts [B] à l'encontre du jugement du tribunal de grande instance de Paris du 1er septembre 2015 ; Vu l'arrêt de la Cour de cassation du 5 décembre 2019 ayant cassé partiellement l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 29 juin 2018 et renvoyant l'affaire devant la même cour d'appel autrement composée ; Vu la saisine de la cour de renvoi ; Par conclusions notifiées le 9 mars 2020, les consorts [B] ont déclaré se désister de l'instance et de leur action contre la société Bank Polska Kasa Opieki, chaque partie conservant la charge de ses frais et dépens. La société Bank Polska Kasa Opieki a déclaré accepter ce désistement ; PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, Constate le désistement d'instance et d'action de M. [E] [B], Mme [J] [V], Mme [S] [B], M. [O] [B] et M. [N] [B] ; Dit que chaque partie conservera la charge de ses frais et dépens. Le greffier Le président
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JURITEXT000047454924
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ARRET
Cour d'appel de Rennes, 22 septembre 2020, 19/080181
2020-09-22
Cour d'appel de Rennes
Ordonnance d'incident
19/080181
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RENNES
6ème Chambre A ORDONNANCE No 154 No RG 19/08018 - No Portalis DBVL-V-B7D-QKMH M. LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE C/ Mme [J] [M] Ordonnance d'incident / Renvoi à la mise en état Copie exécutoire délivrée le : à : RÉPUBLIQUE FRANÇAISEAU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D'APPEL DE RENNESORDONNANCE DE MISE EN ETAT DU 22 SEPTEMBRE 2020 Le vingt deux Septembre deux mille vingt, par mise à disposition au Greffe, Madame Cécile MORILLON-DEMAY, Magistrat de la mise en état de la 6ème Chambre A, assistée de Xavier LE COLLEN, faisant fonction de Greffier, Statuant dans la procédure opposant : DEMANDEUR A L'INCIDENT : LE MINISTERE PUBLICreprésenté par Monsieur Laurent FICHOT, Avocat Général, qui a pris des réquisitions écrites. INTIME à DÉFENDEUR A L'INCIDENT : Madame [J] [M]née le [Date naissance 1] 1989 à [Localité 5] (CAMEROUN)[Adresse 3][Adresse 3]Représentée par Me Christophe LHERMITTE de la SCP LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNESReprésentée par Me Xavier-Philippe GRUWEZ de la SELARL SAINT-GEORGES CONSEIL, Plaidant, avocat au barreau de PARIS APPELANTE A rendu l'ordonnance suivante : Par déclaration déposée au greffe le 13 décembre 2019, Madame [J] [M] a interjeté appel d'un jugement rendu le 25 janvier 2018 par le tribunal de grande instance de Nantes, qui a constaté que le certificat de nationalité française lui a été délivré à tort et constaté son extranéité. Par conclusions notifiées le 15 juin 2020, le Procureur Général de la Cour d'appel de Rennes a saisi le conseiller de la mise en état d'un incident visant à voir déclarer l'appel irrecevable comme étant tardif. Aux termes de ses écritures en réponse régulièrement notifiées le 5 août 2020, Madame [J] [M] s'oppose à la demande d'irrecevabilité au motif que la signification du jugement qui a été faite dans les formes de l'article 659 du code de procédure civile, l'a été à une adresse [Localité 4] où elle n'a jamais résidé, ce qui démontre que l'huissier de justice n'a pas accompli les diligences nécessaires pour signifier l'acte à son adresse effective. Aux termes de ses dernières conclusions d'incident du 3 septembre 2020, le Procureur Général a maintenu sa demande tendant à voir déclarer cet appel irrecevable. L'incident a été fixé pour plaider le 8 septembre 2020. Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est référé aux dernières écritures susvisées. SUR QUOI Au terme de l'article 538 du code de procédure civile, le délai de recours par une voie ordinaire est d'un mois en matière contentieuse, et de quinze jours en matière gracieuse. Selon l'article 528 du même code, le délai à l'expiration duquel un recours ne peut plus être exercé court à compter de la notification du jugement, à moins que ce délai n'ait commencé à courir, en vertu de la loi, dès la date du jugement. Aux termes de l'article 659 du code de procédure civile, lorsque la personne à qui l'acte doit être signifié n'a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, l'huissier de justice dresse un procès-verbal où il relate avec précision les diligences qu'il a accomplies pour rechercher le destinataire de l'acte. En l'espèce, la signification du jugement rendu le 25 janvier 2018 déféré aujourd'hui devant la cour, a été effectuée le 28 mars 2018 selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile, de sorte que le délai d'appel expirait 28 avril 2018. Madame [J] [M] prétend que son appel est recevable car, à défaut d'avoir été signifiée au dernier domicile connu, la notification n'a pas pu faire courir le délai d'appel. Il est constant qu'un procès-verbal de vaines recherches dressé selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile en un lieu autre que la dernière adresse connue ne vaut pas signification. Lorsqu'est contestée la validité d'une signification, les juges du fond doivent rechercher si le domicile auquel l'huissier de justice a signifié l'acte dans les formes de l'article 659 du code de procédure civile est bien la dernière adresse connue du destinataire de l'acte. Par déclaration déposée au greffe le 13 décembre 2019, Madame [J] [M] a interjeté appel d'un jugement rendu le 25 janvier 2018 par le tribunal de grande instance de Nantes, qui a constaté que le certificat de nationalité française lui a été délivré à tort et constaté son extranéité. Par conclusions notifiées le 15 juin 2020, le Procureur Général de la Cour d'appel de Rennes a saisi le conseiller de la mise en état d'un incident visant à voir déclarer l'appel irrecevable comme étant tardif. Aux termes de ses écritures en réponse régulièrement notifiées le 5 août 2020, Madame [J] [M] s'oppose à la demande d'irrecevabilité au motif que la signification du jugement qui a été faite dans les formes de l'article 659 du code de procédure civile, l'a été à une adresse [Localité 4] où elle n'a jamais résidé, ce qui démontre que l'huissier de justice n'a pas accompli les diligences nécessaires pour signifier l'acte à son adresse effective. Aux termes de ses dernières conclusions d'incident du 3 septembre 2020, le Procureur Général a maintenu sa demande tendant à voir déclaré cet appel irrecevable. L'incident a été fixé pour plaider le 8 septembre 2020. Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est référé aux dernières écritures susvisées. SUR QUOI Au terme de l'article 538 du code de procédure civile, le délai de recours par une voie ordinaire est d'un mois en matière contentieuse, et de quinze jours en matière gracieuse. Selon l'article 528 du même code, le délai à l'expiration duquel un recours ne peut plus être exercé court à compter de la notification du jugement, à moins que ce délai n'ait commencé à courir, en vertu de la loi, dès la date du jugement. Aux termes de l'article 659 du code de procédure civile, lorsque la personne à qui l'acte doit être signifié n'a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, l'huissier de justice dresse un procès-verbal où il relate avec précision les diligences qu'il a accomplies pour rechercher le destinataire de l'acte. En l'espèce, la signification du jugement rendu le 25 janvier 2018 déféré aujourd'hui devant la cour, a été effectuée le 28 mars 2018 selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile, de sorte que le délai d'appel expirait 28 avril 2018. Madame [J] [M] prétend que son appel est recevable car, à défaut d'avoir été signifiée au dernier domicile connu, la notification n'a pas pu faire courir le délai d'appel. Il est constant qu'un procès-verbal de vaines recherches dressé selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile en un lieu autre que la dernière adresse connue ne vaut pas signification. Lorsqu'est contestée la validité d'une signification, les juges du fond doivent rechercher si le domicile auquel l'huissier de justice a signifié l'acte dans les formes de l'article 659 du code de procédure civile est bien la dernière adresse connue du destinataire de l'acte. Dès lors que Madame [J] [M] conteste avoir jamais résidé [Localité 4] mais uniquement en région parisienne, et qu'aucune des pièces produites par le parquet ne fait état d'une adresse [Localité 4], il convient d'enjoindre à Monsieur le Procureur Général de justifier de ce que le lieu de la signification était effectivement la dernière adresse connue de l'appelante et de s'expliquer sur ce point. PAR CES MOTIFS Ordonnons à Monsieur le Procureur Général de rapporter la preuve de ce que la dernière adresse connue de Madame [J] [M] était bien [Adresse 2], et ce dans un délai d'un mois, Renvoyons l'examen de l'incident à l'audience du 27 octobre 2020, Le Greffier,Le Conseiller de la mise en état,
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JURITEXT000047454925
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AUTRES_DECISIONS
Tribunal judiciaire de Paris, 13 décembre 2022, 18/05683
2022-12-13
Tribunal judiciaire de Paris
18/05683
CT0087
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TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 3ème chambre 3ème section No RG 18/05683 - No Portalis 352J-W-B7C-CM5YY No MINUTE : Assignation du :04 Mai 2018 JUGEMENT rendu le 13 décembre 2022 DEMANDERESSE Association FEDERATION FRANCAISE DE TENNIS[Adresse 5][Localité 6] représentée par Maître Louis DE GAULLE de la SELAS DE GAULLE FLEURANCE & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #K0035 et par Maître Serge LEDERMAN de la SELAS DE GAULLE FLEURANCE & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #K0035 DÉFENDERESSES Société VIAGOGO AG[Adresse 2][Localité 3] (SUISSE) Société VIAGOGO ENTERTAINMENT INC.[Adresse 4][Localité 7] (ETATS-UNIS) représentées par Maître Annabelle RICHARD du PARTNERSHIPS PINSENT MASONS FRANCE LLP, avocat au barreau de PARIS, avocats postulant, vestiaire #R0020 et par Maîtres Diane MULLENEX et Mélina WOLMAN du PARTNERSHIPS PINSENT MASONS FRANCE LLP, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidants, vestiaire #R0020 COMPOSITION DU TRIBUNAL Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointeArthur COURILLON-HAVY, jugeLinda BOUDOUR, juge assistés de Lorine MILLE, greffière, DEBATS A l'audience du 29 Juin 2022, tenue en audience publique avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 11 Octobre 2022 et prorogé en dernier lieu au 13 décembre 2022. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffeContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DU LITIGE 1. La Fédération Française de Tennis (ci-après FFT), est une association régie par les dispositions de la loi du 1er juillet 1901. En tant que fédération sportive agréée, conformément aux dispositions du code du sport, elle a pour mission d'organiser les compétitions de tennis sur le territoire national, d'assurer et de contrôler le développement de ce sport en France. Dans ce cadre, la FFT organise annuellement, habituellement entre mai et juin, les Internationaux de France de tennis, plus communément appelés Roland Garros. 2. La FFT, en tant qu'organisatrice de la compétition, revendique la propriété des droits d'exploitation du tournoi de Roland Garros, ainsi que de plusieurs marques françaises et européennes : - La marque française semi-figurative no1630776, déposée le 3 décembre 1990 et régulièrement renouvelée le 20 octobre 2010 pour désigner notamment en classe 41 les services de " divertissement ; spectacles ; organisation de concours et de manifestation sportives": - La marque verbale française "ROLAND GARROS " no1625392, déposée le 6 novembre 1990 et régulièrement renouvelée le 21 août 2020 pour désigner notamment en classe 41 les services de " divertissements ; spectacles ". - La marque verbale française " ROLAND GARROS " no3622169 déposée le 13 janvier 2009 et valablement renouvelée le 6 novembre 2018 en classes 38 pour désigner les services de " télécommunication par voies télématiques en vue d'obtenir des informations contenues dans des banques de données " ; " communications (transmission) sur réseau informatique mondial ouvert et fermé " ; " promotion publicitaire ayant trait en particulier à des événements sportifs ". - La marque verbale de l'Union européenne " ROLAND GARROS FRENCH OPEN " no003498276, déposée le 31 octobre 2003 notamment en classe 9 pour désigner les "publications électroniques (téléchargeables) fournies en ligne à partir de bases de données informatiques ou d'Internet " et en classe 41 les " services de réservation de billets pour des événements divertissants, sportifs et culturels ". 3. La société de droit américain Viagogo Entertainment exploite le site internet acessible à l'adresse [01]; ainsi que ses extensions internationales, tandis que la société de droit suisse Viagogo AG exploite le site internet accessible à l'adresse [01];. Elles présentent le site "[01]" comme hébergeant une plateforme offrant des services de vente directe ou de mise en relation d'acheteurs et de vendeurs de billets d'accès à des manifestations sportives ou culturelles. 4. La FFT expose avoir découvert au mois de septembre 2017, que le site acessible à l'adresse [01]; commercialisait des billets pour l'édition 2018 de Roland Garros, ce qu'elle a fait constater par différents procès-verbaux les 20 septembre 2017,13 avril 2018, 1er juin 2018, 27 mars 2019, 3 avril 2019 et 5 mars 2020, l'huissier ayant constaté l'offre à la vente de billets pour les internationaux de Roland Garros sur ce site, sans qu'aucune acquisition ne lui soit possible avec une adresse IP française. 5. Aussi, la FFT a-t'elle mis en demeure les sociétés Viagogo, par une lettre du 2 novembre 2017, de cesser toute commercialisation de billets pour l'édition 2018 du tournoi de Roland Garros, de cesser d'exploiter ses marques "Roland Garros", ainsi que de lui communiquer le volume de billets vendus sur leur plateforme et la liste de leurs fournisseurs. 6. Ses demandes n'ayant pas été satisfaites, la FFT a, par actes d'huissier du 17 janvier 2018, fait assigner les sociétés Viagogo en référé devant le délégataire du président de ce tribunal, lequel, par une ordonnance du 6 avril suivant, a fait interdiction à ces sociétés de faire usage des marques "Roland Garros" et de commercialiser les billets litigieux, a ordonné la communication par les sociétés Viagogo de toutes informations de nature à permettre à la FFT de chiffrer son préjudice et notamment la quantité de billets vendus, leurs prix et la liste des fournisseurs, et les a condamnées in solidum au paiement d'une provision de 60.000 euros. 7. Par un arrêt du 7 février 2020, la Cour d'appel a confirmé la décision du juge des référés tout en portant à 80.000 euros le montant de la provision due par les sociétés Viagogo à la Fédération. 8. La FFT s'est pourvue au fond devant le tribunal de grande instance de Paris par une assignation du 4 mai 2018. 9. Par une ordonnance du 20 novembre 2020, le juge de la mise en état a liquidé l'astreinte qui assortissait la décision par laquelle il avait ordonné aux sociétés Viagogo de communiquer les pièces nécessaires à l'évaluation du préjudice de la FFT et condamné ces sociétés au paiement de la somme de 270.000 euros à ce titre. Par une ordonnance rectificative du 22 décembre suivant, il a renouvelé l'astreinte de 1 000 euros par jour de retard prononcée par le juge de la mise en état dans son ordonnance du 13 septembre 2019, cette astreinte, applicable dès la signification de l'ordonnance du 20 novembre 2020 pour une durée de 3 mois, pouvant être liquidée par le juge de la mise en état ou le tribunal selon la date à laquelle la liquidation sera sollicitée, le cas échéant. 10. Dans ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 11 février 2022, la FFT demande au tribunal de : - La Recevoir en ses demandes, fins moyens et prétentions ; Y faisant droit : - Juger que les demandes de la FFT sont recevables et bien fondées; - Rejeter l'ensemble des demandes, fins et conclusions des sociétés Viagogo Entertainment Inc. et Viagogo AG ; - Juger que la loi française est applicable à l'ensemble des faits commis sur la plateforme Viagogo, quels que soit le lieu de ka vente des billets d'accès, la nationalité ou le domicile de l'acheteur, l'accessibilité et la destination de la plateforme et de ses extensions; - Rejeter les questions préjudicielles formulées par les sociétés Viagogo Entertainment Inc. et Viagogo AG ; - Juger que les sociétés Viagogo Entertainment Inc. et Viagogo AG sont les éditeurs du site [01] et de ses différentes extensions ; - Juger que la marque " ROLAND GARROS " no3622169 a fait l'objet d'un usage sérieux pour les "services de publicité et promotion publicitaire ayant trait en particulier à des événements sportifs" en classe 35 et les "services de télécommunication par voies télématiques en vue d'obtenir des informations contenues dans des banques de données", les services de "communications par terminaux d'ordinateurs" et les services de "communications (transmission) sur réseau informatique mondial ouvert et fermé" en classe 38 ; - Juger que la marque "ROLAND GARROS FRENCH OPEN" no003498276 a fait l'objet d'un usage sérieux pour les produits consistant en des "publications électroniques (téléchargeables) fournies en ligne à partir de bases de données informatiques ou d'internet" en classe 9 ; En conséquence, - Rejeter les demandes reconventionnelles en déchéance partielle formulées par les sociétés Viagogo Entertainment Inc. et Viagogo AG à l'encontre de ces marques ; - Juger qu'en reproduisant le signe "ROLAND GARROS" sur leur site [01] et ses différentes extensions pour offrir à la vente des billets pour assister au tournoi de Roland-Garros 2018, les sociétés Viagogo Entertainment Inc. et Viagogo AG ont commis des actes constitutifs de contrefaçon des marques suivantes : "La marque verbale française "ROLAND GARROS " no3622169 déposée le 13 janvier 2009, la marque verbale française "ROLAND GARROS" no16225392 déposée le 6 novembre 1990, la marque semi-figurative française no1630776 déposée le 3 décembre 1990, la marque verbale de l'Union européenne "ROLAND GARROS FRENCH OPEN" no3498276 déposée le 31 octobre 2003 ; - Juger qu'en reproduisant le signe " ROLAND GARROS " sur la plateforme Viagogo à l'occasion de l'édition 2018 du tournoi Roland-Garros, les sociétés Viagogo Entertainment Inc. et Viagogo AG ont porté une atteinte injustifiée et retiré un bénéfice indu des marques de renommée française "ROLAND GARROS" no1625392 et no1630776 ; - Juger qu'en proposant à la vente dans le monde entier des billets pour assister aux éditions 2018, 2019 et 2020 du tournoi de Roland-Garros sans autorisation de la FFT, les sociétés Viagogo Entertainment Inc. et Viagogo AG ont violé le droit exclusif de la FFT de commercialiser la billetterie de cette compétition ; - Juger que les sociétés Viagogo Entertainment Inc. et Viagogo AG, en faisant un usage illicite des marques de la FFT à titre de marques d'appel et en tirant profit des efforts et des investissements conséquents de la FFT dans le monde entier à l'occasion des éditions 2018, 2019 et 2020 du tournoi de Roland-Garros, se sont rendues coupables d'actes de parasitisme au préjudice de la FFT ; - Juger que les sociétés Viagogo Entertainment Inc. et Viagogo AG se sont également rendue coupables d'actes de concurrence déloyale dans le monde entier à l'occasion des éditions 2018, 2019 et 2020 du tournoi de Roland-Garros : " En désorganisant le réseau de distribution mis en place par la FFT; " En violant ou à tout le moins en se rendant complices de la violation des conditions générales de vente ; " En se rendant coupables de pratiques commerciales trompeuses. En conséquence : - Interdire aux sociétés Viagogo Entertainment Inc. et Viagogo AG, à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 10 000 € par jour de retard, de reproduire et de faire usage, de quelque manière et à quelque titre que ce soit les marques françaises no3622169 ; 1625392 ; 1630776 sur le territoire français et de la marque de l'Union no3498276 sur l'ensemble du territoire de l'Union européenne ; - Condamner à titre provisionnel et in solidum les sociétés Viagogo Entertainment Inc. et Viagogo AG à verser à la FFT la somme de 500 000 €, sauf à parfaire, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral causé par les actes de contrefaçon de marques susvisés ; - Condamner à titre provisionnel et in solidum les sociétés Viagogo Entertainment Inc. et Viagogo AG à verser à la FFT la somme de 500 000 €, sauf à parfaire, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel causé par les actes de contrefaçon de marques susvisés ; - Condamner à titre provisionnel et in solidum les sociétés Viagogo Entertainment Inc. et Viagogo AG à verser à la FFT la somme de 300.000€, sauf à parfaire, à titre de dommage et intérêts en réparation du préjudice causé par les atteintes portées aux marques de renommée " ROLAND GARROS " no1625392 et no1630776; - Condamner à titre provisionnel et in solidum les sociétés Viagogo Entertainment Inc. et Viagogo AG à verser à la FFT la somme de 500.000 €, sauf à parfaire, à titre de dommages et intérêts en réparation de la violation de son droit exclusif d'exploitation ; - Condamner à titre provisionnel et in solidum les sociétés Viagogo Entertainment Inc. et Viagogo AG à verser à la FFT la somme de 250 000 €, sauf à parfaire, à titre de dommages et intérêts en réparation des actes de concurrence déloyale susvisés ; - Constater que les sociétés Viagogo AG et Viagogo Entertainment n'ont pas produit les documents et informations dont le juge de la mise en état a ordonné la communication aux termes de son ordonnance du 13 septembre 2019 ; - Liquider en conséquence l'astreinte prononcée dans l'ordonnance de liquidation d'astreinte du 20 novembre 2020, rectifiée par ordonnance du 22 décembre 2020, à hauteur de 90 000€ ; - Ordonner aux sociétés Viagogo de communiquer à la FFT, au moyen de documents comptables certifiés par des commissaires aux comptes indépendants, les informations et documents suivants : " La quantité de billets d'accès aux éditions 2018, 2019, 2020 de Roland Garros acquis par les sociétés Viagogo, ou qui lui ont été confiés dans le monde entier, en vue de leur mise en vente sur l'ensemble des extensions de la plateforme Viagogo ; " La quantité de billets d'accès aux éditions 2018, 2019, 2020 de Roland Garros vendus dans le monde entier sur l'ensemble des extensions de la plateforme Viagogo ainsi que le chiffre d'affaires brut correspondant réalisé par les sociétés Viagogo ; " La localisation territoriale ou à tout le moins l'adresse de facturation déclarée par chacun des acheteurs lors de son achat en ligne et l'ouverture de son compte ; " La liste des internautes utilisant la plateforme Viagogo pour revendre des billets d'accès aux éditions 2018, 2019 et 2020 de Roland Garros auprès desquels les sociétés Viagogo ont obtenus ces billets qui ont été revendus sur leur plateforme, le prix d'achat et de revente de ces billets, ainsi que les numéros de série desdits billets. - Prononcer à l'encontre des sociétés Viagogo AG et Viagogo Entertainment une astreinte définitive et solidaire de 10 000€ par jour de retard jusqu'à la production complète et intégrale des documents et informations visés dans l'ordonnance du 13 septembre 2019 et dans la nouvelle mesure de communication de pièces sollicitées dans les présentes, à compter de la signification du jugement à intervenir et ce, pendant une durée de 6 mois; - Se réserver la liquidation des astreintes ; - Ordonner la publication du dispositif du jugement à intervenir en tête des pages d'accueil du site [01] et de ses extensions, ou à toutes autres adresses qui leur seraient substituées, accompagné de sa traduction dans toutes les langues dans lesquelles ce site serait disponible, en caractères lisibles et noirs sur un fond blanc et sur une surface égale à au moins 30% de cette page d'accueil, pendant une durée de 3 mois dans un délai de 8 jour à compter de la signification du jugement à intervenir et ce sous astreinte de 2 000 € par jour de retard ; - Ordonner la publication du dispositif du jugement à intervenir dans 5 supports, journaux ou revues, papier ou en ligne, au choix de la FFT, dans la limite de la somme de 7 000€ par publication à la charge des sociétés Viagogo Entertainment Inc. et Viagogo AG ; - Autoriser la FFT à faire publier, pendant ce même délai, sur son propre site internet accessible à l'adresse www.fft.fr, le dispositif du jugement à intervenir en français et en anglais ; - Condamner in solidum les sociétés Viagogo Entertainment Inc.et Viagogo AG à verser à la FFT la somme de 85 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à laquelle s'ajoutera le remboursement des frais exposés pour diligenter les constats d'huissier des 20 septembre 2017 et 13 avril 2018 ; - Ordonner l'exécution provisoire de droit du jugement à intervenir en toutes ses dispositions, sans constitution de garantie et nonobstant appel ; - Condamner in solidum les sociétés Viagogo Entertainment Inc. et Viagogo AG aux entiers dépens, en ce compris les frais exposés pour la signification des actes de procédure et leur traduction dont distraction au profit de la SAS De Gaulle Fleurance et Associés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. 11. Dans leurs dernières conclusions notifiées électroniquement le 27 janvier 2022, les sociétés Viagogo Entertainment Inc. et Viagogo AG demandent au tribunal de : - Prononcer la déchéance des droits de la FFT sur : " Sa marque " Roland Garros " no3622169, pour les " services de publicité et promotion publicitaire ayant trait en particulier à des événements sporitfs " en classe 35 et les "services de télécommunication par voies télématiques en vue d'obtenir des informations contenues dans des banques de données", les services de "communications par terminaux d'ordinateurs" et les services de "communications (transmission) sur réseau informatique mondial ouvert et fermé" en classe 38, et ce à compter du 13 janvier 2014; " Sa marque " ROLAND GARROS FRENCH OPEN " no003498276, pour les produits consistant en des "publications électroniques (téléchargeables) fournies en ligne à partir de bases de données informatiques ou d'Internet" en classe 9, et ce à compter du 31 octobre 2008 ; - Saisir la Cour de justice de l'Union européenne des questions préjudicielles suivantes: " Les articles 10, paragraphe 2, a) et b), de la directive 2015/2436 sur les marques et 9, paragraphe 2, a) et b) du règlement 2017/1001 sur la marque de l'Union européenne, doivent-ils être interprétés en ce sens que l'exploitant d'un site internet offrant un service de mise en relation d'utilisateurs pour la revente de billets d'accès à divers évènements culturels ou sportifs, dont les noms usuels sont protégés par des marques appartenant à des tiers, organisateurs desdits évènements, qui utilise sur son site, toujours sous la même forme et sans l'accord des titulaires des marques, des signes identiques ou similaires à ces marques pour présenter aux acheteurs potentiels les billets proposés par la seule indication du nom de l'évènement auquel ces billets donnent accès, d'une date et le cas échéant du nom des équipes participant à un match, accomplit ce faisant des actes d'usage de ces signes à titre de marque et, dans l'affirmative, portant, ou susceptible de porter atteinte, à l'une des fonctions de la marque au sens de la jurisprudence de la Cour de justice, et en conséquence susceptibles de constituer une atteinte au droit sur les marques en cause ? " " En cas de réponse positive à la question précédente, les articles 14, paragraphe 1er, c), et paragraphe 2, de la directive 2015/2436, et 14, paragraphe 1er, c), et paragraphe 2, du règlement 2017/1001, doivent-ils être interprétés en ce sens qu'ils s'appliquent aux actes en cause ? " ; - Débouter la FFT de l'ensemble de ses demandes ; - Annuler l'ordonnance du juge de la mise en état du 13 septembre 2019 en ce qu'elle a condamné les sociétés Viagogo Entertainment Inc. et Viagogo AG à communiquer au moyen de documents comptables certifiés par des commissaires aux comptes indépendants, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard passé un délai de 20 jours à compter de la présente ordonnance des informations suivantes : " La quantité de billets d'accès à Roland Garros 2018 et Roland Garros 2019 acquise par les sociétés Viagogo, ou qui lui a été confiée, en vue de leur mise en vente sur l'ensemble des extensions du site Viagogo ; " La quantité de billets d'accès à Roland Garros 2018 et Roland Garros 2019 vendus dans le monde entier sur l'ensemble des extensions du site Viagogo ainsi que le chiffre d'affaires brut correspondant réalisé par les sociétés Viagogo ; " La localisation territoriale déclarée par chacun des acheteurs lors de son achat en ligne et l'ouverture de son compte ; " La liste des fournisseurs de billets d'accès à Roland Garros auprès desquels les sociétés Viagogo ont obtenu les billets qui ont été revendus sur les sites Viagogo, le prix d'achat de ces billets, ainsi que les numéros de série desdits billets ; - Rejeter la demande de liquidation d'astreinte ; - Rejeter la demande fixation d'une astreinte définitive ; - Rejeter la demande de publication judiciaire ; - Condamner la FFT à verser aux sociétés Viagogo Entertainment Inc. et Viagogo AG chacune la somme de 80 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile; En tout état de cause, - Condamner la FFT aux entiers dépens. 12. L'instruction a été clôturée par une ordonnance du 17 février 2022 et l'affaire plaidée à l'audience du 29 juin 2022. MOTIFS DE LA DÉCISION 1o) Sur le non-respect des droits exclusifs d'exploitation du tournoi de "Roland Garros" (qui est préalable en ce qu'il conditionne l'atteinte aux marques "Roland Garros") Moyens des parties 13. La FFT soutient qu'elle bénéficie d'un monopole d'exploitation portant sur le tournoi de Roland Garros et notamment sur la vente et la revente de billets. Elle considère que les sociétés Viagogo ont porté atteinte à son droit privatif dès lors qu'elles ont commercialisé sur leur plateforme des billets d'accès aux éditions 2018, 2019 et 2020 du tournoi de Roland Garros. Elle précise à cet égard que l'usage d'un logiciel de géo-blocage pour empêcher l'acquisition de billets par les internautes français est indifférent puisque son monopole a vocation à s'appliquer au-delà des frontières nationales et qu'il est en tout état de cause facile de contourner ce blocage. Elle considère en conséquence que les sociétés Viagogo ont empêché la réalisation des objectifs d'intérêt général qu'elle poursuit. Elle ajoute que les défenderesses ne peuvent se prévaloir d'un quelconque épuisement de droits dès lors que cette notion ne s'applique qu'aux produits. 14. Les sociétés Viagogo affirment au contraire que l'article L. 333-1 du code du sport n'a pas vocation à s'étendre au marché secondaire de billets. Elles expliquent qu'elles n'ont en tout état de cause pas porté atteinte au monopole concerné dès lors que, d'une part, elle se sont contentées de permettre la revente de billets et n'ont donc procédé à aucune captation de flux économique et que, d'autre part, le logiciel de géo-blocage mis en oeuvre sur leur plateforme empêche toute acquisition de billets depuis la France, seul pays où doit selon elles s'appliquer le monopole en cause. Elles considèrent enfin que le développement d'une plateforme de revente pour les billets d'accès au tournoi de Roland Garros est légitime en l'absence de service analogue proposé par la FFT. Appréciation du tribunal 15. Selon les articles L. 100-1 et L. 100-2 du code du sport, "Le développement du sport pour tous et le soutien aux sportifs de haut niveau et aux équipes de France dans les compétitions internationales sont d'intérêt général. L'Etat, les collectivités territoriales et leurs groupements, les associations, les fédérations sportives, les entreprises et leurs institutions sociales contribuent à la promotion et au développement des activités physiques et sportives. Ils veillent à assurer un égal accès aux pratiques sportives sur l'ensemble du territoire. Ils veillent également à prévenir et à lutter contre toutes formes de violence et de discrimination dans le cadre des activités physiques et sportives. L'Etat et les associations et fédérations sportives assurent le développement du sport de haut niveau, avec le concours des collectivités territoriales, de leurs groupements et des entreprises intéressées." Aux fins de permettre aux fédérations sportives d'assurer cette mission d'intérêt général de développement de la pratique du sport et d'égal accès aux pratiques sportives, l'article L. 333-1 alinéa 1er du même code prévoit que : "Les fédérations sportives, ainsi que les organisateurs de manifestations sportives mentionnés à l'article L. 331-5, sont propriétaires du droit d'exploitation des manifestations ou compétitions sportives qu'ils organisent." 16. Ce monopole n'est pas limité au service de billeterie. Le code pénal réprime en effet le fait de vendre de manière habituelle les billets d'accès à une manifestation sportive sans l'accord du propriétaire de cette manifestation, de même que le fait, de manière habituelle, de fournir des moyens en vue de la revente de ces billets. Ainsi l'article 313-6-2 du code pénal prévoit que: "Le fait de vendre, d'offrir à la vente ou d'exposer en vue de la vente ou de la cession ou de fournir les moyens en vue de la vente ou de la cession des titres d'accès à une manifestation sportive, culturelle ou commerciale ou à un spectacle vivant, de manière habituelle et sans l'autorisation du producteur, de l'organisateur ou du propriétaire des droits d'exploitation de cette manifestation ou de ce spectacle, est puni de 15 000 € d'amende. Cette peine est portée à 30 000 € d'amende en cas de récidive. Pour l'application du premier alinéa, est considéré comme titre d'accès tout billet, document, message ou code, quels qu'en soient la forme et le support, attestant de l'obtention auprès du producteur, de l'organisateur ou du propriétaire des droits d'exploitation du droit d'assister à la manifestation ou au spectacle." 17. Les travaux parlementaires ayant précédé l'adoption de ce texte renseignent sur l'objectif poursuivi par le législateur au moyen de ce renforcement du monopole des fédérations sportives sur les événements sportifs qu'elles organisent (et qu'elles sont, selon le code du sport, seules à pouvoir organiser) : "Depuis quelques années, les pratiques de revente massive de billets ou de titres d'accès à des manifestations tant sportives que culturelles, dans le but d'en tirer un bénéfice, ont tendance à s'amplifier. Il est fréquent que, dès les premiers jours de mise en vente de billets par un producteur ou un organisateur de spectacle ou de manifestation sportive, la pénurie soit créée : une grande partie, voire la totalité des titres d'accès à la manifestation est achetée par une poignée d'individus, qui les revendent ensuite à un prix qui leur permet d'en tirer un substantiel bénéfice. Lors des événements très courus, cette pratique est devenue? très courante. À voir le nombre de sites de revente de billets sur Internet, on est conduit à penser qu'il s'agit d'une activité des plus lucratives ! Les contentieux fleurissent entre les sociétés qui se sont spécialisées dans cette activité et les organisateurs, producteurs ou institutions proposant des spectacles, concerts, matchs et compétitions sportives, voire des expositions. (...)" 18. Il n'apparaît pas inutile en outre de rappeler que ces dispositions légales ont été validées en ces termes par le Conseil constitutionnel: "6. D'autre part, le législateur a également souhaité garantir l'accès du plus grand nombre aux manifestations sportives, culturelles, commerciales et aux spectacles vivants. En effet, l'incrimination en cause doit permettre de lutter contre l'organisation d'une augmentation artificielle des prix des titres d'accès à ces manifestations et spectacles. 7. En deuxième lieu, la vente de titres d'accès et la facilitation de la vente ou de la cession de tels titres, ne sont prohibées que si elles s'effectuent sans l'autorisation du producteur, de l'organisateur ou du propriétaire des droits d'exploitation de la manifestation ou du spectacle. 8. En dernier lieu, il résulte des travaux parlementaires qu'en ne visant que les faits commis «de manière habituelle», le législateur n'a pas inclus dans le champ de la répression les personnes ayant, même à plusieurs reprises, mais de manière occasionnelle, vendu, cédé, exposé ou fourni les moyens en vue de la vente ou de la cession des titres d'accès à une manifestation ou à un spectacle. 9. Il résulte de ce qui précède que l'infraction ainsi définie ne méconnaît ni le principe de nécessité des délits et des peines, ni celui de légalité des délits et des peines. 10. Il est loisible au législateur d'apporter aux conditions d'exercice du droit de propriété des personnes privées, protégé par l'article 2 de la Déclaration de 1789, ainsi qu'à la liberté d'entreprendre et à la liberté contractuelle, qui découlent de son article 4, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi. 11. Compte tenu, d'une part, des objectifs de valeur constitutionnelle et d'intérêt général énoncés aux paragraphes 5 et 6 et, d'autre part, de ce que le législateur a réprimé la seule revente de titres d'accès, sa facilitation et celle de la cession de tels titres, uniquement lorsqu'elles sont réalisées à titre habituel et sans l'accord préalable des organisateurs, producteurs ou propriétaires des droits d'exploitation, le législateur n'a méconnu ni la liberté d'entreprendre ni la liberté contractuelle ni le droit de propriété. 12. L'article 313-6-2 du code pénal, qui ne méconnaît aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doit être déclaré conforme à la Constitution." (Décision no 2018-754 QPC du 14 décembre 2018, Société Viagogo et autres) 19. En l'occurrence, la FFT doit être regardée comme propriétaire du droit d'exploitation portant sur les éditions 2018, 2019 et 2020 du tournoi de tennis de "Roland Garros" et notamment sur les services de billetterie y afférent. La FFT dispose donc d'un monopole sur l'exploitation de l'événement litigieux, lequel s'analyse en un droit de propriété lui permettant notamment d'interdire à toute autre personne l'exploitation des manifestations sportives en cause, tandis que le monopole d'exploitation, en raison des motifs mêmes de sa création ci-dessus rappelés, octroyé à la FFT concernant la vente de billets des tournois qu'elle organise, s'étend incontestablement au marché secondaire. 20. Il ressort en outre des différents procès-verbaux de constat versés aux débats que les sociétés Viagogo exploitent une plateforme sur laquelle ont été mis en vente des billets donnant accès aux éditions 2018, 2019 et 2020 du tournoi de Roland Garros, sans qu'aucune autorisation ne leur soit donnée par la FFT. La mise en oeuvre d'un logiciel de géo-blocage, visant exclusivement les internautes français est à cet égard indifférente, ce d'autant plus que les constatations d'huissier démontrent qu'il est relativement aisé pour un internaute français de contourner cette mesure de blocage. 21. Surtout, même si le fait générateur est ici en principe exclusivement commis à l'étranger (la revente et l'achat du billet) le dommage est entièrement subi en France s'agissant de la vente de billets d'accès à une compétition sportive ayant lieu en France, organisée par une personne morale ayant son siège en France, le monopole dont bénéficie la FFT visant, d'une part, la protection des licenciés français de tennis contre le renchérissement du coût des billets résultant de leur revente, ainsi, d'autre part, que la sécurité de l'événement par la maîtrise de l'identité de ses spectateurs. 22. La FFT démontre encore que les défenderesses, loin d'adopter un rôle neutre purement technique, sont à l'origine de l'architecture du site et notamment du classement des billets en rubriques spécifiques (les rubriques "sport" ou "tennis" en particulier), assurent la promotion du tournoi "Roland Garros" en publiant des messages, visant notamment à indiquer l'état des stocks de billets aux internautes, offrent à ces derniers la possibilité de choisir leur place et leur positionnement dans les tribunes, sont les interlocutrices uniques de l'acquéreur lors de la transaction, ne permettent pas à l'acquéreur de connaître l'identité du vendeur, assurent la délivrance du billet et garantissent son remplacement en cas de problème par un billet similaire ou plus avantageux. Ces différents éléments établissent amplement que les sociétés défenderesses ne jouent pas un rôle purement passif, ne leur conférant ni connaissance ni contrôle sur le contenu de leur plateforme marchande. Au contraire, il en résulte que les sociétés Viagogo organisent leur plateforme en toute connaissance des billets qui y sont commercialisés, optimisant la présentation de l'offre en vente et la promotion. Elles ne peuvent par conséquent se prévaloir du statut d'hébergeur tel que défini par l'article 6-I 2o de la LCEN et ne peuvent bénéficier du régime de responsabilité atténuée qui lui est associé. 23. Il en résulte qu'en proposant à la vente, dans le monde entier, des billets pour assister aux éditions 2018, 2019 et 2020 du tournoi de Roland Garros, sans autorisation de la FFT, les sociétés Viagogo ont porté atteinte au monopole d'exploitation de la FFT dans des conditions excédant le rôle de simple hébergeur d'annonces, et engagé leur responsabilité à ce titre. 2o) Sur les atteintes aux marques "Roland Garros" a - Sur les demandes de déchéance partielle des marques de la FFT Moyens des parties 24. Les sociétés Viagogo sollicitent, sur le fondement de l'article L. 714-5 du code de propriété intellectuelle, la déchéance partielle de la marque verbale française " ROLAND GARROS " no3622169 et de la marque verbale de l'Union européenne " ROLAND GARROS FRENCH OPEN " no003498276. Les défenderesses soutiennent en effet que la FFT n'a pas fait, entre le 28 septembre 2016 et le 28 septembre 2021, un usage sérieux et à titre de marque de ces deux marques relativement à certains produits et services. Plus précisément, elles relèvent l'absence d'usage adéquat par la FFT de la marque française no3622169 pour les "services de publicité et promotion publicitaire ayant trait en particulier à des événements sportifs" en classe 35, et les "services de télécommunication par voies télématiques en vue d'obtenir des informations contenues dans des banques de données", ainsi que les services de "communications par terminaux d'ordinateurs" et de "communications (transmission) sur réseau informatique mondial ouvert et fermé" en classe 38. S'agissant de la marque de l'Union européenne no003498276, elles soulignent l'absence d'usage sérieux à titre de marque en matière de "publications électroniques (téléchargeables) fournies en ligne à partir de bases de données informatiques ou d'Internet" en classe 9. 25. En particulier, les sociétés Viagogo estiment que les pièces faisant état de l'usage du signe semi-figuratif sont impropres à démontrer un usage sérieux des marques verbales visées par la demande en déchéance dès lors que ce logo présente des différences particulièrement importantes et distinctives par rapport aux marques en cause. Elles indiquent également que l'usage des signes concernés est effectué non pour désigner les produits ou services en cause mais pour identifier le tournoi Roland Garros dans son ensemble. Elles précisent s'agissant des "services de publicité et promotion publicitaire ayant trait en particulier à des événements sportifs" visés par la marque française no3622169 que les signes utilisés pour désigner ces activités de promotion de la FFT ne désignent pas des activités de promotion "ayant trait en particulier à des évènements sportifs" et ne démontrent donc pas un quelconque usage des marques en cause pour désigner ce service précis. 26. S'agissant des services de "télécommunication par voies télématiques en vue d'obtenir des informations contenues dans des banques de données", de "communications par terminaux d'ordinateurs " et " de communications (transmission) sur réseau informatique mondial ouvert et fermé ", les sociétés Viagogo soulignent qu'aucun des usages rapportés par la FFT ne correspond à la notion de service de communication tel que défini par l'article 32 du code des postes et des communications électroniques. Elles ajoutent en tout état de cause que les intitulés relatifs aux services de "communication par terminaux d'ordinateurs " et de " communication (transmission) sur réseau informatique mondial ouvert et fermé " sont trop larges, et qu'une preuve d'usage relative à ces services n'emporterait protection que pour la sous-catégorie de service précisément concernée. Les défenderesses considèrent par ailleurs que l'usage des signes en cause pour désigner une offre de Wifi est purement symbolique et ne saurait constituer un usage sérieux des marques contestées. S'agissant enfin des " publications électroniques (téléchargeables) fournies en ligne à partir de bases de données informatiques ou d'Internet " visées par la marque européenne no003498276, les sociétés Viagogo expliquent que l'usage des signes en cause pour désigner des brochures informatives ne constitue pas un usage pertinent à titre de marque dans la vie des affaires. Elles précisent en outre que les preuves d'usages présentées par la FFT n'illustrent qu'un usage sur le territoire français des signes en cause et non un usage à l'échelle européenne. 27. La FFT conteste l'absence d'usage sérieux de ses marques "ROLAND GARROS" no3622169 et " ROLAND GARROS FRENCH OPEN " no003498276 s'agissant des produits et services concernés et pendant la période allant du 28 septembre 2016 au 28 septembre 2021. 28. Elle soutient à cet égard que l'usage sérieux de ces signes est établi dès lors que le signe verbal "ROLAND GARROS" et le signe semi-figuratif sont régulièrement associés aux produits et services en cause. En particulier, la FFT affirme utiliser ces signes pour désigner ses " services de publicité et promotion publicitaire ayant trait en particulier à des événements sportifs " en les faisant figurer sur la page de son site internet listant les différents partenaires publicitaires du tournoi, en faisant figurer ces signes au sein des contrats publicitaires conclus pendant la période pertinente, en associant les signes en cause à des publicités présentes sur le site du tournoi ou parues dans des magazines et en faisant apparaître ces deux signes sur les publications publicitaires émises par le compte Instagram du tournoi. Elle ajoute que le fait que les signes verbaux et semi-figuratifs présentés soient différents des marques en cause est inopérant dès lors que l'article L. 714-5 du code de propriété intellectuelle et la jurisprudence admettent l'usage d'une marque sous une forme modifiée à condition que, comme en l'espèce, le signe exploité n'altère pas le caractère distinctif de la marque enregistrée. 29. Elle indique également avoir fait usage, pendant la période litigieuse, des signes évoqués afin de désigner ses services de " télécommunication par voies télématiques en vue d'obtenir des informations contenues dans des banques de données", de "communications par terminaux d'ordinateurs" et de "communications (transmission) sur réseau informatique mondial ouvert et fermé", dès lors qu'elle a fait figurer ces signes dans des offres de services incluant une connexion Wifi et qu'elle désigne par ces signes son offre d'application mobile ainsi que son site internet. Elle considère enfin désigner par les signes en cause son offre de " publications électroniques (téléchargeables) fournies en ligne à partir de bases de données informatiques ou d'Internet", dès lors que des communiqués de presse, des fiches de résultats, des programmes journaliers et des fiches relatives au protocole sanitaire ou au règlement sont disponibles en téléchargement sur le site internet du tournoi et sont systématiquement associés aux deux signes décrits. Appréciation du tribunal 30. Selon l'article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle : "Encourt la déchéance de ses droits le titulaire de la marque qui, sans justes motifs, n'en a pas fait un usage sérieux, pour les produits ou services pour lesquels la marque est enregistrée, pendant une période ininterrompue de cinq ans. Le point de départ de cette période est fixé au plus tôt à la date de l'enregistrement de la marque suivant les modalités précisées par un décret en Conseil d'Etat. Est assimilé à un usage au sens du premier alinéa : 1o L'usage fait avec le consentement du titulaire de la marque; 2o L'usage fait par une personne habilitée à utiliser la marque collective ou la marque de garantie ; 3o L'usage de la marque, par le titulaire ou avec son consentement, sous une forme modifiée n'en altérant pas le caractère distinctif, que la marque soit ou non enregistrée au nom du titulaire sous la forme utilisée ; 4o L'apposition de la marque sur des produits ou leur conditionnement, par le titulaire ou avec son consentement, exclusivement en vue de l'exportation." 31. De même, aux termes de l'article 58 du Règlement 2017/1001 : "1. Le titulaire de la marque de l'Union européenne est déclaré déchu de ses droits, sur demande présentée auprès de l'Office ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon: a) si, pendant une période ininterrompue de cinq ans, la marque n'a pas fait l'objet d'un usage sérieux dans l'Union pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée, et qu'il n'existe pas de justes motifs pour le non-usage; toutefois, nul ne peut faire valoir que le titulaire est déchu de ses droits si, entre l'expiration de cette période et la présentation de la demande ou de la demande reconventionnelle, la marque a fait l'objet d'un commencement ou d'une reprise d'usage sérieux; cependant, le commencement ou la reprise d'usage fait dans un délai de trois mois avant la présentation de la demande ou de la demande reconventionnelle, ce délai commençant à courir au plus tôt à l'expiration de la période ininterrompue de cinq ans de non-usage, n'est pas pris en considération lorsque des préparatifs pour le commencement ou la reprise de l'usage interviennent seulement après que le titulaire a appris que la demande ou la demande reconventionnelle pourrait être présentée;" 32. Il est constant qu'un usage sérieux s'entend d'un usage à titre de marque qui ne se limite pas à un usage sporadique et symbolique de la marque concernée. Il convient en outre de préciser que sa preuve incombe au titulaire de la marque pour chaque territoire où il se prévaut de droits privatifs sur la marque concernée et, qu'est assimilé à un usage sérieux de la marque invoquée, celui fait sous une forme modifiée n'en altérant pas le caractère distinctif. 33. Concernant les "services de publicité et promotion publicitaire ayant trait en particulier à des évènements sportifs", il résulte des pièces communiquées par la demanderesse que la marque verbale "ROLAND GARROS " (de même que le signe semi-figuratif) a fait l'objet, durant la période envisagée (2017 / 2020), d'accords de partenariat permettant à certaines sociétés d'associer leur enseigne, leur marque ou leurs produits aux marques en cause, à travers notamment des publicités publiées dans des magazines ou sur les réseaux sociaux, ainsi qu'à la compétition toute entière. Il en résulte que la FFT, par le biais de ces accords de partenariat, et vis à vis des annonceurs ayant fait le choix de s'associer à l'événement, a bien fait usage de la marque no 3622169, à titre de marque, pour leur proposer des services de publicité, en particulier ceux qu'elle propose dans le cadre de l'événement. Il n'est par ailleurs pas discuté que, pour ce public professionnel, la marque "ROLAND GARROS" désigne le tournoi de tennis organisé par la demanderesse. En conséquence, les partenariats organisés par la FFT constituent bien un usage de ses marques se rapportant à des "services de publicité et promotion publicitaire ayant trait en particulier à des évènements sportifs" pendant la période courant du 28 septembre 2016 au 28 septembre 2021. 34. Concernant les services de "télécommunication par voies télématiques en vue d'obtenir des informations contenues dans des banques de données", de "communication par terminaux d'ordinateurs" et les services de "communications (transmission) sur réseau informatique mondial ouvert et fermé", il convient de rappeler que, conformément à l'article L. 32, 6o, dernier §, du code des postes et des communications électroniques, ne constitue pas un service de communication électronique le service qui consiste à communiquer du contenu via un service de communication électronique. 35. En l'espèce, la FFT exploite une application mobile intitulée " Roland Garros Officiel " ainsi qu'un site internet. Néanmoins, les sociétés Viagogo indiquent avec raison que le simple fait de communiquer des informations via un réseau informatique ne permet pas de caractériser l'existence d'un service de communication électronique, l'utilisation de moyens de communication en ligne ne s'analysant pas en la fourniture d'un moyen de communication en ligne. Il ressort à cet égard des éléments versés aux débats que la FFT n'exploite ce site et cette application qu'afin de communiquer des informations et du contenu relatifs à son activité. Il en résulte que les services invoqués ne constituent pas des services de "communication par terminaux d'ordinateurs" ni des services de "communication (transmission) sur réseau informatique mondial ouvert et fermé" et ne démontrent pas un usage de la marque en cause pour ces services. 36. De même, dans la mesure où la FFT, bien qu'elle exploite ce site internet et cette application, ne fournit pas elle-même des services de communication en ligne, elle ne rapporte pas la preuve de l'usage de la marque "ROLAND GARROS " pour des "services de télécommunication par voies télématiques en vue d'obtenir des informations contenues dans des banques de données ". 37. S'agissant de l'usage de la marque verbale européenne " ROLAND GARROS FRENCH OPEN" no003498276 déposée en classe 9 pour désigner les "publications électroniques (téléchargeables fournies en ligne à partir de bases de données informatiques ou d'Internet", il ne ressort des pièces aucun usage du signe pour les services de "publications électroniques (téléchargeables) fournies en ligne à partir de bases de données informatiques ou d'Internet", dès lors que les usages du signes "Roland Garros" ne sont pas substituables à ceux du signe "Roland Garros French Open" aux fins de justifier de l'usage de ce dernier pour les produits et services qu'il désigne. 38. En conséquence, il sera fait droit aux demandes des sociétés Viagogo en déchéance de la marque française "Roland Garros" no3622169 en ce qu'elle désigne en classe 38 des services de "télécommunication par voies télématiques en vue d'obtenir des informations contenues dans des banques de données", de " communication par terminaux d'ordinateurs " et les services de " communications (transmission) sur réseau informatique mondial ouvert et fermé " et des " services de télécommunication par voies télématiques en vue d'obtenir des informations contenues dans des banques de données ", ainsi que de la marque de l'Union européenne "Roland Garros French Open" no003498276 en ce qu'elle désigne en classe 9 les "publications électroniques (téléchargeables) fournies en ligne à partir de bases de données informatiques ou d'Internet". b - Sur la contrefaçon de marques Moyens des parties 39. La FFT soutient que les sociétés Viagogo ont contrefait sa marque verbale française " ROLAND GARROS " no3622169 par reproduction à l'identique de ce signe pour désigner des services identiques à ceux visés par cette marque, à savoir des services de " télécommunication par voies télématiques en vue d'obtenir des informations contenues dans des banques de données " ; " de communication par terminaux d'ordinateurs ; communications (transmission) sur réseau informatique mondial ouvert et fermé " et de " publicité et promotion publicitaire ayant trait en particulier à des événements sportifs". De la même manière, la demanderesse estime que les sociétés Viagogo ont commis des actes de contrefaçon par reproduction en reprenant le signe verbal " ROLAND GARROS" protégé par la marque française no1625392 afin de désigner précisément à des services de " divertissements ; spectacles ", pourtant couverts par cette marque. Elle ajoute que les défenderesses ont en tout état de cause contrefait les quatre marques en cause par imitation. Elle considère en effet que les sociétés Viagogo ont fait usage du signe verbal " ROLAND GARROS ", identique au signe verbal protégé par les marques no1625392 et no3622169 et très similaires au signe semi-figuratif protégé par la marque française no1630776 en ce qu'il intègre le signe verbal en cause et au signe verbal " ROLAND GARROS FRENCH OPEN " protégé par la marque européenne no3498276 en ce qu'il est constitué du signe " ROLAND GARROS " associé à l'élément " FRENCH OPEN " particulièrement peu distinctif. Elle ajoute que les services proposés par les sociétés Viagogo sont extrêmement similaires aux services désignés par ces marques dès lors qu'il s'agit de services de mise en relation des internautes, de services de promotion offerts aux vendeurs, de services d'offre et de vente de billets relatifs à des événements sportifs ou culturels s'analysant en des activités de divertissement et propose du contenu téléchargeable sur internet. La demanderesse déduit de ce qui précède que l'usage, à titre de marque, du signe " ROLAND GARROS " sur la plateforme génère un risque de confusion dans l'esprit du public qui est amené à croire à une autorisation de la FFT au bénéfice des sociétés Viagogo pour qu'elles commercialisent les billets du tournoi Roland Garros. Elle précise enfin que les sociétés Viagogo ne peuvent se prévaloir d'aucune exception 40. En réponse, les sociétés Viagogo indiquent en préambule n'avoir pu contrefaire les marques françaises invoquées dès lors qu'aucune des offres de billets litigieuses n'a été réalisée en direction du public français. Elles précisent à cet égard qu'il importe peu que les offres aient été visibles par le public français dès lors qu'il est impossible de les accepter avec une adresse IP française. Les défenderesses ajoutent que les actes d'usage reprochés ne constituent pas un usage au titre de marque du signe litigieux. Elles considèrent en effet que leur usage du signe verbal " Roland Garros " ne désigne pas le service fourni mais a simplement pour objet d'identifier le tournoi auquel donnent accès les billets mis en vente. 41. Les défenderesses ajoutent que l'usage fait du signe litigieux ne porte aucune atteinte à la fonction essentielle des marques de la FFT. Elles indiquent à cet égard que la mention du signe litigieux ne trouble pas le consommateur moyen quant à l'origine du service proposé par la plateforme Viagogo et ne saurait lui laisser penser qu'existe un partenariat entre la FFT et les défenderesses. 42. Eu égard à ces deux moyens, la défenderesse demande que soit posée à la Cour de justice de l'Union européenne la question préjudicielle suivante : " Les articles 10, paragraphe 2, a) et b), de la directive 2015/2436 sur les marques et 9, paragraphe 2, a) et b) du règlement 2017/1001 sur la marque de l'Union européenne, doivent-ils être interprétés en ce sens que l'exploitant d'un site internet offrant un service de mise en relation d'utilisateurs pour la revente de billets d'accès à divers évènements culturels ou sportifs, dont les noms usuels sont protégés par des marques appartenant à des tiers, organisateurs desdits évènements, qui utilise sur son site, toujours sous la même forme et sans l'accord des titulaires des marques, des signes identiques ou similaires à ces marques pour présenter aux acheteurs potentiels les billets proposés par la seule indication du nom de l'évènement auquel ces billets donnent accès, d'une date et le cas échéant du nom des équipes participant à un match, accomplit ce faisant des actes d'usage de ces signes à titre de marque et, dans l'affirmative, portant ou susceptibles de porter atteinte à l'une des fonctions de la marque au sens de la jurisprudence de la Cour de justice, et en conséquence susceptibles de constituer une atteinte au droit sur les marques en cause ?". 43. En tout état de cause, les sociétés Viagogo affirment qu'il n'existe aucun risque de confusion entre les marques de la FFT et le signe utilisé sur leur plateforme dès lors que le signe protégé par la marque française no1630776 et le signe " ROLAND GARROS FRENCH OPEN " protégé par la marque européenne no003498276 ne sont que moyennement similaires au signe utilisé sur le site Viagogo et que les produits et services visés par les marques de la FFT sont différents de celui proposé par la plateforme Viagogo. A titre subsidiaire, elles indiquent bénéficier de l'exception de référence nécessaire dès lors qu'elles ne pouvaient désigner le tournoi de Roland Garros autrement qu'avec le signe " ROLAND GARROS " mais également de la règle de l'épuisement des droits, les billets litigieux constituant selon elle des produits ayant été commercialisés une première fois par la FFT. A ce titre, elle demande que la question suivante soit posée à la CJUE : " En cas de réponse positive à la question précédente, les articles 14, paragraphe 1er, c) et paragraphe 2, de la directive 2015/2436 et 14 paragraphe 1er c) et paragraphe 2, du règlement 2017/1001 doivent-ils être interprétés en ce sens qu'ils s'appliquent aux actes en cause ? ". Appréciation du tribunal 44. Selon l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne "La Cour de justice de l'Union européenne est compétente pour statuer, à titre préjudiciel : a) sur l'interprétation des traités, b) sur la validité et l'interprétation des actes pris par les institutions, organes ou organismes de l'Union. Lorsqu'une telle question est soulevée devant une juridiction d'un des États membres, cette juridiction peut, si elle estime qu'une décision sur ce point est nécessaire pour rendre son jugement, demander à la Cour de statuer sur cette question. Lorsqu'une telle question est soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne, cette juridiction est tenue de saisir la Cour. Si une telle question est soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction nationale concernant une personne détenue, la Cour statue dans les plus brefs délais." 45. Par un arrêt du 6 octobre 1982 (Srl CILFIT et Lanificio di Gavardo SpA contre Ministère de la santé, Aff. 283/81), la Cour de justice des Communautés Européenne a dit pour droit que : "L'article 177, alinéa 3, du traité CEE doit être interprété en ce sens qu'une juridiction dont les décisions ne sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne est tenue, lorsqu'une question de droit communautaire se pose devant elle, de déférer à son obligation de saisine, à moins qu'elle n'ait constaté que la question soulevée n'est pas pertinente ou que la disposition communautaire en cause a déjà fait l'objet d'une interprétation de la part de la Cour ou que l'application correcte du droit communautaire s'impose avec une telle évidence qu'elle ne laisse place à aucun doute raisonnable; l'existence d'une telle éventualité doit être évaluée en fonction des caractéristiques propres au droit communautaire, des difficultés particulières que présente son interprétation et du risque de divergences de jurisprudence à l'intérieur de la Communauté." 46. Il résulte en outre de l'article 1er, paragraphe 5, des Recommandations de la Cour à l'attention des juridictions nationales, relatives à l'introduction de procédures préjudicielles (2018/C 257/01) que : "5. Les juridictions des États membres peuvent saisir la Cour d'une question portant sur l'interprétation ou la validité du droit de l'Union lorsqu'elles estiment qu'une décision de la Cour sur ce point est nécessaire pour rendre leur jugement (voir l'article 267, deuxième alinéa, TFUE). Un renvoi préjudiciel peut notamment s'avérer particulièrement utile lorsqu'est soulevée, devant la juridiction nationale, une question d'interprétation nouvelle présentant un intérêt général pour l'application uniforme du droit de l'Union ou lorsque la jurisprudence existante ne paraît pas fournir l'éclairage nécessaire dans un cadre juridique ou factuel inédit." 47. Interprétant les dispositions de la directive 89/104, dont les textes de droit interne réalisent la transposition, et le règlement no 40/94, rédigé sur ce point en termes identiques au règlement 2017/1001 ici applicable, la Cour de justice de l'Union européenne a, par un arrêt du 12 juillet 2011 (C-324/09), rappelé que : "Il y a, cependant, lieu de préciser que la simple accessibilité d'un site Internet sur le territoire couvert par la marque ne suffit pas pour conclure que les offres à la vente y affichées sont destinées à des consommateurs situés sur ce territoire (voir, par analogie, arrêt du 7 décembre 2010, Pammer et Hotel Alpenhof, C-585/08 et C-144/09, non encore publié au Recueil, point 69). En effet, si l'accessibilité, sur ledit territoire, d'une place de marché en ligne suffisait pour que les annonces y affichées relèvent du champ d'application de la directive 89/104 et du règlement no 40/94, des sites et des annonces qui, tout en étant à l'évidence destinés exclusivement à des consommateurs situés dans des États tiers, sont néanmoins techniquement accessibles sur le territoire de l'Union seraient indûment soumis au droit de l'Union. Il incombe, par conséquent, aux juridictions nationales d'apprécier au cas par cas s'il existe des indices pertinents pour conclure qu'une offre à la vente, affichée sur une place de marché en ligne accessible sur le territoire couvert par la marque, est destinée à des consommateurs situés sur celui-ci. Lorsque l'offre à la vente est accompagnée de précisions quant aux zones géographiques vers lesquelles le vendeur est prêt à envoyer le produit, ce type de précision a une importance particulière dans le cadre de ladite appréciation." 48. Au cas particulier, il importe, afin d'apprécier une éventuelle atteinte aux marques, de déterminer si les offres à la vente litigieuses étaient effectivement destinées au public français (ou européen). Il ressort ici du constat d'huissier en date du 20 septembre 2017 que des offres de vente des billets d'accès au tournoi de Roland Garros ont effectivement été visibles par les internautes résidant en France et se connectant à la plateforme via une adresse IP française. Ces différents billets étaient visibles sur la version française de la plateforme Viagogo, s'accompagnant parfois de messages en langue française à caractère informatif ou promotionnel comme " Billets Roland Garros " ou " bientôt en rupture de stock - plus que quelques billets restant ". Des mesures de géo-blocage empêchaient certes les internautes français de procéder à l'achat des billets litigieux. En dépit toutefois des mesures de géo-blocage prises par les sociétés Viagogo, le site litigieux doit être considéré comme ciblant notamment les internautes francophones. Il s'ensuit que la demanderesse est fondée à se prévaloir d'une éventuelle atteinte à ses marques françaises. 49. Aux termes des articles L. 713-2 et L. 713-3 anciens du code de la propriété intellectuelle, réunis en 2019 sous l'article L. 713-2 du même code : "Est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l'usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services : 1o D'un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ; 2o D'un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s'il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d'association du signe avec la marque." 50. L'article 9 du règlement (UE) 2017/1001 du parlement européen et du conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne dispose de la même manière que : "1) L'enregistrement d'une marque de l'Union européenne confère à son titulaire un droit exclusif. 2) Sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité d'une marque de l'Union européenne, le titulaire de cette marque de l'Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe pour des produits ou services lorsque: a) ce signe est identique à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée; b) ce signe est identique ou similaire à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou services identiques ou similaires aux produits ou services pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public; le risque de confusion comprend le risque d'association entre le signe et la marque; " 51. Dit autrement, une marque française ou européenne est contrefaite par la reprise servile du signe protégé afin de désigner des produits ou services identiques à ceux visés par la marque, ainsi que par l'usage d'un signe similaire pour désigner des produits similaires, dès lors que cet usage crée un risque de confusion dans l'esprit du public. 52. L'existence d'un risque de confusion, lequel comprend un risque d'association dans l'esprit du public concerné, s'apprécie de manière globale, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce, au regard de l'impression d'ensemble produite par les signes en cause, mais également de l'identité et/ou similarité des produits et services couverts, un faible degré de similitude entre les marques opposées pouvant être compensé par un degré élevé de similitude entre les produits ou services couverts. 53. L'appréciation de la similitude visuelle, auditive et conceptuelle des signes doit être fondée sur l'impression d'ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs dominants. 54. Il résulte en l'occurrence des constats d'huissiers précités que les différentes extensions de la plateforme Viagogo ont reproduit le signe sous sa forme verbale "ROLAND GARROS" afin de désigner des billets d'accès à l'édition 2018 du tournoi et plus globalement le service de bourse de billets qu'elles proposent. 55. Le signe utilisé sur la plateforme Viagogo est donc identique à la marque verbale française "ROLAND GARROS" no1625392 (qui désigne les manifestations sportives) et force est de constater qu'il est utilisé par les sociétés défenderesses pour désigner des billets d'accès à la manifestation sportive organisée par la demanderesse. La contrefaçon est donc établie. 56. Le signe utilisé par les sociétés Viagogo imite en outre la marque semi-figurative française no1630776 dont l'élément verbal "ROLAND GARROS " est celui qui sera retenu comme principal par le public pertinent. De la même façon le signe verbal présent sur la plateforme est très similaire à la marque verbale européenne "ROLAND GARROS FRENCH OPEN" (qui désigne elle aussi en classe 41 les activités sportives et le divertissement) 57. Les sociétés Viagogo font usage de ces signes dans le cadre de leur activité de revente de billets, afin d'identifier les billets litigieux permettant d'accéder à la compétition sportive du même nom. 58. En l'occurrence, le public pertinent est constitué des amateurs de tennis intéressés par la compétition ; il est d'attention moyenne. S'il apparait ici que le public pertinent ne confondra pas la billetterie en ligne officielle de la FFT et le service de vente de billets proposé par la plateforme Viagogo, il n'en demeure pas moins que la désignation du tournoi Roland Garros par le signe verbal "ROLAND GARROS" est de nature à lui faire croire qu'il existe a minima un partenariat entre la FFT et les sociétés Viagogo permettant à cette dernière d'utiliser ce signe. Il en résulte que l'usage de ce signe par les défenderesses engendre un risque de confusion dans l'esprit du public pertinent et que la contrefaçon de marques, chacune pour le territoire qui la concerne, est établie. 59. Il ressort en outre de l'article L. 713-6, b) dans sa version antérieure au 15 décembre 2019 que le titulaire de marque ne peut prohiber l'usage de sa marque en tant que "référence nécessaire pour indiquer la destination d'un produit ou d'un service, notamment en tant qu'accessoire ou pièce détachée, à condition qu'il n'y ait pas de confusion dans leur origine ". Il résulte également de l'article 14, 1o, c) du Règlement (UE) 2017/1001 que le titulaire d'une marque européenne ne peut interdire l'usage " de la marque de l'Union européenne pour désigner ou mentionner des produits ou des services comme étant ceux du titulaire de cette marque, en particulier lorsque l'usage de cette marque est nécessaire pour indiquer la destination d'un produit ou d'un service, notamment en tant qu'accessoire ou pièce détachée ".Le deuxième paragraphe de cet article précise en outre : " Le paragraphe 1 ne s'applique que lorsque l'usage par le tiers est fait conformément aux usages honnêtes en matière industrielle ou commerciale". 60. Conformément à la jurisprudence constante de la Cour de justice de l'Union européenne, la notion d' "usages honnêtes en matière industrielle ou commerciale" s'entend en substance du respect par le tiers faisant référence à une marque protégée d'une certaine loyauté à l'égard des intérêts légitimes du titulaire de la marque (voir notamment : CJCE, 23 février 1999, C-63/97). 61. L'usage fait des marques ici par les sociétés Viagogo, aux fins de la fourniture d'un service de revente habituelle de billets, activité dont elle connaît le caractère illicite s'agissant des compétitions sportives organisées en France aux fins d'en garantir la sécurité et de prévenir l'augmentation des prix des billets, ne peut être regardé comme honnête au sens du règlement. 62. En conséquence, et sans qu'il soit nécessaire de poser à la Cour de justice de l'Union européenne une question préjudicielle, la présente affaire ne soulevant aucune question nouvelle d'interprétation du droit de l'Union, il y a lieu de rejeter le moyen des sociétés Viagogo tiré de l'usage des marques à titre de référence nécessaire. 63. S'agissant de l'épuisement des droits, il ressort en substance de l'article 15 du Règlement (UE) no2017/1001 et de l'article L. 713-4 du code de la propriété intellectuelle antérieur à la réforme que le droit conféré à un titulaire de marque ne lui permet pas de s'opposer l'usage de cette marque pour des produits mis dans le commerce au sein du marché européen et avec son consentement. 64. En l'espèce, contrairement à ce que soutiennent les sociétés Viagogo, le billet d'accès à un évènement sportif ne constitue qu'un support du contrat conclu entre l'acquéreur du billet et l'organisateur. Pris dans cette fonction, un billet ne constitue pas un produit et la notion d'extinction des droits ne peut donc lui être appliquée. Il y a donc lieu de rejeter ce moyen. c - Sur l'atteinte à la renommée des marques de la FFT Moyens des parties 65. La FFT soutient que ses marques " ROLAND GARROS " et en particulier la marque verbale française " ROLAND GARROS" no1625392 et la marque semi-figurative française no1630776 jouissent d'une importante renommée, notamment en ce qu'elles désignent des services de " divertissement " et de " spectacle " en classe 41. Afin de démonter la renommée de ses marques, la demanderesse fait notamment état d'un sondage d'opinion réalisé par l'IFOP en 2019, des nombreux partenariats ayant été conclus avec des entreprises tierces et de l'important succès télévisuel que représente l'événement. Elle déduit de cette notoriété que ses marques jouissent d'un pouvoir d'attraction propre, indépendant des services et produits qu'elles désignent et que leur reprise par les sociétés Viagogo lui causent un préjudice considérable dès lors qu'elle affaiblit leur distinctivité. 66. Les sociétés Viagogo indiquent en préambule que les demandes formulées par la FFT sur le fondement de la marque de renommée sont rigoureusement identiques à celles fondées sur l'atteinte à ses marques déposées. Elles ajoutent que la renommée des marques no1625392 et no1630776 n'est pas établie et estime au contraire que la FFT ne démontre pas la renommée de ces marques vis-à-vis des services désignés mais se contente de prouver la renommée du tournoi Roland Garros lui-même. A titre subsidiaire, elles affirment qu'aucune atteinte aux marques de renommée n'est constituée en l'espèce dès lors d'une part que les actes litigieux ne sont pas localisés en France et d'autre part que l'usage du signe " ROLAND GARROS " sur la plateforme Viagogo n'est pas un usage à titre de marque. Elles soutiennent enfin qu'en tout état de cause, la FFT ne démontre pas que l'usage en cause a porté atteinte à ses marques renommées. Appréciation du tribunal 67. L'article L. 713-5 du code de la propriété intellectuelle dispose dans sa version antérieure à 2019 que : "La reproduction ou l'imitation d'une marque jouissant d'une renommée pour des produits ou services non similaires à ceux désignés dans l'enregistrement engage la responsabilité civile de son auteur si elle est de nature à porter préjudice au propriétaire de la marque ou si cette reproduction ou imitation constitue une exploitation injustifiée de cette dernière. Les dispositions de l'alinéa précédent sont applicables à la reproduction ou l'imitation d'une marque notoirement connue au sens de l'article 6 bis de la convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle précitée. " 68. Une marque est considérée comme renommée lorsqu'elle est connue d'une partie significative du public pertinent et qu'elle exerce un pouvoir d'attraction propre, indépendant du produit ou du service qu'elle identifie, étant précisé que le public pertinent est celui concerné par la marque (CJUE, 14 septembre 1999, C-375/97, General Motors, points 24 et 26). Pour apprécier la renommée, sont notamment - mais pas exclusivement - pris en compte l'ancienneté de la marque, son succès commercial, l'importance du budget publicitaire consacré, l'étendue géographique et la durée de son usage, son référencement dans la presse ou encore l'existence de sondages (CJUE, 14 septembre 1999, C-375/97, General Motors, point 27 ; TUE, 10 mai 2007, T-47/06, Antartica c/OHMI et the Nasdaq Stock Market, points 46 et 52). 69. Afin de caractériser l'atteinte à la renommée d'une marque, il importe que le public concerné établisse un lien entre le signe et la marque, sans qu'il soit nécessaire d'établir l'existence d'un risque de confusion, étant précisé que l'intensité de la renommée de la marque peut être prise en compte pour apprécier l'existence d'un tel lien (CJUE, 23 octobre 2003, C-408-01, Adidas-Salomon AG et Adidas Benelux BV c/ Fitnessworld Trading ; CJUE, 27 novembre 2008, C-252-07, Intel Corporation c/ CPM United Kingdom, point 53). Enfin, ce lien établi entre le signe litigieux et la marque revendiquée doit porter préjudice au caractère distinctif de cette marque, ce qui suppose que le comportement économique du consommateur moyen ait été modifié par l'usage du signe. 70. Au soutien de la renommée de ses marques " ROLAND GARROS", la demanderesse verse aux débats un rapport de l'IFOP en date de 2019 démontrant que près de 94% de la population français connait le tournoi de Roland Garros. Elle démontre également que, chaque année, plusieurs partenaires commerciaux lui versent plusieurs millions d'euros pour voir leurs marques associées au signe " ROLAND GARROS " (en 2019, la BNP/Paribas a ainsi versé 10 845 784 euros à la FFT à cette fin). En outre, le tournoi de Roland Garros est largement suivi à la télévision par les amateurs de tennis français : près de 3,119 millions de personnes ont par exemple regardé la finale masculine de l'édition 2017. Enfin, le tournoi attire de nombreux spectateurs chaque année et, en particulier, 480 575 spectateurs en 2018. 71. Il en résulte que le signe "ROLAND GARROS" est connu d'une part significative du public concerné pour désigner un événement sportif. 72. L'usage qui est fait de ce signe par les sociétés défenderesses apparait comme étant de nature à créer un risque de lien entre elles et la Fédération organisatrice de l'événement dans l'esprit du public pertinent. En outre, cet usage massif et non-autorisé est de nature à affaiblir le caractère distinctif de ces marques, en conduisant le consommateur moyen à croire que le signe en cause n'est que la désignation générique du tournoi éponyme et non une marque dont l'usage est réservé à son titulaire. 73. Les sociétés Viagogo ont donc porté atteinte à la renommée des marques de la FFT. 3o) Sur les mesures de réparation Moyens des parties 74. La FFT soutient avoir subi un important préjudice du fait des agissements des sociétés Viagogo. En particulier, elle affirme que l'usage de ses marques sur la plateforme en cause et pour une durée d'au moins 8 mois lui ont causé un important préjudice d'image, en associant ses marques à une plateforme peu fiable et propice à la spéculation, préjudice qu'elle entend voir réparé par le versement de 500 000 euros à titre provisionnel. De la même manière, elle estime que compte tenu de la durée de l'usage illicite et des sommes traditionnellement versés par les partenaires de la FFT afin d'utiliser ses marques, il y a lieu de condamner les défenderesses au versement de 500 000 euros en réparation du préjudice patrimonial de la FFT. Elle estime par ailleurs que l'atteinte à ses marques de renommée justifie le versement de 300 000 euros. 75. S'agissant de l'atteinte à son monopole d'exploitation sur le tournoi de Roland Garros, la FFT expose que les agissements des sociétés Viagogo l'ont empêché de réaliser ses objectifs d'intérêt public et lui ont en outre causé un préjudice économique important. Elle sollicite à ce titre le versement de 500 000 euros par les défenderesses. 76. S'agissant des actes de contrefaçon de marques, les sociétés Viagogo rappellent que les actes litigieux n'ont été que de courte durée et ont cessé dès le 19 avril 2018. Elles ajoutent que, s'agissant du préjudice moral, la FFT ne démontre pas l'existence d'un préjudice extrapatrimonial. Elles expliquent également que la FFT ne peut prétendre avoir subi un quelconque préjudice économique du fait de l'usage de ses marques dès lors que la revente d'un billet légitimement acquis ne lui cause aucune perte. Elles exposent en outre que la FFT ne justifie pas la somme forfaitaire sollicitée, ne démontrant pas en quoi celle-ci correspondrait à la redevance qu'auraient eu à payer les sociétés Viagogo pour être autorisées à utiliser les marques en cause. S'agissant de l'atteinte aux marques renommées de la FFT, les défenderesses affirment que le préjudice invoqué repose sur des faits identiques à ceux visés au titre de la contrefaçon de marques simples. 77. Les défenderesses soutiennent par ailleurs que la FFT ne démontre aucunement l'existence de son préjudice lié à la violation de son monopole d'exploitation. Plus précisément, elles expliquent que la demanderesse n'a pu subir aucun manque à gagner ni aucune perte dès lors qu'elle avait déjà perçu le prix du billet lors de la première vente et qu'aucune vente n'a été faite en France. Appréciation du tribunal 78. En proposant un service de revente, dans le monde entier, des billets pour assister aux éditions 2018, 2019 et 2020 du tournoi de "Roland Garros", sans autorisation de la FFT, les sociétés Viagogo ont porté atteinte au monopole d'exploitation de la FFT et engagé leur responsabilité à ce titre. 79. En revanche, ainsi que le relèvent à juste titre les sociétés Viagogo, la FFT, auprès de qui les billets ont nécessairement été régulièrement acquis en raison du monopole, n'a pas subi un préjudice équivalent aux gains générés par l'activité de revente de ces billets. Il en résulte que la demande aux fins de communication de pièces aux fins de réparation d'un préjudice économique basé sur les gains générés par l'activité des sociétés Viagogo ne peut qu'être rejetée. 80. La FFT est cependant en droit, en vue d'un litige futur et sur le fondement du droit commun tel qu'il résulte des articles 132 et suivants du code de procédure civile, et en particulier de l'article 145 de ce même code, de connaître "la liste des fournisseurs des billets d'accès au tournoi (entendu comme les utilisateurs utilisant la plateforme pour revendre des billets) auprès desquels les sociétés ont obtenu illicitement ces billets revendus illégalement, le prix de revente des billet ainsi que les numéros de série". Il sera donc fait droit à cette demande de communication de pièces sous astreinte, le tribunal se réservant la liquidation de l'astreinte conformément aux dispositions de l'article L. 131-3 du code des procédures civles d'exécution. 81. La FFT a en outre subi un préjudice d'image résultant de l'augmentation artificielle des prix des titres d'accès aux Internationaux de "Roland Garros" à laquelle aboutit l'activité des sociétés défenderesses, dont le consommateur est amené à croire, à tort, qu'elle lui bénéficie. Les pièces versées aux débats établissent en effet que les prix des billets sur la plateforme "Viagogo" sont sensiblement plus élevés que ceux proposés par la FFT (à titre d'exemple le prix des billets du match du court [X] [C] du 27 mai 2018 est vendu 230 euros sur le site des défenderesses contre 110 euros selon la grille tarifaire de la demanderesse : pièces FFT no10 et 11). L'activité des sociétés défenderesses est en outre à l'origine d'un risque en terme de sécurité de l'événement également source d'un préjudice moral. Ces préjudices seront réparés par le versement de la somme de 200.000 euros non pas à titre provisionnel comme demandé par la FFT mais définitif, cette somme tenant compte de la durée de la violation des dispositions légales françaises (3 ans) et de la non exécution de l'ordonnance de référé du 25 octobre 2019 par les sociétés défenderesses. 82. En ce qui concerne la contrefaçon de marques (contrefaçon et atteinte à la renommée des marques), le préjudice est en revanche nécessairement minime. Ainsi qu'il a été vu, la FFT n'a subi ici aucune perte et la contrefaçon de marques n'est caractérisée qu'en raison de l'illicéité, en France de l'activité de revente de titres d'accès à des manifestations sportives sans l'accord de leur organisateur. L'atteinte aux marques (contrefaçon et renommée dont la réparation ne saurait en tout état de cause se cumuler) a en outre cessé à compter d'avril 2018, le tournoi de "Roland Garros" étant à compter de cette date désigné sur le site internet des sociétés défenderesses sous le signe "French Tennis Grand Slam Tournament" lequel n'est pas protégé par le droit des marques. Il est également rappelé, s'agissant des marques françaises, qu'en raison de mesures de géoblocage les internautes français n'ont pu acquérir de billet sur la bourse organisée par les sociétés défenderesses. Il en résulte que le préjudice, aussi bien moral que matériel subi par la FFT au titre des atteintes aux marques, sera, sauf à excéder le principe de réparation intégrale, réparé par le versement de la somme, également définitive et non pas provisoire, de la somme de 15.000 euros. 83. Selon l'article 794 du code de procédure civile dans sa version issue du Décret no2019-1333 du 11 décembre 2019 "Les ordonnances du juge de la mise en état n'ont pas, au principal, l'autorité de la chose jugée à l'exception de celles statuant sur les exceptions de procédure, sur les fins de non-recevoir, sur les incidents mettant fin à l'instance et sur la question de fond tranchée en application des dispositions du 6o de l'article 789." Les ordonnances ayant enjoint aux sociétés Viagogo de communiquer certaines pièces étaient, au moins partiellement justifiées. Leur annulation ne saurait donc être ordonnée, ce d'autant moins qu'elles étaient susceptibles d'appel conformément aux dispositions de l'article 795, 4o du code de procédure civile. 84. En outre, selon l''article L. 131-4 du code des procédures civiles d'exécution "Le montant de l'astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter.Le taux de l'astreinte définitive ne peut jamais être modifié lors de sa liquidation.L'astreinte provisoire ou définitive est supprimée en tout ou partie s'il est établi que l'inexécution ou le retard dans l'exécution de l'injonction du juge provient, en tout ou partie, d'une cause étrangère." Les sociétés Viagogo ne peuvent s'opposer à la communication des informations personnelles de leurs utilisateur alors que le Règlement Général pour la Protection des Données prévoit spécifiquement qu'une telle communication est autorisée lorsqu'elle résulte d'une obligation légale, ce que constitue nécessairement une ordonnance d'un magistrat judiciaire. En définitive, il ressort des moyens invoqués que les sociétés Viagogo se contentent de contester le bien-fondé de l'ordonnance en cause et ne font pas état de difficultés, au sens de l'article L. 131-4 précité, les ayant empêchées d'exécuter les mesures de communication de pièces. En conséquence, il y a lieu de prononcer la liquidation de l'astreinte de 1 000 euros ordonnée le 20 novembre 2020 pour une durée de trois mois à compter de la signification de l'ordonnance en cause. En l'occurrence, l'ordonnance a été signifiée à la société Viagogo AG le 14 janvier 2021 et à la société Viagogo Entertainment le 26 mars 2021. Les trois mois se sont donc écoulés sans que les mesures ordonnées soient exécutées. Il y a en conséquence lieu de liquider l'astreinte prononcée et de condamner les sociétés Viagogo à payer à la FFT la somme de 90.000 euros à ce titre. 85. La demande de publication sera en revanche rejetée, les autres dispositions du jugement réparant suffisamment le préjudice subi. 4o) Sur les autres demandes (parasitisme et fautes distinctes de concurrence déloyale) 86. Aux termes des articles 1240 et 1241 du code civil, "Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer." et "Chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence." 87. Au visa de ces deux textes, il est constamment jugé que la liberté du commerce autorise tout acteur économique à attirer vers lui la clientèle de son concurrent. Aussi, l'imitation d'un concurrent n'est, en tant que telle, pas fautive, à moins que ne soient utilisés des procédés illicites ou contraires aux usages loyaux du commerce. Est à cet égard fautif le fait, pour un professionnel, de s'immiscer dans le sillage d'un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire particulier (Cass. Com. 26 janvier 1999, pourvoi no96-22.457 ; Cass. Com. 10 septembre 2013, pourvoi no12-20.933), ce qui constitue un acte de parasitisme. 88. En outre, toute offre publicitaire portant sur des produits de marque dont le distributeur ne dispose pas en quantité suffisante pour satisfaire la demande de la clientèle est illicite (Cass. Com., 30 janvier 2001, pourvoi no 98-21.359, Bull. 2001, IV, no 28) ce qui correspond à la pratique dite des marques d'appel. 89. Il est par ailleurs admis que le non-respect par un opérateur économique des règles du droit de la consommation créé une distorsion dans le jeu de la concurrence constitutive, en soi, d'un acte de concurrence déloyale par désorganisation du marché de nature à ouvrir un droit à réparation sur le fondement de la responsabilité délictuelle, ce dont il résulte qu'une partie est fondée à se prévaloir de pratiques commerciales réalisées en méconnaissance de la réglementation prescrite par le code de la consommation, dès lors qu'elles lui ont causé un préjudice. 90. En l'occurrence, même en supposant que les défenderesses ont commis des actes distincts de parasitisme et de concurrence déloyale, sous la forme de pratiques commerciales trompeuses, d'une complicité de violation des conditions générales de vente de la FFT, ou encore de pratiques illicites de marques d'appel, il n'est en l'occurrence justifié d'aucun préjudice distinct de celui résultant de l'atteinte au monopole d'exploitation de la compétition sportive objet du présent litige, déjà indémnisé, de sorte que les demandes de ces chefs seront toutes rejetées. 91. Parties perdantes au sens de l'article 696 du code de procédure civile, les sociétés Viagogo seront condamnées in solidum aux dépens, ainsi qu'à payer à la FFT, sous la même solidarité imparfaite, la somme de 70.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile (cette somme incluant le remboursement des nombreux frais de constats par huissier de justice). 92. Aucune circonstance ne justifie ici d'écarter l'exécution provisoire de plein droit dont bénéficie la présente décision en application de l'article 514 du code de procédure civile, sauf en ce qui concerne l'inscription de la déchéance au Registre des marques compte tenu des effets irrémédiables d'une telle inscription. PAR CES MOTIFS Le tribunal, PRONONCE la déchéance partielle de la marque française "Roland Garros" no3622169 en ce qu'elle désigne en classe 38 des services de "télécommunication par voies télématiques en vue d'obtenir des informations contenues dans des banques de données", de "communication par terminaux d'ordinateurs", les services de "communications (transmission) sur réseau informatique mondial ouvert et fermé" ainsi que les "services de télécommunication par voies télématiques en vue d'obtenir des informations contenues dans des banques de données " ; PRONONCE la déchéance partielle de la marque de l'Union européenne "Roland Garros French Open" no003498276 en ce qu'elle désigne en classe 9 les "publications électroniques téléchargeables fournies en ligne à partir de bases de données informatiques ou d'Internet" ; DIT que la présente décision une fois passée en force de chose jugée sera transmise à l'INPI à l'initiative de la partie la plus diligente aux fins d'inscription au Registre national des marques ; CONDAMNE in solidum les sociétés Viagogo Entertainment Inc et Viagogo Ag à payer à la Fédération française de tennis la somme de 200.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par l'atteinte portée à son monopole d'exploitation sur la vente de billets d'accès aux manifestations sportives qu'elle organise, en l'occurrence les éditions 2018, 2019 et 2020 du tournoi de "Roland Garros", son monopole s'étendant à la revente à titre habituel de ces billets d'accès à des internautes ne résidant pas en France; LIQUIDE l'astreinte prononcée par l'ordonnance du 22 décembre 2020 à la somme de 90.000 euros et condamne in solidum les sociétés Viagogo Entertainment Inc et Viagogo Ag au paiement de cette somme à la Fédération française de tennis ; ORDONNE aux sociétés Viagogo AG et Viagogo Entertainment de communiquer à la Fédération française de tennis, la liste des fournisseurs auprès desquels elles ont obtenu les billets d'accès aux éditions 2018, 2019 et 2020 du tournoi de "Roland Garros" offerts à la vente sur leur site, ainsi que les numéros de série de ces billets, et ce, sous astreinte provisoire de 1.000 euros par jour de retard à exécuter la présente décision, courant à l'expiration d'une délai de 30 jours suivant la signification du présent jugement, et pendant 180 jours ; SE RESERVE la liquidation de cette astreinte ; CONDAMNE in solidum les sociétés Viagogo Entertainment Inc et Viagogo Ag à payer à la Fédération française de tennis la somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts réparant le préjudice moral et matériel causé par les atteintes à ses marques (contrefaçon et atteinte à la renommée) constatées jusqu'en avril 2018 ; FAIT DÉFENSE aux sociétés Viagogo Entertainment Inc et Viagogo Ag de reproduire et de faire usage, des marques françaises no3622169, no1625392 , no1630776 sur le territoire français et de la marque de l'Union européenne no3498276 sur l'ensemble du territoire de l'Union européenne, pour désigner l'activité de revente habituelle et non autorisée de billets d'accès au tournoi de "Roland Garros", et ce, sous astreinte de 1.000 euros par infraction constatée, courant à l'expiration d'un délai de 15 jours suivant la signification de la présente décision et pendant 180 jours ; REJETTE toutes les autres demandes de la Fédération française de tennis (publication de la décision, concurrence déloyale et parasitaire) et des sociétés Viagogo (transmission d'une question préjudicielle, annulation de l'ordonnance du juge de la mise en état du 13 septembre 2019) ; CONDAMNE in solidum les société Viagogo AG et Viagogo Entertainment Inc aux dépens et autorise la SAS De Gaulle Fleurance et Associés à recouvrer directement ceux dont elle aurait fait l'avance sans avoir reçu provision conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ; CONDAMNE in solidum les société Viagogo AG et Viagogo Entertainment Inc à payer à la Fédération française de tennis la somme de 70.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile (cette somme incluant le remboursement des frais de constats par huissier de justice); RAPPELLE que la présente décision est de plein droit assortie de l'exécution provisoire sauf en ce qui concerne l'inscription au registre des marques de la déchéance partielle prononcée. Fait et jugé à Paris le 13 décembre 2022. La Greffière La Présidente
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JURITEXT000047454926
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AUTRES_DECISIONS
Tribunal judiciaire de Paris, 15 décembre 2022, 22/56212
2022-12-15
Tribunal judiciaire de Paris
22/56212
CT0760
x
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS No RG 22/56212 - No Portalis 352J-W-B7G-CW5EJ No : 2/MM Assignation du :03 Juin 2022 ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ rendue le 15 décembre 2022 par Jean-Christophe GAYET, Premier Vice-Président adjoint au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal, Assisté de Minas MAKRIS, Faisant fonction de Greffier. DEMANDERESSE Société BLAST PRODUCTION[Adresse 2][Localité 4] représentée par Me Pauline PENNERET, avocat au barreau de PARIS - #E 2014 DEFENDERESSE Société BLAST - LE SOUFFLE DE L'INFO[Adresse 1][Localité 3] représentée par Maître Romain WAÏSS-MOREAU de la SELARL LWM, avocats au barreau de PARIS - #C0208 DÉBATS A l'audience du 15 Novembre 2022, tenue publiquement, présidée par Jean-Christophe GAYET, Premier Vice-Président adjoint, assisté de Minas MAKRIS, Faisant fonction de Greffier, Nous, Président, Après avoir entendu les conseils des parties, Vu l'assignation en référé introductive d'instance, délivrée le 03 juin 2022, et les motifs y énoncés, EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE La société à responsabilité limitée (ci-après SARL) BLAST PRODUCTION, immatriculée au registre du commerce et des société (RCS) de Paris le 9 décembre 2011, se présente comme ayant pour activité la production, la post-production et la distribution de films, programmes pour la télévision, photographies, le négoce de tous produits audiovisuels et multimédia, l'acquisition, l'exploitation, l'exécution, la diffusion par tout procédé des oeuvres littéraires, dramatiques, musicales, théâtrales, l'exploitation, l'édition musicale pour toutes les réalisations.La société par actions simplifiée (ci-après SAS) BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO, immatriculée au RCS de Paris, se présente comme un organe de presse en ligne diffusant des contenus journalistiques ou ayant vocation à informer le public.La SARL BLAST PRODUCTION a déposé le 21 août 2015 à l'institut national de la propriété industrielle (INPI) une marque française semi-figurative no4204595 dans les classes 35, 38 et 41 se présentant comme suit : La SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO a déposé le 24 novembre 2020 à l'INPI une marque française semi-figurative no4705209 dans les classes 16, 25, 35, 38 et 41 se présentant comme suit : La SARL BLAST PRODUCTION a formé opposition le 17 février 2021 à l'enregistrement de cette dernière marque que le directeur de l'INPI a reconnu partiellement justifiée par décision du 17 janvier 2022. Cette décision a été contestée par la SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO le 7 février 2022 dont l'instance est pendante devant la cour d'appel de Paris.Par acte d'huissier du 3 juin 2022, la SARL BLAST PRODUCTION a fait assigner la SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO à l'audience du 20 septembre 2022 du juge des référés de ce tribunal principalement en retrait et interdiction d'usage de sa marque.À l'audience du 15 novembre 2022 à laquelle l'affaire a été renvoyée à la demande des parties, la SARL BLAST PRODUCTION a maintenu oralement ses demandes, se référant expressément à ses conclusions écrites notifiées le 28 octobre 2022.La SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO s'est opposée aux demandes, se référant expressément à ses conclusions écrites.Au terme des débats la décision a été mise en délibéré au 15 décembre 2022. PRÉTENTIONS DES PARTIES La SARL BLAST PRODUCTION a demandé, au visa des articles 8 de la Convention d'Union de Paris pour la protection de la propriété industrielle du 20 mars 1883, L.713-1, L.713-2, L.716-4, L.716-4-6 et L.716-4-7, L.716-4-10 du code de la propriété intellectuelle, et 1240 du code civil, de :- à titre liminaire, débouter la société BLAST LE SOUFFLE DE L'INFO de sa demande de sursis à statuer dans l'attente de la décision de la cour d'appel de Paris dans l'affaire enregistrée sous le RG 22/03147 appelée à statuer sur appel de la société BLAST LE SOUFFLE DE L'INFO et appel incident de la société BLAST PRODUCTION à l'audience du 23 février 2023,- à titre principal,> la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes> ordonner à la société BLAST LE SOUFFLE DE L'INFO de procéder au retrait de sa marque pour les services suivants : « Publicité, publicité notamment par le moyen de publi-rédactionnels pour le compte de tiers, par le moyen d'opérations de partenariat commercial, par la vente et/ou la location de présentoirs, écriteaux et supports promotionnels imprimés et/ou électroniques ; diffusion d'annonces publicitaires ; location d'espaces publicitaires ; publication de textes publicitaires ; préparation, production et présentation de productions audiovisuelles à des fins publicitaires ; courrier publicitaire ; couplage publicitaire ; publipostage ; publicité en ligne sur un réseau informatique ; location de temps publicitaire sur tout moyen de communication ; conseils en stratégie commerciale, conseils en communication [publicité]; services dans le domaine de l'identité d'entreprise ; promotion des ventes pour des tiers ; services liés à une activité de promotion commerciale sous toutes ses formes à savoir services de recommandation, de parrainage, de mécénat, d'opérations de partenariat commercial et campagnes d'informations promotionnelles ; organisation d'expositions à but commercial ou publicitaire ; exploitation de banques de données et bases de données commerciales, administratives ou publicitaires ; émissions télévisées ; services de transmission d'informations destinées à l'information du public par tout vecteur de télécommunications ; transmission, diffusion et téléchargement de textes, d'articles de presse, de photographies, de dépêches, d'images, de messages, de données, de sons, de musique, d'informations par terminaux d'ordinateurs, par réseau Internet, par téléphones portables et au moyen de tout autre vecteur de télécommunications ; services d'enregistrement et de traitement de sons et de supports multimédia (studios d'enregistrement) ; production, montage diffusion et publication de programmes radiophoniques et/ou télévisés, de programmes audiovisuels », sous astreinte de mille euros (1000 €) par infraction constatée, passé un délai de huit (8) jours à compter de la signification de la décision à intervenir,> interdire à la société BLAST LE SOUFFLE DE l'INFO l'usage des dénominations « BLAST LE SOUFFLE DE L'INFO » et « BLAST » à quelque titre que ce soit, et sous quelque forme que ce soit, sous astreinte de mille euros (1000 €) par infraction constatée, passé un délai de huit (8) jours à compter de la signification de la décision à intervenir,> ordonner à la société BLAST LE SOUFFLE DE L'INFO de procéder à ses frais à la suppression de la page Facebook « Blast, le souffle de l'info », sous astreinte de cinq cents euros (500 €) par jour de retard, passé un délai de huit (8) jours à compter de la signification de la décision à intervenir,> ordonner à la société BLAST LE SOUFFLE DE L'INFO de procéder à la suppression de la page Instagram @Blastofficiel à compter de l'expiration d'un délai de huit (8) jours à compter de la signification de la décision à intervenir,> condamner la société BLAST LE SOUFFLE DE L'INFO à verser à la société BLAST PRODUCTION la somme de trente mille euros (30 000 €), sauf à parfaire, à titre de provision de réparation du préjudice subi,> déclarer la société BLAST LE SOUFFLE DE L'INFO irrecevable en sa demande reconventionnelle en déchéance, dire qu'il n'y a pas lieu à référé et l'inviter à mieux se pourvoir au fond,- à titre subsidiaire, débouter la société BLAST LE SOUFFLE DE L'INFO de sa demande reconventionnelle de déchéance partielle de la marque no4204595 pour les activités de : publicité ; publicité en ligne sur un réseau informatique ; télécommunications ; émissions télévisées ; émissions radiophoniques ; divertissement; production de films cinématographiques ; location de films cinématographiques ; montage de bandes vidéo,- en toutes hypothèses,> débouter la société BLAST LE SOUFFLE DE L'INFO pour sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,> condamner la société BLAST LE SOUFFLE DE L'INFO à verser à la société BLAST PRODUCTION la somme de six mille euros (6000 €), au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,> se réserver la liquidation de l'astreinte,> condamner la société BLAST LE SOUFFLE DE L'INFO aux entiers dépens, en ce compris les frais d'huissier engagés.La SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO a conclu, au visa des articles L.713-3, L.714-5, L.714-5, L.716-4, L.716-5, L.716-6 du code de la propriété intellectuelle, 9 du code de procédure civile et 1240 du code civil, à :- à titre principal, surseoir a statuer dans l'attente de la décision de la Cour d'appel de Paris dans l'affaire enregistrée sous le RG 22/03147 appelée à statuer sur appel de la société BLAST LE SOUFFLE DE L'INFO et appel incident de la société BLATS PRODUCTION a l'audience du 23 février 2023,- à titre subsidiaire,> débouter la société BLAST PRODUCTION de toutes ses demandes, fins, conclusions aux termes de l'assignation du 3 juin 2022 au titre de la contrefaçon de la marque no4204595,> débouter la société BLAST PRODUCTION de toutes ses demandes, fins, conclusions aux termes de l'assignation du 3 juin 2022 au titre de la concurrence déloyale, - à titre reconventionnel,> prononcer provisoirement la déchéance partielle de la marque no4204595 pour les activités Publicité ; publicité en ligne sur un réseau informatique ; location de publicitaire sur tout moyen de communication ; Télécommunications ; émissions radiophoniques ou te le vise es ; services de te le confe rences ou de visioconférences ; Formation, divertissement, location de films cinématographiques, à compter du 22 août 2020,> condamner la société BLAST PRODUCTION au paiement de la somme de 5000 euros au titre des frais irrépétibles par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.MOTIFS DE LA DÉCISIONSur le sursis à statuerMoyens des partiesLa SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO conclut reconventionnellement au prononcé d'un sursis à statuer impératif dans l'attente de l'arrêt de la cour d'appel de Paris devant juger de la validité de la décision du directeur de l'INPI qui a enregistré sa marque en imposant des restrictions sur les classes 35 et 38 qu'elle conteste, dans la mesure où la demanderesse fonde ses prétentions sur cette même marque. Elle ajoute que ce sursis à statuer relève également d'une bonne administration de la justice dès lors qu'il existe un risque de contradiction entre les décisions à intervenir. La SARL BLAST PRODUCTION s'oppose à cette demande, estimant que la présente décision à intervenir ne relève en rien de la compétence exclusive d'une autre juridiction et revêt un caractère provisoire permettant à la juridiction de statuer sans attendre l'arrêt de la cour d'appel de Paris.Appréciation du juge des référésSelon l'article 49 alinéa 1 du code de procédure civile, « toute juridiction saisie d'une demande de sa compétence connaît, même s'ils exigent l'interprétation d'un contrat, de tous les moyens de défense à l'exception de ceux qui soulèvent une question relevant de la compétence exclusive d'une autre juridiction ».L'article 378 du code de procédure civile prévoit que « la décision de sursis suspend le cours de l'instance pour le temps ou jusqu'à la survenance de l'événement qu'elle détermine. »Hors les cas où cette mesure est prévue par la loi, les juges du fond apprécient discrétionnairement l'opportunité du sursis à statuer (voir en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 11 juin 1991, no89-15.216).En l'espèce, il est constant que la cour d'appel de Paris est saisie d'un recours contre la décision du directeur de l'INPI du 17 janvier 2022 ayant partiellement accueilli l'opposition formée par la SARL BLAST PRODUCTION contre la demande d'enregistrement de la marque semi-figurative déposée par la SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO. Si cette juridiction est, de ce fait, saisie de l'interprétation des activités qui seraient communes aux deux sociétés au regard du libellé de chaque marque, elle n'est, toutefois, pas saisie des prétentions et moyens visant la contrefaçon alléguée, en sorte que sa compétence à l'égard de cette interprétation n'est pas exclusive.Par ailleurs, la circonstance que les mesures réclamées par la SARL BLAST PRODUCTION soient par nature provisoire dans la mesure où les décisions du juge des référés ne sont pas revêtues de l'autorité de la chose jugée au principal s'opposent au prononcé d'un sursis à statuer.La SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO sera déboutée de sa demande à ce titre.Sur la demande reconventionnelle au titre de la déchéance provisoire partielle de la marqueMoyens des partiesLa SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO invoque la déchéance partielle de la marque déposée par la demanderesse pour les activités de publicité, publicité en ligne sur un réseau informatique, location de temps publicitaire sur tout moyen de communication, également de télécommunications, émissions radiophoniques ou télévisées et services de téléconférences ou de visioconférences, en ce que ces activités doivent être circonscrites à la réalisation ou la production de films publicitaires ou destinés aux diffuseurs. Elle ajoute que la marque de la demanderesse encourt la déchéance provisoire pour les activités de formation, divertissement et locations de films cinématographiques, dans la mesure où elle n'en justifie aucun usage sérieux dans les cinq ans précédant l'enregistrement de sa propre marque le 22 août 2020.La SARL BLAST PRODUCTION objecte qu'elle verse des preuves d'usage pendant la période pertinente sur le territoire français et pour les services visés, lesquelles ont d'ailleurs été reconnues par le directeur de l'INPI.Appréciation du juge des référésSelon l'article L.714-5 du code de la propriété intellectuelle, « encourt la déchéance de ses droits le titulaire de la marque qui, sans justes motifs, n'en a pas fait un usage sérieux, pour les produits ou services pour lesquels la marque est enregistrée, pendant une période ininterrompue de cinq ans. Le point de départ de cette période est fixé au plus tôt à la date de l'enregistrement de la marque suivant les modalités précisées par un décret en Conseil d'État.Est assimilé à un usage au sens du premier alinéa :1o L'usage fait avec le consentement du titulaire de la marque ;2o L'usage fait par une personne habilitée à utiliser la marque collective ou la marque de garantie ;3o L'usage de la marque, par le titulaire ou avec son consentement, sous une forme modifiée n'en altérant pas le caractère distinctif, que la marque soit ou non enregistrée au nom du titulaire sous la forme utilisée ;4o L'apposition de la marque sur des produits ou leur conditionnement, par le titulaire ou avec son consentement, exclusivement en vue de l'exportation. » En application de l'article L.716-4-6 du code de la propriété intellectuelle « toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon peut saisir en référé la juridiction civile compétente afin de voir ordonner, au besoin sous astreinte, à l'encontre du prétendu contrefacteur ou des intermédiaires dont il utilise les services, toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d'actes argués de contrefaçon. La juridiction civile compétente peut également ordonner toutes mesures urgentes sur requête lorsque les circonstances exigent que ces mesures ne soient pas prises contradictoirement, notamment lorsque tout retard serait de nature à causer un préjudice irréparable au demandeur. Saisie en référé ou sur requête, la juridiction ne peut ordonner les mesures demandées que si les éléments de preuve, raisonnablement accessibles au demandeur, rendent vraisemblable qu'il est porté atteinte à ses droits ou qu'une telle atteinte est imminente.La juridiction peut interdire la poursuite des actes argués de contrefaçon, la subordonner à la constitution de garanties destinées à assurer l'indemnisation éventuelle du demandeur ou ordonner la saisie ou la remise entre les mains d'un tiers des produits soupçonnés de porter atteinte aux droits conférés par le titre, pour empêcher leur introduction ou leur circulation dans les circuits commerciaux. Si le demandeur justifie de circonstances de nature à compromettre le recouvrement des dommages et intérêts, la juridiction peut ordonner la saisie conservatoire des biens mobiliers et immobiliers du prétendu contrefacteur, y compris le blocage de ses comptes bancaires et autres avoirs, conformément au droit commun. Pour déterminer les biens susceptibles de faire l'objet de la saisie, elle peut ordonner la communication des documents bancaires, financiers, comptables ou commerciaux ou l'accès aux informations pertinentes.Elle peut également accorder au demandeur une provision lorsque l'existence de son préjudice n'est pas sérieusement contestable.Saisie en référé ou sur requête, la juridiction peut subordonner l'exécution des mesures qu'elle ordonne à la constitution par le demandeur de garanties destinées à assurer l'indemnisation éventuelle du défendeur si l'action en contrefaçon est ultérieurement jugée non fondée ou les mesures annulées.Lorsque les mesures prises pour faire cesser une atteinte aux droits sont ordonnées avant l'engagement d'une action au fond, le demandeur doit, dans un délai fixé par voie réglementaire, soit se pourvoir par la voie civile ou pénale, soit déposer une plainte auprès du procureur de la République. À défaut, sur demande du défendeur et sans que celui-ci ait à motiver sa demande, les mesures ordonnées sont annulées, sans préjudice des dommages et intérêts qui peuvent être réclamés. »Une marque fait l'objet d'un usage sérieux lorsqu'elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l'identité d'origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et services, à l'exclusion d'usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque (CJCE 11 mars 2003 C-40/01 Ansul §43).La Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit (CJUE 19 juin 2012 C-307/10 Chartered Institute of Patent Attorneys v Registrar of Trade Marks §64) que la directive 2008/95 exige que les produits ou les services pour lesquels la protection par la marque est demandée soient identifiés par le demandeur avec suffisamment de clarté et de précision pour permettre aux autorités compétentes et aux opérateurs économiques, sur cette seule base, de déterminer l'étendue de la protection demandée ; cette directive doit être interprétée en ce sens qu'elle ne s'oppose pas à l'utilisation des indications générales des intitulés de classes de la classification de [Localité 5] afin d'identifier les produits et les services pour lesquels la protection par la marque est demandée pour autant qu'une telle identification soit suffisamment claire et précise et le demandeur d'une marque nationale qui utilise toutes les indications générales de l'intitulé d'une classe particulière de la classification de [Localité 5] pour identifier les produits ou les services pour lesquels la protection de la marque est demandée doit préciser si sa demande vise l'ensemble des produits ou des services répertoriés dans la liste alphabétique de cette classe ou seulement certains de ces produits ou services. Au cas où la demande porterait uniquement sur certains desdits produits ou services, le demandeur est obligé de préciser quels produits ou services relevant de ladite classe sont visés.Le caractère vraisemblable de l'atteinte alléguée dépend, pour une part, de l'apparente validité des titres sur lesquels se fonde l'action. Ainsi, s'il n'appartient pas au juge des référés de statuer sur la validité des marques en cause, il demeure de son office d'examiner si les moyens susceptibles d'être soulevés à cet égard devant le juge du fond sont de nature à établir que l'atteinte alléguée par le titulaire de la marque est ou non vraisemblable (en ce sens cour d'appel de Paris, pôle 5 chambre 1, 8 juin 2022, RG no21/13053).S'agissant de la validité apparente de la marque de la SARL BLAST PRODUCTION, la SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO ne conteste pas qu'une protection de la marque semi-figurative « blast production » a été octroyée par l'INPI et publiée le 11 septembre 2015 sous le numéro 4204595 en classes 35, 38 et 41 (pièce no3 de la SARL BLAST PRODUCTION).Pour justifier d'un usage sérieux de sa marque la SARL BLAST PRODUCTION s'appuie, au titre de sa revendication relative à la publicité et la publicité en ligne de la classe 35, sur neuf factures et trois devis établis entre le 30 mai 2016 et le 2 avril 2019, dont elle démontre également que plusieurs de ses réalisations ont été diffusées sur internet et sont accessibles depuis la France (ses pièces no0A et les liens internet pages 72 et 73 de ses conclusions).La publicité est définie comme « toute forme de communication faite dans le cadre d'une activité commerciale industrielle, artisanale ou libérale dans le but de promouvoir la fourniture de biens ou services, y compris les biens immeubles, les droits et les obligations » (directive 84/450/CEE du 10 septembre 1984, article 2). Les activités facturées par la SARL BLAST PRODUCTION en ressortissent dans la mesure où, d'une part, elle participe à la réalisation de films publicitaires pour des marques tierces, d'autre part, son nom est également cité, généralement en fin de film, lui assurant ainsi sa propre promotion vis-à-vis de clients potentiels et, plus globalement, du public.Ses activités de conseils en communication et en publicité ne sont pas contestées par la SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO.Á l'inverse, la SARL BLAST PRODUCTION ne produit aucune pièce au soutien de l'activité de location de temps publicitaire, critiquée par la défenderesse. La SARL BLAST PRODUCTION oppose, en conséquence, à bon droit, sa marque pour les services de publicité, publicité en ligne et conseils en communication et publicité en classe 35.Au titre de ses activités de télécommunications, d'émissions radiophoniques et d'émissions télévisées en classe 38, la SARL BLAST PRODUCTION produit divers pièces et liens internet portant sur des publications d'articles sur internet et des dossiers de films documentaires, entre le juillet 2016 et le 26 mars 2020 (ses pièces no0B à 0H et les liens internet de ses conclusions page 75).Nonobstant les critiques de la SAS BLAST –LE SOUFFLE DE L'INFO s'agissant du contenu de la classe 38, celle-ci comprend les émissions télévisées ou radiophoniques, en tant que contenu audiovisuel.Ces pièces établissent suffisamment le caractère sérieux des activités de la demanderesse relativement aux services d'émissions télévisées qu'elle revendique, agissant notamment de documentaires.En revanche, ces mêmes pièces ne démontrent pas l'existence d'activités de télécommunication, non plus que celles d'émissions radiophoniques, de te le confe rences ou de visioconfe rences opérées par elle.La SARL BLAST PRODUCTION oppose, en conséquence, à bon droit, sa marque pour les services d'émissions télévisées en classe 38.Au titre de ses activités de formation, divertissement, location de films cinématographiques en classe 41, la SARL BLAST PRODUCTION se réfère à ces pièces produites au soutien de ses preuves d'activité en classe 38, outre la production de films cinématographiques et de clips vidéo (ses pièces no0K), l'ensemble entre le 5 juillet 2016 et le 11 juin 2021.Toutefois, la SARL BLAST PRODUCTION ne démontre pas le caractère sérieux de son activité pour les services de divertissement, le caractère hypothétique du projet d'émission de divertissement invoqué ne permettant pas de le considérer comme tel (sa pièce no0E et le lien internet de ses conclusions page 76).Par ailleurs, elle ne produit aucune pièce relative aux services de formation et location de films cinématographiques, critiqués par la défenderesse.La SARL BLAST PRODUCTION oppose, en conséquence, à bon droit, sa marque pour les services de production de films cinématographiques, comprenant les documentaires, et de montage de bandes vidéo en classe 41.Il résulte de l'ensemble que la SARL BLAST PRODUCTION ne démontre pas qu'elle a effectivement exercé des activités pour les services visés dans les classes 35, location de temps publicitaire sur tout moyen de communication, 38, services de télécommunications, de te le confe rences ou de visioconfe rences, émissions radiophoniques, et 41, formation, divertissement et location de films cinématographiques.Dès lors, la SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO oppose des contestations sérieuses de nature à écarter que l'atteinte alléguée par la SARL BLAST PRODUCTION soit vraisemblable dans les services susvisés, sans qu'il entre dans les pouvoirs du juge des référés d'ordonner la déchéance d'une marque, fût-ce à titre provisoire.En revanche, compte tenu des preuves d'usage sérieux produites par la SARL BLAST PRODUCTION dans les services restant des classes 35, 38 et 41, la vraisemblance de l'atteinte à sa marque doit être analysée.La SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO sera, en conséquence, déboutée de sa demande de déchéance provisoire.Sur la vraisemblance des atteintes à la marque antérieureMoyens des partiesLa SARL BLAST PRODUCTION fait grief à la défenderesse d'avoir déposé et d'exploiter une marque générant un risque de confusion pour le consommateur avec sa propre marque antérieure, en raison de l'identité et de la similarité d'une partie des services en présence et de la similitude des signes.LA SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO conteste tant la similitude des signes enregistrés que la similarité des produits et services pour lesquels ils sont employés et en déduit l'absence de confusion possible des signes distinctifs dans l'esprit du public.Appréciation du juge des référésL'article L.713-2 du code de la propriété intellectuelle dispose qu'est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l'usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services :1o D'un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée;2o D'un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s'il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d'association du signe avec la marque.Aux termes de l'article L.716-4 du code de la propriété intellectuelle, l'atteinte portée au droit du titulaire de la marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur. Constitue une atteinte aux droits attachés à la marque la violation des interdictions prévues aux articles L.713-2 à L.713-3-3 et au deuxième alinéa de l'article L.713-4.En application de l'article L.716-4-6 alinéa 1 du code de la propriété intellectuelle, « toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon peut saisir en référé la juridiction civile compétente afin de voir ordonner, au besoin sous astreinte, à l'encontre du prétendu contrefacteur ou des intermédiaires dont il utilise les services, toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d'actes argués de contrefaçon. La juridiction civile compétente peut également ordonner toutes mesures urgentes sur requête lorsque les circonstances exigent que ces mesures ne soient pas prises contradictoirement, notamment lorsque tout retard serait de nature à causer un préjudice irréparable au demandeur. Saisie en référé ou sur requête, la juridiction ne peut ordonner les mesures demandées que si les éléments de preuve, raisonnablement accessibles au demandeur, rendent vraisemblable qu'il est porté atteinte à ses droits ou qu'une telle atteinte est imminente. »Le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l'espèce, notamment de l'interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés.Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou services en cause peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les signes et inversement (CJCE, 29 septembre 1998, Canon Kabushiki-Kaisha c. Metro-Goldwyn-Mayer, C-39/97). Cette notion de similitude doit, de façon générale, être interprétée à la lumière du risque de confusion, qui est la condition spécifique de la protection. Il est, ainsi, nécessaire, même dans l'hypothèse où existe une identité avec une marque dont le caractère distinctif est particulièrement fort, d'apporter la preuve de la présence d'une similitude entre les produits ou les services désignés (CJCE, 7 mai 2009, Waterford Wedgwood, C-398/07, point 34).L'appréciation de la similitude visuelle, auditive et conceptuelle des signes doit être fondée sur l'impression d'ensemble produite par ceux-ci en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (CJUE, 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C-334/05 P).En l'espèce, il est constant que le signe « Blast le souffle de l'info » est utilisé par la SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO dans la vie des affaires.Le consommateur moyen se définit, en l'occurrence, comme le consommateur d'articles et de vidéos d'information et de divertissement sur internet. Son degré d'attention est, de ce fait, faible.S'agissant des services proposés, il ressort de l'extrait de la base des marques enregistrées à l'INPI que celle déposée par la SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO vise, au 29 avril 2022, après la décision du directeur de l'INPI du 17 janvier 2022 ayant partiellement accueilli l'opposition de la demanderesse les produits et services suivants : en classe 16 les produits de l'imprimerie, imprimés, journaux et périodiques, magazines, revues, livres, prospectus, brochures, photographies, dessins, en classe 25 vêtements, en classe 35 informations statistiques, abonnements à tous supports d'informations, de textes, de sons et d'images, et notamment abonnements à des journaux, revues et publications électroniques disponibles et consultables par et sur internet, sondages d'opinion, en classe 38 agence de presse, agence d'information (nouvelles), émissions radiophoniques, services de communication au public par voie électronique, fourniture de forums de discussion sur internet et de messagerie instantanée, et en classe 41 les services d'édition et publication de revues, de journaux, de livres, de périodiques à usage interactif ou non, de micro-édition, de photographie (reportages), d'organisation de spectacles, de soirées et d'opérations événementielles à buts éducatifs ou de divertissement (pièce no5 de la SARL BLAST PRODUCTION). La SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO a, par ailleurs, indiqué renoncer à exploiter l'activité de production audiovisuelle visée en classe 41 (ses conclusions page 19).La SARL BLAST PRODUCTION produit deux constats d'huissier du 25 avril 2022 (sa pièce no6) desquels il résulte que la SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO édite un site internet à l'adresse « www.blastinfo.fr » sur lequel elle diffuse des photographies, des articles et des vidéos d'information ou de divertissement, fait la promotion de livres (constat C10526 1/2 page 16) et diffuse des vidéos d'information ou de divertissement via le site « www.youtube.com », ou via les réseaux sociaux numériques Facebook, Instagram et Twitter. Il en ressort également que plusieurs pages du site internet « www.blastinfo.fr » et plusieurs vidéos diffusées sur le site « www.youtube.com » mentionnent le signe « blast » de manière figurative ou verbale, sans le complément « le souffle de l'info ».À l'inverse, aucune des pièces produites ne démontre que la défenderesse exercerait des activités dans les services suivants : publicité, publicité notamment par le moyen de publi-rédactionnels pour le compte de tiers, par le moyen d'opérations de partenariat commercial, par la vente ou la location de présentoirs, écriteaux et supports promotionnels imprimés ou électroniques ; diffusion d'annonces publicitaires ; location d'espaces publicitaires ; publication de textes publicitaires ; préparation, production et présentation de productions audiovisuelles à des fins publicitaires ; courrier publicitaire ; couplage publicitaire ; publipostage ; publicité en ligne sur un réseau informatique ; location de temps publicitaire sur tout moyen de communication ; conseils en stratégie commerciale, conseils en communication [publicité] ; services dans le domaine de l'identité d'entreprise ; organisation d'expositions à but commercial ou publicitaire ; exploitation de banques de données et bases de données commerciales, administratives ou publicitaires ; services d'enregistrement et de traitement de sons et de supports multimédia (studios d'enregistrement) ; production, montage diffusion et publication de programmes radiophoniques.De même, la SARL BLAST PRODUCTION ne saurait valablement opposer à la SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO les services de transmission d'informations destinées à l'information du public par tout vecteur de télécommunications ou de transmission, diffusion et téléchargement de musique, dans lesquels elle n'exerce pas.En effet, les pièces produites par la demanderesse au soutien de ses preuves d'activité dans les services critiqués par la défenderesse (ses pièces 0A à 0M) établissent qu'elle exerce la réalisation de films publicitaires, la production de films cinématographiques et de clips vidéo et qu'elle a produit ou réalisé des publications d'articles sur internet pour des tiers, des émissions télévisées et des films documentaires, la plupart étant destiné à une diffusion en français, en France ou accessibles depuis la France.Ainsi, les services proposés par la SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO sont similaires à ceux de la SARL BLAST PRODUCTION pour les services suivants : promotion des ventes pour des tiers, services liés à une activité de promotion commerciale sous toutes ses formes ou services de recommandation, de parrainage, de mécénat, d'opérations de partenariat commercial et campagnes d'informations promotionnelles émissions télévisées, de transmission, diffusion et téléchargement de textes, d'articles de presse, de photographies, de dépêches, d'images, de messages, de données, de sons, d'informations par terminaux d'ordinateurs, par réseau Internet, par téléphones portables et au moyen de tout autre vecteur de télécommunications.Les pièces produites établissent que la SARL BLAST PRODUCTION s'adresse à des clients professionnels, tandis que la SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO s'adresse au grand public. Néanmoins, leurs activités sont complémentaires, voire en concurrence directe pour certains services comme les émissions télévisées, les articles de presse ou les films documentaires, ces services étant proposés sur internet par les deux sociétés.S'agissant de l'appréciation de la similitude des signes, sur le plan visuel, la marque semi-figurative « Blast production » de la demanderesse propose, se lisant de gauche à droite dans les pays européens, une attaque par le mot « blast », absent de la langue française, donc fortement distinctif. Cette distinctivité est soulignée par l'usage de capitales s'amenuisant de gauche à droite pour le seul mot « blast », tandis que le mot « production » orne, dans une taille de police plus petite, le coin supérieur droit du ‘'T'' de « blast » suivant la ligne d'un quart de cercle qu'il surmonte. L'ensemble du signe est surligné d'un trait noir épais orienté en hauteur, marquant ainsi une montée, laquelle suit l'amenuisement de la taille de la police des lettres du mot « blast », dont la ligne supérieure est rectiligne. L'ensemble du signe est en noir sur fond blanc.La marque semi-figurative « blast le souffle de l'info » de la défenderesse propose une attaque par le même mot « blast », ce dernier inscrit en lettres minuscules blanches sur fond noir, les mots « le souffle de l'info » en minuscules bleues sur fond blanc s'inscrivant dans la même police, mais dans une taille plus petite entre les lettres ‘'l'' et ‘'t'' du mot « blast », l'ensemble en italique. Le fond noir du signe qui en occupe la majeure partie est rectiligne dans sa ligne basse et celle de droite, tandis que les bordures gauche et supérieure sont irrégulières, évoquant un papier déchiré.Les caractéristiques visuelles sont donc moyennement similaires compte tenu de l'importance que revêt le mot « blast » dans les deux signes, malgré leurs différences.Sur le plan phonétique le mot « blast » est fortement distinctif dans les deux signes, d'une part en ce qu'il n'appartient pas à la langue française, d'autre part, dans sa prononciation comme dans le fait qu'il soit situé en attaque du signe. Le signe « blast le souffle de l'info » se distingue, toutefois, du signe « blast production » par la présence de trois syllabes supplémentaires.Les caractéristiques phonétiques apparaissent fortement similaires eu égard à l'importance du mot « blast » dans les deux signes.Sur la plan conceptuel, le terme « blast » emprunté à l'anglais, renvoie au concept d'explosion que souligne le slogan « le souffle de l'info », renvoyant pour sa part à l'activité principale de la SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO, de même que le mot « production » pour la SARL BLAST PRODUCTION.Si les activités auxquelles renvoient les éléments différents des deux signes sont bien distinctes, l'usage du même mot « blast » renvoie à un concept fortement similaire.Compte tenu de l'importance du signe « blast », comportant une distinctivité forte au sein des signes comparés et de son positionnement en accroche des signes comparés, le consommateur attachant normalement plus d'importance à la partie initiale des mots (voir en ce sens Tribunal de l'Union européenne, 17 mars 2004, El Corte Inglès c OHMI, §81), leur similarité est forte.Il résulte de l'ensemble que le consommateur moyen, tel que précédemment défini, est confronté à un risque de confusion entre les marques des deux sociétés.En conséquence, la SARL BLAST PRODUCTION est partiellement bien fondée à opposer à la SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO le caractère vraisemblable de l'atteinte portée à ses droits.Sur la demande au titre de la concurrence déloyaleMoyens des partiesLa SARL BLAST PRODUCTION considère que la défenderesse a commis des actes de concurrence déloyale consistant dans l'usage du signe « blast » accompagnant sa présentation et ses communications, en fraude de ses droits antérieurs sur sa dénomination sociale, son nom commercial et son nom de domaine.La SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO rétorque que la demanderesse ne démontre aucun préjudice, non plus qu'aucun lien de causalité avec une faute éventuelle, compte tenu de l'absence de confusion entre les deux sociétés.Appréciation du juge des référésL'article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.Aux termes de l'article 1241 du code civil, chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.Selon l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.La concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce, ce qui implique qu'un signe ou un produit qui ne fait pas l'objet de droits de propriété intellectuelle puisse être librement reproduit sous certaines conditions tenant à l'absence de faute, laquelle peut être constituée par la création d'un risque de confusion sur l'origine du produit dans l'esprit de la clientèle, circonstance attentatoire à l'exercice paisible et loyal du commerce.L'appréciation de cette faute au regard du risque de confusion doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l'imitation, l'ancienneté de l'usage, l'originalité et la notoriété de la prestation copiée.La concurrence déloyale exige la preuve d'une faute relevant de faits distincts de ceux allégués au titre de la contrefaçon.À cet égard, la SARL BLAST PRODUCTION n'invoque que l'usage du signe « blast » sur internet et les réseaux sociaux par la SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO.Ainsi, elle ne caractérise aucun fait distinct de ceux sanctionnés au titre de la contrefaçon.Sa demande à ce titre sera, en conséquence, rejetée.Sur les mesures provisoires sollicitéesMoyens des partiesLa SARL BLAST PRODUCTION réclame l'indemnisation de ses préjudices tirés de la contrefaçon et de la concurrence déloyale, outre des mesures d'interdiction et de retrait provisoire de la marque de la défenderesse compte tenu de la confusion entre les marques subies par de nombreux clients.La SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO se réfère à la liberté d'opinion considérant que les demandes d'interdiction et de retrait de sa marque n'ont pour motif que ses prises de position politiques. Elle ajoute qu'aucun préjudice n'est établi.Appréciation du juge des référésEn application de l'article L.716-4-6 alinéa 2 à 4 du code de la propriété intellectuelle, « la juridiction peut interdire la poursuite des actes argués de contrefaçon, la subordonner à la constitution de garanties destinées à assurer l'indemnisation éventuelle du demandeur ou ordonner la saisie ou la remise entre les mains d'un tiers des produits soupçonnés de porter atteinte aux droits conférés par le titre, pour empêcher leur introduction ou leur circulation dans les circuits commerciaux. Si le demandeur justifie de circonstances de nature à compromettre le recouvrement des dommages et intérêts, la juridiction peut ordonner la saisie conservatoire des biens mobiliers et immobiliers du prétendu contrefacteur, y compris le blocage de ses comptes bancaires et autres avoirs, conformément au droit commun. Pour déterminer les biens susceptibles de faire l'objet de la saisie, elle peut ordonner la communication des documents bancaires, financiers, comptables ou commerciaux ou l'accès aux informations pertinentes.Elle peut également accorder au demandeur une provision lorsque l'existence de son préjudice n'est pas sérieusement contestable.Saisie en référé ou sur requête, la juridiction peut subordonner l'exécution des mesures qu'elle ordonne à la constitution par le demandeur de garanties destinées à assurer l'indemnisation éventuelle du défendeur si l'action en contrefaçon est ultérieurement jugée non fondée ou les mesures annulées.Lorsque les mesures prises pour faire cesser une atteinte aux droits sont ordonnées avant l'engagement d'une action au fond, le demandeur doit, dans un délai fixé par voie réglementaire, soit se pourvoir par la voie civile ou pénale, soit déposer une plainte auprès du procureur de la République. À défaut, sur demande du défendeur et sans que celui-ci ait à motiver sa demande, les mesures ordonnées sont annulées, sans préjudice des dommages et intérêts qui peuvent être réclamés. »Au soutien de la preuve des préjudices subis, la SARL BLAST PRODUCTION produit un échange de messages téléphoniques (SMS) du 5 février 2021, dont l'authenticité n'est pas contestée, mentionnant que Madame [I] [G], a confondu la demanderesse avec la défenderesse à l'occasion d'un festival de films cinématographiques et un courriel adressé le 29 janvier 2021 à Monsieur [O] [P], dont le lien avec la demanderesse n'est pas contesté, lui transmettant une annonce de la création de la défenderesse avec ce commentaire : « il me semble que cela ressemble fortement au nom de ta société » (sa pièce no12).Il en résulte que la SARL BLAST PRODUCTION est bien fondée à solliciter une indemnité provisionnelle au titre du préjudice non sérieusement contestable, mais partiel, tiré de la contrefaçon de sa marque semi-figurative no4204595 qui sera, en conséquence, fixée à 2000 € à titre provisionnel.La contrefaçon vraisemblable de cette marque justifie également une mesure d'interdiction du signe « blast » par la SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO pour les services similaires à ceux de la demanderesse, ainsi qu'une suppression de ce signe de l'adresse des réseaux sociaux Facebook et Instagram qu'elle exploite, dans les trois mois suivant la décision et sous astreinte ensuite, dans les termes du dispositif.Sur les dépens et les frais irrépétiblesLa SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO, partie perdante, sera condamnée aux dépens, par application des articles 491 et 696 du code de procédure civile.Elle sera, également, condamnée à payer 4000 € à la SARL BLAST PRODUCTION au titre de l'article 700 du code de procédure civile.PAR CES MOTIFSLe juge des référés, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par ordonnance contradictoire en premier ressort,REJETTE la demande de sursis à statuer de la SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO ;ORDONNE à la société BLAST LE SOUFFLE DE L'INFO de procéder au retrait de sa marque pour les services suivants : en classe 35, publicité, publicité en ligne et conseils en communication et publicité, en classe 38, émissions télévisées, en classe 41, production de films cinématographiques, y compris les documentaires, et montage de bandes vidéo, dans le délai de trois mois à compter de la signification de la décision, sous astreinte de deux cents euros (200 €) par infraction constatée qui courra pendant cent quatre-vingt (180) jours, passé ce délai ;FAIT INTERDICTION à la société BLAST LE SOUFFLE DE l'INFO d'user du signe « blast » à quelque titre que ce soit, et sous quelque forme que ce soit, dans le délai de trois mois à compter de la signification de la décision, sous astreinte de deux cents euros (200 €) par infraction constatée qui courra pendant cent quatre-vingt (180) jours, passé ce délai ;ORDONNE à la société BLAST LE SOUFFLE DE L'INFO de procéder à ses frais à la suppression du signe « blast » de la page Facebook « Blast, le souffle de l'info », dans le délai de trois mois à compter de la signification de la décision, sous astreinte de deux cents euros (200 €) par infraction constatée qui courra pendant cent quatre-vingt (180) jours, passé ce délai ; ORDONNE à la société BLAST LE SOUFFLE DE L'INFO de procéder à la suppression du signe « blast » de la page Instagram @Blastofficiel, dans le délai de trois mois à compter de la signification de la décision, sous astreinte de deux cents euros (200 €) par infraction constatée qui courra pendant cent quatre-vingt (180) jours, passé ce délai ;CONDAMNE, à titre provisionnel, la SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO à payer deux mille euros (2000 €) à la SARL BLAST PRODUCTION, au titre du préjudice non sérieusement contestable tiré de la contrefaçon vraisemblable de sa marque française semi-figurative no4204596 ;DÉBOUTE la SARL BLAST PRODUCTION du surplus de ses demandes ;DÉBOUTE la SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO de sa demande reconventionnelle en prononcé de la déchéance provisoire partielle de la marque française semi-figurative no4204596 ;CONDAMNE la SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO aux dépens ;CONDAMNE la SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO à payer quatre mille euros (4000 €) à la SARL BLAST PRODUCTION en application de l'article 700 du code de procédure civile.Fait à Paris le 15 décembre 2022Le Greffier, Le Président, Minas MAKRIS Jean-Christophe GAYET
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JURITEXT000047454927
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AUTRES_DECISIONS
Tribunal judiciaire de Paris, 15 décembre 2022, 22/56669
2022-12-15
Tribunal judiciaire de Paris
22/56669
CT0760
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TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS No RG 22/56669 - No Portalis 352J-W-B7G-CXOHZ FMNo : 1 Assignation du :10 août 2022 ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ rendue le 15 décembre 2022 par Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal, Assistée de Flore MARIGNY, Faisant fonction de Greffier. DEMANDEUR Monsieur [M] [D][Adresse 3][Adresse 3] représenté par Maître Caroline CASALONGA de CASALONGA, avocats au barreau de PARIS - #K0177 DEFENDERESSES S.A.S. AIRNESS [Localité 4][Adresse 2][Adresse 2] représentée par Me Johanna PREVOST, avocat postulant au barreau de PARIS - #B0258, Me Davide PADULA, avocat plaidant au barreau de PARIS - G0219 Société P4F[Adresse 1][Adresse 1][Adresse 1] représentée par Me Johanna PREVOST, avocat postulant au barreau de PARIS - #B0258, Me Davide PADULA, avocat plaidant au barreau de PARIS - G0219 DÉBATS A l'audience du 07 Novembre 2022, tenue publiquement, présidée par Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe, assistée de Flore MARIGNY, Faisant fonction de Greffier, Nous, Président, Après avoir entendu les conseils des parties, EXPOSÉ DU LITIGE : 1. M. [M] [D] est un chef d'entreprise malien exerçant en France, fondateur et titulaire de la marque "Airness", déposée à partir de 2002, pour désigner différents produits et service et en particulier les vêtements et chaussures de sport, ainsi désignée en hommage au joueur professionnel de basket américain [R] [F] surnommé "Air [F]" en raison de sa capacité de saut. 2. M. [D] est en particulier titulaire des marques suivantes: - la marque verbale française "Airness" no319627 enregistrée le 4 décembre 2002 pour désigner en classes 3, 9, 14, 16, 18, 25, 28, 36, 38 et 41 les "Parfums et produits cosmétiques. Lunettes, lunettes de soleil et lunettes de protection pour sportifs; publications électroniques (téléchargeables) . Joaillerie, bijouterie; horlogerie et instruments chronométriques ; montres. Papier et carton (bruts, mi-ouvrés ou pour la papeterie ou l'imprimerie) ; produits de l'imprimerie ; photographies ; papeterie ; matériel d'instruction ou d'enseignement (à l'exception des appareils) ; journaux et magazines sportifs ; catalogues de présentation de vêtements et d'articles de sport ; catalogues de vente de vêtements et d'articles de sports ; papier d'emballage ; sacs et sachets (enveloppes, pochettes) pour l'emballage (en papier ou en matières plastiques); cartonnages. Cuir et imitations du cuir; articles de maroquinerie en cuir ou imitations du cuir (à l'exception des étuis adaptés aux produits qu'ils sont destinés à contenir, des gants et des ceintures) ; peaux d'animaux ; malles et valises ; parapluies, parasols et cannes ; fouets et sellerie ; sacs de sport, sacs à dos et sacs de voyage ; sacs à main, sacs d'écoliers, sacs à roulettes, sacs (enveloppes, pochettes) pour l'emballage (en cuir). Vêtements notamment vêtements de sport, chaussures notamment chaussures de sport ; chapellerie. Jeux, jouets ; articles de gymnastique et de sport (autres que les vêtements, chaussures et tapis) et notamment balles et ballons de sport, raquettes et battes de sport; cartes à jouer. Parrainage financier d'évènements sportifs et de sportifs de haut niveau. Agences de presse ; communications radiophoniques, télégraphiques ou téléphoniques; transmission de messages, de télégrammes et de télécopies ; diffusion de programmes de télévision et de programmes radiophoniques ; communications (transmission) par terminaux d'ordinateurs ; transmission de messages et d'images assistée par ordinateur; services de transmission d'informations par voie télématique ; messagerie électronique; communications par réseau informatique mondial; communications par réseau de fibres optiques ; transmission par satellite ; fourniture d'accès à un réseau informatique mondial ; raccordement par télécommunications à un réseau informatique mondial ; services d'affichage électronique (télécommunications) ; informations en matière de télécommunications. Education et formation ; publication de livres et de périodiques ; publication électronique de livres et de périodiques en ligne ; divertissement notamment production de spectacles et de films relatifs au sport ; organisation de concours en matière d'éducation ou de divertissement et de sport ; organisation et conduite de séminaires, colloques, conférences, congrès ; organisation d'expositions à buts culturels ou éducatifs ; organisation de loteries ; activités sportives et culturelles ; services de jeux sportifs proposés en ligne (à partir d'un réseau informatique) ; organisation d'évènements sportifs et de compétitions sportives" ; - la marque verbale de l'Union européenne "Airness" no003978855 enregistrée le 2 décembre 2005 pour désigner en classe 3 les "Parfums et produits cosmétiques", en classe 9 les "Lunettes, lunettes de soleil et lunettes de protection pour sportifs; publications électroniques (téléchargeables)", en classe 14 la "Joaillerie, bijouterie; horlogerie et instruments chronométriques; montres", en classe 16 le "Papier et carton (bruts, mi-ouvré ou pour la papeterie ou l'imprimerie); produits de l'imprimerie; photographies; papeterie; matériel d'instruction ou d'enseignement (à l'exception des appareils); journaux et magazines sportifs; catalogues de présentation de vêtements et d'articles de sport; catalogues de vente de vêtements et d'articles de sport; papier d'emballage; sacs et sachets (enveloppes, pochettes) pour l'emballage (en papier ou en matières plastiques); cartonnages", en classe 18 le "Cuir et imitations du cuir; articles de maroquinerie en cuir ou imitations du cuir (à l'exception des étuis adaptés aux produits qu'ils sont destinés à contenir, des gants et des ceintures); peaux d'animaux; malles et valises; parapluies, parasols et cannes; fouets et sellerie; sacs de sport, sacs à dos et sacs de voyage; sacs à main, sacs d'écoliers, sacs à roulettes, sacs (enveloppes, pochettes) pour l'emballage (en cuir)", en classe 25 les "Vêtements notamment vêtements de sport, chaussures notamment chaussures de sport; chapellerie", en classe 28 les "Jeux, jouets; articles de gymnastique et de sport (autres que les vêtements, chaussures et tapis) et notamment balles et ballons de sport, raquettes et battes de sport; cartes à jouer", en classe 36 le "Parrainage financier d'évènements sportifs et de sportifs de haut niveau", en classe 38 les "Agences de presse et d'informations; communications radiophoniques, télégraphiques ou téléphoniques; transmission de messages, de télégrammes et de télécopies; diffusion de programmes de télévision et de programmes radiophoniques; communications (transmission) par terminaux d'ordinateurs; transmission de messages et d'images assistée par ordinateur; services de transmission d'informations par voie télématique; messagerie électronique; communications par réseau informatique mondial; communications par réseau de fibres optiques; transmission par satellite; fourniture d'accès à un réseau informatique mondial; raccordement par télécommunications à un réseau informatique mondial; services d'affichage électronique (télécommunications); informations en matière de télécommunications", en classe 41 les services d' "Education et formation; publication de livres et de périodiques; publication électronique de livres et de périodiques en ligne; divertissement notamment production de spectacles et de films relatifs au sport; organisation de concours en matière d'éducation ou de divertissement et de sport; organisation et conduite de séminaires, colloques, conférences, congrès; organisation d'expositions à buts culturels ou éducatifs; organisation de loteries; activités sportives et culturelles; services de jeux sportifs proposés en ligne (à partir d'un réseau informatique); organisation et conduite de compétitions et d'évènements sportifs"; - la marque verbale française "Airness" enregistrée le 14 février 2004 sous le no3409923 pour désigner en classes 7, 9 et 35 les "Appareils téléphoniques ; téléphones portables; appareils et instruments scientifiques (autres qu'à usage médical), nautiques, géodésiques, photographiques, cinématographiques, optiques, de pesage, de mesurage, de signalisation, de contrôle (inspection), de secours (sauvetage) et d'enseignement ; appareils et instruments pour la conduite, la distribution ; la transformation, l'accumulation, le réglage ou la commande du courant électrique ; appareils pour l'enregistrement, la transmission, la reproduction du son ou des images ; supports d'enregistrement magnétiques, disques acoustiques ou optiques, disquettes souples ; distributeurs automatiques et mécanismes pour appareils à prépaiement ; caisses enregistreuses, machines à calculer, équipement pour le traitement de l'information et les ordinateurs, programmes d'ordinateurs enregistrés ; logiciels de jeux ; logiciels (programmes enregistrés) ; périphériques d'ordinateurs ; extincteurs ; batteries électriques, détecteurs ; fils électriques ; relais électriques; combinaisons, costumes, gants ou masques de plongée ; vêtements de protection contre les accidents, les irradiations et le feu ; dispositifs de protection personnelle contre les accidents ; bâches de sauvetage ; appareils pour le diagnostic non à usage médical ; articles de lunetterie; étuis à lunettes ; ordinateurs ; cartes à mémoire ou à microprocesseur. Publicité notamment courrier publicitaire, diffusion de matériel publicitaire (tracts, prospectus, imprimés, échantillons), promotion des ventes (pour des tiers), publication de textes publicitaires, publicité en ligne sur un réseau informatique, location de temps publicitaire sur tout moyen de communication, location de matériel publicitaire, location d'espaces publicitaires, diffusion d'annonces publicitaires ; organisation d'expositions à buts commerciaux ou de publicité; gestion administrative de lieux d'expositions ; services d'abonnement à des journaux pour des tiers ; gestion des affaires commerciales et administration commerciale notamment aide dans l'exploitation ou la direction d'une entreprise commerciale, aide à la direction des affaires ou des fonctions commerciales d'une entreprise industrielle ou commerciale ; conseils en organisation et direction des affaires; informations ou renseignements d'affaires ; relations publiques; travaux de bureau notamment travaux statistiques, mécanographiques, de sténotypie ; comptabilité; reproduction de documents ; bureaux de placement; gestion de fichiers informatiques; recherche d'informations dans des fichiers informatiques (pour des tiers) ; location de machines à écrire et de matériel de bureau (à l'exception de la location d'appareils de télécommunication, d'ordinateurs et de meubles); services de vente au détail de : parfums et cosmétiques, lunettes (optique), lunettes de soleil et lunettes de protection pour sportifs, publications électroniques (téléchargeables), appareils pour l'enregistrement, la transmission, la reproduction du son ou des images, supports d'enregistrement magnétiques, disques acoustiques ou optiques, disquettes souples, programmes d'ordinateurs enregistrés, logiciels de jeux, logiciels (programmes enregistrés), articles de lunetterie, étuis à lunettes, appareils téléphoniques, téléphones portables, cartes à mémoire ou à microprocesseur, joaillerie, bijouterie, horlogerie et instruments chronométriques, montres, produits de l'imprimerie, photographies, papeterie, journaux et magazines sportifs, catalogues de présentation de vêtements et d'articles de sport, catalogues de vente de vêtements et d'articles de sport ; articles de maroquinerie en cuir ou imitations du cuir ; sacs et notamment sacs de sport, vêtements et notamment vêtements de sport, chaussures et notamment chaussures de sport, chapellerie, jeux, jouets ; articles de gymnastique et de sport".3. M. [D] expose avoir découvert le dépôt par la société P4F (Play 4 Fun) de la marque semi-figurative de l'Union euroépenne "Airness", enregistrée le 14 octobre 2017 sous le no017298944, pour désigner en classe 25 les "Vêtements de sport; chaussures; combinaisons de gymnastique; chaussures d'entraînement" et en classe 35 les services de "vente au détail d'articles de sport; services de détail en relation avec accessoires de mode; les services de vente au détail en relation avec les accessoires vestimentaires; vente au détail en ligne les services de magasin relatifs aux vêtements; services de magasins de détail dans le domaine de l'habillement; vente au détail les services liés à la vente de vêtements et d'accessoires vestimentaires; vente au détail en ligne les services relatifs à l'habillement ; Gestion commerciale de points de vente au détail; Services de marketing; Marketing sur internet" : 4. M. [D] a formé opposition à cet enregistrement le 17 janvier 2018 sur le fondement de sa marque "Airness" no003978855. Par une décision du 13 décembre 2018, l'Office européen de la propriété intellectuelle a partiellement accueilli l'opposition, la marque no017298944 ne subsistant que pour désigner en classe 35 les services de "Gestion commerciale de points de vente au détail; Services de marketing; Marketing sur internet". 5. La société P4F exploite également un site internet à l'adresse <www.airness.eu>, tandis que le 28 juin 2021, a également été immatriculée une société Airness [Localité 4] laquelle exploite un magasin à l'enseigne Airness dans lequel elle vend, depuis le 4 juin 2022, des vêtements et des chaussures de sport, le signe Airness étant reproduit sur des vêtements, les tickets de caisse et des sacs en papier, tous faits que M. [D] a fait constater par un huissier de justice le 14 juin 2022. 6. Après les avoir vainement mises en demeure de cesser ces agissements, M. [D] a, par acte d'huissier du 10 août 2022 fait assigner en référé les sociétés P4F et Airness [Localité 4] devant le délégataire du président de ce tribunal, afin d'obtenir des mesures d'interdiction d'usage du signe "Airness" par ces sociétés, ainsi que leur condamnation au paiement de diverses sommes à titre provisionnel. 7. Après un renvoi, l'affaire a été plaidée à l'audience du 7 novembre 2022. M. [D] a développé oralement les termes de ses conclusions par lesquelles il demande des mesures d'interdiction d'usage des noms de domaine conduisant au site "airness" des défenderesses, de l'enseigne, du nom commercial et de la dénomination sociale "Airness", ainsi qu'à titre de marque, des mesures de communication de documents comptables, et de condamnation solidaire de ces sociétés à lui payer une provision de 80.000 euros à valoir sur l'indemnisation du préjudice résultant de la contrefaçon, de 50.000 euros à valoir sur l'atteinte à la renommée des marques, de 50.000 euros au titre des faits distincts de concurrence déloyale et parasitaire. Subsidiairement, M. [D] formule des demandes similaires sur le fondement de la concurrence déloyale et parasitaire et, en tout état de cause, la condamnation solidaire des sociétés défenderesses à lui payer la somme de 30.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. 8. Les sociétés P4F et Airness [Localité 4] demandent quant à elle au juge des référés de rejeter les demandes de M. [D], et, en tout état de cause de limiter leur effet à la France et de les subordonner au paiement d'une garantie de 3.000.000 euros. Elles sollicitent la condamnation de M. [D] à leur payer la somme de 12.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. MOTIFS DE LA DÉCISION 1o) Sur la contrefaçon de marques Moyens des parties 9. M. [D] soutient établir la contrefaçon de ses marques par reproduction et imitation pour désigner des services identiques à ceux visés aux enregistrements, dans des conditions de nature à créer un risque de confusion. En particulier, M. [D] soutient que les signes sont utilisés pour désigner les services de vente au détail (pour lesquels l'opposition a été accueillie) par l'usage du signe "Airness" comme enseigne du magasin dédié au basket de [Localité 4], par la reproduction du signe sur des sacs et tickets de caisse, par la réservation de différents noms de domaine. Il soutient encore que le signe est utilisé pour désigner des vêtements par reproduction de la marque sur des tee-shirts. M. [D] conteste l'exploitation du signe ici pour simplement désigner des services de "Gestion commerciale de points de vente au détail; marketing; Marketing sur internet", ainsi que le soutiennent les défenderesses et conclut à la complémentarité des services de vente au détail de vêtements et chaussures de sport avec les vêtements et chaussures de sport. 10. Les sociétés P4F et Airness [Localité 4] font quant à elles valoir que la vraisemblance de la contrefaçon n'est pas établie, soutenant en premier lieu qu'elles exploitent leur marque "Airness" pour les services de "Gestion commerciale de points de vente au détail; marketing; Marketing sur internet", et ainsi, ne plus mettre en vente aucun vêtement reproduisant la marque, laquelle ne figure que sur les vêtements du personnel et des basketeurs professionnels partenaires, non destinés à la vente. Elles précisent proposer à la vente dans leurs boutiques exclusivement des produits de leurs partenaires tels que les sociétés Nike et Adidas. Elles ajoutent que le demandeur exploite principalement la version semi-figurative de sa marque, laquelle représente un panthère noire, que le public pertinent ne peut en aucun cas confondre avec sa propre marque, qui n'est de toute façon pas exploitée pour les mêmes produits ou services. Appréciation du juge des référés 11. Aux termes de l'article L.716-4-6 du code de la propriété intellectuelle, "Toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon peut saisir en référé la juridiction civile compétente afin de voir ordonner, au besoin sous astreinte, à l'encontre du prétendu contrefacteur ou des intermédiaires dont il utilise les services, toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d'actes argués de contrefaçon. (...) Saisie en référé ou sur requête, la juridiction ne peut ordonner les mesures demandées que si les éléments de preuve, raisonnablement accessibles au demandeur, rendent vraisemblable qu'il est porté atteinte à ses droits ou qu'une telle atteinte est imminente. La juridiction peut interdire la poursuite des actes argués de contrefaçon, la subordonner à la constitution de garanties destinées à assurer l'indemnisation éventuelle du demandeur ou ordonner la saisie ou la remise entre les mains d'un tiers des produits soupçonnés de porter atteinte aux droits conférés par le titre, pour empêcher leur introduction ou leur circulation dans les circuits commerciaux. (...) Elle peut également accorder au demandeur une provision lorsque l'existence de son préjudice n'est pas sérieusement contestable. (...)" 12. En outre, selon le 22ème considérant de la directive no2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle, dont les dispositions précitées constituent la transposition en droit interne, "Il est également indispensable de prévoir des mesures provisoires permettant de faire cesser immédiatement l'atteinte sans attendre une décision au fond, dans le respect des droits de la défense, en veillant à la proportionnalité des mesures provisoires en fonction des spécificités de chaque cas d'espèce, et en prévoyant les garanties nécessaires pour couvrir les frais et dommages occasionnés à la partie défenderesse par une demande injustifiée. Ces mesures sont notamment justifiées lorsque tout retard serait de nature à causer un préjudice irréparable au titulaire d'un droit de propriété intellectuelle." 13. Aux termes de l'article 9 du règlement : « 1. L'enregistrement d'une marque de l'Union européenne confère à son titulaire un droit exclusif. « 2. Sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité d'une marque de l'Union européenne, le titulaire de cette marque de l'Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe pour des produits ou services lorsque : a)ce signe est identique à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée; b) ce signe est identique ou similaire à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou services identiques ou similaires aux produits ou services pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public; le risque de confusion comprend le risque d'association entre le signe et la marque; (...)" 14. De la même manière, selon l'article L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle, "Sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public : a) La reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque, ainsi que l'usage d'une marque reproduite, pour des produits ou services similaires à ceux désignés dans l'enregistrement ; b) L'imitation d'une marque et l'usage d'une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement." 15. Interprétant les dispositions de l'article 5 § 1 de la première Directive du Conseil du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des États membres sur les marques (89/104/CEE), rédigées en termes identiques à ceux du règlement précité et dont les dispositions précitées du droit interne français réalisent la transposition, la Cour de Justice des Communautés européennes a dit pour doit que, constitue un risque de confusion au sens de ce texte, le risque que le public puisse croire que les produits ou services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d'entreprises liées économiquement (voir arrêt Canon, C-39/97, point 29 ; arrêt Lloyd Schuhfabrik, C-342/97). Selon cette même jurisprudence, l'existence d'un risque de confusion dans l'esprit du public doit être appréciée globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce (voir, arrêt SABEL, C-251/95, point 22), cette appréciation globale impliquant une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte (voir arrêt Canon, point 17). 16. Afin d'apprécier le degré de similitude existant entre les marques concernées, la juridiction nationale doit déterminer leur degré de similitude visuelle, auditive et conceptuelle, en tenant compte en particulier de leurs éléments distinctifs et dominants et, le cas échéant, évaluer l'importance qu'il convient d'attacher à ces différents éléments, en tenant compte de la catégorie de produits ou services en cause et des conditions dans lesquelles ils sont commercialisés (voir arrêt Lloyd Schuhfabrik, C-342/97). 17. Il est encore observé que, pour apprécier la similitude entre des produits ou des services, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre ces produits ou ces services ; ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire (CJCE, 29 septembre 1998, Canon, C-39/97, point 23). Parmi les facteurs pertinents, le caractère complémentaire des produits ou services est un critère autonome, susceptible de fonder, à lui seul, l'existence d'une similitude (CJUE, 21 janvier 2016, Hesse / OHMI, Porsche (Carrera), C-50/15, point 21). Pour appliquer ce critère, le Tribunal de l'Union européenne a développé une jurisprudence selon laquelle les produits ou les services complémentaires sont ceux entre lesquels existe un lien étroit, en ce sens que l'un est indispensable ou important pour l'usage de l'autre, de sorte que les consommateurs peuvent penser que la responsabilité de la fabrication de ces produits ou de la fourniture de ces services incombe à la même entreprise (TPICE, 1er mars 2005, Sergio Rossi, T-169/03, point 60 ; pour une application récente, TUE, 22 septembre 2021, Sociedade da agua de Monchique, T-195/20, point 46). 18. Force est en l'occurrence de constater que le signe "Airness" n'est pas exploité par les sociétés défenderesses pour les services de "Gestion commerciale de points de vente au détail; marketing; Marketing sur internet", comme elles l'affirment, mais pour désigner les services de vente au détail de vêtements et chaussures de sport visés à l'enregistrement de la marque verbale française opposée "Airness" no3409923 ; l'usage du signe pour désigner des produits, en l'occurrence des chaussures et des vêtements de sport n'est pas démontré. 19. Il est encore observé qu'aucune marque du demandeur, autre que la marque "Airness" no3409923, y compris semi-figurative, ne désigne les services de vente au détail de vêtements et de chaussures de sport, dont la nécessaire complémentarité avec les vêtements et chaussures de sport est ici affirmée et non caractérisée avec l'évidence requise en référé ; en effet, le public pertinent est notamment habitué à ce que les vêtements et chaussures de sport ne soient pas commercialisés par leur concepteur ou fabriquant (cf les décisions citées ci-dessus). 20. La vraisemblance de la contrefaçon ne peut donc qu'être examinée en fonction de cette marque française "Airness" no3409923. 21. Ainsi, utilisée sous sa forme purement verbale, comme par exemple à titre de nom de domaine pour donner accès à leur site marchand, par les sociétés défenderesses, le signe reproduit la marque verbale française précitée pour désigner les services de vente au détail de vêtements et chaussures de sport figurant à l'enregistrement. La vraisemblance de la contrefaçon est donc établie sans qu'il soit besoin de caractériser un risque de confusion. 22. Sous sa forme semi-figurative, le signe des sociétés défenderesses imite la marque verbale française no3409923. 23. Les signes "Airness" et sont visuellement faiblement similaires. Ils se prononcent en revanche de la même manière. Ils évoquent l'un et l'autre le surnom du joueur de basket américain [R] [F] ("Air"). Ils sont donc conceptuellement fortement similaires voire identiques. 24. Le public pertinent est ici constitué des acheteurs de vêtements et chaussures de sport ; son degré d'attention est moyen à élevé selon le prix des produits. 25. Confronté à ces signes conceptuellement identiques, pour désigner des produits et services identiques, même d'attention moyenne à élevée, le public pertinent apparaît susceptible d'attribuer une origine commune aux produits et services et, en particulier, de penser que le second est une évolution ou une déclinaison du premier. 26. La contrefaçon apparaît donc vraisemblable. Aussi, il sera fait droit aux demandes d'interdiction et de communication de pièces selon les modalités visées au dispositif de la présente décision, qui ne pourront concerner que le territoire français en l'état de la contrefaçon vraisemblable établie. Aucune circonstance ne justifie ici d'assortir la décision d'une mesure de garantie, les défenderesses ayant fait le choix assumé d'engager leur activité sur le territoire français en parfaite connaissance des titres du demandeur. 27. Les sociétés défenderesses seront condamnées in solidum à verser à M. [D] la somme forfaitaire et provisionnelle de 10.000 euros à valoir sur l'indemnisation du préjudice issu des faits de contrefaçon. 28. La demande de transfert de nom de domaine excède en revanche la compétence du juge des référés. Il n'y aura donc pas lieu à référé de ce chef. 2o) Sur l'atteinte à la renommée des marques 29. Selon l'article 9 du règlement "2. Sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité d'une marque de l'Union européenne, le titulaire de cette marque de l'Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe pour des produits ou services lorsque: (...) c) ce signe est identique ou similaire à la marque de l'Union européenne, indépendamment du fait que les produits ou services pour lesquels il est utilisé soient identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée, lorsque celle-ci jouit d'une renommée dans l'Union et que l'usage de ce signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque de l'Union européenne ou leur porte préjudice." 30. Une marque est considérée comme renommée lorsqu'elle est connue d'une partie significative du public pertinent et qu'elle exerce un pouvoir d'attraction propre, indépendant du produit ou du service qu'elle identifie, étant précisé que le public pertinent est celui concerné par la marque (CJUE, 14 septembre 1999, C-375/97, General Motors, points 24 et 26). Pour apprécier la renommée, sont notamment - mais pas exclusivement - pris en compte l'ancienneté de la marque, son succès commercial, l'importance du budget publicitaire consacré, l'étendue géographique et la durée de son usage, son référencement dans la presse ou encore l'existence de sondages (CJUE, 14 septembre 1999, C-375/97, General Motors, point 27; TUE, 10 mai 2007, T-47/06, Antartica c/OHMI et the Nasdaq Stock Market, points 46 et 52). 31. Afin de caractériser l'atteinte à la renommée d'une marque, il importe que le public concerné établisse un lien entre le signe et la marque, sans qu'il soit nécessaire d'établir l'existence d'un risque de confusion, étant précisé que l'intensité de la renommée de la marque peut être prise en compte pour apprécier l'existence d'un tel lien (CJUE, 23 octobre 2003, C-408-01, Adidas-Salomon AG et Adidas Benelux BV c/ Fitnessworld Trading ; CJUE, 27 novembre 2008, C-252-07, Intel Corporation c/ CPM United Kingdom, point 53). Enfin, ce lien établi entre le signe litigieux et la marque revendiquée doit porter préjudice au caractère distinctif de cette marque, ce qui suppose que le comportement économique du consommateur moyen ait été modifié par l'usage du signe. 32. M. [D] verse aux débats cinq articles de presse, des catalogues et des captures d'écran. Ces éléments démontrent l'exploitation des marques en France depuis de début et le milieu des années 2000, mais pas que cette marque est connue d'une partie significative du public pertinent. Il doit donc être dit n'y avoir lieu à référé sur l'atteinte à la renommée des marques "Airness" du demandeur. 3o) Sur la concurrence déloyale et parasitaire 33. M. [D] fonde ses demandes à ce titre sur le nom de domaine dont il est titulaire. Il ne justifie ce faisant d'aucun fait distinct de la contrefaçon de marque déjà retenue, non plus qu'aucun préjudice distinct. Il n'y aura donc pas lieu à référé de ce chef. 34. Parties perdantes au sens de l'article 696 du code de procédure civile, les sociétés P4F et Airness [Localité 4] seront condamnées in solidum aux dépens, ainsi qu'à payer à M. [D], sous la même solidarité imparfaite, la somme de 10.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS, Le juge des référés, FAIT DÉFENSE aux sociétés P4F et Airness [Localité 4] d'utiliser dans la vie des affaires, en France, le signe "Airness" pour désigner des services de vente au détail de chaussures et vêtements de sport, et, en particulier, à titre d'enseigne, y compris lorsqu'elle est reproduite sur des sacs et des produits publicitaires, pour désigner un magasin de vente d'articles de sport et de nom de domaine accessible aux internautes situés en France pour acheter des chaussures et vêtements de sport, et ce, sous astreinte de 1.000 euros par infraction constatée, courant à l'expiration d'un délai de 30 jours suivant la signification de la présente ordonnance et pendant 180 jours ; ENJOINT aux sociétés P4F et Airness [Localité 4] de communiquer à M. [M] [D] tous documents certifiés et propres à établir le chiffres d'affaires résultant des ventes réalisées par elles en France sous le signe "Airness" et ce, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à exécuter la présente décision courant à l'expiration d'un délai de 30 jours suivant la signification de la présente décision et pendant 180 jours ; SE RÉSERVE la liquidation des astreintes prononcées ; CONDAMNE in solidum les sociétés P4F et Airness [Localité 4] à payer à M. [M] [D] la somme provisionnelle de 10.000 euros en réparation des actes de contrefaçon vraisemblable commis ; DIT n'y avoir lieu à référé sur le surplus des demandes ; CONDAMNE in solidum les sociétés P4F et Airness [Localité 4] aux dépens; CONDAMNE in solidum les sociétés P4F et Airness [Localité 4] à payer à M. [M] [D] la somme de 10.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de plein droit à titre provisoire. Fait à [Localité 4] le 15 décembre 2022. Le Greffier, Le Président, Flore MARIGNY Nathalie SABOTIER
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JURITEXT000047454928
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AUTRES_DECISIONS
Tribunal judiciaire de Paris, 15 décembre 2022, 19/07749
2022-12-15
Tribunal judiciaire de Paris
19/07749
CT0087
x
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 3ème chambre 1ère section No RG 19/07749 No Portalis 352J-W-B7D-CQGEX No MINUTE : Assignation du :26 juin 2019 JUGEMENT rendu le 15 décembre 2022 DEMANDERESSE S.A.S.U. E REMY MARTIN ET Co[Adresse 3][Localité 1] représentée par Me Christian HOLLIER-LAROUSSE de l'ASSOCIATION HOLLIER-LAROUSSE & Associés, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0362 DÉFENDERESSES S.A.R.L ELS[Adresse 4][Localité 6] représentée par Me Gérard HAAS de la SELARL HAAS SOCIETE D'AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #K0059 & Me Caroline PECHIER de la SELARL JURICA, avocat au barreau de la CHARENTE, avocat plaidant S.A.R.L. BACCHUS BOLLEE[Adresse 5][Localité 9] représentée par Me Pierre MASSOT de la SELARL ARENAIRE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #G0252 S.A.R.L. COGNAC EMBOUTEILLAGE[Adresse 13][Localité 2] représentée par Me Thibault LACHACINSKI, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #E0730 & Me Marie CHAMFEUIL, avocat au barreau de BORDEAUX COMPOSITION DU TRIBUNAL Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointeElodie GUENNEC, Vice-présidenteMalik CHAPUIS, Juge, assistés de Caroline REBOUL, Greffière DEBATS A l'audience du 19 septembre 2022 tenue en audience publique, avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu le 17 novembre 2022. Le délibéré a été prorogé au 15 décembre 2022. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffeContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DU LITIGE : 1. La socie te E. [S] Martin & Co se pre sente comme l'une des plus anciennes maisons de cognac et indique bénéficier d'une réputation mondiale. 2. Elle est titulaire des marques suivantes : -la marque verbale française « LOUIS XIII DE RE MY MARTIN » no 94 529 471, de pose e le 19 juillet 1994 dans la classe 33 pour de signer les « boissons alcoolisées, à l'exception des bie res », -la marque verbale de l'Union Europe enne « LOUIS XIII » no 12 035 747, de pose e le 1er aou t 2013 dans les classes 33, 41 et 43 pour de signer notamment les « boissons alcoolise es (a l'exception des bie res), a savoir cognac, brandy, eaux de vie...boissons spiritueuses...ape ritifs, digestifs... ». 3.La société Bacchus Bollee se présente comme une entreprise spécialisée dans le négoce de vins et spiritueux et la fabrication de boissons alcoolisées, notamment du brandy. 4. La socie te Cognac Embouteillage se présente comme ayant pour activité principale est le conditionnement de vins et spiritueux. 5. La société ELS se présente comme spécialisée dans l'embouteillage et le conditionnement des vins et spiritueux. 6. Le 4 juin 2019, la Direction ge ne rale des douanes et droits indirects a mis en retenue au sein de ses locaux un certain nombre de marchandises, essentiellement des bouteilles de brandy, qu'elle soupc onnait d'e tre des produits contrefaisants. 7. Parmi ces marchandises, des bouteilles conditionnées par les sociétés Cognac Embouteillage et ELS, notamment pour la société Uni-Harmonac, aujourd'hui Bacchus Bollee. 8. Par acte du 26 juin 2019, la société E. [S] Martin & Co a assigné en justice, les sociétés Bacchus Bollee, ELS et Cognac Embouteillage devant le tribunal judiciaire de Paris, en contrefaçon des marques verbales française et de l'Union europe enne estimant que l'objet de la retenue, en particulier la désignation "PRINCE LOUIS" porte atteinte à ses droits. 9. Par des conclusions d'incident signifie es par la voie e lectronique le 3 novembre 2020, la socie te Bacchus Bollee a sollicité du juge de la mise en e tat qu'il dise le tribunal de Paris partiellement incompétent pour connaître des demandes. 10. Par une ordonnance du 18 décembre 2020, le juge de la mise en état a rejeté l'incident formé par la socie te Bacchus Bollee et condamné cette dernière a payer a la socie te E. RE MY MARTIN & Co, la somme de 1000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de proce dure civile, réservant les dépens. 11. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 17 décembre 2021, la société E. [S] Martin & Co demande au tribunal de : En application des dispositions du Règlement (UE) no 2017/2001 du 14 juin 2017 sur la Marque de l'Union Européenne, et des articles1240 du Code civil et L. 711-1 et suivants du Code de la Propriété Intellectuelle, et de l'article 1240 du Code Civil, -la dire propriétaire des marques suivantes :*la marque dénominative « LOUIS XIII DE [Localité 11] MARTIN » no94 529 471 pour désigner des « Boissons alcooliques (à l'exception des bières) »,*la marque de l'Union Européenne « LOUIS XIII » no 12 035 747, déposée le 1er aout 2013 pour désigner notamment les « boissons alcoolisées (à l'exception des bières), à savoir cognac, brandy, eaux de vie...boissons spiritueuses...liqueurs...apéritifs, digestifs... »,-rejeter les demandes présentées par les défenderesses,-dire qu'en conditionnant et commercialisant du brandy sous la dénomination PRINCE LOUIS, la Société Cognac Embouteillage, la société ELS et la société Bacchus Bollee se sont rendues coupables de contrefaçon de la marque dénominative LOUIS XIII DE [Localité 11] MARTIN no 94 529 471, et de la marque de l'Union Européenne « LOUIS XIII » no 12 035 747,-interdire à la Société Cognac Embouteillage, à la société ELS et à la société Bacchus Bollee de conditionner et de commercialiser des alcools sous la dénomination PRINCE LOUIS, ainsi que toute dénomination comportant le terme « LOUIS », et ce sous astreinte définitive de 1.000 euros par infraction constatée à compter du délai d'un mois suivant la signification du jugement à intervenir.-condamner in solidum la Société Cognac Embouteillage, la société ELS et la société Bacchus Bollee à verser à la Société E. Remy Martin & Co la somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts, quitte à parfaire.-à titre subsidiaire, ordonner aux sociétés défenderesses de communiquer à la société E. Remy Martin & Co tous les documents commerciaux relatifs au conditionnement et à l'embouteillage et à la commercialisation de brandy sous la dénomination « PRINCE LOUIS », pendant la période non prescrite (postérieure au 26 juin 2014), pour lui permettre d'évaluer le préjudice subi du fait de la contrefaçon.-autoriser la Société E. Remy Martin & Co à faire procéder à la publication du jugement à intervenir dans 5 journaux ou revues de son choix, aux frais in solidum de la Société Cognac Embouteillage, de la société ELS et de la société Bacchus Bollee dans la limite de 30.000 euros (H.T.).-condamner in solidum la Société Cognac Embouteillage, la société ELS et la société Bacchus Bollee à verser à la Société E. Remy Martin & Co la somme de 50.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.-condamner in solidum la Société Cognac Embouteillage, la société ELS et à la société Bacchus Bollee en tous les dépens, dont distraction au profit de Maître Christian HOLLIER-LAROUSSE, avocat. 12. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 9 novembre 2021, la société Cognac Embouteillage demande au tribunal de : Vu les articles 1240 du Code civil, L713-1 et suivants et L. 716-1 du Code de la proprie te intellectuelle, A titre principal :-de bouter la socie te E. Remy Martin & Co de l'ensemble de ses demandes,-subsidiairement, réduire le montant des dommages et intérêts à la somme de 1 euro symbolique,-condamner la société Bacchus Bollee a garantir et relever indemne la socie te Cognac Embouteillage de toutes condamnations qui pourraient être prononce es a son encontre,-condamner la socie te E. REMY MARTIN & Co a payer a la socie te Cognac Embouteillage une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de proce dure civile,-condamner la socie te E. REMY MARTIN & Co aux entiers de pens de l'instance. 13. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 10 novembre 2021, la société ELS demande au tribunal de : Vu l'article 9.2 b du Re glement (UE) 2017/1001 du Parlement europe en et du Conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union europe enne, Vu les articles L. 713-3 et L. 714-5 du Code de la proprie te intellectuelle et l'article 32-1 du code de procédure civile,-prononcer la de che ance partielle, sur le fondement de l'article L. 714-5 du CPI, de la marque verbale franc aise « LOUIS XIII DE [Localité 11] MARTIN » no94 529 471 pour tous les produits couverts a l'exception des « eaux-de-vie de vin be ne ficiant de l'appellation d'origine contrôle e Cognac », a compter du 23 de cembre 1999, en raison du de faut d'usage se rieux de cette marque,-débouter la socie te E.REMY MARTIN & CO de l'ensemble de ses demandes, fins et pre tentions,-subsidiairement, si le tribunal « venait a constater l'existence d'acte de contrefaçon », condamner la socie te ELS a la garantir et relever indemne de toutes les condamnations qui pourraient e tre prononce es a son encontre au profit de la socie te E. REMY MARTIN & CO,-condamner la socie te E. Remy Martin & Co a payer a la socie te ELS la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de proce dure civile, ainsi qu'aux entiers de pens dont distraction est sollicite e au profit de Mai tre Ge rard Haas conforme ment aux dispositions de l'article 699 du code de proce dure civile ; 14. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 4 février 2022, la société Bacchus Bollee demande au tribunal de : Vu l'article 267 du Traite sur le fonctionnement de l'Union europe enne, les dispositions du Re glement (UE) no 2017/1001 du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union Europe enne, et les articles L.711-1 et suivants, L.716-3, L.714-4 L.714-5, du code de -la dire recevable en ses demandes de déchéance partielle et de nullité,-prononcer la de che ance des droits de la socie te E. Remy Martin & Co sur les marques suivantes pour de faut d'exploitation se rieuse la marque franc aise « LOUIS XIII DE [Localité 11] MARTIN » no94529471 pour tous les produits de la classe 33, a l'exception de la sous-cate gorie des eaux- de-vie de vin be ne ficiant de l`AOC Cognac a compter du 19 de cembre 1999 ;-prononcer la nullite pour de po t frauduleux de la marque « LOUIS XIII » no12035747, pour tous les produits de la classe 33, a l'exception de la sous-cate gorie des eaux-de-vie de vin be ne ficiant de l'AOC Cognac.-ordonner que la de cision une fois de finitive soit transmise a l'INPI et a l'Office de l'Union europe enne pour la proprie te intellectuelle par le greffe ou a l'initiative de la partie la plus diligente pour inscription aux registres national et europe en des marques.-débouter la société E. Remy Martin & Co de ses demandes,-condamner la socie te E. Remy Martin & Co a verser a la socie te Bacchus Bollee la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de proce dure civile ;-condamner la socie te E. Remy Martin & Coaux entiers de pens, dont distraction au profit de la SELARL Arenaire epre sente e par Mai tre Pierre Massot, avocat, conforme ment aux dispositions de l'article 699 du Code de proce dure civile. 15. Il est renvoyé aux dernières écritures des parties pour plus ample exposé des faits, moyens et prétentions qui y sont contenus. 16. L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 février 2022, l'affaire plaidée le 19 septembre 2022 et la décision mise en délibéré au 17 novembre 2022 et prorogée au 15 décembre 2022. SUR CE 1. Sur la déchéance de la marque française « Louis XIII de [S] Martin » Moyens des parties 17. La société E. Remy Martin & Co soutient que sa marque est exploitée au sens de l'article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle et ne peut encourir la déchéance. Elle se prévaut du libellé de la classe 33 « boissons alcoolisées à l'exception des bières » pour dire que le Cognac est bien une boisson alcoolisée au sens de ce texte. Selon son argument, le Cognac relève d'une « catégorie de produits ou services définis de façon tellement précise et circonscrite » qu'il n'est pas possible d'opérer de divisions significatives en son sein. La société E. Remy Martin & Co ne conclut pas sur l'existence d'une sous-catégorie autonome constituée des eaux-de-vie de vin bénéficiant de l'appellation d'origine contrôlée « Cognac ». Elle estime l'enregistrement de sa marque valable selon les critères du e. de l'article 2 du décret du 31 janvier 1992. Elle rappelle un précédent ([Localité 8], 21 novembre 2017 no16/09255) ayant jugé, selon sa lecture, que le Champagne est une boisson alcoolisée et un « vin mousseux » ne pouvant donc justifier la déchéance d'une marque pour les vins qui ne bénéficieraient pas de l'AOC « Champagne ». Elle précise que sa marque désigne des produits qui ne sont pas essentiellement différents car alcoolisés, incluent des produits visés par la demande de marque, des boissons alcoolisées, et que « le brandy constitue un produit identique aux « boissons alcoolisées » désignées par [ses] marques ». 18. La société SARL Bacchus Bollee soutient que l'article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle prévoit la déchéance du droit du titulaire qu'une marque qui n'en a pas fait un usage sérieux pendant une période de cinq ans. Elle rappelle que la Cour de justice de l'Union européenne distingue pour les catégories de produits ou de services « suffisamment larges » leurs différentes « sous-catégories autonomes ». Selon son argument il convient d'appliquer le critère du non usage à chaque sous-catégorie autonome. La société SARL Bacchus Bollee estime ainsi que la marque nationale « LOUIS XIII DE [Localité 11] MARTIN », déposée en classe 33, n'est utilisée que pour du Cognac et qu'en conséquence la déchéance est encourue pour toute ladite catégorie à l'exception de la sous-catégorie « eau-de-vie de vin bénéficiant de l'AOC Cognac » qu'elle qualifie de « parfaitement identifiable ». 19. La société SARL ELS soutient également que la déchéance de la marque litigieuse est encourue pour tous les produits couverts à l'exception des « eaux-de-vie de vin bénéficiant de l'appellation d'origine contrôlée Cognac ». Elle rappelle que la protection ne couvre pour les catégories de produits ou de services « suffisamment larges » les « sous-catégories autonomes » dont relèvent les produits ou services pour lesquels la marqué a été effectivement utilisée. Elle estime que les « Cognac » se distinguent des « brandy » en raison du cahier des charges de l'appellation d'origine contrôlée « Cognac » ou « Eaux-de-vie de Cognac » ou « Eaux-de-vie des Charentes », homologué par le décret no2015-10 du 7 janvier 2015, modifié par arrêté du 8 novembre 2018. 20. La société SARL Cognac Embouteillage ne conclut pas sur ce point. Appréciation du tribunal 21. Aux termes de l'article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle « encourt la déchéance de ses droits le titulaire de la marque qui, sans justes motifs, n'en a pas fait un usage sérieux, pour les produits ou services pour lesquels la marque est enregistrée, pendant une période ininterrompue de cinq ans. Le point de départ de cette période est fixé au plus tôt à la date de l'enregistrement de la marque suivant les modalités précisées par un décret en Conseil d'Etat. / Est assimilé à un usage au sens du premier alinéa :1o L'usage fait avec le consentement du titulaire de la marque ;2o L'usage fait par une personne habilitée à utiliser la marque collective ou la marque de garantie ;3o L'usage de la marque, par le titulaire ou avec son consentement, sous une forme modifiée n'en altérant pas le caractère distinctif, que la marque soit ou non enregistrée au nom du titulaire sous la forme utilisée ;4o L'apposition de la marque sur des produits ou leur conditionnement, par le titulaire ou avec son consentement, exclusivement en vue de l'exportation ». 22. La Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit dans sa décision Ansul BV du 11 mars 2003 (C-40/01) que : « l'article 12, paragraphe 1, de la directive doit être interprété en ce sens qu'une marque fait l'objet d'un «usage sérieux» lorsqu'elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l'identité d'origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et services, à l'exclusion d'usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque. L'appréciation du caractère sérieux de l'usage de la marque doit reposer sur l'ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l'exploitation commerciale de celle-ci, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l'étendue et la fréquence de l'usage de la marque. La circonstance que l'usage de la marque ne concerne pas des produits nouvellement offerts sur le marché mais des produits déjà commercialisés n'est pas de nature à priver cet usage de son caractère sérieux, si la même marque est effectivement utilisée par son titulaire pour des pièces détachées entrant dans la composition ou la structure de ces produits ou pour des produits ou des services qui se rapportent directement aux produits déjà commercialisés et qui visent à satisfaire les besoins de la clientèle de ceux-ci ». 23. La Cour de justice de l'Union européenne rappelle par sa décision Ferrari SpA du 22 octobre 2020 (C-720/18 et C-721/18) que : « 33. L'appréciation du caractère sérieux de l'usage de la marque doit reposer sur l'ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l'exploitation commerciale de celle-ci, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l'étendue et la fréquence de l'usage de la marque (arrêt du 11 mars 2003, Ansul, C-40/01, EU:C:2003:145, point 43). (...) 36. Il ressort de l'article 13 de la directive 2008/95 que, si un motif de déchéance, tel que celui prévu à l'article 12, paragraphe 1, de cette directive, n'existe que pour une partie des produits ou des services pour lesquels cette marque est déposée ou enregistrée, la déchéance ne s'étend qu'aux produits ou aux services concernés. 37.S'agissant de la notion de « partie des produits ou services » visée à l'article 13 de la directive 2008/95, il y a lieu de relever que le consommateur désireux d'acquérir un produit ou un service relevant d'une catégorie de produits ou de services ayant été définie de façon particulièrement précise et circonscrite, mais à l'intérieur de laquelle il n'est pas possible d'opérer des divisions significatives, associera à une marque enregistrée pour cette catégorie de produits ou de services l'ensemble des produits ou des services appartenant à celle-ci, de telle sorte que cette marque remplira sa fonction essentielle de garantir l'origine pour ces produits ou ces services. Dans ces circonstances, il est suffisant d'exiger du titulaire d'une telle marque d'apporter la preuve de l'usage sérieux de sa marque pour une partie des produits ou des services relevant de cette catégorie homogène (voir, par analogie, arrêt du 16 juillet 2020, ACTC/EUIPO, C-714/18 P, EU:C:2020:573, point 42). 38. En revanche, en ce qui concerne des produits ou des services rassemblés au sein d'une catégorie large, susceptible d'être subdivisée en plusieurs sous-catégories autonomes, il est nécessaire d'exiger du titulaire d'une marque enregistrée pour cette catégorie de produits ou de services d'apporter la preuve de l'usage sérieux de sa marque pour chacune de ces sous-catégories autonomes, à défaut de quoi il sera susceptible d'être déchu de ses droits à la marque pour les sous-catégories autonomes pour lesquelles il n'a pas apporté une telle preuve (voir, par analogie, arrêt du 16 juillet 2020, ACTC/EUIPO, C-714/18 P, EU:C:2020:573, point 43). 39. En effet, si le titulaire d'une marque a enregistré sa marque pour une large gamme de produits ou de services qu'il pourrait éventuellement commercialiser, mais qu'il ne l'a pas fait pendant une période ininterrompue de cinq ans, son intérêt à bénéficier de la protection de sa marque pour ces produits ou services ne saurait prévaloir sur l'intérêt des concurrents à utiliser un signe identique ou similaire pour lesdits produits ou services, voire de demander l'enregistrement de ce signe en tant que marque (voir, par analogie, arrêt du 16 juillet 2020, ACTC/EUIPO, C-714/18 P, EU:C:2020:573, point 43). 40. En ce qui concerne le critère pertinent ou les critères pertinents à appliquer aux fins de l'identification d'une sous-catégorie cohérente de produits ou de services susceptible d'être envisagée de manière autonome, le critère de la finalité et de la destination des produits ou des services en cause constitue le critère essentiel aux fins de la définition d'une sous-catégorie autonome de produits (voir, par analogie, arrêt du 16 juillet 2020, ACTC/EUIPO, C-714/18 P, EU:C:2020:573, point 44) ». 24. Par cette même décision Ferrari SpA (C-720/18 et C-721/18) la Cour de justice précise que « la finalité et la destination des produits ou des services » en cause constitue le critère essentiel aux fins de la définition d'une sous-catégorie autonome de produits ou de services (§41 et C-714/18 §46), ce qui suppose une analyse « concrète » des produits ou des services pour lesquels la preuve de l'usage de la marque est rapportée (§42 et C-714/18 §46). 25. Ainsi, « seule importe, à cet égard, la question de savoir si le consommateur désireux d'acquérir un produit ou un service relevant de la catégorie de produits ou de services visée par la marque en cause associera à cette marque l'ensemble des produits ou des services appartenant à cette catégorie » (§43), à l'exclusion de la notion de « segment spécifique du marché » (§42). 26. Ne peuvent à ce titre suffire à caractériser « la finalité et de la destination des produits ou des services » un prix particulièrement élevé, la notion de « luxe » auquel revoie le produit ou les différentes finalités que ces produits peuvent avoir (§45-48). 27. Il appartient ainsi au tribunal saisi d'une demande de déchéance fondée sur l'article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle de réaliser un contrôle eu égard à la nature du produit et aux caractéristiques du marché considéré tenant, d'une part, au caractère restreint ou large de la catégorie considérée puis, d'autre part lorsque la catégorie est large, au champ d'application d'une ou plusieurs sous-catégories autonomes au regard des critères de leur finalité et de leur destination. 28. La démonstration du caractère particulièrement précis et circonscrit, ou bien large, de la catégorie, repose sur le titulaire de la marque qui doit justifier de son « usage sérieux » conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l'identité d'origine des produits ou des services. 29. S'il est établi que la catégorie du produit est large, il appartient alors au titulaire qui se voit opposer l'absence d'usage sérieux de sa marque de prouver, d'une part, l'existence d'une ou plusieurs sous-catégories autonomes, dont il peut seul se prévaloir afin de préserver la protection que lui confère sa marque et, d'autre part, l'usage sérieux du produit ou l'existence d'un juste motif, au sein de cette sous-catégorie. 30. Ce contrôle n'est pas abstrait et objectif mais concret, et spécifique aux seuls éléments soumis à la juridiction. Il varie selon la nécessité de concilier les droits du titulaire à créer ou conserver un débouché pour ces produits et services, avec l'intérêt des concurrents à utiliser un signe identique ou similaire pour lesdits produits ou services, voire de demander l'enregistrement de ce signe en tant que marque. 31. En l'espèce, il appartient à la société E. Remy Martin & Co de démontrer l'usage sérieux de sa marque verbale franc aise « LOUIS XIII DE RE MY MARTIN » no 94 529 471 pendant une période ininterrompue de cinq ou d'un juste motif de nature à écarter la déchéance, au sens de l'article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle. 32. La demande de déchéance porte sur « tous les produits de la classe 33, a l'exception de la sous-cate gorie des eaux-de-vie de vin be ne ficiant de l`AOC Cognac a compter du 19 de cembre 1999 ». 33. La classe 33 prévue par l'arrangement de [Localité 7] du 15 juin 1957 est ainsi libellée « boissons alcoolisées à l'exception des bières ; préparations alcoolisées pour faire des boissons ». 34. Il est établi que le Cognac est bien une boisson alcoolisée, et relève donc de cette catégorie. 35. Il n'est pas contesté par les parties que la société E. Remy Martin & Co justifie de l'usage sérieux depuis le dépôt de sa marque, s'agissant de la seule eau-de-vie de vin bénéficiant de l'AOC Cognac, qu'elle commercialise, et pour laquelle elle dispose d'un savoir-faire dont conviennent les sociétés défenderesses. Ce produit est donc protégé par la marque verbale en litige.. 36. La déchéance n'est donc pas encourue pour la catégorie des « boissons alcoolisées à l'exception des bières ; préparations alcoolisées pour faire des boissons » si celle-ci est qualifiée de catégorie « particulièrement précise et circonscrite (...) à l'intérieur de laquelle il n'est pas possible d'opérer des divisions significatives » au sens de la jurisprudence qui précède. 37. La déchéance peut, en revanche, être partiellement encourue si la marque verbale en litige est déposée au sein d'une « catégorie large, susceptible d'être subdivisée en plusieurs sous-catégories autonomes ». 38. Est donc débattu le caractère précis et circonscrit, ou large, de la catégorie 33, boissons alcoolisées à l'exception des bières et préparations alcoolisées pour faire des boissons. 39. La jurisprudence de la cour d'appel de Paris, citée en demande (Paris, 21 novembre 2017 no16/09255), identifie au contraire le Champagne, alors en litige et par comparaison, comme faisant partie, dans les circonstances de cette affaire, d'une « catégorie générique » des « vins mousseux ». 40. Le Tribunal de l'Union européenne dans une affaire [M] [H], SA du 29 avril 2009 (T-430/07) s'est fondé sur un faisceau d'indices (§29-37) pour dire que la classe 33 est une catégorie large. Étaient ainsi pris en compte par le Tribunal de l'Union européenne pour comparer deux produits alcoolisés en litige : leur nature tenant à leurs ingrédients méthodes de production au goût au parfum et à la couleur du produit, leur provenance géographique, l'utilisation en particulier pendant les repas ou non, le degrés d'alcool des produits, leurs canaux de distribution la complémentarité éventuelle et la circonstance qu'ils soient ou non concurrents. 41. Les critères définis par la Cour de justice pour identifier l'existence de sous-catégories autonomes et, par voie de conséquence, le caractère « large » de la classe litigieuse sont celui de la finalité et celui de la destination. 42. Les parties communiquent peu d'éléments permettant d'apprécier ces critères. La principale source écrite permettant de décrire le produit en litige est le cahier des charges de l'AOC Cognac versé aux débats. 43. S'agissant de la destination, le Cognac est une « eau-de-vie produite à partie de vins récoltés et distillés », pouvant être également appelée « brandy », nom provenant du néerlandais « brandwijn » signifiant « vin brûlé » en référence au procédé de distillation. 44. L'origine géographique du Cognac est protégée comme devant provenir de vins de la région de Cognac ou plus largement des Charentes, disposant d'un climat tempéré et homogène et d'une alimentation hydrique régulière. Cet espace est étendu pourvu que les procédés de vinification, de distillation et de vieillissement soient maintenus dans la région des Charentes. 45. Son procédé de fabrication repose sur une double distillation immédiatement après leur récolte de vins faiblement alcoolisés (7 à 12%), acides, et récoltés annuellement sur des vignes à maturité tardives disposant d'une densité et d'un écartement spécifique. 46. Le Cognac suppose l'utilisation d'un alambic aux caractéristiques spéciales à l'exclusion de certaines méthodes de production : industrielle, par pompes de centrifuge ou par palettes ou presse continue. Le produit est ensuite vieilli en fût exclusivement composé de bois de chêne pendant au minimum deux ans, son vieillissement modifiant son arôme et sa qualité. 47. S'agissant de la finalité, le Cognac est un alcool fort présentant un titre alcoométrique volumique compris entre 40% et 72%. 48. Sa fréquence de consommation n'est pas décrite par les pièces produites à l'exception de suggestions publicitaires qui font référence à un « digestif » en fin de repas, à un accompagnement avec des produits de consommation luxueuse ou occasionnelle. 49. Sa couleur varie selon son vieillissement mais doit comporter une absorbance minimale. Un Cognac jeune évolue du jaune pâle vers le jaune d'or. Vieilli, il prend des teintes ambrées devenant de couleur acajou pour les plus vieux. 50. Son goût est caractérisé par sa finesse aromatique et sa complexité. Il est décrit comme floral et fruité, évoluant par vieillissement vers la rondeur, par des notes de vanille, de noix de coco, de fruits secs ou confits, de tabacs, ou des caractères de torréfaction. 51. Le Cognac est historiquement un produit d'exportation majoritairement consommé hors de France, à 95% selon le cahier des charges de l'AOC précitée. Aucune pièce ne permet de déterminer ses canaux de distribution. 52. Les parties conviennent que certains Cognac peuvent constituer des produits de luxe et d'exception alors que d'autres peuvent avoir une qualité moyenne. 53. S'agissant de la garantie de l'identité d'origine des produits ou des services visés par la marque, il résulte de ce qui précède que le Cognac est une eau-de-vie de vin d'une grande qualité disposant d'outils de production spécifiques et d'une origine géographique protégés, ainsi que d'un goût et d'un aspect caractéristiques permettant de le distinguer d'autres eaux-de-vie. 54. Cette seule qualité permet de le distinguer des autres eaux-de-vie et l'inscrit dans un segment spécifique de marché ; notion indifférente à l'identification d'une sous-catégorie autonome ainsi qu'il a été exposé plus avant. 55. Ces différences permettent aux producteurs de Cognac de créer ou de conserver des débouchés par comparaison avec d'autres eaux-de-vie de vin distillées 56. Une sous-catégorie autonome « eau-de-vie de vin bénéficiant de l'AOC Cognac » aurait, au contraire, pour effet de rendre communes ces caractéristiques à tous les producteurs portant atteinte à la garantie de l'identité d'origine des produits en cause. 57.La destination et la finalité du Cognac permettent, ces éléments déduits, de constater qu'il est produit à base de vin par un procédé de distillation qui marque sa cohérence, et permet sa comparaison avec des autres eaux-de-vie de vin de qualité moindre, équivalente ou supérieure. 58. Il n'est pas démontré par le titulaire de la marque qu'il en serait de même avec l'ensemble des alcools, hors bières, visés par la classe 33. 59. En l'absence d'une argumentation développée du titulaire de la marque sur la délimitation d'une sous-catégorie autonome plus large, il sera donc relevé que les eaux-de-vie de vin, autrement appelées brandy, constituent une sous-catégorie autonome pertinente au cas d'espèce. 60. L'usage sérieux d'une eau-de-vie de vin étant établie de manière constante depuis le dépôt de la marque, la société E. Remy Martin & Co ne saurait en être déchue au sein de cette sous-catégorie autonome. 61. L'usage sérieux n'est en revanche pas démontré pour d'autres alcools hors bière au sens de la classe 33 en litige pour laquelle la marque est déposée. 62. Il convient donc de faire droit à la demande de déchéance pour l'ensemble de la classe 33 à l'exception des eaux-de-vie de vin, autrement appelées brandy. 2. Sur la demande de nullité de la marque de l'Union européenne « LOUIS XIII » 63. La société E. Remy Martin & Co estime que sa marque verbale de l'Union européenne « LOUIS XIII » est régulière. Elle rappelle que la marque nationale LOUIS XIII DE [Localité 11] MARTIN et celle-ci n'ont ni le même signe ni le même territoire ce qui, selon elle, exclut la fraude. Elle rappelle n'être pas tenue de connaître avec précision l'usage qu'elle fera de sa marque au moment de son dépôt ; que rien ne démontre qu'elle n'avait pas l'intention d'utiliser sa marque pour des boissons alcoolisées. Elle ajoute que le seul fait de ne pas avoir exploité certains produits utilisés ne démontre pas la fraude ; qu'elle fait partie d'un groupe [Localité 11] Cointreau qui commercialise d'autres boissons que le Cognac. Elle dénonce la demande de nullité comme ce qu'elle qualifie de « chantage » pour la faire renoncer à son action, rejette l'idée de monopole mais dit souhaiter pouvoir s'opposer à une imitation du signe pour d'autres boissons alcoolisées que le Cognac. 64. La société SARL Bacchus Bollee expose que le dépôt d'une marque sans intention de l'utiliser constitue un acte de mauvaise foi au sens de l'article 59 du règlement 2017/1001 du 14 juin 2017 et par application de l'adage fraus omnia corrumpit. Elle rappelle des décisions du présent tribunal ayant retenu cette qualification pour des dépôts successifs, selon sa lecture, en tenant compte d'une volonté de contourner le risque de déchéance et de maintenir un monopole sur un vocable prisé pour sa dimension symbolique. Elle précise que la société E. Remy Martin & Co n'a jamais utilisé le signe « LOUIS XIII » que pour des Cognacs et a donc, selon son moyen, par fraude, mentionné d'autres catégories d'alcool. Elle mentionne le dépôt le 17 juin 2021 d'une marque « LOUIS XIII THE DROP » pour les seules eaux de vie bénéficiant de l'AOP Cognac comme démontrant son argument. 65. La société SARL ELS ne conclut pas sur ce point. 66. La société SARL Cognac Embouteillage ne conclut pas sur ce point. Appréciation du tribunal 67. Selon l'article 52, « causes de nullité absolue », du règlement 207/2009 du 26 février 2009, applicable, au regard de la date de dépôt fixée au 1er août 2013, en application de l'article 167 du même règlement : « 1. La nullité de la marque communautaire est déclarée, sur demande présentée auprès de l'Office ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon:a) lorsque la marque communautaire a été enregistrée contrairement aux dispositions de l'articleb) lorsque le demandeur était de mauvaise foi lors du dépôt de la demande de marque.2. Lorsque la marque communautaire a été enregistrée contrairement à l'article 7, paragraphe 1, point b), c) ou d), elle ne peut toutefois être déclarée nulle si, par l'usage qui en a été fait, elle a acquis après son enregistrement un caractère distinctif pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée.3. Si la cause de nullité n'existe que pour une partie des produits ou des services pour lesquels la marque communautaire est enregistrée, la nullité de la marque ne peut être déclarée que pour les produits ou les services concernés ». 68. La Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit par son arrêt du 29 janvier 2020, Sky plc et alii aff. C-371/18 que « 1) Les articles 7 et 51 du règlement (CE) no40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire, tel que modifié par le règlement (CE) no1891/2006 du Conseil, du 18 décembre 2006, ainsi que l'article 3 de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques, doivent être interprétés en ce sens qu'une marque communautaire ou une marque nationale ne peut pas être déclarée totalement ou partiellement nulle au motif que des termes employés pour désigner les produits et les services pour lesquels cette marque a été enregistrée manquent de clarté et de précision. 2) L'article 51, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94, tel que modifié par le règlement no1891/2006, et l'article 3, paragraphe 2, sous d), de la première directive 89/104 doivent être interprétés en ce sens qu'une demande de marque sans aucune intention de l'utiliser pour les produits et les services visés par l'enregistrement constitue un acte de mauvaise foi, au sens de ces dispositions, si le demandeur de cette marque avait l'intention soit de porter atteinte aux intérêts de tiers d'une manière non conforme aux usages honnêtes, soit d'obtenir, sans même viser un tiers en particulier, un droit exclusif à des fins autres que celles relevant des fonctions d'une marque. Lorsque l'absence d'intention d'utiliser la marque conformément aux fonctions essentielles d'une marque ne concerne que certains produits ou services visés par la demande de marque, cette demande ne constitue un acte de mauvaise foi que pour autant qu'elle vise ces produits ou services ». 69. Par cette même décision, la Cour de justice rappelle que : « 73. (?) ni ce règlement ni cette directive [no89/104] ne fournissent de définition de la notion de « mauvaise foi ». Il y a toutefois lieu d'observer que cette notion est une notion autonome du droit de l'Union et que, eu égard à la nécessité d'une application cohérente des régimes des marques nationaux et de l'Union, ladite notion doit être interprétée de la même manière tant dans le contexte de la première directive 89/104 que dans celui du règlement no40/94 (voir, par analogie, arrêt du 27 juin 2013, Malaysia Dairy Industries, C-320/12, EU:C:2013:435, points 34 et 35). 74. La Cour a eu l'occasion de juger que, outre le fait que, conformément à son sens habituel dans le langage courant, la notion de « mauvaise foi » suppose la présence d'un état d'esprit ou d'une intention malhonnête, il convient, aux fins de son interprétation, de prendre en considération le contexte particulier du droit des marques, qui est celui de la vie des affaires. À ce titre, les règles de l'Union en matière de marques visent, en particulier, à contribuer au système de concurrence non faussée dans l'Union, dans lequel chaque entreprise doit, afin de s'attacher la clientèle par la qualité de ses produits ou de ses services, être en mesure de faire enregistrer en tant que marques des signes permettant au consommateur de distinguer sans confusion possible ces produits ou ces services de ceux qui ont une autre provenance (arrêt du 12 septembre 2019, Koton Ma azacilik Tekstil Sanayi ve Ticaret/EUIPO, C-104/18 P, EU:C:2019:724, point 45 et jurisprudence citée). (?) 76. Certes, le demandeur d'une marque n'est pas tenu d'indiquer, ni même de connaître, avec précision, à la date du dépôt de sa demande d'enregistrement ou de l'examen de celle-ci, l'usage qu'il fera de la marque demandée et il dispose d'un délai de cinq ans pour entamer un usage effectif conforme à la fonction essentielle de cette marque [voir, en ce sens, arrêt du 12 septembre 2019, Deutsches Patent- und Markenamt (#darferdas?), C-541/18, EU:C:2019:725, point 22]. 77. Toutefois, (...) l'enregistrement d'une marque sans que le demandeur ait aucune intention de l'utiliser pour les produits et les services visés par cet enregistrement est susceptible d'être constitutif de mauvaise foi, dès lors que la demande de marque est privée de justification au regard des objectifs visés par le règlement no40/94 et la première directive 89/104. Une telle mauvaise foi ne peut cependant être caractérisée que s'il existe des indices objectifs pertinents et concordants tendant à démontrer que, à la date du dépôt de la demande d'enregistrement de la marque considérée, le demandeur de celle-ci avait l'intention soit de porter atteinte aux intérêts de tiers d'une manière non conforme aux usages honnêtes, soit d'obtenir, sans même viser un tiers en particulier, un droit exclusif à des fins autres que celles relevant des fonctions d'une marque ». 70. En l'espèce, selon certificat de dépôt du 1er août 2013, la société E. Remy Martin & Co a déposé la marque de l'Union européenne « LOUIS XIII » dans les classes 33, 41 et 43 prévues par l'arrangement de [Localité 7] du 15 juin 1957. 71. L'argumentation des parties ne portant que sur la classe 33 qui précède, la juridiction n'est donc saisie que d'une demande de nullité portant sur cette catégorie par application de l'article 4 du code de procédure civile. 72. Le certificat de dépôt mentionne au titre de cette classe 33 « à savoir cognac, brandy, eaux-de-vie, rhum, whisky, boissons spiritueuses, alcool de riz, vodka, gin, saké, tequila , aquavit, liqueurs, vins tranquilles, extraits alcooliques, essences alcooliques, apéritifs, digestifs, cidres et cocktails alcoolisés ». 73. La démonstration du caractère frauduleux du dépôt repose sur la société SARL Bacchus Bollee, demanderesse reconventionnelle à la nullité, qui s'en prévaut. 74. Elle se fonde sur la circonstance que la marque de l'Union européenne «LOUIS XIII » n'est utilisée que pour la commercialisation d'une boisson particulière, le Cognac, à l'exclusion des autres boissons alcoolisées visées au justificatif de dépôt. 75. Il est admis par la société E. Remy Martin & Co que le dépôt de la marque de l'Union européenne « LOUIS XIII » a pour objet de la protéger sur l'ensemble du territoire de l'Union et d'empêcher son utilisation par un concurrent potentiel, y compris pour désigner d'autres boissons alcoolisées que le Cognac. 76. Il ressort des éléments de la cause que le dépôt de la marque « LOUIS XIII » dans la classe 33 est réalisé aux fins d'en obtenir un usage exclusif pour un produit particulier, le Cognac, qui est une boisson alcoolisée. 77. Il est tenu compte du contexte particulier du droit des marques, qui est celui de la vie des affaires. Le tribunal relève à ce titre que la protection, par le dépôt, de la marque verbale en cause, permet au consommateur de distinguer, sans confusion possible, le produit litigieux d'autres produits alcoolisés par sa qualité ; condition d'une concurrence non faussée entre les opérateurs économiques sur ce marché. 78. Au surplus, le déposant n'est pas tenu d'indiquer l'usage qu'il fera de la marque demandée ni à une particulière clarté ou précision dans les termes employés. 79. La circonstance que d'autres produits alcoolisés aient été mentionnés au dépôt n'est donc pas, en elle-même, de nature à démontrer la présence d'un état d'esprit ou d'une intention malhonnête. 80. Il n'est pas justifié par la société SARL Bacchus Bollee, au moment du dépôt, des indices objectifs pertinents permettant d'établir que la déposante était mue par une intention de porter atteinte aux droit des tiers ni qu'elle était contraire aux usages honnêtes. Elle ne prouve pas que l'usage exclusif obtenu l'est à des fins autres que celles relevant des fonctions d'une marque. 81. En outre, en réponse à l'argument de la société SARL Bacchus Bollee, la juridiction relève que la société E. Remy Martin & Co, selon faits non contestés, produisait et commercialisait déjà au jour du dépôt de la marque litigieuse un Cognac de grande qualité sous la marque nationale « LOUIS XIII DE [Localité 11] MARTIN ». Il sera dit que cette seule circonstance ne permet pas de démontrer d'intention frauduleuse. 82. Le moyen est écarté. La demande de nullité de la marque est rejeté. 3. Sur la contrefaçon Moyens des parties 83. La société E. Remy Martin & Co soutient que la dénomination litigieuse PRINCE LOUIS est exploitée par les Sociétés Bacchus Bollee, ELS et Cognac Embouteillage pour commercialiser du brandy et du cognac. Elle soutient que le public pertinent est celui ayant une « attention normale » au regard du faible prix des produits ; que les produits sont identiques ou quasi-identiques, le Cognac étant un Brandy, c'est à dire une eau-de-vie à base de vin ; que la différence de prix des produits, respectivement 20 euros et 2 500 euros, n'est pas pertinente pour écarter la confusion mais aggravent son préjudice ; que, selon son argument, ses droits s'appréciant par rapport au dépôt alors que la contrefaçon dépend des conditions dans lesquelles les bouteilles sont commercialisées. Elle expose que les produits en litige présentent des similitudes visuelles, phonétiques et intellectuelles ; que Louis XIII est un roi de France du XVIIème siècle et Prince Louis désigne le titre de noblesse le plus élevé évoquant le fils du roi ainsi que la royauté et la souveraineté française. Elle se prévaut du caractère distinctif particulier de sa marque dans la catégorie discutée et écarte les arguments tirés de l'existence de nombreuses marques mentionnant le prénom Louis comme ayant fait l'objet d'autres procédures ou accords de coéxistence. Elle ajoute que sa marque bénéficie d'une grande renommée au sens de la jurisprudence de la Cour de justice en raison, selon son argument, d'un caractère fortement distinctif. 84. La société SARL Bacchus Bollee soutient que le niveau d'attention du consommateur de produits alcoolisés est un niveau moyen ; qu'il peut toutefois être considéré comme disposant d'un niveau d'attention élevé en raison du prix élevé des produits en cause, des circonstances de consommation, de l'habitude du consommateur de comparer les marques entre elles ; qu'il en est ainsi dans le secteur intéressé selon son argument. Elle précise que le public pertinent consommant du Cognac sous les marques « LOUIS XIII » et « LOUIS XIII DE [Localité 11] MARTIN » est constitué de consommateurs particulièrement riches, voir de collectionneurs ; que ce produit n'est pas commercialisé dans la grande distribution mais selon des réseaux supposant une sélection restreinte de points de ventes ; que, selon sa lecture, le site internet de la demanderesse le rappelle. Elle estime que le risque d'association ne suffit pas à caractériser le risque de confusion ; que plusieurs exemples en jurisprudence ont, selon elle, présenté des situation similaires excluant le risque de confusion ; qu'enfin l'INPI a rejeté l'opposition formée contre la demande d'enregistrement de la marque « PRINCE LOUIS » ainsi que d'autres marques incluant le prénom « Louis ». 85. La société SARL ELS estime qu'il n'existe aucun risque de confusion entre les produits litigieux et les marques LOUIS XIII et LOUIS XIII DE [Localité 11] MARTIN. Elle débat des décisions de l'INPI ayant rejeté des oppositions contre des marques de produits alcoolisés comportant le prénom Louis ou faisant référence à des rois de France, en particulier de l'une d'elle ayant déjà connu du signe « PRINCE LOUIS ». Elle analyse le risque de confusion en se référant à un consommateur d'attention moyenne et qualifie de ténu le caractère distinctif de l'utilisation du prénom LOUIS dont elle dénonce une appropriation par la demanderesse comme méconnaissant la liberté du commerce et de l'industrie. Elle rappelle que l'usage du prénom Louis est courant dans le domaine vitivinicole et dénombre 600 marques en vigueur en France le comportant en classe 33. Elle qualifie donc ledit prénom de banal et rappelle que le consommateur sur ce marché est habitué à distinguer des marques comportant les mêmes termes. Elle considère visuellement que l'architecture des deux marques diffère par leur attaque et la présence du chiffre romain XIII ; que phonétiquement le rythme et les sonorités diffères tant d'attaque que finale ; que conceptuellement, LOUIS XIII est un ensemble indivisible faisant référence à un roi de France particulier pour exclure, selon son argument, tout risque de confusion ou d'association. Elle conclut enfin à l'absence d'usage dans la vie des affaires ayant rempli des bouteilles reçues d'un tiers pour effectuer leur remplissage excluant son comportement actif et une maîtrise de l'acte constituant un usage au sens de jurisprudences de la Cour de justice rendue dans les affaires C-119/10, C-379/14 et C-567/18. Elle conteste l'usage dans la vie des affaires alors qu'elle estime n'avoir fait qu'exécuter une partie technique du processus de production sur commande et instructions de la société Bacchus Bollee, qui lui a fourni les produits déjà pourvus du signe contrefaisant. 86. La société SARL Cognac Embouteillage soutient que la preuve de la contrefaçon n'est pas rapportée. Elle estime que les opérations de retenue douanière sont irrégulières et que le constat d'huissier ne démontre pas de contrefaçon de sa part. Elle considère le prénom Louis comme courant dans la langue française et ne peut suffire à caractériser la contrefaçon. Par une argumentation subsidiaire, elle expose que le risque de confusion exigé par l'article L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle n'est pas démontré en l'absence de similitudes visuelles, phonétiques ou conceptuelles et décrit ces dissemblances. Elle rappelle que 27 mars sont déposées auprès de l'INPI pour du Cognac en mentionnant le prénom Louis qui est largement utilisé dans le secteur des boissons alcoolisées ; que les flacons ne sont pas protégés comme dessins ou modèles. Elle estime les produits différents et dit que « même si le cognac est également une eau de vie de vins ses cépages et les conditions de sa distillation puis de son vieillissement le distinguent nettement du brandy qui n'est pas soumis à un cahier des charges aussi strict ». Il est renvoyé aux écritures des parties s'agissant de leur argumentation portant sur le préjudice. Appréciation du tribunal 87. S'agissant de la marque de l'Union européenne « LOUIS XIII », l'article 9, paragraphe 1, du règlement 1001/2017/UE du 14 juin 2017 dispose que « 1. L'enregistrement d'une marque de l'Union européenne confère à son titulaire un droit exclusif. / 2. Sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité d'une marque de l'Union européenne, le titulaire de cette marque de l'Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe pour des produits ou services lorsque :a) ce signe est identique à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée;b) ce signe est identique ou similaire à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou services identiques ou similaires aux produits ou services pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public ; le risque de confusion comprend le risque d'association entre le signe et la marque (...)». 88. La Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit dans son arrêt du 15 décembre 2011 C-119-10 Frisdranken Industrie Winters – Red Bull Gmbh que « L'article 5, paragraphe 1, sous b), de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques, doit être interprété en ce sens qu'un prestataire de service qui, sur commande et sur les instructions d'un tiers, remplit des conditionnements qui lui ont été fournis par ce tiers, lequel y a fait apposer préalablement un signe identique ou similaire à un signe protégé en tant que marque, ne fait pas lui-même un usage de ce signe susceptible d'être interdit en vertu de cette disposition » et en ce qui concerne l'entreposage, que (arrêt du 02 avril 2020 C-567-18 Coty-Amazon) « L'article 9, paragraphe 2, sous b), du règlement (CE) no207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque [de l'Union européenne], et l'article 9, paragraphe 3, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l'Union européenne, doivent être interprétés en ce sens qu'une personne qui entrepose pour un tiers des produits portant atteinte à un droit de marque, sans avoir connaissance de cette atteinte, doit être considérée comme ne détenant pas ces produits aux fins de leur offre ou de leur mise dans le commerce au sens de ces dispositions si cette personne ne poursuit pas elle-même ces finalités ». 89. S'agissant de la marque nationale « LOUIS XIII DE [Localité 11] MARTIN », l'article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle énonce que : « est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l'usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services :1o D'un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ;2o D'un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s'il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d'association du signe avec la marque ». 90. Pour caractériser la contrefaçon, il y a lieu de rechercher si, au regard d'une appréciation globale des degrés de similitude entre les signes et entre les produits désignés, il existe un risque de confusion dans l'esprit du public concerné, ce risque de confusion devant être apprécié en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce qui incluent en particulier leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire. 91. L'appréciation de la similitude visuelle, auditive et conceptuelle des signes doit être fondée sur l'impression d'ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. 92. Au cas présent, les éléments suivants permettent d'établir les faits objets des débats : 93. Selon pièce annexée au procès-verbal de retenue douanière du 18 juin 2019 (pièce demandeur 8.1bis) est constatée la retenue par le conditionneur Cognac Embouteillage à [Adresse 12]) de plusieurs biens et en particulier : « deux bouteilles de brandy portant la dénomination commerciale PRINCE LOUIS, le numéro de lot 2017/04/05 et une date de production gravée sur la bouteille no2017/04/05 ». Une photographie d'un flacon figure pièce 8.1.f. Indiquant PRINCE LOUIS XO » en caractères de grande taille. 94. Selon pièce annexée au procès-verbal de retenue douanière du 18 juin 2019 (pièce demandeur 8.1bis) est constatée la retenue par le conditionneur SARL ELS à [Localité 6] ([Localité 6]) de plusieurs biens et en particulier : « une carafe de brandy pleine portant la mention Prince Louis XO 70cl ». Une photographie d'un flacon figure pièce 8.2.k Indiquant « PRINCE LOUIS XO » en caractères de grande taille identique à la photographie figurant pièce 8.1.f. 95. Une autre photographie communiquée (pièce 9.1.f.) présente la même carafe et une étiquette sur le revers de la bouteille indiquant « PRINCE LOUIS » et comportant des mentions en langue chinoise. 96. Un courrier de l'inspecteur des douanes adressé à une société T Mark Conseils le 14 novembre 2019 indique qu'est en retenue « un rouleau d'étiquettes rouges portant la mention suivante « PRINCE LOUIS » et « deux bouteilles de 70cl de brandy dénommées PRINCE LOUIS » parmi d'autres éléments de même nature. 97. Un autre courrier du 21 novembre 2019 de l'inspecteur des douanes adressé à cette même société précise que sont retenus au sein des locaux de la société Bacchus Bollee à [Localité 9] ([Localité 9]) « un rouleau de contre étiquettes portant la mention suivante : PRINCE LOUIS (...) 122 bouteilles vides avec bouchons et étiquettes PRINCE LOUIS d'une contenance de 70cl, deux bouteilles de 70cl de brandy dénommées PRINCE LOUIS », parmi d'autres rouleaux d'étiquettes et contenants mentionnant d'autres marques. Sont également retenues 859 bouteilles vides d'une contenance de 70cl et 320 bouteilles vides d'une contenance de 100cl. 98. Selon procès-verbal de saisie-contrefaçon réalisée par Me [K], huissier de justice, le 31 janvier 2020 au sein des locaux de la société Bacchus Bollee à [Adresse 10]) il est constaté :-la présence de bouteilles étiquetées sous diverses appellations contenant le prénom Louis.-le résultat d'une recherche informatique par mots-clef, notamment la combinaison de mots « Prince Louis » qui indique « 1 classeur portant plusieurs mentions dont « PRINCE LOUIS » sans aucun document PRINCE LOUIS » un salarié indique « qu'il n'y en a pas ». 99. S'agissant de la régularité de la retenue douanière, la société Cognac Embouteillage rappelle qu'une opération de transit au sens de l'article 30 du Traité sur l'Union européenne empêche la mise en oeuvre d'une procédure de retenue comparable à celle de l'article L. 716-8 du code de la propriété intellectuelle (v. CJUE 23 octobre 2003, Rioglass SA, C-115/02). 100. Or, il n'est pas démontré par la société Cognac Embouteillage que les éléments qui précèdent, objets de la retenue douanière, provenaient d'un autre Etat membre que la France, même s'il est probable qu'ils étaient destinés à l'export. La qualification de bien de transit n'est donc pas démontrée. 101. Il n'est donc pas justifié d'écarter les procès-verbaux et courriers précités issus des retenues douanières. 102. S'agissant de la renommée, les marques de la société [S] Martin, disposent d'une renommée particulièrement importante alors que celles-ci sont mentionnées dans plusieurs classements internationaux de marque de luxe et reprises dans de nombreux articles de presse spécialisée. 103. Les marques bénéficient également d'une histoire liée à des évènements passés rappelés par la société demanderesse qui n'est pas contredite sur ce point. Enfin, la fiche technique de l'AOC Cognac mentionne [S] Martin comme un producteur historique de la région. 104. A l'inverse, il n'est démontré par aucune pièce que la marque Prince Louis bénéficie d'une renommée spécifique étant vraisemblablement destinée au marché chinois parmi d'autres marques comportant le plus souvent le prénom Louis dans leur nom. 105. S'agissant de l'identité des signes. Il est relevé visuellement que la marque PRINCE LOUIS comporte deux mots, dont le prénom LOUIS, ce qui la rapproche des marques de la société [S] Martin. Il est toutefois tenu compte de ce que n'y figure aucun chiffre et, s'agissant de la marque nationale, qu'elle ne comporte pas les mots « DE [Localité 11] MARTIN ». 106. Il est relevé phonétiquement la présence de quatre syllabes au prononcé de la marque PRINCE LOUIS ce qui la distingue de la marque LOUIS XIII DE [Localité 11] MARTIN. Il est noté que l'attaque « LOUIS » diffère s'agissant des marques en litige. 107. Il est relevé conceptuellement que la marque PRINCE LOUIS, comme la marque LOUIS XIII ou la marque LOUIS XIII DE [Localité 11] MARTIN associent ce prénom à un personnage historique de la monarchie. Seul diffère à ce titre l'utilisation d'un chiffre ou du titre de « prince » qui peut renvoyer tant à un noble de haut lignage qu'au fils du roi. L'association du prénom Louis et de la royauté induit directement un lien avec la culture française, en particulier l'histoire de France. 108. S'agissant du niveau d'attention du consommateur, il y a lieu de retenir que son attention porte à la fois sur la connaissance des marques en cause mais également sur sa capacité à les différencier. 109. A ce titre, le prix élevé de ces alcools et la coexistence de produits de grande qualité ou exceptionnels avec des produits de qualité ordinaire invite le consommateur à être particulièrement vigilant sur leurs différences. Le consommateur cherchera ainsi à les distinguer, afin de s'assurer que sa dépense correspond à la valeur réelle du produit. 110. L'existence de nombreux alcools comportant le prénom « Louis » dans le libellé de leur marque l'invite de même à un degré d'attention élevé pour ne pas les confondre. Un degré d'attention élevé est donc retenu. 111. Il résulte de ces éléments de fait que la marque PRINCE LOUIS associe un prénom identifié à un titre nobiliaire, à l'histoire de la France et à l'Ancien régime. 112. Un consommateur, même d'attention élevée, pourra ainsi raisonnablement estimer, en raison de l'identité des produits et en l'état de la forte similitude conceptuelle des signes, que les marques LOUIS XIII DE [Localité 11] MARTIN, LOUIS XIII et PRINCE LOUIS renvoient à un même alcool, produit par un même producteur. Le risque de confusion est donc établi. 113. S'agissant de l'usage dans la vie des affaires, il ressort des différents procès-verbaux précités que l'administration des douanes a retenu des bouteilles et des étiquettes comportant la mention PRINCE LOUIS en nombre important. 114. Des bouteilles pleines sont ponctuellement retenues démontrant que ces bouteilles vides et étiquettes non apposées ont pour objet de contenir de l'eau-de-vie de vin. 115. En réponse au moyen de la société ELS qui se fonde sur les jurisprudences précitées de la Cour de Justice de l'Union européenne, il sera la présence d'une carafe étiquetée. La même circonstance est relevée s'agissant de la société Cognac Embouteillage 116. Cela peut constituer un indice indiquant qu'elle ne se contente pas de remplir les flacons qui lui sont fournis mais qu'elle y appose elle-même les marques litigieuses. Cet état de fait n'est toutefois pas démontré. 117. La présence d'étiquettes en rouleau, de bouteilles vides, et d'autre étiquetées en grand nombre dans un local de la société Bacchus Bollee démontre que celle-ci produit, conditionne et commercialise des bouteilles d'eau-de-vie de vin de marque PRINCE LOUIS. 118. L'usage dans la vie des affaires est donc établi pour toutes les parties. 119. Il résulte de ces circonstances que les conditions, respectivement, de l'article 9, paragraphe 1, du règlement 1001/2017/UE du 14 juin 2017 et de l'article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle sont démontrées. 120. La contrefaçon est établie. 3. Sur les mesures de réparation 121. Aux termes de l'article L. 716-4-10 du code de la propriété intellectuelle « pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :1o Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;2o Le préjudice moral causé à cette dernière ;3o Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels,matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon (...) ». 122. Il est rappelé que l'article L. 716-10 du même code réprime le fait de « détenir sans motif légitime, d'importer ou d'exporter des marchandises présentées sous une marque contrefaisante (...) ». 123. En l'espèce, il n'est retrouvé au sein des locaux de la société ELS et Cognac Embouteillage que deux bouteilles de Cognac pleines. Les conséquences économiques négatives et les bénéfices réalisés par les contrefacteurs apparaissent donc devoir être indemnisés de manière symbolique. 124. La seule circonstance que des produits contrefaisants soient présents au sein de sociétés ayant pour métier de conditionner les produits afin de les exporter et de les commercialiser cause un préjudice moral à la société demanderesse dont il convient de tenir compte. 125. Il résulte de ces circonstances que ces deux sociétés ont chacune causé un préjudice qu'il convient d'indemniser à hauteur de 3 000 euros pour chacun de ces faits. 126. Elles seront chacune condamnées in solidum avec la société Bacchus Bollee dont il est démontré qu'elle est leur commanditaire, et qui commercialise les produits ainsi conditionnés. 127. En revanche, il n'est pas justifié de condamner cette société à les relever et garantir de leurs condamnations alors que la société E. Remy Martin & Co et ses marques bénéficient d'une grande notoriété dans leur région d'activité et qu'elles n'ont pu ignorer la contrefaçon commise et ne peuvent l'imputer à un manquement de la société Bacchus Bollee. 128. S'agissant de la société Bacchus Bollee, sont retrouvées dans ses locaux 1 303 bouteilles dont 2 étiquetées avec la marque PRINCE LOUIS et pleines, 122 étiquetées avec la marque PRINCE LOUIS et 859 vides et non étiquetées. 129. Il n'est pas possible de dire que l'intégralité des 859 bouteilles vides sont destinées à la commercialisation. La présence de contre étiquettes peut indiquer qu'elles ont vocation à être apposées sur les bouteilles vides ou les 122 bouteilles pleines s'agissant de « contre-étiquettes » sans autre précision. 130. Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon apparaissent dès lors devoir être multipliées au regard du nombre important de bouteilles présentes. Il est toutefois à relativiser alors que les contrefaçons, ainsi que le rappelle la société demanderesse, concernent des produites d'une qualité infiniment moindre que son Cognac commercialisé sous les marques LOUIS XIII en litige en présence de consommateurs dotés d'une vigilance élevée. 131. Les bénéfices réalisés par le contrefacteur doivent tenir compte de la grande renommée des marques LOUIS XIII en litige, lui permettant de bénéficier d'économies promotionnelles et renforçant la réputation de ses produits, partant de sa qualité. Ces économies et bénéfices doivent être évalués au regard du nombre important de bouteilles et d'étiquettes saisies. 132. S'agissant du préjudice moral, la banalisation du produit que constitue une eau-de-vie de vin bénéficiant d'une grande renommée avec des produits de moindre qualité cause un préjudice. Ce préjudice est accentué par la circonstance que l'eau-de-vie de vin, et particulièrement le Cognac, sont largement exportés et ce qui aggrave la banalisation de la marque. 133. Il convient, par voie de conséquence, d'indemniser la société E. Remy Martin & Co à hauteur de 30 000 euros en réparation de son préjudice. 134. Il n'est pas démontré que les deux autres défenderesses ont participé aux actes de contrefaçon constatés dans les locaux de la société Bacchus Bollee. La société Bacchus Bollee est donc condamnée à payer cette somme. La demande dirigée contre les sociétés ELS et Cognac Embouteillage est rejetée. 135. Il convient, à titre de mesure de réparation, d'interdire aux trois défenderesses d'utiliser la dénomination PRINCE LOUIS, dans les conditions du dispositif. En revanche, la demande d'interdiction portant sur le prénom Louis est rejetée, la société E. Remy Martin & Co ne justifiant d'aucun droit sur ce seul prénom. 136. Il n'apparaît pas justifié d'ordonner la publication de la décision à intervenir. 137. La demande de communication de pièces étant présentée subsidiairement à la demande de condamnation en paiement, il n'y a pas lieu de statuer de ce fait. 4. Les demandes accessoires 138. Les défenderesses, parties perdantes, sont condamnées aux dépens et à payer à la société demanderesse la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; somme appréciée en équité en l'absence de justificatif ou d'accord des parties sur le montant des frais devant être payés par la partie perdante ou condamnée aux dépens. PAR CES MOTIFSLE TRIBUNAL Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en premier ressort, PRONONCE la déchéance partielle de la marque nationale « LOUIS XIII DE [Localité 11] MARTIN »no 94 529 471, pour l'intégralité de la catégorie correspondant à la classe 33 définie par l'arrangement de [Localité 7] du 15 juin 1957 dans laquelle celle-ci est enregistrée à l'exception de la sous-catégorie autonome « eaux-de-vie de vin, autrement appelées brandy » identifiée au cas présent, DIT que la présente décision, une fois passée en force de chose jugée, sera transmise à l'INPI à l'initiative de la partie la plus diligente aux fins d'inscription au registre des marques, REJETTE le surplus de la demande de déchéance partielle, REJETTE la demande de nullité de la marque de l'Union européenne « LOUIS XIII » no 12 035 747, CONDAMNE la société SARL Bacchus Bollee à payer à la société E. Remy Martin & Co la somme de 30 000 euros en réparation de son préjudice commercial et moral résultant des actes de contrefaçon de sa marque nationale « LOUIS XIII DE [Localité 11] MARTIN » no 94 529 471, et de sa marque de l'Union européenne « LOUIS XIII » no 12 035 747, par l'utilisation, pour le conditionnement et la commercialisation, de bouteilles d'eau-de-vie de vin portant la marque « PRINCE LOUIS », CONDAMNE in solidum, la société SARL ELS et la société SARL Bacchus Bollee à payer à la société E. Remy Martin & Co la somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice commercial et moral résultant des actes de contrefaçon de sa marque nationale « LOUIS XIII DE [Localité 11] MARTIN » no 94 529 471 et de sa marque de l'Union européenne « LOUIS XIII » no 12 035 747, par l'utilisation, pour le conditionnement et la commercialisation de bouteilles d'eau-de-vie de vin portant la marque « PRINCE LOUIS », CONDAMNE in solidum, la société SARL Cognac Embouteillage et la société SARL Bacchus Bollee à payer à la société E. Remy Martin & Co la somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice commercial et moral résultant des actes de contrefaçon de sa marque nationale « LOUIS XIII DE [Localité 11] MARTIN » no 94 529 471, et de sa marque de l'Union européenne « LOUIS XIII » no 12 035 747, par l'utilisation, pour le conditionnement et la commercialisation, de bouteilles d'eau-de-vie de vin portant la marque « PRINCE LOUIS », INTERDIT à la société SARL Bacchus Bollee, à la société SARL ELS et à la société SARL Cognac Embouteillage de conditionner et de commercialiser des alcools sous la dénomination « PRINCE LOUIS », et ce, sous astreinte de 500 euros par infraction constatée courant à l'expiration d'un délai de 30 jours suivant la signification de la présente décision et pendant 180 jours, DIT n'y avoir lieu à statuer sur la demande de communication de pièces comptables, REJETTE le surplus, CONDAMNE in solidum la société SARL Bacchus Bollee, à la société SARL ELS et à la société SARL Cognac Embouteillage à payer à la société E. Remy Martin & Co la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, CONDAMNE in solidum la société SARL Bacchus Bollee, à la société SARL ELS et à la société SARL Cognac Embouteillage au paiement des dépens, dont distraction au profit de Maître Christian Hollier-Larousse, avocat, RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de plein droit, sauf en ce qui concerne l'inscription au registre des marques.Fait et jugé à Paris le 15 décembre 2022. LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
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JURITEXT000047454929
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AUTRES_DECISIONS
Tribunal judiciaire de Paris, 16 décembre 2022, 20/09203
2022-12-16
Tribunal judiciaire de Paris
20/09203
CT0087
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TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 3ème chambre 2ème section No RG 20/09203 - No Portalis 352J-W-B7E-CS2OI No MINUTE : Assignation du :16 septembre 2020 JUGEMENT rendu le 16 décembre 2022 DEMANDERESSE S.A.S. CLUB MONTMARTRE[Adresse 1][Adresse 1] représentée par Maître Olivier D'ABO de la SELAS LEXINGTON AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #B0485 et par Maître Matthieu BARANDAS de la SELARL TGB, avcat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant DÉFENDERESSE S.A.S. IN GAME FACTORY[Adresse 2][Adresse 2] représentée par Maître Quentin RENAUD, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #D1307 COMPOSITION DU TRIBUNAL Irène BENAC, vice-présidente,Arthur COURILLON-HAVY, juge,Elodie GUENNEC, vice-présidente, assistés de Quentin Curabet, greffier lors des débats et de Lorine MILLE, greffière lors de la mise à disposition. DEBATS A l'audience du 13 octobre 2022, tenue en audience publique devant Irène BENAC, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l'audience, et, après avoir donné lecture du rapport et entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux avocats que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 16 décembre 2022. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffeContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE 1. La société Club Montmartre, ayant pour activité l'exploitation de clubs de jeux, de casinos et toutes activités de restauration, reproche à la société In Game Factory, qui a, elle, pour activité le développement et la distribution de logiciels destinés à être utilisés dans le cadre de la gestion de casinos et établissements de jeu et l'organisation d'événements, d'avoir déposé la marque « Wonder8 » en fraude de ses droits et en revendique en conséquence la propriété. 2. La société Club Montmartre a acquis la propriété, par substitution à la société Socofinance, du fonds de commerce de l'association [4] Billard Club (ci-après, « l'association [4] »), laquelle était un cercle de jeux dont l'activité était centrée sur le poker. Deux tournois de poker ont notamment été organisés par cette association sous le nom « Wonder8 ». 3. S'étant aperçu du dépôt, le 26 février 2019, de la marque française semi-figurative « Wonder8 », no 4528818 en classes 9, 28, 38 et 41 par la société In Game Factory, créée par deux anciens salariés de l'association [4] puis de la société Club Montmartre ([V] [Z] et [F] [B]), et qu'elle considère porter atteinte à ses droits, la société Club Montmartre a mis la société In Game Factory en demeure de renoncer à ce dépôt. 4. Face au refus de la société In Game Factory, la société Club Montmartre a fait assigner cette dernière le 16 septembre 2020 en revendication de la marque « Wonder8 ». 5. Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 30 mars 2022, la société Club Montmartre demande au tribunal, au visa de l'article L. 712-6 du code de la propriété intellectuelle, de :- déclarer frauduleux le dépôt, le 26 février 2019 par la société In Game Factory, de la demande d'enregistrement de la marque « Wonder8 » no 4528818 en classes 9, 28, 38 et 41,- ordonner le transfert rétroactif de la marque « Wonder8 » à son profit,- interdire à la société In Game Factory l'usage de la marque « Wonder8 » sous astreinte,- condamner la société In Game Factory à lui payer : - 100.000 euros en réparation de son préjudice patrimonial tiré des investissements réalisés et du dépôt frauduleux de la marque « Wonder8 », - 736.731 euros en réparation de son préjudice matériel subi du fait des pertes d'exploitation liées au dépôt frauduleux de la marque « Wonder8 », - 100.000 euros en réparation de son préjudice moral,- ordonner l'exécution provisoire,- condamner la société In Game Factory à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens. 6. Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 29 avril 2022, la société In Game Factory demande au tribunal, au visa des articles L. 714-1, L. 712-6, L. 111-1 alinéa 3, L. 113-1, L. 113-2, L. 113-5, L. 113-9, L. 131-2, L. 131-3 et L. 131-4 du code de la propriété intellectuelle, et 1240 du code civil, de :- débouter la société Club Montmartre de l'ensemble de ses demandes, - condamner la société Club Montmartre à lui payer la somme de 50.000 euros en réparation de son préjudice pour procédure abusive,- condamner la société Club Montmartre à lui payer la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens. 7. La procédure a été close par ordonnance du 12 mai 2022 et l'affaire plaidée le 13 octobre 2022. MOTIVATION I. Sur la demande en revendication de marque Moyens des parties 8. La société Club Montmartre soutient que l'association [4] exploitait antérieurement le signe « Wonder8 » en ce qu'elle a réservé, le 30 mai 2017, le nom de domaine <wonder8.com>, qu'elle a créé le tournoi Wonder8 en finançant tout son développement et qu'elle a utilisé ce signe auprès du public. Elle ajoute que le contrat de cession de fonds de commerce du 10 décembre 2018 a entraîné la cession de tous les actifs corporels ou incorporels de l'association, dont notamment le savoir-faire de l'association ainsi que les logiciels, programmes, fichiers informatiques et programmes sources, la data room préparée par l'administratrice provisoire de l'association [4] mentionnant également les marques de tournoi. Or, elle considère que le tournoi Wonder8 est composé d'un savoir-faire créé et développé au sein de l'association [4], et que des logiciels d'application en lien avec ce tournoi ont été réalisés sous la directive de l'association, logiciels sur lesquels les anciens salariés de cette association, associés fondateurs de la société In Game Factory, ne peuvent revendiquer aucun droit. Elle expose que le succès de ce tournoi a constitué un élément déterminant dans l'achat du fonds de commerce, et fait valoir qu'aucune convention ne lui est opposable, la défenderesse invoquant une licence dont elle ne rapporte pas la preuve. 9. Selon elle, la société In Game Factory n'ignorait pas les droits dont elle disposait sur le signe « Wonder8 » depuis l'acquisition du fonds de commerce de l'association [4], dès lors que ses associés fondateurs étaient d'anciens salariés de l'association puis de la demanderesse et ont participé à la création et au développement du tournoi Wonder8 pour le compte de l'association en qualité de directeur de développement marketing pour l'un et directeur poker puis directeur général pour l'autre. 10. En conséquence, elle sollicite que soit déclaré frauduleux le dépôt de la marque « Wonder8 » no 4528818, que soit ordonné le transfert de celle-ci à son profit et qu'il soit fait interdiction à la société In Game Factory d'utiliser le signe « Wonder8 ». 11. La société In Game Factory réplique tout d'abord que la demanderesse n'est pas fondée à revendiquer la marque « Wonder8 ». Elle soutient en effet que ce signe n'était pas inclus dans les actifs repris, car il n'est pas mentionné expressément dans l'acte de cession et que la société Club Montmartre ne démontre pas le caractère déterminant de ce tournoi dans l'acquisition du fonds de commerce de l'association [4] ; que le tournoi Wonder8 ne peut être considéré comme un savoir-faire ; que la dénomination « Wonder8 », qui a été créée par MM. [Z] et [B], est une création originale qui revêt l'empreinte de leur personnalité et dont ils ont seuls les droits ; et qu'aucun logiciel n'a été conçu dans le cadre des fonctions de MM. [Z] et [B] en lien avec le tournoi en cause. La société défenderesse fait ensuite valoir que le dépôt de la marque en cause n'a pas été frauduleux car tout suggérait que la société Club Montmartre n'entendait pas reprendre à son compte le tournoi, mais également que le nom de domaine ne faisait pas obstacle au dépôt de la marque dès lors que la réservation n'était plus effective au jour du dépôt, et enfin que la société In Game Factory utilisait déjà le signe pour son propre compte avant le dépôt de la marque et qu'aucun litige n'opposait les parties à cette date. Réponse du tribunal 12. En application de l'article L. 712-6 alinéa 1er du code de la propriété intellectuelle, « Si un enregistrement a été demandé soit en fraude des droits d'un tiers, soit en violation d'une obligation légale ou conventionnelle, la personne qui estime avoir un droit sur la marque peut revendiquer sa propriété en justice ». 13. Le dépôt d'une marque est susceptible d'être qualifié de frauduleux lorsqu'il a été effectué dans l'intention de priver autrui d'un signe nécessaire à son activité. Le caractère frauduleux du dépôt s'apprécie au jour du dépôt et ne se présume pas, la charge de la preuve incombant à celui qui l'allègue. 14. L'existence de la mauvaise foi du déposant doit être appréciée globalement, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce, au moment du dépôt de la demande d'enregistrement. Sont notamment retenus comme facteurs pertinents le fait que le demandeur au dépôt savait ou aurait dû savoir que le tiers utilisait un signe identique ou similaire pour des produits identiques ou similaires à ceux couverts par la marque, l'intention du demandeur au dépôt d'empêcher le tiers de continuer un tel usage et le degré de protection dont jouissent le signe du tiers et le signe déposé (CJUE, 11 juin 2009, C-529/07, Chocoladefrabriken Lindt & Sprüngli). 1. Sur l'existence de l'utilisation antérieure légitime du signe « Wonder8 » par la société Club Montmartre 15. En l'espèce, il ressort des pièces versées que l'association [4] a établi en interne un plan d'élaboration d'un tournoi de poker « Wonder8 », indiquant que « dans le cadre de son développement [elle] souhaite lancer un nouveau tournoi d'envergure et préempter un nouveau format de table à 8 joueurs, en créant le " Wonder8" », que le nom « Wonder8 » fait référence à l'émerveillement, au miracle, à la merveille et au nombre de joueurs, et que les objectifs sont notamment de « créer un tournoi qui portera haut les couleurs [de l'association [4]], tant en notoriété qu'en savoir-faire poker et qui positionne [l'association] comme un créateur / initiateur / novateur dans l'univers du poker » (pièce demanderesse no 7). Par ailleurs, si le nom mentionné sur la confirmation d'achat du nom de domaine <wonder8.com> est celui de M. [Z], l'adresse de facturation est celle de l'association et la page de confirmation débute par « Hello, Cercle [4] » (pièce demanderesse no 4). 16. Sont également versées des factures de la société Chat Star Productions portant sur la « prestation de livestreaming Festival Wonder8 » du 10 juillet 2018, de la société Iconographic portant sur la campagne de lancement du tournoi Wonder8 du 9 juillet 2017, de la société Kjay portant sur des jetons et racks du 23 juin 2016, et de M. [Y] en tant que « Community Manager Wonder8 » du 26 juin 2017, qui sont toutes adressées à l'association [4] et réglées par elle (pièces demanderesse no 12 et 15). 17. Il ressort en outre des archives du site internet de l'association [4], « pokerccm.com », de nombreux articles portant sur le tournoi Wonder8 (pièces demanderesse no 24 et 26). Est aussi produit le programme du tournoi sur lequel figure de manière très visible le logo de l'association [4] aux côtés du signe « Wonder8 » (pièce demanderesse no 32). 18. Différents articles de presse parus sur les sites « pokerpro.fr » et « livepoker.fr » en 2017 associent de même le festival Wonder8 à l'association [4], mentionnant ainsi que « le festival événement du Cercle [4] bat son plein : le Wonder8 attire les foules [...] » ou encore que « après la nette réussite de sa première édition du Wonder8, le Cercle Clichy-Montmartre remet ça du 15 au 24 juin » (pièces demanderesse no 21, 30 et 31). 19. Si d'autres articles de presse mentionnent spécifiquement MM. [Z] et [B] comme à l'origine du développement du tournoi Wonder8, et que les factures sus-mentionnées sont pour certaines adressées à M. [B], cela ne saurait suffire à faire d'eux les seuls créateurs de ce tournoi, ni à démontrer qu'ils auraient créé ce tournoi en dehors de leurs fonctions. En effet, la création du tournoi s'est faite alors que MM. [Z] et [B] étaient salariés de l'association [4], M. [Z] étant employé comme directeur poker (pièce demanderesse no 18) et M. [B] comme directeur développement marketing (pièce demanderesse no 17). Ce dernier avait plus précisément pour fonction le développement de la stratégie marketing et communication de l'association [4], devant apporter « une collaboration efficace et permanente au fonctionnement et au développement » de l'association, et suivre un plan marketing défini, incluant notamment la définition d'un moyen de fidélisation de la clientèle actuelle sur le long terme, la définition d'une stratégie pour attirer de nouveaux clients, la promotion de l'image de l'association et l'accompagnement à la définition du nouveau modèle économique (pièce défenderesse no 19). Ainsi, le travail de MM. [Z] et [B] pour le développement du tournoi Wonder8 s'inscrivait strictement dans le cadre de leurs fonctions. 20. En outre, l'article 3 du contrat de cession de fonds de commerce du 10 décembre 2018 stipule que « le Cédant cède [...] au Cessionnaire [...] le fonds de commerce ci-après désigné : un fonds de commerce de cercle de jeux, de café et de bar connu sous l'enseigne [4] et sis [Adresse 3], ledit fonds ayant été créé en 1946 par le Cédant ». Ce même article stipule que « la présente cession comprend : les éléments incorporels suivants : - la clientèle, ainsi que les fichiers clients actifs et inactifs, fichiers abonnés actifs et inactifs, fichiers fournisseurs et fichiers prospect abonnement ; - la clientèle, les prospects, ainsi que le droit de se dire successeur, en ce inclus le droit de présentation à l'égard des clients ;- le savoir-faire ;- les logiciels et programmes, fichiers informatiques et programmes sources, que ces derniers aient été développés en interne ou en externe et toutes les licences informatiques nécessaires à l'exploitation des activités reprises, sous réserve de leur cessibilité ;- l'enseigne et les marques [4] et CM [4] ;- la licence IV ;- l'application mobile ios / android Cercle [4] ;- le nom de domaine pokerccm.com, sous réserve de l'accord et des obligations imposées par les opérateurs concernés (hébergeur notamment), les frais de transfert étant à la charge du Cessionnaire ;- le site internet http://pokerccm.com ;- le droit au transfert de la ligne téléphonique [...] ;- les droits aux baux consentis à l'Association [4] » (pièce demanderesse no 3). 21. La défenderesse verse par ailleurs aux débats un document intitulé « dossier de reprise », dans lequel le tournoi Wonder8 n'est pas mentionné. Toutefois, ce document n'est pas daté et ne comporte aucune source, de sorte qu'il ne saurait démontrer en lui-même la limitation de la cession (pièce défenderesse no 2). 22. Si l'article 3 du contrat de cession de fonds de commerce précité ne mentionne pas spécifiquement le nom de domaine <wonder8.com>, il est fait usage du terme « comprend » qui n'est pas limitatif. En tout état de cause, la cession d'un fonds de commerce comprend nécessairement celle de la clientèle, ce qui est au demeurant précisé. Or, le tournoi Wonder8 avait notamment pour but d'attirer ou de conserver une clientèle de sorte que la cession du fonds de commerce de l'association [4] comprenait nécessairement la cession de la clientèle attachée au tournoi Wonder8. 23. Enfin, l'article 17 du même contrat stipule que « le Cessionnaire s'engage à faire ses meilleurs efforts [...] pour assurer la poursuite de l'activité de l'Association [4] », là encore sans précision, incluant l'ensemble de l'activité de l'association, en ce compris l'organisation du tournoi Wonder8. 24. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que le tournoi Wonder8, y compris son nom, a été développé par l'association [4] et a été implicitement repris par la société Club Montmartre par contrat de cession du fonds de commerce du 10 décembre 2018. La société Club Montmartre peut donc se prévaloir, au jour du dépôt de la marque litigieuse le 26 février 2019, d'un usage antérieur du signe « Wonder8 ». 2. Sur la mauvaise foi du déposant 25. Il est établi que MM. [B] et [Z], associés fondateurs de la société In Game Factory qui est titulaire de la marque litigieuse, ont activement participé au développement du tournoi Wonder8 en tant que salariés de l'association [4] et plus précisément comme directeur du développement marketing pour le premier, et directeur poker pour le second (pièces demanderesse no 17 et 18). Leurs contrats de travail ont été repris par la société Club Montmartre au moment de la cession du fonds de commerce (pièce demanderesse no 3). La défenderesse soutient par ailleurs que M. [B] a été licencié en juin 2019 et que M. [Z] a été licencié en octobre 2019 (conclusions défenderesse page 4). Dès lors, au jour du dépôt de la marque litigieuse, le 26 février 2019, les associés fondateurs de la société In Game Factory avaient connaissance de l'usage antérieur par la société Club Montmartre du signe « Wonder8 ». 26. Par ailleurs, MM. [Z] et [B], respectivement président et directeur général de la société In Game Factory (pièce demanderesse no 16), étaient toujours salariés de la société Club Montmartre au jour du dépôt. La marque litigieuse a en outre été déposée en classes 9, 28, 38 et 41 pour désigner les produits et services suivants : « Logiciels de jeux. Jeux ; jeux de cartes ; jeux de table. Communications par terminaux d'ordinateurs. Divertissement ; activités sportives et culturelles ; mise à disposition d'installations de loisirs ; services de jeu proposés en ligne à partir d'un réseau informatique ; services de jeux d'argent », soit des produits et services identiques ou du moins fortement similaires à l'activité de l'association [4] que la société Club Montmartre s'est engagée par contrat à poursuivre. Et enfin, la société In Game Factory se présente comme ayant notamment pour activité l'organisation d'événements et notamment de tournois de poker au sein d'établissements tiers. Ainsi, le dépôt de la marque « Wonder8 » par cette dernière, représentée par des salariés de la société Club Montmartre agissant de façon déloyale à l'égard de celle-ci, doit être considéré comme ayant été fait dans l'intention de priver la société Club Montmartre d'un signe nécessaire à son activité. 27. En conséquence, le dépôt de la marque « Wonder8 » no 4528818 est frauduleux et la demande en revendication de la société Club Montmartre sera accueillie. Il sera également fait droit à la mesure d'interdiction, selon les modalités fixées au dispositif. II. Sur les mesures réparatrices Moyens des parties 28. La société Club Montmartre fait valoir que le dépôt de la marque « Wonder8 » par la société In Game Factory lui a causé un préjudice. Elle soutient tout d'abord qu'elle n'a pu bénéficier du savoir-faire développé par l'association [4] dont elle a acquis le fonds de commerce alors que cette acquisition était motivée par la possibilité de poursuivre les activités de cette dernière, de sorte que la société In Game Factory a frauduleusement profité des investissements réalisés par l'association [4]. La demanderesse demande à ce titre la somme de 100.000 euros. Elle ajoute que ce dépôt a entraîné des pertes d'exploitation liées au tournoi et évalue son préjudice total à la somme de 736.731 euros, correspondant aux gains manqués sur les revenus générés par l'inscription au tournoi, sur la partie restauration pendant le tournoi, sur les autres jeux proposés pendant le tournoi et sur l'attrait de nouveaux membres. Elle invoque également un préjudice moral et sollicite à ce titre la somme de 100.000 euros. 29. La société In Game Factory répond que la demanderesse ne rapporte pas la preuve d'investissements qu'elle aurait effectués en vue de développer des services sous le signe « Wonder8 », qu'elle ne justifie pas des gains manqués qu'elle invoque, et qu'elle ne rapporte pas la preuve de la réalité de la perte d'exploitation invoquée du fait du dépôt de la marque en cause. Elle conteste également le préjudice moral invoqué qui est, selon elle, également injustifié. Réponse du tribunal 30. S'agissant du préjudice économique tout d'abord, la société Club Montmartre soutient n'avoir pu bénéficier des investissements réalisés par l'association [4] car c'est la société In Game Factory qui a exploité pendant plus d'un an le signe « Wonder8 » en organisant des tournois de poker. Toutefois, elle ne démontre pas avoir été empêchée d'organiser un tournoi Wonder8, ni tout autre tournoi de poker (pièce défenderesse no 29). 31. Par ailleurs, la société Club Montmartre ne saurait revendiquer un préjudice financier tiré des pertes d'exploitation liées au tournoi Wonder8 alors que l'organisation de tels tournois en mars, juin et octobre 2019 a été faite sans aucune contestation de sa part, qu'elle avait connaissance de l'existence de la société In Game Factory et de son activité (pièce défenderesse no 5) et qu'elle ne démontre pas avoir voulu organiser un tournoi Wonder8 et en avoir été empêchée du fait de l'exploitation de ce signe et de l'organisation d'un tel tournoi par la défenderesse. Elle ne saurait dès lors revendiquer les bénéfices perçus par la société In Game Factory pour l'organisation de ces trois tournois. 32. S'agissant ensuite du préjudice moral, la société Club Montmartre ne peut, là encore, pas faire état d'un préjudice d'image résultant du fait qu'elle n'a pu bénéficier de la publicité attachée à l'organisation des tournois Wonder8 par la société In Game Factory dès lors qu'elle ne démontre pas, d'une part, avoir eu l'intention et avoir été empêchée d'organiser de tels tournois, et d'autre part que l'organisation de ces tournois par la société In Game Factory – qui n'est au demeurant jamais mentionnée dans les programmes et les articles de presse (pièces défenderesse no 8 à 10) – a porté atteinte à son image. 33. En revanche, le dépôt frauduleux de la marque « Wonder8 » par la société In Game Factory dont les associés fondateurs étaient à cette date encore salariés de la société Club Montmartre, a causé à cette dernière un préjudice moral qui peut être évalué à la somme de 2.000 euros. III. Sur la demande pour procédure abusive Moyens des parties 34. La société In Game Factory soutient que la demanderesse a commencé à revendiquer des droits sur le signe « Wonder8 » plus d'un an après avoir acquis le fonds de commerce de l'association [4], moment qui coïncide avec le départ de MM. [Z] et [B] de la société Club Montmartre et le développement de la société In Game Factory dans le domaine du poker. Elle ajoute que depuis 2020, la demanderesse mène contre elle une entreprise de dénigrement et de déstabilisation, dans laquelle s'inscrit cette action. Elle expose que la mauvaise foi de la demanderesse ressort notamment de ce qu'elle vend le matériel de jeu fabriqué pour le tournoi Wonder8. Elle considère en conséquence que la présente procédure est abusive et sollicite la somme de 50.000 euros en réparation de son préjudice. 35. La société Club Montmartre ne répond pas sur ce point. Réponse du tribunal 36. L'action en justice, même dénuée de fondement, ne dégénère en abus susceptible d'ouvrir droit à une créance de dommages et intérêts qu'en cas de faute du plaideur, de preuve d'un préjudice pour celui qui l'invoque et de l'existence d'un lien de causalité. 37. En l'espèce, les prétentions de la société Club Montmartre ayant été admises pour la plupart d'entre elles, la procédure ne peut être qualifiée d'abusive, de telle sorte que la réclamation des défendeurs à ce titre ne peut qu'être rejetée. 38. En tout état de cause, la société In Game Factory ne saurait soutenir que la présente instance a été introduite au moment où elle commençait à développer son activité dans le domaine du poker, alors que les tournois Wonder8 qu'elle dit avoir organisés l'ont été près d'un an avant l'introduction de l'instance. Elle ne démontre par ailleurs pas l'organisation par la société Club Montmartre d'une quelconque entreprise de dénigrement et de déstabilisation. IV. Sur les autres demandes 39. La société In Game Factory, qui succombe, supportera les dépens et ses propres frais. 40. En application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la partie tenue aux dépens ou à défaut, la partie perdante, est condamnée au paiement d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, en tenant compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. 41. La société In Game Factory sera condamné à payer à la société Club Montmartre la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles. 42. L'exécution provisoire est de droit et rien ne justifie de l'écarter au cas présent. PAR CES MOTIFS Le tribunal, Ordonne le transfert rétroactif de la marque française semi-figurative « Wonder8 » no 4528818 au profit de la société Club Montmartre, Dit que la décision, une fois définitive, sera transmise à l'Institut national de la propriété industrielle par la partie la plus diligente aux fins d'inscription au Registre national des marques, Fait interdiction à la société In Game Factory de faire usage dans la vie des affaires, sur le territoire français et sous quelque forme que ce soit, du signe « Wonder8 » en lien avec des activités d'exploitation et d'organisation de casinos ou de jeux d'argent, sous astreinte de 150 euros par jour de retard passé un délai d'un mois à compter de la signification du présent jugement, l'astreinte courant sur trois mois, Condamne la société In Game Factory à payer à la société Club Montmartre la somme de 2.000 euros en réparation de son préjudice moral résultant du dépôt frauduleux, Déboute la société Club Montmartre de sa demande de dommages et intérêts en réparation de son préjudice économique résultant du dépôt frauduleux, Déboute la société In Game Factory de sa demande reconventionnelle en procédure abusive, Condamne la société In Game Factory aux dépens, Condamne la société In Game Factory à payer à la société Club Montmartre la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Fait et jugé à Paris le 16 décembre 2022 La Greffière La Présidente
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JURITEXT000047454930
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AUTRES_DECISIONS
Tribunal judiciaire de Paris, 16 décembre 2022, 21/06076
2022-12-16
Tribunal judiciaire de Paris
21/06076
CT0196
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TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 3ème chambre 2ème section No RG 21/06076 - No Portalis 352J-W-B7F-CUKYV No MINUTE : Assignation du :23 et 27 avril 2021, 10 décembre 2021 JUGEMENT rendu le 16 Décembre 2022 DEMANDERESSE Madame [I] [C][Adresse 4][Adresse 4] représentée par Maître Alexandre BLONDIEAU, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D1517 DÉFENDEURS Monsieur [Y] [P][Adresse 2][Localité 5] Madame [T] [U][Adresse 1][Adresse 1] S.A.R.L. ASTERIOS SPECTACLESintervenante forcée[Adresse 3][Localité 5] représentés par Maître Gilles BERRIH, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E2052 COMPOSITION DU TRIBUNAL Irène BENAC, vice-présidente,Arthur COURILLON-HAVY, juge,Elodie GUENNEC, vice-présidente, assistés de Quentin CURABET, greffier lors des débats et Lorine MILLE, greffière lors de la mise à disposition. DEBATS A l'audience du 20 octobre 2022 tenue en audience publique devant Irène BENAC et Arthur COURILLON-HAVY, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seuls l'audience, et, après avoir donné lecture du raport, puis entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux avocats que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 16 décembre 2022. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffeContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE 1. Mme [I] [C], qui se présente comme directrice de projets culturels, reproche à Mme [T] [U], M. [Y] [P] et la société Asterios Spectacles d'avoir produit un spectacle en contrefaçon de ses droits d'auteur. 2. Mme [C] a été engagée, en 2016, par la fondation suisse Jan Michalski pour l'organisation d'une exposition sur l'oeuvre graphique de [K] [X]. Elle a fait appel à Mme [U], qui se présente comme comédienne et réalisatrice belge, et à M. [P], qui se présente comme auteur-compositeur et artiste-interprète, pour intervenir dans le cadre d'une performance de lecture en musique des textes de [K] [X]. Le concert a eu lieu le 31 mars 2017. 3. Considérant que Mme [U] et M. [P] avaient repris, avec la société de production Asterios Spectacles, le concert en fraude de ses droits de metteur en scène, Mme [C] les a mis en demeure, les 1er mai 2019, 13 novembre et 14 décembre 2020, de la rétablir dans ses droits. 4. Insatisfaite de la réponse apportée, Mme [C] a fait assigner Mme [U] et M. [P] les 23 et 27 avril 2021, en contrefaçon de droits d'auteur et subsidiairement parasitisme. 5. Elle a ensuite fait assigner en intervention forcée la société Asterios Spectacles le10 décembre 2021. Les affaires ont été jointes le 13 janvier 2022. 6. L'instruction a été close à l'audience de plaidoiries le 20 octobre 2022, après rabat de l'ordonnance de clôture du 19 mai 2022 à la demande de Mme [C] pour déposer ses dernières conclusions, corrigeant des erreurs matérielles. 7. Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 20 octobre 2022, Mme [I] [C] demande :? invoquant une contrefaçon de droits d'auteur, d'ordonner la cessation des représentations du spectacle, d'interdire toute nouvelle représentation sans son autorisation et de condamner « solidairement » Mme [U], M. [P] et la société Asterios Spectacles à lui payer: ? 10 000 euros en réparation de son préjudice subi du fait de la violation de son droit moral d'auteur, ? 40 000 euros en réparation de son préjudice subi du fait de la violation de son droit patrimonial d'auteur, ? 10 000 euros du fait de la perte de chance de voir son nom associé à la nomination du spectacle aux Molières 2019,? subsidiairement, de condamner « solidairement » Mme [U], M. [P] et la société Asterios Spectacles à lui payer 40 000 euros de dommages et intérêts pour parasitisme,? en tout état de cause, d'ordonner l'exécution provisoire et de condamner « solidairement » Mme [U], M. [P] et la société Asterios Spectacles à lui payer 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens. 8. Dans leurs dernières conclusions signifiées par voie électronique le 14 avril 2022, Mme [T] [U], M. [Y] [P] et la société Asterios Spectacles résistent aux demandes et sollicitent eux-mêmes :? invoquant à titre reconventionnel la violation du droit à la paternité de Mme [U] et M. [P], de condamner Mme [C] à leur verser à chacun 3 000 euros en réparation de leur préjudice,? de condamner Mme [C] à leur verser 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens. MOTIVATION I. Demande en contrefaçon de droits d'auteur Moyens des parties 9. Les défendeurs contestent la qualité de metteur en scène de Mme [C] au motif, tout d'abord, que la mention « sur une idée originale de [I] [C] » ne saurait constituer une présomption de la qualité d'auteur, une idée n'étant pas protégeable et la demanderesse ne pouvant revendiquer un monopole sur la mise en musique des textes de [K] [X]. Ils font valoir ensuite que la mention de Mme [C] en tant que co-metteur en scène ne figure au générique de début de la captation audiovisuelle du concert que parce qu'elle a elle-même ajouté son nom sans validation des auteurs. Ils ajoutent enfin que le travail de la demanderesse dans l'organisation de la représentation du 31 mars 2017 a uniquement consisté à faire appel à Mme [U] et M. [P] pour qu'ils interviennent dans le cadre du concert, les musiciens ayant quant à eux été choisis et embauchés par M. [P] lui-même, et à organiser la venue et les séances de travail de Mme [U] et de M. [P], ce qui correspond à un travail technique qui s'inscrit dans le cadre de la mission confiée à Mme [C] par la fondation Jan Michalski. 10. Mme [C] réplique que le spectacle a été divulgué sous son nom comme co-auteur dès lors qu'elle a été créditée en tant que metteur en scène dans le générique de début du concert littéraire. Selon elle, cette présomption de titularité est corroborée par le fait qu'elle a elle-même fait appel aux défendeurs en tant qu'artistes pour le projet – le choix des artistes faisant partie des missions du metteur en scène – et qu'elle a choisi la durée du spectacle, le nombre d'intervenants sur scène, les décors, les textes et l'alternance entre les textes chantés et parlés, ce qui est un travail artistique et non un travail technique. Elle ajoute que le fait que la création du spectacle s'inscrivait dans la mission confiée par la fondation Jan Michalski ne la prive pas de ses droits d'auteurs sur l'oeuvre créée et que des tiers lui reconnaissent la qualité d'auteur. Réponse du tribunal 11. En application de l'article L. 113-1 du code de la propriété intellectuelle, « La qualité d'auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l'oeuvre est divulguée ». 12. Le metteur en scène d'une oeuvre théâtrale peut se voir reconnaître la qualité d'auteur par les choix qu'il effectue sur la composition et l'organisation des différentes scènes, la nature des décors, les costumes et les éléments techniques comme le son et la lumière, mais aussi sur le travail des interprètes, qu'il s'agisse de la façon de prononcer les textes comme des différents déplacements sur scène. 13. En l'espèce, Mme [C] revendique la qualité de metteuse en scène du concert littéraire intitulé [X] en mots et en musique, produit à la fondation Jan Michalski le 31 mars 2017. Elle produit à ce titre la captation audiovisuelle de ce concert, dans laquelle elle apparaît comme metteuse en scène au sein du générique, ainsi que des courriels adressés à Mme [U] pour l'organisation de ce concert. 14. Toutefois, si Mme [C] figure bien au générique de la captation audiovisuelle du concert littéraire, d'une part il n'est pas démontré que cette captation a été effectivement diffusée au public, de sorte que Mme [C] ne saurait s'appuyer sur cette mention pour bénéficier de la présomption de titularité, et d'autre part le programme de l'exposition « [K] [X] Images » organisé par la fondation Jan Michalski mentionne le spectacle en cause comme le « Concert littéraire [X] en mots et en musique par [T] [U] et [Y] [P] » sans référence à Mme [C], celle-ci étant seulement mentionnée comme ayant participé plus largement à l'organisation de l'exposition et des différents événements l'accompagnant (pièce défendeurs no 9). 15. Par ailleurs, s'il ressort des courriels envoyés par Mme [C] à Mme [U] que la première a contacté la seconde ainsi que M. [P] pour interpréter les textes de [K] [X] dans le concert littéraire, il n'est pas établi que celle-ci a effectivement participé à la mise en scène. Ainsi, s'il apparaît que Mme [C] a participé au choix des textes de [K] [X] ainsi qu'à l'ordre dans lequel ils seraient repris, il ressort aussi des courriels qu'elle a laissé une grande latitude aux interprètes pour ajouter d'autres textes, et il n'est pas établi qu'elle soit intervenue dans la façon dont Mme [U] et M. [P] ont effectivement interprété ces textes. En outre, le fait pour Mme [C] d'indiquer dans un courriel du 7 janvier 2017 que la durée du spectacle serait de maximum 1h30, que les autres intervenants seraient un guitariste, un accordéoniste et peut-être un pianiste, que les textes seraient chantés et parlés, que le décor serait minimal mais que les sièges seraient confortables, et que les micros seraient hypersensibles, ne saurait établir sa qualité de metteur en scène, ces éléments apparaissant davantage comme des contraintes techniques que comme des choix précis et personnels sur la représentation de l'oeuvre (pièce demanderesse no 7). Enfin, s'il n'est pas contesté qu'elle a assisté à des répétitions, il n'est pas démontré qu'elle y a pris une part active, intervenant par exemple sur l'entrée des interprètes, les alternances entre les textes chantés et parlés, la musique ou encore la lumière. Mme [C] semble dès lors être intervenue davantage dans l'apport de l'idée du concert et dans son organisation technique plutôt que dans sa réalisation artistique concrète. 16. Faute pour Mme [C] d'établir sa qualité de metteuse en scène du concert littéraire [X] en mots et en musique, ses demandes au titre de l'atteinte à son droit moral d'auteur seront rejetées. II. Demande en parasitisme à titre subsidiaire Moyens des parties 17. Mme [C] fait valoir que les défendeurs ont repris l'intégralité des éléments distinctifs du spectacle qu'elle a créé, sans investir le moindre effort créatif supplémentaire, profitant ainsi indûment de son savoir-faire et de son inventivité. Elle sollicite, en réparation de son préjudice, la somme de 40 000 euros. 18. En réponse, les défendeurs soutiennent que Mme [C] ne peut revendiquer la qualité de metteuse en scène pour avoir organisé des séances de travail et assisté à quelques répétitions sans jamais intervenir sur la mise en scène créée par Mme [U] et M. [P]. En tout état de cause, ils considèrent que le second spectacle ne reprend pas les caractéristiques du premier, et que la demanderesse ne prouve pas d'appropriation à des fins lucratives d'un savoir-faire, d'une notoriété ou d'un investissement quelconque. Réponse du tribunal 19. Sont sanctionnés au titre de la concurrence déloyale, sur le fondement de 1240 du code civil, les comportements fautifs car contraires aux usages dans la vie des affaires, tels que ceux, parasitaires, qui tirent profit sans bourse délier d'une valeur économique d'autrui procurant à leur auteur un avantage concurrentiel injustifié, fruit d'un savoir-faire, d'un travail intellectuel et d'investissements. 20. Mme [C] affirme que les défendeurs ont profité de son savoir-faire et de son inventivité, sans toutefois rapporter la preuve d'investissements autres que l'organisation technique d'un concert fondé sur une idée qu'elle a eue pour accompagner l'exposition sur [K] [X], pour lequel elle a été rémunérée par la fondation Jan Michalski. Elle ne démontre pas non plus que les investissements qu'elle allègue auraient fait du concert [X] en mots et en musique une valeur économique individualisée dont les défendeurs auraient indûment profité. Sa demande au titre du parasitisme sera en conséquence rejetée. III. Demande en violation du droit moral d'auteur à titre reconventionnel Moyens des parties 21. A titre reconventionnel, les défendeurs font valoir que Mme [C] a fait figurer de manière mensongère son nom aux côtés de ceux de M. [P] comme co-metteur en scène et au mépris des droits de Mme [U], portant atteinte à leur droit à la paternité. Ils sollicitent en conséquence la somme de 3 000 euros chacun en réparation de leur préjudice. 22. La demanderesse ne répond pas sur ce point. Réponse du tribunal 23. L'article L. 121-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que « L'auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son oeuvre ». 24. Mme [U] soutient être co-metteur en scène sans toutefois en rapporter la preuve. Ainsi, au contraire, les différents courriels versés aux débats indiquent que seul M. [P] aurait effectivement participé à la sélection des textes et à leur organisation (pièce demanderesse no 7). De même, M. [P] a été rémunéré par la fondation Jan Michalski à hauteur de 6 500 euros pour « le spectacle et les répétitions », quand Mme [U] a, elle, été rémunérée à hauteur de 3 000 euros « au titre d'honoraires » (pièce défendeurs no 7). Enfin, il apparaît que M. [P] était seul en charge des musiciens qui ont participé au concert (pièce défendeurs no 7). Il ressort de l'ensemble de ces éléments que seul M. [P] apporte des éléments de preuve quant à sa participation à la mise en scène du concert en cause. 25. Faute pour Mme [U] d'établir sa qualité d'auteur, sa demande au titre du préjudice moral sera rejetée. 26. De son côté, M. [P] ayant été crédité comme metteur en scène, il ne saurait revendiquer une quelconque atteinte à son droit moral d'auteur, la mention du nom de Mme [C] à ses côtés ne diminuant en rien sa qualité de metteur en scène. IV. Dispositions finales 27. Mme [C], Mme [U] et M. [P], succombant tous en leurs demandes, supporteront chacun les dépens par eux engagés. 28. En application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la partie tenue aux dépens ou à défaut, la partie perdante, est condamnée au paiement d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, en tenant compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. 29. Mme [C] sera condamnée à payer à la société Asterios Spectacles, intervenante forcée et qui n'a formulé aucune demande reconventionnelle, la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles. 30. L'exécution provisoire est de droit et rien ne justifie de l'écarter au cas présent. PAR CES MOTIFS Le tribunal, Revoque l'ordonnance de clôture du 19 mai 2022, reçoit les dernières conclusions de Mme [I] [C], corrigeant des erreurs matérielles et ordonne la clôture de l'instruction à l'audience du 20 octobre 2022, Rejette les demandes de Mme [I] [C] en contrefaçon de droit d'auteur, Rejette la demande de Mme [I] [C] en parasitisme, Déboute Mme [T] [U] et M. [Y] [P] de leurs demandes reconventionnelles pour atteinte à leur droit moral d'auteur, Condamne Mme [I] [C], Mme [T] [U] et M.[Y] [P] à supporter leurs propres dépens, Condamne Mme [I] [C] à payer à la société Asterios Spectacles la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. Fait et jugé à Paris le 16 décembre 2022 La Greffière La Présidente
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Tribunal judiciaire de Paris, 16 décembre 2022, 21/08452
2022-12-16
Tribunal judiciaire de Paris
21/08452
CT0196
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TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 3ème chambre 2ème section No RG 21/08452 - No Portalis 352J-W-B7F-CUVPD No MINUTE : Assignation du :21 juin 2021 JUGEMENT rendu le 16 décembre 2022 DEMANDEURS S.A.R.L. PARENTHESES URBAINES[Adresse 1][Localité 3] Madame [P] [D][Adresse 1][Localité 3] Monsieur [C] [W][Adresse 1][Localité 3] représentés par Maître Camille LENOBLE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C1090 DÉFENDERESSE S.A.R.L. FREEWAY PROD SARL[Adresse 4][Localité 2] représentée par Maître Olivier ROUX de l'AARPI TESLA avocats au barreau de PARIS, vestiaire #C0210 COMPOSITION DU TRIBUNAL Irène BENAC, vice-présidente,Arthur COURILLON-HAVY, juge,Elodie GUENNEC, vice-présidente, assistés de Quentin CURABET, greffier lors des débats et Lorine MILLE, greffière lors de la mise à disposition. DEBATS A l'audience du 13 octobre 2022 tenue en audience publique devant Irène BENAC , juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l'audience, et, après avoir donné lecture du rapport et entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile Avis a été donné aux avocats que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 16 décembre 2022. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffeContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE La SARL Parenthèses Urbaines, co-gérée par Mme [P] [D], architecte urbaniste, et par M. [C] [W], urbaniste "géomaticien", a pour activités principales "ingénierie, études, urbanisme, prestations imagerie aérienne". La SARL Freeway Prod, immatriculée le 25 juin 2009, a pour objet social "la production audiovisuelle, réalisation de documentaires et de films institutionnels, les formations professionnelles de pilotages cadrages en drones" et se présente comme l'une des premières à utiliser le drone en France. En avril 2020, la société Freeway Prod a confié à la société Parenthèses Urbaines un drone lui appartenant et l'exécution d'une mission de pilotage de celui-ci pour la réalisation de prises de vues de monuments de [Localité 6] (tour Eiffel, [Adresse 5]) par l'un de ses clients, la société Timelab. Le contrat n'a pas été formalisé par écrit. Le tournage a eu lieu du 25 au 31 mai 2020. Mme [P] [D] a réalisé à ces dates des photographies du drone en vol, piloté à proximité des monuments précités par M. [C] [W], ainsi que de ce dernier au travail. Ces photographies ayant été affichées sur le site internet et la page Facebook de la société Freeway Prod, par acte du 21 juin 2021, la société Parenthèses Urbaines, M. [C] [W] et Mme [P] [D] l'ont assignée devant le tribunal judiciaire de Paris en contrefaçon du droit d'auteur sur les photographies, parasitisme et violation du droit à l'image. Dans leurs dernières conclusions signifiées le 30 mars 2022, la société Parenthèses Urbaines, M. [W] et Mme [D] demandent au tribunal, au visa des articles L. 111-1, L. 113-1, L. 113-2, L. 112-2, L. 121-1, L. 121-2, L. 122-2, L.122-4, L. 131-3, L. 331-1-3, L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle, 9, 1240, 1241 et 1626 du code civil et 8 de la CESDH, de : A titre liminaire : - se déclarer compétent pour connaître de la présente action, exception faite de la question de la qualité à agir de Mme [D] qui relève de la compétence du juge de la mise en état, Sur les photographies prises au sol des drones en vol : A titre principal : - juger que la société Freeway Prod a commis des actes de contrefaçon de photographies à l'encontre de la société Parenthèses Urbaines et de Mme [P] [D] et la condamner à les indemniser à hauteur de 10.000 euros en réparation du préjudice patrimonial subi ; - condamner la société Freeway Prod à indemniser Mme [P] [D] à hauteur de 18.000 euros en réparation du préjudice pour atteinte à son droit moral (6.000 euros au titre de la violation du droit à la paternité, 6.000 euros au titre de la violation du droit de divulgation, 6.000 euros au titre de la violation du droit au respect de l'oeuvre) ; A titre subsidiaire : - juger que la société Freeway Prod a commis des actes de parasitisme à l'encontre de la société Parenthèses Urbaines et de Mme [P] [D] ; - condamner la société Freeway Prod à indemniser la société Parenthèses Urbaines à hauteur de 3.000 euros en réparation du préjudice subi ; - condamner la société Freeway Prod à indemniser Mme [P] [D] à hauteur de 7.830 euros en réparation du préjudice subi. Sur les autres photographies (photographies ne représentant pas les drones en vol) : - juger que la société Freeway Prod a commis des actes de parasitisme à l'encontre de la société Parenthèses Urbaines et de Mme [P] [D] ; - condamner la société Freeway Prod à indemniser la société Parenthèses Urbaines à hauteur de 3.000 euros en réparation du préjudice subi ; - condamner la société Freeway Prod à indemniser Mme [P] [D] à hauteur de 7.000 euros en réparation du préjudice subi. Sur les photographies représentant M. [W] : - condamner la société Freeway Prod à verser à M. [C] [W] la somme de 2.000 euros en réparation de la violation de son droit à l'image. En tout état de cause : - débouter la société Freeway Prod de ses demandes reconventionnelles ; - faire défense à la société Freeway Prod de diffuser, faire ou laisser faire diffuser, à peine d'une astreinte de 1.000 euros par jour de retard, les photographies litigieuses ; - condamner la société Freeway Prod aux dépens, en ce compris les frais de constats d'huissier et à leur payer 5.000 euros à la société Parenthèses Urbaines, 4.000 euros à Mme [D] et 1.000 euros à M. [W] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;sous le bénéfice de l'exécution provisoire du jugement. Dans ses dernières conclusions signifiées le 5 janvier 2022, la société Freeway Prod demande au tribunal, au visa des articles 1240 et 1626 du code civil, L. 113-2, L.131-3 du code de la propriété intellectuelle et 31, 514, 699,700 et 789 du code de procédure civile, de : A titre principal : - déclarer Mme [D] et la société Parenthèses Urbaines irrecevables au titre de la contrefaçon de droits d'auteur, - débouter la société Parenthèses Urbaines, Mme [D] et M. [W] de l'intégralité de leurs demandes, A titre reconventionnel :- condamner la société Parenthèses Urbaines, sous astreinte provisoire de 500 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir, à lui remettre l'intégralité des clichés et vidéos pris par le drone lors de la mission confiée et réalisée en mai 2020, - se réserver la liquidation de l'astreinte, - condamner la société Parenthèses Urbaines à la garantir de toute condamnation que le tribunal pourrait prononcer à son encontre au profit de Mme [D] et de M. [W], - condamner solidairement la société Parenthèses Urbaines, Mme [D] et M. [W] à payer à la société Freeway Prod la somme de 20.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, - condamner solidairement la société Parenthèses Urbaines, Mme [D] et M. [W] à lui payer la somme de 20.000 euros à titre de dommages-intérêts pour concurrence déloyale et parasitaire, - condamner solidairement la société Parenthèses Urbaines, Mme [D] et M. [W] aux dépens et à lui payer la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,- ne pas ordonner l'exécution provisoire en cas de condamnation à son encontre. Pour un exposé de l'argumentation des parties il est renvoyé à leurs dernières conclusions précitées, conformément à l'article 455 du code de procédure civile. L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 mai 2022. MOTIVATION 1 - Sur la compétence territoriale du tribunal judiciaire de Paris Les demanderesses demandent au tribunal de se déclarer territorialement compétent pour connaître de la présente action. Aucune exception d'incompétence territoriale n'étant soulevée, il n'y a pas lieu d'examiner cette demande. 2 - Sur la qualité à agir en contrefaçon de droit d'auteur de Mme [D] La société Freeway Prod soutient que :- les photographies sur lesquelles Mme [D] revendique un droit d'auteur sont des oeuvres collectives réalisées dans le cadre de la mission lui appartenant, de sorte que Mme [D] est dépourvue de qualité à agir en contrefaçon de son droit d'auteur,- s'il ne s'agissait pas d'oeuvres collectives, Mme [D] n'est pas investie de droits car la société Parenthèses Urbaines en est seule titulaire et lui a cédé les droits de reproduction et de représentation en lui envoyant les clichés et en ayant mis un like sur sa page Facebook affichant ces photographies. Mme [D] soutient que la société Freeway Prod n'est pas à l'initiative et n'est pas intervenue dans la réalisation des photographies, de sorte qu'il ne s'agit pas d'une oeuvre collective. L'article 32 du code de procédure civile dispose : "Est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir." Comme la société Freeway Prod le soutient elle-même, la question de la titularité des droits d'auteur sur une oeuvre (de même que la qualification de celle-ci) est un moyen de défense au fond opposé à une l'action en contrefaçon et non une fin de non recevoir tirée du défaut de qualité à agir. Ce moyen sera donc examiné, le cas échéant, dans le cadre des demandes principales. 3 - Sur les demandes principales 3.1 - Sur la protection au titre du droit d'auteur des photographies du drone en vol Moyens des parties Les demandeurs font valoir que :- le travail de Mme [D] est allé au-delà d'un simple savoir-faire technique tant avant, pendant, qu'après la réalisation des photographies, et chacune des six photographies exprime la personnalité de son auteur ;- l'originalité de la photo "flèche tour Eiffel et drone" résulte des choix esthétiques suivants : avant, dans la mise en scène entre un élément petit et léger et un élément massif afin de mettre en exergue la hauteur du drone en vol, pendant, par l'utilisation des traces du ciel pour donner du floutage et encadrer le drone entre la mise au point faite sur la tour Eiffel et les traces blanches et, après, par l'accentuation du contraste, de la luminosité et des tons jaune pour faire ressortir le métal de la tour Eiffel ;- l'originalité de la photo "deuxième étage tour Eiffel et drone" résulte des choix esthétiques suivants : avant, dans la mise en scène entre un élément petit et léger et un élément massif et en captant le drone très proche de la tour et à peine perceptible, pendant, par le cadrage d'une partie de la tour pour mettre en valeur l'aspect technique de l'architecture du monument et, après, par l'accentuation du contraste, de la luminosité des tons jaune et rouge et des ombres ;- l'originalité de la photo "tour Eiffel plein (sic) pied et drone" résulte des choix esthétiques suivants : avant, par le travail sur la symétrie et les contours des objets, l'utilisation des couleurs naturelles (bleu, blanc, rouge) et l'association de ces symboles français avec la technologie du drone, pendant, par le cadrage du drone au premier plan, comme une vignette, une broche ou un bijou, en conservant une ligne de fond et en coupant la flèche pour accentuer la symétrie et, après, par l'accentuation du contraste, de la luminosité et des ombres ;- l'originalité de la photo "jardins du Trocadéro et drone" résulte des choix esthétiques suivants : avant, l'utilisation du décollage naturel du drone sur un sol de poussières pour le mettre en valeur, pendant, par le cadrage d'une partie minérale et d'une partie végétale sans centrer le drone et, après, par l'accentuation du contraste, de la luminosité et des tons verts, l'utilisation d'un filtre de couleurs, d'un filtre de floutage et d'un halo de lumière ;- l'originalité de la photo "palais de Chaillot et drone" résulte des choix esthétiques suivants : avant, dans la recherche d'un cadrage spécifique sur la façade du palais, pendant, par l'inscription du drone au premier plan et l'utilisation de façade du palais comme une toile de fond et, après, par l'accentuation du contraste, de la luminosité et des tons jaune et l'utilisation d'un filtre de netteté ;- l'originalité de la photo "Grand palais et drone" résulte des choix esthétiques suivants : avant, la recherche de trois plans (sol, arbres, ciel) et l'inscription du drone dans le ciel pour une meilleure perception, pendant, par le cadrage du drone non centré, évoquant un triptyque imaginaire et comme accroché aux traînées de condensation dans le ciel et, après, par l'accentuation du contraste, de la luminosité, des ombres et des tons verts, et l'utilisation d'un filtre de netteté. La société Freeway Prod soutient que :- comme cela est reconnu dans l'assignation, le choix des objets photographiés était imposé, de même que le contexte puisqu'il s'agissait de photographier le drone aux côtés de monuments parisiens ;- Mme [D] n'est pas photographe mais architecte urbaniste ;- le traitement qu'aurait fait Mme [D] des clichés est particulièrement pauvre, comme cela est visible sur sa pièce no15 : elle s'est contentée d'utiliser des fonctions basiques telles que le renforcement de contraste ou l'augmentation de la luminosité ou l'utilisation d'un filtre, accessibles sur tout smartphone ;- il n'existe aucune mise en scène, aucun choix du moment des photos et aucun traitement élaboré : l'envoi des photographies, simultanées et sur le terrain, prouve bien qu'il n'y a pas eu de réel travail de retouche ;- un autre photographe placé dans les mêmes conditions aurait obtenu un résultat similaire. Réponse du tribunal Les dispositions de l'article L.112-1 du code de la propriété intellectuelle protègent par les droits d'auteur toutes les oeuvres de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination, pourvu qu'elles soient des créations originales. Aux termes de l'article L. 112-2, 9o de ce code, sont considérées comme des oeuvres de l'esprit notamment "les oeuvres photographiques". L'originalité de l'oeuvre ressort des choix libres (qui ne sont imposés par la technique, par le sujet ou par un tiers) et créatifs du photographe qui lui donnent une forme propre, de sorte qu'elle porte l'empreinte de la personnalité de son auteur. Il est indifférent que le photographe soit ou non un professionnel. Les demandeurs indiquent que Mme [D] se trouvait sur place pour sécuriser la zone survolée par le drone pendant les prises de vue et qu'elle a réalisé, à cette occasion, des photographies au sol des monuments et du drone en vol piloté par M. [W] afin d'informer la société Freeway Prod de l'avancement et du bon déroulement de la mission. Sur les six photos en litige, Mme [D] a saisi l'image du drone à proximité des monuments prédéfinis dans la mission. Elle n'a choisi :- ni l'heure des prises de vue, fixée par les autorisations de survol (de 6h à 8h et de 20h à 21h20), et donc de la lumière, comme en témoignent la faible luminosité et les contre-jours,- ni le mouvement de l'engin, conduit par M. [W] pour le tiers client dans les limites de l'autorisation de survol,- ni son propre point de vue, n'ayant pas de liberté de mouvement puisqu'elle surveillait la zone survolée à des fins de sécurité. Après la prise de vue, il n'y a eu qu'un travail rapide de retouche par Photoshop (filtres, netteté) et de recadrage, ainsi qu'il résulte de la pièce no21 des demandeurs et du bref délai entre les prises de vue (25 mai entre 6h04 et 8h10) de l'envoi à la société Freeway Prod le jour-même à 10h46.Il n'y a pas eu de tirage des photographies, et donc de choix esthétique lié aux différentes techniques possibles à cette fin. S'agissant de la photographie "flèche tour Eiffel et drone", la présence sur la photographie de la tour Eiffel et du drone, le contraste entre la taille respective de ces deux objets et la présence de traces blanches dans le ciel ne sont pas le produit d'une mise en scène, Mme [D] n'ayant aucune maîtrise du mouvement du drone ni de son propre placement. Elle a su capter cette image et y a apporté de légères retouches (augmentation de la lumière et netteté), ce qui relèvent de la technique et la photographie n'apparaît pas différente de celle qu'aurait pris tout photographe placé dans la même situation. S'agissant de la photographie "deuxième étage tour Eiffel et drone", les éléments d'originalité revendiqués ne sont pas différents de ceux évoqués pour la première photographie. Or, il n'y a pas plus de mise en scène, ni de travail de retouche. S'agissant de la photographie "tour Eiffel plein (sic) pied et drone", la symétrie, les contours des objets et les couleurs naturelles du ciel donnant un effet de bleu, blanc, rouge ne résultent pas d'un choix créatif de Mme [D] mais de l'heure matinale à laquelle le tournage a eu lieu. Le recadrage ayant placé la tour Effel au centre et l'ajout d'un filtre accentuant les couleurs relève de la technique basique de photographie et ne caractérisent pas des partis pris esthétiques de la part de Mme [D]. S'agissant de la photographie "jardins du Trocadéro et drone", il résulte de la pièce no21 des demandeurs que la version retouchée par Mme [D] de cette photographie (recadrage, filtre, effacement d'un panneau jaune au sol) n'a pas été transmise à la société Freeway Prod. C'est donc l'originalité de la photographie d'origine, représentant le drone en vol au-dessus d'un nuage de poussière, qui doit être examinée. Or, ici encore, Mme [D] a photographié un effet qu'elle n'a pas provoqué et elle n'a même pas procédé à des retouches améliorant la qualité du rendu. S'agissant de la photographie "palais de Chaillot et drone", Mme [D] a photographié le drone devant la façade du palais. Elle a ensuite réduit le cadre pour le centrer sur le drone formant un groupe serré avec des sculptures appartenant au palais de Chaillot.Comme déjà indiqué, Mme [D] n'avait aucune maîtrise de la trajectoire du drone. De plus, les retouches apportées sont encore l'application de fonctions classiques de retouche, au service de la qualité technique du cliché et non de l'expression de la personnalité de la photographe. S'agissant de la photographie "Grand palais et drone", Mme [D] a photographié le drone alors qu'il dépassait la cime des arbres en dessous de deux traînées de condensation dans le ciel, puis a légèrement recadré l'image et accentué les contrastes.Là encore, il ne s'est exprimé aucun choix créatif : les effets de structures revendiqués (trois plans horizontaux sol- arbres- ciel et un triptyque vertical imaginaire) ne sont pas des partis pris esthétiques mais décrivent l'aspect général du site. Dès lors, Mme [D] ne démontre de sa part des choix libres et créatifs dans aucun de ces clichés. Il y a donc lieu de rejeter l'ensemble des demandes de Mme [D] et de la société Parenthèses Urbaines fondées sur la violation des droits d'auteur, tant patrimoniaux que moral, attaché à ces clichés. 3.2 - Sur le parasitisme par l'utilisation des photographies Moyens des parties Les demandeurs font valoir que :- les six photographies examinées supra constituent une valeur économique, dont la société Freeway Prod a tiré profit sans aucun investissement et en s'économisant la rémunération d'un photographe;- il s'agit de photographies rares constituant une plus-value commerciale en ce qu'elles incitent les clients de la société Freeway Prod à faire appel à ses services et sont apparues sur l'intégralité de ses outils marketing ; - en publiant les photographies de la mission de pilotage réalisée par la société Parenthèses Urbaines sur ses supports de communication, la société Freeway Prod a accaparé son savoir-faire;- le préjudice en résultant est constituée par la perte de bénéfices et de rémunération pour ces clichés ;- la société Freeway Prod a exploité sur son site cinq autres photographies représentant M. [W] avec des services de police et M. [R], le drone posé au sol et la console de commande de ce dernier, sans les rémunérer ;- la valeur des photographies sur lesquelles figurent des policiers illustre les contrôles réalisés par les services de police concernant les autorisations nécessaires pour le survol en drone de la ville de [Localité 6] et les trois autres laissent entendre faussement que la société Freeway Prod aurait été présente à [Localité 6] pour réaliser la mission. La société Freeway Prod soutient que :- la réalisation des photographies et leur envoi à la société Freeway Prod pour leur usage à titre de communication étaient prévus entre les parties ;- les critères jurisprudentiels du parasitisme ne sont pas remplis. Réponse du tribunal L'article 1240 du code civil dispose que "Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer."Le parasitisme est caractérisé lorsqu'une personne physique ou morale, à titre lucratif et de façon injustifiée, copie ou imite une valeur économique d'autrui, individualisée, apportant une valeur ajoutée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d'un effort intellectuel et d'investissementset à se placer ainsi dans son sillage pour tirer indûment parti des investissements consentis ou de la notoriété acquise. Il est démontré, - par procès-verbal de constat du 17 juin 2020, que la société Freeway Prod a fait figurer sur son site internet, sous l'onglet "actualités" puis, sur la page "Tournage [Localité 6] en drone" quatre photos prises pendant la mission de la société Parenthèses Urbaines et sur la page "Tournage à [Localité 6] drone" sept photos prises pendant cette même mission,- par procès-verbal de constat du 18 juin 2020, que M. [E] [H] a édité sur sa page Facebook, les 25 et 28 mai 2020, plusieurs photos prises pendant la mission de la société Parenthèses Urbaines et sur la page "Tournage à [Localité 6] drone" sept photos prises pendant cette même mission. Ces onze photographies ont été prises à des fins utilitaires dans le cadre de la mission confiée la société Freeway Prod et n'avaient pas vocation à être exploitées commercialement par Mme [D], qui est architecte, ou la société Parenthèses Urbaines, qui est une agence d'ingénierie et d'urbanisme. Si ces photographies illustrent aussi bien l'activité de la société Parenthèses Urbaines, en tant qu'elle porte sur l'imagerie aérienne, que de la société Freeway Prod, il n'est ni allégué, ni démontré qu'elles constituent une valeur commerciale leur apportant une valeur ajoutée et leur procurant un avantage concurrentiel dans un quelconque domaine, de sorte que la société Freeway Prod n'a pu les accaparer à son profit. En toute hypothèse, il n'est pas plus établi l'existence d'investissements spécifiques, les prises de vues ayant été réalisées à l'occasion de l'exécution de la mission de pilotage du drone. Il y a donc lieu de rejeter les demandes au titre du parasitisme. 3.3 - Sur la violation du droit à l'image de M. [W] Moyens des parties M. [W] fait valoir que :- la diffusion de quatre photographies le représentant sur les supports de communication de la société Freeway Prod, sans son autorisation, a porté atteinte au droit à l'image ;- le fait d'être présenté deux fois entouré de policiers peut nuire à sa réputation. La société Freeway Prod soutient que M. [W] ne saurait invoquer son droit à l'image alors qu'il se trouvait dans un lieu public, qu'il avait accepté d'être photographié, qu'il a lui-même mis en ligne et qu'il n'est même pas identifiable sur les quatre photos diffusées. Réponse du tribunal L'article 9 du code civil prévoit : "Chacun a droit au respect de sa vie privée", en vertu duquel chacun a le droit de s'opposer à la reproduction de son image. Toute personne a sur son image un droit exclusif et absolu et peut s'opposer à sa fixation à sa reproduction ou à son utilisation sans autorisation préalable.Il appartient à celui qui publie la photographie d'une personne de rapporter la preuve du consentement de l'intéressé. Parmi les photographies évoquées supra et ayant été mises en ligne sur le site internet de la société Freeway Prod, quatre font apparaître M. [W] (dont une sur laquelle il est parfaitement identifiable, de sorte qu'il l'est également sur les autres par son vêtement) durant la mission effectuée en mai 2020 et malgré l'interdiction expresse découlant du courriel de M. [W] du 3 juin 2009 (pièce no9 des demandeurs). Le fait que la société Parenthèses Urbaines et Mme [D] aient publié les photographies de M. [W] dans la réalisation de la mission de pilotage du drone n'est pas de nature à autoriser la société Freeway Prod à le faire. C'est donc en violation délibérée du droit à la reproduction de son image que la société Freeway Prod a maintenu sur son site les quatre photographies précitées pendant 14 mois. Il y a donc lieu de faire droit à la demande de dommages et intérêts formée à ce titre à hauteur de la somme de 1.400 euros et de condamner la société Freeway Prod à payer cette somme à M. [W]. 4 - Sur les demandes reconventionnelles 4.1 - Sur la demande de dommages et intérêts pour parasitisme Moyens des parties La société Freeway Prod fait grief à la société Parenthèses Urbaines, à M. [W] et à Mme [D] d'exploiter sur leurs pages Facebook des images prises à l'occasion de la mission de mai 2020 avec son matériel et sans son autorisation et de présenter la société Timelab comme leur client. Les demandeurs répliquent que la publication de photographies de Mme [D] ou de M. [R] sur les réseaux sociaux ne discréditent aucunement la société Freeway Prod, que la société Timelab n'est pas présentée comme leur client, que M. [R] les a expressément autorisés à publier les photos prises par sa caméra et que la société Freeway Prod ne démontre aucunement ses droits sur celles-ci. Réponse du tribunal La société Freeway Prod ne caractérise aucunement la valeur commerciale que les défendeurs auraient imitée ou usurpée en publiant sur les réseaux sociaux les photographies prises durant la mission. Elle ne justifie d'ailleurs pas de ses droits sur ces images, ni d'un droit exclusif de représenter ses drones.Enfin, les demandeurs ne se sont jamais présentés comme ayant la clientèle de la société Timelab et il n'est aucunement établi que cette prétendue clientèle leur aurait procuré un quelconque avantage concurrentiel. Le parasitisme n'est donc pas étayé et la demande est rejetée. 4.2 - Sur la demande de restitution des images prises par le drone sous astreinte Moyens des parties La société Freeway Prod demande la condamnation de la société Parenthèses Urbaines à lui remettre, sous astreinte, les rushes du tournage de mai 2020. Les demandeurs indiquent ne détenir aucune de ces images, la société Timelab ayant conservé sa caméra et les images. Réponse du tribunal La société Freeway Prod ne formule aucun fondement juridique à sa demande. Les parties étant liées par un contrat, elle est en droit d'exiger l'exécution des obligations contractées. Or, elle n'allègue ni ne démontre qu'il entrait dans les obligations de la société Parenthèses Urbaines de conserver et remettre à la société Freeway Prod les images réalisées avec le drone. Il y a donc lieu de rejeter la demande. 4.3 - Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive Bien que les demandeurs échouent dans leurs demandes, ils ont pu légitimement se méprendre sur l'étendue de leurs droit.Il n'est aucunement démontré que leur action ait été menée fautivement dans l'intention de nuire et il n'est pas contesté que les photographies litigieuses n'ont été retirées du site de la société Freeway Prod qu'en juillet 2021. Il y a donc lieu de rejeter la demande. 4.4 - Sur la garantie de la société Parenthèses Urbaines Moyens des parties La société Freeway Prod demande la condamnation de la société Parenthèses Urbaines à la garantir de la condamnation prononcée à l'encontre de M. [W] au motif que, lui ayant consenti l'utilisation des photographies, elle lui doit la garantie prévue à l'article 1626 du code civil. Les demandeurs font valoir que la prise de photographies n'a jamais fait partie du contrat. Réponse du tribunal Le texte précité dispose : "Quoique lors de la vente il n'ait été fait aucune stipulation sur la garantie, le vendeur est obligé de droit à garantir l'acquéreur de l'éviction qu'il souffre dans la totalité ou partie de l'objet vendu, ou des charges prétendues sur cet objet, et non déclarées lors de la vente." La société Freeway Prod, qui n'a conclu aucun contrat de vente avec la société Parenthèses Urbaines , ne saurait donc invoquer la garantie d'éviction édictée par ce texte. En toute hypothèse, la société Freeway Prod n'établit aucunement que la société Parenthèses Urbaines lui aurait donné l'autorisation de diffuser l'image de M. [W], dont elle ne pouvait disposer s'agissant d'un droit de la personnalité. Il y a donc lieu de rejeter la demande. 5 - Sur les autres demandes La société Parenthèses Urbaines, Mme [D] et la société Freeway Prod, qui succombent, sont condamnés aux dépens de l'instance, qui seront supportés pour moitié par la société Parenthèses Urbaines et Mme [D] et pour moitié par la société Freeway Prod, et leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile sont rejetées. L'équité justifie de condamner la société Freeway Prod à payer à M. [W] la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Aucune circonstance ne justifie d'écarter l'exécution provisoire du présent jugement. PAR CES MOTIFS Le tribunal, DÉBOUTE la SARL Parenthèses Urbaines et Mme [P] [D] de leurs demandes fondées sur la contrefaçon de leurs droits d'auteur; DÉBOUTE la SARL Parenthèses Urbaines et Mme [P] [D] de leurs demandes fondées sur les agissements parasitaires ; DÉBOUTE la SARL Freeway Prod de toutes ses demandes reconventionnelles ; CONDAMNE la SARL Freeway Prod à payer à M. [C] [W] la somme de 1.400 euros à titre de dommages et intérêts ; CONDAMNE la SARL Freeway Prod, d'une part, et la SARL Parenthèses Urbaines et Mme [P] [D], d'autre part, à supporter chacune la moitié des dépens de l'instance ; CONDAMNE la SARL Freeway Prod à payer à M. [C] [W] la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; DIT n'y avoir lieu d'écarter l'exécution provisoire du présent jugement. Fait et jugé à [Localité 6] le 16 décembre 2022 La Greffière La Présidente
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JURITEXT000047454932
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AUTRES_DECISIONS
Tribunal judiciaire de Paris, 23 décembre 2022, 20/10481
2022-12-23
Tribunal judiciaire de Paris
20/10481
CT0196
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TRIBUNALJUDICIAIREDE [Localité 15] 3ème chambre2ème section No RG 20/10481No Portalis 352J-W-B7E-CTBZM No MINUTE : Assignation du :21 Octobre 2020 JUGEMENT rendu le 23 Décembre 2022 DEMANDEURS S.A.R.L. ENTREPRISE SOCIETALE D'ENTREPRENARIAT[Adresse 11][Localité 15] Madame [P] [X][Adresse 12][Localité 15] Monsieur [L] [BY][Adresse 2][Localité 15] Monsieur [R] [N][Adresse 10][Localité 15] Monsieur [Z] [T][Adresse 7][Localité 15] Monsieur [V] [O][Adresse 9][Localité 13] représenté par Maître Jean AITTOUARES de la SELARL OX, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0966 DÉFENDEURS S.A. BETC[Adresse 3][Localité 14] S.A.S. BETC DIGITAL - intervenante volontaire[Adresse 1][Localité 14] représentées par Maître Jean-marie GUILLOUX, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #G0818 S.A.S. [Localité 16] BOBOIS INTERNATIONAL[Adresse 5][Localité 15] représentée par Maître Garance MATHIAS, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #C2332 et par Maître Anne SENDRA, de la société ERNST & YOUNG, avocat au barreau de MARSEILLE, avocat plaidant, S.A.R.L. SCHMOOZE[Adresse 8][Localité 15] représentée par Maître Isabelle WEKSTEIN-STEG de l'AARPI WAN Avocats, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R0058 S.A.S. GRAND MUSIQUE MANAGEMENT- intervenante volontaire[Adresse 4][Localité 15] Monsieur [F] [C] dit «Tepr» - intervenant volontaire[Adresse 6][Localité 15] représentés par Maître Michael MAJSTER de l'AARPI Majster & Nehmé Avocats, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R0139 COMPOSITION DU TRIBUNAL Madame Irène BENAC, Vice-PrésidenteMadame Elodie GUENNEC, Vice-présidenteMonsieur [L] [K], Juge assisté de Monsieur Quentin CURABET, Greffier DÉBATS A l'audience du 20 Octobre 2022 tenue en audience publique devant Irène BENAC et [L] COURILLON-HAVY, juges rapporteurs, qui sans opposition des avocats ont tenu seuls l'audience, et après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile. Avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 16 Décembre 2022 puis prorogé au 23 Décembre 2022. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe ContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE 1. Le groupe musical Bagarre a composé et interprété une chanson intitulée « Claque-le ». Cette composition a été produite et éditée par la société Entreprise Sociétale d'Entreprenariat, et diffusée à partir du 10 juillet 2015. 2. A une date non précisée, la société [Localité 16] Bobois International, dont l'activité est la vente de meubles, a confié à la SA BETC et/ou à la SAS BETC Digital, dont l'activité principale est la publicité et la communication, la conception d'un film publicitaire. 3. La SAS BETC Digital indique avoir conçu un film intitulé « Goûtez au French Art de vivre » et avoir sous-traité :- la production de la bande-son à la SARL Schmooze, spécialisée dans la production et l'édition d'oeuvres et d'enregistrements musicaux notamment dans le domaine publicitaire, et - la production audiovisuelle à la société de production de films publicitaires Superette. 4. Par e-mail du 29 mai 2019, la société Superette a contacté le manager du groupe Bagarre pour faire savoir que le titre Claque-le était pressenti pour une synchronisation dans un film publicitaire en cours de production.Le 3 juin 2019, la SARL Schmooze a demandé à la société Sony Music Entertainment France, en qualité de producteur du phonogramme Claque-le, de lui faire une estimation pour les droits sur la synchronisation de ce titre « pour 1 campagne [Localité 16] Bobois tous formats / tous Médias / Monde / 1 an (+renouvellement optionnel annuel @+10%) + clause archive pour la durée de la PI(Rétrospectives, Sites Marque et Agence + conservation en ligne des contenus là où ils ont été postés avant l'expiration du terme (no Push / No Post) ».Le même jour, la société [Localité 16] Bobois International a indiqué qu'elle ne souhaitait pas que ce titre soit associé à sa campagne de publicité. 5. La SARL Schmooze a alors confié à la SAS Grand Musique Management, producteur et éditeur de musique, et à M. [F] [C], auteur compositeur de musique électronique, la composition et l'enregistrement d'une oeuvre musicale pour les besoins de l'illustration sonore de cette campagne de publicité pour le compte de l'annonceur [Localité 16] Bobois. Cette oeuvre, nommée « [D] », lui a été remise le 31 juillet 2019. 6. La commande de cette musique et des droits « tous formats / tous Médias / Monde / 1 an » a été faite par la société [Localité 16] Bobois International à la société BETC Digital selon devis no30237 du 7 août 2019, accepté le 20 août, au prix hors taxes de 40.483 euros. Le 7 août 2019, la société BETC Digital a répercuté cette commande à la société Schmooze, qui l'a facturée au même prix le 23 août suivant. Les accords entre la SARL Schmooze, la SAS Grand Musique Management et M. [C] ont été formalisés par contrat de commande et de cession de droits signé le 1er octobre 2019. 7. Fin octobre 2019, le film publicitaire de [Localité 16] Bobois a été diffusé et sonorisé avec une bande son dont les membres du groupe Bagarre et la société Entreprise Sociétale d'Entreprenariat estiment qu'elle reprend toutes les caractéristiques originales de l'oeuvre Claque-le. 8. Après plusieurs mois de contacts infructueux entre les parties, les cinq membres du groupe Bagarre (Mme [P] [X], M. [L] [BY], M. [R] [N], M. [Z] [T] et M. [V] [O]) et la société Entreprise Sociétale d'Entreprenariat ont fait assigner devant le tribunal judiciaire de Paris la société [Localité 16] Bobois International, la société BETC et la société Schmooze en contrefaçon de leurs droits d'auteurs et droits voisins du droit d'auteur par actes du 21 octobre 2020. 9. Le juge de la mise en état a rejeté deux incidents soulevés par les sociétés BETC et Schmooze et une demande de communication de pièces des demandeurs par ordonnances du 13 août 2021. 10. La société BETC Digital est intervenue volontairement à l'instance par conclusions du 20 octobre 2021. La société Grand Musique Management et M. [F] [C] sont intervenus volontairement à l'instance par conclusions du 3 février 2022. 11. Dans leurs dernières conclusions signifiées le 24 avril 2022, les demandeurs demandent au tribunal de : à titre principal :- débouter les sociétés Schmooze, BETC et BETC Digital de leur demande de rejet de pièces,- débouter les sociétés BETC et [Localité 16] Bobois International de leurs demandes de mise hors de cause,- ordonner l'interdiction d'exploitation de l'oeuvre musicale synchronisée dans les films publicitaires intitulés « Goûtez au French art de vivre », sous astreinte de 500 euros par jour de retard, l'interdiction du dépôt de cette oeuvre auprès de quelque organisme de gestion collective que ce soit et sa suppression des registres de tout organisme de gestion collective auprès duquel elle aurait été déposée,- ordonner la production, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, par les sociétés [Localité 16] Bobois International, BETC et BETC Digital des contrats signés pour la production de ces films publicitaires, de l'intégralité des factures correspondant à leur production dans toutes leurs versions et de l'historique complet de leurs diffusions,- ordonner la production, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, par les sociétés Schmooze, BETC et BETC Digital du contrat de production de la musique sonorisant ces films publicitaires et de l'intégralité des factures correspondantes,- ordonner la production, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, par la société [Localité 16] Bobois International de l'intégralité des factures d'achat d'espace liées à cette campagne publicitaire,- ordonner la production, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, par la société Grand Musique Management et M. [F] [C] de toutes redditions de comptes qu'ils auraient reçues de tout organisme de gestion collective, portant sur l'exploitation de toutes versions de la musique sonorisant les films publicitaires de cette campagne,- ordonner aux défendeurs, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, la communication de l'intégralité des correspondances intervenues entre eux, relatives à la production de la musique sonorisant ces films publicitaires,- condamner in solidum les sociétés BETC, BETC Digital, [Localité 16] Bobois International, Schmooze, Grand Musique Management et M. [F] [C] à payer :- à l'ensemble des demandeurs, une provision de 125.000 euros à valoir sur leur préjudice au titre de la perte subie et du manque à gagner et une somme de 30.000 euros en réparation de leur préjudice moral commun,- aux auteurs, la somme de 75.000 euros en réparation du préjudice résultant de la violation de leur droit moral,- condamner la société [Localité 16] Bobois International à leur verser une provision de 15.000 euros au titre des bénéfices injustement réalisés,- condamner les sociétés BETC et BETC Digital in solidum à leur verser une provision de 15.000 euros au titre des bénéfices injustement réalisés,- condamner la société Schmooze à leur verser une provision de 30.084 euros au titre des bénéfices injustement réalisés,- condamner la société Grand Musique Management et M. [F] [C] in solidum à leur payer la somme de 60.000 euros dont une provision de 50.000 euros au titre des bénéfices injustement réalisés,- ordonner la publication du dispositif du jugement à intervenir ; à titre subsidiaire :- désigner un expert judiciaire ayant pour mission de procéder à l'analyse comparative des oeuvres en vue de déterminer leurs similitudes et leurs différentes sur les plans mélodique, rythmique et harmonique, ainsi que sur le plan du son ; en tout état cause :- condamner in solidum les sociétés BETC, BETC Digital, [Localité 16] Bobois International, Schmooze, Grand Musique Management et M. [F] [C] aux dépens, dont distraction au profit de Me Jean Aittouares, conformément à l'article 699 du code de procédure civile et à payer à la société Entreprise Sociétale d'Entreprenariat la somme de 56.426,38 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à charge pour elle de se répartir cette somme avec les auteurs, conformément à leurs accords. 12. Dans ses dernières conclusions signifiées le 5 mai 2022, la société [Localité 16] Bobois International demande au tribunal de:- la mettre hors de cause;- débouter les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes en ce que les caractéristiques musicales du titre Claque-le appartiennent au fonds commun et ne sont donc pas protégeables par le droit d'auteur; à titre subsidiaire,- débouter les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes en ce qu'elle n'a pas commis d'acte de contrefaçon ; à titre plus subsidiaire, - débouter les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes en ce que les éventuelles sonorités communes entre les deux oeuvres procèdent d'une rencontre fortuite et d'une source d'inspiration commune; à titre infiniment plus subsidiaire,- réduire les demandes indemnitaires à l'euro symbolique,- rejeter la demande d'expertise judiciaire comme inutile et tardive et, subsidiairement, modifier la mission et en mettre les frais à la charge des demandeurs,- déclarer la demande d'interdiction sans objet; en tout état de cause - condamner les sociétés BETC et/ou BETC Digital à la garantir de toute condamnation à son encontre,- condamner les demandeurs aux dépens et à lui payer la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 13. Dans leurs dernières conclusions signifiées le 9 mai 2022, les sociétés BETC et BETC Digital demandent au tribunal de:- mettre la société BETC hors de cause et déclarer recevable l'intervention volontaire de la société BETC Digital,- rejeter les pièces no7.2, 7.3, et 46 versées aux débats par les demandeurs,- débouter les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes en ce que les caractéristiques musicales de l'oeuvre Claque-le sont dépourvues d'originalité, relèvent de l'appartenance à un genre, et ne sont donc pas protégeables par le droit d'auteur,- rejeter la demande d'expertise judiciaire comme inutile et tardive; à titre subsidiaire,- réduire les demandes indemnitaires à de plus justes proportions,- déclarer la demande d'interdiction sans objet,- rejeter les demandes de publication et de communication de pièces ; en tout état de cause, - condamner la société Schmooze à garantir la société BETC Digital de toute condamnation à son encontre,- condamner les demandeurs aux dépens et à leur payer, à chacune, la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 14. Dans ses dernières conclusions signifiées le 6 mai 2022, la SARL Schmooze demande au tribunal de :- rejeter les pièces no7.2, 7.3, 23 et 46 versées aux débats par les demandeurs,- débouter les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes en ce que les caractéristiques musicales de l'oeuvre Claque-le appartiennent au fonds commun et ne sont donc pas protégeables par le droit d'auteur,- rejeter la demande d'expertise judiciaire ; à titre subsidiaire,- réduire les demandes indemnitaires à 1.380 euros au titre de la perte subie, à 441,49 euros au titre des bénéfices injustement réalisés et rejeter les autres demandes,- déclarer la demande d'interdiction sans objet,- rejeter les demandes de publication et de communication de pièces,- ordonner la communication sous astreinte du contrat conclu entre la société Entreprise Sociétale d'Entreprenariat et la société Universal Music Publishing pour 2019 ; à titre plus subsidiaire, - dire que l'expert judiciaire ne pourra prendre appui que sur l'oeuvre Claque-le telle qu'exploitée, et non sa version instrumentale ; en tout état de cause, - condamner les demandeurs aux dépens et à lui payer la somme de 30.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 15. Dans leurs dernières conclusions signifiées le 6 mai 2022, la société Grand Musique Management et M. [F] [C] demandent au tribunal de débouter les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes et de les condamner aux dépens et à leur payer à chacun la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 16. L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 mai 2022. MOTIVATION I. Sur la mise hors de cause de la société [Localité 16] Bobois International 17. La société [Localité 16] Bobois International fait valoir qu'elle n'est pas à l'initiative de la composition de la musique du film publicitaire qu'elle a confié à la société BETC Digital, et qu'elle n'a eu aucun échange avec les demandeurs dont elle a écarté le titre pour sa campagne publicitaire. 18. Les demandeurs soulignent que la société [Localité 16] Bobois International a exploité l'oeuvre arguée de contrefaçon et ne saurait être mise hors de cause. Sur ce, 19. La société [Localité 16] Bobois International diffusant ou ayant diffusé la bande son litigieuse pour les besoins de sa communication, le grief de contrefaçon peut lui être fait et il n'y a pas lieu de la mettre hors de cause. II. Sur la mise hors de cause de la SA BETC 20. La société BETC fait valoir qu'elle n'a jamais pris part à la réalisation de la campagne publicitaire, comme le démontre le bon de commande du 7 août 2019 et les documents relatifs à la création et que l'utilisation du nom BETC par la société BETC Digital et par la société [Localité 16] Bobois dans les échanges est un raccourci, utilisé par souci de rapidité ou de simplicité. 21. Les demandeurs soulignent que, jusqu'à la présente instance, les éléments portés à sa connaissance faisaient référence à la société BETC et que la confusion était entretenue entre les deux personnes morales. Ils ajoutent qu'il n'est aucunement démontré que la SA BETC n'a pas été chargée de la campagne publicitaire alors qu'elle apparaît comme son auteur aux yeux des tiers. Sur ce, 22. Le juge de la mise en état a été saisi de la même demande en 2021 sur le fondement des articles 31 et 32 du code de procédure civile. 23. Dans son ordonnance du 13 août 2021, il a rejeté la fin de non recevoir, considérant que le moyen relevait de l'examen de l'affaire au fond dès lors que « dans le cas d'espèce s'il est vérifié que c'est bien la société BETC Digital qui a répondu aux réclamations formulées, établi le devis du 7 août 2019, pour «une production musique» et enfin adressé à la société Schmooze une commande qui lui a été facturée le 23 août suivant (pièces RB2 et BETC 2, OX 28 et 32), il ne peut s'en déduire que la société BETC SA serait pour autant complètement étrangère aux actes litigieux alors que dans un courrier daté du 14 novembre 2019 conjointement établi avec la société Schmooze, elle indique elle-même avoir « consacré des budgets non négligeables pour la production de l'enregistrement de l'oeuvre fin de page 9 de l'ordonnance ». Ce dernier courrier était une lettre recommandée avec accusé de réception adressée à la société Sony Music par la société Schmooze et la société BETC, clairement identifiée par son numéro de RCS et signé de sa directrice juridique, peu susceptible de faire erreur sur la personne. 24. Or, malgré cette motivation et malgré les demandes de précision des demandeurs sur ce point, ni la SA BETC, ni la société BETC Digital, ni la société [Localité 16] Bobois International n'ont produit de pièce permettant de déterminer à qui la société [Localité 16] Bobois International a confié le contrat publicitaire, et laquelle des deux a réalisé le film publicitaire litigieux.Au surplus, comme le soulignent les demandeurs, jusqu'au 21 octobre 2021, la société [Localité 16] Bobois International ne désignait son co-contractant dans la présente instance que comme la société BETC. Dans ces conditions, les pièces du dossier démontrent la participation tant de la société BETC que de la société BETC Digital à la campagne publicitaire incluant la contrefaçon alléguée. 25. Il n'y a donc pas lieu de mettre la société BETC hors de cause. III. Sur les interventions volontaires de la société BETC Digital, de M. [F] [C] et de la société Grand Musique Management 26. La société BETC Digital a commandé à la société Schmooze, le 7 août 2019, la musique arguée de contrefaçon pour le film publicitaire. Son intérêt à défendre justifie que son intervention volontaire soit déclarée recevable. 27. M. [F] [C] et la société Grand Musique Management ont respectivement composé, interprété et produit la musique arguée de contrefaçon.Leur intérêt à défendre justifie que leur intervention volontaire soient déclarées recevables. IV . Sur le rejet de pièces 28. Les sociétés Schmooze, BETC et BETC Digital demandent le rejet des pièces suivantes versées aux débats par les demandeurs : la pièce no7.2 (partie instrumentale de l'oeuvre Claque-le), la pièce no7.3 (partie instrumentale du refrain de l'oeuvre Claque-le et partie principale de l'oeuvre seconde) et la pièce no46 (rapport d'expertise de Mme [M] [Y] du 9 décembre 2019) pour défaut de force probante en ce que la version instrumentale n'est pas l'oeuvre exploitée - et n'est donc pas comparable à [D] - et que le rapport de Mme [Y] du 9 décembre 2019, qui compare cette version instrumentale avec [D], est donc vicié. 29. La société Schmooze sollicite également le rejet de leur pièce no23 (procès-verbal de constat du 23 octobre 2019 et CD-[Localité 17] annexé) en ce que, d'une part, l'huissier n'a pas expliqué la provenance du lien URL qu'il a suivi en premier et, d'autre part, parce qu'il n'a pas vidé la mémoire cache de son ordinateur lorsqu'il a ouvert une deuxième page web. 30. Les demandeurs soutiennent que le défaut de force probante n'est pas un motif de rejet d'une pièce du dossier et que la seule circonstance que l'huissier n'ait pas vidé la mémoire cache de son ordinateur entre le constat du lien WeTransfer et le constat d'une exploitation du film litigieux sur YouTube, n'est pas de nature à vicier ses premières constatations, ni mêmes les secondes. Sur ce, 31. Les parties sont libres dans l'administration de la preuve des faits à l'appui de leurs demandes dans les limites des principes de loyauté et licéité. 32. Les pièces 7.2 et 7.3 des demandeurs sont respectivement la version instrumentale de Claque-le et les enregistrements successifs de la partie instrumentale du premier refrain de ce titre et de [D], destinées à mettre en évidence les similitudes entre ces compositions. Elles ne sont ni trompeuses, ni dénaturées, ni déloyales, de sorte qu'il n'y a pas lieu de les écarter des débats.La pièce 46 est le rapport de Mme [Y] du 9 décembre 2019 qui ne confond pas le titre Claque-le avec son refrain ni, à plus forte raison, avec son refrain en version instrumentale. Il n'y a donc pas lieu de l'écarter des débats. 33. Pour l'établissement de procès-verbaux de constat sur internet, les commissaires de justice doivent respecter un protocole prétorien qui vise à créer un environnement neutre et sûr aux constatations ; ils suivent majoritairement la norme AFNOR NF Z67-147 du 11 septembre 2010, recueil de bonnes pratiques, qui n'est cependant pas obligatoire, cette norme n'étant pas consultable gratuitement sur le site de l'AFNOR. 34. Pour l'établissement du constat du 23 octobre 2019, Me [J] [B] a décrit l'exécution du protocole précité et notamment la suppression des historiques de navigation et le vidage de la mémoire cache. 35. La société Schmooze ne précise pas en quoi sont critiquables les constatations faire à partir d'une adresse URL figurant sur un courriel versé aux débats (pièce no17 des demandeurs), ni en quoi la validité du procès-verbal serait affectée par la consultation de deux sites web successivement.Il n'y a donc pas lieu d'écarter cette pièce des débats. V. Sur l'originalité de Claque-le 36. Les demandeurs font valoir que :- l'originalité de l'oeuvre Claque-le réside dans la combinaison des éléments suivants :« - une instrumentation délibérément axée sur le rythme, consistant en trois synthétiseurs mêlés à des percussions aux sonorités sèches (caisses claires, shakers, claquements de doigts et battements de mains) ;- des roulements de batterie très fréquents, introduisant le morceau et chacun des refrains ;- une voix féminine répétant la même note de manière hachée, en synchronisation avec ces roulements ;- un couplet faiblement mélodique et composé presque uniquement d'éléments rythmiques ;- un refrain au rythme syncopé et haché d'inspiration latine, typique du Son cubain ;- une progression d'accords parfaitement arbitraire au sein de ce refrain ;- l'ajout, à la gamme de sol mineur, de la note de mi bécarre, légèrement dissonante et faisant passer cette gamme en mode dorien, qui est une couleur modale particulière» ;- la partie instrumentale de Claque-le est originale ;- le logiciel de composition est un outil pour le créateur, au même titre que les méthodes traditionnelles, il ne crée pas le morceau de musique ;- l'expert missionné par la société Schmooze a jugé banales de nombreuses caractéristiques de l'oeuvre Claque-le mais n'a trouvé aucune oeuvre antérieure réunissant ces caractéristiques, ce qui constitue un indice de son originalité;- les 7 enregistrements communiqués par société Grand Musique Management et M. [F] [C] ont au maximum deux caractéristiques communes avec Claque-le ;- les antériorités alléguées par les sociétés Schmoozeet BETC ne sont pas versées au dossier. 37. La société [Localité 16] Bobois International soutient que :- l'ensemble des caractéristiques prétendument originales (roulements de batterie, musique essentiellement rythmique, tonalité en sol mineur, mode dorien, etc.) appartiennent au fonds commun, comme le retiennent les deux rapports d'expertise;- cet ensemble de caractéristiques occulte le caractère prédominant de la partie chantée sur l'ensemble du titre Claque-le. 38. Les sociétés BETC et BETC Digital font valoir que :- la version instrumentale de Claque-le, et plus particulièrement de son refrain, fonde les prétentions des demandeurs;- les éléments de Claque-le que les demandeurs invoquent comme ayant été repris par [D] (style electro, tempo, tonalité, instrumentation et motif rythmique) sont « des éléments du fonds commun qui ne sauraient faire l'objet d'aucun monopole», seules les paroles étant originales dans l'oeuvre première;- les deux oeuvres sont constituées de programmations, de libre parcours, incompatible avec l'idée de création individuelle propre, d'expression de la personnalité et d'originalité. La société Schmooze s'associe aux observations sur ces points des sociétés BETC et BETC Digital et soutient que la prédominance des voix et des paroles de la chanson est la caractéristique exclusive de Claque-le. 39. La société Grand Musique Management et M. [F] [C] ne contestent pas l'originalité. Sur ce, 40. Les dispositions de l'article L.112-1 du code de la propriété intellectuelle protègent par les droits d'auteur toutes les oeuvres de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination, pourvu qu'elles soient des créations originales. Sont ainsi considérées, aux termes de l'article L. 112-2, 5o de ce code, comme des oeuvres de l'esprit "les compositions musicales avec ou sans paroles".L'originalité de l' oeuvre ressort notamment de partis pris esthétiques et de choix arbitraires qui lui donnent une forme propre de sorte qu'elle porte ainsi l'empreinte de la personnalité de son auteur. 41. Les caractéristiques de la chanson Claque-le, ci-dessus énumérées, revendiquées par les défendeurs au titre de l'originalité, créent une combinaison singulière, qui exprime des choix esthétiques arbitraires exprimant la personnalité et les efforts créatifs de leurs auteurs.Il est indifférent que certaines de ces caractéristiques, prises isolément, soient banales ou appartiennent au fonds commun des musiques actuelles. Au demeurant, les défendeurs échouent à citer des oeuvres antérieures présentant plus de deux de ces caractéristiques combinées, ce qui témoigne de la recherche créative réalisée. 42. Les sociétés BETC et BETC Digital ne sauraient être suivies lorsqu'elles soutiennent que la composition par ordinateur est incompatible avec l'idée de création individuelle propre, d'expression de la personnalité et d'originalité, dès lors qu'il ne s'agit que d'un outil au service de la créativité des auteurs. 43. C'est, en revanche, à juste titre que les défendeurs font valoir que l'originalité du titre Claque-le résulte également des paroles et du chant (ou plutôt de l'articulation, s'agissant de paroles plus scandées que chantées) mais les seules caractéristiques invoquées par les demandeurs suffisent à caractériser l'originalité de cette chanson, qui est donc protégeable par le droit d'auteur. VI. Sur la contrefaçon de Claque-le par [D] 44. Les demandeurs font valoir que :- l'oeuvre [D] comporte les éléments harmoniques (tonalité sol mineur avec un mi bécarre), rythmiques (tempo de 104 battements par minute, mesure à 4 temps, rythme cubain nommé son, joués par caisse claire et grosse caisse secs et souvent en roulements rapides) et mélodiques (musique électronique plus rythmique que mélodique, instrumentation - par synthétiseurs, nappes de voix, toms, claquements de mains et de doigts et shakers - identique) de l'oeuvre Claque-le ainsi que le démontrent la simple écoute des deux morceaux et l'analyse des rapports d'expertise non contradictoires versés au dossier ;- elle reprend la même introduction (un roulement rythmique saccadé à la caisse claire, renforcé par une partie vocale hachée, sur une mesure), le refrain (8 mesures de 4 temps d'une durée totale de 19 secondes) et se conclut par l'introduction de Claque-le ;- ces ressemblances excluent une ressemblance fortuite, de même que les échanges entre les parties avant que la composition soit confiée à M. [C] ;- les différences sont inopérantes pour caractériser la contrefaçon et celles invoquées en défense sont, en toute hypothèse, illusoires ;- dès le 29 mai 2019, la synchronisation réalisée par la société Superette pour le film publicitaire en réalisation durait 26 secondes, et reprenait déjà l'introduction et le refrain de la chanson, comme [D] ;- la société [Localité 16] Bobois International a diffusé les films incorporant la musique contrefaisante, qui ont précisément pour objet sa promotion ;- la société BETC Digital a commandé l'oeuvre litigieuse à la société Schmooze et l'a facturée sa cliente ;- la société BETC a participé à la production comme en témoignent son propore profil Facebook, les demandes formées à son encontre par la société [Localité 16] Bobois International jusqu'en octobre 2021 et deux sites spécialisés qui la présentent comme auteure de cette campagne publicitaire ;- la société Schmooze était responsable de la production et de la composition de l'oeuvre d'après sa facture no19345 du 23 août 2019 ;- la SAS Grand Musique Management et M. [F] [C] ont reproduit et représenté Claque-le ;- si le Tribunal ne s'estimait pas suffisamment éclairé, il pourrait ordonner une mesure d'expertise. 45. La société Grand Musique Management et M. [F] [C] soutiennent que :- la société Schmooze leur avait donné la référence des atmosphères et sonorités des artistes Flume et Ratatat et de la rythmique d'une oeuvre de Snoop Dog et Pharell Williams et aucunement de l'oeuvre Claque-le ;- les deux oeuvres ont en commun la tonalité, le tempo et le style de musique, caractéristiques banales, et diffèrent dans leur durée, le fait que l'une est instrumentale et l'autre vocale, les mélodies et les structures;- les boucles harmoniques et le motif rythmique sont différents, comme le démontre la comparaison des partitions midi (la partition de Claque-le ayant été reconstituée par M. [C]), de sorte que chaque oeuvre garde une identité propre sans risque de confusion ;- les éléments communs aux deux oeuvres, comme la partie rythmique commune aux synthétiseurs et à la batterie (clave 3-2 très habituelle en musique cubaine, en musique électro et dans la musique brésilienne de style Baile funk) et comme le roulement de caisses claires en fin de séquence, sont des éléments banals qui appartiennent au fonds commun et ne sont pas protégeables par le droit d'auteur. 46. La société Schmooze soutient que :- [D] est une oeuvre instrumentale de musique électronique, prenant en référence les codes de Ratatat ;- les ressemblances alléguées par les demandeurs ne portent pas sur la mélodie, différente, ni sur les harmonies, différentes, mais sur la rythmique des deux morceaux, or cette rythmique est banale et antérieure de sorte que les différences mélodiques et harmoniques revêtent d'autant plus d'importance et montrent que les oeuvres sont sans rapport ;- aucune des caractéristiques revendiquées comme originales (style électro, tempo, tonalité et instrumentation) ne le sont, elles sont au contraire très courantes dans les musiques actuelles ;- Claque-le ne commence pas par un break d'introduction, comme [D], ce break intervient seulement à la 21ème seconde et sur une autre note, tandis que les voix superposées prononcent un son différent ;- le refrain de 19 secondes, repris 4 fois de façon variée dans Claque-le, comporte des voix et des boucles harmoniques différentes même si les accords de début et fin de cycle sont identiques dans la boucle harmonique principale mais non dans la boucle harmonique alternative et les deux accords des 2ème et 3ème mesures sont bien différents même si une seule note diffère car c'est la note fondamentale ;- la partie rythmique du synthétiseur et de la batterie identique des deux oeuvres (la clave 3-2 doublée) est très habituelle en musique latine ;- il n'existe aucune ressemblance mélodique ;- une mesure d'expertise judiciaire serait redondante et de nature a alourdir les frais et la durée de la procédure. 47. Les sociétés BETC et BETC Digital font valoir que :- en cas de contrefaçon par imitation, la comparaison entre l'oeuvre première et l'oeuvre seconde doit avoir lieu au regard des versions des oeuvres telles qu'elles sont effectivement exploitées, de sorte que la démonstration des demandeurs qui se fonde sur la version instrumentale de Claque-le et plus particulièrement de son refrain est inopérante ;- l'oeuvre seconde ne reprend pas les caractéristiques de l'oeuvre première en l'absence des voix et des paroles chantées et en présence de mélodies différentes et en ce que l'impression d'ensemble produite est différente ;- l'utilisation d'outils de programmation et d'instruments virtuels pour la composition et l'interprétation mène à une uniformisation des sons, ce qui explique les sons similaires et la rythmique issue de la musique cubaine Son retrouvés dans les deux oeuvres; - au contraire, il existe de multiples différences entre les deux oeuvres musicales: leur durée, l'élément mélodique du refrain, l'élément rythmique du couplet, les séquences de notes et les figures rythmiques, les parties vocales, la partie de basse, la qualité sonore des toms et la note répétée dans le break d'introduction, de sorte qu'aucune confusion n'est possible ;- dans son courrier du 7 novembre 2019, la société Sony Music Entertainment France n'invoquait que des agissements parasitaires ;- l'imitation est exclue au vu de la volonté expresse de l'annonceur [Localité 16] Bobois de ne pas utiliser Claque-le pour sa campagne ;- la demande d'expertise judiciaire est tardive et inutile, deux des trois experts inscrits auprès de la cour d'appel de Paris ayant déjà donné leur avis aux parties. 48. La société [Localité 16] Bobois International s'associe à l'analyse des sociétés Schmooze et BETC en insistant sur le caractère biaisé du rapport de Mme [Y] qui est basé sur la version instrumentale du refrain, et non l'oeuvre complète Claque-le, faisant abstraction du texte chanté, pourtant omniprésent et lui conférant toute sa singularité, sur le fait que certaines similarités ne résultent pas d'une reprise des caractéristiques du titre Claque-le par l'oeuvre [D] mais simplement de l'usage d'un même procédé de composition et sur l'impression différente produite par les deux oeuvres en l'absence de paroles, de reprise des éléments mélodiques, des différences d'instrumentation et sur les différences entre les deux oeuvres.Elle ajoute qu'elle est respectueuse des droits des auteurs et qu'elle n'avait pas souhaité collaborer avec le groupe Bagarre, de sorte que les éventuelles similitudes entre les oeuvres ne peuvent résulter que d'une rencontre fortuite résultant d'une source d'inspiration commune. Sur ce, 49. Aux termes de l'article L. 121-1 du code de la propriété intellectuelle l'auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son oeuvre.En application des dispositions des articles L122-1 et L122-4 du code de la propriété intellectuelle le droit d'exploitation appartenant à l'auteur comprend le droit de représentation et le droit de reproduction, et toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite.Il en est de même pour la traduction, l'adaptation ou la transformation, l'arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque. 50. La contrefaçon d'une oeuvre protégée par le droit d'auteur, voire de certains de ses éléments, consiste dans la reprise de ses caractéristiques reconnues comme étant constitutives de son originalité.La contrefaçon s'apprécie selon les ressemblances et non d'après les différences. Elle ne peut toutefois être retenue lorsque les ressemblances relèvent de la reprise d'un genre ou d'éléments banals qui appartiennent à un fonds commun de la création musicale, et non de la reproduction de caractéristiques spécifiques de l'oeuvre première. 51. Trois experts ont comparé les deux pièces à la demande des parties : M. [S] [H] le 24 octobre 2019 et M . [G] [W] le 6 octobre 2021 à l'initiative de la société Schmooze et Mme [M] [Y] le 9 décembre 2019 et le 19 novembre 2021 à l'initiative de la société Entreprise Sociétale d'Entreprenariat.Le rapport de M. [H] n'apparaît guère probant en ce qu'il est particulièrement bref et donc peu étayé et que sa rigueur est sujette à caution au regard notamment de son avis sur la tonalité de [D], qui contredit celle des autres experts et des parties.M . [G] [W] et Mme [M] [Y] sont inscrits sur la liste des experts de la cour d'appel de Paris dans la spécialité musique. Leurs analyses sont suffisamment précises pour qu'une expertise judiciaire ne soit pas ordonnée. 52. Claque-le est une chanson d'une durée de 3 minutes et 43 secondes, comportant une introduction, un refrain d'une durée de 19 secondes, répété quatre fois et comportant trois couplets tandis que [D] est une composition instrumentale d'une durée de 26 secondes.Comme le soutiennent les demandeurs, l'examen de la contrefaçon ne saurait être basé sur une comparaison de la version instrumentale de Claque-le et seules les analyses des oeuvres telles qu'exploitées seront prises en compte par le tribunal. 53. M. [W] et Mme [Y] constatent tous deux l'identité de style (électro), de tonalité (sol mineur avec introduction du mi bécarre faisant passer celui-ci en mode dorien), de mesure (4 temps par mesure), de construction sur un cycle harmonique de 4 mesures qui se répète et de tempo (104 battement par minute) entre les deux oeuvres. Ils relèvent également une instrumentation commune (synthétiseurs, batterie électronique, claviers électroniques, sons de percussions électroniques, samples et effets) mais Claque-le utilise une voix féminine, des choeurs mixtes et des claquements de mains et de doigts tandis que [D] utilise juste une voix de synthèse. 54. La contrefaçon alléguée porte plus particulièrement sur le refrain de Claque-le, qui comporte la combinaison précitée des caractéristiques originales de l'oeuvre que sont : - l'instrumentation délibérément axée sur le rythme, consistant en trois synthétiseurs mêlés à des percussions aux sonorités sèches (caisses claires, shakers, claquements de doigts et battements de mains) ; - les roulements de batterie à la caisse claire ; - une voix féminine répétant la même note de manière hachée, en synchronisation avec ces roulements ; - un rythme syncopé et haché d'inspiration latine, typique du Son cubain ; - une progression d'accords parfaitement arbitraire au sein de ce refrain ; - l'ajout, à la gamme de sol mineur, de la note de mi bécarre, légèrement dissonante et faisant passer cette gamme en mode dorien, qui est une couleur modale particulière,et qui ne relève pas d'un genre ni du fonds commun de la création musicale. 55. Ce refrain, d'une durée de 19 secondes, est introduit par un roulement de caisse claire et comporte 2 cycles de 4 mesures sur un rythme syncopé enchaînant harmoniquement les accords suivants : G-, G-/F, C/E- et Eb (M. [W] identifie une boucle alternative mais ne la situe pas et indique qu'elle est rarement utilisée dans l'oeuvre). 56. [D] est une composition instrumentale d'une durée de 26 secondes, constituée d'une introduction de 3 secondes composée d'un roulement de caisse claire allant en s'accélérant, sur laquelle une voix de synthèse répète le son « è » la même note sur le même rythme suivi d'un silence, d'une partie principale de 19 secondes durant lesquelles sont jouées deux boucles de 4 mesures à 4 temps, séparées par un roulement de caisse claire, sur un rythme syncopé enchaînant harmoniquement les accords suivants : G-, D-, E- et Eb et d'une reprise avec diminution du volume pendant 4 secondes. 57. De l'analyse faite par les deux experts, il s'infère que [D] emprunte au refrain de Claque-le le roulement de caisse claire avec une voix à l'unisson rythmique en attaque, une instrumentation similaire (synthétiseurs, nappes, voix transformées et sons de batterie), le motif rythmique caractéristique de clave 3-2 doublée, la structure (deux boucles de 4 mesures), la tonalité ainsi que le premier et le dernier accord de la boucle harmonique qui en comporte 4, c'est-à-dire l'ensemble des caractéristiques qui ont l'originalité de l'oeuvre première.Quand bien même elles seraient, chacune, usitées dans le genre électro ou de musique cubaine ou relevant du fonds commun de la création musicale - ce qui n'est d'ailleurs contesté par personne et admis par tous les experts - leur combinaison constitue l'originalité de l'oeuvre. 58. Il existe une différence harmonique sur deux accords par boucle harmonique. Celle-ci est discrète en ce qu'une tierce reste commune entre les accords différents d'une oeuvre à l'autre.De plus, la ligne mélodique de la basse est différente mais son rythme est identique dans les deux pièces, dont il est souligné par les experts qu'elles sont majoritairement rythmiques et faiblement mélodiques.Ces différences n'effacent pas l'impression de similarité qui se dégage de la comparaison. 59. Enfin, les pièces versées à titre d'antériorités par les défendeurs (pièces 11à18 de M. [C]) ne présentent pas, à l'écoute, la moindre ressemblance d'ensemble avec les deux oeuvres litigieuses, pas plus que les inspirations évoquées par M. [C] (atmosphères et sonorités de Flume et Ratatat et rythmique de Drop it like it's hot de Snoop Dog et Pharell Williams), de sorte que les ressemblances entre les deux oeuvres ne sont rattachables à aucune inspiration commune. Quant à l'éventualité d'une rencontre fortuite, elle est totalement écartée par le contexte de la création rappelé dans le rappel des faits qui montre que toutes parties avaient eu accès à Claque-le avant la commande de [D].. 60. Il y a donc lieu de retenir que [D] constitue une contrefaçon de Claque-le. VII. Sur les mesures de réparation 1. Sur les dommages et intérêts et le droit d'information 61. Les demandeurs font valoir que :- la réticence des défendeurs à fournir des pièces justifie leur condamnation, sous astreinte, à produire les éléments contractuels et comptables de la campagne publicitaire depuis 2020, ainsi que des correspondances nécessaires à l'identification du rôle de chacune des défenderesses, à la détermination de l'étendue de la contrefaçon et à l'évaluation des préjudices subis par les demandeurs ;- les correspondances versées aux débats selon lesquelles la société [Localité 16] Bobois International, après s'être vue proposer une reprise dans le même style que Claque-le et avoir demandé une oeuvre « nettement différente » sont incompatibles avec l'acceptation d'une oeuvre très semblable ;- les défenderesses évoquent le secret des affaires sans jamais expliquer en quoi la demande de production formée par les demandeurs y porterait concrètement atteinte :- la synchronisation, c'est-à-dire l'inclusion des oeuvres musicales dans des oeuvres secondes, souvent audiovisuelles, compte aujourd'hui parmi les sources les plus importantes de revenus pour les acteurs du secteur ;- en synchronisant une oeuvre ressemblant en tous points à Claque-le, qui est l'oeuvre la plus célèbre du groupe Bagarre et du catalogue de la société Entreprise Sociétale d'Entreprenariat, dans une campagne publicitaire d'envergure mondiale, pour un annonceur célèbre, les contrefacteurs les ont privés non seulement de la rémunération qu'ils auraient pu percevoir au titre de cette synchronisation mais aussi de la possibilité de voir leur oeuvre synchronisée pour une autre campagne publicitaire ;- au contraire, les défenderesses ont fait des bénéfices en accaparant la rémunération des auteurs et en bénéficiant des retombées économiques du film publicitaire ;- la contrefaçon puis le comportement des défenderesses dans les pourparlers puis la procédure sont à l'origine d'un préjudice moral considérable ;- il a été porté atteinte à leur droit au respect de l'oeuvre, qui a été altérée pour dissimuler la contrefaçon, et à leur droit à la paternité par absence de mention. 62. La société Grand Musique Management et M. [F] [C] soutiennent que :- les demandes à titre de dommages et intérêts sont exorbitantes ;- [D] n'a pas été déposé à la SACEM « à leur connaissance », ils ne disposent donc d'aucune reddition de compte et n'ont perçu aucune redevance d'exploitation. 63. Les sociétés BETC et BETC Digital font valoir que :- les demandes à titre de dommages et intérêts sont exorbitantes ;- la notoriété de Claque-le est faible, de sorte que le coût de la synchronisation l'aurait été aussi ;- le budget de 40.000 euros serait revenu pour moitié au producteur du phonogramme, la société Sony Music Entertainment France, pour 10 % au gestionnaire éditorial, la société Universal Music Publishing, et seulement le solde aux demandeurs et aucun renouvellement n'aurait eu lieu vu l'arrêt de l'exploitation ;- la perte de chance et le préjudice moral ne sont pas démontrés ;- les bénéfices injustement réalisés doivent tenir compte de ce que l'oeuvre seconde reprend 11,5 % de Claque-le ;- les atteintes au droit moral sont injustifiées puisque les demandeurs étaient d'accord pour la synchronisation et qu'il n'est pas usuel de citer les auteurs dans les films publicitaires ;- seul le préjudice subi sur le territoire français peut être demandé;- les relations entre les sociétés BETC Digital et [Localité 16] Bobois n'ont pas été formalisées par un contrat spécifique, excepté le devis du 7 août 2019, de même que celles avec la société Schmooze et il n'existe pas d'autre facture que celles versées aux débats. 64. La société Schmooze formule les mêmes observations que les sociétés BETC et BETC Digital, précisant que ses bénéfices sont d'un montant total de 3.839 euros et qu'elle n'a reçu aucune redevance proportionnelle à l'exploitation. Elle demande la production du contrat conclu avec la société Universal Music Publishing pour connaître la commission de celle-ci. 65. La société [Localité 16] Bobois International développe les mêmes arguments que les sociétés BETC, BETC Digital et Schmooze sur les dommages et intérêts sollicités à titre provisionnel ou définitif.Elle soutient qu'elle n'a pas formalisé de contrat avec l'agence BETC Digital, à l'exception du devis du août 2019 précité et que toutes les factures ont été communiquées. Sur ce, 66. Selon l'article L. 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle, « Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :1o Les conséquences économiques négatives de l'atteinte aux droits, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;2o Le préjudice moral causé à cette dernière ;3o Et les bénéfices réalisés par l'auteur de l'atteinte aux droits, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de l'atteinte aux droits.Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si l'auteur de l'atteinte avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée ». 67. Ces dispositions, issues de la transposition de la directive 2004/48 du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle (considérant 26 et article 13), visent à ce que la détermination du dommage tienne compte de ces différents aspects économiques, qui ne constituent pas des chefs de préjudices cumulables. En particulier, les bénéfices réalisés par les auteurs des atteintes n'ont pas vocation à être captés par la partie lésée mais sont destinés à évaluer objectivement son préjudice réel. 68. L'article L.331-1-2 du code de la propriété intellectuelle prévoit : « Si la demande lui est faite, la juridiction saisie au fond ou en référé d'une procédure civile prévue aux livres Ier, II et III de la première partie peut ordonner, au besoin sous astreinte, afin de déterminer l'origine et les réseaux de distribution des marchandises et services qui portent prétendument atteinte aux droits du demandeur, la production de tous documents ou informations détenus par le défendeur ou par toute personne qui a été trouvée en possession de telles marchandises ou fournissant de tels services ou a été signalée comme intervenant dans la production, la fabrication ou la distribution de ces marchandises ou la fourniture de ces services.La production de documents ou d'informations peut être ordonnée s'il n'existe pas d'empêchement légitime.». 69. S'agissant de leur manque à gagner, les demandeurs invoquent la rémunération qu'ils auraient pu percevoir à l'occasion de la synchronisation de leur oeuvre, de ses éventuels renouvellements, la rémunération proportionnelle pour la reproduction mécanique et les exécution publiques et la possibilité de voir leur oeuvre synchronisée pour une autre campagne. 70. Le calcul de la rémunération manquée peut être fait sur la base des pièces versées au dossier qui indiquent le budget musique de l'annonceur et la facturation conforme à ce budget de M. [C] et la société Grand Musique Management, la société Schmooze et la société BETC.Ce budget s'élève à 40.000 euros hors taxes et aucune circonstance ne permet de supposer que ce budget aurait pu être négocié à la hausse. En effet, la notoriété de Claque-le et l'absence de tout autre contrat antérieur de synchronisation de leurs oeuvres pour le groupe Bagarre le dément.Aucun renouvellement n'a eu lieu pour l'oeuvre [D] du fait de la présente instance et l'éventualité en est hypothétique, de sorte qu'il en sera tenu compte à hauteur de 4.000 euros. 71. Il n'est pas discuté que la moitié de ce montant devait revenir au producteur de phonogramme et 10 % au gestionnaire éditorial ; en revanche, l'abattement de 25% pour la reprise du seul refrain, auquel prétend les sociétés Schmooze, BETC et BETC Digital n'est aucunement justifié. Le manque à gagner s'élève donc à 17.600 euros (40 % de 44.000 euros) pour l'ensemble des demandeurs, producteur et auteurs. 72. La réparation du préjudice relatif au gain manqué pour la synchronisation de l'oeuvre dans le cadre de la campagne de la société [Localité 16] Bobois International et ses renouvellements ne saurait se cumuler avec la perte de chance de voir l'oeuvre synchronisée pour une autre campagne, à supposer que soit démontrée la réalité de cette perte de chance. 73. M. [C] et la société Grand Musique Management indiquent n'avoir effectué aucun dépôt et, le répertoire de la SACEM étant public, il ne saurait être exigé d'eux la preuve négative de l'absence de dépôt, de même qu'aucune injonction de communiquer ne saurait leur être faite. 74. Les circonstances de l'espèce rappelées supra montrent de la part des sociétés défenderesses une détermination à conserver le bénéfice de l'oeuvre Claque-le pour le film sans y associer les titulaires de droits.Il en résulte l'existence d'un préjudice moral des parties lésées. 75. S'agissant des bénéfices injustement réalisés, il s'évince du budget et des factures versés aux débats que :- la société Grand Musique Management et M. [C] ont perçu, ensemble, une rémunération de 10.000 euros,- la société Schmooze a perçu une rémunération de 30.084 euros et fait un bénéfice de 3.839 euros sur la composition litigieuse, BETC et BETC Digital n'ont pas fait de bénéfice sur la sonorisation du film. Il est inutile d'avoir recours aux autres pièces contractuelles relatives à la campagne publicitaire pour la solution du présent litige.La société [Localité 16] Bobois International recourt en permanence à de nombreuses publicités sur de nombreux supports, y compris audiovisuels. Si elle ne divulgue pas le budget total consacré aux deux films publicitaires en cause, le bénéfice réalisé ne saurait, en toute hypothèse, être évalué à partir de ce montant. De plus, la sonorisation est un élément secondaire de l'effet produit, l'expert [W] l'ayant en l'espèce qualifiée "de musique d'habillage". Par conséquent, quand bien même il serait fait droit à la demande de production de "l'historique complet de leurs diffusions" et de "l'intégralité des factures d'achat d'espace liées à cette campagne publicitaire", le calcul du gain illicite issu de l'exploitations des deux films publicitaires dont la bande son est l'oeuvre contrefaisante n'est pas possible et apparaît, en toute hypothèse, dérisoire. 76. La prise en considération de l'ensemble de ces éléments permet de fixer les dommages et intérêts en réparation de la contrefaçon à la somme de 25.000 euros pour l'ensemble des demandeurs, ainsi qu'il est demandé. Pour les motifs précités (point 67), l'ensemble des demandes dirigées contre les défendeurs en restitution des bénéfices injustement réalisés sont rejetées. 77. S'agissant de l'atteinte au droit moral des auteurs, il n'est pas discuté qu'il n'est pas d'usage de citer les noms des auteurs des films publicitaires eu égard à leur brièveté et l'absence de générique, de sorte que le droit à la paternité des demandeurs n'est pas affecté.L'oeuvre contrefaisante présente avec le titre Claque-le des différences d'orchestration et d'harmonie, ci-dessus décrites, qui, sans effacer la similarité entre elle en ont altéré le caractère et la singularité, portant atteinte au droit à l'intégrité de l'oeuvre. 78. Ce poste de préjudice est fixé à la somme de 1.500 euros par auteur et ne saurait être attribué à la société Entreprise Sociétale d'Entreprenariat qui n'est pas titulaire de droit moraux sur l'oeuvre. 79. La société Grand Musique Management et M. [F] [C] sont à l'origine de la contrefaçon.Il résulte des circonstances de l'espèce rapportées supra que les sociétés [Localité 16] Bobois International, BETC, BETC Digital et Schmooze connaissaient l'oeuvre Claque-le, pour l'avoir proposée à la synchronisation ou, pour la première, l'avoir expressément refusée ; dès lors, il ne pouvait leur échapper que l'oeuvre [D], commandée pour la circonstance, en constituait la contrefaçon.Il y a donc lieu de les condamner in solidum à payer les dommages et intérêts réparant l'atteinte aux droits patrimoniaux et au droit moral des auteurs. 80. La demande de communication de l'ensemble des correspondances échangées par les parties et des autres pièces citées, outre qu'elle n'est pas assez précise pour faire l'objet d'une injonction sous astreinte, est inutile à la solution du litige dès lors que l'intention est indifférente en matière de contrefaçon. Elle est rejetée, de même que la demande de la société Schmooze de voir ordonner la communication du contrat conclu par la société Entreprise Sociétale d'Entreprenariat avec la société Universal Music Publishing. 2. Sur les mesures d'interdiction et de publication 81. Les demandeurs font valoir que :- l'oeuvre musicale contrefaisante a continué à être exploitée après septembre 2020, contrairement aux affirmations de la société [Localité 16] Bobois International et de la société Schmooze, et l'a même été de manière massive, ce qui justifie des mesures d'interdiction sous astreinte ;- la diffusion extrêmement large de la musique contrefaisante aggrave leurs préjudices en ce que de nombreux consommateurs ont cru que l'oeuvre litigieuse était une composition originale, de sorte que seule une mesure de publication permettra de les rétablir dans leurs droits. 82. Les sociétés BETC et BETC Digital font valoir que [D] n'est plus exploitée depuis le 31 août 2021, ou seulement par « quelques liens résiduels » et que rien ne justifie une mesure de publication. 83. La société [Localité 16] Bobois International s'oppose aux mesures d'interdiction, précisant que le film n'est plus diffusé avec la musique litigieuse depuis septembre 2020. Quant aux mesures de publication, elle les estime disproportionnées. Sur ce, 84. L'article L. 331-1-4 du code de la propriété intellectuelle dispose notamment : « En cas de condamnation civile pour contrefaçon, atteinte à un droit voisin du droit d'auteur ou aux droits du producteur de bases de données, la juridiction peut ordonner, à la demande de la partie lésée, que les objets réalisés ou fabriqués portant atteinte à ces droits, les supports utilisés pour recueillir les données extraites illégalement de la base de données et les matériaux ou instruments ayant principalement servi à leur réalisation ou fabrication soient rappelés des circuits commerciaux, écartés définitivement de ces circuits, détruits ou confisqués au profit de la partie lésée.La juridiction peut aussi ordonner toute mesure appropriée de publicité du jugement, notamment son affichage ou sa publication intégrale ou par extraits dans les journaux ou sur les services de communication au public en ligne qu'elle désigne, selon les modalités qu'elle précise.Les mesures mentionnées aux deux premiers alinéas sont ordonnées aux frais de l'auteur de l'atteinte aux droits. » 85. La contrefaçon étant caractérisée, les demandeurs sont bien fondés à demander l'interdiction de toute diffusion ou exploitation de l"oeuvre contrefaisante. 86. Il y a donc lieu de faire droit aux demandes d'interdiction d'exploitation de l'oeuvre musicale synchronisée dans les films publicitaires intitulés « Goûtez au French art de vivre », sous astreinte de 500 euros par infraction constatée, et d'interdiction du dépôt de cette oeuvre auprès de quelque organisme de gestion collective que ce soit. 87. Les affirmations répétées des défendeurs selon lesquelles l'exploitation du film ainsi sonorisé a cessé à partir du 1er septembre 2020 sont contredites par les constats d'huissier du 12 avril 2021 qui démontrent qu'à cette date deux films publicitaires comportant la bande son litigieuse étaient diffusés :- sur les sites spécialisés en publicité lareclame.fr et adforum.com, sous l'onglet BETC,- sur la page facebook de BETC- sur facebook .com vidéos,- sur 31 pages Facebook de magasins [Localité 16] Bobois en France et dans plusieurs pays étrangers,ce qui ne saurait être ramené à "des liens résiduels". 88. Il appartient aux défendeurs de prendre toutes les dispositions nécessaires à la cessation de la diffusion de l'oeuvre, quand bien même il s'agirait de « quelques liens résiduels ».Il est donc justifié lieu d'assortir l'interdiction d'une astreinte telle que figurant au dispositif. 89. En revanche, aucune circonstance ne justifie d'ordonner une mesure de publication judiciaire. VIII. Sur l'appel en garantie des sociétés BETC et BETC Digital contre la société Schmooze 90. Les sociétés BETC et BETC Digital font valoir que :- le bon de commande du 7 août 2019 s'analyse comme un contrat de louage d'ouvrage avec cession des droits patrimoniaux sur l'oeuvre musicale de la société Schmooze à la société BETC Digital ;- la société Schmooze lui doit donc la jouissance paisible des droits cédés et sa garantie. 91. La société Schmooze ne conclut pas sur cette demande. Sur ce, 92. L'article 1626 du code civil prévoit : « Quoique lors de la vente il n'ait été fait aucune stipulation sur la garantie, le vendeur est obligé de droit à garantir l'acquéreur de l'éviction qu'il souffre dans la totalité ou partie de l'objet vendu, ou des charges prétendues sur cet objet, et non déclarées lors de la vente. » 93. La société Schmooze a facturé à la société BETC Digital la production de la musique litigieuse et les droits d'exploitation. Les sociétés BETC et BETC Digital ayant été reconnues coupables de contrefaçon et la société Schmooze n'élevant aucune objection à l'appel en garantie, elles sont bien fondée à obtenir la garantie de leur vendeur pour les condamnations prononcées sur le fond. IX. Sur l'appel en garantie de la société [Localité 16] Bobois International contre les sociétés BETC et/ou BETC Digital 94. La société [Localité 16] Bobois International soutient que :- le devis de BETC Digital du 7 août 2019 indique qu'elle devait lui fournir les droits sur une musique originale composée pour l'occasion ;- elle lui doit garantie conformément au devis précité et aux stipulations du contrat-type établi par l'arrêté du 19 septembre 1961 régissant les rapports entre annonceurs et agents de publicité et au titre de la garantie d'éviction prévue à l'article 1626 du code civil précité. 95. Les sociétés BETC et BETC Digital ne concluent pas sur cette demande. Sur ce, 96. Les sociétés BETC et BETC Digital ont facturé à la société [Localité 16] Bobois International la production de la musique litigieuse et les droits d'exploitation. La société [Localité 16] Bobois International ayant été reconnue coupable de contrefaçon et les sociétés BETC et BETC Digital n'élevant aucune objection à l'appel en garantie, elle est bien fondée à obtenir la garantie de son vendeur pour les condamnations prononcées sur le fond. X . Sur les autres demandes 97. M. [F] [C] et les sociétés Grand Musique Management, [Localité 16] Bobois International, BETC, BETC Digital et Schmooze qui succombent sont condamnés aux dépens de l'instance. 98. Les demandeurs démontrent avoir exposé la somme totale de 56.426,38 euros (en frais d'expert musical, de constats d'huissier et d'avocat) pour établir la preuve et faire valoir leurs droits après de vaines tentatives de résolution amiable. L'équité justifie de condamner l'ensemble des défendeurs, in solidum et indépendamment des appels en garantie, à leur payer cette somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de rejeter les demandes des autres parties au même titre. L'exécution provisoire du présent jugement est de droit. PAR CES MOTIFS Rejette la demande de mise hors de cause de la SA BETC ; Rejette la demande de mise hors de cause de la société [Localité 16] Bobois International ; Dit n'y avoir lieu d'écarter des débats les pièces no 7.2, 7.3, 23 et 46 des demandeurs ; Déclare recevables les interventions volontaires de la SAS BETC Digital, de la société Grand Musique Management et de M. [F] [C] ; Ordonne l'interdiction d'exploitation de l'oeuvre musicale synchronisée dans les films publicitaires intitulés « Goûtez au French art de vivre », sous astreinte provisoire de 500 euros par infraction constatée pendant 6 six mois à compter d'un délai de 21 jours à compter de la signification du présent jugement ; Ordonne l'interdiction du dépôt de l'oeuvre [D] auprès de quelque organisme de gestion collective que ce soit et sa suppression des registres de tout organisme de gestion collective auprès duquel elle aurait été déposée ; Rejette les demandes formées au titre du droit d'information ; Rejette les demandes de publication du jugement ; Condamne in solidum M. [F] [C] et les sociétés Grand Musique Management, [Localité 16] Bobois International, BETC, BETC Digital et Schmooze à payer à la société Entreprise Sociétale d'Entreprenariat, Mme [P] [X], M. [L] [BY], M. [R] [N], M. [Z] [T] et M. [V] [O], ensemble, la somme de 25.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la contrefaçon de l'oeuvre Claque-le ; Condamne in solidum M. [F] [C] et les sociétés Grand Musique Management, [Localité 16] Bobois International, BETC, BETC Digital et Schmooze à payer à Mme [P] [X] la somme de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts ; Condamne in solidum M. [F] [C] et les sociétés Grand Musique Management, [Localité 16] Bobois International, BETC, BETC Digital et Schmooze à payer à M. [L] [BY] la somme de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts ; Condamne in solidum M. [F] [C] et les sociétés Grand Musique Management, [Localité 16] Bobois International, BETC, BETC Digital et Schmooze à payer à M. [R] [N] la somme de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts ; Condamne in solidum M. [F] [C] et les sociétés Grand Musique Management, [Localité 16] Bobois International, BETC, BETC Digital et Schmooze à payer à M. [Z] [T] la somme de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts ; Condamne in solidum M. [F] [C] et les sociétés Grand Musique Management, [Localité 16] Bobois International, BETC, BETC Digital et Schmooze à payer à M. [V] [O] la somme de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts; Condamne les sociétés BETC et BETC Digital à garantir la société [Localité 16] Bobois International des condamnations ci-dessus prononcées à son encontre ; Condamne la société Schmooze à garantir les sociétés BETC et BETC Digital des condamnations ci-dessus prononcées à leur encontre ; Condamne in solidum M. [F] [C] et les sociétés Grand Musique Management, [Localité 16] Bobois International, BETC, BETC Digital et Schmooze aux dépens de l'instance, qui pourront être recouvrés directement par Me Jean Aittouares, conformément à l'article 699 du code de procédure civile ; Condamne in solidum les sociétés [Localité 16] Bobois International, BETC, BETC Digital et Schmooze à payer à Mme [P] [X], M. [L] [BY], M. [R] [N], M. [Z] [T] et M. [V] [O] la somme de 56.426,38 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Fait et jugé à [Localité 15] le 23 Décembre 2022 Le Greffier La Présidente[I] [A] [E] [U]
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JURITEXT000047454933
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Tribunal judiciaire de Paris, 6 janvier 2023, 21/14160
2023-01-06
Tribunal judiciaire de Paris
21/14160
CT0196
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TRIBUNALJUDICIAIREDE PARIS 3ème chambre2ème section No RG 21/14160No Portalis 352J-W-B7F-CVRX4 No MINUTE : Assignation du :13 Septembre 2021 INCIDENT ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETATrendue le 06 Janvier 2023 DEMANDERESSE Madame [R] [N][Adresse 2][Localité 4] représentée par Maître Véronique TRUONG, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0437 DÉFENDERESSE S.A. GROUPE L'EXPRESS[Adresse 1][Localité 3] représentée par Maître Charles-emmanuel SOUSSEN de la SCP JEAN-PAUL LEVY ET CHARLES-EMMANUEL SOUSSEN - AVOCATS ASSOCIE S, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #W0017 MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT Monsieur Arthur COURILLON-HAVY, Jugeassisté de Monsieur Quentin CURABET, Greffier DÉBATS A l'audience du 04 Novembre 2022, avis a été donné aux avocats que l'ordonnance serait rendue en dernier lieu le 06 Janvier 2023. ORDONNANCE Prononcée publiquement par mise à disposition au greffe ContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE 1. Mme [R] [N], photographe, reprochant à la société Groupe l'express d'avoir exploité un certain nombre de ses oeuvres, l'avait assignée en contrefaçon de droit d'auteur devant ce tribunal le 29 décembre 2017, mais celui-ci a déclaré ses demandes irrecevables et l'a « par conséquent » déboutée de ses demandes indemnitaires, par jugement du 13 mars 2020. 2. Elle a à nouveau assigné la même société le 13 septembre 2021, en contrefaçon de ses droits d'auteurs sur un certain nombre de photographies. La défenderesse a, à partir du 19 avril 2022, formé un incident, soulevant la nullité de l'assignation et l'irrecevabilité des demandes pour autorité de la chose jugée, subsidiairement pour prescription sur une partie des faits, ce qu'elle maintient dans ses dernières conclusions d'incident du 27 octobre 2022, résistant en outre aux demandes provisoires et réclamant 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et la distraction des dépens. 3. Dans ses dernières conclusions d'incident du 17 octobre 2022, Mme [R] [N], qui résiste aux moyens de défense, demande elle-même une provision de 50 000 euros, la reddition des comptes sous astreinte, outre 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, 1 362 et 500 euros de frais de constats d'huissier et de médiation. 4. L'incident a été entendu le 4 novembre et la décision mise en délibéré. Moyens des parties pour l'incident 5. Sur la nullité de l'assignation, la société Groupe l'express soutient qu'est exigé du demandeur en contrefaçon de droit d'auteur qu'il désigne précisément les oeuvres invoquées et en caractérise l'originalité, ce qui ne serait pas le cas ici. La demanderesse répond d'abord que la contestation ne serait pas recevable faute de figurer de façon détaillée au dispositif des conclusions d'incident ; ensuite, que les oeuvres invoquées sont individualisées, « sériées par date, contenu et exploitation, et différenciées selon l'existence ou non d'un bon de commande » ; que les nombreuses réutilisations de ses images en établiraient l'originalité, au regard également de leur « efficacité esthétique, désarrimée des codes visuels ponctuels », inscrite dans la durée, « par une volonté de suspendre au delà du temps et des contingences rédactionnelles la restitution des lieux », ainsi que de leur modification après la prise, du choix des lieux et leur mise en valeur en amont ; plus généralement, que la valeur de création d'une photographie devrait s'apprécier au regard de sa valeur marchande. 6. Sur l'autorité de la chose jugée, la société Groupe l'express, invoquant l'article 1355 du code civil, estime que Mme [N] lui demande à nouveau la même chose, en invoquant la contrefaçon des mêmes photographies sur la base des mêmes constats, et que cette nouvelle affaire a la même cause que la précédente, en ce que les faits et moyens juridiques invoqués sont les mêmes ; et que le jugement du 13 mars 2020 a non seulement déclaré les demandes irrecevables mais également, à titre surabondant, débouté la demanderesse. Mme [N] estime quant à elle que « l'ordonnance du 12 mars 2020 [sic] n'a statué que sur la recevabilité des demandes à savoir l'imprécision de l'individualisation des images et l'absence d'explications sur l'originalité » ; que la « situation » ainsi jugée était « sans individualisation des oeuvres », alors qu'elle présente aujourd'hui une demande où les oeuvres sont individualisées ; outre que la nouvelle instance est aussi fondée sur la concurrence déloyale et non plus seulement sur la contrefaçon, ce à quoi la défenderesse répond en invoquant le principe de concentration des moyens. 7. Sur la prescription, la société Groupe l'express fait valoir que les faits antérieurs au 13 septembre 2016 sont antérieurs de plus de cinq ans à l'assignation du 13 septembre 2021, et que la précédente instance a perdu son effet interruptif en raison de l'irrecevabilité des demandes. Mme [N] répond d'une part que ce moyen aurait dû être soulevé « avant les fins de non-recevoir », d'autre part que la précédente instance a interrompu la prescription. MOTIVATION I . Exception de nullité de l'assignation 8. Aux termes de l'article 56 du code de procédure civile, l'assignation contient notamment, à peine de nullité, un exposé des moyens en fait et en droit fondant la demande. Il en est déduit par la jurisprudence qu'en matière de contrefaçon de droits d'auteur, l'assignation doit identifier la ou les oeuvres sur lesquelles les droits sont revendiqués, leur originalité, et les actes de contrefaçon allégués. Le défendeur ne peut en effet utilement se défendre que s'il lui est permis d'identifier les droits privatifs qui lui sont opposés ainsi que les actes litigieux dont il serait responsable. 9. L'article 114 du code de procédure civile dispose que s'agissant des irrégularités de forme, la nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité. 10. L'assignation de Mme [N] évoque en différents endroits un grand nombres de photographies, d'une façon qui rend certes la compréhension malaisée, voire parfois franchement ardue pour le lecteur. Toutefois, en se limitant à la partie « Discussion » de l'assignation, qui, en vertu de l'article 768, 2e alinéa, du code de procédure civile, lu avec l'article 757, dernier alinéa, doit seule contenir les moyens de fait et de droit soutenant la demande, la compréhension est possible malgré l'organisation peu claire de cette partie « Discussion ». 11. Cette présentation des oeuvres est faite par regroupement, ce qui est heureux au regard de leur grand nombre ; ce regroupement se fait selon la parution de chacune de ces oeuvres : elles sont ainsi rassemblées selon l'article dans lequel elles ont été publiées, et ces articles, ou reportages, sont eux-mêmes rassemblés selon qu'ils ont fait l'objet ou non d'un bon de commande ; ce qui n'est pas incohérent, et s'avère simple à saisir une fois le système compris. 12. Ainsi, la demanderesse invoque un certain nombre de photographies publiées dans 21 reportages photographiques (assignation pp. 17-20) ; puis les photographies publiées dans 13 autres reportages (pp. 21-23) ; enfin, elle invoque des photographies issues d'un dernier reportage (p. 23) ; soit, au total, 35 reportages. Ces reportages sont identifiés par leur titre, et les date et numéro de parution du magazine dans lequel ils ont été publiés. Certes, aucune photographie n'est individuellement identifiée dans le corps de l'assignation, et moins encore reproduite ; mais l'assignation renvoie expressément, pour chaque reportage, à un tableau communiqué parmi les pièces, ce qui est possible, et même sans doute heureux, au regard du grand nombre d'oeuvres en litige. Ces tableaux indiquent, pour chacun des 35 reportages, les oeuvres invoquées, et en donnent une reproduction, certes de petite taille, mais qui est d'assez bonne résolution dans la version informatique des pièces, et la photo est par ailleurs reproduite en plus grand format avec la reproduction du reportage lui-même, qui accompagne le tableau. Les oeuvres invoquées sont donc identifiées. 13. La demanderesse expose en quoi, selon elle, les oeuvres qu'elle invoque sont originales, par une argumentation qui est rappelée ci-dessus au point 5. Que ces allégations soient, ou non, de nature à caractériser l'originalité des oeuvres relève du débat au fond. Le demandeur, qui est libre de soutenir ses demandes comme il l'entend, n'est nullement tenu d'alléguer des caractéristiques différentes pour chacune de ses oeuvres, et il peut former des allégations générales censées caractériser l'originalité de toutes ses oeuvres. Que cela soit fondé est, là encore, l'objet du litige, et non une condition de validité de l'acte introduisant l'instance. 14. S'agissant des faits reprochés à la défenderesse, ils sont allégués en même temps que la présentation des oeuvres, regroupés de la même manière selon les reportages où ces oeuvres ont été reproduites pour la première fois. Et de la même manière, ils sont allégués de façon indirecte dans l'assignation, en renvoyant aux tableaux figurant en pièce 1, qui, eux, explicitent de façon claire les réutilisations litigieuses pour chaque photo, et identifient la preuve censée le démontrer. Les faits litigieux sont donc également allégués. 15. Ainsi, contrairement à ce que soutient la défenderesse, l'assignation contient un exposé des moyens au sens de l'article 56 du code de procédure civile. Par conséquent, l'exception de nullité, qui manque en fait, est écartée. II . Fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée 16. En vertu de l'article 122 du code de procédure civile, la chose jugée est un des motifs du défaut de droit d'agir, constituant une fin de non-recevoir, qui peut être soulevée en tout état de cause (article 123). Le domaine de l'autorité de la chose jugée est déterminé négativement par l'article 1355 du code civil, qui prévoit qu'elle « n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formées par elles et contre elles en la même qualité ». 17. L'article 480 du code de procédure civile prévoit que le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident a, dès sont prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche. 18. Attachée au seul dispositif de la décision, l'autorité de la chose jugée ne peut être opposée lorsque des évènements, postérieurs sont venus modifier la situation antérieurement reconnue en justice (par exemple, Cass. 2e Civ., 10 décembre 2020, no19-12.140). Mais le caractère nouveau de l'évènement ne peut résulter de ce que la partie qui l'invoque avait négligé d'accomplir une diligence en temps utile (Cass. 1re Civ., 19 septembre 2018, no17-22.678). 19. Au cas présent, le jugement du 13 mars 2020 a déclaré Mme [N] irrecevable en ses demandes formées « au titre de la contrefaçon du droit d'auteur », au motif, en substance, qu'elle n'identifiait qu'environ 300 photographies sur les 884 qu'elle invoquait, au demeurant sans qu'elles soient « précisément listées et désignées », de sorte qu'elle ne procédait pas à une identification précise de chacune, ce qui ne permettait pas de déterminer le périmètre exact de la protection revendiquée, et ainsi ne mettait « pas le tribunal en mesure d'apprécier l'existence des atteintes alléguées ». Autrement formulé, le tribunal a jugé Mme [N] dépourvue du droit d'agir au motif qu'elle n'établissait pas la réalité de ses allégations. Bien qu'un tel motif paraisse relever de l'examen du fond du droit, plus que du droit d'agir à proprement parler, le jugement a bien autorité de la chose jugée quant à l'absence de droit d'agir de Mme [N] relativement à la contestation qui lui était soumise. Il faut alors déterminer l'objet et la cause de cette contestation. 20. Le nouveau litige a pour objet, tel que déterminé par la demande, la réparation du préjudice subi du fait de l'exploitation des photographies de Mme [N] depuis 2013 sur les sites internet cotemaison.fr, expressroulartaimages.com (dont la nouvelle URL est images.cotemaison.fr/fotoweb) et interiorachive.com ; et l'interdiction de toute exploitation. Le premier litige avait déjà pour objet l'interdiction de toute exploitation, et la réparation du préjudice subi du fait de l'exploitation des photographies, sur les mêmes sites internet, mais seulement à compter du 29 juin 2015. L'objet est donc le même, sauf pour les faits antérieurs au 29 mai 2015, qui ne faisaient pas l'objet d'une demande en réparation. 21. La contestation avait pour cause l'exploitation d'un certain nombre de photographies revendiquées par Mme [N] et réutilisées par la société Groupe l'Express sans son accord, et la demanderesse ne conteste pas que les photographies invoquées au soutien de la nouvelle action étaient déjà invoquées au soutien de la première. La cause du nouveau litige est donc bien la même. Il est enfin constant que les parties sont les mêmes. 22. Comme le souligne la défenderesse, le fondement juridique des demandes est indifférent pour apprécier l'autorité de la chose jugée : en vertu d'un principe dit de « concentration des moyens », il incombe au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci (Cass. Ass. plén., 7 juillet 2006, 04-10.672, Cesareo, réaffirmé depuis, par exemple Cass. 1re Civ., 9 janvier 2019, no18-11.734, cité par la défenderesse). Mme [N] ne peut donc échapper à l'autorité de la chose jugée en invoquant un nouveau moyen, ici la concurrence déloyale, pour fonder ses demandes indemnitaires et en interdiction portant sur l'usage de ses photographies ayant déjà fait l'objet du premier procès. 23. Enfin, le fait que Mme [N] présente ses demandes autrement (en identifiant plus précisément, explique-t-elle, les oeuvres qu'elle invoque) n'est en rien un évènement nouveau venant modifier la situation antérieurement reconnue en justice au sens de la jurisprudence citée ci-dessus au point 18 : il ne s'agit que d'une nouvelle tentative, présentée différemment, de faire juger la situation qu'un tribunal a déjà jugée. Contrairement à ce qu'allègue Mme [N], il ne s'agit pas là de « vider de son sens la notion même d'autorité de la chose jugée » ; il s'agit au contraire précisément de ce que cette notion vise à empêcher. 24. Par conséquent, les demandes, qui se heurtent toutes à l'autorité de la chose jugée sauf pour la demande indemnitaire au titre de la période antérieure au 29 mai 2015, sont irrecevables sauf pour cette période. III . Fin de non-recevoir pour prescription 25. En application de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. Si les actions en justice interrompent la prescription, l'article 2243 précise toutefois que l'interruption est non avenue si le demandeur se désiste de sa demande ou laisse périmer l'instance, ou si sa demande est définitivement rejetée. La jurisprudence a précisé que cela incluait l'irrecevabilité (voir, en ce sens, Cass. 2e Civ., 21 mars 2019, no17-10.663). 26. Ainsi, les demandes ayant donné lieu au jugement du 13 mars 2020 ayant été déclarées irrecevables, l'interruption de la prescription du fait de cette action est non avenue. Aucune autre interruption ou suspension n'est invoquée. Et Mme [N] n'allègue pas qu'elle n'aurait pas été en mesure d'exercer son action dès la commission des faits. Ses demandes portant sur des faits antérieurs au 13 septembre 2016, 5 ans avant l'assignation, sont, par conséquent, prescrites. IV . Dispositions finales 27. L'ensemble des demandes de Mme [N] étant irrecevables, l'instance est éteinte sans qu'il y ait lieu d'examiner sa demande de provision. 28. Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. L'article 700 du même code permet au juge de condamner en outre la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre, pour les frais exposés mais non compris dans les dépens, une somme qu'il détermine, en tenant compte de l'équité et de la situation économique de cette partie. 29. Mme [N], qui perd le procès, est tenue aux dépens, et doit indemniser la défenderesse de l'ensemble de ses frais, qui peuvent être estimés à 4 000 euros, ce qui tient compte du temps supplémentaire d'analyse imposé par l'ampleur ainsi que le manque de clarté et de cohérence de ses demandes. PAR CES MOTIFS Le juge de la mise en état : Déclare irrecevables l'ensemble des demandes de Mme [N] ; Condamne Mme [N] aux dépens, qui pourront être directement recouvrés par l'avocat de la société Groupe l'express pour ceux dont il aurait fait l'avance sans en recevoir provision, ainsi qu'à payer 4 000 euros à la société Groupe l'express au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Faite et rendue à Paris le 06 Janvier 2023 Le Greffier Le Juge de la mise en étatQuentin CURABET Arthur COURILLON-HAVY
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AUTRES_DECISIONS
Tribunal judiciaire de Paris, 10 janvier 2023, 22/54211
2023-01-10
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CT0760
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TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS No RG 22/54211 - No Portalis 352J-W-B7G-CWQTZ No : 2/FF Assignation du :28 Mars 2022ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ rendue le 10 janvier 2023 par Irène BENAC, Vice-Président au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal, Assistée de Fabienne FELIX, Faisant fonction de greffier. DEMANDERESSE S.A.S. RICHEZ ASSOCIES[Adresse 2][Localité 4] représentée par Maître Jérôme MARTIN de la SELARL SELARL D'AVOCATS MARTIN ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS - #P0158 DEFENDERESSES Société LUMINARE INVEST MANAGEMENT[Adresse 1] [Localité 7] représentée par Maître Diane DELUME de l'AARPI 186 Avocats, avocats au barreau de PARIS - #D0010 Société EQUIPAGE ARCHITECTURE[Adresse 3][Localité 5] représentée par Me Ophélie BOULOS, avocat au barreau de PARIS - #J0128 DÉBATS A l'audience du 22 Novembre 2022, tenue publiquement, présidée par Irène BENAC, Vice-Président, assistée de Fabienne FELIX, Faisant fonction de greffier, Exposé des faits et de la procédure La société de droit luxembourgeois Luminare Invest Management (ci-après "la société LIM") a remporté un appel d'offres de la ville de Caen pour le montage d'un projet de reconversion de l'ancien palais de justice en hôtel et centre de congrès. Le 4 mai 2021, la société LIM a confié à la SARL Equipage Architecture et à la SAS Richez associés - sociétés ayant toutes deux pour activité l'architecture - une mission de maîtrise d'oeuvre pour la conception et le suivi de l'exécution de ce projet jusqu'à la fin de l'année de parfait achèvement suivant la réception des travaux. Bien que la société LIM n'ait réglé aucune des prestations réalisées, la SARL Equipage Architecture a déposé la demande de permis de construire le 29 octobre 2021.Celle-ci a été rejetée par arrêté du maire de la ville de [Localité 6] le 30 mars 2022. Par actes des 28 et 29 mars 2022, la SAS Richez associés a assigné la société LIM et la SARL Equipage Architecture devant le président du tribunal judiciaire de Paris statuant en référé pour faire interdire à la société LIM de représenter les plans, esquisses et pièces graphiques dont elle est l'auteur et la condamner à lui payer la somme de 50.000 euros ainsi que les dépens et 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en présence de la SARL Equipage Architecture. L'affaire a été appelée à l'audience du 27 septembre 2022, renvoyée au 22 novembre 2022, date à laquelle elle a été plaidée et la décision a été mise en délibéré au 10 janvier 2023. Dans ses dernières conclusions signifiées le 18 novembre 2022, la SAS Richez associés maintient ses demandes initiales. Dans ses dernières conclusions signifiées le 21 novembre 2022, la société LIM soulève la nullité de l'assignation faute d'exposé des moyens de fait et de droit.A titre subsidiaire, elle soulève une fin de non recevoir tirée du défaut de qualité à agir de la SAS Richez associés faute de titularité du droit d'auteur sur le permis de construire.A titre infiniment subsidiaire, elle demande le débouté en présence d'une contestation sérieuse.A titre reconventionnel, elle demande la condamnation de la SAS Richez associés à lui payer la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, aux dépens et à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Dans ses dernières conclusions signifiées le 16 novembre 2022, la SARL Equipage Architecture soulève la nullité de l'assignation et, subsidiairement, l'irrecevabilité de la demande faute de saisine préalable de l'Ordre des architectes.A titre infiniment subsidiaire, elle demande le débouté en présence d'une contestation sérieuse.En tout état de cause, elle demande la condamnation de la SAS Richez associés aux dépens et à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Motivation L'article 56, 2o, du code de procédure civile dispose, dans sa version issue du décret no2020-1452 du 27 novembre 2020, que l'assignation contient à peine de nullité, « outre les mentions prescrites pour les actes d'huissier de justice et celles énoncées à l'article 54 (?) un exposé des moyens en fait et en droit ».Ces dispositions visent à assurer le respect du principe du contradictoire en permettant à la partie assignée de présenter en temps utile ses moyens de défense. Selon les articles 114 et 115 du code de procédure civile, « Aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public.La nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public.La nullité est couverte par la régularisation ultérieure de l'acte si aucune forclusion n'est intervenue et si la régularisation ne laisse subsister aucun grief ». En matière de propriété intellectuelle, l'assignation doit indiquer clairement et précisément les éléments sur lesquels des droits sont revendiqués, ainsi que les éléments qu'ils considèrent comme ayant été reproduits au mépris de ces droits. Sur ce, L'assignation des 28 et 29 mars 2022 vise les articles 835 du code de procédure civile, relatif à la compétence du juge des référés en matière de trouble manifestement illicite, et les articles L. 111.1, L. 112-2, 12o, L. 121-1, L. 122-2 et L. 131-1 du code de la propriété intellectuelle, relatifs au droit d'auteur et à la contrefaçon, et la demanderesse soutient que le permis de construire incluait des plans de sa conception, constituant une oeuvre protégée. Les dernières conclusions de la demanderesse précisent qu'elle demande à mettre fin au trouble manifestement illicite produit pas la contrefaçon de son oeuvre architecturale « à savoir un projet de restructuration et construction d'un palais de justice du XVIIIème siècle désaffecté assorti de la restructuration d'un bâtiment adjacent datant de l'après-guerre, ainsi que l'ajout d'un bâtiment». Les pièces graphiques qu'elle verse à l'appui de sa demande consistent dans des relevés de l'état actuel des bâtiments à réhabiliter et le règlement de l'appel à projet de mai 2018 de la ville de [Localité 6], un cahier d'images de synthèse, de plans et de coupes datés du 30/10/2018 ne mentionnant aucun auteur, et qui ont été établis avant son intervention. La seule pièce (no9.9) mentionnant son nom, associé à Equipage architecture, et qui, selon elle, « rapporte la preuve de sa participation effective dans la création de l'oeuvre litigieuse » est un fascicule intitulé « le palais Fondette une nouvelle urbanité » reproduisant les pièces ci-dessus énumérées, avec des zones coloriées différemment selon qu'elles sont destinées à recevoir un hôtel, une brasserie, ou un centre de congrès. Or, elle ne prétend pas avoir réalisé ce fascicule ni les plans qu'il contient. Il y a donc lieu de constater que, quoiqu'interpellée sur ce point par les trois jeux d'écritures de la société LIM, la SAS Richez associés ne décrit ni n'identifie les éléments susceptibles d'être le support de l'oeuvre architecturale qu'elle revendique sous les termes imprécis évoqués ci-dessus et pour lesquels elle revendique la protection par le droit d'auteur.Ce faisant elle ne permet pas à la société LIM de présenter utilement sa défense, ce qui lui fait nécessairement grief. Par ailleurs, aucune demande de fond n'est formée à l'encontre de la SARL Equipage Architecture. Il y a donc lieu de prononcer la nullité de l'assignation faute d'exposé suffisant des moyens de fait et de droit. La société LIM ne démontre pas une quelconque intention de nuire de la SAS Richez associés, qui a pu se méprendre sur l'étendue de ses droits. Il y a donc lieu de rejeter sa demande reconventionnelle à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive. La SAS Richez associés, qui succombe est condamnée aux dépens et à payer à la société LIM la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à la SARL Equipage Architecture la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Par ces motifs Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par ordonnance contradictoire et en premier ressort, Disons que l'assignation délivrée par la SAS Richez associés les 28 et 29 mars 2022 est nulle ; Déboutons la société de droit luxembourgeois Luminare Invest Management de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts ; Condamnons la SAS Richez associés aux dépens ; Condamnons la SAS Richez associés à payer à la société de droit luxembourgeois Luminare Invest Management la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile; Condamnons la SAS Richez associés à payer à la SARL Equipage Architecture la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Fait à Paris le 10 janvier 2023 Le Greffier, Le Président, Fabienne FELIX Irène BENAC
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Mme [G] [W], rédactrice en chef du magazine Marie-Claire Idées, a créé en septembre 2010 une illustration intitulée "la femme croissant", dont elle a cédé les droits d'exploitation sous forme de cartes postales à la société Alibabette Editions par contrat du 1er juin 2019. 2. La société Bring France Home a pour activité la sélection, l'achat, la distribution et la promotion de produits qui représentent le patrimoine gourmand et/ou le savoir-faire artisanal français. Après avoir racheté en 2017 des stocks de produits, parmi lesquels des cartes postales et carnets ornés de "la femme croissant", elle a fait créer deux illustrations par M. [S] , en mai 2019, dont une intitulée "la plus belle", et en acquis les droits de reproduction. 3. Le 17 septembre 2021, Mme [W] a fait constater par huissier de justice que la société Bring France Home vendait sur son site internet des plateaux ornés du motif "la plus belle" contrefaisant, selon elle, son illustration précitée.Le même jour, elle a fait réaliser un constat d'achat dans la boutique de la société Bring France Home [Adresse 3] à [Localité 6], d'un set de table, d'un plateau, d'un carnet à spirale et d'un miroir de poche comportant la même illustration. 4. Par acte du 15 juin 2022, Mme [W] a fait assigner la société Bring France Home devant le président du tribunal judiciaire de Paris statuant en référé pour :- lui faire interdire de reproduire sous quelque forme que ce soit "la femme croissant" sous astreinte, - détruire les stocks de produits contrefaisants et en justifier sous astreinte, - la condamner à communiquer la liste des produits contrefaisants, l'état des ventes depuis leur première commercialisation et l'état des stocks et à lui payer des provisions à valoir sur l'indemnisation de son préjudice résultant de l'atteinte à ses droits patrimoniaux et de l'atteinte à son droit moral d'auteur. 5. Dans ses dernières conclusions du 22 novembre 2022, elle demande le rejet de la fin de non-recevoir, maintient ses demandes et sollicite la condamnation de la société Bring France Home aux dépens et à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 6. Dans ses dernières conclusions signifiées le 23 septembre 2022, la société Bring France Home soulève une fin de non recevoir tirée de l'absence de mise en cause du co-auteur de l'oeuvre de collaboration que constitue le visuel de "la femme au croissant";Sur le fond, elle demande le débouté au motif de contestations sérieuses et, subsidiairement, la réduction des demandes de provision sur préjudice et le débouté des demandes de production de documents et de destruction sous astreinte.En tout état de cause, elle demande la condamnation de Mme [W] aux dépens et à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 7. L'affaire a été appelée à l'audience du 27 septembre 2022, renvoyée au 22 novembre 2022, date à laquelle elle a été plaidée et la décision a été mise en délibéré au 10 janvier 2023. Motivation Sur la fin de non recevoir 8. La société Bring France Home soutient que "la femme croissant" est une oeuvre de collaboration dont Mme [W] et M. [O] sont co-auteurs ainsi qu'il résulte des termes du contrat de cession des droits de reproduction à la société Alibabette Editions précité, des mentions du compte Instagram de Mme [W] et de son site internet camillesouleyrol.com, de sorte qu'elle est irrecevable à agir seule en contrefaçon. 9. Mme [W] fait valoir que le visuel dont elle revendique la protection est son oeuvre individuelle et que M. [O] en a assuré la prise de vue technique, sans aucune contribution personnelle à la création. Sur ce, 10. L'article L. 113-2 du code de la propriété intellectuelle prévoit que l'oeuvre à la création de laquelle ont concouru plusieurs personnes physiques est une oeuvre de collaboration. 11. Sur les différentes pièces invoquées par la défenderesses, M. [R] [O] est mentionné comme photographe des illustrations dont les droits de reproduction sont cédés et aucune ne présente l'illustration elle-même comme le fruit de leur collaboration. 12. Il y a donc lieu de rejeter la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir. Sur le trouble manifestement illicite tiré de la violation de droits d'auteur 13. Mme [W] fait valoir que son dessin est original en ce qu'il combine :- l'évocation de la Révolution française - les couleurs bleu-blanc-rouge- la perruque et la mouche évoquant les dames du XVIIIème siècle- le choix du croissant (en photographie et non dessiné) comme perruque - les boucles d'oreille pendantes bleues- le petit nez pointu conférant au personnage un aspect mutin- le portrait coupé au niveau de clavicule.Elle ajoute que "la plus belle" reprend exactement la combinaison originale qu'elle revendique tandis que les légères différences sont inopérantes et dégradent le modèle ; la ressemblance n'est pas fortuite car la société Bring France Home avait auparavant commercialisé des carnets représentant "la femme croissant" en 2017. 14. Société Bring France Home soutient que :- il existe des contestations sérieuses concernant l'originalité de "la femme croissant", l'association de dessins avec des photographies d'aliments, notamment des croissants, étant banale, de même que la reprise des codes évoquant les portraits du XVIIIème siècle ;- si les deux dessins ont en commun l'association d'un croissant à un personnage féminin, ils ont des caractères différents (feutre et non crayons de couleurs, traits du visage et accessoires différents), de sorte qu'il s'agit seulement de la reprise d'une idée non appropriable. Sur ce, 15. Selon l'article 835, alinéa 1, anciennement 809, du code de procédure civile, "Le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite."Aux termes de l'article L.335-3 du code de la propriété intellectuelle constitue "un délit de contrefaçon toute reproduction, représentation ou diffusion, par quelque moyen que ce soit, d'une oeuvre de l'esprit en violation des droits de l'auteur, tels qu'ils sont définis et réglementés par la loi." 16. L'originalité de la combinaison des sept caractéristiques énumérées supra et revendiquées par Mme [W] est sérieusement contestée dans sa dimension créative par les divers exemples de combinaisons de dessins et de croissants photographiés versés aux débats par la défenderesse.De plus, le dessin exploité par la société Bring France Home ne comporte que trois des sept caractéristiques revendiquées : un portrait coupé au niveau de la clavicule, tricolore bleu-blanc-rouge avec la photographie d'un croissant en guise de perruque, dès lors qu'il n'évoque ni la Révolution française, ni le XVIIIème siècle et que les traits du personnage sont différents de même que le graphisme. 17. Au regard de ces éléments, il existe une contestation sérieuse sur la contrefaçon de droit d'auteur et l'existence du trouble manifestement illicite n'est pas suffisamment établie. 18. Les demandes fondées sur le droit d'auteur seront en conséquence rejetées. 19. Mme [G] [W], qui succombe, supportera les dépens de l'instance et l'équité justifie de la condamner à payer à la société Bring France Home la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par ordonnance contradictoire et en premier ressort , Rejetons les demandes de Mme [G] [W] fondées sur le droit d'auteur ; Condamnons Mme [G] [W] aux dépens ; Condamnons Mme [G] [W] à payer à la société Bring France Home la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Fait à Paris le 10 janvier 2023 Le Greffier, Le Président, Fabienne FELIX Irène BENAC
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JURITEXT000047454936
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AUTRES_DECISIONS
Tribunal judiciaire de Paris, 11 janvier 2023, 22/02829
2023-01-11
Tribunal judiciaire de Paris
22/02829
CT0196
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TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 3ème chambre 3ème section No RG 22/02829 - No Portalis 352J-W-B7G-CWDUT No MINUTE : Assignation du :14 février 2022 incident ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETATrendue le 11 janvier 2023 DEMANDERESSE AU PRINCIPALDEFENDERESSE A L'INCIDENT Société T.I.M.E. SERVICE CATALYST HANDLING GMBH[Adresse 4][Localité 2] (ALLEMAGNE) représentée par Maître Isabelle SETTON BOUHANNA, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #A0152 DEFENDERESSE AU PRINCIPALDEMANDERESSE A L'INCIDENT S.A.S. CREALYST-GROUP[Adresse 3][Localité 1] représentée par Maître Gaëlle BLORET-PUCCI de l'AARPI BCTG AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #T0001 MAGISTRAT DE LA MISE EN ÉTAT Jean-Christophe GAYET, premier vice-président adjointassisté de Lorine MILLE, greffière DÉBATS A l'audience du 17 novembre 2022, avis a été donné aux avocats que l'ordonnance serait rendue le 11 janvier 2023. ORDONNANCE Prononcée publiquement par mise à disposition au greffeContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE 1 La société de droit allemand T.I.M.E. Service Catalyst Handling GmbH (ci-après TIME SERVICE) se présente comme spécialisée dans la manipulation des catalyseurs des réacteurs dans les raffineries et les usines de production pétrochimique.2 La société par actions simplifiée (ci-après SAS) CREALYST-GROUP se présente comme spécialisée dans le remplissage dense de récipients verticaux cylindriques, notamment les réacteurs des usines pétrochimiques.3 La SAS CREALYST-GROUP est titulaire des brevets européen EP1687223 (ci-après EP223), déposé le 24 novembre 2004 et délivré le 14 mai 2008, et français FR3083526 (ci-après FR526) déposé le 4 juillet 2018 et publié le 31 juillet 2020. Les technologies brevetées et son savoir-faire ont été développés par cette société sous l'appellation Calydens.4 Les sociétés TIME SERVICE et CREALYST ont conclu plusieurs contrats autorisant la société TIME SERVICE à utiliser la machine Calydens de la SAS CREALYST-GROUP pour des prestations de chargement dense.5 La société TIME SERVICE a déposé le 31 mars 2017, un brevet européen EP3436187 (ci-après EP187), sous priorité d'un brevet européen EP16163229 déposé le 31 mars 2016, qui fait l'objet d'une opposition de la SAS CREALYST-GROUP devant l'office européen des brevets, actuellement en cours.6 Parallèlement, estimant que la machine dénommée Prodense développée par la société TIME SERVICE reprenait des éléments du savoir-faire qu'elle lui avait transmis dans le cadre de leurs relations contractuelles, la SAS CREALYST-GROUP l'a attraite le 16 mars 2021 devant le tribunal de commerce de Paris lui reprochant des manquements contractuels et des fautes délictuelles.7 Par acte d'huissier du 14 février 2022 la société TIME SERVICE a fait assigner la SAS CREALYST-GROUP à l'audience du 12 mai 2022 de ce tribunal en nullité des brevets EP223 et FR526.8 À cette audience, le juge de la mise en état a été saisi de l'instruction de l'affaire.9 Par conclusions du 14 mai 2022, la SAS CREALYST-GROUP a saisi le juge de la mise en état d'un incident visant à déclarer la demanderesse irrecevable en ses demandes faute d'intérêt à agir et, subsidiairement, à déclarer l'action prescrite.10 L'incident a été plaidé à l'audience du 17 novembre 2022 du juge de la mise en état au terme de laquelle elle a été mise en délibéré au 11 janvier 2023. PRÉTENTIONS DES PARTIES11 La SAS CREALYST-GROUP, se référant expressément à ses conclusions écrites notifiées par RPVA le 17 novembre 2022, a demandé au juge de la mise en état de :- Dire et juger que la société TIME SERVICE est dépourvue d'intérêt à agir en nullité des brevets EP223 et FR526- En conséquence, juger la société TIME SERVICE irrecevable en ses demandes formées à l'encontre des brevets EP223 et FR526- Subsidiairement, dire et juger que l'action en annulation de la société TIME SERVICE, en ce qu'elle est dirigée à l'encontre du brevet EP223, est prescrite- En conséquence, juger la société TIME SERVICE irrecevable en ses demandes formées à l'encontre du brevet EP223- En tout état de cause, condamner la société TIME SERVICE à lui payer 10 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre aux dépens de l'incident. 12 La société TIME SERVICE, se référant expressément à ses conclusions écrites notifiées par RPVA le 15 novembre 2022 a conclu à :- Juger qu'elle justifie d'un intérêt à agir en nullité à l'encontre de la partie française du brevet européen EP223 et du brevet français FR526 dont la SAS CREALYST-GROUP est titulaire,- Juger que son action en annulation à l'encontre de la partie française du brevet européen EP223 n'est pas prescrite,- En conséquence, juger qu'elle est recevable en ses demandes formées à l'encontre de la partie française du brevet européen EP223 et du brevet français FR526- En tout état de cause, condamner la SAS CREALYST-GROUP à lui payer 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'incident. MOTIFS DE LA DÉCISIONSur l'intérêt à agirMoyens des parties13 La SAS CREALYST-GROUP fait valoir que si la société TIME SERVICE peut se trouver en situation de concurrence avec elle, les brevets EP223 et FR526 dont elle est titulaire ne viennent en aucun cas entraver le développement de l'activité de la demanderesse, la privant d'intérêt à agir. Elle ajoute que, par son action en nullité, la société TIME SERVICE prétend sécuriser une exploitation paisible de sa technologie, laquelle aurait été mise à mal par l'action parallèle initiée devant le tribunal de commerce, alors que les brevets dont elle est titulaire ne sont pas opposés à la demanderesse dans le cadre de cette autre action. Selon elle, une éventuelle annulation des brevets EP223 et FR526 serait également sans incidence sur la procédure d'opposition en cours du brevet EP187, tout brevet, même annulé, constituant un document technique divulgué pouvant être invoqué à l'encontre d'un brevet postérieur.14 La société TIME SERVICE oppose que se trouvant en situation de concurrence avec la défenderesse, son intérêt à agir doit être interprété plus souplement et que l'annulation des brevets litigieux aura un impact, d'une part, sur les actions intentées par la défenderesse, d'autre part, sur ses possibilités de développement et sur l'évolution de sa machine ProdenseAppréciation du juge de la mise en état15 Selon l'article 31 du code de procédure civile, « l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé ».16 L'article 32 du même code précise qu'est « irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir ».17 Aux termes de l'article 122 du même code, « constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée ».18 En application de l'article 789 du même code, « lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour (?) 6o Statuer sur les fins de non-recevoir ».19 En l'absence de toute disposition contraire, l'intérêt à agir à titre principal en nullité de brevet doit être personnel, direct, légitime, né et actuel, et doit s'appréhender au regard du monopole avantageux octroyé au titulaire du brevet admissible dans un contexte de libre concurrence et libre innovation à la condition qu'il soit valide. Ainsi, l'intérêt à agir doit être apprécié "in concreto" et reconnu à toute personne qui, à titre personnel, voit l'activité économique qu'elle exerce dans le domaine de l'invention entravée effectivement ou potentiellement, mais certainement, par les revendications dont elle sollicite l'annulation.20 Le demandeur à l'action doit ainsi établir l'existence d'un projet réel et sérieux d'activité susceptible d'être gêné par le titre.21 Au cas particulier, il est constant que les sociétés TIME SERVICE et CREALYST-GROUP se trouvent, au moins partiellement, en situation de concurrence.22 Le brevet EP223 est intitulé « appareil destiné au remplissage d'un récipient avec des particules solides » et comporte dix revendications. Le brevet FR526 est intitulé « système de remplissage perfectionné » et comporte sept revendications.23 Or, si la société TIME SERVICE affirme que l'annulation de ces deux brevets aura un impact d'une part, sur les actions intentées par la défenderesse, d'autre part, sur ses possibilités de développement et sur l'évolution de sa machine Prodense, elle ne documente aucun projet d'activité susceptible d'être gêné par les brevets litigieux.24 En effet, s'agissant du litige pendant entre les deux sociétés devant le tribunal de commerce de Paris, la validité de ces deux brevets est indifférente, dès lors qu'il résulte du jugement de ce tribunal du 9 juin 2022 (pièce noA.4 de la SAS CREALYST-GROUP) et de l'assignation à jour fixe de la société TIME SERVICE délivrée le 8 juillet 2022 (sa pièce noi1b) que l'action entreprise par la SAS CREALYST-GROUP se fonde sur des imputations de concurrence déloyale, de parasitisme, de même que sur des fautes contractuelles de la société TIME SERVICE.25 S'agissant de l'entrave que ces deux brevets constitueraient pour le développement de sa machine Prodense, la société TIME SERVICE invoque la procédure d'opposition au brevet EP187 initiée par la SAS CREALYST-GROUP devant l'office européen des brevets, au cours de laquelle le brevet EP223 lui est opposé au titre de l'art antérieur.26 Toutefois, la SAS CREALYST-GROUP oppose à bon droit que quand bien même le brevet EP223 serait dépourvu de validité, il resterait une référence au titre de l'art antérieur, dans la mesure où il constitue une information pertinente diffusée pour le problème technique en cause.27 Il résulte de l'ensemble que la société TIME SERVICE ne caractérise aucun intérêt né et actuel à son action en annulation des brevets EP223 et FR526.Sur les dépens et les frais irrépétibles28 La décision mettant fin à l'instance, la société TIME SERVICE, partie perdante, sera condamnée aux dépens, par application des articles 696 et 790 du code de procédure civile.29 Par suite, elle sera condamnée à payer 5000 € à la SAS CREALYST-GROUP au titre des frais non compris dans les dépens, par application des articles 700 et 790 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFSLe juge de la mise en état,DÉCLARE les demandes de la société TIME SERVICE CATALYST HANDLING GMBH en annulation des brevets européen EP1687223 et français FR3083526 irrecevables, faute d'intérêt à agir ;CONDAMNE la société TIME SERVICE CATALYST HANDLING GMBH aux dépens ;CONDAMNE la société TIME SERVICE CATALYST HANDLING GMBH à payer cinq mille euros (5000 €) à la SAS CREALYST-GROUP en application de l'article 700 du code de procédure civile. Faite et rendue à Paris le 11 janvier 2023 La Greffière Le Juge de la mise en état
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AUTRES_DECISIONS
Tribunal judiciaire de Paris, 12 janvier 2023, 22/02801
2023-01-12
Tribunal judiciaire de Paris
22/02801
CT0196
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TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 3ème chambre 1ère section No RG 22/02801 No Portalis 352J-W-B7F-CVZ3F No MINUTE : Assignation du :24 décembre 2021 JUGEMENT rendu le 12 janvier 2023 DEMANDERESSES Société OVB HOLDING AG[Adresse 3] [Adresse 3] (ALLEMAGNE) S.A.R.L. OVB CONSEILS EN PATRIMOINE FRANCE[Adresse 1][Adresse 1] représentées par Me Caroline HILTGEN LEBOUVIER de l'AARPI EKV, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B0777 DÉFENDERESSE Société OVB ASSURANCE SAS[Adresse 2][Adresse 2] Défaillante COMPOSITION DU TRIBUNAL Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointeElodie GUENNEC, Vice-présidenteMalik CHAPUIS, Juge, assistés de Quentin CURABET, Greffier lors des débats et de Caroline REBOUL, Greffière lors de la mise à disposition. DÉBATS A l'audience du 27 septembre 2022 tenue en audience publique devant Nathalie SABOTIER et Malik CHAPUIS, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seuls l'audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile.Avis a été donné à l'avocat que la décision serait rendue le 1er décembre 2022. Le délibéré a été prorogé au 12 janvier 2023. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffeRéputé contradictoireEn premier ressort EXPOSE DU LITIGE : 1. La société de droit allemand OVB Holding AG initialement dénommée OVB Vermögensberatung AG, se présente comme proposant, depuis sa création en Allemagne en 1970, une gamme étendue de services en matière d'assurance, de prévoyance, de gestion de patrimoine, d'investissements et de financement, sous le signe "OVB". Elle expose être titulaire des marques suivantes : - La marque verbale internationale désignant la France "OVB" no757174, enregistrée le 21 mars 2001 en classe 36 pour désigner notamment les services suivants : "Investissements de capitaux, investissements immobiliers, contrats d'assurance ; conseils en matière d'investissements". - Les marques semi-figuratives internationales désignant la France no777429, déposée le 13 mars 2022 en classe 36 visant notamment les services d' "Investissements de capitaux, contrats d'assurance; conseils en matière d'investissements" et désignant l'Union européenne no1409980, déposée le 14 mars 2018 en classe 36 et 41, pour désigner notamment les services suivants (classe 36) : "Services de souscription ; services financiers; services de conseillers en assurances; services d'investissement de capitaux, investissements immobiliers et contrats d'assurance; analyses financières; services de conseillers financiers" : 2. Ces marques sont exploitées, en France, par la société OVB Conseils en patrimoine France (ci-après "OVB France") en sa qualité de licenciée. Cette société, créée en 2003, exerce les activités d'agent et de courtier d'assurances et propose à sa clientèle une offre globale de conseils en patrimoine avec des solutions financières dans les domaines de la santé, la prévoyance, l'épargne, la protection des biens et le financement pour l'accès à la propriété. Dans ce cadre, elle développe son activité sur les réseaux sociaux et sur son site internet accessible à l'adresse <www.ovb.fr> qu'elle exploite depuis 2007 et qui a pour objet la présentation de la société, de son réseau et des services OVB qu'elle propose. En outre, elle dispose de bureaux mandataires notamment dans la région [Localité 4] et près de [Localité 5]. 3. La société OVB Holding expose avoir constaté qu'une société OVB Assurance avait été immatriculée au RCS de Nice le 05 juillet 2016 avec pour activité déclarée les "activités des agents et courtiers d'assurances", et qu'elle faisait usage du signe "OVB Assurance" à titre de dénomination sociale, de nom commercial et de nom de domaine (<ovb-assurances.com>), ainsi que sous la forme des logos suivants : 4. La société OVB Holding précise également que la société OVB Assurance offre ses services sous les signes OVB et OVB Assurance, sur les réseaux sociaux, et notamment sur ses comptes Facebook, Instagram et LinkedIn. 5. Afin de faire cesser ce qu'elle considère comme une atteinte à ses droits, la société OVB Holding a mis en demeure, par une lettre du 02 mai 2018, la société OVB Assurance de cesser tout usage du signe "OVB". Cette dernière a répondu, par l'intermédiaire de son conseil, qu'elle refusait de donner une suite favorable à cette mise en demeure tout en précisant ne pas être opposée à une résolution amiable du litige. 6. La société OVB Holding a fait constater par huissier de justice les faits reprochés à la société OVB Assurance sur sa page Facebook et son site internet. Puis, ayant découvert qu'un nouveau nom de domaine avait été réservé par la défenderesse le 23 juillet 2018, la société OVB Holding a fait dresser un second constat le 14 novembre 2019 sur le site accessible par le nom de domaine <ovbassurances-sas06.fr>. 7. C'est dans ce contexte que par acte d'huissier du 24 décembre 2021, les sociétés OVB Holding et OVB France ont fait assigner la société OVB Assurance devant le tribunal judiciaire de Paris en contrefaçon de marques. 8. Aux termes de leur assignation, les sociétés OVB Holding et OVB France demandent au tribunal, au visa des articles 9 du règlement (UE) 2017/1001 sur la marque de l'Union européenne, L. 713-2, L. 716-4, L. 716-4-2 alinéa 4 et L. 717-1 du code de la propriété intellectuelle et 1240 du code civil, de : ? Faire interdiction à la société OVB Assurance , sous astreinte de 500 € par infraction constatée passé un délai de 15 jours à compter de la signification de la présente décision ; de faire usage ? des dénominations OVB et OVB Assurance, seules ou accompagnées, sous quelque forme que ce soit, sur quelque support que ce soit, notamment sur un site internet et les réseaux sociaux et à quelque titre que ce soit, et notamment à titre de dénomination sociale, de nom commercial, d'enseigne, de nom de domaine pour des services de conseiller en assurance et de courtage en assurances et les services similaires ; ? des hashtags #ovb et #ovbassurance et de toute déclinaison #ovb pour des activités de conseil en assurance et de courtage en assurance ; Ordonner à la société OVB Assurance de procéder au transfert du nom de domaine <ovb-assurances.com> au profit de la société OVB Holding sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé un délai de 8 jours à compter de la signification du jugement à intervenir ; ? Ordonner à la société OVB Assurance, en tant que besoin, de procéder à la radiation du nom de domaine ovbassurance-sas06.fr si elle devait à nouveau le réserver, sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé un délai de 8 jours à compter de la signification du jugement à intervenir;? Ordonner, sous contrôle d'huissier et aux frais de la société OVB Assurance, la suppression de ses comptes sur les réseaux sociaux dont Instagram et Facebook des dénominations OVB et OVB Assurance, seule ou accompagnées et la destruction de tous éléments détenus directement ou indirectement par elle (tels qu'enseigne, papier-à-entête, brochures, documents commerciaux, supports publicitaires, ...) reproduisant les signes "OVB" ou "OVB Assurance" ; ? Condamner la société OVB Assurance à payer à la société OVB Holding la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'atteinte portée à ses marques internationales verbale OVB no757174 désignant la France, semi-figuratives OVB no777429 désignant la France et no1409980 désignant l'Union européenne ; ? Condamner la société OVB Assurance à payer à la société OVB Conseils en patrimoine France, la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi en sa qualité de licenciée des marques OVB ; ? Condamner la société OVB Assurance à payer à la société OVB Conseils en patrimoine France la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'atteinte à sa dénomination sociale et à ses noms commerciaux;? Condamner la société OVB Assurance à payer à la société OBV Conseils en patrimoine France la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêt en réparation du préjudice subi du fait de l'enregistrement et de l'exploitations des noms de domaine <ovb-assurances.com> et <ovb-assurance-sas06>, ainsi que de l'usage récurrent des hashtags #ovb et #ovbassurance sur les réseaux sociaux ; ? Ordonner la publication dans 3 journaux ou revues, au choix des sociétés OVB Holding et OVB Conseils en patrimoine France, et aux frais de la société OVB Assurance dans la limite de 5 000 euros hors taxe par insertion, du jugement à intervenir, en totalité ou par extraits ; ? Se réserver la liquidation des astreintes ordonnées ; ? Condamner la société OVB Assurance à payer aux sociétés OVB Holding et OVB Conseils en patrimoine France la somme de 12 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;? Condamner la société OVB Assurance aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de Maître Caroline Hiltgen-Lebouvier, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile. 9. Bien que régulièrement citée, à son siège [Adresse 2], par remise de l'acte à M. [D] [S], employé s'étant déclaré habilité à recevoir l'acte, la société OVB Assurance n'a pas constitué avocat. 10. L'instruction a été close par une ordonnance du 14 avril 2022 et l'affaire a été plaidée à l'audience du 27 septembre 2022. MOTIFS DE LA DÉCISION 11. En application de l'article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée. 12. Les demanderesses soutiennent que la contrefaçon des marques internationales verbale OVB no757174 désignant la France et semi-figuratives OVB no777429 désignant la France et no1409980 désignant l'Union européenne est caractérisée dès lors que les signes OVB et OVB Assurance utilisés par la défenderesse comme dénomination sociale, nom commercial, nom de domaine et logo, sont fortement similaires à celui constituant les marques enregistrées. Elles ajoutent qu'ils sont utilisés dans la vie des affaires pour des services identiques, et à tout le moins similaires, à ceux visés par les enregistrements ce dont il résulte selon elles un risque de confusion dans l'esprit du public concerné. Elles sollicitent en réparation de leur préjudice l'allocation de dommages et intérêts à hauteur de 20 000 euros pour le préjudice subi par la société OVB Holding et de 15 000 euros pour la société OVB France, licenciée. 13. La société OVB France soutient également que par l'enregistrement et l'exploitation des noms de domaine <ovb-assurances.com> et <ovb-assurance-sas06>, ainsi que l'usage récurrent des hashtags #ovb et #ovbassurance sur les réseaux sociaux, la défenderesse porte atteinte à la dénomination sociale et aux noms commerciaux "OVB", ainsi qu' au nom de domaine <ovb.fr>, et que le préjudice qui en résulte doit être réparé par le versement d'une somme de 15 000 euros au titre de la concurrence déloyale et parasitaire. Appréciation du tribunal 14. Selon l'article 4 "Effets de l'enregistrement international" de l'Arrangement de Madrid concernant l'enregistrement international des marques du 14 avril 1891, modifié le 28 septembre 1979, "1) À partir de l'enregistrement ainsi fait au Bureau international selon les dispositions des articles 3 et 3ter, la protection de la marque dans chacun des pays contractants intéressés sera la même que si cette marque y avait été directement déposée. (...)" Il résulte corrélativement de l'article 189 du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne que tout enregistrement international désignant l'Union produit, à compter de la date d'enregistrement, les mêmes effets qu'une demande de marque de l'Union européenne. 15. Conformément à l'article 9-2 de ce même règlement, "sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité d'une marque de l'Union européenne, le titulaire de cette marque de l'Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe pour des produits ou services lorsque:a) ce signe est identique à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée;b) ce signe est identique ou similaire à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou services identiques ou similaires aux produits ou services pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public ; le risque de confusion comprend le risque d'association entre le signe et la marque." 16. Selon l'article L. 717-1 du code de la propriété intellectuelle, constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur la violation des interdictions prévues aux articles 9, 10, 13 et 15 du règlement (UE) 2017/1001. 17. Il résulte encore de l'article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle qu' "Est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l'usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services :1o D'un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ;2o D'un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s'il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d'association du signe avec la marque." 18. Interprétant les dispositions identiques au règlement de l'article 5 § 1 de la première Directive du Conseil du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des États membres sur les marques (89/104/CEE), la Cour de Justice de l'Union européenne a dit pour doit que, constitue un risque de confusion au sens de ce texte, le risque que le public puisse croire que les produits ou services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d'entreprises liées économiquement (voir arrêt Canon, C-39/97, point 29 ; arrêt Lloyd Schuhfabrik, C-342/97). Selon cette même jurisprudence, l'existence d'un risque de confusion dans l'esprit du public doit être appréciée globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce (voir, arrêt SABEL, C-251/95, point 22), cette appréciation globale impliquant une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte (voir arrêt Canon, point 17). 19. En outre, l'appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l'impression d'ensemble produite par celles-ci, en tenant compte en particulier de leurs éléments distinctifs et dominants. Aux fins de cette appréciation globale, le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée est censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (voir, arrêt Gut Springenheide et Tusky, C-210/96, point 31 ; arrêt Lloyd Schuhfabrik, C-342/97, point 26). 20. Afin d'apprécier le degré de similitude existant entre les marques concernées, la juridiction nationale doit déterminer leur degré de similitude visuelle, auditive et conceptuelle et, le cas échéant, évaluer l'importance qu'il convient d'attacher à ces différents éléments, en tenant compte de la catégorie de produits ou services en cause et des conditions dans lesquelles ils sont commercialisés (voir arrêt Lloyd Schuhfabrik, C-342/97 ). Enfin, pour apprécier la similitude entre des produits ou des services, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre ces produits ou ces services ; ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire (voir arrêt Canon, C-39/97, point 23). 21. L'appréciation de la similitude entre deux marques ne peut se limiter à prendre en considération uniquement un composant d'une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d'opérer la comparaison en examinant les marques en cause considérées chacune dans son ensemble (arrêt OHMI/Shaker, point 41). 22. L'impression d'ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe peut, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants. Toutefois, ce n'est que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l'appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l'élément dominant (arrêts OHMI/Shaker, points 41 et 42, ainsi que Nestlé/OHMI, points 42 et 43). 23. À cet égard, la Cour a précisé qu'il n'est pas exclu qu'une marque antérieure, utilisée par un tiers dans un signe composé comprenant la dénomination de l'entreprise de ce tiers, conserve une position distinctive autonome dans le signe composé. Dès lors, aux fins de la constatation d'un risque de confusion, il suffit que, en raison de la position distinctive autonome conservée par la marque antérieure, le public attribue également au titulaire de cette marque l'origine des produits ou des services couverts par le signe composé (arrêt Medion, C-120/04, points 30 et 36). 24. Cependant, un élément d'un signe composé ne conserve pas une telle position distinctive autonome si cet élément forme avec le ou les autres éléments du signe, pris ensemble, une unité ayant un sens différent par rapport au sens desdits éléments pris séparément (voir, en ce sens, ordonnance ecoblue/OHMI et Banco Bilbao Vizcaya Argentaria, C-23/09 P, point 47; arrêt Becker/Harman International Industries, points 37 et 38 ; ordonnance Perfetti Van Melle/OHMI, points 36 et 37 ; arrêt Bimbo Sa c/ OHMI et Panrico, C-591/12 P, points 26 à 29).25. En l'occurrence, la marque verbale no757174 désigne en classe 36 les services d'"Investissements de capitaux, investissements immobiliers, contrats d'assurance ; conseils en matière d'investissements". La marque semi-figurative no777429 vise, quant à elle, les services d' "Investissements de capitaux, contrats d'assurance; conseils en matière d'investissements", également en classe 36. Enfin, la marque semi-figurative no1409980 désigne, toujours en classe 36, les "Services de souscription ; services financiers; services de conseillers en assurances; services d'investissement de capitaux, investissements immobiliers et contrats d'assurance; analyses financières; services de conseillers financiers" (pièces demanderesses no3 et 4). 26. Selon ses statuts et l'extrait de son immatriculation, la société OVB Assurance a pour objet déclaré "le courtage en assurance, le courtage et toutes prestations de services dans les domaines des voyages et des multimédias" (pièces demanderesses no12-1 et 12-2). Les procès-verbaux dressés les 30 août 2018 et 14 novembre 2019 font également apparaître que la défenderesse utilise la dénomination sociale et le nom commercial OVB Assurance pour proposer des services de conseils et de courtage en assurance (habitation, automobile, santé, professionnelle, voyage, etc.), notamment sur ses sites internet et réseaux sociaux (pièces demanderesses 19, 21 et 14). La société OVB assurance propose ainsi de négocier des contrats d'assurance à l'attention des professionnels et des particuliers afin de leur permettre de trouver l'assurance la moins chère avec les meilleures garanties. 27. Les services de courtage en assurance sont similaires aux services de conseils en assurance visés en classe 36 par la marque no1409980. Ils sont complémentaires voire concurrents des "contrats d'assurance" visés par tous les dépôts des demanderesses. 28. En outre, visuellement et phonétiquement, les signes "OVB", d'une part, et "OVB Assurance", d'autre part, ne se distinguent que par l'ajout du mot "Assurance", dont le tribunal ne peut que constater qu'il est descriptif de tout ou partie de l'activité aussi bien des demanderesses que de la défenderesse. 29. Le terme "OVB", placé en première position du signe complexe argué de contrefaçon, n'a par ailleurs aucune signification particulière, en lui-même ou comme les initiales d'un autre signe complexe. Il apparaît à cet égard fortement distinctif pour désigner des services d'assurance, de produits financiers et de conseils dans ces domaines. 30. Il en résulte que le signe "OVB" a conservé sa position distinctive autonome aussi bien dans le signe complexe "OVB Assurance" que dans les signes figuratifs utilisés par la défenderesse, la partie graphique des signes complexes argués de contrefaçon apparaissant faiblement distinctive étant constituée d'un avion à l'intérieur d'un blason pour désigner les services de courtage en assurance de voyage (cf ci-dessous la reproduction de ces signes) : 31. Eu égard à la nature des services concernés, le public pertinent apparaît d'attention élevée. 32. Il en résulte que le signe OVB ayant conservé sa position distinctive autonome dans les signes complexes argués de contrefaçon, et en raison de la très forte similitude entre les produits et services concernés, le public pertinent, même d'attention élevée, apparaît susceptible d'attribuer aux services proposés par les sociétés OVB et OVB Assurance une origine commune et, en particulier, apparaît amené à penser que ceux de la seconde sont une diversification de la gamme de services de la première. Il en résulte une atteinte à la fonction essentielle de la marque et, partant, des actes de contrefaçon par l'usage établi des signes OVB et OVB Assurance par la société OVB Asurance, que ce soit à titre de nom commercial, de dénomination sociale, de noms de domaine ou sous la forme de logos. 33. Il sera fait droit aux demandes d'interdiction selon les modalités précisées au dispositif de la présente décision, à l'exclusion de la mesure de destruction sous astreinte et sous le contrôle d'un huissier, qui apparaît disproportionnée ici. 34. Il sera également fait droit aux demandes de suppression et de transfert des noms de domaine conformément aux dispositions des articles L.45-2 et R.20-44-46 du code des postes et communications électroniques, en raison de la confusion recherchée, et précédemment retenue, par l'utilisation du signe "OVB" pour désigner des services de courtage d'assurance, qui n'apparaît pas, en l'état des éléments soumis à l'appréciation du tribunal, comme étant le fruit du hasard le terme "OVB" n'ayant aucune signification. 35. Aux termes de l'article L. 716-4-10 du code de la propriété intellectuelle : "Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :1o Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;2o Le préjudice moral causé à cette dernière ;3o Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon.Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée." 36. En l'espèce, la société OVB Holding sollicite l'allocation d'une somme forfaitaire, n'apportant néanmoins aucun élément sur le montant des redevances qu'elle perçoit, le tribunal observant au surplus que les sociétés n'interviennent pas sur le même secteur géographique. Il doit donc être retenu un préjudice relativement minime constitué par la dilution de la marque et qui sera ici réparé par le versement de la somme de 3.000 euros. 37. La même somme sera allouée à la société OVB Conseils en patrimoine France en réparation du préjudice propre que lui ont causés les actes contrefaisants. 38. Concernant les demandes formulées au titre de la concurrence déloyale et parasitaire, les sociétés OVB Holding et OVB Conseils en patrimoine France ne démontrent pas l'existence de faits distincts des actes de contrefaçon de marques non plus qu'aucun préjudice distinct de celui déjà réparé au titre de la contrefaçon. En conséquence, les demandes de ce chef doivent être rejetées. 39. Le préjudice apparaissant suffisamment réparé par les dispositions qui précèdent la demande de publication de la présente décision sera rejetée. 40. Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, la société OVB Assurance sera condamnée aux dépens, ainsi qu'à payer aux sociétés OVB Holding et OVB Conseils en patrimoine France la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. 41. Il n'y a pas de motif au cas présent pour écarter l'exécution provisoire, qui est de droit conformément aux dispositions de l'article 514 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS LE TRIBUNAL, FAIT DÉFENSE à la société OVB Assurance de faire usage des signes "OVB" ou "OVB Assurance", sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, et ce sous astreinte de 500 euros par infraction constatée (c'est à dire par usage du signe "OVB") courant à l'expiration d'un délai de 30 jours suivant la signification de la présente décision et pendant 180 jours ; ORDONNE à la société OVB Assurance de procéder au transfert du nom de domaine <www.ovb-assurances.com> au profit de la société OVB Holding et la suppression du nom de domaine <www.ovbassurance-sas06.fr>, en justifiant auprès d'elle de l'effectivité de ses démarches auprès des personnes concernées, et ce dans un délai de 30 jours à compter de la signification du jugement, puis sous astreinte de 500 euros par jour et par nom de domaine, qui courra pendant au maximum 180 jours ; ce délai de 30 jours étant le délai total pour que le transfert soit effectif, et non le délai pour engager les démarches nécessaires ; CONDAMNE la société OVB Assurance à payer à la société OVB Holding la somme de 3.000 euros en réparation de son préjudice causé par la contrefaçon de ses marques internationales no757174 désignant la France, semi-figuratives OVB no777429 désignant la France et no1409980 désignant l'Union européenne ; CONDAMNE la société OVB Assurance à payer à la société OVB Conseils en patrimoine France la somme de 3.000 euros en réparation de son préjudice propre causé par les mêmes faits de contrefaçon des marques; REJETTE les demandes de destruction et de publication de la présente décision ; CONDAMNE la société OVB Assurance aux dépens et autorise Maître Caroline Hiltgen-Lebouvier à recouvrer directement ceux dont elle aurait fait l'avance sans avoir reçu provision; CONDAMNE la société OVB Assurance à payer aux sociétés OVB Holding et OVB Conseils en patrimoine France la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; RAPPELLE que la présente décision est de plein droit exécutoire par provision. Fait et jugé à Paris le 12 janvier 2023. LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
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JURITEXT000047454938
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AUTRES_DECISIONS
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2023-01-12
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TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 3ème chambre 1ère section No RG 18/09313 No Portalis 352J-W-B7C-CNOFG No MINUTE : Assignation du :09 juillet 2018 JUGEMENT rendu le 12 janvier 2023 DEMANDERESSE S.A.S. UTILIS[Adresse 8][Adresse 8][Localité 2] représentée par Me Guillaume DAUCHEL de la SELARL CABINET SEVELLEC DAUCHEL, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #W0009 & Me Myriam JEAN de la SELARL JEAN LOUVEL SAOUDI, avocat au barreau de METZ, avocat plaidant DÉFENDERESSES S.A.S. I-4S FRANCE (anciennement BECHER SARL)[Adresse 9][Adresse 9][Localité 4] représentée par Me Frédéric MASSELIN de la SELARL SCHERMANN MASSELIN ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #R0142 & Me Coralie COLLIGNON-PIAULT de la SELARL JUROPE, avocat au barreau de METZ, avocat plaidant [Adresse 3][Adresse 3][Localité 4] S.A.R.L. INNOVATION FOR SHELTER INTERNATIONALI-4S[Adresse 1][Localité 5] (LUXEMBOURG) représentée par Me Pierre HERNÉ, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #B0835 & Me Jean-Marie HEMZELLEC de la SCP HEMZELLEC-DAVIDSON, avocat au barreau de METZ, avocat plaidant COMPOSITION DU TRIBUNAL Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointeElodie GUENNEC, Vice-présidenteMalik CHAPUIS, Juge, assistés de Caroline REBOUL, Greffière DEBATS A l'audience du 18 octobre 2022 tenue en audience publique, avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2022.Le délibéré a été prorogé au 12 janvier 2023. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffeContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DU LITIGE : 1. La société Utilis est spécialisée dans la conception, la fabrication et la commercialisation de tentes à montage rapide, destinées à des utilisations spécifiques telles des campements militaires, hôpitaux de campagne, unités de décontamination sous tentes ou en containers, ou protections NRBC (Nucléaires, Radiologiques, Biologiques, Chimiques). Elle est titulaire, dans ce cadre, d'un brevet européen désignant la France no EP 1 493 886, ayant pour titre "Structure modulable pliable pour tente ou analogue à montage rapide", déposé le 1er juillet 2003 et délivré le 1er mars 2006. 2. Elle est également titulaire de modèles communautaires enregistrés le 23 mars 2009 sous les no 001110787-0001, 001110787-0002 et 001110787-0003, intitulés "tentes", protégeant la configuration d'une gamme de ses tentes à montage rapide. 3. La société Becher (dénommée désormais I-4S France) est de la même manière spécialisée dans la fabrication et confection de toiles industrielles, d'armatures de tentes, de stores et de bâches. 4. À partir de 1997, les sociétés Utilis et Becher ont été en relation d'affaires en raison de l'expertise de la seconde dans la réalisation de profilés en aluminium. Leurs relations se sont dégradées en 2013 époque à laquelle la société Becher a obtenu la condamnation en référé de la socité Utilis à lui payer le solde de ses factures impayées tandis que la société Utilis a assigné la société Becher devant la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Metz en concurrence déloyale et parasitaire, action dont elle a été déboutée par un jugement (frappé d'appel) du 23 décembre 2021. 5. La société de droit luxembourgeois I-4S Innovation for Shelter International, créée en 2012 par deux anciens salariés de la société Utilis, a pour objet l'achat et la vente de produits industriels. Le groupement européen d'intérêt économique I-4S a été créé en 2013 par la société Becher et la société I-4S Innovation for Shelter International. Il a pour activité le développement et la commercialisation d'abris métallo textiles, d'équipements miliaires projectables destinés à la décontamination et la protection NRBC. 6. Reprochant aux sociétés Becher et I-4S Innovation for Shelter International de fabriquer et commercialiser des structures de tentes et des tentes reproduisant les revendications de son brevet et les caractéristiques de ses modèles communautaires, ainsi que d'utiliser des éléments de sa documentation (schémas, croquis, plans), ce qu'elle a fait constater par un huissier, la société Utilis a sollicité et obtenu, par deux ordonnances du 8 juin 2018, l'autorisation de faire pratiquer des opérations de saisies-contrefaçon au siège du GEIE I-4S et de la société Becher à [Localité 4], ainsi que sur le stand occupé par le GEIE I-4S au salon Eurosatory, organisé à [Localité 10] du 11 au 15 juin 2018. 7. C'est dans ce contexte que la société Utilis a, par actes d'huissier du 9 juillet 2018, fait assigner les sociétés I-4S France et Innovation for Shelter International, ainsi que le GEIE I-4S devant ce tribunal, en contrefaçon de brevet, de modèles communautaires et de droits d'auteur. 8. Par une ordonnance de référé du 5 octobre 2018, confirmée par un arrêt du 17 septembre 2019, la demande de rétractation de l'ordonnance ayant autorisé sur requête la saisie-contrefaçon à [Localité 4], a été accueillie en raison de la déloyauté de la société Utilis qui avait tu au juge des requêtes l'instance en cours devant le tribunal de Metz. 9. Le 20 novembre 2020, la société I-4S France a déposé devant l'EUIPO trois demandes en annulation des modèles communautaires précités qui lui sont présentement opposés par la société Utilis et dont l'examen par l'office est suspendu en raison du présent litige. 10. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 20 janvier 2022, la société Utilis demande au tribunal de : - DIRE que les pièces 34 et 43 telles que numérotées dans le bordereau annexé de la société Becher seront écartées des débats en raison de la production tardive, de leur faux intitulé et des moyens dilatoires utilisés pour les obtenir, - CONSTATER que la société Utilis a retiré de son bordereau initial les pièces 21A, 27, 29 et 31, - DIRE les demandes de la société Utilis à l'encontre des défendeurs recevables et bien fondées, - DIRE les exceptions et demandes reconventionnelles des défendeurs irrecevables en tous les cas non fondées, - DÉCLARER irrecevable, subsidiairement mal fondées les demandes des défendeurs en annulation du brevet EP 1 493 886 B1, - DÉCLARER irrecevable, subsidiairement mal fondées les demandes des défendeurs en annulation des modèles communautaires 001110787-0001, 001110787-0002 et 001110787-0003, - DÉBOUTER les sociétés défenderesse de leurs demandes en annulation des modèles communautaires no 001110787-0001, 001110787-0002 et 001110787-0003, - DÉBOUTER les sociétés défenderesse de leurs demandes en annulation du brevet EP 1 493 886 B1, - CONFIRMER la validité du brevet EP 1 493 886 B1, - CONFIRMER la validité des modèles communautaires no001110787-0001, 001110787-0002 et 001110787-0003, - DIRE que la fabrication, l'offre en vente et la vente par les entreprises sociétés I-4S France anciennement dénommée Becher, GEIE I-4S et Innovation for Shelter Internationale I-4S, de tentes reproduisant les revendications 1, 2, 5, 6 et 7 du brevet européen EP 1 493 886 B1 constituent des actes de contrefaçon de ce brevet, - DIRE que la fabrication, l'offre en vente et la vente par les sociétés I-4S France anciennement dénommée Becher, GEIE I-4S et Innovation For Shelter Internationale de tentes de la gamme GV reproduisant les caractéristiques des modèles européens enregistrés sous les no 001110787-0001, 001110787-0002 et 001110787-0003 constituent des actes de contrefaçon de modèles, et de droit d'auteur, - DIRE que la reproduction par les sociétés I-4S France, anciennement dénommée Becher, GEIE I-4S et Innovation for Shelter Internationale I-4S des éléments de documentation, schémas, croquis, plans et photographies appartenant à la société UTILIS constituent des actes de contrefaçon de droit d'auteur, En conséquence, - INTERDIRE aux sociétés I-4S France, GEIE I-4S et Innovation for Shelter Internationale I-4S la poursuite des actes poursuivis, et ce sous astreinte définitive de 50 000 € par infraction constatée et par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir, - DIRE que ces astreintes seront liquidées par le tribunal judiciaire de Paris, - ORDONNER la confiscation des produits contrefaisants et de tous supports comportant la reproduction de ces produits aux fins de leur destruction par la société Utilis, aux frais des sociétés I-4S France, GEIE I-4S et Innovation for Shelter Internationale I-4S, - ORDONNER la publication du jugement à intervenir dans quatre périodiques au choix de la société Utilis et aux frais des sociétés défenderesse, pour un montant total maximal de 20.000 €, - AUTORISER la publication du jugement à intervenir sur le site internet de la société UTILIS pendant une période d'un an à compter de la signification du jugement à intervenir, - ORDONNER la publication du jugement à intervenir sur le site internet des sociétés I-4S France, GEIE I-4S et Innovation for Shelter Internationale I-4S pendant une période d'un an, sous astreinte de 5.000 € par jour de retard à compter de 15 jours suivant la signification de la décision à intervenir, - CONDAMNER solidairement les sociétés I-4S France, GEIE I-4S et Innovation for Shelter Internationale I-4S à verser à la société Utilis une somme de 1.000.000 €, à titre de provision à valoir sur les dommages et intérêts en réparation du préjudice économique consécutif aux agissements de contrefaçon de brevet, de modèles et de droits d'auteur, - CONDAMNER solidairement les défendeurs à verser à la société Utilis à titre de provision une somme de 500.000 € à valoir sur les dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral et d'image consécutif aux agissements de contrefaçon de brevet, de modèles et de droits d'auteur, Et, avant dire droit sur le préjudice subi du fait des actes de contrefaçon, - ORDONNER une expertise comptable pour le surplus afin de donner tous éléments au tribunal et notamment la masse contrefaisante et les gains manqués et pertes subies par la société Utilis jusqu'au jour du jugement du fait des actes de contrefaçon sur le territoire français pour la contrefaçon de brevet et sur le territoire de l'Union européenne pour les actes de contrefaçon des dessins ou modèles communautaires et de droit d'auteur et nommer à cette fin tout expert agréé que le tribunal choisira avec mission de : * convoquer les parties dans le respect du contradictoire ; * se faire communiquer tous documents et pièces nécessaires à l'accomplissement de sa mission, à charge pour l'expert d'opérer un tri parmi ces documents pour en extraire seulement ceux qui se révéleront pertinents à l'accomplissement de sa mission, au besoin en occultant toute donnée ou information non pertinente et susceptible de relever du secret des affaires des personnes concernées ; * donner tous éléments permettant de déterminer le montant du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon de brevet et de modèles et droits d'auteur, et en proposer le chiffrage; * du tout dresser rapport. - DIRE que l'expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile et qu'il déposera l'original de son rapport au greffe du tribunal judiciaire de Paris (au contrôle des expertises) avant une date qu'il plaira au tribunal de fixer, sauf prorogation de ce délai dûment sollicité en temps utile après du juge du contrôle de l'expertise de la présente section de la 3ème chambre du tribunal, - DIRE qu'en cas de difficultés sur l'une des dispositions qui précèdent, il en sera référé au magistrat chargé du contrôle de l'expertise de la présente section de la 3ème chambre du tribunal, - FIXER la provision à valoir sur la rémunération de l'expert et qui devra être consignée par la société Utilis à la régie du tribunal avant la date qu'il plaira au tribunal de fixer, - DIRE que faute de consignation dans ce délai impératif, la désignation de l'expert serait caduque et privée d'effet, - RENVOYER l'affaire à une audience du juge de la mise en état qu'il plaira au Tribunal de fixer pour vérification de la consignation avant le suivi de l'expertise, - CONDAMNER solidairement le GEIE I-4S la SARL Innovation for Shelter Internationale I-4S et la société BECHER désormais dénommée I-4S France, à payer à la société UTILIS la somme de 60.000 € à titre de remboursement des peines et soins du procès en application de l'article 700 du code de procédure civile. - RAPPELER que le jugement à intervenir est exécutoire de plein droit, nonobstant appel et sans caution, - CONDAMNER solidairement les défendeurs aux entiers frais et dépens de l'instance, en ce y compris les frais de la saisie contrefaçon qui ont été supportés par la société Utilis. 11. Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 25 octobre 2021, la société Innovation for Shelter International I-4S et le GEIE I-4S demandent au tribunal de : A titre principal, - Dire que le brevet européen EPI 493 886 B1 est nul et de nul effet, - Dire que les dessins et modèles communautaires 001110787-0001, 001110787-0002 et 001110787-0003 sont nuls et de nul effet, - Rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande d'annulation du brevet européen et des dessins et modèles communautaires soulevée par la société Utilis, - Dire que la saisie-contrefaçon opérée à [Localité 4] est nulle et de nul effet, - Déclarer les demandes de la société Utilis irrecevables ou à tout le moins, mal fondées, En conséquence, - Débouter la société Utilis de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions émises à l'encontre de la société I-4S, A titre subsidiaire, - Dire que les pièces 21A, 23, 25, 27, 29 et 31 telles que numérotées dans son bordereau annexé à son assignation seront écartées des débats en raison de l'ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal de Paris le 5 octobre 2018, - Dire que la société I-4S n'a commis aucun acte de contrefaçon des produits du brevet EPI 493 886 B1 et des dessins et modèles communautaires enregistrés par la société Utilis sous les numéros 001110787-0001, 001110787-0002 et 001110787-0003, - Dire que la société I-4S n'a commis aucun acte de contrefaçon de droit d'auteur, A titre reconventionnel, - Condamner la société Utilis à payer à la société I-4S et GEIE I-4S la somme de 500 000 € en réparation du préjudice moral subi du fait de l'acharnement judiciaire de la société Utilis, En tout état de cause, - Condamner la société Utilis à payer à la société I-4S la somme de 50 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, - Condamner la société Utilis aux entiers frais et dépens de la présente instance et à ceux relatifs à la procédure liée aux saisies-contrefaçons réalisées le 12 juin 2018. 12. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 9 février 2022, I-4S France (anciennement Becher) demande au tribunal de : A titre liminaire, - Annuler le brevet le brevet européen EPI 493 886 B1, - Débouter la société Utilis de sa fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'exception de nullité du brevet - Annuler en conséquence la saisie-contrefaçon opérée au sein des locaux de la société Becher le 12 juin 2018 sur requête de la société Utilis, - Débouter en conséquence la société Utilis de l'ensemble des demandes formulées par elle au titre de son brevet, - Annuler les dessins et modèles communautaires enregistrés sous les no 001110787-0001, 001110787-0002, 001110787-0003, - Débouter en conséquence la société Utilis de l'ensemble des demandes formulées par elle au titre de ces dessins et modèles communautaires A titre subsidiaire et au fond, - Annuler le brevet le brevet européen EP 1 493 886 B1, - Débouter la société Utilis de sa fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande reconventionnelle de nullité du brevet - Annuler en conséquence la saisie-contrefaçon opérée au sein des locaux de la société Becher le 12 juin 2018 sur requête de la société Utilis, - Débouter en conséquence la société Utilis de l'ensemble des demandes formulées par elle au titre de son brevet - Annuler les dessins et modèles communautaires enregistrés par la société Utilis sous les no 001110787-0001, 001110787-0002, 001110787-0003, - Débouter en conséquence la société Utilis de l'ensemble des demandes formulées par elle au titre de ces dessins et modèles communautaires - Annuler les constats d'huissier datés respectivement du 07 février 2017, pièce figurant au bordereau de la société Utilis sous le numéro 22, et du 12 août 2015, pièce figurant au bordereau de la société Utilis à défaut pour l'huissier d'avoir observé les formalités requises pour un tel constat, En conséquence, - Ordonner la mise à l'écart des débats et le rejet de cette pièce et interdire à la société Utilis de faire la moindre référence à cette pièce et à son contenu, - Ordonner la mise à l'écart des débats et le rejet des pièces d'Utilis: * no21A:tableau comparatif brevets et saisies ; * no23: requêtes aux fins de saisie-contrefaçon de brevet à [Localité 4] ; * no 25:ordonnance du 8 juin 2018 de saisie-contrefaçon à [Localité 4] ; * no27: PV de saisie contrefaçon à [Localité 4] et son tapuscrit ; * no29: signification du PV de [Localité 4] à la société Becher ; * et no31: photographies prises au cours de la saisie-contrefaçon à [Localité 4] ; - Interdire à la société Utilis de faire la moindre référence à ces pièces et à leur contenu, conformément à l'Ordonnance sur référé-rétractation rendue le 05.10.2018 par le juge des référés prés le tribunal de Paris, - Débouter la société Utilis de ses demandes en contrefaçon par la société Becher (devenue I-4S France), des produits, du brevet EPI 493 886 B1 et des dessins et modèles communautaires enregistrés sous les numéros 001110787-0001, 001110787-0002 et 001110787-0003, - Débouter la société Utilis de l'ensemble de ses demandes, moyens, fins et prétentions En tout état de cause, - Condamner la société Utilis à verser à la société I-4S France, une somme de 500 000 euros venant en réparation du préjudice subi par celle-ci, - Condamner la société Utilis à verser à I-4S France, une somme de 50 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers frais et dépens toutes taxes comprises, en ce compris ceux liés à la saisie-contrefaçon opérée le 12 juin 2018 sur requête de la société Utilis. 13. L'instruction a été close par une ordonnance du 17 février 2022 et l'affaire plaidée à l'audience du 18 octobre 2022 MOTIFS DE LA DÉCISION 1o) Sur la validité du brevet EP 1 493 886 contestée en défense Moyens des parties 14. Les sociétés défenderesses contestent la prescription qui leur est opposée par la société Utilis concernant leur demande de nullité du brevet. Elles rappellent que la demande de nullité invoquée par voie d'exception est imprescritible tandis qu'en tout état de cause la loi Pacte a expressément prévu la rétroactivité de ses dispositions prévoyant l'imprescriptibilité de la demande en nullité d'un brevet. 15. Sur le fond, ces sociétés font valoir que le brevet est nul pour défaut de nouveauté et d'activité inventive. Sur le premier point, elles soutiennent que l'invention protégée par le brevet correspond au modèle de tente TM36 laquelle a été divulguée bien avant le dépôt du brevet, lors de présentations publiques dont certaines ont été photographiées et même filmées et fixées sur un CD-Rom commercial qu'elles versent aux débats. S'agissant du défaut d'activité inventive, les sociétés défenderesses font valoir que, par la combinaison des documents de l'art antérieur D1 (qui est un brevet européen EP 777 022 publié le 4 juin 1997) et D2 (un brevet US no 2,723,673 publié le 15 novembre 1955), ou encore, par la combinaison de D1 et D3 (un brevet européen EP 534 843 publié le 23 septembre 1992), l'homme du métier serait parvenu à l'invention revendiquée pour l'ensemble des revendications opposées. Les défenderesses précisent que l'ensemble de ces documents se rapportent à des structures modulaires pour tentes. 16. La société Utilis fait quant à elle valoir que la demande de nullité du brevet est prescrite. Elle rappelle d'abord que les défenderesses ont connaissance du brevet depuis à tout le moins le 4 septembre 2013 et précise ensuite que la prescription quinquénale, seule applicable, était acquise avant le 4 septembre 2018 soit avant l'entrée en vigueur de la loi Pacte. La société Utilis ajoute que la demande en nullité des défenderesses ne saurait être qualifiée d' "exception de procédure", tandis que le nouvel article L.615-8-1 du code de la propriété intellectuelle entrera en vigueur en même temps que la juridiction unifiée du brevet conformément selon elle à l'article 23 de l'ordonnance no2018-341 du 9 mai 2018. 17. Sur la validité du brevet EP 1 493 886, elle rappelle que l'examen de ce brevet par l'office a été très rapide et que les trois documents de l'art antérieur invoqués par les défenderesses au soutien de leurs moyens de nullité ont tous été pris en compte par l'examinateur qui a néanmoins décidé de délivrer le brevet. Elle en déduit que l'invention n'était pas évidente tandis qu'aucune antériorité valable n'en détruit la nouveauté. Elle soutient en particulier qu'aucun des visuels produits n'a date certaine s'agissant de photographies et d'un film dont la date est aisément falsifiable et qui, en tout état de cause, ne divulguent pas l'invention. Appréciation du tribunal a - Sur la prescription de la demande de nullité du brevet invoquée par voie d'exception : 18. Il est constamment jugé que l'exception de nullité est perpétuelle : Cass. Com., 28 septembre 2022, pourvoi no 20-16.874 (premier moyen du pourvoi principal) ; Cass. Civ. 1ère, 25 octobre 2017, pourvoi no 16-24.766, Bull. 2017, I, no 228 ; Cass. Civ. 1ère, 14 janvier 2015, pourvoi no 13-26.279, Bull. 2015, I, no 4 ; Cass. Civ. 3ème, 4 mars 2009, pourvoi no 07-17.991, Bull. 2009 III, no 57 ; Cass. Civ. 1ère, 23 janvier 1996, pourvoi no 93-21.442, Bull. 1996 I no 34 ; Cass. Civ. 1ère, 19 décembre 1995, pourvoi no 94-10.812, Bull. 1995 I no 477 ; Cass. Com., 20 novembre 1990, pourvoi no 89-18.156, Bull. 1990 IV no 295 ; Cass. Civ. 1ère, 21 juin 1989, pourvoi no 87-10.941, Bull. 1989 I no 246. 19. Il en résulte que l'exception de nullité d'un acte ne se prescrit pas à moins qu'elle se rapporte à un contrat qui a reçu exécution (article 1185 du code civil dans sa rédaction issue de l'ordonnance no2016-131 du 10 février 2016), ce régime juridique ne s'appliquant évidemment nullement aux actes de procédures soumis à un régime spécifique par le code de procédure civile. 20. La demande de nullité du brevet EP 1 493 886 opposée par les sociétés défenderesses pour faire échec à l'action en contrefaçon engagée par la société Utilis est donc recevable. Elle est en outre préalable. b - Présentation du brevet EP 1 493 886 21. Selon les paragraphes [0001], [0002] et [0003] de la partie descriptive du fascicule de brevet, l'invention concerne une structure modulaire pliable pour tente à montage rapide, en particulier les tentes adaptées aux situations d'urgence, et à un usage militaire, en ce qu'elles sont de relativement faible volume démontées, tandis qu'elles peuvent être montées et déployées rapidement tout en offrant un abri d'une grande résistance aux conditions météorologiques. Ces tentes sont en général constituées d'une structure démontable supportant une toile, ladite structure étant elle-même constituée, pour être démontable, d'un assemblage par emboîtement de profilés de type tubulaire. 22. Les paragraphes [0005] et [0006] enseignent que l'art antérieur connaît des structures formées de tiges articulées permettant de replier la structure, comme décrite par exemple dans le document EP0777022, mais que ce type de structure présente des inconvénients du point de vue de la stabilité et notamment de repliement intempestif en cas d'exposition à des conditions météorologques difficiles, à moins de les équiper de systèmes complexes et coûteux de verrouillage. 23. Aussi, afin de remédier à ces inconvénients, l'invention propose une structure modulaire pliable à montage rapide, permettant de remédier de manière simple à l'inconvénient précité de risque de repliement intempestif des tiges articulées.[0007] 24. Selon les paragraphes [0025] à [0031], cet objectif est atteint au moyen de profilés articulés agencés autour d'une panne faitière (pièce horizontale située au sommet de la structure) constituée de deux profilés de forme rectangulaire (éléments 40 et 41 de la figure 1a du brevet reproduite ci-après) et conçus pour être bloqués en position à angle droit dans une pièce de jonction avec le reste de la structure (pièce faîtière correspondant aux figures 2 et 3 également reproduite ci-après ainsi qu'aux éléments 3 et 42 de la figure 1a) grâce à un moyen de blocage réversible. 25. Le fascicule enseigne ensuite aux paragraphes [0032] à [0034] que le blocage réversible est obtenu par une empreinte usinée dans la pièce faîtière (élément 33 de la figure 3 du brevet reproduite ci-dessous) définissant deux positions angulaires extrêmes du profilé. Dans l'une, le profilé rectangulaire se trouve en position horizontale ce qui permet alors son repliement (dans la figure 2 ci-dessous le profilé est en position horizontale). Dans l'autre, il est en position verticale et ne peut plus être replié. Le profilé est alors relié par emboîtement (ou aboutement selon les termes du brevet) à un autre profilé (40 et 41 de la figure 1a) lui-même relié à une autre pièce faîtière comprenant la même empreinte mais positionnée de manière inverse de sorte qu'est atteint par cet agencement un effet d'auto-blocage de la panne faîtière et de l'ensemble de la structure qui en assure la rigidité de manière très simple. 26. Aux fins de l'invention, le brevet se compose de 7 revendications, ci dessous reproduites, toutes opposées à l'exception de la revendication 3 : 27. 1. Structure modulaire pliable pour tente ou analogue à montage rapide, du type constitué de l'assemblage de profilés de type tubulaire, et destinée à supporter une toile, lesdits profilés permettant notamment de former au moins deux arches (1, 2) en vis-à-vis re liées par au moins deux pannes (4, 5, 6) dont une faîtière (4), ladite panne faîtière (4) est constituée de l'aboutement de deux profilés (40, 41), solidarisés chacun par leur autre extrémité à une pièce faîtière (3) que comporte chacune desdites arches (1, 2), caractérisée en ce que ladite extrémité comportant d'une part des moyens de pivotement (43) lui permettant de pivoter sur ladite pièce faîtière (3) selon un axe (X) perpendiculaire au plan de l'arche (1, 2), alors que des moyens d'indexage (44, 33) limitent angulairement ledit pivotement ; et d'autre part des moyens de pivotement (45) permettant l'articulation de ladite extrémité selon un axe transversal (Y), parallèle au plan de l'arche (1, 2) afin de permettre le repliement dudit profilé (40, 41) parallèlement à la dite arche (1, 2), tandis que l'aboutement des deux profilés (40, 41) de la panne faîtière (4) est réalisé par l'intermédiaire de moyens d'emboîtement aptes à assurer l'immobilisation en pivotement axial d'un profilé (40, 41) par rapport à l'autre selon des positions angulaires de ceux-ci définies par lesdits moyens d'indexage (44, 33). 28. 2. Structure selon la revendication 1, caractérisée en ce que la liaison de la panne faîtière (4) à une arche (1, 2) est réalisée au travers d'une articulation (42) comprenant une pièce intermédiaire (44) portant deux pivots (43, 45) d'axes (X, Y) perpendiculaires l'un par rapport à l'autre, l'un assurant la liaison avec la pièce faîtière (3) perpendiculairement au plan de ladite arche (1, 2), tandis que l'autre assure la liaison avec ladite panne faîtière (4). 29. 4. Dispositif selon la revendication 2, caractérisé en ce que le contrôle de l'orientation angulaire de chacun des profilés (40, 41) de la panne faîtière (4) est réalisé par l'intermédiaire d'éléments faisant saillie de là pièce faîtière (3) et avec lesquels coopère la pièce intermédiaire (44), les emplacements de ces éléments permettant de limiter angulairement le dé placement en pivotement. 30. 5. Structure selon l'une quelconque des revendications précédentes, caractérisé en ce que la ou les pannes (5, 6) qui relient deux arches (1, 2), autres que la panne faîtière (4); sont constituées de deux profilés (50, 51, 60, 61) articulés en pivotement d'une part l'un à l'autre, et d'autre part à leur arche respective (1, 2) en sorte de permettre le repliement de l'un sur l'autre et donc le rapprochement de deux arches voisinés (1, 2). 31. 6. Structure selon la revendication 5, caractérisée en ce que l'articulation (52, 62) reliant les deux profilés (50, 51, 60, 61) constituant une panne (5, 6), comporte des moyens de blocage réversible permettant de maintenir lesdits deux profilés (50, 51, 60, 61) alignés, après déploiement. 32. 7. Structure selon l'une quelconque des revendications précédentes, caractérisée en ce que chacune des arches (1, 2) est constituée d'une pièce faîtière (3) et de deux chevrons (10, 11, 20, 21), lesquels sont articulés sur ladite pièce faîtière (3) selon des axes distincts et perpendiculaires au plan de l'arche (1, 2). c - Sur le défaut de nouveauté 33. Aux termes de l'article L.614-12 du code de la propriété intellectuelle, "la nullité du brevet européen est prononcée en ce qui concerne la France par décision de justice pour l'un quelconque des motifs visés à l'article 138, paragraphe 1, de la Convention de Munich." 34. Selon l'article 138 § 1 de cette Convention, "Sous réserve de l'article 139, le brevet européen ne peut être déclaré nul, avec effet pour un Etat contractant, que si : a) l'objet du brevet européen n'est pas brevetable en vertu des articles 52 à 57 ;". 35. Il résulte en outre de l'article 54 "Nouveauté" de la Convention sur le brevet européen que : "(1)Une invention est considérée comme nouvelle si elle n'est pas comprise dans l'état de la technique. (2) L'état de la technique est constitué par tout ce qui a été rendu accessible au public avant la date de dépôt de la demande de brevet européen par une description écrite ou orale, un usage ou tout autre moyen. Une invention est considérée comme nouvelle si elle n'est pas comprise dans l'état de la technique." 36. Les sociétés défenderesses versent aux débats de très nombreuses pièces qui établissent la présentation au public et la commercialisation par la société Utilis, dès le mois de mai 2002, soit plus d'un an avant la date de dépôt, d'une tente référencée TM36. 37. Le tribunal ne peut que constater que cette référence de tente commercialisée par la société Utilis reproduit intégralement l'ensemble des revendications opposées du brevet, ce qui résulte en particulier des photographies prises lors des présentations publiques de cette tente qui en révèlent de très nombreuses caractéristiques et, en particulier, le détail de l'usinage de la pièce faîtière qui, avec la rotation à 90o des deux éléments de la panne faîtière permet d'atteindre l'effet auto-bloquant de la structure (voir notamment pièces I-4S France no27 a et c qui sont une facture de la société Becher à la société Utilis portant notamment sur la vente d'une tente référencée TM 36 "avec inscription Bomberos Unidos" datée du 30 septembre 2002, ainsi qu'une photographie - dont les métadonnées montrent qu'elle a été prise le 21 novembre 2002 - d'une tente montée portant l'inscription "Bomberos Unidos" sur laquelle est nettement visible l'empreinte de la pièce faîtière). 38. En outre, la société I-4S France verse aux débats en pièce no36 un coffret réalisé à des fins promotionnelles par la société Utilis et comportant un "compact disc" ainsi qu'un DVD. Ce second support contient notamment une vidéo de présentation de la tente TM36. Cette vidéo met en évidence, à la 28ème seconde de la démonstration chronométrée du montage de cette tente, la légère rotation des deux profilés constituant la panne faîtière dans la pièce faîtière, d'un côté, et leur emboîtement, de l'autre côté, ce qui confère alors à la structure sa rigidité, et qui constitue le coeur de l'invention. Ce film de présentation figure sur un DVD, certes daté de 2009, mais il fait expressément référence au modèle de tente TM 36 figurant sur les factures versées aux débats (pièces I-4S France no 40 et 53 : 17 factures de la société Becher à la société Utilis portant sur des tentes référencées TM 36 pour différents clients tels que la protection civile espagnole, les Bomberos Unidos, les marins pompiers de [Localité 6], la Croix Rouge d'[Localité 7], datées de mai 2002 à avril 2003). Il n'est pas allégué, et encore moins démontré, que cette référence de produit TM 36 concernerait des modèles de tentes en réalité différents, ce qui serait au demeurant contredit par les photographies versées aux débats. 39. Le compact disc figurant dans le coffret produit en pièce no36 contient quant à lui de nombreuses photographies faisant expressément référence au modèle TM 36 de la société Utilis et montrant ce modèle présenté sur des places publiques, en particulier le modèle TM 36 réalisé pour les "Bomberos Unidos", les métadonnées des photographies établissant qu'elles ont été prises le 3 janvier 2003. 40. La société Utilis, qui se borne à affirmer la possibilité de falsifier les métadonnées d'une photographie, ne la démontre pas, par exemple par la production du coffret promotionnel "authentique" ce qui permettrait de vérifier l'intégrité des photographies présentes sur ce support. Cela serait d'autant plus nécessaire ici que les dates des photographies sont corroborrées par d'autres éléments. 41. La société I-4S France a certes obtenu l'ensemble des ces éléments en raison de sa qualité de sous-traitant de la société Utilis, mais, ainsi que le rappelle à juste titre la première, l'obligation de confidentialité, étant d'interprétation stricte, une telle obligation ne saurait résulter implicitement de l'existence de relations commerciales et que, même si un écrit n'est pas nécessaire pour parvenir à un accord de confidentialité, la preuve d'entretiens ou de contacts verbaux qui auraient eu un tel objet n'est pas fournie (Cass. Com., 17 mars 2015, pourvoi no 13-15.862). 42. De tout ces éléments il résulte que la société Utilis commercialise le modèle de tente référencé TM 36, lequel reproduit l'ensemble des caractéristiques du brevet EP 1 493 886 depuis le mois de mai 2002 au moins, ce dont il résulte que l'invention a été rendue accessible au publique bien avant la date de dépôt (1er juillet 2003). Le brevet se trouve donc dépourvu de nouveauté. Il y a donc lieu de faire droit à la demande d'annulation de ce brevet. 43. Les demandes fondées sur la contrefaçon de ce brevet seront toutes rejetées (interdiction sous astreinte, confiscation, publication, paiement de dommages-intérêts provisionnels, expertise). 44. Il est en outre rappelé que "la procédure de saisie-contrefaçon étant dérogatoire au droit commun, l'annulation du titre sur lequel elle était fondée entraîne l'annulation du procès-verbal de saisie et ne laisse rien subsister de celui-ci". (Cass. Com., 28 septembre 2022, pourvoi no 20-16.874) Les procès-verbaux de saisie-contrefaçon dressés le 12 juin 2018 à la requête de la société Utilis sur le fondement de ce brevet doivent donc être annulés. 2o) Sur la validité des modèles contestée en défense Moyens des parties 45. Les sociétés défenderesses invoquent en substance les mêmes pièces, contenant de la même manière selon elles des antériorités destructrices de la nouveauté comme du caractère individuel des modèles. Elles font également valoir que l'apparence des modèles est imposée par leurs fonctions techniques en violation des dispositions de l'article 8 du Règlement 6/ 2002. Elles rappellent en tout état de cause l'imprescriptibilité de leur demande d'annulation présentée par voie d'exception. Les sociétés défenderesses concluent subsidiairement à l'absence de reproduction des modèles par sa gamme de tentes GV qui, notamment, ne comportent aucun croisillon. 46. La société Utilis soutient que la demande aux fins d'annulation de ses modèles est prescrite. Elle réfute quoi qu'il en soit les arguments de nullité de ses modèles en raison d'une part du défaut de force probante des éléments produits par les sociétés défenderesses, et en raison d'autre part de l'indéniable selon elle aspect nouveau, individuel et non contraint par leur fonction technique, des ses trois modèles. Appréciation du tribunal 47. Aux termes de l'article 24 du Règlement no 6/2002 du conseil du 12 décembre 2001 sur les dessins ou modèles communautaires, "Un dessin ou modèle communautaire enregistré est déclaré nul sur demande introduite auprès de l'Office, confor mément à la procédure prévue aux titres VI et VII, ou par un tribunal des dessins ou modèles communautaires à la suite d'une demande reconventionnelle dans le cadre d'une action en contrefaçon." L'article 25 précise qu' "Un dessin ou modèle communautaire ne peut être déclaré nul que : (...) b) s'il ne remplit pas les conditions fixées aux articles 4 à 9". 48. Selon l'article 5 "Nouveauté" du Règlement no 6/2002 du 12 décembre 2001 sur les dessins ou modèles communautaires "1. Un dessin ou modèle est considéré comme nouveau si aucun dessin ou modèle identique n'a été divulgué au public: (...) b) dans le cas d'un dessin ou modèle communautaire enre gistré, avant la date de dépôt de la demande d'enregistre ment du dessin ou modèle pour lequel la protection est demandée ou, si une priorité est revendiquée, la date de priorité. 2. Des dessins ou modèles sont considérés comme identiques lorsque leurs caractéristiques ne diffèrent que par des détails insignifiants." 49. Selon l'article 6 "Caractère individuel" du Règlement no 6/2002, "1. Un dessin ou modèle est considéré comme présentant un caractère individuel si l'impression globale qu'il produit sur l'utilisateur averti diffère de celle que produit sur un tel utilisateur tout dessin ou modèle qui a été divulgué au public: (...) b) dans le cas d'un dessin ou modèle communautaire enregistré, avant la date de dépôt de la demande d'enregistrement ou, si une priorité est revendiquée, avant la date de priorité. 2. Pour apprécier le caractère individuel, il est tenu compte du degré de liberté du créateur dans l'élaboration du dessin ou modèle." 50. Selon l'article 7 "Divulgation" du même Règlement, "2. Aux fins des articles 5 et 6, il n'est pas tenu compte d'une divulgation si un dessin ou modèle pour lequel la protection est revendiquée au titre de dessin ou modèle communautaire enre gistré a été divulgué au public: a) par le créateur ou son ayant droit ou par un tiers sur la base d'informations fournies ou d'actes accomplis par le créateur ou son ayant droit, et ce, b) pendant la période de douze mois précédant la date de dépôt de la demande d'enregistrement ou la date de priorité, si une priorité est revendiquée." 51. Il résulte de la jurisprudence que la notion d'utilisateur averti doit être comprise comme une notion intermédiaire entre celle de consommateur moyen, applicable en matière de marques, auquel il n'est demandé aucune connaissance spécifique et qui, en général, n'effectue pas de rapprochement direct entre les marques en conflit, et celle d'homme de l'art, expert doté de compétences techniques approfondies (Cour de justice de l'Union européenne du 20 octobre 2011, PepsiCo/Grupo Promer Mon Graphic, C-281/10 P, point 53). Ainsi, si l'utilisateur averti n'est pas le consommateur moyen normalement informé et raisonnablement attentif et avisé qui perçoit habituellement un dessin ou un modèle comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails, il n'est pas non plus l'expert ou l'homme de l'art capable d'observer dans le détail les différences minimes susceptibles d'exister entre les dessins ou modèles en conflit (même arrêt point 100). La qualité d'« utilisateur » implique que la personne concernée utilise le produit dans lequel est incorporé le dessin ou modèle en conformité avec la finalité à laquelle ce même produit est destiné. Le qualificatif « averti » suggère en outre que, sans être un concepteur ou un expert technique, l'utilisateur connaît les différents dessins ou modèles existant dans le secteur concerné, dispose d'un certain degré de connaissances quant aux éléments que ces dessins ou modèles comportent normalement, et, du fait de son intérêt pour les produits concernés, fait preuve d'un degré d'attention relativement élevé lorsqu'il les utilise (arrêt du Tribunal du 22 juin 2010, Shenzen Taiden/OHMI - Bosch Security Systems (Équipement de communication), T-153/08, point 98). Ainsi, la notion d'utilisateur averti peut s'entendre comme désignant un utilisateur doté non d'une attention moyenne, mais d'une vigilance particulière, que ce soit en raison de son expérience personnelle ou de sa connaissance étendue du secteur considéré (arrêt PepsiCo/Grupo Promer Mon Graphic, point 100). 52. La demande de nullité des modèles opposée par les sociétés défenderesses pour faire échec à l'action en contrefaçon engagée par la société Utilis n'est nullement prescrite pour les mêmes motifs que ceux déjà exposés s'agissant de la demande d'annulation des revendications opposées du brevet. 53. Ainsi, il résulte ici des pièces produites que les modèles opposés correspondent aux tentes référencées TL et TXL de la société Utilis (pièce I-4S no44) constituées d'au moins deux arceaux en forme de demi-dodécagone constituant une structure apparente retenant une toile. 54. Il résulte encore des pièces produites que ces références de tentes Utilis ont fait l'objet de multiples divulgations plus d'un an avant le dépôt, ainsi qu'il résulte du compact disc versé aux débats en pièce no36, lequel comprend diverses photographies montrant les différentes tentes exposées montées. Les photographies 1 à 3 de cette pièce montrent ainsi que le modèle no 001110787-0001 a été présenté au public, l'événement ayant été photographié le 2 octobre 2007. Les photographies présentes sur ce support et antérieures au 23 mars 2008 révèlent toutes les caractéristiques du modèle no 001110787-0001 (forme de demi-dodécagone, croisillons sur certains pans, deux fermetures voilées dans le prolongement du demi-dodécagone, y compris la couleur kaki), n'en diffèrant que par le choix de l'emplacement des "croisillons" présents sur certains pans. 55. Cette différence d'emplacement des croisillons n'apparaît cependant pas susceptible de produire sur l'utilisateur averti une impression visuelle d'ensemble différente de celle que produira sur lui le dépôt, le tribunal observant au surplus que les modèles dont la société Utilis estime qu'ils constituent une contrefaçon ne comportent pas de croisillons (cf. les reproductions de la gamme GV en page 146 de ses conclusions). Ce modèle apparaît donc dépourvu de caractère individuel. 56. Il en va de même du modèle no 001110787-0002, correspondant à la tente TL / TXL constituée de 4 arceaux (selon une forme de demi-dodécagone avec des croisillons positionnés sur différents pans afin de rigidifier la structure), photographiée montée le 2 octobre 2007, soit plus d'un an avant le dépôt, à proximité de ce qui paraît être une base aéroportuaire, accessible au public très spécialisé auquel s'adresse ce produit (photos no12 à 16 du CD Utilis édité en 2009). Là encore, les photographies présentes sur ce support et antérieures au 23 mars 2008 révèlent toutes les caractéristiques du modèle no 001110787-0002, à savoir la forme de demi-dodécagone et la présence de croisillons, n'en diffèrant que par le choix de l'emplacement des croisillons présents sur certains pans. Comme précédemment, cette différence d'emplacement des croisillons n'apparaît pas susceptible de produire sur l'utilisateur averti une impression visuelle d'ensemble différente de celle que produira sur lui le dépôt. L'utilisateur averti remarquera que le positionnement et le nombre des croisillons dépend de l'usage envisagé de la tente (cf. photographie no8 du CD Utilis). Ce modèle apparaît donc lui aussi dépourvu de caractère individuel. 57. Le modèle no 001110787-0003 correspond quant à lui à la tente TL/TXL constituée de 6 arceaux en forme de demi-dodécagone avec des croisillons sur certains pans. Il n'est pas établi qu'il ait fait l'objet d'une divulgation, que ce soit par un produit identique ou ne produisant pas une impression d'ensemble différente, dans le délai de l'article 7 du Règlement. Il n'est pas davantage établi que son apparence soit entièrement dictée par ses caractèristiques techniques. Ce modèle doit donc être déclaré valable. 3o) Sur la contrefaçon du modèle no 001110787-0003 58. Selon l'article 10 "Étendue de la protection" du Règlement no 6/2002 du conseil du 12 décembre 2001 sur les dessins ou modèles communautaires, "1. La protection conférée par le dessin ou modèle communautaire s'étend à tout dessin ou modèle qui ne produit pas sur l'utilisateur averti une impression visuelle globale différente." 59. Le tribunal constate que, si la tente GV 6 de la société I-4S France reproduit une tente à structure apparente en forme de demi-dodécagone et constituée de six arceaux, cette tente, outre qu'elle est dotée de nombreuses ouvertures extérieures latérales, ne comporte aucun croisillon (cf. ci-dessous de gauche à droite la tente GV6 et l'une des représentation du dépôt ) : 60. Il en résulte que la tente GV 6 de la société I-4S France produit sur l'utilisateur averti, dont il est rappelé qu'il a une connaissance étendue des différents modèles du secteur, une impression visuelle globale différente de celle que produit sur lui le modèle no 001110787-0003, de sorte que la demande fondée sur la contrefaçon de ce modèle ne peut qu'être rejetée. 4o) Sur la contrefaçon de droit d'auteur 61. Conformément à l'article L.111-1 du code de la propriété intellectuelle, l'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous comportant des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial. En application de l'article L.112-1 du même code, ce droit appartient à l'auteur de toute oeuvre de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination. 62. La protection d'une oeuvre de l'esprit est acquise à son auteur sans formalité et du seul fait de la création d'une forme originale en ce sens qu'elle porte l'empreinte de la personnalité de son auteur et n'est pas la banale reprise d'un fonds commun non appropriable. Dans ce cadre toutefois, il appartient à celui qui se prévaut d'un droit d'auteur de définir et d'expliciter les contours de l'originalité qu'il allègue. En effet, seul l'auteur, dont le juge ne peut suppléer la carence, est en mesure d'identifier les éléments traduisant sa personnalité et qui justifient son monopole. 63. La société Utilis sollicite la protection de ce chef de plans de ses tentes. Elle n'offre toutefois pas de caractériser en quoi ces plans portent l'empreinte de la personnalité d'un auteur, non plus que leur divulgation antérieure sous son nom. 64. La demande de protection de ces plans par le droit d'auteur ne peut donc qu'être rejetée. 5o) Sur les autres mesures 65. Les sociétés défenderesses qui ne caractèrisent pas autre chose qu'une mauvaise appréciation de ses droits par la société Utilis, non plus qu'aucun préjudice distinct de celui d'assurer leur défense, seront déboutées de leurs demandes de dommages-intérêts pour procédure abusive. 66. En revanche, partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, la société Utilis sera condamnée aux dépens, ainsi qu'à payer aux sociétés défenderesses la somme de 40.000 euros à la société I-4S France d'une part, ainsi que la même somme à la société Innovation for shelter international I-4S et au GEIE I-4S d'autre part, par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. 67. Nécessaire et compatible avec la nature de la présente décision, l'exécution provisoire sera ordonnée sauf en ce qui concerne la transmission aux offices. PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL, ANNULE les revendications 1, 2, 4, 5, 6 et 7 de la partie française du brevet EP 1 493 886 appartenant à la société Utilis ; DIT que la présente décision, une fois passée en force de chose jugée, sera transmise à l'INPI à l'initiative de la partie la plus diligente aux fins d'inscription au registre national des brevets ; REJETTE par conséquent l'ensemble des demandes de la société Utilis fondées sur la contrefaçon de ce brevet ; DÉCLARE NULS les procès-verbaux de saisie-contrefaçon dressés le 12 juin 2018 à la requête de la société Utilis ; DÉCLARE NULS les modèles communautaires no 001110787-0001, 001110787-0002 appartenant à la société Utilis ; DIT qu'une fois passée en force de chose jugée la présente décision sera transmise à l'Office européen de la propriété intellectuelle, à l'initiative de la partie la plus diligente, pour inscription au registre des dessins ou modèles communautaires conformément aux dispositions de l'article 86 point 4 du Règlement no 6/2002 du 12 décembre 2001 ; REJETTE par conséquent l'ensemble des demandes de la société Utilis fondées sur la contrefaçon de ces modèles communautaires ; REJETTE la demande d'annulation du modèle communautaire 001110787-0003 appartenant à la société Utilis ; REJETTE les demandes fondées sur la contrefaçon de ce modèle communautaire ; REJETTE la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive présentée par les sociétés I-4S France, Innovation for shelter international I-4S et le GEIE I-4S ; CONDAMNE la société Utilis aux dépens ; CONDAMNE la société Utilis à payer à la société I-4S France la somme de 40.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; CONDAMNE la société Utilis à payer à la société Innovation for shelter international I-4S ainsi qu'au GEIE I-4S la somme de 40.000 euros (20.000 euros chacun) par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; ORDONNE l'exécution provisoire de la présente décision sauf en ce qui concerne la transcription du jugement sur les registres. Fait et jugé à Paris le 12 janvier 2023. LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
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JURITEXT000047454939
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AUTRES_DECISIONS
Tribunal judiciaire de Paris, 12 janvier 2023, 20/06429
2023-01-12
Tribunal judiciaire de Paris
20/06429
CT0196
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TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 3ème chambre 1ère section No RG 20/06429 No Portalis 352J-W-B7E-CSMR3 No MINUTE : Assignation du :10 juillet 2020 JUGEMENT rendu le 12 janvier 2023 DEMANDERESSE S.A.S. PERARD[Adresse 5][Adresse 5][Localité 2] représentée par Me Elsa CROZATIER, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #E1873 & Me Jonathan SAVOURET de la SCP ILLIADE AVOCATS, avocat au barreau de METZ DÉFENDERESSE S.A.S. CONSTRUCTIONS METALLIQUES ROYER SERGE ET FILS[Adresse 3][Localité 1] représentée par Me Olivier LEDRU, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B0609 COMPOSITION DU TRIBUNAL Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointeElodie GUENNEC, Vice-présidenteMalik CHAPUIS, Juge, assistés de Quentin CURABET, Greffier lors des débats et de Caroline REBOUL, Greffière lors de la mise à disposition. DÉBATS A l'audience du 27 septembre 2022 tenue en audience publique devant Nathalie SABOTIER et Malik CHAPUIS, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seuls l'audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue le 1er décembre 2022. Le délibéré a été prorogé au 12 janvier 2023. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffeContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DU LITIGE : 1. La société Perard est spécialisée dans la conception et la fabrication de machines agricoles. Dans ce cadre, elle expose avoir procédé, le 9 janvier 2002, au dépôt d'une demande de brevet français no FR 0 200 180 portant une remorque à plateau abaissable destinée notamment au transport de matériel agricole. 2. Le 22 août 2002, la société Perard a procédé au dépôt d'une demande de brevet européen portant sur la même invention et revendiquant la priorité de la demande française no FR 0 200 180. Ce brevet, délivré le 3 novembre 2004 sous le no EP 1 285 846, s'est substitué au brevet français le 3 août 2005 lequel a cessé de produire ses effets conformément aux dispositions de l'article L. 614-13 du code de la propriété intellectuelle. 3. La société Constructions Metalliques Royer Serge et Fils (ci-après Royer) exerce la même activité de conception et fabrication de machines agricoles. 4. Les parties s'opposent depuis 2014 sur la reproduction non autorisée des revendications du brevet portant sur les remorques à plateau abaissable commercialisées par la société Royer. C'est ainsi que, par une requête enregistrée au greffe le 28 mai 2020, la société Perard a sollicité et obtenu, le 29 mai 2020, l'autorisation de faire pratiquer une saisie-contrefaçon au siège de la société Royer. Les opérations se sont déroulées le 23 juin 2020 et, par acte d'huissier du 10 juillet 2020, la société Pérard a fait assigner la société Royer devant ce tribunal, en contrefaçon de brevet et subsidiairement en concurrence déloyale. 5. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 23 février 2022, la société Perard demande au tribunal de : - Déclarer l'action diligentée par la Sas Perard recevable et sa demande bien fondée, Avant dire droit, - Enjoindre à la Sas Constructions Metalliques Royer Serge et Fils d'avoir à produire tout document comptable afférents à la vente des produits argués de contrefaçon et permettant d'établir la réalité des bénéfices générés par ces actes ce, sous astreinte de 150,00 € par jour de retard, Au principal, - Dire que la Sas Constructions Metalliques Royer Serge et Fils engage sa responsabilité au regard de l'article L615-1 du code de la propriété intellectuelle, En conséquence, - Condamner la Sas Constructions Metalliques Royer Serge et Fils à payer à la Sas Perard la somme de 429.473,00 € à titre de dommages et intérêts ce, en raison des préjudices économiques subis ainsi que des bénéfices réalisés par la défenderesse au détriment du propriétaire du brevet, cette somme étant à parfaire, - Condamner la Sas Constructions Metalliques Royer Serge et Fils à payer à la Sas Perard la somme de 25.000,00 € à titre de dommages et intérêts et ce, en réparation du préjudice moral subi, Subsidiairement, - Dire que les importantes similitudes entre la remorque breveté et celles commercialisés par la Sas Constructions Metalliques Royer Serge et Fils sont de nature à induire une confusion auprès des tiers, ces faits caractérisant une pratique commerciale déloyale, - Dire que la Sas Constructions Metalliques Royer Serge et Fils engage sa responsabilité, En conséquence, - Condamner la Sas Constructions Metalliques Royer Serge et Fils à payer à la Sas Perard la somme de 429.473,00 € à titre de dommages et intérêts ce, en raison des préjudices économiques subis ainsi que des bénéfices réalisés par la défenderesse au détriment du propriétaire du brevet, cette somme étant à parfaire, - Condamner la Sas Constructions Metalliques Royer Serge et Fils à payer à la Sas Perard la somme de 25.000,00 € à titre de dommages et intérêts et ce, en réparation du préjudice moral subi, Très subsidiairement, - Ordonner une expertise judiciaire, - Désigner tel expert qu'il plaira à la juridiction de Céans avec pour mission de : - Se rendre sur place sis [Adresse 3] à [Localité 1], siège de la Sas Constructions Metalliques Royer Serge et Fils et ce, afin d'analyser les procédés techniques employés par cette dernière dans le cadre de la fabrication et de la commercialisation des remorques agricoles à plateau abaissable, - Se faire remettre tout plan et documentations techniques et commerciales afférentes aux remorques agricoles litigieuses, antérieur à 2014, mais également postérieur à 2016, - A partir de ces plans et des procédés techniques y étant décrit, analyser leur fonction et les moyens mis en oeuvre par la Sas Constructions Metalliques Royer Serge et Fils, afin de déterminer si ces moyens ont pour but d'exercer une fonction identique, et notamment analyser le remplacement des galets brevetés par la SAS PERARD par les glissières et vérins et ce, afin de déterminer si cette modification du moyen d'abaissement du plateau remplie la même fonction et la même finalités que le procédé breveté, - Apprécier, au regard des revendications issues du brevet en date du 09 janvier 2002, si les moyens techniques employés par la Sas Constructions Metalliques Royer Serge et Fils constituent une contrefaçon, - Dire, après analyse des remorques agricoles fabriquées et commercialisées par la Sas Constructions Metalliques Royer Serge et Fils si ces dernières reproduisent les procédés ou moyens techniques contenu dans chacune des revendications contenues dans le brevet en date du 09 janvier 2002, - Dire au regard de chaque revendication issue du brevet en date du 09 janvier 2002, si les moyens mis en oeuvre par la Sas Constructions Metalliques Royer Serge et Fils poursuivent les mêmes finalités et fonction que ceux mis en oeuvre par la Sas Perard, - Évaluer le préjudice subi par la Sas Perard du fait des actes de contrefaçon constatés, - Répondre aux dires des parties, lesquels seront annexés au pré-rapport de manières précises et, si nécessaires, documentées. - Statuer ce que de droit quant à la consignation des frais d'expertise, En tout état de cause, - Débouter la Sas Constructions Metalliques Royer Serge et Fils de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions, - Condamner la Sas Constructions Metalliques Royer Serge et Fils à payer à la Sas Perard la somme de 7.500,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, - Condamner la Sas Constructions Metalliques Royer Serge et Fils aux entiers frais et dépens, - Dire n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de la décision à intervenir. 6. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 28 janvier 2022, la société Constructions Métalliques Royer Serge et Fils demande au tribunal de : - Constater la nullité du constat de saisie contrefaçon en date du 23 juin 2020 et en conséquence l'écarter des débats ; - Débouter la société Sas Perard de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions; - Condamner la Sas Perard à payer à la société Constructions Metalliques Royer et Fils la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ; A titre subsidiaire - Dire qu'une éventuelle expertise ne pourrait qu'être à la charge exclusive de la Sas Perard et ajouter à la mission de l'expertise une analyse de tous les procédés similaires au dépôt du brevet Perard et antérieurs à celui-ci. En tout état de cause, - Condamner la Sas Perard à Payer à la société Constructions Métalliques Royer Serge et Fils la somme de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; - La condamner aux entiers dépens. 7. L'instruction a été close par une ordonnance du 22 mars 2022 et l'affaire plaidée à l'audience du 27 septembre 2022. MOTIFS DE LA DÉCISION 1o) Sur la nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon Moyens des parties 8. La société Royer soutient que la requête n'identifie pas clairement le brevet sur lequel elle est fondée, ne contenant aucun élément d'identification de ce brevet (titre, numéro,...) et alors que la date de dépôt mentionnée est erronée, ainsi que le reconnaît elle-même la demanderesse, ce qui constitue selon elle un premier moyen de nullité. La société Royer ajoute que la saisie était apparemment fondée sur la demande de brevet français alors que ce titre était déchu à la date de présentation de la requête et ne pouvait en aucun cas servir de fondement à la demande de saisie, ainsi que l'a jugé à plusieurs reprises la Cour de cassation. 9. La société Perard soutient quant à elle que la saisie est parfaitement valable, la société Royer ne démontrant pas le grief que lui cause l'erreur matérielle affectant la date de dépôt du brevet mentionnée dans la requête. Elle confirme que le brevet présenté au juge ayant autorisé la requête était le brevet français no FR 0 200 180 dont la date de dépôt est le 9 janvier 2002 et soutient à cet égard, pour s'opposer au moyen de nullité de la saisie de la société Royer, qu'elle était en droit d'invoquer ce brevet pour obtenir la preuve de faits de contrefaçon non encore prescrits. Appréciation du tribunal 10. L'article L. 615-5 du code de la propriété intellectelle réserve la possibilité de solliciter une mesure de saisie-contrefaçon à la personne ayant qualité pour agir en contrefaçon. Selon l'article L. 615-2 de ce même code, l'action en contrefaçon est exercée par le propriétaire du brevet. La Haute juridiction a constamment déduit de ces dispositions que le requérant devait justifier, non seulement de l'existence du titre sur lequel il se fonde, mais également de ce que celui-ci est toujours en vigueur à la date de présentation de la requête. (Cass. Com., 29 janvier 2008, pourvoi no 07-14.709, Bull. 2008, IV, no 18 ; Com., 14 décembre 2010, pourvoi no 09-72.946, Bull. 2010, IV, no 196) 11. Il résulte en outre de l'article L. 614-13 du code de la propriété intellectuelle que "Dans la mesure où un brevet français couvre une invention pour laquelle un brevet européen a été délivré au même inventeur ou à son ayant cause avec la même date de dépôt ou de priorité, le brevet français cesse de produire ses effets soit à la date à laquelle le délai prévu pour la formation de l'opposition au brevet européen est expiré sans qu'une opposition ait été formée, soit à la date à laquelle la procédure d'opposition est close, le brevet européen ayant été maintenu." 12. Il est enfin rappelé que le juge du fond, appréciant la régularité des éléments de preuve qui lui sont soumis, peut annuler un procès-verbal de saisie-contrefaçon pour des motifs tirés des conditions de délivrance de l'ordonnance ayant autorisé la saisie-contrefaçon. (Cass. Com., 17 mars 2015, pourvoi no 13-15.862 ; Cass. Civ. 1ère, 6 mai 2010, pourvoi no 08-15.897, Bull. 2010, I, no 104) 13. En l'absence d'opposition formée après la délivrance du brevet EP 1 285 846 le 3 novembre 2004, le brevet FR no 0 200 180 a cessé de produire ses effets 9 mois après cette date soit le 3 août 2005. Il ne pouvait donc servir de fondement à la requête afin de saisie contrefaçon présentée (par un avocat au barreau de Metz) le 28 mai 2020. 14. Il y a donc lieu de déclarer nul le procès-verbal de saisie-contrefaçon dressé le 23 juin 2020 par Maître [B], huissier de justice associé à [Localité 4], à la requête de la société Perard. 2o) Sur la contrefaçon de brevet Moyens des parties 15. La société Perard fait pour l'essentiel valoir que la contrefaçon littérale a été reconnue par la société Royer. A défaut de contrefaçon littérale, elle conclut à une contrefaçon par équivalence dès lors que la remorque Royer litigieuse comprend un chassis et un train d'essieu coulissant sous la remorque pour permettre son abaissement total. 16. La société Royer soutient quant à elle qu'en l'absence de la moindre description de l'invention par la demanderesse, il lui est difficile de savoir en quoi ses remorques seraient contrefaisantes. Elle précise avoir déjà en 2014 accepté de modifier un modèle de remorque afin d'éviter un contentieux ce dont il ne peut être déduit aucune preuve de contrefaçon. Elle ajoute, dans l'ignorance de ce qui lui est précisément reproché, avoir sollicité un expert afin qu'il compare le brevet à la remorque arguée de contrefaçon et, que ce denrier a conclu à l'absence de contrefaçon du brevet Perard. Appréciation du tribunal a - Présentation du brevet EP 1 285 846 17. Les paragraphes [0001] à [0005] de la partie descriptive du fascicule de brevet exposent qu'il existe un besoin de remorques dont le plateau est entièrement abaissable au sol. Les paragraphes [0006] et [0007] enseignent que l'art antérieur connaît différents types de remorques à plateau abaissable. Le premier fonctionne au moyen d'un plateau situé entre les roues de la remorque, son abaissement et sa remontée étant actionnée par un verin hydraulique. Ce système simple présente l'inconvénient que la charge n'est pas supportée par les roues pendant le transport ce qui peut être un problème pour les remorques de grande longueur. Dans le second système, les roues se trouvent sous le plateau de la remorque pendant le transport, mais peuvent se déplacer en coulissant dans des rails qui se prolongent au-delà du plateau, puis pivoter afin de laisser l'espace libre permettant alors au plateau de s'abaisser. Ce système est plus efficace et stable que le précédent mais complexe et coûteux à fabriquer. 18. Aussi, l'invention propose un système simple et moins coûteux d'abaissement de plateau d'une remorque dont les roues sont coulissantes, mais sans rails pivotants, ce système étant remplacé par système de galets complémentaires situés à l'arrière de la remorque (élément 31 de la figure 2 du brevet reproduite ci-dessous) combinés à un vérin de commande et coopérant avec les longerons (élément 21 de la même figure 2) de forme incurvée pour permettre ensuite la descente. (Paragraphes [0010] in fne, [0014] et [0024] et suivants de la partie descriptive). b - La contrefaçon 19. Comme le relève à juste titre la société Royer et comme le mentionne au demeurant le brevet lui-même dans sa partie descriptive, les systèmes de remorques munies d'un essieu coulissant jusqu'à l'arrière aux fins de permettre son abaissement total au sol étaient connus à la date de dépôt du brevet Perard qui ne peut donc invoquer ici aucune contrefaçon par équivalence par l'effet du seul coulissement des roues sous le plateau. 20. Force est en outre de constater qu'aucun autre élément ne permet d'établir une quelconque contrefaçon, laquelle est au demeurant contredite par l'examen de la remorque arguée de conterfaçon par M. [E], expert. Ce dernier a en effet mis en évidence que la remorque Royer était en réalité constituée de deux chariots distincts, l'un solidaire des trains d'essieu et commandé par des verins propres pour accompagner leur mouvement sur un axe horizontal, l'autre solidaire du plateau et commandé par d'autres verins pour accompagner son mouvement vertical. Il n'a relevé aucun système de galets complémentaires situés à l'arrière de la remorque non plus qu'aucun longeron de forme incurvée.21. Les demandes fondées sur la contrefaçon du brevet EP 1 285 846 ne peuvent donc qu'être toutes rejetées (communication de pièces et paiement de dommages-intérêts provisionnels) sans qu'il y ait lieu d'ordonner une expertise, laquelle ne saurait avoir pour objet de palier la carence de la société Perard dans la preuve qui lui incombe de l'existence d'une contrefaçon (article 146 du code de procédure civile). 3o) Sur la concurrence déloyale 22. Selon les articles 1240 et 1241 du code civil « Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence. » 23. La concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce et de l'industrie, qui implique qu'un signe ou un produit qui ne fait pas l'objet de droits de propriété intellectuelle puisse être librement reproduit sous certaines conditions tenant à l'absence de faute, laquelle peut être constituée par la création d'un risque de confusion. 24. L'appréciation de cette faute doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l'imitation, l'ancienneté de l'usage, l'originalité et la notoriété du produit copié. 25. Force est en l'occurrence de constater que la société Perard n'offre pas de caractériser en quoi les remorques abaissables à essieu coulissant de la société Royer créeraient un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle par rapport aux siennes, dont il a été relevé qu'elles ne mettent pas en oeuvre le même procédé, la demanderesse ne pouvant revendiquer aucun monopole sur ce type de remorques. Sa demande de ce chef sera par conséquent rejetée. 4o) Sur les autres mesures 26. Le droit d'agir en justice dégénère en abus constitutif d'une faute au sens de l'article 1240 du code civil lorsqu'il est exercé en connaissance de l'absence totale de mérite de l'action engagée, ou par une légèreté inexcusable, obligeant le défendeur à se défendre contre une action que rien ne justifie sinon la volonté d'obtenir ce que l'on sait indu, une intention de nuire, ou une indifférence totale aux conséquences de sa légèreté. 27. L'action, ici initialement engagée sur la base d'un brevet déchu 15 années auparavant, poursuivie sans aucune analyse du brevet lui servant de base, ni d'ailleurs du produit argué de contrefaçon, et à l'évidence dans le seul but de nuire à un concurrent sérieux, justifie de faire droit à la demande à ce titre de la société Royer, qui a subi un préjudice distinct de celui de la seule nécessité de se défendre, et de condamner la société Perard à lui payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive. 28. Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, la société Perard sera condamnée aux dépens, ainsi qu'à payer à la société Royer la somme de 15.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. 29. Aucune circonstance ne justifie d'écarter l'exécution provisoire de droit dont est assortie la présente décision conformément aux dispositions de l'article 514 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL, DÉCLARE NUL le le procès-verbal de saisie-contrefaçon dressé le 23 juin 2020 par Maître [B], huissier de justice associé à [Localité 4] à la requête de la société Perard ; REJETTE toutes les demandes de la société Perard fondées sur la contrefaçon du brevet EP 1 285 846 ; REJETTE ses demandes d'expertise et celles fondées sur la concurrence déloyale ; CONDAMNE la société Perard à payer à la société Constructions Metalliques Royer Serge et Fils la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi résultant du présent abus de procédure ; CONDAMNE la société Perard aux dépens ; CONDAMNE la société Perard à payer à la société Constructions Metalliques Royer Serge et Fils la somme de 15.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; RAPPELLE que la présente décision est de plein droit exécutoire. Fait et jugé à Paris le 12 janvier 2023. LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
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JURITEXT000047454940
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AUTRES_DECISIONS
Tribunal judiciaire de Paris, 12 janvier 2023, 19/13203
2023-01-12
Tribunal judiciaire de Paris
19/13203
CT0196
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TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 3ème chambre 1ère section No RG 19/13203 No Portalis 352J-W-B7D-CRDQF No MINUTE : Assignation du :13 novembre 2019 JUGEMENT rendu le 12 janvier 2023 DEMANDERESSE S.A.S. [Z] JM "LA FERME SAINT- SIMEON"[Adresse 4][Localité 2] représentée par Me Annette SION, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0362 DÉFENDERESSE S.A.R.L. LE MANOIR DES IMPRESSIONNISTES[Adresse 3][Localité 1] représentée par Me Cyril BONAN de l'AARPI DARROIS VILLEY MAILLOT BROCHIER, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #R0170 & Me Nadège LEMARCHAND, de la société d'avocats FIDAL, avocat au barreau de CAEN, avocat plaidant COMPOSITION DU TRIBUNAL Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointeElodie GUENNEC, Vice-présidenteMalik CHAPUIS, Juge, assistés de Caroline REBOUL, Greffière, DÉBATS A l'audience du 26 septembre 2022 tenue en audience publique devant Nathalie SABOTIER et Malik CHAPUIS juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seuls l'audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile.Avis a été donné aux avocats que la décision seraient rendue le 1er décembre 2022. Le délibéré a été prorogé au 12 janvier 2023. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffeContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DU LITIGE : 1. Le Manoir des impressionnistes, ainsi dénommé depuis 2011 et précédemment le Manoir du Butin, est un hôtel 5 étoiles situé à [Localité 2] (14), doté d'un restaurant gastronomique et d'un spa, propriété de la famille [Z] depuis 1980. Cet hôtel est exploité par la société Le Manoir des impressionnistes dont le siège social est situé à [Localité 1] (14). Aux fins de protéger cette dénomination, la société Le Manoir des impressionnistes a déposé la marque verbale française "Le manoir des impressionnistes", enregistrée le 6 janvier 2011, sous le no3795571, pour désigner différents services en classes 33, 37, 39 et 43. 2. La société [Z] JM la Ferme Saint Simeon exploite quand à elle à [Localité 2] (14) depuis 1989 un hôtel 5 étoiles à l'enseigne "La Ferme Saint Siméon", doté d'un restaurant gastronomique dénommé "Les impressionnistes", depuis 2019. 3. Par une lettre du 8 août 2019, le conseil de la société Le Manoir des impressionnistes a mis en demeure la société [Z] JM la Ferme Saint Simeon de modifier la dénomination de son restaurant. Par une lettre du 23 Octobre 2019, le conseil de la société [Z] JM la Ferme Saint Simeon a répondu que sa cliente n'entendait pas déférer à cette mise en demeure. 4. C'est en cet état que la société [Z] JM La Ferme Saint Simeon, invoquant son lien "historique" avec le mouvement impressionniste, a, par acte d'huissier du 13 novembre 2019, fait assigner la société Le Manoir des impressionnistes devant le tribunal de grande instance de Paris (devenu le 1er janvier 2020 le tribunal judiciaire de Paris) afin d'obtenir, à titre principal, le transfert à son profit de la marque française "Le manoir des impressionnistes", déposée selon elle en fraude de ses droits et de ceux des opérateurs économiques qui souhaiteraient, comme elle, utiliser ce terme appartenant selon elle au domaine public. Subsidiairement, la société [Z] JM La Ferme Saint Simeon sollicite l'annulation de la marque no3795571. 5. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 20 juillet 2021, la société [Z] JM La Ferme Saint-Simeon demande au tribunal de: - Débouter la société Le Manoir des Impressionistes de l'intégralité de ses demandes reconventionnelles, de sa demande tendant au rejet des pièces no3-10 à 3 -18, 3-20 à 3-23, 3-3, 3-5 à 3-9, 4-10, 4-3 et 4-4, et en nullité du PV de constat dressé le 24 octobre 2019 par la Scp Adam-belmudes-cenes, En application des dispositions des articles L711-1 et suivants, de l'article L 711-2 8ème et 11ème alinéa du code de la propriété intellectuelle, et de l'article 1240 du code civil, - Juger frauduleux et de mauvaise foi le dépôt de la marque "Le Manoir des Impressionnistes" no3795571 en ce qu'il a été effectué dans le but de nuire à la société [Z] Jm "la Ferme Saint Simeon" SAS, la société Le Manoir des Impressionnistes cherchant à s'approprier abusivement un droit privatif sur le terme " impressionniste " qui appartient au domaine public, et qui est notoirement associé à la Ferme Saint Siméon depuis le milieu du XIXème siècle, - Prononcer la nullité de la marque "Le Manoir des Impressionnistes" no3795571 pour l'intégralité des produits et services visés au dépôt, en application des dispositions des articles L711-2-b devenu L 711-2 8ème et 11ème alinéa, de l'article L 712-6 du code de la propriété intellectuelle, - Dire que la demande en nullité de la marque "Le Manoir des Impressionnistes " no3795571 n'est pas prescrite, - Ordonner la publication du jugement à intervenir, sur le Registre National de Marques, à l'INPI, sur réquisition du greffier ; Vu les dispositions de l'article L 121-1 du code de la consommation, - Juger que la dénomination sociale "Le Manoir des Impressionnistes", et les noms commerciaux "Le Manoir des Impressionnistes" et "la Table des Impressionnistes", présentent un caractère trompeur, les consommateurs étant conduits à considérer que les services d'hôtellerie et de restauration fournis sous ces noms commerciaux sont offerts dans un lieu particulier associé aux impressionnistes, alors qu'il n'en est rien. - Juger que la dénomination sociale "Le Manoir des Impressionnistes", et les noms commerciaux "Le Manoir des Impressionnistes" et "la Table des Impressionnistes" présentent un caractère parasitaire au préjudice de la société [Z] Jm "la Ferme Saint Simeon", - Juger qu'en dénommant "Manoir des Impressionnistes" la bâtisse précédemment dénommée " Manoir du Butin ", et en faisant croire sur son site Internet qu'il s'agirait du lieu où se réunissaient les Impressionnistes, la société Le Manoir des Impressionnistes s'est rendue coupable d'agissements parasitaires au préjudice de la société [Z] Jm "la Ferme Saint Simeon", - Interdire à la société la société Le Manoir des Impressionnistes de faire usage, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit des noms commerciaux "Le Manoir des Impressionnistes" et "la Table des Impressionnistes" et ce sous astreinte définitive de 1000 € par jour de retard à compter du délai de trois mois suivant la signification du jugement à intervenir, et ce sous astreinte définitive de 1000 € par jour de retard. - Interdire à la société la société Le Manoir des Impressionnistes de faire usage du nom de domaine http://www.manoirdesimpressionnistes.com pour désigner un site Internet d'hôtellerie et de restauration, et ce sous astreinte définitive de 1000 € par jour de retard à compter du délai de trois mois suivant la signification du jugement à intervenir, et ce sous astreinte définitive de 1000 € par jour de retard. - Interdire à la société la société Le Manoir des Impressionnistes de faire usage de la dénomination "Le Manoir des Impressionnistes" pour désigner la bâtisse précédemment dénommée "Le Manoir du Butin", et de faire croire sur son site Internet et dans sa communication promotionnelle qu'il s'agirait du lieu où se réunissaient les Impressionnistes , et ce sous astreinte définitive de 1000 € par jour de retard à compter du délai de trois mois suivant la signification du jugement à intervenir. - Condamner la société la société Le Manoir des Impressionnistes à procéder au changement de sa dénomination sociale dans le délai de deux mois suivant la signification du jugement à intervenir, et à procéder à l'inscription du changement de sa dénomination sociale au Registre du commerce dans le délai de trois mois suivant la signification du jugement à intervenir, et ce sous astreinte définitive de 1000€ par jour de retard. - Juger que la lettre de mise en demeure adressée le 8 août 2019 par la société Le Manoir des Impressionnistes à la société [Z] Jm "la Ferme Saint Simeon", et ses demandes reconventionnelles en contrefaçon et concurrence déloyale sont non fondées, et présentent un caractère abusif. - Débouter la société Le Manoir des Impressionnistes de l'intégralité de ses demandes reconventionnelles sur le fondement de la contrefaçon au titre de la concurrence déloyale. En réparation du préjudice subi du fait de ses agissements parasitaires, - Condamner la société Le Manoir des Impressionnistes à verser à la société [Z] Jm "la Ferme Saint Simeon" la somme de 20.000 €, quitte à parfaire, - Autoriser la société [Z] Jm "la Ferme Saint Simeon" à faire procéder à la publication du dispositif du jugement à intervenir, dans 10 journaux ou revue de son choix, aux frais de la société Le Manoir des Impressionnistes, le coût global des publications mis à la charge de la société Le Manoir des Impressionnistes ne pouvant excéder 50.000 € (H.T). - Ordonner la publication du jugement à intervenir sur la page d'accueil du site Internet exploité par la société Le Manoir des Impressionnistes pendant une durée ininterrompue de 6 mois à compter du délai de deux mois suivant la signification du jugement à intervenir, aux frais de la société Le Manoir des Impressionnistes et ce sous astreinte définitive de 1.000 € par jour de retard. - Condamner la Société Le Manoir des Impressionnistes à verser à la société [Z] Jm " la Ferme Saint Simeon " la somme de 20.000 €, en application de l'article 700 du code de procédure civile, - Condamner la société Le Manoir des Impressionnistes en tous les dépens, dont distraction au profit de Maître Hollier-larousse, avocat aux offres de droit. 6. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 14 février 2022, la société Le Manoir des Impressionnistes demande au tribunal de : In limine litis, sur les pièces adverses : - Déclarer nul le constat d'huissier sur internet, - Ecarter des débats les pièces 3.10 à 3.18, 3.20 à 3.23, 3.3, 3.5 à 3.9, dès lors qu'elles ne présentent aucune garantie quant à leur intégrité et leur date; Vu les articles L.714-3, L.711-2 et 712-3 du code de la propriété intellectuelle, A titre principal, Vu l'article L.714-3 du code de la propriété intellectuelle, - JUGER que la société Le Manoir des Impressionnistes a déposé la demande de marque Le Manoir des Impressionnistes en toute bonne foi, - JUGER que la marque française Le Manoir des Impressionnistes en date du 6 Janvier 2011 est valide, - JUGER que la société [Z] JM La Ferme Saint Simeon a toléré pendant plus de 5 années consécutive l'usage de la marque Le Manoir des Impressssionnistes par la société Le Manoir des Impressionnistes, et en déduire que la société [Z] JM La Ferme Saint Simeon n'est plus recevable à demander la nullité de la marque postérieure "Le Manoir des Impressionnistes " sur les fondements des articles L.714-3 du code de la propriété intellectuelle. - Débouter la société [Z] JM La Ferme Saint Simeon de toutes ses demandes, - JUGER que l'action en revendication de la société [Z] JM La Ferme Saint Simeon sur la marque Le Manoir des Impressionnistes est prescrite depuis le 28 mai 2016, - Débouter la société [Z] JM La Ferme Saint Simeon de toutes ses demandes à ce titre. A titre subsidiaire,Vu les articles L. 711-2 et L. 712-6 du code de la propriété intellectuelle et 2274 du code civil, - CONSTATER la bonne foi de la société Le Manoir des Impressionnistes et son absence d'intention de nuire à l'encontre de la société [Z] JM La Ferme Saint Simeon au moment du dépôt de la demande de marque française Le Manoir des Impressionnistes en janvier 2011, - CONSTATER l'absence de caractère déceptif ou trompeur de la marque française Le Manoir des Impressionnistes et EN DEDUIRE que la marque française Le Manoir des impressionnistes enregistrée sous le numéro 3795571 est valide. - Débouter en conséquence la société [Z] JM La Ferme Saint Simeon de l'intégralité de ses demandes à ce titre ; - Débouter la société [Z] JM La Ferme Saint Simeon de toutes ses demandes, Vu les articles 1240 du code civil et L. 121-1 et L. 121-2 du code de la consommation - Constater l'absence de caractère déloyal ou trompeur des dénominations et noms commerciaux Le Manoir des Impressionnistes et la Table des Impressionnistes, - Constater que la société Le Manoir des Impressionnistes n'a pas commis d'actes de concurrence déloyale à l'encontre de la société [Z] JM La Ferme Saint Simeon et écarter toute réparation à ce titre, - Constater l'absence de préjudice de la société [Z] JM La Ferme Saint Simeon, - Ecarter tout caractère abusif de la mise en demeure du 8 août 2019, - Juger que la société Le Manoir des Impressionnistes peut poursuivre l'exploitation de des dénominations et noms commerciaux, de même que son site web et son nom de domaine lemanoiredesimpressionnistes.com ; - Débouter la société [Z] JM La Ferme Saint Simeon de toutes ses demandes à ces différents titres. A titre reconventionnel,Vu l'article L.716-14 du code de la propriété intellectuelle, - Constater la contrefaçon de la marque Le Manoir des Impressionnistes par la société [Z] JM La Ferme Saint Simeon par l'utilisation de la dénomination les Impressionnistes pour enseigne de son restaurant ; - Prononcer l'interdiction à la société [Z] JM La Ferme Saint Simeon d'exploiter la dénomination les Impressionnistes pour enseigne de son restaurant et à quelque titre que ce soit de signe distinctif dans la vie des affaires pour les services relevant de la classe 43,Enjoindre la société Jm [Z] " la Ferme Saint Simeon " à cesser sous 48H à compter de la signification du jugement à venir tout usage de la dénomination les Impressionnistes pour enseigne de son restaurant et à quelque titre que ce soit à titre de marque pour les services relevant de la classe 43, et sur toutes ses communications y afférentes, sous astreinte de 500 euros par jour, - Prononcer que la société [Z] JM La Ferme Saint Simeon versera à la Société Le Manoir des Imressionnistes la somme de 1 Euro au titre de la réparation de son préjudice économique et 5 000 euros au titre de son préjudice moral de contrefaçon, Vu l'article 1240 du code civil, - Constater les agissements parasitaires de la société [Z] JM La Ferme Saint Simeon exploitant la dénomination les Impressionnistes pour enseigne de son restaurant situé à [Localité 2] et s'immisçant ainsi dans le sillage de la Société Le Manoir des Impressionnistes situé à quelques centaines de mètres, - Constater le préjudice subi par la société Le Manoir des Impressionnistes du fait de ces agissements de la société [Z] JM La Ferme Saint Simeon, - Prononcer l'interdiction à la société [Z] JM La Ferme Saint Simeon d'exploiter la dénomination les Impressionnistes à titre d'enseigne de son restaurant et à quelque titre que ce soit d'identifier commercialement des services d'hôtellerie et de restauration par le vocable les Impressionnistes, - Enjoindre la société [Z] JM La Ferme Saint Simeon à cesser sous 48H à compter de la signification du jugement à venir tout usage de la dénomination les Impressionnistes, à titre d'enseigne de son restaurant et à quelque titre que ce soit d'identifier commercialement des services d'hôtellerie et de restauration par le vocale les Impressionnistes, ainsi que sur toutes ses communications y afférentes, sous astreinte de 500 euros par jour, - Prononcer que la société [Z] JM La Ferme Saint Simeon versera à la société Le Manoir des Imressionnistes la somme de 1 Euro au titre de la réparation de son préjudice économique subi et 5 000 euros au titre de son préjudice moral, - Interdire à la société [Z] JM La Ferme Saint Simeon d'utiliser les termes "les Impressionnistes" à titre d'enseigne de son restaurant, ou de l'un quelconque de ses établissements dans le domaine de l'hôtellerie et de la restauration, de quelque manière et à quelque titre que ce soit, directement ou indirectement, par toute personne morale ou physique interposée, et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir, - Ordonner la modification de son enseigne et de ses éléments de communication, de tout document, papier commercial, publicité, etc. portant une reproduction des signes incriminés en tant qu'enseigne ou une référence à ceux-ci dans les 48 heures de la signification du jugement à intervenir et ce, sous astreinte de 500 euros par jour de retard et leur destruction sous contrôle d'huissier et aux frais de la société [Z] JM La Ferme Saint Simeon, - Ordonner le retrait de toutes références et images reproduisant les signes incriminés en tant qu'enseigne sur tout site Internet et compte de réseau social détenu ou contrôlé par la société [Z] JM La Ferme Saint Simeon, et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard, dans les 48 heures de la signification du jugement à intervenir, Vu les articles 696 et 700 du code de procédure civile - Condamner la société [Z] JM La Ferme Saint Simeon à payer 15 000 euros au profit de la société Le Manoir des Impressionnistes ; - Condamner la société [Z] JM La Ferme Saint Simeon aux entiers dépens de la procédure. 7. L'instruction a été close par une ordonnance du 22 mars 2022 et l'affaire a été plaidée à l'audience du 26 septembre 2022. MOTIFS DE LA DÉCISION 1o) Sur les demandes liminaires de la société Le Manoir des impressionnistes Moyens des parties 8. La société défenderesse conclut à la nullité du procès-verbal de constat versé en pièce no10. Elle soutient en effet que l'huissier n'a pas réalisé de paramétrage du navigateur, ni réalisé aucune analyse virale ou de logiciel anti-espion. Elle ajoute que l'huissier n'a pas identifié l'adresse IP de la cible, ni recherché les informations relatives auprès du domaine cible (whois). La société défenderesse soutient encore que les pièces 3.10 à 3.18, 3.20 à 3.23, 3.3, 3.5 à 3.9, non datées, doivent être écartées des débats. 9. La société [Z] conclut quant à elle à la validité du procès-verbal de constat. Elle fait en effet valoir que la norme NF Z67-147 du 11 septembre 2010 invoquée par la société Le Manoir des impressionnistes n'a pas de caractère obligatoire et ne constitue qu'un recueil de bonnes pratiques, tandis que les vérifications omises ne sont pas selon elle de celles qui confèrent une garantie sur la sincérité des opérations. S'agissant des menus produits en pièces 3.10 à 3.18, 3.20 à 3.23, 3.3, 3.5 à 3.9 ils ne sont pas soutient-elle en eux-mêmes nuls, dès lors que leurs dates sont corroborées par d'autres éléments. Appréciation du tribunal 10. En l'occurrence, le tribunal constate que l'huissier a décrit le matériel informatique et le navigateur utilisé, vidé le cache du navigateur, supprimé les données de navigation, vérifié que la connexion à partir d'un serveur Proxy était désactivée, vidé la corbeille et synchronisé l'horloge. Ces éléments permettent de garantir l'intégrité des contenus numériques téléchargés par l'huissier lors de ses opérations, tandis que la société défenderesse n'offre pas de caractériser en quoi les vérifications manquantes pourraient apparaître comme ayant été de nature à vicier ses opérations. 11. Il n'y a donc pas lieu d'écarter des débats le de procès-verbal constat d'huissier, non plus que les pièces 3.10 à 3.18, 3.20 à 3.23, 3.3, 3.5 à 3.9 dont le tribunal appréciera la force probante. 2o) Sur la recevabilité des demandes contestée en défense (forclusion et prescription) Moyens des parties 12. La société Le Manoir des impressionnistes invoque tout à la fois la forclusion des demandes ainsi que leur prescription. Elle rappelle avoir déposé la marque Le Manoir des impressionnistes en 2011 soit près de neuf ans avant l'engagement de la présente action. Elle ajoute avoir publiquement exploité ce signe depuis la même époque, ce que la société [Z] sait parfaitement pour exploiter un établissement similaire à quelques centaines de mètres. Elle soutient donc que la société [Z] a connu et toléré l'usage du signe pendant plus de cinq ans et que la demande de nullité est, non seulement prescrite conformément au droit commun applicable ici, mais encore atteinte de forclusion. 13. La société [Z] demande quant à elle au tribunal d'écarter les fins de non-recevoir tirées de la forclusion et de la prescription soulevées par la société défenderesse. Elle rappelle solliciter la nullité du dépôt pour fraude, tandis que la forclusion par tolérance et la prescription de l'action en transfert et en nullité fondées sur la fraude, ne sont pas applicables en cas de mauvaise foi, laquelle est selon elle incontestablement établie ici. Subsidiairement, la société [Z] indique soulever la nullité de la marque opposée par voie d'exception, comme moyen de défense à la demande reconventionnelle en contrefaçon présentée par la société Le Manoir des impressionnistes, et que cette demande est imprescriptible. Appréciation du tribunal 14. Selon l'article L. 716-2-6 du code de la propriété intellectuelle "Sous réserve des articles L. 716-2-7 et L. 716-2-8, l'action ou la demande en nullité d'une marque n'est soumise à aucun délai de prescription." Cette disposition, issue de la loi no 2019-486 du 22 mai 2019, s'applique aux titres en vigueur, pour lesquels toutefois le délai de prescription ne serait pas encore arrivé à expiration. En effet, selon l'article 2222 du code civil, "La loi qui allonge la durée d'une prescription ou d'un délai de forclusion est sans effet sur une prescription ou une forclusion acquise. Elle s'applique lorsque le délai de prescription ou le délai de forclusion n'était pas expiré à la date de son entrée en vigueur." 15. La loi du 13 mai 2019 a incontestablement allongé le délai de prescription de l'action en nullité de marque puisque, avant son entrée en vigueur, le code de la propriété intellectuelle ne prévoyait aucune disposition concernant la prescription des actions en nullité de sorte que la jurisprudence appliquait les dispositions de droit commun (Cass. Com., 8 juin 2017, pourvoi no 15-21.357, Bull. 2017, IV, no 81) et en dernier lieu celles de l'article 2224 du code civil aux termes duquel les actions se préscrivent par 5 ans « à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ». 16. Selon l'article L. 716-2-8 du code de la propriété intellectuelle "Le titulaire d'un droit antérieur qui a toléré pendant une période de cinq années consécutives l'usage d'une marque postérieure enregistrée en connaissance de cet usage n'est plus recevable à demander la nullité de la marque postérieure sur le fondement de l'article L. 711-3, pour les produits ou les services pour lesquels l'usage de la marque a été toléré, à moins que l'enregistrement de celle-ci ait été demandé de mauvaise foi." 17. De la même manière, aux termes de l'article L. 712-6 du code de la propriété intellectuelle, "Si un enregistrement a été demandé soit en fraude des droits d'un tiers, soit en violation d'une obligation légale ou conventionnelle, la personne qui estime avoir un droit sur la marque peut revendiquer sa propriété en justice. A moins que le déposant ne soit de mauvaise foi, l'action en revendication se prescrit par cinq ans à compter de la publication de la demande d'enregistrement." 18. De tout ce qui précède il résulte que l'examen de la recevabilité de la demande implique d'apprécier au préalable la bonne ou la mauvaise foi de la société Le Manoir des Impressionnistes dans le cadre du dépôt de la marque. 3o) Sur le dépôt frauduleux de la marque Le Manoir des impressionnistes Moyens des parties 19. La société [Z] rappelle que son établissement est situé dans un bâtiment dénommé "La Ferme Saint-Siméon" et auparavant "La Ferme Toutain", exploitée comme une auberge au 19ème siècle lorsque s'est développé le mouvement des impressionnistes et que ses principaux peintres se retrouvaient dans cet établissement, ce qui est selon elle documenté et notoirement connu. Elle ajoute que La Ferme Saint-Siméon a d'ailleurs été peinte dans de nombreuses oeuvres d'artistes majeurs tels que [J] [K], [F] [V] ou encore [X] [I]. La demanderesse ajoute que, du fait de ce lien historique avec les impressionnistes, elle a fait usage de ce signe pour l'exploitation de son étabissement bien avant le dépôt. Elle précise justifier de cet usage pour désigner des menus et des offres à partir de 2003, les menus non datés qu'elle produit étant corroborés par des articles contemporain dans la presse, qu'elle soit généraliste ou spécialisée. 20. A l'inverse, la société [Z] fait valoir que le Manoir du Butin devenu le Manoir des impressionnistes est un batiment moderne n'ayant jamais eu aucun lien avec le mouvement impressionniste. 21. La société [Z] ajoute que le dépôt n'a été fait que dans le but de la priver, elle-même comme les autres opérateurs économiques, de la possibilité de faire usage de ce signe qui appartient à tous et qu'elle ne saurait s'approprier. Cette intention est révélée d'après elle par la lettre de mise en demeure qu'elle lui a adressée le 8 août 2019. Elle soutient que l'objetif de la société Le Manoir des impressionnistes est d'usurper l'histoire de la Ferme Saint-Siméon ce que démontre selon elle la manière dont elle présente son établissement sur son site internet relatant "une histoire datant des impressionnistes" ce qu'elle appuie par la reproduction de visuels de tableaux représentant ce mouvement pictural. 22. La société Le Manoir des impressionnistes conclut quant à elle à la validité de sa marque. Elle fait à cet égard valoir qu'elle n'a pu "sciemment" méconnaître aucun droit de la société [Z], n'en n'ayant pas eu connaissance, celle-ci invoquant des usages pour des noms de menus, et qui ne portaient en tout état de cause pas sur l'identification de l'établissement.Elle rappelle d'ailleurs que la mauvaise foi doit s'apprécier au moment du dépôt, de sorte que la mise en demeure du 8 août 2019 ne saurait caractériser selon elle aucune mauvaise foi. La société Le Manoir des Impressionnistes précise n'avoir recherché au moment du dépôt qu'à protéger son nouvel identifiant commercial et avoir ainsi agi dans un but parfaitement légitime selon elle ainsi qu'en toute bonne foi. Appréciation du tribunal 23. Selon l'article L. 712-6, alinéa 1, du code de la propriété intellectuelle, « Si un enregistrement a été demandé soit en fraude des droits d'un tiers, soit en violation d'une obligation légale ou conventionnelle, la personne qui estime avoir un droit sur la marque peut en revendiquer sa propriété en justice. ». 24. S'il résulte de cette disposition que le code de la propriété intellectuelle n'envisage la fraude que dans le cadre de l'action en revendication, sans d'ailleurs la définir en tant que telle, en vertu toutefois de l'adage selon lequel "la fraude corrompt tout", l'enregistrement frauduleux d'une marque peut être annulé. 25. Il est à cet égard constamment jugé « qu'un dépôt de marque est entaché de fraude lorsqu'il est effectué dans l'intention de priver autrui d'un signe nécessaire à son activité » (Cass. Com., 25 avril 2006, pourvoi no 04-15.641). 26. Par un arrêt rendu le 11 juin 2009 (Aff. C- 529/07, Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli), la Cour de justice de l'Union Européenne a dit pour droit que « l'existence de la mauvaise foi du demandeur, au sens de (cet) article, doit être appréciée globalement, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce » (point 37) et que « l'intention du demandeur au moment pertinent est un élément subjectif qui doit être déterminé par référence aux circonstances objectives du cas d'espèce » (point 42). Il s'en déduit que « l'intention du déposant au moment du dépôt des demandes d'enregistrement est un élément subjectif qui doit être déterminé par référence à l'ensemble des facteurs pertinents propres au cas d'espèce, lesquels peuvent être postérieurs au dépôt » (Cass. Com., 3 février 2015, no13-18.025). 27. En l'occurrence, la société [Z] établit le lien entre son établissement et le mouvement impressionniste et, en particulier, le fait que l'établissement qu'elle exploite est depuis 1825 une auberge jouissant d'un environnement pittoresque, ayant de ce fait accueilli de nombreux artistes et en particulier des peintres impressionnistes très réputés. L'établissement est qualifié à ce titre de "berceau de l'impressionnisme" (pièce [Z] no 2.4 : recueil de textes par [D] [U] intitulé L'Hostellerie Saint-Siméon, Berceau de l'impressionnisme, juillet 1986 : "Ainsi [Localité 2] et son hostellerie de Saint-Siméon furent-ils durant près d'un demi-siècle le creuset où s'épanouit peu à peu ce que l'on peut nommer le pré-impressionnisme puis l'Impressionnisme."). 28. La société [Z] fait référence à cette histoire de son établissement dans sa communication, ce qu'elle démontre par des pièces antérieures et contemporaines du dépôt. Elle produit ainsi en pièce no4.7 un article de la revue Télé7jours intitulé Sur les traces des impressionnistes daté du 11 juin 2010 évoquant le passé de l'établissement "Découvrez les lieux d'inspiration de peintres comme [X] [I], [F] [V] ou [C] [S] (..) Cette incroyable demeure de la chaîne Relais & Chateaux, face à l'estuaire de la Seine, fut au XIXème siècle l'auberge de la mère Toutain qui accueillait aussi bien [V], [R], [A] que [S]... [I] y termina même son célèbre Déjeuner sur l'herbe. (...) A découvrir le forfait Impressionnistes sur la base de 2 nuits en demi-pension, dîners, petits-déjeuners, coupe de champagne et gourmandises à l'arrivée avec deux pass entrée au musée Eugène Boudin". La société [Z] verse également aux débats en pièce 4.6 un article de la revue Valeurs actuelles du 14 juillet 2010 intitulé Ferme Saint-Siméon, Auberge cosy et cossue ("Dans cette demeure du XVIIème sièce tout rappelle la période impressionniste, on est immédiatement saisi par le charme. (...) Au dîner on se doit de choisir le menu Impressionnistes à 129 euros"). Les pièces produites établissent encore que le menu Sur la trace des Impressionnistes est le menu "signature" de son chef [T] [E] depuis au moins février 2011. Les captures d'écran issues du site archive.org démontrent encore la communication sur l'histoire de l'établissement accessible à l'adresse <www.fermesaintsimeon.fr> depuis au moins 2004. 29. Les dirigeants de la société Le Manoir des impressionnistes ne peuvent ignorer, ni l'histoire de la Ferme Saint-Siméon, ni cette communication, leur propre établissement étant situé à 600 mètres de celui de la société [Z], tandis que les deux établissements sont exploités par les membres de la même famille. 30. Le tribunal constate en outre que la mise en demeure adressée le 8 août 2019 (pièce [Z] no11) par le conseil de la société Le Manoir des impressionnistes enjoignait à la société [Z] de cesser d'utiliser le signe "Les impressionnistes" sur son site internet "à quel que titre que ce soit', lui rappelant son monopole sur ce signe, et invoquant la confusion entre leurs restaurants, le sien étant dénommé "La table des impressionnistes". 31. Le tribunal constate encore que le procès-verbal de constat réalisé le 24 octobre 2019 sur le site internet de la société Le Manoir des impressionnistes, que ce site comporte une communication donnant à penser que l'établissement qu'elle exploite a un lien avec le mouvement impressionniste : "Séjournez dans une de nos chambres confort et vous connaîtrez les fameuses lumières qui ont attiré les Impressionnistes" ou "En décembre 2010, sous la direction de la famille [L] [Z], le manoir est rebaptisé Le Manoir des Impressionnistes en hommage aux peintres impressionnistes qui ont tous planté leur chevalet à proximité de la batisse." 32. L'ensemble des ces éléments démontre que le dépôt a pour but, pour la société Le Manoir des impressionnistes de s'approprier le signe "Les impressionnistes" dans le but, notamment, d'empêcher la société [Z] de faire usage de l'histoire de l'établissement qu'elle exploite pour désigner les services qu'elle propose, et ce, alors même que le lien réel de cet établissement avec les peintres impressionnistes est démontré. 33. Il en résulte que la fraude et la mauvaise foi sont établies ce dont il se déduit que l'action n'est ni prescrite ni forclose et qu'il convient de faire droit à la demande d'annulation de la marque verbale française "Le manoir des impressionnistes", de la société Le Manoir des Impressionnistes enregistrée le 6 janvier 2011, sous le no3795571, pour désigner tous les services visés en classes 33, 37, 39 et 43. 34. L'annulation de la marque entraînera le rejet de la demande reconventionnelle en contrefaçon de marque présentée par la société Le Manoir des impressionnistes. 35. Le lien (réel) entre la Ferme Saint-Siméon et les peintres impressionnistes et l'exploitation connue de ce lien ne permet pas de retenir une déloyauté dans l'usage de ce signe par la société Bolen. La demande reconventionnelle fondée sur la concurrence déloyale présentée par la société Le Manoir des Impressionnistes sera donc également rejetée. 4o) Sur les autres demandes Moyens des parties 36. La société [Z] soutient que, par l'usage du signe Le Manoir des Impressionnistes, cette société se montre déloyale et trompe sur l'origine et les qualités des services qu'elle propose, faisant croire au consommateur qu'elle était le lieu de réunion des impressionnistes, alors qu'il s'agit de la Ferme Saint-Siméon, ce qui caractérise selon elle tout à la fois des pratiques commerciales trompeuses et un parasitisme. Elle soutient encore que l'envoi de la mise en demeure du 8 août 2019, alors qu'elle avait bénéficié de sa part d'une grande tolérance en raison des liens familiaux unissant leurs dirigeants, caractérise un abus de la part de la société Le Manoir des impressionnistes. 37. La société Le Manoir des Impressionnistes conclut quant à elle au rejet des demandes de ce chef, rappelant que toute la Normandie et en particulier la région de [Localité 2] pourraient revendiquer le titre de "berceau des impressionnistes", tandis que la qualité des prestations qu'elle offre est le critère essentiel déterminant les consommateurs à acquérir les services qu'elle propose, et non son lien supposé ou réel avec un mouvement pictural. Elle ajoute que c'est la société [Z] qui a fait le choix d'agir en justice et qu'elle ne peut se plaindre dès lors d'aucun abus. Appréciation du tribunal 38. A - Selon l'article L. 121-1 du code de la consommation "Les pratiques commerciales déloyales sont interdites. Une pratique commerciale est déloyale lorsqu'elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu'elle altère ou est susceptible d'altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l'égard d'un bien ou d'un service. Le caractère déloyal d'une pratique commerciale visant une catégorie particulière de consommateurs ou un groupe de consommateurs vulnérables en raison d'une infirmité mentale ou physique, de leur âge ou de leur crédulité s'apprécie au regard de la capacité moyenne de discernement de la catégorie ou du groupe. Constituent, en particulier, des pratiques commerciales déloyales les pratiques commerciales trompeuses définies aux articles L. 121-2 à L. 121-4 et les pratiques commerciales agressives définies aux articles L. 121-6 et L. 121-7." 39. Ainsi que le relève à juste titre la société défenderesse, le lien réel ou supposé du Manoir des Impressionnistes avec le mouvement pictural du même nom n'apparaît pas comme susceptible d'altérer "de manière substantielle" le comportement économique du consommateur. Aucune pratique commerciale déloyale ou trompeuse au sens du code de la consommation n'est donc établie ici en lien avec l'usage du signe Le Manoir des Impressionnistes. 40. B - Selon les articles 1240 et 1241 du code civil « Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence. » 41. Le parasitisme (qui n'exige pas de risque de confusion) consiste dans le fait pour une personne physique ou morale de profiter volontairement et sans bourse délier des investissements, d'un savoir-faire ou d'un travail, produisant une valeur économique individualisée et générant un avantage concurrentiel. Il incombe à celui qui allègue de parasitisme d'établir le savoir-faire ainsi que les efforts humains et financiers consentis par lui, ayant permis la création d'une valeur économique individualisée. 42. Force est en l'occurrence de constater que la société [Z] ne rapporte pas la preuve des investissements qu'elle allègue et que le concept de parasitisme a pour objet de protéger. La demande de ce chef sera donc également rejetée. 43. La société [Z], enfin, qui ne caractérise pas autre chose qu'une mauvaise appréciation de ses droits par la société Le Manoir des Impressionnistes sera déboutée de sa demande fondée sur un "abus".* 44. Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, la société Le Manoir des Impressionnistes sera condamnée aux dépens ainsi qu'à payer à la société [Z] la somme de 15.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, cette somme tenant compte de la longueur de la procédure. 45. Nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire l'exécution provisoire de la présente décision sera ordonnée sauf en ce qui concerne la transcription du jugement au registre des marques compte tenu des effets irréversibles d'une telle inscription. PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL, REJETTE la demande d'annulation du procès-verbal de constat dressé le 24 octobre 2019 par la Scp Adam- Belmudes-Cenes ainsi que celle aux fins d'écarter certaines pièces des débats; DIT RECEVABLE la demande d'annulation de la marque "Le manoir des impressionnistes" no3795571 pour fraude ; DÉCLARE NULLE la marque verbale française "Le manoir des impressionnistes", de la société Le Manoir des Impressionnistes, enregistrée le 6 janvier 2011, sous le no3795571, pour toutes les classes de services désignées à l'enregistrement ; DIT que la présente décision, une fois passée en force de chose jugée, sera transmise à l'INPI à l'initiative de la partie la plus diligente aux fins d'inscription au registre national des marques; REJETTE toutes les autres demandes de la société [Z] ; REJETTE les demandes reconventionnelles de la société Le Manoir des Impressionnistes ; CONDAMNE la société Le Manoir des impressionnistes aux dépens ; CONDAMNE la société Le Manoir des impressionnistes à payer à la société [Z] la somme de 15.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; ORDONNE l'exécution provisoire de la présente décision sauf en ce qui concerne sa transcription au registre national des marques. Fait et jugé à Paris le 12 janvier 2023. LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
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JURITEXT000047454941
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AUTRES_DECISIONS
Tribunal judiciaire de Paris, 13 janvier 2023, 19/06190
2023-01-13
Tribunal judiciaire de Paris
19/06190
CT0196
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TRIBUNALJUDICIAIREDE PARIS 3ème chambre2ème section No RG 19/06190No Portalis 352J-W-B7D-CP6EE No MINUTE : Assignation du :21 Mai 2019 INCIDENT ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETATrendue le 13 Janvier 2023DEMANDEURS Monsieur [C] [I][Adresse 2][Localité 9] La société AB CUBE S.A.R.L.[Adresse 6][Localité 5] représentés par Maître Alain BENSOUSSAN de la SELAS ALAIN BENSOUSSAN SELAS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E0241 DÉFENDEURS S.A.S. EVEDRUG[Adresse 4][Localité 8] Monsieur [G], [N] [U][Adresse 1][Localité 7] Monsieur [W] [L][Adresse 3][Localité 8] représentés par Maître Guy LAMBOT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B0733 MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT Monsieur Arthur COURILLON-HAVY, Jugeassisté de Monsieur Quentin CURABET, Greffier DÉBATS A l'audience du 20 octobre 2022, avis a été donné aux avocats que l'ordonnance serait rendue en dernier lieu le 13 Janvier 2023. ORDONNANCE Prononcée publiquement par mise à disposition au greffe ContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE Origine du litige et procédure 1. M. [C] [I] et M. [W] [L] ont fondé en 2006, avec un troisième associé, la société AB cube, dont ils étaient tous deux codirigeants, afin d'exploiter un logiciel de pharmacovigilance intitulé ‘SafetyEasy' et développé par M. [I]. Pour des raisons sur lesquelles les parties s'opposent, M. [L] a créé le 1er avril 2013 avec trois associés une société concurrente, Evedrug, qui commercialise une suite logicielle dénommée ‘eVeReport', développée par M. [N] [U], devenu depuis salarié et associé de la société Evedrug. Pour sa part, M. [I] est devenu le seul dirigeant et le seul associé de la société AB cube en 2014. 2. Affirmant avoir découvert en 2017, à partir d'informations remises par un client potentiel, que le logiciel eVeReport reproduisait illégalement des éléments de son logiciel SafetyEasy, M. [I] et sa société ont pratiqué une saisie-contrefaçon au domicile de M. [U] le 14 mai 2019 (et tenté d'en pratiquer une le même jour à celui de M. [L], sans succès), puis ont assigné la société Evedrug, M. [L] et M. [U] en contrefaçon de droits d'auteur le 21 mai 2019. 3. Lors de la saisie-contrefaçon du 14 mai 2019 chez M. [U] ont été copiés, d'une part, le code source du logiciel eVeReport et la structure de la base de donnée (« structure BDD la plus récente »), qui ont été placés sous séquestre, d'autre part divers documents qui ont été annexés au procès-verbal de saisie, dont des courriels répondant à certains mots-clés. Alors que le juge de la mise en état avait ordonné une expertise pour comparer le logiciel saisi avec le logiciel SafetyEasy, et que la saisie avait été maintenue par le délégué du président en la cantonnant seulement à des mots-clés plus restrictifs, la cour d'appel de Paris, le 6 novembre 2020, en a ordonné la mainlevée totale, et la restitution des copies informatiques, au motif que l'oeuvre invoquée n'était pas identifiée, ni ce qui en faisait prétendument l'originalité. La demande de M. [I] et de sa société de modifier la mission de l'expert pour lui soumettre des « dumps » qu'ils détenaient à la place des éléments saisis a ensuite été rejetée par le juge de la mise en état le 6 juillet 2021 au motif que ces éléments n'étaient pas un point de comparaison fiable ni complet. 4. Parallèlement, les défendeurs ont obtenu sur requête le 3 juin 2020 la communication, par l'Agence de protection des programmes, des dépôts faits par une société Cetonia, ancien employeur de M. [I], liquidée à partir de 2008, et dont l'ancien dirigeant avait attesté que le logiciel SafetyEasy était en fait une copie du sien ; et ils ont demandé au juge de la mise en état d'étendre l'expertise à la comparaison de ces deux logiciels. Le juge de la mise en état, qui avait repoussé sa décision en raison de l'arrêt rendu sur la saisie-contrefaçon, n'a jamais statué à ce sujet, qu'il a considéré dans son ordonnance du 6 juillet 2021 comme relevant « d'un incident distinct ». Depuis, l'expertise a été suspendue, puis a pris fin, et la rémunération de l'expert a été taxée le 14 décembre 2021, de sorte que la demande en extension de mission n'a plus d'objet. Nouveaux incidents 5. C'est en cet état que les demandeurs au principal, M. [I] et la société AB cube, ont obtenu le 20 mai 2022 du juge de la mise en état l'autorisation de pratiquer une nouvelle saisie-contrefaçon, cette fois au sein d'une société Claranet, hébergeur du logiciel eVeReport, saisie-contrefaçon qui a été pratiquée le 18 juillet. La société Evedrug, M. [U] et M. [L] ont assigné M. [I] et la société AB cube en mainlevée de cette mesure le 4 aout 2022. C'est la nouvelle procédure en « référé mainlevée ». 6. Par ailleurs, reprochant aux mêmes M. [I] et société AB cube de produire dans la procédure principale un courriel du 20 juillet 2017, avec ses pièces-jointes, qui aurait été obtenu par la première saisie-contrefaçon, la société Evedrug et MM. [U] et [L] ont formé un nouvel incident le 25 mai 2022 pour voir écarter ces pièces des débats. C'est l'incident en rejet de pièces. 7. Enfin, par des conclusions d'incident distinctes, M. [I] et la société AB cube ont demandé le 22 juillet 2022 au juge de la mise en état la levée du scellé des pièces saisies le 18 juillet lors de la 2e saisie-contrefaçon, et de désigner un nouvel expert pour comparer les logiciels. C'est la nouvelle demande d'expertise. 8. La nouvelle procédure en référé mainlevée et l'incident en rejet de pièces, soumis au même juge (pour la première, en tant que juge de la mainlevée, pour le second, en tant que juge de la mise en état), ont été entendus ensemble le 20 octobre 2022. La nouvelle demande d'expertise n'a pas encore été audiencée. La présente décision concerne l'incident en rejet de pièces. Prétentions des parties sur le rejet de pièces 9. La société Evedrug et MM. [U] et [L], dans leurs dernières conclusions du 17 octobre 2022, demandent de rejeter des débats les pièces no65 à 68 des demandeurs, de leur ordonner de signifier sous 8 jours des conclusions ne comportant aucune insertion d'images de ces pièces, et aucune allégation y afférente, et de les condamner solidairement à leur payer 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 10. M. [I] et la société AB cube, dans leurs dernières conclusions du 12 octobre 2022, résistent aux demandes et réclament eux-mêmes 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Moyens des parties sur le rejet de pièces 11. La société Evedrug et MM. [U] et [L] soutiennent en substance que le courriel litigieux et ses pièces-jointes, dont les demandeurs avaient bien reçu copie ne serait-ce que par leur annexion au procès-verbal de saisie, ne peuvent plus être utilisés car, d'une part, l'ordonnance de mainlevée en a ordonné la restitution, ce qui inclurait toutes les copies, et elle ne pourrait être valablement exécutée tant que ces pièces sont utilisées dans l'instance ; et car, d'autre part, l'invalidation de la saisie rendrait déloyal l'usage des information dont on a eu connaissance dans le cadre de cette opération illicite, comme cela a été jugé dans le cas d'une rétractation (10-28.718), et l'obtention ultérieure des mêmes pièces par un autre moyen constituerait un stratagème. À cet égard, ils contestent que les demandeurs aient pu avoir connaissance des courriels litigieux avant la saisie, et estiment que si tel avait été le cas, ils auraient dû les communiquer au soutient de leur requête. 12. M. [I] et la société AB cube répondent notamment, en substance (mais dans un ordre différent), en premier lieu, que la mainlevée, contrairement à la rétractation ou la nullité, n'a d'effet que pour l'avenir, n'anéantit pas la saisie-contrefaçon et son procès-verbal, et n'obligerait donc pas les parties à se replacer avant la saisie en faisant semblant d'ignorer les nouvelles informations révélées au cours de celle-ci ; qu'au contraire, il serait possible de produire à nouveau les éléments révélés par la saisie, laquelle n'a d'ailleurs pas été déclarée illicite, s'ils sont obtenus par d'autres moyens, loyalement ; et qu'au demeurant, le procès-verbal de la saisie dont la mainlevée a été ordonnée pourrait lui-même être communiqué dans l'instance au fond ; qu'ainsi, ayant valablement exécuté l'arrêt de mainlevée par la restitution de la clé USB contenant l'ensemble des éléments appréhendés, ils pouvaient obtenir à nouveau le courriel litigieux et ses pièces-jointes de la part de son destinataire originel, qui le leur a volontairement transféré ; en deuxième lieu, qu'ils connaissaient déjà l'existence de ce courriel et plus généralement l'existence du démarchage et du dénigrement que ce courriel démontre selon eux ; et en troisième lieu, que le courriel qu'ils communiquent n'est pas le même document que celui que l'huissier avait annexé à son procès-verbal, et que la première des deux pièces-jointes (la pièce 67 litigieuse) n'apparait même pas dans les annexes du procès-verbal de saisie. MOTIVATION 13. Ainsi que l'a jugé la Cour de cassation, la demande de mainlevée ne tend ni à la rétractation ni à l'annulation de l'autorisation de pratiquer une saisie-contrefaçon, mais à la cessation pour l'avenir des effets de la saisie effectuée en vertu de cette autorisation ; la mainlevée n'entraine pas l'annulation de la requête aux fins de saisie-contrefaçon, de l'ordonnance accueillant cette requête ou des actes accomplis en vertu de cette ordonnance (Cass. Com., 7 juillet 2021, no20-22.048, points 5 et 10). 14. Il en résulte qu'en cas de mainlevée, si les pièces appréhendées lors de la saisie-contrefaçon doivent être restituées, comme l'a ordonné la cour d'appel au cas présent, le procès-verbal des opérations, lui, demeure, et rien n'interdit aux parties d'utiliser les informations qu'il contient, y-compris dans ses annexes. 15. Ainsi, la société AB cube et M. [I] pouvaient demander au destinataire du courriel litigieux de leur transférer celui-ci et ses pièces-jointes, même à supposer que ce fût grâce à la saisie-contrefaçon qu'ils ont connu l'existence de courriel. Et il n'est pas allégué que ce destinataire lui-même n'eût pas le droit de le transférer. 16. Ainsi, fondée d'une part sur un moyen erroné en droit, selon lequel la mainlevée de la saisie-contrefaçon interdirait d'utiliser les informations obtenues grâce à elle, et d'autre part sur un moyen infondé en fait, selon lequel la saisie aurait été invalidée, alors qu'elle n'a été que levée, la demande en rejet de pièces doit être rejetée. 17. Perdant le procès incident, les défendeurs au principal doivent indemniser les demandeurs des frais qu'ils ont spécialement exposés à cette occasion, et qui peuvent être estimés, au regard de l'ampleur particulière de la contestation à laquelle les demandeurs ont dû répondre, mais aussi compte tenu de ce qu'une partie du débat est commun avec la nouvelle procédure en référé mainlevée, à 3 500 euros. PAR CES MOTIFS Le juge de la mise en état, Rejette la demande tendant à écarter les pièces de la société AB cube et M. [I] numérotées 65 à 68 ; Condamne in solidum la société Evedrug et MM. [U] et [L] à payer 3 500 euros à la société AB cube et M. [I] au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Faite et rendue à Paris le 13 Janvier 2023 Le Greffier Le Juge de la mise en étatQuentin CURABET Arthur COURILLON-HAVY
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JURITEXT000047454942
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AUTRES_DECISIONS
Tribunal judiciaire de Paris, 13 janvier 2023, 21/07290
2023-01-13
Tribunal judiciaire de Paris
21/07290
CT0196
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TRIBUNALJUDICIAIREDE PARIS 3ème chambre2ème section No RG 21/07290No Portalis 352J-W-B7F-CUQHX No MINUTE : Assignation du :25 Mai 2021 JUGEMENT rendu le 13 Janvier 2023 DEMANDERESSES Etablissement public L'[10][Adresse 2][Adresse 11][Localité 6] CONSEIL INTERPROFESSIONNEL DU VIN DE [Localité 8][Adresse 1][Localité 5] représentée par Maître Michel-paul ESCANDE de la SELARL M-P ESCANDE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R266 DÉFENDERESSE S.A.S. CITYART EDITION[Adresse 3][Localité 4] représentée par Maître Nathalie SALTEL, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant,vestiaire #R175 et par Maître Vincent MAURIAC, de la SELARL MAURIAC AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX COMPOSITION DU TRIBUNAL Madame Irène BENAC, Vice-présidenteMadame Elodie GUENNEC, Vice-présidenteMonsieur Arthur COURILLON-HAVY, Juge assisté de Monsieur Quentin CURABET, Greffier DÉBATS A l'audience du 03 Novembre 2022 tenue en audience publique devant Irène BENAC et Arthur COURILLON-HAVY, juges rapporteurs, qui sans opposition des avocats ont tenu seuls l'audience, et après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 13 Janvier 2023. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe ContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE 1. L'[10] (ci-après « l'[9] ») est un établissement public administratif qui a notamment pour mission de reconnaître, contrôler, promouvoir et défendre les appellations d'origine, et le Conseil interprofessionnel du vin de [Localité 7] (ci-après « le CIVB ») représente les professionnels de la viticulture, du négoce et du courtage des vins de Bordeaux. Ils reprochent à la société Cityart Edition, spécialisée dans la conception, la fabrication, la commercialisation et la distribution de produits souvenirs liés à la ville de [Localité 7], d'avoir fait un usage commercial et des évocations illicites des appellations d'origine « [Localité 7] », « Margaux », « Saint-Emilion » et « Sauternes », protégées depuis 1954 s'agissant de l'appellation « Margaux » et depuis 1936 s'agissant des autres. 2. L'INAO et le CIVB ont appris que la société Cityart Edition commercialisait, depuis fin 2017, une gamme de thé sous le signe « Grappe de thé », dont les dénominations reprenaient, selon eux, les appellations d'origine et dont la présentation faisait référence aux vins du bordelais, et l'ont donc mis en demeure, les 3 avril et 27 juin 2019, de cesser cet usage. 3. La société Cityart Edition, bien que considérant que la seule référence à des villes de la région bordelaise ne portait pas atteinte aux appellations d'origine, a modifié la présentation de certains de ses produits, a supprimé des mentions et a changé la dénomination de certains de ses thés. 4. Estimant que la société Cityart Edition n'avait pas cessé toute référence aux appellations d'origine sur l'étiquetage et la présentation des thés de la gamme « Grappe de thé », l'INAO et le CIVB l'ont fait assigner devant ce tribunal le 25 mai 2021, pour usage commercial et évocation illicites des appellations d'origine protégées. 5. L'instruction a été close le 19 mai 2022 et l'affaire plaidée le 3 novembre 2022. 6. Dans leurs dernières conclusions signifiées par voie électronique le 17 mars 2022, l'[10] et le Conseil interprofessionnel du vin de [Localité 7] demandent, invoquant un usage commercial illicite et à tout le moins une évocation illicite d'appellations d'origines protégées :? de condamner la société Cityart Edition à leur payer à chacun la somme de 15 000 euros en réparation de leur préjudice,? des mesures d'interdiction, de rappel des circuits commerciaux et de destruction sous astreinte,? des mesures de publication sous astreinte,? de condamner la société Cityart Edition à leur payer à chacun la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens comprenant les frais de constat d'huissier. 7. L'INAO et le CIVB font tout d'abord valoir que la société Cityart Edition fait un usage commercial illicite des appellations d'origine « [Localité 7] », « Margaux », « Saint-Emilion » et « Sauternes » en ce qu'elle reprend ces appellations pour désigner six de ses neufs thés, ce qui conduit nécessairement le consommateur à faire un lien avec les vins qui bénéficient de ces appellations. Ils soutiennent, en réponse à la défenderesse, que la référence faite aux villes ne prive pas les usages des appellations d'origine de caractère fautif, la dénomination « Margaux » ne désignant d'ailleurs plus une entité administrative mais seulement les vins qui bénéficient de l'appellation d'origine depuis le changement de nom de la commune en Margaux-Cantenac. Ils ajoutent que les expressions « nuit tranquille », « noël », « printemps », « amoureux » et « étoile » sont banales pour désigner des thés, de sorte que les appellations d'origine constituent les seuls éléments distinctifs de ces dénominations. Ils considèrent en conséquence que l'usage commercial est caractérisé, et que celui-ci exploite la réputation découlant de la qualité des vins que les appellations d'origine en cause désignent. 8. Ils soutiennent par ailleurs que la société Cityart Edition évoque de manière illicite les appellations d'origine en cause par l'usage cumulatif :- du signe semi-figuratif « Grappe de thé », la grappe faisant référence au vin, et l'élément figuratif représentant un vendangeur ;- du vocabulaire qu'elle utilise se référant aux appellations d'origine bordelaises au sein de ses catalogues, sur ses sites internet et sur ses réseaux sociaux ;- de la communication faite autour des points de vente qui sont majoritairement constitués de châteaux. 9. Selon les demandeurs, ces évocations conduisent le consommateur à établir un lien entre les thés litigieux et les appellations d'origine. 10. L'INAO et le CIVB exposent que cette exploitation de la réputation des appellations d'origine pour un autre produit et la multiplication des évocations emportent un risque de banalisation et de dilution des appellations, ainsi qu'un risque de perte du pouvoir attractif et d'identification leur causant un préjudice. Outre des mesures d'interdiction sous astreinte et de publication, ils font valoir que ces actes leur causent un préjudice moral et sollicitent, chacun, la somme de 15 000 euros. 11. Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 9 février 2022, la société Cityart Edition résiste aux demandes et sollicite elle-même la condamnation « solidairement » de l'INAO et du CIVB à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens. 12. La société Cityart Edition réfute tout usage commercial illicite, faisant valoir que les demandeurs ne rapportent pas la preuve de ce que l'utilisation litigieuse est susceptible de détourner et exploiter la notoriété des appellations d'origine en profitant indûment de leur réputation, preuve qui leur incombe dès lors que les produits en cause ne sont pas comparables. Elle considère au contraire que ses thés font uniquement référence aux villes et non aux appellations d'origine, les prépositions « de » et « à » permettant de faire le lien avec ces villes. 13. S'agissant de l'évocation, elle répond qu'il n'est pas démontré que le consommateur établirait un lien avec les appellations d'origine. Elle soutient que le terme « thé » au sein de sa marque semi-figurative est écrit dans une taille plus grande que les termes « grappe de » et que l'élément figuratif représente un arbre à thé et un ouvrier agricole récoltant du thé. Elle ajoute que la composition de ses étiquettes exclut tout lien avec le vin, et que l'absence de lien avec les appellations d'origine est d'autant plus patente que les thés font partie d'une gamme plus large utilisant des dénominations sans aucune référence géographique. Elle expose enfin que les produits se distinguent dans leur composition, leur mode de consommation et leurs réseaux et méthodes de distribution pour exclure tout risque d'association. MOTIVATION I. Demandes en usage illicite d'appellations d'origine protégées 1. Atteinte aux appellations d'origine protégées « [Localité 7] », « Sauternes », « Margaux » et « Saint-Emilion » 14. En application de l'article 103, paragraphe 2, a) et b), du règlement (UE) no 1308/2013 du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles :« 2. Une appellation d'origine protégée et une indication géographique protégée, ainsi que le vin qui fait usage de cette dénomination protégée en respectant le cahier des charges correspondant, sont protégés contre : a) toute utilisation commerciale directe ou indirecte de cette dénomination protégée : i) pour des produits comparables ne respectant pas le cahier des charges lié à la dénomination protégée ; ou ii) dans la mesure où ladite utilisation exploite la réputation d'une appellation d'origine ou indication géographique ; b) toute usurpation, imitation ou évocation, même si l'origine véritable du produit ou du service est indiquée ou si la dénomination protégée est traduite, transcrite, translittérée ou accompagnée d'une expression telle que "genre", "type", "méthode", "façon", "imitation", "goût", "manière" ou d'une expression similaire ; (...) ». 15. La Cour de justice de l'Union européenne a considéré que les situations pouvant être couvertes par l'article 16, sous a), du règlement no110/2008 du 15 janvier 2008 portant sur les boissons spiritueuses et rédigé dans les mêmes termes que l'article précité « doivent répondre à l'exigence d'un usage, par le signe litigieux, de l'indication géographique enregistrée à l'identique ou, à tout le moins, de façon fortement similaire, d'un point de vue phonétique et/ou visuel », cette disposition devant être différenciée de celle couverte par le point b), « lequel vise "toute usurpation, imitation ou évocation", c'est-à-dire des situations dans lesquelles le signe litigieux n'emploie pas l'indication géographique en tant que telle, mais la suggère d'une manière telle que le consommateur est amené à établir un lien suffisant de proximité entre ce signe et l'indication géographique enregistrée » (CJUE, 7 juin 2018, Scotch Whisky Association c/ Michael Klotz, C-44/17, points 31 et 32). 16. Dans le cadre d'une utilisation directe ou indirecte de la dénomination protégée, si les produits ne sont pas comparables, outre la preuve de la notoriété de la dénomination protégée, il convient de démontrer l'exploitation de la réputation de cette dénomination. 17. La Cour de justice a par ailleurs dit pour droit que « l'évocation » visée à l'article 103, paragraphe 2, sous b), du règlement no 1308/2013 « n'exige pas, à titre de condition préalable, que le produit bénéficiant d'une AOP et le produit ou le service couvert par le signe litigieux soient identiques ou similaires » (CJUE, 9 septembre 2021, Comité Interprofessionnel des Vins de Champagne c/ GB, C-783/19). Elle ajoute que « le critère déterminant est de savoir si le consommateur, en présence d'une dénomination litigieuse, est amené à avoir directement à l'esprit, comme image de référence, la marchandise couverte par l'AOP », précisant que « ce lien doit être suffisamment direct et univoque » (points 58 et 59). En revanche, il n'est pas nécessaire que l'évocation entraîne un risque de confusion (CJUE, 21 janvier 2016, Viiniverla Oy, C-75/15). 18. En l'occurrence, les appellations « [Localité 7] », « Margaux », « Saint-Emilion » et « Sauternes » bénéficient de la protection européenne des appellations d'origine protégées depuis 1973 (pièce demandeurs no 4-2). Il est par ailleurs démontré et non contesté que ces appellations d'origine bénéficient d'une forte notoriété, les appellations « Margaux » et « Sauternes » faisant partie de la classification officielle des vins de [Localité 7] (pièce demandeurs no 5-1), le vignoble de Saint-Emilion ayant été inscrit au patrimoine mondial de l'humanité par l'UNESCO en 1999 (pièce demandeurs no 5-3) et [Localité 7] constituant le vignoble le plus étendu (pièce demandeurs no 5-8). 19. La société Cityart Edition commercialise depuis fin 2017 une gamme de thés sous la marque « Grappe de thé », au sein de laquelle figurent les thés « Nuit tranquille à Saint-Emilion », « C?ur de Sauternes » devenu « C?ur perdu à Sauternes », « Les étoiles de [Localité 7] blanc » devenu « Les étoiles blanches de [Localité 7] », « Printemps à [Localité 7] », « Noël à [Localité 7] » et « Amoureux de Margaux ». 20. Or, il ressort des pièces versées aux débats que la marque « Grappe de thé » est présentée par la société Cityart Edition sur les réseaux sociaux comme une marque de thé « sur le modèle des cépages bordelais » (pièce demandeurs no 11-2) ou encore comme la « première marque de thé dédiée aux vignobles de la région » (pièces demandeurs no 11-1). De plus, de nombreuses références aux vins sont faites sur les comptes Facebook « Grappe de thé », « Cityart Edition » et « [Localité 7] Shop » (un des points de vente des produits de la défenderesse) pour présenter les thés litigieux. Ainsi par exemple, les thés « Amoureux de Margaux » et « C?ur perdu à Sauternes » sont décrits comme embaumant « les arômes de ces grands vins de [Localité 7] » (pièce demandeurs no 11-2, page 8). Dans d'autres cas, les publications présentant les thés litigieux sont accompagnés des hashtags (ou mots-dièse) suivants : vin de Saint-Emilion, médoc, vin de [Localité 7], ou encore vignobles bordelais (pièce demandeurs no 11-2, par exemple pages 14, 17 et 20). Or, les hashtags permettent de référencer une publication au sein d'un réseau social, de sorte que les publications portant sur les thés « Grappe de thé » pourront apparaître aux côtés d'autres publications référencées sous les hashtags susmentionnés et portant sur des vins. Des photographies de raisin sont par ailleurs également visibles sur les comptes Facebook précités, entre des publications présentant les thés litigieux, faisant là encore référence au vin. En outre, des coffrets souvenirs sont offerts à la vente sur le site www.cityart-edition.com, comportant à la fois des bouteilles de vin et des thés de la marque « Grappe de thé », ce qui renforce l'association entre les deux (pièce demandeurs no 11-2, page 52). 21. Si la marque « Grappe de thé » est composée de plusieurs éléments verbaux et figuratifs, le terme « grappe » fait immédiatement penser au raisin, notamment lorsqu'il est associé à des noms connus pour le vin. De plus, si l'arbre représenté est un arbre à thé comme le soutient la défenderesse, cette représentation à côté du terme « Grappe » conduit le consommateur à penser d'abord à une vigne. A cela s'ajoute que les thés litigieux reprenant les termes « [Localité 7] », « Margaux », « Saint-Emilion » et « Sauternes » font partie d'une gamme plus large au sein de laquelle sont également vendus les thés « Le mélange des vignerons » et « Après les vendanges » (pièce demandeurs no 11-2, pages 79 et suivantes). 22. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que si les termes « [Localité 7] », « Margaux », « Saint-Emilion » et « Sauternes » sont des noms de ville, et que le site internet www.grappedethe.com ne fait dorénavant référence qu'aux seules villes pour présenter les thés en cause, non seulement les villes de Margaux-Cantenac, Saint-Emilion et Sauternes sont essentiellement associées, dans l'esprit du public, aux vignobles du bordelais (pièces demandeurs no 13-2 à 13-4), mais en plus la société Cityart Edition a multiplié les références aux vins du bordelais pour promouvoir ses produits sur ses sites et ses réseaux sociaux et a ainsi exploité la réputation des appellations d'origine correspondantes pour le bénéfice de son commerce. 23. L'utilisation commerciale illicite des appellations d'origine protégées est donc constituée. 2. Mesures réparatrices 24. Selon l'article L. 722-6 du code de la propriété intellectuelle, « Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération, distinctement :1o Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;2o Le préjudice moral causé à cette dernière ;3o Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon.Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée ». 25. L'INAO et le CIVB invoquent un préjudice matériel fondé sur leurs efforts consacrés à la défense des appellations d'origine (sans, au demeurant, individualiser les appellations en cause) et à la communication qu'elles déploient pour sensibiliser le public sur cette question, sans les justifier ni quantifier ledit préjudice. 26. En revanche, l'utilisation illicite des appellations d'origine, lesquelles ont pour objet de protéger tant les producteurs eux-mêmes que les zones géographiques qui en bénéficient, porte atteinte non seulement à cette fonction, mais également à la réputation des appellations « [Localité 7] », « Margaux », « Saint-Emilion » et « Sauternes » et cause à l'INAO et au CIVB, dont la mission est de défendre et de promouvoir lesdites appellations en France et à l'étranger, un préjudice moral qui sera évalué à 10 000 euros. 27. Il sera par ailleurs fait droit aux mesures d'interdiction concernant les appellations « Margaux », « Saint-Emilion » et « Sauternes » qui, comme jugé précédemment, si elles font référence à des villes, sont essentiellement associées dans l'esprit du public aux vignobles bordelais. Ainsi, malgré la modification des noms de certains des thés, leur association avec la marque « Grappe de thé » continue à évoquer de manière illicite, dans l'esprit du public, les appellations d'origine. En revanche, la ville de [Localité 7] est une grande ville qui renvoie, pour le grand public, à de nombreux éléments autres que le vin de sorte que la modification des noms des thés litigieux ainsi que de leur description suffit à exclure toute évocation de l'appellation d'origine « [Localité 7] ». 28. Il sera par ailleurs fait droit aux mesures de rappel et de destruction des produits litigieux, à savoir les produits revêtus des termes « Margaux », « Saint-Emilion » et « Sauternes », ainsi que les produis revêtus de l'ancienne dénomination « Les étoiles de [Localité 7] blanc ». En revanche, il ne sera pas fait droit à la mesure de publication, le préjudice de l'INAO et du CIVB étant suffisamment réparé par l'octroi de dommages et intérêts. II. Dispositions finales 29. La société Cityart Edition, qui succombe, supportera les dépens et ses propres frais. 30. En application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la partie tenue aux dépens ou à défaut, la partie perdante, est condamnée au paiement d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, en tenant compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. 31. La société Cityart Edition sera condamné à payer à l'INAO et au CIVB, ensemble, la somme de 6 000 euros au titre des frais irrépétibles. 32. En vertu de l'article 514 du code de procédure civile, le présent jugement est de droit assorti de l'exécution provisoire sans qu'il soit besoin que le tribunal la prononce, et rien ne justifie de l'écarter au cas présent. PAR CES MOTIFS Le tribunal : Condamne la société Cityart Edition à payer à l'[10] et au Conseil interprofessionnel du vin de [Localité 7], ensemble, la somme de 10 000 euros en réparation de leur préjudice résultant de l'utilisation illicite des appellations d'origine protégées « Bordeaux », « Margaux », « Saint-Emilion » et « Sauternes », Fait interdiction à la société Cityart Edition de faire usage des signes « Margaux », « Saint-Emilion » et « Sauternes » à quel que titre que ce soit, sous astreinte de 150 euros par infraction constatée, passé un délai de trente jours à compter de la signification du présent jugement, l'astreinte courant sur six mois, Fait interdiction à la société Cityart Edition de faire usage du signe « [Localité 7] » en association avec du vin et le vignoble bordelais, sous astreinte de 150 euros par infraction constatée, passé un délai de trente jours à compter de la signification du présent jugement, l'astreinte courant sur six mois, Ordonne le rappel et la destruction, aux frais de la société Cityart Edition, des thés de la marque « Grappe de thé », intitulés « C?ur de Sauternes », « C?ur perdu à Sauternes », « Les étoiles de [Localité 7] blanc », « Amoureux de Margaux » et « Nuit tranquille à Saint-Emilion », sous astreinte de 150 euros par jour de retard, passé un délai de trente jours à compter de la signification du présent jugement, l'astreinte courant sur six mois, Dit que le tribunal se réserve la liquidation des astreintes, Rejette la demande de publication de l'[10] et du Conseil interprofessionnel du vin de [Localité 7], Condamne la société Cityart Edition à payer à l'[10] et au Conseil interprofessionnel du vin de [Localité 7], ensemble, la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, Condamne la société Cityart Edition aux dépens, dont distraction au profit de la SELARL M-P Escande, en application de l'article 699 du code de procédure civile. Fait et jugé à Paris le 13 Janvier 2023 Le Greffier Le PrésidentQuentin CURABET Irène BENAC
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JURITEXT000047454943
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Tribunal judiciaire de Paris, 19 janvier 2023, 20/01312
2023-01-19
Tribunal judiciaire de Paris
20/01312
CT0196
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TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 3ème chambre 1ère section No RG 20/01312 No Portalis 352J-W-B7E-CRTSK No MINUTE : Assignation du :27 décembre 2019 JUGEMENT rendu le 19 janvier 2023 DEMANDEUR Monsieur [P] [N][Adresse 8][Adresse 8] (TUNISIE) représenté par Me Emmanuel DE MARCELLUS de la SELARL DE MARCELLUS & DISSER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0341 DÉFENDERESSES Société APPLE FRANCE[Adresse 3][Adresse 3] Société APPLE RETAIL FRANCE[Adresse 2][Localité 4] Société APPLE DISTRIBUTION INTERNATIONAL LIMITED[Adresse 6][Adresse 6] (IRLANDE) Société APPLE INC[Adresse 7][Adresse 7] (ETATS -UNIS) représentées par Me Loïc LEMERCIER de l'AARPI DENTONS EUROPE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P372 Société GOOGLE FRANCE[Adresse 5][Localité 4] Société GOOGLE LLC[Adresse 1][Adresse 1] (ETATS- UNIS) représentées par Me David POR du LLP ALLEN & OVERY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #J0022 COMPOSITION DU TRIBUNAL Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointeJean-Christophe GAYET, 1er vice-pésident adjointMalik CHAPUIS, Juge, assistés de Caroline REBOUL, Greffière DEBATS A l'audience du 04 octobre 2022 tenue en audience publique, avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue le 19 janvier 2023. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffeContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DU LITIGE : 1. M. [P] [N] est un dirigeant de sociétés spécialisées dans le domaine de l'informatique aujourd'hui retraité. Le 30 décembre 1999, M. [N] a déposé une demande de brevet français ayant pour titre "Procédé et dispositif pour accéder à des sources d'information et services sur le web". Ce brevet a été délivré le 17 septembre 2004 sous le no FR 2 803 929. Il a expiré le 30 décembre 2019. 2. Revendiquant la priorité de cette demande de brevet français, M. [N] a déposé une demande PCT no WO2000FR03759. Un brevet US a notamment été délivré le 18 septembre 2012 sous le no US 8 271 877. En revanche, l'OEB a refusé de délivrer le brevet EP 1 247 212 correspondant à cette invention. 3. Les sociétés Apple Inc. et Google Llc sont des entreprises technologiques nord-américaines. Les sociétés Apple Distribution International Ltd , Apple France, Apple Retail France et Google France sont leurs filiales en charge de la commercialisation de leurs produits dans le monde et en France. 4. Convaincu que les systèmes d'exploitation iOs de la première et Android de la seconde mettaient en oeuvre les enseignements de son brevet, M. [N] a contacté la société Apple afin de l'informer de ses droits sur le brevet US 8 271 877 délivré en septembre 2012, sans que les échanges qui ont suivis ne permettent de parvenir à une solution satisfaisante pour M. [N]. 5. C'est dans ce contexte que M. [N] a, par actes d'huissier du 27 décembre 2019, fait assigner les sociétés Apple et Google devant ce tribunal en contrefaçon de brevet. 6. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 20 décembre 2021, M. [P] [N] demande au tribunal de : - Le DIRE recevable et bien-fondé dans ses demandes ; - JUGER qu'qu'en proposant un système d'exploitation permettant l'utilisation des icônes, les sociétés Apple Inc, Apple Distribution International, Apple France et Apple Retail France d'une Part, et les sociétés Google Llc et Google France d'autre part, ont fourni à l'utilisateur et aux fabricants des dispositifs le moyen de contrefaire les revendications 1 à 7 du brevet FR 2 803 929 de M. [P] [N] et se sont rendues coupables de contrefaçon du brevet précité ; - JUGER qu'en fabricant, en offrant, mettant dans le commerce, en important et en exportant des dispositifs de communication permettant de fournir des informations et des services par le biais d'icônes, les sociétés Apple Inc, Apple Distribution International, Apple France et Apple Retail France d'une Part, et les sociétés Google Llc et Google France d'autre part, se sont rendues coupables de contrefaçon de la revendication 8 de dispositif du brevet 2 803 929 de M. [P] [N] ; - ORDONNER aux sociétés Apple Inc, Apple Distribution International, Apple France et Apple Retail France et aux sociétés Google Llc et Google France d'avoir à communiquer, sous astreinte de dix mille euros par jour de retard passé le délai de 30 jours suivant signification du jugement à intervenir, une attestation de leurs commissaires aux comptes précisant (au besoin dans le cadre d'un régime de confidentialité à déterminer) : * les quantités de support de communication (smartphone, tablette, montre connectée) contenant les systèmes d'exploitation fabriquées et/ou importées, vendues, fournies en France au cours de la période allant de 2007 pour les sociétés Apple et 2008 pour les sociétés Google à la date d'expiration du brevet, soit le 30 décembre 2019 ; * le chiffre d'affaires et la marge brute sur coûts directs réalisé du fait de la fabrication et/ou importation, vente, distribution en France des dispositifs contrefaisants, * les revenus générés par leurs systèmes d'exploitation respectifs (équipant diverses marques de dispositifs de communication en ce qui concerne les sociétés Google), leurs plateformes et l'exploitation et la commercialisation des données collectées. - SE RÉSERVER la liquidation des astreintes ordonnées conformément aux dispositions de l'article L. 131-3 du code des procédures civiles d'exécution, - CONDAMNER solidairement et conjointement les sociétés Apple Inc, Apple Distribution International, Apple France et Apple Retail France, à réparer le préjudice subi par M. [P] [N] du fait des actes de contrefaçon, dont l'étendue sera fixée après communication par ces sociétés des informations relatives à la masse contrefaisante et aux bénéfices réalisés, et dès à présent à lui verser, à titre de provision la somme de trente millions d'euros ; - CONDAMNER solidairement et conjointement les sociétés Google Llc et Google France, à réparer le préjudice subi par M. [P] [N] du fait des actes de contrefaçon, dont l'étendue sera fixée après communication par ces sociétés des informations relatives à la masse contrefaisante et aux bénéfices réalisés, et dès à présent à lui verser, à titre de provision la somme de trente millions d'euros ; - CONDAMNER les sociétés Apple Inc, Apple Distribution International, Apple France et Apple Retail France d'une part, et les sociétés Google Llc et Google France, d'autre part, à payer à M. [P] [N] la somme de un million d'euros chacune en réparation du préjudice lié à l'atteinte à son brevet ; - JUGER que les demandes de M. [P] [N] pour les faits antérieurs au 27 décembre 2014 sont recevables ; - DÉBOUTER les sociétés Apple Distribution International, Apple France, Apple Retail France, Google Llc et Google France de leur demande de nullité du brevet FR 2 803 929; - DÉBOUTER les sociétés Apple Distribution International, Apple France et Apple Retail France de leur demande de mise hors de cause ; - JUGER que les demandes de M. [P] [N] à l'encontre des sociétés Apple Distribution International, Apple France et Apple Retail France sont recevables et fondées ; - JUGER que le constat d'huissier Internet (Pièce no 25) est valide; - DÉCLARER recevables les copies écran et le constat d'achat réalisé par huissier (Pièce no 23); - DÉBOUTER les sociétés Apple Inc, Apple Distribution International, Apple France, Apple Retail France, Google Llc et Google France de leurs demandes ; - CONDAMNER les sociétés Apple Inc, Apple Distribution International, Apple France et Apple Retail France d'une Part, et les sociétés Google Llc et Google France, d'autre part, à payer à M. [N] la somme de cent trente mille euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; - JUGER que l'exécution provisoire du jugement à intervenir est compatible avec la nature de l'affaire et la prononcer ; - CONDAMNER les sociétés Apple Inc, Apple Distribution International, Apple France et Apple Retail France, et les sociétés Google Llc et Google France aux entiers dépens, d'autre part, en ce compris les frais de saisie-contrefaçon et d'expertise, dont distraction au profit de la Selarl de Marcellus & Disser, représentée par Maître Emmanuel de Marcellus, avocat au barreau de Paris, par application de l'article 699 du code de procédure civile. 7. Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 15 novembre 2021, les sociétés Google Llc et Google France demandent au tribunal de: - PRONONCER la nullité des revendications 1 à 8 du brevet français no 2 803 929; - ORDONNER la transmission du jugement à intervenir, une fois définitif, à l'Institut National de la Propriété Industrielle pour être retranscrit au Registre National des Brevets; - DIRE que les revendications 1 à 8 du brevet français no 2 803 929 n'ont pas été contrefaites ; En tout état de cause, - DÉBOUTER M. [P] [N] de toutes ses demandes, fins et conclusions ; - CONDAMNER M. [P] [N] à payer aux sociétés Google Llc et Google France la somme de 100.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; - CONDAMNER M. [P] [N] aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me David Por, Avocat, dans les conditions prévues à l'article 699 du code de procédure civile. 8. Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 15 février 2022, les sociétés Apple Inc, Apple Distribution International, Apple France et Apple Retail France demandent au tribunal de : - Juger que les sociétés Apple Inc, Apple Distribution International Limited, Apple France et Apple Retail France sont recevables et bien fondées dans leurs demandes ; À titre principal, - Juger que les revendications 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7 et 8, du brevet français FR 2 803 929 sont dépourvues de nouveauté ; - Annuler les revendications 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7 et 8 du brevet français FR 2 803 929 et juger qu'elles sont de nul effet ; - Ordonner la transcription du jugement d'annulation au Registre National des Brevets dans le mois suivant la date où il sera définitif, à la requête de Monsieur le Greffier en chef du Tribunal ou de la partie la plus diligente ; - Débouter M. [N] de l'ensemble de ses demandes ; À titre subsidiaire, - Juger que les revendications 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7 et 8, du brevet français FR 2 803 929 sont dépourvues d'activité inventive ; - Annuler les revendications 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7 et 8 du brevet français FR 2 803 929 et juger qu'elles sont de nul effet ; - Ordonner la transcription du jugement d'annulation au Registre National des Brevets dans le mois suivant la date où il sera définitif, à la requête de Monsieur le Greffier en chef du Tribunal ou de la partie la plus diligente ; - Débouter M. [N] de l'ensemble de ses demandes ; À titre très subsidiaire, - Prononcer la nullité du constat d'huissier Internet (pièce adverse no25) en ce qu'il s'analyse en une saisie déguisée ; - Déclarer irrecevables les copies d'écran et le constat d'achat réalisé par huissier (pièce adverse no23) dès lors qu'ils n'ont aucune force probante ; - Juger que les revendications de M. [N] sont infondées puisque le brevet français FR 2 803 929 est désormais expiré ; - Débouter M. [N] de l'ensemble de ses demandes ; À titre infiniment subsidiaire, - Juger que les demandes en condamnation pour contrefaçon visant des faits antérieurs au 27 décembre 2014 sont irrecevables car prescrites ; - Juger que la société Apple Inc., et, le cas échéant, les sociétés Apple Distribution International Limited, Apple France et Apple Retail France n'ont pas reproduit les revendications 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7 et 8 du brevet français FR 2 803 929 ; - Mettre hors de cause les sociétés Apple Distribution International, Apple France et Apple Retail France ; - Juger que M. [N] ne justifie ni ne démontre l'existence d'aucun préjudice ; - Débouter M. [N] de sa demande de communication sous astreinte ; - Débouter M. [N] de ses demandes infondées de dommages-intérêts ; - Débouter M. [N] de sa demande de paiement par les sociétés Apple Inc., Apple Distribution International Limited, Apple France et Apple Retail France de la somme de 1.000.000 euros ; En toute hypothèse, - Mettre hors de cause les sociétés Apple Distribution International, Apple France et Apple Retail France ; - Débouter M. [N] de sa demande de paiement par les sociétés Apple Inc., Apple Distribution International Limited, Apple France et Apple Retail France de la somme provisionnelle de 30.000.000 euros ; - Juger irrecevable et mal fondé M. [N] en toutes ses demandes et l'en Débouter, notamment s'agissant de la mesure d'exécution provisoire du jugement à intervenir ; - Condamner M. [N] à verser aux sociétés Apple Inc., Apple Distribution International Limited, Apple France et Apple Retail France la somme de 250.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; - Condamner M. [N] aux entiers dépens qui seront recouvrés par Maître Loïc Lemercier de l'Aarpi Dentons Europe conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. - Prononcer l'exécution provisoire du jugement à intervenir en ce qui concerne les demandes formulées par les sociétés Apple Inc., Apple Distribution International Limited, Apple France et Apple Retail France. 9. L'instruction a été close par une ordonnance du 1er mars 2022 et l'affaire plaidée à l'audience du 4 octobre 2022. MOTIFS DE LA DÉCISION 1o) Présentation du brevet FR 2 803 929 10. L'invention concerne un procédé pour accéder à des sources d'information et à des services sur le Web, ainsi qu'un dispositif pour la mise en oeuvre de ce procédé (description page 1, lignes 4 à 8). 11. Les lignes 9 à 32 suivantes de la page 1 de la partie descriptive enseignent que, pour accéder aux sites proposant des informations et/ ou des services, des logiciels de navigation existent tels qu' "Internet Explorer" ou "Navigator" lesquels équipent désormais tous les ordinateurs personnels et postes de travail connectés à Internet. Ils permettent d'accéder à des sites fournissant des moteurs de recherche tels que Yahoo!TM ou VoilaTM qui eux-mêmes permettent d'émettre des requêtes en langage naturel et de recevoir en retour un ensemble de sites classés par ordre de pertinence. Par ailleurs, se développent des sites "portail", dont la fonction est de proposer à l'utilisateur des accès directs à certains sites présélectionnés ainsi que des accès à des rubriques. Les choix de sites ou de rubriques sont représentés, soit par une désignation, soit par une icône ou une image fixe ou animée. Un pointage et un cliquage au moyen d'une souris sur la zone active correspondante provoque la génération, par le logiciel de navigation, d'une adresse Web sur Internet permettant d'accéder à un site sélectionné, et au sein de ce site, a un document ou à un ensemble de documents recherchés. 12. Concrètement, en réponse à sa requête, l'utilisateur peut recevoir, soit directement un document, soit le plus souvent une nouvelle page HTML contenant elle-même un nombre plus ou moins élevé de liens parmi lesquels l'utilisateur devra encore effectuer un nouveau choix. (description page 2, lignes 1 à 5) 13. Les lignes 6 à 21 suivantes exposent les inconvénients liés à une telle utilisation de ces pages reliées entre elles par des hyperliens (web). Ainsi, à chaque étape requête / réponse correspond un délai, de durée de variable, conditionnée par des paramètres non maîtrisables tels que le trafic sur le réseau, l'encombrement et la puissance des serveurs des sites consultés ou encore la taille mémoire des pages reçues. Il en résulte un réel inconfort ressenti par de nombreux internautes, pouvant aller jusqu'à en dissuader certains de se lancer dans une recherche d'informations qui pourrait s'avérer longue, fastidieuse, et aléatoire. Outre le problème de temps de réponse et de durée de la recherche, se pose également la question de fournir à des utilisateurs non familiarisés avec les outils informatiques et Internet un accès rapide et aisé à des sources d'information et à des services, ce que les portails généralistes actuellement disponibles sur le Web ne fournissent pas de façon satisfaisante. 14. L'invention propose de remédier à ces inconvénients au moyen d'un procédé permettant d'accéder à des sources d'information et à des services sur le Web, qui soit plus rapide et d'utilisation plus aisée que les procédés actuels, notamment dans un objectif d'intégration dans des bornes interactives et des appareils de communication et de bureautique. (page 2, lignes 22 à 29)15. Les lignes 30 et suivantes page 2, et 1 à 15 page 3, enseignent que cet objectif est atteint avec un procédé pour accéder à des sources d'information et à des services sur le Web, à partir d'un dispositif de communication connecté à Internet, comprenant: ? une ou plusieurs étapes de visualisation d'une page de sélection parmi une pluralité de pages de sélection organisées en arborescence et préalablement stockées localement au sein dudit dispositif de communication, chaque page de sélection comprenant un ensemble d'éléments graphiques représentant ce vers quoi ils dirigent, ou icônes, comportant une ou plusieurs icônes d'accès direct à des sources d'information, et une ou plusieurs icônes de sélection pour accéder à une autre page de sélection, et ? une étape pour émettre sur le réseau de communication, en réponse à une sélection d'une icône d'accès direct dans une page de sélection en cours de visualisation, l'adresse de la source d'information correspondant à ladite icône d'accès direct sélectionnée. 16. Ainsi, en procédant localement à des étapes préliminaires de sélection dans des pages organisées de manière arborescente et opérant comme des menus déroulants, et en n'émettant finalement sur Internet qu'une adresse complète d'accès à une source d'informations bien ciblée, on réduit de manière significative le temps moyen observé pour accéder à des informations recherchées. Par ailleurs, ce procédé offre aux utilisateurs peu familiarisés avec les outils informatiques, et a fortiori avec les outils de navigation et les moteurs de recherche, un guidage efficace vers la plupart des sources d'information utiles ou les plus fréquemment consultées. (page 3 lignes 16 à 28) 17. Des adresses de sources d'information correspondant à des icônes d'accès direct peuvent être préalablement stockées localement dans une table ou base d'adresses, ou bien encore construites au fur et à mesure des étapes de visualisation et de sélection. Ces icônes d'accès direct peuvent avantageusement comprendre des icônes d'accès à des sites marchands et reproduire le logotype de ce site. (page 3 lignes 29 à 33 et page 4 lignes 1 à 8) 18. Les icônes de sélection incluent quant à elles de préférence un item ou intitulé thématique ouvrant l'accès à une page dédiée à une activité ou un thème donné, et présentent des caractéristiques graphiques distinctes de celles des icônes d'accès direct. L'utilisateur est ainsi averti sur la nature de l'étape qui suivra sa sélection. S'il s'agit d'une icône de forme à icone d'accès direct, la prochaine étape sera une étape d'émission d'adresse a destination d'un site Web. A l'inverse, s'il s'agit d'une icone de forme à icône de sélection, la prochaine étape sera une nouvelle étape de sélection dans une page de sélection. (page 4 lignes 9 à 20) 19. Ces différentes étapes sont illustrées par la figure 1 ci-dessous reproduite du brevet qui est un schéma synoptique illustrant les étapes essentielles du procédé, dans laquelle P0 est une première page d'icônes, TH1 est par exemple une icône représentant le thème générique du sport, ST11, une autre sous-rubrique de sport et AD12 de la page "n", l'icône d'accès direct à la page du site de la fédération de football présentant le calendrier hebdomadaire des matchs de 1ère division : 20. La description enseigne ensuite la possibilité de prévoir que le procédé d'accès selon l'invention comprenne en outre une mise à jour de la pluralité de pages de sélection stockées localement. Cette mise à jour peut être réalisée par téléchargement à partir d'un serveur de gestion programme pour réaliser cette opération sur un ensemble de dispositifs ou terminaux d'accès mettant en oeuvre ce procédé. (page 4, lignes 21 à 28) 21. Le brevet comporte 11 revendications, seules étant opposées les revendications 1 à 7 de procédé, et 8 de dispositif, ci-dessous reproduites : 1. Procédé pour accéder à des sources d'information et à des services sur le Web, à partir d'un dispositif de communication connecté via un réseau de communication au réseau Internet, comprenant : - une ou plusieurs étapes de visualisation d'une page de sélection parmi une pluralité de pages de sélection organisées au sein d'une structure de menu en arborescence et préalablement stockées localement au sein dudit dispositif de communication, chaque page de sélection comprenant un ensemble d'icônes et, - une étape pour émettre sur le réseau de communication, en réponse à une sélection d'une icône dans une page de sélection en cours de visualisation, l'adresse d'une source d'information correspondant à ladite icône sélectionnée, caractérisé en ce que, pour chaque page de sélection, l'ensemble d'icônes comporte une ou plusieurs icônes d'accès direct à des sources distantes d'information et/ou une ou plusieurs icônes de sélection pour accéder localement à une autre page de sélection au sein de ladite structure de menu en arborescence, lesdites adresses de sources d'information correspondant à des icônes d'accès direct étant préalablement stockées localement dans une table ou base d'adresses ou générées localement au fur et à mesure des étapes de visualisation et de sélection. 2. Procédé selon la revendication 1, caractérisé en ce que les icônes d'accès direct comprennent des icônes d'accès à des sites marchands. 3. Procédé selon la revendication 2, caractérisé en ce qu'un icône d'accès direct un site marchand inclut le logotype dudit site marchand. 4. Procédé selon l'une quelconque des revendications précédentes, caractérisé en ce qu'un icône d'accès à une page de sélection inclut un intitulé thématique. 5. Procédé selon l'une quelconque des revendications précédentes, caractérisé en ce que, dans chaque page de sélection, les icônes d'accès direct présentent des caractéristiques graphiques distinctives de celles des icônes de sélection. 6. Procédé selon l'une quelconque des revendications précédentes, caractérisé en ce qu'il comprend en outre une mise à jour de la pluralité de pages de sélection stockées localement. 7. Procédé selon la revendication 6, caractérisé en ce que cette mise à jour est réalisée par téléchargement à partir d'un serveur de gestion. 8. Dispositif pour accéder à des sources d'information et à des services sur le Web, comprenant des moyens pour communiquer via un réseau de communication sur Internet, des moyens de contrôle et de traitement, des moyens de stockage de données, des moyens de visualisation, des moyens de saisie, et des moyens de pointage et de sélection, lesdits moyens de stockage contenant une pluralité de pages de sélection comprenant chacune un ensemble d'icônes, caractérisé en ce que, pour chaque page de sélection, l'ensemble d'icônes comporte une ou plusieurs icônes d'accès direct à des sources distantes d'information et/ou une ou plusieurs icônes de sélection pour accéder localement à une autre page de sélection au sein de la ladite structure de menu en arborescence, et en ce que les moyens de contrôle et de traitement sont programmés pour : - commander la visualisation par lesdits moyens de visualisation d'une page de sélection en réponse à une activation d'une icône de sélection prévue pour accéder localement à une autre page de sélection au sein de ladite structure de menu en arborescence, et - émettre sur le réseau de communication, en réponse à une sélection d'une icône d'accès direct dans une page de sélection en cours de visualisation, une adresse de la source d'information correspondant à ladite d'accès direct sélectionnée, lesdites adresses de sources d'information correspondant à des icônes d'accès direct tant préalablement stockées localement dans une table ou base d'adresses ou générées localement au fur et à mesure des étapes de visualisation et de sélection. 2o) Sur la validité du brevet contestée en défense Sur le défaut de nouveauté Moyens des parties 22. Les sociétés Google concluent à la nullité du brevet FR 929 pour défaut de nouveauté en invoquant différents documents de l'art antérieur et en particulier le brevet EP 0 847 019 (document Schagen), déposé le 4 décembre 1996, sur lequel la chambre de recours de l'OEB a fondé sa décision de confirmation du refus de délivrance du brevet EP 1 247 212. Ces sociétés soutiennent que, ainsi que l'ont retenu aussi bien la division d'examen que la chambre des recours, le brevet Schagen divulgue l'ensemble des enseignements du brevet FR 929. Elles exposent en particulier que le brevet Schagen se rapporte au même domaine technique, qu'il poursuit le même objectif (faciliter les recherches dans des ensembles d'informations organisées), et propose à cette fin une structure de menu en arborescence stockée localement, et une autre structure qui elle permet d'accéder à un sous-ensemble d'informations distantes (sur Internet). Les sociétés Google précisent que, même implicitement, le brevet Schagen divulgue nécessairement, après navigation de l'utilisateur dans des données stockées localement, un bouton cliquable générant l'émission d'une requête vers une adresse html du type http://site.com/- - / - - / - -.htm, dirigeant l'utilisateur sur Internet. 23. Les sociétés Apple concluent de la même manière à la nullité du brevet FR 929 et en particulier à son défaut de nouveauté au regard de l'antériorité Kannô laquelle divulgue selon elles l'ensemble des caractéristiques de la la revendication principale no1, mais aussi des revendications dépendantes suivantes, ainsi que la revendication de dispositif. Elles précisent qu'il s'agit d'une demande internationale WO 99/17 229 revendiquant la priorité d'une demande de brevet japonais JP 9/264 478 du 29 septembre 1997. Elle soulignent que ce brevet propose un procédé d'organisation et de présentation de signets, lesquels sont en général longs et illisibles, en les remplaçant par des images, organisées dans des fichiers selon une structure en arborescence stockée localement, chaque image contenant un raccourcis d'accès direct à une adresse html dirigeant l'utilisateur sur Internet, vers une page ou un site cible. 24. M. [N] conclut pour sa part à la validité du brevet. Il soutient en premier lieu que le brevet Kannô a pour seul objet d'améliorer la gestion des signets et ne propose en aucun cas une solution équivalente à celle du brevet FR 929. En particulier, M. [N] fait valoir que le document Kannô poursuit un objectif distinct de l'objet poursuivi par le brevet FR 929. Il ajoute que ce document ne décrit pas des pages de sélection, ni une structure de menu sans affichage de l'arborescence, mais une arborescence de dossiers visible. Il en déduit que ce brevet n'est pas destructeur de la nouveauté de son brevet. S'agissant en second lieu du brevet Schagen, M. [N] rappelle qu'il enseigne un procédé d'actualisation des données stockées dans un CD au moyen d'un accès à un serveur distant dans lequel les arborescences, locale et distante, sont nécessairement le miroir l'une de l'autre, de sorte que les inventions n'ont pas le même objet. Il ajoute que l'icône "connexion option" n'est pas une icône d'accès direct au sens du brevet puisque cette action nécessite deux étapes, tandis que ce brevet n'enseigne aucune page d'icônes de sélection. Appréciation du tribunal 25. Selon l'article L. 611-10 du code de la propriété intellectuelle, "1. Sont brevetables, dans tous les domaines technologiques, les inventions nouvelles impliquant une activité inventive et susceptibles d'application industrielle." L'article L. 611-11 de ce même code précise que "Une invention est considérée comme nouvelle si elle n'est pas comprise dans l'état de la technique. L'état de la technique est constitué par tout ce qui a été rendu accessible au public avant la date de dépôt de la demande de brevet par une description écrite ou orale, un usage ou tout autre moyen. Est également considéré comme compris dans l'état de la technique le contenu de demandes de brevet français et de demandes de brevet européen ou international désignant la France, telles qu'elles ont été déposées, qui ont une date de dépôt antérieure à celle mentionnée au second alinéa du présent article et qui n'ont été publiées qu'à cette date ou qu'à une date postérieure." 26. Aux termes de l'article L. 613-25 enfin, "Le brevet est déclaré nul par décision de justice: a) Si son objet n'est pas brevetable aux termes des articles L. 611-10, L. 611-11 et L. 611-13 à L. 611-19 ; (...)". 27. L'élément de l'art antérieur n'est destructeur de nouveauté que s'il renferme tous les moyens techniques essentiels de l'invention dans la même forme, le même agencement et le même fonctionnement en vue du même résultat technique : l'antériorité, qui est un fait juridique dont l'existence, la date et le contenu doivent être prouvés par tous moyens par celui qui l'invoque, doit être unique et être révélée dans un document unique dont la portée est appréciée globalement. 28. Le tribunal ne peut que constater ici que l'antériorité Kannô, qui est un brevet international désignant la France, renferme les moyens essentiels de l'invention, dans la même forme, en vue du même résultat technique, à savoir ici simplifier les recherches courantes sur Internet, notamment pour les utilisateurs peu familiers des nouvelles technologies. 29. Le brevet Kannô, qui a pour titre "système de signet avec affichage d'image", enseigne en effet un système d'affichage de signets, c'est à dire des adresses de pages ou de sites web choisies par un utilisateur et mémorisées par son navigateur, lesquels sont enregistrés et organisés sous la forme d'images, de façon à pouvoir sélectionner ultérieurement ces pages efficacement (description traduite, page 1, présentation du domaine technique). Ainsi, en cliquant sur l'image, l'utilisateur va alors permuter de l'image vers l'adresse web de destination (description, page 2, in fine). L'invention permet ainsi à l'utilisateur d'accéder à la page de destination sans avoir à en saisir l'adresse complète dans son navigateur, ni même devoir la reconnaître, ce qui peut s'avérer long et fastidieux s'agissant le plus souvent d'une longue chaîne de caractères, quelques fois dans une langue étrangère à l'utilisateur, tandis que leur affichage sous la forme d'une image permet leur identification rapide au sein d'une même page, par exemple par un enfant ou une personne âgée (description, page 6). 30. Aussi, pour remédier à la difficulté d'identifier des signets pertinents parmi une multitude de signets pour sa recherche, au sein d'une même page de sélection de signets, le brevet Kannô propose une fonction d'enregistrement d'un signet sous la forme d'une image, une fonction permettant l'affichage d'une liste d'icônes (images) permettant de sélectionner un signet et d'accéder aux informations d'adresse dans le réseau que comporte l'icône, et une fonction de veille automatique des pages enregistrées récupérant et répercutant les informations les plus récentes concernant cette adresse enregistrée. (description page 8) 31. La description (pages 21 et 22) enseigne ensuite que l'écran d'affichage de signet se compose d'une partie menu, d'une partie "affichage de dossier" (élément 210 de la figure 3A reproduite ci-dessous) et d'une partie "affichage d'image" (220). Lorsque l'utilisateur clique sur "fichier" à l'aide de la souris, une liste des opérations disponibles apparaît sous la forme d'un menu déroulant. Plusieurs dossiers s'affichent dans la partie "affichage de dossiers", chaque dossier comportant plusieurs signets, correspondant le plus souvent à une catégorie prédéfinie. Les images des pages correspondant aux signets s'affichent alors dans la partie "affichage d'images". La description donne ensuite l'exemple d'un dossier intitulé "défaut" lequel contient 5 signets et deux dossiers intitulés "recherche" et "magasin d'ordinateur" (211). Lorsque l'utilisateur clique sur un des sous-dossier dans la partie "affichage de dossier" (210), les images correspondant aux signets enregistrés dans ce sous-dossier s'affichent alors dans la partie "affichage d'image" (220) et, lorsque l'utilisateur clique sur l'image (221) dans la partie "affichage d'image", le navigateur accède par Internet au site web auquel renvoie l'adresse de l'url correspondant à l'image. Voir ci-dessous figure 3A du brevet Kannô : 32. L'ensemble des caractéristiques des revendications de procédé et de dispositif 1 et 8 du brevet FR 929 opposées sont divulguées par le brevet Kannô qui enseigne bien l'accès à des sources d'information et à des services sur le Web, a partir d'un dispositif de communication connecté à Internet, comprenant : - une ou plusieurs étapes de visualisation d'une page de sélection parmi une pluralité de pages de sélection organisées au sein d'une structure de menu en arborescence et préalablement stockées localement au sein dudit dispositif de communication, chaque page de sélection comprenant un ensemble d'icônes (il s'agit ici de la partie 210 de la figure extraite du brevet Kannô ci-dessus qui permet à l'utilisateur, au fur et à mesure de ses choix, de visualiser les différentes icônes de sélection) ; - puis une étape pour émettre sur le réseau de communication, en réponse à une sélection d'une icône dans une page de sélection en cours de visualisation, l'adresse d'une source d'information correspondant à ladite icône sélectionnée (description du brevet Kannô, page 22 : "lorsque l'utilisateur clique avec la souris ou un autre moyen sur l'image (221) dans la partie "affichage d'image" (220) le navigateur web accède via internet au site web de l'url du signet correspondant à l'image"), - caractérisé en ce que, pour chaque page de sélection, l'ensemble d'icônes comporte une ou plusieurs icônes d'accès direct à des sources distantes d'information (élément 221 de la figure 3A du brevet Kannô) et/ou une ou plusieurs icônes de sélection (représentation du dossier "Défaut" de la même figure 3A) pour accéder localement à une autre page de sélection au sein de ladite structure de menu en arborescence, lesdites adresses de sources d'information correspondant à des icônes d'accès direct étant préalablement stockées localement dans une table ou base d'adresses ou générées localement au fur et à mesure des étapes de visualisation et de sélection. 33. Le brevet Kannô prévoit en outre expressément la mise à jour des pages de sélection stockées localement à partir d'un serveur de gestion enseignée par les revendications 6 et 7 du brevet FR 929. Il prévoit de la même manière l'intitulé thématique des icônes de sélection prévue à la revendication 4 du brevet FR 929 et des caractéristiques graphiques "distinctives" des icônes d'accès direct (il s'agit même de l'objectif principal de ce brevet japonais) qui correspond à la revendication 5 du brevet FR 929. Le brevet Kannô enseigne également une icône d'accès direct à un site marchand (cf description pages 22 et 43 "Tout format de fichier d'image disponible peut être utilisé" et figure 3A du brevet Kannô qui comprend une rubrique "magasin d'ordinateur") et la possibilité de le représenter graphiquement par le logotype de ce site marchand, caractéristiques enseignées par les revendications 2 et 3 du brevet FR 929. 34. Le tribunal observe en outre que les inventions ne peuvent différer au seul motif de l'usage, par le brevet Kannô du terme "signet", qui désigne (dans ce brevet) une adresse de page ou de site web mémorisée par un navigateur, ce terme désignant, comme le brevet FR 929, des "sources d'information utiles ou les plus fréquemment consultée" auxquelles correspondent des adresses html (page 4 de la description du brevet Kannô), ce dont il résulte que les deux brevets visent un "guidage efficace des utilisateurs vers ces adresses" (brevet FR 929, page 3 de la description, ligne 27). 35. En outre, contrairement à ce que soutient M. [N], l'invisibilité de l'arborescence qui distinguerait les deux brevets, n'est ni décrite ni revendiquée par le brevet FR 929. Elle ne résulte que de la figure 1 dont le fascicule indique expressément que ces figures ne sont représentées qu'à titre d'exemples non limitatifs. 36. Il y a donc lieu de déclarer nulles les revendications opposées no1 à 8 du brevet FR 2 803 929 celles-ci apparaissant dépourvues de nouveauté au regard des enseignements identiques, selon la même forme, et en vue du même résultat technique, du brevet Kannô (demande internationale WO 99/17 229 revendiquant la priorité d'une demande de brevet japonais JP 9/264 478 du 29 septembre 1997). 3o) Sur les autres demandes 37. Toutes les demandes de M. [P] [N] fondées sur la contrefaçon de ce brevet ne peuvent qu'être rejetées (communication forcée de pièces, paiement de provisions), tandis que les demandes subsidiaires des sociétés Apple sont désormais sans objet. 38. Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, M. [N] sera condamné aux dépens, ainsi qu'à payer à chacune des sociétés défenderesses la somme de 15.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile soit la somme globale de 90.000 euros. 39. Nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire, l'exécution provisoire sera ordonnée, sauf en ce qui concerne la transcription du jugement au registre national des brevets, compte tenu des effets irréversibles d'une telle mesure. PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL, DÉCLARE NULLES les revendications 1 à 8 du brevet FR 2 803 929 dont est titulaire M. [P] [N] ; DIT que le présent jugement, une fois passé en force de chose jugée, sera transmis à l'INPI à l'initiative de la partie la plus diligente aux fins de transcription au registre national des brevets; REJETTE toutes les demandes de M. [P] [N] fondées sur la contrefaçon de ce brevet (communication forcée de pièces, paiement de provisions) ; CONDAMNE M. [P] [N] aux dépens, et autorise Maître Loïc Lemercier et Maître David Por à recouvrer directement ceux dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ; CONDAMNE M. [P] [N] à payer aux sociétés Apple Inc., Apple Distribution International Ltd, Apple France, Apple Retail France, Google Llc et Google France, la somme de 15.000 euros à chacune (soit la somme totale de 90.000 euros) par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; ORDONNE l'exécution provisoire de la présente décision sauf en ce qui concerne la transcription du jugement au registre national des brevets. Fait et jugé à Paris le 19 janvier 2023. LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
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JURITEXT000047454944
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AUTRES_DECISIONS
Tribunal judiciaire de Paris, 19 janvier 2023, 21/09683
2023-01-19
Tribunal judiciaire de Paris
21/09683
CT0196
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TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 3ème chambre 1ère section No RG 21/09683 No Portalis 352J-W-B7F-CU2FB No MINUTE : Assignation du :20 juillet 2021 Incident ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETATrendue le 19 janvier 2023DEMANDEURS Société INDUSTRIAS TECNOLÓGICAS DE MECANIZACIÓN Y AUTOMATIZACIÓN SA[Adresse 3][Localité 1] (ESPAGNE) Monsieur [H] [F] C/ [Adresse 4][Localité 1] (ESPAGNE) Monsieur [B] [M] C/ [Adresse 5][Adresse 5] (ESPAGNE) représentés par Me Stanislas ROUX-VAILLARD du PARTNERSHIPS HOGAN LOVELLS (PARIS) LLP, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #J0033 DEFENDERESSE S.A.S. SYNERLINK [Adresse 2][Adresse 2] représentée par Me Sabine AGE de la SAS HOYNG ROKH MONEGIER, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant et postulant vestiaire #P0512 & Me Marta MENDES de la SAS HOYNG ROKH MONEGIER, avocat paidant MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT Malik CHAPUIS, Juge,assisté de Caroline REBOUL, Greffière DEBATS A l'audience du 15 novembre 2022, avis a été donné aux avocats que l'ordonnance serait rendue le 26 janvier 2023. Le délibéré a été avancé au 19 janvier 2023. ORDONNANCE Prononcée publiquement par mise à disposition au greffeContradictoireEn premier ressort 1. Par acte du 20 juillet 2021, la société de droit espagnol Industrias Tecnologicas de Mecanizacion y Automatizacion SA, Monsieur [H] [F] et Monsieur [B] [M] ont assigné la société SA Synerlink devant le tribunal judiciaire de Paris en revendication et transfert d'un brevet français FR 19 08090 et d'un brevet européen EP 3 766 799, en paiement de dommages et intérêts du fait de la soustraction et d'un préjudice moral, et en transfert des pièces relatives aux brevets et en communication de documents comptables aux fin d'évaluation définitive du préjudice moral. 2. Par conclusions au fond transmises par voie électronique le 2 mars 2022, la société SA Synerlink sollicite le débouté des demandes principales et présente des demandes reconventionnelles portant transfert d'une demande brevet européen no 3 566 832 et de sa priorité, la demande de brevet espagnol no201830445 déposées par la société Industrias Tecnologicas de Mecanizacion y Automatizacion SA. 3. Par conclusions transmises par voie électronique le 9 mai 2022, la société de droit espagnol Industrias Tecnologicas de Mecanizacion y Automatizacion SA, Monsieur [H] [F] et Monsieur [B] [M] ont saisi le juge de la mise en état d'un incident. 4. Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 14 novembre 2022, la société de droit espagnol Industrias Tecnologicas de Mecanizacion Automatizacion SA, Monsieur [H] [F] et Monsieur [B] [M] demandent au juge de la mise en état de : « -dire que le Protocole sur la compétence judiciaire et la reconnaissance de décisions portant sur le droit à l'obtention du brevet européen du 5 octobre 1973 est applicable au présent litige ;-constater que la demande reconventionnelle ne dérive pas des faits sur lesquels se fonde la demande originaire ;-dire et juger que le Tribunal judiciaire de Paris est incompétent pour connaître de la demande reconventionnelle en revendication de propriété formée par la société Synerlink à l'encontre de la demande de brevet européen EP 832 et de sa priorité espagnole ES 445 ;-renvoyer la société Synerlink à mieux se pourvoir devant les juridictions espagnoles ; subsidiairement :-constater l'absence de lien suffisant entre la demande originaire et la demande reconventionnelle en revendication de propriété de la demande de brevet européen EP 832 et de sa priorité espagnole ES 445 formée par la société Synerlink ;-dire et juger irrecevable la demande reconventionnelle en revendication de propriété de la demande de brevet européen EP 832 et de sa priorité espagnole ES 445 formée par la société Synerlink ;-rejeter la demande reconventionnelle en revendication de propriété de la demande de brevet européen EP 832 et de sa priorité espagnole ES 445 formée par la société Synerlink ;-en tout état de cause, réserver les frais et les dépens à la poursuite de la procédure au fond ; » 5. Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées le 11 novembre 2022, la société SA Synerlink demande au juge de la mise en état de : -débouter les demandeurs de leurs exception d'incompétence et fin de non-recevoir,-« déclarer le tribunal compétent pour juger de la demande reconventionnelle en revendication de propriété de la demande de brevet européen no3 566 832 et de sa priorité, la demande de brevet espagnol no201830445 formée par la société Synerlink »,-juger recevable cette demande reconventionnelle,-condamner la société demanderesse à lui payer la somme de 30 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. 6. Il est renvoyé aux dernières écritures des parties et à leurs observations à l'audience pour plus ample exposé des faits, moyens et prétentions qui y sont contenus. 7. Mise en délibéré, la décision a été mise à disposition le 19 janvier 2023. SUR CE Sur l'exception d'incompétence territoriale Moyens des parties 8. Les demanderesses à l'incident exposent que le droit de l'Union européenne, en particulier l'article 71 du règlement Bruxelles I bis et la jurisprudence de la Cour de justice, prévoit que les règles de compétence prévues par d'autres conventions doivent disposer d'un haut degrés de prévisibilité, faciliter une bonne administration de la justice, et permettre de réduire au maximum le risque de procédures concurrentes. Elles estiment, au regard de ces critères, que la demande reconventionnelle ne peut être présentée devant la présente juridiction alors que les articles 1er et 2 du protocole sur la reconnaissance prévu par la Convention de Munich du 5 octobre 1973 désignent comme territorialement compétente la juridiction du domicile du titulaire du brevet, ici les juridictions espagnoles. 9. La société Synerlink soutient que le principe de primauté du droit de l'Union européenne implique que les conventions prévoyant des règles de compétence spéciales ne s'appliquent qu'à la condition de respecter les objectifs du règlement Bruxelles I bis. Elle estime que l'invention en litige est la même quoiqu'elle soit l'objet de deux brevets différents, celui de la demande principale, et celui de la demande reconventionnelle. Elle considère que, dans une telle situation d'identité de fait, accueillir l'exception méconnaîtrait les critères prévus par le règlement Bruxelles I bis et la jurisprudence de la Cour de justice, en particulier la recherche d'une bonne administration de la justice et l'économie de procédure concurrente et inconciliables. Elle estime donc les juridictions françaises compétentes pour connaître de la demande reconventionnelle. Appréciation de la juridiction 10. Les articles 1er et 2 du protocole sur la compétence judiciaire et la reconnaissance de décisions portant sur le droit à l'obtention du brevet européen du 5 octobre 1973, partie intégrante de la convention sur le brevet européen conclue à Munich le 5 octobre 1973 selon l'article 164 de ladite convention, disent que « article premier : (1) Pour les actions intentées contre le titulaire d'une demande de brevet européen visant à faire valoir le droit à l'obtention du brevet européen pour un ou plusieurs des États contractants désignés dans la demande de brevet européen, la compétence des tribunaux des États contractants est déterminée conformément aux articles 2 à 6. (?) article 2 Sous réserve des articles 4 et 5, le titulaire d'une demande de brevet européen ayant son domicile ou son siège dans l'un des États contractants est attrait devant les juridictions dudit État contractant ». 11. Les articles 4, 7 et 8 du règlement no1215/2012 du 12 décembre 2021 dit « Bruxelles I bis » disposent que : « article 4, 1. Sous réserve du présent règlement, les personnes domiciliées sur le territoire d'un État membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet État membre. (...) Article 7 une personne domiciliée sur le territoire d'un État membre peut être attraite dans un autre État membre: (...). Article 8 « une personne domiciliée sur le territoire d'un État membre peut aussi être attraite: 1) s'il y a plusieurs défendeurs, devant la juridiction du domicile de l'un d'eux, à condition que les demandes soient liées entre elles par un rapport si étroit qu'il y a intérêt à les instruire et à les juger en même temps afin d'éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément ; (...) 3) s'il s'agit d'une demande reconventionnelle qui dérive du contrat ou du fait sur lequel est fondée la demande originaire, devant la juridiction saisie de celle-ci (?) ». 12. L'article 71 du règlement no1215/2012 du 12 décembre 2021 dit que « 1. le présent règlement n'affecte pas les conventions auxquelles les États membres sont parties et qui, dans des matières particulières, règlent la compétence judiciaire, la reconnaissance ou l'exécution des décisions. / 2. En vue d'assurer son interprétation uniforme, le paragraphe 1 est appliqué de la manière suivante: a) le présent règlement ne fait pas obstacle à ce qu'une juridiction d'un État membre partie à une convention relative à une matière particulière puisse fonder sa compétence sur une telle convention, même si le défendeur est domicilié sur le territoire d'un autre État membre non partie à une telle convention. La juridiction saisie applique, en tout cas, l'article 28 du présent règlement ; b) les décisions rendues dans un État membre par une juridiction ayant fondé sa compétence sur une convention relative à une matière particulière sont reconnues et exécutées dans les autres États membres conformément au présent règlement. / Si une convention relative à une matière particulière et à laquelle sont parties l'État membre d'origine et l'État membre requis détermine les conditions de reconnaissance et d'exécution des décisions, il est fait application de ces conditions. Il peut, en tout cas, être fait application des dispositions du présent règlement relatives à la reconnaissance et à l'exécution des décisions ». 13. La Cour de justice de l'Union européenne, rappelle que la règle de l'article 71 précitée n'est pas applicable aux domaines exclus du champ d'application dudit règlement mentionnés à son article 1er (v. CJUE, 13 mai 2015 «Gazprom» OAO, C-536/13, §42-43) 14. La Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit, par son arrêt TNT Express Nederland BV du 4 mai 2010, dans l'affaire C-533/08 que « l'article 71 du règlement (CE) no 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, doit être interprété en ce sens que, dans une affaire telle que celle au principal, les règles de compétence judiciaire, de reconnaissance et d'exécution prévues par une convention relative à une matière particulière, (?) s'appliquent, à condition qu'elles présentent un haut degré de prévisibilité, facilitent une bonne administration de la justice et permettent de réduire au maximum le risque de procédures concurrentes, et qu'elles assurent, dans des conditions au moins aussi favorables que celles prévues par ledit règlement, la libre circulation des décisions en matière civile et commerciale et la confiance réciproque dans la justice au sein de l'Union (favor executionis) » (v. également en ce sens, CJUE, 20 juin 2022, London Steam-Ship Owners' Mutual Insurance Association Limited, C-700/20, §56) . 15. La Cour de justice a pu rappeler que selon l'article 71 précité « les règles relatives à la compétence judiciaire, à la reconnaissance ou à l'exécution des décisions prévues par les conventions spéciales auxquelles les États membres étaient déjà parties au moment de l'entrée en vigueur de ce règlement ont, en principe, pour effet d'écarter l'application des dispositions de ce règlement portant sur la même question » (CJUE, 4 septembre 2014, Nickel & Goeldner Spedition GmbH, C-157/13, §37). En outre, elle rappelle qu'« une disposition de l'Union (...) qui accorde la priorité à l'application d'une convention bilatérale ne saurait avoir une portée qui soit en conflit avec les principes sous-tendant la législation dont elle fait partie » (CJUE, 16 mai 2013, Janina Wencel, C-589/10, §37-39). 16. Il sera rappelé que méconnaît l'article 8, paragraphe 1, du règlement no1215/2012 du 12 décembre 2021 la juridiction qui se déclare incompétente pour statuer sur des atteintes invoquées à des parties nationales d'un brevet européen sans rechercher si le fait de juger séparément les actions n'était pas susceptible de conduire à des solutions inconciliables. 17. Il résulte de l'article 14 du Code civil que le demandeur français, dès lors qu'aucun critère ordinaire de compétence n'est réalisé en France, peut valablement saisir le tribunal français qu'il choisit en raison d'un lien de rattachement de l'instance au territoire français, ou, à défaut, selon les exigences d'une bonne administration de la justice. 18. Les rappels de droit précités aux points 16. et 17., repris par la présente juridiction, sont issus de la jurisprudence de la Cour de cassation, en particulier de l'arrêt de la première chambre civile du 29 juin 2022, (pourvoi no 21-11.085). 19. En l'espèce, à titre liminaire, il est rappelé que l'action des trois demandeurs a pour objet la revendication et le transfert d'un brevet français d'une part, et d'un brevet européen d'autre part. Elle relève donc de la compétence de la juridiction française par application des articles 1er et 2 du protocole sur la reconnaissance de décisions portant sur le droit à l'obtention du brevet européen du 5 octobre 1973 précité. 20. L'exception d'incompétence, soulevée devant la présente juridiction, ne vise que la demande reconventionnelle de la société SA Synerlink en revendication de la demande de brevet européen no 3 566 832 et de sa priorité, la demande de brevet espagnol no201830445. 21. Il n'est pas contesté que la demande brevet européen no 3 566 832 et sa priorité, la demande de brevet espagnol no201830445, sont déposés par la société Industrias Tecnologicas de Mecanizacion y Automatizacion. 22. Les parties débattent du droit applicable, opposant réciproquement la règle du domicile du titulaire de la demande de brevet européen issue du protocole sur la reconnaissance, et la règle spéciale prévoyant qu'une demande reconventionnelle, dérivant du fait sur lequel est fondé la demande originaire, peut être présentée devant la juridiction saisie de celle-ci en application de l'article 8, paragraphe 3), du règlement Bruxelles I bis. 23. Les brevets d'invention ne sont pas mentionnés parmi les matières exclues à l'article 1er du règlement Bruxelles I bis qui s'applique donc. 24. Comme le relèvent les demandeurs, la règle du domicile du titulaire de la demande de brevet européen issue du protocole sur la reconnaissance est une règle de compétence judiciaire, de reconnaissance et d'exécution prévues par une convention relative à une matière particulière au sens de l'article 71 du règlement Bruxelles I bis. 25. Le domicile du titulaire de la demande des brevets objet de la demande reconventionnelle est l'Espagne, ce qui entraîne, par principe, la compétence du juge espagnol. Cette règle de principe ne peut être écartée qu'à la condition que les critères fixés par l'arrêt TNT Express Nederland BV du 4 mai 2010 soient, en tout ou partie, méconnus. 1. Le haut degrés de prévisibilité 26. Il est d'abord constaté que la règle de compétence prévue par le protocole sur la reconnaissance présente un haut degré de prévisibilité puisqu'elle s'articule autour de la compétence conférée à la juridiction du domicile ou du siège du titulaire d'une demande de brevet européen lorsque celui-ci a son domicile ou son siège dans l'un des États contractants, lequel présente un lien étroit avec l'objet du litige qui porte sur le droit l'obtention du brevet européen. 27. Ce critère étant démontré, il ne peut donc justifier d'écarter l'application de la règle de compétence prévue par le protocole sur la reconnaissance au profit du règlement Bruxelles I bis. 2. La préservation de la libre circulation des décisions en matière civile et commerciale et de la confiance réciproque dans la justice 28. La décision à intervenir au fond, devant appliquer le droit espagnol, est susceptible de produire ses effets par application du principe de reconnaissance mutuelle des décision judiciaires garantissant ainsi la libre circulation des décisions en matière civile et commerciale dans des conditions aussi favorables que le règlement Bruxelles I bis et la confiance réciproque dans la justice. 29. Il en irait toutefois de même d'une décision d'une juridiction espagnole désignée en application des règles définies par le protocole sur la reconnaissance. 30. Ces critères ne peuvent donc justifier d'écarter l'application de la règle de compétence prévue par le protocole sur la reconnaissance au profit du règlement Bruxelles I bis. 3. La bonne administration de la justice et la réduction du risque de procédures concurrentes 31. Il y a lieu de relever que les brevets ou demandes de brevets en litige ont pour objet un procédé de prédécoupe de pots en plastique reposant sur un positionnement particulier de lames se faisant face, ou légèrement décalée, devant permettre de recourir à de nouveaux matériaux plastiques plus souples et plus efficients, à l'exclusion d'anciens matériaux plastiques plus rigides. Cette circonstance est démontrée par les arguments respectifs des parties qui indiquent que leur adversaire a eu connaissance du procédé à l'occasion soit d'une négociation entre elles, soit du départ d'un salarié ayant rejoint sa concurrente. 32. Les parties revendiquent ainsi des technologies ayant le même objet et dénoncent les dépôts de brevets adverses comme faits en fraude de leurs droits. 33. La demande reconventionnelle relève ainsi d'une même situation de fait que celle ayant initié la demande principale. 34. Il ressort en outre clairement des articles 2, paragraphe 2, et 64 de la convention du 5 octobre 1973 qu'un brevet européen est régi par la réglementation nationale de chacun des Etats contractants pour lesquels il a été délivré. 35. La demande reconventionnelle relève ainsi d'une même situation de droit que celle ayant initié la demande principale. 36. Il est constaté qu'au jour de la saisine du tribunal en état de la demande reconventionnelle en litige, le juge espagnol n'était pas saisi d'une demande similaire. 37. Relevant d'une même situation de fait et de droit que la demande principale, en l'absence de saisine d'une juridiction d'un autre Etat, l'extension du litige au brevet à la demande brevet européen no 3 566 832 et sa priorité, la demande de brevet espagnol no201830445 réduit le risque de procédures concurrentes. 38. A l'inverse, au cas présent, la coéxistence de deux procédures distinctes devant les juridictions de deux Etats différents peut aboutir à ce qu'il ne soit pas tenu compte du lien étroit entre les technologies en litige et à ce que deux solutions inconciliables soient prises. 39. Juger des demandes à l'occasion d'une même instance, devant une juridiction déjà saisie de faits comparables au principal, relève ainsi d'une bonne administration de la justice afin de ne pas multiplier les tribunaux connaissant de mêmes faits et permet de réduire le risque de procédures concurrentes ou décisions inconciliables. 40. L'application des critères de bonne administration de la justice et de réduction du risque de procédures concurrentes justifie donc d'écarter la règle de compétence prévue par le protocole sur la reconnaissance au profit du règlement Bruxelles I bis, en particulier de son article 8, paragraphe 3). 41. En outre, il sera relevé que la convention sur la délivrance des brevets européens du 5 octobre 1973, ainsi que l'énonce son article 1er, organise un « droit commun aux États contractants en matière de délivrance de brevets d'invention ». Parmi ses objectifs figure la normalisation des règles relatives à la durée du brevet, à la notion d'invention et aux exigences en matière de brevetabilité. 42. La compétence de la présente juridiction pour statuer sur la demande reconventionnelle ne méconnaît donc pas les principes qui sous-tendent la convention du 5 octobre 1973. 43. Les juridictions françaises sont donc compétentes pour connaître de la demande reconventionnelle. 44. L'exception d'incompétence territoriale est rejetée. Sur la fin de non-recevoir Moyens des parties 45. Les sociétés demanderesses à l'incident exposent que la demande est irrecevable sur le fondement des articles 70, 122 et 124 du code de procédure civile en l'absence d'un lien suffisant de la demande reconventionnelle avec les prétentions de la demande principale. 46. La société Synerlink explique, sur le fondement de l'article 70 du code de procédure civile, qu'un lien suffisant existe entre sa demande reconventionnelle et la demande principale alors que, selon son argument, les demandes ont pour origine les mêmes faits. Appréciation de la juridiction 47. Aux termes de l'article 70 du code de procédure civile, « les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant. / Toutefois, la demande en compensation est recevable même en l'absence d'un tel lien, sauf au juge à la disjoindre si elle risque de retarder à l'excès le jugement sur le tout ». 48. En l'espèce, ainsi qu'il précède, la demande reconventionnelle et la demande principale portent sur des brevets différents mais qui concernent sur des technologies ayant le même objet et comparables. 49. En réponse au moyen des demanderesses à l'incident, il sera précisé que les différents arguments qu'elles avancent pour souligner les différences entre les brevets d'une part, et entre les brevets déposés par la société Synerlink et l'enveloppe Soleau d'autre part, ne démontrent pas l'absence de lien suffisant entre la demande principale et la demande reconventionnelle. 50. Au contraire, ces arguments relèvent d'une discussion au fond démontrant la proximité des technologies en litige. 51. Il convient, par voie de conséquence, d'écarter la fin de non-recevoir. Sur les demandes accessoires 52. Le litige demeurant pendant devant le tribunal judiciaire, il convient de réserver la demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS Le juge de la mise en état, statuant par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire et en premier ressort : REJETTE l'exception d'incompétence territoriale portant sur la demande reconventionnelle en revendication de propriété formée par la société Synerlink à l'encontre de la demande de brevet européen EP 832 et de sa priorité espagnole ES 445, REJETTE la fin de non-recevoir tirée de l'absence de lien suffisant de la demande reconventionnelle en revendication de propriété formée par la société Synerlink à l'encontre de la demande de brevet européen EP 832 et de sa priorité espagnole ES 445, avec la demande principale, RÉSERVE la demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile. RENVOIE l'affaire à la mise en état dématérialisée du 14 février 2023 à 10h00 pour organisation d'un calendrier de procédure au fond. Faite et rendue à Paris, le 19 janvier 2023. LA GREFFIÈRE LE JUGE DE LA MISE EN ETAT
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JURITEXT000047454945
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AUTRES_DECISIONS
Tribunal judiciaire de Paris, 20 janvier 2023, 22/09365
2023-01-20
Tribunal judiciaire de Paris
22/09365
CT0196
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TRIBUNAL JUDICIAIREDE PARIS 3ème chambre2ème section No RG 22/09365No Portalis 352J-W-B7G-CXTZG No MINUTE : Assignation du :04 Août 2022 ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ MAINLEVÉErendue le 20 Janvier 2023 DEMANDEURS S.A.S. EVERDRUG[Adresse 5][Localité 8] Monsieur [Z], [D] [I][Adresse 1][Localité 7] Monsieur [L] [A][Adresse 4][Localité 8] représentés par Maître Guy LAMBOT de la SELEURL LAMBOT AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B0733 DÉFENDEURS Monsieur [P] [E][Adresse 2][Localité 9] S.A.S.U. AB CUBE[Adresse 3][Localité 6] représentés par Maître Alain BENSOUSSAN de la SELAS ALAIN BENSOUSSAN SELAS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E0241 COMPOSITION Monsieur Arthur COURILLON-HAVY, Jugeassisté de Monsieur Quentin CURABET, Greffier, DÉBATS A l'audience du 20 Octobre 2022, avis a été donné aux avocats que l'ordonnance serait rendue, en dernier lieu, le 20 Janvier 2023 ORDONNANCE Rendue publiquement par mise à disposition au greffeContradictoireEn premier ressort_________________________ EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE Origine du litige et procédure 1. M. [P] [E] et M. [L] [A] ont fondé en 2006, avec un troisième associé, la société AB cube, dont ils étaient tous deux codirigeants, afin d'exploiter un logiciel de pharmacovigilance intitulé ‘SafetyEasy' et développé par M. [E]. Pour des raisons sur lesquelles les parties s'opposent, M. [A] a créé le 1er avril 2013 avec trois associés une société concurrente, Evedrug, qui commercialise une suite logicielle dénommée ‘eVeReport', développée par M. [D] [I], devenu depuis salarié et associé de la société Evedrug. Pour sa part, M. [E] est devenu le seul dirigeant et le seul associé de la société AB cube en 2014. 2. Affirmant avoir découvert en 2017, à partir d'informations remises par un client potentiel, que le logiciel eVeReport reproduisait illégalement des éléments de son logiciel SafetyEasy, M. [E] et sa société ont pratiqué une saisie-contrefaçon au domicile de M. [I] le 14 mai 2019 (et tenté d'en pratiquer une le même jour à celui de M. [A], sans succès), puis ont assigné la société Evedrug, M. [A] et M. [I] en contrefaçon de droits d'auteur le 21 mai 2019. 3. Lors de la saisie-contrefaçon du 14 mai 2019 chez M. [I] ont été copiés, d'une part, le code source du logiciel eVeReport et la structure de la base de donnée (« structure BDD la plus récente »), qui ont été placés sous séquestre, d'autre part divers documents qui ont été annexés au procès-verbal de saisie, dont des courriels répondant à certains mots-clés. Alors que le juge de la mise en état avait ordonné une expertise pour comparer le logiciel saisi avec le logiciel SafetyEasy, et que la saisie avait été maintenue par le délégué du président en la cantonnant seulement à des mots-clés plus restrictifs, la cour d'appel de Paris, le 6 novembre 2020, en a ordonné la mainlevée totale, et la restitution des copies informatiques, au motif que l'oeuvre invoquée n'était pas identifiée, ni ce qui en faisait prétendument l'originalité. La demande de M. [E] et de sa société de modifier la mission de l'expert pour lui soumettre des « dumps » qu'ils détenaient à la place des éléments saisis a ensuite été rejetée par le juge de la mise en état le 6 juillet 2021 au motif que ces éléments n'étaient pas un point de comparaison fiable ni complet. 4. Parallèlement, les défendeurs ont obtenu sur requête le 3 juin 2020 la communication, par l'Agence de protection des programmes, des dépôts faits par une société Cetonia, ancien employeur de M. [E], liquidée à partir de 2008, et dont l'ancien dirigeant avait attesté que le logiciel SafetyEasy était en fait une copie du sien ; et ils ont demandé au juge de la mise en état d'étendre l'expertise à la comparaison de ces deux logiciels. Le juge de la mise en état, qui avait repoussé sa décision en raison de l'arrêt rendu sur la saisie-contrefaçon, n'a jamais statué à ce sujet, qu'il a considéré dans son ordonnance du 6 juillet 2021 comme relevant « d'un incident distinct ». Depuis, l'expertise a été suspendue, puis a pris fin, et la rémunération de l'expert a été taxée le 14 décembre 2021, de sorte que la demande en extension de mission n'a plus d'objet. Nouveaux incidents 5. C'est en cet état que les demandeurs au principal, M. [E] et la société AB cube, ont obtenu le 20 mai 2022 du juge de la mise en état l'autorisation de pratiquer une nouvelle saisie-contrefaçon, cette fois au sein d'une société Claranet, hébergeur du logiciel eVeReport, saisie-contrefaçon qui a été pratiquée le 18 juillet. La société Evedrug, M. [I] et M. [A] (les défendeurs au principal) ont assigné M. [E] et la société AB cube en mainlevée de cette mesure le 4 aout 2022. C'est la nouvelle procédure en « référé mainlevée ». 6. Par ailleurs, reprochant aux mêmes M. [E] et société AB cube de produire dans la procédure principale un courriel du 20 juillet 2017, avec ses pièces-jointes, qui aurait été obtenu par la première saisie-contrefaçon, la société Evedrug et MM. [I] et [A] ont formé un nouvel incident le 25 mai 2022 pour voir écarter ces pièces des débats. C'est l'incident en rejet de pièces. 7. Enfin, par des conclusions d'incident distinctes, M. [E] et la société AB cube ont demandé le 22 juillet 2022 au juge de la mise en état la levée du scellé des pièces saisies le 18 juillet lors de la 2e saisie-contrefaçon, et de désigner un nouvel expert pour comparer les logiciels. C'est la nouvelle demande d'expertise. 8. La nouvelle procédure en référé mainlevée et l'incident en rejet de pièces, soumis au même juge (pour la première, en tant que juge de la mainlevée, pour le second, en tant que juge de la mise en état), ont été entendus ensemble le 20 octobre 2022. La nouvelle demande d'expertise n'a pas encore été audiencée. La présente décision concerne la mainlevée. Prétentions des parties sur la saisie-contrefaçon du 18 juillet 2022 9. La société Evedrug et MM. [I] et [A], dans leurs dernières conclusions du 19 octobre 2022, demandent la mainlevée de la saisie et la restitution à M. [A] ou la destruction des copies réalisées à cette occasion, sous astreinte, et le paiement de 2 000 euros à chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 10. M. [E] et la société AB cube, dans leurs dernières conclusions du 19 octobre 2022, résistent aux demandes, contestent la qualité de la société Evedrug et MM. [I] et [A] à agir en mainlevée d'une saisie pratiquée chez un tiers, et réclament eux-mêmes 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et la distraction des dépens au profit de leur avocat. Moyens des parties pour la saisie-contrefaçon 11. Sur le droit d'agir en mainlevée, M. [E] et la société AB cube soutiennent que la saisie ayant été directement pratiquée chez la personne désignée dans l'ordonnance, à savoir la société Claranet, ni M. [A] ou M. [I] ni la société Evedrug n'a qualité de saisi ou de tiers saisi, seul à être autorisé par l'article L. 332-2 du code de la propriété intellectuelle à agir en mainlevée. Ceux-ci répondent que les données ont précisément été saisies chez un tiers qui les détenait pour leur compte, et qu'en tout état de cause étant visés dans la requête et dans la procédure principale, ils ont un intérêt certain à solliciter la mainlevée. 12. Sur le fond de la demande en mainlevée, la société Evedrug et MM. [A] et [I] soutiennent en substance, en premier lieu, que la requête était déloyale en ce qu'elle aurait occulté deux éléments remettant en cause la titularité des droits d'auteur ainsi que deux éléments remettant en cause l'existence d'une contrefaçon : sur la titularité, elle aurait occulté d'une part la demande formée par les défendeurs au principal de comparer le logiciel Safety easy avec le logiciel antérieur de la société Cetonia, et d'autre part l'existence, ou non, d'une cession des droits d'auteur sur le logiciel à l'occasion de la cession de la totalité du capital de la société AB cube à une société tierce, M. [E] n'étant resté que le dirigeant d'AB cube, alors qu'il serait logique que le cessionnaire de la société ou une société de son groupe se soit aussi fait céder les droits sur le logiciel. Sur la contrefaçon, elle aurait occulté d'une part le fait que les conclusions du 19 janvier 2022, produites au soutien de la requête, contenaient un courriel et ses pièces-jointes obtenus lors de la première saisie-contrefaçon dont la mainlevée a été ordonnée, pièces dont ils « savaient » qu'elles allaient faire l'objet d'une contestation de ce fait ; et d'autre part que l'expertise comparative privée dont elle se prévaut est fondée sur le même dump que le juge de la mise en état a estimé dépourvu de valeur probante. 13. La société Evedrug et MM. [I] et [A] soutiennent, en deuxième lieu, que les requérants ont violé le principe de la contradiction, d'une part en annexant leurs conclusions de fond à la requête, ce qui aurait rendu flou le contour des motivations de celle-ci, d'autant plus que la saisie a eu lieu l'été et en retardant délibérément de 7 jours la notification de la saisie à leur égard, ce qui aurait diminué leur délai pour analyser les motifs de l'ordonnance et former leur recours ; et d'autre part en ce que ces conclusions au fond contenaient la reproduction des pièces qui allaient faire l'objet d'une contestation, ce qui reviendrait à s'affranchir du débat contradictoire à ce sujet. 14. En troisième lieu, à titre principal, il exposent que, selon l'article 789 du code de procédure civile dans sa rédaction en vigueur lors de l'introduction de l'instance au principal, seul le tribunal est compétent pour trancher les fins de non-recevoir, de sorte que le juge des requêtes, qui ne pourrait pas apprécier la qualité à agir des requérants, ne pourrait dès lors pas autoriser la saisie-contrefaçon. Et, à titre subsidiaire, ils exposent qu'en toute hypothèse les requérants ne démontrent toujours pas leur droit d'agir, en ce qu'ils n'identifieraient pas l'oeuvre invoquée, ni la titularité des droits qu'ils invoquent à son égard, ni son originalité. 15. En particulier, sur la titularité et l'identification de l'oeuvre, ils avancent que si une version précise du logiciel est invoquée par le requérants, les développements relatifs à la titularité ne correspondraient pas à cette version, notamment au regard de sa date ; que la société AB cube et M. [E] ne pourraient se dire tous les deux titulaires de la totalité des droits sur la même oeuvre ; que le dépôt à l'APP invoqué par le second n'est pas une preuve de la qualité d'auteur ; que la présomption de commercialisation ne serait pas constituée, en l'absence des caractéristiques du logiciels et de date du début de la commercialisation ; et que cette présomption serait au demeurant inopérante car le logiciel serait revendiqué par un tiers, l'ancien dirigeant de la société Cetonia. 16. Et, contre les faits de contrefaçon allégués, ils font valoir les éléments déjà cités au sujet de la dissimulation déloyale, et contestent plus généralement les allégations des demandeurs au principal, les estimant en substance non prouvées, non pertinentes, ou insuffisantes. 17. En réponse, la société AB cube et M. [E] contestent avoir rien occulté ; estiment qu'ils pouvaient joindre à leur requête les conclusions des parties dans l'instance principale, et qu'on leur aurait même reproché de ne pas le faire ; et qu'à la date de leur requête, aucune contestation n'était née sur les pièces qui y étaient mentionnées. 18. Sur la titularité des droits invoqués, ils exposent notamment que la société AB cube exploite le logiciel et qu'en vertu de l'article L. 131-9 du code de la propriété intellectuelle les droits sur les logiciens créés par ses salariés lui sont dévolus. Sur l'originalité, ils soutiennent qu'elle n'a pas à être justifiée au stade de la requête, et exposent subsidiairement en quoi, selon eux, elle est en toute hypothèse caractérisée. 19. Sur la preuve de la contrefaçon alléguée, enfin, ils expliquent avoir obtenu à 3 reprises, de la part de clients souhaitant remplacer le logiciel eVeReport par SafetyEasy, des « dumps », c'est-à-dire des extraits contenant leurs données, qui révèleraient que celles-ci, issues de eVeReport, étaient structurées et organisées de la même façon que dans la version 3.136.175 de SafetyEasy, avec en particulier le même « moteur » (ou « socle technique ») inhabituel, une même « erreur » tenant à l'absence de « convention de nommage », une similitude inhabituelle des noms des champs de la base de donnée, allant jusqu'à des erreurs identiques de langue anglaise ou de méthode de nommage. Une comparaison réalisée ensuite spécifiquement sur la partie de ces dumps en langage XML montrerait également des identités. Les interfaces des deux logiciels seraient également similaires, bien au-delà du nécessaire. Enfin la contrefaçon ressortirait de ce que le concepteur du logiciel eVeReport aurait précédemment eu accès au code source de SafetyEasy dans son précédent emploi chez un prestataire ayant effectué une mission chez AB cube. MOTIVATION I . Demande en mainlevée de la saisie-contrefaçon 20. La saisie-contrefaçon en matière de logiciel est prévue par l'article L. 332-4 du code de la propriété intellectuelle, qui prévoit notamment que toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon est en droit de faire procéder en tout lieu et par tous huissiers, le cas échéant assistés d'experts désignés par le demandeur, en vertu d'une ordonnance rendue sur requête par la juridiction civile compétente, soit à la description détaillée, avec ou sans prélèvement d'échantillons, soit à la saisie réelle du logiciel ou de la base de données prétendument contrefaisants ainsi que de tout document s'y rapportant ; et que la saisie-description peut se concrétiser par une copie des logiciels ou des bases de données prétendument contrefaisants. 21. L'article L. 332-2 du même code, applicable à la saisie-contrefaçon de logiciels (Cass. 1re Civ., 19 mai 1998, no96-19.225), prévoit que dans un délai fixé par voie réglementaire, le saisi ou le tiers saisi peuvent demander au président du tribunal judiciaire de prononcer la mainlevée de la saisie ou d'en cantonner les effets. 1 . Qualité à agir en mainlevée 22. La saisie a eu lieu chez un tiers, la société Claranet, pour obtenir des preuves contre la société Evedrug et MM. [I] et [A], en saisissant des données informatiques leur appartenant. Ils ont donc manifestement la qualité de saisi, tandis que la société Claranet a celle de tiers saisi. La fin de non-recevoir est donc écartée. 2 . Bienfondé de la demande en mainlevée de la saisie-contrefaçon a. Indifférence de l'originalité de l'oeuvre invoquée 23. La Cour de cassation estime que « L'auteur, ses ayants droit ou ses ayants cause ont qualité pour agir en contrefaçon et solliciter à cet effet l'autorisation, par ordonnance rendue sur requête, de faire procéder à des opérations de saisie-contrefaçon, sans avoir à justifier, au préalable, de l'originalité de l'oeuvre sur laquelle ils déclarent être investis des droits d'auteur », et elle interdit au juge du fond d'apprécier l'originalité à ce stade (Cass. 1re Civ., 6 avril 2022, no20-19.034, points 20 à 22). 24. Les moyens tenant à l'originalité sont donc inopérants, et le juge de la saisie-contrefaçon doit tenir pour acquis l'existence de droits d'auteur sur l'objet invoqué, quel qu'il soit, afin d'analyser si le requérant est titulaire de ces droits et si ceux-ci sont susceptibles d'être enfreints par la personne visée par la saisie-contrefaçon. b. Possibilité pour le juge de la requête et de la mainlevée d'apprécier l'ensemble des éléments pertinents 25. Le juge de la requête en saisie-contrefaçon et de la mainlevée de cette mesure doit, évidemment, apprécier l'ensemble des éléments du litige susceptibles de la justifier. Que certains de ces éléments relèvent du droit d'agir des demandeurs au principal, et que, dans l'instance au principal, les fin de non-recevoir ne relèvent pas du pouvoir du juge de la mise en état, est à l'évidence indifférent, et le moyen soulevé à cet égard par la société Evedrug et MM. [A] et [I] est dépourvu de sérieux. c. Identification de l'oeuvre et titularité des droits à son égard 26. La société AB cube et M. [E] justifient que celui-ci a déposé à l'Agence de protection des programmes, à son nom, plusieurs version du logiciel SafetyEasy, dont en 2014 la version 3.136.175 sur laquelle ils fondent leur action en contrefaçon (leurs pièces no1, no2 et no3). Ils démontrent également que la société AB cube exploite commercialement différentes versions d'un logiciel dénommé SafetyEasy sous son nom, depuis 2006 (pièces no16, no18). Il existe certes une confusion importante quant au détail des versions exploitées au fur et à mesure, et aucune pièce ne concerne précisément l'exploitation par la société AB cube de la version 3.136.175 ; mais l'ancienneté et la continuité de l'exploitation, par la même société, d'un logiciel toujours dénommé de la même manière, sans que soit allégué et moins encore démontré qu'à un quelconque moment ce logiciel ou une de ses déclinaisons ait pu être exploité par une autre entreprise, suffisent à caractériser, a minima pour les besoins d'une saisie-contrefaçon, la présomption d'exploitation, au profit de la société AB cube, de l'ensemble des versions du logiciel SafetyEasy, y-compris donc la version 3.136.175. 27. Quant à l'affirmation de l'ancien dirigeant de la société Cetonia selon laquelle M. [E] aurait lui-même copié le logiciel de celle-ci, elle exprime la revendication, par ce tiers, de la création d'un autre logiciel, dénommé DragonFly, et non du logiciel SafetyEasy ; que le second soit une reproduction du premier peut certes le priver d'originalité s'il ne contient pas par ailleurs d'autres caractéristiques originales, mais cela ne concerne pas l'identité de son créateur : qu'il soit une oeuvre ou non, et qu'il soit distinct ou non d'un logiciel précédent, l'objet particulier qu'est le logiciel dénommé SafetyEasy a été créé par M. [E], et ses versions ultérieures par la société AB cube. Il est dès lors indifférent, pour déterminer le titulaire des droits d'auteurs sur le logiciel SafetyEasy, que ce logiciel soit lui-même la copie d'une oeuvre antérieure ; ce débat n'intéresse que l'originalité (qui certes conditionne théoriquement l'existence même des droits d'auteurs et donc la possibilité d'en être titulaire, mais dans le cas particulier de la saisie-contrefaçon, l'originalité doit être tenue pour acquise, cf ci-dessus partie a. ). 28. Ainsi, pour apprécier la possibilité de maintenir la saisie-contrefaçon, la société AB cube peut être considérée comme titulaire des droits d'auteurs de la version 3.136.175 du logiciel SafetyEasy. d. Preuves raisonnablement accessibles de la contrefaçon et proportionnalité de la mesure 29. La directive 2004/48 sur la protection des droits de propriété intellectuelle, qui vise à atteindre dans l'Union européenne un niveau élevé de protection, impose aux États membres de veiller à ce qu'à la demande d'une partie qui a présenté des éléments de preuve raisonnablement accessibles et suffisants pour étayer ses allégations et précisé les éléments de preuve à l'appui de ses allégations qui se trouvent sous le contrôle de la partie adverse, les autorités judiciaires compétentes puissent ordonner que ces éléments de preuve soient produits par la partie adverse, sous réserve que la protection des renseignements confidentiels soit assurée (article 6 de la directive). Par ailleurs, l'article 3, paragraphe 2, de la directive impose que les mesures, procédures et réparations soient notamment effectives et proportionnées. 30. Or les seules déclarations du requérant, fussent-elles détaillées, ne permettent pas de contrôler la proportionnalité de la mesure envisagée ; des preuves raisonnablement accessibles sont donc nécessaires quand bien même le texte national ne le mentionne pas expressément, et l'article L. 332-4 du code de la propriété intellectuelle doit donc être interprété en ce sens. Mais, pour permettre l'effectivité d'une mesure dont l'objet est précisément la recherche de preuves, le niveau d'exigence probatoire doit être aussi limité que possible, et adapté à la situation des parties dans chaque espèce. 31. Au cas présent, les demandeurs au principal justifient notamment la saisie-contrefaçon par des ressemblances entre la structure des bases de données issues respectivement de leur logiciel et du logiciel eVeReport de leur concurrente. Ces ressemblances ont été constatées et expliquées par un certain [Y] [J], dans un rapport du 12 janvier 2022 (pièce AB cube no23). Si la qualité de ce M. [J] n'est pas démontrée, ce qui ne permet pas de donner du crédit à ses affirmations techniques qui excèdent les connaissances générales de la juridiction, il réalise toutefois un certain nombres de comparaisons objectives, non seulement entre les deux logiciels en cause, mais également avec deux autres logiciels concurrents. Ainsi, les bases de données issues des logiciels SafetyEasy et eVeReport fonctionnent avec le « moteur » MySQL et sont doublées par des fichiers XML, ce qui n'est pas le cas des autres moteurs ; leurs « champs » (les différentes catégories de données) ont le même nom pour un tiers d'entre eux, alors que ce n'est le cas qu'à hauteur de 8% avec les deux autres logiciels examinés ; ces noms contiennent également quelques anomalies ou incongruités identiques, telles que l'omission (ou l'oubli) d'un ‘n' dans « reportergivename » (au lieu de reportergivenname). 32. Ces ressemblances dans les bases de données issues des logiciels, non imposées par la fonction, le domaine ou la règlementation, ne suffiraient évidemment pas à caractériser une contrefaçon, ne serait-ce que parce qu'elles ne portent en elles-mêmes sur aucune caractéristique originale ; mais elles forment des indices d'une reprise potentiellement plus large de la version concernée du logiciel SafetyEasy. 33. Ces indices ont été observés dans des exports de bases de données obtenues par des clients ; des sauvegardes, ou dumps, dont l'authenticité est contestée par les défendeurs au principal, qui estiment ces fichiers modifiables. Toutefois, M. [J] explique de façon pertinente, dans un complément à son rapport (pièce AB cube no42, p. 3), que le dump sur lequel il s'est fondé a été obtenu sur un espace de stockage partagé en ligne (cloud) appartenant à la société Microsoft, et qui indique, d'une façon échappant au contrôle de la société AB cube, que la dernière modification de ce dump remonte au 29 octobre 2019. Cette date est postérieure à l'ordonnance ayant maintenu la première saisie-contrefaçon (17 octobre 2019), et antérieure à l'appel formé contre cette ordonnance par M. [I] (5 décembre 2019). Les demandeurs au principal n'avaient alors aucune raison d'anticiper le besoin de recourir un jour à ce dump en remplacement du code source dont ils disposaient encore. Si, comme l'a déjà indiqué le juge de la mise en état dans une précédente ordonnance, la fiabilité de ce fichier reste trop faible pour fonder une condamnation au fond, il peut néanmoins en être déduit qu'il ne s'agit pas d'une preuve pré-constituée, mais bien d'un élément externe produit par un client, suffisamment crédible pour justifier les allégations de contrefaçon pour les besoins de la saisie-contrefaçon. 34. Toutefois, la comparaison justifiant ces allégations s'est fondée sur une version 5 du logiciel SafetyEasy, et non sur la version 3.136.175. Or, d'une part, il ne peut être présumé que la version antérieure contenait les mêmes caractéristiques communes au logiciel litigieux que la version étudiée par M. [J] ; et, d'autre part, il n'est pas établi que cette version 5 soit antérieure à la version du logiciel eVeReport ayant produit le dump étudié par M. [J]. Cette comparaison est dès lors insuffisante en elle-même à justifier des allégations de contrefaçon, tant parce qu'elle s'appuie sur des caractéristiques dont il n'est pas établi qu'elles se trouvent dans la version antérieure 3.136.175, que parce qu'elle s'appuie sur une version dont en tout état de cause l'antériorité n'est pas démontrée. 35. Il faut alors tenir compte du contexte de développement de chacun des logiciels en cause, pour déterminer si les ressemblances ultérieures entre eux sont susceptibles de s'expliquer par une copie antérieure de l'un par l'autre. À cet égard, il est constant que le président de la société Evedrug est l'ancien co-dirigeant de la société AB cube, et que plusieurs anciens salariés de la société AB cube ont travaillé ensuite pour la société Evedrug (Mmes [G] et [M], cf conclusions Evedrug p. 56) ; il est ainsi possible que l'information relative au logiciel SafetyEasy soit passée de la société AB cube à la société Evedrug, et ait été intégrée dans le locigiel de celle-ci. Tandis que réciproquement, aucune circonstance n'est alléguée qui pourrait, même indirectement, indiquer un passage d'informations de la société Evedrug vers la société AB cube. Ce contexte, évidemment très insuffisant à prouver une contrefaçon, permet en revanche de corroborer la comparaison des versions ultérieures de ces logiciels, qui a montré des similitudes que les défendeurs au principal n'expliquent pas, tandis qu'elles sont susceptibles de s'expliquer par une copie illicite. 36. Ces éléments de preuve aisément accessibles, au sens de la directive 2004/48 (cf ci-dessus point 30) sont certes minces mais ils suffisent à justifier une mesure probatoire dès lors d'une part qu'aucune autre preuve n'est accessible aux demandeurs au principal, et d'autre part que la mesure accomplie ne cause elle-même qu'une atteinte minimale aux intérêts des défendeurs. Tel est le cas ici, la saisie-contrefaçon n'ayant entrainé aucune divulgation de leur secret des affaires (les éléments sensibles ayant été placés sous scellé), tandis que l'analyse du code source de leur logiciel pourra se faire par l'intermédiaire d'un technicien seul habilité à en prendre connaissance. Dans cette stricte mesure, la saisie-contrefaçon en cause, qui est nécessaire afin de rendre effective la recherche de preuve, est proportionnée. e. Déloyauté dans la présentation des faits 37. Les requérants auraient d'abord occulté l'existence d'un logiciel antérieur susceptible de remettre en cause la titularité des droits sur le logiciel invoqué. Mais ainsi qu'il a été dit ci-dessus au point 27, ce logiciel antérieur est seulement susceptible d'affecter l'originalité de l'oeuvre invoquée par les requérants, et comme rappelé ci-dessus aux points 23 et 24, l'originalité est indifférente pour la saisie-contrefaçon. 38. Ils auraient également occulté l'éventuelle incidence de la cession de la société AB cube sur la cession des droits d'auteur sur le logiciel ; mais ils n'avaient pas à supposer eux-mêmes l'allégation d'un tel fait, et en toute hypothèse, il a été établi ci-dessus que les droits sur la version 3.136.175 appartenaient à la société AB cube elle-même, pour l'avoir exploitée après un développement qui a été fait par des développeurs internes. 39. Ils auraient occulté encore le fait que des pièces reproduites au sein des conclusions elles-mêmes produites au soutien de la requête feraient l'objet d'une contestation. Mais, outre que cette contestation n'était pas née à la date de la requête et qu'il ne pouvait être exigé des requérants qu'ils la devinent, elle était infondée (cf ordonnance du juge de la mise en état du 13 janvier 2023, sur l'incident en rejet de pièces). 40. Ils auraient enfin occulté le fait que l'expertise privée fondant la requête utiliserait les mêmes dumps que ceux qui avaient été jugés insuffisamment probants par le juge de la mise en état. Mais, outre que l'identité de ces éléments est assez évidente, leur faible force probante, assurément insusceptible de fonder une condamnation au fond, a toutefois été reconnue suffisante pour autoriser une mesure probatoire (cf ci-dessus point 33). Cette éventuelle dissimulation est donc elle aussi indifférente. f. Respect du principe de la contradiction 41. Il ne peut être vu une violation du principe de la contradiction dans la communication, au soutien d'une requête, des conclusions au fond de l'ensemble des parties. Et il n'en résulte aucune confusion, les motifs de l'ordonnance étant ceux de la requête elle-même, et non l'entier argumentaire des conclusions de fond. Quant à la date de la saisie, il n'était pas interdit aux requérants de la faire pratiquer le 18 juillet. g. Conclusion 42. La saisie, qui est suffisamment justifiée par des éléments de preuve aisément accessibles au regard de l'objectif d'effectivité des mesures probatoires, a causé aux défendeurs une atteinte proportionnée au regard de ces éléments de preuve, et n'encourt aucun des autres griefs soulevés par les saisis, peut être maintenue. La demande en mainlevée est par conséquent rejetée. II . Dispositions finales 43. Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. L'article 700 du même code permet au juge de condamner en outre la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre, pour les frais exposés mais non compris dans les dépens, une somme qu'il détermine, en tenant compte de l'équité et de la situation économique de cette partie. 44. La société Evedrug et MM. [A] et [I] perdent le procès, et sont donc tenus aux dépens. Ils doivent également indemniser les gagnants de leurs frais, qui peuvent être estimés, au regard de l'ampleur exceptionnelle des moyens et arguments soulevés, à 6 000 euros. PAR CES MOTIFS Le juge déjà saisi de l'affaire au principal : Rejette la demande en mainlevée de la saisie-contrefaçon, destruction et restitution ; Condamne in solidum la société Evedrug et MM. [A] et [I] aux dépens (qui pourront être recouvrés par l'avocat de la société AB cube et de M. [E] pour ceux dont il aurait fait l'avance sans en recevoir provision) ainsi qu'à payer 6 000 euros à la société AB cube et M. [E] au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Fait et jugé à Paris le 20 Janvier 2023 Le Greffier Le Président
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JURITEXT000047454946
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AUTRES_DECISIONS
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CT0196
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TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 3ème chambre 1ère section No RG 22/13473 No Portalis 352J-W-B7G-CYKLB No MINUTE : Assignation du :08 novembre 2022 JUGEMENT SELON LA PROCEDURE ACCELEREE AU FONDrendu le 19 janvier 2023 DEMANDERESSES FEDERATION NATIONALE DES EDITEURS DE FILMS (FNEF)[Adresse 9][Localité 14] SYNDICAT DE L'EDITION VIDEO NUMERIQUE (SEVN)[Adresse 9][Localité 14] ASSOCIATION DES PRODUCTEURS INDEPENDANTS (API)[Adresse 3][Localité 11] UNION DES PRODUCTEURS DE CINEMA (UPC)[Adresse 6][Localité 10] SYNDICAT DES PRODUCTEURS INDEPENDANTS (SPI)[Adresse 8][Localité 12] CENTRE NATIONAL DU CINEMA ET DE L'IMAGE ANIMEE (CNC) - Intervenant volontaire accessoire[Adresse 5][Localité 15] représentés par Me Christian SOULIE de la SCP SOULIE - COSTE-FLORET & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0267 DÉFENDERESSES S.A.S.U. SFR FIBRE[Adresse 1][Localité 16] S.A. SOCIETE FRANCAISE DU RADIOTELEPHONE -SFR[Adresse 4][Localité 13] représentées par Me Pierre-Olivier CHARTIER de l'ASSOCIATION CBR & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R0139 S.A. BOUYGUES TELECOM[Adresse 7][Localité 14] représentée par Me François DUPUY de la SCP HADENGUE et ASSOCIÉS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B0873 S.A.S. FREE[Adresse 17][Localité 11] représentée par Me Yves COURSIN de l'AARPI COURSIN CHARLIER AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C2186 S.A. ORANGE[Adresse 2][Localité 18] représentée par Me Christophe CARON de l'AARPI CABINET CHRISTOPHE CARON, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C0500 MAGISTRAT Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointeassistée de Caroline REBOUL, Greffière, DÉBATS A l'audience du 05 décembre 2022 tenue en audience publique, avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue le 19 janvier 2023. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffeContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DU LITIGE : La FEDERATION NATIONALE DES EDITEURS DE FILMS (ci-après « FNEF »), le SYNDICAT DE L'EDITION VIDEO NUMERIQUE (ci-après « SEVN »), L'ASSOCIATION DES PRODUCTEURS INDEPENDANTS (ci-après « API »), L'UNION DES PRODUCTEURS DE CINEMA (ci-après « UPC ») et le SYNDICAT DES PRODUCTEURS INDEPENDANTS (ci-après « SPI ») sont des organismes professionnels ayant vocation à défendre les membres de leur secteur professionnel respectif (audiovisuel et cinéma). Le CENTRE NATIONAL DU CINEMA ET DE L'IMAGE ANIMEE (ci-après « CNC ») est un établissement public administratif placé sous la tutelle du ministre de la culture et destiné notamment à contribuer, dans un but d'intérêt général, au financement et au développement du cinéma et de l'industrie de l'image animée ainsi qu'à la lutte contre la contrefaçon des oeuvres cinématographiques, audiovisuelles et multimédia. Les sociétés BOUYGUES TELECOM, FREE, SFR FIBRE, ORANGE et SFR sont des opérateurs de communications électroniques qui commercialisent notamment des offres de téléphonie et d'accès à internet sur le territoire français. La FNEF, le SEVN, l'API, l'UPC et le SPI exposent que les agents assermentés de l'ALPA ont établi, par différents procès-verbaux de constat, que les 4 sites suivants : « FEMBED (ID P1) » ; « UPVID (ID P2) » ; « UQLOAD (ID P3) » ; « VUDEO (ID P4) », qui sont accessibles par différents noms de domaine mettent, sans autorisation, à la disposition du public de très nombreuses oeuvres de leurs répertoires en continu ou au moyen de liens de téléchargement. Elles précisent que ces sites sont des plateformes d'hébergement et de partage de contenus numériques (dites "cyberlockers") permettant à différents utilisateurs de téléverser et stocker, notamment des vidéos, et de partager les liens d'accès à ces vidéos, en particulier par transclusion de sorte que l'accès à ce lien se réalise depuis un site d'indexation de liens, distinct de la plateforme, sans changement d'interface. Aux fins de faire cesser les atteintes constatées aux droits de leurs membres, la FNEF, le SEVN, l'API, l'UPC et le SPI ont, par actes d'huissier des 8 et 9 novembre 2022, fait assigner les sociétés ORANGE, FREE, SFR, SFR FIBRE ET BOUYGUES TELECOM, devant le tribunal judiciaire de Paris, selon la procédure accélérée au fond pour l'audience du 5 décembre 2022. Le CNC a, le 1er décembre 2022, notifié des conclusions d'intervention volontaire accessoire. Aux termes de leurs conclusions notifiées par voie électronique le 1er décembre 2022, la FNEF, le SEVN, l'API, l'UPC, la SPI, ainsi que le CNC demandent au tribunal, au visa de l'article 481-1 du Code de procédure civile et L. 336-2 du Code de la propriété intellectuelle, de : 1. Dire recevables la FNEF, le SEVN, l'UPC, l'API et le SPI en leur action.2. Dire recevable et bien fonde le CNC en son intervention volontaire accessoire ;3. Dire que la FNEF, le SEVN, l'UPC et l'API et le SPI demontrent suffisamment que les sitesweb « FEMBED (ID P1) » ; « UPVID (ID P2) » ; « UQLOAD (ID P3) » ; « VUDEO (ID P4) » sont respectivement quasi entierement dédié à la reproduction et à la representation d'oeuvres audiovisuelles / cinematographiques et de videogrammes par leur mise a disposition du public sans le consentement des auteurs et des producteurs, ce qui constitue une atteinte aux droits d'auteur et aux droits voisins telle que prevue a l'article L.336-2 du code de la propriété intellectuelle. EN CONSEQUENCE :4. Enjoindre sans delai et au plus tard dans les quinze jours a compter de la signification de la presente decision et pendant une duree de dix-huit mois a compter de la decision a intervenir aux societes BOUYGUES TELECOM, FREE, ORANGE, SOCIETE FRANCAISE DE RADIOTELEPHONE - SFR et SFR FIBRE SAS, de mettre en oeuvre et/ou faire mettre en oeuvre, selon les termes precises ci-apres, toutes mesures propres a empecher l'acces aux sites web « FEMBED (ID P1) » ; « UPVID (ID P2) » ; « UQLOAD (ID P3) » ; « VUDEO (ID P4) » à partir du territoire francais, y compris dans les départements ou régions d'outre-mer et collectivités uniques ainsi que dans les îles Wallis et Futuna, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques francaises, et/ou par leurs abonnés ainsi que par les abonnés des societes qui utilisent leur reseau à raison d'un contrat souscrit sur ce territoire, par tout moyen conforme au degré d'efficacité requis par la Directive 2001/29/CE, et notamment par le blocage des noms de domaine et par voie de consequence de tous les sousdomaines associés :1. « fembed.com », « fembed.net », « fembed.one », « vcdn.io », « vanfem.com », « ff-01.com », « ff-02.com », « ff-03.com », « ff-04.com », « ff-05.com » et « fvs.io »;2. « upvid.co », « upvid.biz », « upvid.pro », « upvid.live » , « upvid.host » , « upvid.cloud », « upvid.net » et « upvid.org » ;3. « uqload.com » et « uqload.org »;4. « vudeo.net » et « vudeo.io » ;5. Dire que les défendeurs mettront en oeuvre les mesures ordonnées visant à empêcher l'accès aux sites web précités en recourant à la liste des chemins d'accès telle que reprise dans les tableaux figurant dans la Pièce no 13 et dans les conditions précisées à cette même pièce.6. Dire que les défendeurs informeront sans délai les demandeurs de la survenance de toute difficulte portée à leur connaissance concernant un éventuel sur blocage, afin de leur permettre de leur confirmer, le cas écheant, qu'il y a lieu de lever les mesures prises en application des alinéas précédents.7. Dire qu'en cas de réactivation d'un nom de domaine pour lequel les fournisseurs d'accès à internet auraient levé les mesures de blocage a la suite d'une notification adressée par les demandeurs conformement au dispositif du jugement à intervenir dans la presente procedure, les défenderesses devront retablir les mesures propres à empêcher l'acces, à partir du territoire francais et/ou par leurs abonnés à raison d'un contrat souscrit sur ce territoire, au nom de domaine concerne et par voie de consequence de tous les sous-domaines associes, sans délai et au plus tard dans les 15 jours calendaires à compter de la reception d'une notification adressée par les sociétés demanderesses, pour la durée restant à courir en application du jugement à intervenir dans la presente procédure.8. Prononcer l'execution provisoire de la decision à intervenir, et sans constitution de garantie.9. Dire que chacune des parties conservera la charge de ses frais irrépétibles et ses dépens à sacharge.10. Ecarter toutes les demandes, fins et moyens contraires des conclusions des defenderesses. Aux termes de ses conclusions signifiées le 2 décembre 2022, les sociétés SFR et SFR Fibre demande au tribunal, au visa de l'article L. 336-2 du code de la propriété intellectuelle, de: - APPRECIER si la FNEF et autres ont qualité à agir et si l'atteinte qu'ils invoquent est constituée ;- APPRECIER s'il est proportionné et strictement nécessaire à la protection des droits en cause, au regard notamment (i) des risques d'atteinte au principe de la liberté d'expression et de communication (risques d'atteintes à des contenus licites et au bon fonctionnement des réseaux) (ii) de l'importance du dommage allégué, (iii) des risques d'atteinte à la liberté d'entreprendre des FAI, et (iv) du principe d'efficacité, d'ordonner aux FAI, dont SFR et SFR FIBRE, la mise en oeuvre des mesures de blocage sollicitées ; Si le Président considère qu'il est proportionné et strictement nécessaire à la protection des droits en cause d'ordonner la mise en oeuvre par les FAI, dont SFR et SFR FIBRE, de mesures de blocage des sites, il lui est demandé de :- ENJOINDRE à SFR et SFR FIBRE de mettre en oeuvre, dans un délai de quinze jours à compter de la signification de la décision à intervenir et pendant une durée de dix-huit mois à compter de la décision à intervenir, des mesures propres à prévenir l'accès de leurs abonnés situés sur le territoire français, aux noms de domaine suivants :1. « fembed.com », « fembed.net », « fembed.one », « vcdn.io », « vanfem.com », « ff-01.com », « ff-02.com », « ff-03.com », « ff-04.com », « ff-05.com » et « fvs.io »;2. « upvid.co », « upvid.biz », « upvid.pro », « upvid.live » , « upvid.host » , « upvid.cloud », « upvid.net » et « upvid.org » ;3. « uqload.com » et « uqload.org »;4. « vudeo.net » et « vudeo.io » ;- DIRE que les mesures de blocage mises en oeuvre par les FAI, dont SFR et SFR FIBRE, seront limitées à une durée de dix-huit mois à compter de la décision à intervenir ;- DIRE que les parties pourront saisir la présente juridiction en cas de difficultés ou d'évolution du litige ;- DIRE que les dépens seront laissés à la charge de FNEF et autres. Aux termes de ses conclusions signifiées le 2 décembre 2022, la société FREE demande au tribunal, au visa de l'article L. 336-2 du code de la propriété intellectuelle, de : - Juger que toutes éventuelles mesures initiales de blocage de noms de domaine ne pourront être prises que sous le contrôle de l'autorité judiciaire et vis-à-vis des seuls vingt-trois (23) noms de domaine litigieux précisément mentionnés par les demandeurs, et actifs, au jour où vous statuerez; - Juger que, pour l'identification des noms de domaine concernés, la décision à intervenir renverra expressément, au fichier Excel communiqué par les demandeurs (leur pièce no 13) ; - Autoriser, et, en tant que de besoin, juger, que pour l'exécution de la décision, la société FREE pourra utiliser directement le support numérique constitué par le fichier Excel communiqué par les demandeurs (leur pièce no 13) ; - Juger que d'éventuelles mesures de blocage de noms de domaine ne pourront être mises en oeuvre que dans un délai de quinze jours à compter de la signification, et selon les modalités que la société FREE estimera les plus adaptées à l'objectif à remplir en fonction, notamment, des contingences de son réseau et des difficultés éventuellement exceptionnelles auxquelles elle pourra être confrontée ; - Juger que toutes éventuelles mesures de blocage des noms de domaine ne pourront être prises que pour une durée de dix-huit mois à compter de la décision à intervenir ; - Juger que la FÉDÉRATION NATIONALE DES ÉDITEURS DE FILMS (FNEF), le SYNDICAT DE L'ÉDITION VIDÉO NUMÉRIQUE (SEVN), L'ASSOCIATION DES PRODUCTEURS INDÉPENDANTS (API), L'UNION DES PRODUCTEURS DE CINEMA (UPC), le SYNDICAT DES PRODUCTEURS INDEPENDANTS (SPI), et le CENTRE NATIONAL DU CINÉMA ET DE L'IMAGE ANIMÉE (CNC) devront avertir officiellement la société FREE dans l'hypothèse où le(s) noms de domaine(s) dont elles auraient obtenu le blocage deviendrai(en)t inactif(s) ou, si les sites concernés ne posaient plus problème ; - Statuer ce que de droit quant aux dépens. Aux termes de ses conclusions signifiées le 5 décembre 2022, la société BOUYGUES TELECOM demande au tribunal, au visa de l'article L. 336-2 du code de la propriété intellectuelle, de : - Apprécier si la FNEF, le SEVN, l'API, l'UPC, le SPI et le CNC ont qualité à agir,- Apprécier l'atteinte aux droits d'auteur et aux droits voisins invoquée par la FNEF, le SEVN, l'API, l'UPC, le SPI et le CNC,- Apprécier si les demandes de la FNEF, le SEVN, l'API, l'UPC, le SPI et le CNC respectent le principe de proportionnalité, En tout état de cause, dans l'hypothèse où la demande de blocage serait jugée fondée,- Enjoindre à la société BOUYGUES TELECOM de mettre en oeuvre les mesures propres à empêcher l'accès de ses abonnés ainsi que des abonnés des sociétés qui utilisent son réseau, situés sur le territoire français, aux seuls noms de domaines précisément visés dans la pièce no13 des demandeurs dans un délai de 15 jours à compter de la signification de la décision à intervenir, et pour une durée de 18 mois,- Dire que la FNEF, le SEVN, l'API, l'UPC, le SPI, les sociétés GAUMONT et DISNEY ENTERPRISES INC. et le CNC devront indiquer aux Conseils des fournisseurs d'accès à internet, dont la société BOUYGUES TELECOM, si les noms de domaines visés dans leurs écritures et dans leur pièce no13 ne sont plus actifs afin que les mesures de blocage ordonnées les concernant puissent être levées,- Laisser à la charge de la FNEF, le SEVN, l'API, l'UPC, le SPI et le CNC le paiement des entiers dépens de l'instance. Aux termes de ses conclusions signifiées le 2 Décembre 2022, la société ORANGE demande au tribunal, au visa de l'article L. 336-2 du code de la propriété intellectuelle, de : - APPRECIER si la FNEF, le SEVN, l'API, l'UPC, le SPI et le CNC ont qualité à agir. - DONNER ACTE que la société ORANGE ne s'oppose pas à la mesure de blocage sollicitée par les demandeurs dès lors qu'elle réunit les conditions cumulatives, exigées par le droit positif, que sont : la preuve de l'atteinte au droit d'auteur, le caractère judiciaire préalable et impératif de la mesure dans son principe, son étendue et ses modalités, y compris pour son actualisation; la liberté de choix de la technique à utiliser pour réaliser le blocage ; la durée limitée de la mesure. En tout état de cause, dans l'hypothèse où la demande de blocage serait jugée fondée, de : - DECLARER que, dans un délai de quinze jours à compter de la signification de la décision à intervenir, la société ORANGE ne peut être enjointe que de bloquer l'accès aux seuls noms de domaine précisément mentionnés dans le dispositif des conclusions des demandeurs et qui portent atteinte à un droit d'auteur ou à un droit voisin. - DECLARER que la société ORANGE procédera au blocage des sous-domaines associés aux noms de domaine visés si un tel blocage lui est expressément ordonné dans la décision à venir. - DECLARER que la société ORANGE procédera au blocage des noms de domaine et sous-domaines associés en recourant à la liste figurant dans le tableau Excel communiqué par les demandeurs tel qu'annexé au jugement et faisant partie de la minute. - DECLARER que la société ORANGE pourra, en cas de difficultés notamment liées à des sur-blocages, en référer au Président du Tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond ou au juge des référés afin d'être autorisée à lever la mesure de blocage. - DECLARER que les demandeurs doivent indiquer au Conseil de la société ORANGE si les noms de domaine visés dans la décision ne sont plus actifs, en parallèle de la signification de la décision à venir et par lettre officielle, afin de préciser qu'il n'est plus nécessaire de procéder à leur blocage. - DECLARER que les demandeurs doivent indiquer au Conseil de la société ORANGE, postérieurement à la décision, toute fermeture du site auquel renvoient les noms de domaine visés par la décision à venir, et dont ils auraient connaissance, afin que les mesures de blocage afférentes puissent être levées. - DIRE que chaque partie conservera à sa charge ses frais et dépens. MOTIFS DE LA DÉCISION I. Sur la qualité à agir Aux termes de l'article L.122-1 du code de la propriété intellectuelle, « Le droit d'exploitation appartenant à l'auteur comprend le droit de représentation et le droit de reproduction. » L'article L.122-2 du même code précise que « La représentation consiste dans la communication de l'oeuvre au public par un procédé quelconque, et notamment : 2o Par télédiffusion. La télédiffusion s'entend de la diffusion par tout procédé de télécommunication de sons, d'images, de documents, de données et de messages de toute nature. » et l'article L.122-3 que « La reproduction consiste dans la fixation matérielle de l'oeuvre par tous procédés qui permettent de la communiquer au public d'une manière indirecte. » Selon l'article L.122-4 de ce même code, « Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. » De la même manière, en application de l'article L.215-1 du code de la propriété intellectuelle, l'autorisation du producteur de tout enregistrement audiovisuel (vidéogramme) est requise avant toute reproduction, mise à la disposition du public par la vente, l'échange ou le louage, ou communication au public de son vidéogramme. Enfin, il résulte de l'article L.336-2 de ce même code qu' « En présence d'une atteinte à un droit d'auteur ou à un droit voisin occasionnée par le contenu d'un service de communication au public en ligne, le président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond peut ordonner à la demande des titulaires de droits sur les oeuvres et objets protégés, de leurs ayants droit, des organismes de gestion collective régis par le titre II du livre III ou des organismes de défense professionnelle visés à l'article L. 331-1, toutes mesures propres à prévenir ou à faire cesser une telle atteinte à un droit d'auteur ou un droit voisin, à l'encontre de toute personne susceptible de contribuer à y remédier. La demande peut également être effectuée par le Centre national du cinéma et de l'image animée. » La FNEF, le SEVN, l'API, l'UPC, le CNC, le SPI ont par leurs statuts le pouvoir d'agir en justice aux fins de défendre les intérêts professionnels des auteurs, producteurs et distributeurs d'oeuvres audiovisuelles, notamment cinématographiques, et de vidéogrammes. En conséquence, la FNEF, le SEVN, l'API, l'UPC et le SPI sont recevables en leurs demandes et le CNC recevable en son intervention volontaire. II. Sur l'atteinte aux droits d'auteur ou aux droits voisins La mesure de blocage, que seule l'autorité judiciaire peut prononcer, suppose que soit caractérisée préalablement, une atteinte à des droits d'auteur ou à des droits voisins. Il est à cet égard rappelé que par un arrêt du 22 juin 2021 (affaires jointes C-682/18 et C-683/18) , la Cour de justice de l'Union Européenne, interprétant les dispositions de la directive 2001/29/CE dont l'article L336-2 ci-dessus réalise la transposition en droit interne, a dit pour droit que : "L'article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2001, sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information, doit être interprété en ce sens que l'exploitant d'une plateforme de partage de vidéos ou d'une plateforme d'hébergement et de partage de fichiers, sur laquelle des utilisateurs peuvent mettre illégalement à la disposition du public des contenus protégés, n'effectue pas une « communication au public » de ceux-ci, au sens de cette disposition, à moins qu'il ne contribue, au-delà de la simple mise à disposition de la plateforme, à donner au public accès à de tels contenus en violation du droit d'auteur. Tel est notamment lorsque cet exploitant a concrètement connaissance de la mise à disposition illicite d'un contenu protégé sur sa plateforme et s'abstient de l'effacer ou d'en bloquer l'accès promptement, ou lorsque ledit exploitant, alors même qu'il sait ou devrait savoir que, d'une manière générale, des contenus protégés sont illégalement mis à la disposition du public par l'intermédiaire de sa plateforme par des utilisateurs de celle-ci, s'abstient de mettre en oeuvre les mesures techniques appropriées qu'il est permis d'attendre d'un opérateur normalement diligent dans sa situation pour contrer de manière crédible et efficace des violations du droit d'auteur sur cette plateforme, ou encore lorsqu'il participe à la sélection de contenus protégés communiqués illégalement au public, fournit sur sa plateforme des outils destinés specifiquement au partage illicite de tels contenus ou promeut scienmment de tels partages, ce dont est susceptible de témoigner la circonstance que l'exploitant à adopté un modèle économique incitant les utlisateurs de sa plateforme à procéder illégalement à la communication au public de contus protégés sur celle-ci.". En l'occurrence, chacun des sites litigieux suivants a fait l'objet de procès-verbaux d'agents assermentés de l'Association de la Lutte contre la Piraterie Audiovisuelle (ci-après « ALPA »). 1. Ainsi, pour la plateforme d'hébergement et de partage de fichiers et/ou de vidéos « FEMBED » (ID P1) un total de 11609 liens sont mis à disposition, dont la grande majorité permet l'accès sans autorisation à des oeuvres audiovisuelles protégées. Selon la vérification manuelle opérée par l'agent assermenté de l'ALPA sur un échantillon de titres aléatoirement sélectionnés, 53 liens sur 100 renvoyaient vers des oeuvres contrefaisantes. L'application de la méthodologie statistique permet aux agents assermentés de l'ALPA d'établir que le pourcentage de mise à disposition d'oeuvres contrefaisantes était de 53% avec une marge d'erreur de l'ordre de 9.78%. Les agents assermentés ont également constaté la mise à dispostion du public de contenu protégé et notamment les oeuvres suivantes : BULLET TRAIN, PREY, BUZZ L'ECLAIR, EN CORPS,. Les utilisateurs qui publient les liens qui leur sont communiqués par la plateforme « FEMBED » sont en l'occurrence des sites de collection de liens tels que "CINEFLIX", "BLACKSTREAMING", "PAPYSTREAMING" et "FRENCHSTREAM", qui ont tous fait l'objet de mesures de blocage judicaire par des jugements des 12 mai 2022 et 21 juillet 2022 enregistrés respectivement sous les RG no22/04178 et no22/06148. La plateforme permet à ses utilisateurs de téléverser les fichiers contrefaisants via son propre ordinateur ou par un système de clonage d'une vidéo mise en ligne sur la même plateforme par exemple. Par ailleurs la plateforme a mis en place un système de monétisation qui rémunère aussi bien elle-même que ses utilisateurs en fonction du taux de fréquentation de leur vidéo et des publicités qui ont été visionnées. La plateforme à également mis en place un système d'abonnement payant qui autorisent les utilisateurs à remplacer les publicités préexistantes par leurs propres publicités et ainsi de récupérer l'intégralité des recettes publicitaires générées par le visionnage d'une vidéo. Les constats ont également mis en évidence qu'aucun retrait de contenu n'avait été opéré en dépit de la notification du 12 août 2022 faite par les agents assermentés de l'ALPA. Les agents assermentés de l'ALPA ont enfin constaté que la plateforme "FEMBED" utilise les noms de domaine suivants : ? fembed.com? fembed.net? fembed.one? vcdn.io? vanfem.com? ff-01.com? ff-02.com? ff-03.com? ff-04.com? ff-05.com? fvs.io 2. S'agissant de la plateforme d'hébergement et de partage de fichiers et/ou de vidéos « UPVID » (ID P2) un total de 1590 liens sont mis à disposition, dont la grande majorité permet l'accès sans autorisation à des oeuvres audiovisuelles protégées. Selon la vérification manuelle opérée par l'agent assermenté de l'ALPA sur un échantillon de titres aléatoirement sélectionnés, 85 liens sur 100 renvoyaient vers des oeuvres contrefaisantes. L'application de la méthodologie statistique permet aux agents assermentés de l'ALPA d'établir que le pourcentage de mise à disposition d'oeuvres contrefaisantes était de 85% avec une marge d'erreur de l'ordre de 6.80%. Les agents assermentés ont également constaté la mise à dispostion du public de contenu protégé et notamment les oeuvres suivantes : ELVIS, DOWNTON ABBEY 2 : UNE NOUVELLE ERE, TOP GUN : MAVERICK, et THE BATMAN. Les utilisateurs qui publient les liens qui leur sont communiqués par la plateforme « UPVID » sont en l'occurrence des sites de collection de liens tels que "TOPSERIESTREAMING", "SERIE-STREAMING1", "CPASMIEUX" et "DUCINE" qui ont tous fait l'objet de mesures de blocage judicaire par des jugements des 2 décembre 2021, 17 février 2022 et 21 juillet 2022 enregistrés respectivement sous les RG no21/12864, 21/15378 et no22/06148. La plateforme permet à ses utilisateurs de téléverser les fichiers contrefaisant via son propre ordinateur ou par un système de clonage d'une vidéo mise en ligne sur la même plateforme par exemple. Par ailleurs le site à mis en place un système de monétisation lié à la publicité, possiblement pornographique, qui rémunère aussi bien elle-même que ses utilisateurs en fonction du taux de fréquentation de leur vidéo. Lors du constat de l'ALPA, aucun retrait de contenu n'a été opéré à la suite de la notification du 10 août 2022 faite par les agents assermentés de l'ALPA. Les agents assermentés de l'ALPA ont enfin constaté que la plateforme "UPVID" utilise les noms de domaine suivants : ? upvid.co? upvid.biz? upvid.pro? upvid.live? upvid.host? upvid.cloud? upvid.net? upvid.org Il est également observé que la plateforme présente un identifiant alphanumérique de type « Google Tag Manager » : UA-110473520-1. 3. En ce qui concerne la plateforme d'hébergement et de partage de fichiers et/ou de vidéos « UQLOAD » (ID P3) un total de 210060 liens sont mis à disposition, dont la grande majorité permet l'accès sans autorisation à des oeuvres audiovisuelles protégées. Selon la vérification manuelle opérée par l'agent assermenté de l'ALPA sur un échantillon de titres aléatoirement sélectionnés, 88 liens sur 100 renvoyaient vers des oeuvres contrefaisantes. L'application de la méthodologie statistique permet aux agents assermentés de l'ALPA d'établir que le pourcentage de mise à disposition d'oeuvres contrefaisantes était de 88% avec une marge d'erreur de l'ordre de 6.39%. Les agents assermentés ont également constaté la mise à dispostion du public de contenu protégé, les oeuvres suivantes à titre d'exemple : BULLET TRAIN, EN CORPS, JURASSIC WORLD : LE MONDE D'APRES, MURDER PARTY. Les utilisateurs qui publient les liens qui leur sont communiqués par la plateforme « UQLOAD » sont en l'occurrence des sites de collection de liens tels que "EMULE-ISLAND", "WIFLIX", "CPASMIEUX" et "FRENCH-STREAM" qui ont fait l'objet de mesures de blocage judicaire par des jugements des 23 septembre 2021, 2 décembre 2021 et 15 mai 2022 enregistrés respectivement sous les RG no21/08733, no21/12864 et no22/04178. La plateforme permet à ses utilisateurs de téléverser les fichiers contrefaisant via son propre ordinateur ou par un système de clonage d'une vidéo mise en ligne sur la même plateforme par exemple. Par ailleurs le site a mis en place un système de monétisation lié à la publicité, qui rémunère aussi bien elle-même que ses utilisateurs en fonction du taux de fréquentation de leur vidéo. Lors du constat de l'ALPA, aucun retrait de contenu n'a été opéré à la suite des notifications des 5 et 17 août 2022 faites par les agents assermentés de l'ALPA. Les agents assermentés de l'ALPA ont enfin constaté que la plateforme "UQLOAD" utilise les noms de domaine suivants : ? uqload.org? uqload.com Il est également observé que la plateforme présente un identifiant alphanumérique de type « Google Tag Manager » : UA-106482009-1. 4. S'agissant de la plateforme d'hébergement et de partage de fichiers et/ou de vidéos « VUDEO » (ID P4) un total de 78135 liens sont mis à disposition, dont la grande majorité permet l'accès sans autorisation à des oeuvres audiovisuelles protégées. Selon la vérification manuelle opérée par l'agent assermenté de l'ALPA sur un échantillon de titres aléatoirement sélectionnés, 63 liens sur 100 renvoyaient vers des oeuvres contrefaisantes. L'application de la méthodologie statistique permet aux agents assermentés de l'ALPA d'établir que le pourcentage de mise à disposition d'oeuvres contrefaisantes était de 63% avec une marge d'erreur de l'ordre de 9.50%. Les agents assermentés ont également constaté la mise à dispostion du public de contenu protégé, les oeuvres suivantes à titre d'exemple : BULLET TRAIN, PREY, JACKASS FOREVER, EN CORPS. Les utilisateurs qui publient les liens qui leur sont communiqués par la plateforme « VUDEO » sont en l'occurrence des sites de collection de liens tels que "33STREAMING", "VOIRSERIESTREAMING", "FILMGRATUIT" et "STREAMCOMPLET+" qui ont fait l'objet de mesures de blocage judicaire par des jugements des 12 mai 2022 et 21 juillet 2022 enregistrés respectivement sous les RG no22/04178 et no22/06148. La plateforme permet à ses utilisateurs de téléverser les fichiers contrefaisant via son propre ordinateur ou par un système de clonage d'une vidéo mise en ligne sur la même plateforme par exemple. Par ailleurs le site à mis en place un système de monétisation lié à la publicité, qui rémunère aussi bien la plateforme elle-même que ses utilisateurs en fonction du taux de fréquentation de leur vidéo. Les agents de l'ALPA ont également constaté qu'aucun des dispositifs mis en place sur la plateforme n'est fonctionnel de sorte qu' aucune notification n'a pu être faite par les agents assermentés pour le compte des titulaires de droits. Les agents assermentés de l'ALPA ont constaté que la plateforme "UQLOAD" utilise les noms de domaine suivants : ? vudeo.net? vudeo.io Il est également observé que la plateforme présente un identifiant alphanumérique de type « Google Tag Manager » : UA-156497173-1. *** Il ressort de l'ensemble de ces constatations que la FNEF, le SEVN, l'API, l'UPC, le SPI ainsi que le CNC établissent de manière suffisamment probante que les sites litigieux réalisent une communication au public au sens de l'article 3§1 de la directive 2001/29. En particulier, les constatations des agents assermentés de l'ALPA, ont mis en évidence que les exploitants des plateformes d'hébergement et de partage de contenus numériques précités devraient en l'occurrence savoir que des contenus protégés sont massivement et illégalement mis à la disposition du public par leur intermédiaire. Au demeurant, elles s'abstiennent de mettre en oeuvre des mesures techniques qui leur permettraient de contrer, avec la diligence attendue de leur part, de manière crédible et efficace les violations des droits d'auteur qui sont faites part leur intermédiaire. Il est enfin établi ici qu'elles incitent à la violation du droit d'auteur et des droits voisins par la mise en place d'outils spécifiquement destinés au partage de masse et illicite de contenus protégés, en promouvant scienmment ces partages, notamment par le biais d'un modèle économique qui laisse présumer que les exploitants de ces plateformes jouent un rôle actif dans le partage des fichiers contrefaisants. L'ensemble des éléments précités réunis permettent de caractériser une atteinte aux droits d'auteur ou aux droits voisins. La FNEF, le SEVN, l'API, l'UPC, le SPI ainsi que le CNC sont donc fondés à solliciter la prescription de mesures propres à faire cesser la violation de leurs droits. Les procès-verbaux produits aux débats ont mis en évidence l'anonymisation intégrale de ces sites. Ainsi, aucun d'eux ne comprend les mentions légales exigées par les articles 6 III.1 et 2 de la loi no2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, dite "LCEN". L'hébergeur des sites est le plus souvent CLOUDFLARE, INC, et les propriétaires des nom de domaine n'est pas communiqué. III. Sur les mesures sollicitées L'article L. 336-2 du code de la propriété intellectuelle réalise la transposition de l'article 8 §3, de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001, sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information, aux termes duquel : "Les États membres veillent à ce que les titulaires de droits puissent demander qu'une ordonnance sur requête soit rendue à l'encontre des intermédiaires dont les services sont utilisés par un tiers pour porter atteinte à un droit d'auteur ou à un droit voisin". Le seizième considérant de cette directive rappelle que les règles qu'elle édicte doivent s'articuler avec celles issues de la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000, relative à certains aspects juridiques des services de la société de l'information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur (dite « directive sur le commerce électronique »). La Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit dans l'arrêt Scarlet Extended c/ Sabam (C-70/10) du 24 novembre 2011 qu' « ainsi qu'il découle des points 62 à 68 de l'arrêt du 29 janvier 2008, Promusicae (C-275/06, Rec. p. I-271), la protection du droit fondamental de propriété, dont font partie les droits liés à la propriété intellectuelle, doit être mise en balance avec celle d'autres droits fondamentaux. 45 Plus précisément, il ressort du point 68 dudit arrêt qu'il incombe aux autorités et aux juridictions nationales, dans le cadre des mesures adoptées pour protéger les titulaires de droits d'auteur, d'assurer un juste équilibre entre la protection de ce droit et celle des droits fondamentaux de personnes qui sont affectées par de telles mesures. 46 Ainsi, dans des circonstances telles que celles de l'affaire au principal, les autorités et les juridictions nationales doivent notamment assurer un juste équilibre entre la protection du droit de propriété intellectuelle, dont jouissent les titulaires de droits d'auteur, et celle de la liberté d'entreprise dont bénéficient les opérateurs tels que les FAI en vertu de l'article 16 de la charte.(...) 52 D'autre part, ladite injonction risquerait de porter atteinte à la liberté d'information puisque ce système risquerait de ne pas suffisamment distinguer entre un contenu illicite et un contenu licite, de sorte que son déploiement pourrait avoir pour effet d'entraîner le blocage de communications à contenu licite. En effet, il n'est pas contesté que la réponse à la question de la licéité d'une transmission dépende également de l'application d'exceptions légales au droit d'auteur qui varient d'un État membre à l'autre. En outre, certaines oeuvres peuvent relever, dans certains États membres, du domaine public ou elles peuvent faire l'objet d'une mise en ligne à titre gratuit de la part des auteurs concernés. » Il s'en déduit qu'un juste équilibre doit être recherché entre la protection du droit de propriété intellectuelle, d'une part, et la liberté d'entreprise des fournisseurs d'accès à internet, et les droits fondamentaux des clients des fournisseurs d'accès à internet, en particulier leur droit à la protection des données à caractère personnel et leur liberté de recevoir et de communiquer des informations, d'autre part. La recherche de cet équilibre implique d'écarter toute mesure prévoyant un contrôle absolu, systématique et sans limitation dans le temps, de même que les mesures ne doivent pas porter atteinte à la "substance même du droit à la liberté d'entreprendre" des fournisseurs d'accès à internet, lesquels doivent conserver le choix des mesures à mettre en oeuvre. Aussi, conformément aux dispositions de l'article L.336-2 du code de la propriété intellectuelle, il sera enjoint aux sociétés ORANGE, BOUYGUES TELECOM, FREE, SFR et SFR FIBRE de mettre en oeuvre et/ou faire mettre en oeuvre, toutes mesures propres à empêcher l'accès aux sites « FEMBED (ID P1) » ; « UPVID (ID P2) » ; « UQLOAD (ID P3) » ; « VUDEO (ID P4) » , à partir du territoire français par leurs abonnés, à raison d'un contrat souscrit sur ce territoire, par tout moyen efficace de leur choix. Les mesures de blocage concerneront les noms de domaine mentionnés au tableau annexé à la présente décision, et permettant l'accès aux sites litigieux, dont le caractère entièrement ou essentiellement illicite a été établi. Compte tenu de leur nécessaire subordination à un nom de domaine, les mesures s'étendront à tous les sous domaines associés au nom de domaine figurant dans le tableau. Ces mesures devront être mises en oeuvre sans délai, et au plus tard à l'expiration d'un délai de 15 jours suivant la signification de la présente décision, et pendant une durée de 18 mois, ce délai prenant tout à la fois en compte l'augmentation de la constatation des atteintes et l'efficacité des mesures d'ores et déjà ordonnées qui font qu'une mesure de blocage est rarement sollicitée consécutivement pour un même nom de domaine. Les fournisseurs d'accès à internet devront informer la FNEF, le SEVN, l'API, l'UPC, le SPI ainsi que le CNC des mesures mises en oeuvre sans délai. Le coût des mesures de blocage sera à la charge des fournisseurs d'accès internet. Il est rappelé que l'actualisation des mesures ordonnées en cas d'évolution du litige en raison de la mise en oeuvre de moyens de contournement du blocage, pourra être envisagée par le tribunal statuant selon la procédure accélérée au fond, mais également, sous réserve que soit caractérisée l'existence d'un trouble manifestement illicite, par le juge des référés. En outre, la société ORANGE pourra en cas de difficultés notamment liées à des sur-blocages, en référer au président du tribunal statuant selon la procédure accélérée au fond ou au juge des référés afin d'être autorisée à lever la mesure de blocage, ce à quoi les demandeurs ne s'opposent pas. Chaque partie conservera la charge de ses frais irrépétibles et de ses dépens. PAR CES MOTIFS LE TRIBUNAL, ORDONNE aux sociétés ORANGE, BOUYGUES TELECOM, FREE, SFR et SFR FIBRE de mettre en oeuvre et/ou faire mettre en oeuvre, toutes mesures propres à empêcher l'accès aux sites « FEMBED (ID P1) » ; « UPVID (ID P2) » ; « UQLOAD (ID P3) » ; « VUDEO (ID P4) » , à partir du territoire français, y compris dans les départements ou régions d'outre-mer et collectivités uniques ainsi que dans les îles Wallis et Futuna, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises, par leurs abonnés à raison d'un contrat souscrit sur ce territoire, par tout moyen efficace, et notamment par le blocage des noms de domaine et sous-domaines associés, aux sites accessibles via les noms de domaine figurant dans le tableau annexé au présent jugement et faisant partie de la minute, au plus tard dans un délai de 15 jours suivant de la signification du présent jugement et pendant une durée de 18 mois à compter de la mise en oeuvre des mesures ordonnées ; DIT que le coût de la mise en oeuvre des mesures ordonnées restera à la charge des sociétés ORANGE, BOUYGUES TELECOM, FREE, SFR et SFR FIBRE ; DIT que les fournisseurs d'accès à internet devront informer la FÉDÉRATION NATIONALE DES ÉDITEURS DE FILMS, le SYNDICAT DE L'ÉDITION VIDÉO NUMÉRIQUE, l'ASSOCIATION DES PRODUCTEURS INDÉPENDANTS, l'UNION DES PRODUCTEURS DE CINÉMA, le SYNDICAT DES PRODUCTEURS INDEPENDANTS ainsi que le CENTRE NATIONAL DU CINEMA ET DE L'IMAGE ANIMEE de la mise en oeuvre de ces mesures en précisant éventuellement les difficultés qu'ils rencontreraient ; DIT que la FÉDÉRATION NATIONALE DES ÉDITEURS DE FILMS, le SYNDICAT DE L'ÉDITION VIDÉO NUMÉRIQUE, l'ASSOCIATION DES PRODUCTEURS INDÉPENDANTS, l'UNION DES PRODUCTEURS DE CINÉMA, le SYNDICAT DES PRODUCTEURS INDEPENDANTS ainsi que le CENTRE NATIONAL DU CINEMA ET DE L'IMAGE ANIMEE devront dans ce cadre indiquer aux fournisseurs d'accès à internet, les noms de domaine dont ils auraient appris qu'ils ne sont plus actifs, afin d'éviter des coûts de blocage inutiles ; DIT qu'en cas d'évolution du litige notamment par la modification des noms de domaines ou chemins d'accès, la FÉDÉRATION NATIONALE DES ÉDITEURS DE FILMS, le SYNDICAT DE L'ÉDITION VIDÉO NUMÉRIQUE, l'ASSOCIATION DES PRODUCTEURS INDÉPENDANTS, l'UNION DES PRODUCTEURS DE CINÉMA, le SYNDICAT DES PRODUCTEURS INDEPENDANTS ainsi que le CENTRE NATIONAL DU CINEMA ET DE L'IMAGE ANIMEE pourront en référer à la présente juridiction selon la procédure accélérée au fond ou en saisissant le juge des référés, en mettant en cause par voie d'assignation les parties présentes à cette instance ou certaines d'entre elles, afin que l'actualisation des mesures soit ordonnée ; DONNE ACTE à la FÉDÉRATION NATIONALE DES EDITEURS DE FILMS, au SYNDICAT DE L'ÉDITION VIDÉO NUMÉRIQUE, à l'ASSOCIATION DES PRODUCTEURS INDÉPENDANTS, à l'UNION DES PRODUCTEURS DE CINÉMA, au SYNDICAT DES PRODUCTEURS INDEPENDANTS ainsi qu'au CENTRE NATIONAL DU CINÉMA ET DE L'IMAGE ANIMÉE de ce que ils ne s'opposent pas à ce que la société ORANGE sollicite judiciairement la mainlevée des mesures de blocage pour le cas où celles-ci conduiraient à des sur-blocages, dès lors qu'elle s'est préalablement et vainement rapprochée des demandeurs ; RAPPELLE que le présent jugement est exécutoire par provision ; LAISSE à chacune des parties la charge de ses propres dépens. Fait et jugé à Paris le 19 janvier 2023. LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
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JURITEXT000047454947
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AUTRES_DECISIONS
Tribunal judiciaire de Paris, 3 février 2023, 21/14105
2023-02-03
Tribunal judiciaire de Paris
21/14105
CT0196
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TRIBUNALJUDICIAIREDE PARIS 3ème chambre2ème section No RG 21/14105No Portalis 352J-W-B7F-CVNUW No MINUTE : Assignation du :05 et 10 Novembre 2021 ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETATrendue le 03 Février 2023DEMANDERESSES Madame [A] [N][Adresse 13][Localité 1] Madame [L] [N][Adresse 9][Localité 2] représentées par Maître Pierre LAUTIER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B0925 DEFENDEURS S.A.S.U. EDITIONS BEUSCHER ARPEGE[Adresse 6][Localité 10] représentée par Maître Michael MAJSTER de l'AARPI Majster & Nehmé Avocats, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R0139 S.C. La Société des Auteurs, Compositeurs et Editeurs de Musique[Adresse 5][Localité 14] représentée par Maître Anne BOISSARD de l'AARPI ARTLAW, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0327 Madame [C] [F] née [S] - intervenante volontaire[Adresse 16][Localité 11] Madame [J] [O] née [S] - intervenante volontaire[Adresse 3][Localité 15] (ETATS-UNIS) représentées par Maître André SCHMIDT de l'AARPI A. SCHMIDT - L. GOLDGRAB, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0391 Madame [P] [D] [R] [K] - Intervenante volontaire[Adresse 12][Localité 8] Monsieur [H] [B] [K] - intervenant volontaire[Adresse 4][Localité 7] représentés par Maître Christine AUBERT- MAGUERO de l'AARPI DAM AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #G439 MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT Monsieur Arthur COURILLON-HAVY, Jugeassisté de Monsieur Quentin CURABET, Greffier DEBATS A l'audience du 20 Octobre 2022, avis a été donné aux avocats que l'ordonnance serait rendue en dernier lieu le 03 Février 2023. ORDONNANCE Prononcée publiquement pa rmise à dipsosition au greffe ContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE Synthèse de l'objet de l'incident 1. Mmes [N] agissent en contrefaçon de droits d'auteur au titre d'une chanson composée par leur grand-père, contre une célèbre chanson postérieure exploitée depuis 1946 dont le refrain en aurait repris la mélodie et les harmonies. Les défendeurs estiment que leur action est prescrite, en totalité ou subsidiairement pour les faits antérieurs de plus de cinq ans à l'assignation ; qu'elles n'ont pas hérité des droits dont elles se prévalent, ou du moins pas seules ; qu'elles auraient dû mettre en cause l'auteur des paroles de la chanson invoquée ; et qu'elles ne peuvent pas demander réparation des faits commis hors de France ; l'ensemble de ces moyens étant qualifiés de fin de non-recevoir. Naissance du litige, procédure 2. Mmes [A] et [L] [N], qui exposent avoir découvert dans les documents de leur père décédé en 2020 la partition d'une chanson intitulée Les Hommes ne sont pas sérieux, dont la musique a été composée en 1924 par leur grand-père [V] [N], décédé en 1962, estiment que cette oeuvre est contrefaite par la chanson intitulée La Vie en rose, divulguée en 1946, dont les paroles ont été écrites par [D] [M], la musique composée par [G] [K] dit [W], et qui est éditée par la société Éditions beuscher arpège (la société Beuscher). 3. Elles ont assigné l'éditeur et la Sacem, respectivement les 5 et 10 novembre 2021 (mais seulement « le 7 décembre 2021 » selon les conclusions des parties) recherchant ? d'une part les coordonnées des ayants droits des auteurs de La Vie en rose, et ? d'autre part la réparation de leur préjudice, à hauteur de : ? une provision de 3 000 000 d'euros contre les ayants droits du compositeur seuls, « pour les atteintes au droit patrimonial pendant les cinq dernières années d'exploitation » de La Vie en rose, ? une provision de 2 000 000 d'euros contre l'éditeur et les ayants droits du compositeur « au titre du préjudice moral pour l'atteinte depuis la parution » de La Vie en rose en 1947 ; outre ? contre l'éditeur seul, 30 000 euros pour préjudice moral et 30 000 euros pour préjudice patrimonial au titre de l'exploitation mondiale des partitions. 4. Les ayants droits d'[D] [M] (Mmes [S]) et de [W] (les consorts [K]) sont intervenus volontairement à l'instance respectivement les 15 et 17 mars 2022. Les demanderesses avaient entre temps formé un incident pour demander la communication forcée de leurs coordonnées mais aussi celles de l'auteur des paroles de la chanson Les hommes ne sont pas sérieux. L'ensemble des défendeurs hormis la Sacem ont alors contesté, par des conclusions d'incident, la recevabilité des demandes. Objet de l'incident 5. Dans ses dernières conclusions d'incident (du 11 octobre 2022), la société Beuscher soulève deux fins de non-recevoir, tirées respectivement de l'absence de mise en cause des ayants droits de l'auteur des paroles, et de la prescription, totale ou à tout le moins acquise pour les faits antérieurs au 7 décembre 2016 ; et réclame 5 000 euros aux demanderesses au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 6. Dans leurs dernières conclusions d'incident (du 5 octobre 2022), les consorts [K] soulèvent les mêmes fins de non-recevoir, ainsi qu'une troisième tirée du défaut de qualité à agir ; et réclament 5 000 euros des demanderesses au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 7. Dans leurs dernières conclusions d'incident (du 5 octobre 2022), Mmes [S] soulèvent les mêmes trois fins de non-recevoir, ainsi qu'une quatrième visant les demandes en ce qu'elles concernent les recettes hors de France ; et réclament aux demanderesses 5 000 euros pour chacune pour procédure abusive, et la même somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; 8. Dans ses dernières conclusions d'incident (du 14 avril 2022), la Sacem s'en rapporte à justice. 9. Dans leurs dernières conclusions d'incident (du 18 octobre 2022), Mmes [N] résistent aux fins de non-recevoir, demandent spécialement d'écarter les conclusions selon elle tardives des défendeurs, subsidiairement de « rejeter » les demandes de Mmes [S] tendant à limiter le litige aux seules recettes françaises ; et réclament à tous les défendereurs sauf la Sacem de « verser chacune à [Mmes [N]] 5 000 euros à chacune » au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 10. À l'audience, le 20 octobre 2022, les parties ont été autorisées à produire des notes en délibéré d'une part sur un éventuel droit à la prescription tiré de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme, susceptible de s'appliquer à l'ensemble des faits litigieux, même ceux commis moins de 5 ans avant l'assignation, dès lors qu'ils ne sont que la poursuite de l'exploitation d'un même objet débutée plusieurs décennies auparavant ; d'autre part sur l'acte de partage de la succession du père des demanderesses, acte que celles-ci ont été invitées à communiquer. 11. Mmes [N] ont signifié l'acte de partage et une note à son sujet le 24 octobre 2022, puis une note sur la prescription le 26 ; l'ensemble des défendeurs (hormis la Sacem) ont signifié des notes en délibéré le 1er décembre, la société Beuscher estimant à cette occasion que les demanderesses étaient également irrecevables faute d'avoir mis en cause la légataire universelle de leur père. Moyens pour l'incident Sur les conclusions et pièces tardives et l'incompétence du juge de la mise en état 12. Les demanderesses demandent le rejet des conclusions signifiées le 5 octobre, soit peu de temps avant la « clôture » fixée par le juge de la mise en état au 6 octobre 2022 ; des conclusions de la société Beuscher signifiées le 11 octobre ; ainsi que d'une pièce no10 des consorts [K], qui aurait été communiquée elle aussi après le 6 octobre. 13. Elles estiment subsidiairement que sont des défenses au fond, relevant du tribunal, et non des fins de non-recevoir relevant du juge de la mise en état, les moyens de Mmes [S] tenant à l'existence d'un contrat d'édition, à une oeuvre posthume, et à la durée des droits dans le monde. Prescription 14. Sur la prescription, aux défendeurs qui font valoir que la chanson La Vie en rose est exploitée massivement depuis 1947, les demanderesses exposent, en premier lieu, que leur grand-père, qui vivait seul avec son fils, isolé, dans le contexte difficile de l'après-guerre, étant même devenu agriculteur et se désintéressant de la gestion du droit d'auteur, notion qui d'ailleurs « n'était pas aussi développé[e] à l'époque », n'a découvert l'existence de cette chanson qu'en 1959, alors qu'il était malade, et est mort dès 1962, laissant les droits à leur père qui aurait été dans l'incapacité absolue d'agir, jusqu'à sa mort en 2020, en raison de son « insanité d'esprit », de sorte que la prescription aurait été interrompue et n'aurait recommencé à courir qu'à cette date. 15. Pour démontrer l'état de leur père, elles invoquent deux attestations de psychiatres de 1970 et 1971, selon lesquelles [I] [N] était « incapable de vivre normalement autant physiquement qu'intellectuellement » ; des extraits de ses journaux intimes qui illustreraient des préoccupations quotidiennes « très loin de concerner sa famille, le travail de son père et encore moins le domaine de la musique », comme par exemple la mauvaise orthographie du nom de ses filles, l'usage d'un réfrigérateur pour déposer les vêtements arrivant ou quittant sa maison après avoir été lavés, le besoin d'essuyer un radio-réveil parce qu'une coccinelle s'est posée dessus, le besoin fréquent de se laver suite à des contacts extérieurs, l'achat de médicaments utilisés dans le traitement des troubles bipolaires ; état psychologique dont auraient attesté plusieurs personnes l'ayant côtoyé. Elles allèguent encore le fait que leur père les a abandonnées à leur naissance. 16. En second lieu, les demanderesses précisent que la prescription de l'action en contrefaçon peut s'apprécier de trois façons différentes : soit le délai court « à partir de la commission de la contrefaçon ou du jour où le titulaire en a eu connaissance », soit « elle s'étire dans le temps, et chaque acte illicite fait courir un délai », soit elle est « appréhendée ‘d'un bloc' et le délai court [seulement] à sa cessation spontanée » ; elles font valoir que le législateur a choisi cette troisième approche pour la propriété industrielle et qu'il faudrait la retenir par analogie pour la propriété littéraire et artistique, comme le recommandent également certains auteurs. Enfin, selon elles, la prescription n'est qu'une exception au droit fondamental qu'est l'accès au juge, et à l'égard du défendeur, la Convention européenne des droits de l'Homme exigerait seulement une règle claire sur le point de départ de la prescription, tandis que le droit d'auteur est aussi un droit de propriété, donc un droit fondamental, ce qui ferait pencher encore plus nettement en leur faveur la balance des intérêts. Subsidiairement, elles estiment pouvoir agir à tout le moins au titre des faits commis moins de 5 ans avant l'assignation. 17. Les consorts [K] estiment que « les faits de l'espèce sont la découverte en 1946 » de l'oeuvre La Vie en rose, autrement dit que la présente action porte sur « le contenu potentiellement contrefaisant » de cette oeuvre, et non sur ses actes d'exploitation, et qu'ainsi l'action est entièrement prescrite ; que tant le droit interne que la Cour européenne des droits de l'homme et la Cour de justice de l'Union européenne tiennent pour principe que la prescription court à compter du jour où la victime a eu connaissance du dommage ; qu'ici [V] [N] a pu débattre de la possibilité d'engager une action en contrefaçon au plus tard en 1959. S'agissant en particulier du droit moral, elles rappellent que les héritiers ne peuvent l'exercer que dans le respect de la volonté de l'auteur, qui, ici, n'a pas agi de son vivant. Elles ajoutent qu'il faut également tenir compte de ce que la présente action a été intentée non par l'auteur lui-même mais par ses héritiers, et que si le droit d'auteur est un droit de propriété, l'atteinte qui y est portée n'est « pas aussi sensible qu'en matière immobilière, dans la mesure où le propriétaire n'est pas privé de l'exploitation de son oeuvre. » 18. La société Beuscher estime qu'il n'existe pas de prescription acquisitive en droit d'auteur ; mais qu'en revanche, si le droit moral est imprescriptible, l'action en contrefaçon est soumise à la prescription de droit commun ; que la conformité à la CEDH de ce dispositif lorsque plusieurs oeuvres concurrentes sont en cause dépend de l'équilibre entre les intérêts des auteurs concernés ; que la CJUE a par ailleurs estimé, dans le cas des obtentions végétales, qu'il n'était pas possible de fixer le point de départ de la prescription pour l'ensemble des actes de contrefaçon à la date la cessation du dernier de ces actes. Au cas particulier, elle estime que la prescription n'a jamais été interrompue, depuis 1946, date de divulgation de La Vie en rose, faisant valoir que seule une impossibilité totale, telle qu'une mise sous tutelle, aurait pu avoir cet effet. S'agissant spécialement du droit moral, elle fait valoir qu'il doit être exercé dans le respect de la volonté de l'auteur, et en déduit que, [V] [N] n'ayant pas agi de son vivant, en connaissance de cause, ses héritières (à supposer qu'elles le soient) sont irrecevables à invoquer son droit moral. 19. Mmes [S] font valoir que [V] [N] a lui-même écrit à l'éditeur de la chanson Les Hommes ne sont pas sérieux, comme le révèle la lettre en réponse de celui-ci en 1959, communiquée par les demanderesses, et a décidé de ne pas agir, tout comme au demeurant l'éditeur lui-même, ni, ensuite, le fils de l'auteur. Mise en cause du coauteur 20. Sur la mise en cause des ayants droits de l'auteur des paroles, les parties s'accordent sur le fait que les droits sur une oeuvre de collaboration s'exercent en commun, ce qui impose de mettre en cause l'ensemble des auteurs, sauf à ce que l'apport de chacun soit dissociable ; elles s'opposent quant au caractère dissociable des paroles et de la musique d'une chanson, les défenderesses faisant valoir qu'il s'agit d'un même genre (la musique), tandis que les demanderesses estiment que les paroles relèvent du genre littéraire. Les demanderesses ajoutent qu'en toute hypothèse, ayant demandé la communication des coordonnées des ayants droit du coauteur, elles ne peuvent se voir déclarer irrecevables à ce titre. Qualité à agir (au regard de la transmission des droits invoqués) 21. Les défendeurs estiment que les demanderesses n'ont pas qualité à agir faute de prouver, selon eux, avoir hérité des droits qu'elles invoquent ; ils estiment au demeurant que l'acte de partage finalement communiqué institue un légataire universel en la personne de Mme [E] [X], qui serait donc la titulaire des droits moraux, ainsi que d'une partie des droits patrimoniaux. 22. Les demanderesses répondent que l'auteur, [V] [N], avait pour unique héritier leur père [I] [N] qui, comme l'a attesté le notaire de sa succession par un acte faisant foi jusqu'à inscription de faux, n'a pas institué de légataire de ses droits moraux et patrimoniaux, de sorte que ces droits seraient exercés par elles, ses seules descendantes. Elles ajoutent, sur les droits de paternité et au respect de l'oeuvre, que leur père demeurait « dans un état habituel d'insanité » et n'avait pas pris « la mesure de l'héritage musical » de son père, ce qui serait démontré par les deux attestations de psychiatres précitées, selon lesquelles il souffrait de « troubles obsessionnels du comportement » ainsi que par les extraits de ses journaux intimes, qui seraient incohérents ; que pour cette raison, il faudrait interpréter son testament en faveur de ses descendantes naturelles. Et, sur les droits patrimoniaux, elles soutiennent que le testament ne mentionne pas les droits d'auteur, ni même de leg universel en réalité, et que Mme [X] elle-même ne s'estime pas titulaire des droits. « exploitation mondiale » 23. Mmes [S] font valoir que les demanderesses n'invoquent que les lois françaises sur le droit d'auteur, sans « apporter, pays par pays, la preuve du caractère litigieux des ressemblances constatées », de sorte que seules les recettes françaises pourraient être prises en compte ; outre que dans un certain nombre de territoire, les droits auraient expiré. Procédure abusive 24. Mmes [S] estiment enfin l'action abusive, au regard de la réputation d'[D] [M], et de la recherche « patente » d'un avantage financier. MOTIVATION I . Demande en rejet des conclusions 25. S'agissant des conclusions signifiées le 5 octobre, aucun motif ne permet de les écarter, le juge de la mise en état ayant laissé aux parties jusqu'au 6 inclus par son message disant « pas de conclusions d'incident après le 6 octobre ». 26. Les seules conclusions litigieuses signifiées après le 6 octobre sont celles de la société Beuscher, le 11 octobre. Leur seule modification par rapport aux conclusions antérieures tient à la précision que les droits patrimoniaux sont des biens meubles et qu'ainsi ils ont pu être dévolus à Mme [X], légataire universelle de [I] [N]. Outre que cette précision relève d'un rappel juridique évident à propos des faits déjà dans le débat (un bien est soit meuble, soit immeuble, et à l'évidence les droits d'auteur ne sont pas immeubles), les demanderesses ont, en toute hypothèse, pu y répondre, une note en délibéré accompagnée de l'acte de partage ayant été admise précisément pour clarifier la situation successorale. Il n'y a donc pas lieu d'écarter ces conclusions du 11 octobre 2022. 27. Enfin, la pièce no10 communiquée par Mmes [S] le 13 octobre 2022 n'est pas visée dans leurs conclusions, ce qui limite beaucoup son utilité pour l'incident ; par ailleurs, les demanderesses n'exposent pas en quoi cette pièce, qui ne consiste que dans l'impression d'une page Wikipedia sur la durée de protection des droits d'auteur dans le monde, nécessitait pour elles une réponse, ni, à supposer que ce fût le cas, en quoi elles n'auraient pu apporter cette réponse par une modification marginale de leurs conclusions dans les quelques jours précédant l'audience du 20 octobre 2022, modification qui aurait pu être autorisée si elle avait été expliquée. Il n'y a donc pas lieu d'écarter cette pièce. II . Prescription Point de départ de la prescription 28. Depuis le 19 juin 2008, en application de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. 29. Avant 2008, et depuis 1985, les actions en responsabilité civile extracontractuelles se prescrivaient par 10 ans à compter de la manifestation du dommage (ancien article 2270-1). Jusqu'en 1985, ces actions relevaient de la prescription trentenaire de droit commun. L'article 2222, 2e alinéa, dispose qu'en cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion, ce nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. 30. Mmes [N] exercent une action indemnitaire, c'est-à-dire une action personnelle (et mobilière), du fait de la création puis de l'exploitation de la chanson La Vie en rose qui porteraient atteinte aux droits patrimoniaux et moraux de l'auteur de l'oeuvre Les Hommes ne sont pas sérieux. 31. Par définition, chaque fait générateur de responsabilité suffit à faire naitre une action indemnitaire ; le demandeur est libre d'agir en réparation au titre de tout ou partie de ces faits, et son action peut être accueillie pour certains, rejetée pour d'autres ; chaque évènement dommageable doit donc être appréhendé distinctement, ce dont il résulte évidemment que chacun donne lieu à sa propre prescription, même quand il en existe plusieurs, et rien ne justifie, juridiquement, de regrouper artificiellement l'ensemble des faits litigieux en un ensemble unique qui serait régi par une prescription commune. Ainsi, les arguments des parties selon lesquels la prescription de l'ensemble des faits de contrefaçon invoqués aurait commencé à courir uniformément, soit dès 1946 alors que certains faits d'exploitation ont été commis ultérieurement, soit seulement à la cessation de tout fait litigieux alors que certains ont été commis auparavant, relèvent d'une erreur d'analyse, ce que révèle au demeurant les conséquences extrêmes qu'ils auraient au cas présent. 32. La prescription a donc commencé à courir, pour chaque fait dommageable pris individuellement, à compter du jour où le titulaire du droit d'auteur a connu ou aurait dû connaitre les faits lui permettant d'exercer chaque action. 33. À cet égard, il est constant qu'en 1959, au plus tard, [V] [N] connaissant la chanson La Vie en rose. Et, au regard de la célébrité quasi-immédiate de cette chanson, dès ses premières années d'exploitation, il est manifeste que [V] [N], même « isolé » et « à la campagne », en avait eu connaissance avant 1950. Le décès du titulaire de l'action est indifférent et la prescription a continué à courir pour les faits antérieurs à ce décès. Pour les faits postérieurs, son fils [I] connaissait lui-même manifestement la poursuite de l'exploitation de La Vie en rose, au regard de la notoriété exceptionnelle de cette chanson, et savait, ou à tout le moins aurait dû savoir, qu'il avait hérité des droits sur la chanson Les hommes ne sont pas sérieux, qui figure notamment au répertoire de [V] [N] à la Sacem. La prescription de l'action du chef des faits ultérieurs d'exploitation de l'oeuvre a donc commencé à courir dès leur commission. 34. Il faut alors rechercher si, comme l'allèguent les demanderesses, la prescription a été suspendue ou interrompue, pour tout ou partie des faits litigieux. Interruption ou suspension 35. L'article 2234 du code civil, depuis 2008, prévoit que la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure ; l'article 2235, qu'elle ne court pas ou est suspendue contre les mineurs non émancipés et les majeurs en tutelle. 36. Il est constant que [I] [N], héritier de [V], n'a jamais été sous tutelle. Le fait qu'il fût bipolaire, à le supposer établi, n'est assurément pas en soi une force majeure, ni une cause d'impossibilité absolue d'agir. Les deux attestations de psychiatres produites sont illisibles, mais les phrases qu'en ont extraites les demanderesses sont en toute hypothèse trop vagues (« impossibilité de vivre une vie normale »), ou révèlent un degré de trouble largement inférieur à ce qui pourrait permettre de présumer une incapacité d'apprécier son droit d'agir en justice (des « troubles obsessionnels du comportement » n'ont a priori aucune incidence sur la capacité de raisonnement). Il en va de même des « journaux intimes » invoqués par les demanderesses, qui ne font que décrire les préoccupations quotidiennes de leur père, certes prosaïques et révélant parfois un état d'esprit intranquille, mais qui sont très loin de prouver une altération de sa capacité d'agir, sauf à qualifier de folie la moindre déviance par rapport à la norme comportementale, et revenir à une conception de la notion relevant davantage du contrôle social que de la protection des individus. 37. Aucune interruption ni suspension n'est alléguée après le décès de [I] [N] en 2020. 38. Ainsi, l'action en responsabilité, dont les demanderesses exposent que leur père [I] [N] était titulaire jusqu'en 2020, n'a connu aucune suspension, ni au demeurant aucune interruption, dans les 5 années précédant l'introduction de l'instance, c'est-à-dire le 5 novembre 2021 à l'égard de l'éditeur, et les 15 et 17 mars 2022 à l'égard respectivement des ayants droits de l'autrice des paroles et du compositeur de La Vie en rose. Par suite, l'action du chef des faits survenus plus de cinq ans avant ces dates est prescrite. Les parties retiennent toutefois unanimement la date du 7 décembre 2021 pour déterminer ce délai de cinq ans à l'égard de toutes, ce qui doit donc être retenu. 39. L'application du droit français a donc pour effet de déclarer prescrites les demandes en ce qu'elles portent sur des faits commis avant le 7 décembre 2016, mais à admettre l'action pour les faits postérieurs. Conformité de la solution à la Convention européenne des droits de l'Homme 40. L'article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales prévoit que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement, et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi. 41. Appliquant ces dispositions, la Cour européenne des droits de l'Homme a rappelé que les délais légaux de prescription, qui figuraient parmi les restrictions légitimes au droit à un tribunal, avaient plusieurs finalités importantes, à savoir « garantir la sécurité juridique en fixant un terme aux actions, mettre les défendeurs potentiels à l'abri de plaintes tardives et peut-être difficiles à contrer, et empêcher l'injustice qui pourrait se produire si les tribunaux étaient appelés à se prononcer sur des évènements survenus loin dans le passé à partir d'éléments de preuve auxquels on ne pourrait plus ajouter foi et qui seraient incomplets en raison du temps écoulé » (CEDH, Sanofi pasteur c. France, 13 février 2020, 25137/16, § 50, et jurisprudence citée). 42. Elle a également « souligné à plusieurs reprises que le principe de sécurité juridique, qui tend notamment à garantir une certaine stabilité des situations juridiques et à favoriser la confiance du public dans la justice, constitue l'un des éléments fondamentaux de l'État de droit » (même arrêt, § 52, et jurisprudence citée). 43. Il en résulte que lorsqu'une personne agit en justice longtemps après l'évènement fondant sa demande, « un droit qu'une personne tire de la Convention se trouve confronté à un droit qu'une autre personne tire également de la Convention : le droit à la sécurité juridique [du défendeur] d'un côté, et le droit à un tribunal [du demandeur] de l'autre. » Elle en a conclu, dans une affaire d'atteinte à l'intégrité physique, où la difficulté d'estimer le préjudice est particulière, que « dans un tel cas de figure, la mise en balance des intérêts contradictoires des uns et des autres est difficile à faire, ce qui plaide en faveur de la reconnaissance d'une marge d'appréciation importante au bénéfice de l'État » (même arrêt, §§ 56-57). 44. La confrontation du droit à un tribunal et du droit à la sécurité juridique résultant de l'inaction du titulaire d'un droit antérieur est parfois résolue par la loi en faveur du titulaire du droit postérieur au-delà d'un certain délai, et à certaines conditions : ainsi de la prescription acquisitive en matière immobilière, ou de la forclusion par tolérance en droit des marques. Toutefois, le législateur peut également ne pas prévoir un tel mécanisme, comme en droit d'auteur, et choisir ainsi de privilégier sans exception le droit antérieur, ce qui n'excède pas en principe sa marge d'appréciation. Mais cela crée le risque d'un bouleversement majeur d'une situation apparemment incontestable. En l'absence d'un équilibre prévu ex ante par la loi, les juridictions doivent alors apprécier si, dans le cas particulier qui leur est soumis, la mise en oeuvre de ces dispositions ne porte pas au droit du défendeur à la sécurité juridique une atteinte disproportionnée, excédant la marge d'appréciation de l'État, au regard du droit du demandeur à un tribunal. 45. La sécurité juridique du défendeur est affectée, en premier lieu, lorsque par une demande très tardive on lui réclame davantage que si la demande avait été formée plus tôt. Toutefois, au cas présent, il n'est pas allégué que l'exploitation soit nettement plus importante aujourd'hui que par le passé, de sorte que, le droit français limitant à 5 ans seulement la période qui peut être remise en cause, comme il a été démontré ci-dessus (en particulier points 31, 32 et 39), la demande ne porte pas aujourd'hui sur une période plus longue ni sensiblement plus active que si elle avait été formée auparavant, donc ne concerne pas un préjudice plus élevé ; autrement formulé, le caractère tardif de la demande n'augmente pas ici ce qui est demandé au défendeur et ne porte donc pas atteinte à sa sécurité juridique sur ce point. 46. En deuxième lieu, l'atteinte à la sécurité juridique est d'autant plus grave que la situation remise en cause est stable depuis longtemps, et que rien ne permettait d'en douter. Ainsi, une personne exploitant une oeuvre de façon continue et notoire, pendant des décennies, acquiert progressivement la certitude que cette exploitation est légitime et ne porte atteinte à aucun droit antérieur, et ce d'autant plus lorsque, comme en l'espèce, cette oeuvre jouit d'une célébrité exceptionnelle. 47. En troisième lieu, la demande tardive porte une atteinte au droit du défendeur lorsqu'elle est plus difficile à contrer au regard de l'ancienneté des faits et de la difficulté de rassembler les preuves utiles. À cet égard, la défense dans un litige relatif à une atteinte au droit d'auteur repose sur la remise en cause de la protection elle-même (l'objet invoqué ne serait pas une oeuvre éligible à la protection), ou sur la réfutation de l'atteinte à cette protection, ce qui peut reposer partiellement dans les deux cas sur les conditions de création des deux oeuvres en cause, et leur examen au regard de leur contexte. 75 ans après la création de l'oeuvre postérieure, et 97 ans après la création de l'oeuvre antérieure, les preuves du contexte de création de chacune sont évidemment difficilement accessibles, notamment parce qu'aucun des créateurs n'est encore en vie, ni aucun témoin direct, et qu'un certain nombre de preuves matérielles ont disparu. 48. Réciproquement, le demandeur au cas présent s'est sciemment abstenu d'agir pendant plus de 70 ans, sans que l'exploitation litigieuse de l'oeuvre seconde (donc le préjudice subi), ait été sensiblement fluctuante, ou même croissante. Or le désintérêt du titulaire des droits n'est pas un argument en faveur du retard de l'action, et l'état psychologique de [I] [N] ne caractérise ici aucun obstacle réel à une action en justice (cf ci-dessus points 33 et 36). Le fait que Mmes [N] elles-mêmes n'aient été investies du droit d'auteur qu'à compter de 2020 est évidemment sans incidence sur la prise en compte de la façon dont ce droit a été exercé par leurs prédécesseurs. Aucun motif légitime n'explique donc le retard de l'action, ce qui amène à apprécier de façon plus sévère le droit d'accès à un tribunal du demandeur au cas présent. Enfin, le droit d'auteur est certes un droit de propriété comme le soulignent les demanderesses, mais tel est le cas de tout droit de créance ; il ne peut en être déduit que son titulaire serait par principe plus légitime à remettre en cause la sécurité juridique d'autrui ; contrairement, par exemple, au cas des atteintes à l'intégrité physique, dont la Cour européenne a souligné dans l'affaire précitée que la fluctuation dans le temps rendait nettement plus difficile de savoir quand former la demande (Sanofi Pasteur c. France, 13 février 2020, 25137/16, §§ 53 et suivants). 49. Les défendeurs au présent litige se trouvent donc soumis à une remise en cause brutale d'une situation dont l'ancienneté est exceptionnelle et que tout permettait de croire absolument stable ; et font face à une difficulté probatoire plus importante que si l'action avait été engagée dans les premières décennies suivant la publication de La Vie en rose ; tandis que corrélativement le demandeur a lui-même négligé son droit d'accès à un tribunal. Ainsi, les droits en présence, dont la balance est au demeurant nettement plus aisée à apprécier que dans le cas qui était soumis à la Cour européenne dans l'affaire précitée, non seulement sont déséquilibrés, mais le sont dans une mesure très importante, qui n'est pas justifiable, même au regard de l'importante marge d'appréciation dont dispose l'État en cette matière. 50. Il en résulte que la France violerait la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme en autorisant l'action de Mmes [N], même limitée aux 5 dernières années ; il est alors nécessaire, pour respecter la Convention, qui est un engagement international de la France, d'écarter l'application de la loi nationale au cas présent ; et il faut, par conséquent, les déclarer irrecevables en toutes leurs demandes. III . Dispositions finales Abus 51. Le droit d'agir en justice dégénère en abus constitutif d'une faute au sens de l'article 1240 du code civil lorsqu'il est exercé en connaissance de l'absence totale de mérite de l'action engagée, ou par une légèreté inexcusable, obligeant le défendeur à se défendre contre une action que rien ne justifie sinon la volonté d'obtenir ce que l'on sait indu, une intention de nuire, ou une indifférence totale aux conséquences de sa légèreté. 52. Mmes [N], se découvrant héritières d'un droit qu'elles ont estimé enfreint de façon massive, ont certes été plus attentives à la valeur qu'elles pourraient en tirer qu'aux raisons éventuelles de ne pas l'invoquer ; elles ont en cela manqué de prudence. Ce manque de prudence n'est toutefois pas si grave qu'il soit fautif en lui-même, et il est loin de suffire à démontrer qu'elles auraient agi en sachant leur action irrecevable, ou dans l'intention de nuire (étant rappelé qu'une motivation financière n'est pas en soi une intention de nuire). Au contraire, la solution retenue est une exception à l'application du droit national, que les demanderesses, même assistées d'un professionnel du droit, pouvaient légitimement ne pas tenir pour évidente. Elles n'ont donc commis aucun abus. Dépens 53. Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. L'article 700 du même code permet au juge de condamner en outre la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre, pour les frais exposés mais non compris dans les dépens, une somme qu'il détermine, en tenant compte de l'équité et de la situation économique de cette partie. 54. Mmes [N], qui perdent le procès, doivent être tenues aux dépens, et indemniser les défendeurs des frais qu'ils ont dû exposer à cette occasion, que l'équité permet de fixer aux montants indiqués au dispositif. Exécution provisoire 55. Enfin, rien ne justifie ici d'écarter l'exécution provisoire, qui est de droit. PAR CES MOTIFS Le juge de la mise en état : Déclare irrecevables Mmes [A] et [L] [N] en l'ensemble de leurs demandes ; Rejette la demande reconventionnelle pour abus de Mmes [S] ; Condamne Mmes [N] aux dépens ainsi qu'à payer, au titre de l'article 700 du code de procédure civile :- 4 000 euros à la société édition Beuscher arpège- 4 000 euros à Mme [P] et M. [H] [K]- 2 500 euros à Mmes [C] et [J] [S]. Faite et rendue à Paris le 03 Février 2023 Le Greffier Le Juge de la mise en étatQuentin CURABET Arthur COURILLON-HAVY
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JURITEXT000047454948
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Tribunal judiciaire de Paris, 8 février 2023, 20/06191
2023-02-08
Tribunal judiciaire de Paris
20/06191
CT0196
x
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 3ème chambre 3ème section No RG 20/06191 - No Portalis 352J-W-B7E-CSLNR No MINUTE : Assignation du :03 juillet 2020 JUGEMENT rendu le 08 février 2023 DEMANDERESSE S.A.S. PIERRE BALMAIN[Adresse 4][Localité 2] représentée par Maître Georges TERRIER et Maître Alexandre VERMYNCK du cabinet Davis Polk & Wardwell , avocats au barreau de Paris, vestiaire #J0020, et par Maître Julien CANLORBE de la SELARL Momentum AVocats, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #G0343 DÉFENDEUR Monsieur [F] [W] [J][Adresse 5][Localité 1] ( EMIRATS ARABES UNIS) représenté par Maître Arthur DETHOMAS et Maître Olivia BERNARDEAU-PAUPE du Partnerships Hogan Lovells (Paris) LLP, avocats au barreau de Paris, vestiaire #J0033 et par Maître Didier MALKA du cabinet Weil Gotshal & Manges, avocat au barreau de Paris, vestiaire #L132 COMPOSITION DU TRIBUNAL Jean-Christophe GAYET, premier vice-président adjointLinda BOUDOUR, jugeArthur COURILLON-HAVY, juge assistés de Lorine MILLE, greffière DEBATS A l'audience du 06 octobre 2022 tenue en audience publique, avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue le 06 décembre 2022 et prorogée au 08 février 2023. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffeContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE 1. La société par actions simplifiée (ci-après SAS) Pierre Balmain, immatriculée au registre du commerce et des sociétés (RCS) de Paris depuis 1958 est une maison de couture française spécialisée dans la confection de produits de prêt-à-porter de luxe. 2. M. [F] [W] [J], citoyen émirati, est le fondateur de la société émiratie [Localité 3] Fashion, et est actif dans la mode depuis 1983 au Moyen-Orient. 3. Pour permettre à la société Pierre Balmain de faire face à ses difficultés financières rencontrées au début des années 2000, le tribunal de commerce de Paris, par jugement du 11 décembre 2006, a approuvé la cession de droits d'utilisation des marques Balmain à M. [J] pour un montant de trois millions d'euros. Cette autorisation a permis la conclusion d'un accord du 22 mai 2007 liant la société Pierre Balmain et M. [J]. 4. À compter de l'année 2012, la société Pierre Balmain soutient avoir relevé le développement de certaines pratiques qu'elle estime contrevenir à l'accord du 22 mai 2007 par M. [J] et ses sociétés. 5. Afin de voir mettre fin à ce qu'elle estime être des manquements contractuels, la société Pierre Balmain a mis en demeure, par courrier du 12 février 2020, M. [J] de respecter la lettre du contrat du 22 mai 2007. 6. Estimant que ses demandes n'avaient pas été satisfaites, la société Pierre Balmain a notifié, par courrier du 28 février 2020, à M. [J] sa volonté de résoudre unilatéralement le contrat de cession évoqué. 7. En l'absence de réponse, la société Pierre Balmain a, par exploit d'huissier du 3 juillet 2020, assigné M. [J] devant ce tribunal afin que soit constatée la résolution unilatérale du contrat et que cesse l'atteinte alléguée aux marques de la société Pierre Balmain. 8. Le défendeur n'ayant pas constitué avocat, l'affaire a été clôturée une première fois le 19 novembre 2020 sur ordonnance du juge de la mise en état. Le même jour, M. [J] a néanmoins constitué avocat avant de conclure au rabat de la clôture le 22 décembre 2020. 9. Aux termes d'un jugement du 29 janvier 2021, le tribunal judicaire de Paris a fait droit à la demande de rabat de clôture de M. [J]. 10. Par conclusions adressées au juge de la mise en état le 29 octobre 2021, M. [J] a soulevé l'irrecevabilité des demandes de la société Pierre Balmain. 11. Aux termes d'une ordonnance du 14 décembre 2021, le juge de la mise en état a écarté les fins de non-recevoir invoquées par le défendeur. 12. L'affaire a été close par ordonnance du juge de la mise en état du 17 février 2022 et renvoyée à l'audience du 6 octobre 2022 pour être plaidée. PRÉTENTIONS DES PARTIES 13. Selon ses dernières conclusions, signifiées par voie électronique le 15 février 2022, la société Pierre Balmain demande au tribunal, au visa des articles 1134 et 1135 du code civil, 1650 du même code et de l'article L.714-1 du code de la propriété intellectuelle, de : À titre principal,- Constater que Pierre Balmain SAS a prononcé à bon droit la résolution unilatérale :1. du contrat de cession partielle (Trademarks Sale Agreement) du 22 mai 2007 entre Pierre Balmain SAS (venant aux droits de Pierre Balmain SA) et [F] [J]2. des 16 actes confirmatifs (Deed of Assignement) du 22 mai 2007 entre Pierre Balmain SAS (venant aux droits de Pierre Balmain SA) et [F] [J] (relatifs aux territoires suivants : Arabie Saoudite, Bahreïn, Egypte, Emirats arabes unis, Iran, Irak, Jordanie, Koweït, Liban, Libye, Oman, Palestine (Bande de Gaza), Palestine (Cisjordanie), Qatar, Syrie et Yémen)3. des 13 lettres de consentement relatives à la Classe 24 (Letter of Consent) du 22 mai 2007, consenties par Pierre Balmain SAS (venant aux droits de Pierre Balmain SA) au profit d'[F] [J] (relatifs aux territoires suivants : Arabie Saoudite, Bahreïn, Egypte, Emirats arabes unis, Irak, Jordanie, Koweït, Liban, Libye, Oman, Qatar, Syrie, Yémen)En conséquence- Juger que par l'effet de la résolution du contrat de cession partielle, des actes confirmatifs et des lettres de consentement relatives à la classe 24, [F] [J] ainsi que toute personne physique ou morale ayant succédé à ses droits sur les marques et logos Balmain ne disposent plus d'aucun droit sur aucune marque Balmain (en ce compris les logos), ni sur aucun nom commercial, dénomination sociale, enseigne et nom de domaine composé du nom "Balmain" ou "Pierre Balmain" ;- Enjoindre à [F] [J] de procéder, à ses frais, directement ou par l'intermédiaire des sociétés du Groupe [J] (les sociétés du groupe [J] comprenant, de façon non limitative, les personnes morales suivantes : AK [J] Holding SPV Ltd, DO LLC, BA LLC, [Localité 3] Group LLC, Ted Lapidus LLC (désormais dénommée Nejmat Musandam Trading LLC), Theomar Assets Ltd, Balmain Readymade Garnments Trading LLC (désormais dénommée Balmain [Localité 3]), [J] Investments LLC (désormais dénommée Balmain LLC), Banzalini LLC (désormais dénommée Louis Féraud [Localité 3] LLC), Domani International Fashion LLC, East Bridge International Trading LLC (désormais dénommée Maison Balmain LLC), Gentleman Fashion Trading LLC (désormais dénommée Alessandro Dell Acqua Italy LLC), Pierre Balmain SA DMCC (anciennement dénommée Pierre Balmain SA JLT), Pierre Cardin LLC (désormais dénommée Pierre Cardin [Localité 3]), R&L (Roberto Leonardi) LLC) et de toute personne physique ou morale ayant succédé aux droits d'[F] [J] et/ou des sociétés du groupe [J] sur les marques et logos Balmain, aux diligences suivantes dans un délai de 30 jours à compter de la signification du présent jugement, sous astreinte de 50 000 euros par jour de retard passé ce délai (cette astreinte courant dès l'instant qu'il n'aura pas été procédé complètement à l'une ou plusieurs des diligences listées ci-dessous dans le délai imparti) :1. procéder au retrait de toute demande d'enregistrement de marque opposée par Pierre Balmain SAS et déposée, devant tout office de propriété intellectuelle, par [F] [J], les sociétés du Groupe [J] , et toute personne physique ou morale ayant succédé aux droits d'[F] [J] et/ou des sociétés du groupe [J] sur les marques et logos Balmain, portant sur toute marque Balmain ou marque similaire (qu'elle soit verbale, semi-figurative, figurative, représentée en caractères latins et dans toute translittération en tout autre système d'écriture, en ce compris l'alphabet arabe, incluant notamment la marque "BLMN"), ainsi que sur tout logo Balmain ou logo similaire (notamment et de façon non limitative le logo "B") et sur tout autre droit de propriété intellectuelle copiant ou imitant les droits appartenant à Pierre Balmain SAS ; 2. se désister de toute opposition formée, devant tout office de propriété intellectuelle, par [F] [J], les sociétés du groupe [J] , et toute personne physique ou morale ayant succédé aux droits d'[F] [J] et/ou des sociétés du groupe [J] sur les marques et logos Balmain, à l'encontre des demandes d'enregistrements de marques Balmain (en ce compris du logo "B") déposées par Pierre Balmain SAS, ou Balmain SA ;3. transmettre à Pierre Balmain SAS la copie des demandes de retrait et des actes de désistement mentionnés aux paragraphes 1 et 2 ci-dessus, visées par les offices de propriété intellectuelle correspondants ; 4. cesser de fabriquer et/ou de distribuer et/ou d'offrir à la vente et/ou de vendre tout produit et/ou services de marque Balmain (incluant notamment le logo "B" et la marque "BLMN"), et/ou tout produit copiant ou imitant les collections et/ou modèles actuels ou passés, l'identité visuelle et/ou les emblèmes de Pierre Balmain SAS, sur quelque territoire que ce soit y compris au Moyen-Orient et sous quelque forme que ce soit ;5. détruire tout stock de produits de marque Balmain (incluant notamment le logo "B" et la marque "BLMN") en ce compris tout stock de produits copiant ou imitant les collections et/ou modèles, l'identité visuelle et/ou les emblèmes, de Pierre Balmain SAS, détenu, directement ou indirectement, par [F] [J], les sociétés du groupe [J] et toute personne physique ou morale ayant succédé aux droits d'[F] [J] et/ou des sociétés du groupe [J] sur les marques et logos Balmain ; 6. faire attester des destructions mentionnées au paragraphe 5 précédent par un expert indépendant et transmettre la ou les attestation(s) dudit expert à Pierre Balmain SAS ;7. cesser de faire usage, de quelque manière et sous quelque forme que ce soit, de toute marque, nom commercial, dénomination sociale, enseigne et nom de domaine comprenant le nom "Balmain", et/ou un nom similaire, comme par exemple et de façon non limitative : "Balmain", "Pierre Balmain", "Pierre Balmain [Localité 3]", "Balmain for Men Middle East", "Pierre Balmain for Men Middle East" et "BLMN", représentés en caractères latins ainsi que dans toute translittération en tout autre système d'écriture (en ce compris l'alphabet arabe) ;8. procéder au changement, auprès des registres du commerce et des sociétés concernés, de toute dénomination sociale et/ou de tout nom commercial immatriculé sous le nom "(Pierre) Balmain" ou tout nom similaire, représenté en caractères latins et/ou en caractères arabes, en ce compris toute translittération, dans quelque pays du Moyen Orient que ce soit et pour quelque activité que ce soit et ce faisant, transmettre à Pierre Balmain SAS la copie des requêtes déposées auprès des autorités locales compétentes, ainsi que tout acte confirmant l'effectivité de ces démarches auprès desdites autorités ;9. procéder, le cas échéant, au transfert de tout nom de domaine dont le radical est composé du nom "Balmain" et/ou d'un nom similaire comme par exemple et de façon non limitative "BLMN", représentés en caractères latins, ainsi que dans toute translitération en tout autre système d'écriture, réservés au nom d'[F] [J], des sociétés du groupe [J] et toute personne physique ou morale ayant succédé aux droits d'[F] [J] et/ou des sociétés du groupe [J] sur les marques et logos Balmain, sous quelque extension générique et/ou régionale que ce soit ;- Enjoindre à [F] [J] de procéder, à ses frais, directement ou par l'intermédiaire des sociétés du groupe [J] et de toute personne physique ou morale ayant succédé aux droits d'[F] [J] et/ou des sociétés du groupe [J] sur les marques et logos Balmain, aux diligences suivantes :1. transmettre à Pierre Balmain SAS un état complet, exhaustif et à jour de toutes les marques Balmain et marques similaires (qu'elles soient verbales, semi-figuratives, figuratives, représentées en caractères latins et/ ou dans toute translitération en tout autre système d'écriture, en ce compris l'alphabet arabe, incluant notamment la marque "BLMN"), tout logo Balmain et logo similaire (notamment et de façon non limitative le logo "B"), et tout autre droit de propriété intellectuelle copiant ou imitant les droits appartenant à Pierre Balmain SAS, détenus par [F] [J], les sociétés du groupe [J], et toute personne physique ou morale ayant succédé à leurs droits sur les marques et logos Balmain, et ce dans un délai de 30 jours à compter de la signification du présent jugement, sous astreinte de 50 000 euros par jour de retard passé ce délai ;2. transférer à Pierre Balmain SAS la propriété et les titres originaux de propriété de toute marque, tout logo et tout autre droit de propriété intellectuelle figurant sur l'état mentionné au paragraphe 1 précédent et dont Pierre Balmain SAS sollicitera le transfert à son profit par email à [F] [J], dans un délai de 30 jours à compter de l'émission de cet email, sous astreinte de 50 000 euros par jour de retard passé ce délai ; 3. fournir et signer à première demande et, selon les formes locales requises, tout document nécessaire pour permettre à Pierre Balmain SAS de procéder de manière effective et aux frais d'[F] [J] aux inscriptions à son profit des transferts de propriété mentionnés au paragraphe 2 ci-dessus auprès des registres des marques des offices de propriété intellectuelle correspondants, dans un délai de 30 jours à compter de l'émission de toute demande de Pierre Balmain SAS en ce sens par email à [F] [J] , et sous astreinte de 50 000 euros par jour de retard passé ce délai ;4. procéder à la renonciation et/ou la radiation de toute marque, tout logo et tout autre droit de propriété intellectuelle figurant sur l'état mentionné au paragraphe 1 précédent dont Pierre Balmain SAS n'aura pas sollicité le transfert de propriété, dans un délai de 30 jours à compter de l'émission par email de la demande de transfert de Pierre Balmain SAS mentionnée au paragraphe 2 précédent, sous astreinte de 50 000 euros par jour de retard passé ce délai ;À titre subsidiaire, - Constater que Pierre Balmain SAS a mis fin, à bon droit, au droit d'usage octroyé à [F] [J] sur les noms commerciaux, dénominations sociales et enseignes ; - Constater qu'[F] [J] a, au titre de la cession partielle, renoncé à contester la propriété de Pierre Balmain SAS sur les produits Balmain pour femme, enfant et unisexe en classe 18 et 25, et sur tout autre produit Balmain en toute autre classe ; En conséquence- Enjoindre à [F] [J] de procéder, à ses frais, directement ou par l'intermédiaire des sociétés du groupe [J] (les sociétés du groupe [J] comprenant, de façon non limitative, les personnes morales suivantes : AK [J] Holding SPV Ltd, DO LLC, BA LLC, [Localité 3] Group LLC, Ted Lapidus LLC (désormais dénommée Nejmat Musandam Trading LLC), Theomar Assets Ltd, Balmain Readymade Garnments Trading LLC (désormais dénommée Balmain [Localité 3]), [J] Investments LLC (désormais dénommée Balmain LLC), Banzalini LLC (désormais dénommée Louis Féraud [Localité 3] LLC), Domani International Fashion LLC, East Bridge International Trading LLC (désormais dénommée Maison Balmain LLC), Gentleman Fashion Trading LLC (désormais dénommée Alessandro Dell Acqua Italy LLC), Pierre Balmain SA DMCC (anciennement dénommée Pierre Balmain SA JLT), Pierre Cardin LLC (désormais dénommée Pierre Cardin [Localité 3]), R&L (Roberto Leonardi) LLC) et de toute personne physique ou morale ayant succédé aux droits d'[F] [J] et/ou des sociétés du groupe [J] sur les marques et logos Balmain, aux diligences suivantes dans un délai de 30 jours à compter de la signification du présent jugement, sous astreinte de 50 000 euros par jour de retard passé ce délai (cette astreinte courant dès l'instant qu'il n'aura pas été procédé complètement à l'une ou plusieurs des diligences listées ci-dessous dans le délai imparti) :1. procéder au retrait de toute demande d'enregistrement de marque Balmain n'étant pas expressément limitée aux produits pour homme en classe 18 et 25, et déposée, devant tout office de propriété intellectuelle, par [F] [J], les sociétés du groupe [J], et toute personne physique ou morale ayant succédé aux droits d'[F] [J] et/ou des sociétés du groupe [J] sur les marques et logos Balmain, portant sur toute marque Balmain ou marque similaire (qu'elle soit verbale, semi-figurative, figurative, représentée en caractères latins et dans toute translittération en tout autre système d'écriture, en ce compris l'alphabet arabe, incluant notamment la marque "BLMN"), ainsi que sur tout logo Balmain ou logo similaire (notamment et de façon non limitative le logo "B") et sur tout autre droit de propriété intellectuelle copiant ou imitant les droits appartenant à Pierre Balmain SAS ; 2. se désister de toute opposition formée, devant tout office de propriété intellectuelle, par [F] [J], les sociétés du groupe [J], et toute personne physique ou morale ayant succédé aux droits d'[F] [J] et/ou des sociétés du groupe [J] sur les marques et logos Balmain, à l'encontre des demandes d'enregistrements de marques Balmain (en ce compris du logo "B") déposées par Pierre Balmain SAS, ou Balmain SA, pour toute classe et tout produit hors produit pour homme en classe 18 et 25 ;3. transmettre à Pierre Balmain SAS la copie des demandes de retrait et des actes de désistement mentionnés aux paragraphes 1 et 2 ci-dessus, visées par les offices de propriété intellectuelle correspondants ; 4. cesser de fabriquer et/ou de distribuer et/ou d'offrir à la vente et/ou de vendre tout produit et/ou services de marque Balmain pour femme, enfant et unisexe (incluant notamment le logo "B" et la marque "BLMN") ;5. détruire tout stock de produits de marque Balmain (incluant notamment le logo "B" et la marque "BLMN") pour femme, enfant et unisexe ; 6. faire attester des destructions mentionnées au paragraphe 5 précédent par un expert indépendant et transmettre la ou les attestation(s) dudit expert à Pierre Balmain SAS ;7. cesser de faire usage, de quelque manière et sous quelque forme que ce soit, de tout nom commercial, dénomination sociale, enseigne et nom de domaine comprenant le nom "Balmain", et/ou un nom similaire, comme par exemple et de façon non limitative : "Balmain", "Pierre Balmain", "Pierre Balmain [Localité 3]", "Balmain for Men Middle East", "Pierre Balmain for Men Middle East" et "BLMN", représentés en caractères latins ainsi que dans toute translittération en tout autre système d'écriture (en ce compris l'alphabet arabe) ;8. procéder au changement, auprès des registres du commerce et des sociétés concernés, de toute dénomination sociale et/ou de tout nom commercial immatriculé sous le nom "(Pierre) Balmain" ou tout nom similaire, représenté en caractères latins et/ou en caractères arabes, en ce compris toute translittération, dans quelque pays du Moyen Orient que ce soit et pour quelque activité que ce soit et ce faisant, transmettre à Pierre Balmain SAS la copie des requêtes déposées auprès des autorités locales compétentes, ainsi que tout acte confirmant l'effectivité de ces démarches auprès desdites autorités ;9. procéder, le cas échéant, au transfert de tout nom de domaine dont le radical est composé du nom "Balmain" et/ou d'un nom similaire comme par exemple et de façon non limitative "BLMN", représentés en caractères latins, ainsi que dans toute translitération en tout autre système d'écriture, réservés au nom d'[F] [J], des sociétés du Groupe [J] et toute personne physique ou morale ayant succédé aux droits d'[F] [J] et/ou des sociétés du groupe [J] sur les marques et logos Balmain, sous quelque extension générique et/ou régionale que ce soit ;En tout état de cause, - Se réserver la liquidation de l'astreinte ;- Juger qu'[F] [J] a violé ses obligations au titre du contrat de cession partielle du 22 mai 2007;- Condamner [F] [J] à payer à Pierre Balmain SAS la somme de 822 247 euros (sauf à parfaire) en indemnisation des pertes matérielles qu'elle a subies ; - Condamner [F] [J] à payer à Pierre Balmain SAS la somme de 26,4 millions d'euros (sauf à parfaire) au titre des gains manqués ;- Condamner [F] [J] à payer à Pierre Balmain SAS la somme de 3,1 millions d'euros (sauf à parfaire) en indemnisation de son préjudice d'image ;- Rejeter des débats la pièce adverse no54 produite par [F] [J], qui est un faux intellectuel, au surplus obtenu par [F] [J] dans des conditions déloyales, par violation du secret des correspondances de Pierre Balmain SAS ;- Rejeter des débats les pièces no84 et 85 produites par Pierre Balmain SAS, ces deux pièces consistant dans des traductions de la pièce adverse no54, que Pierre Balmain SAS a produites pour démontrer que la pièce adverse no54 était un faux intellectuel ;- Condamner [F] [J] à payer à Pierre Balmain SAS la somme de 200 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; - Condamner [F] [J] aux entiers dépens ; - Dire n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de la décision à intervenir. 14. Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 28 février 2022, M. [J] demande au tribunal, au visa des articles 32, 32-1, 42, 46, 70 et 122 du code de procédure civile, L.714-1 du code de la propriété intellectuelle, 1134 et 1135 anciens du code civil, 1626 et 2224 du code civil, de : À titre principal,- Juger que M. [F] [J] n'est tenu par aucune obligation au terme du contrat autre que de payer le prix et de signer des lettres de consentement,- Juger que Pierre Balmain SAS n'a pas prononcé à bon droit la résolution unilatérale :1. du contrat de cession partielle ("Trademark Sale Agreement") du 22 mai 2007 entre Pierre Balmain SAS (venant aux droits de Pierre Balmain SA) et M. [F] [J]2. des 16 actes confirmatifs ("Deeds of Assignement") du 22 mai 2007 entre Pierre Balmain SAS (venant aux droits de Pierre Balmain SA) et M. [F] [J] (relatifs aux territoires suivants : Arabie Saoudite, Bahreïn, Egypte, Emirats arabes unis, Iran, Irak, Jordanie, Koweït, Liban, Libye, Oman, Palestine (Bande de Gaza), Palestine (Cisjordanie), Qatar, Syrie et Yémen)3. des 13 Lettres de consentement ("Letter of Consent") du 22 mai 2007, consenties par Pierre Balmain SAS (venant aux droits de Pierre Balmain SA) au profit de M. [F] [J] (relatifs aux territoires suivants : Arabie Saoudite, Bahreïn, Egypte, Emirats arabes unis, Irak, Jordanie, Koweït, Liban, Libye, Oman, Qatar, Syrie, Yémen),4. du droit d'usage octroyé à M. [F] [J] sur les noms commerciaux, dénominations sociales et enseignes,En conséquence,- Débouter la société Pierre Balmain SAS de ses demandes comme infondées,À titre subsidiaire,- Juger qu'aucun manquement au contrat n'a été personnellement commis par M. [F] [J],En conséquence,- Débouter la société Pierre Balmain SAS de l'ensemble de ses demandes comme infondées,À titre très subsidiaire,- Juger que la demande en résolution du contrat formée par la société Pierre Balmain SAS est infondée,- Juger que la demande subsidiaire de la société Pierre Balmain en ce qu'elle aurait mis fin, à bon droit, au droit d'usage octroyé à M. [F] [J] sur les noms commerciaux, les dénominations sociales et les enseignes est infondée,- Juger que la demande indemnitaire de la société Pierre Balmain est infondée,En conséquence,- Débouter la société Pierre Balmain SAS de sa demande en résolution du contrat,- Débouter la société Pierre Balmain SAS de sa demande subsidiaire de constat qu'elle aurait mis fin à bon droit au droit d'usage octroyé à M. [F] [J] sur les noms commerciaux, les dénominations sociales et les enseignes,- Débouter la société Pierre Balmain SAS de ses demandes indemnitaires envers M. [F] [J],À titre reconventionnel,- Juger que la procédure engagée par la société Pierre Balmain SAS envers M. [F] [J] est abusive et particulièrement vexatoire,En conséquence,- Condamner la société Pierre Balmain SAS à verser à M. [F] [J] la somme de 1 000 000 euros en réparation du préjudice subi,En tout état de cause,- Débouter la société Pierre Balmain SAS de l'ensemble de ses demandes envers les sociétés AK [J] Holding SPV Ltd, DO LLC, BA LLC, [Localité 3] Group LLC, Ted Lapidus LLC (désormais dénommée Nejmat Musandam Trading LLC), Theomar Assets Ltd, Balmain Readymade Garnments Trading LLC (désormais dénommée Balmain [Localité 3]), [J] Investments LLC (désormais dénommée Balmain LLC), Banzalini LLC (désormais dénommée Louis Féraud [Localité 3] LLC), Domani International Fashion LLC, East Bridge International Trading LLC (désormais dénommée Maison Balmain LLC), Gentleman Fashion Trading LLC (désormais dénommée Alessandro Dell Acqua Italy LLC), Pierre Balmain SA DMCC (anciennement dénommée Pierre Balmain SA JLT), Pierre Cardin LLC (désormais dénommée Pierre Cardin [Localité 3]), R&L (Roberto Leonardi) LLC en ce qu'elles ne sont pas parties à l'instance,- Écarter l'exécution provisoire du jugement à intervenir,- Débouter la société Pierre Balmain SAS de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,- Condamner la société Pierre Balmain SAS à verser à M. [F] [J] la somme de 200 000 euros au titre de l'article 700 CPC,- Condamner la société Pierre Balmain SAS aux entiers dépens qui seront recouvrés par Hogan Lovells ([Localité 3]) LLP, avocat aux offres de droit. MOTIFS DU JUGEMENT I - Sur la demande de rejet des pièces du débat Moyens des parties 15. La SAS Pierre Balmain soutient que la pièce no54 du défendeur intitulée " rapport établi par le directeur du département des affaires de la propriété intellectuelle et les franchises du gouvernement de Dubaï le 8 février 2021 " doit être écartée du débat comme étant un faux en ce qu'elle omet d'inclure la traduction d'une phrase selon laquelle ce rapport " ne peut servir de pièce à valoir devant les tribunaux " et comme étant une atteinte au secret de sa correspondance, cette lettre lui étant destinée et n'ayant pas eu vocation à se retrouver en possession de M. [J]. Selon elle, ses propres pièces no84 et no85, en tant qu'elles consistent en des traductions de la pièce no54 de M. [J], devront également être écartées du débat. 16. M. [F] [W] [J] oppose que la production d'une traduction partielle d'une pièce en langue étrangère est autorisée, alors qu'elle estime sa production fondamentale pour sa défense dans la mesure où elle atteste de l'absence d'atteinte aux droits de la SAS Pierre Balmain à Dubaï, outre que cette traduction a été complétée par la demanderesse. Il indique avoir écarté la phrase traduite par la demanderesse dans la mesure où elle n'a aucune valeur en France et n'est destinée qu'aux tribunaux dubaïotes, ajoutant qu'en tant que partie ayant fait l'objet de l'enquête ayant conduit à la rédaction de ce rapport, il était fondé à en demander une copie Réponse du tribunal 17. En application de l'article 9 du code de procédure civile, "il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention". 18. L'administration de la preuve est gouvernée par le principe de loyauté (voir en ce sens Cour de cassation, assemblée plénière, 7 janvier 2011, no 09-14.316 et no09-14.667). 19. Une atteinte à l'intimité de la vie privée ou au secret des correspondances est admissible si la production litigieuse est indispensable à l'exercice par une partie de son droit à la preuve, et proportionnée aux intérêts antinomiques en présence (en ce sens Cour de cassation, 1ère chambre civile, 5 avril 2012, no11-14.177). 20. De même, le droit à la preuve peut justifier une atteinte au secret des affaires et des correspondances d'une personne morale (en ce sens pour une mesure d'instruction sur requête, Cour de cassation, 2e chambre civile, 24 mars 2022, no20-21.925). 21. Il n'est pas contesté par M. [J] que sa pièce no54 a été produite le 5 décembre 2021 sans mention du caractère partiel de la traduction qu'elle opère, circonstance de nature à mettre en doute sa loyauté dans l'administration de la preuve. 22. Toutefois, le fait que cette pièce n'ait pas été intégralement traduite est indifférent dès lors que la SAS Pierre Balmain a disposé du temps nécessaire à son analyse et a, ainsi, pu déterminer qu'elle n'avait pas été intégralement traduite, ce que ses pièces no84 et no85 établissent. 23. Par ailleurs, la seule mention selon laquelle ce courrier "ne peut servir de pièce à valoir devant les tribunaux" ne constitue pas, par elle-même, une cause de rejet du débat. 24. De plus, la SAS Pierre Balmain admet ne pas pouvoir démontrer que M. [J] s'est trouvé en possession de cette pièce de manière illicite et, quand bien même serait-ce le cas, l'atteinte ainsi portée au secret des affaires ou au secret des correspondances de la SAS Pierre Balmain pourrait être admise si sa production est indispensable à l'exercice par M. [J] de son droit à la preuve. 25. En l'absence de tout caractère illicite de cette pièce ou de sa production, la SAS Pierre Balmain sera déboutée de sa demande tendant à la voir écartée du débat et, par suite, ses pièces no84 et no85 qui en sont la traduction, seront également admises. II - Sur la validité de la résolution du contrat Moyens des parties 26. La SAS Pierre Balmain expose avoir été contrainte de prononcer, le 28 février 2020, la résolution unilatérale de la convention de cession de marque conclue le 22 mai 2007 en raison des violations multiples et continues des conditions de cette cession par le défendeur depuis 2012. Elle avance que cette cession, dont les contours ont été précisés par seize actes confirmatifs et treize lettres de consentement, accordait à M. [J] un droit d'usage limité sur les noms commerciaux et les enseignes du groupe, ainsi qu'une obligation à la charge de celui-ci de s'abstenir de troubler la jouissance paisible de ses propres droits sur les marques exclues de la cession, en particulier celles désignant les produits pour femme, enfant et unisexe, la cession étant limitée, selon elle, aux produits masculins dans les classes 18 (bagages, ceintures, etc.) et 25 (vêtements, chaussures, chapellerie) et à l'usage des marques pour les produits de la classe 24 (couvertures de lit et de table) pour treize territoires du Moyen-Orient. Elle développe qu'en inexécution de cette obligation de jouissance paisible, tirée de l'obligation d'exécution de bonne foi du contrat, M. [J], en sa qualité de cessionnaire, directement ou par l'intermédiaire de sociétés qu'il contrôle ou qu'il a créées, a porté atteinte à ses droits en s'opposant à des dépôts de marques licites qu'elle a entrepris, en enregistrant ou tentant d'enregistrer des marques similaires aux siennes pour des produits en dehors du périmètre cédé, en vendant des produits copiés des siens et de moindre qualité, en opérant une exploitation galvaudée de la marque "Balmain", en utilisant le nom commercial "Balmain [Localité 3]" et son adresse à [Localité 3] sur les étiquettes et les emballages, en affichant des certificats trompeurs dans les magasins qu'il détient par l'intermédiaire de ses sociétés, en s'appropriant l'identité visuelle de ses magasins redéfinie en 2018, en copiant servilement et en vendant sous le nom "Balmain" des modèles à succès de marques concurrentes, l'ensemble provoquant le mécontentement des consommateurs, de ses concurrents et une atteinte à son image justifiant la résolution prononcée. 27. M. [F] [W] [J] objecte qu'il a cédé en mars 2013 les droits qu'il détenait sur les marques de la SAS Pierre Balmain acquises en 2007, en sorte que les manquements contractuels allégués ne lui sont pas imputables, et qu'au surplus aucun de ces manquements n'est caractérisé, la procédure étant commandité par le nouveau propriétaire de la société demanderesse, un fond d'investissement qatari, désireux de reprendre le contrôle de l'ensemble des marques de la SAS Pierre Balmain au Moyen-Orient. Il estime que le contrat de cession et ses annexes lui a transféré la totalité de la propriété des 47 marques qui y étaient incluses couvrant les produits pour homme dans les classes 18 et 25 au Moyen-Orient, sans réserve ni limitation, et qu'il est libre de les exploiter comme bon lui semble, de même pour les enseignes et noms commerciaux qu'il a acquis. À titre principal, il conteste que la cession litigieuse génère les obligations invoquées par la demanderesse, sa seule obligation résidant dans le paiement du prix, dans la mesure où cette cession consiste en une répartition de droits concurrents sur un seul et même signe, "Pierre Balmain", la circonstance que des marques distinctes protègent un même signe ne mettant à la charge de leurs propriétaires aucune obligation sur le signe lui-même, l'obligation de ne pas nuire à la marque acquise et l'obligation de garantie de jouissance paisible pesant, dans le contrat, sur la demanderesse. À titre subsidiaire, il réfute que soient fautifs :- la cession qu'il a faite le 9 février 2013 des noms commerciaux et enseignes "Balmain", celle-ci étant strictement limitée aux droits dont il était propriétaire en vertu du contrat du 22 mai 2007, - le dépôt de deux demandes de marques qu'il a opéré, aucune obligation de ne pas procéder à des dépôts de nouvelles marques ne pouvant être fondée sur les lettres de consentement qu'il a souscrites,- les six oppositions à des dépôts de marques qui lui sont reprochés, ces oppositions étant faites soit par des sociétés tierces, soit par lui-même dans l'attente de l'inscription de la société titulaire des marques à laquelle elles avaient été cédées, - les actes de sociétés tierces dont il ne saurait être tenu personnellement responsable, l'interposition qui lui est imputée n'étant pas constituée, aucune obligation de prévenir les manquements de tiers afin de défendre un prétendu intérêt commun ne pesant sur lui du fait du contrat du 22 mai 2007, et aucune décision des juridictions compétentes n'ayant caractérisé un manquement de ces sociétés tierces, ces manquements relevant de la responsabilité délictuelle dans chacun des États dans lesquels ils sont allégués,- la vente de produits destinés aux femmes dont la matérialité n'est pas établie. À titre plus subsidiaire, il argue que l'obligation principale du contrat de cession est le paiement du prix, que les autres obligations invoquées en sont l'accessoire et qu'à les supposer établies, les manquements prétendus à ces obligations accessoires ne pourraient pas constituer le manquement grave de nature à justifier la résolution du contrat. Réponse du tribunal 28. L'article 4 alinéa 1 du code de procédure civile prévoit que "l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties". 29. Selon l'article 3 paragraphe (§) 1 de la Convention de Rome de 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles, "le contrat est régi par la loi choisie par les parties. Ce choix doit être exprès ou résulter de façon certaine des dispositions du contrat ou des circonstances de la cause. Par ce choix, les parties peuvent désigner la loi applicable à la totalité ou à une partie seulement de leur contrat". 30. L'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable au contrat du 22 mai 2007, prévoit que "les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.Elles doivent être exécutées de bonne foi". 31. L'article 1135 du même code, dans sa rédaction à la même date, ajoute que "les conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l'équité, l'usage ou la loi donnent à l'obligation d'après sa nature". 32. Aux termes de l'article L.714-1 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction applicable au 22 mai 2007, "les droits attachés à une marque sont transmissibles en totalité ou en partie, indépendamment de l'entreprise qui les exploite ou les fait exploiter. La cession, même partielle, ne peut comporter de limitation territoriale". 33. La limitation territoriale, au sens de ce texte, s'entend du territoire pour lequel la marque a été déposée, c'est-à-dire, par principe, le territoire français. Une cession partielle peut, donc, comporter des limitations territoriales visant d'autres territoires. 34. L'article L.716-1 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction applicable au 22 mai 2007, dispose que "l'atteinte portée au droit du propriétaire de la marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur. Constitue une atteinte aux droits de la marque la violation des interdictions prévues aux articles L.713-2, L.713-3 et L.713-4". 35. Cette disposition s'interprète à la lumière de l'article 2 §1 de la directive 2004/48/CE selon lequel "sans préjudice des moyens prévus ou pouvant être prévus dans la législation communautaire ou nationale, pour autant que ces moyens soient plus favorables aux titulaires de droits, les mesures, procédures et réparations prévues par la présente directive s'appliquent, conformément à l'article 3, à toute atteinte aux droits de propriété intellectuelle prévue par la législation communautaire et/ou la législation nationale de l'État membre concerné". 36. La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a dit pour droit qu'il "ressort du libellé de cette disposition, en particulier de l'adjectif ''toute'', que cette directive doit être interprétée en ce sens qu'elle couvre également les atteintes qui résultent du manquement à une clause contractuelle" (CJUE C-666/18 du 18 décembre 2019 IT Development SAS c. Free Mobile SAS §36). 37. Il s'en déduit que toute atteinte portée au droit du propriétaire d'une marque, comme tout manquement à une clause contractuelle d'un contrat de cession de marque, relève des dispositions de la directive 2004/48/CE. 38. Parallèlement, le principe dispositif énoncé à l'article 4 du code de procédure civile précité, permet au cédant d'une marque de ne fonder ses demandes que sur le manquement du cessionnaire à ses obligations contractuelles (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 16 mai 2018, no16-28.728). 39. Par ailleurs, le contrat de cession de marque emporte transfert de la propriété de la marque cédée au profit du cessionnaire, moyennant le paiement de son prix. 40. Le préambule du contrat du 22 mai 2007 (pièces SAS Pierre Balmain no14 et M. [J] no1) conclu entre la SAS Pierre Balmain et M. [J] stipule dans son §A que "Pierre Balmain (?) distribue des vêtements pour femmes, pour hommes et des produits associés sous la marque <Balmain>", dans son §C que "afin de posséder l'appellation commerciale (brand name) et les marques (trademarks) de Pierre Balmain et toutes les marques associées passées, présentes et futures pour les produits homme appartenant aux classes 18 et 25, telles que définies à l'article 1.2.3 dans le Territoire, [F] [W] [J] souhaite acheter par le biais d'un accord définitif et irrévocable les marques de Pierre Balmain et toutes les marques associées telles que définies à l'article 1.2.5 pour le Territoire défini à l'article 1.2.4", dans son §D que "Pierre Balmain, afin de promouvoir ses marques dans le Territoire, a accepté de vendre irrévocablement les marques de Pierre Balmain et toutes les marques associées pour les produits homme tels que définis à l'article 1.2.3 et appartenant aux classes 18 et 25 seulement pour le Territoire spécifique". 41. Ce contrat prévoit (le tribunal reprenant entre parenthèses les termes originaux du contrat stipulé en langue anglaise) :- dans son article 1.2 : "dans ce contrat, les termes ci-dessous auront la signification qui leur a été attribuée ci-dessous, à moins que le contexte leur donne une intention contraire :1.2.1 <Noms commerciaux> doit signifier les noms de l'entreprise et dénominations sociales utilisant les mots <Balmain pour homme Moyen-Orient> (Balmain for Men Middle-East) ou <Pierre Balmain pour homme Moyen-Orient> (Pierre Balmain for Men Middle-East), étant entendu que le Cessionnaire sera autorisé à utiliser <Balmain> ou <Pierre Balmain> comme enseignes (shop names).1.2.2 <Contrat> doit signifier le présent Contrat de Vente de Marques (Trademarks).1.2.3 <Produits> doit signifier tous les articles (items) pour hommes appartenant aux classes 18 et 25.1.2.4 <Territoire> doit signifier le territoire des Émirats Arabes Unis, de l'Arabie Saoudite, d'Oman, du Bahreïn, du Qatar, du Yémen, du Koweït, de l'Iran, de l'Irak, de la Jordanie, du Liban, de la Palestine, de l'Égypte, de la Syrie et de la Lybie.1.2.5 <Marques> doit signifier les marques (trademarks) incluant les logos et autres droits de propriété intellectuelle enregistrés dans le Territoire comme indiqué à l'Annexe E ou en cours d'enregistrement dans le Territoire comme mentionné à l'Annexe F".- dans son article 3 : "le Cédant vend par la présente au Cessionnaire et le Cessionnaire accepte par la présente acheter les marques strictement pour les Produits et le Territoire.Le Cessionnaire devient le propriétaire, dans le sens implicite et explicite du verbe <posséder> des Marques strictement pour les Produits et le Territoire seulement et acquerra le droit d'en disposer comme il l'entend dans le cadre de la définition des Marques, telles qu'il les a achetées.Le Cédant demeure le seul propriétaire des Marques et autres droits de propriété intellectuelle pour tous les produits qui n'ont pas été achetés par le Cessionnaire dans le Territoire et pour tous les produits dans les autres territoires. (?)",- dans son article 5 : "en paiement au titre de la vente de l'ensemble des Marques, le Cessionnaire accepte de payer le montant de 3 000 000 € (trois millions d'euros) (le prix de cession) (Purchase Price)",- dans son article 9 : "le Cédant accorde au Cessionnaire le droit d'utiliser, sans aucune restriction, les Noms Commerciaux dans le Territoire. Tous les autres noms commerciaux dans le Territoire resteront la seule propriété du Cédant". II.1 - S'agissant des atteintes alléguées aux marques de la SAS Pierre Balmain 42. Selon les termes clairs de ce contrat, la SAS Pierre Balmain a cédé en toute propriété à M. [J] les marques qu'elle détenait pour les produits pour homme appartenant aux classes 18 et 25 et pour les États ou territoires du Moyen-Orient limitativement énumérés à l'article 1.2.4 précité. 43. Il en résulte que la SAS Pierre Balmain a conservé la propriété des autres marques pour l'ensemble des États ou classes dans lesquelles elle en a fait enregistrer, ainsi que celles pour femme dans les États ou territoires et les classes 18 et 25 visés par la cession. 44. Les stipulations du contrat du 22 mai 2007 ne prévoient aucune condition ou obligation à la charge de M. [J], autre que celle de payer le prix, en contrepartie de l'acquisition qu'il a faite ; notamment, aucune clause n'impose une quelconque modalité d'exploitation des marques cédées. 45. Or, en l'absence de telles stipulations, la cession de marques, fût-elle partielle, s'analyse en une vente. Il ne saurait, de ce fait, se déduire ni du contrat, ni des suites que la loi ou les usages y donnent, une obligation à la charge de M. [J] d'exécution de bonne foi du contrat qui dépasserait le seul paiement du prix. 46. Compte tenu du transfert de propriété opéré par la cession, il était loisible à M. [J] d'exploiter les marques pour femme qu'il a acquises comme bon lui semble dans les États et territoires et pour les classes 18 et 25 prévus au contrat. 47. Dès lors, les atteintes alléguées par la SAS Pierre Balmain à ses marques et, par-delà, à "un même signe", commun avec les marques acquises par M. [J], ne sauraient valablement se fonder sur une inexécution ou une mauvaise exécution d'une obligation du contrat du 22 mai 2007. 48. Elle sera, en conséquence, déboutée de ses demandes tant principales que subsidiaires sur ce fondement. II.2 - S'agissant des atteintes alléguées à l'usage des noms commerciaux 49. La protection du nom commercial suppose pour celui qui l'invoque de démontrer son droit de propriété sur ce nom, lequel s'acquiert par le premier usage personnel et public (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 24 novembre 1992, no 90-21.230). 50. Le droit de marque permet à son titulaire de s'opposer à l'usage du signe qui la constitue à titre de nom commercial, de dénomination sociale ou d'enseigne (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 25 avril 2011, no 98-16.010). Pour ce faire, le titulaire du droit de marque doit démontrer la titularité du droit qu'il revendique. 51. De plus, ce titulaire ne peut s'opposer à l'usage de sa marque à titre de nom commercial que pour le territoire dans lequel il bénéficie d'une protection par l'enregistrement de sa marque. 52. Le contrat du 22 mai 2007 inclut en son annexe E la liste des marques enregistrées par la SAS Pierre Balmain dans les États et territoires prévus au contrat. Or, force est de constater que les signes "Balmain [Localité 3]", "Pierre Balmain [Localité 3]" et l'adresse de la SAS Pierre Balmain à [Adresse 4] n'en font pas partie. Seules sont enregistrées les marques verbales et semi-figuratives "Balmain", "B", "Pierre Balmain" et "PB". 53. Par ailleurs, la SAS Pierre Balmain n'établit pas qu'elle avait acquis au 22 mai 2007, date de la cession, un premier usage personnel et public sur ces signes à titre de noms commerciaux dans les États et territoires prévus au contrat. 54. Dès lors, les atteintes alléguées à l'usage des noms commerciaux et enseignes ne sont pas fondées, tant à titre principal au soutien de la résolution unilatérale du contrat du 22 mai 2007 prononcée par la SAS Pierre Balmain le 28 février 2020, qu'à titre subsidiaire au soutien d'une résiliation du droit d'usage de ces noms commerciaux et enseignes. 55. Il s'ensuit que c'est à tort que la SAS Pierre Balmain soutient avoir valablement prononcé une résolution unilatérale du contrat de cession du 22 mai 2007. 56. En conséquence, la SAS Pierre Balmain sera déboutée de l'ensemble de ses demandes à ce titre. III - Sur la demande en procédure abusive Moyens des parties 57. M. [F] [W] [J] demande reconventionnellement la condamnation de la demanderesse à l'indemniser du préjudice subi en raison du caractère abusif de la procédure. Il considère que ce caractère abusif résulte de la cession qu'il avait opérée en 2013 des marques acquises en 2007 que la demanderesse n'ignorait pas, du caractère infondé de la résolution unilatérale reposant sur des obligations implicites imaginées à dessein, de la disproportion des demandes indemnitaires formulées et de la tentative de la faire juger en dehors de tout contradictoire. 58. La SAS Pierre Balmain n'a pas répliqué à cette demande. Réponse du tribunal 59. L'article 1240 du code civil prévoit que "tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer". 60. En application de l'article 32-1 du code de procédure civile, "celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 € sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés". 61. Le droit d'agir en justice participe des libertés fondamentales de toute personne. Il en résulte que celui qui invoque un abus de ce droit doit prouver la faute le faisant dégénérer en abus (en ce sens Cour de cassation, 2e chambre civile, 28 janvier 2016, pourvoi no 14-20.726). 62. La seule circonstance que les demandes de la SAS Pierre Balmain soient rejetées n'est pas de nature à faire dégénérer son action en abus. 63. De plus, M. [J] ne caractérise aucune faute faisant dégénérer en abus l'exercice du droit d'agir de la demanderesse et ne justifie d'aucun préjudice distinct des frais exposés par lui pour se défendre en justice, lesquels sont indemnisés au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 64. La demande à ce titre de M. [J] sera, en conséquence, rejetée. IV - Dispositions finales IV.1 - Sur les dépens 65. Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge de l'autre partie. 66. La SAS Pierre Balmain, partie perdante, sera condamnée aux dépens, avec distraction pour l'avocat de M. [J]. IV.2 - Sur les frais non compris dans les dépens 67. L'article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a lieu à condamnation. 68. La SAS Pierre Balmain sera, en conséquence, condamnée à payer 50 000 euros à M. [F] [W] [J] au titre des frais non compris dans les dépens. IV.3 - Sur l'exécution provisoire 69. En application des articles 514 et 514-1 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement. Le juge peut écarter l'exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s'il estime qu'elle est incompatible avec la nature de l'affaire. Il statue, d'office ou à la demande d'une partie, par décision spécialement motivée. 70. En l'espèce, si M. [J] demande à écarter l'exécution provisoire de droit, d'une part, il ne formule aucune motivation ni en fait ni en droit à son soutien, d'autre part, l'exécution provisoire, nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire, n'a pas à être écartée. PAR CES MOTIFS Le tribunal, DÉBOUTE la SAS Pierre Balmain de sa demande de rejet du débat de la pièce no54 intitulée "rapport établi par le directeur du département des affaires de la propriété intellectuelle et les franchises du gouvernement de Dubaï le 8 février 2021" produite par M. [F] [W] [J] et de ses propres pièces no84 intitulée "traduction jurée de la pièce adverse no54 par M. [G] [X]" et no85 intitulée "traduction de la pièce adverse no54 par Bablex" ; DÉBOUTE la SAS Pierre Balmain de ses demandes fondées à titre principal sur la résolution unilatérale du contrat du 22 mai 2007 prononcée le 28 février 2020 et à titre subsidiaire sur la résiliation du droit d'usage de ses noms commerciaux et enseignes ; DÉBOUTE M. [F] [W] [J] de sa demande au titre de l'abus de procédure ; CONDAMNE la SAS Pierre Balmain aux dépens, avec droit pour Me Olivia Bernardeau-Paupe, avocat au barreau de Paris, de recouvrer ceux dont elle a fait l'avance sans recevoir provision ; CONDAMNE la SAS Pierre Balmain à payer 50 000 euros à M. [F] [W] [J] en application de l'article 700 du code de procédure civile ; DIT n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de droit. Fait et jugé à Paris le 08 février 2023 La greffière Le président
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JURITEXT000047454949
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AUTRES_DECISIONS
Tribunal judiciaire de Paris, 17 février 2023, 21/02820
2023-02-17
Tribunal judiciaire de Paris
21/02820
CT0196
x
TRIBUNALJUDICIAIREDE PARIS 3ème chambre2ème section No RG 21/02820No Portalis 352J-W-B7F-CT3IP No MINUTE : Assignation du :29 Janvier 2021 JUGEMENT rendu le 17 Février 2023 DEMANDERESSE S.A.S. LOUIS VUITTON MALLETIER[Adresse 2][Adresse 2] représentée par Maître Julien BLANCHARD de la SELARL CANDÉ - BLANCHARD - DUCAMP, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0265 DÉFENDERESSE S.A.S. ZV FRANCE[Adresse 1][Adresse 1] représentée par Maître Emmanuelle HOFFMAN de la SELARL HOFFMAN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C0610 COMPOSITION DU TRIBUNAL Madame Irène BENAC, Vice-PrésidenteMadame Elodie GUENNEC, Vice-présidenteMonsieur Arthur COURILLON-HAVY, Juge assisté de Monsieur Quentin CURABET, Greffier DEBATS A l'audience du 10 Novembre 2022 tenue en audience publique devant Irène BENAC et Arthur COURILLON-HAVY, juges rapporteurs, qui sans opposition des avocats ont tenu seuls l'audience, et après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe, en dernier lieu, le 17 Février 2023. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe ContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE 1. La société Louis Vuitton Malletier (la société Louis vuitton) reproche à la société ZV France, connue sous l'enseigne ‘Zadig et Voltaire', l'utilisation, depuis août 2020, d'un logo qu'elle estime tirer indûment profit de la renommée des marques correspondant à son monogramme ‘LV'. Elle qualifie subsidiairement cet usage de parasitisme, en particulier en tant que fermoir de sacs, pris dans son contexte et associé à l'emploi du terme ‘monogram'. 2. Sont ainsi invoquées quatre marques, toutes déposées notamment pour désigner la maroquinerie en classe 18 et des vêtements et chaussures en classe 25, portant sur la version originale ou une version renouvelée du monogramme, à savoir :- la marque française semi-figurative « LV » no 3873608 déposée le 14 novembre 2011 et dûment renouvelée :- la marque semi-figurative de l'Union européenne « LV » no 000015628 déposée le 1er avril 1996 et dûment renouvelée : - la marque française semi-figurative « LV » no 4108655 déposée le 28 juillet 2014 : - la marque internationale désignant l'Union européenne semi-figurative « LV » no 1241670, déposée le 24 novembre 2014 : 3. La société Louis vuitton dit avoir constaté, à partir d'août 2020, que la société ZV France avait modifié la présentation de ses produits, les lettres ‘ZV' étant désormais entrelacées et reproduites avec un décalage du V vers le bas, se distinguant des logos précédents utilisés par cette société et se rapprochant ainsi selon elle de son logo LV : 4. Après l'avoir mise en demeure, par courrier du 16 septembre 2020, de ne pas se placer dans son sillage, et face au refus de la société ZV France de déférer à cette mise en demeure, pour invoquer des différences entre les logos, son « ADN » et ses propres investissements, la société Louis vuitton l'a assignée le 29 janvier 2021 pour atteinte à la renommée de ses marques et subsidiairement parasitisme. L'instruction a été close le 16 juin 2022 et l'affaire plaidée le 10 novembre suivant. Prétentions des parties 5. Dans ses dernières conclusions du 13 mai 2022, la société Louis vuitton demande :? sur l'atteinte à ses marques renommées, ? de condamner la société ZV France à lui payer, à titre de provision, 300 000 euros en réparation de son préjudice moral et 500 000 euros en réparation de son préjudice économique, ? outre la publication du présent jugement,? subsidiairement sur le parasitisme, de condamner la société ZV France à lui payer 500 000 euros de dommages et intérêts,? en tout état de cause, ? de prononcer un droit d'information, et des mesures d'interdiction, de rappel et de destruction des produits litigieux sous astreinte, ? de condamner la société ZV France à lui rembourser les frais de constat et à lui verser la somme de 50 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens à recouvrer par son avocat. 6. Dans ses dernières conclusions du 14 juin 2022, la société ZV France résiste à l'ensemble des demandes, y compris l'exécution provisoire, et réclame elle-même 40 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens. Moyens des parties 7. Sur la renommée, la société Louis vuitton affirme que son monogramme LV, utilisé depuis le XIXe siècle, jouit d'une renommée planétaire exceptionnelle, ce qui a déjà été reconnu en justice ; que ses marques correspondant au nouveau monogramme, stylisé, intitulé ‘Twist', sont renommées auprès du « public visé par ces marques », au regard du succès du sac Twist sur lequel elles sont reproduites, de l'ampleur des campagnes publicitaires et des articles de presse le concernant. En réponse, la société ZV France, qui rappelle que la renommée s'apprécie pour chaque marque prise individuellement, estime que la demanderesse n'invoque que des éléments relatifs à la notoriété de l'ancien monogramme, et conteste expressément la renommée du nouveau. Contre celle-ci, elle fait valoir que la demanderesse ne démontre que le succès d'un produit, le sac Twist, qui ne permettrait pas de prouver la renommée des marques, notamment en ce que le signe qu'il contient, en guise de fermoir, ne les reproduirait pas exactement. 8. Pour démontrer ensuite le lien entre le signe litigieux et ses marques, la société Louis vuitton expose que les signes sont similaires, visuellement car constitués de deux lettres, écrites en majuscule et dont l'une est commune, qui ont quasiment la même taille de caractère et qui se superposent avec un léger décalage de hauteur ; phonétiquement, car une lettre est commune et le L est comme le V une consonne apicale ; conceptuellement, car il s'agit d'initiales ; sur ce dernier point elle conteste la prise en compte d'une évocation du nom entier des parties, car cela reviendrait à se référer aux conditions d'exploitation des signes au lieu de s'en tenir aux ressemblances intrinsèques, ainsi qu'à diminuer la protection des marques exceptionnellement renommée en retenant un lien plus fort entre elles et la personne de leur titulaire. Ainsi, selon elle, au regard de l'identité des produits, du public concerné, et indépendamment du lieu où ces produits sont vendus, il existe un lien dans l'esprit du public entre sa marque et le signe litigieux, dont elle souligne qu'il ne s'agit pas d'un monogramme quelconque, mais d'une évolution particulière du logo de la défenderesse, dont elle affirme ne pas contester de façon générale la possibilité d'utiliser ses initiales, y compris sur le fermoir d'un sac à main. 9. Contre ce lien, la société ZV France, qui conteste toute similitude entre les signes, fait valoir qu'ils sont composés de lettres différentes, stylisées et présentées différemment, à savoir superposées dans la marque LV, et seulement partiellement juxtaposées dans le signe ZV, lettres qui ne sont pas de même taille, se prononcent différemment, et font, conceptuellement, référence respectivement à Louis Vuitton et Zadig & Voltaire, c'est-à-dire à un univers différent. Elle ajoute que l'apposition d'un monogramme à l'effigie des initiales d'une marque est fréquent, ce qui pousserait le public à être attentif aux différences. 10. Estimant alors, en premier lieu, que par ce lien la défenderesse tire indûment profit de la notoriété de ses marques, la société Louis vuitton soutient que le nouveau logo adopté par la société ZV France est à ce point proche des marques LV que l'image de la marque renommée ou les caractéristiques projetées par cette dernière risquent d'être transférées aux produits désignés par le signe litigieux ; que les ailes, présentées comme symbole iconique de la société ZV France, se sont effacées au profit du logo litigieux, la défenderesse ayant entendu faire de ce signe un élément essentiel d'identification et créer un rattachement avec le logo LV, notamment en ce que le signe litigieux a été particulièrement mis en avant et en ce que la défenderesse a baptisé ‘Monogram', en anglais, une ligne de produits, quand la toile Louis Vuitton créée en 1896 est elle-même connue sous le nom de ‘Toile Monogram'. 11. Estimant, en second lieu, que la défenderesse porte également atteinte à la distinctivité de ses marques renommées, la société Louis vuitton fait valoir que son modèle commercial est bâti, depuis 150 ans, sur les notions d'excellence et d'exclusivité, et qu'elle est parvenue à élever ses marques au rang des plus connues au monde tout en préservant cette image d'excellence auprès de ses clients, de sorte que la diffusion de produits reproduisant le logo litigieux brouille cette image. 12. En réplique, la société ZV France soutient en premier lieu, contre le bénéfice indû, qu'elle fait usage de ses initiales à titre de dénomination sociale depuis 1997 et à titre de marque et de logo depuis 2005, de sorte qu'elle poursuivrait cet usage pour sa collection 2020 de manière loyale ; qu'elle cherche à affirmer son identité et à développer sa gamme et non à profiter de la renommée de la société Louis vuitton ; que les ailes et la marque Zadig et voltaire sont toujours identifiables dans les communications autour du logo litigieux et qu'elle n'a pas mis davantage ce logo en avant que d'autres ; qu'elle énonce n'avoir jamais entretenu d'équivoque sur l'origine de ses produits ni cherché à s'inscrire dans le sillage de la demanderesse, sa démarche s'inscrivant dans l'évolution et le renouvellement de ses collections. En second lieu, contre l'atteinte au caractère distinctif, elle conteste toute modification du comportement économique du public pertinent. 13. Subsidiairement, la société Louis vuitton allègue un parasitisme tenant au même nouveau logo ZV, son emploi massif, et en particulier sur le rabat et au centre de sacs, avec le même fonctionnement pivotant, et comme boucle de ceinture ; en ayant fait passer au second plan les ailes qui caractérisaient auparavant la communication de la défenderesse ; ce nouvel ensemble étant désigné par le terme anglais Monogram comme sa fameuse « toile ». Ces éléments constituent en effet, selon elle, un risque d'évocation qui suffirait à caractériser le parasitisme, en vertu de la jurisprudence ; et constitueraient, pris dans leur ensemble, un comportement parasitaire. 14. Sur le parasitisme, la société ZV France répond que la demanderesse n'expose pas la valeur individualisée qui aurait été reprise ; que les éléments invoqués sont impropres à fonder une condamnation, en ce que, outre les moyens déjà rappelés ci-dessus, le rabat au centre d'un sac ou comme boucle de ceinture serait classique, et l'utilisation du terme ‘Monogram' ne saurait lui être reprochée dès lors qu'elle utilise depuis toujours des mots anglais. Elle ajoute avoir elle-même réalisé d'importants investissements pour la promotion de chaque nouvelle ligne de maroquinerie. MOTIVATION I . Demandes en contrefaçon par atteinte à la renommée des marques 1 . Atteinte au droit du titulaire 15. Les droits conférés par les marques nationales et de l'Union européenne sont prévus dans des termes en substance identiques par la directive 2015/2436 et le règlement 2017/1001, respectivement à leur article 10 et 9, ce dernier étant rédigé en ces termes, s'agissant en particulier de l'atteinte à une marque de renommée : « (...)2. Sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité d'une marque de l'Union européenne, le titulaire de cette marque de l'Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe pour des produits ou services lorsque:(...)c) ce signe est identique ou similaire à la marque de l'Union européenne, indépendamment du fait que les produits ou services pour lesquels il est utilisé soient identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée, lorsque celle-ci jouit d'une renommée dans l'Union et que l'usage de ce signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque de l'Union européenne ou leur porte préjudice. » 16. L'atteinte aux marques jouissant d'une renommée, prévue en droit interne, en des termes en substances identiques, à l'article L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle dans sa rédaction postérieure au 15 décembre 2019, est qualifiée de contrefaçon, engageant la responsabilité civile de son auteur, par l'article L. 716-4 (dans le cas des marques françaises) et par l'article L. 717-1 (dans le cas des marques de l'Union européenne). a. Renommée des marques 17. Interprétant les dispositions en substance identiques de la première directive rapprochant les législations des États membres sur les marques, qui doivent en outre être interprétées de manière uniforme avec les disposition du règlement, la Cour de justice des communautés européennes a dit pour droit que pour bénéficier d'une protection élargie à des produits ou à des services non similaires, une marque enregistrée doit être connue d'une partie significative du public concerné par les produits ou services couverts par elle (CJCE, 14 septembre 1999, General motors corporation, C-375/97). 18. Au plan territorial, il suffit que la renommée existe dans une partie substantielle du territoire concerné, État membre ou Union (respectivement, CJCE, General motors corporation, précité, point 28 ; et CJCE, 6 octobre 2009, Pago international, C-301/07, point 27). Marques 3873608 et 000015628 correspondant au monogramme ancien 19. La société ZV France ne conteste pas expressément la renommée des deux marques correspondant au monogramme historique de la demanderesse, et cette renommée, dont il est admis qu'elle a déjà été reconnue par les juridictions, dont ce tribunal, ressort de la très grande ancienneté du signe, précédant l'enregistrement des marques elles-mêmes, de l'extrême intensité de leur usage sur des supports très variables, notamment par une publicité notoirement très importante, et du succès commercial de cet usage, quoiqu'auprès d'un très petit groupe de clients (les plus aisés) parmi le public pertinent (le grand public), l'ampleur de la communication et de la résonnance qui lui a été donnée auprès du grand public allant largement au-delà de ce seul groupe. Ces deux marques ont donc une forte renommée. Marques 4108655 et 1241670 correspondant au nouveau monogramme 20. En revanche, les deux autres marques, correspondant au nouveau monogramme, n'ont été utilisées que depuis 8 ans (6 à la date des faits litigieux) sur un nombre relativement restreint de modèles de sacs à main (que la demanderesse regroupe sous l'appellation Twist), ainsi que des chaussures (selon l'image présente par ailleurs p. 49 des conclusions de la demanderesse). Que ces sacs à main, en particulier, aient fait l'objet d'une campagne de publicité intense comme l'allègue la demanderesse ne suffit toutefois pas, en soi, à démontrer que la marque qui les désigne est connue d'une partie significative du public concerné, et la demanderesse ne démontre pas en quoi ces marques, dont elle n'explicite au demeurant pas le « public visé » qu'elle évoque, mais qui sont à tout le moins enregistrées pour désigner des sacs à main et des chaussures, seraient devenues, en si peu de temps, connues d'une partie significative de la clientèle de ces produits, c'est-à-dire du grand public, par exemple par l'acquisition d'une part de marché significative, ou des investissements de communication si massifs et si efficaces (ce qui ne se présume pas) que le public connaitrait déjà largement ces marques. 21. Au contraire, au-delà d'un certain nombre de photographies publicitaires montrant un mannequin portant un sac revêtu de la marque, ce qui est un élément faible, elle allègue seulement, d'une part, un succès commercial caractérisé par des termes vagues ne permettant pas d'en apprécier l'ampleur réelle (« succès fulgurant »), au demeurant sans viser de preuve ; d'autre part une simple couverture médiatique favorable, sans que les articles invoqués ne permettent de démontrer qu'une partie significative du grand public connait les sacs, et a fortiori la marque particulière dont ils sont revêtus. Ces éléments sont en effet d'autant moins susceptibles de prouver la renommée de la marque elle-même que, alors que celle-ci est très stylisée, le seul usage qui en est allégué est celui de fermoir décoratif (certes très visible) sur les sacs, à l'exclusion de tout autre usage, que ce soit avant ou après la vente, pour désigner le produit : les chances que le public voie et retienne ce signe comme une marque sont donc plus faibles, ce qui amoindrit la portée des preuves de commercialisation du produit pour apprécier la renommée de la marque. 22. La renommée des deux marques correspondant au nouveau monogramme n'est donc pas démontrée. b. Atteinte à la renommée des marques 3873608 et 000015628 23. Le juge qui considère que la condition tirée de la renommée est remplie doit procéder à l'examen de la seconde condition prévue au texte, à savoir l'existence d'une atteinte sans juste motif à la marque antérieure ; à cet égard, il convient d'observer que plus le caractère distinctif et la renommée de celle-ci seront importants, plus l'existence d'une atteinte sera aisément admise (CJCE General Motors Corporation, C-375/97, précité, point 30). 24. L'atteinte peut être de trois types : premièrement, le préjudice porté au caractère distinctif de la marque antérieure, deuxièmement, le préjudice porté à la renommée de cette marque et, troisièmement, le profit indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de ladite marque (CJCE, 27 novembre 2008, Intel corporation, C-252/07, point 27). 25. Une telle atteinte suppose (sans que cela suffise à la caractériser) qu'en raison d'un certain degré de similitude entre les signes, le public concerné effectue un rapprochement entre eux, c'est-à-dire qu'il établisse un lien, même s'il ne les confond pas. L'appréciation de ce lien repose notamment sur le degré de similitude entre les signes, le degré de ressemblance ou de dissemblance entre les produits ou services, le public concerné, l'intensité de la renommée, le degré de caractère distinctif de la marque (CJCE, Intel, précité, points 30 et 31, et point 42). 26. Ces critères font également partie des facteurs pertinents pour apprécier plus généralement l'existence (ou le risque) d'une atteinte (CJCE, Intel, précité, point 68). Lien entre le signe et les marques 27. Le monogramme LV, figuré pour mémoire ci-dessous, représente de façon très simple deux majuscules d'imprimerie de même taille, en police traditionnelle avec empattement, un L superposé à un V, où la barre verticale du L, penchée comme en italique de façon parallèle à la barre oblique droite du V, croise en son milieu le tiers bas de la barre oblique gauche du V, de sorte que le L, quoique de même taille, est légèrement inférieur au V, tandis que les deux lettres sont situées exactement au même emplacement sur la ligne d'écriture (leur début respectif et leur fin respective, à gauche et à droite, se trouvent chacun sur une même ligne verticale). 28. Le signe litigieux, figuré pour mémoire ci-dessous, représente également deux lettres majuscules, mais en police grasse sans empattement, un Z partiellement superposé à un V légèrement plus petit, où le Z, qui parait de prime abord entièrement libre, coupe en réalité par le milieu de sa barre oblique le tiers supérieur de la barre oblique gauche du V, et voit son socle horizontal se terminer contre, ou partiellement dans, le V ; et où le Z apparait clairement à gauche du V, et légèrement supérieur, impression de supériorité renforcée par la taille légèrement plus faible du V, et par le fait que la barre oblique gauche du V n'est pas seulement traversée par le Z, mais est en réalité amputée : elle ne reprend pas au-delà, en haut à gauche, alors que, par symétrie avec la barre droite, elle devrait être partiellement visible au-dessus de la barre oblique du Z. 29. Ainsi, visuellement, les points communs entre la marque et le signe se résument à l'emploi de deux lettres majuscules de taille similaire, superposées, dont l'une est un V et l'autre contient une barre oblique. Or l'emploi de plusieurs lettres superposées en un signe unique est le principe même d'un monogramme, procédé habituel qui n'est pas distinctif dans son simple principe (ce n'est pas l'emploi d'un monogramme en soi qui est apte à indiquer l'origine commerciale du produit, mais l'apparence de ce monogramme). Pour le reste, la superposition dans le signe ZV procède par amputation du V, lequel est clairement positionné à la droite du Z, tandis que dans le monogramme LV, le L croise seulement le V, et les deux lettres sont à la même position dans leur rapport horizontal (de gauche à droite). Quant à la présence dans les deux cas d'une barre oblique dans la 2e lettre, elle est presque inévitable et donc peu distinctive en elle-même dès lors que, en tenant compte des italiques comme dans le L de LV, toutes les lettres sauf 4 contiennent soit une barre oblique, soit une barre verticale devenant oblique en italique (les 4 exceptions étant les lettres C, O, Q, et S). 30. Autrement formulé, la perception de ces deux signes dans leur ensemble est double : elle s'attache d'une part à des éléments certes communs mais génériques, et donc peu susceptible de susciter une association pour le public confronté à ces marques, à savoir la présence de deux lettres aisément reconnaissables, dont un V, se recoupant en tout ou partie ; d'autre part à un mécanisme de superposition clairement visible, et nettement dissemblable. Les deux signes sont donc très peu similaires visuellement dans ce qui fait leur distinctivité. Il en va de même aux plans auditif (aucun lien n'existe dans l'esprit du public entre « ellevé » et « zèdevé ») et cognitif, le public n'attachant pas de sens intrinsèque à l'emploi d'un monogramme de deux lettres. 31. Il faudrait alors, pour que le public associe les marques en cause malgré leur très faible similitude et leur construction et leur agencement différents, que la marque LV soit si renommée que le public lui associe tout autre monogramme de deux lettres contenant un V (sauf ceux associant ce V à C, O, Q ou S). Mais cette association, cette fusion, même, entre un procédé commun et la marque de la demanderesse, n'est pas démontrée, ni même alléguée, la société Louis vuitton se défendant au contraire de chercher à interdire « tout monogramme quelconque » ou l'usage par la défenderesse de ses initiales. 32. Il en résulte que, même pour des produits identiques, les marques en cause sont trop peu similaires pour que le public pertinent, à savoir le grand public, établisse un lien entre elles. Ce qui exclut toute possibilité d'atteinte à la renommée, et justifie le rejet des demandes en contrefaçon. II . Demandes subsidiaires en parasitisme 33. Est fautif, au sens de l'article 1240 du code civil, le fait, pour un agent économique, de se placer dans le sillage d'une entreprise en profitant indûment des investissements consentis ou de sa notoriété, ou encore de ses efforts et de son savoir-faire ; qualifié de parasitisme, il résulte d'un ensemble d'éléments appréhendés dans leur globalité (Cass. Com., 4 février 2014, no13-11.044 ; Cass. Com., 26 janvier 1999, no 96-22.457), et qu'il faut interpréter au regard du principe de liberté du commerce et de l'industrie. 34. Il incombe donc à celui qui impute à un tiers des actes parasitaires de rapporter ce qui est le fruit d'investissements et efforts humains et financiers de sa part, lesquels ne se déduisent pas de la seule longévité et du succès de la commercialisation de l'objet copié ou imité (Cass. Com. 5 juillet 2016, no14-10.108). 35. La société Louis vuitton n'expose pas en quoi l'emploi d'initiales en tant que fermoir de sac, pivotant ou non, ou en tant que boucle de ceinture, serait le fruit d'investissements particuliers lui ayant conféré une valeur économique individualisée. Elle ne démontre, ni même n'allègue, au demeurant, avoir été la seule, ou la première, entreprise à procéder de la sorte, et moins encore en quoi cette seule idée lui appartiendrait. L'emploi des initiales en cause, qui ne contrefont pas les marques invoquées, ne saurait être en lui-même fautif ; pas plus que leur emploi comme boucle de sac. Quant à l'usage du terme Monogram en anglais, il est certes inusuel, mais n'est pas davantage appropriable par la demanderesse, même associé à l'emploi effectif d'un monogramme pour de la maroquinerie. Ainsi, les faits litigieux, tant individuellement que pris dans leur ensemble, ne caractérisent pas l'appropriation d'un investissement identifié de la demanderesse. 36. Par conséquent, les demandes fondées sur le parasitisme sont également rejetées. III . Dispositions finales 37. Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. L'article 700 du même code permet au juge de condamner en outre la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre, pour les frais exposés mais non compris dans les dépens, une somme qu'il détermine, en tenant compte de l'équité et de la situation économique de cette partie. 38. Perdant le procès, la société Louis vuitton est tenue aux dépens, et doit indemniser la défenderesse de ses frais, qui peuvent être estimés, en l'absence de justificatif mais aussi au regard de l'ampleur du procès qu'elle a intenté et qui est corroborée par le montant de sa propre demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à 30 000 euros. 39. Enfin, l'exécution provisoire est de droit, c'est-à-dire qu'elle s'applique à la décision sans que le tribunal ait à la prononcer, sauf à ce qu'il l'écarte, et aucun motif ne justifie de l'écarter ici. PAR CES MOTIFS Le tribunal : Rejette l'ensemble des demandes de la société Louis vuitton malletier ; La condamne aux dépens ainsi qu'à payer 30 000 euros à la société ZV France au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Fait et jugé à Paris le 17 Février 2023 Le Greffier La PrésidenteQuentin CURABET Irène BENAC
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JURITEXT000047527028
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ARRET
Cour d'appel de Paris, 11 septembre 2020, 18/242107
2020-09-11
Cour d'appel de Paris
Autre décision avant dire droit
18/242107
G1
PARIS
Copies exécutoires délivrées aux parties le RÉPUBLIQUE FRANÇAISEAU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS Cour d'appel de Paris Pôle 4 - chambre 1 Arrêt du 11 septembre 2020 (no /2020, pages) Numéro d'inscription au répertoire général : RG 18/24210-Portalis 35L7-V-B7C-B6XPN Décision déférée à la cour : jugement du 17 septembre 2018 -tribunal de grande instance d'EVRY - RG no 13/07569 APPELANTS Monsieur [A] [B][Adresse 4][Localité 24] Madame [H] [C] épouse [B][Adresse 4][Localité 24] Représentés par Me Chantal MEININGER BOTHOREL de la SELARL PEISSE DUPICHOT LAGARDE BOTHOREL et Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : J149 et par Me Thomas COLLOMBIER de la SELARL AD LITEM JURIS, avocat au barreau de l'ESSONNE INTIMES Monsieur [W] [L][Adresse 5][Localité 24] Madame [U] [DE] épouse [L][Adresse 5][Localité 24] Représentés par Me Pierre-Yves SOULIE de la SELARL EGIDE AVOCATS, avocat au barreau d'ESSONNE Commune [Localité 24] prise en la personne de son maire en exercice [Adresse 8][Adresse 8][Localité 24] Représentée par Me François LE BAUT, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINEet par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065 Composition de la cour : L'affaire a été débattue le 25 juin 2020, en audience publique, devant la cour composée de :M. Claude Creton, présidentMme Monique Chaulet, conseiller Mme Agnès Bisch, conseiller qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur Claude Creton, président dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile. Greffier : lors des débats : M. Grégoire Grospellier Arrêt :- contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.- signé par Claude Creton, président et par Grégoire Grospellier, greffier présent lors de la mise à disposition. *** M. et Mme [B] sont propriétaires d'une parcelle située à [Adresse 4], cadastrée section AC no [Cadastre 10], pour l'avoir acquise par acte du 1er octobre 1971. Cette parcelle est contigüe, à l'est, de la parcelle no [Cadastre 1] appartenant à M. et Mme [L]. Au sud, ces deux parcelles sont longées par le ruisseau [Localité 15]. Cet acte stipule que la parcelle no [Cadastre 10] bénéficie d'une servitude de passage sur les terrains se trouvant à l'est pour rejoindre le chemin rural et est grevé d'une servitude de passage au profit des terrains situés à l'ouest appartenant à M. [J] et M. [E]. Un procès-verbal de bornage amiable a été réalisé avec M. [L], propriétaires des parcelles cadastrées section AC no [Cadastre 2] et [Cadastre 3]. Faisant valoir qu'ils sont propriétaires du chemin, situé au sud de la parcelle de M. et Mme [L], qui longe le ruisseau [Localité 15] et débouche sur le [Adresse 14], le cas échéant pour l'avoir acquis par une possession trentenaire, et que M. et Mme [L] ont réalisé des travaux sur ce chemin, M. et Mme [B], contestant que le procès-verbal de bornage, qui n'a pas été publié au service de la publicité foncière, constitue un accord sur les limites de propriété, ont assigné M. et Mme [L] et la commune de [Localité 24]. Dans leurs dernières conclusions, ils ont demandé au tribunal, de condamner M. et Mme [L] à leur restituer cette bande de terrain, à déposer les clôtures faisant obstacle au droit de passage dont bénéficient les fonds situés à l'ouest de leur parcelle, à remettre en état les lieux et à leur payer une somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts. Subsidiairement, ils ont demandé au tribunal de constater qu'ils bénéficient d'une servitude légale de passage en raison de l'état d'enclave de leur fonds, cette servitude grevant le fonds de M. [L] afin de leur permettre de rejoindre le [Adresse 13]. A titre plus subsidiaire, ils ont sollicité la désignation d'un géomètre-expert avec mission de vérifier les titres de propriété et de déterminer l'assiette du terrain dont ils sont propriétaires. Ils ont en outre demandé au tribunal de déclarer le jugement commun à la commune de [Localité 24]. Par jugement du 17 septembre 2018, le tribunal de grande instance d'Evry a :- déclaré M. et Mme [B] mal fondés en leurs demandes ;- débouté M. et Mme [L] de leur demande reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts ;- dit n'y avoir lieu à la mise hors de cause de la commune de [Localité 24] ;- condamné in solidum M. et Mme [B] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à payer à M. et Mme [L] la somme de 3 000 euros et à la commune de [Localité 24] la somme de 1 800 euros. Pour exclure l'acquisition par usucapion de la bande de terrain litigieuse, le tribunal a retenu que M. et Mme [B] ne justifient d'aucun acte de possession sur ce terrain qui a été clos en 1975 et alors qu'ils n'établissent avoir entretenu cette bande de terrain qu'une seule fois en 2011. Et pour écarter l'existence d'une servitude de passage au profit du fonds de M. et Mme [B], le tribunal a retenu que leur terrain n'était pas enclavé puisqu'ils disposent d'un accès à la voie publique au Nord et utilisent cet accès depuis qu'ils ont acquis leur terrain. M. et Mme [B] ont interjeté appel de ce jugement dont ils sollicitent l'infirmation. Ils demandent à la cour de constater qu'ils sont propriétaires de la bande de terrain litigieuse, de condamner M. et Mme [L] à la leur restituer, à déposer la clôture faisant obstacle au droit de passage dont bénéficient les fonds situés à l'ouest de leur parcelle, à remettre les lieux en leur état initial et à leur payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts, outre 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. A l'appui de leur action en revendication de la propriété de la bande de terrain litigieuse, M. et Mme [B] font d'abord valoir que le procès-verbal de bornage ne vaut pas accord des parties sur la propriété de la parcelle litigieuse mais seulement sur l'implantation des bornes. Ils ajoutent que le document d'arpentage du 24 mars 1969 figurant les trois parcelles nées du partage de la propriété [S], de laquelle est issue leur parcelle, a été publié à la conservation des hypothèques et qu'il résulte de ce document que la bande de terrain litigieuse est rattachée à cette parcelle qu'ils ont ensuite acquise de M. [S]. Ils ajoutent que la preuve de leur droit de propriété sur la bande de terrain résulte d'abord du titre en vertu duquel ils ont acquis leur parcelle de M. [G] [S] qui indique que cette parcelle comprend le passage d'environ 4 mètres le long du ruisseau [Localité 15] jusqu'au chemin rural no 24, devenu CR 25 puisque la parcelle acquise est désignée comme suit : "37 ares 95 centiares d'après le cadastre de terre sis commune de [Localité 24], lieudit [Adresse 11].Tenant : d'un bout le [Adresse 13]D'autre bout un ruisseauD'un côté [S]D'un autre côté : [L]", Ils font ensuite valoir que le cadastre intègre également ce chemin dans la parcelle cadastrée AC [Cadastre 10] et produisent plusieurs attestations de témoins indiquant utiliser le chemin pour accéder à la propriété de M. et Mme [B] ou au contraire pour accéder au chemin rural. Sur l'acquisition de la propriété du chemin litigieux par prescription, M. et Mme [B] font état d'une possession trentenaire paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire. A titre subsidiaire, dans l'hypothèse ou leur action en revendication sur ce chemin ne serait pas accueillie, ils font valoir que leur terrain serait alors enclavé et revendiquent une servitude légale de passage sur le fonds de M. et Mme [L] afin d'accéder à la voie publique. M. et Mme [L], formant un appel incident, demandent à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il rejette leur demande en paiement de dommages-intérêts en réparation de leurs préjudices moral et matériel. Ils réclament en conséquence la condamnation de M. et Mme [B] à leur payer la somme de 10 000 euros en réparation de leur préjudice moral et la somme de 14 828,60 euros en réparation de leur préjudice matériel, ainsi qu'une somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Pour conclure à un droit de propriété sur la bande de terrain litigieuse, ils se fondent d'abord sur le titre de propriété de leur auteur, M. [D] qui a acquis la parcelle cadastrée section B [Cadastre 6] des consorts [S] et sur l'acte par lequel ils ont acquis cette parcelle de M. [D] qui désignent l'un et l'autre comme suit le bien vendu :Tenant :Par devant le [Adresse 12] à [Localité 22] (actuellement [Adresse 13] au nord de la parcelle) ;Par derrière [Localité 15] (au sud de la parcelle) ;D'un côté [I] [K]Autre côté [XC] [K] ; Ils ajoutent que leur titre ne fait état d'aucune servitude de passage SUR CE, Attendu que la preuve de la propriété peut se faire par tout moyen tels que les titres de propriété, la possession ainsi que tous les indices rendant vraisemblable la propriété ; qu'en tant qu'ils constituent un fait, les titres peuvent être opposés à un tiers qui n'a pas été partie à l'acte, la question de la preuve de la propriété ne relevant pas des règles d'opposabilité des actes aux tiers ; Attendu que titre de propriété de M. et MM. [L] (acte de vente par les époux [D] du 25 septembre 1969) porte sur la parcelle anciennement cadastrée section B no [Cadastre 6] désignée comme suit : "Tenant : - Pardevant le [Adresse 12] à [Localité 22]- Parderrière [Localité 15]- d'un côté [I] [K]- d'autre côté [K] [XC]" ;qu'il peut se déduire de ce titre que la parcelle, dans sa partie sud, s'étend jusqu'au ruisseau [Localité 15], ce qui serait de nature à établir la propriété de M. et Mme [L] sur la bande de terrain litigieuse ; Attendu que le titre de propriété de M. et Mme [B] (acte de vente par M. [S] du 1er octobre 1971) porte sur la parcelle cadastrée section B no [Cadastre 9] d'une contenance de 37 a 95 ca désignée comme suit :"Tenant : d'un bout le [Adresse 13] d'autre bout un ruisseau d'un côté cts [S] d'autre côté [L]" ; Attendu qu'en indiquant que la parcelle s'étend jusqu'au ruisseau, cette disposition ne permet pas d'exclure la propriété de M. et Mme [B] sur la bande de terrain litigieuse ; qu'en outre, l'indication de l'origine de propriété de la parcelle précise :"EN LA PERSONNE DE MONSIEUR [S]Ledit immeuble appartient en propre à Monsieur [S], vendeur, comme faisant partie du lot qui lui a été attribué, aux termes d'un acte reçu par Me [F], notaire à [Localité 16], prédécesseur immédiat du notaire soussigné le onze septembre mil neuf cent quarante cinq contenant :1) DONATION à titre de partage anticipé conformément aux articles 1075 et 1076 du code civil, par Mme [Y] [V] [O] [HS], sans profession, demeurant à [Adresse 19], veuve en premières noces non remariée de Monsieur [T] [M] [S] à :1)...2)...3) et Monsieur [S] vendeur aux présentes.DE LA NUE PROPRIETE pour y réunir l'usufruit au décès de la donatricede tous les biens immeubles lui appartenant en proprede la moitié lui appartenant dans les biens immeubles dépendant de la communauté de biens réduite aux acquêts aux terme de son contrat de mariage reçu par Me [X], notaire à [Localité 16] le deux mars mil huit cent quatre vingt dix neuf.2) et PARTAGE entre les donataires des biens à eux donnés.(...)Ladite donation partage est devenue définitive attendu le décès de Mme Vve [S] arrivé à [Localité 16], en son domicile, le trente octobre mil neuf cent soixante quatre ainsi que le constate une attestation de propriété dressé après ledit décès par Me [N], Notaire soussigné le quatorze octobre mil neuf cent soixante six, publié au bureau des hypothèques de [Localité 21] le six janvier mil neuf cent soixante sept, volume 5227 numéro 4. DU CHEF DE Mme [S]Ledit immeuble appartenait en propre à Mme [E], Mme [J] et Mr [S], donataires sus nommés, sauf les droits d'usufruit de Mme Vve [S] leur mère, donatrice sus nommée, pour les avoir recueillis dans la succession de Monsieur [M] [S], leur père, en son vivant cultivateur, demeurant à [Adresse 18] où il est décédé le vingt six mars mil neuf cent quarante, époux de Mme [Y], [V] [O] [HS], donatrice, et duquel ils étaient héritiers conjointement pour le tout ou divisément chacun pour un tiers, ains que le constate un acte de notoriété dressé par Me [F] notaire sus nommé le dix huit mars mil neuf cent quarante deux. En la personne de Mr [K] [M] [S]Ledit immeuble appartenait en propre à Mr [K] [M] [S], comme ayant composé avec d'autres le lot qui lui est échu par voie de tirage au sort, aux termes d'un acte reçu par Me [X] notaire à [Localité 16] le vingt sept décembre mil neuf cent neuf, contenant entre :1) Monsieur [I] [TM] [S] ancien marchant grainetier, et Mr [K] [M] [S],le partage entre les successions confondues de Monsieur [M] [TM] [S], et Mme [R] [P] [J], son épouse, demeurant ensemble à [Adresse 17], où ils sont tous deux décédés...". Attendu que l'acte de donation partage du 11 septembre 1945, décrit comme suit la parcelle cadastrée section B no [Cadastre 7], d'une contenance de 1 ha 13 a 83 ca, lieudit [Localité 15] ou le [Adresse 11] : "tenant du nord le chemin rural [Adresse 20] à [Localité 23], du midi le ruisseau dit [Localité 15] et le chemin no 24, de l'est [I] [S], et de l'Ouest [Z] observation faite que dans cette contenance se trouve compris un passage de six mètres de largeur (moitié du ruisseau compris) pour permettre à Monsieur [I] [S], propriétaire voisin d'accéder au chemin rural no 24 (souligné par la cour)" ; que cette description est de nature à établir la propriété de l'auteur de M. et Mme [B] sur la bande de terrain longeant le ruisseau jusqu'au chemin rural no 24 ; Attendu qu'il convient d'ordonner la réouverture des débats et d'inviter aux parties à produire dans leur intégralité :- l'acte de vente du 25 septembre 1969 au profit de M. et Mme [L] (l'acte produit n'étant pas intégral) et les actes qu'il vise dans la partie relative aux origines du bien ;- les actes visés par l'acte de vente au profit de M. et Mme [B] du 1er octobre 1971dans la partie relative aux origines du bien, outre l'acte de donation partage du 11 septembre 1945 déjà produit, l'acte de partage du 27 décembre 1909 au profit de [I] [TM] [S] et de [K] [M] [S] des successions de [M] [TM] [S] et de son épouse [R] [P] [J], acte en vertu duquel la parcelle acquise par M. et Mme [B] avait été attribuée à [K] [M] [S] ; PAR CES MOTIFS Statuant publiquement Ordonne la réouverture des débats et révoque l'ordonnance de clôture ; Invite les parties à produire, dans leur intégralité, les actes suivants :- l'acte de vente du 25 septembre 1969 au profit de M. et Mme [L] (l'acte produit n'étant pas intégral) et l'ensemble des actes qu'il vise dans la partie relative aux origines du bien ;- les actes visés par l'acte de vente au profit de M. et Mme [B] du 1er octobre 1971dans la partie relative aux origines du bien, outre l'acte de donation partage du 11 septembre 1945 déjà produit, l'acte de partage du 27 décembre 1909 au profit de [I] [TM] [S] et de [K] [M] [S] des successions de [M] [TM] [S] et de son épouse [R] [P] [J], acte en vertu duquel la parcelle acquise par M. et Mme [B] avait été attribuée à [K] [M] [S] ; Renvoie à l'audience du jeudi 4 mars 2021 pour clôture (en cabinet) et au 18 mars 2021 à 14 heures en salle Portalis, escalier Z, 2 ème étage plaidoirie ; Réserve les droits des parties ainsi que les dépens. Le greffier Le président
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JURITEXT000047527029
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ARRET
Cour d'appel de Paris, 11 septembre 2020, 18/044187
2020-09-11
Cour d'appel de Paris
Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
18/044187
G1
PARIS
Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISEdélivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS Cour d'appel de Paris Pôle 4 - chambre 1 Arrêt du 11 septembre 2020 (no /2020, pages) Numéro d'inscription au répertoire général : RG 18/04418-Portalis 35L7-V-B7C-B5FAQ Décision déférée à la cour : jugement du 15 janvier 2018 -tribunal de grande instance d'Evry - RG 16/04643 APPELANTS M. [X] [K][Adresse 3][Localité 11] Mme [V] [N][Adresse 3][Localité 11] Représentés par Me Jean-Pierre DELAUCHE de la SCP DELAUCHE-CHASSAING, avocat au barreau de l'Essonne INTIMES Mme [P] [W][Adresse 1][Localité 9] n'a pas constitué avocat M. [Z] [W][Adresse 12][Localité 2] n'a pas constitué avocat M. [E] [W][Adresse 7][Localité 9] n'a pas constitué avocat Mme [T] [W] épouse [B][Adresse 6][Localité 10] n'a pas constitué avocat Mme [I] [W][Adresse 1][Localité 8] n'a pas constitué avocat SARL [Localité 13] Transac exerçant sous le nom commercial « Agence UDI » prise en la personne de son gérant en exercice domicilié en cette qualité audit siège [Adresse 5][Localité 9] Représentée par Me Manuel RAISON de la SELARL Société d'exercice libéral RAISON-CARNEL, avocat au barreau de Paris, toque : C2444 INTERVENANT Monsieur [A] [W]Intervenant forcé[Adresse 1][Localité 8] n'a pas constitué avocat Composition de la cour : En application : - de l'article 4 de la loi no 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19;- de l'ordonnance no 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété, notamment ses articles 1er et 8 ;- de l'ordonnance no 2020-306 du 25 mars 2020 modifiée relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période ; L'affaire a été retenue selon la procédure sans audience le 11 mai 2020, les avocats y ayant consenti expressément ou ne s'y étant pas opposés dans le délai de 15 jours de la proposition qui leur a été faite de recourir à cette procédure; La cour composée comme suit en a délibéré : M. Claude Creton, président,Mme Christine Barberot, conseillère, Mme Monique Chaulet, conseillère,Arrêt :-réputé contradictoire- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.- signé par M. Claude Creton, président et par M. Grégoire Grospellier, greffier lors de la mise à disposition. *** Mme [P] [G] veuve [W] et ses enfants, M. [Z] [W], M. [E] [W], Mme [T] [W] épouse [B], M. [A] [W] et Mme [I] [W], étaient propriétaires d'un terrain cadastré section AN numéro [Cadastre 4] sis [Adresse 1] à [Localité 9] (91). Par acte sous seing privé du 16 avril 2015, les consorts [W] ont donné mandat à l'agence UDI de vendre le terrain à bâtir susmentionné au prix de 154 000 euros. Par acte sous seing privé du 30 mai 2015 était signée une promesse synallagmatique de vente entre les consorts [W] et M. [K] et Mme [N] portant sur ce bien sous condition suspensive notamment du dépôt par les acquéreurs d'une demande de permis de construire. La date de réitération de l'acte par acte authentique était fixée au plus tard au 28 décembre 2015. Par actes d'avril et mai 2016, les consorts [K] – [N] ont fait assigner les consorts [W] et l'agence immobilière et ont sollicité l'engagement de la responsabilité des vendeurs et leur condamnation au montant de la clause pénale ainsi que l'engagement de la responsabilité délictuelle de l'agence immobilière en raison du défaut d'information. Par jugement réputé contradictoire en date du 15 janvier 2018, les consorts [W] n'ayant pas constitué avocat, le tribunal de grande instance d'Evry a débouté M. [K] et Mme [N] de leur demande à l'encontre de Mme [P] [G] veuve [W], M. [Z] [W], M. [E] [W], Mme [T] [W] épouse [B], M. [A] [W] et Mme [I] [W] sur le fondement de la clause pénale, de leur demande à l'encontre de la SARL [Localité 13] Transac exerçant sous le nom commercial « agence UDI » sur le fondement de la responsabilité délictuelle, a condamné in solidum M. [K] et Mme [N] à verser à la SARL [Localité 13] Transac agissant sous le nom commercial « agence UDI » la somme de 1800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, les a déboutés de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les a condamnés in solidum aux dépens. Par déclaration en date du 27 février 2018, M. [K] et M. [N] ont interjeté appel de ce jugement à l'encontre de Mme [P] [W], M. [Z] [W], M. [E] [W], Mme [T] [W] épouse [B], Mme [I] [W] et la SARL [Localité 13] Transac, intimés. La déclaration d'appel et les conclusions de M. [K] et [N] ont été signifiées aux intimés qui n'ont pas constitué avocat à l'exception de la SARL [Localité 13] Transac qui a conclu. La clôture de l'instruction est intervenue le 12 septembre 2019 et les parties entendues à l'audience du 27 septembre 2019. La présente cour, après avoir constaté qu'un des indivisaires, M. [A] [W], n'est pas visé par la déclaration d'appel alors qu'il était propriétaire indivis du bien objet de la promesse synallagmatique de vente sur laquelle porte le litige, a ordonné la réouverture des débats par arrêt en date du 15 novembre 2019 et a enjoint à M. [K] et à Mme [N] de délivrer à M. [A] [W] une assignation en intervention forcée à l'instance d'appel en cours, a sursis à statuer sur les demandes et réservé les dépens. Par leurs dernières conclusions, M. [K] et Mme [N] demandent à la cour de :- infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,Statuant à nouveau,- dire que les consorts [W] et leur mandataire, la société [Localité 13] Transac, ont failli à leur obligation d'information ainsi qu'à leur obligation de délivrance,En conséquence, - condamner les consorts [W] à les indemniser de leur préjudice et, faisant application de la cause pénale, les condamner à leur payer la somme de 14 000 euros,- condamner solidairement ou à tout le moins in solidum et sur le fondement de l'article 1382 du code civil la société [Localité 13] Transac à leur verser la somme de 14 000 euros à titre de dommages et intérêts en indemnisation du préjudice qu'ils subissent depuis le 30 mai 2015,- condamner les mêmes que dessus sous la même solidarité à leur verser 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,- les condamner en tous les dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de la SCPA Delauche-Chassaing, avocats aux offres de droit, qui pourra les recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. Par ses dernières conclusions, la société [Localité 13] Transac demande à la cour de : A titre liminaire,- ordonner le rabat de la clôture et recevoir ses écritures,- à défaut rejeter les conclusions d'appelant et les pièces 11 à 16 communiquées la veille de la clôture, A titre principal,- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a : . débouté M. [K] et Mme [N] de leur demande à l'encontre de Mme [P] [G] veuve [W], M. [Z] [W], M. [E] [W], Mme [T] [W] épouse [B], M. [A] [W] et Mme [I] [W] sur le fondement de la clause pénale, . débouté M. [K] et Mme [N] de leur demande à l'encontre de la SARL [Localité 13] Transac exerçant sous le nom commercial « agence UDI » sur le fondement de la responsabilité délictuelle, . condamné in solidum M. [K] et Mme [N] à verser à la SARL [Localité 13] Transac agissant sous le nom commercial « agence UDI » la somme de 1800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, . débouté M. [K] et Mme [N] de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile . condamné in solidum M. [K] et Mme [N] aux dépens,- constater qu'elle n'a pas commis de faute,- constater l'absence de lien de causalité entre sa mission et les préjudices allégués,- constater l'absence de préjudice indemnisable opposable à l'agence UDI,En conséquence,- débouter M. [K] et Mme [N] de l'ensemble de leurs demandes à l'encontre de l'agence UDI,En toute hypothèse,- condamner M. [K] et Mme [N] in solidum à lui verser 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens avec distraction au profit de a SELARL Raison Carnel conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. La déclaration d'appel et les conclusions d'appelant ont été régulièrement signifiées à Mme [P] [G] veuve [W], M. [Z] [W], M. [E] [W], Mme [T] [W] épouse [B] et Mme [I] [W] qui n'ont pas constitué avocat. M. [A] [W] a été assigné en intervention forcée le 29 novembre 2019 par acte délivré à personne ; il n'a pas constitué avocat. La clôture a été ordonnée le 5 juin 2020. SUR CE, Sur les demandes la société [Localité 13] Transac à titre liminaire Dès lors que la révocation de la clôture et la réouverture des débats ont été ordonnées par arrêt de cette chambre en date du 15 novembre 2019, il n'y a plus lieu de statuer sur la demande de rabat de clôture présentée à titre liminaire par la société [Localité 13] Transac par conclusions signifiées par RPVA le 18 septembre 2019. Sur la demande en paiement de la clause pénale à l'encontre des consorts [W] Mme [N] et M. [K] sollicitent la condamnation des consorts [W] à leur verser le montant de la clause pénale stipulé dans la promesse synallagmatique de vente du 30 mai 2015 en cas de non réalisation d'une condition suspensive. Cet acte a été signé notamment sous condition suspensive du dépôt par les acquéreurs d'une demande de permis de construire. L'acte prévoyait également une condition suspensive relative à l'obtention d'une déclaration préalable de division purgée de tous droits et recours en faveur du vendeur avant la signature de l'acte authentique, cette condition suspensive n'ayant pas été soulevée. Le promesse porte sur la vente d'un terrain à construire non viabilisé correspondant à un lot d'une parcelle en cours de division, les conditions particulières de l'acte stipulant que l'acquéreur fait son affaire personnelle de l'aménagement, de la création d'un chemin d'accès et des clôtures, et que les travaux de viabilisation du terrain sont à la charge exclusive de l'acquéreur. Par courrier au constructeur en date du 10 novembre 2015, la mairie a fait connaître à ce dernier que le délai d'instruction de la demande de permis de construire ne courrait pas car le dossier déposé était incomplet, que la [Adresse 14] est une voie en partie privée gérée par GFC et que la viabilisation du terrain pour la création d'accès et le raccordement aux réseaux existants sont subordonnés à l'octroi d'un accord écrit du propriétaire qui manque au dossier, cette prescription étant indiquée sur la déclaration préalable valant division accordée le 19 août 2015. Le permis de construire a été accordé par arrêté du 26 février 2016 sous réserve du droit des tiers et du respect des prescriptions mentionnées dans l'arrêté, celui-ci précisant notamment que l'accès desservant le terrain devra être mutualisé avec le lot C afin de conserver le maximum d'espaces verts sur le domaine public, réserve émise lors de la division, et que toute modification des aménagements existants nouvellement créés sur la Ruelle des Glaises devra faire l'objet d'une remise en état. Le 11 mars 2016, Mme [N] et M. [K] ont indiqué à Mme [W] leur décision de résilier leur engagement d'acquérir le terrain du lot B au motif que celui-ci est enclavé et ne dispose d'aucune voie publique et que le fait mentionné par la mairie sur le permis de construire que l'accès devait être mutualisé ne figurait pas sur le compromis. Il résulte des termes du compromis de vente que la clause pénale est due par une partie qui viendrait à refuser de régulariser la vente par acte authentique dans le délai imparti sauf à justifier de l'application d'une condition suspensive. En l'espèce, dès lors que ce sont Mme [N] et M. [K] qui ont renoncé à régulariser la vente, ils ne sont pas fondés à demander la condamnation des consorts [W] à leur payer la clause pénale. Mme [N] et M. [K] invoquent le défaut d'information et le défaut de délivrance conforme imputable aux consorts [W] au soutien de leur demande de clause pénale. En l'espèce, le défaut d'information et le défaut de délivrance, s'il était avéré, n'est pas de nature à justifier la condamnation des vendeurs à payer la clause pénale mais des dommages et intérêts aux acquéreurs. Néanmoins Mme [N] et M. [K] n'invoquent ni ne démontrent l'existence d'un préjudice. Ils seront donc déboutés de leur demande et le jugement confirmé de ce chef. Sur la demande de dommages et intérêts à l'encontre de la SARL [Localité 13] Transac exerçant sous le nom commercial « agence UDI » Mme [N] et M. [K] sollicitent la condamnation de la SARL [Localité 13] Transac à leur payer 14 000 euros de dommages et intérêts sur le fondement de sa responsabilité délictuelle pour défaut d'information. La société [Localité 13] Transac conteste le fondement de sa responsabilité et s'oppose à la demande en l'absence de préjudice démontré. En l'espèce, Mme [N] et M. [K], qui se contentent d'affirmer qu'ils ont subi un préjudice du fait de la nécessité de renoncer à la vente en raison de l'incapacité des vendeurs de satisfaire à leur obligation de délivrance dont ils demandent réparation, n'établissent pas la réalité et la matérialité de ce préjudice. En conséquence, et sans qu'il y ait lieu à analyser le défaut d'information allégué, il convient, de les débouter de leur demande et de confirmer le jugement de ce chef. Sur l'article 700 du code de procédure civile Il y a lieu de condamner Mme [N] et M. [K] à payer à la société [Localité 13] Transac la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, Confirme le jugement en toutes ses dispositions, Condamne Mme [N] et M. [K] à payer à la société [Localité 13] Transac la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, Condamne Mme [N] et M. [K] aux dépens avec distraction au profit de la SELARL Raison Carnel pour ceux engagés pour la société [Localité 13] Transac. Le greffier, Le président,
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JURITEXT000047527030
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ARRET
Cour d'appel de Paris, 11 septembre 2020, 19/054917
2020-09-11
Cour d'appel de Paris
Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
19/054917
G1
PARIS
Copies exécutoires délivrées aux parties le REPUBLIQUE FRANCAISEAU NOM DU PEUPLE FRANCAIS COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 4 - Chambre 1 ARRET DU 11 SEPTEMBRE 2020 (no /2020, pages) Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 19/05491 - No Portalis 35L7-V-B7D-B7QG3 Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Décembre 2018 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG no 17/14928 APPELANTE Madame [F] [G][Adresse 3][Localité 5] Représentée par Me Marc MANCIET de la SELARL MBS Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : W02 INTIME Monsieur [V] [X]chez ses parents sis [Adresse 2][Localité 1] Représenté par Me Guillaume DAUCHEL de la SELARL Cabinet SEVELLEC, avocat au barreau de PARIS, toque : W09 et par Me Gisèle COHEN AMZALLAG, avocat au barreau de PARIS, toque : B0342 Composition de la cour : En application des dispositions de l'article 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 juin 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Monique Chaulet, conseiller, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : M. Claude Creton, présidentMme Christine Barberot, conseillère Mme Monique Chaulet, conseillère Greffier, lors des débats : M. Grégoire Grospellier Arrêt :- contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.- signé par Claude Creton, Président et par Grégoire Grospellier, greffier lors de la mise à disposition. ***Par acte de la SCP Pascal Bussière et Eric Dubost du 24 mai 2016, Mme [F] [G] a promis de vendre à M. [V] [X] au prix de 190 000 euros un bien immobilier dans un immeuble en copropriété sis [Adresse 4]. La vente a été conclue par acte de la SCP Pascal Bussière et Eric Dubost en date du 29 juillet 2016. M. [X] a assigné Mme [G] en nullité de la vente. Par jugement en date du 26 décembre 2018, le tribunal de grande instance de Paris a prononcé la nullité de la vente du 29 juillet 2016 portant sur les lots de copropriété 25 et 33 dépendant de l'immeuble sis [Adresse 4] cadastré section [Cadastre 6], a condamné Mme [G] à payer à M. [X] la somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice moral, a débouté de M. [X] de sa demande pour résistance abusive et condamné Mme [G] à verser à M. [X] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens. Mme [G] a interjeté appel de ce jugement. Par ses dernières conclusions, elle demande à la cour de : . vu l'article 28,4o,c) du décret du 4 janvier 1955, de déclarer M. [X] irrecevable en sa demande de nullité de la vente,. subsidiairement, vu les articles 1130, 1131 et 1137 du code civil, de dire qu'elle n'était pas informée du mauvais état général de la structure de l'immeuble, qu'elle a informé M. [X] de l'ensemble des problèmes de structure afférents à l'immeuble connus d'elle, de juger qu'elle n'a commis aucune manoeuvre dolosive et que M. [X] n'est pas fondé à pouruivre la nullité de la vente tant sur le fondement du dol que des vices cachés,en conséquence, infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et statuant à nouveau,. déclarer M. [X] irrecevable en ses demandes et l'en débouter,. le condamner à lui payer un euro de dommages et intérêts, 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens. Par ses dernières conclusions, M. [X] demande à la cour de : . confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la nullité de la vente,en conséquence,. condamner Mme [G] à lui payer 190 000 euros au titre de la restitution du prix de vente,. condamner Mme [G] au remboursement intégral des frais de mutation, frais d'enregistrement et frais de notaire relatifs à l'acte de vente,. condamner Mme [G] au paiement de la somme de 37 680 euros au titre des appels de provisions pour travaux,. condamner Mme [G] au paiement de la somme de 3 925 euros au titre des appels de charges de copropriété générales,. condamner Mme [G] au paiement de la somme de 793 euros au titre de la taxe foncière,. condamner Mme [R] paiement de la somme de 356,26 euros au titre de l'assurance habitation,et pour garantir la bonne exécution de l'arrêt à intervenir,. contraindre Mme [G] au paiement intégral du prix de vente et des frais précités avant dessaisissement du bien,. autoriser la prise d'hypothèque sur le bien litigieux et sur tout bien appartenant à Mme [G],à titre subsisidaire, si la cour infirmait le jugement entrepris,. prononcer la résolution du contrat de vente au titre de l'action rédhibitoire sur le fondement des vices cachés,. juger que les parties devront être remises dans l'état où elles se trouvaient avant la conclusion de la vente, en conséquence,. condamner Mme [G] à lui payer 190 000 euros au titre de la restitution du prix de vente,. condamner Mme [G] au remboursement intégral des frais de mutation, frais d'enregistrement et frais de notaire relatifs à l'acte de vente,. condamner Mme [G] au paiement de la somme de 37 680 euros au titre des appels de provisions pour travaux,. condamner Mme [G] au paiement de la somme de 3 925 euros au titre des appels de charges de copropriété générales,. condamner Mme [G] au paiement de la somme de 793 euros au titre de la taxe foncière,. condamner Mme [G] au paiement de la somme de 356,26 euros au titre de l'assurance habitation,et pour garantir la bonne exécution de l'arrêt à intervenir,. contraindre Mme [G] au paiement intégral du prix de vente et des frais précités avant dessaisissement du bien,. autoriser la prise d'hypothèque sur le bien litigieux et sur tout bien appartenant à Mme [G],à titre plus subsidiaire,. juger que Mme [G] engage sa responsabilité du faite de ses manoeuvres dolosives à son encontre,en conséquence,. condamner Mme [G] à lui payer 190 000 euros au titre de la perte de chance d'acquérir le bien litigieux ou tout autre bien dans des conditions normales,. payer à M. [X] la somme de 570 euros par mois depuis le 11 avril 2017 au titre de la parte des revenus locatifs jusqu'à la fin des travaux et à parfaire sous toutes réserves,. lui payer la somme de 37 680 euros au titre des travaux de structure de l'immeuble à parfaire sous toutes réserves,. lui payer la somme de 2 459,60 euros au titre des travaux avancés effectués au 3èmeétage de l'immeuble tel que visé dans la promesse,. dire que Mme [G] garantira l'ensemble du montant des réparations inhérentes à la reprise de la structure de l'immeuble,en tout état de cause,. condamner Mme [G] à lui payer la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l'appel. La clôture de l'instruction a été ordonnée le 11 juin 2020. SUR CE Sur l'irrecevabilité de la demande Au terme des dispositions de l'article 28,4o,c) du décret du 4 janvier 1955 invoqué par Mme [G] au soutien de l'irrecevabilité de la demande de nullité de M. [X], sont obligatoirement publiées au service de la publicité foncière "Les demandes en justice tendant à obtenir, et les actes et décisions constatant, la résolution, la révocation, l'annulation ou la rescision d'une convention ou d'une disposition à cause de mort;". Cette disposition ne s'applique pas en l'espèce dès lors que la demande de nullité de la vente est fondée sur le dol et non sur une cause de mort. L'irrecevabilité de la demande n'est donc pas établie. Sur la nullité de la vente Au soutien de son appel, Mme [G] fait valoir qu'elle n'était pas informée du mauvais état général de la structure de l'immeuble, qu'elle a informé M. [X] de l'ensemble des problèmes de structure afférents à l'immeuble connus d'elle, qu'elle n'a commis aucune manoeuvre dolosive et que le tribunal s'est fondé sur un e-mail du conseil syndical dont il a dénaturé les termes dans la mesure où rien, dans cet e-mail, ne permettait de suspecter une atteinte générale à la structure de l'immeuble; elle ajoute que l'on ignore si le syndic a fait procéder à des investigations par le syndic de l'immeuble et soutient que les seuls éléments évoqués lors de l'assemblée générale du 23 mai 2016 sont relatifs à l'effondrement du plancher haut de l'appartement du 2ème étage. M. [X] soutient que de nombreux désordres affectant l'ensemble de la copropriété et la structure même de l'immeuble n'avaient pas été portés à sa connaissance préalablement à la vente, qu'il a découvert la gravité de la situation lors de sa première convocation à l'assemblée générale du 25 octobre 2016, que notamment des travaux urgents devaient intervenir aux fins de reprise de la structure du 3ème étage et qu'il n'aurait pas contracté s'il avait eu connaissance des problèmes de structure affectant le plancher entre le 3ème et le 4ème étage qui s'est effondré le 23 mai 2013 soit la veille de la signature de la promesse de vente ; il fait valoir qu'il est amené à supporter le coût des travaux de réfection de la structure évalué à 88 510 euros, l'architecte soulignant également que la sécurité des habitants est en jeu, ce qui le prive de la possibilité de louer l'appartement. Au terme des dispositions de l'article 1109 du code civil dans sa version applicable à l'espèce, il n'y a point de consentement valable si le consentement n'a été donné que par erreur, ou s'il a été extorqué par violence ou surpris par dol. L'article 1116 du même code dispose que le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté, et que le dol ne se présume pas mais doit être prouvé. En l'espèce, un e-mail a été adressé aux copropriétaires dont Mme [G] le 19 mai 2016 par Mme [T], présidente du conseil syndical, mentionné comme "Très important" en son objet, concernant le sinistre "effondrement d'une partie du plafond de l'appartement de M. [D] suite à la dépose d'un cumulus d'eau pour remplacement datant du 23 septembre 2015, mail dans lequel elle précise qu'il est important que les travaux sur parties communes et privatives de l'immeuble concernées par ce sinistre soient réalisées dans les meilleurs délais, la structure de l'immeuble étant en jeu et les locataires des 2ème et 3ème étages ayant dû être évacués, par sécurité, de leur logement. Mme [T] cite, dans son mail, le rapport de M. [C], ingénieur structure joint à la convocation à la prochaine assemblée générale selon lequel il pourrait s'agir de plusieurs infiltrations d'eau ainsi que d'une surcharge de plancher et que plus récemment, suite à l'étude de structure de l'immeuble votée par l'assemblée générale l'année précédente et réalisée le 10 mai, il a pu être constaté également des problèmes d'infiltration d'eau non résolus provenant de la salle de bain de l'appartement du 4ème étage côté cour, 1ère porte droite, que d'après les éléments communiqués par le propriétaire de l'appartement du 3ème étage, il y aurait déjà eu des problèmes d'infiltration d'eau avec le 4ème étage en 2011/2012, qu'il a été signalé au syndic la possibilité d'éventuels risques pour la structure de l'immeuble, Mme [T] ajoutant qu'on peut imaginer raisonnablement que la structure en bois soutenant le plancher du 4ème étage puisse être endommagée, aucune expertise n'ayant été faite. Mme [T] informe également les copropriétaires qu'elle a appris deux jours auparavant que le plancher du 2ème étage était fortement incurvé et que les locataires du 1er étage risquaient de devoir quitter leur appartement pour raison de sécurité ; elle précise qu'une réunion a eu lieu ce jour soit le 19 mai dans l'immeuble et que finalement pourraient être concernés dans le futur les appartements des 1er, 2ème, 3ème et 4ème étages porte droite côté cour à l'aplomb les uns des autres et peut être une partie de la façade côté cour, qu'enfin tous ces éléments portent à croire que les budgets votés ne seront pas suffisants.Si Mme [G] a certes informé M. [X] de l'effondrement du plancher haut de l'appartement du 2ème étage, information qui figure dans la promesse unilatérale de vente conclue le 24 mai 2016, elle ne l'a cependant pas informé du contenu de l'e-mail de la présidente du conseil syndical qui lui avait été envoyé cinq jours avant cette signature et alarmait les copropriétaires sur les risques pesant sur d'autres appartements notamment situés au 4ème étage, sur les risques pesant sur la structure de l'immeuble signalés au syndic et le risque d'atteinte à la structure en bois soutenant le plancher du 4ème étage ainsi que sur l'éventualité d'un budget travaux plus important que celui voté. Par ailleurs M. [X] produit l'attestation de Mme [T] qui déclare avoir mis en oeuvre avec le syndic différentes démarches afin de prévenir les différents copropriétaires du passage de l'architecte de l'immeuble le 10 mai 2016 dans tous les appartements afin de réaliser l'étude "diagnostic de l'immeuble" votée en assemblée générale le 6 mai 2015, et qu'afin de compléter les courriers du syndic elle a apposé une affiche dans l'immeuble demandant d'être présent ou de laisser ses clés et avoir, deux jours avant la visite, frappé à chaque appartement dont celui de Mme [G] et, en raison du défaut de réponse, avoir laissé un message sur son téléphone portable pour lui demander d'être présente le 10 mai 2016 et que finalement seuls trois lots n'ont pu être visités dont celui de Mme [G]. En conséquence Mme [G] affirme à tort que l'on ignore si le syndic a fait procéder à des investigations dans l'immeuble alors que l'attestation produite établit que, du fait de sa défaillance, Mme [G] n'a pas permis l'accès à son lot pour l'établissement d'un diagnostic par l'architecte de l'immeuble et ce moins de deux semaines avant la signature de la promesse de vente. L'absence d'information de M. [X] par Mme [G] du risque pesant sur la structure de l'immeuble et d'une augmentation prévisible du budget de travaux alors qu'en sa qualité d'architecte elle ne pouvait ignorer l'importance de cette information constitue un dol par réticence dès lors qu'il n'est pas contestable que si M. [X] avait connu l'ampleur des difficultés de cet immeuble qui ne lui a été révélée que lors de l'assemblée générale du 25 octobre 2016, notamment l'existence d'un second sinistre à savoir l'effondrement du plancher haut du 3ème étage dans un des appartements de l'immeuble le 23 mai 2016 soit la veille de la signature de la promesse de vente et deux mois avant la vente définitive, il n'aurait pas contracté, ce que ne conteste d'ailleurs pas Mme [G]. Le jugement sera confirmé de ce chef. Sur les conséquences de la nullité de la vente La nullité de la vente a pour conséquence de remettre les parties en l'état où elles se trouvaient avant cette vente et il y a lieu en conséquence à restitutions réciproques du prix de vente et du bien immobilier sis [Adresse 4]. Il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de M. [X] au titre du remboursement des frais de notaire dès lors qu'il ne précise pas le montant de sa demande. Par ailleurs il n'y a pas lieu de condamner Mme [G] à rembourser à M. [X] les frais de mutation et les frais d'enregistrement qui ont été versés à l'administration fiscale et pourront lui être restitués du fait de l'annulation de la vente. Il convient de condamner Mme [G] à payer à M. [X] les sommes qu'il sollicite au titre des appels de provisions pour travaux et des appels de charges de copropriété générales ainsi qu'au titre de la taxe foncière et de la taxe d'habitation qui ne sont pas contestées par Mme [G], étant précisé qu'il résulte du compte-rendu de la réunion de chantier du 11 septembre 2017 que l'appartement a dû être évacué et que M. [X] n'a pu, dès lors, en avoir l'usage. Par ailleurs si le dessaisissement du bien par M. [X] est nécessairement conditionné par le paiement intégral par Mme [G] du prix de vente, il n'y a pas lieu d'autoriser M. [X] à la prise d'hypothèque sur le bien litigieux et sur tout bien appartenant à Mme [G] qui n'est pas justifié par les circonstances. Sur l'article 700 du code de procédure civile L'équité commande d'allouer à M. [X] une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de rejeter la demande de Mme [G] de ce chef. PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, Confirme le jugement du tribunal de grande instance du Paris en date du 26 décembre 2018 en toutes ses dispositions, Dit qu'en conséquence il y a lieu à restitution réciproque, Condamne Mme [G] à payer à M. [X] les sommes suivantes : . 37 680 euros au titre des appels de provisions pour travaux,. 3 925 euros au titre des appels de charges de copropriété générales,. 793 euros au titre de la taxe foncière,. 356,26 euros au titre de l'assurance habitation. Déboute M. [X] du surplus de ses demandes, Condamne Mme [G] à verser à M. [X] une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, Condamne Mme [G] aux dépens. Le greffier, Le président,
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JURITEXT000047527027
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ARRET
Cour d'appel de Paris, 11 septembre 2020, 19/056867
2020-09-11
Cour d'appel de Paris
Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
19/056867
G1
PARIS
Copies exécutoires délivrées aux parties le RÉPUBLIQUE FRANÇAISEAU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 4 - Chambre 1 ARRÊT DU 11 SEPTEMBRE 2020 (no /2020, pages) Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 19/05686 - No Portalis 35L7-V-B7D-B7QU7 Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Février 2019 -Tribunal de Grande Instance d'AUXERRE - RG no 17/00842 APPELANTE Madame [U] [E] épouse [L][Adresse 1][Localité 3] Représentée par Me Pascal FERRARIS de la SCP S.C.P. THUAULT-FERRARIS-CORNU, avocat au barreau D'AUXERRE INTIME Monsieur [Y] [W][Adresse 2][Localité 3] Représenté par Me Patricia NOGARET de la SCP REVEST-LEQUIN-NOGARET-DE METZ-CROCI-RLNDC, avocat au barreau D'AUXERRE Composition de la cour : En application des dispositions de l'article 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 juin 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Monique Chaulet, conseiller, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : M. Claude Creton, présidentMme Christine Barberot, conseillère Mme Monique Chaulet, conseillère Greffier, lors des débats : M. Grégoire Grospellier Arrêt :- contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.- signé par Claude Creton, Président et par Grégoire Grospellier, greffier lors de la mise à disposition. *** Mme [U] [E] veuve [L] est propriétaire d'un immeuble d'habitation sis [Adresse 1], lequel est accessible depuis la voie publique par un escalier privatif jouxtant le mur pignon de l'immeuble voisin sis [Adresse 2]. Par acte acte d'huissier du 14 septembre 2017, Mme [E] a fait assigner M. [Y] [W], son voisin, devant le tribunal de grande instance d'Auxerre aux fins de le voir condamné sous astreinte à remplacer la fenêtre murale par un châssis fixe et inamovible et à supprimer la fenêtre de toit. Par jugement du 4 février 2019, le tribunal de grande instance d'Auxerre a :. dit que l'installation de la fenêtre murale sur le fonds de [Y] [W], sis [Adresse 2], telle qu'elle ressort du procès-verbal de constat dressé le 4 novembre 2007 par Maître [Z] [F], huissier de justice, caractérise un jour et qu'elle offre des garanties de discrétion suffisantes au bénéfice du fonds de [U] [E] veuve [L], sis [Adresse 2], . débouté Mme [U] [E] veuve [L] de sa prétention relative au remplacement de la fenêtre murale, . débouté Mme [U] [E] veuve [L] de sa prétention relative à la suppression de la fenêtre de toit,. condamné Mme [U] [E] veuve [L] à payer à M. [Y] [W] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,. débouté Mme [U] [E] veuve [L] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,. condamné Mme [U] [E] veuve [L] aux entiers dépens. Mme [E] veuve [L] a interjeté appel de ce jugement. Par ses dernières conclusions, elle demande à la cour de : vu les articles 676 et 677 du code civil,. infirmer le jugement entrepris,. condamner M. [Y] [W] sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, d'avoir à procéder à la mise en conformité des caractéristiques des ouvrages litigieux aux dispositions légales à savoir :- d'une part de la menuiserie du jour de souffrance au rez-de-chaussée ainsi que du vitrage, par le remplacement des ouvrages existants, respectivement par une menuiserie dormante pourvue d'un vitrage opaque, excluant toute possibilité d'ouverture ou de toute autre transformation sans démontage,- d'autre part de la menuiserie de la fenêtre de toit qui devra être implantée au minimum à une hauteur de 1,90 mètre au-dessus du plancher du premier étage,. condamner M. [W] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Par ses dernières conclusions, M. [W] demande à la cour de : . confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, . débouter Mme [U] [L] de toutes ses demandes,. condamner Mme [U] [L] à lui payer la somme de 2 400 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ainsi qu'aux dépens d'instance. La clôture de l'instruction a été ordonnée le 11 juin 2020. SUR CE, Sur le jour de souffrance au rez-de-chaussée Au soutien de son appel, Mme [L] fait valoir que le tribunal ne pouvait considérer comme étant dormant et empêchant la vue un ouvrage pouvant être facilement modifié et ne présentant donc pas les caractéristiques garantissant les droits du propriétaire riverain au regard des dispositions des articles 676 du code civil et conteste que la circonstance que la menuiserie soit dépourvue de poignée et de vantaux fixés par une baguette de bois permette de considérer que le jour de souffrance n'est pas une vue. L'article 676 du code civil dispose que le propriétaire d'un mur non mitoyen joignant immédiatement l'héritage d'autrui, peut pratiquer dans ce mur des jours ou fenêtres à fer maillé et à verre dormant et que ces fenêtres doivent être garnies d'un treillis de fer, dont les mailles auront un décimètre d'ouverture au plus, et d'un châssis à verre dormant. L'article 677 visé dispose que "ces fenêtres ou jour ne peuvent être établis qu'à vingt-six décimètres [huit pieds] au-dessus du plancher ou sol de la chambre qu'on veut éclairer, si c'est un rez-de-chaussée, et à dix-neuf décimètres [six pieds] au-dessus du plancher pour les étages supérieurs.". Mme [L] ne demande pas la suppression de la fenêtre murale pour non-respect de la hauteur. Le jugement n'est pas contesté en ce qu'il a dit que l'installation de la fenêtre murale sur le fonds de [Y] [W], sis [Adresse 2], telle qu'elle ressort du procès-verbal de constat dressé le 4 novembre 2007 par Maître [Z] [F], huissier de justice, caractérise un jour au sens du code civil. En application des dispositions de l'article 676 du code civil, ce jour, ou cette fenêtre, doit être notamment composé d'un châssis fixe qui ne peut pas s'ouvrir et comporter un verre dormant, non transparent. En l'espèce, il est établi par le procès-verbal d'huissier établi par maître [F] le 4 novembre 2017 produit au débat que la fenêtre de M. [W] ne présente pas les caractéristiques légales puisqu'elle est composée d'un châssis à deux vantaux qui ont été immobilisés par la supression de la poignée et la pose d'une baguette mais qui pourraient être aisément remis en service. En conséquence le châssis de cette fenêtre n'est pas conforme aux dispositions de la loi. Par ailleurs la vue depuis la fenêtre a été occultée par la pose d'un film plastique, ce dont il résulte qu'elle n'est pas constituée d'un verre dormant non transparent, film qui peut également être aisément retiré. En conséquence, les caractéristiques de la fenêtre murale ne sont pas conformes aux dispositions du code civil et il convient, infirmant le jugement, de faire droit à la demande de Mme [L] de ce chef et de condamner M. [W] à procéder au remplacement du châssis et du verre existant par une menuiserie dormante pourvue d'un vitrage opaque, excluant toute possibilité d'ouverture ou de toute autre transformation sans démontage. Eu égard au fait que M. [W] ne s'est pas conformé à la demande du maire, M. [K], en date du 21 octobre 2016, relatif à la pose d'un châssis fixe, prouvant sa réticence à ce titre, cette condamnation sera prononcée sous astreinte de 50 euros par jour de retard pendant un durée de deux mois, astreinte qui commencera à courir au terme d'un délai de deux mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir. Sur la fenêtre de toit Les moyens invoqués par Mme [L] au soutien de son appel ne font que réitérer, sans justification complémentaire utile, ceux dont le premier juge a connu et auxquels il a répondu par des motifs exacts et pertinents que la cour adopte, juge qui a conclu à l'absence de vue droite sur le fonds voisin et, s'agissant des vues obliques, que la distance minimale prévue par les dispositons de l'article 679 du code civil a été respectée. Il convient en outre de souligner que le relevé situant le bas de la fenêtre à 1,85 m résulte d'un simple constat d'huissier établi par maître [F] le 4 novembre 2017, constat qui ne précise pas la manière dont ce mesurage a été effectué et ne permet donc pas d'établir de manière certaine que la hauteur ne respecte pas les dispositions de l'article 677 du code civil comme le soutient Mme [L], ce que conteste M. [W]. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté Mme [L] de sa demande relative au déplacement de la fenêtre de toit. Sur l'article 700 du code de procédure civile L'équité commande d'allouer à Mme [L] une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de rejeter la demande de M. [W] de ce chef. PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, Infirme partiellement le jugement du tribunal de grande instance d'Auxerre en date du 4 février 2019, Condamne M. [W] à procéder au remplacement du châssis et du verre de la fenêtre murale par une menuiserie dormante pourvue d'un vitrage opaque, excluant toute possibilité d'ouverture ou de toute autre transformation sans démontage, Prononce cette condamnation sous peine d'astreinte de 50 euros par jour de retard pendant un durée de deux mois, astreinte qui commencera à courir au terme d'un délai de deux mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, Confirme le jugement pour le surplus, Condamne M. [W] à verser à Mme [L] une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, Condamne M. [W] aux dépens. Le greffier, Le président,
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JURITEXT000047527025
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ARRET
Cour d'appel de Paris, 11 septembre 2020, 19/033407
2020-09-11
Cour d'appel de Paris
Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
19/033407
G1
PARIS
Copies exécutoires délivrées aux parties le RÉPUBLIQUE FRANÇAISEAU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS Cour d'appel de Paris Pôle 4 - chambre 1 Arrêt du 11 septembre 2020 (no /2020, pages) Numéro d'inscription au répertoire général : RG 19/03340-Portalis 35L7-V-B7D-B7JNF Décision déférée à la cour : jugement du 11 janvier 2019 -tribunal de grande instance de Créteil - RG 17/09777 APPELANTS Monsieur [K] [Z][Adresse 2][Localité 3] Madame [P] [W] épouse [Z][Adresse 2][Localité 3] Représentés par Me Philippe Ravayrol, avocat au barreau de Paris, toque : L0155 INTIMÉES SCI CITE DES OLIVIERS représentée par ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège[Adresse 4][Localité 5] Représentée par Me Agnès Lebatteux Simon de la SCP Zurfluh - Lebatteux - Sizaire et associés, avocat au barreau de Paris, toque : P0154 substituée à l'audience par Me Lucchi Mylena du même cabinet SCP [M] [U][Adresse 8][Localité 6] Représentée par Me Valérie Toutain de Hauteclocque, avocat au barreau de Paris, toque : D0848 Composition de la cour : L'affaire a été débattue le 2 juillet 2020, en audience publique, devant la cour composée de : M. Claude Creton, président de chambre, Mme Christine Barberot, conseillère, Mme Monique Chaulet, conseillère, qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par, Mme Christine Barberot, conseillère, dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile. Greffier, lors des débats : M. Grégoire Grospellier Arrêt :- contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.- signé par Claude Creton, président et par Grégoire Grospellier, greffier lors de la mise à disposition. ***Suivant acte authentique du 19 février 2008 reçu par Mme [X] [U], notaire associé de la SCP [R] [M] et [X] [U], M. [K] [Z] et Mme [P] [W], épouse [Z] (les époux [Z]), ont acquis des époux [L] une maison à usage d'habitation, sise [Adresse 1] (94), au prix de 360 000 €. Par acte authentique du 5 juin 2012, l'état de division et le règlement de copropriété de ce bien a été établi par le même notaire. Suivant acte authentique reçu le 6 juin 2012 par le même notaire, les époux [Z] ont vendu à la SCI [Adresse 7] (la société) le lot no 6 de l'état de division de l'immeuble précité, soit dans le bâtiment C, au rez-de-chaussée, un studio, au prix de 82 000 €, étant précisé dans l'acte que le bien était loué à usage d'habitation à M. [J] par un bail en meublé d'une durée d'une année à compter du 9 février 2011, renouvelé, depuis, par tacite reconduction. Par lettre du 30 juillet 2012, le service d'hygiène et de sécurité de la mairie de [Localité 9] a enjoint à la société de réaliser des travaux pour mettre le studio en conformité, notamment, en portant remède à son humidité et en lui rendant "une hauteur sous plafond supérieure à 2,20 m", précisant que le logement, situé au rez-de-chaussé sur rue, avait été aménagé dans un ancien local commercial, la façade du local et la grille de fermeture n'ayant pas été modifiées. Le 20 novembre 2013, le service de l'urbanisme, qui avait reçu de la société un déclaration préalable de travaux pour se conformer aux injonctions précitées, lui a indiqué que le bien vendu n'avait pas fait l'objet d'un changement de destination de local commercial en local d'habitation. Après avoir acquis un garage pour satisfaire aux exigences du plan local d'urbanisme (PLU), la société a déposé une demande de permis de construire qui a été accordé le 11 octobre 2016 sous réserve de travaux d'accessibilité et de consolidation par injection de coulis de béton dans la carrière en sous-sol du projet et de ses abords. Par acte du 17 novembre 2017, la société a assigné les époux [Z], ainsi que la SCP [R] [M] et [X] [U] en nullité de la vente pour erreur et en paiement de dommages-intérêts. Par jugement du 11 janvier 2019, le Tribunal de grande instance de Créteil a :- déclaré la SCI [Adresse 7] recevable en ses demandes,- prononcé la nullité de la vente du 6 juin 2012,- condamné in solidum les époux [Z] à restituer à la SCI [Adresse 7] le prix de vente d'un montant de 82 000 €,- ordonné à la SCI [Adresse 7] de restituer le bien aux époux [Z],- dit que la restitution prendrait la forme d'une remise des clés et de la publication du jugement par la partie la plus diligente au service de la publicité foncière,- condamné la SCP de notaires à payer à la SCI [Adresse 7] la somme de 14 951,04 € à titre de dommages-intérêts,- condamné in solidum la SCP de notaires et les époux [Z] à payer à la SCI [Adresse 7] la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,- condamné in solidum la SCP de notaires et les époux [Z] aux dépens,- condamné la SCP de notaires à garantir les époux [Z] des condamnations prononcées contre eux sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et au titre des dépens. Par dernières conclusions, les époux [Z] demandent à la Cour de :- réformer jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la nullité de la vente et en ce qu'il a limité la garantie de la SCP de notaires aux dépens et aux frais irrépétibles,- statuant à nouveau, vu l'article L. 631-7 du Code de l'urbanisme,- dire que l'acquéreur ne rapportait pas la preuve d'un vice du consentement et débouter la SCI [Adresse 7] de l'ensemble de ses demandes,- subsidiairement :- condamner la SCP de notaire à les garantir des condamnations susceptibles d'être prononcées contre eux,- débouter la SCP de notaires de son appel incident,- débouter la SCI [Adresse 7] de son appel incident,- confirmer jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SCP de notaires à les garantir au titre des dépens et des frais irrépétibles,- y ajoutant : condamner in solidum la SCI [Adresse 7] et la SCP de notaires à leur payer la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, dépens en sus. Par dernières conclusions, la SCI [Adresse 7] prie la Cour de :- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la nullité de la vente sur le fondement de l'article 1110 du code civil et condamné les époux [Z] à réparer le préjudice qu'elle a subi, ainsi qu'en ce qu'il a retenu la responsabilité de la SCP de notaires en l'a condamnant à réparer le préjudice subi,- à titre subsidiaire, prononcer la résolution de la vente pour défaut de délivrance et condamner les vendeurs et la SCP de notaires à réparer son préjudice,- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné les époux [Z] à lui restituer le prix et la SCP de notaires à lui payer la somme de 14 951,04 € de dommages-intérêts,- à titre subsidiaire, si la condamnation de la SCP de notaires au paiement de la somme de 13 338 € au titre des travaux engagés n'était pas confirmée, condamner la SCP de notaires à l'indemniser à ce titre à hauteur de la somme de 16 672,51 €,- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a écarté le préjudice lié à la non-perception des loyers,- condamner la SCP de notaires à lui payer la somme de 29 920 € au titre de la perte de chance correspondante,- infirmer jugement entrepris en ce qu'il a écarté le préjudice lié à l'acquisition du garage et condamner la SCP de notaire à lui payer la somme de 17 680 € au titre de la perte de chance correspondante,- en tout état de cause,- débouter les époux [Z] et la SCP de notaires de toutes leurs demandes,- confirmer les condamnations de première instance au titre des dépens et de l'article 700 du Code de procédure civile,- condamner in solidum les époux [Z] et la SCP de notaires à lui payer la somme de 6 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, dépens en sus. Par dernières conclusions, la SCP Marie-Laurence [M] et Valérie [U] demande à la Cour de :- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu sa responsabilité,- débouter les époux [Z] de leurs demandes,- débouter la SCI [Adresse 7] de l'intégralité de ses demandes,- condamner la partie qui succombera à lui payer la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, dépens en sus. SUR CE, LA COUR C'est par des motifs pertinents que la Cour adopte que le Tribunal, après avoir relevé que le consentement de l'acquéreur avait été vicié par une erreur, a annulé la vente du 6 juin 2012.Il sera ajouté que, pour la société [Adresse 7], qui avait acquis un studio "comprenant : séjour, kitchenette, salle d'eau, water closet et cour privative" occupé par un locataire aux termes d'un bail d'habitation en meublé, l'usage d'habitation du bien avait un caractère déterminant de son achat, ainsi que le corrobore, d'ailleurs, le comportement de l'acquéreur postérieur au transfert de propriété qui démontre son souci de se conformer aux normes d'habitabilité imposées par l'Administration pour régulariser le bail en cours. Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a prononcé la nullité de la vente du 6 juin 2012 sur le fondement de l'erreur. Le jugement entrepris sera encore confirmé en ce qu'il a débouté la société [Adresse 7] de ses demandes de dommages-intérêts formées contre les époux [Z] qui avaient acquis le 19 février 2008 une maison à usage d'habitation comportant le studio litigieux et dont aucun élément ne prouve qu'ils avaient connaissance lors de la vente du 6 juin 2012 de ce que ce studio proviendrait, comme l'affirme le service de l'urbanisme dans sa lettre du 20 novembre 201, d'un "changement de destination d'un commerce devenu logement". S'agissant des fautes imputées au notaire, il ressort des deux lettres adressées les 30 juillet 2012 et 20 novembre 2013 par la mairie de [Localité 9] à la société [Adresse 7] qu'au cours d'une visite des lieux par l'inspecteur de salubrité du service Hygiène-Sécurité, ce dernier a constaté que le logement, situé au rez-de-chaussée sur rue, avait été aménagé dans un ancien local commercial, sa façade et la grille de fermeture n'ayant pas été modifiées. Le service de l'urbanisme s'est fondé, quant à lui, sur des photographies fournies par la société [Adresse 7] montrant "une façade commerciale" pour conclure à un "changement de destination d'un local d'activité en habitation". Ainsi, seuls des éléments matériels relatifs à l'aspect de la façade du local litigieux ont conduit l'Administration à présumer un changement de destination du bien. Or, ni la société [Adresse 7] ni les époux [Z] n'établissent que Mme [X] [U], à laquelle il ne peut être fait grief de ne pas s'être déplacée sur les lieux pour les examiner aux fins de rédaction du règlement de copropriété et de l'acte de vente, disposait d'indices lui permettant de présumer que le studio litigieux aurait été aménagé dans un local commercial. En l'absence de faute, la responsabilité du notaire ne peut être engagée. Par suite, la société [Adresse 7] et les époux [Z] doivent être déboutés de leurs demande contre la SCP Marie-Laurence [M] et Valérie [U], le jugement entrepris étant infirmé en ce qu'il est entré en voie de condamnation contre cette dernière. Les époux [Z], dont la responsabilité n'est pas engagée, doivent rembourser à la société [Adresse 7] les dépenses nécessaires et utiles qu'elle a faites pour le bien. La société [Adresse 7], qui poursuit avec succès l'annulation de la vente, ne peut invoquer un préjudice né de l'absence de perception par elle des fruits civils qu'aurait pu produire le bien acquis. Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté la société de sa demande d'indemnisation de la perte de loyers. Le droit de propriété de l'acquéreur sur un garage n'est pas affecté par l'annulation de la vente du studio. Cette acquisition, qui accroît le patrimoine de l'acquéreur, n'est donc pas une dépense utile et ne peut donner lieu à remboursement. En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté la société [Adresse 7] de sa demande d'indemnisation liée à l'acquisition du garage. C'est à bon droit que le Tribunal, après avoir examiné les justifications produites, a retenu que les travaux utiles réalisés par la SCI [Adresse 7] sur le bien s'élevaient à la somme globale de 16 672,51 €. Il convient donc, en vertu du principe précité, de condamner in solidum les époux [Z] à rembourser cette somme à l'acquéreur. Les époux [Z] seront condamnés aux dépens. Par suite les demandes fondées sur l'article 700 du Code de procédure civile ne pourront prospérer qu'à l'encontre de ceux-ci. L'équité ne commande pas qu'il soit fait droit à la demande de la SCP de notaires formée contre les époux [Z]. L'équité commande qu'il soit fait droit aux demandes de la SCI [Adresse 7] en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile à l'encontre des époux [Z] comme il est dit dans le dispositif du présent arrêt. PAR CES MOTIFS Infirme le jugement entrepris, mais seulement en ce qu'il a : - condamné la SCP [R] [M] et [X] [U] à payer à la SCI [Adresse 7] la somme de 14 951,04 € à titre de dommages-intérêts, - condamné in solidum la SCP [R] [M] et [X] [U], ainsi que M. [K] [Z] et Mme [P] [W], épouse [Z], à payer à la SCI [Adresse 7] la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, - condamné in solidum la SCP [R] [M] et [X] [U], ainsi que M. [K] [Z] et Mme [P] [W], épouse [Z], aux dépens, - condamné la SCP [R] [M] et [X] [U] à garantir M. [K] [Z] et Mme [P] [W], épouse [Z], des condamnations prononcées contre eux sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et au titre des dépens ; - débouté les parties du surplus de leurs demandes ; Statuant à nouveau : Déboute la SCI [Adresse 7] et M. [K] [Z] et Mme [P] [W], épouse [Z], de leurs demandes contre la SCP Marie-Laurence [M] et Valérie [U] ; Condamne in solidum M. [K] [Z] et Mme [P] [W], épouse [Z], à rembourser à la SCI [Adresse 7] la somme de 16 672,51 € ; Rejette toute autre demande ; Confirme le jugement entrepris pour le surplus ; Condamne in solidum M. [K] [Z] et Mme [P] [W], épouse [Z], aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers pouvant être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile ; Condamne in solidum M. [K] [Z] et Mme [P] [W], épouse [Z], à payer à la SCI [Adresse 7] la somme de 6 000 € en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile tant en première instance qu'en appel. Le greffier Le président
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JURITEXT000047527026
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ARRET
Cour d'appel de Paris, 11 septembre 2020, 17/006767
2020-09-11
Cour d'appel de Paris
Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
17/006767
G1
PARIS
Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISEdélivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS Cour d'appel de Paris Pôle 4 - chambre 1 Arrêt du 11 septembre 2020 (no /2020, pages) Numéro d'inscription au répertoire général : RG 17/00676 -Portalis 35L7-V-B7B-B2LVD Décision déférée à la cour : jugement du 07 décembre 2016 -tribunal de commerce de Melun - RG 2015F507 APPELANTE SAS RECAM Sonofadex prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège [Adresse 4][Localité 3] Représentée par Me Arnault Grognard, avocat au barreau de Paris, toque : E1281 et par Me Stéphanie Baudry, avocat au barreau de Tours. INTIMÉES SARL Trivium transactionreprésentée par son gérant, domicilié audit siège en cette qualité [Adresse 1][Localité 5] Représentée par Me Frédéric Lallement de la SELARL BDL avocats, avocat au barreau de Paris, toque : P0480 et par Me Dominique Nardeaux, avocat au barreau de Melun SARL SLD [S] [Adresse 2][Localité 7] Représentée par Me Alice Hania, avocat au barreau de Paris, toque : E0155 INTERVENANTE SCP CHRISTOPHE ANCEL pris en la personne de Maître Christophe Ancel es qualités de mandataire liquidateur de la société SLD [S][Adresse 6][Localité 7]no siret : 501 184 774 n'a pas constitué avocat Composition de la cour : En application : - de l'article 4 de la loi no 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19;- de l'ordonnance no 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété, notamment ses articles 1er et 8 ;- de l'ordonnance no 2020-306 du 25 mars 2020 modifiée relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période ; L'affaire a été retenue selon la procédure sans audience le 11 mai 2020, les avocats y ayant consenti expressément ou ne s'y étant pas opposés dans le délai de 15 jours de la proposition qui leur a été faite de recourir à cette procédure; La cour composée comme suit en a délibéré : M. Claude Creton, président,Mme Christine Barberot, conseillère, Mme Monique Chaulet, conseillère,Arrêt : -réputé contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.- signé par M. Claude Creton, président et par M. Grégoire Grospellier, greffier lors de la mise à disposition. *** Par acte sous seing privé du 7 juillet 2014, la SAS Recam Sonofadex a donné mandat non exclusif à la SARL Trivium transaction, exerçant l'activité d'agent immobilier, de rechercher un locataire pour le local commercial lui appartenant, sis à [Adresse 9] pour une durée de six mois renouvelable par tacite reconduction, expirant dans tous les cas le 8 juillet 2015. Faisant valoir que la SAS Recam Sonofadex avait traité directement avec la SARL SLD [S] avec laquelle elle avait mené les négociations alors que le mandant ne pouvait, pendant la durée du mandat et jusqu'à 6 mois suivant son expiration ou sa résiliation traiter directement ou indirectement par l'intermédiaire d'un autre mandataire avec un locataire sous peine d'avoir à verser à son mandataire une clause pénale d'un montant égal à la totalité des honoraires perdus, fixés à 30 % du loyer annuel HT, la SARL Trivium transaction a assigné la SAS Recam Sonofadex et la SARL SLD [S] en paiement de la clause pénale. Par jugement du 7 décembre 2016, le tribunal de grande instance de Melun a condamné solidairement la SAS Recam Sonofadex et la SARL SLD [S] à payer à la SARL Trivium transaction la somme de 20 160 euros au titre des honoraires dus en application du mandat et la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et a ordonné l'exécution provisoire du jugement. Par déclaration en date du 6 janvier 2017 enrôlée sous le numéro de RG 17/676, la SAS Recam Sonofadex a interjeté appel de ce jugement. Par déclaration en date du 23 janvier 2017 enrôlée sous le numéro de RG 17/01814, la SARL SLD [S] a interjeté appel de ce jugement. Les instances ont été jointes sous le numéro de RG 17/676 par ordonnance du 1er mars 2017. Le tribunal de commerce d'Evry a, par jugement du 6 novembre 2017, ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la SARL SLD [S] et a désigné en qualité de liquidateur, la SCP Christophe Ancel, mandataire judiciaire qui a été assigné devant la cour par la SAS Recam Sonofadex par acte d'huissier du 6 juin 2018 et par la SARL Trivium transaction par acte d'huissier du 13 juin 2018. La SCP Christophe Ancel ès qualités de mandataire judiciaire n'a pas constitué avocat.Par ses dernières conclusions, la SARL Trivium transaction demande à la cour de. constater que la SAS Recam Sonofadex, appelante à titre principal, qui a d'ailleurs exécuté intégralement les causes du jugement, a seule intérêt à régulariser la procédure d'appel à l'encontre de la SARL SLD [S] en faisant désigner par le tribunal de Melun un mandataire ad hoc,. constater l'absence de régularisation de la procédure par la SAS Recam Sonofadex à l'égard de la liquidation clôturée de la SARL SLD [S],En conséquence constater l'interruption de l'instance qui ne pourra reprendre que lorsque la SAS Recam Sonofadex régularisera cette procédure et qu'alors elle sollicite de la cour,. de confirmer le jugement entrepris,. fixer à hauteur de 20 160 euros sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la SARL SLD [S], représentée par la SCP Christophe Ancel, son mandataire liquidateur,Y ajoutant,. condamner pour la procédure d'appel solidairement la SAS Recam Sonofadex et la SARL SLD [S], représentée par la SCP Christophe Ancel, son mandataire liquidateur, à lui payer 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel avec distraction au profit de la SELARL BDL AVOCATS en application de l'article 699 du code de procédure civile,. débouter la SAS Recam Sonofadex et la SARL SLD [S] représentée par la SCP Christophe Ancel de l'ensemble de leurs prétentions. Par ses dernières conclusions qu'elle a fait signifier à la SCP Christophe Ancel ès qualités de mandataire ad hoc par acte d'huissier du 20 janvier 2020, la société Recam Sonofadex demande à la cour : A titre principal :. infirmer le jugement entrepris,. donner acte de son désistement partiel à l'encontre de la société SLD [S] eu égard au jugement de clôture du 7 juin 2018,Statuant à nouveau :. dire qu'elle a respecté ses obligations au titre du mandat,. débouter la société Trivium transaction de ses demandes,en tout état de cause, . condamner la société Trivium transaction à lui payer 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à payer les entiers dépens. SUR CE, Sur la demande de la SARL Trivium transaction visant à constater l'interruption de l'instance La SARL Trivium transaction ne soulève aucun moyen de droit de nature à justifier sa demande visant à constater l'interruption de l'instance, demande qui sera donc rejetée. Sur la demande visant à dire que la SAS Recam Sonofadex doit régulariser la procédure d'appel à l'encontre de la SARL SLD [S] en faisant désigner un mandataire ad hoc Le liquidateur judiciaire de la société SLD [S], régulièrement attrait dans la cause, n'a pas constitué avocat et a indiqué à la cour par courrier ne pas conclure en raison de l'impécuniosité de la liquidation. Il résulte de ces éléments que l'appel de la société SLD [S] n'est pas soutenu. Par ailleurs la SAS Recam Sonofadex, également appelante, a indiqué se désister de ses demandes à l'encontre de la SARL SLD [S] et la société Trivium transaction, intimée, demande la confirmation du jugement. En conséquence la SARL Trivium transaction ne justifie pas du bien fondé de sa demande visant à désigner un mandataire ad hoc pour représenter la SARL SLD [S]. Sur l'appel formé par la SAS Recam Sonofadex Les moyens invoqués par la SAS Recam Sonofadex au soutien de son appel, société qui fait notamment valoir qu'elle qu'elle a respecté ses obligations au titre du mandat, ne font que réitérer, sans justification complémentaire utile, ceux dont les premiers juges ont connu et auxquels ils ont répondu par des motifs exacts et pertinents que la cour adopte, sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail de leur discussion. En effet les éléments produits au débat établissent que la signature du bail par la SARL SLD [S] avec la SAS Recam Sonofadex est l'aboutissement des négociations menées par la SARL Trivium transaction avec Mme [P] en raison des liens étroits existant entre elle et la SARL SLD [S] notamment du lien de filiation avec le gérant de cette société et des responsabilités exerçées par cette dernière au sein de cette société attestées notamment par le fait qu'elle a effectué toutes les démarches administratives réalisées pour l'ouverture du magasin Chateau d'Ax au nom de M. [S] comme l'établit le courriel de Mme [N], chef du service de l'Urbanisme à la mairie de [Localité 8] en date du 4 février 2016, responsabilités qui ne sont pas sérieusement contestées. Sur la dénaturation des termes du mandat et le respect des obligations contractuelles par la SAS Recam Sonofadex, le mandat stipule que le mandant s'interdit, pendant le cours du mandat ou ses renouvellements ainsi que dans les 6 mois suivant son expiration ou sa résiliation, de traiter directement ou indirectement par l'intermédiaire d'un autre mandataire avec un locataire présenté par lui sous peine d'avoir à verser à son mandataire une clause pénale et précise que cette interdiction vise tant la personne du locataire présenté que son conjoint ou toute société dans laquelle ledit mandataire aurait une participation. En l'espèce, il ne peut être reproché aux premiers juges d'avoir dénaturé les termes du mandat dès lors qu'il résulte des motivations du jugement et des circonstances de l'espèce que la signature du bail par la SARL SLD [S] avec la SAS Recam Sonofadex est l'aboutissement des négociations menées par la SARL Trivium transaction avec Mme [P], qu'en conséquence les premiers juges ont constaté à juste titre que les négociations avaient été menées en vue de la location du local par la société SLD [S] et que la conclusion du contrat de location directement avec cette société en l'absence du mandataire est un manquement aux stipulations du mandat, l'interdiction stipulée s'appliquant à la personne du locataire. Il convient de confirmer le jugement. La SARL Trivium transaction faisant valoir que la liquidation judiciaire de la SARL SLD [S] est clôturée, il n'y a pas lieu de faire droit à sa demande de fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire. Sur l'article 700 du code de procédure civile L'équité commande de condamner la SAS Recam Sonofadex à payer à la SARL Trivium transaction la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, Confirme le jugement tribunal de grande instance de Melun du 7 décembre 2016 en toutes ses dispositions, Rejette le surplus des demandes, Condamne la SAS Recam Sonofadex à payer à la SARL Trivium transaction la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, Condamne la SAS Recam Sonofadex à payer les dépens avec distraction au profit de la SELARL BDL AVOCATS pour ceux exposés pour le compte de la SARL Trivium transaction. Le greffier, Le président,
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JURITEXT000047571142
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ARRET
Cour d'appel de Paris, 4 septembre 2020, 20/083487
2020-09-04
Cour d'appel de Paris
Interprète la décision, rectifie ou complète le dispositif d'une décision antérieure
20/083487
G1
PARIS
Copies exécutoires délivrées aux parties le RÉPUBLIQUE FRANÇAISEAU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS Cour d'appel de Paris Pôle 4 - Chambre 1 Arrêt du 04 septembre 2020 Rectification d'erreur matérielle (no /2020, pages) Numéro d'inscription au répertoire général : RG 20/08348-Portalis 35L7-V-B7E-CB6R2 Décision déférée à la cour : arrêt du 19 juin 2020 rendu par le pôle 4-chambre 1 APPELANTS Madame [ZJ] [AC][Adresse 31][Localité 102] Représentée par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Monsieur [YD] [TE] [DA][Adresse 121][Localité 85] Représenté par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Monsieur [AX] [L] [EE][Adresse 22][Localité 107] (Martinique) Représenté par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Madame [DU] [GT] [EE]-[WF][Adresse 111][Localité 81] Représentée par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Madame [GE] [HZ] - [AC][Adresse 117][Localité 1]-Belgique Représentée par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Madame [KL] [VG] [E] - [KB] [Adresse 47][Localité 105] décédée Monsieur [BK] [HO] [L] [EG] [AC][Adresse 16],[Adresse 87][Adresse 87] Luxembourg Représenté par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Madame [ZG] [AC]-[YK][Adresse 36][Localité 65] Représentée par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Madame [BW] [I] [D] - [ZN] [Adresse 27][Localité 78] décédée Monsieur [EY] [SM] [C] [ZN][Adresse 18][Localité 76] Représenté par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Madame [IN] [AX] [ZN] - [PS][Adresse 70][Localité 98] Représentée par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Monsieur [TE] [FM][Adresse 41][Localité 20] Représenté par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Monsieur [HO] [P] [YS][Adresse 75][Localité 53] Représenté par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Monsieur [TE] [DU] [BM] [R][Adresse 28][Localité 58] Représenté par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Monsieur [WP] [PZ] [TE] [R][Adresse 60][Localité 80] Représenté par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Monsieur [MN] [L] [ZR] [OE] [KT][Adresse 91][Localité 88] Représenté par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Monsieur [MY] [NU] [HO] [KT][Adresse 14][Localité 4] Représenté par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Monsieur [F] [ZR] [KT][Adresse 52][Localité 84] Représenté par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Madame [DU] [DC] [KT] - [BC][Adresse 51][Localité 84] Représentée par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Madame [RG] [IY] [KT]-[UH][Adresse 38][Localité 79] Représentée par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Madame [L] [UK] [NM] - [A][Adresse 9][Localité 101] décédée Monsieur [MG] [NM][Adresse 10][Localité 92] Représenté par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Monsieur [YD] [NM] [Adresse 30][Localité 101] décédé Madame [PZ] [VY] [HH][Adresse 72][Localité 89] Représentée par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Monsieur [PH] [SM] [OB] [RR][Adresse 25][Localité 83] Représenté par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Madame [H] [IG][Adresse 6][Localité 100] Représentée par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Madame [UZ] [LH] [M][Adresse 109][Localité 108] Tahiti Représentée par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Monsieur [IR] [XE] [WU] [Adresse 86][Localité 103] décédé Madame [L] [NU] [LK] (DCD)[Adresse 11][Localité 66] décédée Monsieur [CE] [OE] [YZ][Adresse 11][Localité 66] Représenté par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Madame [BL] [KL] [LK] - [Y][Adresse 15][Localité 90] Représentée par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Monsieur [IR] [SM] [ZR] [PD][Adresse 62][Localité 33] Représenté par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Monsieur [KE] [MY] [SF] [PD][Localité 110][Localité 33] Représenté par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Madame [AX] [BL] [RY] [HS]-[OT][Adresse 119][Localité 33] Représentée par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Monsieur [MY] [DK] POLICE[Adresse 49][Localité 93] Représenté par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Madame [DC] [FF] [VJ][Adresse 67][Localité 96] Représentée par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Monsieur [GL] [ZR] [JF][Adresse 43][Localité 113] Canada Représenté par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Monsieur [TE] [DK] [JF][Adresse 42][Localité 113] Canada Représenté par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Madame [ZJ] [JM] [JF] - [V][Adresse 61][Localité 68] Représentée par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Madame [PO] [TL] [JF]-[Z][Adresse 63][Localité 69] Représentée par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Madame [IV] [JF][Adresse 116][Localité 69] Représentée par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Madame [SX] [GE] [JF]-[XL][Adresse 118][Localité 24] Représentée par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Madame [JU] [ZY] [OL] [NF]-[U][Adresse 48][Localité 35] Représentée par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Monsieur [PH] [ZR] [NF][Adresse 19][Localité 3] Représenté par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Monsieur [DK] [IR] [NF][Adresse 112][Localité 44] Représenté par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Madame [J] [ZY] [NF]-[W][Adresse 46][Localité 104] Représentée par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Madame [MR] [N] [LO]-[PK][Adresse 21][Localité 106] Représentée par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Madame [PZ] [LO] FALANGA[Adresse 61][Localité 82] Représentée par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Monsieur [L] [FU] [HA][Adresse 12][Localité 55] décédé Monsieur [EY] [XE] [S] [Adresse 39][Localité 95] décédé Madame [VN] [WM] [WX][Localité 115][Localité 32] Représentée par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Madame [NX] [HS]-[AF][Adresse 50][Localité 73] Représentée par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Monsieur [HO] [KB] es qualité d'héritier de [KL] [KB]intervenant volontaire en reprise d'instance[Adresse 47][Localité 105] Représenté par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Madame [FX] [KB] veuve [DC] es qualité d'héritière de [KL] [KB]intervenante volontaire en reprise d'instance[Adresse 37][Localité 94] Représentée par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Madame [CG] [KB] es qualité d'héritière de [KL] [KB]intervenante volontaire en reprise d'instance[Adresse 47][Localité 105] Représentée par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Monsieur [K] [A] es qualité d'héritier de [L] [NM]-[A]intervenant volontaire en reprise d'instance[Adresse 17][Localité 77] Représenté par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Madame [CY] [A] es qualité d'héritière de [L] [NM]-[A]intervenante volontaire en reprise d'instance[Adresse 17][Localité 77] Représentée par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Madame [GB] [GI] es qualité d'héritière de [YD] [NM]intervenante volontaire en reprise d'instance[Adresse 29][Localité 101] Représentée par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Madame [UA] [MV] [LA] es qualité d'héritière de [IR] [DS]intervenante volontaire en reprise d'instance[Adresse 86][Localité 103] Représentée par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Madame [PA] [YA] veuve [HA] es qualité d'héritière de [L] [HA]intervenante volontaire en reprise d'instance[Adresse 12][Localité 55] Représentée par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Madame [O] [HA] épouse [T] es qualité d'héritière de [L] [HA] intervenante volontaire en reprise d'instance[Adresse 74][Localité 59] Représentée par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Madame [RV] [G] veuve [HA] es qualité d'héritière de [L] [HA] intervenante volontaire en reprise d'instance[Adresse 5][Localité 57] Représentée par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Monsieur [RN] [HA] es qualité d'héritier de [L] [HA] intervenant volontaire en reprise d'instance[Adresse 64][Localité 54] Représenté par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Monsieur [SU] [XT] [HA] es qualité d'héritier de [L] [HA] intervenant volontaire en reprise d'instance[Adresse 5][Localité 56] Représenté par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Madame [BL] [AI] es qualité d'héritière de [S] [EY] intervenante volontaire en reprise d'instance[Adresse 39][Localité 95] Représentée par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Madame [IV] [S] épouse [XW] es qualité d'héritière de [S] [EY]intervenante volontaire en reprise d'instance[Adresse 114][Adresse 114][Localité 2] Représentée par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Monsieur [LS] [S] es qualité d'héritier de [S] [EY]intervenant volontaire en reprise d'instance[Adresse 13][Localité 99] Représenté par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Madame [PZ] [S] épouse [B] es qualité d'héritière de [S] [EY]intervenante volontaire en reprise d'instance[Adresse 34][Localité 97] Représentée par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 INTIMES Madame [DH] [HK][Adresse 26][Localité 79] Représentée par Me Michel Guizard de la SELARL Guizard et associés, avocat au barreau de Paris, toque : L0020 Maître [TW] [UD][Adresse 120][Localité 45] Représenté par Me Jeanne Baechlin de la SCP Jeanne Baechlin, avocat au barreau de PARIS, toque : L003 Composition de la cour : Il a été délibéré de l'affaire sans audience en vertu de l'article 462 du code de procédure civile par la cour composée de : M. Claude Creton, présidentMme Christine Barberot, conseillère Mme [GE] [LZ], conseillère Greffier : M. Grégoire Grospellier Arrêt :- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.- signé par Claude Creton, président et par Grégoire Grospellier, greffier présent lors du prononcé. Vu l'arrêt no 119/2020 de cette Cour (pôle 4, chambre 1) du 19 juin 2020 (RG no 17/10728) qui, dans son dispositif (p. 14), a, notamment : "Dit que [XE] [HS] et [JX] [LD], son épouse, ont acquis par acte authentique du 19 janvier 1883 le terrain, sis [Adresse 23], cadastré section CN no [Cadastre 71], d'une contenance de 1are 49 centiares ; Dit que ce bien est entré pour partie dans le patrimoine de [JX] [US], saisie de ses droits sur ce bien dès le décès de sa mère, [JX] [LD], le [Date décès 8] 1919, puis de son père, [XE] [HS], le [Date décès 7] 1926" ; Vu la saisine d'office de cette Cour en matière de rectification d'erreur matérielle ; SUR CE, LA COUR, Dans les motifs de l'arrêt du 19 juin 2020 précité, la Cour avait constaté (p 12) que "[JX] [LD] est décédée le [Date décès 8] 1919, puis son époux, [XE] [HS], le [Date décès 7] 1926, laissant trois de leurs six enfants survivants : [XE] [HS], [CF] [HS], épouse [TT], et [X] [HS], épouse [US]. Cette dernière est décédée le [Date décès 40] 1927 laissant pour lui succéder ses deux filles, [VR] et [JX] [US]", ce dont il se déduit que [JX] [US] avait pour mère [X] [HS], épouse [US]. Or, dans le dispositif de cet arrêt (p.14, dernier paragraphe), la Cour a "Dit que ce bien est entré pour partie dans le patrimoine de [JX] [US], saisie de ses droits sur ce bien dès le décès de sa mère, [JX] [LD], le [Date décès 8] 1919, puis de son père, [XE] [HS], le [Date décès 7] 1926". Cette partie du dispositif est affectée d'une erreur matérielle qu'il y a lieu de rectifier en substituant aux époux [LD]-[HS], grands-parents de [JX] [US], la mère de cette dernière, [X] [HS], épouse [US]. PAR CES MOTIFS : Dit que, dans le dispositif de l'arrêt no 119/2020 de cette Cour (pôle 4, chambre 1) du 19 juin 2020 (RG no 17/10728) p.14, dernier paragraphe, à la disposition suivante : "Dit que ce bien est entré pour partie dans le patrimoine de [JX] [US], saisie de ses droits sur ce bien dès le décès de sa mère, [JX] [LD], le [Date décès 8] 1919, puis de son père, [XE] [HS], le [Date décès 7] 1926", est substituée la disposition qui suit : Dit que ce bien est entré pour partie dans le patrimoine de [JX] [US], saisie de ses droits sur ce bien dès le décès le [Date décès 40] 1927 de sa mère, [X] [HS], épouse [US] ; Ordonne que mention de cette rectification soit portée sur la minute de l'arrêt du 19 juin 2020 ainsi rectifié et qu'aucune expédition ne puisse en être délivrée sans que le présent arrêt rectificatif y soit annexé ; Laisse les dépens à la charge du Trésor public. Le greffier Le président
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JURITEXT000047545826
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ARRET
Cour d'appel d'Orléans, 27 août 2020, 19/025561
2020-08-27
Cour d'appel d'Orléans
Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
19/025561
C1
ORLEANS
COUR D'APPEL D'ORLÉANS CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE GROSSES + EXPÉDITIONS : le 27/08/2020la SCP EVIDENCE SELATNA-DE MATOS-SI MOHAMEDMe Nelly GALLIER Me Estelle GARNIER ARRÊT du : 27 AOUT 2020 No : 168 - 20 No RG 19/02556 - No Portalis DBVN-V-B7D-F7XR DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Commerce de BLOIS en date du 14 Juin 2019 PARTIES EN CAUSE APPELANTS :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265240316915085Monsieur [Z] [I][Adresse 7][Localité 5] Ayant pour avocat Me Maâdi SI MOHAMED, membre de la SCP EVIDENCE, avocat au barreau de TOURS S.A.R.L. Z-P&F[Adresse 10][Localité 4] Ayant pour avocat Me Maâdi SI MOHAMED, membre de la SCP EVIDENCE, avocat au barreau de TOURS D'UNE PART INTIMÉES : - Timbre fiscal dématérialisé No: 1265250364166258Madame [B] [N]née le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 12][Adresse 11][Adresse 11][Localité 3] Ayant pour avocat Me Nelly GALLIER, avocat au barreau de BLOIS SCP B.T.S.G Représenter par Me [C] mandataire liquidateur de la SA ESPRIT SUSHI[Adresse 2][Localité 8] Défaillante - Timbre fiscal dématérialisé No: 1265248339757052SA SWISSLIFE ASSURANCES DE BIENS Agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au dit siège,[Adresse 6][Localité 9] Ayant pour avocat postulant Me Estelle GARNIER, avocat au barreau d'ORLEANS, et pour avocat plaidant Me Vanessa DRUJONT, membre de la SELARL CM&B et ASSOCIES, avocat au barreau de TOURS D'AUTRE PART DÉCLARATION D'APPEL en date du : 15 Juillet 2019ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 30 avril 2020 COMPOSITION DE LA COUR L'audience du 14 mai 2020 n'a pu se tenir compte tenu de l'état d'urgence sanitaire déclaré par la loi no2020-290 du 23 mars 2020. En application des dispositions de l'article 8 de l'ordonnance no2020-304 du 25 mars 2020 et après information des parties par le président de la chambre, la cour statue sans audience au vu des conclusions et des pièces transmises, après délibéré au cours duquel Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel D'ORLEANS, et Madame Fanny CHENOT, Conseiller, ont rendu compte à la Cour composée de :Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, Madame Fanny CHENOT, Conseiller,Madame Nathalie MICHEL, Conseiller, Greffier : Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier lors des débats et du prononcé, ARRÊT : Prononcé publiquement par arrêt de défaut le 27 AOUT 2020 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE : La société Esprit Sushi qui exerçait notamment une activité d'achat et revente de machines à fabriquer les sushis et de consommables pour fabriquer des sushis et M. [I], qui a acquis le 10 novembre 2015 un fonds de commerce de restauration situé à [Adresse 10], se sont rapprochés à l'automne 2015, ce dernier souhaitant mettre en place, pour sa société Z-P&F en formation, le concept créé et commercialisé par la société esprit Sushi en vendant de manière exclusive sur Blois, la gamme de ses produits Esprit Sushi et Beauty Burger. La société Esprit Sushi a ainsi proposé à M. [I] de l'accompagner dans l'ouverture de son resturant et les parties ont envisagé de régulariser un contrat de distribution comportant certaines clauses d'exclusivité, ainsi que la réalisation par la société Esprit Sushi de travaux d'aménagement intérieur et extérieur des locaux et la fourniture du mobilier. Considérant que le projet de contrat adressé par la société Esprit Sushi n'était pas conforme à ce qui avait été prévu, que cette dernière avait abandonné le chantier, que les travaux effectués n'avaient pas été réalisés dans les règles de l'art et qu'il était d'accord pour les régler à condition que leur juste valeur soit déterminée, M. [I] a sollicité une expertise amiable auprès de M. [P] [G] expert près de la cour d'appel d'Orléans. La société Esprit Sushi a été conviée par le conseil de M. [I] à la réunion d'expertise mais ne s'est pas déplacée. M. [G] a communiqué une note d'expertise le 22 janvier 2016 dans laquelle il a chiffré les travaux réalisés par la société Esprit Sushi à la somme de 12.905€ et a constaté des désordres dont il a chiffré la reprise à la somme de 26.110€, portée à 57.069,54€ dans sa seconde note établie le 25 janvier 2017. Indiquant pour sa part qu'elle a adressé le 27 octobre 2015 à M. [I] le contrat à régulariser intitulé "contrat en distribution exclusive", le bon de commande et la facture, qu'ils se sont l'un et l'autre entendus sur un échéancier de paiement en 4 versements, de 20.000€ le 23 octobre 2015, 30.000€ le 15 novembre 2015, 50.000€ le 31 décembre 2015 et 52400€ le 29 février 2016, soit un total de 152.400€, que seule l'échéance du 23 octobre 2015 a été payée, M. [I] refusant de régler le surplus alors que les travaux ont presque tous été effectués, et refusant aussi de régulariser le contrat, la société Esprit Sushi a fait assigner M. [I] par acte du 17 décembre 2015 devant le tribunal de commerce de Blois en paiement de la somme de 149.000€. La société Z-P&F est intervenue volontairement à l'instance. Par jugement du 4 octobre 2016, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société Esprit Sushi et désigné la SCP BTSG prise en la personne de Maître [H] [C] en qualité de mandataire liquidateur. La société Z-P&F a déclaré sa créance entre les mains du mandataire liquidateur le 7 novembre 2016. La société Z-P&F a ensuite fait assigner en intervention forcée, par acte du 24 mai 2017, la société Swiss Life en qualité d'assureur de la société Esprit Sushi, puis par acte du 22 décembre 2017 Mme [B] [N] en sa qualité de dirigeante de la société Esprit Sushi, au motif que le défaut de souscription d'une assurance obligatoire est une faute du dirigeant détachable de ses fonctions sociales. Par jugement du 14 juin 2019, le tribunal de commerce de Blois a statué ainsi : Ordonne la jonction des affaires enrôlées sous les numéros 2015 007086 – 2017 002532 – 2018 000005 ; Déboute la SCP BTSG prise en la personne de Maître [H] [C], désigné ès qualité de liquidateur de la SA Esprit Sushi de toutes ses demandes, fins et prétentions et sera condamné au paiement de ses propres dépens de l'instance ; Déboute la société Z-P&F et M. [I] de toutes leurs demandes fins et prétentions sera condamné au paiement de ses propres dépens de l'instance (sic) ; Condamne la société Z-P&F et M. [I] au paiement de 1.000,00 euros, au profit de la compagnie Swiss Life, au titre de l'article 700 du code de procédure civile; Condamne la société Z-P&F et M. [I] au paiement de 1.000,00 euros, au profit de Mme [B] [N], au titre de l'article 700 du code de procédure civile; Condamne la société Z-P&F et M. [I] aux entiers dépens taxés et liquidés à la somme de 126,72 euros ainsi que les coûts des frais d'huissier et de droits de plaidoirie portés pour mémoire. Les premiers juges ont notamment relevé que le contrat fourni aux débats étant contesté par les parties et n'ayant pas été régularisé, il n'y avait pas de lien contractuel entre les parties et la société BTSG ès qualité de liquidateur de la société Esprit Sushi devait être déboutée de sa demande en paiement de la somme de 149.000€. Ils ont débouté la société Z-P&F de sa demande relative aux travaux après avoir relevé qu'elle ne fournissait pas les factures de réalisation des travaux de remise en état des désordres que la société Esprit Sushi aurait causés et que rien ne prouvait que les travaux survenus par la suite n'étaient pas destinés à la réalisation du projet venant remplacer le concept Esprit Sushi. Ils ont aussi retenu que M. [I] avait de lui-même souhaité interrompre le projet pour en réaliser un autre et qu'il devait être débouté de sa demande de réparation du préjudice subi. La société Z-P&F et M. [I] ont formé appel de la décision par déclaration du 15 juillet 2020 en intimant Mme [N] et la société Swiss Life, et en critiquant les chefs suivant du jugement :Déboute la société Z-P&F et M. [I] de toutes leurs demandes fins et prétentions sera condamné au paiement de ses propres dépens de l'instance ; Condamne la société Z-P&F et M. [I] au paiement de 1.000,00 euros, au profit de la compagnie Swiss Life, au titre de l'article 700 du code de procédure civile; Condamne la société Z-P&F et M. [I] au paiement de 1.000,00 euros, au profit de Mme [B] [N], au titre de l'article 700 du code de procédure civile; Condamne la société Z-P&F et M. [I] aux entiers dépens taxés et liquidés à la somme de 126,72 euros ainsi que les coûts des frais d'huissier et de droits de plaidoirie portés pour mémoire. Dans leurs dernières conclusions du 16 mars 2020, ils demandent à la cour de : Vu les articles L330-3, L721-3 et R330-1 du Code de Commerce, Vu les articles 1109 et suivants et 1382 du Code Civil dans leur rédaction en vigueur entre le mois d'octobre et le mois de décembre 2015, Vu l'article 1240 du Code Civil, Dire et Juger recevable et bien fondé l'appel interjeté par la société Z-P&F et M. [Z] [I] ; Dire et Juger recevable la société Z-P&F en ses prétentions ; Confirmer le Jugement entrepris en ce qu'il : Ordonne la jonction des affaires enrôlées sous les numéros 2015 007086 – 2017 002532 – 2018 000005 ; Déboute la SCP BTSG prise en la personne de Maître [H] [C], désigné ès qualité de liquidateur de la SA Esprit Sushi de toutes ses demandes, fins et prétentions et sera condamné au paiement de ses propres dépens de l'instance ; Infirmer le Jugement entrepris pour le surplus ; Statuant à nouveau, Fixer la créance de la société Z-P&F au passif de la liquidation judiciaire de la société Esprit Sushi à la somme de 20.000,00 euros au titre de la restitution de la somme versée pour la réservation de la zone d'exclusivité ; Fixer la valeur des travaux réalisés par la société Esprit Sushi à la somme de 12.905,00 euros ; En conséquence, fixer la créance de la société Z-P&F au passif de la liquidation judiciaire de la société Esprit Sushi à la somme de 7.095,00 euros suite à la remise en état des parties, augmentée des intérêts légaux à compter du 24 octobre 2015, les intérêts échus sur une année produisant également intérêts ; Fixer la créance de la société Z-P&F au passif de la liquidation judiciaire de la société Esprit Sushi à la somme de 57.069,54 euros au titre des travaux de reprise avec indexation sur l'évolution de l'indice BT du coût de la construction depuis le mois de janvier 2016 ;Fixer la créance de la société Z-P&F au passif de la liquidation judiciaire de la société Esprit Sushi à la somme de 246.595,00 euros au titre du préjudice découlant du retard pris dans l'ouverture du restaurant ; Fixer la créance de la société Z-P&F au passif de la liquidation judiciaire de la société Esprit Sushi à la somme de 10.000,00 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ; Concernant les appels en garantie, A titre principal, Condamner la société Swiss Life, ès qualités d'assureur responsabilité civile de la société Esprit Sushi, à payer à la société Z-P&F la somme de 57.069,54 euros au titre des travaux de reprise avec indexation sur l'évolution de l'indice BT du coût de la construction depuis le mois de janvier 2016 ; A titre subsidiaire, si la Cour estime que les travaux de reprise de la peinture sur les menuiseries extérieures relèvent de la garantie décennale, Condamner la société Swiss Life, ès qualités d'assureur responsabilité civile de la société Esprit Sushi, à payer à la société Z-P&F la somme de 13.730,00 euros au titre des travaux de reprise avec indexation sur l'évolution de l'indice BT du coût de la construction depuis le mois de janvier 2016 ; Condamner Mme [B] [N] à payer à la société Z-P&F la somme de 43.339,54 euros à titre de dommages et intérêts consécutifs au préjudice subi du fait de l'absence de garantie décennale ; En tout état de cause, Condamner la société Swiss Life, ès qualités d'assureur responsabilité civile de la société Esprit Sushi, à payer à la société Z-P&F la somme de 246.595,00 euros au titre du préjudice découlant du retard pris dans l'ouverture du restaurant ; Condamner la société Swiss Life à payer à la société Z-P&F la somme de 20.000,00 euros au titre de la résistance abusive ; Condamner la société Swiss Life à régler à la société Z-P&F la somme de 10.000,00 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure Civile ; Condamner la société Swiss Life à garantir la société Z-P&F de toutes les condamnations pouvant être prononcées à son encontre au profit de Mme [B] [N] au titre des frais irrépétibles ; Condamner la société Swiss Life aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris le coût du constat d'huissier dressé en date du 19 novembre 2015 par la SCP Sentucq-Torquato-Monnier-Foltzer et le rapport d'expertise du 22 janvier 2016, établi par M. [P] [G] ; Ordonner l'emploi des dépens en frais privilégiés de liquidation judiciaire, en ce compris le coût du constat d'huissier dressé en date du 19 novembre 2015 par la SCP Sentucq-Torquato-Monnier-Foltzer, et le rapport d'expertise du 22 janvier 2016, établi par M. [P] [G] ; Ils approuvent le tribunal d'avoir retenu qu'en l'absence de lien contractuel entre les parties la société BTSG devait être déboutée de sa demande de paiement et observe que ce chef du jugement n'est pas contesté et est définitif. Ils reprochent en revanche aux premiers juges de ne pas avoir fait droit à leur demande de fixation au passif à hauteur de 20.000€ au titre de la restitution de l'acompte qu'ils ont réglé, sous déduction de la valeur des travaux réalisés à hauteur de 12.905€, soit une créance de 7095€. Ils indiquent que la société Z-P&F a bien intérêt à agir car s'il est exact que le contrat de vente du 10 novembre 2015 stipulait que le fonds de commerce était cédé à la société Z-P&F, alors en formation, que la reprise automatique de l'acquisition ne se ferait que si cette société était immatriculée au RCS avant le 30 novembre 2015 et que celle-ci n'a été immatriculée que le 31 décembre 2015, il ne peut en être déduit, ainsi que le soutient la société Swiss Life, que le fonds de commerce aurait été cédé aux associés de la société Z-P&F et non à cette société, puisque l'acte de vente du 10 novembre 2015 stipule que pour produire ses effets, la non immatriculation de la société Z-P&F doit être "constatée par un acte établi par Me [D], notaire à [Localité 4], et publié au greffe du tribunal de commerce (?)", ce qui n'a pas été fait, aucune partie n'ayant souhaité se prévaloir de l'absence d'immatriculation de la société avant le 30 novembre 2015. Elle ajoute que cette clause ne concerne que le caractère automatique de la reprise du fonds et que les statuts de la SARL S-P&F signés et enregistrés au services des impôts le 30 novembre 2015 prévoient expressément une reprise à son profit de l'acte de vente du 10 novembre 2015, ce qui emporte reprise des engagements par cette société. La société Z-P&F soutient que la société Esprit Sushi a engagé sa responsabilité délictuelle et qu'elle a subi un double préjudice consistant d'une part en des malfaçons affectant les travaux réalisés par la société Esprit Sushi, étant précisé que les travaux qu'elle a ensuite effectués étaient des travaux de reprise des travaux réalisés par le sous-traitant de la société Esprit Sushi et non des travaux liés à son nouveau projet ainsi que l'a retenu à tort le tribunal, d'autre part dans le retard dans l'ouverture du restaurant qui devait intervenir début décembre 2015 et n'est intervenue que le 18 juillet 2017, soit un retard de 20 mois. M. [I] précise que ce n'est pas lui qui a souhaité interrompre le projet mais la société Esprit Sushi qui a quitté le chantier. Elle indique agir contre la société Swiss Life également sur le fondement délictuel et expose que la société Esprit Sushi n'a jamais fourni son attestation d'assurance et celles de ses sous-traitants; que la société Swiss Life a versé aux débats un contrat d'assurance de 2010 portant uniquement sur la responsabilité civile des entreprises industrielles et commerciales alors que Mme [N] produit un contrat d'assurance signé avec la même compagnie à effet au 1er juillet 2015 qui couvre l'activité de "livraisons et installations de kiosques ou restaurants sushis ; avec petits travaux d'électricité limités aux branchement d'appareils, ainsi que plomberie limitée aux raccords d'appareils". Elle expose que si un sous-traitant est effectivement intervenu, la société Esprit Sushi était le donneur d'ordre des travaux et n'a jamais contesté les avoir réalisés, ayant même initié la procédure pour en demander le paiement. Sur l'argumentation tirée de la suspension du contrat d'assurance le 19 novembre 2015, elle soutient que la société Swiss Life ne produit pas les conditions générales "Swiss RC bâtiment" alors qu'il lui appartient d'établir les circonstances de fait constitutives d'une exclusion de garantie et qu'en tout état de cause, les conditions générales qu'elle produit stipulent que la garantie est acquise au moins 5 jours après la date de résiliation ou d'expiration de la garantie, les travaux ayant en l'espèce été réalisés avant le 19 novembre 2015 et la réclamation de la société Z-P&F formée avant le 19 novembre 2020. Subsidiairement, si la cour estimait que les travaux relèvent de la responsabilité décennale, elle indique que Mme [N] a commis une faute détachable de ses fonctions de dirigeant en ne souscrivant pas de contrat d'assurance responsabilité décennale, qui est une assurance obligatoire. Dans ses dernières conclusions du 15 janvier 2020, la société Swiss Life demande à la cour de : Vu le jugement déféréVu les pièces versées aux débatsDéclarer irrecevable en tout cas mal fondé l'appel interjeté par M. [I] et la Société Z-P&F à l'encontre du jugement rendu le 14 juin 2019 par le Tribunal de Commerce de Blois, et le rejeterConfirmer en toutes ses dispositions ledit jugement, A ti tre subsidiaire, limiter et réduire les demandes formulées par la société Z-P&F en ce qu'elle ne justifie d'aucun préjudice commercial, d'aucune perte de chiffre d'affaires, et que les demandes formulées au titre de dommages et intérêts et des pertes de loyers sont infondées.En tout état de cause, Débouter toutes parties de toutes demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires aux présentes.Condamner in solidum M. [I] et la Société Z-P&F, ou toute autre partie succombante, à verser à la Swiss Life la somme de 3.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Condamner in solidum M. [I] et la Société Z-P&F, ou toute autre partie succombante, à l'excepti on de la concluante, aux entiers dépens de première instance et d'appel et accorder à Maître Estelle Garnier le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. Elle fait valoir :- que la société Z-P&F ne justifie pas d'un intérêt à agir car elle a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés au 31 décembre 2015 sans effet rétroactif et n'existait donc pas à la date des travaux en cause, et car le contrat de vente du fonds de commerce impliquait une reprise automatique de la vente par cette société à condition qu'elle soit immatriculée avant le 30 novembre 2015 ce qui n'a pas été le cas,- que les appelantes ne précisent pas le fondement légal sur lequel ils recherchent la garantie de la Swiss Life,- que les travaux en cause sont des travaux de peinture alors que la SA Esprit Sushi n'a jamais eu une activité de peintre en bâtiment et n'est pas assurée pour ce type de travaux d'autant qu'elle ne les a pas réalisés elle-même mais dit les avoir commandés à des entrepreneurs sans que l'on puisse affirmer qu'il s'agisse de sous traitance,- que les prétendus désordres n'ont jamais été constatés contradictoirement et M. [I], après avoir considéré les relations contractuelles comme rompues, a fait reprendre les travaux pour son propre compte dans le cadre d'un autre projet dès le 9 novembre 2015 soit avant le constat et l'audit de M. [G] et a donné des ordres au peintre en modifiant les prestations, de sorte que rien ne démontre que ces désordres concernent les travaux réalisés par la SARL Sushi, alors qu'aucune facture ni devis n'est versé aux débats,- que ce n'est pas à un assureur de produire une police sur une demande générale mais à celui qui réclame le bénéfice d'un contrat d'assurance d'en apporter la preuve et qu'en tout état de cause, il existe un seul et unique contrat d'assurance no 011135372 conclu le 1er juin 2010, le document produit par Mme [N] étant un avenant qui ne modifie pas les garanties,- que les garanties du contrat on été suspendues à compter du 19 novembre 2015 et le contrat résilié à la suite de la liquidation judiciaire du 4 octobre 2016, de sorte qu'aucune garantie n'est due sur les sinistres déclarés à l'assureur postérieurement au 19 novembre 2015,- subsidiairement, que le préjudice sollicité est surévalué et n'est pas démontré. Mme [N] demande à la cour, par dernières conclusions du 20 mars 2020 de:Vu l'article 1382(devenu article 1240) du Code Civil, Vu l'article L 225-251 du Code de Commerce, Vu les articles 1792 et 1792-1 et 1792-3 du Code Civil, Déclarer irrecevable et mal fondé l'appel interjeté par M. [I] et la Société Z-P&F à l'encontre du jugement rendu le 14 juin 2019 par le Tribunal de Commerce de Blois,Confirmer en toutes ses dispositions ledit jugement, Débouter M. [I] et la Société Z-P&F de toutes leurs demandes dirigées à l'encontre de Mme [B] [N]. Condamner in solidum M. [I], la Société Z-P&F ou qui il appartiendra à verser à Mme [B] [N] la somme de 3.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,Condamner in solidum M. [I], la Société Z-P&F ou qui il appartiendra à l'exception de Mme [B] [N] aux entiers dépens de première instance et d'appel et accorder à Maître N.Gallier le bénéfice des dispositions de l'Article 699 du code de procédure civile. Elle fait valoir que la faute détachable de ses fonctions consiste en une faute intentionnelle d'une particulière gravité incompatible avec l'exercice normal des fonctions sociales et qu'elle n'a aucunement omis de manière volontaire de souscrire une assurance obligatoire. Elle expose en outre que les travaux critiqués par M. [I] sont des travaux de peinture n'ayant qu'un rôle esthétique et que les désordres ne compromettent pas la solidité de l'ouvrage, de sorte que l'assurance décennale ne pouvait couvrir des travaux de cette nature et que l'assurance des travaux n'était pas obligatoire. Elle ajoute qu'elle a souscrit une assurance responsabilité civile auprès de la compagnie Swiss life couvrant les travaux réalisés par la société. Il est expressément référé aux écritures des parties pour plus ample exposé des faits ainsi que de leurs moyens et prétentions. La société BSTG ès qualités de liquidateur de la société Esprit Sushi, à laquelle la déclaration d'appel a été signifiée par acte délivré le 3 octobre 2019 selon les modalités prévues par les articles 656 et 658 du code de procédure civile, n'a pas constitué avocat. La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 30 avril 2020. L'audience du 14 mai 2020 n'a pu se tenir compte tenu de l'état d'urgence sanitaire déclaré par la loi no 2020-290 du 23 mars 2020. Un message a été adressé aux parties le 7 avril 2020 leur rappelant qu'en application des dispositions de l'article 8 de l'ordonnance no 2020-304 du 25 mars 2020, la procédure se déroulera sans audience et l'affaire mise en délibéré, sauf opposition de l'une ou l'autre des parties dans un délai de quinze jours. Aucune partie ne s'y est opposée dans le délai imparti et l'affaire a été mise en délibéré au 27 août 2020. MOTIFS DE LA DÉCISION : Sur la recevabilité de l'appel Dans le dispositif de leurs écritures qui seul saisit la cour, en application de l'article 954 du code de procédure civile, les intimées sollicitent uniquement l'irrecevabilité de l'appel engagé par la société Z-P&F et non de ses demandes. Dès lors qu'elle a été déboutée avec M. [I] de toutes ses demandes et prétentions et condamnée au paiement d'indemnités de procédure et aux dépens, elle a intérêt à interjeter appel du jugement. En outre, en réponse à l'argumentation de la société Swiss Life selon laquelle la société Z-P&F ne justifierait pas du droit d'exploiter le fonds de commerce dans lesquels ont eu lieu les travaux litigieux, la cour relève que par acte du 10 novembre 2015, M. [I] a acquis ce fonds de commerce, comprenant le droit au bail signé le 29 janvier 2015 "pour le compte de la société en formation Z-P&F" (page 2) et que si cet acte stipule en page 3 que l'immatriculation de la société Z-P&F emporte automatiquement reprise par elle de la présente acquisition à condition d'intervenir au plus tard le 30 novembre 2015, et qu'à défaut d'immatriculation dans ce délai, le fonds de commerce appartient aux associés M. [Z] [I] et son frère [E] [I], il est aussi stipulé que cette non immatriculation est alors constatée par un acte notarié publié au greffe du tribunal de commerce. En l'espèce, il est exact que la société Z-P&F n'a été immatriculée que le 31 décembre 2015, mais aucune des parties n'a fait constater l'absence d'immatriculation dans le délai fixé, ni plus largement n'a souhaité s'en prévaloir, ainsi que le confirme Maître [D] notaire ayant reçu l'acte de vente dans une attestation du 10 mars 2020, étant ajouté que la vente au profit de la société Z-P&F a été publié au Bodacc le 30 décembre 2015, que les statuts de cette société signés et enregistrés au service des impôts le 30 novembre 2015 prévoient une reprise à son profit de l'acte de vente du 10 novembre 2015 et que cette société établit, notamment par la production de quittances de loyer de décembre 2015 à juillet 2017, avoir exploité effectivement le fonds de commerce (pièces 44 à 49 produites par les appelants). La société Z-P&F justifie donc de son intérêt à agir et son appel est recevable. Sur les demandes relatives à la restitution de l'acompte de 20.000€ et à la valeur des travaux La cour constate à titre liminaire que la société BTSG ès qualités de liquidateur de la société Esprit Sushi demandait au tribunal de dire que les parties étaient liées par un engagement contractuel emportant l'obligation pour la société Z-P&F de payer la somme de 149.000€ et de la condamner au paiement de cette somme, et que la déclaration d'appel ne vise pas le chef du jugement ayant débouté le liquidateur de la société Esprit Sushi de toutes ses demandes. Aucun des intimés n'ayant non plus contesté ce chef de la décision, le jugement est donc irrévocable en ce qu'il a débouté la société BTSG ès qualités de toutes ses demandes, notamment celle tendant à dire que les parties étaient liées par un engagement contractuel emportant l'obligation pour cette dernière de payer la somme de 149.000€. En l'absence de contrat régularisé entre les parties, c'est à bon droit que la société Z-P&F sollicite la restitution de l'acompte de 20.000€ qu'elle a réglé pour la réservation de la zone d'excluvité. Le jugement qui a débouté la société Z-P&F de la totalité de toutes ses prétentions sans motiver le rejet de cette demande sera infirmé de ce chef et il convient de fixer la créance de la société Z-P&F au passif de la liquidation judiciaire de la société Esprit Sushi à la somme de 20.000€. En revanche, le liquidateur de la société Esprit Sushi ne sollicite pas la fixation de sa créance et les appelants ne peuvent se substituer à lui. Ils seront donc déboutés de leurs demandes tendant à fixer la valeur des travaux réalisés par la société Esprit Sushi à la somme de 12.905,00 euros et la créance de la société Z-P&F de 7.095€. Sur les demandes d'indemnisation formées par la société Z-P&F La société invoque deux préjudices dont elle sollicite l'indemnisation en se fondant exclusivement sur l'article 1382 ancien et l'article 1240 nouveau du Code civil relatifs à la responsabilité délictuelle. D'une part, elle indique que la société Esprit Sushi a réalisé ou fait réaliser des travaux, essentiellement de peinture, pour l'aménagement du restaurant de la société Z-P&F, qui sont effectués de malfaçons et engage à ce titre sa responsabilité délictuelle. D'autre part, elle sollicite l'indemnisation de son préjudice subi du fait du retard dans les travaux, qui consiste dans le remboursement à hauteur de la somme totale de 60.000€ au titre des loyers qu'elle a payés pendant 20 mois en vain, le restaurant qui devait ouvrir le 7 décembre 2015 n'ayant ouvert qu'en août 2017, ainsi que la somme de 186.595€ au titre d'une perte de résultat pendant 20 mois, calculée sur la base du budget prévisionnel de la société Z-P&F établi le 15 octobre 2015. Il ressort des échanges de mails entre elle et la société Esprit Sushi et des écritures de première instance produites par cette dernière que celle-ci a effectivement réalisé ou fait réaliser certains travaux d'aménagement, dans le cadre du projet envisagé par M. [I] et donc d'un commun accord, avec ce dernier puis sa société, la société Z-P&F (pièces 11, 12, 14, 29). Notamment, dans son courriel du 3 novembre 2015 (pièce 11), M. [I] fait très clairement allusion aux travaux convenus entre eux, en indiquant que l'entrée était prévue en noir et que la couleur taupe lui est apparue plus appropriée, mais sans vouloir "tout chambouler en plein chantier". Il a en outre accepté de régler un acompte de 20.000€ sur le prix global convenu à hauteur de 152400€. Les travaux qui seraient affectés de malfaçons, dont la société Z-P&F sollicite l'indemnisation, procèdent donc clairement d'un accord de volonté entre les parties et par suite d'un suite et ne peuvent donc avoir qu'un fondement contractuel et non un fondement délictuel. Or, ainsi qu'il a été dit, le tribunal a débouté la société BTSG ès qualités de toutes ses demandes, y compris celle tendant à dire que les parties étaient liées par un engagement contractuel emportant l'obligation pour la société Z-P&F de payer la somme de 149.000€. Les appelants relèvent expressément en page 11 de leurs écritures que les premiers juges ont jugé qu'il n'existait pas de lien contractuel entre les parties et en ont déduit le débouté de la demande en paiement formée par la société BTSG ès qualités. Dès lors qu'ils n'ont pas interjeté appel de ce chef du jugement déboutant le liquidateur de toutes ses demandes, dont ils soulignent le caractère définitif, de sorte que la cour n'en est pas saisie, et qu'en outre, ils ne recherchent pas la reponsabilité contractuelle de la société Esprit Sushi mais uniquement sa responsabilité délictuelle, c'est sur ce seul fondement de la responsabilité délictuelle que la cour doit statuer. Or, la société Z-P&F ne peut à bon droit fonder sa demande d'indemnisation au titre de la remise en état des locaux, sur la responsabilité délictuelle de la société Esprit Sushi alors que les manquements dont elle se prévaut procèdent de travaux initialement acceptés par eux et donc d'un contrat et qu'elle n'allègue aucun fait ou délit pouvant fonder une responsabilité délictuelle. De même, elle ne peut tout à la fois, se prévaloir de l'absence de lien contractuel entre les parties, et en même temps soutenir que les parties avaient convenu que le restaurant de la société Z-P&F ouvrirait le 7 décembre 2015 et en déduire que la société Esprit Sushi a commis une faute en abandonnant le chantier et en n'achevant donc pas les travaux pour cette date. En effet, à supposer cette faute établie, elle procéderait du non respect d'un engagement convenu entre les parties et ne pourrait dès lors avoir qu'un fondement contractuel et non délictuel. La société Z-P&F doit en conséquence déboutée de toutes ses demandes de dommages et intérêts formées contre la société BTSG ès qualités de liquidateur de la société Esprit Sushi. Sur les demandes formées contre la société Swiss life et contre Mme [N] La société Z-P&F agit contre la société Swiss Life, également sur le fondement délictuel, et se prévaut de l'avenant au contrat d'assurance à effet au 1er juillet 2015 conclu entre la société Swiss Life et la société Esprit Sushi. Cet avenant au contrat d'assurance "responsabilité civile des entreprises industrielles et commerciales" conclu en 2010 est intitulé "responsabilité civile des entreprises du bâtiment et des travaux publics" et couvre l'activité suivante : "Achat et revente de machines à fabriquer les sushis et les consommables pour fabriquer les sushis. Livraisons et installations de kiosques ou restaurants sushis. Avec petits travaux d'électricité limités aux branchement d'appareils, ainsi que plomberie limitée aux raccords d'appareils". Or, dès lors que la société Z-P&F est déboutée de ses demandes de dommages et intérêts formées contre la société BTSG ès qualités de liquidateur de la société Esprit Sushi au titre des travaux et du retard dans l'ouverture du restaurant, elle ne peut qu'être déboutée de ces mêmes demandes formées contre son assureur, en l'absence de fait de responsabilité civile de nature délictuelle engageant la responsabilité de l'assuré. Par ailleurs, ainsi que le rappelle la société Swiss Life, il appartient à celui qui réclame le bénéfice d'un contrat d'assurance et non à l'assureur mis en cause, d'apporter la preuve de l'existence de ce contrat. Il n'y a pas lieu de retenir la mauvaise foi ou la déloyauté de la société Swiss Life dont la garantie n'est au demeurant pas retenue et la demande de dommages et intérêts à hauteur de 20.000€ pour résistance abusive sera rejetée. En l'absence de toute faute retenue à l'encontre de la société Swiss Life, la demande sollicitant qu'elle soit condamnée à garantir la société Z-P&F des condamnations pouvant être prononcées contre cette dernière au profit de Mme [N] au titre des frais irrépétibles sera aussi rejetée. La société Z-P&F agit à titre subsidiaire contre Mme [N] en qualité de gérante de la société Esprit Sushi au motif qu'en ne souscrivant pas de contrat d'assurance responsabilité décennale, qui est une assurance obligatoire, Mme [N] a commis une faute détachable de ses fonctions de dirigeant. La faute détachable des fonctions engageant la responsabilité personnelle d'un dirigeant de société consiste en une faute intentionnelle d'une particulière gravité incompatible avec l'exercice normal des fonctions sociales. En l'espèce, la cour rappelle que la société Z-P&F n'agit pas contre la société Esprit Sushi sur le fondement de la garantie décennale mais sur un fondement uniquement délictuel. Au surplus, il n'est pas établi que les travaux en cause, à supposer que les appelants aient invoqué un fondement contractuel à leur action contre la société Esprit Sushi, aient été de nature à engager sa responsabilité décennale, s'agissant de travaux de peinture à vocation purement esthétique. Enfin, il est établi que la société Esprit Sushi, dirigée par Mme [N] a souscrit un contrat d'assurance "Responsabilité civile des entreprises du bâtiment et des travaux publics". Le fait que Mme [N] n'ait pas souscrit d'assurance responsabilité décennale n'est donc pas une faute détachable de ses fonctions engageant sa responsabilité personnelle. La demande formée contre elle sera rejetée. Sur les autres demandes Au regard des circonstances du litige et du fait que les appelants n'obtiennent que très partiellement gain de cause en leurs demandes et notamment sont déboutées de celles formées contre la société Swiss life et Mme [N], il convient de dire que M. [I], la société Z-P&F et la société BTSG ès qualité de liquidateur de la société Esprit Sushi conserveront la charge des dépens de première instance et d'appel qu'ils ont exposés et qu'il ne sera pas fait application de l'article 700 du code de procédure civile. Les dépens exposés par la société Swiss Life et Mme [N] ainsi que les dépens taxés et liquidés à la somme de 126,72€ par le tribunal, seront mis à la charge de la société Z-P1F et de M. [I], outre le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Maître Garnier et de Maître Gallier qui en font la demande expresse. Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et il sera alloué à la société Z-P&F et à Mme [N] la somme de 1500€ chacune au titre des frais irrépétibles exposés en appel. PAR CES MOTIFS La Cour, INFIRME le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande de la société Z-P&F en fixation de la somme de 20.000€ au passif de la liquidation judiciaire de la société Esprit Sushi et en ses dispositions relatives aux dépens ; STATUANT A NOUVEAU sur ces seuls chefs, FIXE la créance de la société Z-P&F au passif de la liquidation judiciaire de la société Esprit Sushi à la somme de 20.000,00 euros ; DIT que M. [Z] [I] et la société Z-P&F d'une part et la société BTSG ès qualité de liquidateur de la société Esprit Sushi d'autre part, conserveront la charge des dépens que chacun a exposés en première instance ; CONDAMNE in solidum la société Z-P&F et M. [Z] [I] aux dépens exposés en preière instance par la société Swiss Life et Mme [N] et aux dépens taxés et liquidés à la somme de 126,72€ par le tribunal, CONFIRME le jugement déféré en toutes ses autres dispositions ; Y AJOUTANT, CONDAMNE in solidum M. [I] et la société Z-P&F à verser à Mme [B] [N] et à la société Swiss Life la somme de 1500€ à chacune au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, REJETTE toutes les autres demandes ; DIT que M. [I], la société Z-P&F d'une part, et la société BTSG ès qualité de liquidateur de la société Esprit Sushi d'autre part, conserveront la charge des dépens qu'ils ont exposés en appel ; CONDAMNE in solidum la société Z-P&F et de M. [I] aux dépens exposés en appel par la société Swiss Life et Mme [N], outre le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Maître Garnier et de Maître Gallier. Arrêt signé par Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. LE GREFFIERLE PRÉSIDENT
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JURITEXT000047545827
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ARRET
Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 4 septembre 2020, 20/00587W
2020-09-04
Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
20/00587W
RA
AIX_PROVENCE
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCERétention Administrative1-11 RA ORDONNANCEDU 04 SEPTEMBRE 2020 No 2020/0587 Rôle No RG 20/00587 - No Portalis DBVB-V-B7E-BGHSZ Copie conformedélivrée le 04 Septembre 2020 par courriel à :-l'avocat-le préfet-le CRA-le JLD/TGI-le retenu-le MP Signature,le greffier Décision déférée à la Cour : Ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de MARSEILLE en date du 03 Septembre 2020 à 12h58. APPELANT Monsieur [S] [L]né le [Date naissance 3] 1981 à [Localité 5]de nationalité Tunisienne Comparant assisté de Me KARA Sonnia avocat au barreau d'Aix- en-Provence, avocat commis d'office et de Mme [G] [H] interprète en langue arabe non inscrite sur la liste des experts, ayant préalablement prêté serment. INTIME : Monsieur le préfet du Var Représenté par Mme VOILLEQUIN Sylvie MINISTÈRE PUBLIC : Avisé et non représenté DEBATS L'affaire a été débattue en audience publique le 04 Septembre 2020 devant Madame Rachel ISABEY, Conseiller à la cour d'appel déléguée par le premier président par ordonnance,Assistée de : Mme Lydia HAMMACHE, greffière ORDONNANCE Contradictoire, Prononcée par mise à disposition au greffe le 04 Septembre 2020 à 16 H30, Signée par Madame Rachel ISABEY, Conseiller et Mme Lydia HAMMACHE, greffière PROCÉDURE ET MOYENS Vu les articles L 551-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ; Vu l'arrêté portant réadmission auprès des autorités italiennes pris le 01/09/2020 par le préfet du Var, notifié le même jour à 16H45 ; Vu la décision de placement en rétention prise le 01/09/2020 par le préfet du Var notifiée le même jour à 16H45 ; Vu la requête en contestation de l'arrêté de placement en rétention, adressée par l'étranger au juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Marseille le 2 septembre 2020 à 16H50 ; Vu la requête adressée au juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Marseille par le préfet des Bouches du Rhône le 2 septembre 2020 à 14H46, aux fins de prolongation de la rétention de l'intéressé ; Vu l'ordonnance du 03 Septembre 2020 rendue par le juge des libertés et de la détention de MARSEILLE rejetant la requête de Monsieur [S] [L] et décidant son maintien dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire ; Vu l'appel interjeté le 04/09/2020 par Monsieur [S] [L] ; Monsieur [S] [L] a comparu et a été entendu en ses explications. Il déclare qu'il est prêt à repartir en Italie après une consultation médicale prévue le 8 septembre. Il prétend être venu en France pour voir un ami prénommé [Z] dont il a oublié le nom et l'adresse. Son avocat a été régulièrement entendu. Il conclut à l'illégalité de l'arrêté de placement en rétention, comme insuffisamment motivé et fondé sur une appréciation erronée des garanties de représentation. Il sollicite à titre subsidiaire une assignation à résidence. Le représentant de la préfecture sollicite la confirmation de l'ordonnance entreprise. Il expose que la décision de placement en rétention est motivée en fait et en droit et régulièrement fondé sur l'absence de résidence effective et de volonté de départ. MOTIFS DE LA DÉCISION L'appel est recevable comme ayant été formé dans les 24 heures de la notification de l'ordonnance entreprise. Sur la légalité de la décision de placement en rétention : En application de l'article L.551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans les cas prévus aux 1o à 7o du I de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque mentionné au 3o du II de l'article L. 511-1 peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de quarante-huit heures, en prenant en compte son état de vulnérabilité et tout handicap. Aux termes de l'article L.511-1 II 3o le risque de soustraction à la décision d'éloignement peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;b) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;c) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, de son récépissé de demande de carte de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ;d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ;e) Si l'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ou s'il a fait usage d'un tel titre ou document ;f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au deuxième alinéa de l'article L. 611-3, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 513-4, L. 513-5, L. 552-4, L. 561-1, L. 561-2 et L. 742-2 g) Si l'étranger, entré irrégulièrement sur le territoire de l'un des Etats avec lesquels s'applique l'acquis de Schengen, fait l'objet d'une décision d'éloignement exécutoire prise par l'un de ces Etats ou s'est maintenu sur le territoire d'un de ces Etats sans justifier d'un droit de séjour ; h) Si l'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français. En l'espèce la décision de placement en rétention cite les textes applicables à la situation de M. [L] et énonce les circonstances qui justifient l'application des ces dispositions. Elle précise notamment que l'intéressé n'a pu justifier d'une résidence effective et permanente, n'étant pas en capacité d'indiquer l'adresse et le nom de son hébergeant, et qu'il n'envisage pas son retour en Italie. Ces circonstances correspondent aux éléments dont l'administration disposait au jour de sa décision, comme recueillis au cours de la garde à vue de M. [L] En conséquence cette décision comporte les motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement et M. [L] a pu être regardé comme ne présentant pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque qu'il se soustraie à l'obligation de quitter le territoire.C'est donc sans méconnaître le principe de proportionnalité et de nécessité et en procédant à un examen de la situation de l'étranger que la décision de placement en rétention a été prise. Sur la demande d'assignation à résidence : Aux termes de l'article L.552-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), le juge peut ordonner l'assignation à résidence de l'étranger lorsque celui-ci dispose de garanties de représentation effectives, après remise à un service de police ou à une unité de gendarmerie de l'original du passeport et de tout document justificatif de son identité, en échange d'un récépissé valant justification de l'identité et sur lequel est portée la mention de la mesure d'éloignement en instance d'exécution. L'assignation à résidence concernant un étranger qui s'est préalablement soustrait à l'exécution d'une obligation de quitter le territoire français, d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une interdiction de circulation sur le territoire français, d'une interdiction administrative du territoire, d'une mesure de reconduite à la frontière, d'une interdiction du territoire, ou d'une mesure d'expulsion doit faire l'objet d'une motivation spéciale. L'appréciation de l'opportunité d'accorder cette mesure, qui ne saurait non plus être automatique, suppose que les éléments de la procédure ne laissent pas apparaître un risque de non exécution de la mesure d'éloignement. En l'espèce, si Monsieur [L] est titulaire d'un passeport en original et en cours de validité remis au directeur du centre de rétention administrative, il ne justifie pas d'une domiciliation effective, ayant versé une attestation d'hébergement illisible et fait état au cours de la procédure de 3 hébergeants différents. Enfin, il convient de relever qu'il a déclaré devant le juge des libertés et de la détention être venu en France pour travailler et ne pas souhaiter repartir en Italie. Dans ces conditions, une assignation à résidence constituerait un risque sérieux de non exécution de la mesure d'éloignement et la demande sera rejetée. En conséquence il y a lieu de confirmer l'ordonnance entreprise. PAR CES MOTIFS Statuant publiquement par décision contradictoire en dernier ressort, après débats en audience publique, En la forme, déclarons recevable l'appel formé par Monsieur [S] [L] ; Au fond, le disons mal fondé et confirmons l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de MARSEILLE en date du 03 Septembre 2020. L'intéressé est avisé qu'il peut se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation, signé par un avocat au conseil d'Etat ou de la Cour de cassation. Le greffier,Le président, COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCEService des Rétentions Administratives [Adresse 4]Téléphone : [XXXXXXXX02] - Fax : [XXXXXXXX01] 04.42.33.82.90 04.42.33.80.40 Aix-en-Provence, le 04 Septembre 2020 - Monsieur le préfet des DU VAR- Monsieur le procureur général- Monsieur le directeur du Centre de Rétention Administrative de [Localité 6] - Maître Sonnia KARA- Monsieur le greffier du Juge des libertés et de la détention de MARSEILLE OBJET : Notification d'une ordonnance. J'ai l'honneur de vous notifier l'ordonnance ci-jointe rendue le 04 Septembre 2020, suite à l'appel interjeté par : Monsieur [S] [L]né le [Date naissance 3] 1981 à [Localité 5]de nationalité Tunisienne VOIE DE RECOURS Nous prions Monsieur le directeur du centre de rétention administrative de bien vouloir indiquer au retenu qu'il peut se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation. Le greffier, Je vous remercie de m'accuser réception du présent envoi.
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JURITEXT000047545828
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ARRET
Cour d'appel de Bordeaux, 3 septembre 2020, 20/000562
2020-09-03
Cour d'appel de Bordeaux
Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes
20/000562
RF
BORDEAUX
RÉFÉRÉ No RG 20/00056 No Portalis DBVJ-V-B7E-LSUY_______________________ SARL DILMEX c/ [V] [P], [R] [P], [W] [P] épouse [U] _______________________ DU 03 SEPTEMBRE 2020_______________________ Grosse délivrée le : Rendu par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. Le 03 septembre 2020 Nous, Marie-Jeanne LAVERGNE-CONTAL, présidente de chambre à la cour d'appel de Bordeaux, désignée en l'empêchement légitime de la première présidente par ordonnance du 10 juin 2020, assistée de Martine MASSÉ, greffière, Avons dans l'affaire opposant : SARL DILMEX, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 6] le gérant présent, assisté de Me Constance MARCONI substituant Me Lionel MARCONI, avocats au barreau de BORDEAUX Demanderesse en référé suivant assignation en date des 24 et 25 juin 2020, à : Madame [V] [P]née le [Date naissance 2] 1980 à [Localité 5], de nationalité française,, demeurant [Adresse 4] Madame [R] [P]de nationalité française,, demeurant [Adresse 3] Madame [W] [P] épouse [U]de nationalité française, demeurant [Adresse 1] en leur qualité d'ayant-droits de [B] [P] décédé absentes, représentées par Me Iwann LE BOEDEC, avocat au barreau de BORDEAUX Défenderesses, rendu l'ordonnance contradictoire suivante après que la cause a été débattue en audience publique devant nous, assistée de Martine MASSÉ, greffière, le 16 juillet 2020. I - FAITS, PROCÉDURE ET DEMANDES DES PARTIES Par jugement de départage en date du 14 janvier 2020, la formation de départage du Conseil de prud'hommes de Bordeaux a :- rejeté la demande de nouvelle expertise- condamné la SARL Dilmex prise en la personne de son représentant légal à payer à Mme [V] [P], Mme [R] [P] et Mme [U] prises en leurs qualités d'ayant-droits de [B] [P] décédé la somme de 12.102,71 euros à titre de rappel de salaires sur heures supplémentaires outre 1.210,27 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférente- prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [P] à la date du 18 décembre 2018- condamné la SARL Dilmex prise en la personne de son représentant légal à payer à Mme [V] [P], Mme [R] [P] et Mme [U] les sommes de : 12.450,96 euros au titre du travail dissimulé 9.304 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos 18.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse 10.029,94 euros au titre de l'indemnité de licenciement 3.448,36 euros au titre de l'indemnité de préavis 344,83 euros au titre des congés payés afférents- déboute Mme [V] [P], Mme [R] [P] et Mme [U] es qualités de leur demande de dommages et intérêts pour violation de la réglementation sur le temps de travail- condamné la SARL Dilmex prise en la personne de son représentant légal à payer à Mme [V] [P], Mme [R] [P] et Mme [U] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile - débouté la SARL Dilmex de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile - condamné la SARL Dilmex aux dépens- rappelé que l'exécution provisoire est de droit pour le paiement des sommes dues au titre des heures supplémentaires, de la contrepartie obligatoire de repos, de l'indemnité compensatrice de congés payés, de préavis et de l'indemnité de licenciement- rejeté la demande d'exécution provisoire pour le surplus des condamnations. La société Dilmex a interjeté appel de cette décision le 6 février 2020. Par actes en date des 24 et 25 juin 2020, la société Dilmex a fait assigner Mme [V] [P], Mme [R] [P] et Mme [U] devant le premier président pour voir prononcer la suspension de l'exécution provisoire de la décision rendue le 14 janvier 2020 par le conseil des Prud'hommes de Bordeaux et voir dire que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens. La société Dilmex soutient que les conditions de l'article 524 du code de procédure civile dans sa rédaction application au cas de l'espèce sont réunies pour justifier de la suspension de l'exécution provisoire. Elle fait valoir que le principe du contradictoire n'a pas été respecté par le premier juge puisque alors même que le rapport d'expertise ordonnée par la juridiction n'avait pas été déposé, le conseil des Prud'hommes dans sa formation de départage a fait revenir l'affaire à l'audience rejetant sa demande de renvoi et statuant sur le fond du litige après lui avoir indiqué que "la demande d'expertise sera plaidée à l'audience." Dans ces conditions, elle affirme que le jugement litigieux a été rendu en violation manifeste du principe du contradictoire.D'autre part, elle fait valoir que le conseil des Prud'hommes a rendu outre la présente instance, 12 autres décisions portant condamnations pour un montant total assorti de l'exécution provisoire de 216.766,56 euros et que compte tenu de la situation sanitaire ayant entraîné un ralentissement de son activité, l'exécution de ces décisions serait de nature à entraîner un état de cessation des paiements. Elle soutient que l'exécution à titre provisoire du jugement du 14 janvier 2020 entraînerait pour elle des conséquences manifestement excessives. Elle sollicite la suspension de l'exécution provisoire. Mme [V] [P], Mme [R] [P] et Mme [U] contestent l'existence d'une violation du principe du contradictoire ou de l'article 12 du code de procédure civile rappelant que la société Dilmex a conclu le 18 novembre 2019 devant le conseil des Prud'hommes et qu'elle n'a formé, le jour de l'audience, aucune demande de renvoi. En conséquence, Mme [V] [P], Mme [R] [P] et Mme [U] soutiennent qu'il n'existe pas de violation manifeste du principe du contradictoire.En ce qui concerne l'existence de conséquences manifestement excessives du fait de l'exécution provisoire, Mme [V] [P], Mme [R] [P] et Mme [U] font valoir qu'aucun des documents produits par la société Dilmex ne démontre que cette dernière présenterait une situation financière précaire. Il relève que le courrier en date du 15 juillet 2020 émanant de l'expert-comptable de la société Dilmex ne permet pas de venir établir la réalité de conséquences manifestement excessives en cas d'exécution provisoire.Elles concluent au rejet de la demande de la société Dilmex. SUR CE L'article 524 du code de procédure civile dispose que lorsque l'exécution provisoire a été ordonnée, elle ne peut être arrêtée, en cas d'appel, que par le premier président statuant en référé et dans les cas suivants : (.../...)Lorsque l'exécution provisoire est de droit, le premier président peut prendre les mesures prévues au deuxième alinéa de l'article 521 et à l'article 522.Le premier président peut arrêter l'exécution provisoire de droit en cas de violation manifeste du principe du contradictoire ou de l'article 12 et lorsque l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives. Ainsi lorsqu'elle est de droit, cas de l'espèce, l'exécution provisoire cède devant la double démonstration explicitée au dernier paragraphe de l'article 524 ci-dessus reproduit. En l'espèce, il convient de relever que la société Dilmex, contrairement à ses affirmations, a conclu devant le premier juge tant sur la demande de nouvelle expertise qu'elle sollicitait qu'à titre subsidiaire, sur les demandes en paiement présentées par M. Mme [V] [P], Mme [R] [P] et Mme [U] pour en solliciter le débouté. En conséquence, la société Dilmex ne démontre nullement l'existence d'une violation du principe du contradictoire par le premier juge. En ce qui concerne les conséquences manifestement excessives de l'exécution des condamnations assorties de l'exécution provisoire, il convient de relever que pour l'année 2019, le résultat net de la société Dilmex était de 210.399,64 euros. D'autre part, l'attestation de l'expert comptable du 15 juillet 2020 indique très clairement que les prévisions et hypothèses présentées relèvent de la responsabilité de la direction et que s'agissant de prévisions présentant par nature un caractère incertain, les réalisations différeront parfois de manière significative des informations prévisionnelles présentées. Enfin le bilan établi le 12 mai 2020 indique que la société, compte tenu du caractère récent de l'épidémie (Covid 19) et des mesures annoncées par le gouvernement pour aider les entreprises, n'est toutefois pas en capacité d'en apprécier l'impact chiffré éventuel et il est précisé que A la date d'arrêté des comptes des états financiers 2019 de l'entité, la direction de l'entité n'a pas connaissance d'incertitudes significatives qui remettent en cause la capacité de l'entité à poursuivre son exploitation. En conséquence, il n'est pas démontrer par la société Dilmex que l'exécution provisoire de droit ordonnée par le premier juge serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives. Il y a lieu de rejeter la demande de la société Dilmex portant sur la suspension de l'exécution provisoire du jugement du 14 janvier 2020. PAR CES MOTIFS Déboutons la société Dilmex de sa demande de suspension de l'exécution provisoire. Condamnons la société Dilmex à verser à Mme [V] [P], Mme [R] [P] et Mme [U] la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Condamnons la société Dilmex aux entiers dépens. La présente ordonnance est signée par Marie-Jeanne LAVERGNE-CONTAL, présidente de chambre et par Martine MASSÉ, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. La greffière La présidente
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JURITEXT000047545829
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ARRET
Cour d'appel de Paris, 4 septembre 2020, 19/051257
2020-09-04
Cour d'appel de Paris
Autre décision avant dire droit
19/051257
G1
PARIS
Copies exécutoires délivrées aux parties le RÉPUBLIQUE FRANÇAISEAU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS Cour d'appel de Paris Pôle 4 - chambre 1 Arrêt du 04 septembre 2020 (no /2020, pages) Numéro d'inscription au répertoire général : RG 19/05125 -Portalis 35L7-V-B7D-B7PF4 Décision déférée à la cour : jugement du 28 septembre 2018 -tribunal de grande instance de Paris - RG 17/01208 APPELANTS Monsieur [L] [A][Adresse 7][Localité 8] Madame [V] [C][Adresse 7][Localité 8] Représentés par Me Béatrice Rudloff de la SCP Rudloff, avocat au barreau de Paris, toque : C1770 INTIMES Monsieur [S] [B][Adresse 4][Localité 6] Madame [Y] [B][Adresse 4][Localité 6] Représentés par Me Nadia Bakour, avocat au barreau de Paris, toque : E1052 substituée à l'audience par Me Daoud Achour, avocat au barreau de Paris Composition de la cour : En application des dispositions de l'article 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 juillet 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Claude Creton, président, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Claude Creton, président,Monique Chaulet, conseiller,Christine Barberot, conseiller. Greffier, lors des débats : M. Grégoire Grospellier Arrêt :- contradictoire- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.- signé par Claude Creton, président, et par Grégoire Grospellier, greffier, présent lors de la mise à disposition. *** Par acte du 8 octobre 2014, M. et Mme [B] ont conclu avec M. [A] et Mme [C] une promesse de vente portant sur une maison à usage d'habitation située à [Adresse 9]. Avant la date prévue pour la réitiération de la vente par acte authentique, un dégât des eaux est survenu. L'acte de vente signé le 16 janvier 2015 précise que "il est toutefois ici précisé qu'un dégât des eaux a eu lieu dans les biens objets des présentes.A ce sujet, le vendeur déclare ce qui suit :- un déclaration de sinistre a été effectuée le 17.12.2014,- la compagnie d'assurance n'a pas encore accepté la prise en charge du sinistre,- les travaux ont été intégralement réalisés et les biens ont été remis en état tels qu'ils ont été visités par l'acquéreur lors de l'avant-contrat. Une copie desdits documents est demeurée ci-annexée.Le vendeur subroge l'acquéreur dans tous ses droits ou obligations à l'égard dudit sinistre et lui délègue le bénéfice de toute somme qui pourrait lui être allouée par la compagnie d'assurance seulement suite à une aggravation du dommage ou de tout autre dommage lié au sinistre dont il est parlé ci-dessus, ce qui est accepté par l'acquéreur. Par ailleurs, dans le cas où la compagnie d'assurance n'aurait pas accepté de prendre en charge le sinistre, que les travaux de remise en état n'auraient pas été correctement réalisés et que les entreprises seraient défaillantes, le vendeur s'engage à prendre en charge le coût de la nouvelle réparation et les frais de remise en état à première demande de l'acquéreur. L'acquéreur devra lui fournir deux devis et le vendeur choisira le professionnel de son choix. Les parties déclarent vouloir régulariser le présent acte malgré l'absence de confirmation de la prise en charge par une compagnie d'assurance et observent qu'une cloque est apparue sur la peinture ayant été refaite". L'acte contient en outre une clause exonérant les vendeurs de la garantie des vices cachés et stipulant que "l'attention de l'acquéreur a été attirée sur le fait que, faute de convention contraire dans le présent acte, ni le raccordement des installations présentes dans les biens vendus aux divers réseaux publics ou privés (eau, électricité, de gaz, de téléphone, de télévision ou autres) ni la conformité aux normes actuellement en vigueur des raccordements éventuellement existants, ne lui sont garantis par le vendeur. Tous travaux qui deviendraient nécessaires au titre de l'un quelconque de ces points seraient donc à sa charge exclusive sans recours contre ledit vendeur". Le 4 mars 2015, M. [A] et Mme [C] ont informé les vendeurs de la survenance de nombreux désordres liés au précédent sinistre de dégât des eaux puis les ont assignés en indemnisation sur le fondement de la garantie des vices cachés et d'un manquement à leurs obligations contractuelles. Par jugement du 28 septembre 2018, le tribunal de grande instance de Paris a :- déclaré irrecevables les conclusions de M. [A] et Mme [C] postérieures à l'ordonnance de clôture ;- condamné M. et Mme [B] à payer à M. [A] et Mme [C] la somme de 513 euros ;- rejeté toutes autres demandes. Le tribunal, après avoir déclaré recevable l'action fondée sur la garantie des vices cachés, a débouté M. [A] et Mme [C] en retenant d'une part que la servitude de vue grevant le bien ne constitue pas un vice caché, d'autre part que les désordres, qui sont la conséquence du sinistre de dégât des eaux survenu en décembre 2014, n'étaient pas prévisibles par les vendeurs qui ne sont pas des professionnels de la vente nonobstant la qualité de plâtrier-finisseur de M. [B] et qu'ainsi leur mauvaise foi n'est pas établie, de sorte qu'ils sont fondés à se prévaloir de la clause de non-garantie. Il a ensuite constaté que l'assureur du bien a réglé à M. [A] et Mme [C] une somme de 7 317,37 euros au titre de l'indemnisation du préjudice causé par la reprise des désordres, qu'une somme de 972,13 euros leur sera versée sous la condition de réalisation des travaux et que ne leur reste due qu'une somme de 513 euros au titre du solde du coût de remplacement des portes. Il a enfin retenu que les autres demandes ne sont pas fondées dès lors que les postes peinture, vêtements et radiateurs ont été indemnisés par l'assureur, que l'indemnisation de la perte de jouissance n'a pas été prévue par le contrat de vente, que les désordres, facilement réparables, ne sont pas à l'origine d'une perte de valeur du bien et que la demande de prise en charge du coût de la mise en conformité de la canalisation d'évacuation des eaux usées, outre qu'elle n'est pas chiffrée, est exclue par la clause exclusive de garantie. M. [A] et Mme [C] ont interjeté appel de ce jugement. Pour écarter le jeu de la clause exclusive de la garantie des vices cachés, ils soutiennent que M. [B] est un professionnel de la construction en sa qualité de plâtrier-finisseur qui avait déclaré dans l'acte d'acquisition du bien du 23 mai 2008 exercer la profession de maçon et qui a lui-même réalisé certains travaux de remise en état de la maison à la suite du dégât des eaux survenu en décembre 2014. Ils ajoutent que ces travaux, réalisés sur des supports encore humides après avoir utilisé des déshumidificateurs, étaient destinés à leur cacher l'ampleur et les conséquences du sinistre qui est à l'origine d'un niveau d'eau de 70 à 80 centimètres dans la maison. Ils ajoutent encore que M. et Mme [B], qui, pour avoir vécu pendant sept ans dans la maison, n'ignoraient pas que la cause de ce dégât des eaux était due à un engorgement récurrent des canalisations, l'ont faussement imputé à des travaux effectués sur le trottoir par la société Veolia, qui ont provoqué un déversement de boues vers les canalisations du pavillon. Ils indiquent que les investigations réalisées ont révélé une non-conformité du regard intermédiaire et une absence de clapet anti-retour destiné à empêcher le refoulement des eaux du réseau public alors que l'expertise diligentée à la demande de leur assureur leur avait révélé cette anomalie. M. [A] et Mme [C] font ensuite valoir que l'utilisation du WC de l'étage provoque un refoulement partiel de matière dans le WC du rez-de-chaussée, anomalie provoquée par l'écrasement de matière dans la canalisation horizontale du rez-de-chaussée menant d'un côté vers les égouts et de l'autre vers le WC. Ils soutiennent que ce vice ne pouvait être ignoré des vendeurs qui ont vécu pendant sept ans dans la maison. Ils demandent en conséquence à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il condamne M. et Mme [B] à leur payer la somme de 513 euros et rejette toutes demandes d'indemnisation complémentaire, de les condamner à leur payer la somme de 50 962,15 se décomposant comme suit : - réfection de la peinture du rez-de-chaussée : 6 594,47 euros - préjudice de jouissance pendant la durée de réalisation de ces travaux : 562,50 euros - préjudice de jouissance du 16 janvier 2015 jusqu'à l'indemnisation : 12 150 euros - préjudice moral de M. [A] : 1 000 euros - préjudice moral de Mme [C] : 2 000 euros - dégradations causés au mobilier en fer forgé : 490 euros - remboursement de la facture de dégorgement : 250 euros - installation de deux sanibroyeurs : 2 202,18 euros - perte de valeur du bien (6 % du prix de vente) : 17 100 euros - remboursement du solde, retenu par M. et Mme [B], de l'indemnité d'assurance versée au titre du remboursement du coût de remplacement de trois portes : 513 euros. A titre subsidiaire, M. [A] et Mme [C] sollicitent l'organisation d'une expertise. Ils réclament enfin une somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. SUR CE, Attendu que M. [A] et Mme [C] fondent d'abord leur action sur la garantie des vices et invoquent à la fois l'existence d'un vice affectant la canalisation alimentant le pavillon en eau et d'un vice affectant la canalisation d'évacuation des eaux des WC ; qu'ils font notamment valoir que ces vices sont à l'origine de dommages récurrents et que les vendeurs, qui ont vécu pendant sept ans dans l'immeuble, ont été de mauvaise foi pour ne pas les avoir informés, ce qui a pour effet de rendre inefficace la clause exclusive de garantie stipulée dans l'acte de vente ; Attendu que la clause exclusive de garantie stipulée au contrat ne peut être écartée au motif de la qualité de professionnel de la vente immobilière ou du bâtiment de M. [B] ; que ne lui confère pas cette qualité l'exercice de la profession de plâtrier-finisseur au jour de la signature de l'acte de vente, M. et Mme [B] ayant en outre revendu le bien litigieux qu'ils avaient acquis pour y habiter avec leur famille sans y réaliser ou diriger des travaux de construction ; Attendu qu'il convient, avant dire droit, d'ordonner une expertise ; PAR CES MOTIFS Statuant publiquement Avant dire-droit, désigne en qualité d'expert: M. [G] [H] [Adresse 2] [Localité 5] Tél : [XXXXXXXX01] avec pour mission, les parties régulièrement convoquées, après avoir pris connaissance du dossier, s'être fait remettre tous documents utiles et avoir entendu les parties ainsi que tout sachant, de: Se rendre sur les lieux, après y avoir convoqué les parties ; - Rechercher l'existence des vices allégués les conclusions de M. [A] et Mme [C], les décrire dans leur nature et dans leur importance, dire s'ils affectent l'usage attendu du bien et, dans l'affirmative, dire dans quelle mesure; - Indiquer, le cas échéant, si M. et Mme [B] en avaient connaissance, si, compte tenu des informations donnés à M. [A] et Mme [C] lors de la signarure de l'acte de vente, ils étaient apparents ou s'ils sont apparus postérieurement ; dans le deuxième cas, indiquer s'ils pouvaient être décelés par un acquéreur profane et si celui-ci pouvait en apprécier la portée; dans le troisième cas, s'ils trouvent leur origine dans une situation postérieure à l'acquisition, notamment s'ils sont la conséquence des travaux réalisés par M. [A] et Mme [C], - Donner un avis sur la moins-value éventuelle causée par ce vice à l'immeuble, - Après avoir exposé ses observations sur la nature des travaux propres à remédier aux vices, et leurs délais d'exécution, chiffrer, à partir des devis fournis par les parties, éventuellement assistées d'un maître d'oeuvre, le coût de ces travaux nécessaires pour remédier aux vices constatés; - Fournir tous éléments de fait de nature à caractériser l'existence et l'évaluation du trouble de jouissance; - Dire si des travaux urgents sont nécessaires soit pour empêcher l'aggravation des vices et du préjudice qui en résulte, soit pour prévenir les dommages aux personnes ou aux biens ; dans l'affirmative, à la demande d'une partie ou en cas de litige sur les travaux de sauvegarde nécessaires, décrire ces travaux et en faire une estimation sommaire dans un rapport intermédiaire qui devra être déposé aussitôt que possible ; Dit que l'expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile et qu'il déposera son rapport en un exemplaire original au greffe de la chambre 1 du pôle 4 de la cour d'appel de Paris, service du contrôle des expertises, dans le délai de six mois à compter de l'avis de consignation, sauf prorogation de ce délai dûment sollicité en temps utile auprès du magistrat en charge du contrôle des expertises (en fonction d'un nouveau calendrier prévisionnel préalablement présenté aux parties), Dit que l'expert devra, dès réception de l'avis de versement de la provision à valoir sur sa rémunération, convoquer les parties à une première réunion qui devra se tenir avant l'expiration d'un délai de deux mois, au cours de laquelle il procédera a une lecture contradictoire de sa mission, présentera la méthodologie envisagée, interrogera les parties sur d'éventuelles mises en cause, établira contradictoirement un calendrier de ses opérations et évaluera le coût prévisible de la mission, et qu'à l'issue de cette première réunion il adressera un compte-rendu aux parties et au magistrat chargé du contrôle, Dit que, sauf accord contraire des parties, l'expert devra adresser à celles-ci une note de synthèse dans laquelle il rappellera l'ensemble de ses constatations matérielles, présentera ses analyses et proposera une réponse à chacune des questions posées par la juridiction, Dit que l'expert devra fixer aux parties un délai pour formuler leurs dernières observations ou réclamations en application de l'article 276 du code de procédure civile et rappelons qu'il ne sera pas tenu de prendre en compte les transmissions tardives ; Désigne le magistrat chargé du contrôle des expertises pour suivre la mesure d'instruction et statuer sur tous incidents ; Dit que l'expert devra rendre compte à ce magistrat de l'avancement de ses travaux d'expertise et des diligences accomplies et qu'il devra l'informer de la carence éventuelle des parties dans la communication des pièces nécessaires à l'exécution de sa mission conformément aux dispositions des articles 273 et 275 du code de procédure civile ; Fixe à la somme de 3 000 euros la provision à valoir sur la rémunération de l'expert, qui devra être consignée par la partie demanderesse entre les mains du régisseur d'avances et de recettes de la cour d'appel de Paris, [Adresse 3], dans le délai maximum de six semaines à compter du présent arrêt, sans autre avis ; Dit que, faute de consignation dans ce délai impératif, la désignation de l'expert sera caduque et privée de tout effet ; Dit qu'en déposant son rapport, l'expert adressera aux parties et à leurs conseils une copie de sa demande de rémunération, Ordonnons le sursis à statuer sur les demandes, Réserve les dépens. Le greffier Le président
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JURITEXT000047636324
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ARRET
Cour d'appel de Papeete, 12 août 2020, 20/000017
2020-08-12
Cour d'appel de Papeete
Autres mesures ordonnées en référé
20/000017
03
PAPEETE
No 18 ____________ Copie pour information délivré à - M. [T] [R]le 12.08.2020 Copie authentique délivrée à- M. [K] [X] le 12.0.2020 Copie pour notification- M. Le Procureur Généralle 12.08.2020REPUBLIQUE FRANCAISE COUR D'APPEL DE PAPEETE O R D O N N A N C E No RG 20/00001 Nous, Thierry POLLE, premier président de la cour d'appel de Papeete, Vu les articles 200 et suivant du code de procédure civile de la Polynésie française Vu l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, Vu la requête enregistrée le 3 février 2020 par M. [K] [X] tendant à :Vu le principe de prééminence du Droit, Vu la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen du 26 Août 1789 et notamment ses articles 1er, 2, 4, 6,13,15, 16 et 17; Vu le Préambule de la Constitution du 27 Octobre 1946, notamment ses alinéas 1er et 14, Vu la Constitution du 4 Octobre 1958 et notamment ses articles 1er, 34, 37, 55, 88-1 et 88-2, Vu l'article 6 du Traité sur l'Union européenne du 7 Février 1992, Vu le Traité de Lisbonne signé le 13 Décembre 2oo7 et entré en vigueur le 1er Décembre 2oo9, Vu la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne du 7 Décembre 2ooo, notamment ses articles 1er, 4, 7, 14, 15, 16, 17,2o,21 et 47, Vu les articles 1,6 § 1,8, 13, 14 de la Convention européenne des Droits de l'Homme et l'article I" de son Premier Protocole Additionnel, Vu les articles 2 § 3, 14 § 1 et 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 19 Décembre 1966, 1o) ORDONNER que la présente requête aura un effet suspensif; EN CONSÉQUENCE, 2o) DIRE et JUGER qu'il sera, dans l'attente de la décision devant statuer sur la demande de renvoi pour cause de suspicion légitime de l'affaire no19/163 pendante devant le Tribunal de première instance de Papeete, sursis à la continuation du jugement de l'affaire; 3o) DIRE et JUGER qu'il sera, dans l'attente de la décision devant statuer sur la demande de renvoi pour cause de suspicion légitime de l'affaire no19/168 pendante devant le Tribunal de première instance de Papeete, sursis à la continuation du jugement de l'affaire; 4o) DIRE et JUGER qu'il sera, dans l'attente de la décision devant statuer sur la demande de renvoi pour cause de suspicion légitime de l'affaire no19/o21 pendante devant le Tribunal de première instance de Papeete, sursis à la continuation du jugement de l'affaire; EN TOUT ETAT DE CAUSE, 5o) DIRE et JUGER que M. [X] [K] peut subjectivement et objectivement nourrir un doute légitime quant à l'impartialité de l'ensemble des juges composant le Tribunal de première instance de Papeete; 6o) RENVOYER l'affaire no19/163 devant le Tribunal de grande instance de Colmar, ou toute autre juridiction du même ordre que la juridiction dessaisie; 7o) RENVOYER l'affaire no19/168 devant le Tribunal de grande instance de Colmar, ou toute autre juridiction du même ordre que la juridiction dessaisie; 8o) RENVOYER l'affaire no19/021 devant le Tribunal de grande instance de Colmar, ou toute autre juridiction du même ordre que la juridiction dessaisie; 9o) AVISER M. [X] [K] de la date à laquelle la demande de renvoi pour cause de suspicion légitime sera jugée par la Cour d'Appel de Papeete; Vu les réquisitions de Monsieur le procureur de la République en date du 9 juillet 2020 Vu les conclusions déposées par Monsieur [K] [X] le 22 juillet 2020 Monsieur [K] [X] demande le renvoi de ces dossiers à une autre juridiction de même ordre pour cause de suspicion légitime: -l'affaire 19/168 pendante devant le Tribunal civil de première instance de Papeete, qui l'oppose à la société d'avocats MDH et associés, société d'avocats dont les quatre gérants (Me [L] [O], Me TANG Vaiana, Me HOUBOUYAN, Me DUBAU) sont inscrit au barreau de Papeete et dont une des Gérantes, Me [L] [O], est membre du conseil de l'ordre des avocats de Papeete et en lien direct avec plusieurs personnalités politique de Polynésie française, actives ou retraitées, notamment, Mme [E] [L], personnalité politique retraitée, Mme [V] [A] (la soeur de Mme [E] [L]) et est amie avec plusieurs personnalités politique, notamment le Président actuel de la Polynésie Française, M. [J]; -l'affaire 19/163 pendante devant le Tribunal civil de première instance de Papeete, qui l'oppose à la SCI Emile Martin, société gérée par l'office notariale de Me [H] qui semble collaborer avec le Tribunal de première instance de Papeete en raison de l'émission d'un reçu portant le visa du Tribunal de première instance de Papeete; -l'affaire 19/021 pendante devant le Tribunal civil de première instance de Papeete, qui l'oppose à l'Office des Postes et Télécommunication, établissement public qui bénéficie régulièrement du soutien du Président du gouvernement de la Polynésie française. SUR CE Aux termes de l'article 200 du code de procédure civile de Polynésie française La récusation d'un juge n'est admise que pour les causes déterminées par la loi. Sauf dispositions particulières à certaines juridictions, la récusation d'un juge peut être demandée 1oSi lui-même ou son conjoint a un intérêt personnel à la contestation ;2oSi lui-même ou son conjoint est créancier, débiteur, héritier présomptif ou donataire de l'une des parties ;3oSi lui-même ou son conjoint est parent ou allié de l'une des parties ou de son conjoint jusqu'au quatrième degré inclusivement ;4oS'il y a eu ou s'il y a procès entre lui ou son conjoint et l'une des parties ou son conjoint ;5oS'il a précédemment connu de l'affaire comme juge, membre de la commission de conciliation obligatoire en matière foncière ou comme arbitre ou s'il a conseillé l'une des parties ;6oSi le juge ou son conjoint est chargé d'administrer les biens de l'une des parties ;7oS'il existe un lien de subordination entre le juge ou son conjoint et l'une des parties ou son conjoint ;8oS'il y a amitié ou inimitié notoire entre le juge et l'une des parties. 1- Monsieur [X] soutient : que Me [L] [O] est co-gérante de la société MDH et Associés, partie adverse de M. [X] [K] dans l'affaire 19/168, objet de la demande de renvoi. La famille de Me [L] [O] comprend des personnalités politiques qui sont, notamment, les anciens collaborateurs de M. [J], actuel Président du gourvernement de la Polynésie française. Mme [E] [L] est ou était, notamment, membre du groupe "Rassemblement pour une Majorité Autonomiste" (RMA), formé par [B] [J], Président de la Polynésie française, ainsi que présidente de la commission de la santé et du travail, représentant le président de l'assemblée de la Polynésie française. Il invoque que M. [J], Président du gouvernement de la Polynésie Française et grand maître de l'ordre de Tahiti nui, a organisé le 10 janvier 2020, une cérémonie dans les locaux du Tribunal de Papeete pour offrir un signe distinctif, une médaille de chevalier de l'ordre de Tahiti nui, au Magistrat M. [N] [I]-[P], afin de l'élever au rang de chevalier de l'ordre de Tahiti Nui. Cette cérémonie a bénéficié d'une publicité importante dans les médias et l'homme politique, ainsi que M. [I] [P], se sont affiché ensemble en publique et au sein même du Tribunal de Papeete, et Monsieur [J] a semblé vouloir mettre en avant un lien d'amitié avec Monsieur [I] [P].Monsieur [X] en tire qu'il doute de l'indépendance de la justice Polynésienne qui est sous influence politique. Toutefois la simple allégation que la famille de Me [L] [O] comprend des personnalités politiques qui sont, notamment, les anciens collaborateurs de M. [J], actuel Président du gouvernement de la Polynésie française, et qu'elle est ou était, notamment, membre du groupe "Rassemblement pour une Majorité Autonomiste" (RMA), formé par [B] [J], Président de la Polynésie française, ainsi que présidente de la commission de la santé et du travail, représentant le président de l'assemblée de la Polynésie française, circonstances mises en lien avec la remise d'une distinction à l'ancien premier président de la Cour d'appel de Papeete par le président de la Polynésie française, ne caractérise aucune suspicion légitime de partialité à l'encontre des magistrats du tribunal de première instance de Papeete dans un dossier dans lequel l'ancien premier président de la cour d'appel n'est pas intervenu et dans lequel Monsieur [J] n'est pas partie au litige. 2- Il n'est aucunement démontré que l'intervention de Monsieur [J] dans le cadre de cette remise de distinction puisse avoir une quelconque influence sur le traitement par les magistrats de première instance dans le dossier opposant Monsieur [X] à l'Office des Postes et Télécommunications. 3-La présence d'un tampon du tribunal de première instance au nom du président sur le reçu No 82550 établi par l'Etude de Me [H], Notaire, gestionnaire de la SCI de la rue Emile Martin le 03 décembre 2013 portant sur la réception du paiement par M. [X] [K] d'un "loyer [Adresse 1]" de 46 000 F.CFP au titre du bail professionnel de la SCI [Adresse 1] n'établit aucun lien étroit entre le tribunal de première instance de Papeete et l'étude notariale de Mo[H] 4- Monsieur [X] invoque que le bâtonnier et son délégué refusent de remplacer l'avocat qui a été désigné pour l'assister, alors que celui ci refuse de l'assister.Il ne peut ainsi bénéficier du concours d'un avocat. Toutefois l'article 200 du Code de procédure civile de la Polynésie française ne concerne que les juges et les griefs visant le Bâtonnier et son délégué ne sont pas de nature à remettre en cause l'impartialité des magistrats du tribunal de première instance. Les décisions prises par les juges de la mise en état ne peuvent caractériser un défaut d'impartialité de la juridiction 5- Dans ses conclusions déposées le 22 juillet 2020, Monsieur [X] fait valoir qu'un arrêt du 30 avril 2020, rendu dans la procédure enregistrée sous le numéro RG 16/00271 l'a débouté de toutes ses demandes caractérise l'acharnement des magistrats à son encontre,.Il invoque le caractère litigieux de cette décision en raison du confinement, période durant laquelle il n'y a pas eu d'audience ni d'accès au greffe, alors que l'arrêt mentionne une mise à disposition au greffe de la cour.Il invoque la polyvalence des magistrats en Polynésie l'agencement des locaux et la transmission d'information entre les juridictions;Il invoque la discrimination du Polynésie française.Il invoque le recours abusif au vigile et l'hostilité du greffe de la Cour d'appel.Il invoque la discrimination inverse au sein de la justice polynésienne.Il invoque l'abus d'autorité la prise illégale d'intérêts et l'entrave à l'accès du juge visant les avocats qui refusent de déférer à leurs désignations, l'influence du Bâtonnier et des membres du conseil de l'ordre sur la juridiction, l'entrave à l'accès au greffe pendant le confinement. Toutefois, les griefs relatifs à l'arrêt du 30 avril 2020 rendu par la cour d'appel sont étrangers à la présente requête dirigée contre le tribunal de première instance. Les autres arguments relèvent de considérations générales ne caractérisant aucun défaut d'impartialité des magistrats du tribunal de première instance dans les procédures objets de la requête en suspicion légitime. Il ne résulte ni de la requête ni des pièces produites à son soutien la preuve de l'existence d'un motif de nature à faire peser sur l'ensemble des juges composant le tribunal de première instance un soupçon légitime de partialité à l'égard du requérant PAR CES MOTIFS Rejetons comme non fondée la requête en suspicion légitime présentée par M. [K] [X] contre l'ensemble des juges du tribunal de première instance appelés à statuer dans le cadre des procédures 19/163, 19/168, 19/021 Disons que la présente ordonnance sera portée à la connaissance de la présidente du tribunal de première instance et qu'elle sera notifiée au requérant ainsi qu'au ministère public. Fait à Papeete, le 12 AOUT 2020. Le Premier Président signé : Thierry POLLE
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JURITEXT000047636325
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AUTRES_DECISIONS
Tribunal judiciaire de Paris, 31 mars 2023, 20/02638
2023-03-31
Tribunal judiciaire de Paris
20/02638
CT0087
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TRIBUNALJUDICIAIREDE PARIS 3ème chambre2ème section No RG 20/02638No Portalis 352J-W-B7E-CR3GR No MINUTE : Assignation du :30 Décembre 2019 JUGEMENT rendu le 31 Mars 2023 DEMANDEURS Monsieur [Z] [H][Adresse 6][Localité 1] (ALLEMAGNE) S.A.R.L. LEGI GmbH[Adresse 4][Localité 3] (ALLEMAGNE) représentés par Maître Dariusz SZLEPER de l'AARPI SZLEPER HENRY Avocats, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R0017 DÉFENDERESSE S.A.S. SETP[Adresse 5][Localité 2] représentée par Maître Thi my hanh NGO-FOLLIOT, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #B0853 Copies délivrées le : - Maître SZLEPER #R17 - exécutoire- Maître NGO-FOLLIOT #B853 - certifié conformeet par Maître Vincent BERTHAT, avocat au barreau de Dijon, avocat plaidant, COMPOSITION DU TRIBUNAL Madame Irène BENAC, Vice-PrésidenteMonsieur Arthur COURILLON-HAVY, JugeMadame Linda BOUDOUR, Juge assisté de Quentin CURABET, Greffier DÉBATS A l'audience du 21 Octobre 2022 présidée par Irène BENAC tenue en audience publique avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe, en dernier lieu, le 31 Mars 2023. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe ContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE 1. M. [Z] [H] et la société de droit allemand Legi reprochent à la société SETP de fabriquer et commercialiser des gabions en contrefaçon de plusieurs revendications de la partie française du brevet européen EP 1 186 719 (le brevet en cause, ou le brevet), dont ils sont co-titulaires ; la société SETP invoque reconventionnellement la nullité de ces revendications et en conteste la mise en oeuvre par son produit, dénommé Stonebox. 2. Un gabion est un caisson (un panier ou une cage) empli de sable ou de cailloux, servant à construire des quais, des ouvrages de soutènement, notamment dans les ports ou le long des voies d'eau. 3. Le brevet EP 1 186 719, qui s'intitule Gabion, a été demandé le 7 septembre 2001, sous priorité d'un modèle d'utilité allemand du 8 septembre 2000 ; il a été délivré le 17 novembre 2004, et a expiré le 7 septembre 2021. 4. Il a fait l'objet d'une procédure d'opposition, mais a été maintenu. Il a également fait l'objet de plusieurs actions en nullité en France et en Allemagne. En France, une action en contrefaçon et une demande reconventionnelle en nullité devant le tribunal de grande instance de Lyon se sont résolues en 2012 par une transaction. En Allemagne, le brevet a été partiellement annulé par le tribunal fédéral des brevets (Bundespatentgericht) le 20 février 2011 (10 Ni 8/10) ; cette version modifiée du brevet a à nouveau été jugée valide dans une autre procédure par la cour fédérale de justice de ce pays (Bundesgerichtshof) le 11 aout 2015 (X ZR 83/13). Enfin, la partie française du brevet a été limitée en 2019 à la demande des titulaires. 5. La société SETP a été sous-licenciée du brevet de 2005 à 2009. M. [H] et la société Legi se sont ensuite plaints d'un nouveau système de gabion commercialisé par la société SETP, qui leur a finalement paru conforme. Ils lui reprochent désormais d'avoir ultérieurement modifié son produit Stonebox, d'une façon qui selon eux met en oeuvre l'invention. 6. Après une saisie-contrefaçon le 4 décembre 2019, ils ont assigné la société SETP devant ce tribunal le 30 décembre 2019. Ils ont parallèlement demandé au juge des référés une interdiction provisoire qui a été refusée, ce qu'a confirmé la cour d'appel. L'instruction a été close le 19 mai 2022. 7. Dans leurs dernières conclusions du 17 mai 2022, la société Legi et M. [H] résistent aux demandes reconventionnelles et, invoquant la contrefaçon des revendications 1, 5, 6, 7, 9, 10 et 14 du brevet, demandent avec bénéfice de l'exécution provisoire de condamner la défenderesse à leur payer une indemnité de 50 000 euros à chacun pour l'atteinte à la valeur du brevet, une provision de 723 957,79 euros pour le préjudice commercial, ainsi qu'une expertise pour apprécier ce préjudice, ou subsidiairement un droit d'information sous astreinte, la publication de la décision sous astreinte, outre 45 000 euros à chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens (à recouvrer par leur avocat). 8. Dans ses dernières conclusions du 11 mai 2022, la société SETP résiste aux demandes, soulevant également l'irrecevabilité de la demande de publication, et demande reconventionnellement la nullité des revendications qui lui sont opposées, 45 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens (à recouvrer par son avocat). 9. Contre la validité du brevet, la société SETP estime qu'il n'est pas nouveau ni inventif au regard de trois brevets antérieurs relatifs à des gabions immergés, invoque également l'absence d'application industrielle qu'elle associe à l'insuffisance de description, au motif que, selon elle, ce n'est pas la caractéristique essentielle de la revendication 1 qui résout le problème technique ; elle évoque encore en passant le fait que le brevet s'étendrait au-delà de la demande initialement déposée. En réponse, les brevetés contestent le défaut de nouveauté et d'activité inventive en faisant valoir que les antériorités ne divulguent notamment pas la caractéristique essentielle de la revendication 1, et ne concernent pas le même problème technique ; ils réfutent également explicitement l'absence d'application industrielle et l'extension indue. 10. Sur la contrefaçon, la société SETP conteste la reproduction de plusieurs caractéristiques des revendications du brevet, en se prévalant notamment de l'analyse menée par le juge des référés en première instance et en appel, au regard de la portée de ces revendications. MOTIVATION I . Demande reconventionnelle en nullité du brevet 1 . Cadre juridique et portée du brevet a. Cadre juridique 11. L'article L. 614-12 du code de la propriété intellectuelle prévoit que la nullité d'un brevet européen est prononcée en ce qui concerne la France par décision de justice pour l'un quelconque des motifs visés à l'article 138, paragraphe 1, de la Convention de Munich sur le brevet européen (la Convention de Munich), lequel est ainsi rédigé : « (1) Sous réserve de l'article 139, le brevet européen ne peut être déclaré nul, avec effet pour un État contractant, que si : a) l'objet du brevet européen n'est pas brevetable en vertu des articles 52 à 57 ; b) le brevet européen n'expose pas l'invention de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter ; c) l'objet du brevet européen s'étend au-delà du contenu de la demande telle qu'elle a été déposée ou, lorsque le brevet a été délivré sur la base d'une demande divisionnaire ou d'une nouvelle demande déposée en vertu de l'article 61, si l'objet du brevet s'étend au-delà du contenu de la demande antérieure telle qu'elle a été déposée ; d) la protection conférée par le brevet européen a été étendue ; (...). » b. Présentation de l'invention 12. La description du brevet en cause enseigne que les gabions, ou « paniers à pierre », connus de l'art antérieur sont habituellement amenés au chantier pliés ou à plat, et remplis directement à leur futur emplacement, ce qui peut être pénible [0004] ; et qu'on connait déjà un moyen pour transporter et positionner un gabion pré-rempli, en le fixant à plusieurs cordes ou chaines, dont la fixation et la libération nécessite du temps et de la main-d'oeuvre [0005], ou encore en portant le gabion par les mailles situées aux coins du couvercle [0006]. 13. L'invention se propose alors de faciliter et accélérer l'utilisation des gabions et de leur trouver de nouvelles utilisations, grâce à une anse de soulèvement reliée fermement au fond du gabion [0008] [0009], et plus généralement par un gabion qui conserve à l'état rempli sa forme lorsqu'il est soulevé, transporté sur le chantier et mis en place [0001]. La description précise enfin que les avantages de l'invention résident essentiellement dans le fait qu'elle permet de fournir au chantier des gabions prêts à être installés et de les mettre en place [0031]. 14. Le brevet, tel que limité, comprend 14 revendications. La première, dont les 13 autres sont dépendantes, telle que limitée, est identique à la revendication 1 qui a été approuvée après nullité partielle par les juridictions allemandes. Elle est ainsi rédigée : 1. Gabion constitué d'un élément plan formant le fond, quatre éléments plans formant les faces latérales et un élément plan formant la surface supérieure, les éléments plans étant reliés les uns aux autres, lequel gabion conserve à l'état rempli sa forme lorsqu'il est soulevé, transporté sur le chantier et mis en place sur le chantier, caractérisé en ce qu'une anse de soulèvement est prévue pour soulever le gabion, cette anse étant reliée fermement au fond du gabion. 15. Les parties s'accordent à considérer l'anse de soulèvement fermement reliée au fond du gabion comme la caractéristique essentielle de cette revendication. c. Définition de certaines notions 16. Les parties s'opposent (plus ou moins explicitement) sur le sens et la portée de deux caractéristiques de la revendication 1 : l'anse de levage, et le fait qu'elle soit « reliée fermement au fond ». Elles en tirent des conséquences divergentes tant pour la nullité que pour la contrefaçon, ce qui impose une définition uniforme et cohérente. 17. En application de l'article 69 de la Convention de Munich, l'étendue de la protection conférée par le brevet européen est déterminée par les revendications, que la description et les dessins servent à interpréter. L'article 1 de son protocole interprétatif précise que ce texte ne doit pas être lu comme signifiant que la description et les dessins servent uniquement à dissiper les ambigüités que pourraient receler les revendications, ni comme réservant à celles-ci le rôle de lignes directrices, mais doit conduire à une position intermédiaire qui assure à la fois une protection équitable au demandeur et un degré raisonnable de certitude aux tiers. Anse de levage 18. L'anse de levage, selon la société SETP, doit être entendue strictement en référence aux figures du brevet, qui ne montrent qu'une tige cintrée en U ou en V inversé. C'est en ce sens également que l'a entendue l'ordonnance du juge des référés (p. 11), « à savoir un élément saillant recourbé en arc ou en U inversé », et qui a retenu que le levage par des tiges ou cordes saillantes munies de boucles (ce que les parties appellent élingue) n'utilisait pas une « anse » au sens du brevet. 19. Toutefois, rien n'indique, dans le brevet, qu'il faille donner au terme anse une définition plus restrictive que son sens commun ; la description n'apporte au contraire aucune définition spécifique de cette notion, et les détails de forme que peut prendre cette anse ne sont donnés que comme variantes de l'invention, comme l'indique le paragraphe [0015] que cite la société SETP elle-même (ses conclusions p. 24), et comme le confirment les revendications, qui, après la revendication 1 qui mentionne seulement une anse de levage, précisent aux revendications 2 à 4 la forme que peut, éventuellement, prendre cette anse ; quant aux illustrations, elles ne sauraient à elles seules limiter le sens des notions revendiquées. Or, comme le soulèvent la société Legi et M. [H], les dictionnaires Larousse et Robert définissent l'anse respectivement comme « une partie recourbée en arc, en anneau etc., par laquelle on prend certains récipients » et « la partie recourbée et saillante de certains ustensiles permettant de les saisir » ; il faut alors retenir de cette définition que l'anse de levage est un dispositif courbé, en arc ou en anneau, permettant à un engin de levage de soulever le gabion. 20. Ainsi, au sens du brevet en cause, une anse de levage est un dispositif courbé permettant à un engin de levage de soulever le gabion. Reliée au fond du gabion 21. L'expression « reliée fermement au fond » est vague : elle n'indique pas par quel moyen s'opère le lien entre l'anse de levage et le fond, ni si ce lien est direct ou indirect. Le choix d'un terme vague (reliée) n'est pas neutre et il faut en tenir compte. Son sens est notamment plus général que celui des mots attaché ou fixé. Le lien exigé par cette expression n'est donc pas nécessairement une connexion physique directe, c'est-à-dire qu'il peut passer par plusieurs éléments matériels transmettant la force de levée de l'un à l'autre (comme dans une chaîne, par exemple). 22. Il faut toutefois tenir compte également du contexte dans lequel est employée cette expression, et en particulier des exemples antérieurs dont le brevet entend explicitement se départir : la description (rappelée ci-dessus au point 12) cite uniquement des méthodes de levage consistant à exercer la force sur la paroi supérieure ou les coins supérieurs, donc les parois supérieures et latérales. Il ressort ainsi de l'ensemble du brevet que l'invention réside dans la transmission de la force de levage à la paroi du fond sans l'intermédiaire d'une autre paroi. 23. Ainsi, au sens du brevet, l'expression reliée au fond veut dire que la force exercée sur l'anse de levage est transmise directement à la paroi du fond du gabion. Cette transmission peut passer par plusieurs éléments attachés les uns aux autres dès lors que c'est au fond, et non au contenu ou aux autres parois, que la force est transmise en premier lieu. Reliée fermement 24. Enfin, l'adverbe fermement, qui n'est pas expliqué dans la description, exprime simplement une certaine solidité du lien lui-même, sans pour autant impliquer une résistance extrême. Il ne s'agit pas nécessairement d'un lien inamovible. 2 . Extension au-delà du contenu de la demande Moyens des parties 25. La société SETP soutient que la demande de brevet ne précisait pas que l'anse était fixée « au fond » du gabion, et que cet ajout en cours de procédure d'examen constitue donc une extension de l'objet du brevet ou de la protection. La société Legi et M. [H] répondent que comme l'a jugé la cour fédérale allemande, cette caractéristique ressortait des illustrations. Réponse du tribunal 26. Comme le soulèvent la société Legi et M. [H], le fait que ce soit « au fond » du gabion qu'est reliée l'anse de levage n'est certes pas écrit dans la description ou dans les revendications de la demande initiale, mais cela ressort clairement et sans ambigüité de sa figure 1 a (pièce Legi no38), représentée ci-dessous, où l'on voit que la paroi du gabion à laquelle est reliée l'anse est celle du fond. 27. Le moyen tiré de l'extension de l'objet du brevet ou de la protection est donc infondé. 3 . Application industrielle et suffisance de description Moyens des parties 28. La société SETP, invoquant l'article 57 et l'article 138, a) de la Convention de Munich en ce qu'ils conditionnent la brevetabilité à la possibilité d'une application industrielle, soutient que ce qui permet au gabion selon le brevet en cause de conserver sa forme lorsqu'il est transporté n'est pas l'anse reliée au fond, mais la structure et la robustesse du gabion lui-même ; comme pour un sac, que l'on porte par en-dessous mais qui s'affaisse et se déforme s'il n'est pas robuste lui-même. Ce serait au demeurant ce qu'indiquerait la description du brevet. Elle intègre ces arguments dans une partie intitulée « Application industrielle et insuffisance de description ». 29. Les titulaires du brevet répondent qu'en application de l'article 57 de la Convention de Munich, il suffit que l'objet de l'invention puisse être fabriqué ou utilisé, ce qui est le cas ici selon eux ; qu'à supposer que l'anse reliée fermement au fond du gabion ne suffise pas à préserver sa forme lors du soulèvement, elle n'en produit pas moins un effet technique ; qu'au demeurant, ce que critique la demanderesse à la nullité n'est pas réellement une absence d'application industrielle, mais une supposée absence de résultat industriel, ou technique, c'est-à-dire, expliquent-ils, une absence d'intérêt pratique, ce qui n'est pas une condition de brevetabilité. Enfin, ils font valoir que si l'anse fermement reliée au fond n'était pas le moyen technique permettant d'atteindre le résultat revendiqué, la société SETP n'aurait pas eu besoin elle-même de le reproduire servilement. Réponse du tribunal 30. Aux termes des articles 52 et 57 de la Convention de Munich, l'invention, pour être brevetable, doit être susceptible d'application industrielle, c'est-à-dire que son objet puisse être fabriqué ou utilisé dans tout genre d'industrie, y compris l'agriculture. 31. Par ailleurs, l'article 138, point c) de la convention, précité, prévoit qu'est déclaré nul le brevet européen qui n'expose pas l'invention de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter. 32. Contrairement à ce que soutient la demanderesse à la nullité, le fait que le résultat technique revendiqué ne soit pas atteint par le moyen technique revendiqué ne caractérise pas une impossibilité d'utiliser l'objet de l'invention dans l'industrie. Ce peut être en revanche un motif d'insuffisance de description si, en mettant en oeuvre les enseignements du brevet, l'homme du métier n'est pas en mesure de reproduire l'invention. 33. Cependant, le fait que d'autres moyens techniques contribuent au même effet technique, tel que la robustesse du gabion pour éviter sa déformation, n'est pas une preuve de ce que cet effet ne puisse être atteint en suivant les enseignements du brevet. Au demeurant, et comme le soulève la demanderesse à la nullité elle-même, la description du brevet enseigne plusieurs moyens pour éviter la déformation du gabion plein lorsqu'il est transporté (sa construction et le compactage du contenu, aux paragraphes [0011] et [0034]), moyens dont elle affirme que ce sont eux qui assurent l'effet tenant au maintien de la forme. Il n'est donc, en définitive, pas contesté que l'homme du métier, à la lecture du brevet, est en mesure de fabriquer un gabion qui conserve à l'état rempli sa forme lorsqu'il est soulevé, transporté sur le chantier et mis en place sur le chantier, et donc de mettre en oeuvre l'invention. 34. La nullité ne peut donc pas être prononcée de ces chefs. 4 . Nouveauté et activité inventive 35. Les documents de l'art intérieur invoqués par les parties sont les trois brevets ou demandes de brevets suivants ; elles les ont désignés non pas par le nom de leur inventeur, mais par le nom du déposant ; pour la clarté du raisonnement, la même désignation est adoptée ci-après. Il s'agit de : - la demande de brevet européen EP 0 106 745 A2, intitulée Procédé et installation de pose d'un tapis de protection sur un fond immergé, publiée le 25 avril 1984 (pièce SETP no14), ci-après le document Citra ; - le brevet des États-Unis US 4 477 206, intitulé Élément flexible en forme de matelas utilisable comme ballast pour immobiliser et protéger des pipelines sous-marins, délivré le 16 octobre 1984 (pièce SETP no9), ci-après le document Maccaferri ; - le brevet européen EP 0 881 334 B1, intitulé Méthode de fabrication d'un objet flexible type matelas, pour la protection, le lestage et le support d'un conduit ou câble sous-marin, dont la demande a été publiée le 2 décembre 1998 (pièces SETP no13 et 13 bis), ci-après le document Sarti. Moyens des parties 36. Les parties ont regroupé en un ensemble unique leurs développements relatifs à la nouveauté et l'activité inventive. 37. La société SETP soutient à titre liminaire que l'homme du métier, qu'elle définit à l'instar du juge des référés comme un ingénieur dans le domaine du génie civil, savait déjà transporter un gabion sans le déformer, comme le démontrerait l'issue du procès à Lyon contre la société Maccaferri, la transaction conclue avec celle-ci l'autorisant à exploiter le brevet et même à en concéder des sous-licences, jusqu'à son expiration, sans aucune des contreparties usuelles hormis un prix dont la mention est occultée dans le document communiqué ici par les titulaires du brevet. 38. Elle estime aussi, en substance, que le problème technique n'est pas d'empêcher la déformation du gabion mais de rendre plus commode sa manutention ; et que le mode de levage par le fond était connu (notamment par l'usage de porter un sac lourd par en-dessous). 39. Elle estime en particulier, sur le document Citra, que :- il contient des « éléments d'ancrage » formant des anses, qui sont reliés fermement au fond en ce qu'ils contiennent une partie horizontale servant à les fixer au fond du gabion, d'abord provisoirement, puis les pierres qui remplissent le gabion assurent leur fixation définitive ; c'est d'ailleurs par ce même système où les pierres qui se bloquent entre elles et contre les parois assurent la fixation définitive du moyen de soulèvement que son propre produit Stonebox est conçu, précise-t-elle ;- les gabions y sont transportés, d'abord au sec avant d'être immergés, et sans devoir se déformer, car ils doivent former ensemble un tapis pour recouvrir un ouvrage, ce qui serait impossible s'ils étaient déformés. 40. Elle expose ensuite, sur le document Maccaferri, que :- il s'agit d'un matelas certes flexible, mais composé de gabions parallèlépipédiques rigides dont les faces sont en grillage métallique, et qui conservent leur forme quand l'ensemble doit épouser une courbe, grâce à la robustesse des parois ;- le transport est facilité par des éléments de levage composés de câbles traversant le gabion et se finissant en haut par des boucles destinées à êtres prises par le crochet d'un engin de levage, et au fond par des boucles dans lesquelles sont engagés des tubes en acier bloqués sur le fond. 41. Sur le document Sarti, enfin, la société SETP fait valoir que :- le gabion est soulevé par un élément de levage relié à son fond, et non à ses côtés ou son dessus, par l'intermédiaire d'une structure de renforcement parallèle au fond, qui équivaut selon elle à la paroi supérieure d'un fond à double paroi, comme dans le gabion objet du litige à Lyon, qui reproduisait le brevet selon la société Legi et M. [H] ;- la revendication 8 en particulier divulgue un élément de levage (ancré dans une structure de renforcement parallèle au fond) consistant en un segment tubulaire « relié à une plaque de fixation » ;- s'il s'agit comme pour le document Maccaferri de gabions flexibles, il ne faut pas confondre gabions flexibles et gabions déformables. 42. La société Legi et M. [H], qui rappellent que ces trois antériorités ont été examinées par l'OEB ou la cour fédérale allemande, estiment qu'aucune ne divulgue un gabion constitué d'un treillis métallique comportant une anse de soulèvement reliée fermement au fond ; que le problème technique objectif à résoudre est le transport d'un gabion sans le déformer ; que la distinction faite par la société SETP entre flexible et déformable est infondée ; que, pour déclarer le brevet dépourvu d'activité inventive, il faut éviter toute approche a posteriori, et prouver, ce qui incombe au demandeur à la nullité, que l'art antérieur impose la solution technique à l'homme du métier, qu'ils définissent comme un ingénieur habitué des matériaux de construction ; et que la simplicité d'un moyen technique aurait été reconnu par la jurisprudence de l'OEB comme un indice sérieux de l'activité inventive (mais ils n'indiquent pas de décision en ce sens). 43. En particulier, sur le document Citra, ils exposent que :- il ne divulgue pas la caractéristique d'un élément plan formant la paroi supérieure, car les gabions y sont ouverts sur le dessus ;- il concerne des gabions en matériaux souples, comme des sacs, et un tapis de protection formé d'un grand nombre de gabions posés côte à côte, non un gabion individuel ;- les épingles n'y sont pas fixées au fond, mais passent à travers les parfois des gabions, et ne sont fixées que par les pierres lourdes se bloquant entre elles- il ne se préoccupe pas du problème technique lié à la déformation du gabion, mais d'une pose facile à partir de la surface de l'eau (description, p. 2, lignes 22-25) ; la forme même des gabions, ouverts sur le haut, et leurs parois flexibles, font qu'ils se déformeront inévitablement ; le maintien de la forme ne peut donc pas être atteint. 44. Sur le document Maccaferri, ils exposent que :- ce document, qui concerne des matelas flexibles à poser sur des canalisations sous-marines, n'a aucune similitude structurelle avec le brevet en cause, ne vise pas à répondre au même problème technique, mais à maintenir une certaine souplesse après la pose ;- il ne permet pas de maintenir la forme du gabion soulevé plein ;- ni ne divulgue d'anse de soulèvement ancrée fermement au fond, comme l'a retenu la cour allemande : les éléments de levage sont fixés sur des tubes qui ne sont pas fixés au fond du gabion, mais simplement posés au fond de l'élément flexible ; ils sont donc au-dessus du fond ; ils sont maintenus grâce au remplissage par un mélange thermoduscissable contenant du bitume ;- il ne peut s'agir de l'art antérieur le plus proche, car celui-ci doit chercher à résoudre le même problème technique ; le document Citra ne porte même pas sur un gabion rigide, et n'est utilisé qu'en milieu sous-marin ;- il ne relève pas du même domaine technique car il est déposé dans des catégories de brevet correspondant aux tuyaux et aux revêtements de berges, barrages, lits de cours d'eau ; l'homme du métier cherchant à résoudre un problème de déformation du gabion lors de son transport n'avait donc aucune raison de se pencher sur les moyens techniques d'un domaine éloigné du sien. 45. Et sur le document Sarti, ils exposent que- il concerne un matelas flexible qui n'a rien à voir avec les gabions (rigides) du brevet en cause ;- les moyens de soulèvement y sont placés au-dessus du fond, non reliés fermement à lui mais à une plaque de fixation noyée dans le matériau de remplissage au fond du gabion ;- l'homme du métier n'a là encore aucune raison de chercher un moyen technique lui permettant de garder rigide et non déformable un gabion réalisé en treillis métalliques, dans un procédé de fabrication d'un matelas flexible constitué de ciment à base d'asphalte mélangé à de la roche et des renforts métalliques. Réponse du tribunal a. Nouveauté 46. L'article 52 de la Convention de Munich limite la brevetabilité aux inventions nouvelles et inventives. En vertu de l'article 54, une invention est considérée comme nouvelle si elle n'est pas comprise dans l'état de la technique, lequel est constitué par tout ce qui a été rendu accessible au public avant la date de dépôt de la demande de brevet par une description écrite ou orale, un usage ou tout autre moyen. 47. Il résulte de ce texte que pour être comprise dans l'état de la technique et être privée de nouveauté, l'invention doit s'y retrouver tout entière, dans une seule antériorité au caractère certain avec les éléments qui la constituent dans la même forme, le même agencement, le même fonctionnement en vue du même résultat technique. 48. Le document Citra (Procédé et installation de pose d'un tapis de protection sur un fond immergé), concerne un tapis formé d'un grand nombre de gabions souples posés côte à côte. S'il divulgue des éléments d'ancrage dans les gabions permettant le levage de l'ensemble du tapis, il ne ressort pas de ce document que ces éléments d'ancrage soient fermement reliés au fond des gabions. En effet, d'une part, les épingles servant d'éléments de levage s'étendent verticalement au dessus du fond, ce qui ne permet donc pas de transmettre directement la force de levage à celui-ci ; d'autre part, le document Citra n'évoque une fixation de ces éléments d'ancrage que grâce au contenu du gabion, et non par une liaison au fond. La figure 1 de ce document, ci-dessous, invoquée par la société SETP, illustre ces caractéristiques. 49. Or, ainsi qu'il a été démontré aux points 22 et 23, le lien de l'anse au fond, au sens du brevet, implique que la force exercée sur l'anse soit transmise au fond sans l'intermédiaire d'une autre paroi ou du contenu. Certes, de par la cohérence de ce contenu et des parois reliées entre elles, la force exercée sur le contenu est transmise à la paroi supérieure et aux parois latérales, et de celles-ci à la paroi du fond, mais le principe de l'invention réside essentiellement dans le fait que la force de levée s'exerce en premier lieu sur le fond. 50. En divulguant seulement des éléments de levage ancrés dans le contenu ou les parois latérales, le document Citra ne divulgue donc pas la caractéristique de la revendication 1 tenant à ce que l'anse soit reliée fermement au fond. 51. Le document Maccaferri concerne comme son titre l'indique un élément flexible en forme de matelas utilisable comme ballast pour immobiliser et protéger des pipelines sous-marins, matelas qui est constitué de gabions. S'il évoque des moyens de levage, aucun de ces moyens n'est relié au fond du gabion, et moins encore relié fermement : tous sont dans des positions « adjacentes » ou « proches » du fond du gabion (« disposed at intervals in positions adjacent the bottom wall of the gabion », colonne 2, lignes 37-38 ; « close to the bottom of the gabion », colonne 2, lignes 61-62). Les figures ne divulguent pas davantage de lien ferme avec le fond, mais seulement des éléments posés sur le fond, qui transmettent donc la force de levée sur le contenu, et non sur la paroi inférieure. 52. Le document Sarti concerne lui aussi des matelas destinés à recouvrir des conduites sous-marines. Il cherche cependant à se distinguer des gabions connus de l'art antérieur, qui présentent selon lui plusieurs inconvénients. En substance, la robustesse de la structure divulguée dans ce document provient non pas de ses parois, qui sont, selon un mode de réalisation préféré, en tissu geotextile, mais d'une armature grillagée (5) (« a wire net reinforcement frame »). Cette armature est parallèle à la paroi du fond, et noyée dans le matériau de remplissage qui se répartit en deux couches, l'une au-dessus, l'autre en-dessous de l'armature. C'est sur celle-ci que s'exerce la force de levée lorsque le matelas est transporté : une sangle (12) (ou un anneau, 20) est retenu par une goupille de fixation (11, 18) elle-même retenue soit par l'armature, comme l'illustre la figure 1 ci-dessous, soit par des plaques verticales émergeant d'une plaque horizontale, dont la description et la revendication 8 indiquent qu'elles sont toutes trois « ancrées » ou « noyées » dans le matériau de remplissage, comme l'illustrent les figures 8 et 9 ci-dessous (qui représentent le même élément de levage de face et de côté).53. L'armature (5) ne peut être assimilée, comme le fait la société SETP, à une première paroi d'un fond à double paroi : cette armature est noyée dans le contenu du gabion et ne saurait donc s'analyser en un élément du fond. Quant à la plaque de fixation horizontale (15) de laquelle émergent les deux plaques verticales (16, 17) qui fixent la goupille (18) retenant elle-même l'anse (20), si la figure la présente accolée au fond du gabion, rien, ni dans ces deux figures, ni dans les revendications, ni dans la description du document Sarti n'indique qu'elle est fixée d'une façon ou d'une autre à ce fond. Au contraire, la description et la revendication 8 évoquent cet élément de levage comme étant ancré ou noyé dans le matériau de remplissage (3, 4). C'est donc à ce matériau, et non au fond du gabion, que la force de levée est transmise directement, de sorte que le document Sarti ne divulgue pas la caractéristique de la revendication 1 du brevet en cause selon laquelle l'anse est fermement reliée au fond du gabion. 54. Les autres revendications, toutes dépendantes de la revendication 1 et ne faisant qu'y ajouter des caractéristiques supplémentaires, sont nécessairement nouvelles si celle-ci l'est. b. Activité inventive 55. En application de l'article 56 de la Convention de Munich, une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour un homme du métier, elle ne découle pas d'une manière évidente de l'état de la technique. 56. Pour apprécier l'activité inventive d'un brevet, il convient de déterminer d'une part l'état de la technique, d'autre part le problème technique objectif à résoudre, et enfin d'examiner si l'invention revendiquée aurait été évidente pour l'homme du métier. Les éléments de l'art antérieur ne sont destructeurs d'activité inventive que si, pris isolément ou associés entre eux selon une combinaison raisonnablement accessible à l'homme du métier, ils permettaient à l'évidence à ce dernier d'apporter au problème résolu par l'invention la même solution que celle-ci. 57. L'invention porte sur un gabion, de façon générale, ce qui correspond à des usages divers, aussi bien à terre que dans l'eau, le même terme de gabion étant employé dans l'ensemble des documents déjà examinés relatifs à ce dernier usage. L'objet essentiel reste le même à chaque fois, à savoir apporter un poids important pour soutenir un ouvrage. Au demeurant, l'une des catégories d'invention dans lesquelles est référencé le document Maccaferri, et dont se prévalent les défendeurs à la nullité pour affirmer que ce document relèverait d'un autre domaine technique que le brevet en cause, à savoir la catégorie E 02 B 3/12, concerne les revêtements de berges, barrages, lits de cours d'eau ou analogues, ce qui est précisément un usage attendu des gabions en général, y compris ceux du brevet en cause. Enfin, le fait que la revendication 1 ait été limitée à des gabions composés de 6 parois planes n'exclut en rien un usage sous-marin. 58. Le domaine technique peut donc être défini comme celui des gabions, en général, sans distinction selon leur usage, et les trois documents de l'art antérieur invoqués par les parties en relèvent. 59. Il s'en déduit également que l'homme du métier est, comme l'ont également retenu les juridictions allemandes et le juge des référés en France, un ingénieur des travaux publics ayant l'expérience de la conception et de l'usage des gabions. 60. Le problème technique est défini par les parties de façon légèrement divergente, les défendeurs à la nullité insistant sur le maintien de la forme lors du transport du gabion, tandis que la société SETP y voit plus généralement la simplification de la manutention du gabion rempli. Si le brevet mentionne clairement, jusque dans la revendication 1, l'objectif de maintenir la forme du gabion lorsqu'il est transporté, il ressort explicitement de sa description que l'invention cherche de façon plus générale à améliorer le transport du gabion rempli, sans se limiter au problème de la déformation, ce qui est résumé au paragraphe [0031], selon lequel « les avantages de l'invention résident essentiellement » dans la fourniture et la mise en place « au chantier de gabions prêts à être installés », ce qui n'était pas en soi nouveau mais méritait d'être amélioré, comme l'explique le paragraphe [0005] qui évoque une autre méthode de manutention, longue et couteuse. 61. L'homme du métier cherchant ainsi à améliorer la manutention de gabions remplis, les trois documents Citra, Maccaferri et Sarti, qui divulguent des procédés selon lesquels des gabions sont transportés remplis, étaient susceptibles de lui apporter des enseignement utiles. 62. Toutefois, si ces trois documents n'explicitent aucun problème lié à ce transport et le tiennent donc pour connu de l'homme du métier, il a été démontré (ci-dessus, points 48 à 53) qu'aucun ne divulgue, même indirectement, un moyen de soulever le gabion par une anse transmettant la force à la paroi du fond. Tous mentionnent ou illustrent une anse transmettant la force au contenu du gabion ou à ses parois latérales. Et aucune incitation ne résulte de ces documents à adopter une autre méthode, et spécifiquement la méthode du brevet en cause. 63. Cette méthode parait certes d'une très grande simplicité, et les défendeurs à la nullité ne peuvent évidemment être suivis lorsqu'ils affirment péremptoirement que la simplicité serait en soi un indice sérieux de l'activité inventive. Pour autant, la demanderesse à la nullité n'apporte aucune preuve d'une divulgation antérieure de ce moyen, qui n'est donc évident qu'au regard de celui qui le connait a posteriori, mais pas pour l'homme du métier confronté au problème de la manutention des gabions, qui ne l'avait jamais adopté avant le brevet en cause alors que le problème de la manutention des gabions remplis était déjà largement connu. Quant à l'analogie avec l'usage du port de sacs lourds par en-dessous, usage certes connu de tous, elle n'est pas fondée, l'invention consistant au contraire à porter le gabion par au-dessus. La revendication 1 est donc simple mais implique une activité inventive. 64. Il en va nécessairement de même des autres revendications, qui en dépendent et ne font qu'y ajouter des caractéristiques supplémentaires. 65. Aucun des moyens de nullité soulevés par la société SETP n'est donc fondé, et par conséquent sa demande en ce sens est rejetée. II . Demandes en contrefaçon du brevet 1 . Atteinte au droit exclusif d'exploitation 66. La revendication 1 du brevet peut être décomposée ainsi selon ses caractéristiques : a. gabion constitué d'un élément plan formant le fond, quatre éléments plans formant les faces latérales et un élément plan formant la surface supérieure, b. les éléments plans étant reliés les uns aux autres, c. lequel gabion conserve à l'état rempli sa forme lorsqu'il est soulevé, transporté sur le chantier et mis en place sur le chantier, d. caractérisé en ce qu'une anse de soulèvement est prévue pour soulever le gabion, e. cette anse étant reliée fermement au fond du gabion. Moyens des parties 67. La société SETP, qui reproche aux demandeurs de se fonder sur l'imprécision de leur brevet, soutient que : a. son gabion n'est pas constitué d'un élément plan formant le fond, quatre éléments plans formant les parois latérales, car le fond et deux parois latérales sont en fait constituées d'une (unique) bande de grillage pliée deux fois à angle droit (en U) ; d. son gabion est soulevé par une « élingue », qu'elle définit comme une corde qui a un noeud coulant à chaque bout, et non par une anse ; e. son élingue n'est pas reliée fermement au fond du gabion, mais constituée de deux extrémités se terminant par une boucle attachée à une barre métallique se trouvant sous le fond, qui ne fait donc pas partie de celui-ci, et n'y est reliée que provisoirement par des agrafes ne résistant chacune qu'à une force de 60 kg et se défaisant en partie lors de la manutention, de sorte que ce lien n'est pas solide ; qu'en outre la barre métallique peut s'enlever facilement, est de petite taille, et n'est liée qu'à l'une des doubles barres constituant le fond ; et que la forme parallèlépipédique est banale et non protégeable ; que d'autres caractéristiques d'autres revendications étaient également connues ; 68. La société Legi et M. [H], se fondant sur un procès-verbal de saisie-contrefaçon du 4 décembre 2020, font valoir, notamment, que :a. « il a été démontré » que le gabion Stonebox contient des éléments plans conformément à la revendication 1 ;e. la barre métallique reliant l'anse au fond est bien fermement reliée à celui-ci, car lorsque le gabion est posé sur le côté, elle ne tombe pas, maintenue par les multiples agrafes, que même en tirant dessus, on ne peut les enlever et que la force des agrafes est suffisante pour déformer la barre du fond à laquelle elles sont accrochées. 69. Ils invoquent subsidiairement une contrefaçon par équivalence, en ce que l'élingue du gabion Stonebox reproduirait l'effet technique de l'anse du brevet en vue de parvenir au même résultat ; Réponse du tribunal 70. En application des articles L. 614-9 et L. 613-3 du code de la propriété intellectuelle, sont interdites, à défaut de consentement du propriétaire du brevet européen, la fabrication, l'offre, la mise dans le commerce, l'utilisation, l'importation, l'exportation, le transbordement, ou la détention aux fins précitées du produit objet du brevet. L'atteinte à ce droit exclusif est qualifié par l'article L. 615-1 de contrefaçon, engageant la responsabilité civile de son auteur. 71. Il est établi par le procès-verbal de saisie-contrefaçon du 4 décembre 2020 (pièce Legi no8), et au demeurant admis par les parties, que la société SETP fabrique et met dans le commerce des gabions, dénommés Stonebox, en grillage métallique, constitués d'un grand élément plié en U formant à la fois la paroi du fond et deux parois latérales, et d'éléments plans formant deux autres parois latérales ainsi qu'un élément plan formant la paroi supérieure ; que ces gabions peuvent être soulevés par la boucle, fermée par une bague, que forme, au-dessus du gabion, le milieu d'une tige ou corde métallique (« élingue ») dont les deux extrémités se trouvent sous le fond du gabion, extrémités se terminant chacune par une petite boucle, enfilée dans une barre métallique située sous le fond du gabion et accrochée à celui-ci par des agrafes. Une représentation issue de la notice de montage des gabions Stonebox (pièce Legi no20 et conclusions SETP, p. 29) est reproduite ci-dessous, où l'ont voit deux élingues avec leur boucle supérieure, leurs deux extrémités inférieures, et les barres sous le fond auxquelles celles-ci sont attachées. La petite boucle reliant chaque extrémité des élingues à la barre, et les agrafes reliant les barres au grillage du fond ne sont pas visibles sur la photographie en raison de leur petite taille mais il est constant qu'elles sont présentes.72. (a) La société SETP estime que le grand élément plié en U ne s'analyse pas en trois éléments plans formant respectivement le fond et deux parois latérales, mais (implicitement), en un élément unique. Pourtant, chaque composant du gabion peut, lui-même, être divisé en composants plus petits (chaque paroi est une grille composée de tiges), et le gabion dans son ensemble peut réciproquement être désigné comme un « élément » d'ensemble : un élément peut faire partie d'un autre élément plus vaste, et être lui-même composé d'éléments plus petits. Ainsi, le fait que trois parois du gabion soient préformées en un élément global plié en U n'empêche pas de voir, composant cet élément, trois sous-éléments correspondant chacun à une paroi. Or les gabions Stonebox comprennent bien une paroi plane formant le fond, quatre parois planes formant les faces latérales, et une paroi plane formant la surface supérieure, chacune de ces parois étant en tant que telle un élément, faisant partie d'autres éléments plus vastes. Autrement formulé, le fait que parmi ces 6 éléments plans, 3 composent ensemble un élément plus vaste est indifférent. La seule différence relève en définitive de leur mode d'assemblage, qui n'est pas revendiqué et n'a donc pas à être pris en compte. Ainsi, l'argument de la société SETP revient à réduire artificiellement la portée du brevet par l'ajout implicite d'une caractéristique non revendiquée (le mode d'assemblage) ; et la caractéristique a. est reproduite par les gabions Stonebox. 73. (b) Il est constant, et manifeste, que les 6 parois, chacune formant un élément plan, sont reliées ensemble. 74. (c) Il n'est pas contesté que les gabions Stonebox conservent leur forme à l'état rempli. 75. (d) Il résulte de la portée de la notion d'anse de soulèvement au sens du brevet (cf ci-dessus, points 18 à 20) que la boucle supérieure formée par la tige, corde, ou élingue, des gabions stonebox est une anse de soulèvement. 76. (e) Selon la société SETP, les élingues se sont pas reliées fermement au fond car les barres métalliques auxquelles elles sont fixées sont « ajoutées, distinctes de la structure et fixées en dessous ». Toutefois, dès lors que ces barres, précisément situées sous le fond, permettent de transmettre en premier lieu à la paroi du fond, et non à une autre paroi ou au contenu du gabion, la force de levée exercée sur l'anse, celle-ci est bien reliée au fond au sens du brevet (cf ci-dessus points 21 à 23). La caractéristique e. est donc bien reproduite. 77. La barre métallique transmettant la force de levée de l'élingue à la paroi du fond est reliée à celle-ci par sa position (immédiatement en-dessous), et fixée à elle par des agrafes qui l'attachent à l'une des tiges du grillage constituant cette paroi du fond. Comme le soulèvent la société Legi et M. [H], il ressort du procès-verbal de saisie-contrefaçon que non seulement ces barres restent en place quand on pivote le gabion, mais qu'elles ne peuvent pas même être retirées en tirant sur elles à la main (procès-verbal, pièce Legi no8, p. 54). L'anse est donc fermement reliée au fond du gabion. 78. Les gabions Stonebox, reproduisant ainsi toutes les caractéristiques de la revendication 1 du brevet, il mettent en oeuvre celui-ci, de sorte que leur fabrication et leur mise dans le commerce, n'ayant pas été autorisées, sont interdites et constituent une contrefaçon engageant la responsabilité civile de leur auteur, sans qu'il soit besoin d'examiner les griefs relatifs aux autres revendications. 2 . Réparation Moyens des parties 79. La société Legi et M. [H] demandent une indemnité forfaitaire, mais provisionnelle, de 723 957,79 euros, déterminée selon un taux de 8%, supérieur au taux de 6% qui aurait été justifié selon eux en cas de licence, appliqué au chiffre d'affaires de 9 049 472,46 euros dont la saisie-contrefaçon a révélé qu'il avait été réalisé entre le 4 décembre 2014 et le 4 décembre 2019 sur les gabions de format 200x100x100 et 100x100x100. Estimant que ce chiffre d'affaires n'est pas exhaustif car d'autres formats de gabions sont fabriqués (sur mesure et en trapèze), qu'il ne couvre que les ventes faites en France (et non les exportations), et que la contrefaçon a continué après la saisie-contrefaçon du 4 décembre 2019, ils réclament une mesure d'expertise ou à tout le moins la communication d'éléments comptables, certifiés par un expert comptable, au titre du droit d'information. 80. Ils estiment en outre que la défenderesse a fait croire aux milieux intéressés qu'il n'y avait pas de monopole résultant du brevet, portant ainsi atteinte à sa valeur, d'autant plus, précisent-ils, que le brevet a expiré le 7 septembre 2021, ce qui caractérise selon eux un préjudice de 50 000 euros à chacun d'eux. 81. Ils demandent enfin une mesure de publication pour « informer les tiers » de leurs droits de propriété intellectuelle, au regard de la gravité et de la durée de la contrefaçon, commise par une ancienne licenciée. 82. En réponse, la société SETP expose que le tribunal doit estimer une perte de chance que la redevance de 8%, non justifiée selon elle, ne permet pas d'établir ; que les fichiers informatiques communiqués en cours d'instance comme étant ceux obtenus lors de la saisie « semblent » en substance incomplets ; que si des dommages et intérêts étaient tout de même justifiés, une expertise s'imposerait. Elle conteste toute atteinte à la valeur du brevet, faisant valoir qu'une imitation peut au contraire s'imposer sur le marché et créer la réputation d'une technique ou d'une substance. 83. Elle estime la demande de publication irrecevable, en ce qu'elle serait indéterminée, et vexatoire, car le brevet a expiré, outre, précise-t-elle, que « il n'est pas démontré qu'une licence de brevet expiré ait été exploitée effectivement en France, ce qui rendrait la demande de publication mal fondée. » Réponse du tribunal a. Dommages et intérêts 84. En vertu de l'article L. 615-7 du code de la propriété intellectuelle, pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en compte distinctement les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée, le préjudice moral causé à cette dernière, et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon. 85. Le second alinéa de cet article prévoit, à titre alternatif et à la demande de la partie lésée, la possibilité d'allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire, supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte ; et qui n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée. 86. Les demandeurs affirment que les fichiers informatiques obtenus par l'huissier lors de la saisie-contrefaçon révèlent que les deux gabions Stonebox de dimensions 200x100x100 et 100x100x100, dont il est constant qu'ils contiennent l'élingue contrefaisante, ont été vendus pour un chiffre d'affaires total de 9 049 472,46 euros du 4 décembre 2014 au 4 décembre 2019. La défenderesse, qui semble douter de ces documents sans en tirer pour autant de conséquence, ne conteste pas expressément ce montant. Or elle est la plus à même d'apporter la contradiction à cette allégation, en affirmant elle-même le chiffre d'affaires réel qu'elle a réalisé, s'il devait être différent de celui que les demandeurs affirment issu de la saisie-contrefaçon, ce qu'elle ne fait pas. Les fichiers invoqués proviennent donc bien de la saisie-contrefaçon et ils établissement le chiffre d'affaires minimum des ventes de produits contrefaisants. 87. Comme c'est leur droit, les demandeurs réclament l'application du second alinéa de l'article L. 615-7. Ils invoquent un taux de licence de 8% par référence à un taux de 6% qui serait justifié dans le secteur. Ils n'apportent toutefois aucun élément pour le démontrer, et la défenderesse n'apporte aucun élément pour le contredire, sans qu'aucune partie n'estime utile de communiquer d'autres licences complètes portant sur ce brevet, et en particulier la sous-licence qui avait antérieurement été concédée à la société SETP. 88. Il peut toutefois être observé que la seule licence communiquée (pièce Legi no10), conclue avec le licencié exclusif pour la France, comporte seulement une redevance annuelle fixe, dont le montant pour l'ensemble de la France est de seulement 5 chiffres, au regard de la faible longueur de la partie noircie (caviardée), soit moins de 100 000 euros. Cette redevance doit être comparée à celle qu'invoquent les demandeurs contre la défenderesse : sur un chiffre d'affaires d'au moins 1 800 000 euros par an (9 millions divisés par 5), le taux usuel de 6% qu'ils invoquent correspondrait à une redevance de 108 000 euros, soit, de peu, dans un autre ordre de grandeur. En l'absence d'autres éléments, il faut donc retenir un taux usuel de licence légèrement plus faible que celui-ci allégué, donc 5%, et le majorer à 7% pour tenir compte du préjudice supérieur engendré par l'absence d'autorisation préalable, ce qui permet de retenir une provision, appliquée au chiffre d'affaires prouvé par la saisie-contrefaçon, de 633 000 euros. 89. En revanche, il ne s'infère pas en soi de l'exploitation d'un brevet une perte de valeur de celui-ci pour l'avenir. L'atteinte au monopole prive le titulaire de tout ou partie de la valeur économique qu'il aurait dû lui conférer, et c'est précisément ce qu'indemnise l'indemnité déterminée au point précédent ; mais pour le reste, un brevet, dont la valeur réside dans l'intérêt technique et non dans la rareté de sa présentation au public comme certaines oeuvres ou certains modèles, ne se dévalorise pas par son usage. La demande d'indemnisation en ce sens est donc rejetée. b. Droit d'information 90. L'article L. 615-5-2 du code de la propriété intellectuelle, appliquant l'article 8 de la directive 2004/48 relative au respect des droits de propriété intellectuelle, prévoit au bénéfice du demandeur à l'action en contrefaçon un droit d'information en vertu duquel la juridiction peut ordonner, s'il n'existe pas d'empêchement légitime, au besoin sous astreinte, afin de déterminer l'origine et les réseaux de distribution des produits ou procédés argüés de contrefaçon qui portent atteinte aux droits du demandeur, la production de tous documents ou informations détenus par le défendeur ou par toute personne qui a été trouvée en possession de produits argüés de contrefaçon ou mettant en oeuvre des procédés argüés de contrefaçon ou qui fournit des services utilisés dans de prétendues activités de contrefaçon ou a été signalée comme intervenant dans la production, la fabrication ou la distribution de ces produits, la mise en oeuvre de ces procédés ou la fourniture de ces services. 91. La directive précitée, à son article 8, paragraphe 2, sous b) prévoit que les informations visées peuvent comprendre des renseignements sur les quantités ainsi que sur le prix obtenu pour les marchandises ou services en question. Il s'ensuit que les renseignements sur « l'origine et les réseaux de distribution » incluent ceux portant sur l'étendue du préjudice. 92. Plus généralement, en application de l'article 3 de la même directive, la mesure doit ainsi être limitée à ce qui est effectif, et proportionné au regard, notamment, de l'intérêt du défendeur à la protection du secret des affaires. 93. Il résulte du procès-verbal de saisie-contrefaçon que l'huissier a limité sa recherche des éléments comptables à la France ; les éventuelles ventes hors de France de gabions fabriqués en France et donc protégés par la partie française du brevet européen n'ont ainsi pas été prises en compte, ce qui doit être fait. Il n'est en outre pas contesté que la fabrication et la commercialisation de gabions Stonebox identiques à ceux découverts lors de la saisie-contrefaçon s'est poursuivie pendant l'instance. Le préjudice ne peut donc être entièrement déterminé sur la base du chiffre d'affaires obtenu lors de la saisie-contrefaçon, et un droit d'information est nécessaire. 94. Il doit porter sur l'ensemble des gabions Stonebox, mais seulement ceux-là : tous les gabions découverts lors de la saisie portaient ce nom, et tous étaient contrefaisants. Réciproquement, rien ne suggère que des produits vendus sous d'autres noms seraient également contrefaisants. Les documents peuvent se limiter à une attestation d'un expert comptable sur (1) le nombre de produits vendus (où que ce soit) avant le 7 septembre 2021(2) le nombre de produits fabriqués en France avant cette date, s'il est supérieur (seule la différence, évidemment, constitue un préjudice, dans la mesure où les produits fabriqués et vendus génèrent le même préjudice, tandis qu'un stock invendu constitué avant l'expiration du brevet donne un avantage indû au jour de l'expiration ;(3) le chiffre d'affaires correspondant aux ventes. 95. Il n'est pas nécessaire ici de communiquer en outre les pièces comptables elles-mêmes. De même, cette opération n'a aucune technicité et ne justifie donc pas une mesure d'instruction technique, telle qu'une expertise, et la demande en ce sens doit être rejetée. c. Publication 96. Le préjudice subi par les demandeurs est entièrement réparé par l'octroi d'une indemnité, sans que les circonstances de l'espèce ne justifient en outre une publication, et ce d'autant moins que, comme le soulève la société SETP, le brevet est expiré. III . Dispositions finales 1 . Frais de procédure 97. Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. L'article 700 du même code permet au juge de condamner en outre la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre, pour les frais exposés mais non compris dans les dépens, une somme qu'il détermine, en tenant compte de l'équité et de la situation économique de cette partie. 98. La société SETP, qui perd le procès, est tenue aux dépens ; et doit indemniser les demandeurs de leurs frais dans une large mesure qui peut être fixée à 40 000 euros. 2 . Exécution provisoire Moyens des parties 99. La société SETP fait valoir que l'exécution provisoire serait inopportune en ce que les rejets en référé ont montré l'existence de moyens de défense sérieux, qu'elle leur causerait un tort qui doit être comparé à l'urgence pour les demandeurs, d'autant que le brevet a expiré. Elle ajoute que les demandeurs n'ont pas exécuté les condamnations prononcées à leur encontre dans les deux instances en référé, et n'ont pas de biens en France ; elle en déduit la nécessité d'une garantie, idéalement une caution bancaire, en cas d'exécution provisoire. 100. Les demandeurs invoquent la gravité de la contrefaçon, sa durée, le fait qu'elle ait été commise par un ancien licencié qui connaissait parfaitement la validité du brevet. Réponse du tribunal 101. En vertu de l'article 515 du code de procédure civile, dans sa rédaction en vigueur à la date d'introduction de l'instance, l'exécution provisoire peut être ordonnée, à la demande des parties ou d'office, chaque fois que le juge l'estime nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire, à condition qu'elle ne soit pas interdite par la loi. 102. Au cas présent, l'exécution provisoire n'est pas nécessaire, et la demande en ce sens est donc rejetée. PAR CES MOTIFS Le tribunal : Rejette la demande en nullité des revendications 1, 5, 6, 7, 9, 10 et 14 de la partie française du brevet EP 1 186 719 ; Condamne la société SETP à payer à la société Legi et M. [H] une provision totale de 633 000 euros en réparation de leur préjudice ; Rejette leur demande supplémentaire en dommages et intérêts pour « atteinte à la valeur » du brevet ; Rejette leur demande d'expertise ; Ordonne à la société SETP de remettre à la société Legi et à M. [H] une attestation de son expert comptable relative au nombre total de gabions Stonebox fabriqués en France du 30 décembre 2014 au 7 septembre 2021, de ceux vendus partout dans le monde dans cette période, et au chiffre d'affaires afférent ; et ce dans un délai de 45 jours à compter de la signification du jugement, puis sous astreinte de 500 euros par jour de retard qui courra pendant 90 jours ; Rejette les demandes de publication ; Condamne la société SETP aux dépens (qui pourront être recouvrés par Me Szleper pour ceux dont il aurait fait l'avance sans en recevoir provision, le cas échéant), ainsi qu'à payer à la société Legi et M. [H] 40 000 euros (au total) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; Rejette la demande en exécution provisoire de la décision. Fait et jugé à Paris le 31 Mars 2023 Le Greffier La PrésidenteQuentin CURABET Irène BENAC
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JURITEXT000047636326
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AUTRES_DECISIONS
Tribunal judiciaire de Paris, 21 avril 2023, 22/06910
2023-04-21
Tribunal judiciaire de Paris
22/06910
CT0087
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TRIBUNAL JUDICIAIREDE PARIS 3ème chambre2ème section No RG 22/06910No Portalis 352J-W-B7G-CXAKD No MINUTE : Assignation du :25 Mai 2022 JUGEMENT rendu le 21 Avril 2023 DEMANDERESSES S.A. ORANGE[Adresse 1][Localité 5] Société ORANGE BRAND SERVICES LIMITED[Adresse 3][Localité 6] (ROYAUME-UNI) représentée par Maître Marguerite BILALIAN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C0063 DÉFENDERESSE S.A.S. FYBER X[Adresse 2][Localité 4] défaillant COMPOSITION DU TRIBUNAL Madame Irène BENAC, Vice-PrésidenteMadame Elodie GUENNEC, Vice-présidenteMonsieur Arthur COURILLON-HAVY, Juge assisté de Monsieur Quentin CURABET, Greffier, en présence d'Anne BOUTRON, Magistrate en formation. DEBATS A l'audience du 05 Janvier 2023 tenue en audience publique devant Irène BENAC et Arthur COURILLON-HAVY, juges rapporteurs, qui sans opposition des avocats ont tenu seuls l'audience, et après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe, en dernier lieu, le 21 Avril 2023. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à dipsosition au greffe Réputé contradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE 1. La société de droit anglais Orange brand services, et la société Orange, reprochent à la société Fyber X d'avoir vendu des produits appartenant à la seconde et revêtus de marques appartenant à la première et dont la seconde est licenciée, tout en se prétendant à tort numéro un du secteur, commettant ainsi selon elles une contrefaçon de ces marques, une faute civile de droit commun et une concurrence déloyale. 2. Elles invoquent ainsi les deux marques figuratives de l'Union européenne « Orange » suivantes, numéro 000127902 (déposée le 1er avril 1996 et enregistrée le 28 mars 2001) et numéro 012542262 (déposée le 28 janvier 2014 et enregistrée le 28 octobre 2014), désignant des produits notamment en classe 9. La première de ces marques est représentée ci-dessous à gauche. Elle est enregistrée en noir et blanc, sans indication de couleur, bien que les demanderesses la représentent en orange. Elle sera désignée ci-après comme la marque Orange noir et blanc. La seconde est représentée à droite. Le texte est blanc et le carré orange. Elle sera désignée ci-après comme la marque Orange en couleur. 3. Elles exposent que la société Orange met gratuitement à disposition des entreprises chargées de déployer la fibre optique le matériel nécessaire, en particulier des câbles à fibre optique et des boîtiers qu'elle commande auprès de différents fournisseurs tiers, en concluant avec elles un contrat de dépôt, de sorte que les équipements fournis restent sa propriété. 4. Les sociétés Orange et Orange brand se sont aperçues, courant 2021, de la commercialisation par la société Fyber X, sur son site internet, de câbles et boîtiers à fibre optique provenant frauduleusement de ces matériels laissés en dépôt, dont certains étaient revêtus, sur leur emballage, de la marque Orange. Après avoir fait procéder à des constats d'achat, elles ont été autorisées, le 24 mars 2022, à faire procéder à des opérations de saisie-contrefaçon qui ont eu lieu le 28 avril 2022 et aux termes desquelles elles disent avoir appris que la société Fyber X rachetait des produits auprès d'installateurs de fibre optique. 5. Elles l'ont ensuite fait assigner le 25 mai 2022 devant ce tribunal en contrefaçon de marque, responsabilité civile et concurrence déloyale. L'instruction a été close le 1er septembre 2022. 6. Dans leur assignation, les sociétés Orange et Orange brand demandent : ? de condamner la société Fyber X à payer à la société Orange brand 75 000 euros de dommages et intérêts pour contrefaçon de marques,? de condamner la société Fyber X à payer à la société Orange 100 000 euros de dommages et intérêts pour contrefaçon de marque et commercialisation fautive de produits lui appartenant,? des mesures d'interdiction et de publication sous astreinte,? de condamner la société Fyber X à leur verser 6 000 euros chacune en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens. 7. Elles font valoir que la société Fyber X a commis des actes de contrefaçon de marque en commercialisant, sans leur accord, des produits dont les emballages étaient revêtus de la marque Orange dont est titulaire la société Orange brand et dont est licenciée la société Orange, produits par ailleurs identiques à ceux visés aux enregistrements. Elles ajoutent que la défenderesse a reconnu, lors des opérations de saisie-contrefaçon, ne pas être autorisée à vendre ces produits. 8. Elles soutiennent que la société Fyber X engage par ailleurs sa responsabilité extra-contractuelle du fait de la commercialisation illicite de produits appartenant à la société Orange et seulement mis à disposition de ses partenaires installateurs, à savoir :- des boîtiers PTO 4 FO, fabriqués par la société Nexans,- des jarretières simplex monomode 1,6mm, fabriquées par la société Folan,- d'autres produits fabriqués par les sociétés Nexans et Omelcom. 9. En effet, expliquent-elles, la société Fyber X ne produit aucune facture d'achat des produits litigieux et a dit avoir racheté divers matériels auprès d'installateurs au moyen d'un système d'avoirs frauduleux. Elles énoncent que le préjudice qui en découle est certain dès lors que se retrouvent sur le marché des produits fabriqués à la demande et aux frais de la société Orange pour le déploiement de la fibre et qui sont vendus par la défenderesse à son seul bénéfice, mais également car la société Orange est exposée à un risque de voir sa responsabilité engagée du fait du matériel en circulation. 10. Elles énoncent enfin que la défenderesse, en se présentant sur son site internet comme le « fournisseur numéro 1 du matériel optique » et comme le « leader de son domaine », se rend coupable de pratiques commerciales trompeuses, ces allégations étant fausses et ayant pour effet de tromper les clients sur le sérieux et l'expertise de la société Fyber X en la matière, ce qui constitue des actes de concurrence déloyale à l'encontre de la société Orange. 11. A titre de réparation, outre des mesures d'interdiction et de publication sous astreinte, la société Orange brand sollicite la somme forfaitaire de 50 000 euros en réparation de son préjudice matériel et la somme de 25 000 euros en réparation de son préjudice moral du fait des actes de contrefaçon. Se fondant sur le 2e alinéa de l'article L. 716-4-10, elle fait valoir que la revente de produits revêtus de la marque à des tiers présente un risque de voir ces produits utilisés pour déployer des projets concurrents, ce qui banaliserait la marque, tromperait les clients qui penseraient que les projets sont menés sous la supervision ou avec l'assistance d'Orange, et lui causerait un préjudice d'image. 12. La société Orange, se fondant sur le 1er alinéa de l'article L. 716-4-10 et invoquant son préjudice propre, évalue quant à elle sa perte subie à la somme de 50 000 euros et les bénéfices réalisés par la société Fyber X à la somme de 50 000 euros, et additionne ces deux sommes pour déterminer son préjudice. Sur ses pertes, elle soutient que le nombre de pièces détournées par la défenderesse sont autant de produits qu'elle ne pourra pas utiliser sur ses autres projets, et qu'elle sera donc obligée de racheter ; sur les bénéfices du contrefacteur, elle estime que le rachat « à vil prix » de produits lui appartenant a généré des bénéfices importants pour la défenderesse, ce qui lui donnerait un avantage compétitif pour les autres produits et lui permettrait de s'attirer des clients. 13. Sur la publication du jugement, les demanderesses estiment nécessaire d'informer les clients de la société Fyber X et les professionnels du secteur, afin d'assurer l'entière réparation de leur préjudice. 14. La société Fyber X, régulièrement citée à sa personne, d'une part par remise de l'acte à l'adresse de son siège à une personne s'étant dit assistante et déclarée habilitée à le recevoir, d'autre part par l'envoi de la lettre prévue à l'article 658 du code de procédure civile, n'a pas constitué avocat. La présente décision est donc réputée contradictoire. MOTIVATION I . Demandes en contrefaçon, concurrence déloyale et responsabilité de droit commun 1 . Atteinte au droit du titulaire des marques 15. Le droit conféré par les marques de l'Union européenne est prévu par le règlement 2017/1001, à son article 9, rédigé en ces termes : « 1. L'enregistrement d'une marque de l'Union européenne confère à son titulaire un droit exclusif. 2. Sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité d'une marque de l'Union européenne, le titulaire de cette marque de l'Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe pour des produits ou services lorsque : a) ce signe est identique à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée; b) ce signe est identique ou similaire à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou services identiques ou similaires aux produits ou services pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public; le risque de confusion comprend le risque d'association entre le signe et la marque;(...) 3. Il peut notamment être interdit, en vertu du paragraphe 2: a) d'apposer le signe sur les produits ou sur leur conditionnement; b) d'offrir les produits, de les mettre sur le marché ou de les détenir à ces fins sous le signe, ou d'offrir ou de fournir des services sous le signe; » 16. L'atteinte au droit conféré par la marque de l'Union européenne est qualifiée de contrefaçon, engageant la responsabilité civile de son auteur, par l'article L. 717-1 (dans le cas des marques de l'Union européenne). 17. La Cour de justice de l'Union européenne a précisé que le droit exclusif du titulaire de la marque, qui n'est pas absolu, ne l'autorise à s'opposer à l'usage d'un signe par un tiers en vertu de l'article 9, dans les conditions énumérées au paragraphe 2, sous a) et b), que si cet usage porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque, et notamment à sa fonction essentielle, qui est de garantir aux consommateurs la provenance du produit ou du service (CJCE, 12 novembre 2002, Arsenal football club, C-206/01, point 51 ; plus récemment, CJUE, 25 juillet 2018, Mitsubishi, C-129/17, point 34). 18. Dans le cas où l'article 9, paragraphe 2, sous a) est applicable (double identité de signes et de produits ou services), il peut s'agir d'une atteinte à l'une quelconque des fonctions de la marque : non seulement la fonction essentielle (garantie de provenance), mais aussi celle qui consiste « à garantir la qualité de ce produit ou de ce service, ou celles de communication, d'investissement ou de publicité » (CJCE, 18 juin 2009, L'Oréal, C-487/07, point 58). 19. Dans le cas prévu au paragraphe 2, sous b) (similitude de signe et de produits ou services), la condition spécifique de la protection est « le risque de confusion et donc une possibilité d'atteinte à la fonction essentielle de la marque » (L'Oréal précité, point 59). Autrement dit, en ce cas, le signe doit porter atteinte à la fonction d'indication d'origine « en raison d'un risque de confusion dans l'esprit du public » (CJCE, 12 juin 2008, O2 holdings, C-533/06, point 57 ; voir aussi CJUE, 3 mars 2016, Daimler, C-179/15, point 27). 20. Les demanderesses démontrent, par un constat d'achat des 5 et 31 aout 2021 (pièce no11), que le site internet Fyberx.com vend des kits de câbles et boitiers désignés « PTO 1 fo précâblé intérieur 30m », dont l'emballage est revêtu, entre autres signes, d'un signe identique à la marque Orange en couleur, et donc très similaire à la marque Orange noir et blanc. 21. Il ressort de la page de confirmation de la commande sur le site internet fyberx.com, de l'étiquette apposée sur le colis, et du bon de commande qui y était inséré (pièce no11) que la vente effectuée sur ce site internet est le fait de la société Fyber X, défenderesse à cette instance. 22. La marque Orange noir et blanc est enregistrée notamment pour désigner des appareils et instruments électriques et électroniques de communication et de télécommunication. La marque Orange en couleur est quant à elle enregistrée notamment pour désigner des câbles à fibre optiques et des systèmes et installations de télécommunications. Le câble de fibre optique et le boitier vendus par la défenderesse sont ainsi des produits identiques à ceux pour lesquels la marque Orange en couleur est enregistrée, et fortement similaires à ceux pour lesquels la marque Orange noir et blanc est enregistrée. 23. L'apposition du signe sur cet emballage est sans ambigüité une indication de provenance commerciale du produit, ne serait-ce que par l'indication d'un partenariat entre le fabricant et la société Orange, ou d'un aval donné par celle-ci à la qualité du produit. Le signe est donc utilisé « pour des produits ». 24. Certes, ce signe n'est pas apparent sur le site internet, et il ressort du constat d'achat (pièce no11) que l'acquéreur du produit n'avait aucun moyen de savoir avant de faire son choix que le signe figurait sur l'emballage. Cependant, le fait que cette information (la présence de la marque Orange) soit découverte seulement après l'achat est sans incidence dans la mesure où le produit peut être revendu ou présenté dans le même emballage à une personne qui le verra, situation où la marque exercera sa fonction essentielle d'indication de provenance commerciale (voir, en ce sens, CJCE, 12 novembre 2002, Arsenal football club, C-206/01, point 57). 25. Ainsi, à l'égard de la marque Orange noir et blanc, et en raison de la quasi identité du signe à la marque et de la grande similarité des produits, cet usage crée un risque de confusion dont il résulte une atteinte à la fonction essentielle de la marque. 26. Il en va a fortiori de même à l'égard de la marque Orange en couleur, dont le signe en cause est identique et utilisé pour des produits identiques. En outre, l'usage en cause porte également atteinte à la fonction de garantie de qualité de la marque, dès lors que l'utilisateur du produit attribuera la responsabilité de sa qualité à l'entreprise titulaire de la marque, même sans l'avoir initialement acheté en considération de cette marque ; ce qui, en présence d'une double identité (signes et produits ou services) permet de retenir une atteinte au droit exclusif conféré par la marque. 27. L'usage litigieux a enfin été fait dans la vie des affaires, sans l'autorisation du titulaire des marques. À cet égard, la présente espèce a ceci de particulier que l'apposition de la marque sur l'emballage des produits avait à l'origine été fait avec le consentement du titulaire de la marque, puisqu'il s'agit de produits authentiques, dans leur emballage d'origine. Toutefois, cette circonstance que les produits sont « authentiques » n'a pas d'incidence en elle-même, car il est essentiel que le titulaire de la marque puisse contrôler non pas seulement la fabrication du produit revêtu de la marque, mais surtout sa première mise dans le commerce dans l'Espace économique européen. C'est ce qui résulte du mécanisme de l'épuisement du droit prévu par l'article 15 du règlement 2017/1001 (en ce sens, CJUE, 25 juillet 2018, Mitsubichi, C-129/17, points 31 et 32, et jurisprudence citée). Or, la société Fyber X n'a pas comparu pour alléguer et démontrer cet épuisement du droit, dont la preuve incombe en principe à la partie qui s'en prévaut (CJUE, 17 novembre 2022, Harman, C-175/21, point 50, et jurisprudence citée). 28. Par conséquent, l'usage litigieux est une atteinte au droit conféré par les marques, c'est-à-dire une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur. 29. Aucun autre fait susceptible de porter atteinte au droit conféré par les marques n'est allégué dans la partie « discussion » de l'assignation. 2 . Faute résultant de la « revente illicite de produits appartenant à la société Orange acquis illicitement [par] un système opaque [...] d'avoirs » 30. En vertu de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. 31. Pour démontrer que la société Fyber X savait, en acquerrant les matériels litigieux, que ceux-ci avaient une source illicite, la société Orange se prévaut en premier lieu du procès-verbal de saisie-contrefaçon qui énonce que le président de la société Fyber X « précise [à l'huissier] connaitre parfaitement l'interdiction de vendre des produits estampillés de marque Orange ». Outre que les déclarations faites par des personnes lors d'une saisie-contrefaçon, sans aucune garantie quant à leur droit de ne pas s'incriminer elles-mêmes, et en particulier de ne pas répondre aux questions qui leur sont posées et de se faire conseiller par un avocat quant à la portée juridique de leurs déclarations, qui plus est dans un contexte de pression et de surprise, sont intrinsèquement peu fiables et ne peuvent pas valoir aveu, il doit être observé en toute hypothèse au cas présent que cette déclaration ne porte sur rien de plus que l'interdiction légale de vendre des produits revêtus d'une marque sans l'accord de son titulaire. Cette vente illicite a fait l'objet de la partie précédente et il ne peut pas en être déduit d'autres comportements fautifs. 32. De la même manière, la déclaration du président de la société Fyber X selon laquelle il procède « à des avoirs à certaines sociétés en retour de matériel » ne prouve aucun fait précis, ni aucun système en général. Outre que, là encore, aucun aveu ne peut être tiré d'un procès-verbal de saisie-contrefaçon, il n'est en toute hypothèse pas illicite de rembourser ses clients par avoir lors d'un retour de matériel. 33. Enfin, la société Orange se prévaut de l'impossibilité pour la défenderesse de justifier l'origine des produits litigieux, soulignant que l'huissier a constaté que « toutes les factures d'achat des différents kits PTO conservées par la société Fyber X proviennent exclusivement de la société Omelcom » alors que les kits litigieux auraient été fabriqués par une autre société. Cette absence de traçabilité est certes suspecte, mais elle ne constitue pas à elle seule une preuve d'un achat sciemment frauduleux ou illicite. 34. Au demeurant, la demanderesse fonde le caractère illicite des acquisitions de produits sur le fait que ceux-ci seraient sa propriété, en vertu des contrats la liant aux entreprises installant les réseaux. Mais elle ne produit, pour le prouver, que son « contrat type », qui en tant que tel n'a pas plus de force probante qu'une simple allégation : il s'agit d'un document dont la déclinaison en pratique est absolument invérifiable et dont rien ne permet de supposer qu'il a donné lieu à de véritables contrats portant sur les produits en cause. Il n'est donc pas démontré que ces produits fussent toujours la propriété d'Orange lorsqu'ils ont été acquis par la société Fyber X. 35. Reposant ainsi seulement sur des suspicions non étayées et de simples allégations, la faute invoquée n'est pas caractérisée. Par conséquent, les demandes à ce titre doivent être rejetées. 3 . Concurrence déloyale du fait d'affirmations mensongères 36. Si la société Fyber X n'est, en effet, manifestement pas la « numéro 1 du secteur » ou « leader » de la vente de matériel pour la fibre optique, la société Orange n'expose pas en quoi elle serait, personnellement, affectée par cette pratique commerciale trompeuse. 37. En effet, la demanderesse explique mettre gratuitement à disposition de ses « intégrateurs » les matériels utiles, sans leur vendre ; elle n'allègue donc aucun avantage qu'elle perdrait lorsque ces matériels seraient vendus par un tiers. Il est au demeurant difficile d'imaginer dans quelle situation un de ces intégrateurs préfèrerait payer pour du matériel s'il peut l'obtenir de la part de la société Orange. Il n'y a donc aucune conséquence négative, pour celle-ci, résultant de l'affirmation litigieuse. 38. Ses demandes à ce titre doivent par conséquent être rejetées. 4 . Réparation et autres mesures 39. En vertu de l'article L. 716-4-10 du code de propriété intellectuelle, pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en compte distinctement les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée, le préjudice moral causé à cette dernière, et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon. 40. Le second alinéa de cet article prévoit, à titre alternatif et à la demande de la partie lésée, la possibilité d'allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire, supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte ; et qui n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée. 41. Ces dispositions doivent être interprétées, d'une part, à la lumière du principe de réparation intégrale, en vertu duquel la partie lésée doit se trouver dans la situation qui aurait été la sienne en l'absence des faits litigieux, sans perte ni profit pour elle ; d'autre part, à la lumière de la directive 2004/48 sur le respect des droits de propriété intellectuelle, qui prévoit à son article 13 que les dommages et intérêts doivent être adaptés au préjudice que le titulaire du droit « a réellement subi du fait de l'atteinte ». 42. Par ailleurs, l'article L. 716-4-11 du même code prévoit notamment le rappel des produits contrefaisants des circuits commerciaux, ou leur destruction, et toute mesure appropriée de publicité, aux frais du contrefacteur. 43. L'interdiction demandée est justifiée dans la mesure où elle porte sur des câbles et boitiers pour fibre optiques, ou leur emballage, revêtus de la marque Orange. Aucun autre produit contrefaisant n'étant allégué, aucune autre interdiction ne peut être prononcée. 44. S'agissant du préjudice, il faut observer en premier lieu que la société Orange, bien que fondant sa demande sur le droit des marques, allègue en fait les conséquences du détournement de produits issus de ses stocks, et non les conséquences de l'usage de la marque elle-même. Cette demande, qui repose ainsi sur un principe de responsabilité qui n'est pas fondé (cf ci-dessus partie 2), doivent être rejetées. 45. La société Orange brand, en tant que titulaire des marques, a subi un préjudice tiré de l'usage des marques sans son consentement. Cet usage est toutefois très limité : il n'a porté que sur une unique référence de produit, au prix très faible, et sans avoir aucune influence sur l'acte d'achat. Le préjudice ne consiste donc qu'en l'association erronée, faite après le premier achat, du produit avec la société Orange. Il est encore limité par le fait que, la marque n'étant apposée que sur l'emballage, une fois le produit déballé, aucun lien avec la société Orange ne demeure. L'exposition du public est donc particulièrement limitée, et aucun risque n'existe, en particulier, que quiconque se méprenne a posteriori sur l'opérateur à l'origine de l'installation du réseau, comme l'allègue la demanderesse. Sa demande d'indemnité forfaitaire peut donc être fixée à 1 000 euros, outre 2 000 euros de préjudice moral. 46. Ce préjudice est entièrement réparé par ces dommages et intérêts sans qu'il soit besoin d'une mesure de publication, dont la gravité serait au demeurant disproportionnée à la faible ampleur du préjudice. II . Dispositions finales Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. L'article 700 du même code permet au juge de condamner en outre la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre, pour les frais exposés mais non compris dans les dépens, une somme qu'il détermine, en tenant compte de l'équité et de la situation économique de cette partie. La société Fyber X perd le procès en partie. Elle peut être tenue aux dépens. En revanche il ne serait pas équitable de la condamner à payer les autres frais exposés par la demanderesse à hauteur de plus de 1 000 euros. L'exécution provisoire est de droit, et rien ne justifie de l'écarter ici. PAR CES MOTIFS Le tribunal : Condamne la société Fyber X à payer 3 000 euros à la société Orange brand services en réparation de la contrefaçon de ses marques de l'Union européenne 000127902 et 012542262 ; Interdit à la société Fyber X de vendre des câbles et boitiers pour fibre optique revêtus de l'une de ces marques, sous astreinte de 500 euros par infraction constatée, qui débutera 5 jours après la signification du jugement puis courra pendant 90 jours ; Rejette la demande en publication ; Rejette les demandes en dommages et intérêts et interdiction fondées sur la faute tirée de la revente de produits appartenant à la société Orange, et sur la concurrence déloyale ; Condamne la société Fyber X aux dépens ainsi qu'à payer 1 000 euros à la société Orange brand services au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Fait et jugé à Paris le 21 Avril 2023 Le Greffier La PrésidenteQuentin CURABET Irène BENAC
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JURITEXT000047636327
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AUTRES_DECISIONS
Tribunal judiciaire de Paris, 3 mars 2023, 21/00773
2023-03-03
Tribunal judiciaire de Paris
21/00773
CT0087
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TRIBUNALJUDICIAIREDE PARIS 3ème chambre2ème section No RG 21/00773No Portalis 352J-W-B7F-CTTUN No MINUTE : Assignation du :15 Décembre 2020 JUGEMENT rendu le 03 Mars 2023 DEMANDERESSE Société NORMA LEBENSMITTELFILIALBETRIEB STIFTUNG & CO KG[Adresse 4][Localité 3] (ALLEMAGNE) représentée par Maître Michel ABELLO de la SELARL LOYER & ABELLO, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #J0049 DÉFENDERESSE S.A.S.U. POWERTECH SYSTEMS[Adresse 1][Adresse 1][Localité 2] représentée par Maître Didier DOMAT de l'AARPI EARVIN & LEW, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0760 Copies délivrées le : - Me Michel ABELLO #J0049 (certifiée conforme)- Me Didier DOMAT #A0760 (exécutoire)COMPOSITION DU TRIBUNAL Madame Irène BENAC, Vice-PrésidenteMadame Elodie GUENNEC, Vice-présidenteMonsieur Arthur COURILLON-HAVY, Juge assisté de Madame Caroline REBOUL, greffière lors des débats et de Monsieur Quentin CURABET, Greffier lors de la mise à disposition. DÉBATS A l'audience du 16 Décembre 2022 tenue en audience publique devant Irène BENAC et Arthur COURILLON-HAVY, juges rapporteurs, qui sans opposition des avocats ont tenu seuls l'audience, et après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 03 Mars 2023 JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe ContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE 1. La société de droit allemand Norma Lebensmittelfilialbetrieb Stiftung & Co KG (ci-après la société Norma) se présente comme exploitant une chaîne de supermarchés discount en Allemagne, République Tchèque, Autriche et France à travers 1400 magasins et l'onglet Norma24 de son site internet à destination des consommateurs allemands. 2. Elle est notamment titulaire des marques semi-figuratives de l'Union européenne suivantes :- marque no 007177827, enregistrée le 14 juin 2010 pour désigner des produits en classes 7, 9, 11 et 17, notamment des « appareils et instruments pour la conduite, la distribution, la transformation, l'accumulation, le réglage ou la commande du courant électrique » (classe 9) :- marque no 12355319 Powertec Energy enregistrée le 5 février 2014 pour des produits en classes 7, 9, 11 et 17. 3. La SAS Powertech Systems, créée le 2 juillet 2013, exerce l'activité de "commerce de gros , commerce interentreprises de matériel électrique, conseil formation études et recherches techniques" ; elle précise concevoir et commercialiser des batteries de puissance lithium-ion (batteries utilisant le lithium sous forme ionique) dans le domaine de la traction électrique et du stockage d'énergie pour les besoins professionnels. 4. Elle a déposé, le 29 octobre 2017, une demande de marque semi-figurative de l'Union européenne no 017397779 pour désigner des produits en classes 4 et 9 :5. La société Norma a formé opposition partielle à l'enregistrement de cette marque en classe 9 en se fondant sur ses deux marques précitées. Le 23 juillet 2019, l'EUIPO a fait droit à cette opposition partielle pour les produits de la classe 9 et la marque « PowerTech systems » no 017397779 n'a été enregistrée qu'en classe 4. 6. Faute d'accord amiable sur l'usage par la société Powertech Systems du signe « PowerTech systems » en tant que marque et dénomination sociale, notamment pour la commercialisation de batteries, la société Norma a fait assigner la société Powertech Systems devant le tribunal judiciaire de Paris, par acte du 15 décembre 2020, en contrefaçon de sa marque « PowerTec Electric » no 007177827. 7. Par ordonnance du 17 décembre 2021, le juge de la mise en état a déclaré irrecevable la demande reconventionnelle en nullité de la marque de l'Union européenne « PowerTec Energy » no 12355319 présentée par la société Powertech Systems. 8. Dans ses dernières conclusions signifiées le 4 avril 2022, la société Norma Lebensmittelfilialbetrieb Stiftung & Co demande au tribunal de :- débouter la société Powertech Systems de toutes ses demandes ; - juger que l'exploitation par la société Powertech Systems de la marque de l'UE no 017397779 l'exploitation de sa dénomination sociale et nom commercial Powertech Systems, de son nom de domaine www.powertechsystems.eu et de tout autre signe dérivé constituent une contrefaçon de sa marque de l'UE no007177827 « Powertec Electric » ; - diverses mesures d'interdiction d'utiliser les signes verbaux ou semi-figuratifs Powertech Systems et Powertech advanced energy storage Systems comme dénomination sociale ou nom commercial, d'utiliser le nom de domaine www.powertechsystems.eu en lien avec des produits identiques et similaires à ceux couverts par la marque de l'UE no007177827 et d'utiliser dans la vie des affaires tout autre signe créant un risque de confusion dans l'esprit du public avec la marque Powertec Electric ;- la communication de documents relatifs à l'usage des signes verbaux et semi-figuratifs Powertech Systems et Powertech advanced energy storage Systems, sous astreinte;- condamner la société Powertech Systems à lui payer une provision de 60.000 euros à valoir sur la réparation du préjudice commercial et celle de 10.000 euros pour le préjudice moral résultant de la contrefaçon ; - condamner la société Powertech Systems aux dépens et à lui payer la somme de 40.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 9. Dans ses dernières conclusions signifiées le 11 février 2022, la société Powertech Systems demande au tribunal de : A titre reconventionnel, - prononcer la nullité de la marque de l'Union Européenne no007177827 de la société Norma pour les produits concernés de la classe 9 comme dépourvue de caractère distinctif ; - débouter la société Norma de l'ensemble de ses demandes ; A titre principal, - débouter la société Norma de l'ensemble de ses demandes, les éléments constitutifs de la contrefaçon de marque ne sont pas réunis ; A titre subsidiaire, - rejeter les demandes de dommages et intérêts ; En toute hypothèse, - condamner la société Norma aux dépens et à lui payer la somme de 30.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. MOTIVATION I . Sur la nullité de la marque no 007177827 10. La société Powertech Systems soutient que :- la marque no 007177827 est nulle à l'égard des "appareils et instruments pour la conduite, la distribution, la transformation, l'accumulation, le réglage ou la commande du courant électrique" comme descriptive des produits car, pour le consommateur moyen, qu'il soit ou non anglophone, les termes Power Tec Electric sont susceptibles d'être compris dans leur ensemble comme désignant des produits incorporant une technologie en matière d'électricité ;- les éléments figuratifs ne permettent pas non plus de conférer au signe un caractère distinctif s'agissant d'un éclair, symbole usuel pour évoquer la présence de décharge ;- sa propre marque est composée du logo de l'entreprise avec la mention de sa dénomination sociale. 11. La société Norma fait valoir que :- si le terme anglo-saxon power peut être compris du consommateur anglophone comme signifiant énergie ou électricité, la séquence tec évoque tout au plus indirectement la technologie ou la technique et la juxtaposition des deux ne décrit pas les caractéristiques des produits ;- la combinaison des ces mots dans une calligraphie bicolore avec le mot electric dans une calligraphie différente inscrit dans une flèche rouge est intrinsèquement distinctive ;- à suivre l'argumentation de la société Powertech Systems, il faudrait aussi annuler ses marques ayant pour élément phare Powertech en classe 4. Sur ce, 12. L'article 7 du règlement no49/94 du 20 décembre 1993, applicable à la date du dépôt de la marque, prévoyait: « 1. Sont refusés à l'enregistrement : a) les signes qui ne sont pas conformes à l'article 4 ; b) les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif ; c) les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d'indications pouvant servir, dans le commerce, à désigner l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l'époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d'autres caractéristiques de ceux-ci ; d) les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d'indications devenus usuels dans le langage courant ou dans les habitudes loyales et constantes du commerce ; ». 13. Un signe est descriptif si, au moins dans une de ses significations potentielles, il désigne une caractéristique des produits ou services concernés et il n'est pas nécessaire qu'il soit effectivement utilisé dans le commerce à des fins descriptives, il suffit qu'il puisse être utilisé à de telles fins (CJCE, 23octobre 2003, Wrigley, C-191/01 P, point 32). 14. Dans le cas présent, la stylisation bicolore des lettres de la marque amène le consommateur à percevoir cet élément comme une combinaison des deux mots "power" et "tec" ; le mot power sera compris comme signifiant énergie et le mot tec comme une abréviation de technologie. Cette compréhension est confirmée par le mot "electric", inscrit dans une forme géométrique rouge évocatrice d'un éclair. 15. La marque étant déposée pour des appareils et instruments pour la conduite, la distribution, la transformation, l'accumulation, le réglage ou la commande du courant électrique, ces trois mots et la forme géométrique qui la composent, concourent tous à décrire deux qualités et caractéristiques des produits : leur caractère technologique et leur utilisation de l'énergie électrique. 16. La marque n'est donc pas distinctive pour ces produits et il y a lieu de l'annuler en tant qu'elle vise ces derniers. La demande fondée sur la déchéance faute de preuve d'un usage sérieux pour ces produits est donc sans objet. II . Sur la contrefaçon de la marque de l'Union européenne no 007177827 17. La société Norma fait valoir que :- la société Powertech Systems fait usage dans la vie des affaires de sa marque pour désigner des batteries, c'est-à-dire des produits identiques ou fortement similaires aux « appareils et instruments pour la conduite, la distribution, la transformation, l'accumulation, le réglage ou la commande du courant électrique » visés par sa marque, car ils présentent les mêmes nature (appareil destiné à la distribution, la transformation ou l'accumulation du courant électrique) et visent la même utilisation (faire fonctionner un appareil par l'électricité) ;- la comparaison des produits doit prendre en compte le seul libellé du dépôt et non les conditions de l'exploitation ;- la société Powertech Systems ne propose pas seulement sous sa marque des produits répondant à des besoins professionnels comme elle le prétend, mais aussi des produits pour les particuliers et le grand public, tels que des batteries de démarrage pour scooters et motos ou encore pour scooters des mers et le fait sur des sites internet destinés au grand public ;- les signes présentent d'importantes similitudes visuelles (un agencement mettant en valeur le terme powertec/h, semblablement scindé en deux par une majuscule au t), phonétiques (mot d'attaque se prononçant identiquement) et conceptuelles (composés des mêmes mots d'attaque), qui ne sont pas minorés par les éléments figuratifs qui sont secondaires par rapport au terme prépondérant powertec/h ;- la dénomination sociale « Powertech Systems », également apposée sur les produits offerts à la vente, et le nom de domaine www.powertechsystems.eu sont fortement similaires à la marque no 007177827 puisqu'ils présentent le même élément distinctif et dominant Powertec(h) ;- il existe un risque de confusion entendu comme celui que le public, sans confondre directement les signes, établisse un lien entre eux et suppose que les produits et services proviennent de la même entreprise ou d'entreprises économiquement liées, ce qui caractérise une atteinte à la fonction essentielle de la marque. 18. La société Powertech Systems soutient que :- elle ne commercialise de batteries de puissance Lithium-Iom que dans le domaine de la traction électrique et du stockage d'énergie pour les besoins professionnels alors que la société Norma vend des piles bouton pour les besoins particuliers de la vie courante ;- les signes qu'elle utilise ne présentent pas de similitudes avec les marques PowerTec Electric et PowerTec Energy : les éléments graphiques, distinctifs et dominants, sont très différents et la reproduction des seuls éléments non-distinctifs power et tec ne suffit pas à créer un risque de confusion ;- sa dénomination sociale et le nom de domaine servent à identifier la société et son site internet et ne sont pas utilisés à titre de marque. Sur ce, 19. L'article 9 du Règlement (UE) 2017/1001 sur la marque de l'Union Européenne prévoit que : « 2. Sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité d'une marque de l'Union européenne, le titulaire de cette marque de l'Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe pour des produits ou services lorsque :(.) b) ce signe est identique ou similaire à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou services identiques ou similaires aux produits ou services pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public ; le risque de confusion comprend le risque d'association entre le signe et la marque ;(.) 3. Il peut notamment être interdit, en vertu du paragraphe 2 : a) d'apposer le signe sur les produits ou sur leur conditionnement ; b) d'offrir les produits, de les mettre sur le marché ou de les détenir à ces fins sous le signe, ou d'offrir ou de fournir des services sous le signe ; c) d'importer ou d'exporter les produits sous le signe ; d) de faire usage du signe comme nom commercial ou dénomination sociale ou comme partie d'un nom commercial ou d'une dénomination sociale ; e) d'utiliser le signe dans les papiers d'affaires et la publicité ; f) de faire usage du signe dans des publicités comparatives d'une manière contraire à la directive 2006/114/CE. » 20. Pour apprécier la contrefaçon, il y a lieu de rechercher si, au regard des degrés de similitude entre les signes et les produits et services désignés, il existe un risque de confusion, y compris un risque d'association, dans l'esprit du public concerné, en tenant compte de toutes les circonstances et facteurs pertinents du cas d'espèce.L'appréciation de la similitude visuelle, auditive et conceptuelle des signes doit être fondée sur l'impression d'ensemble produite par ceux-ci en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants.La comparaison doit s'opérer par rapport aux signes tels qu'ils ont été déposés indépendamment des conditions dans lesquelles ils sont exploités. Les produits et services sont similaires lorsqu'ils peuvent être rattachés la même origine par la clientèle, en raison de leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire (CJCE, 29 septembre 1998, Canon, C-39/97, point 23) ; d'autres facteurs peuvent également être pris en compte, tels que les canaux de distribution des produits concernés. 21. Outre la plupart des produits des classes 7, 11 et 17, la société Norma a déposé la marque no 007177827 pour les produits suivants :- en classe 7, pour les machines-outils et appareils à moteur pour la maison et le jardin,- classe 11, pour la plupart des produits (appareils d'éclairage, chauffage, cuisson, réfrigération, ventilation, installations sanitaires etc...)- en classe 17, pour les produits en caoutchouc et matières plastiques, tuyaux, etc...- pour la quasi-totalité des produits de la classe 9 intitulée "appareils et instruments scientifiques", étant rappelé que la protection pour les "appareils et instruments pour la conduite, la distribution, la transformation, l'accumulation, le réglage ou la commande du courant électrique" qui incluent les piles et batteries a été annulée. 22. Il n'est pas discuté que la société Powertech Systems exploite sa marque no017397779 exclusivement pour vendre des batteries qui sont incluses dans la catégorie générale des accumulateurs électriques et la demanderesse ne soutient pas que certains des autres produits visés aux dépôt seraient similaires aux batteries. 23. Il n'existe donc aucune similarité des produits, donc aucune atteinte à la marque. 24. La dénomination sociale de la société Powertech Systems et le nom de domaine permettant l'accès à son site sont identiques à l'élément verbal de sa marque no017397779 "powertech systems". 25. Il n'est pas établi que la société Powertech Systems utilise sa dénomination sociale à titre de marque et les griefs de la demanderesse à cet égard se rapportent en réalité à la marque, qui est apposée sur les produits.En revanche, quoiqu'elle s'en défende, il résulte des pièces du dossier que la société Powertech Systems utilise son site internet comme site vitrine, ventant ses produits et indiquant ses points de vente, ce qui caractérise un usage dans la vie des affaires. 26. Pour autant, eu égard à l'absence d'usage pour des produits ou services similaires, la contrefaçon n'est pas établie. 27. Il y a donc lieu de rejeter l'ensemble des demandes de la société Norma au titre de la contrefaçon de sa marque de l'Union européenne no 007177827. IV . Sur les autres demandes 28. La société Norma, qui succombe, est condamnée aux dépens et l'équité justifie de la condamner à payer à la société Powertech Systems la somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS Le tribunal, Annule la marque de l'Union Européenne no007177827 de la société Norma Lebensmittelfilialbetrieb Stiftung & Co KG en tant qu'elle vise les produits de la classes 9 "appareils et instruments pour la conduite, la distribution, la transformation, l'accumulation, le réglage ou la commande du courant électrique" ; Rejette l'ensemble des demandes de la société Norma Lebensmittelfilialbetrieb Stiftung & Co KG ; Dit que la décision, une fois passée en force de chose jugée, sera transmise à l'Office de l'Union européenne pour la propriété intellectuelle par la partie la plus diligente; Condamne la société Norma Lebensmittelfilialbetrieb Stiftung & Co KG aux dépens de l'instance ; Condamne la société Norma Lebensmittelfilialbetrieb Stiftung & Co KG à payer à la SAS Powertech systems la somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Fait et jugé à Paris le 03 Mars 2023 Le Greffier La PrésidenteQuentin CURABET Irène BENAC
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AUTRES_DECISIONS
Tribunal judiciaire de Paris, 31 mars 2023, 20/06208
2023-03-31
Tribunal judiciaire de Paris
20/06208
CT0087
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TRIBUNALJUDICIAIREDE PARIS 3ème chambre2ème section No RG 20/06208No Portalis 352J-W-B7E-CSLQU No MINUTE : Assignation du :03 Juin 2020 JUGEMENT rendu le 31 Mars 2023 DEMANDEURS S.A.R.L. ZEASSOCIATES[Adresse 1][Localité 8] Monsieur [K] [H][Adresse 7][Localité 6] représentés par Maître Pierre LAUTIER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B0925 DÉFENDERESSES Société GOOGLE LLC[Adresse 2][Adresse 2][Localité 9] (ETATS-UNIS) représentée par Maître Alexandra NERI du cabinet HERBERT SMITH FREEHILLS PARIS LLP, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #J0025 S.A.S. Production Systems[Adresse 4][Localité 5] représentée par Maître Florence GAULLIER de la SELARL CABINET VERCKEN & GAULLIER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0414 Société [D] représentée par Maître [A] [D] en sa qualité de mandataire judiciaire de la société PROTOTYPO[Adresse 10][Adresse 10][Localité 3] Copies délivrées le : - Maître [B] # B925 - certifiée conforme- Maître [X] #J25 - exécutoire - Maître [P] #P414 - exécutoiredéfaillantCOMPOSITION DU TRIBUNAL Madame Irène BENAC, Vice-PrésidenteMadame Elodie GUENNEC, Vice-PrésidenteMonsieur Arthur COURILLON-HAVY, Juge assisté de Quentin CURABET, Greffier DÉBATS A l'audience du 27 Janvier 2023 tenue en audience publique devant Irène BENAC et Arthur COURILLON-HAVY, juges rapporteurs, qui sans opposition des avocats ont tenu seuls l'audience, et après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile. En présence de Madame Anne BOUTRON, magistrat en formation Avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 31 Mars 2023. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Réputé contradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE 1. M. [K] [H] se présente comme l'un des pionniers de la typographie numérique, ayant notamment créé, en 1994, une famille de polices de caractères sur commande du journal Le Monde intitulée la police « Le Monde Journal ». 2. Il a fondé, fin 2011, la SARL ZeAssociates exerçant sous le nom commercial Typofonderie qui a pour activité l'édition, la publication et la distribution à distance de modèles, d'oeuvres et d'ouvrages dans les domaines spécialisés de la création, du design, de la typographie et des logiciels. 3. M. [C] [T] est un typographe ayant créé en 2014, la SAS Production Systems, une agence de création de polices de caractères numériques, qui exerce son activité sous le nom commercial Production Type. Il a collaboré avec M. [K] [H] en 2008, notamment pour convertir la police Le Monde Courrier au format Opentype. 4. La SAS Production Systems a créé la typographie « Spectral » sur commande du 5 octobre 2016 de la société américaine Google LLC qui l'a diffusée dans la cadre de son service d'hébergement gratuit de polices d'écriture numérique pour Internet Google Fonts, utilisées par les éditeurs de sites internet et les utilisateurs de logiciels de traitement de texte. 5. La SAS Prototypo est désignée comme étant « la première application en ligne permettant aux designers de créer des images de marque uniques grâce à des polices de caractères sur-mesure, en quelques clics » et elle a notamment pour associé, M. [C] [T]. Elle fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire prononcée par jugement du tribunal de commerce de Lyon en date du 27 février 2020 qui a désigné la SELARLU [D] en qualité de mandataire liquidateur. 6. Considérant que la diffusion par la société Prototypo et la société Google LLC de la typographie Spectral constituait des actes de contrefaçon de la police « Le Monde Journal » et subsidiairement de concurrence déloyale, M. [K] [H] et la société ZeAssociates ont vainement adressé une lettre de mise en demeure de 19 pages les 25 et 29 octobre 2018 aux sociétés Google France, Google LLC, Production Systems et Prototypo d'avoir à cesser leurs agissements. 7. C'est dans ces conditions que par actes des 3 juin et 8 juillet 2020, M. [K] [H] et la société ZeAssociates ont fait assigner les sociétés Production Systems, Google LLC et la SELARLU [D], ès qualités de mandataire judiciaire de la société Prototypo, devant le tribunal judiciaire de Paris. 8. Par ordonnance du 21 janvier 2022, le juge de la mise en état a déclaré irrecevables les demandes de la société ZeAssociates fondées sur la contrefaçon de droit d'auteur, constatant que les droits sur les typographies créées par M. [K] [H] ne lui avaient pas été cédés. 9. Dans leurs dernières conclusions signifiées le 29 août 2022, M. [K] [H] et la société ZeAssociates demandent au tribunal, au visa des articles 1240 et 1358 du code civil, L.112-2, L.121-1, L.122-1, L. 122-2 et L.122-4 du code de la propriété intellectuelle 2 et 8 de l'arrangement de Vienne du 12 juin 1973, de :- ordonner le retrait des présentations du projet et la suppression des mises à disposition au téléchargement par les sociétés Google LLC, Production Systems et Prototypo du caractère typographique Spectral et en ce qu'il constitue une contrefaçon du caractère typographique Le Monde Journal, le retrait de l'ensemble des sources, des fichiers de ce caractère, la cessation de l'ensemble de la communication et de la campagne associée à ce caractère typographique Spectral, la publication sur les sites Google Fonts, Prototypo et Production Type d'un communiqué de presse annonçant que le caractère typographique Spectral est retiré car il constitue une contrefaçon du caractère typographique Le Monde Journal,- condamner les sociétés Production Systems, Google LLC et Prototypo, conjointement et solidairement à payer à M. [K] [H] la somme de 450.000 euros en réparation de son préjudice matériel, 150.000 euros en réparation de son préjudice moral et 75. 000 euros en réparation de son préjudice d'image et de notoriété,- à titre subsidiaire, condamner les mêmes à payer les mêmes sommes à M. [K] [H] (préjudice moral) et la société ZeAssociates (préjudice matériel et préjudice d'image) sur le fondement de la concurrence déloyale,- condamner les sociétés Production Type, Google LLC et Prototypo aux dépens et à payer à la société ZeAssociates la somme de 14.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,sous le bénéfice de l'exécution provisoire. 10. Dans ses dernières conclusions signifiées le 2 septembre 2022, la société Production Systems demande au tribunal, au visa des articles L. 112-2, 8o), L. 121-1 et L. 122-4 du code de la propriété intellectuelle, 122, 699 et 700 du code de procédure civile, 1240 et 1353 du code civil, de : - débouter la société ZeAssociates et M. [K] [H] de l'ensemble de leurs demandes, ou, subsidiairement, ramener leurs demandes à de plus justes proportions, - condamner la société ZeAssociates et M. [K] [H] à lui payer la somme de 50.000 euros en réparation des actes de concurrence déloyale à son égard,- condamner solidairement la société ZeAssociates et M. [K] [H] aux dépens, dont distraction au bénéfice de la SELARL Vercken & [P], et à lui payer la somme de 50.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,- ordonner l'exécution provisoire de la décision à son seul bénéfice. 11. Dans ses dernières conclusions signifiées le 21 juin 2022, la société Google LLC demande au tribunal de :- débouter M. [K] [H] de toutes ses demandes fondées sur le droit d'auteur faute d'originalité de la police, subsidiairement, faute de contrefaçon et, très subsidiairement, faute de préjudice,- débouter la société ZeAssociates et M. [H] de l'ensemble de leurs demandes fondées sur la concurrence déloyale et sur le parasitisme,- condamner la société Production Systems à la garantir contre toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ainsi que de toute conséquence que Google pourrait justifier en application de l'article 8 du contrat de développement de police de caractères du 12 septembre 2017,- débouter la société ZeAssociates et M. [H] de leur demande d'exécution provisoire du jugement à intervenir ;- condamner la société ZeAssociates et M. [H] solidairement aux dépens et à lui payer la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 12. Quoique régulièrement assignée à sa personne, la SELARLU [D] n'a pas constitué avocat. 13. L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 septembre 2022. MOTIVATION 14. En application de l'article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée. I . Sur le droit d'auteur 1. Sur l'originalité 15. M. [K] [H] et la société ZeAssociates font valoir que :- l'originalité de la police de caractères « Le Monde Journal » est établie par le long processus de création de la police et son caractère nouveau ;- les choix artistiques réalisés par M. [H] se révèlent par les caractéristiques suivantes : caractère de style français, axe oblique, contre-formes ouvertes pour paraître plus large à l'intérieur, empattements triangulaires, emphase individuelle sur chaque lettre, caractères affirmés, plus contrastés, aspect horizontal, capitales plus petites que les hauteurs des minuscules, le tout faisant apparaître la police de caractères Le Monde Journal plus lisible que la police Times New Roman ;- la goutte a été remplacée par une terminaison qui se finit vers une pointe en bas cassée par un trait court, ce qui constitue un parti pris esthétique constituant l'essence même du caractère typographique Le Monde Journal ;- les instructions du journal Le Monde de réaliser une police de caractères plus lisible et prenant moins d'espace laissaient à M. [H] la place de choix arbitraires en raison de l'infinité de déclinaisons possibles;- cette police de caractères a remporté plusieurs prix, est utilisée dans les grands dictionnaires ou encore par des cabinets interministériels, ce qui participe à établir son caractère original ;- la personnalité de M. [H] ressort nécessairement de cette typographie car il est identifié dans son domaine comme « le créateur du dit caractère Le Monde », qui est une référence reconnue dans les ouvrages spécialisés. 16. La société Production Systems oppose l'absence d'originalité de la police de caractères Le Monde Journal. Elle expose que :- le processus créatif dont se prévalent les demandeurs ne constitue pas une preuve de l'originalité de la police de caractères Le Monde Journal, pas plus que le fait d'avoir été retenu par le journal Le Monde, que M. [H] ait reçu des prix ou que la typographie litigieuse soit utilisée par des administrations françaises ou étrangères ;- les attestations produites en demande n'ont pas de caractère probant ;- il existe de grandes similitudes de certains caractères avec des polices des XVIIIème et XIXème siècles ou encore plus récentes, en particulier sur les gouttes et terminaisons tronquées. 17. La société Google LLC conclut également au défaut d'originalité de la police de caractères Le Monde Journal au motif que les choix réalisés par M. [H] ne résultent que d'exigences techniques imposées par le cahier des charges technique du journal Le Monde exigeant une meilleure lisibilité, un gain de place dans la mise en page et un gain d'encre à l'impression, l'empêchant d'exprimer l'empreinte de sa personnalité. Elle ajoute que la police de caractères Le Monde Journal présente des similitudes significatives avec d'autres polices de caractères antérieures et en particulier avec la police Times New Roman sur la base de laquelle M. [H] a développé la police litigieuse. Elle souligne que la notoriété de M. [H] et sa collaboration avec le journal Le Monde ne permettent pas de caractériser l'originalité revendiquée. Sur ce, 18. Conformément à l'article L.111-1 du code de la propriété intellectuelle, l'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous comportant des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial. Selon l'article L.112-1 du même code, ce droit appartient à l'auteur de toute oeuvre de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination.L'article L.112-2 du même code prévoit que "Sont considérés notamment comme oeuvres de l'esprit au sens du présent code : (...) 8o Les oeuvres graphiques et typographiques ". 19. Bénéficient ainsi de la protection du droit d'auteur, par le seul effet de leur création, tous les caractères typographiques originaux, dès lors qu'ils portent l'empreinte de la personnalité de leur auteur et constituent une création intellectuelle se manifestant par des choix libres et arbitraires, sans que leur forme ait été dictée par des exigences purement techniques.La reconnaissance de la protection par le droit d'auteur ne repose pas sur un examen de l'oeuvre invoquée par référence aux antériorités produites, même si celles-ci peuvent contribuer à l'appréciation de la recherche créative. 20. Il appartient à celui qui se prévaut d'un droit d'auteur dont l'existence est contestée de définir et d'expliciter les contours de l'originalité qu'il allègue. Seul l'auteur, dont le juge ne peut suppléer la carence, est en mesure d'identifier les éléments traduisant sa personnalité et qui justifient son monopole. 21. Il s'évince des écritures des demandeurs qu'ils revendiquent la protection du droit d'auteur pour la police Le Monde Journal, incluant les lettres de l'alphabet, les accents, la ponctuation, les chiffres, ainsi que des signes spéciaux, comme des symboles, ainsi que leur déclinaison en italiques, majuscules et gras, selon leur pièce no59 dont est extraite l'illustration suivante. 22. S'agissant de l'originalité du "caractère typographique le Monde Journal", il se déduit de leurs écritures et de leur pièce no59, document rédigé par M. [H], que celui-ci estime qu'elle est constituée par :- le contraste réduit, - la hauteur d'?il (a, e, n, o) agrandie par rapport aux ascendantes (b, d, h) pour élargir la perception,- les capitales dessinées plus petites que les ascendantes des minuscules, - les proportions des lettres (larges et étroites), - les ouvertures intérieures des lettres, les ouvertures des contre-formes, - les empattements du bas des minuscules et des capitales, dessinées en trapèzes, - les empattement des glyphes s, S, C, G dessinés sans le retour courbe du haut,- les empattements d'attaque des minuscules (haut du n, p, etc) et quelques sorties empattement du bas du a, d etc) dessinés avec un angle sur le fût qui permet d'ouvrir la contreforme du haut,- les terminaisons en forme de goutte remplacées par une forme arrondie qui se finit en pointe cassée par un trait court - le dégraissage des verticales au profit des horizontales. 23. Il est constant que la typographie Le Monde Journal a été créée à partir de la police de caractères Times New Roman antérieurement utilisée par ce quotidien et qu'elle est le point de départ du travail de M. [H] qui a proposé une typographie qui s'en démarque, comme le montre le document de comparaison établi à la demande de la société Production Systems. 24. Il s'agit d'une typographie dite à empattement, destinée à la création de textes pour la presse papier, soumise à une exigence de lisibilité. Cette contrainte n'exclut cependant pas la création, puisque le typographe travaille sur un nombre important de caractéristiques et de variantes, à savoir, sans être exhaustif, l'empattement, le fût, la goutte, l'axe la chasse, la graisse, la hauteur d'?il, notions expliquées sur la figure suivante.25. La reproduction ci-après, extraite de la pièce no67 des demandeurs, présentant un texte dans les deux polices en litige ainsi que deux autres polices courantes, montre cependant la subtilité des différences entre différentes typographies à empattement. 26. C'est à juste titre que les défendeurs soutiennent que l'existence de travaux préparatoires, le succès commercial de la police et de son créateur et le prestige de celui-ci sont inopérants pour caractériser l'originalité de la typographie Le Monde Journal. 27. Il n'est pas discuté que la police Le Monde Journal présente les caractéristiques précitées que sont la hauteur d'?il agrandie par rapport aux jambages, la taille des capitales plus petites que les ascendantes des minuscules, les empattements du bas des minuscules et des capitales, dessinées en trapèze, les terminaisons en forme de goutte remplacées par une forme arrondie qui se finit en pointe cassée par un trait court et le dégraissage des verticales au profit des horizontales. 28. Aucun de ces choix n'est inédit et chacun se rerouve dans certaines autres typographies traditionnelles ou polices de caractères récentes . En particulier, le remplacement de la goutte par une terminaison qui se finit vers une pointe en bas cassée par un trait court, présentée par M. [H] comme un parti pris esthétique constituant l'essence même du caractère typographique Le Monde Journal, se retrouve dans des typographies du XVIIIème siècle et aussi des polices actuelles (Charter, Swiss works, Malabar).Toutefois, la typographie Le Monde Journal présente un aspect particulier obtenu par différents parti-pris tels que le dégraissage des verticales au profit des horizontales, la taille respective des hauteurs d'?il d'une part, majuscules et ascendantes d'autre part, ainsi que les détails d'empattements trapézoïdaux et le dessin particulier des gouttes. Cette combinaison, qui permet d'atteindre l'objectif de gains de lisibilité et d'espace mais qui aurait pu être obtenu par d'autres moyens, est originale, révèle des choix arbitraires et reflètent l'empreinte de la personnalité de son auteur. 29. Dès lors la combinaison des caractéristiques énumérées au point 27 ci-dessus fait de la police Le Monde Journal une oeuvre typographique originale protégeable en tant que telle par le droit d'auteur. 2. Sur la contrefaçon de l'oeuvre typographique Le Monde Journal par la police de caractères Spectral 30. M. [H] et la société ZeAssociates font valoir que :- la police Spectral reprend entièrement le parti pris esthétique qui est l'essence même du caractère typographique « Le Monde Journal »,- la comparaison de certains glyphes superposés (z, a g, c, r, £, 5, 0) montre qu'à une taille identique, les proportions, les graisses, les traits, les formes, les courbes additionnés sont identiques, de même que les terminaisons (c, e),- ces superpositions se répètent de manière systématique pour les différents signes et pour les différents styles, écarte la possibilité du cas fortuit,- la société Production Systems a ainsi nécessairement obtenu ce caractère illégalement, car il n'a jamais été commercialisé,- les antériorités sont insignifiantes, particulièrement la police Charter dont l'auteur indique lui-même qu'il ne les estime pas ressemblantes,- les expertises ont été réalisées par des personnes qui ont toutes affirmé l'originalité de la typographie Le Monde Journal,- l'utilisation de logiciels facilite la manipulation des fontes et les défendeurs ne rapportent pas la preuve d'un processus créatif à l'origine de la police Spectral,- les différences relevées sont infimes. 31. En réponse, la société Production Systems fait valoir que :- l'appréciation de la contrefaçon suppose l'examen non seulement des points de ressemblance mais également des différences du fait que l'existence de similitudes est inhérente à l'art de la typographie ;- les similitudes existantes entre les deux typographies ne portent pas sur des éléments protégeables par le droit d'auteur en raison de leur banalité ;- les ressemblances alléguées ne portent que sur peu de caractères et se retrouvent dans d'autres polices de caractères ;- les contraintes de la typographie font que des correspondances de points et de tensions de courbes sont banales ;- il existe en revanche des différences sur des éléments permettant les choix créatifs, tels les empattements, les espacements entre les caractères, les interlignages ainsi que sur l'impression d'ensemble que dégagent les deux polices de caractères, qui excluent toute contrefaçon, ce qui est démontré par des analyses de créateurs et enseignants en typographie qui concluent à l'existence de différences sur les proportions verticales des deux typographies ainsi que des ascendants, descendants et hauteur du glyphe x (hauteur d'x ou hauteur d'oeil) des minuscules, le crénage, les empattements, triangulaires et non trapézoïdaux, les caractères ronds des majuscules plus circulaires, sur les italiques et soulignant la couleur typographique plus sombre de la police Le Monde Journal ;- la police de caractère Spectral est une création originale de M. [T] qui s'est inspiré de la police de caractères Elzevir no9 de la fonderie Warnery et d'une image du mot party, tiré d'une vieille édition du livre Gargantua comme M. [H] s'était inspiré de la police Times New Roman ;- les italiques du Spectral ont été entièrement créées ;- la similitude d'organisation des caractères n'est pas une contrefaçon s'agissant d'un élément non protégeable par le droit d'auteur. 32. La société Google développe une argumentation similaire pour conclure à l'absence de contrefaçon en faisant valoir que les caractéristiques arguées de similitudes ne sont pas originales et ne portent que sur cinq caractères, les polices de caractères Le Monde Journal et Spectral présentant des impressions d'ensemble distinctes, et souligne que les attestations produites par les demandeurs ne sont pas probantes. Elle ajoute que les équipes Google Fonts ne peuvent se substituer au juge pour apprécier le caractère contrefaisant d'une typographie. Sur ce, 33. Selon l'article L. 122-1 du code de la propriété intellectuelle, le droit d'exploitation appartenant à l'auteur comprend le droit de représentation et le droit de reproduction.Aux termes de l'article L. 122-4 du code de la propriété intellectuelle, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l'adaptation ou la transformation, l'arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque. 34. La contrefaçon s'apprécie par la recherche des points de ressemblances des caractéristiques protégeables de l'oeuvre. 35. Il convient de constater à titre liminaire que les pièces 61 à 77 des demandeurs, émanant de 16 professionnels de la typographie, appuient leur opinion sur l'originalité du caractère Le Monde Journal, la parenté du caractère Spectral avec celle-ci et la probabilité que la seconde se soit inspirée de la première mais force est de constater, qu'à l'exception de deux, elles procèdent par affirmations sans aucune démonstration ni exemple. 36. La plus précise (traduction de l'attestation de M. [U] [G] du 6 septembre 2021, pièce no67) conclut : "Le Monde Journal a fortement influencé la conception de Spectral. De nombreusesformes de glyphes de Spectral sont inconfortablement proches de celles du Monde Journal. La similitude de la construction des courbes est indéniablement celle du Monde Journal et de la main de son créateur, [K] [H]. On peut dire que Spectral est presque une évolution du Monde Journal. Plusieurs formes de glyphes de Spectral peuvent être considérées comme les premières versions du Monde Journal.Avant que les détails ne soient travaillés au fur et à mesure du développement de la conception du caractère. Les empattements, bien que différents,sontdans un espace de conception similaire. (...) Il est dit que le Spectral doit une grande partie de sa conception visuelle au caractère historique Elzévir no9, un caractère publié par la fonderie Warnery en 1882. Cependant, il y a plus de différences que de similitudes,surtout si l'on considère les détails de conception propres au Monde Journal. Il semblerait que les italiques et les chiffres du Monde Journal aient eu une forte influence là où l'Elzévir no9 n'en avait pas. "Il illustre ces conclusions par les exemples des glyphes a, c, e, 5 et £. 37. Dans la pièce 74 (traduction de l'attestation de M. [J] [R] du 5 septembre 2021), il est indiqué "Il y a une similitude dans la structure (largeur, hauteur, contre-forme) entre ces caractères" et les exemples suivants sont donnés : la même courbure de la bosse des m et n, des ressemblances très fortes du a et du q, une courbure à gauche identique du e et une quasi-identité du g, du e, du 0, du 5, de £, du r et du 5. 38. De son côté, la société Production Systems produit cinq rapports d'experts (ses pièces 42, 47, 52, 55 et 56) qui aboutissent à des conclusions radicalement opposées. 39. M. [E] [V] (pièce no47 traduction de l'attestation du 14 juin 2022) indique en particulier pour les minuscules : "proportions des ascendants et des descendants et de la hauteur x sont totalement différentes entre les deux polices", prenant les exmples du a, du h, du m, du n, du u et du w. 40. Prenant les exemples de ces caractères ainsi que du b, du H, du x, du o, du v, du c, du f, du r, du £, du 5, du ! et de *, M. [Z] [O] (pièce no52 traduction de l'attestation du 15 juin 2022) conclut : " en général, les similitudes entre ces deux polices de caractères résident dans certains détails, et ces détails sont similaires, mais pas du tout identiques. À l'inverse, les différences sont grandes et profondes, et concernent de très nombreux glyphes de la police". 41. Les demandeurs caractérisent la contrefaçon par la reproduction des empattements de forme trapézoïdale-triangulaire, des points de construction, graisses et proportions des glyphes (les glyphes z, a, g, c, r, £ et les chiffres 5 et 0 se superposent de manière quasi-parfaite pour les différents styles (romain, gras, italique, etc.), les traits, formes, ratios et dessins courbes identiques. 42. A l'appui de leurs allégations, ils comparent les capitales C, D, G, H, N, O, R, S, Z et des minuscules s, z, r, a, c, n et e, ainsi que des chiffres 0, 3, 5 et 7 et des signes @, £ et * mettent en évidence des similitudes au niveau de la largeur des graisses, des courbes et des points de construction lorsque les caractères sont superposés, selon les exemples ci-dessous : Toutefois, les similitudes ainsi identifiées ne portent que sur un nombre très limité de glyphes comportant trois des cinq caractéristiques constituant l'originalité, énumérées au point 27 supra. 43. De plus, comme le soulignent à juste titre les défendeurs, les empattements des extrémités supérieures apparaissant nettement plus fins dans la police Le Monde Journal, de même que les extrémités de la panse apparaissent plus fines dans la police Spectral, rendant ces deux glyphes bien distincts et la forme de trapèze n'est pas identique à la forme de triangle. Le Monde Journal Spectral Le Monde Journal Spectral 44. Les demandeurs ne démontrent pas plus la présence des autres éléments dont la combinaison a été retenue pour caractériser l'originalité de la police Le Monde Journal que sont la hauteur d'?il agrandie par rapport aux jambages, la taille des capitales plus petites que les ascendantes des minuscules et le dégraissage des verticales au profit des horizontales. 45. Notamment, il n'est pas contesté que les proportions des caractères sont manifestement différentes dans l'une et l'autre des typographies : la différence de hauteur d'oeil est plus élevée dans le monde Journal et les caractères sont plus étroits, ainsi que le souligne notamment Mme [L] dans son rapport du 13 juin 2022 (pièce no56 de la société Production Systems). Or, la hauteur d'oeil est une caractéristique essentielle de l'aspect des caractères en ce qu'elle change l'impression d'ensemble qui se dégage du texte et elle est revendiquée au titre de l'originalité de la typographie. 46. C'est ainsi que la comparaison de bloc de textes rédigés dans chacune des polices Le Monde Journal et Spectral laisse apparaître une nette différence à la lecture : la typographie Le Monde Journal est plus foncée et plus dense que Spectral, comme le montre la reproduction suivante (extrait de la pièce no38 de la société Production Systems). Le Monde JournalSpectral 47. Il ressort de ce qui précède que la combinaison des caractéristiques originales de la typographie Le Monde Journal ne se retrouve pas dans la police Spectral de sorte que la contrefaçon n'est pas caractérisée.Toutes les demandes présentées sur ce fondement sont rejetées. II . Sur la concurrence déloyale 48. M. [H] et la société ZeAssociates font valoir, à titre subsidiaire, que :- la société Production Systems a commis des actes de concurrence déloyale par agissements déloyaux et parasitaires ;- la société ZeAssociates, qui exploite commercialement la police Le Monde Journal est bien fondée à agir en concurrence déloyale;- les sociétés Production Systems et Prototypo ont eu des comportements parasitaires en captant sa clientèle par l'usage massif de la police Spectral et en accroissant de façon indue leur notoriété et celle de M. [T] et ont eu un effet néfaste sur l'exploitation commerciale de la police Le Monde Journal ;- l'exploitation massive et gratuite de la police par la société Google LLC affaiblit la valeur de la police Le Monde Journal , met à mal toute la profession des créateurs de caractères et s'inscrit dans une logique d'abus de position dominante plusieurs fois sanctionnée par le Commission de l'Union européenne. 49. La société Production Systems soutient que :- les demandeurs allèguent au titre de la concurrence déloyale des actes de contrefaçon et ne caractérisent pas de faute s'agissant des allégations de parasitisme - elle n'a pas profité des investissements réalisés par les demandeurs et elle établit avoir effectué ses propres travaux d'étude et ses propres investissements humains et financiers pour créer la police Spectral ;- le préjudice allégué n'est démontré ni dans son principe ni dans son quantum ;- il n'existe pas de lien de causalité entre la publication de la police Spectral et le préjudice allégué. 50. La société Google LLC fait valoir qu'elle n'a pas commis d'agissements déloyaux ou parasitaires. Elle ajoute avoir versé la somme de 75 000 dollars à M. [T] pour obtenir le droit d'héberger la police Spectral qu'elle fournit de manière gratuite sous licence libre via son service Google Fonts. Sur ce, 51. L'article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.Aux termes de l'article 1241 du code civil, chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence. 52. Selon l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention. 53. La concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce, ce qui implique qu'un signe ou un produit qui ne fait pas l'objet de droits de propriété intellectuelle puisse être librement reproduit, en l'absence de faute qui peut être constituée par la création d'un risque de confusion sur l'origine du produit dans l'esprit de la clientèle, circonstance attentatoire à l'exercice paisible et loyal du commerce.L'appréciation de cette faute au regard du risque de confusion doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l'imitation, l'ancienneté de l'usage, l'originalité et la notoriété de la prestation copiée.La concurrence déloyale exige la preuve d'une faute relevant de faits distincts de ceux allégués au titre de la contrefaçon. 54. Le parasitisme, qui s'apprécie dans le même cadre que la concurrence déloyale dont il constitue une déclinaison mais dont la caractérisation est toutefois indépendante du risque de confusion, consiste dans le fait pour une personne physique ou morale de profiter volontairement, de manière injustifiée et sans bourse délier des investissements, d'un savoir-faire ou d'un travail intellectuel d'autrui, produisant une valeur économique individualisée et générant un avantage concurrentiel. 55. En l'espèce, il a été jugé que la police de caractères Spectral n'est pas une copie servile de la police de caractères Le Monde Journal et l'existence de similitudes limitées à un nombre restreint de glyphes est insuffisante à caractériser un risque de confusion entre les deux polices de caractères en litige dans l'esprit de clients moyennement vigilants et attentifs. 56. Les demandes au titre de la concurrence déloyale contre les sociétés Production Systems et Prototypo sont donc rejetées. 57. Les demandeurs ne rapportent pas la preuve d'une imitation fautive de la police Le Monde Journal, les similitudes étant restreintes à quelques glyphes, ce qui n'est pas de nature à procurer un avantage concurrentiel aux défendeurs.Ils ne démontrent pas plus que M. [T] aurait exploité les fichiers auxquels il a eu accès lorsqu'il travaillait à l'adaptation d'une autre police (Le Monde Courrier) entre 2005 et 2010.Au contraire, il n'est pas contesté que M. [T] est un professionnel internationalement reconnu dans le milieu de la typographie et les pièces versées aux débats par la société Production Type permettent de constater que la police Spectral a fait l'objet de travaux propres de M. [T] et de ses équipes. 58. Ainsi, il ne ressort pas des éléments versés aux débats de faits caractérisant la volonté de la société Production Systems de se placer dans le sillage de la société ZeAssociates, ni d'avoir profité de son savoir-faire ou d'une valeur économique procurant un avantage concurrentiel. 59. Les demandeurs ne démontrent pas les faits de parasitisme qui pourraient être imputés aux sociétés Production Systems et Prototypo. 60. S'agissant de la société Google, elle établit avoir versé à M. [T] la somme de 75.000 dollars pour avoir le droit d'héberger la police Spectral sur son service Google Fonts de sorte qu'il ne peut lui être reproché d'avoir économisé des investissements en utilisant le fruit du travail des demandeurs qui manquent en conséquence à établir le parasitisme à son encontre. Les allégations de position dominante de la société Google LLC dans des secteurs distincts du marché de la typographie sont inopérantes pour caractériser des agissements de concurrence déloyale ou de parasitisme. 61. M. [H] et la société ZeAssociates sont dès lors déboutés de leurs demandes indemnitaires fondées sur la concurrence déloyale et le parasitisme contre tous les défendeurs. III . Sur la demande reconventionnelle de la société Production Systems pour dénigrement 62. La société Production Systems fait valoir que l'envoi d'une mise en demeure pour des allégations de contrefaçon peut être constitutif de dénigrement et que les demandeurs ont procédé à des actes de dénigrement par la diffusion auprès de sa clientèle d'allégations mensongères lui causant un préjudice moral. 63. M. [H] et la société ZeAssociates soutiennent que M. [H] a recherché une solution amiable. Sur ce, 64. Le dénigrement consiste à jeter publiquement le discrédit sur les produits, l'entreprise ou la personnalité d'un concurrent pour en tirer un profit par la divulgation d'une information.Une information qualifiant ces produits de contrefaçons alors qu'aucune décision de justice n'a encore été rendue en ce sens, constitue un acte de dénigrement, à moins que l'information en cause ne se rapporte à un sujet d'intérêt général et repose sur une base factuelle suffisante, et sous réserve qu'elle soit exprimée avec une certaine mesure.Elle constitue une faute au sens de l'article 1240 du code civil, précité. 65. En l'espèce, le seul acte de dénigrement invoqué par la société Production Systems est l'envoi de lettres de mise en demeure des 25 et 29 octobre 2018 à son adresse. Pour être fautif, un message dénigrant doit être public, quand bien même il ne serait adressé qu'à un tiers. La lettre précitée n'ayant été envoyée qu'à la société Production Systems, elle n'a pas pu constituer un dénigrement de nature à détourner sa clientèle. 66. Il convient par conséquent de rejeter la demande de la société Production Systems à ce titre. IV . Sur les demandes accessoires 67. Il n'y a pas lieu d'examiner l'appel en garantie formé par la société Google LLC qui n'a pas été condamnée. 68. Parties perdantes au sens de l'article 696 du code de procédure civile, M.[H] et la société ZeAssociates seront condamnés aux dépens, ainsi qu'à payer la somme de 20.000 euros à la société Production Systems et la somme de 10.000 euros à la société Google LLC chacune par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. 69. Il est rappelé que l'exécution provisoire est de droit. PAR CES MOTIFS Le tribunal, Rejette l'ensemble des demandes de M. [K] [H] et la société ZeAssociates ; Rejette la demande reconventionnelle de la société Production Systems ; Condamne in solidum M. [K] [H] et la société ZeAssociates aux dépens, qui pourront être recouvrés directement par la SELARL Vercken & [P] conformément à l'article 699 du code de procédure civile ; Condamne M. [K] [H] et la société ZeAssociates in solidum à payer à la société Production Systems la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; Condamne M. [K] [H] et la société ZeAssociates in solidum à payer à la société Google LLC la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Fait et jugé à Paris le 31 Mars 2023 Le Greffier La PrésidenteQuentin CURABET Irène BENAC
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JURITEXT000047636329
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AUTRES_DECISIONS
Tribunal judiciaire de Paris, 24 mars 2023, 20/03907
2023-03-24
Tribunal judiciaire de Paris
20/03907
CT0087
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TRIBUNALJUDICIAIREDE PARIS 3ème chambre 2ème section No RG 20/03907No Portalis 352J-W-B7E-CSAXY No MINUTE : Assignation du :15 Mai 2020 JUGEMENT rendu le 24 Mars 2023 DEMANDERESSE Société MGI INTERNATIONAL SALES CO., LIMITED[Adresse 7][Adresse 2] [Adresse 8] (CHINE) représentée par Maître David POR du LLP ALLEN & OVERY LLP, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #J0022 DÉFENDERESSE Société ILLUMINA CAMBRIDGE LIMITED[Adresse 1][Localité 3] (ROYAUME-UNI) représentée par Maîtres Sabine AGE et Florence JACQUAND de la SAS HOYNG ROKH MONEGIER, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0512 Copies exécutoires délivrées le : - Me POR #J0022- Me AGE #P0512COMPOSITION DU TRIBUNAL Madame Irène BENAC, Vice-PrésidenteMadame Elodie GUENNEC, Vice-présidenteMonsieur Arthur COURILLON-HAVY, Juge assisté de Monsieur Quentin CURABET, Greffier DÉBATS Aux audiences des 18 et 19 Janvier 2023, présidées par Irène BENAC, tenues en audience publique avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 24 Mars 2023. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoireen premier ressort EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE 1. La société MGI International Sales Co (désignée ci-après par MGI, société chinoise filiale du groupe BGI pour Beijing Genomics Institute) et la société Illumina Cambridge (société britannique filiale du groupe américain du même nom) sont des sociétés spécialisées notamment dans le domaine du séquençage génétique par synthèse et qui commercialisent dans le monde entier des séquenceurs, des réactifs nécessaires aux procédés chimiques de séquençage et des outils d'analyse. 2. Le séquençage consiste à déterminer l'enchaînement des bases nucléiques azotées (Adénine, Thymine, Guanine ou Cytosine) incluses dans des nucléotides dont la structure est la suivante.3. Le principe du séquençage par synthèse (abrégé en SBS) est d'identifier la succession des bases nucléiques en reproduisant la synthèse naturelle de l'ADN par réplication d'un brin simple et en y ajoutant :- le blocage du processus après l'incorporation de chaque nouveau nucléotide, - l'identification de la base de celui-ci et - l'élimination par clivage des groupes moléculaires permettant le blocage et l'identification, après quoi un nouveau cycle commence sur la base suivante du brin d'ADN séquencé. 4. Les nucléotides utilisés pour cette synthèse artificielle sont chimiquement modifiés pour pouvoir non seulement être incorporés au brin séquencé mais aussi bloquer le processus, permettre l'identification de la base et éliminer le groupe de blocage pour permettre la reprise de la synthèse et la répétition du cycle, sans dénaturer le brin d'ADN. Le point de liaison du groupe de blocage est le troisième atome de carbone du sucre du nucléotide (ci-après position 3'), auquel le nucléotide suivant vient se lier. 5. La société Illumina Cambridge est titulaire de plusieurs brevets portant sur des nucléotides modifiés pour permettre la SBS et de procédés d'utilisation de ceux-ci et plus particulièrement- le brevet EP 1 530 578 - ci-après EP 578 - intitulé "nucléotides modifiés pour le séquençage de polynucléotide" dont la demande a été déposée le 23 août 2003 sous priorités des demandes américaines no 227131 du 23 août 2002 et anglaises no0230037 du 23 décembre 2002 et no0303924 du 20 février 2003, délivré le 13 mars 2013 et - le brevet EP 3 002 289 (ci-après EP 289) portant le même intitulé car issu d'une demande divisionnaire du précédent, également déposé le 23 août 2003 sous les mêmes priorités. 6. Par acte du 15 mai 2020, la société MGI a assigné la société Illumina Cambridge en nullité de la partie française de ces deux brevets. 7. Ayant appris que la société MGI avait été lauréate d'un appel d'offres du Commissariat à l'énergie atomique (ci-après CEA) pour la fourniture de séquenceurs, par ordonnance du 24 septembre 2020, la société Illumina Cambridge a été autorisée à pratiquer une saisie contrefaçon dans les locaux du CEA et les opérations ont eu lieu le 30 septembre 2020. 8. Par ordonnance du 9 juillet 2021, le juge de la mise en état a débouté la société Illumina Cambridge de ses demandes tendant au prononcé de mesures provisoires d'interdiction et de communication de pièces au titre du droit d'information aux motifs de l'ancienneté et du caractère isolé des faits de contrefaçon réparables par dommages-intérêts, a débouté la société MGI de sa demande d'indemnité provisionnelle fondée sur l'abus de position dominante commis par la société Illumina Cambridge en France et a condamné la société Illumina Cambridge aux dépens de l'incident et à payer à la société MGI la somme de 80.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 9. Une seconde saisie contrefaçon a été autorisée par la cour d'appel de Paris le 8 février 2022 et a été effectuée dans les locaux du CEA le 10 mars 2022. 10. Dans ses dernières conclusions signifiées le 25 novembre 2022, la société MGI demande : à titre principal,- la nullité des revendications 1 à 30 de la partie française du brevet européen no 1 530 578 et des revendications 1 à 15 de la partie française du brevet européen no 3 002 289 ;- la nullité des deux procès-verbaux de saisie contrefaçon des 30 septembre 2020 et du 10 mars 2022 et la somme de 1.000.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des deux saisies contrefaçon ; à titre subsidiaire,- l'octroi d'une licence obligatoire sur ces brevets ainsi que sur tout brevet (ou demande de brevet) futur de la même famille, non-exclusive, couvrant le territoire français, pour tout produit et procédé dont l'utilisation ou l'offre d'utilisation constituerait une contrefaçon, pour toute la durée légale des brevets de nucléotides modifiés de la société Illumina Cambridge, soit jusqu'au 22 août 2023, moyennant une redevance calculée sur l'assiette du prix de vente net de tout produit sous licence et, à titre très subsidiaire, la désignation d'un expert pour déterminer quel taux de redevance constituerait une juste valeur du marché pour la licence ; en tout état de cause,- la condamnation de la société Illumina Cambridge à lui payer la somme de 1.000.000 euros à titre de dommages et intérêts provisionnels, à parfaire, en réparation de son préjudice résultant de l'abus de position dominante et la désignation d'un expert pour évaluer le préjudice réel ;- la condamnation de la société Illumina Cambridge aux dépens et à lui payer la somme de 250.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 11. Dans ses dernières conclusions signifiées le 26 octobre 2022, la société Illumina Cambridge demande au tribunal de : - débouter la société MGI de ses demandes de nullité des revendications no 1 à 30 de la partie française du brevet EP 578 et no 1 à 15 de la partie française du brevet EP 289 ;- dire que la société MGI a commis des actes de contrefaçon directe ou par fourniture de moyens de ses brevets européens EP 578 et EP 289 en offrant, mettant dans le commerce, important, livrant, utilisant et détenant à ces fins des réactifs de séquençage StandardMPS et CoolMPS et des séquenceurs fonctionnant avec ces réactifs ;- interdire à la société MGI de poursuivre ces agissements sous astreinte ;- ordonner à la société MGI d'adresser à chacun des détenteurs de séquenceurs incriminés en France, dans un délai de 15 jours à compter de la signification du jugement à intervenir, et sous astreinte, une lettre recommandée avec accusé de réception pour les avertir de la décision de justice ;- ordonner que tous les sets et/ou kits de séquençage contenant la chimie StandardMPS ou la chimie CoolMPS soient rappelés pour être confisqués et placés sous séquestre sous astreinte ;- enjoindre à la société MGI de communiquer, sous astreinte, un état certifié des ventes des produits et machines contrefaisants ;- condamner la société MGI à lui payer une provision de 800.000 euros, à valoir sur son préjudice du fait de la contrefaçon et une somme de 1.000.000 euros au titre de l'atteinte portée à la valeur de ses brevets ;- rejeter les demandes de la société MGI au titre d'une licence obligatoire ;- ordonner la publication du jugement à intervenir ;- condamner la société MGI aux dépens et à lui payer 400.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 12. De nombreuses autres instances opposent les parties sur le respect de ces brevets.En Allemagne, la validité du brevet EP 578 et sa contrefaçon par la société MGI et une autre filiale du groupe BGI ont été jugées. En Angleterre, la validité de la partie anglaise des brevets EP 578 (après limitation de la revendication 1 au cas où le groupe de blocage est un groupe azidométhyle) et EP 289 et leur contrefaçon par la société MGI ont été jugées en première instance et en appel.En Belgique, une décision définitive a conclu à la validité et à la contrefaçon par la société MGI du brevet EP 289 et déclaré irrecevable l'action en nullité contre le brevet EP 578.En Suède, la validité de la partie suédoise du brevet EP 289 et sa contrefaçon par la société MGI et deux autres filiales du groupe MGI ont été jugées en première instance le 18 mars 2022 et un appel est en cours. En Suisse, la validité du brevet EP 578 a été admise en première instance et en appel.Des procédures au fond sont encore pendantes au Danemark, en Finlande, en Grèce, en Italie, en République tchèque et en Turquie. 13. L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 décembre 2022 et l'affaire plaidée les 18 et 19 janvier 2023. 14. A l'issue des débats, le tribunal a invité les parties à compléter leurs explications relatives à la nullité des saisies-contrefaçon au regard d'une décision de la Cour de cassation attendue le 1er février 2023.La société MGI a produit deux notes en délibéré les 8 et 15 février et la société Illumina Cambridge une le 14 février 2023. MOTIVATION I . Sur les notes en délibéré 15. Par note du 8 février 2023, la société MGI a non seulement complété ses observations sur la nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 30 septembre 2020 au regard de l'arrêt de la Cour de cassation du 1er février 2023 mais également transmis, traduit et commenté une opinion préliminaire de la chambre de recours de l'OEB sur une des questions de fond soumises au tribunal.Par note du 15 février 2023, elle a présenté ses observations sur l'arrêt de la Cour de cassation du 1er février 2023 et demandé que le moyen nouveau de la société Illumina Cambridge tiré de l'absence d'exception d'incompétence soit écarté ou fasse l'objet d'une réouverture des débats. 16. Par note du 14 février 2023, la société Illumina Cambridge a demandé que les pièces nouvelles produites par la demanderesse soient écartées des débats comme excédant le périmètre de la note autorisée après clôture des débats et a présenté ses explications sur la saisie-contrefaçon du 30 septembre 2020 au regard de l'arrêt du 1er février 2023. Sur ce, 17. L'article 442 du code de procédure civile dispose que le président et les juges peuvent inviter les parties à fournir les explications de droit et de fait qu'ils estiment nécessaires ou à préciser ce qui paraît obscur et l'article 445 pose le principe selon lequel les parties ne peuvent déposer aucune note à l'appui de leurs observations après la clôture des débats, si ce n'est à la demande du président. 18. Les parties ne sont recevables à déposer de notes en délibéré que dans le cadre strict de la demande du tribunal. Dès lors, le tribunal ne saurait retenir dans les débats les explications objet du point 2 de la note de la société MGI du 8 février 2023 et la pièce nouvelle qui y était jointe et il y a lieu de les écarter.En revanche, les observations des parties sur les conséquences qu'elles tirent de l'arrêt de la Cour de cassation du 1er février 2023 seront examinées avec la validité du procès-verbal de saisie- contrefaçon infra sans qu'il y ait lieu de réouvrir les débats. II . Sur la validité des brevets 19. L'article 52 de la Convention sur le brevet européen de Munich du 5 octobre 1973 (ci-après CBE) dispose que "les brevets européens sont délivrés pour toute invention dans tous les domaines technologiques, à condition qu'elle soit nouvelle, qu'elle implique une activité inventive et qu'elle soit susceptible d'application industrielle". 1 . Présentation des brevets 20. La description des brevets expose que :- le séquençage par synthèse d'ADN nécessite de contrôler l'incorporation du nucléotide complémentaire en face de l'oligonucléotide séquencé et d'ajouter des nucléotides en plusieurs cycles au fur et à mesure que chaque résidu nucléotidique est séquencé ; - pour garantir qu'une seule incorporation se produise, une modification structurelle des nucléotides de séquençage dite "groupe de blocage" est nécessaire ;- ce groupe de blocage doit être retirable dans des conditions de réaction qui n'interfèrent pas avec l'intégrité de l'ADN séquencé, le cycle de séquençage pouvant ensuite se poursuivre avec l'incorporation du prochain nucléotide marqué bloqué ;- il existe de nombreuses limites à l'adéquation d'une molécule en tant que groupe de blocage en ce que celui-ci doit jouer ce rôle de contrôle des incorporations tout en étant facilement éliminable du groupement sucre sans endommager la chaîne polynucléotidique, être toléré par la polymérase utilisée et avoir la capacité d'être éliminé dans des conditions douces, de préférence aqueuses ;- des groupes de blocage réversibles à cet effet ont été décrits mais aucun d'entre eux ne remplit de manière générale les critères précités pour la chimie des polynucléotides ;- il n'existe notamment aucun mode de réalisation du clivage réussi d'un groupe 3'-allyl dans des conditions préservant l'intégrité de l'ADN ;- l'invention est basée sur le développement surprenant d'un certain nombre de groupes de blocage réversibles et de procédés visant à leur déprotection dans des conditions compatibles avec l'ADN, certains de ces groupes étant nouveaux et d'autres divulgués dans l'art antérieur mais sans preuve de ce qu'ils pouvaient être utilisés dans le séquençage d'ADN. 21. La description décrit encore les procédés associés, notamment le procédé de séquençage d'un polynucléotide simple brin cible, comprenant :(a) la mise en oeuvre d'une pluralité de nucléotides différents selon l'invention, lesquels sont de préférence liés depuis la base à un marqueur détectable par un lieur clivable et dans lequel le marqueur détectable lié à chaque type de nucléotide peut être distingué lors de la détection du marqueur détectable utilisé pour d'autres types de nucléotides ;(b) l'incorporation du nucléotide dans le complément du polynucléotide simple brin cible ;(c) la détection du marqueur du nucléotide de (b), déterminant ainsi le type de nucléotide incorporé ;(d) le retrait du marqueur du nucléotide de (b) et du groupe de blocage ;(e) éventuellement répétition des étapes (b) - (d) une ou plusieurs fois ;ainsi qu'un kit associant les différents nucléotides de l'invention et leur emballage. 22. Il est enfin indiqué que les nucléotides selon l'invention peuvent être utilisés dans les procédés de séquençage Sanger et les protocoles associés, dans lesquels le lieur reliant le marqueur détectable au nucléotide peut ou non être clivable. 23. Le brevet EP 578 a fait l'objet d'une procédure d'opposition devant l'Office européen des brevets (ci-après OEB). Le 9 décembre 2015, la division d'opposition a rejeté l'opposition et maintenu le brevet tel que délivré et cette décision est définitive. 24. Il comporte 30 revendications se rapportant aux nucléotides modifiés et à leur utilisation, dont seules les suivantes sont invoquées au titre de la contrefaçon : 1. Molécule de nucléotide modifiée comprenant une base purine ou pyrimidine et un groupement sucre ribose ou désoxyribose ayant un groupe de blocage de 3'-OH retirable fixé de manière covalente à celle-ci, de sorte que l'atome de carbone 3' a un groupe fixé de structure O-Z où - Z est l'un quelconque de -C(R')2 -N(R") , -C(R') -N(H)R" et -C(R')2 -N3,- où chaque R" est ou fait partie d'un groupe protecteur retirable ;- chaque R' est indépendamment un atome d'hydrogène, un groupe alkyle, alkyle substitué, arylalkyle, alcényle, alcynyle, aryle, hétéro-aryle, hétérocyclique, acyle, cyano, alcoxy, aryloxy, hétéroaryloxy ou amido, ou un marqueur détectable fixé par le biais d'un groupe de liaison ; ou bien (R')2 représente un groupe alkylidène de formule =C(R"')2 où chaque R"' peut être identique ou différent et est choisi dans le groupe comprenant les atomes d'hydrogène et d'halogène et les groupes alkyle ; et où ladite molécule peut être mise à réagir pour produire un intermédiaire dans lequel chaque R" est échangé pour H, lequel intermédiaire se dissocie dans des conditions aqueuses pour donner une molécule avec un 3'OH libre.4. Molécule selon l'une quelconque des revendications 1 à 3 où Z est un groupe azidométhyle.6. Molécule selon l'une quelconque des revendications précédentes où ladite base est liée à un marqueur détectable via un lieur clivable ou un lieur non clivable.7. Molécule selon la revendication 6 où ledit lieur est clivable.9. Molécule selon l'une quelconque des revendications 6 à 8 où ledit marqueur détectable est un fluorophore.12. Procédé de régulation de l'incorporation d'un nucléotide selon l'une quelconque des revendications 6 à 10 et complémentaire d'un second nucléotide dans un polynucléotide simple brin cible dans une réaction de synthèse ou de séquençage comprenant l'incorporation dans le polynucléotide complémentaire en croissance dudit nucléotide, l'incorporation dudit nucléotide empêchant ou bloquant l'introduction de molécules de nucléoside ou de nucléotide subséquentes dans ledit polynucléotide complémentaire en croissance.17. Procédé pour déterminer la séquence d'un polynucléotide simple brin cible, comprenant le suivi de l'incorporation séquentielle de nucléotides complémentaires, où au moins une incorporation est d'un nucléotide selon l'une quelconque des revendications 6 à 10 et où l'identité du nucléotide incorporé est déterminée par détection du marqueur lié à la base, et le groupe de blocage et ledit marqueur sont retirés avant l'introduction du nucléotide complémentaire suivant.25. Kit, comprenant (a) une pluralité de nucléotides différents où ladite pluralité de nucléotides différents est telle que définie dans l'une quelconque des revendications 6 à 10 ; et(b) des matériaux d'empaquetage pour ceux-ci.29. Oligonucléotide comprenant un nucléotide modifié selon les revendications 1-11.30. Nucléotide triphosphate comprenant un nucléotide modifié selon les revendications 1-11. 25. Le brevet EP 289 est contesté devant l'OEB ; la division d'opposition l'a maintenu avec des modifications par décision du 22 décembre 2021 et un recours est en cours d'examen. 26. Il contient quinze revendications, les revendications 1, 6, 9 et 10 étant indépendantes. Les revendications du titre tel que délivré invoquées au titre de la contrefaçon sont les suivantes. 1. Molécule de nucléotide triphosphate modifiée comprenant une base purique ou pyrimidique et un groupe fonctionnel de sucre désoxyribose comportant un groupe 3'-azidométhyle. 2. Molécule selon la revendication 1, ladite base étant liée à un marqueur détectable par l'intermédiaire d'un lieur clivable ou d'un lieur non clivable. 3. Molécule selon la revendication 2, ledit lieur étant clivable.4. Molécule selon la revendication 2 ou 3, ledit marqueur détectable étant un fluorophore.6. Kit comprenant quatre molécules de nucléotides triphosphates modifiées, chacune comprenant une base purine ou pyrimidine et un groupement sucre désoxyribose comportant un groupe 3'-azidométhyle où chaque nucléotide comporte une base qui est liée à un marqueur détectable lié à chaque nucléotide par l'intermédiaire d'un lieur clivable et où le marqueur détectable lié à chaque nucléotide peut être différencié lors de la détection du marqueur détectable utilisé pour les trois autres nucléotides. 9. Molécule polynucléotidique comportant un groupe 3'-azidométhyle. 10. Procédé permettant de déterminer la séquence d'un polynucléotide simple brin cible, comprenant le suivi de l'incorporation séquentielle de nucléotides complémentaires, au moins une incorporation étant celle d'un nucléotide comprenant une base purique ou pyrimidique et un groupe fonctionnel de sucre désoxyribose comportant un groupe 3'-azidométhyle où le nucléotide comporte une base qui est liée à un marqueur détectable par l'intermédiaire d'un lieur clivable et l'identité du nucléotide étant déterminée en détectant le marqueur lié à la base et le groupe de blocage et le marqueur étant enlevés avant introduction du nucléotide complémentaire suivant. 2 . Sur la nullité des brevets pour insuffisance de description 27. Aux termes de l'article L. 614-12 du code de la propriété intellectuelle, "La nullité du brevet européen est prononcée en ce qui concerne la France par décision de justice pour l'un quelconque des motifs visés à l'article 138, paragraphe 1, de la Convention de Munich Si les motifs de nullité n'affectent le brevet qu'en partie, la nullité est prononcée sous la forme d'une limitation correspondante des revendications.". Selon l'article 138 de cette convention, "(1) Sous réserve de l'article 139, le brevet européen ne peut être déclaré nul, avec effet pour un État contractant, que si : a) l'objet du brevet européen n'est pas brevetable en vertu des articles 52 à 57 ;b) le brevet européen n'expose pas l'invention de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter". 28. Ces dispositions sont constamment interprétées en ce sens qu'une invention est suffisamment décrite lorsque l'homme du métier est en mesure, à la lecture de la description et grâce à ses connaissances professionnelles normales, théoriques et pratiques, d'exécuter l'invention (Com 23 mars 2005, pourvoi no 03-16.532 ; Com., 20 mars 2007, pourvoi no 05-12.626, Bull. 2007, IV, no 89 ; Com., 13 novembre 2013, pourvoi no 12-14.803, 12-15.449). Le fait que certains éléments indispensables au fonctionnement de l'invention ne figurent ni explicitement dans le texte des revendications ou de la description, ni dans les dessins représentant l'invention revendiquée, n'implique pas nécessairement que l'invention n'est pas exposée dans la demande de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter, dès lors que ces éléments indispensables appartiennent à ses connaissances générales (Cass. Com., 23 janvier 2019, pourvois no 17-14.673 et 16-28.322). a) L'homme du métier 29. La société MGI définit l'homme du métier comme une équipe, expérimentée dans l'emploi et le développement de produits commerciaux utilisant des nucléotides ou nucléosides modifiés, y compris des produits de séquençage de l'ADN, comprenant un spécialiste en chimie organique, possédant un diplôme universitaire et plusieurs années d'expérience pratique concernant les nucléotides et nucléosides chimiquement modifiés, avec des connaissances solides concernant les méthodes de synthèse ainsi qu'un ingénieur mécanicien ou un ingénieur ayant une formation appropriée et de l'expérience dans les processus d'imagerie biochimique. 30. Selon la définition proposée par la société Illumina Cambridge, il s'agit d'une équipe comprenant des scientifiques travaillant sur le développement de produits de séquençage par synthèse, cet homme du métier étant titulaire d'un doctorat en chimie, en biologie moléculaire ou dans une discipline voisine et ayant au moins cinq ans d'expérience pratique en laboratoire universitaire ou industriel dans le domaine de la recherche et du développement des technologies de séquençage de l'ADN. Sur ce, 31. L'homme du métier est dans le cas présent une équipe de chimistes spécialisés dans le domaine de la recherche et du développement des technologies de séquençage de l'ADN qui dispose de connaissances étendues en biologie moléculaire, en chimie organique et méthodes de synthèse. b) L'insuffisance de description La société MGI soutient que les brevets sont nuls comme insuffisamment décrits en ce que :a) l'homme du métier ne peut pas mettre en oeuvre l'une des variantes de la revendication 1 du brevet EP 578 (celle dans laquelle Z est -C(R')2-N3 couvrant, entre autres, le groupe azidométhyle) car les caractéristiques 1.4 et 1.5 prescrivent spécifiquement que le nucléotide modifié doit pouvoir être mis à réagir pour produire un intermédiaire dans lequel chaque R" est échangé pour H, lequel intermédiaire se dissocie dans des conditions aqueuses pour donner une molécule avec un 3'-OH libre de sorte que, en l'absence de R", la revendication 1 n'est pas suffisamment décrite et que toutes les revendications qui l'intègrent sont également invalides ;b) la revendication de procédé 17 du brevet EP 578, qui concerne un procédé de séquençage d'un polynucléotide simple brin et précise que le lieur doit être retiré après l'incorporation du nucléotide modifié dans le brin d'ADN cible, ne peut pas être mise en oeuvre car la revendication 6, dont elle dépend définit le lieur du marqueur comme étant clivable ou non clivable ; or, si un lieur non clivable est utilisé, le marqueur ne peut pas être retiré ; la pertinence de ce grief est confirmé par la modification de la revendication 2 du brevet EP 289 (l'équivalent de la revendication 6 du brevet EP 578) dans le cadre de la procédure d'opposition devant l'OEB qui supprime l'alternative "lieur non clivable" ; le même raisonnement s'applique à la revendication 19, dépendante de la revendication 17 ;c) la revendication 10 du brevet EP 289 ne précise pas si le lieur clivable est retiré en totalité ou partie et les exemples ne montrent pas comment retirer le marqueur sans qu'au moins une partie du lieur clivable ne soit enlevée, de sorte que l'homme du métier ne peut pas mettre en oeuvre l'invention ; d) la société Illumina Cambridge définit le problème technique comme consistant à fournir un groupe de blocage aux propriétés améliorées par rapport à l'art antérieur et, dans ce cas, les brevets ne sont pas suffisamment décrits, car ils ne résolvent pas ce problème technique en ce que :- le groupe de blocage divulgué ne présente pas de propriétés d'incorporation améliorées par rapport aux groupes de l'art antérieur, - selon l'expérience retracée dans les brevets, l'invention divulguée permet seulement de séquencer au mieux quelques bases d'un ADN cible, - les conditions de retrait décrites dans les brevets conduisent nécessairement à une dénaturation de l'ADN, - les conditions divulguées dans les brevets ne permettent pas de débloquer le groupe protecteur avec un rendement suffisamment élevé. 32. La société Illumina Cambridge oppose que :a) pour obtenir un bloc retirable avec la variante dans laquelle Z est -C(R')2-N3, l'homme du métier comprend qu'il lui suffit de sélectionner R' dans l'un des substituants proposés par la caractéristique 1.3.4 et l'absence de référence à R" ne le fera pas douter de la possibilité d'obtenir un nucléotide modifié dont le groupe de blocage sera retirable ; les paragraphes 57 à 60, 72 et 116 à 118 de la description l'expliquent et cela n'affecte pas le brevet dans son entier d'une insuffisance de description ; b) dans le cas d'un lieur non clivable, les connaissances générales de l'homme du métier lui enseignent comment opérer le retrait par une autre méthode comme le blanchiment ;c) les paragraphes 76 à 90 de la description fournissent d'amples explications à l'homme du métier pour lui permettre de choisir des lieurs clivables appropriés et la question de la conservation du lieur après clivage ne se poserait pas à lui ;d) les arguments sur l'art antérieur sont les mêmes que ceux opposés au titre du défaut d'activité inventive ; or, les groupes de blocages identifiés dans l'art antérieur (par le docteur [R]) n'ont jamais été utilisés efficacement alors que l'efficacité de ses réactifs de séquençage avec un groupe protecteur azidométhyle est largement démontrée ; la société MGI ne démontre aucunement que le retrait du groupe de blocage selon le brevet endommage l'ADN, les expériences du professeur [N] du 11 janvier 2021 n'étant pas crédibles.Elle rappelle que l'on doit retenir la même définition de l'homme du métier pour l'appréciation de la suffisance de description du brevet examiné qu'à celle de son caractère inventif et non prêter à l'homme du métier des connaissances élargies pour la seconde et étriquées pour la première. Sur ce, 33. La revendication 1 du brevet EP 578 divulgue trois structures moléculaires pour le groupe de blocage et expose le mode de déprotection par production d'un intermédiaire permettant sa dissociation en conditions aqueuses après échange du groupe R" pour H, alors que la troisième structure (-C(R')2 -N3) ne comporte pas de groupe R".Néanmoins, ainsi que le soutient à juste titre la société Illumina Cambridge, la description décrit le processus de déprotection de ce type de groupe de blocage par production d'un intermédiaire (amino) dissociable en milieu aqueux en présence de phosphines :[0060] : Lorsque les molécules contiennent des groupes Z de formule C(R') 2 N 3 , le groupe azido peut être converti en amino par contact de telles molécules avec les ligands phosphine ou phosphines azotées décrits en détail dans le présent document ,[0072] : Le terme amino désigne des groupes de type NR'R", où R' et R" sont choisis indépendamment parmi l'hydrogène, un groupe alkyle en C 1-6 (également appelé alkylamino en C1-6 ou di-alkylamino en C1-6 , [0117] et [0118] : 3'-OH protégé par un groupe azidométhyle en tant que forme protégée d'un hémiaminal : Les nucléotides portant ce groupe de blocage en position 3' ont été synthétisés, et il a été démontré qu'ils (...) peuvent ensuite être éliminés dans des conditions aqueuses neutres en utilisant des phosphines ou des thiols hydrosolubles).Il n'est, de plus, pas discuté que l'homme du métier aurait su déprotéger un tel nucléotide au regard de ses connaissances générales et plus particulièrement la réaction de Staudinger, réaction chimique entre une azoture (-N3) et une phosphine en présence d'eau, au cours de laquelle l'azoture subit une réduction pour générer avec un rendement élevé une amine primaire. 34. Les critiques sous a) ne sont donc pas suffisantes à caractériser une insuffisance de description. 35. La revendication 6 du brevet EP 578 complète les revendications précédentes sur les nucléotides modifiés en ce que "ladite base est liée à un marqueur détectable via un lieur clivable ou un lieur non clivable". Sa revendication 17 divulgue le procédé de séquençage selon les revendications 6 à 10, selon lesquelles l'identité du nucléotide incorporé est déterminée par détection du marqueur lié à la base, puis le groupe de blocage et ledit marqueur sont retirés avant l'introduction du nucléotide suivant, ce qui suppose le retrait du marqueur dans tous les cas, y compris, dans un cas de la revendication 6, lorsque le marqueur est lié par un lien non clivable. 36. La société MGI soutient que l'homme du métier n'était pas en mesure de savoir comment retirer le marqueur si le lien n'est pas clivable, la technique du photo-blanchiment ne permettant pas le retrait du marqueur mais seulement une suppression de sa fluorescence, ce que la société Illumina Cambridge ne discute pas ; or, le terme retrait (removal) ne peut être assimilé à neutralisation de la fluorescence.Dès lors, quand bien même le séquençage resterait possible avec une simple neutralisation du marqueur sans retrait, l'invention ne peut être réalisée selon la revendication 17 dans tous ses éléments. 37. Cette insuffisance de description est cependant limitée à l'exécution de la revendication 17 dans le seul cas de l'une des branches de l'alternative de la revendication 6 dans laquelle le lieur entre base et marqueur est non clivable et n'empêche pas, même dans ce cas, la réalisation du procédé de séquençage décrit. La critique sous b) est donc justifiée mais pointe une insuffisance mineure qui ne vicie qu'une branche particulière et divisible de l'invention. Elle ne justifie donc pas l'annulation totale de la revendication 17 pour insuffisance de description mais seulement son annulation partielle dans la limite de sa référence à cette revendication 6 et sa limitation à la référence aux revendications 7 à 10. 38. La société MGI n'explique pas en quoi le retrait total ou partiel du lieur après clivage du marqueur a un effet sur l'exécution de la revendication 10 du brevet EP 289. Dans ces conditions, quand bien même la question du sort du lieur après clivage ne serait ni revendiquée, ni décrite, cela n'est pas susceptible d'empêcher l'homme du métier de réaliser l'invention. 39. La critique sous c) n'est donc pas suffisante à caractériser une insuffisance de description. 40. Quant aux critiques de la société MGI réunies sous le d), elles portent sur les performances de l'invention et non la suffisance de sa description de sorte qu'elles sont inopérantes. 41. Le grief d'insuffisance de description des brevets EP 578 et EP 289 sera donc partiellement retenu s'agissant de la revendication 17 du brevet EP 578 et rejeté pour le surplus. 3 . Sur la nullité du brevet EP 289 pour extension de l'objet au-delà du contenu de la demande et du champ de la demande parente 42. La société MGI soutient que :- la revendication 1 du brevet EP 289 couvre un nucléotide modifié ayant un "groupe 3'-azidométhyle" c'est-à-dire une molécule dans laquelle le groupe azidométhyle est lié au troisième atome de carbone (3') du groupement sucre directement, sans atome d'oxygène intermédiaire, qui n'est pas divulguée dans la demande parente de sorte que les revendications indépendantes 1, 6, 9 et 10 et les revendications dépendantes sont nulles ;- le terme désoxyribose désigne un ribose dont l'un des atomes d'oxygène a été retiré, peu importe que le groupe hydroxyle restant soit lié à la position 2' ou 3' ; - en l'absence de référence à un atome d'oxygène dans le brevet EP 289, la revendication 1 doit être interprétée comme couvrant une molécule dans laquelle le groupe azidométhyle est lié au troisième atome de carbone (3') sans atome d'oxygène intermédiaire ;- l'interprétation de la société Illumina Cambridge est contraire à la principale source internationale (UICPA) de définitions et de nomenclatures en chimie et biochimie, dont il ressort que les termes "groupe 3'-azidométhyle" désignent un groupe azidométhyle lié directement à l'atome de carbone 3' ;- si elle a écrit que "les formes 3'-azidométhyle et 3'-O-azidométhyle sont interchangeables" dans sa demande de brevet WO 2018/129214 en 2018, c'est au motif que "sinon les deux termes auraient renvoyé à des structures différentes" ; - cette revendication étant dépourvue d'ambiguïté, il ne faut pas recourir à la description du brevet pour interpréter le sens des termes "groupe 3'-azidométhyle". 43. La société Illumina Cambridge fait valoir que :- la caractéristique "structure O-Z" doit être interprétée par l'homme du métier comme un groupe azidométhyle lié au carbone 3' via l'atome d'oxygène du groupe hydroxyle (OH) du sucre désoxyribose, dépourvu de groupe OH en position 2' mais non en position 3' ;- lorsqu'il n'y a pas de groupe OH en position 3', le sucre est nommé didésoxyribose et non désoxyribose ;- la nomenclature UICPA (pour Union internationale de chimie pure et appliquée) fait référence en chimie et biochimie mais pas en biologie moléculaire ;- la société MGI a elle-même écrit dans une demande de brevet en 2018 "les formes 3'-azidométhyle et 3'-O-azidométhyle sont interchangeables" ;- le doute serait en toute hypothèse levé par la description (paragraphes [0102] et [0103]) ;- plusieurs juridictions ont déjà tranché ce point dans son sens. Sur ce, 44. L'article 76(1) de la CBE prévoit notamment "Toute demande divisionnaire de brevet européen doit être déposée directement auprès de l'Office européen des brevets conformément au règlement d'exécution. Elle ne peut être déposée que pour des éléments qui ne s'étendent pas au-delà du contenu de la demande antérieure telle qu'elle a été déposée".et l'article 69 (1) "L'étendue de la protection conférée par le brevet européen ou par la demande de brevet européen est déterminée par les revendications. Toutefois, la description et les dessins servent à interpréter les revendications." 45. La revendication 1 du brevet EP 289 vise une "molécule de nucléotide triphosphate modifiée comprenant [?] un groupement sucre désoxyribose comportant un groupe 3'-azidométhyle" alors que la revendication 1 du brevet EP 578 visait une "molécule de nucléotide modifiée comprenant [?] un groupement sucre désoxyribose ayant un groupe de blocage de 3'-OH retirable fixé de manière covalente à celle-ci, de sorte que l'atome de carbone 3' a un groupe fixé de structure -O-Z".Le brevet parent fait donc référence à un groupe de structure O-Z lié à l'atome de carbone en position 3', tandis que le brevet EP 289 revendique une molécule incluant un groupement sucre désoxyribose comportant un groupe 3'-azidométhyle, et non 3'-O-azidométhyle. 46. A l'appui de sa position selon laquelle l'homme du métier comprendra de la revendication du brevet EP 289 qu'elle décrit un groupe 3'-azidométhyle directement fixé sur l'atome de carbone en position 3' du sucre désoxyribose, la société MGI invoque des rapports du professeur [K] du 28 avril 2020 et du professeur [W] du 13 juillet 2020 selon lesquels cette conclusion s'infère clairement des règles de nomenclature de l'UICPA et qu'il s'agit d'une configuration moléculaire différente de 3'-O-azidométhyle. 47. Elle ne conteste cependant pas que le terme désoxyribose peut renvoyer à un sucre sans groupe hydroxyle (OH) en position 2' (comme dans la figure reproduite au point 4 supra) ou sans groupe hydroxyle en position 3' (étant précisé que, lorsque les deux groupes hydroxyles sont absents, on parle de didésoxyribose) et qu'il est couramment utilisé pour désigner un ribose dépourvu d'un atome d'oxygène dans la position 2' (comme dans ADN, par exemple, au lieu de acide 2- désoxyribonucléique). 48. Ce sens courant est confirmé par la société Complete genomics inc. du groupe BGI qui, dans sa demande de brevet WO 2018/129214 du 4 janvier 2018 ayant pour objet des compositions et procédés de SBS, a indiqué parmi les définitions au paragraphe [0051]: "as used herein, in the context of a cleavable blocking group of nucleotide analog, the designation "3'-O-" is sometimes implied rather than explicit. For example, the terms "azidomethyl", "3'-O- azidomethyl" are interchangeable as will be apparent from context" et a donné la légende "3'-azidomethyl" à sa figure 9 ci-dessous reproduite illustrant un sucre dont l'atome de carbone 3' a un groupe fixé de structure -O-N3. 49. Au regard de ce double sens du terme désoxyribose et du fait que l'expression "3'-O-" soit parfois sous-entendue, la société MGI est mal fondée à soutenir que la revendication 1 du brevet EP 289 signifie de façon si claire que le groupe azidométhyle est lié au troisième atome de carbone (3') du groupement sucre directement, sans atome d'oxygène intermédiaire, qu'il serait exclu de recourir à la description du brevet pour interpréter le sens des termes "groupe 3'-azidométhyle". 50. Or, la description évoque, d'emblée, le caractère retirable du groupe de blocage et, dès le paragraphe [0015] le rattachement d'un groupe de structure -O-Z à l'atome de carbone 3' et fournit des exemples de molécules dans lesquelles le groupe de blocage azidométhyle est lié au carbone 3' par l'intermédiaire d'un atome d'oxygène (paragraphes [00102] et [00103]). 51. De plus, la société MGI ne conteste pas la déclaration du 28 juin 2021 du docteur [X] [I] selon laquelle l'homme du métier aurait nécessairement compris que la revendication 1 portait sur des molécules nucléotidiques possédant une base purine ou pyrimidine et un groupement sucre désoxyribose comportant un groupe azidométhyle (soit un groupe -CH2N3) attaché à l'oxygène à la position 3' car, "si cela n'était pas le cas, par exemple si le groupe azidométhyle était attaché directement au carbone 3', il annulerait entièrement l'objectif technique fondamental auquel les nucléotides sont destinés dans le brevet EP 289" car cela reviendrait à éliminer de façon irréversible le groupe 3'-OH, "ce qui exclurait toute croissance future du polynucléotide, empêchant ainsi tout autre séquençage". 52. Dans ces conditions, le tribunal retient que l'homme du métier comprendrait que, lorsque la revendication 1 mentionne un groupe 3'-azidométhyle, il s'agit d'un groupe 3'-O-azidométhyle car les termes sont interchangeables dans ce contexte et parce que c'est ce qui ressort sans ambiguïté de la description. 53. Le grief d'extension de l'objet du brevet n'est donc pas fondé et la nullité demandée de ce chef est rejetée. 4 . Sur la nullité des brevets pour défaut de nouveauté 54. La société MGI soutient que :- le tableau 1 de l'article de Pentti Oksman et autres (ci-après ea) de 1992, qui concerne la fourniture de nucléosides modifiés pouvant être utiles dans le traitement du VIH, divulgue des nucléosides modifiés par un groupe 3'-O-azidométhyle et l'homme du métier aurait compris que ces nucléosides peuvent agir comme des inhibiteurs potentiels du VIH et que l'utilisation de nucléosides comme antiviraux repose sur leur conversion in vivo en nucléotides correspondants, par l'ajout du groupe triphosphate au carbone 5',- l'homme du métier aurait nécessairement abouti à des nucléotides modifiés 3'-O-azidométhyle, tels que revendiqués par le brevet EP 578 et le brevet EP 289 ;- les revendications 1 et 9 du brevet EP 289 sont implicitement divulguées par un article de Lin ea (1993) mentionnant la formule structurelle d'un nucléoside avec une base thymine, un groupe sucre, un groupe hydroxyle et un groupe azidométhyle. 55. La société Illumina Cambridge oppose que :- pour être destructeur de nouveauté, un document antérieur doit révéler tous les moyens de l'invention et résoudre le même problème technique ;- l'article d'Oksman ea analyse la structure de 20 nucléosides, il ne mentionne pas de nucléotides et ne concerne en rien le séquençage ou la synthèse de l'ADN (il recherche la potentielle activité antivirale des nucléosides étudiés) ;- quand bien même l'article d'Oksman ea aurait divulgué qu'un nucléoside identifié comme potentiel inhibiteur du VIH devait être testé in vivo (ce qui n'est pas le cas), il aurait été purement spéculatif de considérer que ce composé serait converti en un nucléotide triphosphate,- l'article de Lin ea (1993) n'enseigne pas de molécule de nucléotide modifiée par l'adjonction d'un groupe de blocage azidométhyle en position 3' via un atome d'oxygène,- ce sont les conclusions de la division d'opposition dans ses deux décisions sur les deux brevets ainsi que celles des juges suédois, belge et espagnol. Sur ce, 56. L'article 138, 1, a) de la CBE dispose que le brevet européen est déclaré nul par les tribunaux d'un État contractant si "l'objet du brevet européen n'est pas brevetable en vertu des articles 52 à 57" et l'article 54 définit ainsi la nouveauté : "Une invention est considérée comme nouvelle si elle n'est pas comprise dans l'état de la technique".L'élément de l'art antérieur n'est destructeur de nouveauté que s'il renferme tous les moyens techniques essentiels de l'invention dans la même forme, le même agencement et le même fonctionnement en vue du même résultat technique : l'antériorité, qui est un fait juridique dont l'existence, la date et le contenu doivent être prouvés par tous moyens par celui qui l'invoque, doit être unique et être révélée dans un document unique dont la portée est appréciée globalement 57. Il est constant qu'un nucléoside est composé d'un sucre à 5 atomes de carbone et d'une base nucléique et qu'il devient un nucléotide lorsqu'un ou plusieurs groupes phosphate sont liés à son carbone 5'. 58. Il n'est pas contestable que les nucléosides sont des molécules différentes des nucléotides, qu'aucun des nucléosides sélectionnés par les articles précités n'est envisagé comme apte à être utilisé dans le séquençage de l'ADN et que la conversion in vivo des nucléosides n'était pas envisagée par ces articles.De plus, la société MGI ne fournit pas de réponse aux difficultés techniques soulevées par la société Illumina Cambridge à cette conversion in vivo. 59. Enfin, l'article de Pentti Oksman ea a été écrit dans le domaine de la recherche antivirale et décrit des nucléosides inhibiteurs potentiels du VIH, de même que l'article de Lin ea, s'inscrivant dans le cadre de la recherche contre le cancer, c'est-à-dire qu'ils contribuent à la résolution d'un problème technique sans aucun lien avec le séquençage et sans aucune mention d'un effet technique notamment de blocage réversible. 60. Dès lors, la révélation de nucléosides, quand bien même ils comporteraient un groupe COH2N3,comme agents potentiels antiviraux ne saurait constituer la divulgation implicite de nucléotides modifiés pour permettre la SBS de polynucléotides grâce à un groupe de blocage retirable. 61. La demande de nullité des brevets pour défaut de nouveauté est donc rejetée. 5 . Sur la nullité pour défaut d'activité inventive 62. L'article 138, 1, a) de la CBE dispose que le brevet européen est déclaré nul par les tribunaux d'un État contractant si "l'objet du brevet européen n'est pas brevetable en vertu des articles 52 à 57" et l'article l'article 56 que "une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour un homme du métier, elle ne découle pas d'une manière évidente de l'état de la technique".Pour apprécier l'activité inventive d'un brevet, il convient de déterminer d'une part, l'état de la technique le plus proche, d'autre part le problème technique objectif à résoudre et enfin d'examiner si l'invention revendiquée aurait été évidente pour l'homme du métier. Les éléments de l'art antérieur ne sont destructeurs d'activité inventive que si, pris isolément ou associés entre eux selon une combinaison raisonnablement accessible à l'homme du métier, ils permettaient à l'évidence à ce dernier d'apporter au problème résolu par l'invention la même solution que celle-ci. a) Le problème technique à résoudre 63. Selon la société MGI, le problème technique objectif, à partir de la demande de brevet WO02/29003 ([R], 11 avril 2002), ci-après "la demande de brevet [R]", ou, alternativement, la demande de brevet WO 91/06678, publiée le 16 mais 1991 (ci-après "la demande de brevet Tsien"), doit être limité à la recherche d'un groupe de blocage alternatif à ceux divulgués par l'art antérieur car, si l'on suit la position de la société Illumina Cambridge sur ce point, on constate que :- les brevets portent aussi sur des applications pour lesquelles la possibilité de supprimer le groupe bloquant n'est pas pertinente (le séquençage de Sanger, les méthodes de synthèse, les agents antiviraux et les outils de recherche),- l'utilisation du groupe 3'-O-azidométhyle revendiqué n'apporte pas d'amélioration par rapport aux groupes de blocage de l'art antérieur en ce que le breveté n'était pas en mesure de réaliser efficacement une méthode SBS (sans dénaturation de l'ADN) avec un rendement satisfaisant (peu de cycles de déprotection réalisés expérimentalement). 64. La société Illumina Cambridge soutient que cette conception est réductrice et que le problème technique résolu par les brevets est la fourniture d'un groupe de blocage 3'-OH aux propriétés améliorées ou, à tout le moins d'un groupe de blocage 3'-OH alternatif, c'est-à dire un groupe de blocage qui convient à une utilisation dans une réaction de polymérase, et qui peut également être déprotégé avec une excellente efficacité de clivage dans des conditions aqueuses douces et neutres, de sorte qu'aucun dommage n'est causé à la structure polynucléotidique. Sur ce, 65. Comme l'a retenu le juge de la mise en état dans son ordonnance du 9 juillet 2021, la description des deux brevets (paragraphes [0005], [0006]) indique que "pour être utiles dans le séquençage d'ADN, les nucléotides, et plus généralement les nucléotides triphosphates, nécessitent généralement un groupe de blocage 3'OH afin d'empêcher la polymérase utilisée pour l'incorporer dans une chaîne polynucléotidique de continuer à se répliquer une fois que la base sur le nucléotide est ajoutée", qu'"il existe de nombreuses limites à l'adéquation d'une molécule en tant que groupe de blocage" qui "doit être telle qu'elle empêche l'ajout de molécules de nucléotides supplémentaires à la chaîne polynucléotidique tout en étant, simultanément, facilement éliminable du groupement sucre sans endommager la chaîne polynucléotidique" et "des groupes de blocage réversibles à cet effet ont été décrits précédemment, mais aucun d'entre eux ne satisfait de manière générale aux critères ci-dessus pour la chimie des polynucléotides, par exemple, compatible avec l'ADN".Après avoir cité l'article de Metzker ea (1994), la demande de brevet [R] et la méthodologie de déprotection de [S] ea (1999), la description constate "il n'a pas été possible jusqu'à présent d'effectuer un séquençage d'ADN en utilisant des nucléotides 3'OH bloqués par allyle" [0011]. 66. Il apparaît donc, ainsi que l'a retenu la division d'opposition de l'OEB le 9 décembre 2015 saisie d'une opposition au brevet EP 578, que l'objectif de celui-ci était d'identifier des groupes de blocages retirables adaptés au séquençage d'ADN aux propriétés améliorées par rapport à l'art antérieur, et non pas seulement à titre alternatif, et il est indifférent que les revendications et le paragraphe [0080] mentionnent que d'autres applications de l'invention, dans lesquelles le retrait du groupe de blocage n'est pas nécessaire, sont possibles. b) La contestation des priorités revendiquées 67. La société MGI soutient également que toutes les revendications manquent d'activité inventive parce que les priorités ne sont pas valablement revendiquées, en ce que :- le brevet américain 227131 du 23 août 2002 ne contient pas d'enseignement direct concernant l'utilisation de l'azidométhyle en tant que groupe de blocage 3' ni l'incorporation de nucléotides modifiés 3'-O-azidométhyle par l'ADN polymérase, et le brevet anglais 0303924 du 20 février 2003 n'a aucun rapport avec les revendications des brevets, comme l'a retenu la division d'opposition de l'OEB le 22 décembre 2021 ;- le brevet anglais 0230037 du 23 décembre 2002 donne un seul exemple de nucléotides modifiés par un groupe 3'-O-azidométhyle et ne contient aucune donnée montrant l'incorporation de tels nucléotides modifiés par l'ADN polymérase, même si la division d'opposition de l'OEB a jugé les éléments suffisants pour retenir cette priorité, de sorte que le brevet US 2003/0104437, publié le 5 juin 2003 et qui contient une série de formules décrivant les groupes de blocage, doit être retenu au titre de l'état antérieur de la technique. 68. La société Illumina Cambridge soutient que la priorité du brevet anglais 0230037 est incontestable puisqu'elle a le même objet que le brevet EP 578. Sur ce, 69. L'article 87 (1) CBE prévoit : "Celui qui a régulièrement déposé, dans ou pour a) un État partie à la Convention de [Localité 6] pour la protection de la propriété industrielle ou b)un membre de l'Organisation mondiale du commerce, une demande de brevet d'invention, de modèle d'utilité ou de certificat d'utilité, ou son ayant cause, jouit, pour effectuer le dépôt d'une demande de brevet européen pour la même invention, d'un droit de priorité pendant un délai de douze mois à compter de la date de dépôt de la première demande."Selon la grande chambre de recours de l'OEB (décision G 2/98 du 31 mai 2001), une revendication figurant dans une demande de brevet européen ne bénéficie de la priorité d'une demande antérieure conformément à l'article 88 CBE que si l'homme du métier peut, en faisant appel à ses connaissances générales, déduire directement et sans ambiguïté l'objet de cette revendication de la demande antérieure considérée dans son ensemble. 70. Le brevet anglais 0230037 "modified nucleotides" concerne des nucléotides modifiés ayant un groupe de blocage retirable et leur utilisation dans des méthodes de séquençage de polynucléotides ainsi qu'il résulte de sa description et ses revendications. La société MGI ne conteste pas qu'il s'agit de la même invention mais soutient seulement que l'invention est insuffisamment décrite en ce qu'elle affirme sans preuve qu'il est chimiquement possible d'ajouter un groupe 3'-O-azidométhyle retirable, sans identifier de marqueur permettant l'incorporation du nucléotide par polymerase et sans fournir aucune donnée montrant que ces nucléotides pouvaient être utilisés avec succès dans une méthode de SBS. 71. Outre que cette position est radicalement opposée à toute son argumentation sur l'absence d'activité inventive des brevets litigieux au regard de documents provenant de disciplines sans rapport avec le séquençage ADN et ne divulguant même pas de nucléotides modifiés, la société MGI ne saurait être suivie dès lors qu'il n'est aucunement exigé qu'une invention contienne des données expérimentales démontrant son efficacité. Quant à l'affirmation selon laquelle un marqueur est, de par son volume, susceptible de provoquer des problèmes d'incorporation du nucléotide par les polymérases, il n'est étayé par aucune pièce. En revanche, la société Illumina Cambridge souligne à juste titre que le propre expert de la société MGI, le professeur [V], à l'appui d'une démonstration de l'absence de caractère inventif des brevets a indiqué "the skilled person would have been familiar with nucleotides labelled via the base group though the use of the labelled dideoxynucleotides in Sanger sequencing" dans son rapport du 18 septembre 2020, de sorte que le marquage des nucléotides faisait partie des connaissances générales de l'homme du métier. 72. Le brevet anglais 0230037 divulguait donc la même invention que les brevets litigieux et sa priorité est pleinement valable. 73. La société MGI ne contestant les priorités revendiquées que pour opposer l'antériorité du brevet US 2003/0104437, publié le 5 juin 2003, la priorité valable du brevet anglais 0230037 "modified nucleotides" du 23 décembre 2002 suffit à écarter le moyen, sans qu'il y ait lieu d'examiner les deux autres priorités, qui ne sont pas défendues par la société Illumina Cambridge. c) L'état de la technique le plus proche 74. La société MGI soutient que la demande de brevet [R] ou, alternativement, la demande de brevet Tsien peuvent être considérées comme l'état de la technique le plus proche en ce qu'elles divulguent toutes les deux des méthodes de SBS et contiennent des enseignements sur les critères de sélection d'un groupe protecteur permettant de mener à bien une telle méthode.A titre alternatif, elle soutient que les revendications de produit sont dépourvues d'activité inventive au regard des deux articles de Zavgorodny ea de 1991 et 2000 qui divulguent un nucléoside 3'-O-azidométhyle, éventuellement complétés par l'article de Kovacs (1988) qui enseigne explicitement que, pour que les analogues de nucléosides deviennent utiles dans les processus biologiques, ils doivent être convertis en nucléotides. 75. La société Illumina Cambridge ne conteste pas que la demande [R] constitue l'état de la technique le plus proche mais oppose que la société MGI en dénature la portée. Sur ce, 76. La demande de brevet [R] (2002) décrit "un procédé de séquençage d'un acide nucléique en détectant l'identité d'un analogue nucléotidique après l'incorporation de l'analogue nucléotidique dans un brin d'ADN en croissance dans une réaction de polymérase" en 9 étapes, parmi lesquelles "ajouter une polymérase et un ou plusieurs analogues nucléotidiques différents à l'acide nucléique pour incorporer ainsi un analogue nucléotidique dans le brin d'ADN en croissance, où l'analogue nucléotidique incorporé termine la réaction de polymérase et où chaque analogue nucléotidique différent comprend (a) une base choisie dans le groupe consistant en l'adénine, la guanine, la cytosine, la thymine et l'uracile et leurs analogues ; (b) un marqueur unique attaché par un lieur clivable à la base ou à un analogue de la base ; (c) un désoxyribose ; et (d) un groupe chimique clivable pour coiffer un groupe -OH à une position 3' du désoxyribose". 77. De nombreuses recherches étaient menées dans le domaine précis du séquençage d'ADN, et tout particulièrement la SBS, de sorte que les articles de Zavgorodny de 1991 et 2000, publiés dans le domaine distinct de la chimie organique de synthèse, ne sauraient constituer l'état de la technique le plus proche pour la résolution du problème technique, au contraire de la demande de brevet [R], orientée dans le même but que l'invention contestée. 78. Il y a lieu de retenir la demande de brevet [R], comme l'art antérieur le plus proche. d) L'activité inventive 79. La société MGI soutient l'absence d'activité inventive des revendications de produit des deux brevets : en partant de la demande de brevet [R] qui, selon elle, enseigne :- un groupe de petite dimension afin que le nucléotide soit accepté par les polymérases,- des conditions douces pendant la déprotection dans un environnement aqueux afin d'éviter la dénaturation,- des conditions sélectives de clivage du groupe de blocage,- un groupe de blocage devant être bio-orthogonal sans fonction carbonyle adjacente à l'atome d'oxygène 3',(la demande Tsien illustrant aussi selon elle les 3 premières recommandations) complétée par :? l'article de Serguey Zavgorodny de 1991 qui décrit la synthèse d'une classe de nucléosides modifiés de structure CH2-N3 et divulgue des groupes protecteurs en position 3', parmi lesquels l'azidométhyle est identifié comme "particulièrement avantageux" et pouvant être retiré dans des conditions douces par réaction de Staudinger, sans craindre de dénaturation,? l'article de Serguey Zavgorodny de 2000 rapportant la synthèse d'un ribonucléoside modifié avec un groupe 3'-OH-azidométhyle (-O-CH2-N3) et indiquant que ce groupe de blocage peut être éliminé "dans des conditions spécifiques et douces",? le manuel de référence de la chimie organique de synthèse de Greene et Wuts (1999) qui divulgue l'utilisation d'un groupe de blocage azidométhyle,? la publication de [G] [T] (1991) divulguant l'utilisation de l'azidométhyle en tant que groupe de blocage d'un phénol,? la connaissance de la réaction de Staudinger entre une azoture (-N3) et une phosphine en présence d'eau,qui auraient incité l'homme du métier à utiliser le groupe azidométhyle comme groupe de blocage pour des nucléotides modifiés et comme agent bloquant, vu la similarité des nucléosides et des nucléotides et la possibilité de conversion de l'un en l'autre par phosphorylation. 80. S'agissant des revendications portant sur des procédés de séquençage et des kits, elle fait valoir que - la méthode de séquençage par synthèse était largement connue à la date de priorité des brevets - citant neuf brevets antérieurs entre 1990 (Dower) et juin 2000 (Odedra ea) - et ses étapes, décrites par les revendications 12 à 17 du brevet EP 578 et 10 du brevet EP 289, étaient déjà divulguées,- les revendications 18 à 24 du brevet EP 578 sont divulguées par la demande de brevet Tsien et les revendications 11 à 15 brevet EP 289 par l'art antérieur,- l'utilisation de nucléotides modifiés, d'enzymes spécifiques, de marqueurs détectables et la définition des étapes et la formation de kits (revendications 25 à 28 du brevet EP 578) sont évidentes et non inventives. 81. La société Illumina Cambridge oppose à titre liminaire que la division d'opposition de l'OEB a déjà écarté ces arguments.Sur le fond, elle fait valoir que la demande [R] :- évoque l'utilisation de "petites entités chimiques clivables"mais ne définit aucunement une structure chimique optimale ou maximale ni ne mentionne que les groupes métoxyméthyle (ci-après MOM) et allyle, qu'elle préconise, auraient quatre atomes et une structure non ramifiée ;- ne fournit aucune indication à l'homme du métier sur les conditions de déprotection des groupes de blocage qu'elle divulgue (et notamment pas qu'elle se ferait en environnement aqueux) alors même qu'elle qualifie ces conditions de déprotection comme des exigences fondamentales ;- écarte l'utilisation de groupes électrophiles sans nuance ;- les demandes de brevets [R] et Tsien listent des critères pour identifier un groupe de blocage approprié pour le séquençage par synthèse mais ne guidaient pas l'homme du métier vers une utilisation du groupe azidométhyle : au contraire, la demande Tsien n'oriente vers aucun groupe tandis que la demande [R] suggère deux autres groupes moléculaires et enseigne que les composés électrophiles ne sont pas indiqués ;- les deux articles, rédigés à 9 ans d'intervalle par Zavgorodny ea, traitent de la synthèse de nucléosides ou de ribonucléosides et non de nucléotides et relèvent du champ de la chimie organique totalement étranger au séquençage de l'ADN ; un nucléoside ne peut pas être intégré dans une polymérase ; dès lors, même s'ils citent le groupe azidométhyle parmi 21 autres composés étudiés, l'homme du métier n'y aurait vu aucune incitation à tester un tel groupe de blocage pour le séquençage de l'ADN ;- les enseignements du brevet [R] et des articles Zavgorodny ea sont incompatibles et les autres documents n'auraient pas attiré l'attention de l'homme du métier ;- si l'azidométhyle s'imposait à l'homme du métier, sans le moindre effort inventif, comment expliquer que plus de 10 ans se soient écoulés avant que l'azidométhyle ne soit enseigné par le brevet EP 578 (priorité d'août 2002) comme un groupe de blocage de 3'-OH pour une utilisation dans une méthode de séquençage par synthèse et que la demande [R], publiée le 11 avril 2002, préférait les groupes allyle et MOM et contenait des enseignements excluant l'azidométhyle en tant que groupe de blocage de 3'-OH ? - au contraire, il résulte des propres déclarations du docteur [R] que tous les groupes protecteurs qu'il avait identifiés ne marchaient pas ; - il ne peut être exigé au stade du dépôt du brevet, encore objet d'une recherche fondamentale, une efficacité complète : à cette date, les brevets querellés divulguaient des groupes de blocage très prometteurs et démontraient un effet technique jamais atteint (au moins trois cycles intégration/identification/retrait successifs réalisés pour les quatre bases nucléiques) ;- le raisonnement de la société MGI est manifestement rétrospectif.Sur la combinaison des deux articles Zavgorodny de 1991 et 2000 et de l'article Kovacs, elle souligne que ce dernier n'a aucun lien avec le séquençage et n'est aucunement incitatif à utiliser le groupe de blocage azidométhyle comme groupe de protection dans ce contexte. 82. S'agissant des revendications portant sur des procédés de séquençage et des kits, elle fait valoir que : - les neuf brevets antérieurs relatifs à des méthodes de séquençage énumérés par la société MGI ont été examinés dans le cadre de la procédure de délivrance et/ou d'opposition du brevet EP 578 et n'ont pas été jugés susceptibles de priver son invention d'activité inventive : ils démontrent au contraire que, même si un certain nombre d'équipes travaillaient sur des méthodes de séquençage utilisant des terminateurs de chaîne réversibles, aucun n'a été près de mettre au point l'invention objet des brevets de nucléotides modifiés ;- les autres revendications qui en découlent sont donc aussi inventives que la revendication no1. Sur ce, 83. A l'analyse de la demande de brevet [R], celle-ci divulgue, s'agissant du groupe chimique clivable, les éléments suivants :- un "petit groupe chimique clivable", mentionné plusieurs fois et notamment "Les ddNTP, auxquels il manque un groupe 3'-hydroxyle, sont choisis pour coiffer le 3'-OH non réagi du nucléotide en raison de leur petite taille par rapport aux nucléotides marqués" - "Tout groupe chimique pourrait être utilisé tant que le groupe 1) est stable pendant la réaction de polymérase, 2) n'interfère pas avec la reconnaissance de l'analogue nucléotidique par la polymérase comme substrat et 3) est clivable"- les groupes protecteurs préférés pour coiffer le groupe 3'-OH sont les groupes "MOM (-CH2 OCH3 ) ou allyle (-CH2 CH=CH2)" , tandis que "Les groupes chimiques avec des électrophiles tels que les groupes cétones ne conviennent pas pour protéger le 3'-OH du nucléotide dans les réactions enzymatiques en raison de l'existence de nucléophiles forts dans la polymérase". Cette demande de brevet ne fournit aucun détail sur ce qu'elle entend par "petit", notamment pas sur le plan de la structure chimique ou physique.Si elle mentionne "Le clivage chimique des groupes MOM et allyle est assez doux et spécifique, afin de ne pas dégrader l'entité matrice d'ADN", elle ne donne aucune autre indication sur les modalités de déprotection, notamment pas qu'elle doit être possible dans des conditions douces dans un environnement aqueux. Elle juge inappropriés non seulement les esters et cétones mais aussi les groupes électrophiles, dont fait partie l'azidométhyle, sans qu'il en résulte que cette réserve soit limitée à leur localisation dans le site actif de la polymérase. 84. Le document Zavgorodny ea de 1991, déjà évoqué, est un article de chimie organique synthétique. Il concerne un domaine voisin de celui de l'invention et serait pris en compte par l'homme du métier à la recherche d'un groupe de blocage retirable adapté au séquençage d'ADN. Il énumère 21 possibilités de groupes protecteurs possibles pour les nucléosides parmi lesquels le groupe azidométhyle -OCH3 mais aussi le groupe MOM, évoqué par la demande [R] et évoque une élimination spécifique et douce "à savoir avec de la triphénylphosphine dans de la pyridine aqueuse à 20o C". 85. Le document Zavgorodny ea de 2000 divulgue des ribonucléosides protégés par l'incorporation d'un groupe 3'-OH-azidométhyle et l'élimination de celui-ci par une phosphine soluble dans la pyridine aqueuse. 86. Le livre de Theodora Greene et Peter Wuts intitué Protective groups in organic synthesis (1999) indique , dans le chapitre 3 relatif à la protection des phénols et catéchols, que, parmi 230 groupes, "L'éther azidométhyle, utilisé pour protéger le phénol et préparer le déplacement de l'azoture sur le groupe chlorométhylène, est clivé par réduction avec LiAH 4 ou par hydrogénolyse (Pd-C, H2). Il est stable aux acides forts, au permanganate et aux bromations radicalaires". Cet ouvrage comporte un chapitre 2 relatif à la protection des alcools qui ne cite pas l'azidométhyle. 87. L'article de [T] ea de 1988 a pour abstract "Le groupement azidomethylene protége les phénols en milieu basique, nucléophile, oxydant, faiblement acide et faiblement réducteur. (...) Son intérêt réside dans les conditions extrêmement douces de retour au phénol qui permettent la préparation de phénols très instables". 88. Il n'est pas contesté que la possibilité de conversion de nucléosides en nucléotides et la réaction de Staudinger déjà évoquée étaient des connaissances générales de l'homme du métier. 89. Il résulte de tous ces éléments que le groupe azidométhyle est un groupe électrophile explicitement déconseillé par la demande de brevet [R], plus volumineux que les allyles et les MOM. Dès lors, l'homme du métier ne saurait avoir été incité par les articles Zavgorodny ea à le sélectionner parmi les 21 groupes protecteurs possibles pour les nucléosides pour envisager sa conversion en nucléotide afin de réaliser le séquençage selon ce brevet. Il ne s'en évince pas non plus qu'il y aurait été incité par le manuel de Greene et Wuts et les travaux de [T] ea alors que le groupe à protéger n'était pas un phénol et que plusieurs centaines d'autres composés étaient mentionnés. 90. Au surplus, s'agissant de sa capacité à être retiré dans des conditions douces, d'une part il a été vu ci-dessus que la demande [R] n'en fait aucune mention et, d'autre part, qu'il n'est pas établi que le retrait dans le contexte de la chimie organique et de la chimie des phénols soit transposable au retrait dans le contexte du séquençage d'ADN. Quant aux articles Zavgorodny ea de 1991 et 2000, ils évoquent un retrait en pyridine aqueuse ; or, la société MGI ne discute pas que le document Kit de 1963, versé par la société Illumina Cambridge, indique que la pyridine est un puissant agent dénaturant. A cet égard, le fait que le professeur [N] aurait démontré par des résultats expérimentaux que les conditions de déprotection selon l'article Zavgorodny ea de 2000 étaient compatibles avec le procédé d'après la demande [R] et ne seraient pas nuisibles à l'ADN immobilisé en épingle, ainsi qu'il l'indique dans son attestation du 11 janvier 2021, n'induit pas que cela était évident pour l'homme du métier avant la date de priorité. 91. Pour conclure à un défaut d'activité inventive des revendications de produit du brevet EP 578, la demanderesse combine donc des connaissances relevant de domaines voisins mais distincts que sont la chimie fondamentale, la recherche antivirale et la recherche contre le cancer. Or, l'association de ces enseignements ne présentait aucune évidence et ne saurait être assimilée à de simples opérations d'exécution. 92. De plus, une activité inventive était indispensable pour les transposer au séquençage SBS car cette démarche supposait d'aller contre deux préjugés : les préventions de la demande de brevet [R] relatives aux groupes électrophiles, d'une part, et la connaissance de l'effet dénaturant de la pyridine, d'autre part. 93. La revendication 1 du brevet EP 578 et la revendication 1 du brevet EP 289 impliquent donc une activité inventive. Il en va nécessairement de même des autres revendications du brevet EP 578, qui sont toutes dépendantes de la revendication 1 et ne font qu'y ajouter d'autres caractéristiques ; comme pour les revendications 2, 3, et 4 du brevet EP 289. Quant aux revendications 6, 9 et 10 du brevet EP 289, si elles sont nominalement indépendantes, elles ne le sont qu'en apparence. 94. La revendication 6 porte sur un kit comprenant des nucléotides triphosphates modifiés dont le sucre désoxyribose comporte lui-même un groupe 3'-azidométhyle, ce qui correspond à la totalité des caractéristiques de la revendication 1 ; or si la molécule implique une activité inventive, son emploi dans un kit l'implique tout autant. De même, la revendication 9 porte sur une molécule contenant plusieurs des molécules protégées par la revendication 1, et est donc aussi inventive qu'elle. La revendication 10, enfin, porte sur le procédé de séquençage utilisant cette molécule ; elle implique donc a minima la même activité inventive. 95. La société MGI ne démontre pas que l'une quelconque des revendications des brevets EP 578 et EP 289 découlait de manière évidente de l'état antérieur de la technique pour l'homme du métier. Sa demande de nullité est donc rejetée. III . Sur la contrefaçon 1 . Sur les preuves a) Sur la saisie-contrefaçon du 30 septembre 2020 96. La société MGI soutient que :- une action en nullité étant déjà pendante, la demande aurait dû être présentée au président de la chambre saisie de cette action et non au président du tribunal,- le tribunal judiciaire de Paris, confirmé par la cour d'appel de Paris le 25 juin 2021, a jugé dans une espèce similaire que les requêtes présentées aux fins d'établir l'existence de faits argués de contrefaçon d'un brevet, intéressant les mêmes parties et les mêmes produits, sont bien afférentes à la procédure en nullité du brevet ;- la saisie effectuée sans avoir été dûment autorisée est donc nulle, de même que les procès-verbaux de saisie qui en résultent. A la suite de l'arrêt de la Cour de cassation du 1er février 2023, elle indique que sa contestation est un moyen de fond portant sur la validité des preuves qui lui sont opposées et n'est aucunement une exception d'incompétence, ainsi que l'a clairement jugé la Cour de cassation (Com., 14 septembre 2010, pourvoi no09-69.862). 97. La société Illumina Cambridge oppose que :- la requête en contrefaçon portait aussi sur la contrefaçon de trois autres brevets : EP 433, EP 412 et EP 415 ; - à la date de présentation de sa requête aux fins de saisie-contrefaçon, la 3ème chambre n'était saisie d'aucune instance en contrefaçon de sorte qu'elle ne pouvait être afférente à l'instance en cours et n'était pas du tout saisie d'instance incluant les brevets EP 433, EP 412 et EP 415;- pour définir le terme afférent, il est possible de raisonner par analogie avec les conditions d'application des articles 789 et 70 du code de procédure civile et la qualification d'afférente est incertaine lorsqu'il s'agit d'une prétention future non encore présentée ;- le juge des requêtes ayant autorisé la saisie-contrefaçon était parfaitement informé de l'existence de la procédure en nullité des brevets EP 578 et EP 289.Elle ajoute que l'arrêt de la Cour de cassation du 1er février 2023 ne définit pas le terme "afférent" utilisé dans l'article 845 du code de procédure civile mais qu'il a posé que l'exception d'incompétence, distincte de la fin de non recevoir tirée du défaut de pouvoir du juge ayant signé la requête, doit être soulevée avant toute défense au fond. Sur ce, 98. L'article L. 716-7 du code de la propriété intellectuelle confère au président du tribunal judiciaire une compétence exclusive pour autoriser toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon à faire procéder à la saisie des produits ou des services dont il prétend qu'ils constituent la contrefaçon de son titre. L'article 845, alinéa 3, du code de procédure civile prévoit que toute requête afférente à une affaire en cours doit être présentée au président de la chambre saisie ou à laquelle l'affaire a été distribuée ou au juge déjà saisi. 99. Dès lors que la juridiction est saisie au fond, seul l'article 845 du code de procédure civile est applicable à l'exclusion de l'article L. 716-7 du code de la propriété intellectuelle (Com., 14 février 2012, pourvoi no 11-12.619) si la mesure de saisie-contrefaçon sollicitée est afférente à l'instance au fond. 100. La requête aux fins de saisie-contrefaçon dans les locaux du CEA a été présentée par la société Illumina Cambridge au président du tribunal judiciaire de Paris le 23 septembre 2020, soit quatre mois après l'introduction de la présente instance. Les opérations ont été réalisées le 30 septembre 2020. 101. Au cas présent, la procédure dont se trouvait saisie la juridiction avant la présentation de la requête avait pour objet la contestation de la validité des brevets EP 578 et EP 289. L'action en contrefaçon n'avait pas encore été initiée par la société Illumina Cambridge et la requête qu'elle a présentée le 23 septembre 2020 était fondée sur ces mêmes titres, quand bien même elle visait aussi trois autres brevets, aux fins d'établir leur contrefaçon par le demandeur à la nullité. 102. La requête du 23 septembre 2020 était donc bien afférente à la procédure en cours au sens de l'article 845 précité comme portant sur les mêmes titres, intéressant les mêmes parties et les mêmes produits et procédés. 103. La requête afin de saisie-contrefaçon du 23 septembre 2020 ayant été présentée à un juge incompétent pour l'autoriser, la saisie a été conduite sans avoir été régulièrement autorisée et il y a lieu d'annuler le procès-verbal de la saisie-contrefaçon du 30 septembre 2020 et le procès-verbal d'ouverture des scellés du 6 novembre 2020 en résultant et d'ordonner la restitution au saisi des documents et échantillons saisis, à l'exception du kit neuf de modèle DNBSEQ-G400RS High-throughput Sequencing Kit FCL PE100 qui a été analysé par la société Eurofins. La société MGI est mal venue à soulever le défaut de preuve du paiement de ce kit dès lors qu'elle-même en a été réglée par le CEA. b) Sur la saisie-contrefaçon du 10 mars 2022 104. La société MGI soutient que :- si l'huissier était autorisé à saisir des factures indiquant le prix de vente des produits litigieux, il devait les inventorier par une description sommaire et générique dans son procès-verbal pour sauvegarder le secret des affaires or il a fait une description très précise d'un bon de commande divulguant le prix de sorte qu'il a outre passé sa mission et que son procès-verbal est nul ;- cet excès de pouvoir est à l'origine d'un préjudice qui doit être réparé par l'allocation de dommages et intérêts. 105. La société Illumina Cambridge oppose que :- l'huissier n'a pas outrepassé les termes de la décision autorisant la saisie-contrefaçon puisqu'il était autorisé à saisir les informations comptables et financières relatives aux produits argués de contrefaçon, même si elles relevaient du secret des affaires ;- la violation du secret des affaires n'est pas sanctionnée par la nullité du procès-verbal mais engage seulement la responsabilité civile de l'huissier ;- il n'y aurait aucune raison d'écarter l'intégralité de ses constatations ;- le prix de vente des marchandises n'est pas un secret des affaires en l'espèce, et la société MGI n'a pas mis en oeuvre les procédures lui permettant de le protéger,- la société MGI n'a subi aucun préjudice du fait de l'une ou l'autre des saisies-contrefaçon, réalisées pour des raisons clairement énoncées permettant au CEA d'apprécier la portée de la mesure et l'huissier a ensuite conduit ses opérations de façon discrète, avec une équipe réduite au strict minimum (accompagné d'un seul conseil en propriété industrielle). Sur ce, 106. Le dispositif de l'arrêt de la cour d'appel de Paris ayant autorisé la saisie contrefaçon a prévu : "Dit que les pièces éligibles à la protection au titre du secret des affaires pourront être placées sous séquestre provisoire dans les conditions de l'article R. 615-2 du code de la propriété intellectuelle renvoyant à l'article R. 153-1 du code de commerce, étant précisé que le secret des affaires couvre, conformément à l'article L. 151-1 du même code, une information répondant aux critères cumulatifs suivants : - elle n'est pas en elle-même ou dans la configuration et l'assemblage exacts de ses éléments, généralement connue ou aisément accessible pour les personnes familières de ce type d'informations en raison de leur secteur d'activité ; - elle revêt une valeur commerciale, effective ou potentielle, du fait de son caractère secret ; - elle fait l'objet de la part de son détenteur légitime de mesures de protection raisonnables, compte tenu des circonstances, pour en conserver le caractère secret ; Autorise néanmoins l'huissier à inventorier ces documents par une description sommaire et générique dans son procès-verbal". 107. Lors des opérations de saisie-contrefaçon, le commissaire de justice a procédé à la saisie de documents entrant incontestablement dans le champ de sa mission et a procédé à leur description précise ainsi qu'il y est tenu.S'agissant de l'exécution du chef de dispositif reproduit supra, il n'entre pas dans ses compétences de juger quelles pièces ressortissent de la définition de l'article L. 151-1 du code de commerce de sorte que le fait de ne pas s'être borné au cas particulier à une description sommaire et générique de l'une d'elles ne caractérise pas un dépassement de sa mission par rapport à l'autorisation donnée par la cour d'appel. 108. La société MGI ne saurait être suivie lorsqu'elle affirme que le prix de vente mentionné est une information confidentielle au sens du texte précité alors que, au cas présent, elle n'a pas protesté lorsqu'elle a reçu notification du procès-verbal le 11 mars 2022 (ce dont il se déduit que la troisième condition précitée n'est pas remplie), n'a pas mis en oeuvre les procédures ouvertes en cas d'atteinte au secret des affaires et s'est bornée à solliciter pour ce motif la nullité des opérations par ses conclusions au fond du 5 août 2022. 109. Il y a lieu de rejeter la demande de nullité du procès-verbal de la saisie-contrefaçon. c) Sur les autres modes de preuves 110. La société MGI soutient que :- les informations disponibles sur son site internet, son webinaire et l'article de la revue Genome Web de mars 2019 ne révèlent pas la chimie de séquençage utilisée, de même que les manuels d'utilisation qui ne sont pas d'ailleurs édités pour un public français ;- la product and process description du 3 juin 2020 ne concerne que des produits importés au Royaume-Uni et ne pouvait être utilisée que dans la procédure anglaise ;- aucune des dépositions de 2020 et 2021 des docteurs [Z] et [J] effectuées dans les procédures parallèles ne permet de prouver que les brevets en litige sont contrefaits en France à la période visée car il n'est pas établi qu'ils aient compris les questions posées et qu'ils n'ont rien dit de la chimie utilisée aujourd'hui ;- le site Internet du CEA indique seulement qu'il possède des séquenceurs DNBSEQ-G400 mais pas que ceux-ci reproduisent toutes les caractéristiques revendiquées du brevet ;- sur les cinq rapports de la société Eurofins analysant cinq kits de séquençage différents, trois portent sur des échantillons dont l'origine n'est pas démontrée et deux ont été saisis au CEA et ne sont donc pas exploitables ; - toutes les analyses réalisées par cette société comparent des produits prétendument produits par elle (mais dont la provenance n'est ni documentée ni valide) et un produit de référence pas plus documenté et sont affectées d'un biais méthodologique car elles cherchent à établir que la composition des deux produits est identique. 111. La société Illumina Cambridge oppose que :- elle fait analyser des kits de réactifs de séquençage MGISEQ-2000RS High-throughput Sequencing Kit Model PE150 nécessaires à la mise en oeuvre de la SBS sur un séquenceur MGISEQ-2000RS, BGISEQ-500RS High-throughput Sequencing Kit Model PE100 pour la mise en oeuvre sur un séquenceur BGISEQ-500/BGISEQ-500RS, DNBSEQ-G400RS High-throughput Sequencing Kit Model FCL PE100 à utiliser sur des séquenceurs DNBSEQ-G400RS deux kits DNBSEQ-G400RS High-throughput Sequencing Kit FCL PE200 et un kit de modèle DNBSEQ-G400RS High-throughput Sequencing Kit FCS PE150 lors de la saisie-contrefaçon du 10 mars 2022 et a fait analyser les rapports par le docteur [I] ;- la société MGI se trahit en renvoyant, pour étayer ses dires, aux mêmes sources qu'elle juge insuffisantes quand elles lui sont opposées;- la méthode employée par la société Eurofins est largement répandue pour identifier précisément la composition d'une molécule ;- ces analyses ont toutes conduit aux mêmes résultats, à savoir que les nucléotides contenus dans ces kits comprennent tous un groupe de blocage 3'-O-azidométhyle, confirmées par le docteur [I]. Sur ce, 112. Aux termes de l'article 9 du code de procédure civile, "il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention". L'article 3 de la directive 2004/48 du Parlement européen et du Conseil relative au respect des droits de propriété intellectuelle préconise que "les mesures, procédures et réparations [prévues par les Etats membres pour assurer le respect des droits de propriété intellectuelle] doivent être loyales et équitables, ne doivent pas être inutilement complexes ou coûteuses" et son considérant 20 expose "Étant donné que la preuve est un élément capital pour l'établissement de l'atteinte aux droits de propriété intellectuelle, il convient de veiller à ce que des moyens de présenter, d'obtenir et de conserver les éléments de preuve existent effectivement". 113. C'est à juste titre que la société MGI soutient qu'il appartient au demandeur de démontrer la contrefaçon alléguée et que la société Illumina Cambridge lui oppose que, si la preuve d'un fait est raisonnablement rapportée, il appartient à celui qui la conteste d'étayer ses allégations, sans inverser pour autant la charge de la preuve.Le tribunal appliquera ces principes à l'examen des prétentions des parties. 114. La product and process description (PPD) du 3 juin 2020 de la société MGI avait pour objet de décrire, à la demande du juge anglais, les séquenceurs, kits et réactifs fournis au Royaume-Uni.Ceux-ci portent les mêmes références que les produits fournis en France et la société MGI ne donne aucune explication, ni même d'exemple, permettant de suspecter qu'il s'agirait de produits différents.Par ailleurs, elle ne conteste pas les termes de la consultation de M. [O] [U], sollicitor, du 21 avril 2021 selon laquelle, conformément à l'annexe 5 de l'ordonnance finale du juge Birss du 18 février 2021, seuls les paragraphes 3.3(a)-(c), 3.10, 3.11, 4.3, 4.9 et la figure 6 de la PPD demeurent confidentiels de sorte que les autres informations qui y sont contenues peuvent être communiquées dans la présente action. Cette pièce sera donc examinée. 115. Les dépositions sous serment, respectivement du 15 avril 2020 et du 5 février 2021 des docteurs [J] et [Z] devant des juges américains et celle du docteur [P] du 9 novembre 2021 devant un juge suédois sont contemporaines des faits de contrefaçon allégués en France (l'appel d'offres du CEA ayant été lancé en 2019 et exécuté quelques mois plus tard).L'argument selon lequel ces personnes auraient pu ne pas comprendre les questions qui leur étaient posées en justice, s'agissant de cadres scientifiques de la société MGI et d'experts, spécialistes de la SBS et interrogés dans le cadre de procès en contrefaçon, n'est pas sérieux.Ces éléments seront donc examinés. 116. S'agissant des analyses de la société Eurofins et de leur analyse par le docteur [I], ces personnes sont indépendantes des parties. Elles ont appliqué des techniques classiques, bien connues des parties et dont le sérieux n'est pas contesté, pour analyser notamment les produits saisis dans les laboratoires du CEA et des produits dont la fabrication par la société MGI n'est pas discutée.Quant au biais méthodologique allégué, la société MGI ne décrit aucun autre protocole expérimental dont elle aurait admis les conclusions et n'en tire aucune conséquence, notamment pas le risque d'erreur qui affecterait ses résultats qui ne sont aucunement contestés sur le fond.Ces éléments seront donc examinés. 117. La société MGI laisse entendre à plusieurs reprises dans ses conclusions que ses réactifs et séquenceurs référencés de la même façon seraient susceptibles de contenir des chimies et des procédés différents selon les pays où ils ont été exportés entre 2019 et 2022 de sorte que les éléments prétendument probants n'auraient pas de base factuelle. Cette audacieuse position n'est corroborée par aucune illustration, ne serait-ce qu'avec un exemple.Aucune des déclarations en justice et dans la presse de ses représentants, des informations figurant sur ses sites internet, de ses documents publics de marketing ni manuels saisis entre les mains du CEA n'évoque le fait que les références identiques des produits MGI auraient des caractéristiques et performances différentes lorsqu'ils sont vendus dans des pays différents sur ces périodes.Il y a donc lieu de retenir que les différentes références citées dans les pièces désignent des produits de même composition et appliquant les mêmes technologies quelles que soient leur date de mise en vente et leur pays de destination. 118. Toutes les contestations de principe de la société MGI sur les autres modes de preuves de la contrefaçon sont donc rejetées. d) sur les demandes reconventionnelles en dommages et intérêts 119. La société MGI soutient que:- la mise en oeuvre d'une saisie-contrefaçon sans autorisation régulière constitue une faute civile,- il en est résulté pour elle un dommage considérable sur la relation commerciale entre elle et le CEA chez qui la saisie-contrefaçon a eu lieu. 120. La société Illumina Cambridge oppose que :- la société MGI a délibérément pris le risque de saisies contrefaçon en commercialisant en France des séquenceurs et réactifs alors même que des actions en contrefaçon existaient dans plusieurs autres pays ;- les condamnations prononcées dans plusieurs autres pays sont plus de nature à expliquer une dégradation des relations commerciales de la société MGI qu'une saisie-contrefaçon ;- les conséquences dommageables alléguées ne sont établies ni dans leur principe ni dans leur exorbitant quantum. Sur ce, 121. L'article 1240 du code civil dispose "Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer".Toute action en justice est susceptible de dégénérer en abus en cas de faute caractérisée dans l'exercice de ces voies de droit tels qu'une intention de nuire ou une erreur grossière d'appréciation. 122. La saisine d'un juge incompétent ne constitue pas en elle-même une faute. Or, la société MGI ne caractérise aucune faute de la société Illumina Cambridge à l'occasion de la saisine du président du tribunal judiciaire de Paris de sa requête en saisie-contrefaçon plutôt que le président de la chambre saisie d'un litige afférent.En toute hypothèse, à l'appui du montant de 1.000.000 d'euros qu'elle demande, elle ne caractérise aucun dommage, l'altération alléguée de ses relations commerciales avec le CEA n'étant corroborée par aucune pièce. 123. Il y a donc lieu de rejeter la demande. 2 . Sur la contrefaçon 124. La société Illumina Cambridge soutient notamment que :- l'appel d'offres lancé en décembre 2019 par le CEA concernant la fourniture de deux séquenceurs et les lettres du CEA du 23 avril 2020 l'informant de ce que le marché a été attribué à la société MGI et du 15 février 2021 mentionnant expressément les séquenceurs DNBSEQ-G400RS et réactifs acquis auprès de MGI caractérisent les faits de contrefaçon en France ;- comme le démontrent de multiples pièces, les nucléotides des kits de réactifs MGI StandardMPS et CoolMPS qui sont utilisés pour mettre en oeuvre la technologie de séquençage dans les différents séquenceurs MGI comprennent tous un groupe de blocage azidométhyle de 3'-OH retirable qui reproduisent toutes les caractéristiques des nucléotides modifiés selon l'une des alternatives objet de la revendication 1 du brevet EP 578 et selon la revendication 1 du brevet EP 289 et les procédés (incorporation, imagerie, élimination) sont les mêmes que ceux décrits dans les brevets ;- la société MGI n'apporte aucune preuve de ce que les kits et plateformes de séquençage offerts, importés et livrés en France pourraient différer de ceux commercialisés dans les autres pays où ils ont été considérés contrefaisants des parties nationales des mêmes brevets européens comme l'ont relevé les juges suédois et belge ;- la société MGI se trahit en s'opposant aux mesures réparatrices sollicitées au prétexte qu'elle serait désormais en mesure de mettre sur le marché des produits non contrefaisants ;- il n'est pas possible de mettre en oeuvre les procédés revendiqués de SBS sans séquenceur et les séquenceurs incriminés sont aptes et destinés à mettre en oeuvre l'invention objet des revendications opposées, qu'il s'agisse des revendications de procédé ou de produit obtenu au cours du processus de séquençage par synthèse (polynucléotide ou nucléotide doté d'un marqueur) ;- la fourniture de séquenceurs paramétrés pour fonctionner avec les réactifs StandardMPS et CoolMPS porte atteinte à ses brevets car ils constituent un moyen se rapportant à un élément essentiel de l'invention, comme plusieurs juridictions américaine, allemande, espagnole, belge, suisse et suédoise l'ont déjà jugé. 125. La société MGI oppose principalement que :- aucune preuve de faits de contrefaçon commis en France n'est rapportée ;- les informations disponibles sur son site internet, son webinaire et l'article de la revue Genome Web de mars 2019 ne révèlent pas la chimie de séquençage utilisée, de même que les manuels d'utilisation, qui ne sont pas d'ailleurs édités pour un public français ;- aucune des dépositions effectuées dans les procédures parallèles ne permet de prouver que les brevets en litiges sont contrefaits en France à la période visée ;- le site Internet du CEA indique seulement qu'il possède des séquenceurs DNBSEQ-G400 mais pas que ceux-ci reproduisent toutes les caractéristiques revendiquées du brevet ;- il n'y a pas de contrefaçon des revendications 1, caractéristique 4, 4 et 30 du brevet EP 578 qui en dépendent et sont limitées aux molécules dans lesquelles Z contient un groupe R" ;- il n'y a pas de contrefaçon du brevet EP 289 en l'absence de groupe de blocage directement lié à l'atome de carbone en position 3' ;- il n'y a pas de contrefaçon des revendications 6, 7 et 9 du brevet EP 578 (et 2, 3 et 4 du brevet EP 289) par certains réactifs StandardMPS qui n'ont pas de marqueur détectable lié à la base par un lieur clivable ou non clivable, ni par les réactifs CoolMPS qui ne sont pas marqués, les anticorps utilisés ne pouvant pas constituer des lieurs au sens des brevets en litige, n'étant pas clivables et ne liant pas le nucléotide au marqueur via la base ;- il n'y a pas de contrefaçon des revendications de procédé ;- la disposition dérogatoire de contrefaçon par fourniture de moyens est d'interprétation stricte et n'a pas vocation à se cumuler avec la contrefaçon directe ;- les séquenceurs ne constituent pas un moyen, a fortiori essentiel, des nucléotides modifiés et la société Illumina Cambridge fait une confusion sur cette notion en l'étendant à des machines qui seraient adaptées à la fabrication d'un produit breveté, comme l'ont retenu les tribunaux finlandais et suisse ;- un séquenceur, quand bien même il implémenterait un logiciel de manière à fonctionner avec des réactifs, a une configuration permettant de la reprogrammer pour fonctionner avec d'autres types de réactifs ;- les séquenceurs ne constituent pas un moyen, a fortiori essentiel, des revendications de procédé 12 et 17 du brevet EP 578 et 10 du brevet EP 289 faute de preuve d'actes d'offre d'utilisation de la méthode revendiquée que MGI réaliserait sur le territoire français- le caractère contrefaisant des revendications 6, 7 et 9 du brevet EP 578 et 2 à 4 du brevet EP 289 des réactifs CoolMPS n'est pas démontré car les marqueurs ne sont pas liés à la base ;- la société Illumina Cambridge ne démontre pas plus que les séquenceurs seraient spécifiquement configurés pour fonctionner avec des réactifs brevetés plutôt qu'avec tout autre type de réactif. Sur ce, 126. L'article L. 613-3 du code de la propriété intellectuelle interdit, sans l'autorisation du breveté,"a) La fabrication, l'offre, la mise dans le commerce, l'utilisation, l'importation, l'exportation, le transbordement, ou la détention aux fins précitées du produit objet du brevet ;b) L'utilisation d'un procédé objet du brevet ou, lorsque le tiers sait ou lorsque les circonstances rendent évident que l'utilisation du procédé est interdite sans le consentement du propriétaire du brevet, l'offre de son utilisation sur le territoire français ;c) L'offre, la mise dans le commerce, l'utilisation, l'importation, l'exportation, le transbordement ou la détention aux fins précitées du produit obtenu directement par le procédé objet du brevet" et l'article L. 613-4 "la livraison ou l'offre de livraison, sur le territoire français, à une personne autre que celles habilitées à exploiter l'invention brevetée, des moyens de mise en oeuvre, sur ce territoire, de cette invention se rapportant à un élément essentiel de celle-ci, lorsque le tiers sait ou lorsque les circonstances rendent évident que ces moyens sont aptes et destinés à cette mise en oeuvre".127. Il est établi par le procès-verbal de saisie-contrefaçon du 10 mars 2022 que, dans les locaux du CEA à [Localité 4], se trouvaient :- deux séquenceurs de marque MGI modèle DNBSEQG400 et deux manuels d'utilisation,- un cahier d'utilisation des séquenceurs établissant huit utilisations antérieures de kits pour le premier et des déclarations des présents établissant six utilisations antérieures de kits pour le second,- trois kits de séquençage (références DNBSEQG400GR High-throughtput sequencing FCS PE150 et PE200),- différentes pièces contractuelles, mentionnant explicitement la société MGI International Sales Co., relatives aux deux séquenceurs et aux consommables associés du 2 mai 2020 parmi lesquelles un accord-cadre du 29 mai 2020 dont l'annexe 2 comporte les tarifs de 3 références de sets CoolMPS High-throughtput sequencing (FCL SE 50, SE 100 et PE100) et 15 références de sets DNBSEQ-G400RS High-throughtput sequencing, dont il n'est pas discuté qu'ils correspondent au StandardMPS. 128. Ces éléments démontrent l'offre et la mise en vente de réactifs CoolMPS et StandardMPS et de séquenceurs DNBSEQG400 en France par la société MGI dans le cadre d'un marché public. a) Sur le caractère contrefaisant des kits et des réactifs 129. La société Illumina Cambridge démontre que les deux séries de réactifs mentionnés sur les documents saisis au CEA contiennent tous des nucléotides modifiés comportant un groupe de blocage azidométhyle retirable.Cette preuve est rapportée par de très nombreux éléments concordants émanant de la société MGI elle-même tels que les extraits de son site internet (contenu éditorial sur la technique de séquençage MGI, les réactifs StandardMPS et webinaire), les déclarations en justice de ses représentants, évoquées supra, décrivant les caractéristiques chimiques et fonctionnelles de ces réactifs, les déclarations à la presse de scientifiques du groupe MGI du 20 février 2020 décrivant la chimie CoolMPS, ainsi que par l'analyse du kit High-throughput PE-200 saisi le 10 mars 2022 par la société Eurofins le 20 mai 2022. 130. Du reste, les seules contestations opposées par la société MGI au grief de contrefaçon des revendications 1, 4 et 30 du brevet EP 578 et de la revendication 1 du brevet EP 289 par les réactifs StandardMPS que CoolMPS sont les mêmes que celles ayant fondé les moyens, écartés supra, d'insuffisance de description des revendications 1, caractéristique 4, 4 et 30 du brevet EP 578 (point 25) et d'extension de l'objet de la revendication 1 du brevet EP 289 (points 35 à 42).Sur la première, le tribunal constate à nouveau que l'utilisation d'un groupe de blocage azidométhyle correspond à l'une des formulations alternatives de la revendication 1 du brevet EP 578 et sa reproduction suffit à caractériser la contrefaçon de celle-ci quand bien même cette formulation ne comporte pas de groupe R".Quant à la seconde, il a été jugé que, dans la revendication 1 du brevet EP 289, l'homme du métier aurait compris, à la lumière de la description, que les mots "groupe 3'-azidométhyle" comme désignant un groupe 3'-O-azidométhyle.Il convient d'écarter ces contestations mal fondées et de constater la contrefaçon par la société MGI de ces revendications. 131. De plus, la description du procédé figurant dans la product and process description précitée indique expressément que les réactifs StandardMPS présentent aussi les caractéristiques des revendications 6 (une base liée à un marqueur détectable), 7 (par un lieur clivable) et 9 (marqueur détectable de type fluorophore) du brevet EP 578 et 2 à 4 du brevet EP 289.A cet égard, la société MGI soulève dans ses écritures deux contre-exemples pour deux types de réactifs StandardMPS (le variant bicolore et le variant DNBSEQ E) qui ne sont pas des références de l'annexe 2 de l'accord cadre de fournitures de consommables conclu avec le CEA, de sorte que cette objection est sans portée. La contrefaçon de ces revendications est donc établie. 132. S'agissant des réactifs CoolMPS, il s'évince de l'article Genoweb du 4 mars 2019 précité et des explications des parties que les nucléotides modifiés ne sont pas marqués avec un marqueur fluorescent lié à la base par un lieur clivable mais que l'identification de la base est réalisée par un anticorps monoclonal, lui-même pourvu d'un marqueur lié uniquement au bloc 3', qui vient interagir et est éliminé sans être clivé.Il n'est pas contesté que le marqueur de l'anticorps est un fluorophore mais, la revendication 9 du brevet EP 578 (2 du brevet EP 289) est dépendante des revendications 6 et 7 du brevet EP 578 (3 et 4 du brevet EP 289).Dès lors, la contrefaçon de ces revendications par les réactifs CoolMPS n'est pas établie, ni de façon directe, ni par fourniture de moyens. 133. La contrefaçon des revendications 25 du brevet EP 578 et 6 du brevet EP 289 (kit) par les réactifs StandardMPS n'est contestée par la société MGI qu'au bénéfice des contestations rejetées des revendications 1. Elle est établie par la saisie-contrefaçon qui a permis de constater la présence de trois kits de séquençage et l'offre de vente de plusieurs références de ceux-ci. 134. La contrefaçon par fourniture de moyens des revendications 29 du brevet EP 578 et 9 du brevet EP 289 n'est contestée qu'au bénéfice des contestations rejetées des revendications 1. Elle est démontrée par le fait que la fourniture de kits de réactifs de SBS, tant StandardMPS que CoolMPS, conduit à l'incorporation de nucléotides modifiés dans un brin en croissance qui constitue un oligonucléotide (ou polynucléotide).Elle est donc établie. 135. S'agissant des revendications de procédé 12 et 17 (telle que limitée supra) du brevet EP 578 et 10 du brevet EP 289, leur contrefaçon est seulement contestée en ce que la société MGI n'offrirait pas l'utilisation de ces procédés sur le territoire français.Or, elle a livré, avec les séquenceurs et les réactifs, un manuel d'utilisation et diffuse sur son site internet un webinaire qui décrit les procédés, dans les mêmes termes que ces revendications. En offrant à la vente la plate-forme de séquençage, les nucléotides modifiés précisément pour permettre le blocage réversible de la synthèse du brin séquencé, nucléotide après nucléotide, selon la méthode décrite aux revendications précitées, elle s'est rendue coupable de contrefaçon de ces revendications par fourniture de moyens. b) Sur le caractère contrefaisant des séquenceurs 136. Il n'est pas discuté que l'article L. 613-4 précité est un texte dérogatoire, permettant d'étendre la protection du brevet à des actes qui ne résultent pas directement de la reproduction de ses revendications. S'il a été pensé pour pouvoir reprocher à une personne n'effectuant pas d'actes de contrefaçon directe d'avoir procuré à un tiers, en connaissance de cause, les moyens de le faire, ce texte n'exclut pas qu'il soit opposé aussi à une personne à qui il est également reproché des actes de contrefaçon directe.La société MGI ne saurait donc être suivie lorsqu'elle conteste le principe du cumul des demandes sur le fondement de la contrefaçon directe et par fourniture de moyens. 137. L'application de ce texte suppose la fourniture d'un moyen spécialement conçu pour fonctionner en association avec l'objet de la revendication, quel qu'il soit, mais pas celle de tous les moyens nécessaires (Com., 8 juin 2017, pourvoi no15-29.378).Ce moyen doit également se rapporter à un élément essentiel de l'invention, c'est-a-dire nécessaire à sa mise en oeuvre pour atteindre son résultat.Le texte n'exige pas que le moyen fourni soit exclusivement destiné à la mise en oeuvre de l'invention. Il est donc indifférent à l'analyse de l'espèce que les séquenceurs litigieux puissent aussi fonctionner avec des réactifs non contrefaisants moyennant un nouveau paramétrage du logiciel (à supposer ces circonstances démontrées). 138. Les séquenceurs offerts à la vente en France par la société MGI ne sont pas couverts par les revendications des brevets en litige. 139. Ainsi que rappelé au point 4 supra, l'objet de l'invention est la création de nucléotides chimiquement modifiés pour pouvoir être incorporés dans un brin ADN séquencé mais aussi bloquer le processus, permettre l'identification de la base et éliminer le groupe de blocage pour permettre la reprise de la synthèse et la répétition du cycle, sans dénaturer le brin d'ADN. Or, la société Illumina Cambridge soutient à juste titre et démontre que les plate-formes de séquençage livrée au CEA permettent à ce dernier de mettre en oeuvre le procédé selon les revendications 12, 17 et 29 du brevet EP 578 et 9 et 10 du brevet EP 289. 140. Les séquenceurs, ayant été vendus au CEA spécialement pour réaliser des SBS en utilisant seulement des réactifs StandardMPS et CoolMPS, objets d'un contrat cadre de fournitures et accompagnés de manuels d'utilisation, constituent bien un moyen apte et destiné à la mise en oeuvre de l'invention brevetée, ce que la société MGI ne prétend pas avoir ignoré.Dès lors, il y a lieu de constater que les séquenceurs MGI modèle DNBSEQG400 contrefont les revendications 12, 17 et 29 du brevet EP 578 et 9 et 10 du brevet EP 289 par fourniture de moyens. c) Sur les mesures de réparation 141. La société Illumina Cambridge soutient que :- à supposer que les nouveaux réactifs HotMPS de la société MGI soient bien une alternative viable disponible en France, seules deux références de séquenceurs DNBSEQ-G400 pourraient fonctionner avec ceux-ci, moyennant un paramétrage logiciel, et seraient encore aptes à mettre en oeuvre sa technologie brevetée ;- la mesure d'interdiction prononcée par le tribunal devra porter sur les réactifs StandardMPS et CoolMPS et les six gammes de séquenceurs visées susceptibles de fonctionner avec des nucléotides ayant un groupe de blocage 3'O-azidométhyle ;- les actes de commercialisation des séquenceurs aptes et destinés à utiliser les réactifs de séquençage contrefaisants constituent des actes de contrefaçon à part entière ;- les mesures demandées dans la présente instance ont été appliquées au Royaume-Uni ;- les standards de protection posés par la directive 2004/48 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle prévoient que les sanctions doivent non seulement être proportionnées mais aussi effectives et dissuasives ;- la considération d'un principe de proportionnalité n'est pas de nature à remettre en cause la durée de protection conférée par un brevet ;- pour s'insérer sur le marché des NGS, la société MGI a copié sa technologie brevetée plutôt que de poursuivre, comme d'autres concurrents, sa propre solution ce qui tend à démontrer non pas le caractère mineur de l'invention revendiquée, mais bien son caractère déterminant dans les produits incriminés ;- les mesures qu'elle demande ne portent pas sur les équipements du type de ceux fournis en nombre au gouvernement français permettant de préparer les échantillons utiles à la réalisation de tests PCR ;- les injonctions demandées ne visant pas l'utilisation des séquenceurs avec des réactifs autres que ceux mettant en oeuvre sa technologie brevetée, la liberté d'entreprendre de la société MGI conformément aux usages loyaux du commerce n'est aucunement bridée ;- les mesures de publication sur des sites professionnels s'adressent à la communauté scientifique et professionnelle qui suit de près les évolutions du secteur et auprès de laquelle la société MGI a fait la promotion de produits contrefaisants, elles ne font pas double emploi avec l'information des détenteurs de séquenceurs contrefaisants. 142. La société MGI oppose que les mesures doivent être rejetées au regard du principe de proportionnalité car :- elles sont contraires à l'intérêt général, ses produits jouant un rôle essentiel dans la lutte contre la COVID-19 en France ;- elles auraient pour effet de l'exclure du marché français du séquençage au-delà de la date d'expiration des brevets litigieux (le 22 août 2023), les séquenceurs ayant une durée de vie d'environ cinq ans ;- l'interdiction des réactifs suffirait à mettre fin à la contrefaçon alléguée et l'interdiction des séquenceurs limiterait indûment sa liberté d'entreprendre ;- aucun de ses produits ne se trouve dans les circuits commerciaux français de sorte que les mesures de rappel sont sans objet ;- l'information à toutes personnes en possession de séquenceurs MGI en France afin de les informer de l'issue de la présente procédure fait double emploi avec d'éventuelles mesures de publication et produirait des conséquences irréparables, extrêmement difficiles à compenser dans le cas où le jugement à intervenir serait par la suite infirmé. Sur ce, 143. Aux termes de l'article L. 615-7-1 du code de la propriété intellectuelle, "en cas de condamnation civile pour contrefaçon, la juridiction peut ordonner, à la demande de la partie lésée, que les produits reconnus comme produits contrefaisants et les matériaux et instruments ayant principalement servi à leur création ou fabrication soient rappelés des circuits commerciaux, écartés définitivement de ces circuits, détruits ou confisqués au profit de la partie lésée.La juridiction peut aussi ordonner toute mesure appropriée de publicité du jugement, notamment son affichage ou sa publication intégrale ou par extraits dans les journaux ou sur les services de communication au public en ligne qu'elle désigne, selon les modalités qu'elle précise.Les mesures mentionnées aux deux premiers alinéas sont ordonnées aux frais du contrefacteur".L'article 3 de la directive 2004/48 précitée dispose :"1. Les États membres prévoient les mesures, procédures et réparations nécessaires pour assurer le respect des droits de propriété intellectuelle visés par la présente directive. Ces mesures, procédures et réparations doivent être loyales et équitables, ne doivent pas être inutilement complexes ou coûteuses et ne doivent pas comporter de délais déraisonnables ni entraîner de retards injustifiés.2. Les mesures, procédures et réparations doivent également être effectives, proportionnées et dissuasives et être appliquées de manière à éviter la création d'obstacles au commerce légitime et à offrir des sauvegardes contre leur usage abusif." 144. La contrefaçon étant établie, il y a lieu de la faire cesser durant la période restante de validité des brevets litigieux, soit jusqu'au 22 août 2023 inclus. 145. A cette fin il convient d'interdire à la société MGI de commercialiser et livrer sur le territoire français les réactifs correspondant aux désignations actuelles de StandardMPS et CoolMPS et aux plate-formes de séquençages identifiées à ce jour permettant leur utilisation, à savoir DNBSEQ-G400 (anciennement dénommé MGISEQ-2000, à l'exception des DNBSEQ-G400 no900-000493-00 et no900-000492-00), DNBSEQ-G50 (anciennement dénommé MGISEQ-200), DNBSEQ-T7 (anciennement dénommé MGISEQ-T7), DNBSEQ-G99, BGISEQ-500, BGISEQ-50. En effet, la société Illumina Cambridge est bien fondée à soutenir que les six gammes de séquenceurs doivent être interdits, la société MGI ne fournissant aucune garantie de ce qu'ils ne seraient pas aptes et destinés à mettre en oeuvre les réactifs StandardMPS et CoolMPS. En revanche, cette interdiction ne saurait s'étendre à des produits qui ne sont pas identifiés à ce jour comme contrefaisants. 146. Ces mesures viennent sanctionner la violation délibérée par la société MGI du monopole résultant des brevets pour se placer avantageusement sur un marché auquel elle n'aurait pas dû avoir accès dans ces conditions, sans exposer les investissements nécessaires à la mise au point de solutions réellement innovantes comme d'autres intervenants sur le marché des NGS. Elle est mal fondée à invoquer des conséquences excessives sur sa liberté d'entreprendre dès lors que ce monopole expirera à bref délai et d'autant moins qu'elle affirme à plusieurs reprises dans ses écritures la supériorité de ses produits non contrefaisants. S'agissant de la santé publique en France, la société MGI ne démontre aucunement son rôle essentiel dans sa protection, puisqu'elle ne conteste pas l'observation de la société Illumina Cambridge selon laquelle les équipements que le gouvernement français lui a achetés pour la réalisation de tests PCR, et dont elle se targue, sont sans aucun rapport avec les technologies en litige. 147. La résistance de la société MGI à respecter les droits tirés des deux brevets litigieux, malgré les procédures antérieures menées dans plusieurs pays et les ayant validés, justifie d'assortir ces mesures d'une astreinte telle que prévue au dispositif. 148. Il est également justifié d'ordonner le rappel des kits de séquençage contenant la chimie StandardMPS ou la chimie CoolMPS en circulation sur le territoire français. 149. Les mesures de publications sont justifiées en l'espèce et sont ordonnées dans les termes du dispositif de la présente décision. En revanche, l'information individuelle à toutes les personnes en possession de séquenceurs MGI en France afin de porter à leur connaissance l'issue de la présente procédure fait effectivement double emploi avec les publications qui visent tant la communauté scientifique que les utilisateurs de séquenceurs et réactif ; elle est rejetée. d) Sur le droit d'information et les dommages et intérêts 150. La société Illumina Cambridge soutient que :- compte-tenu du cycle de vie des séquenceurs (environ 5 ans en moyenne, bien qu'ils puissent être utilisés 7à 8 ans), la perte résultant pour elle des actes de contrefaçon sera irréparable si ceux-ci se poursuivent car elle est privée non seulement de la vente d'un séquenceur équivalent mais aussi et surtout de la vente de réactifs et des services associés ;- le groupe Illumina Cambridge a consacré des efforts et des investissements considérables à la recherche et au développement de ses produits (682 millions de dollars en 2020 et 1,185 milliard en 2021) et les agissements du groupe BGI ont banalisé et dévalorisé ses travaux, lui causant un préjudice moral important, proportionnel à la valeur technologique de l'invention objet des brevets EP 578 et EP 289 ;- en 2019, les revenus du groupe Illumina Cambridge provenaient à 19 % des instruments de séquençage, 64 % des consommables (dont les réactifs) et 17 % des services et autres revenus associés et chaque vente réalisée par le groupe BGI est une vente manquée par elle car la société MGI ne justifie pas avoir mis sur le marché français des produits permettant de réaliser un séquençage par synthèse autres que ceux reproduisant sa chimie brevetée ;- ce préjudice ne pourra être déterminé qu'une fois identifiée la totalité de la masse contrefaisante, exprimée en quantité et en chiffre d'affaires, depuis le lancement des activités de la société MGI sur le territoire français, ce qui justifie la demande de production forcée par la société MGI des éléments nécessaires à ce calcul ;- le principe d'un effet tremplin au bénéfice de la société MGI est indéniable : du fait du placement anticipé de ses produits contrefaisants, et notamment de ses plate-formes de séquençage, elle a pu constituer une clientèle auprès de laquelle elle pourra d'autant plus facilement proposer des produits non contrefaisants jusqu'à l'expiration des brevets. 151. La société MGI oppose que :- le préjudice au titre de l'atteinte portée à la valeur des brevets n'est pas caractérisée ;- le préjudice au titre de "l'effet tremplin" n'est fondé sur aucun élément sérieux, ni analyse chiffrée et elle a désormais sur le marché la gamme de réactifs HotMPS, produits non-contrefaisants. Sur ce, 152. L'article L. 615-7 du code de la propriété intellectuelle dispose que :"Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :1o Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subie par la partie lésée ;2o Le préjudice moral causé à cette dernière ;3o Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon.« Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée".En application de l'article L. 615-5-2 du même code, "si la demande lui en est faite, la juridiction saisie au fond ou en référé d'une procédure civile prévue au présent titre peut ordonner, au besoin sous astreinte, afin de déterminer l'origine et les réseaux de distribution des produits argués de contrefaçon qui portent atteinte aux droits du demandeur, la production de tous documents ou informations détenus par le défendeur ou par toute personne qui a été trouvée en possession de produits argués de contrefaçon ou qui fournit des services utilisés dans de prétendues activités de contrefaçon ou encore qui a été signalée comme intervenant dans la production, la fabrication ou la distribution de ces produits ou la fourniture de ces services .La production de documents ou d'informations peut être ordonnée s'il n'existe pas d'empêchement légitime". 153. En exploitant à son profit l'invention brevetée, la société MGI a porté atteinte à l'image d'entreprise innovante de la société Illumina Cambridge, ce qui constitue un préjudice grave dans le contexte de ce dossier, les pièces fournies par les deux parties démontrant que le marché des technologies de séquençage est très concurrentiel et fondé sur les capacités d'innovation des entreprises du secteur.Au regard des seuls faits de contrefaçon démontrés en France à ce stade (appel d'offres du CEA), le tribunal fixe les dommages et intérêts dûs au titre du préjudice moral à la somme de 50.000 euros. 154. S'agissant de la demande au titre du droit d'information, le principe de l'existence d'un préjudice économique résultant de la contrefaçon n'est pas sérieusement contestable, de même que l'avantage indu que la société MGI a déjà définitivement tiré de la vente de séquenceurs contrefaisants qui lui permettra de commercialiser sans aucun délai ses produits actuels dès que les brevets en litige seront dans le domaine public. D'ailleurs, les développements de la société MGI sur le préjudice irréparable et durable qu'elle-même subirait si on l'empêchait pendant quelques mois de commercialiser ses séquenceurs confirme qu'elle a parfaitement conscience de l'existence du préjudice invoqué par la société Illumina Cambridge du fait de la contrefaçon.Il y a donc lieu de faire droit aux demandes, y compris d'astreinte, selon le dispositif. 155. S'agissant de la provision sur dommages et intérêts en réparation des conséquences économiques négatives de la contrefaçon, la société Illumina Cambridge fournit dans ses conclusions un mode de calcul clair et fondé sur des données confirmées par les pièces de dossier qui justifie de la fixer à la somme demandée de 800.000 euros. 3. Sur l'octroi d'une licence obligatoire a) sur fondement de l'article L. 613-11 du code de la propriété intellectuelle 156. La société MGI soutient que :- la société Illumina Cambridge ne commercialise pas ses séquenceurs et réactifs en quantité suffisante pour satisfaire les besoins du marché français, surtout en raison de la crise provoquée par le virus SRAS-CoV-2 et ses variants ;- la France manque d'équipements de séquençage. 157. La société Illumina Cambridge fait valoir que la licence obligatoire n'a pas vocation à constituer une sanction au rabais de la contrefaçon, qui serait une alternative aux mesures d'interdiction sollicitées par le breveté pour se voir rétabli dans son monopole d'exploitation temporaire pour toute la durée de celui-ci. Sur le fond, elle oppose que :- elle est en mesure de satisfaire aux besoins du marché français, notamment pour le SARS-CoV-2 qui est un petit virus assez simple à séquencer, - le manque d'équipements de séquençage en France ne résulte pas de son incapacité à en fournir mais de la politique de santé publique française,- les appareils MGI commandés par le gouvernement français en avril 2020 ne sont ni des séquenceurs, ni des réactifs brevetés. Sur ce, 158. L'article L. 613-11 du code de la propriété intellectuelle dispose notamment : "Toute personne de droit public ou privé peut, à l'expiration d'un délai de trois ans après la délivrance d'un brevet, ou de quatre ans à compter de la date du dépôt de la demande, obtenir une licence obligatoire de ce brevet, dans les conditions prévues aux articles suivants, si au moment de la requête, et sauf excuses légitimes le propriétaire du brevet ou son ayant cause : (..) b) N'a pas commercialisé le produit objet du brevet en quantité suffisante pour satisfaire aux besoins du marché français."Ce texte sanctionne l'absence d'exploitation du brevet. 159. A l'appui de sa demande, la société MGI ne fournit que des affirmations, cinq articles de presse de janvier et février 2021 faisant état d'une insuffisance d'équipement en séquenceurs des laboratoires d'analyse français et trois articles de mars et avril 2021 faisant état d'équipements achetés au groupe BGI par l'Assistance Publique à [Localité 5] et à [Localité 6].Ces quelques articles sont en lien avec les besoins exprimés par des personnes interrogées en équipements divers non pourvus lors de la crise sanitaire, ainsi qu'en séquençage des variants du virus SRAS-CoV-2. Ils ne sont corroborés par aucune étude reposant sur des mesures objectives et ils imputent la situation de pénurie à une imprévoyance collective et non à une offre insuffisante.Ils indiquent au surplus que la société MGI a elle-même pourvu de nombreux établissements en équipements à cette période de crise. 160. Aucun de ces éléments n'établit, ou ne permet de suspecter l'absence de commercialisation par la société Illumina Cambridge, qui avait également répondu à l'appel d'offres du CEA gagné par la société MGI, ni l'insuffisance de l'offre par rapport aux besoins du marché français. 161. Les conditions du texte précité n'étant pas réunies, il y a lieu de rejeter la demande de licence sur ce fondement. b) Sur le fondement de l'article L. 613-15 du code de la propriété intellectuelle 162. La société MGI soutient que :- le groupe MGI a développé des solutions de séquençage très innovantes qui lui ont valu d'être récompensée aux Globee Awards 2022 ;- l'offre faite par la société Illumina Cambridge à l'appel d'offres du CEA a été rejetée parce que sa solution ne répondait pas aux spécifications techniques de l'appel d'offres et la supériorité technique de ses produits sur ceux de la société Illumina Cambridge tant en termes de capacité de séquençage que de fréquence d'erreur a également été reconnue par le Karolinska Institutet de Suède, caractérisant l'intérêt économique ;- notamment ses demandes de brevet EP 3 877 548 550 et EP 3 565 905 551, publiées en 2018 et 2020, portent sur une méthode SBS qui présente des avantages techniques et économiques évidents par rapport à celle de la société Illumina Cambridge ;- pour autant, si l'exploitation de ces progrès significatifs n'était pas possible sans contrefaire les brevets litigieux, ce qu'elle conteste, elle aurait droit à une licence dans des termes équitables. 163. La société Illumina Cambridge oppose que :- la société MGI ne démontre pas que les brevets ou demandes de brevet qu'elle invoque au soutien de sa demande seraient dans la dépendance des brevets en litige et ne pourraient être exploités sans y porter atteinte, ce qui suffit à rejeter cette demande ;- elle ne démontre pas plus que la technologie objet de l'un quelconque de ses brevets constituerait un progrès technique important et présenterait un intérêt économique considérable. Sur ce, 164. L'article L. 613-15 du code de la propriété intellectuelle dispose notamment : "Le titulaire d'un brevet portant atteinte à un brevet antérieur ne peut exploiter son brevet sans l'autorisation du titulaire du brevet antérieur ; ledit titulaire ne peut exploiter le brevet postérieur sans l'autorisation du titulaire du brevet postérieur.Lorsque le titulaire d'un brevet ne peut l'exploiter sans porter atteinte à un brevet antérieur dont un tiers est titulaire, le tribunal de grande instance peut lui accorder une licence d'exploitation du brevet antérieur dans la mesure nécessaire à l'exploitation du brevet dont il est titulaire et pour autant que cette invention constitue à l'égard du brevet antérieur un progrès technique important et présente un intérêt économique considérable." 165. Les performances techniques, succès divers et demandes de brevets de séquençage d'acides nucléiques dont se targue la société MGI ne constituent pas une démonstration de ce que ces performances reposent sur des brevets présentant un progrès technique important par rapport aux brevets en litige, ni qu'ils en constituent un perfectionnement, ni qu'ils ne peuvent être exploités sans y porter atteinte. Il n'est en effet pas soutenu que les nucléotides utilisés dans ces demandes de brevets utilisent un groupe de blocage azidométhyle.Au contraire, dans plusieurs documents versés aux débats et dans la présente procédure, la société MGI indique utiliser une chimie propriétaire nouvelle.Au surplus, les avantages économiques considérables attachés à l'exploitation de ses brevets ne sont étayés par aucune pièce objectivant cette affirmation, malgré l'interpellation sur tous ces points par les écritures adverses. 166. Les conditions du texte précité n'étant pas réunies, il y a lieu de rejeter la demande de licence sur ce fondement. IV . Sur l'abus de position dominante 167. La société MGI soutient que :- le marché pertinent est le marché mondial des nouvelles générations de systèmes de séquençage de l'ADN (NGS) ;- dans son rapport du 24 octobre 2019, l'autorité britannique de concurrence a constaté que la société Illumina Cambridge détenait une part de marché de plus de 80 % sur le marché des NGS, détenant incontestablement une position dominante ;- elle en a abusé en refusant d'accorder une licence sur ses brevets à des conditions non-discriminatoires et équitables, alors qu'ils constituent une infrastructure essentielle (indispensable, nécessaire pour créer un produit nouveau et de nature à éliminer la concurrence sur le marché sans motivation objective) et en abusant de son droit d'agir en justice pour protéger ses droits de propriété intellectuelle (en se livrant à un harcèlement judiciaire en vue d'éliminer la concurrence) ;- il en résulte pour elle un préjudice de perte de marge ou de perte de chance de réaliser une marge, de conquérir de nouveaux clients et d'investissements exposés en vain. 168. La société Illumina Cambridge oppose que :- les pièces communiquées par la société MGI démontrent que d'autres sociétés offrent sur le marché des plateformes de séquençage ADN avec des technologies distinctes, et l'innovation est un aspect-clé de la concurrence sur ce marché ;- c'est la présence sur le marché d'un acteur dont la politique consiste non pas à innover mais à contrefaire la technologie d'un autre acteur, avant l'expiration des brevets protégeant cette technologie, qui fausse le jeu normal de la concurrence ;- ses inventions brevetées ne peuvent être considérées comme des infrastructures essentielles dès lors qu'il existe des solutions alternatives économiquement raisonnables ; - les nombreuses décisions rendues par des juridictions étrangères sur la validité et la contrefaçon des brevets invoqués par elle contre la société MGI, en particulier les brevets EP 578 et EP 289, démontrent que ces actions ne sont pas sans fondement et ne sont pas mises en oeuvre dans la perspective d'éliminer la concurrence mais pour protéger les droits sur ses brevets et ses investissements en recherche et développement. Sur ce, 169. L'article L. 420-2 du code de commerce prévoit qu'est prohibée "l'exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d'entreprises d'une position dominante sur le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci." Dans sa communication du 24 février 2009 relative aux orientations sur les priorités retenues par la Commission pour l'application de l'article 82 du traité CE aux pratiques d'éviction abusives des entreprises dominantes (2009/C 45/02), la Commission européenne a indiqué : "la position dominante est définie en droit communautaire comme une situation de puissance économique détenue par une entreprise qui lui donne le pouvoir de faire obstacle au maintien d'une concurrence effective sur le marché en cause en lui fournissant la possibilité de comportements indépendants dans une mesure appréciable vis-à-vis de ses concurrents, de ses clients et, finalement, des consommateurs". 170. La Cour de justice des communautés européennes a dit pour droit : "1. Les droits accordés par un Etat membre au titulaire d'un brevet d'invention ne sont pas affectés dans leur existence par les interdictions des articles 85 , paragraphe 1, et 86 du traité.2 . L'exercice de ces droits ne saurait lui-même relever ni de l'article 85 , paragraphe 1 , en l'absence de tout accord, décision ou pratique concertée visés par cette disposition, ni de l'article 86, en l'absence de toute exploitation abusive de position dominante .3 . La supériorité du prix de vente du produit breveté sur celui du produit non breveté provenant d'un autre Etat membre n'est pas nécessairement constitutive d'abus" (CJCE, 29 février 1968, C-24/67).En réponse à une autre question préjudicielle, la Cour de justice de l'Union européenne a précisé (CJUE, 29 avril 2004, C-418/01) que le refus, opposé par une entreprise qui détient une position dominante et qui est titulaire d'un droit de propriété intellectuelle sur une structure indispensable, d'octroyer une licence pour l'utilisation de cette structure à une autre entreprise constitue un abus de position dominante au sens de l'article 82 CE dès lors que les conditions suivantes sont réunies : - l'entreprise qui a demandé la licence a l'intention d'offrir des produits ou des services nouveaux que le titulaire du droit de propriété intellectuelle n'offre pas et pour lesquels il existe une demande potentielle de la part des consommateurs, - le refus n'est pas justifié par des considérations objectives, - le refus est de nature à réserver à l'entreprise titulaire du droit de propriété intellectuelle le marché dans l'État membre concerné, en excluant toute concurrence sur celui-ci. 171. Il n'est pas discuté que la société Illumina Cambridge occupe une position de leader sur le marché du séquençage de nouvelle génération (NGS), ni qu'elle a refusé le 15 avril 2021 de concéder une licence à la société MGI lorsque celle-ci le lui a demandé. 172. Néanmoins, les arguments de la société MGI sur le fait que les brevets litigieux constitueraient une infrastructure essentielle en ce que les autres technologies de séquençage ne seraient pas économiquement viables ne sont que des affirmations, directement contredites par sa propre production du rapport de l'autorité britannique de la concurrence sur le projet de fusion de la société Illumina Cambridge et la société PacBio qui indique que, outre ces parties, quatre autres entreprises fournissent des produits et services de séquençage d'ADN.Cette position est aussi en contradiction manifeste avec ses affirmations selon lesquelles l'invention en litige a une portée très restreinte, élevées pour s'opposer aux mesures de réparation de la contrefaçon. En toute hypothèse, les autres critères nécessaires pour que le refus soit abusif ne sont même pas abordés. 173. Quant à l'exercice abusif de voies de recours destiné à anéantir la concurrence, le tribunal observe que la présente instance a été introduite par la société MGI, qu'elle fait effectivement concurrence à la société Illumina Cambridge et qu'il n'est donné aucun exemple de pratique abusive qui aurait été mise en oeuvre. 174. Les demandes (expertise et provision d'un million d'euros) à ce titre sont donc rejetées. V . Sur les autres demandes 175. La société MGI soutient qu'il y a lieu d'écarter l'exécution provisoire (au moins en ce qui concerne les mesures d'interdiction), étant donné que celle-ci est profondément incompatible avec la nature de l'affaire et la situation sanitaire actuelle. 176. La société Illumina Cambridge oppose que, loin d'être incompatible avec la nature de l'affaire, l'exécution provisoire de la décision à intervenir est non seulement de droit mais aussi particulièrement nécessaire car, à défaut d'interdiction faite à la société MGI de poursuivre les actes de contrefaçon, elle aura perdu d'ici là une part de marché qu'elle ne pourra retrouver après l'expiration de ses brevets. Sur ce, 177. La société MGI succombant dans la quasi-totalité de ses demandes, elle est condamnée aux dépens de l'instance et l'équité justifie de la condamner à payer à la société Illumina Cambridge la somme de 250.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 178. Aucune circonstance ne justifie de déroger à l'exécution provisoire de droit du présent jugement, sauf s'agissant des mesures de publication susceptibles d'effets irréversibles et de la transmission à l'INPI. PAR CES MOTIFS Le tribunal, Ecarte des débats le point 2 de la note de la société MGI du 8 février 2023 et la pièce nouvelle qui y était jointe ; Annule partiellement la revendication 17 de la partie française du brevet européen no 1 530 578 pour insuffisance de description en ce qu'elle vise la revendication 6 ; Limite la revendication 17 de la partie française du brevet européen no 1 530 578 comme suit "Procédé pour déterminer la séquence d'un polynucléotide simple brin cible, comprenant le suivi de l'incorporation séquentielle de nucléotides complémentaires, où au moins une incorporation est d'un nucléotide selon l'une quelconque des revendications 7 à 10 et où l'identité du nucléotide incorporé est déterminée par détection du marqueur lié à la base, et le groupe de blocage et ledit marqueur sont retirés avant l'introduction du nucléotide complémentaire suivant" ; Dit que la décision une fois définitive sera transmise à l'INPI pour être inscrite au registre national des brevets à l'initiative de la partie la plus diligente ; Déboute la société MGI International Sales Co., Limited de ses demandes de nullité des autres revendications no 1 à 16 et 18 à 30 de la partie française du brevet européen no 1 530 578 et des revendications no 1 à 15 de la partie française du brevet européen no 3 002 289 ; Annule le procès-verbal de la saisie-contrefaçon du 30 septembre 2020 et le procès-verbal d'ouverture des scellés du 6 novembre 2020 en résultant et ordonne la restitution des documents et échantillons saisis, à l'exception du kit neuf de modèle DNBSEQ-G400RS High-throughput Sequencing Kit FCL PE100 ; Rejette la demande à titre de dommages et intérêts de la société MGI International Sales Co., Limited du fait de la saisie-contrefaçon du 30 septembre 2020 ; Rejette la demande de nullité du procès-verbal de la saisie-contrefaçon du 10 mars 2022 ; Dit que la société MGI International Sales Co., Limited a commis des actes de contrefaçon directe ou par fourniture de moyen ? des revendications no 1, 4, 6, 7, 9, 12, 17 (telle que limitée ci-dessus), 25, 29 et 30 du brevet européen no 1 530 578 et no 1 à 4, 6, 9 et 10 du brevet européen no 3 002 289 tel que délivré en offrant, mettant dans le commerce, important, livrant, utilisant et détenant ces fins des réactifs de séquençage StandardMPS ;? des revendications no 1, 4, 12, 17 (telle que limitée ci-dessus), 29 et 30 du brevet européen no 1 530 578 et no 1 et 10 du brevet européen no 3 002 289 tel que délivré en offrant, mettant dans le commerce, important, livrant, utilisant et détenant à ces fins des réactifs de séquençage CoolMPS ;? des revendications no 12, 17 (telle que limitée ci-dessus) et 29 du brevet européen no 1 530 578 et no 9 et 10 du brevet européen no 3 002 289 tel que délivré en offrant, mettant dans le commerce, important, livrant et en utilisant des séquenceurs fonctionnant avec les réactifs de séquençage précités ; Fait interdiction à la société MGI International Sales Co., Limited, d'offrir, de mettre dans le commerce, d'importer, de livrer, d'utiliser et de détenir à ces fins sur le territoire français ? des réactifs de séquençage StandardMPS et CoolMPS, ? des sets et/ou kits de séquençage contenant lesdits réactifs et ? des séquenceurs DNBSEQ-G400 (anciennement dénommé MGISEQ-2000, l'exception des DNBSEQ-G400 no900-000493-00 et no900-000492-00), DNBSEQ-G50 (anciennement dénommé MGISEQ-200), DNBSEQ-T7 (anciennement dénommé MGISEQ-T7), DNBSEQ-G99, BGISEQ-500, BGISEQ-50 ;sous astreinte de 20.000 euros par infraction constatée relative à un séquenceur et 10.000 euros par infraction constatée relative à un set ou kit de réactifs de séquençage jusqu'au 22 août 2023; Ordonne à la société MGI International Sales Co., Limited de rappeler à ses frais tous les sets et/ou kits de séquençage contenant la chimie StandardMPS ou la chimie CoolMPS se trouvant en circulation sur le territoire français et d'en justifier après de la société Illumina Cambridge Ltd ; Ordonne à la société MGI International Sales Co., Limited de communiquer un état certifié par un cabinet d'audit internationalement reconnu, des ventes (en quantités et en chiffre d'affaires), marge brute et marge sur coûts directs réalisées par la société MGI International Sales Co., Limited en France au titre des séquenceurs DNBSEQ-G400 (anciennement dénommé MGISEQ-2000), DNBSEQ-G50 (anciennement dénommé MGISEQ-200), DNBSEQ-T7 (anciennement dénommé MGISEQ-T7), DNBSEQ-G99, BGISEQ-500, BGISEQ-50 et leurs déclinaisons, des sets et/ou kits de séquençage contenant la chimie StandardMPS ou la chimie CoolMPS depuis le début de ses activités sur le territoire français et jusqu'à la date de signification du jugement à intervenir, sous astreinte de 5.000 euros par jour de retard passé le délai de 30 jours suivant la signification du jugement à intervenir et pendant 30 jours ; Se réserve la liquidation des astreintes ; Condamne la société MGI International Sales Co., Limited à payer à la société Illumina Cambridge Ltd une provision de 800.000 euros à valoir sur la réparation du préjudice économique du fait de la contrefaçon ; Condamne la société MGI International Sales Co., Limited à payer à la société Illumina Cambridge Ltd une somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ; Renvoie les parties à la détermination amiable du préjudice qui ne serait pas déjà indemnisé par le présent jugement ou, à défaut d'accord, par le tribunal saisi par nouvelle assignation ; Ordonne la publication dans cinq journaux, revues ou sites Internet professionnels au choix de la société Illumina Cambridge Ltd , dans la limite de 5.000 euros HT par insertion et sur la page d'accueil du site Internet www.en.mgi-tech.com, pendant une dure de trois mois, en caractères Arial de taille 12 du communiqué suivant:"Par jugement du 24 mars 2023, le tribunal judiciaire de Paris a jugé que des réactifs de séquençage StandardMPS et CoolMPS et les séquenceurs paramétrés pour fonctionner avec ces réactifs incluant les modèles DNBSEQ-G400 (anciennement dénommé MGISEQ-2000), DNBSEQ-G50 (anciennement dénommé MGIS,EQ-200), DNBSEQ-T7 (anciennement dénommé MGISEQ-T7), DNBSEQ-G99, BGISEQ-500, BGISEQ-50 commercialisés par la société MGI International Sales Co., Limited contrefont les brevets européens no 1 530 578 et no 3 002 289 dont la société Illumina Cambridge Ltd est titulaire, et a condamné la société MGI International Sales Co à payer à la société Illumina Cambridge Ltd en réparation du préjudice subi la somme pour partie provisionnelle de 1.100.000 euros."aux frais de la société MGI International Sales Co., Limited ; Rejette le surplus des demandes de réparation ; Rejette les demandes de licences obligatoires et au titre de l'abus de position dominante formées par la société MGI International Sales Co., Limited ; Condamne la société MGI International Sales Co., Limited aux dépens qui seront recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile ; Condamne la société MGI International Sales Co., Limited à payer à la société Illumina Cambridge Ltd la somme de 250.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire des mesures de publication et de transmission à l'INPI ; Dit n'y avoir lieu à déroger à l'exécution provisoire de droit pour le surplus. Fait et jugé à Paris le 24 Mars 2023 Le Greffier La PrésidenteQuentin CURABET Irène BENAC
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JURITEXT000047636330
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AUTRES_DECISIONS
Tribunal judiciaire de Paris, 10 mars 2023, 19/15091
2023-03-10
Tribunal judiciaire de Paris
19/15091
CT0087
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TRIBUNALJUDICIAIREDE PARIS 3ème chambre 2ème section No RG 19/15091 No Portalis 352J-W-B7D-CRLXW No MINUTE : Assignation du :04 Décembre 2019 JUGEMENT rendu le 10 Mars 2023 DEMANDERESSES Société PERI S.E.[Adresse 5][Localité 3] (ALLEMAGNE) S.A.S. PERI[Adresse 6][Adresse 6][Localité 1] représentées par Maître Olivier LEGRAND de la SEP LEGRAND LESAGE-CATEL GAULTIER, avocat au barreau de PARIS, #D1104 DÉFENDERESSE Société CONDOR SPA[Adresse 7][Localité 2] (ITALIE) représentée par Maître Camille PECNARD, du cabinet LAVOIX avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E1626 Copies délivrées le : - Me LEGRAND #D1104 (certifiée conforme)- Me PECNARD #E1626 (exécutoire)COMPOSITION DU TRIBUNAL Madame Irène BENAC, Vice-PrésidenteMadame Elodie GUENNEC, Vice-présidenteMonsieur Arthur COURILLON-HAVY, Juge assisté de Monsieur Quentin CURABET, Greffier, DÉBATS A l'audience du 06 Octobre 2022 tenue en audience publique devant Irène BENAC et Arthur COURILLON-HAVY, juges rapporteurs, qui sans opposition des avocats ont tenu seuls l'audience, et après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile. Avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe, en dernier lieu, le 10 Mars 2023 JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe ContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE 1. La société de droit allemand Peri SE (antérieurement nommée Peri GmbH, puis Peri AG) a pour activité la conception, la fabrication et la commercialisation d'éléments de coffrage et d'échafaudages destinés à la construction immobilière. 2. La SAS Peri est une filiale française de la société Peri SE dont l'activité est la distribution, la vente et la location de systèmes de coffrages d'étaiements et d'échafaudages et l'élaboration de plans de coffrages et d'échafaudages. 3. La société Peri SE est titulaire du brevet européen EP 1 899 552 (ci-après EP'552) désignant notamment la France, découlant d'une demande internationale (WO2007/3400) visant également l'Australie, la Chine, la Corée, les Etats-Unis et l'Afrique du Sud, intitulé "système de coffrage de plafond", déposé le 3 juillet 2006 sous priorité d'un brevet allemand DE102005031152 du 4 juillet 2005, délivré le 9 mars 2011 et régulièrement maintenu en vigueur. 4. La société de droit italien Condor Spa se présente comme l'une des principales sociétés européennes de production et commercialisation d'échafaudages, coffrages et tours d'étaiement pour la construction. Elle propose plusieurs solutions de coffrage, parmi lesquelles le système Alu-GD. 5. Le 24 octobre 2019, la société Peri SE a fait constater par huissier de justice la présentation et l'offre de vente de ce système sur le site internet en français condorfrance.fr exploité par la société Condor SpA et qu'elle estime contrefaisant de son brevet. 6. Autorisée par ordonnance sur requête du 28 octobre 2019, la société Peri SE a fait procéder à des opérations de saisie contrefaçon sur le stand tenu par la société Condor SpA à l'occasion du salon Batimat au Parc des expositions de Paris Nord Villepinte le 5 novembre 2019. 7. Par acte du 4 décembre 2019, la société Peri SE et la société Peri ont fait assigner la société de droit italien Condor Spa devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon du brevet EP'552, concurrence déloyale et réparation des préjudices consécutifs. 8. Des actions en contrefaçon du brevet EP'552 ont également été engagées par la société Peri SE à l'encontre de la société Condor SpA en Allemagne et en Italie. La procédure est en cours en Italie (un rapport d'expertise a été rendu mais n'est pas versé aux débats) et un accord mettant fin l'instance a été conclu en Allemagne le 8 septembre 2020. 9. Autorisée par ordonnance sur requête du 4 mai 2021, la société Peri SE a fait procéder, le 7 mai 2021, à de nouvelles opérations de saisie contrefaçon sur un chantier de construction à [Localité 4] et dans les locaux de la SAS Etablissements Boutillet. 10. Dans leurs dernières conclusions signifiées le 22 février 2022, la société Peri SE et la société Peri demandent au tribunal, au visa des articles 54, 56, 83, 138 et 139 de la Convention de Munich, L.613-3, L.615-2 et L.615-5 du code de la propriété intellectuelle, 1240 du code civil, 699 et 700 du code de procédure civile, de :- déclarer la société Condor SpA irrecevable en sa demande de voir juger que les revendications 3 et 24 du brevet EP'552 sont dépourvues de nouveauté ou d'activité inventive; - déclarer la société Condor SpA mal fondée en sa demande en nullité des revendications 1, 2, 8, 9, 10, 12, 13, 16, 17, 20, 21, 22, 23 et 25 de la partie française du brevet EP'552 et l'en débouter ; - déclarer la société Condor SpA coupable de contrefaçon des revendications 1, 2, 8, 9, 10, 12, 13, 16, 17, 20, 21, 22, 23 et 25 de la partie française du brevet EP'552 ; - interdire à la société Condor SpA, sous astreinte, de diffuser tous documents présentant le système de coffrage Alu-GD, les modules standard Alu-GD référencés 21500, les "têtes d'appui à chute" référencées 21509 et les "têtes d'appui fixes" référencées 21510 et d'importer en France les mêmes produits ; - enjoindre à la société Condor SpA, sous astreinte, de produire un état certifié par son commissaire aux comptes de ces produits importés en France depuis le début de leur commercialisation, ainsi que du nombre d'étais référencés CEP 10 / CEP 20 importés en France en même temps que ces éléments, ainsi que du chiffre d'affaires et du bénéfice réalisés à ce titre, accompagné de l'ensemble des éléments comptables justificatifs ; - dire que le tribunal se réservera la liquidation des astreintes ; - condamner la société Condor SpA à payer à la société Peri SE de la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts du chef de l'atteinte portée à ses droits sur le brevet EP'552 et de sa dévalorisation consécutive et celle de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts du chef de la désorganisation de son activité ; - dire que le tribunal statuera sur leur préjudice commercial au vu des pièces qui seront produites par la société Condor SpA en exécution de la condamnation à production de pièces prononcée sous astreinte ; - condamner la société Condor SpA à leur payer une provision de 50.000 euros à valoir sur la réparation du préjudice commercial subi ; - ordonner la publication du jugement à intervenir dans trois journaux ; - débouter la société Condor SpA de toutes ses demandes ;- condamner la société Condor SpA à leur payer la somme de 150.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, à rembourser à la société Peri SE les frais exposés à l'occasion des opérations de constat du 24 octobre 2019 et des opérations de saisie contrefaçon des 5 novembre 2019 et 7 mai 2021 et aux dépens, dont distraction au profit de Maître Olivier Legrand conformément à l'article 699 du code de procédure civile ; - ordonner l'exécution provisoire. 11. Dans ses dernières conclusions signifiées le 18 mars 2022, la société Condor SpA demande au tribunal, au visa des articles 54, 56, 83, 138 et 139 de la Convention de Munich, L.613-3, L.615-2 et L.615-5 du code de la propriété intellectuelle, 1240 du code civil, 699 et 700 du code de procédure civile, de : A titre préliminaire, - prononcer la nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 5 novembre 2019 ; - juger que le procès-verbal de saisie-contrefaçon du 7 mai 2021 est dépourvu de force probante; A titre principal, - juger que le brevet EP'552 est insuffisamment décrit ; - juger que les revendications 1, 2, 3, 8, 9, 10, 12, 13, 16, 17, 20, 21, 22, 23, 24 et 25 du brevet EP1899552 sont dépourvues de nouveauté et/ou d'activité inventive ; - prononcer la nullité des revendications 1, 2, 8, 9, 10, 12, 13, 16, 17, 20, 21, 22, 23 et 25 de la partie française du brevet EP'552 ; - juger que la décision à intervenir sera transmise par le greffe à l'Institut National de la Propriété Industrielle pour inscription au Registre National des Brevets ; - débouter la société Peri SE de son action en contrefaçon de la partie française du brevet EP'552 et des demandes d'interdiction et d'indemnisation en découlant. A titre subsidiaire,- juger que son système de coffrage Alu-GD ne reproduit pas les revendications 1, 2, 8, 9, 10, 12, 13, 16, 17, 20, 21, 22, 23 ou 25 de la partie française du brevet EP'552 ; - débouter la société Peri SE de son action en contrefaçon de la partie française du brevet EP'552 et des demandes d'interdiction et d'indemnisation en découlant. En tout état de cause,- débouter la société Peri de son action en concurrence déloyale ; - rejeter la demande d'indemnité provisionnelle et de reddition des comptes formulée par les sociétés Peri et Peri SE ; - débouter les sociétés Peri et Peri SE de leurs demandes de publication et d'exécution provisoire du jugement à intervenir ; - condamner in solidum les sociétés Peri et Peri SE à lui payer la somme de 108.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens en vertu de l'article 699 du code de procédure civile, qui seront directement recouvrés par Maître Camille Pecnard ; - prononcer l'exécution provisoire ; - débouter les sociétés Peri et Peri SE de toutes leurs demandes. 12. L'ordonnance de clôture a été rendue le 24 mars 2022. MOTIVATION 13. L'article 52 de la Convention sur le brevet européen de Munich du 5 octobre 1973 (ci-après CBE) dispose que "les brevets européens sont délivrés pour toute invention dans tous les domaines technologiques, à condition qu'elle soit nouvelle, qu'elle implique une activité inventive et qu'elle soit susceptible d'application industrielle". I . Présentation du brevet EP 1 899 552 14. Un système de coffrage de plafonds comporte des montants verticaux auxquels sont fixés des panneaux de coffrage formant une table horizontale sur laquelle le béton est coulé et qui sont retirés lorsque le béton a pris. 15. Aux termes de sa description, l'invention objet du brevet européen EP'552 est de "perfectionner un système de coffrage de plafonds dans lesquels la face inférieure des panneaux de coffrage comporte des supports permettant leur accouplement aux têtes de montants verticaux, permettant de les faire pivoter en position horizontale en maintenant l'accrochage et de les assembler au choix dans deux directions décalées de 90o l'une par rapport à l'autre". 16. Les figures suivantes montrent la configuration des supports des éléments de coffrages et des têtes des montants verticaux permettant ces fonctionnalités selon ce brevet.17. La revendication 1, décomposée en sept caractéristiques, est la suivante: a système de coffrage de plafond comprenant plusieurs éléments de coffrage (98) et plusieurs montants verticaux (90), b lesdits éléments de coffrage (98) comportant sur leur face inférieure des supports (2, 100, 102, 104, 106) susceptibles d'être accouplés à des têtes (28) de montants verticaux (90),c dont la section est réalisée au moins localement en forme de C avec deux branches qui s'étendent en éloignement d'un tronçon de base (4),d l'une des branches étant conçue à titre de surface d'appui (6) pour l'appui sur une tête (28) d'un montant vertical (90), e la surface d'appui comprend un évidement, cet évidement étant prévu sur l'extrémité de la surface d'appui détournée du tronçon de base,f caractérisé en ce que la tête (28) d'un montant vertical (90) comporte des éléments de fixation (52, 54, 56, 58, 60, 62, 64, 66) qui s'engagent dans un évidement respectif (20, 22, 24, 26) d'une surface d'appui (6), g l'évidement (20, 22, 24, 26) étant prévu pour l'accouplement du support (2, 100, 102, 104, 106) avec le montant vertical (90) au choix dans deux directions décalées de 90o l'une par rapport à l'autre sur l'extrémité de la surface d'appui (6) détournée du tronçon de base (4). et les autres revendications opposées en sont dépendantes : revendication 2 : le support (2, 100-106) est réalisé sous forme de profilé ouvertrevendication 8 : les montants verticaux (90) sont pourvus chacun d'une tête d'appui (28) qui comporte des pattes de fixation (44-50) coudées à côté d'un plan d'appui (32) s'étendant perpendiculairement à l'extension longitudinale du montant vertical respectif (9), pour l'engagement dans au moins un évidement (20-26) de la surface d'appui (6) d'un support (2,100-106)revendication 9 : il est prévu quatre pattes de fixation (44-50) par tête d'appui (28), lesquelles s'étendent en particulier perpendiculairement au plan d'appui (32) de la tête d'appui (28)revendication 10 : des pattes de fixation (44-50) voisines d'une tête d'appui (28) s'étendent perpendiculairement l'une à l'autre revendication 12 : la tête d'appui (28) comporte des zones de butée pour la face postérieure, détournée des branches (6, 8), du tronçon de base (4) d'un support (2, 100-106), les surfaces de butée (72-86) desdites zones de butée s'étendant en particulier perpendiculairement au plan d'appui (32)revendication 13 : il est prévu au total huit zones de butée, dont les surfaces de butée (72-86) s'étendent en particulier sous un angle de 45o par rapport aux pattes de fixation (44-50)revendication 16 : la tête d'appui (28) est reliée de façon détachable ou fixe au montant vertical (90)revendication 17 : la tête d'appui (28) est susceptible d'être accouplée à une plaque de tête (88), de préférence essentiellement carrée, d'un montant vertical (90) habituel du commercerevendication 20 : la tête d'appui (28), en particulier réalisée à partir d'une plaque unique d'acier ou de matière plastique cintrée, coulée et/ou forgée, est susceptible d'être fixée sur un montant vertical (90) au moyen d'un élément à ressort (38) tenu dans la tête d'appui (28)revendication 21 : le montant vertical (90) et le support (2, 100-106) d'un élément de coffrage (98) sont susceptibles d'être accrochés l'un avec l'autre dans une position dans laquelle l'élément de coffrage (98) et le montant vertical (90) enferment un angle inférieur à 90o, et après l'accrochage il est possible de faire pivoter l'élément de coffrage (98), tout en maintenant la liaison accrochée, jusque dans une position dans laquelle l'élément de coffrage (98) et le montant vertical (90) enferment un angle d'environ 90orevendication 22 : un support (2, 100-106) d'un élément de coffrage est susceptible d'être accroché avec des montants verticaux (90) dans une position dans laquelle l'élément de coffrage (98) s'étend essentiellement parallèlement aux montants verticaux (90)revendication 23 : les éléments de coffrage (98) sont constitués chacun de supports longitudinaux (92) s'étendant à distance parallèlement l'un à l'autre, qui sont reliés par au moins un support transversal (2, 100-106) s'étendant perpendiculairement à eux-mêmes, les faces supérieures des supports longitudinaux (98) formant une surface d'appui pour une peau de coffrage (94), la face supérieure du ou des supports transversaux (2, 100-106) s'appliquant contre la face inférieure des supports longitudinaux (98), et la face inférieure du ou des supports transversaux (2, 100-106) formant la surface d'appuirevendication 25 : les éléments de coffrage comportent seulement un ou deux supports, en particulier rectilignes (2, 100-106), et lorsqu'on prévoit deux supports (2, 100-116), ceux-ci s'étendent parallèlement l'un à l'autre. II . Sur l'irrecevabilité des demandes en nullité des revendications 3 et 24 du brevet EP1899552 18. Les sociétés Peri SE et Peri font valoir que le défendeur à une action en contrefaçon de brevet est irrecevable à poursuivre, à titre reconventionnel, la nullité des revendications de ce brevet qui ne lui sont pas opposées et que, au cas d'espèce, elle lui oppose seulement les revendications 1, 2, 8, 9, 10, 12, 13, 16, 17, 20, 21, 22, 23 et 25 du brevet EP'552 de sorte que les demandes de nullité des revendications 3 et 24 sont irrecevables. 19. La société Condor SpA ne conclut pas sur ce point. Sur ce, 20. L'article 32 du code de procédure civile prévoit que : "Est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir". L'article 70, alinéa 1, du même code prévoit que "les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant". 21. La société Condor SpA soulève la nullité du brevet EP'552 en tant que moyen de défense à l'action en contrefaçon engagée à son encontre. Son intérêt à agir en nullité des revendications qui lui sont opposées est donc incontestable. 22. Les demanderesses ne lui opposent que les revendications 1, 2, 8, 9, 10, 12, 13, 16, 17, 20, 21, 22, 23 et 25 du brevet EP'552.La revendication 3 (dépendante des revendications 1 et 2) est la suivante : "la surface d'appui du support comporte, dans chacune des deux régions terminales, détournées l'une de l'autre, du support, respectivement deux, trois ou plusieurs évidements" et la revendication 24 (dépendante des revendications 1 à 22) indique : "les faces supérieures des supports forment une surface d'appui pour une peau de coffrage". 23. La société Condor SpA n'explique pas en quoi elle a intérêt à agir au titre de ces revendications non opposées et ne démontre donc pas le lien suffisant entre la contestation de ces revendications et ses moyens de défense. 24. Il y a donc lieu de la déclarer irrecevable à opposer la nullité des revendications 3 et 24 du brevet EP1899552. III . Sur la validité du brevet EP1899552 1 - Sur le moyen tiré de l'insuffisance de description 25. La société Condor SpA soutient que :- la description, dans la revendication 1, de la méthode d'accouplement d'une tête de fixation à un support d'élément de coffrage pour que plusieurs supports puissent être assemblés à 90o les uns aux autres, illustrée par un seul et unique arrangement, est insuffisante pour permettre à l'homme du métier de déduire comment réaliser l'invention ;- il existe en plus une contradiction inexpliquée entre la revendication 1 évoquant un support de base dont la section est en forme de C (caractéristique d'un profilé ouvert) et le paragraphe 8 de la description qui indique, sans le décrire, que ce support peut être un profilé fermé. 26. La société Peri SE et la société Peri font valoir que :- les paragraphes 38, 48 à 50 et 52, combinés aux figures 2, 7a, 7c et 8 du brevet, décrivent suffisamment la méthode d'accouplement entre une tête de fixation et un élément de coffrage,- le brevet EP'552 décrit en détail un mode de réalisation de l'invention, ce qui suffit à l'exigence de description dès lors qu'il n'existe pas différents domaines d'applications dans lesquels l'obtention de l'effet technique soit douteuse,- la revendication 1 requiert uniquement que le support revendiqué comprenne deux branches s'étendant en éloignement d'un tronçon de base et remplissant les fonctions prévues et que l'ensemble constitué de ces trois éléments ait une section réalisée au moins localement en forme de C, sans que cela exclue la mise en oeuvre de ces caractéristiques dans un profilé fermé. Sur ce, 27. L'article 138-1-b) de la CBE dispose que le brevet européen est déclaré nul par les tribunaux d'un État contractant si "le brevet européen n'expose pas l'invention de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter".La règle 42 de son règlement d'exécution énumère les composantes de la description, parmi lesquelles "e) indiquer en détail au moins un mode de réalisation de l'invention revendiquée, en utilisant des exemples, si cela s'avère approprié, et en se référant aux dessins, s'il y en a". L'invention est suffisamment décrite lorsque l'ensemble du brevet associé à ses propres connaissances techniques permet à l'homme du métier de l'exécuter par de simples mesures d'exécution, sans effort excessif. Comme le soutiennent à juste titre la société Peri SE et la société Peri, la suffisance de description s'apprécie non seulement au regard des revendications mais également de la description de l'invention et des schémas qui l'accompagnent. 28. La revendication 1 du brevet EP'552 prévoit que l'accouplement se fait par l'engagement des éléments de fixation (52, 54, 56, 58, 60, 62, 64, 66) dont est pourvue la tête dans un évidement respectif (20, 22, 24, 26) de la surface d'appui (6) du support. La position des éléments de fixation et des évidements apparaît sur les figures 1 et 2 du brevet.Les paragraphes 38, 48 à 50 et 52 de la description développent l'explication de cet effet mécanique simple et les figures 7 et 8 du brevet décrivent l'accouplement entre une tête de fixation et un support d'élément de coffrage en distinguant trois positions pour les deux hypothèses d'un montage dans des positions décalées de 90o. Enfin, la figure 9 montre le résultat sous un autre angle. 29. Tous ces éléments permettent à l'homme du métier de réaliser l'invention et la société Condor SpA n'indique pas en quoi la description d'un autre arrangement que celui décrit aux paragraphes précités et montré aux figures 7, 8 et 9 aurait été nécessaire pour ce faire. 30. S'agissant de la forme du support, la revendication 1 prévoit qu'il comporte, au moins localement, la forme d'un C, à savoir "avec deux branches qui s'étendent en éloignement d'un tronçon de base", dont l'une est conçue à titre de surface d'appui sur une tête d'un montant vertical et comprend un évidement sur son extrémité tandis que la revendication 2 porte sur la réalisation du support sous forme de profilé ouvert. 31. Il s'évince sans ambiguïté du brevet que l'effet technique recherché est obtenu par la présence d'évidements sur les extrémités de la surface d'appui du support dont la section, à cet endroit, présente une forme de C.Le § 8 invoqué vient préciser que, si il est préférable que les supports soient réalisés sous forme de profilés ouverts, il est cependant possible d'utiliser des profilés fermés, auquel cas "l'évidement décrit sera alors également prévu au niveau de la surface d'appui respective mise en contact avec les éléments verticaux", ce qui est clair.En toute hypothèse, à le supposer confus, ce point de détail n'aurait pas été de nature à empêcher l'homme du métier de réaliser l'invention. 32. Le grief d'insuffisance de description manque en fait et les demandes à ce titre sont rejetées. 2 . Sur le moyen tiré du défaut de nouveauté 33. La société Condor conteste la nouveauté des revendications 1, 2, 3, 8, 9, 10, 12, 13, 16 et 17 de la partie française du brevet EP'552 sur la base du brevet allemand précité DE'091 "Plate-forme surélevée ou charpente, en particulier exécutée comme coffrage de dalles en béton" déposé le 5 septembre 1996. 34. Elle fait valoir que :- ce brevet DE'091 décrit un système de coffrage comportant une tête de fixation, un support longitudinal et un support transversal, sur lequel est posé une peau de coffrage (caractéristique a de la revendication 1),- les éléments de coffrage décrits par DE'091 ont, sur leur face inférieure, des supports qui peuvent être accouplés à des têtes au sommet de montants verticaux (caractéristique b de la revendication 1),- les supports 4 et 6 ont une section en forme de C avec deux branches s'étendant en éloignement d'un tronçon de base, et servent de surface d'appui pour l'appui d'une tête sur un montant vertical (caractéristiques c et d de la revendication 1), - la surface d'appui inférieure de n'importe quel support (principal comme secondaire) est conçue pour pouvoir être placée en appui sur la plaque d'appui d'une tête d'un montant vertical,- la tête du montant vertical s'engage, par des éléments de fixation (ou éléments en saillie), sur des évidements de la surface d'appui d'un support (caractéristiques e et f de la revendication 1),-un élément de coffrage peut être accouplé à la tête de montant vertical, dans un sens comme dans l'autre, ce qui est explicité dans le paragraphe 6 de la description (caractéristique g de la revendication 1),- l'absence de nouveauté de la revendication 1 du brevet EP'552 au regard de du brevet DE'091 a déjà été retenue par l'examinateur américain et le tribunal de première instance de Bologne, - l'effet technique n'est pas la présence de l'évidement ni sa localisation sur la surface d'appui du support, mais bien la possibilité de fixer, grâce à ces évidements ainsi positionnés, des supports dans une direction à 90o les uns des autres, ce qui est divulgué par le brevet DE'091,- l'antériorité pour les revendications 2 et 3 est établie et non discutée,- pour la revendication 8, les boulons courts font fonction de pattes de fixation et sont bien perpendiculaires au plan d'appui et le fait qu'ils soient distincts ou non de la tête de fixation ne figure dans aucun brevet et cette revendication était déjà divulguée par les brevets DE'081 et DE3921064,- les revendications 16 et 17 n'ont aucun effet technique. 35. La société Peri SE et la société Peri font valoir qu'aussi bien l'examinateur américain de l'office des brevets que l'expert intervenu dans la procédure italienne ont conclu à la validité de la revendication 1 en combinaison avec les revendications 17, 20, 21 et 21-22 du brevet EP'552.Elles ajoutent que le brevet DE'091 ne constitue pas une antériorité destructrice de nouveauté, faute notamment de divulguer l'ensemble des moyens de la revendication principale du brevet EP'552 dans leur forme, leur agencement et leur fonction en vue de leur résultat, notamment : pour la revendication 1 :- les plaques décrites dans le brevet DE'091 ne sont pas des éléments de coffrage mais de simples peaux de coffrage (caractéristique a),- il n'y a pas d'accouplement direct des plaques à la tête d'un montant vertical par un support faisant partie de leur face inférieure mais via un support intermédiaire distinct de la plaque, qui n'en constitue pas un au sens du brevet EP'552 faute de faire partie intégrante de la plaque, voire de n'y être aucunement associé s'agissant du support principal (caractéristiques b, c, d et f),- l'évidement, dans ce brevet, est en réalité une ouverture et elle n'est pas positionnée précisément sur l'extrémité de la surface d'appui du support détournée du tronçon de base et il n'est pas indiqué que la branche inférieure du support secondaire prend appui sur la tête (caractéristiques e et f),- les boulons de la tête ne s'engagent jamais dans les ouvertures de la branche inférieure du support secondaire, seul en contact avec la plaque (caractéristique f), - ce brevet ne décrit, ni même ne suggère, la fixation des supports dans deux configurations à 90o l'une de l'autre, qui n'est qu'une extrapolation hypothétique de la défenderesse, car il décrit un système de coffrage déjà adaptable aux différentes conditions d'espace par la liberté de positionnement des supports secondaires sur les supports principaux grâce aux multiples emplacements sélectionnables sur ces derniers (caractéristique g),- la configuration hypothétique proposée par la société Condor SpA ne permettrait par ailleurs pas un positionnement stable de ce support car il laisserait un espace autorisant un glissement latéral du support et non une immobilisation par complémentarité de forme, pour la revendication 8 : il n'est pas prévu de pattes de fixation coudées faisant partie intégrante de la tête d'appui, pour la revendication 17 : il n'est pas possible d'associer un montant vertical habituel du commerce au système DE'091. Sur ce, 36. L'article 138, 1, a) de la CBE dispose que le brevet européen est déclaré nul par les tribunaux d'un État contractant si "l'objet du brevet européen n'est pas brevetable en vertu des articles 52 à 57;" et l'article 54 définit la nouveauté comme suit : "Une invention est considérée comme nouvelle si elle n'est pas comprise dans l'état de la technique".Pour être comprise dans l'état de la technique et être privée de nouveauté, l'invention doit s'y trouver tout entière dans une seule antériorité au caractère certain, avec les mêmes éléments qui la constituent dans la même forme, le même agencement et le même fonctionnement en vue du même résultat technique. 37. En 2011, l'office américain des brevets a considéré que l'équivalent des revendications 1 à 4 et 23 à 25 du brevet EP'552 étaient antériorisées par le brevet DE 196 36 091 (ci-après désigné par DE'091) enseignant un système de coffrage comportant des supports (beams) en forme de C avec des évidements (recesses) dans lesquels se fixe une tête, dans deux directions perpendiculaires, et a rejeté aussi les revendications dépendantes 5 à 21.Le brevet EP'552 a néanmoins été admis pour les Etats-Unis le 20 novembre 2012 après adjonction à la revendication 1 du contenu de la revendication 21 ("et dans lequel le montant vertical et un élément de coffrage peuvent être couplés l'un à l'autre de telle manière que l'élément de coffrage et le montant vertical forment un angle inférieur à 90o, permettant de faire pivoter l'élément de coffrage en position, cette position étant rendue possible après le couplage tout en maintenant le couplage afin que l'élément de coffrage et les montants verticaux forment un angle d'approximativement 90o"). 38. La figure suivante est extraite du brevet DE'091. 39. Comme le brevet EP'552, le brevet DE'091 décrit un système de coffrage dans lequel les panneaux de coffrage s'appuient sur des supports secondaires, dont la section a localement la forme d'un C, mis en appui sur des supports principaux identiques, eux-mêmes accouplés à des têtes de montants verticaux munies de pièces en saillie, faisant fonction d'éléments de fixation, s'insérant dans des ouvertures pratiquées dans les branches inférieures de ces supports écartées du tronçon de base. Son objectif est d'améliorer ainsi l'immobilisation de la grille formée par les supports secondaires et supports principaux au soutien de la plate-forme. 40. Contrairement à ce que soutiennent les sociétés Peri et Peri SE, le brevet EP'552 n'implique pas nécessairement que : - les supports soient indissociables des éléments de coffrages,- les éléments de coffrages ne puissent être constitués de planches ou de simples peaux de coffrage, - les évidements soient nécessairement en forme d'encoches,de sorte que la plupart de leurs objections quant à la divulgation par le brevet DE'091 des caractéristiques de la revendication 1 ne sont pas justifiées. 41. Néanmoins, à la différence du brevet EP'552, les supports du brevet DE'091 ne sont pas tous en contact avec la face inférieure d'un élément (appelé plaque) de coffrage, et leurs évidements ne permettent pas un accouplement bidirectionnel du support avec le montant vertical : ils forment entre eux une grille de supports principaux et secondaires dont l'immobilisation sera assurée dans toutes les directions du plan perpendiculaire aux montants par la complémentarité de forme des ouvertures et saillies, et cette grille, fixée aux montants verticaux, servira de support aux éléments de coffrages. 42. Ainsi, cette antériorité comporte bien un système d'accouplement de ces supports, notamment à des montants verticaux et à des plaques de coffrages par des évidements respectifs de saillies pratiqués sur ceux-ci, mais il n'utilise pas le même fonctionnement que celui décrit par la revendication 1 et ne vise pas le même résultat d'accrochage et de décrochage facilités des éléments de coffrage aux montants verticaux que le brevet EP'552. 43. Il n'est donc pas destructeur de nouveauté à l'égard de la revendication 1 et de la revendication dépendante 2. 44. Les autres revendications dont la nouveauté est contestée (8, 16 et 17) sont toutes dépendantes de la revendication 1, qui est nouvelle, et ne font qu'y ajouter d'autres caractéristiques. Elles sont donc nécessairement nouvelles elles-mêmes. 45. La nouveauté des revendications 9, 10, 12, 13, 20 à 23 et 25 n'est pas contestée. 3 . Sur le moyen tiré du défaut d'activité inventive a. Le problème technique à résoudre 46. Les sociétés Peri et Peri SE indiquent que le problème technique à résoudre est de mieux adapter le système de coffrage à des conditions d'espace données. 47. La société Condor SpA soutient que le problème technique à résoudre est de permettre l'accouplement d'éléments de coffrage sur des têtes de fixation dans deux configurations, à 90o l'une par rapport à l'autre dans un système de coffrage pour plafonds, résolu par une configuration spécifique entre les têtes de fixation et les supports des éléments de coffrage qui y sont attachés. 48. L'invention objet du brevet européen EP'552 a explicitement pour objet de pallier un inconvénient du système connu antérieur consistant dans le fait que tous les panneaux devaient être orientés dans le même sens et, selon la description du brevet, "ce problème est résolu (...) en ce que la tête d'un montant vertical comporte des éléments de fixation qui s'engagent dans un évidement respectif d'une surface d'appui, l'évidement étant prévu pour l'accouplement du support avec le montant vertical, au choix dans deux directions décalées de 90o l'une par rapport à l'autre". b. L'état de la technique 49. La description du brevet EP'552 cite, au titre de l'art antérieur, le brevet EP 0 130 425 (ci-après EP'425), publié le 9 janvier 1985, ayant pour objet un "coffrage de dalle" qui, selon sa description, "se compose de panneaux de coffrage et de pièces de tête (...) [qui] peuvent être enfichées sur des montants tubulaires en acier et ont, sur une plaque de base (...) quatre saillies en forme de tenon qui sont recouvertes respectivement par un coin de cadre d'un panneau de coffrage en forme de caisson composé de supports longitudinaux et de supports transversaux. Entre les saillies disposées par paires sur deux grands côtés opposés de la plaque de base, il y a un espace libre dans lequel les supports longitudinaux des panneaux de coffrage peuvent s'engager lors de l'accrochage et du décrochage". 50. Le rapport de recherche international sur la demande WO2007/3400 mentionne, outre le brevet EP'425, les brevets EP 1 314 835, DE 19 616 876 et GB 2 266 114 au titre de l'art antérieur (catégorie A). 51. La société Condor SpA fait valoir que l'art antérieur le plus proche est le brevet EP'425 précité, déposé en juin 1984 et invoque également un brevet DE 806 391 (ci-après DE'391), délivré le 29 mars 1951 et intitulé "planches de coffrage en métal plus spécialement en acier", un brevet américain US3052008 (ci-après US'008) "ensemble de longerons soutenant des panneaux pour le coffrage de planchers en béton" du 4 septembre 1962,une demande de brevet FR2475099 (ci-après FR'099) "coffrage modulaire à têtes tombantes pour planchers de béton", déposée le 5 février 1981, un brevet US20040075042 (ci-après US'042), déposé le 2 octobre 2003, qui décrit un "système de coffrage pour plafonds et planchers" et un brevet DE 3147081 (ci-après DE'081), publié le 30 décembre 1982, ayant pour titre "échafaudage pour coffrages pour béton". 52. Il y a donc lieu de retenir le brevet EP'425 comme l'art antérieur le plus proche, et les autres références précitées (DE'391, US'008, FR'099, US'042, DE'081), qui relèvent toutes de la même spécialité de confection de solutions de coffrage en béton, au titre de l'état antérieur. c. L'homme du métier 53. Pour la société Condor SpA, c'est un expert en systèmes et machines de coffrage de plafond particulièrement habitué à adapter diverses solutions d'accouplement de parties d'un système de coffrage existants. 54. Les sociétés Peri SE et Peri indiquent qu'il n'y a pas lieu de prêter à l'homme du métier des compétences et une aptitude à la transposition de solutions de coffrage très élevées, sans toutefois proposer de définition. 55. L'homme du métier est un spécialiste de niveau moyen du secteur technique dont relève l'invention, doté des connaissances théoriques et pratiques et de l'expérience qui peuvent normalement être attendues d'un professionnel du domaine concerné. Il s'agit ici d'un technicien du bâtiment ayant une bonne connaissance des différentes techniques et outils de coffrage dont relève l'invention et qui en pratique la manipulation et l'utilisation. d. L'activité inventive 56. La société Condor SpA soutient que le brevet en litige est le perfectionnement de solutions techniques connues de l'art antérieur et que les brevets antérieurs US'008 du 4 septembre 1962, FR'099 du 5 février 1981 et US'042 du 2 octobre 2003 précités résolvaient déjà le problème technique selon le brevet. Elle fait valoir que :- l'art antérieur le plus proche est le brevet EP'425 précité, déposé en juin 1984, qui divulgue les caractéristiques a à d et f de la revendication 1 du brevet EP'552 à l'exception des revendications e et g (évidement sur la surface d'appui pour l'accouplement du support avec le montant vertical dans deux directions),- la branche (6) du système de coffrage décrit dans EP'425 sert à la fois à agripper les tenons de fixation présents sur la tête du montant vertical et à mettre le support en appui sur ladite tête (d) et il existe, sur les pièces de tête, des saillies verticales qui s'engagent sur les coins des cadres des panneaux (f),- il n'exclut pas la fixation sur une même tête de coffrages agencés perpendiculairement, - confronté au problème technique, l'homme du métier aurait combiné les enseignements du brevet EP'425 à ceux du brevet DE 806 391 (ci-après DE'391), délivré le 29 mars 1951 et intitulé "planches de coffrage en métal plus spécialement en acier", et ceux du brevet DE'081, publié le 30 décembre 1982, ayant pour titre "échafaudage pour coffrages pour béton", pour pratiquer des évidements sur la face inférieure du support des éléments de coffrage permettant de les verrouiller dans la direction longitudinale et dans la direction transversale et dans lesquels introduire les pattes de fixation prévues sur la tête ;- vue son ancienneté, le brevet DE'391 doit aussi être considéré comme un exemple des connaissances générales de l'homme du métier ;- les supports (et donc les éléments de coffrage) peuvent être fixés à 90o les uns par rapport aux autres (g), comme le démontre la figure 4 du brevet EP'425, dès lors que la présence d'évidements, divulguée par le brevet DE'391, permettra d'y insérer les éléments de fixation présents sur la tête ;- la revendication 3 du brevet DE'081, décrit une configuration des têtes de fixation qui permet d'agencer les supports des éléments de coffrage perpendiculairement les uns aux autres pour résoudre le même problème technique que le brevet EP'552 ;- les brevets US'008, FR'099 et US'042 comportaient déjà la possibilité d'accoupler des éléments de coffrages aux montants verticaux dans différentes directions orientées à 90o les unes par rapport aux autres,- le brevet DE'391 divulgue les revendications 2 (profilé ouvert) et 3 (évidements dans les régions terminales du support),- la combinaison de EP 1482 105 "système de fixation de tête avec des étais" et DE'091 aboutit à la même solution que la revendication 8, de même que d'autres combinaisons de brevets antérieurs dans lesquels des têtes de fixation comportent des pattes de fixation destinées à l'accouplement avec un support inférieur d'un élément de coffrage (GB 2266 114 ou US'042 ou EP 0297 357, ci-après EP'357) permettant l'installation d'éléments de coffrage dans deux directions, à 90o les uns par rapport aux autres,- la combinaison de EP'425 ou DE'091 avec GB 2266 114 ou EP'357, qui comportent quatre pattes de fixation perpendiculaires au plan appui d'une tête d'appui, permet d'aboutir aux enseignements des revendications 9 et 10, comme l'a retenu le tribunal de Bologne,- la combinaison de EP'425 et EP 1482 105 décrivent les revendications 12 et 13, EP'425 décrivant des zones de butée du tronçon de base du support de coffrage, de même que celle de DE'091et GB'114 et il n'y a pas d'effet technique de l'angle à 45o entre les pattes de fixation et les zones de butée, ainsi que le démontre l'exemple du brevet DE'081 qui permet d'accrocher quatre éléments de coffrage sans cet angle,- les revendications 16 et 17 ne sont pas inventives, la notion de "montant vertical habituel du commerce" étant imprécise et la forme carrée des têtes d'appui très répandue, de sorte que la revendication 17 est susceptible de couvrir toute plaque de tête,- l'objet de la revendication 20 (fixation d'un montant vertical par un élément à ressort tenu dans la tête d'appui) est déjà décrit dans l'art antérieur, notamment le brevet US5651914 (ci-après US'914), invention susceptible d'être utilisée sur n'importe quel système de coffrage connu,- les revendications 21 et 22 ne sont pas inventives car, ne précisant pas la manière dont le montant vertical et l'élément de coffrage doivent être accouplés l'un à l'autre pour permettre le pivot ou la position parallèle auxquels il est fait référence, elles n'ajoutent aucun élément technique aux enseignements de la revendication 1 du brevet ; de plus, le brevet EP'425 décrit le mouvement de pivot objet de la revendication 21, ce qui est explicitement indiqué dans la description du brevet EP'552, et la revendication 22 ne fait que préciser la revendication 21, dont elle est dépendante,- s'agissant des revendications 23 et 25, elles consistent en des éléments classiques présents dans de nombreux systèmes de coffrage, notamment les brevets DE2352949 de 1973 et CA2493492 de 2004, qui doivent être considérés comme une illustration du fonds des connaissances générales de l'homme du métier. 57. La société Peri SE et la société Peri font valoir que :- le brevet EP'425 divulgue les caractéristiques a, b et c de la revendication 1 du brevet EP'091, mais non les autres en ce qu'il n'est pas conféré à la branche des supports une fonction d'appui (caractéristique d), notamment lorsque le coffrage est en position horizontale, qu'il n'est pas prévu d'évidements et qu'aucun accouplement dans des directions perpendiculaires n'est décrit, ni possible de façon stable (caractéristiques e, f et g) ;- le brevet DE'391 comporte bien des évidements mais ne décrit, ni ne permet, d'agencement autre que parallèle entre les planches en acier et prévoit la coopération de deux évidements et non d'un évidement et d'une saillie ;- la société Condor SpA est mal fondée à se baser sur des combinaisons avec le brevet EP'091 qui n'est pas selon elle l'état de la technique le plus proche,- le brevet DE'081 ne décrit que la caractéristique a de la revendication 1 du brevet EP'552, la surface d'appui n'étant pas sur la face inférieure de l'élément de coffrage et le support ne comportant pas de branche,- la combinaison des brevets DE'391 et DE'081 ne divulgue donc pas l'invention car les caractéristiques b, d et f manqueront nécessairement,- dans le brevet US'008, les plaques ne sont pas des éléments de coffrage au sens de son brevet mais des peaux de coffrage disposées entre des longerons, et ne comportent pas de supports susceptibles d'être accouplés aux têtes de montants verticaux, il ne divulgue donc ni le montage direct d'éléments de coffrage sur la tête de montants verticaux par l'intermédiaire de supports faisant partie intégrante des éléments de coffrage et figurant sur leur face inférieure, ni l'accouplement de tels supports sur cette tête dans des positions décalées de 90o l'une par rapport à l'autre ;- le document FR'099 ne divulgue ni le montage direct d'éléments de coffrage sur la tête de montants verticaux par l'intermédiaire de supports faisant partie intégrante des éléments de coffrage et figurant sur leur face inférieure, ni l'accouplement de tels supports sur cette tête dans des positions décalées de 90o l'une par rapport à l'autre, ni même un positionnement perpendiculaire des panneaux de coffrage eux-mêmes ;- le document US'042 porte sur un simple panneau de coffrage et ne divulgue donc ni l'accouplement de supports d'éléments de coffrage sur la tête d'un montant vertical dans des positions décalées de 90o l'une par rapport à l'autre, ni même un positionnement perpendiculaire des panneaux de coffrage eux-mêmes ;- s'agissant de la revendication 8, en premier lieu, le brevet EP 1482 105, ni le brevet US'042 ne donnent d'enseignement sur la fixation de panneaux de coffrage avec les pattes de fixation et leur combinaison avec DE'091 est inopérante ; en second lieu, le brevet US'042 combiné avec le brevet EP'425 ne fonctionne pas, les pattes de fixation ne pouvant pénétrer dans aucun évidement de la branche du support ; enfin, le document EP'357 se borne à enseigner la présence de saillies disposées en carré sur une pièce de tête qui peuvent s'emboîter chacune sur l'angle d'un cadre de panneau de coffrage et ne donne aucune indication sur le positionnement des panneaux de coffrage ; - s'agissant des revendications 9 et 10, le remplacement éventuel des tenons du brevet EP'425 par des saillies décrites par le document EP'357 ne permettrait pas leur engagement dans la branche du support, faute d'évidements ;- s'agissant des revendications 12 et 13, il n'y a pas de surface de butée dans le brevet EP'425 et l'effet technique de l'angle à 45o entre les pattes de fixation et les huit zones de butée rend possible la fixation de quatre éléments de coffrage sur la même tête à 90o entre eux ;- s'agissant de la revendication 17, elle a été jugée valable par l'expert nommé par le tribunal de Bologne et couvre la combinaison de la plaque d'appui avec toute plaque de tête de montant ;- la revendication 20 a été jugée valable par l'expert nommé par le tribunal de Bologne ;- s'agissant des revendications 21 et 22, elles ont été jugées valables par l'expert nommé par le tribunal de Bologne et par l'office des brevets américain ; - l'homme du métier, confronté au problème technique à la base de l'invention faisant l'objet du brevet EP'552, n'a aucune raison de s'intéresser au document US'042 ;- s'agissant des revendications 23 et 25, elles ne sont aucunement antériorisées par le document DE 23 52 949 ni le document CA 2 493 492. Sur ce, 58. L'article 138, 1, a) de la CBE dispose que le brevet européen est déclaré nul par les tribunaux d'un État contractant si "l'objet du brevet européen n'est pas brevetable en vertu des articles 52 à 57" et l'article l'article 56 que "une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour un homme du métier, elle ne découle pas d'une manière évidente de l'état de la technique".Une invention découle de manière évidente de l'état de la technique si, eu égard à celui-ci et confronté au problème que l'invention prétend résoudre, l'homme du métier aurait adopté la même solution en utilisant ses connaissances professionnelles et en effectuant de simples opérations courantes. Qu'il puisse théoriquement adopter cette solution n'est pas un critère de l'activité inventive. 59. La revendication 1 du brevet EP'425 est la suivante : "coffrage de dalle, composé de panneaux de coffrage (1) avec un cadre en forme de caisson ouvert vers le bas comportant des supports longitudinaux (5) et des supports transversaux (4), et de pièces de tête (2) qui soutiennent les coins de panneaux de coffrage (1) en aboutement et qui présentent une plaque de base rectangulaire (8), auprès des quatre coins de laquelle des saillies verticales sont prévues qui s'engagent dans les coins des cadres de panneaux de coffrage posés, caractérisé en ce que les saillies sont constituées en tant que tenons (11) et sont disposées sur des embouts (9) situés au niveau des coins de la plaque de base (8), et en ce que les panneaux de coffrage (1) comportent, au moins au niveau de leurs supports transversaux (4), une branche (6) dépassant vers l'intérieur ou des goussets".Il n'est pas discuté que ce brevet divulgue les caractéristiques a à c de la revendication 1 du brevet EP'552.S'agissant de la caractéristique d, dans le EP'425, le point de contact entre les panneaux de coffrage et les pièces de tête sur lesquels ils reposent se situe sur la branche (6) des supports transversaux, qui est la branche inférieure en éloignement du tronçon de base de ce support. Elle est ainsi nécessairement une surface d'appui aussi bien lorsque le coffrage est en position d'accrochage qu'en position montée, ainsi qu'il apparaît sur sa figure 2 ci-après reproduite, quand bien même elle ne serait pas ainsi qualifiée. Cette caractéristique d de la revendication 1 est donc remplie. 60. S'agissant de la caractéristique f, la présence de saillies sur la pièce de tête sur lesquelles s'engagent et s'agrippent les panneaux de coffrage lors de l'accrochage et du décrochage ne divulgue pas cette caractéristique en l'absence d'évidements sur le support.Enfin, la société Condor SpA ne saurait être suivie lorsqu'elle soutient que le brevet EP'425 permet l'agencement d'éléments de coffrage perpendiculairement les uns aux autres car cela ne ressort ni de la description, ni des revendications.Il est d'ailleurs expressément mentionné dans la description du brevet EP'552 que l'amélioration apportée au brevet EP'425 consistait à permettre l'orientation perpendiculaire de certains panneaux de coffrages (g).Les éléments caractérisants (f et g) de la revendication 1 du brevet EP'552 ne sont donc pas réunis dans le brevet EP'425 dont les figures 2 et 5 sont ci-après reproduites. 61. Or, le brevet DE'391, délivré le 29 mars 1951, divulgue une invention composée de planches de coffrage dont les bords sont repliés en forme de C et dont la branche parallèle au sol comporte des évidements qui s'engagent dans les évidements des supports transversaux qui les portent pour en permettre l'accrochage rigide et le démontage facile. 62. De plus, le brevet DE'081, publié le 30 décembre 1982, ayant pour titre "échafaudage pour coffrages pour béton", vise à "améliorer un échafaudage pour coffrages pour béton de type générique en ce que les poutrelles de coffrage peuvent être posées sur les têtes d'appui des montants respectivement des deux côtés dans des directions diamétrales qui se croisent et par des butées correspondantes des poutrelles de coffrage sur les têtes d'appui,".Il revendique à cet effet des montants comportant une tête d'appui de base carrée "possédant des barres d'accrochage (15, 16) le long de ses quatre arêtes, et les poutrelles de coffrage (22) ayant au-dessus de leurs éléments d'accrochage (24) une arête ou surface de butée (26) qui, dans la position de montage des poutrelles de coffrage (22), sont adjacentes aux arêtes latérales (25) de la plaque de tête (21) lors de l'appui des barres d'accrochage (15, 16)". 63. Il s'évince de ces deux derniers documents, faisant partie de la même spécialité technique et que l'homme du métier, confronté au problème de l'agencement de coffrages perpendiculaires, aurait donc consultés, que l'état de la technique à la date de la demande du brevet EP'552 incluait :- l'utilisation d'encoches dans une partie repliée des supports d'éléments de coffrage pour les fixer de façon rigide mais facilement détachable (DE'391), et- la possibilité de fixer des éléments de coffrage dans deux directions décalées de 90o les uns par rapport aux autres sur une même tête d'appui fixée sur un montant vertical (DE'081). 64. La simple juxtaposition de ces solutions techniques, connues de longue date, tant pour la constitution de coffrage en métal modulables et faciles à manipuler, pour l'accrochage et le démontage facile des éléments de coffrage que pour l'adaptation des coffrages aux contraintes de la surface à coffrer permettait donc à l'homme du métier d'arriver à la solution objet de la revendication 1 du brevet EP'552, ainsi que l'avait relevé l'office américain des brevets, soulignant que, si le brevet EP'425 ne divulguait pas expressément un évidement sur la surface d'appui du support pour s'engager dans les éléments de fixation de la tête du montant, à l'époque du dépôt de EP'552, l'homme du métier était incité à modifier la tête de fixation (slab formwork) et ajouter des évidements sur le support. 65. De plus, aucun préjugé n'aurait dissuadé l'homme du métier de conjuguer ces solutions parfaitement compatibles entre elles sur le plan mécanique. 66. C'est donc à juste titre que la société Condor SpA fait valoir que la revendication 1 du brevet EP'552 est nulle pour défaut d'activité inventive, de même que la revendication 2 qui n'ajoute à la revendication 1 que le caractère ouvert du profilé, qui était déjà connu. 67. Les revendications 8 (tête d'appui qui comporte des pattes de fixation coudées sur le plan d'appui perpendiculaire à l'extension du montant vertical respectif, pour l'engagement dans au moins un évidement de la surface d'appui d'un support), 9 (quatre pattes de fixation par tête d'appui en particulier perpendiculaires au plan d'appui), 10 (pattes de fixation perpendiculaires l'une à l'autre), 12 (tête d'appui comportant des zones de butée pour la face postérieure du tronçon de base d'un support, les surfaces de butée en particulier perpendiculaires au plan d'appui) et 13 (huit zones de butée, dont les surfaces de butée sont en particulier à un angle de 45o par rapport aux pattes de fixation) portent sur la configuration de la plaque de tête placée sur les montants verticaux. 68. Outre le brevet EP'425, plusieurs brevets antérieurs au brevet EP'552 comportent des têtes de fixation carrées munies de quatre pattes de fixation perpendiculaires au plan appui d'une tête d'appui (GB 2266 114 ou EP'357) destinées à l'accouplement avec un support inférieur d'un élément de coffrage (GB 2266 114 ou US'042 ou EP'357) permettant l'installation d'éléments de coffrage dans deux directions, à 90o les uns par rapport aux autres, avec des zones de butée du tronçon de base du support de coffrage 69. Ainsi, la revendication 1 du brevet EP'357 divulgue de telles têtes de fixation : " Support pour coffrages de planchers (...)qui comporte une pièce de tête (1), servant d'élément d'appui pour les angles de quatre panneaux de coffrage jointifs, qui comprend une plaque de base (2) horizontale de forme carrée et quatre saillies (8) dirigées vers le haut et prévues dans une disposition carrée sur cette plaque de base, qui peuvent chacune s'emboîter dans la région d'angle du cadre d'un panneau de coffrage à supporter, caractérisé par la prévision de nervures (11) dirigées vers le haut et pouvant s'engager entre les cadres de panneaux de coffrage voisins, les saillies (8) et les nervures (11) se succédant alternativement et étant disposées chaque fois avec un décalage de 45o, une saillie (8) sous la forme d'une broche cylindrique dirigée vers le haut étant fixée sur chacun des quatre angles de la plaque de base (2) et une nervure (11) dirigée vers le haut étant fixée dans la région médiane de chacun des côtés de la plaque de base sur un bras d'appui ou de support (10) dépassant au-dessus de la plaque de base (2)". Figures extraites du brevet EP0297357 Il était ainsi loisible à l'homme du métier d'adapter les pattes de fixation de ces têtes d'appui à des évidements de la branche du support en éloignement du tronçon de base. 70. Dès lors, la configuration de la tête d'appui telle que décrite par ces revendications est dépourvue d'activité inventive. 71. Les sociétés Peri et Peri SE ne contestent pas que la revendication 16 n'a aucun effet technique, une tête d'appui étant forcément reliée à un montant vertical de manière soit détachable, soit fixe, seules possibilités matérielles, ce qui suffit à exclure toute activité inventive. 72. La revendication 17 prévoit que la tête d'appui est susceptible d'être accouplée à une plaque de tête, de préférence carrée, d'un montant vertical habituel du commerce et la revendication 20 que la tête d'appui est susceptible d'être fixée sur un montant vertical au moyen d'un élément à ressort tenu dans la tête d'appui. 73. C'est à juste titre que la société Condor SpA fait valoir qu'un accouplement de la tête d'appui à une plaque de tête par ressort objet de la revendication 20 est déjà décrite dans l'art antérieur, notamment le brevet US'914 "support comportant une tête démontable" délivré le 29 juillet 1997 : "L'invention couvre un montant avec une tête d'appui amovible pour le coulage de béton présentant, sur son côté inférieur, un prolongement s'engageant dans la partie creuse de l'extrémité supérieure du montant. Cette invention présente un cliquet à ressort monté en pivot sur le prolongement. Le cliquet s'engage sur une butée sur le montant pour verrouiller la tête d'appui montée sur le support au support, invention susceptible d'être utilisée sur n'importe quel système de coffrage connu". 74. Dès lors, les perfectionnements objets des revendications 17 et 20 sont dépourvus d'activité inventive. 75. La revendication 21 prévoit que le montant vertical et le support d'un élément de coffrage sont susceptibles d'être accrochés l'un avec l'autre dans une position dans laquelle l'élément de coffrage et le montant vertical enferment un angle inférieur à 90o, et après l'accrochage il est possible de faire pivoter l'élément de coffrage, tout en maintenant la liaison accrochée, jusque dans une position dans laquelle l'élément de coffrage et le montant vertical enferment un angle d'environ 90o et la revendication 22 qu'un support d'un élément de coffrage est susceptible d'être accroché avec des montants verticaux dans une position dans laquelle l'élément de coffrage s'étend essentiellement parallèlement aux montants verticaux. 76. C'est à juste titre que la société Condor SpA fait valoir que le brevet EP'425 décrit le mouvement de pivot objet de la revendication 21, qui est aussi explicitement indiquée dans la description du brevet US'042, du même domaine de spécialité que le brevet EP'552 de sorte que l'homme du métier y aura recours, dans les termes suivants : "l'accrochage, comme déjà indiqué, est réalisé par la fixation des pattes de fixation des têtes de soutien et des pattes longues de fixation des panneaux. Ensuite, par l'utilisation d'un crochet ou d'un autre élément adapté, le panneau est mis en rotation de sa position accrochée verticale jusqu'à une position horizontale, et la mise en place de deux autres montants sous ledit panneau pour que ce dernier repose sur les têtes de soutien de cette nouvelle paire de montants, créant ainsi une structure de quatre montants et leurs têtes de soutien et un panneau de coffrage, comme illustré à la depuis laquelle il sera possible de bâtir une grille de panneaux partant dans les deux directions à angles droits jusqu'à ce que toute la dalle à coffrer soit finalisée". 77. Les revendications 21 et 22 ne sont donc pas inventives et sont annulées de ce fait. 78. La revendication 23 prévoit que les éléments de coffrage sont constitués chacun de supports longitudinaux s'étendant à distance parallèlement l'un à l'autre, qui sont reliés par au moins un support transversal s'étendant perpendiculairement à eux-mêmes, les faces supérieures des supports longitudinaux formant une surface d'appui pour une peau de coffrage, la face supérieure du ou des supports transversaux s'appliquant contre la face inférieure des supports longitudinaux et la face inférieure des supports transversaux formant la surface d'appui et la revendication 25 prévoit que les éléments de coffrage comportent seulement un ou deux supports, en particulier rectilignes, et lorsqu'on prévoit deux supports, ceux-ci s'étendent parallèlement l'un à l'autre. 79. Comme le soutient à juste titre la société Condor SpA, elles font partie du fond des connaissances générales de l'homme du métier et sont présentes dans de nombreux systèmes de coffrage, notamment les brevets DE2352949 de 1973 et CA2493492 de 2004. 80. Au regard de l'ensemble de ces éléments, il sera retenu que l'homme du métier, confronté le 3 juillet 2005 au problème technique de l'accrochage transversal d'éléments de coffrage sur une même tête d'appui, aurait combiné la solution apportée par le brevet EP'425 de 1984 à celles résultant des connaissances générales de l'homme du métier, consistant notamment dans les solutions divulguées par les brevets déjà anciens DE'391 (1951) et DE'081 (1981) et EP'0357 (1988) pour parvenir, sans activité inventive à la solution objet des revendications 1, 2, 8, 9, 10, 12, 13, 17, 20, 21, 22, 23 et 25 du brevet EP'552 qu'il y a donc lieu de déclarer nulles pour défaut d'activité inventive. 81. Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter l'ensemble des demandes formées par la société Peri SE au titre de la contrefaçon de son brevet EP'552. IV . Sur la concurrence déloyale 82. La société Peri fait valoir qu'elle subit un préjudice consécutif à la désorganisation de son activité du fait de la présentation et de l'offre à la vente, sur le salon BATIMAT, plus grand salon professionnel français de la construction, d'un système contrefaisant du système de coffrage GRIDFLEX dont elle assure la promotion et la commercialisation en France. 83. La société Condor SpA conteste que sa présence au salon BATIMAT puisse constituer un acte de concurrence déloyale et indique que le système Alu-GD n'a pas été vendu en France. Sur ce, 84. La concurrence déloyale, fondée sur le principe général de responsabilité édicté par l'article 1240 du code civil, consiste dans des agissements s'écartant des règles générales de loyauté et de probité professionnelle applicables dans les activités économiques et régissant la vie des affaires tels que ceux créant un risque de confusion avec les produits ou services offerts par un autre opérateur, ceux parasitaires visant à s'approprier de façon injustifiée et sans contrepartie une valeur économique résultant d'un savoir-faire, de travaux ou d'investissements ou encore ceux constitutifs d'actes de dénigrement ou de désorganisation d'une entreprise. 85. Le distributeur d'un produit breveté peut agir sur le fondement de l'action en concurrence déloyale au visa de l'article 1240 du code civil aux côtés du titulaire de brevet pour la réparation de son préjudice propre.L'action en concurrence déloyale peut être fondée sur les mêmes faits que ceux allégués au soutien d'une action en contrefaçon de brevet rejetée pour défaut d'atteinte à un droit privatif, à condition qu'il soit justifié d'un comportement fautif.Toutefois, la reproduction d'un objet non protégé par un droit de propriété intellectuelle ne constitue pas une faute en l'absence de risque volontaire de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit. 86. En l'espèce, aucun fait distinct de la contrefaçon n'est démontré. La commercialisation de systèmes non contrefaisants de systèmes de coffrages lors d'un salon professionnel ne saurait donc être qualifié de faute. 87. Les demandes au titre de la concurrence déloyale sont donc rejetées. V . Sur la demande reconventionnelle en nullité du procès-verbal de saisie contrefaçon du 5 novembre 2019 88. La société Condor SpA soutient que l'huissier a outrepassé les termes de la requête :- en permettant aux conseils en propriété industrielle l'ayant assisté lors de la saisie-contrefaçon diligentée au cours du salon Batimat d'utiliser un document non visé dans la requête, ni porté à la connaissance du juge, et en refusant de l'annexer au procès-verbal de ses opérations, ce qui lui a nécessairement fait grief en l'empêchant d'en critiquer l'existence, le contenu et l'utilisation,- en se munissant d'un niveau à bulle, qui ne figurait pas parmi les objets autorisés par l'ordonnance, - en permettant au conseil en propriété industrielle d'utiliser un mètre pour procéder à diverses mesures alors que cet outil ne figurait pas dans la liste de ceux autorisés. 89. La société Peri SE et la société Peri font valoir que :- aucune irrégularité n'a été provoquée par le fait que les conseils en propriété industrielle avaient un document de travail et la société Condor SpA n'a subi aucun grief de ce fait,- elles ont demandé l'autorisation pour l'huissier de se munir des outils sans lesquels les opérations de manipulation du système de coffrage risquaient d'être impossibles, ce qui ne lui interdisait aucunement d'en utiliser d'autres. Sur ce, 90. L'article L.615-5 du code de la propriété intellectuelle organise un mode de preuve de la contrefaçon, communément appelé saisie contrefaçon, pratiquée par un huissier (dorénavant commissaire) de justice dans les limites d'une ordonnance rendue sur requête par une juridiction. 91. Il est établi que le conseil en propriété industrielle, dont la présence a été autorisée par l'ordonnance, a recouru à un document personnel de travail qui n'a été communiqué ni au magistrat destinataire de la requête, ni à l'huissier, ni au saisi. 92. Aucun texte ni aucune circonstance ne justifie d'interdire au conseil en propriété industrielle de se référer à des pièces écrites durant les opérations de saisie-contrefaçon. Ce conseil ayant un rôle d'assistance de l'huissier sur des points techniques et pour obligation de le faire en toute indépendance, il n'est pas anormal qu'il recoure à des documents personnels sans outrepasser son rôle. En particulier, il est établi qu'il n'a montré ces documents ni à l'huissier ni au saisi, de sorte qu'il n'a pas ainsi influencé ou orienté les opérations réalisées par l'huissier.C'est à juste titre que l'huissier n'en a ni demandé communication ni ne les a joints au procès-verbal.Cette circonstance ne saurait entraîner la nullité de la saisie-contrefaçon. 93. S'agissant des outils non prévus dans l'ordonnance, la mention dans la requête d'outils autorisés vise à permettre à l'huissier de réaliser matériellement sa mission, en cas de réticence du saisi à les fournir pour permettre les constatations autorisées et ainsi assurer l'efficacité de la mesure. Il ne s'agit aucunement d'une liste limitative des moyens matériels dont peut user l'huissier. 94. L'utilisation d'un mètre pour la prise de mesure dans le cadre de la mission autorisée, pas plus que la présence d'un niveau à bulles non utilisé ne sauraient entraîner la nullité de la saisie-contrefaçon. 95. Il n'y a donc pas lieu d'annuler le procès-verbal de saisie contrefaçon du 5 novembre 2019. VI . Sur les autres demandes 96. Les sociétés Peri et Peri SE, qui succombent, sont condamnées aux dépens de l'instance et à payer à la société Condor SpA la somme de 30.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 97. La nature et l'ancienneté de l'affaire justifient le prononcé de l'exécution provisoire. PAR CES MOTIFS Déclare irrecevable la demande reconventionnelle de la société Condor SpA en nullité des revendications 3 et 24 du brevet EP1899552 ; Prononce la nullité des revendications 1, 2, 8, 9, 10, 12, 13, 16, 17, 20, 21, 22, 23 et 25 du brevet EP1899552 pour défaut d'activité inventive ; Dit que la décision une fois définitive sera transmise à l'Office européen des brevets pour être inscrite au registre européen des brevets à l'initiative de la partie la plus diligente ; Rejette les demandes des sociétés Peri et Peri SE fondées sur la contrefaçon de brevet et la concurrence déloyale ; Rejette la demande de nullité du procès-verbal de saisie contrefaçon du 5 novembre 2019 ; Rejette la demande de nullité du procès-verbal de saisie contrefaçon du 5 novembre 2019 ; Condamne in solidum les sociétés Peri et Peri SE à payer à la société Condor SpA la somme de 30.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; Condamne in solidum les sociétés Peri et Peri SE aux dépens qui pourront être recouvrés par Maître Camille Pecnard conformément à l'article 699 du code de procédure civile ; Ordonne l'exécution provisoire du Jugement à intervenir ; Fait et jugé à Paris le 10 Mars 2023 Le Greffier La PrésidenteQuentin CURABET Irène BENAC
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JURITEXT000047636331
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AUTRES_DECISIONS
Tribunal judiciaire de Paris, 17 avril 2023, 23/051778
2023-04-17
Tribunal judiciaire de Paris
23/051778
CT0760
x
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS No RG 23/51778 - No Portalis 352J-W-B7G-CYPA3 No : 2/MM Assignation du :02 Décembre 2022 ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ rendue le 17 avril 2023 par Irène BENAC, Vice-Présidente au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal, Assistée de Minas MAKRIS, Faisant fonction de Greffier. DEMANDERESSES Société RITZ ENTERPRISE SA[Adresse 6][Localité 1] - SUISSE Société THE RITZ HOTEL LIMITED[Adresse 2][Adresse 2][Localité 3] - ROYAUME-UNI représentée par Maître Marianne SCHAFFNER du PARTNERSHIPS REED SMITH LLP, avocats au barreau de PARIS - #J097 DEFENDERESSE S.A.R.L. CASABLANCA CLOTHING LIMITED [Adresse 4][Adresse 4][Localité 3] / ROYAUME-UNI représentée par Me Isabelle LEROUX, avocat au barreau de PARIS - #P0372 DÉBATS A l'audience du 20 mars 2023, tenue publiquement, présidée par Irène BENAC, Vice-Présidente, assistée de Minas MAKRIS, Faisant fonction de Greffier, Nous, Président, Après avoir entendu les conseils des parties, Vu l'assignation en référé introductive d'instance, délivrée le 02 décembre 2022, et les motifs y énoncés, Exposé des faits et de la procédure 1. La société de droit suisse Ritz Enterprise SA est titulaire des marques suivantes : - la marque verbale française "RITZ PARIS" no 3128241, déposée le 26 octobre 2001 et renouvelée depuis, pour désigner des produits et services en classes 3, 4, 8, 14, 16, 18, 21, 24, 25, 28 et 34 parmi lesquels vêtements et chapellerie ;- la marque verbale française "RITZ" no 94515523, déposée le 14 avril 1994 et renouvelée depuis, pour désigner des produits et services en classes 8, 16, 18, 20, 25, 28, 29, 30, 32, 33, 34, 35, 39, 40, 41, 42, 43, 44 et 45 parmi lesquels les produits vêtements et chapellerie ;- la marque semi-figurative française no 154209817 déposée le 15 septembre 2015 et enregistrée le 8 janvier 2016, pour désigner des produits et services en classes 10 (matelas, oreillers et coussins à usage médical), 20 (articles de literie), 24 (linge de lit) et 33 (boissons alcooliques); - la marque figurative de l'Union européenne no 014735088, déposée le 26 octobre 2015 et enregistrée le 29 avril 2016, pour désigner des produits et services en classes 3, 4, 8, 9, 14, 16, 18, 20, 21, 24, 25 (dont vêtements et chapellerie), 28, 29, 30, 33, 35, 39, 41 et 43. 2. La société britannique The Ritz Hotel ltd est licenciée notamment de la marque figurative de l'Union européenne no 014735088 et de la marque verbale française "RITZ" no 94515523 depuis le 10 décembre 2021, licence publiée le 3 janvier 2023. 3. En 2021, la société Ritz Enterprise SA s'est associée avec un styliste américain pour commercialiser des vêtements - la collection Frame x Ritz - reproduisant la marque semi-figurative française no 154209817 et la marque figurative de l'Union européenne no 014735088. 4. La société Casablanca clothing ltd est une société de droit anglais ayant pour activité la vente de vêtements. En janvier 2022, elle a publié une collection automne-hiver 2022 dans un court métrage intitulé "le monde diplomatique et l'a commercialisée à compter d'octobre 2022. 5. Certaines pièces comportent les motifs suivants ensemble ou séparément. 6. Par courrier du 9 novembre 2022, le conseil de la société Ritz Enterprise SA a mis en demeure la société Casablanca clothing ltd de cesser la commercialisation de certains produits de cette collection et de fournir des éléments sur cette exploitation.Le 28 novembre 2022, le conseil de la société Casablanca clothing ltd lui a répondu que celle-ci avait retiré les produits litigieux de ses plate formes et qu'elle mettait tout en oeuvre pour les faire retirer chez ses revendeurs, s'engageait à ne pas reproduire les marques et logos Ritz et proposait une indemnisation forfaitaire à hauteur de 40.000 euros. 7. Le 20 novembre 2022, deux constats d'achat d'un pull-over et d'un tee-shirt portant le motif représenté au point 4 ont été réalisés dans deux magasins parisiens. 8. Par acte du 2 décembre 2022, la société Ritz Enterprise SA et la société The Ritz Hotel ltd ont fait assigner la société Casablanca clothing ltd devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris sur le fondement de l'article L. 716-4-6 du code de la propriété intellectuelle afin de voir prononcer diverses mesures d'interdiction sous astreinte et de condamnation sur le fondement de la contrefaçon des trois marques. 9. De nouveaux constats par commissaires de justice sur internet ont été réalisés les 13 décembre 2022 ainsi que les 23 janvier, 2 février et 15 mars 2023 sur des sites offrant les produits litigieux à la vente. Prétentions des parties 10. Dans leurs dernières conclusions signifiées le 20 mars 2023 soutenues oralement à l'audience, la société Ritz Enterprise SA et la société The Ritz Hotel ltd demandent au juge des référés de:"SE RECONNAÎTRE COMPÉTENT pour ordonner des mesures d'interdiction sur tout le territoire de l'Union européenne ; DECLARER société Casablanca clothing ltd irrecevable en toutes ses demandes fins et conclusions ;REJETER la demande de la société société Casablanca clothing ltd aux fins de voir prononcer la nullité de l'assignation du 2 décembre 2022 ; DÉCLARER les sociétés Ritz Enterprise SA et The Ritz Hotel ltd recevables et fondées en leurs demandes ; En conséquence, DÉBOUTER la société société Casablanca clothing ltd de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions, et en particulier de sa demande en constitution de garanties ; ENJOINDRE à la société société Casablanca clothing ltd de cesser tout usage et toute reproduction de la marque no 014735088, sur tout support et notamment les vêtements et articles associés sous astreinte de dix mille (10 000) euros par jour de retard dans un délai de trois (3) jours à compter du prononcé de l'ordonnance à intervenir, sur l'ensemble du territoire de l'Union européenne ; ENJOINDRE à la société société Casablanca clothing ltd de cesser tout usage et toute reproduction des marques no 3128241, no 94515523 et no 154209817 sur tout support et notamment les vêtements et articles associés sous astreinte de dix mille (10 000) euros par jour de retard dans un délai de trois (3) jours à compter du prononcé de l'ordonnance à intervenir, en France ; ENJOINDRE à la société société Casablanca clothing ltd de retirer de son site internet et toute page Internet et réseau social qu'elle opère toute reproduction des articles vestimentaires et accessoires reproduisant la marque no 014735088 sous astreinte de dix mille (10 000) euros par jour de retard dans un délai de trois (3) jours à compter du prononcé de l'ordonnance à intervenir, sur l'ensemble du territoire de l'Union européenne ; ENJOINDRE à la société société Casablanca clothing ltd de retirer de son site internet et toute page Internet et réseau social qu'elle opère toute reproduction des articles vestimentaires et accessoires reproduisant les marques no 3128241, no 94515523 et no 154209817 sous astreinte de dix mille (10 000) euros par jour de retard dans un délai de trois (3) jours à compter du prononcé de l'ordonnance à intervenir, en France; ENJOINDRE à la société société Casablanca clothing ltd de produire l'ensemble des documents permettant de déterminer les fabricants et distributeurs des produits argués de contrefaçon, sous astreinte de dix mille (10 000) euros par jour de retard dans un délai de trois (3) jours à compter du prononcé de l'ordonnance à intervenir ; ENJOINDRE à la société société Casablanca clothing ltd de retirer de tous les circuits commerciaux, physique ou Internet, directs ou indirects, l'ensemble des articles vestimentaires et accessoires reproduisant la marque no 014735088, no 3128241 et no 154209817, et procéder à leur entière destruction, sous contrôle d'huissier, aux frais exclusifs de CASABLANCA, sous astreinte de dix mille (10 000) euros par jour de retard dans un délai de trois (3) jours à compter du prononcé de l'ordonnance à intervenir, sur l'ensemble du territoire de l'Union européenne ; ENJOINDRE à la société société Casablanca clothing ltd de retirer de tous les circuits commerciaux, physique ou Internet, directs ou indirects, l'ensemble des articles vestimentaires et accessoires reproduisant les marques marques no 3128241, no 94515523 et no 154209817, et procéder à leur entière destruction, sous contrôle d'huissier, aux frais exclusifs de CASABLANCA, sous astreinte de dix mille (10 000) euros par jour de retard dans un délai de trois (3) jours à compter du prononcé de l'ordonnance à intervenir, en France ; CONDAMNER la société société Casablanca clothing ltd à payer à la société Ritz Enterprise SA SA la somme provisionnelle de cent vingt mille (120 000) euros à titre de dommages et intérêts, quitte à parfaire ; CONDAMNER la société société Casablanca clothing ltd à payer à la société The Ritz Hotel ltd la somme provisionnelle quarante mille (40 000) à titre de dommages et intérêts, quitte à parfaire ; SE RÉSERVER la compétence pour liquider, s'il y a lieu, les astreintes prononcées conformément aux dispositions de l'article L. 131-3 du code des procédures civiles d'exécution ; CONDAMNER la société société Casablanca clothing ltd à verser aux sociétés Ritz Enterprise SA SA et The Ritz Hotel ltd la somme de cent mille (100 000) quitte à parfaire, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; CONDAMNER la société société Casablanca clothing ltd aux entiers dépens lesquels seront recouvrés par Maître Marianne Schaffner, avocat à la cour, Reed Smith LLP, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile, en ce compris les frais de l'ensemble des constats dressés." 11. Dans ses dernières conclusions signifiées le 20 mars 2023 soutenues oralement à l'audience, la société Casablanca clothing ltd demande au juge des référés, au visa des articles L. 716-4-6, L.521-6 du code de la propriété intellectuelle, 4, 15, 31, 56, 74, 700, 768 du code de procédure civile, 9 et 25 du règlement (UE) 2017/1001 sur la marque de l'Union européenne du 14 juin 2017, de :- juger nulle l'assignation délivrée le 2 décembre 2022 par les sociétés Ritz Enterprise SA et The Ritz Hotel ltd ; - dire n'y avoir lieu à référé dès lors qu'elle a rapporté la preuve du retrait des produits litigieux du marché avant la date de l'assignation, le 2 décembre 2022 ; - dire n'y avoir lieu à référé en ce que les demanderesses ne justifient pas de l'urgence requise, ni du caractère vraisemblable des atteintes alléguées ; Si le président du tribunal judiciaire considérait qu'il y avait lieu à référé :- juger que la société The Ritz Hotel ltd n'a pas qualité à agir ni au titre de la contrefaçon, ni de l'atteinte à la renommée d'aucune des quatre marques invoquées dès lors que, au jour de l'assignation, elle n'en n'était ni titulaire, ni licenciée inscrite et qu'il n'est pas rapporté la preuve qu'elle en était licenciée ; - juger irrecevables les sociétés Ritz Enterprise SA et The Ritz Hotel ltd à invoquer une quelconque atteinte à la renommée de leurs marques no 014735088, no 3128241, no 154209817 et no 94515523, la question préalable à la constatation d'une atteinte à la renommée, étant la constatation de leur renommée, relevant uniquement du juge du fond ; - débouter la société Ritz Enterprise SA et la société The Ritz Hotel ltd de l'ensemble de leurs demandes à son encontre ; Subsidiairement, si des mesures d'interdictions provisoires étaient accordées : - assortir les interdictions provisoires de la constitution d'une garantie bancaire d'un montant de 100.000 euros et subordonner toute interdiction à la constitution préalable de celle-ci ; - juger que les mesures d'interdiction, de retrait et de destruction ne prendront effet qu'après un délai qui ne saurait être inférieur à un mois ; - condamner in solidum la société Ritz Enterprise SA et la société The Ritz Hotel ltd au dépens et à lui payer la somme de 45.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Motivation 12. A titre liminaire, la compétence du juge des référés du tribunal judiciaire de Paris n'est pas contestée, seules sont contestées les demandes d'interdiction formées sur le territoire de l'Union européenne sur la base de marques françaises, ce que les demanderesses reconnaissent aussi.Il n'y a donc pas de prétention à trancher à ce égard. 1 . Sur la nullité de l'assignation 13. La société Casablanca clothing ltd fait valoir que l'assignation est truffée d'imprécisions tant factuelles (désigner les "marques Ritz" sans établir pour chaque marque et pour quel territoire les griefs, les fondements et les demandes, imprécision des actes reprochés) que juridiques (imprécision des actes reprochés, absence de fondements, imprécision du dispositif) intentionnelles, qui l'empêchent d'organiser utilement sa défense. 14. Les demanderesses soutiennent que la nullité invoquée est artificielle, la défenderesse étant parfaitement informée de l'objet des demandes, et doit être rejetée car l'assignation identifie les titres invoqués, les éléments de renommée et ceux rendant vraisemblable la contrefaçon de leurs marques, ajoutant que les imprécisions soulevées ne font pas grief et ont à présent disparu. Sur ce, 15. L'article 56 du code de procédure civile dispose que : "L'assignation contient à peine de nullité, outre les mentions prescrites pour les actes d'huissier de justice : (?) 2o L'objet de la demande avec un exposé des moyens en fait et en droit".Ces dispositions visent à assurer le respect de la contradiction en permettant à la partie assignée de présenter en temps utile ses moyens de défense, ce qui suppose la qualification des actes reprochés, l'énumération des titres de propriété industrielle invoqués et la mention des dispositions fondant les demandes.L'article 115 du même code prévoit que la nullité est couverte par la régularisation ultérieure de l'acte si aucune forclusion n'est intervenue et si la régularisation ne laisse subsister aucun grief. 16. En l'espèce, dans leur assignation, les demanderesses n'ont invoqué la contrefaçon que de trois marques, la marque verbale Ritz no 94515523 n'ayant été invoqué que postérieurement. Si elles ont fréquemment désigné les trois marques de façon générale, elles ont néanmoins toujours allégué des faits précis abondamment illustrés et des moyens de droit explicites (contrefaçon de marques fondées sur l'atteinte à la renommée pour les trois marques et sur le risque de confusion avec la marque figurative) en précisant les textes invoqués, sur lesquels la société Casablanca clothing ltd a été en mesure de conclure en défense et d'organiser sa défense. 17. Les griefs concernant la portée des mesures demandées et la précision des faits de contrefaçon alléguée relèvent de la défense au fond et n'affectent aucunement le respect du principe contradictoire.L'exception de nullité de l'assignation est donc rejetée. 2 . Sur l'absence d'objet du référé 18. La société Casablanca clothing ltd fait valoir que, au jour de l'assignation, les produits litigieux ne restaient plus dans aucun magasin et ne subsistaient que sur quatre sites internet, hors de son contrôle (luisaviaroma.com, italist.com, ssense.com et farfetch.com) de sorte qu'il n'y a lieu à référé. 19. Les demanderesses soutiennent que la preuve contraire est rapportée. Sur ce, 20. Il n'est pas discuté, et il est démontré par trois constats de commissaires de justice postérieurs à la date de l'assignation, que les produits litigieux sont toujours en vente en ligne de sorte que la présente action a bien un objet. 3 . Sur la fin de non recevoir tirée du défaut de qualité à agir de la société The Ritz Hotel ltd 21. La société Casablanca clothing ltd fait valoir que, au jour de l'assignation, la société The Ritz Hotel ltd n'était ni titulaire, ni inscrite comme licenciée d'aucune des trois marques servant de base aux demandes et donc irrecevable à agir. 22. Les demanderesses soutiennent que, tant en droit européen qu'en droit français, tout licencié est recevable à intervenir dans la procédure en contrefaçon engagée par une autre partie en réparation du préjudice qui lui est propre quand bien même la licence ne serait pas inscrite au registre des marques. Elles ajoutent que la licence de la société The Ritz Hotel ltd pour les quatre marques est publiée depuis le 3 janvier 2023. Sur ce, 23. L'article 31 du code de procédure civile dispose : "l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé". 24. L'article L.716-4-6 du code de la propriété intellectuelle dispose "Toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon peut saisir en référé la juridiction civile compétente afin de voir ordonner, au besoin sous astreinte, à l'encontre du prétendu contrefacteur ou des intermédiaires dont il utilise les services, toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d'actes argués de contrefaçon." et l'article L. 716-4-2 du même code prévoit que l'action en contrefaçon peut être engagée par le licencié avec le consentement du titulaire. L'absence de publication de la licence n'ôte pas au licencié sa qualité à agir.L'article 25 du règlement 2017/1001 du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne prévoit que tout licencié est recevable à intervenir dans la procédure en contrefaçon engagée par le titulaire de la marque. 25. Les pièces versées aux débats démontrent que la société The Ritz Hotel ltd est licenciée de la marque figurative de l'Union Européenne no 014735088 et de la marque verbale française no 94515523 depuis le 10 décembre 2021, licence publiée le 3 janvier 2023. Sa qualité à agir est donc démontrée.En revanche, ni le contrat de licence du 10 décembre 2021, qui porte sur 26 marques, ni la demande d'inscription de la licence à l'INPI (pièce 1.15) ne font pas mention de la marque verbale française no 3128241, ni de la marque semi-figurative française no 154209817. La société The Ritz Hotel ltd ne justifie donc pas de sa qualité à agir en contrefaçon pour ces deux marques au titre de l'article L.716-4-6 précité. 26. Il convient par conséquent de rejeter la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de la société The Ritz Hotel ltd s'agissant des demandes au titre de la marque figurative de l'Union Européenne no 014735088 et de la marque verbale française no 94515523 et de déclarer la société The Ritz Hotel ltd irrecevable à agir au titre de la marque verbale française no 3128241 et de la marque semi-figurative française no 154209817. 4 . Sur la vraisemblance de la contrefaçon Sur l'atteinte à la marque jouissant d'une renommée 27. La société Ritz Enterprise SA et la société The Ritz Hotel ltd allèguent une contrefaçon par atteinte à la renommée en ce que :- la marque figurative "blason" a un caractère renommé : elle est utilisée depuis le XIXème siècle pour la restauration et l'hôtellerie mais également pour des vêtements de bain et les vêtements de la collection de 2021 évoquée supra ;- la marque semi-figurative Ritz Paris a un caractère renommé : elle est utilisée depuis la création de l'hôtel en 1898 et jouit d'une très forte connaissance dans le public français et étranger en matière d'hôtellerie mais également pour des vêtements et du linge de maison ;- ces deux marques "exercent un pouvoir propre indépendamment des produits et services qu'elles désignent" ;- le public pertinent est un consommateur normalement visé d'attention moyenne ;- le signe litigieux est celui représenté au point 4 supra, blason et inscription pris ensemble ou séparément ;- le blason est très fortement similaire à la marque figurative no 014735088 et les différences ne remettent pas en cause l'impression d'ensemble sur les plans visuel et conceptuel ;- l'inscription Caza Paris a le même nombre de lettres et utilise les deux mêmes typographies, avec la lettre z caractéristique, que la marque semi-figurative no 154209817 et est similaire aux deux marques verbales ;- les quatre marques Ritz ont un fort caractère distinctif et les signes litigieux y font indéniablement référence par les similitudes visuelles, la commercialisation des produits dans les mêmes points de vente et visent la même clientèle ;- la société Casablanca clothing ltd tire un profit indû des marques Ritz et porte préjudice à leur caractère distinctif et à leur renommée en créant une confusion entre ses produits et ceux de la collection Frame x Ritz. 28. La société Casablanca clothing ltd fait valoir que :- le juge des référés, juge de l'évidence, n'est pas compétent pour statuer sur la renommée d'une marque, de sorte que toute demande au titre de l'atteinte fondée sur celle-ci est irrecevable ;- l'atteinte à la renommée d'aucune des quatre marques invoquées n'est constituée car les éléments versés aux débats établissent tout au plus la popularité de l'hôtel Ritz et son enseigne "Ritz Paris" (Com., 5 janvier 2022, pourvoi no 19-22.673) ;- la renommée de la marque figurative "blason" n'est pas démontrée, pas plus que les marques verbale et semi-figurative "Ritz Paris", ni la marque verbale "Ritz", qui est d'ailleurs l'enseigne d'autres hôtels exploités par des tiers à l'étranger. Sur ce, 29. Les droits conférés par les marques françaises et de l'Union européenne sont prévus dans des termes en substance identiques par la directive 2015/2436 du 16 décembre 2015 rapprochant les législations des États membres sur les marques et le règlement 2017/1001 précité, respectivement à leur article 10 et 9, ce dernier étant rédigé en comme suit, s'agissant de l'atteinte à une marque de renommée :"2. Sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité d'une marque de l'Union européenne, le titulaire de cette marque de l'Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe pour des produits ou services lorsque : (...) c) ce signe est identique ou similaire à la marque de l'Union européenne, indépendamment du fait que les produits ou services pour lesquels il est utilisé soient identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée, lorsque celle-ci jouit d'une renommée dans l'Union et que l'usage de ce signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque de l'Union européenne ou leur porte préjudice." 30. L'atteinte aux marques jouissant d'une renommée, prévue en droit interne, en des termes en substances identiques, à l'article L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle est qualifiée de contrefaçon par l'article L. 716-4 dans le cas des marques françaises et par l'article L. 717-1 dans le cas des marques de l'Union européenne. 31. La Cour de justice des communautés européennes a dit pour droit qu'une marque enregistrée jouit d'une renommée lorsqu'elle est connue d'une partie significative du public concerné par les produits ou services couverts par elle (CJCE, 14 septembre 1999, General motors corporation, C-375/97) dans une partie substantielle du territoire concerné, État membre ou Union (respectivement, CJCE, General motors corporation, précité, point 28 et CJCE, 6 octobre 2009, Pago international, C-301/07, point 27). 32. La preuve de la renommée de la marque pèse sur le demandeur qui peut l'établir par tout moyen, notamment par la part de marché détenue par la marque, l'intensité, l'étendue géographique et la durée de son usage, ainsi que l'importance des investissements réalisés par l'entreprise pour la promouvoir. 33. Les demanderesses font état de l'ancienneté et du prestige du nom Ritz pour l'hôtel parisien de la [Adresse 5] ainsi que la connaissance de cette enseigne par de nombreuses personnes (parisiens, touristes) relayée les personnalités influentes qui y ont séjourné, éléments relevés par les décisions des juridictions polonaises qu'elles citent. Elles versent aussi une étude de l'Ifop réalisée en avril 2021 (pièce 4.13 des demanderesses) qui indique avoir été réalisée du fait que la nouvelle direction de l'hôtel Ritz Paris souhaitait renforcer le rayonnement de la marque Ritz et qui montre que 21 % des 813 personnes françaises sondées appartenant à la catégorie socio-professionnelle la plus élevée en France associe spontanément Ritz à un hôtel de luxe et (33 % pour Ritz Paris). 34. Quoique prestigieux, l'hôtel Ritz parisien est cependant connu d'une clientèle et d'un nombre de touristes et d'amateurs restreints au regard du public français concerné par les produits ou services couverts par la marque Ritz, en l'espèce le grand public. L'enquête précitée porte elle aussi sur un échantillon particulièrement faible et peu représentatif de ce public. Ces éléments sont donc insuffisants à eux seuls à caractériser la renommée de la marque Ritz. 35. Il en va de même pour la marque "Ritz Paris" également déposée en 2001 des produits et services dans 11 classes ainsi que de sa déclinaison semi-figurative, déposée en 2015 pour des produits de literie, linge et boissons alcooliques. 36. Dès lors, la société Ritz Enterprise SA et la société The Ritz Hotel ltd ne démontrent pas, avec l'évidence requise en référé, la renommée des trois marques françaises Ritz et Ritz Paris auprès d'une partie significative du public concerné. 37. S'agissant du blason, déposé à titre de marque de l'Union européenne en 2015, les demanderesses présentent des exemples de sa reproduction, durant le XXème siècle, sur des livres d'or, magazines de l'hôtel et verres qui ne sont pas identiques au signe déposé.Il figure en revanche sur la façade de l'hôtel depuis 2018, sur des sous-verres, sur la très récente collection de vêtements Frame x Ritz, sur des photographies de vêtements et pyjamas publiées sur le compte Instagram d'influenceuses américaines et sur des photographies de divers articles en lien avec l'hôtel (vaisselle, uniformes des employés, pâtisseries, flacons, etc) sur le compte Instagram de l'hôtel Ritz. 38. L'utilisation du signe dans l'identification de l'hôtel et dirigé vers sa clientèle ne caractérise pas un usage intensif de la marque tel qu'elle est connue d'une partie significative du public concerné.Quant à l'écho médiatique donné à la collection Frame x Ritz en 2021, il ne permet pas de démontrer que cette marque aurait, en si peu de temps, acquis une renommée auprès d'une partie significative de la clientèle de ces produits, c'est-à-dire du grand public. Or, aucun élément ne vient démontrer cette renommée par exemple par des ventes considérables ou des investissements de communication intensifs. 39. La renommée de la marque figurative no 014735088 auprès d'une partie significative du public dans une partie substantielle du territoire français ou de l'Union européenne n'est donc pas démontrée. Sur l'atteinte à la marque par risque de confusion 40. La société Ritz Enterprise SA et la société The Ritz Hotel ltd allèguent une contrefaçon de la marque figurative no 014735088 par risque de confusion en ce que :- les signes présentent des similitudes visuelles évidentes ;- les produits incriminés sont des vêtements et chapeaux, c'est-à-dire des produits identiques à ceux protégés en classe 25 par la marque figurative no 014735088 ;- il existe un fort risque de confusion pour le consommateur s'agissant, d'une part, de signes très distinctifs et, d'autre part, de produits très similaires commercialisés dans les mêmes points de vente, pour une clientèle commune (consommateurs jeunes, aisés, intéressés par la mode confortable) à des prix proches. 41. La société Casablanca clothing ltd oppose que :- l'usage d'un signe identique ne mettant pas en péril la garantie de provenance qui constitue la fonction essentielle de la marque ne peut être prohibé par le titulaire de droit (CJCE, 12 novembre 2002, Arsenal Football Club, C-206/01) ;- or, le motif litigieux est très différent visuellement et conceptuellement de la marque figurative de l'Union européenne, et en tous cas suffisamment pour éviter tout risque de confusion dans l'esprit du consommateur qui, au vu du niveau de prix des articles, a un degré d'attention élevé. Sur ce, 42. L'article 9, 2, b), du règlement 2017/1001 précité dispose : "2. Sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité d'une marque de l'Union européenne, le titulaire de cette marque de l'Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe pour des produits ou services lorsque : (...) b) ce signe est identique ou similaire à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou services identiques ou similaires aux produits ou services pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée, s'il existe un risque de confusion dan l'esprit du public ; le risque de confusion comprend le risque d'association entre le signe et la marque". 43. Les signes reproduits aux points 1 et 4 supra ne sont pas identiques. 44. Ce sont tous deux des blasons portés par un cadre identique dans sa forme et ses proportions, surmonté d'un emblème (une couronne pour la marque, un poisson volant pour le signe litigieux) et souligné en partie par un ruban (légèrement différent dans l'un et l'autre cas). Ils sont tous eux unicolores.Dans les deux cas, la moitié supérieure de l'intérieur du blason est striée de lignes horizontales sur lesquelles se détachent trois fleurs de lys dans le cas de la marque ou six petits fruits dans le signe litigieux, et la partie inférieure représente un arbre (ou un champignon) sur fond blanc enraciné, le feuillage et le sol étant striés de lignes parallèles dans le cas de la marque et une pagaie moitié sur fond blanc et moitié sur des lignes parallèles évoquant des flots.La structure, la composition, la couleur et les contrastes sont ainsi très voisins créant une similitude visuelle forte. Cette constatation n'est pas démentie par les autres blasons représentés en défense dont la structure et la composition sont très différentes. 45. Sur le plan conceptuel, les blasons sont les supports d'armoiries qui sont des signes identifiant un territoire ou une famille. En l'espèce, les signes ornant le blason évoquent des références bien différentes dans les deux cas, la marque évoquant l'aristocratie (couronne, fleurs de lys) et le terroir (arbre ou champignon enraciné au sol) et le signe litigieux la nature (poisson, fruits) et la mer (poisson, flots, pagaie). La similitude conceptuelle est donc faible. 46. Les produits vendus sous la marque sont des vêtements et casquettes, identiques à ceux ornés du signe litigieux. Ce sont des articles onéreux sans être des produits de luxe. 47. Le risque de confusion sur l'origine commune des produits revêtus du signe litigieux avec les titulaires de la marque dans l'esprit public pertinent - ici le public consommateur de vêtements normalement averti et raisonnablement attentif qui n'a pas les deux signes simultanément sous les yeux - se déduit de la forte ressemblance visuelle des signes, l'aspect conceptuel étant très secondaire, aucune des parties n'ayant d'identité liée ni à l'aristocratie, ni au terroir, ni à la mer ou la nature, et de l'identité des produits. 48. Au regard de ces éléments, il convient de juger que l'utilisation du blason litigieux par la société défenderesse sur les vêtements et casquettes qu'elle commercialise porte une atteinte vraisemblable à la marque dont la société Ritz Enterprise SA est titulaire et la société The Ritz Hotel ltd est licenciée. 5 . Mesures de réparation 49. L'article L.716-4-6 du code de la propriété intellectuelle précité prévoit notamment : "La juridiction peut interdire la poursuite des actes argués de contrefaçon, la subordonner à la constitution de garanties destinées à assurer l'indemnisation éventuelle du demandeur ou ordonner la saisie ou la remise entre les mains d'un tiers des produits soupçonnés de porter atteinte aux droits conférés par le titre, pour empêcher leur introduction ou leur circulation dans les circuits commerciaux. Si le demandeur justifie de circonstances de nature à compromettre le recouvrement des dommages et intérêts, la juridiction peut ordonner la saisie conservatoire des biens mobiliers et immobiliers du prétendu contrefacteur, y compris le blocage de ses comptes bancaires et autres avoirs, conformément au droit commun. Pour déterminer les biens susceptibles de faire l'objet de la saisie, elle peut ordonner la communication des documents bancaires, financiers, comptables ou commerciaux ou l'accès aux informations pertinentes.Elle peut également accorder au demandeur une provision lorsque l'existence de son préjudice n'est pas sérieusement contestable".L'article L.716-4-9 du même code prévoit : "Si la demande lui en est faite, la juridiction saisie au fond ou en référé d'une procédure civile prévue au présent titre peut ordonner, au besoin sous astreinte, afin de déterminer l'origine et les réseaux de distribution des produits argués de contrefaçon qui portent atteinte aux droits du demandeur, la production de tous documents ou informations détenus par le défendeur ou par toute personne qui a été trouvée en possession de produits argués de contrefaçon ou qui fournit des services utilisés dans de prétendues activités de contrefaçon ou encore qui a été signalée comme intervenant dans la production, la fabrication ou la distribution de ces produits ou la fourniture de ces services.La production de documents ou d'informations peut être ordonnée s'il n'existe pas d'empêchement légitime". 50. Vu le caractère vraisemblable de la contrefaçon de la marque figurative no 014735088, il y a lieu de prononcer les mesures d'interdiction et de retrait des produits dans les limites précisées au dispositif de la présente décision. 51. S'agissant de la provision sur le préjudice commercial, les attestations de M. [U] au nom de la société Ritz Enterprise SA du 22 novembre 2022 et du 16 février 2023 sont trop imprécises sur les articles dont les ventes auraient diminué pour caractériser un quelconque préjudice de l'une ou l'autre des demanderesses, ni pour l'estimer puisqu'elles ne comportent aucun montant. Or, quoiqu'interpellées sur ce point par les écritures adverses, les deux sociétés en demande ne fournissent aucune autre pièce justifiant de leur préjudice sinon le courriel de la société Casablanca clothing ltd du 28 novembre 2022, proposant une indemnisation de 40.000 euros.Le principe de l'existence d'un préjudice de la société Ritz Enterprise SA, titulaire de la marque, étant cependant peu contestable au regard des preuves de commercialisation de produits ornés d'un motif vraisemblablement contrefaisant, il y a lieu de lui allouer une provision sur dommage de 40.000 euros.La société The Ritz Hotel ltd, pour sa part, ne fournit aucun élément démontrant son préjudice commercial ni un préjudice d'image qui n'est pas plus étayé. 52. La société Casablanca clothing ltd ne soulève aucun empêchement légitime aux demandes formées au titre du droit d'information qui seront donc ordonnées, sans qu'il y ait lieu à astreinte. 6 . Dispositions finales 53. La société Casablanca clothing ltd, qui succombe, est condamnée aux dépens de l'instance, qui ne comportent pas les frais exposés pour les constats par commissaire de justice qui n'entrent pas dans la liste limitative des dépens de l'article 699 du code de procédure civile. L'équité justifie de condamner la société Casablanca clothing ltd à payer à la société Ritz Enterprise SA et la société The Ritz Hotel ltd la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Par ces motifs Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par ordonnance contradictoire et en premier ressort , Rejetons l'exception de nullité de l'assignation ; Rejetons la fin de non recevoir tirée du défaut de qualité à agir de la société The Ritz Hotel ltd au titre de la marque figurative de l'Union européenne no 014735088 et de la marque verbale française no 94515523 ; Déclarons la société The Ritz Hotel ltd irrecevable à agir au titre de la marque verbale française no 3128241 et de la marque semi-figurative française no 154209817 ; Enjoignons à la société Casablanca clothing ltd de cesser tout usage et toute reproduction de la marque no 014735088, sur tout support et notamment les vêtements et articles associés sur l'ensemble du territoire de l'Union européenne, sous astreinte de 500 euros par jour de retard pendant 61 jours, à compter d'un délai de quinze jours à compter de la signification de la présente ordonnance ; Enjoignons à la société Casablanca clothing ltd de produire les documents permettant de déterminer les fabricants et distributeurs des produits sur lesquels figure le signe vraisemblablement contrefaisant de la marque no 014735088 dans un délai de quinze jours à compter du prononcé de la présente ordonnance ; Enjoignons à la société Casablanca clothing ltd de retirer de tous les circuits commerciaux, physique ou Internet, directs ou indirects, l'ensemble des articles vestimentaires et accessoires sur lesquels figure le signe vraisemblablement contrefaisant de la marque no 014735088 et procéder à leur destruction à ses frais ; Condamnons la société Casablanca clothing ltd à payer à la société Ritz Enterprise SA la somme provisionnelle de 40.000 euros à titre de dommages et intérêts ; Nous réservons la liquidation des astreintes prononcées conformément aux dispositions de l'article L. 131-3 du code des procédures civiles d'exécution ; Condamnons la société Casablanca clothing ltd à payer à la société Ritz Enterprise SA et la société The Ritz Hotel ltd, ensemble, la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; Condamnons la société Casablanca clothing ltd aux dépens, qui pourront être recouvrés directement par Maître Marianne Schaffner dans les conditions de l'article 699 ; Déboutons les parties de leurs demandes plus amples ou contraires. Fait à Paris le 17 avril 2023 Le Greffier, Le Président, Minas MAKRIS Irène BENAC
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JURITEXT000047636332
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AUTRES_DECISIONS
Tribunal judiciaire de Paris, 13 avril 2023, 21/09930
2023-04-13
Tribunal judiciaire de Paris
21/09930
CT0087
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TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 3ème chambre 1ère section No RG 21/09930 No Portalis 352J-W-B7F-CUXLT No MINUTE : Assignation du :08 juillet 2021 JUGEMENT rendu le 13 avril 2023 DEMANDERESSE S.A.S. AMCP[Adresse 2][Localité 3] représentée par Me Alexandra ATLAN-ELHAÏK de la SELARL ATLAN & BOKSENBAUM AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E1876 DÉFENDERESSE S.A.S. NESTLE FRANCE[Adresse 1][Localité 4] représentée par Me Yves BIZOLLON de l'AARPI BIRD & BIRD, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R0255 COMPOSITION DU TRIBUNAL Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointeElodie GUENNEC, Vice-présidenteMalik CHAPUIS, Juge, assistés de Caroline REBOUL, Greffière en présence de [N] [X], magitrat en stage de pré affectationet de Pauline HENG, Greffière stagiaire DEBATS A l'audience du 30 janvier 2023 tenue en audience publique, avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue le 13 avril 2023. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffeContradictoireEn premier ressort 1. La société par actions simplifiée AMCP, créée en 2017 par Mme [P] [T] et M. [D] [W], commercialise du chocolat, notamment sous forme de tablette, par l'intermédiaire de son site internet et de son réseau de distributeurs. 2. La société AMCP indique commercialiser le chocolat qu'elle fabrique sous forme de tablettes de dégustation sous la marque « Encuentro ». Elle précise avoir développé l'emballage de ces produits avec une agence en 2017, dont le plus emblématique est celui de la tablette « Encuentro 70% Haïti » représentant une cabosse de couleur orange à reflets jaune apposée sur un fond uni couvrant la quasi-totalité de l'emballage. 3. Le 11 décembre 2017, la société AMCP a déposé auprès de l'INPI une enveloppe e-Soleau contenant l'emballage de la tablette « Encuentro 70% Haïti ». 4. La société AMCP indique avoir lancé en juin 2021 une nouvelle tablette dénommée « Encuentro 70% Mexique » qui est, selon elle, similaire à celui de la tablette « Encuentro 70% Haïti » à l'exception de la couleur violette de la cabosse. 5. La société par actions simplifiée Nestlé France se présente comme une filiale du groupe Nestlé commercialisant en France du chocolat et des confiseries par l'intermédiaire de son réseau de distributeurs, en ligne et en magasin. 6. La société AMPC indique avoir découvert au mois de mars 2021 que la société Nestlé France offrait à la vente sous ses marques « Nestlé » et « Les recettes de l'atelier » une tablette de chocolat noir dénommée « Incoa » avec un packaging reproduisant, selon elle, les caractéristiques essentielles du packaging de la tablette « Encuentro 70% Haïti ». 7. Par courrier du 9 mai 2021, la société AMCP a mis en demeure la société Nestlé France de cesser la commercialisation de sa tablette de chocolat « Incoa » qu'elle estime porter atteinte à ses droits d'auteur sur l'emballage de la tablette « Encuentro 70% Haïti » et demandé l'indemnisation de préjudice en résultant. 8. Par courrier du 31 mai 2021, la société Nestlé a refusé d'accéder aux demandes de la société AMCP, notamment car selon elle l'emballage de la table « Encuentro » serait dépourvue d'originalité. 9. Par acte d'huissier du 8 juillet 2021, la société AMCP a assigné la société Nestlé France devant le tribunal judiciaire de Paris en contrefaçon de droits d'auteur et concurrence déloyale. 10. La société AMCP indique avoir découvert en novembre 2021 le lancement par la société Nestlé d'une tablette « Incoa 80% » commercialisée selon elle dans le même emballage et dans un coloris également utilisé par la société AMCP pour l'emballage de la tablette « Encuentro 70% Mexique ». 11. Par courrier du 6 décembre 2021, la société AMCP a mis en demeure la société Nestlé France de cesser l'ensemble des actes contrefaisants, déloyaux et parasitaires. 12. Par courrier du 14 décembre 2021, la société Nestlé France a invité la société AMCP à présenter ses griefs dans le cadre de la procédure déjà pendante devant le tribunal. 13. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 14 juin 2022, la société AMCP demande au tribunal de :-condamner la société Nestlé France à payer à la société AMCP :*la somme de 400 000 euros en réparation de la violation de ses droits patrimoniaux d'auteur ;*la somme de 100 000 euros en réparation de la violation de ses droits moraux d'auteur ;-subsidiairement, condamner la société Nestlé France à payer à la société AMCP, la somme de 500 000 euros en réparation du préjudice subi au titre des actes de concurrence déloyale et parasitaire ;-condamner la société Nestlé France à payer à la société AMCP, la somme de 100 000 euros en réparation du préjudice subi au titre des actes de concurrence déloyale résultant des pratiques commerciales déloyales et trompeuses ;-faire interdiction à la société Nestlé France, sous astreinte définitive de 1 000 euros par infraction constatée après l'expiration d'un délai de 24 h à compter du jugement à intervenir, de fabriquer, faire fabriquer, importer, commercialiser directement ou indirectement, détenir, ou continuer à exploiter le « packaging » contrefaisant celui de la société AMCP ;-ordonner, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, le rappel et la destruction, dans les 48 h suivant la signification du jugement à intervenir, de tous stocks contrefaisants et de tous documents ou supports s'y rapportant détenus ou appartenant à la société Nestlé France et ce, en tous lieux où ils se trouveraient ; -ordonner à titre de complément de dommages et intérêts, la publication du jugement à intervenir, par extrait ou dans son intégralité, dans trois journaux ou revues au choix de la société AMCP, et aux frais de la société Nestlé France, pour un montant maximum de 3 000 euros par insertion, et sur la page d'accueil des sites internet https://www.nestle.fr et https://www.croquonslavie.fr, pendant une période d'un mois et ce sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, à compter de la signification du jugement à intervenir.-dire n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de la décision à intervenir-condamner la société Nestlé France à la somme de 20 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, comprenant notamment les frais de constat de l'Étude d'Huissier de Justice Jourdain – Dubois – Racine. 14. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 29 mars 2022, la société Nestlé France demande au tribunal de :-débouter la société AMCP de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;-subsidiairement, suspendre l'exécution provisoire de la décision à intervenir,Plus subsidiairement, ramener le montant des dommages et intérêts à de plus justes proportions,-condamner la société AMCP à lui payer la somme de 60 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens dont distraction au profit de Me Bizollon, avocat. 14.1 L'instruction de l'affaire a été clôturée par ordonnance du 18 octobre 2022 et renvoyée à l'audience du 30 janvier 2023 pour plaidoirie. La décision a été rendue le 13 avril 2023. SUR CE 1. La contrefaçon de droits d'auteur 15. Selon la société AMCP, les emballages des tablettes de chocolat « Incoa 70% » et « Incoa 80% » commercialisées par la société Nestlé France reprennent l'ensemble des caractéristiques essentielles de l'emballage « Encuentro 70% Haïti, en particulier une cabosse de couleur orange lisse, avec un contour net, sans rainures ni bosses ou aspérités, pourtant spécifiques à la cabosse de cacao, qui recouvre la quasi-totalité de la surface avant. La société AMCP soutient que le seul fait que Nestlé France utilise une étiquette blanche sur les emballages de ses tablettes depuis 2014 ne suffit pas à écarter la qualification de contrefaçon. Elle estime que l'ensemble des caractéristiques de son emballage témoignent de l'empreinte de la personnalité de son auteur en ce qu'elles expriment une authenticité, un savoir-faire artisanal renvoyant à l'histoire personnelle de ses fondateurs outre une balance entre une typographie traditionnelle et une aquarelle plus douce. Elle considère que la société Nestlé ne démontre pas l'absence d'exploitation non équivoque ou la revendication par un tiers de la qualité d'auteur. De la même façon, elle dit que Nestlé n'apporte pas la preuve d'une contrainte fonctionnelle justifiant une telle représentation qui doit être appréciée dans son ensemble. 16. La société Nestlé France soutient que les différentes caractéristiques développées au soutien de l'originalité de l'oeuvre sont banales et répondent à des contraintes fonctionnelles tenant à l'information sur la composition du produit et sa production artisanale et haut de gamme. Elle considère que la combinaison d'éléments banals, telle la reproduction d'une cabonne à l'état naturel, ne peut créer une oeuvre originale. La société Nestlé expose que l'étiquette blanche et les anciens caractères d'imprimerie sont des éléments banals et que la société Nestlé France utilise sur l'emballage de la tablette « Incoa » la même étiquette que celle qu'elle utilise depuis 2014 pour la gamme « Nestlé - Les recettes de l'Atelier ». Selon la société Nestlé France, les emballages de la société AMCP matérialisent des reflets et contrastes qui n'apparaissent pas sur les emballages « Incoa ». Appréciation du tribunal 1.1 Sur l'originalité 17. Aux termes de l'article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle « l'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. / Ce droit comporte des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial, qui sont déterminés par les livres Ier et III du présent code (...) ». 18. Selon l'article L. 112-1 du même code « les dispositions du présent code protègent les droits des auteurs sur toutes les oeuvres de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination ». 19. Pour qu'un objet puisse être regardé comme original, il est à la fois nécessaire et suffisant que celui-ci reflète la personnalité de son auteur, en manifestant les choix libres et créatifs de ce dernier. En revanche, lorsque la réalisation d'un objet a été déterminée par des considérations techniques, par des règles ou par d'autres contraintes, qui n'ont pas laissé de place à l'exercice d'une liberté créative, cet objet ne saurait être regardé comme présentant l'originalité nécessaire pour pouvoir constituer une oeuvre (CJUE, 12 septembre 2019, C.683/17, Cofemel - Sociedade de Vestuário SA contre G-Star Raw CV). 20. Lorsque l'originalité d'une oeuvre de l'esprit est contestée, il appartient à celui qui revendique la protection au titre du droit d'auteur, à même d'identifier les éléments traduisant sa personnalité, d'identifier ce qui caractérise cette originalité. 21. En l'espèce, les oeuvres revendiquées sont présentées par la société AMCP comme des emballages des tablettes de chocolat qu'elle commercialise. Elle décrit les caractéristiques suivantes : - « une unique cabosse, qui couvre la quasi-totalité du recto du packaging,-de couleur orange,-à l'aspect lisse, contour net, dépourvu des rainures et bosses pourtant spécifiques aufruit,-avec des reflets jaune contrastants,-apposé sur un fond uni, -une étiquette blanche rectangulaire est apposée sur la cabosse,-la police de caractères rappelle les anciens caractères d'imprimerie,-la composition 70% est mise en avant en grands caractères gras,-les deux uniques ingrédients sont directement renseignés sur cette étiquette ». 22. Certains de ces éléments sont dictés par la fonction technique de l'emballage, telle l'indication de la teneur en cacao et la mention des ingrédients. D'autres sont banals, comme la représentation d'une cabosse pour désigner du chocolat. Prises isolément, ces caractéristiques ne peuvent toutefois écarter l'originalité revendiquée qui doit porter sur une appréciation d'ensemble de l'oeuvre. 23. Ces éléments, pris dans leur ensemble, attestent d'une opposition entre une étiquette à la typographie d'imprimerie traditionnelle et une représentation stylisée, sous forme d'aquarelle, d'une cabosse de cacao accentuant ses couleurs naturelles orangée ou violette. 24. Contrairement au fruit d'aspect verruqueux et irrégulier, les emballages litigieux sont présentés de façon lisse, avec des couleurs vives et des effets de dégrédés et de reflets. 25. Cette présentation véhicule une atmosphère artisanale et sobre d'authenticité et de qualité, combinée de façon originale, avec une représentation graphique colorée pouvant évoquer un élément passionnel, revendiqué par la société AMCP, et la gourmandise associée au produit. 26. Les emballages revendiquées démontrent donc un effort créatif traduisant l'empreinte de la personnalité de son auteur. Ils sont originaux. 1.2 Sur la contrefaçon 27. Aux termes de l'article L. 122-4 du code de la propriété intellectuelle « toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l'adaptation ou la transformation, l'arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque ». 28. La contrefaçon s'apprécie par les ressemblances et non par les différences. 29. En l'espèce, l'emballage du produit Incoa de Nestlé comporte une étiquette blanche irrégulière en sa partie supérieure qui contient la marque « Nestlé », un fond uni et une cabosse lisse verticale en couleur orange ou violette comportant des reflets épars. La teneur en cacao et la composition de la tablette sont indiqués, mais hors de l'étiquette. La police de caractère utilisée ne présente pas de particularité et n'est pas de couleur unie. Le fond de l'emballage est de couleur sombre combinant des teintes dorées ou marron. 30. Ainsi qu'il précède, la représentation d'une cabosse, fruit du cacaotier, est un élément banal pour un emballage de chocolat. La mention de la composition du produit et de la teneur en chocolat sont dictés par la fonction de l'emballage. 31. Contrairement à l'emballage de la société AMCP, aucune typographie comportant des caractères d'impression traditionnels n'est relevée sur l'emballage Incoa. 32. Il ressort de ces circonstances que l'opposition entre une atmosphère artisanale et sobre d'authenticité et de qualité combinée, de façon originale, avec une représentation graphique colorée pouvant évoquer un élément passionnel ou la gourmandise du produit n'existe pas pour la tablette Incoa de la société Nestlé, dont la version de la cabosse de cacao est épurée, simple, droite et sans reflets. 33. Les ressemblances constatées ne portent donc pas sur les éléments de l'emballage reflétant les marques de l'empreinte de la personnalité de l'auteur. 34. Le produit argué de contrefaçon n'est donc pas une représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur. Ce moyen est écarté. 35. Les demandes fondées sur la contrefaçon sont rejetées. 2. La concurrence déloyale Moyens des parties 36. La société AMCP soutient que la société Nestlé France a imité, en reprenant des caractéristiques qui lui sont propres, le packaging « 70% Haïti » puis le packaging de la table « Encuentro 70% Mexique » en connaissance de cause. Selon la société AMCP que le risque de confusion entre les packagings « Encuentro » et « Incoa » est effectif et aggravé par :-le fait que les produits vendus présentent les mêmes caractéristiques principales et sont substituables aux yeux du consommateurs,-le fait que les produits sont commercialisés dans des points de ventes communs,-la proximité phonétique des deux syllabes d'attaques-la déclinaison du packaging de manière identique, par changement de la couleur de la cabosse, créant un effet de gamme. 37. La société Nestlé soutient qu'elle n'a pas repris les spécificités de l'emballage « Encuentro », qu'il n'existe pas de risque de confusion entre les emballages qui présentent des différences déterminantes, telles que les dimensions de l'emballage, le matériau utilisé, le fond de l'emballage, la présence de la marque « Incoa » différente de celle « Encuentro », l'utilisation des marques notoires « Nestlé » et « Les Recettes de l'Atelier », la composition des produits indiquée sur l'emballage et la représentation des cabosses. La société Nestlé soutient que les produits sont différents par leur composition et leur recette, que les positionnements marketing sont totalement différents, les tablettes « Incoa » étant un chocolat industriel destinées à la moyenne et grande distribution contrairement à la tablette « haut de gamme » vendue par la société AMCP. Appréciation du tribunal 38. Aux termes de l'article 1240 du Code civil « tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». 39. En l'espèce, les deux produits en litige, Encuentro et Incoa, sont des tablettes de chocolat proposées dans des commerces au détail à destination de consommateurs occasionnels ou d'habitude. 40. Le public pertinent, au cas d'espèce acheteur du chocolat Encuentro, est considéré comme recherchant un produit de qualité gustative et par sa composition. Il dépense un prix élevé pour acheter du chocolat, la tablette Encuentro étant vendue au prix de 7 à 8 euros. Il est donc considéré comme disposant d'un niveau d'attention élevée. 41. La tablette Incoa est un chocolat industriel ciblant un large public et commercialisée dans un réseau étendu de magasins de grande surface. A l'inverse, le chocolat Encuentro est un chocolat haut de gamme, ciblant un public d'amateurs ou de connaisseurs et distribué dans un réseau de commerce au détail et spécialisé. 42. La circonstance que deux des tablettes Incoa reproduisent des cabosses de couleur orange et mauve n'est pas de nature à caractériser l'effet de gamme allégué. Il est donc peu probable que le public pertinent soit en situation de confondre les deux produits. A supposer qu'un distributeur vende les deux chocolats, le consommateur d'attention élevée ne pourra pas confondre des produits qui se distinguent par leurs marques, leurs prix et leurs qualités. 43. Il ressort de ces éléments que le risque de confusion pour le public pertinent n'est pas démontré s'agissant de ces produits. La faute de la société Nestlé n'est pas établie. 44. Le moyen est écarté. 3. Le parasitisme Moyens des parties 45. La société AMCP soutient que la société Nestlé s'est volontairement placée dans le sillage dans son sillage en imitant l'emballage « Encuentro » afin de tirer profit de l'image artisanale et haut de gamme attachée à la tablette « Encuentro » pour commercialiser son nouveau produit, de moindre qualité et issu d'une fabrication industrielle. Elle souligne en particulier la commercialisation chez des revendeurs où elle est également présente telles la Grance Epicerie à [Localité 5] et les Galeries Lafayette. 46. La société Nestlé France soutient ne pas avoir cherché à se placer dans le sillage de la société AMCP, elle estime que les tablettes « Incoa », vendues au prix de 1,99 euros, sont des produits de grande consommation pour lesquels la société Nestlé France a exposé des frais considérables. Appréciation du tribunal 47. Aux termes de l'article 1240 du Code civil « tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». 48. A la différence de la concurrence déloyale, qui ne saurait résulter d'un faisceau de présomptions, le parasitisme, qui consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d'une entreprise en profitant indûment des investissements consentis ou de sa notoriété, résulte d'un ensemble d'éléments appréhendés dans leur globalité. 49. Les idées étant de libre parcours, le seul fait de reprendre, en le déclinant, un concept mis en oeuvre par un concurrent ne constitue pas un acte de parasitisme. 50. La seule constatation qu'il n'existe aucun risque de confusion pour un consommateur d'attention moyenne entre deux dessins ne suffit pas à écarter le grief de la concurrence déloyale formée par la première société à l'encontre de la seconde, dès lors qu'est invoqué, outre le risque de confusion, le comportement parasitaire de cette dernière, résultant à la fois de la notoriété, auprès de la clientèle, du conditionnement de la première société et de la volonté manifestée par l'autre de se placer dans son sillage. 51. Les solutions qui précèdent, retenues par le tribunal sont issues de la jurisprudence de la Cour de cassation, en particulier de son arrêt du 4 février 2014 (Com., 4 février 2014, pourvoi no 13-11.044, Civ. 1ère , 22 juin 2017, pourvoi no 14-20.310, Bull. 2017, I, no152, Com., 27 juin 1995, pourvoi no 93-18.601, Bulletin 1995 IV no193). 52. En l'espèce, l'élément de notoriété avancé par la société AMCP est son emballage étendu à l'ensemble de sa gamme « Encuentro ». L'emballage à reçu des prix et des attestations de témoins réputés représentatifs indiquent avoir connaissance de l'emballage et le reconnaître. 53. Les emballages figurent une cabosse de couleur vive et une étiquette traditionnelle véhiculant un concept de produit haut de gamme. 54. Or, ainsi qu'il précède, le concept mis en oeuvre ne peut constituer un acte de parasitisme. 55. En outre, il n'est pas démontré par la société AMCP que la présence de Nestlé dans deux grands magasins parisiens constitue une situation de concurrence entre ces deux sociétés qui visent des clientèles différentes et alors que la société Nestlé démontre que sa présence en vitrine de la Grande Epicerie est une « avant-première » promotionnelle sans rapport avec le produit « Encuentro ». 56. La preuve de ce que la société Nestlé se soit placée dans le dans le sillage de la société AMCP en profitant indûment des investissements consentis ou de sa notoriété n'est pas rapportée. 57. Le moyen est écarté. La demande indemnitaire fondée sur le parasitisme est rejetée. 4. Les pratiques commerciales déloyales et trompeuses 58. La société AMCP soutient que la société Nestlé aurait commis des pratiques commerciales déloyales et trompeuse au sens des articles L. 121-1 et L. 121-2 du code de la consommation lui causant un préjudice. Elle dit qu'en présentant la pulpe de cacao comme un produit habituellement jeté dans le processus du fabrication du cacao de façon à mettre en avant la valorisation de cet ingrédient par Nestlé alors que la pulpe de cacao est indispensable à la fermentation du chocolat. Selon la société AMCP, la société Nestlé France revendique un cacao 70% en indiquant sur le packaging "Incoa 70%" alors que la teneur en cacao est de 75,1% ce qui lui permet d'afficher une teneur en sucre inférieure. 59. La société Nestlé France soutient que ses affirmations quant aux pertes de la pulpe de cacao sont exactes, lors de la fermentation du cacao, la pulpe se transforme en un jus qui s'écoule des caisses et est alors inexploitée ou perdue. La société Nestlé soutient qu'elle valorise la pulpe de cacao en l'intégrant au produit afin de remplacer le sucre habituellement utilisé. La société Nestlé France expose qu'elle indique sur son packaging une teneur minimum en cacao de 70%. 60. Vu l'article 1240 du Code civil précité et les articles L. 121-1 et L. 121-2 du code de la consommation. 61. Il appartient au demandeur qui excipe d'une pratique commerciale déloyale un acte de concurrence déloyale constitutif d'une faute, de démontrer que ces agissements altère ou sont de nature à altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur. 62. La solution qui précède, retenue par le tribunal est issue de la jurisprudence de la Cour de cassation, en particulier de son arrêt du 1er mars 2017 (Com., 1er mars 2017, pourvoi no15-15.448). 63. En l'espèce, il résulte des éléments en débat que la fermentation du cacao dégrade la pulpe blanche entourant les fêves de cacao. Il est établi par les pièces de la société AMCP que la pulpe blanche a un rôle dans la fermentation du cacao. 64. La société Nestlé produit des articles spécialisés (pièce 37) indiquant que la pulpe peut être séparée des fèves de cacao selon la méthode de fermentation utilisée. Il n'est pas possible, en l'état des pièces produites, d'identifier une méthode majoritaire de production avec ou sans pulpe. Ces mêmes documents (pièce 37) indiquent que lorsque la pulpe de cacao est utilisée pour la fermentation, une partie d'icelle demeure sous forme liquide constituant alors des déchets. 65. La société AMCP ne démontre donc pas, en l'état de ces éléments, que la société Nestlé commet une pratique commerciale trompeuse en indiquant utiliser et réduire des « déchets » en utilisant cet ingrédient. 66. De la même façon, la quantité de chocolat fixée à 70 pourcent dans le produit Nestlé est la combinaison de la pâte de cacao et du beurre de cacao ne peut induire en erreur un consommateur cherchant à réduire sa consommation de sucre, comme le soutient la société AMCP, alors que la teneur en cacao précitée est démontrée comme étant une quantité minimale. 67. La société AMCP ne démontre donc pas de pratique commerciale trompeuse ou déloyale. 68. Le moyen est écarté. Sa demande présentée sur ce fondement est rejetée. 5. Les demandes accessoires 69. La demanderesse, partie perdante, est condamnée aux dépens ainsi qu'à payer à la société Nestlé France la somme de 12 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; somme appréciée en équité en l'absence de justificatif ou d'accord des parties sur le montant des frais devant être payés par la partie perdante ou condamnée aux dépens. 70. Il n'y a pas lieu d'écarter l'exécution provisoire qui est de droit et ne porte que sur les demandes accessoires. PAR CES MOTIFSLE TRIBUNAL Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort, REJETTE les demandes, CONDAMNE la société AMCP à payer à la société Nestlé France la somme de 12 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, CONDAMNE la société AMCP aux dépens dont distraction au profit de Maître Bizollon, avocat, Fait et jugé à Paris le 13 avril 2023. LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
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JURITEXT000047636333
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AUTRES_DECISIONS
Tribunal judiciaire de Paris, 28 avril 2023, 21/12404
2023-04-28
Tribunal judiciaire de Paris
21/12404
CT0087
x
TRIBUNALJUDICIAIREDE PARIS 3ème chambre2ème section No RG 21/12404No Portalis 352J-W-B7F-CVG3M No MINUTE : Assignation du :04 Octobre 2021 ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETATrendue le 28 Avril 2023 DEMANDEUR Monsieur [K] [T][Adresse 2][Localité 5] représenté par Maître Jean-louis LAGARDE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D0127 DÉFENDERESSES Fondation FONDATION DINA VIERNY – Musée [7][Adresse 3][Localité 4] représentée par Maître Pascal NARBONI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E0700 S.A.S. DONOMA - intervenant volontaire[Adresse 1][Localité 6] Copies délivrées le :- Maître Jean-louis LAGARDE,#D0127 - ccc- Maître Pascal NARBONI, #E0700 - exécutoire- Maître Orly REZLAN,#A0764 - exécutoirereprésentée par Maître Orly REZLAN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0764MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT Monsieur Arthur COURILLON-HAVY, Jugeassisté de Monsieur Quentin CURABET, Greffier DÉBATS A l'audience du 16 Mars 2023, avis a été donné aux avocats que l'ordonnance serait rendue, en dernier lieu, le 28 Avril 2023. ORDONNANCE Prononcée publiquement par mise à disposition au greffe ContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE Objet du litige au principal et procédure 1. M. [K] [T], photographe, reproche à la fondation Dina Vierny - musée [7] (la fondation) et à la société Donoma la reproduction, à l'occasion d'une exposition consacrée au dessinateur [F] [J] au musée [7] en 2021, d'une photographie de 1993 dont il est l'auteur et représentant celui-ci tenant une louche : d'abord en grand format à l'entrée de l'exposition, ensuite en couverture du fascicule d'accompagnement destiné aux enfants, dans le catalogue de l'exposition, et dans des supports de communication, le tout sans son accord, sans le créditer, et selon lui sans respecter l'intégrité de l'oeuvre, en violation de ses droits patrimoniaux et moraux d'auteur. Il réclame à ce titre 100 000 euros de dommages et intérêts à la fondation. 2. Il a assigné en contrefaçon la fondation, dans les locaux de laquelle a eu lieu l'exposition, le 4 octobre 2021. La société Donoma, organisatrice de cette exposition, est intervenue volontairement le 20 avril 2022. 3. La fondation a soulevé par incident, le 11 mai 2022, une fin de non-recevoir tirée de ce qu'elle n'a pas organisé l'exposition, que le juge de la mise en état a renvoyée au tribunal. 4. Par ailleurs, M. [T], qui avait vainement sommé la société Donoma de lui communiquer les tirages originaux ayant servi aux reproductions litigieuses, a demandé par conclusions d'incident du 13 octobre 2022 la communication d'un tirage original et de la facture d'agrandissement de l'exemplaire ayant été exposé. 5. Sur proposition du juge de la mise en état à l'audience d'incident du 24 novembre 2022, les parties ont accepté de rechercher une solution amiable à l'entier litige, mais ont expliqué le 15 février 2023 n'avoir pas pu trouver d'accord, et souhaiter plaider l'incident, ce qui a été fait à l'audience du 16 mars 2023. Objet de l'incident 6. Dans ses dernières conclusions d'incident (2 mars 2023), M. [T] demande la communication sous astreinte :- par la société Donoma, du tirage argentique de la photographie ayant servi aux reproductions litigieuses, et de la facture d'agrandissement de l'exemplaire exposé en grand format ;- par les deux défenderesses, du nombre total de visiteurs de l'exposition, des recettes associées, du tirage du fascicule pour enfants, et de celui du catalogue ;outre leur condamnation à lui payer chacune 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 7. Dans ses dernières conclusions d'incident (15 mars 2023), la fondation, qui s'en rapporte à prudence de justice quant aux demandes dirigées contre la société Donoma, estime sans objet les demandes dirigées contre elle, résiste à la demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et réclame elle-même 2 000 euros à M. [T] à ce titre. 8. Dans ses dernières conclusions d'incident (15 mars 2023), la société Donoma résiste aux demandes de communication de la photographie, de la facture, du tirage du catalogue et du fascicule, et réclame elle-même à M. [T] 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Moyens des parties pour l'incident 9. M. [T] estime (en substance) que la personne responsable de la contrefaçon n'est pas la société Donoma, mais la veuve et la fille d'[F] [J], car l'agrandissement n'a pu être fait qu'avec le tirage original offert en 1993 à celui-ci, dont celles-là ont hérité ; que la communication du tirage original a (ainsi) pour but de prouver qu'elles étaient de mauvaise foi ; qu'au demeurant la société Donoma n'étant partie à l'instance que par une intervention volontaire, aucun lien juridique entre elle et lui n'est né de ce fait, et qu'il doit donc l'assigner. Il soutient, plus généralement, que le tirage original, qui contient un tampon au nom de l'auteur, est « vital pour trancher le litige », faisant référence à [S] [B] qui prouvait par ce moyen sa qualité d'auteur de certaines photographies. Il ajoute que cet original est signé au verso, et que la photographie publiée originellement en 1993, dans un livre consacré aux auteurs de bande-dessinée, était également signée. Il explique enfin que la facture d'agrandissement vise à identifier la personne ayant payé l'agrandissement. 10. Il fonde par ailleurs sa demande d'éléments chiffrés sur la nécessité de fixer une sanction proportionnée à la contrefaçon. 11. La fondation communique le nombre de visiteurs (payants et gratuits) de l'exposition, les recettes, et les éléments comptables correspondants. Elle soutient que la production du fascicule destiné aux enfants relevait de Donoma, mais qu'elle a obtenu la communication de courriels qu'elle produit à son tour aux débats et qui indiquent un tirage total de 30 000 exemplaires, sans qu'elle puisse confirmer le tirage définitif ; que le catalogue incombait également à la société Donoma, et qu'elle n'a pas d'information hormis l'achat par elle-même de 700 exemplaires. Elle en conclut que l'incident est privé d'objet à son égard. Elle critique enfin le recours à un incident avant même de demander les pièces, ce qui rend la demande infondée voire abusive selon elle ; outre que le demandeur sait, précise-t-elle, que c'est la société Donoma qui est responsable. 12. La société Donoma, qui rappelle qu'elle admet que le tirage photographique offert par M. [T] à [F] [J] comportait son cachet au verso, et que c'est ce tirage qui a fait l'objet d'un agrandissement, estime la communication de ce tirage sans intérêt pour la solution du litige. Elle conteste également toute utilité à la facture d'agrandissement dès lors qu'elle ne revendique aucun droit sur la photographie et qu'ainsi, explique-t-elle, cette facture ne serait « pas de nature à établir la réalité d'un droit ». 13. À propos des données numériques réclamées, elle communique son bilan et son compte de résultats 2021 accompagnés d'une attestation de son expert-comptable selon laquelle l'exposition litigieuse est sa seule opération de l'année. Elle affirme par ailleurs qu'elle va interroger l'éditeur du catalogue et celui du fascicule, mais que, ne disposant pas de ces éléments, elle ne peut se voir soumise à une astreinte. MOTIVATION 14. Le demandeur n'a pas estimé utile de qualifier juridiquement sa demande de pièces. La communication forcée des éléments de preuve détenus par les parties est toutefois prévue par l'article 142 du code de procédure civile qui renvoie aux articles 138 et 139, le premier visant de façon générale les actes ou les pièces détenues par un tiers, le second ajoutant simplement que le juge fait droit à la demande s'il l'estime fondée. 15. S'agissant du tirage photographique, il est constant que M. [T] est l'auteur de l'oeuvre qu'il invoque, et il bénéficie de la présomption de titularité résultant de la divulgation de l'oeuvre sous son nom dans le livre de 1993 qu'il communique lui-même aux débats (sa pièce no2). La recherche du cachet de l'artiste au dos du tirage est donc inutile. La communication de ce tirage ne serait pas davantage utile à la preuve de l'identité de son propriétaire actuel, outre qu'il résulte des écritures de M. [T] lui-même que ce tirage n'appartient pas à la société Donoma, qui ne peut donc se voir contrainte à le communiquer. Sa demande en ce sens est donc manifestement infondée et, par conséquent, rejetée. 16. S'agissant de la facture d'agrandissement, son objectif est expressément de rechercher la responsabilité d'un tiers à l'instance. L'utilité de cette demande de pièce, pour l'instance, n'est donc pas perceptible, sans que soit invoqué de fondement juridique pour une demande excédant les besoins de celle-ci. Sa demande est donc rejetée. 17. Par ailleurs, il peut être observé que si M. [T] n'a encore formé aucune prétention au fond contre la société Donoma, de sorte qu'en effet ils n'y a pas de « lien juridique » entre eux, ils n'en sont pas moins tous deux parties à la même instance (comme il le rappelle lui-même au demeurant), de sorte qu'en application de l'article 68 du code de procédure civile, de telles demandes devraient être formées par voie de conclusions, et non d'assignation, nonobstant l'affirmation contenue dans la décision qu'il cite (TJ Paris, 8 juillet 2022, 18/05382). 18. Pour le reste, les informations demandées pour établir le préjudice ont déjà été remises, à l'exception du tirage du catalogue. La société Donoma, qui expose être en mesure de l'obtenir, s'y verra enjointe en tant que de besoin. Sa bonne volonté rend en revanche inutile une astreinte. S'agissant de la fondation, qui a également prouvé sa bonne volonté en communiquant spontanément les informations demandées, rien ne rend plausible qu'elle dispose de cette information ou soit en mesure de l'obtenir, et la demande dirigée contre elle doit par conséquent être rejetée. Dispositions finales 19. M. [T] voit l'essentiel de ses demandes rejetées ; celles qui sont fondées ont été acceptées sans qu'il soit besoin d'une décision judiciaire ; il a ainsi inutilement complexifié la procédure, exposant les défenderesses à des frais évitables qu'il doit indemniser, en application de l'article 700 du code de procédure civile. 20. Il appartient maintenant à M. [T] de conclure sur la base des éléments obtenus (et ceux restant à obtenir prochainement). PAR CES MOTIFS Le juge de la mise en état : Ordonne à la société Donoma de communiquer à M. [T] le tirage du catalogue de l'exposition, dans un délai de 30 jours à compte de la décision ; Rejette les autres demandes de M. [T] Condamne M. [T] à payer 2 000 euros à la fondation Dina Vierny - musée [7] et 1 500 euros à la société Donoma au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais de l'incident ; Fixe au 15 juin 2023 le prochain examen de la mise en état de l'affaire, avec :- conclusions de M. [T] pour le 8 juin 2023 si la date de communication du tirage du catalogue le permet. Faite et rendue à Paris le 28 Avril 2023 Le Greffier Le Juge de la mise en étatQuentin CURABET Arthur COURILLON-HAVY
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JURITEXT000047636334
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AUTRES_DECISIONS
Tribunal judiciaire de Paris, 8 mars 2023, 18/03614
2023-03-08
Tribunal judiciaire de Paris
18/03614
CT0196
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TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 3ème chambre 3ème section No RG 18/03614 - No Portalis 352J-W-B7C-CMTDG No MINUTE : Assignation du :07,08 décembre 201707 février et 03 août 2020 JUGEMENT rendu le 08 mars 2023 DEMANDERESSE Société ORCHIDEES CONSTRUCTIONS SA[Adresse 9][Localité 3] (SUISSE) représentée par Maître Grégoire DESROUSSEAUX de la SCP AUGUST & DEBOUZY et Associés, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0438 DÉFENDEURS S.A.S. PACK LINE[Adresse 10][Localité 1] Maître [I] [N], es qualité de liquidateur de la S.A.S. PACK LINE[Adresse 6][Localité 5] Société PACK LINE SA[Adresse 8][Localité 2] (SUISSE) représentées par Maître Jean-Christophe GUERRINI de la SELARL PLASSERAUD AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C2354 S.A.S.U. WEEEZE, intervenante volontaire[Adresse 4][Adresse 4][Localité 1] représentée par Maître Stéphane BOKOBZA et Maître Cédric CHAUMET de la SELARL NEXT STEP AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #C2416 ____________________________ COMPOSITION DU TRIBUNAL Jean Christophe GAYET, 1er vice-président adjointLinda BOUDOUR, jugeArthur COURILLON-HAVY, juge assistés de Lorine MILLE, greffière, DÉBATS A l'audience du 05 octobre 2022 tenue en audience publique devant Jean-Christophe GAYET et Linda BOUDOUR, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seuls l'audience, et, après avoir donné lecture du rapport, puis entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux avocats que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 25 janvier 2023 et prorogé au 08 mars 2023. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffeContradictoireEn premier ressort ____________________________ EXPOSE DU LITIGE La société de droit suisse ORCHIDEES CONSTRUCTIONS SA a pour activité la construction de structures en aluminium, notamment de vérandas et de serres. Elle commercialise sous la marque « VITROCSA » des modèles de baies vitrées dont le cadre est dissimulé. Elle est titulaire du brevet européen no EP 2 525 033 (ci-après EP 033) intitulé « encadrement pour parois coulissante » déposé le 20 mai 2011 et délivré le 12 novembre 2014. La SAS PACK LINE a pour activité la fabrication, l'installation et le négoce de menuiseries notamment en aluminium. La société de droit suisse PACK-LINE SA a pour activité la commercialisation de tous produits pour le bâtiment. Reprochant à la société PACK LINE la commercialisation d'un système coulissant avec une option à cadre dissimulé dénommé « WEEEZE PMR », la société ORCHIDEES CONSTRUCTIONS a fait procéder à un constat d'huissier sur le salon Architect@work le 22 septembre 2017 à [Localité 7], puis autorisée par ordonnance sur requête du 7 novembre 2017, elle a fait procéder à une saisie-contrefaçon au stand Pack Line (stand 5A-K163) sur le salon BATIMAT le 10 novembre 2017 au Parc des expositions [Localité 7] Nord Villepinte. C'est dans ces circonstances que par actes d'huissier des 7 et 8 décembre 2017, la société ORCHIDEES CONSTRUCTIONS a fait assigner la société PACK LINE et la société de droit suisse PACK-LINE SA devant le tribunal de grande instance, devenu tribunal judiciaire, de PARIS en contrefaçon de brevet. Par jugement du 13 novembre 2019, le tribunal de commerce de BOURG-EN-BRESSE a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société PACK LINE et désigné la SELARL ADMINISTRATEURS JUDICIAIRES PARTENAIRES en qualité d'administrateur judiciaire et Maître [I] [N] en qualité de mandataire judiciaire. Par actes d'huissier du 7 février 2020, la société ORCHIDEES CONSTRUCTIONS a fait assigner en intervention forcée la SELARL ADMINISTRATEURS JUDICIAIRES PARTENAIRES, ès qualités d'administrateur judiciaire, et Maître [I] [N], ès qualités de mandataire judiciaire, de la société PACK LINE. L'affaire a été inscrite au rôle sous le no RG 20/01512. Les deux instances ont été jointes par le juge de la mise en état le 13 février 2020. Par jugements du 24 juin 2020, le tribunal de commerce de BOURG-EN-BRESSE a prononcé la liquidation judiciaire de la société PACK LINE, désigné Maître [I] [N] ès qualités de liquidateur, et arrêté un plan de cession de la société PACK LINE au profit de la société de droit luxembourgeois VALFIDUS INDUSTRIES SA avec faculté de substitution. La SAS WEEEZE, immatriculée au RCS de BOURG-EN-BRESSE le 6 juillet 2020 et dont la société VALFIDUS INDUSTRIES SA est le président, s'est substituée à cette dernière. Par acte d'huissier du 3 août 2020, la société ORCHIDEES CONSTRUCTIONS a fait assigner en intervention forcée Maître [I] [N], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société PACK LINE. L'affaire a été inscrite au rôle sous le no RG 20/07088. Les deux instances ont été jointes par le juge de la mise en état le 17 septembre 2020. La société WEEEZE est intervenue volontairement à la présente instance par conclusions notifiées par voie électronique le 26 octobre 2021. L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 février 2022. Les parties ayant régulièrement constitué avocat, le présent jugement, rendu en premier ressort, est contradictoire en application de l'article 467 du code de procédure civile. PRETENTIONS DES PARTIES Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 27 janvier 2022, la société ORCHIDEES CONSTRUCTIONS demande au tribunal, au visa des articles L. 613-3, L. 615-5 et L. 615-5-2, L. 615-7-1 du code de la propriété intellectuelle, de l'article 1240 du code civil, des articles 70 et 699 du code de procédure civile, de : « DECLARER la société Pack-Line SA et Me [N] es qualité de liquidateur judiciaire de la société Pack Line, irrecevables à solliciter la nullité des revendications 3, 9, 10, 12 et 15 de la partie française du brevet européen no EP 2 525 033 ; DECLARER la société Weeeze irrecevable en son intervention volontaire et en toutes ses demandes, pour défaut d'intérêt à agir ; à tout le moins, déclarer la société Weeeze irrecevable en ses demandes visant les revendications 3, 9, 10, 12 et 15 de la partie française du brevet européen no EP 2 525 033 ; JUGER qu'en fabriquant, en offrant à la vente, en mettant dans le commerce et en détenant aux fins précitées en France des systèmes coulissants WEEEZE PMR, les sociétés Pack Line, Pack Line SA et Weeeze (à supposer son intervention recevable) ont commis des actes de contrefaçon des revendications 1, 2, 4, 5, 6, 7, 8, 11, 13 et 14 de la partie française du brevet européen no EP 2 525 033, engageant leur responsabilité civile ; INTERDIRE aux sociétés Weeeze (à supposer son intervention recevable) et Pack-Line SA la poursuite de ces actes de contrefaçon, notamment la fabrication, l'offre, la mise dans le commerce, l'utilisation, l'importation, l'exportation, le transbordement et la détention aux fins précitées et la livraison et l'offre de livraison de tous systèmes WEEEZE PMR ainsi que de tous systèmes présentant les mêmes caractéristiques ; En conséquence, ASSORTIR cette interdiction d'une astreinte de 100.000 € (cent mille euros) par produit contrefaisant fabriqué, offert, mis dans le commerce, utilisé, importé, exporté, transbordé ou détenu à l'une quelconque de ces fins, ou livré ou offert d'être livré, à compter de la signification du jugement à intervenir ; ASSORTIR en outre cette interdiction d'une astreinte de 10.000 € (dix mille euros) par journée pendant laquelle les actes de contrefaçon se poursuivent après la signification du jugement à intervenir ; ORDONNER le rappel des circuits commerciaux de tous systèmes WEEEZE PMR, aux seuls frais de Me [N] es qualité et Pack-Line SA, sous astreinte de 10.000 € (dix mille euros) par système et par jour de retard passé un délai d'une semaine après la signification du jugement à intervenir ; ORDONNER la destruction de tous systèmes WEEEZE PMR en possession de Me [N] es qualité et Pack-Line SA ou dont elles sont propriétaires, ainsi que de tous systèmes WEEEZE PMR ainsi rappelés des circuits commerciaux, aux seuls frais de Me [N] es qualité et Pack-Line SA, sous astreinte de 10.000 euros par jour de retard après la signification du jugement à intervenir ; ORDONNER, sous astreinte de 10.000 € (dix mille euros) par jour de retard passé un délai d'un mois après la signification du jugement à intervenir, la production de tous documents ou informations détenues par Me [N] es qualité, Weeeze (à supposer son intervention recevable) et Pack-Line SA utiles pour déterminer l'origine et les réseaux de distribution des produits contrefaisants, et notamment : a) les nom et adresse des producteurs, fabricants, distributeurs, fournisseurs et autres détenteurs antérieurs des produits contrefaisants et de tous les produits de même forme, ainsi que des grossistes destinataires et des détaillants ; b) les quantités produites, commercialisées, livrées, reçues ou commandées, ainsi que le prix obtenu pour ces produits ; c) la marge brute réalisée pour ces produits ; sous la certification d'un expert-comptable ou d'un commissaire aux comptes, détaillant les éléments retenus dans le calcul de la marge brute, et RENVOYER l'affaire à telle audience qui plaira au Tribunal, afin de permettre à la société Orchidées Constructions SA de conclure sur le montant total des dommages et intérêts en réparation des actes de contrefaçon ; CONDAMNER la société Pack-Line SA et Me [N] es qualité, pris in solidum, à verser à la société Orchidées Constructions SA la somme de 100.000 € (cent mille euros) à titre de provision sur les dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la contrefaçon de la partie française du brevet européen no EP 2 525 033, dans l'attente de la production des documents et informations ordonnée ; ORDONNER l'inscription au passif du montant de la provision de dommages et intérêts qui sera prononcée contre la société Pack Line ; RAPPELER que ces condamnations financières au paiement d'une provision sont exécutoires de plein droit, nonobstant appel ; JUGER que le Tribunal sera juge de l'exécution du jugement à intervenir, en application de l'article L. 131-3 du code des procédures civiles d'exécution, pour ce qui concerne la liquidation éventuelle des astreintes ; CONDAMNER la société Pack-Line SA et Me [N] es qualité, pris in solidum, à payer à la société Orchidées Constructions SA la somme de 70.000 € (soixante-dix mille euros) au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, à parfaire ; CONDAMNER la société Weeeze, à payer à la société Orchidées Constructions SA la somme de 50.000 € (cinquante mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à parfaire ; CONDAMNER les sociétés Weeeze (à supposer son intervention recevable), Pack-Line SA et Me [N] es qualité, pris in solidum, aux entiers dépens, lesquels incluront les frais engagés pour les opérations de saisies-contrefaçon à hauteur de 8.099,34 euros (huit mille quatre-vingt-dix-neuf euros et trente-quatre cents), et autoriser Maître Grégoire Desrousseaux à recouvrer les dépens dans les conditions prévues à l'article 699 du code de procédure civile ; DEBOUTER les sociétés Weeeze, Pack-Line SA et Me [N] es qualité de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions ; ORDONNER l'exécution provisoire du jugement à intervenir, dans toutes ses dispositions nonobstant toute voie de recours et sans constitution de garantie ». Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 15 février 2022, la société PACK LINE, Maître [I] [N], es qualité de liquidateur judiciaire de la société PACK LINE, et la société de droit suisse PACK LINE SA demandent au tribunal, au visa des articles L. 614-12, L. 615-2 du code de la propriété intellectuelle, des articles 56, 123 et 138 de la convention sur le brevet européen, des articles 70 et 122 du code de procédure civile et de l'article 1240 du code civil, de : « PRONONCER la nullité des revendications 1 à 15 de la partie française du brevet européen no EP 2 525 033 ; En conséquence, DECLARER la société ORCHIDEES CONSTRUCTIONS SA irrecevable en ses demandes ; Subsidiairement, DEBOUTER la société ORCHIDEES CONSTRUCTIONS SA de ses demandes à l'encontre de la société de droit suisse PACK LINE SA, de la société PACK LINE SAS, et de Maître [N] es-qualité ; En tout état de cause, DECLARER la société de droit suisse PACK LINE SA et la société PACK LINE SAS recevables et bien fondées en leurs demandes reconventionnelles ; CONDAMNER la société ORCHIDEES CONSTRUCTIONS SA à payer à la société de droit suisse PACK LINE SA une indemnité de 10.000 euros et à la société PACK LINE SAS une indemnité de 75.000 euros ; CONDAMNER la société ORCHIDEES CONSTRUCTIONS SA à payer à la société de droit français PACK LINE et à Maître [N] es-qualité la somme de 70.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; CONDAMNER la société ORCHIDEES CONSTRUCTIONS SA aux entiers dépens de l'instance dont le recouvrement sera directement poursuivi par Maître Jean-Christophe GUERRINI, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ; ORDONNER l'exécution provisoire du jugement à venir ». Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 26 octobre 2021, la société WEEEZE demande au tribunal, au visa des articles L. 641-2 et suivants du code de commerce, de l'article L. 642-12 du code de la propriété intellectuelle, de l'article 1240 du code civil, de : « DECLARER recevable et bien fondée en ses présentes demandes la société WEEEZE ; En conséquence, DIRE ET JUGER que la société ORCHIDEES CONSTRUCTIONS ne rapporte pas la preuve d'éléments lui permettant de justifier d'un intérêt légitime à obtenir la communication de pièces couvertes par le secret des affaires auprès de la société WEEEZE ; DIRE ET JUGER que cette dernière ayant acquis les éléments constitutifs du fonds de commerce de la société PACK LINE, cette dernière reste garante de toutes les procédures contentieuses et litiges en cours au 1er juillet 2020 ; DIRE ET JUGER que la société ORCHIDEES CONSTRUCTIONS ne justifie pas de la matérialité de la contrefaçon imputable à la société WEEEZE ; PRONONCER la nullité des revendications 1 à 15 de la partie française du brevet européen no EP 2 525 033 ; En conséquence, La DEBOUTER de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions en ce qu'elles sont dirigées à l'encontre de la société WEEEZE ; DEBOUTER la société ORCHIDEES CONSTRUCTIONS de sa demande d'irrecevabilité de la société WEEEZE en son intervention volontaire ; DEBOUTER la société ORCHIDEES CONSTRUCTIONS de ses demandes relatives aux dépens incluant les frais engagés pour les opérations de saisie-contrefaçon ; La CONDAMNER au paiement d'une somme de 50.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance ; ORDONNER l'exécution provisoire du jugement à intervenir ». MOTIFS DE LA DECISION Sur la recevabilité de l'intervention volontaire et des demandes reconventionnelles La société ORCHIDEES CONSTRUCTIONS soulève l'irrecevabilité de l'intervention volontaire et des demandes de la société WEEEZE en ce qu'elle ne justifie pas d'un intérêt à agir dès lors que par jugement du 24 juin 2020 du tribunal de commerce de BOURG-EN-BRESSE celle-ci a repris les éléments d'actifs composant le fonds de commerce de la société PACK LINE sans garantie de passif et ne démontre aucun acte d'exploitation du système WEEEZE PMR litigieux. Elle soulève également l'irrecevabilité de la demande reconventionnelle de la société de droit suisse PACK LINE SA et de Maître [I] [N], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société PACK LINE, en nullité des revendications 3, 9, 10, 12 et 15 de la partie française du brevet EP 033 en ce qu'ils ne justifient pas d'un intérêt à agir dès lors que ces revendications ne leur sont pas opposées dans la présente instance et que cette demande reconventionnelle ne se rattache pas aux demandes originaires par un lien suffisant. La société WEEEZE répond « disposer d'un intérêt à voir reconnaître son droit à pouvoir exploiter ou non ce système dénommé dans les actifs de la société PACK LINE, WEEEZE PMR ». Elle ajoute que « ce n'est que par intervention à l'instance que ce droit peut lui être reconnu ». La société de droit suisse PACK LINE SA répond que « chacune des revendications 3, 9, 10, 12 et 15 pourrait néanmoins entraver ses activités et justifier sa condamnation dans une autre procédure ». Maître [I] [N], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société PACK LINE, ne répond pas sur ce point. SUR CE, L'article 31 du code de procédure civile dispose que l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé. L'article 32 du même code énonce qu'est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir. Aux termes de l'article 122 dudit code, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. Selon l'article 70 alinéa 1er du même code, les demandes reconventionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant. Sur l'intervention volontaire de la société WEEEZE En l'espèce, la reprise alléguée du système WEEEZE PMR par la société WEEEZE ne ressort ni du jugement du tribunal de commerce de BOURG-EN-BRESSE du 24 juin 2020 arrêtant le plan de cession de la société PACK LINE ni du contrat de cession qui s'en est suivi (ses pièces no6 et 9). En outre, la société WEEEZE, qui précise elle-même dans ses écritures n'avoir jamais commercialisé le système WEEEZE PMR, ne fait état d'aucun acte d'exploitation dudit système. Par ailleurs, contrairement à ce qu'elle affirme dans ses écritures, il n'entre pas dans l'office du tribunal de lui attribuer un droit à exploiter ce système. Il s'ensuit que la société WEEEZE ne justifie d'aucun intérêt à agir. Son intervention volontaire et ses demandes subséquentes seront alors déclarées irrecevables. Sur la demande reconventionnelle en nullité des revendications non opposées La demande reconventionnelle en nullité des revendications 3, 9, 10, 12 et 15 de la partie française du brevet EP 033 se rattache à la demande principale en contrefaçon des revendications 1, 2, 4 à 8, 11, 13 et 14 de la partie française du brevet EP 033 par un lien suffisant au sens de l'article 70 du code de procédure civile en ce qu'il s'agit du même brevet. Toutefois, la société de droit suisse PACK LINE SA, qui se borne à affirmer que « chacune des revendications 3, 9, 10, 12 et 15 pourrait néanmoins entraver ses activités », ne précise pas la nature de ses activités et ne produit aucune pièce à cet égard. La société PACK LINE, dont Maître [I] [N] est le liquidateur judiciaire, n'a quant à elle plus d'activité. Il s'ensuit que les défenderesses ne justifient pas d'un intérêt à agir en nullité des revendications susvisées qui ne leur sont pas opposées dans la présente instance. Leur demande reconventionnelle est dès lors irrecevable. Présentation du brevet EP 2 525 033 Selon le paragraphe [0001] de la partie descriptive du fascicule du brevet EP 033, l'invention concerne un ensemble encadrement-embrasure pour parois coulissant dans l'embrasure, en particulier pour fenêtres et portes-fenêtres, agencé pour embrasser et maintenir au moins une paroi. Le paragraphe [0002] précise que cette invention a pour but de proposer un ensemble encadrement-embrasure de telle sorte que les différents éléments constitutifs du cadre fixe sont entièrement positionnés au-dessus ou au-dessous de la surface externe de l'embrasure de telle sorte que le cadre fixe ne révèle aucun élément en saillie à l'extérieur de l'embrasure. Le paragraphe [0003] de la description enseigne que dans les encadrements traditionnels pour parois coulissant dans une embrasure, les profilés longitudinaux du cadre fixe sont positionnés, tout du moins partiellement, en saillie de l'embrasure de sorte à embrasser la paroi. La description poursuit en indiquant qu'il est connu d'utiliser divers dispositifs associés audit cadre fixe de sorte à offrir un support de coulissement à la paroi. Le paragraphe [0006] expose comme suit les deux problèmes techniques auxquels l'invention propose d'apporter une solution : les éléments de l'encadrement, notamment le cadre fixe, positionnés à l'extérieur de l'embrasure forment des saillies par rapport au sol ou au plafond et présentent divers inconvénients tant du point de vue esthétique que fonctionnel. De tels éléments viennent interrompre les plans constitués par les sols et les plafonds. Ce type d'encadrement ne procure donc pas une impression de continuité et d'unicité des sols et des plafonds. L'aspect esthétique du bâtiment en est donc déprécié. Les éléments en saillie de l'embrasure présentent également un inconvénient majeur quant au risque de trébuchement et de blessure pour une personne se déplaçant entre les espaces séparés par l'embrasure. Ces éléments en saillie constituent par ailleurs des obstacles difficilement franchissables pour les personnes se déplaçant en fauteuil roulant ou utilisant un déambulateur. La manoeuvre d'objets, montés sur roue ou non, peut aussi s'avérer difficile du fait de ces éléments en saillie. Ainsi, selon les paragraphes [0008] et [0009], l'invention propose la solution suivante aux problèmes techniques précités : un « ensemble encadrement-embrasure », en particulier un encadrement dans lequel les différents éléments constitutifs du cadre fixe sont entièrement positionnés au-dessus ou au-dessous de la surface externe de l'embrasure de telle sorte que le cadre fixe ne révèle aucun élément en saillie à l'extérieur de l'embrasure. Selon la description, l'utilisation d'un tel dispositif procure une impression de continuité et d'unicité des sols et des plafonds entre les espaces séparés par l'embrasure. L'esthétisme du lieu n'est pas donc pas déprécié par la présence d'éléments constitutifs du cadre fixe. L'absence d'élément en saillie de l'embrasure facilite la circulation entre les espaces séparés par l'embrasure. Elle n'est pas entravée. Les risques de trébuchement et de blessure sont alors évités. L'accès aux espaces séparés par l'embrasure pour les personnes à mobilité réduite ou handicapées et la manoeuvre d'objets entre ces espaces sont également facilités. Les paragraphes [0011] et suivants décrivent ensuite deux modes de réalisation de l'invention adaptés au maintien d'un vitrage double, illustrés à titre d'exemple aux figures 1 à 4. Aux fins de l'invention, le brevet EP 033 se compose de 15 revendications dont seules les revendications 1, 2, 4 à 8, 11, 13 et 14 sont opposées par la société ORCHIDEES CONSTRUCTIONS : « 1. Ensemble encadrement-embrasure pour parois coulissantes (5), en particulier pour fenêtres et portes-fenêtres, ledit ensemble encadrement-embrasure comprenant une embrasure (3) et un encadrement agencé pour embrasser et maintenir au moins une paroi (5) coulissant dans ladite embrasure (3), ladite embrasure (3) définissant une surface externe (Se) alignée avec le plafond ou le sol du bâtiment à l'intérieur duquel est disposé ledit ensemble encadrement-embrasure, et ledit encadrement comprenant un cadre fixe (1) comprenant des moyens de déplacement (2) fixé de manière pivotante au cadre fixe, et un élément intermédiaire (4) destiné à être fixé à ladite paroi (5) et coopérant avec lesdits moyens de déplacement (2) de manière à permettre le déplacement de ladite paroi (5) le long dudit cadre fixe (1), ledit élément intermédiaire (4) comprenant une première (4a , 4b) aile longitudinale principale traversant un rainure débouchante de l'embrasure (3), caractériséen ce que l'embrasure (3) comporte au moins deux rainures débouchantes (6a, 6b) définissant deux éléments d'embrasure latéraux (3b, 3c) définissant la-dite surface extérieure (Se) et au moins un élément d'embrasure intermédiaire (3a) disposé entre les rainures débouchantes (6a, 6b), en ce que ledit élément intermédiaire (4) comporte au moins une deuxième aile longitudinale principale (4a, 4b), lesdites ailes longitudinales principales (4a, 4b) traversant lesdites rainures débouchantes (6a, 6b) et délimitant au moins une gorge longitudinale (7) dans ledit élément intermédiaire (4) de telle sorte que ledit élément d'embrasure intermédiaire (3a) est engagé dans ladite gorge longitudinale (7), et au moins deux patins longitudinaux (4d, 4e) connectés à l'une des extrémités desdites ailes longitudinales principales (4a, 4b) et destinés à coopérer avec les moyens de déplacement (2), et en ce que ledit cadre fixe (1) est positionné entièrement au-dessus ou au-dessous de la surface externe (Se) de telle sorte que le cadre fixe ne révèle aucun élément en saillie à l'extérieur de l'embrasure (3). 2. Ensemble encadrement-embrasure selon la revendication 1, caractérisé en ce que ledit cadre fixe (1) comporte au moins un profilé de couverture (1c) équipés de moyens de connexion (8) dudit élément d'embrasure intermédiaire (3a). 4. Ensemble encadrement-embrasure selon les revendications 1 à 3, caractérisé en ce que ledit élément d'embrasure intermédiaire (3a) est transversalement centré dans ladite gorge longitudinale (7). 5. Ensemble encadrement-embrasure selon la revendication 4, caractérisé en ce que la largeur dudit élément d'embrasure intermédiaire (3a) est telle que la distance transversale entre ledit élément d'embrasure intermédiaire (3a) et lesdites ailes longitudinales principales (4a, 4b) adjacentes est inférieure à 5 mm. 6. Ensemble encadrement-embrasure selon les revendications 1 à 5, caractérisé en ce que la distance transversale entre deux ailes longitudinales principales (4a, 4b) adjacentes est inférieure à 40 mm. 7. Ensemble encadrement-embrasure selon les revendications 1 à 6, caractérisé en ce que ledit élément d'embrasure intermédiaire (3a) est positionné de telle sorte que sa surface externe (S) est au niveau de la surface externe (Se) des éléments d'embrasure latéraux (3b, 3c). 8. Ensemble encadrement-embrasure selon l'une quelconque des revendications précédentes, caractérisé en ce que ledit élément intermédiaire (4) comporte un profil (4c) en U coiffant ladite paroi (5) sur un de ses bords longitudinaux (5a) et en ce que lesdites ailes longitudinales principales (4a, 4b) sont connectée(s) à l'une de leurs extrémités audit profil (4c) en U et à l'autre de leurs extrémités auxdits patins longitudinaux (4d, 4e). 11. Ensemble encadrement-embrasure selon l'une quelconque des revendications précédentes, caractérisé en ce que les moyens de déplacement (2) comportent des unités de support de coulissement à roulement disposant chacun d'au moins un roulement à billes (2b, 2c) coopérant avec lesdits patins longitudinaux (4d, 4e). 13. Ensemble encadrement-embrasure selon l'une quelconque des revendications précédentes, caractérisé en ce que lesdits patins longitudinaux (4d, 4e) sont équipés de bandes de soutien (4f, 4g) disposées longitudinalement et coopérant avec lesdits moyens de déplacement (2). 14. Ensemble encadrement-embrasure selon la revendication 13, caractérisé en ce que lesdites bandes de soutien (4f, 4g) sont en acier inoxydable et en ce que ledit cadre fixe (1) et ledit élément intermédiaire (4) sont en aluminium ou en autre alliage léger ». Sur la demande reconventionnelle en nullité des revendications opposées du brevet EP 033 pour extension de l'objet de la demande La société de droit suisse PACK LINE SA et Maître [I] [N], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société PACK LINE, soutiennent que les modifications apportées à la revendication 1 du brevet EP 033 étendent son objet au-delà du contenu de la demande telle que déposée. Ils exposent que la revendication 1 du brevet comprend la caractéristique suivante : « moyens de déplacement (2) fixé de manière pivotante au cadre fixe » dont le terme « pivotante », absent de la revendication 1 et de la description dans la demande telle que déposée, introduit une notion technique supplémentaire aux moyens de déplacement (2). Par l'ajout du terme « pivotante », la revendication 1 définit selon eux un objet nouveau par rapport au contenu de la demande telle que déposée. Les défendeurs font également valoir que la demande telle que déposée ne mentionne nullement des « moyens de déplacement (2) fixé de manière pivotante au cadre fixe », mais indique que « les moyens de déplacement 2 sont associés au cadre fixe 1 ». Ils considèrent que cette modification ne découle pas de manière directe et sans ambiguïté de la demande initiale et que l'homme du métier, qu'ils définissent comme un spécialiste des encadrements pour parois coulissantes, doute du mot auquel se rattache le participe passé « fixé » au singulier. Ils soutiennent qu'au regard de la description, il est mécaniquement impossible que « les moyens de déplacement (2) [soient] fixés de manière pivotante au cadre fixe (1) » comme l'énoncent les modifications ajoutées dès lors que l'ensemble, formé par les moyens de déplacement (2) comprend notamment les goupilles (9) et les unités de support (2a), ne peut être fixé de manière pivotante au cadre fixe. Selon eux, au vu de la description dans la demande telle que déposée et des figures 1 à 3, les moyens de déplacement (2) ainsi que les sous-ensembles formés par les unités de support (2a) et les goupilles (9) sont nécessairement fixés au cadre fixe (1) sans aucun pivotement. Ils en concluent que l'homme du métier ne peut déduire de la demande telle que déposée que les moyens de déplacement (2) sont montés pivotants par rapport au cadre fixe, et qu'en tout état de cause une telle solution technique n'est pas décrite dans la demande telle que déposée, ce qui constitue une extension de l'objet du brevet au-delà de la demande initiale. Ils soulignent également qu'aucun mouvement des moyens de déplacement n'est décrit ni même suggéré dans la demande telle que déposée et qu'aucun mouvement pivotant des moyens de déplacement ne peut y être trouvé, de sorte que la modification effectuée introduit un objet nouveau dès lors que la revendication 1 telle que déposée n'énonce aucune fonction de pivotement/rotation. L'introduction de cette fonction dans la revendication 1 écarte selon eux ce qui avait été prévu lors du dépôt, à savoir des unités de support de coulissement à roulement à billes. Les défendeurs font enfin valoir que la revendication 1 de la demande telle que déposée portait sur un « encadrement » tandis que la revendication 1 du brevet porte sur un « ensemble encadrement-embrasure » qui ne figure pas dans la description de la demande telle que déposée et apporte une nouvelle définition d'une « fenêtre » au sens de l'invention dès lors que dans la description modifiée une fenêtre est assimilée à une paroi seulement. La société ORCHIDEES CONSTRUCTIONS répond qu'aucune des deux modifications faites en cours d'examen n'a pour effet d'étendre l'objet de la revendication 1 au-delà du contenu de la demande telle que déposée. A cet égard, elle fait valoir que l'ajout dans la revendication 1 du qualificatif « pivotante » est une caractéristique qui découle directement et sans ambiguïté pour l'homme du métier de la demande telle que déposée, qu'elle définit comme un spécialiste des parois coulissant dans une embrasure, dès lors que les moyens de déplacement comprennent des roulements à billes représentés sur chacune des figures du brevet EP 033 comme étant fixés de manière pivotante au cadre fixe. Elle soutient également que la demande telle que déposée divulgue dans son ensemble un encadrement qui coopère avec une embrasure spécifiquement prévue pour recevoir l'encadrement et que l'homme du métier en aurait donc déduit directement et sans ambiguïté que l'invention couvre un « ensemble encadrement-embrasure ». A cet égard, elle fait valoir que la description et la revendication 1 mentionnent l'embrasure et que les figures représentent l'embrasure. Elle conteste toute modification de la définition d'une fenêtre ou d'une porte-fenêtre selon l'invention dès lors que l'embrasure n'a jamais fait partie de la fenêtre ou de la porte-fenêtre. SUR CE, L'article L. 614-12 du code de la propriété intellectuelle dispose que « la nullité du brevet européen est prononcée en ce qui concerne la France par décision de justice pour l'un quelconque des motifs visés à l'article 138, paragraphe 1, de la Convention de Munich. Si les motifs de nullité n'affectent le brevet qu'en partie, la nullité est prononcée sous la forme d'une limitation correspondante des revendications. Dans le cadre d'une action en nullité du brevet européen, son titulaire est habilité à limiter le brevet en modifiant les revendications conformément à l'article 105 bis de la Convention de Munich ; le brevet ainsi limité constitue l'objet de l'action en nullité engagée ». Aux termes de l'article 138 de la Convention de Munich du 5 octobre 1973 sur la délivrance de brevets européens, « (1) Sous réserve de l'article 139, le brevet européen ne peut être déclaré nul, avec effet pour un État contractant, que si : [...] c) l'objet du brevet européen s'étend au-delà du contenu de la demande telle qu'elle a été déposée ou, lorsque le brevet a été délivré sur la base d'une demande divisionnaire ou d'une nouvelle demande déposée en vertu de l'article 61, si l'objet du brevet s'étend au-delà du contenu de la demande antérieure telle qu'elle a été déposée ». L'article 123 de même Convention énonce que « (1) Les conditions dans lesquelles une demande de brevet européen ou un brevet européen, au cours de la procédure devant l'Office européen des brevets, peut être modifié sont prévues par le règlement d'exécution. En tout état de cause, le demandeur peut, de sa propre initiative, modifier au moins une fois la description, les revendications et les dessins.(2) Une demande de brevet européen ou un brevet européen ne peut être modifié de manière que son objet s'étende au-delà du contenu de la demande telle qu'elle a été déposée ». Le « contenu de la demande telle qu'elle a été déposée » au sens de l'article 123 (2) de la Convention de Munich correspond aux parties d'une demande de brevet européen qui sont déterminantes pour la divulgation de l'invention, à savoir la description, les revendications et les dessins (décision G 3/89 du 19 novembre 1992, JO OEB 1993, 117 ; décision G 11/91 du 19 novembre 1992, JO OEB 1993, 125). Toute modification apportée à la description, aux revendications ou aux dessins d'une demande de brevet européen est soumise à l'interdiction impérative d'extension de son objet au-delà du contenu de la demande telle que déposée et ne pourra donc être effectuée, quel que soit son contexte, que dans les limites de ce que l'homme du métier est objectivement en mesure, à la date du dépôt, de déduire directement et sans équivoque du contenu de la demande telle qu'elle a été déposée en se fondant sur les connaissances générales dans le domaine considéré (décision G 3/89 du 19 novembre 1992, JO OEB 1993, 117 ; décision G 11/91 du 19 novembre 1992, JO OEB 1993, 125 ; décision G 2/10 du 30 août 2011, JO OEB 2012, 376). Selon la Grande Chambre de recours de l'Office européen des brevets, « en ce qui concerne l'article 123(2) CBE, il est clair que l'idée sous-jacente de cette disposition est d'interdire à un demandeur de conforter sa position par l'ajout d'un élément non divulgué dans la demande telle qu'elle a été déposée, ce qui lui procurerait un avantage injustifié et pourrait porter préjudice à la sécurité juridique des tiers se fondant sur le contenu de la demande initiale » (décision G 1/93 du 2 février 1994, JO OEB 1994, 541). Dès lors, pour apprécier s'il est satisfait à l'article 123 (2), le critère pertinent est celui de la perception de l'homme du métier qui ne doit recevoir, après modification, aucune information technique non déductible directement et sans ambiguïté de la demande de brevet telle qu'elle a été déposée avec les connaissances générales dans le domaine considéré (décision G 2/10 du 30 août 2011, JO OEB 2012, 376). L'homme du métier est celui du domaine technique où se pose le problème que l'invention, objet du brevet, se propose de résoudre (Cass. com., 20 novembre 2012, no11-18.440). En l'espèce, l'homme du métier est un technicien spécialisé dans les encadrements pour parois coulissant dans une embrasure. A titre liminaire, il est précisé que selon les paragraphes [0005] et [0006] de la demande de brevet telle que déposée, l'invention vise à fournir une solution aux problèmes techniques précités et qu'« à cet effet, conformément à l'invention, il est proposé un encadrement pour parois conforme à la revendication 1. D'autres configurations possibles de l'invention sont définies dans les revendications 2 à 19 ». Sur la modification « ensemble encadrement-embrasure » dans la revendication 1 du brevet Selon le paragraphe [0001] de la partie descriptive du fascicule de la demande de brevet telle que déposée, l'invention concerne « un encadrement pour parois coulissant dans une embrasure, en particulier pour fenêtres et portes-fenêtres, agencé pour embrasser et maintenir au moins une paroi ». Le paragraphe [0007] de la description précise que l'invention « fournit un encadrement dans lequel les différents éléments constitutifs du cadre fixe sont entièrement positionnés au-dessus ou au-dessous de la surface externe de l'embrasure de telle sorte que le cadre fixe ne révèle aucun élément en saillie à l'extérieur de l'embrasure. Par conséquent, l'utilisation d'un tel dispositif procure une impression de continuité et d'unicité des sols et des plafonds entre les espaces séparés par l'embrasure. L'esthétisme du lieu n'est pas donc pas déprécié par la présence d'éléments constitutifs du cadre fixe. De par l'absence d'élément en saillie de l'embrasure, la facilité de circulation entre les espaces n'est pas entravée. Les risques de trébuchement et de blessure sont évités. L'accès aux espaces séparés par l'embrasure pour les personnes à mobilité réduite ou handicapées, de même que la manoeuvre d'objets entre lesdits espaces, en est également facilité ». Le paragraphe [0010], qui décrit un premier mode de réalisation de l'invention représenté à la figure 1, précise que « l'embrasure 3 de l'encadrement comporte deux rainures débouchantes 6a et 6b définissant deux éléments d'embrasure latéraux 3b et 3c et au moins un élément d'embrasure intermédiaire 3a disposé entre les rainures débouchantes 6a et 6b. On entend par rainure débouchante une rainure débouchant de part et d'autre de l'embrasure 3. Les rainures débouchantes 6a et 6b sont d'une largeur inférieure à 15 mm, de préférence égale à 10 mm alors que leur section est de préférence rectangulaire ». Le paragraphe [0012], relatif à la figure 1, conclut : « De par l'encadrement ainsi configuré, la paroi 5 est disposée à coulisser longitudinalement, c'est-à-dire dans le plan perpendiculaire au plan de la figure 1, dans le cadre fixe 1. En position d'ouverture, l'encadrement ne révèle aucun élément en saillie à l'extérieur de l'embrasure 3, les différents éléments constitutifs du cadre fixe 1 étant entièrement positionnés à l'intérieur de celle-ci, c'est-à-dire au-dessous des surfaces S et Se des éléments d'embrasure 3a, 3b et 3c pour la partie inférieure de l'encadrement et au-dessus des surfaces S et Se des éléments d'embrasure 3a, 3b et 3c pour la partie supérieure de l'encadrement. Tant du point de vue esthétique que fonctionnel, les inconvénients précités des encadrements traditionnels sont évités ». Le paragraphe [0016], qui décrit la figure 4 représentant un deuxième mode de réalisation de l'invention, indique que « l'embrasure 3 comporte une rainure débouchante 6a. La rainure débouchante 6a est d'une largeur inférieure à 15 mm, de préférence égale à 10 mm alors que sa section est de préférence rectangulaire. L'aile longitudinale principale 4a traverse la rainure débouchante 6a de sorte que le profil 4c est entièrement positionné à l'extérieur de l'embrasure 3, c'est-à-dire au-dessus de la surface externe Se de l'embrasure 3 pour la partie inférieure de l'encadrement ou au-dessous de la surface externe Se de l'embrasure 3 pour la partie supérieure de l'encadrement ». Le paragraphe [0017], relatif à la figure 4, conclut : « De par l'encadrement ainsi configuré, la paroi 5 est disposée à coulisser longitudinalement, c'est-à-dire dans le plan perpendiculaire au plan de la figure 4, dans le cadre fixe 1. En position d'ouverture, l'encadrement ne révèle aucun élément en saillie à l'extérieur de l'embrasure 3, les différents éléments constitutifs du cadre fixe étant entièrement positionnés à l'intérieur de celle-ci, c'est-à-dire au-dessous de la surface Se de l'embrasure 3 pour la partie inférieure de l'encadrement et au-dessus de la surface externe Se de l'embrasure 3 pour la partie supérieure de l'encadrement. Tant du point de vue esthétique que fonctionnel, les inconvénients précités des encadrements traditionnels sont évités ». Le paragraphe [0018] de la description expose que « par rapport à la première forme d'exécution de l'invention présentée sur les figures 1 à 3, la deuxième forme d'exécution, présentée sur la figure 4, offre l'avantage de ne disposer que d'une seule rainure débouchante dans l'embrasure alors que la première forme d'exécution en nécessite deux. L'utilisation de l'invention selon la deuxième forme d'exécution est particulièrement avantageuse pour une application dont la paroi est relativement légère ». La revendication 1 de la demande de brevet telle que déposée est rédigée comme suit : « Encadrement pour parois (5) coulissant dans une embrasure (3) définissant une surface externe (Se), en particulier pour fenêtres et portes-fenêtres, agencé pour embrasser et maintenir au moins une paroi (5) et comprenant un cadre fixe (1) et un élément intermédiaire (4) destiné à être fixé à ladite paroi (5) et coopérant avec des moyens de déplacement (2) associés audit cadre fixe (1) de manière à permettre le déplacement de ladite paroi (5) le long dudit cadre fixe (1), caractériséen ce que l'embrasure (3) comporte au moins une rainure débouchante (6a, 6b)et en ce que ledit élément intermédiaire (4) comporte au moins une aile longitudinale principale (4a, 4b) traversant ladite rainure débouchante (6a, 6b) et au moins un patin longitudinal (4d, 4e) connecté à l'une des extrémités de ladite aile longitudinale principale (4a, 4b) et destiné à coopérer avec les moyens de déplacement (2), ledit cadre fixe (1) étant positionné entièrement au-dessus ou au-dessous de la surface externe (Se) de telle sorte que le cadre fixe ne révèle aucun élément en saillie à l'extérieur de l'embrassure (3) ». La revendication 3 de la demande de brevet telle que déposée, dépendante de la revendication 1, et les revendications 6, 7 et 9, elles-mêmes dépendantes de la revendication 3, sont relatives à l'embrasure : « 3. Encadrement selon la revendication 1 ou 2, caractérisé en ce que l'embrassure (3) comporte au moins deux rainures débouchantes (6a,6b) définissant deux éléments d'embrasure latéraux (3b,3c) définissant la surface extérieure (Se) et au moins un élément d'embrasure intermédiaire (3a) disposé entre les rainures débouchantes (6a,6b)et en ce que ledit élément intermédiaire (4) comporte au moins deux ailes longitudinales principales (4a,4b)et en ce que lesdites ailes longitudinales principales (4a,4b) traversent lesdites rainures débouchantes (6a,6b) et délimitent au moins une gorge longitudinale (7) dans ledit élément intermédiaire (4) de telle sorte que ledit élément d'embrasure intermédiaire (3a) est engagé dans ladite gorge longitudinale (7). 6. Encadrement selon les revendications 3 à 5, caractérisé en ce que ledit élément d'embrasure intermédiaire (3a) est transversalement centré dans ladite gorge longitudinale (7). 7. Encadrement selon la revendication 6, caractérisé en ce que la largeur dudit élément d'embrasure intermédiaire (3a) est telle que la distance transversale entre ledit élément d'embrasure intermédiaire (3a) et lesdites ailes longitudinales principales (4a,4b) adjacentes est inférieure à 5mm. 9. Encadrement selon les revendications 3 à 8, caractérisé en ce que ledit élément d'embrasure intermédiaire (3a) est positionné de telle sorte que sa surface externe (S) est au niveau de la surface externe (Se) des éléments d'embrassure latéraux (3b,3c) ». En l'espèce, la modification « ensemble encadrement-embrasure » dans la revendication 1 du brevet EP 033 n'a pas pour effet d'étendre son objet au-delà du contenu de la demande telle que déposée au sens de l'article 123 (2) de la Convention de Munich sur le brevet européen dès lors que la description, les figures 1 et 4 qui illustrent deux modes de réalisation de l'invention et représentent l'embrasure, et les revendications de la demande de brevet telle que déposée divulguent un dispositif comprenant un encadrement et une embrasure dont les caractéristiques sont revendiquées. Il s'ensuit que l'homme du métier peut, à la date du dépôt avec les connaissances générales dans le domaine considéré, déduire directement et sans ambigüité du contenu de la demande de brevet telle qu'elle a été déposée que celle-ci divulgue un ensemble combinant un encadrement et une embrasure. Par ailleurs, contrairement à ce qu'affirment les défendeurs sans toutefois le démontrer, cette modification dans la revendication 1 n'apporte pas une définition nouvelle de ce qu'est une « fenêtre » au sens de l'invention, et au demeurant cela ne ressort pas de l'examen du fascicule de la demande de brevet telle que déposée et du fascicule du brevet. Par ailleurs, comme le souligne très justement la demanderesse, l'embrasure ne fait pas partie de la fenêtre. Leur moyen à cet égard est alors inopérant. Sur la modification « moyens de déplacement (2) fixé de manière pivotante au cadre fixe » dans la revendication 1 du brevet En l'occurrence, les termes « moyens de déplacement (2) associés audit cadre fixe (1) » dans la revendication 1 de la demande de brevet telle que déposée ont été remplacés par les termes « moyens de déplacement (2) fixé de manière pivotante au cadre fixe » dans la revendication 1 du brevet EP 033. A titre liminaire, le tribunal constate que la société ORCHIDEES CONSTRUCTIONS reconnaît dans ses écritures que l'adjectif « fixé », écrit au singulier dans la revendication 1 du brevet, est une faute d'orthographe et doit être lu au pluriel en ce qu'il correspond aux moyens de déplacement (2). Dans la demande de brevet telle que déposée, outre la revendication 1 qui indique que les moyens de déplacement (2) sont « associés audit cadre fixe (1) », les revendications 15 et 16, qui proposent « d'autres configurations possibles de l'invention » aux termes du paragraphe [0006] de la description, sont rédigées comme suit : « 15. Encadrement selon l'une quelconque des revendications précédentes, caractérisé en ce que les moyens de déplacement (2) comportent des unités de support de coulissement à roulement disposant chacun d'au moins un roulement à billes (2b, 2c) coopérant avec ledit ou lesdits patins longitudinaux (4d, 4e). 16. Encadrement selon la revendication 15, caractérisé en ce que les moyens de déplacement (2) comportent des unités de support de coulissement à roulement (2a) disposant chacun d'au moins deux roulements à billes (2b, 2c) coopérant avec lesdits patins longitudinaux (4d, 4e) et en ce que lesdits roulements à billes (2b, 2c) sont montés sur des axes fixes et inclinés en sens inverse de manière à assurer un auto-centrage de ladite paroi (5) pendant son coulissement et en ce que les moyens de déplacement (2) sont solidarisés audit profilé de couverture (1c) par des goupilles transversales (9) dimensionnées de manière à être calées entre des nervures longitudinales internes (1d, 1e) de chaque profilé (1a, 1b) formant le cadre fixe (1) ». Dans la demande de brevet telle que déposée, le paragraphe [0010], qui décrit le premier mode de réalisation de l'invention représenté à la figure 1, expose que « l'encadrement, agencé pour embrasser et maintenir une paroi 5, ici constitué d'un vitrage double, comprend un élément intermédiaire 4, un cadre fixe 1 et des moyens de déplacement 2 associé au cadre fixe 1 permettant le déplacement de la paroi 5 le long du cadre fixe 1 ». Il indique ensuite que « les moyens de déplacement 2 comportent des unités de support de coulissement à roulement 2a disposant chacune de deux roulements à billes 2b et 2c roulant sur les bandes de soutien 4f et 4g. Par conséquent, l'élément intermédiaire 4, en coopérant avec les moyens de déplacement 2 associés au cadre fixe 1, permet le déplacement longitudinal de la paroi 5 le long du cadre fixe 1 ». Le paragraphe [0011] ajoute que « les moyens de déplacement 2 sont solidarisés au profilé de couverture 1c au moyen de goupilles transversales 9 disposées entre les nervures longitudinales internes 1d et 1e et dimensionnées en fonctions de la largeur de ces nervures longitudinales internes 1d et 1e ». Le paragraphe [0014], qui décrit la figure 2 relative aux moyens de déplacement 2 et leurs interactions avec les différents éléments de l'encadrement dans le premier mode de réalisation de l'invention, précise que « chaque unité de moyens de déplacement 2 comporte une plaque de base rectangulaire 2d, deux blocs de suspension 2e montés aux extrémités de la plaque de base rectangulaire 2d et une unité de support de coulissement à roulement 2a. Les unités de support de coulissement à roulement 2a disposent chacune de deux roulements à billes 2b et 2c de préférence de même dimension ». Il ajoute que « à l'aide des goupilles 9 introduites dans les alésages 1p, les moyens de déplacement 2 sont fixés le long des profilés longitudinaux 1a et 1b. En effet, une goupille transversale 9, dimensionnée de manière à être calée entre les nervures longitudinales internes 1d et 1e de chaque profilé longitudinal 1a et 1b, traverse transversalement les alésages 1p des profilés 1c ainsi que chaque bloc de suspension 2e de par la présence d'alésages 2g dans ce dernier ». Le paragraphe [0016], qui décrit la figure 4 représentant le deuxième mode de réalisation de l'invention, indique que « à l'aide des patins longitudinaux 4d et 4e et des bandes de soutien 4f et 4g disposés longitudinalement, l'élément intermédiaire 4 coopère avec les moyens de déplacement 2 associés au cadre fixe 1 de la même manière que dans la première forme d'exécution de l'invention représentée sur les figures 1 à 3. Cette coopération permet le déplacement longitudinal de la paroi 5 le long du cadre fixe 1 ». Au regard de tout ce qui précède, le contenu de la demande de brevet telle que déposée divulgue que les moyens de déplacement (2) :- permettent le déplacement longitudinal de la paroi (5) le long du cadre fixe (1). - comportent des unités de support de coulissement à roulement (2a) disposant chacun de roulements à billes (2b, 2c) ;- sont « associés » au cadre fixe (1) dans la revendication 1 ;- sont « solidarisés » au profilé de couverture (1c) par des goupilles transversales (9) dans la revendication 16. Le pivotement dont s'agit (« moyens de déplacement (2) fixé de manière pivotante au cadre fixe »), relatif à la fixation des moyens de déplacement au cadre fixe et non au mouvement des unités de support de coulissement à l'aide de roulements à billes, est une information technique supplémentaire comprise dans la revendication 1 après modification, non divulguée dans la demande de brevet telle que déposée. Elle ne ressort ni de la description et des figures 1 à 4 qui illustrent deux modes de réalisation de l'invention, ni des revendications de la demande de brevet telle qu'elle a été déposée. Ce pivotement, ajouté dans la revendication 1 du brevet, ne pouvait être déduit par l'homme du métier, à la date du dépôt, directement et sans ambigüité du contenu de la demande de brevet telle que déposée avec les connaissances générales dans le domaine considéré. Il est d'ailleurs observé que la société ORCHIDEES CONSTRUCTIONS, qui se réfère uniquement au contenu du fascicule du brevet corrigé (sa pièce no2.1.1) et non celui de la demande de brevet telle que déposée (sa pièce no2.1.6) et se borne à invoquer la présence de roulements à billes, ne démontre pas le contraire. Cette modification « moyens de déplacement (2) fixé de manière pivotante au cadre fixe » au lieu de « moyens de déplacement (2) associés audit cadre fixe (1) » dans la revendication 1 du brevet EP 033 a pour effet d'étendre son objet au-delà du contenu de la demande telle que déposée. Cette extension, interdite par l'article 123 (2) de la Convention sur le brevet européen dont l'objectif est la sécurité juridique des tiers se fondant sur le contenu de la demande initiale, justifie de déclarer nulles la revendication 1 de la partie française du brevet EP 033 ainsi que les revendications 2, 4, 5, 6, 7, 8, 11, 13 et 14 dépendantes de la revendication 1 qui sont alors affectées du même vice. L'annulation des revendications opposées 1, 2, 4, 5, 6, 7, 8, 11, 13 et 14 de la partie française du brevet EP 033 prive de fondement l'ensemble des demandes de la société ORCHIDEES CONSTRUCTIONS au titre de la contrefaçon, qui ne peuvent dès lors qu'être rejetées. Sur les demandes reconventionnelles pour procédure abusive La société de droit suisse PACK LINE SA et Maître [I] [N], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société PACK LINE, soutiennent que la demanderesse a introduit la présente procédure avec une légèreté blâmable à la seule fin de nuire aux sociétés PACK LINE dès lors qu'elle ne pouvait ignorer la faiblesse de son brevet. La société ORCHIDEES CONSTRUCTIONS répond que les défendeurs ne démontrent ni une quelconque intention de nuire ni le préjudice qu'ils allèguent. SUR CE, L'article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Aux termes de l'article 1241 du même code, chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence. Le droit d'agir en justice dégénère en abus constitutif d'une faute au sens de l'article 1240 du code civil lorsqu'il est exercé en connaissance de l'absence totale de mérite de l'action engagée, ou par une légèreté inexcusable, obligeant le défendeur à se défendre contre une action que rien ne justifie sinon la volonté d'obtenir ce que l'on sait indu, une intention de nuire, ou une indifférence totale aux conséquences de sa légèreté. En l'espèce, la seule circonstance que les revendications de la partie française du brevet EP 033 fondant les demandes en contrefaçon de la société ORCHIDEES CONSTRUCTIONS soient déclarées nulles n'est pas de nature à faire dégénérer son action en abus. En outre, les défendeurs, qui procèdent par voie d'affirmation dans leurs écritures quant à la prétendue intention de nuire de la demanderesse, ne justifient d'aucun préjudice distinct des frais exposés pour se défendre en justice, lesquels sont indemnisés au titre de l'article 700 du code de procédure civile. En conséquence, leurs demandes reconventionnelles pour procédure abusive ne peuvent qu'être rejetées. Sur les demandes accessoires Sur les dépens Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge de l'autre partie. L'article 699 du même code dispose que les avocats peuvent, dans les matières où leur ministère est obligatoire, demander que la condamnation aux dépens soit assortie à leur profit du droit de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision. La partie contre laquelle le recouvrement est poursuivi peut toutefois déduire, par compensation légale, le montant de sa créance de dépens. La société ORCHIDEES CONSTRUCTIONS, qui succombe à l'instance, sera condamnée aux dépens dont distraction au profit de Maître Jean-Christophe GUERRINI conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. Sur l'article 700 du code de procédure civile L'article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a lieu à condamnation. En l'espèce, l'équité commande de condamner la société ORCHIDEES CONSTRUCTIONS à payer à la société de droit suisse PACK LINE SA et Maître [I] [N], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société PACK LINE, la somme de 15.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. Sur l'exécution provisoire Aux termes de l'article 515 du code de procédure civile, dans sa rédaction applicable au présent litige, hors les cas où elle est de droit, l'exécution provisoire peut être ordonnée, à la demande des parties ou d'office, chaque fois que le juge l'estime nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire, à condition qu'elle ne soit pas interdite par la loi. Elle peut être ordonnée pour tout ou partie de la condamnation. En l'espèce, l'exécution provisoire, nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire, sera ordonnée. PAR CES MOTIFS Le tribunal, DECLARE la société WEEEZE irrecevable en son intervention volontaire et ses demandes subséquentes ; DECLARE la société de droit suisse PACK LINE SA et Maître [I] [N], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société PACK LINE, irrecevables en leur demande reconventionnelle en nullité des revendications 3, 9, 10, 12 et 15 de la partie française du brevet européen no EP 2 525 033 ; DECLARE nulles les revendications 1, 2, 4, 5, 6, 7, 8, 11, 13 et 14 de la partie française du brevet européen no EP 2 525 033 pour extension de l'objet du brevet au-delà de la demande telle que déposée ; DIT que la présente décision, une fois devenue définitive, sera transmise à l'Institut national de la propriété industrielle aux fins d'inscription au registre national des brevets à l'initiative de la partie la plus diligente ; DEBOUTE en conséquence la société de droit suisse ORCHIDEES CONSTRUCTIONS SA de l'ensemble de ses demandes fondées sur la contrefaçon des revendications 1, 2, 4, 5, 6, 7, 8, 11, 13 et 14 de la partie française du brevet européen no EP 2 525 033 ; DEBOUTE la société de droit suisse PACK LINE SA et Maître [I] [N], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société PACK LINE, de leurs demandes reconventionnelles pour procédure abusive ; CONDAMNE la société de droit suisse ORCHIDEES CONSTRUCTIONS SA aux dépens dont distraction au profit de Maître Jean-Christophe GUERRINI conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ; CONDAMNE la société de droit suisse ORCHIDEES CONSTRUCTIONS SA à payer à la société de droit suisse PACK LINE SA et Maître [I] [N], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société PACK LINE, la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; ORDONNE l'exécution provisoire de la présente décision. Fait et jugé à Paris le 08 mars 2023 Le greffière Le président
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JURITEXT000047636335
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AUTRES_DECISIONS
Tribunal judiciaire de Paris, 19 avril 2023, 21/03123
2023-04-19
Tribunal judiciaire de Paris
21/03123
CT0196
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TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 3ème chambre 3ème section No RG 21/03123 - No Portalis 352J-W-B7F-CT4UB No MINUTE : Assignation du :16 février 2021 JUGEMENT rendu le 19 avril 2023 DEMANDERESSE Société Google LLC[Adresse 2][Adresse 2][Adresse 2] (ETATS-UNIS D'AMERIQUE) représentée par Maître Alexandra NERI du PARTNERSHIPS HERBERT SMITH FREEHILLS PARIS LLP, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #J0025 DÉFENDERESSES S.A.S.U. GOOGLE CAR[Adresse 1][Localité 3] S.A.R.L. Kwantum Participations[Adresse 1][Localité 3] représentés par Maître Emmanuel TRINK, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D0022COMPOSITION DU TRIBUNAL Jean-Christophe GAYET, premier vice-président adjointLinda BOUDOUR, jugeArthur COURILLON-HAVY, juge assistés de Lorine MILLE, greffière, en présence de Anne BOUTRON, magistrat en stage de pré-affectation. DÉBATS A l'audience du 08 février 2023 tenue en audience publique devant Jean-Christophe GAYET et Linda BOUDOUR, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seuls l'audience, et, après avoir donné lecture du rapport, puis entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux avocats que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 19 avril 2023. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffeContradictoireEn premier ressort _____________________________ EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE 1. La société de droit des États-Unis d'Amérique Google LLC est une entreprise technologique proposant divers produits et services, dont le moteur de recherche éponyme, le système d'exploitation pour mobiles "Android", ainsi que des smartphones, des enceintes connectées et des logiciels. 2. Elle est notamment titulaire des marques suivantes :- la marque verbale de l'Union européenne "Google" no1104306, enregistrée le 12 mars 1999 pour désigner différents produits et services en classes 9, 35, 38 et 42, et dûment renouvelée ; - la marque verbale française "Google" no3469539, enregistrée le 14 décembre 2006, pour désigner différents produits et services en classes 9, 38 et 42, et dûment renouvelée ;- la marque verbale internationale désignant l'Union européenne "Google" enregistrée le 1er août 2012 sous le no1145934 et visant des services en classe 42 ;- la marque semi-figurative de l'Union européenne "Google" no15085152 enregistrée le 8 février 2016 et visant des produits et services des classes 9, 25, 35, 36, 38, 42 et 45 ;- la marque verbale de l'Union européenne "Google" no17793571 enregistrée le 9 février 2018 pour désigner des produits et services en classes 9, 35, 36, 38 et 42. 3. La société Google LLC indique avoir développé, dans le cadre de la diversification de ses activités, un projet de voiture autonome dénommé "Google Car". 4. La société par actions simplifiée (ci-après SAS) Google Car, immatriculée le 22 mai 2020 au registre du commerce et des sociétés (RCS), a pour activité la construction de véhicules automobiles. 5. Son associé unique est la société Kwantum Participations, une société à responsabilité limitée immatriculée le 19 juillet 2011 au RCS, spécialisée dans les activités de sociétés holding et investissements en capital-risque. 6. Reprochant aux sociétés Google Car et Kwantum Participations de contrefaire ses marques, la société Google LLC les a, par une lettre du 4 novembre 2020, mises en demeure de cesser de reproduire sa marque. 7. Les sociétés Google Car et Kwantum Participations n'ont pas répondu à cette mise en demeure. 8. Dans ces circonstances que, par actes d'huissier du 16 février 2021, la société Google LLC a fait assigner les sociétés Google Car et Kwantum Participations devant ce tribunal en contrefaçon de marques. 9. Par ordonnance du 22 mars 2022, le juge de la mise en état a déclaré irrecevable la demande, présentée par les sociétés Google Car et Kwantum Participations, de sursis à statuer dans l'attente de la décision dans la procédure d'opposition en cours devant l'office européen de la propriété intellectuelle (EUIPO), les a condamnées à payer 3000 euros à la société Google LLC au titre de l'article 700 du code de procédure civile et a réservé les dépens. 10. L'instruction a été close par ordonnance du 2 juin 2022 et l'affaire fixée à l'audience du 8 février 2023 pour être plaidée. PRÉTENTIONS DES PARTIES 11. Dans ses dernières conclusions au fond, notifiées par voie électronique le 28 avril 2022, la société Google LLC a demandé au tribunal, au visa des articles L.713-3 et L.713-3-1 4o du code de la propriété intellectuelle, de :- dire et juger que la marque de l'Union européenne "Google" no3469539 et la marque française "Google" no3469539 sont des marques renommées respectivement dans l'Union européenne (en ce inclus en France) et en France ; - dire et juger que la reproduction de la marque de renommée "Google" au sein de la dénomination sociale "Google Car" adoptée par la société par actions simplifiée à associé unique immatriculée sous le no 883 562 209 au RCS de Paris constitue une contrefaçon de la marque de renommée "Google" ;En conséquence,- faire interdiction à la société Google Car immatriculée sous le no 883 562 209 au RCS de Paris d'utiliser et de reproduire la marque de renommée "Google" au sein de sa dénomination sociale, quelle que soit l'activité de cette société ;- enjoindre la société Google Car immatriculée sous le no 883 562 209 au RCS de Paris de modifier sa dénomination sociale afin qu'elle ne reproduise plus la marque de renommée "Google" et ce, sous astreinte de 500 euros par jour, passé un délai de 15 jours à compter de la signification du jugement à intervenir ;- condamner in solidum les sociétés Google Car et Kwantum Participations à verser à la société Google LLC la somme de 20 000 (vingt mille) euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice porté au caractère distinctif et à la renommée de sa marque de l'Union européenne "Google" no3469539 et de sa marque française "Google" no3469539 et en raison du profit indument tiré par les défendeurs ;- ordonner la publication du présent dispositif dans deux magazines et sur un site internet choisi par Google LLC, dans la limite de 5000 euros;- condamner in solidum les sociétés Google Car et Kwantum Participations à verser à la société Google LLC la somme de 15 000 (quinze mille) euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir pour l'ensemble des mesures sollicitées au présent dispositif ;- condamner in solidum les sociétés Google Car et Kwantum Participations aux entiers dépens, dont distraction au profit du cabinet Herbert Smith Freehills Paris LLP, avocats, en application de l'article 699 du code de procédure civile ;- débouter les sociétés Google Car et Kwantum Participation de toutes leurs demandes, fins et conclusions ;En tant que de besoin,- faire interdiction aux sociétés Google Car et Kwantum Participations d'utiliser ou de reproduire la marque de renommée Google seule ou associée à d'autres termes à titre de marque, de nom commercial, d'enseigne et de nom de domaine, directement ou par l'intermédiaire de tout tiers, sur l'ensemble du territoire français. 12. Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique 11 janvier 2022, les sociétés Google Car et Kwantum Participations ont demandé au tribunal, au visa de l'article 8 du Règlement 2017/1001 et de l'article 700 du code de procédure civile, de : - dire et juger que la dénomination sociale de la société Google Car ne constitue pas une contrefaçon de la marque de renommée "Google" ;- débouter en conséquence purement et simplement la société Google LLC de toutes ses demandes fins et conclusions ; - condamner la société Google LLC à verser in solidum aux sociétés Google Car et Kwantum Participations, la somme de 100 000 euros à titre de dommages-intérêts ;- condamner la société Google LLC à verser aux sociétés Google Car et Kwantum Participations la somme de 10 000 euros à chacune, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; - ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir. MOTIFS DU JUGEMENT I - Sur l'atteinte aux marques renommées Moyens des parties 13. La société Google LLC fait valoir que le signe "Google Car" et la dénomination sociale "Google Car" de la défenderesse portent atteinte à sa marque de renommée "Google", laquelle, compte tenu de son étendue, est reconnue dans quasiment tout contexte, en sorte qu'elle jouit d'une protection étendue à l'ensemble des produits et services y compris non similaires aux siens. Elle en déduit que la dénomination sociale de la défenderesse, qu'elle qualifie d'hautement similaire à sa marque de renommée sur les plans visuel, phonétique et intellectuel, lui porte préjudice et confère un profit indû à la défenderesse. 14. Les sociétés Google Car et Kwantum Participations opposent que si la marque "Google" est connue pour être un moteur de recherche sur internet, la dénomination sociale de la première ne porte pas atteinte à sa renommée dans la mesure où il n'existe aucun chevauchement du public en cause, aucune confusion possible entre ses activités de vente de voiture et la marque "Google", outre qu'elle ne tire aucun profit de l'usage du signe "Google" dans le secteur automobile dans lequel la demanderesse a adopté le nom "Waymo". Réponse du tribunal 15. Le règlement (CE) 40/94 du Conseil du 20 décembre 1993 sur la marque communautaire a été codifié à droit constant par le règlement (CE) 207/2009 du Conseil du 26 février 2009 sur la marque communautaire, puis par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne qui, aux termes de l'article 9 § 2, dispose que : " sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité d'une marque de l'Union européenne, le titulaire de cette marque de l'Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe pour des produits ou services lorsque : (...)c) ce signe est identique ou similaire à la marque de l'Union européenne, indépendamment du fait que les produits ou services pour lesquels il est utilisé soient identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée, lorsque celle-ci jouit d'une renommée dans l'Union et que l'usage de ce signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque de l'Union européenne ou leur porte préjudice". 16. Ces dispositions sont équivalentes à celles de l'article 5 § 2 de la directive 2008/95/CE du 22 octobre 2008, qui a codifié la directive 89/104/CEE du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques, et dont l'article L.713-3 du code de la propriété intellectuelle réalise la transposition en droit interne et aux termes duquel "est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l'usage dans la vie des affaires, pour des produits ou des services, d'un signe identique ou similaire à la marque jouissant d'une renommée et utilisé pour des produits ou des services identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, si cet usage du signe, sans juste motif, tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque, ou leur porte préjudice". 17. L'expression « faire usage » d'un signe doit donc être entendue comme désignant l'emploi du signe dans le but de distinguer des produits ou des services, c'est à dire comme portant atteinte ou étant susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque, ce qui est en définitive la condition du droit exclusif (voir CJUE, 25 juillet 2018, Mitsubishi, C-129/17, point 34). 18. Les termes « usage » et « dans la vie des affaires » ne sauraient être interprétés en ce sens qu'ils visent uniquement les relations immédiates entre un commerçant et un consommateur et, en particulier, qu'il y a usage d'un signe identique à la marque lorsque l'opérateur économique concerné utilise ce signe dans le cadre de sa propre communication commerciale (voir arrêt du 16 juillet 2015, TOP Logistics e.a., C-379/14, points 40 et 41). 19. Au cas présent, la société Google LLC produit pour seule pièce l'extrait Kbis de la société Google Car établissant son enregistrement sous cette dénomination au registre du commerce et des sociétés de Paris (sa pièce no9). 20. Toutefois, le seul fait d'immatriculer une société sous une certaine dénomination n'est pas, en soi, un usage de cette dénomination dans le but de distinguer des produits ou services, et il n'est donc pas à lui seul susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque : il s'agit d'un acte dont l'effet est strictement juridique, qui ne caractérise pas en soi l'existence d'une activité, et il ne peut être présumé que, du seul fait qu'une société existe, elle est exploitée. 21. Par conséquent, l'atteinte à la renommée des marques verbale de l'Union européenne "Google" no1104306, verbale française "Google" no3469539, verbale internationale désignant l'Union européenne "Google" no1145934, semi-figurative de l'Union européenne "Google" no15085152, et verbale de l'Union européenne "Google" no17793571 n'est pas établie. 22. Les demandes de la société Google LLC sur le fondement de la contrefaçon de ses marques précitées seront rejetées. II - Sur la demande en répartion Moyens des parties 23. Les sociétés Google Car et Kwantum Participations réclament l'indemnisation du préjudice causé, selon elles, à tort par les allégations de la demanderesse. 24. La société Google LLC estime que cette demande n'est justifiée ni dans son principe ni dans son quantum. Réponse du tribunal 25. L'article 1240 du code civil prévoit que "tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer". 26. En application de l'article 32-1 du code de procédure civile, "celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 € sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés". 27. Le droit d'agir en justice participe des libertés fondamentales de toute personne. Il en résulte que celui qui invoque un abus de ce droit doit prouver que le demandeur avait exercé son droit d'agir avec malice, de mauvaise foi, d'erreur grossière équipollente au dol, ou avec une légèreté blâmable (en ce sens Cour de cassation, 3ème chambre civile, 10 octobre 2012, no11-15.473). 28. En l'espèce, la seule circonstance que les demandes de la société Google LLC soient rejetées n'est pas de nature à faire dégénérer son action en abus. 29. Les sociétés Google Car et Kwantum Participations ne démontrent aucun préjudice distinct des frais qu'elles ont dû exposer pour leur défense, lesquels sont indemnisés au titre des frais non compris dans les dépens en application de l'article 700 du code de procédure civile. III - Dispositions finales III.1 - S'agissant des dépens 30. Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, "la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge de l'autre partie". 31. En l'espèce, la société Google LLC, partie perdante, sera condamnée aux dépens. III.2 - S'agissant des frais non compris dans les dépens 32. L'article 700 du code de procédure civile dispose que "le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a lieu à condamnation". 33. La société Google LLC, partie condamnée aux dépens, sera condamnée à payer la somme totale de 5000 euros aux sociétés Google Car et Kwantum Participations, à ce titre. III.3 - S'agissant de l'exécution provisoire 34. En application des articles 514 et 514-1 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement. Le juge peut écarter l'exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s'il estime qu'elle est incompatible avec la nature de l'affaire. Il statue, d'office ou à la demande d'une partie, par décision spécialement motivée. 35. En l'espèce, l'exécution provisoire, nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire, n'a pas à être écartée. PAR CES MOTIFS Le tribunal, DÉBOUTE la société Google LLC de ses demandes fondées sur l'atteinte portée à ses marques renommées "Google" ; DÉBOUTE les sociétés Google Car et Kwantum Participations de leur demande reconventionnelle en indemnisation ; CONDAMNE la société Google LLC aux dépens ; CONDAMNE la société Google LLC à payer la somme totale de cinq mille euros (5000 €) aux sociétés Google Car et Kwantum Participations en application de l'article 700 du code de procédure civile; DIT n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire. Fait et jugé à Paris le 19 avril 2023 La greffière Le président
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JURITEXT000047636336
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Tribunal judiciaire de Paris, 22 mars 2023, 20/03992
2023-03-22
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TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 3ème chambre 3ème section No RG 20/03992 - No Portalis 352J-W-B7E-CSA6E No MINUTE : Assignation du :20 mai 2020 JUGEMENT rendu le 22 mars 2023 DEMANDERESSE S.A.S. AXEL FILMS PRODUCTION[Adresse 1][Localité 6] représentée par Maître Sophie OBADIA de la SELARL OBADIA - STASI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D1986 DÉFENDEURS S.A.S. UBBA[Adresse 2][Localité 4] représentée par Maître Thomas KLOTZ, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E1943 Monsieur [E] [K]-[X]alias [E] [U][Adresse 8][Localité 7] Monsieur [J] [D][Adresse 3][Localité 5] représenté par Maître Nicolas BRAULT de la SARL WBA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #T06COMPOSITION DU TRIBUNAL Jean-Christophe GAYET, premier vice-président adjointLinda BOUDOUR, jugeArthur COURILLON-HAVY, juge assistés de Lorine MILLE, greffière, DÉBATS A l'audience du 09 novembre 2022 tenue en audience publique devant Jean-Christophe GAYET et Linda BOUDOUR, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seuls l'audience, et, après avoir donné lecture du rapport, puis entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux avocats que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 08 février 2023 et prorogé au 22 mars 2023. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffeContradictoireEn premier ressort___________________________ EXPOSE DU LITIGE La SAS AXEL FILM PRODUCTION se présente comme une société de production cinématographique. Monsieur [E] [U] se présente comme un professionnel réputé dans le milieu du cinéma. Monsieur [J] [D] se présente comme un scénariste et réalisateur depuis 20 ans. La SAS UBBA est une agence littéraire et artistique. Par deux contrats de cession de droits d'auteur scénariste du 24 septembre 2019 conclus en présence de la société UBBA en qualité d'agent, Monsieur [E] [U] a cédé à la société AXEL FILMS PRODUCTION ses droits d'auteur sur sa contribution aux scénarios des films « Challenger » et « First Dance ». Par deux contrats de cession de droits d'auteur scénariste du 24 septembre 2019 conclus en présence de la société UBBA en qualité d'agent, Monsieur [J] [D] a cédé à la société AXEL FILMS PRODUCTION ses droits d'auteur sur sa contribution aux scénarios des films « Challenger » et « First Dance ». Par courriers recommandés des 10 et 12 mars 2020, la société UBBA, Monsieur [E] [U] et Monsieur [J] [D] ont mis en demeure la société AXEL FILMS PRODUCTION de leur payer dans le délai de 20 jours les sommes dues en exécution des contrats de cession de droits d'auteur scénariste pour les films « Challenger » et « First Dance » conclus le 24 septembre 2019 sous peine de résiliation de plein droit. Par courrier recommandé de son conseil du 12 mars 2020, la société AXEL FILMS PRODUCTION a invoqué la déloyauté de Monsieur [E] [U] et de Monsieur [J] [D] dans l'exécution de leurs obligations contractuelles d'auteurs. Par lettre officielle de leur conseil du 3 avril 2020, Monsieur [E] [U] et Monsieur [J] [D] ont informé la société AXEL FILMS PRODUCTION de la résiliation de plein droit des contrats du 24 septembre 2019 en raison du non-paiement des sommes qui leur sont dues dans le délai imparti. Par lettre officielle de son conseil du 27 avril 2020, la société AXEL FILMS PRODUCTION a contesté l'argumentaire de la société UBBA, de Monsieur [E] [U] et de Monsieur [J] [D] et considéré comme nulle et de nul effet leur résiliation des contrats du 24 septembre 2019. C'est dans ces circonstances que par actes d'huissier du 20 mai 2020, la société AXEL FILMS PRODUCTION a fait assigner Monsieur [J] [D], Monsieur [E] [U] « alias [E] [K], alias [E] [X], alias [C] [W] », et la société UBBA devant le tribunal judiciaire de PARIS aux fins de résiliation judiciaire des contrats du 24 septembre 2019 et indemnisation de ses préjudices. Par ordonnance sur incident du 21 octobre 2021, le juge de la mise en état a écarté la fin de non-recevoir soulevée par les défendeurs à l'égard de la demande en nullité des contrats, déclaré la société AXEL FILMS PRODUCTION recevable en cette demande et condamné les défendeurs à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens de l'incident. L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 avril 2022. L'ensemble des parties ayant constitué avocat, le jugement est contradictoire en application de l'article 467 du code de procédure civile. PRÉTENTIONS DES PARTIES Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 1er avril 2022, la société AXEL FILMS PRODUCTION demande au tribunal, au visa des articles 1103, 1104, 1137, 1186, 1187, 1225, 1227, 1229 et 1231-1 et 1240 du code civil, de : « A titre principal, DIRE ET JUGER que Monsieur [J] [D], Monsieur [E] [X] et l'agence UBBA ont commis un dol viciant le consentement de la société AXEL FILM PRODUCTION ; En conséquence, PRONONCER la nullité des contrats signés tant avec Monsieur [E] [X] qu'avec Monsieur [J] [D] ; ORDONNER la restitution des sommes versées par AXEL FILM PRODUCTION à Monsieur [X], à Monsieur [J] [D] et à UBBA, soit la somme de 294.500 euros ; A titre subsidiaire, PRONONCER la nullité des contrats signés avec Monsieur [X] et la caducité des contrats signés avec Monsieur [J] [D] avec la restitution des sommes allouées à M. [D] au titre de ces contrats ; ORDONNER la restitution des sommes versées par AXEL FILM PRODUCTION à Monsieur [X], à Monsieur [J] [D] et à UBBA, soit la somme de 294.500 euros ; CONDAMNER solidairement Messieurs [J] [D], [E] [X] et UBBA à payer à AFP la somme de 1.553.490 euros en réparation des frais engagés, de la perte de chance correspondant aux contrats qui auraient pu être signés pour d'autres films, ainsi que du préjudice porté à son crédit ; A titre subsidiaire, DIRE ET JUGER qu'en exécutant de mauvaise foi leurs obligations Messieurs [D], [X] et UBBA ont violé les droits d'AXEL FILMS PRODUCTION ; DIRE ET JUGER qu'en se prétendant à tort seuls titulaires des droits vis-à-vis des tiers, et en tentant de céder les droits en cause à des tiers, Messieurs [D], [X] et UBBA ont violé leurs obligations contractuelles ; En conséquence, PRONONCER la résiliation judiciaire des quatre contrats signés avec Messieurs [D], [X] et UBBA, à leurs torts exclusifs ; CONDAMNER solidairement Messieurs [D] et [X] et UBBA à payer à AFP la somme de 1.847.990 euros en réparation des frais engagés, de la perte de chance correspondant à son gain manqué et à sa perte éprouvée, ainsi que du préjudice porté à son crédit ; En tout état de cause, DIRE ET JUGER que Messieurs [D] et [X] et UBBA devront solidairement garantir AFP de tout recours et action de Monsieur [T], pour le cas où celui-ci déciderait de poursuivre l'exécution de son contrat ; REJETER les demandes reconventionnelles des défendeurs ; CONDAMNER solidairement Messieurs [D] et [X] et UBBA à payer la somme de 50.000 euros, sauf à parfaire, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens de la présente instance ». Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 22 mars 2022, Monsieur [J] [D] et Monsieur [E] [K]-[X], dit [E] [U], demandent au tribunal, au visa des articles 1103, 1104, 1130 et suivants, et 1231-1 du code civil, de : « A titre principal DIRE ET JUGER que la société AXEL FILMS PRODUCTIONS n'établit pas l'existence d'un dol de M. [E] [U] qui affecterait les contrats conclus le 24 septembre 2019 avec ce dernier, ni a fortiori les contrats d'auteur conclus avec M. [J] [D] ; DECLARER les clauses résolutoires des contrats de cession de droit d'auteurs du film « Challenger » conclus le 24 septembre 2019 entre AXEL FILMS PRODUCTIONS et MM. [J] [D] et [E] [K]-[X] en présence de la société UBBA, acquises au plus tard à la date du 12 juillet 2020, aux torts de la société AXEL FILMS PRODUCTION ; DECLARER les clauses résolutoires des contrats de cession de droit d'auteurs du film « First Dance » conclus le 24 septembre 2019 entre AXEL FILMS PRODUCTIONS et MM. [J] [D] et [E] [K]-[X] en présence de la société UBBA, acquises au plus tard à la date du 14 juillet 2020, aux torts de la société AXEL FILMS PRODUCTION ; DIRE que MM. [J] [D] et [E] [K]-[X] ont recouvré l'intégralité de leurs droits d'auteurs, dont ils sont titulaires à compter de cette date, sur les films « Challenger » et « First Dance » ; A titre subsidiaire et dans l'hypothèse où le tribunal ne constaterait pas l'acquisition des clauses résolutoires, CONSTATER l'absence de faute contractuelle de MM. [J] [D] et [E] [K]-[X] ; DIRE ET JUGER que les fautes commises par AXEL FILMS PRODUCTION et son exécution déloyale des contrats justifient que les contrats passés avec MM. [J] [D] et [E] [K]-[X] le 24 septembre 2019 pour les films « Challenger » et « First Dance » soient résiliés aux torts et griefs exclusifs d'AXEL FILMS PRODUCTION ; A titre reconventionnel, Pour « First Dance » : CONDAMNER la société AXEL FILMS PRODUCTION à payer à MM. [J] [D] et [E] [K]-[X] les sommes de huit mille euros bruts chacun au titre du minimum garanti prévu par l'article 8 des contrats de « First Dance » du 24 septembre 2019, avec intérêts de retard à compter du 12 mars 2020 ; CONDAMNER la société AXEL FILMS PRODUCTION à payer à M. [J] [D] la somme de 134.400 euros en réparation de la perte de chance correspondant ses gains manqués au titre des échéances suivantes du minimum garanti prévu par l'article 8 du contrat « First Dance » du 24 septembre 2019 ; CONDAMNER la société AXEL FILMS PRODUCTION à payer à M. [E] [K]-[X] la somme de 274.400 euros en réparation de la perte de chance correspondant ses gains manqués au titre des échéances suivantes du minimum garanti prévu par l'article 8 du contrat « First Dance » du 24 septembre 2019 ; Pour « Challenger » : A titre principal, CONDAMNER la société AXEL FILMS PRODUCTION à verser à MM. [J] [D] et [E] [K]-[X] le paiement des échéances du minimum garanti contractuellement prévu au titre des contrats « Challenger » du fait de la remise de la V2, et de la V3, « version définitive » du scénario, soit une somme de 75.000 euros bruts chacun, avec intérêts de retard à compter du 10 mars 2020; CONDAMNER la société AXEL FILMS PRODUCTION à payer à MM. [J] [D] et [E] [K]-[X] la somme de 35.000 euros chacun en réparation de la perte de chance correspondant à leurs gains manqués au titre de l'échéance suivante ; A titre subsidiaire, CONDAMNER la société AXEL FILMS PRODUCTION à payer à MM. [J] [D] et [E] [K]-[X] la somme de cinquante mille euros bruts chacun au titre du minimum garanti prévu par l'article 8 des contrats de « Challenger » du 24 septembre 2019, en contrepartie de la remise des versions 2 et 3 du scénario, avec intérêts de retard à compter du 10 mars 2020 ; CONDAMNER la société AXEL FILMS PRODUCTION à payer à MM. [J] [D] et [E] [K]-[X] la somme de 52.500 euros chacun en réparation de la perte de chance correspondant à leurs gains manqués au titre des échéances suivantes ; DECLARER les demandes de AXEL FILMS PRODUCTION mal fondées et L'EN DEBOUTER intégralement ; CONDAMNER la société AXEL FILMS PRODUCTION à payer à MM. [J] [D] et [E] [K]-[X], en réparation du gain manqué sur le pourcentage des recettes d'exploitation qu'ils auraient obtenues, une indemnité de 100.000 euros pour Monsieur [E] [K]-[X] et de 200.000 euros pour Monsieur [J] [D] ; ORDONNER la publication du jugement à intervenir dans trois publications au choix de MM. [J] [D] et [E] [K]-[X] dont « Le Film Français », « Ecran Total », dans la limite de dix mille (10.000) euros HT par insertion ; CONDAMNER AXEL FILMS PRODUCTION à payer à MM. [J] [D] et [E] [K]-[X], chacun, une indemnité de 15.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers frais et dépens ; ORDONNER l'inscription du jugement au registre national de la cinématographie à la demande de la partie la plus diligente ; ORDONNER l'exécution provisoire du jugement à intervenir, nonobstant appel et sans constitution de garantie ». Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 22 mars 2022, la société UBBA demande au tribunal, au visa des articles L. 7121-9 et suivants du code de travail, des articles 1984 et suivants, 1137 et suivants, 1225, 1229, 1336 et suivants du code civil et des articles 32-1 et 514 du code de procédure civile, de : « DIRE ET JUGER l'absence totale d'obligation à la charge de la société UBBA dans le cadre des contrats en date du 24 septembre 2019, et ainsi constater la qualité de mandataire, intermédiaire, de la société UBBA agissant au nom et pour le compte des auteurs ; DIRE ET JUGER que la société UBBA n'est pas partie mais bien tiers aux contrats objets du présent litige ; DIRE ET JUGER a agi dans le strict cadre de sa position contractuelle et ses missions sans qu'aucune faute ne puisse lui être reprochée à quelque titre ; DIRE ET JUGER que la société UBBA n'a commis aucun dol, manoeuvres ou autres susceptibles de vicier le consentement de la société AXEL FILMS PRODUCTION ; DIRE ET JUGER toutes les demandes et prétentions contre la société UBBA de la société AXEL FILMS PRODUCTION mal fondées ; DEBOUTER de ce fait la société AXEL FILMS PRODUCTION de l'ensemble de ses prétentions envers la société UBBA ; A titre reconventionnel, CONDAMNER la société AXEL FILMS PRODUCTION au paiement de la somme de 14.100 euros de commissions dues au titre de délégation ; CONDAMNER la société AXEL FILMS PRODUCTION au paiement d'une amende dont le maximum est de 10.000 euros sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile ; CONDAMNER la société AXEL FILMS PRODUCTION au paiement de la somme de 30.000 euros au titre de ses agissements, de sa volonté de nuire et de son abus du droit d'ester en justice ; CONDAMNER la société AXEL FILMS PRODUCTION au paiement de la somme de 40.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; CONDAMNER la société AXEL FILMS PRODUCTION au paiement des entiers dépens ; ORDONNER la publication du présent jugement dans une édition hebdomadaire de la presse professionnelle ECRAN TOTAL ou LE FILM FRANÇAIS dans la limite de 15.000 euros HT de coût par insertion ; ORDONNER l'exécution provisoire qui est de droit ». MOTIFS DE LA DÉCISION Sur la nullité des contrats pour vice du consentement La société AXEL FILMS PRODUCTION soutient, à titre principal sur le fondement de l'article 1134 du code civil, que l'erreur sur la personne de son cocontractant entraîne la nullité des contrats de cession de droits d'auteur scénariste dès lors qu'elle pensait signer avec un dénommé [E] [U] qui est en réalité un pseudonyme. Elle souligne que la connaissance des éléments relatifs à la « véritable identité » et au « passé trouble » de Monsieur [E] [K]-[X] aurait rendu impossible la conclusion de ces contrats, de sorte que son consentement a été vicié. Elle ajoute que les contrats conclus avec Monsieur [J] [D] doivent être pareillement déclarés nuls dès lors qu'ils mentionnent expressément sa collaboration avec le dénommé [E] [U]. Monsieur [E] [K]-[X] fait valoir qu'il n'est aucunement établi que sa « véritable identité » ou son prétendu « passé trouble » ont été intentionnellement dissimulés à la société AXEL FILMS PRODUCTION et qu'il n'est pas davantage établi que cette dernière n'aurait pas contracté. Monsieur [J] [D] fait valoir que la société AXEL FILMS PRODUCTION n'établit pas en quoi les contrats de cession de droits d'auteur scénariste conclus avec lui devraient être pareillement déclarés nuls. SUR CE, Aux termes de l'article 1130 du code civil, dans sa rédaction applicable au présent litige, l'erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu'ils sont de telle nature que, sans eux, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes. Leur caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné. L'article 1131 du même code, dans sa rédaction applicable au présent litige, précise que les vices du consentement sont une cause de nullité relative du contrat. Selon l'article 1132 dudit code, dans sa rédaction applicable au présent litige, l'erreur de droit ou fait, à moins qu'elle ne soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat lorsqu'elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celles du cocontractant. L'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable au présent litige, dispose que l'erreur sur les qualités essentielles du cocontractant n'est une cause de nullité que dans les contrats conclus en considération de la personne. En l'espèce, il n'est pas contesté que les contrats du 24 septembre 2019 ont été conclus intuitu personae. Il ressort des pièces versées aux débats, notamment des échanges précontractuels sous le nom et l'adresse mail « [E] [U] » (pièce demanderesse no17), que la société AXEL FILMS PRODUCTION ignorait au moment de la conclusion des contrats de cession de droits d'auteur scénariste que [E] [U], identité à laquelle les deux contrats ont été signés et paraphés le 24 septembre 2019, n'est qu'un pseudonyme et que l'identité civile de son cocontractant est en réalité [E] [K]-[X]. La société AXEL FILMS PRODUCTION démontre en avoir eu connaissance postérieurement à la conclusion des contrats par la fiche de renseignements et le relevé d'identité bancaire (RIB) transmis par son agent, la société UBBA, mentionnant le nom « [K] [E] » (ses pièces no25 et 26), puis par l'attestation de déclaration sociale artiste/auteur de l'URSAFF mentionnant le nom « [E] [X] » (sa pièce no28). L'erreur sur la personne, laquelle s'apprécie au moment de la conclusion du contrat, est en l'espèce caractérisée dès lors que la société AXEL FILMS PRODUCTION, qui pensait contracter avec un dénommé [E] [U], a en réalité contracté avec [E] [K]-[X] avec lequel elle n'aurait pas contracté, les films « Challenger » et « First Dance » qu'elle devait produire et dont il devait être le coscénariste étant des comédies familiales qu'elle considère non compatibles avec les ouvrages « Hoolliblack » et « L'effroyable imposture du rap » dont il est l'auteur sous le pseudonyme [C] [W] ainsi que les informations publiées par la presse (ses pièces no2, 3, 4, 51, 52, 53, 54, 55 et 56). Le consentement de la société AXEL FILMS PRODUCTION ayant été vicié, les deux contrats de cession de droits d'auteur scénarise conclus avec Monsieur [E] [U] sont entachés de nullité pour erreur sur la personne et seront par conséquent annulés. Le moyen en défense de Monsieur [E] [K]-[X] tiré de ce qu'il n'est pas établi qu'il a intentionnellement dissimulé sa véritable identité et son passé à la société AXEL FILMS PRODUCTION est inopérant dès lors que l'erreur sur la personne est un fondement juridique distinct de la réticence dolosive dont l'article 1137 du code civil requiert la démonstration du caractère intentionnel. Enfin, contrairement à ce qu'affirme la société AXEL FILMS PRODUCTION sans fondement textuel ni moyen en droit, la nullité des contrats conclus avec Monsieur [E] [U] pour erreur sur la personne, laquelle est une cause de nullité relative en vertu de l'article 1131 du code civil, ne s'étend pas aux contrats de cession de droits d'auteur scénariste conclus avec Monsieur [J] [D] auxquels Monsieur [E] [U] n'est pas partie. En conséquence, sa demande principale en nullité des deux contrats conclus avec Monsieur [J] [D] sera rejetée. Sur la caducité des contrats conclus avec M. [D] La société AXEL FILMS PRODUCTION soutient, à titre subsidiaire sur le fondement de l'article 1186 du code civil, que la nullité des deux contrats conclus avec Monsieur [E] [U] entraîne la caducité des contrats conclus avec Monsieur [J] [D] dès lors qu'ils sont interdépendants. Monsieur [J] [D] fait valoir que ses contrats ne contiennent aucune clause qui stipule qu'ils seraient interdépendants de ceux de Monsieur [E] [U]. SUR CE, Aux termes de l'article 1186 alinéas 2 et 3 du code civil, lorsque l'exécution de plusieurs contrats est nécessaire à la réalisation d'une même opération et que l'un d'eux disparait, sont caducs les contrats dont l'exécution est rendue impossible par cette disparition et ceux pour lesquels l'exécution du contrat disparu était une condition déterminante du consentement d'une partie. La caducité n'intervient toutefois que si le cocontractant contre lequel elle est invoquée connaissait l'existence de l'opération d'ensemble lorsqu'il a donné son consentement. En l'espèce, le contrat de cession de droits d'auteur scénariste conclu le 24 septembre 2019 entre la société AXEL FILMS PRODUCTION et Monsieur [E] [U], « dont l'exposé préalable fait partie intégrante » (page 2 du contrat), stipule que « le PRODUCTEUR souhaite développer et confier à l'AUTEUR l'écriture d'un scénario d'un film (ci-après « le FILM »), provisoirement ou définitivement intitulé « CHALLENGER » (ci-après le « SCENARIO »), et ce en collaboration avec Monsieur [J] [D] ». Ce contrat « a pour objet la commande de l'écriture du SCENARIO à l'AUTEUR et la cession au PRODUCTEUR des droits correspondant à la contribution de l'AUTEUR en sa qualité d'auteur du SCENARIO, droits permettant la réalisation et l'exploitation du FILM » (pièce demanderesse no29). Le contrat de cession de droits d'auteur scénariste conclu le 24 septembre 2019 entre la société AXEL FILMS PRODUCTION et Monsieur [E] [U], « dont l'exposé préalable fait partie intégrante » (page 2 du contrat), stipule que « le PRODUCTEUR souhaite développer et confier à l'AUTEUR l'écriture d'un scénario d'un film (ci-après « le FILM »), provisoirement ou définitivement intitulé « FIRST DANCE » (ci-après le « SCENARIO »), et ce en collaboration avec Monsieur [J] [D] ». Ce contrat « a pour objet la commande de l'écriture du SCENARIO à l'AUTEUR et la cession au PRODUCTEUR des droits correspondant à la contribution de l'AUTEUR en sa qualité d'auteur du SCENARIO, droits permettant la réalisation et l'exploitation du FILM » (pièce demanderesse no31). De la même manière, le contrat de cession de droits d'auteur scénariste conclu le 24 septembre 2019 entre la société AXEL FILMS PRODUCTION et Monsieur [J] [D], « dont l'exposé préalable fait partie intégrante » (page 2 du contrat), stipule que « le PRODUCTEUR souhaite développer et confier à l'AUTEUR l'écriture d'un scénario d'un film (ci-après « le FILM »), provisoirement ou définitivement intitulé « CHALLENGER » (ci-après le « SCENARIO »), et ce en collaboration avec Monsieur [E] [U] ». Ce contrat « a pour objet la commande de l'écriture du SCENARIO à l'AUTEUR et la cession au PRODUCTEUR des droits correspondant à la contribution de l'AUTEUR en sa qualité d'auteur du SCENARIO, droits permettant la réalisation et l'exploitation du FILM » (pièce demanderesse no30). Le contrat de cession de droits d'auteur scénariste conclu le 24 septembre 2019 entre la société AXEL FILMS PRODUCTION et Monsieur [J] [D], « dont l'exposé préalable fait partie intégrante » (page 2 du contrat), stipule que « le PRODUCTEUR souhaite développer et confier à l'AUTEUR l'écriture d'un scénario d'un film (ci-après « le FILM »), provisoirement ou définitivement intitulé « FIRST DANCE » (ci-après le « SCENARIO »), et ce en collaboration avec Monsieur [E] [U] ». Ce contrat « a pour objet la commande de l'écriture du SCENARIO à l'AUTEUR et la cession au PRODUCTEUR des droits correspondant à la contribution de l'AUTEUR en sa qualité d'auteur du SCENARIO, droits permettant la réalisation et l'exploitation du FILM » (pièce demanderesse no32). Ces contrats stipulent également que « la commune intention des Parties est un tournage sur la période Mai à Juillet 2020, en fonction des disponibilités de Monsieur [G] [T] à qui est destiné le rôle principal masculin ». A cet égard, la lettre d'engagement du 16 septembre 2019 conclue par Monsieur [G] [T], la société AXEL FILMS PRODUCTION et la société UBBA, stipule expressément que l'écriture des films « Challenger » et « First Dance » par Monsieur [E] [U] et Monsieur [J] [D] est la condition essentielle et déterminante de l'accord de Monsieur [G] [T] (pièce demanderesse no21). Il s'ensuit que les deux contrats de cession de droits d'auteur scénariste du 24 septembre 2019 conclus par la demanderesse avec Monsieur [J] [D] sont interdépendants des deux contrats de cession de droits d'auteur conclus par elle le même jour avec Monsieur [E] [U]. Or, l'exécution de ces quatre contrats, nécessaire à la réalisation d'une même opération, à savoir la réalisation et l'exploitation des films « Challenger » et « First Dance » dont Monsieur [J] [D] et Monsieur [E] [U] devaient être les coscénaristes et dont Monsieur [G] [T] devait interpréter le rôle principal masculin à cette condition selon lettre accord du 16 septembre 2019, est rendue impossible par la nullité des deux contrats de cession de droits d'auteur scénariste conclus avec Monsieur [E] [U]. Par ailleurs, il ressort des stipulations contractuelles précitées que Monsieur [J] [D], coscénariste avec Monsieur [E] [U] des films « Challenger » et « First Dance », avait connaissance de l'opération d'ensemble lorsqu'il a consenti par contrats des 24 septembre 2019 à la cession de ses droits d'auteur sur sa contribution aux scénarios de ces deux films qu'il devait coécrire avec Monsieur [E] [U]. En conséquence, les deux contrats de cession de droits d'auteur scénariste conclus avec Monsieur [J] [D] sont caducs. Au regard de tout ce qui précède, les demandes reconventionnelles de Monsieur [E] [K]-[X], de Monsieur [J] [D] et de la société UBBA, devenues sans objet, seront rejetées. Sur la demande de restitution Aux termes de l'article 1178 alinéas 2 et 3 du code civil, le contrat annulé est censé n'avoir jamais existé. Les prestations exécutées donnent lieu à restitution dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9. L'article 1187 du même code dispose que la caducité met fin au contrat. Elle peut donner lieu à restitution dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9. En application de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention. En l'espèce, alors qu'elle sollicite la restitution des sommes qu'elle dit avoir versé aux défendeurs pour les deux projets de films « Challenger » et « First Dance », force est de constater que la société AXEL FILMS PRODUCTION, qui doit en rapporter la preuve, n'invoque et ne produit aucune pièce pour établir les sommes prétendument versées à chacun des trois défendeurs, lesquels sollicitent le rejet de cette demande dans le dispositif de leurs conclusions. Dès lors, sa demande de restitution ne peut qu'être rejetée. Sur la demande indemnitaire La société AXEL FILMS PRODUCTION soutient, sur le fondement de l'article 1178 alinéa 4 du code civil, avoir subi un préjudice résultant des frais exposés pour deux projets de films « Challenger » et « First Dance », de la perte de chance de produire d'autres projets avec d'autres partenaires, des recettes d'exploitation pour un film réalisant 1.000.000 d'entrées et de soutien financier, ainsi qu'un préjudice d'image. Les défendeurs font valoir que l'indemnisation sollicitée par la société AXEL FILMS PRODUCTION est fantaisiste et que les préjudices qu'elle allègue sont imaginaires. SUR CE, Aux termes de l'article 1178 alinéa 4 du code civil, indépendamment de l'annulation du contrat, la partie lésée peut demander réparation du dommage subi dans les conditions du droit commun de la responsabilité extracontractuelle. L'article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Selon l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention. En l'espèce, tandis que la responsabilité des défendeurs est subordonnée à la réunion des conditions du droit commun de la responsabilité extracontractuelle requises par l'article 1178 alinéa 4 du code civil, force est de constater que la société AXEL FILMS PRODUCTION ne caractérise aucune faute de chacun des trois défendeurs et procède par voie d'affirmations laconiques dans ses écritures quant aux préjudices qu'elle allègue sans les établir dans leur principe et leur montant. La réunion d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité faisant défaut, la responsabilité extracontractuelle des défendeurs ne se trouve pas engagée. En conséquence, la société AXEL FILMS PRODUCTION sera déboutée de sa demande indemnitaire. Sur la demande en garantie Conformément à l'article 768 du code de procédure civile, les écritures des parties doivent formuler expressément les prétentions des parties ainsi que les moyens en fait et en droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée. Le tribunal ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières conclusions et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion. En l'espèce, l'énonciation suivante dans le dispositif des conclusions de la société AXEL FILMS PRODUCTION : « Dire et juger que Messieurs [D] et [X] et UBBA devront solidairement garantir AFP de tout recours et action de Monsieur [T], pour le cas où celui-ci déciderait de poursuivre l'exécution de son contrat » s'analyse en une demande en garantie. Toutefois, dans la partie discussion de ses conclusions, la société AXEL FILMS PRODUCTION n'invoque aucun fondement textuel et n'expose aucun moyen en droit au soutien cette demande, étant par ailleurs observé que Monsieur [G] [T], qui n'est pas dans la cause, ne forme aucune demande à son encontre. Sa demande en garantie sera en conséquence rejetée. Sur la demande reconventionnelle pour procédure abusive La société UBBA soutient que la demanderesse a introduit la présente procédure pour lui nuire. La société AXEL FILMS PRODUCTION ne répond pas sur ce point. SUR CE, L'article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Aux termes de l'article 1241 du même code, chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence. Le droit d'agir en justice dégénère en abus constitutif d'une faute au sens de l'article 1240 du code civil lorsqu'il est exercé en connaissance de l'absence totale de mérite de l'action engagée, ou par une légèreté inexcusable, obligeant le défendeur à se défendre contre une action que rien ne justifie sinon la volonté d'obtenir ce que l'on sait indu, une intention de nuire, ou une indifférence totale aux conséquences de sa légèreté. En l'espèce, la seule circonstance que les demandes de restitution et demandes indemnitaires de la société AXEL FILMS PRODUCTION soient rejetées n'est pas de nature à faire dégénérer son action en abus. En outre, la société UBBA, qui procède par voie d'affirmations dans ses écritures quant à la prétendue intention de nuire de la demanderesse, ne justifie d'aucun préjudice distinct des frais exposés pour se défendre en justice, lesquels sont indemnisés au titre de l'article 700 du code de procédure civile. En conséquence, sa demande reconventionnelle pour procédure abusive sera rejetée. Sur l'amende civile La société UBBA sollicite, sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile, la condamnation de la demanderesse au paiement d'une amende civile de 10.000 euros. La société AXEL FILMS PRODUCTION ne répond pas sur ce point. SUR CE, Selon l'article 32-1 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10.000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés. Pour rappel, les dispositions de l'article 32-1 du code de procédure civile ne trouvent à s'appliquer qu'à l'initiative du tribunal. Une partie n'a pas d'intérêt personnel à solliciter la condamnation de l'adversaire à une amende civile payable au Trésor public, et en tout état de cause les circonstances de l'espèce excluent une telle condamnation, de sorte qu'il ne sera pas fait application de l'article 32-1 du code de procédure civile. Sur les demandes accessoires Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge de l'autre partie. L'article 700 du même code dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a lieu à condamnation. Selon l'article 514 dudit code, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement. Au regard de la solution du litige, tant Monsieur [E] [K]-[X] que Monsieur [J] [D] et la société UBBA, dont l'ensemble des demandes reconventionnelles ont été rejetées, succombent à l'instance. Ils seront dès lors condamnés in solidum aux dépens. L'équité commande de les condamner in solidum à payer à la société AXEL FILMS PRODUCTION la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. La présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire et il n'y a pas lieu d'y déroger. PAR CES MOTIFS Le tribunal, ANNULE le contrat de cession de droits d'auteur scénariste du 24 septembre 2019 relatif au film « Challenger » conclu entre la société AXEL FILMS PRODUCTION et Monsieur [E] [U] en présence de la société UBBA en qualité d'agent ; ANNULE le contrat de cession de droits d'auteur scénariste du 24 septembre 2019 relatif au film « First Dance » conclu entre la société AXEL FILMS PRODUCTION et Monsieur [E] [U] en présence de la société UBBA en qualité d'agent ; DEBOUTE la société AXEL FILMS PRODUCTION de sa demande principale en nullité des deux contrats de cession de droits d'auteur scénariste du 24 septembre 2019 conclus avec Monsieur [J] [D] en présence de la société UBBA en qualité d'agent ; CONSTATE la caducité du contrat de cession de droits d'auteur scénariste du 24 septembre 2019 relatif au film « Challenger » conclu entre la société AXEL FILMS PRODUCTION et Monsieur [J] [D] en présence de la société UBBA en qualité d'agent ; CONSTATE la caducité du contrat de cession de droits d'auteur scénariste du 24 septembre 2019 relatif au film « First Dance » conclu entre la société AXEL FILMS PRODUCTION et Monsieur [J] [D] en présence de la société UBBA en qualité d'agent ; DEBOUTE la société AXEL FILMS PRODUCTION de ses demandes de restitution ; DEBOUTE la société AXEL FILMS PRODUCTION de ses demandes indemnitaires ; DEBOUTE la société AXEL FILMS PRODUCTION de sa demande en garantie ; DEBOUTE Monsieur [J] [D], Monsieur [E] [K]-[X] et la société UBBA de l'ensemble de leurs demandes reconventionnelles ; DIT n'y avoir lieu à application de l'article 32-1 du code de procédure civile ; CONDAMNE in solidum Monsieur [E] [K]-[X], Monsieur [J] [D] et la société UBBA aux dépens ; CONDAMNE in solidum Monsieur [E] [K]-[X], Monsieur [J] [D] et la société UBBA à payer à la société AXEL FILMS PRODUCTION la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire. Fait et jugé à Paris le 22 mars 2023 La greffière Le président
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JURITEXT000047636337
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AUTRES_DECISIONS
Tribunal judiciaire de Paris, 8 février 2023, 20/07552
2023-02-08
Tribunal judiciaire de Paris
20/07552
CT0196
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TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 3ème chambre 3ème section No RG 20/07552 - No Portalis 352J-W-B7E-CSSZL No MINUTE : Assignation du :05 août 2020 JUGEMENT rendu le 08 février 2023 DEMANDERESSE Madame [R] [H][Adresse 2][Localité 4] (ÉTATS-UNIS) représentée par Maître Alexis FOURNOL, avocat au barreau de Paris, vestiaire #E1601 DÉFENDERESSE S.A.R.L. GLUSTIN[Adresse 1][Localité 3] représentée par Maître Julie JACOB de la SELEURL Jacob Avocats, avocats au barreau de Paris, vestiaire #B1001 COMPOSITION DU TRIBUNAL Jean-Christophe GAYET, premier vice-président adjointLinda BOUDOUR, jugeArthur COURILLON-HAVY, juge assistés de Lorine MILLE, greffière, DÉBATS A l'audience du 27 Octobre 2022 tenue en audience publique devant Jean-Christophe GAYET et Linda BOUDOUR, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seuls l'audience, et, après avoir donné lecture du rapport, puis entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux avocats que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 25 janvier 2023, puis prorogé au 08 mars 2023 et finalement avancé au 08 février 2023. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffeContradictoireEn premier ressort _____________________________ EXPOSE DU LITIGE Madame [R] [H] se présente comme l'unique ayant droit, par dévolution successorale, de [F] [S], créateur de meubles et décorateur français décédé en 1981 aux Etats-Unis, dont elle dit avoir confié la gestion des droits attachés à ses oeuvres à la SOCIETE DES AUTEURS DANS LES ARTS GRAPHIQUES ET PLASTIQUES (ci-après ADAGP). La SARL GLUSTIN, ayant pour activité la brocante d'antiquités, se présente comme spécialisée dans la commercialisation de mobilier haut-de-gamme neuf et vintage créé par d'illustres décorateurs des XXe et XXIe siècles. Elle exploite un espace de vente à [Localité 3] et le site internet <glustin.net>. Par courrier recommandé du 2 janvier 2020, l'ADAGP a mis en demeure la société GLUSTIN notamment de cesser la fabrication, la commercialisation et la promotion du canapé référencé 7303 « Hommage au canapé Ours polaire » et du fauteuil référencé 7304 « Hommage au fauteuil Ours polaire » qu'elle considère comme contrefaisant les canapé et fauteuil « Ours polaire » par [F] [S], et de lui communiquer tous les éléments utiles à l'évaluation du préjudice résultant de ces agissements. Estimant que ses demandes n'étaient pas satisfaites et ayant constaté la commercialisation d'une table et d'une applique qu'elle considère comme contrefaisant la table « Forme libre » et l'applique à 9 branches « Hirondelle » créés par [F] [S], Madame [R] [H] a, autorisée par ordonnance sur requête du 23 juin 2020, fait procéder le 18 juillet 2020 à une saisie-contrefaçon dans les locaux de la société GLUSTIN. C'est dans ces circonstances que par acte d'huissier du 5 août 2020, Madame [R] [H] a fait assigner la société GLUSTIN devant le tribunal judiciaire de PARIS en contrefaçon de droits d'auteur à titre principal et en parasitisme à titre subsidiaire. Par conclusions d'incident notifiées le 3 mars 2021, la société GLUSTIN a soulevé une fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de Madame [R] [H] en ce qu'elle ne justifiait pas de sa titularité des droits de propriété intellectuelle de [F] [S]. Le juge de la mise en état a renvoyé l'examen de cette fin de non-recevoir au tribunal en formation collégiale. Par jugement du 7 septembre 2021, le tribunal a écarté la fin de non-recevoir soulevée par la société GLUSTIN, l'a condamnée à payer à Madame [R] [H] la somme de 5.000 euros au titre du caractère abusif de l'incident et la somme de 12.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, l'a condamnée aux dépens de l'incident et dit n'y avoir lieu à application de l'article R. 444-55 du code de commerce. L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 avril 2022. Les parties ayant régulièrement constitué avocat, le présent jugement, rendu en premier ressort, est contradictoire en application de l'article 467 du code de procédure civile. PRÉTENTIONS DES PARTIES Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 23 mars 2022, Madame [R] [H] demande au tribunal, au visa des articles L. 111-1, L. 112-2 10o, L. 112-4, L. 121-1, L. 122-4, L. 331-1-2 et L. 331-1-4 et L. 335-2 alinéa 1er du code de la propriété intellectuelle, de l'article 1240 du code civil, des articles 515 et 700 du code de procédure civile, de l'article L. 131-3 du code des procédures civiles d'exécution, de : « - CONDAMNER la société GLUSTIN SARL pour avoir fabriqué ou avoir fait fabriquer, commercialisé et promu le canapé référencé 7303 intitulé « Hommage au Canapé Ours Polaire » et le fauteur référencé 7304 intitulé « Hommage au Canapé Ours Polaire », ainsi qu'une copie de la table « Forme libre » et de l'applique « Hirondelle », la société ayant commis des actes de contrefaçon relatifs au canapé « Ours polaire » et au fauteuil « Ours polaire », à la table «Forme libre » et à l'applique « Hirondelle » ; - Subsidiairement, CONDAMNER la société GLUSTIN SARL pour avoir fabriqué ou avoir fait fabriquer, commercialisé et promu le canapé référencé 7303 intitulé « Hommage au Canapé Ours Polaire » et le fauteur référencé 7304 intitulé « Hommage au Canapé Ours Polaire », la table « Forme libre » et l'applique « Hirondelle », la société GLUSTIN SARL ayant commis des actes parasitaires en application de l'article 1240 du Code civil ; - CONDAMNER, la société GLUSTIN SARL pour avoir commis des actes de contrefaçon pour avoir repris le titre de l'oeuvre de l'esprit du canapé et du fauteuil Ours polaire créé par [F] [S] conformément à l'article L. 112-4 alinéa 1er du Code de la propriété intellectuelle ; - Subsidiairement, CONDAMNER la société GLUSTIN SARL pour avoir commis des actes parasitaires en application de l'article 1240 du Code civil et du second alinéa de l'article L. 112-4 du Code de la propriété intellectuelle en reprenant le titre du canapé et du fauteuil Ours polaire créé [F] [S] ; En conséquence, - ORDONNER à la société GLUSTIN SARL, de cesser toute reproduction et toute représentation, par quelque moyen que ce soit, sur quelque support que ce soit, de toute contrefaçon d'une oeuvre de [F] [S] et ce, sous astreinte de mille (1.000) euros par infraction constatée à compter du huitième (8e) jour suivant la signification du jugement à intervenir ; - ORDONNER sous astreinte de mille (1.000) euros, par jour de retard, à compter du huitième (8e) jour suivant la signification du jugement à intervenir, que les produits contrefaisants soient rappelés des circuits commerciaux et détruits aux frais de la société GLUSTIN SARL sous contrôle de tout huissier de justice désigné par la requérante ; - FAIRE DROIT, en vertu de l'article L. 331-1-2 du code de la propriété intellectuelle, à la demande d'information de Madame [R] [H] et faire injonction sous astreinte de cinq-cents (500) euros par jour de retard, à compter du huitième (8e) jour suivant la signification du jugement à intervenir, à la société GLUSTIN SARL de lui communiquer les documents suivants :o toutes les factures de vente et d'achat concernant les deux produits litigieux fabriqués en série, ainsi qu'un bilan comptable de l'exploitation de ces quatre produits contrefaisants, bilan certifié par un expert-comptable indépendant de la défenderesse, au cours des cinq dernières années ;o toutes les factures de vente et d'achat concernant les deux produits litigieux fabriqués sur-mesure, ainsi qu'un bilan comptable de l'exploitation de ces deux produits, bilan certifié par un expert-comptable au cours des cinq dernières années ; o toute information relative à tout autre produit reproduisant en tout ou partie une oeuvre de [F] [S] et notamment la table « Forme libre » et à l'applique « Hirondelle » ;o le nom du ou des fabricants des produits contrefaisants ;o l'identité et l'adresse des acheteurs des produits contrefaisants ;o le nombre d'adaptations de ces deux produits et de tout autre produit ,contrefaisant réalisés par ses soins ;o la liste, la date, la durée, les territoires et supports de diffusion, et de manière générale toutes les caractéristiques des campagnes de publicité, de promotion et de communication diffusées ou à diffuser concernant les produits objets du présent litige ou dont l'existence serait découverte à l'occasion du présent litige. - CONDAMNER la société GLUSTIN SARL à verser à Madame [R] [H] : ? la somme provisionnelle de 800.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon commis à son encontre, soit 650.000 euros au titre de l'atteinte aux droits patrimoniaux et 150.000 euros au titre de l'atteinte au droit moral, somme à parfaire en fonction des éléments comptables qui seront fournis par la société GLUSTIN SARL ; ? subsidiairement : o la somme provisionnelle de cinq-cent-mille (500.000) euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du comportement parasitaire commis à son encontre et résultant des mêmes faits que ceux de la contrefaçon, sauf à parfaire en fonction des éléments comptables qui seront fournis par la société GLUSTIN SARL ; o la somme de quatre-vingt-mille (80.000) euros en réparation du préjudice tant matériel que moral subi par la SUCCESSION [F] [S], au titre du second alinéa de l'article L. 112-4 du Code de la propriété intellectuelle ; - DIRE que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter du 2 janvier 2020 ; - ORDONNER la capitalisation des intérêts selon les conditions à l'article 1343-2 du Code civil ; - ORDONNER la publication du dispositif du jugement à intervenir, aux frais de la défenderesse, soit la GALERIE GLUSTIN, sur la totalité de la page de trois (3) publications spécialisées dans le domaine de la décoration et du marché l'art, à savoir dans les éditions papier de la version française de AD Magazine, de l'édition française de The Art Newspaper et de l'édition en langue anglaise de The Art Newspaper, pour un montant maximal de dix-mille (10.000) euros par publication ;- ORDONNER, la publication judiciaire du dispositif du jugement à intervenir sur la page d'accueil du site Internet de la Galerie (actuellement www.glustin.net) et ce, pendant quatre (4) mois, sous astreinte de cinq-cents (500) euros par jour de retard, délai dont le point de départ commencera à courir 15 jours à compter de la signification du jugement à intervenir ; - ORDONNER, la publication judiciaire du dispositif du jugement à intervenir, durant trente (30) jours consécutifs, de manière publique et parfaitement lisible, sans que la défenderesse ne désabonne de ses abonnements actuels et sans bloquer ses abonnés, sous forme de publication sur son compte INSTAGRAM « Galerie Glustin » et sur son compte FACEBOOK « Galerie Glustin », sous astreinte de cinq-cents (500) euros par jour de retard, délai dont le point de départ commencera à courir quinze (15) jours à compter de la signification du jugement à intervenir ; - ORDONNER l'exécution provisoire ; - SE RESERVER la liquidation de l'astreinte au titre de l'article L. 131-3 du code des procédures civiles d'exécution ; - CONDAMNER la société GLUSTIN SARL au paiement de la somme de 35.000 euros en application de l'article 700 du code de la procédure civile ; - CONDAMNER la société GLUSTIN SARL aux entiers dépens de la procédure conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile à la distraction de Maître Alexis FOURNOL ; - ORDONNER qu'à défaut de règlement spontané de la condamnation prononcée, et qu'en cas d'exécution par voie extra-judiciaire, les sommes retenues par l'huissier instrumentaire en application de l'article R. 444-55 du code de commerce seront exclusivement supportées par la société GLUSTIN SARL ; En tout état de cause : - DEBOUTER la société GLUSTIN SARL de d'intégralité de ses demandes ». Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 6 avril 2022, la société GLUSTIN demande au tribunal, au visa des articles L. 111-1, L. 112-2 10o, L. 112-4, L. 121-1, L. 122-4, L. 331-1-2 et L. 331-1-4, L. 335-2 alinéa 1er du code de la propriété intellectuelle, de l'article 1240 du code civil, des articles 515 et 700 du code de procédure civile, de l'article L. 131-3 du code des procédures civiles d'exécution, de : « - DEBOUTER Madame [R] [H] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ; - DIRE ET JUGER que les 4 meubles (canapé et fauteuil « Ours Polaire », table « Forme Libre » et applique « Hirondelle ») dont [R] [H] revendique la protection au titre du droit d'auteur appartiennent au fonds commun du design et ne sauraient être appropriables ; - DIRE ET JUGER que le titre « Polar Bear » du canapé et du fauteuil de [F] [S], au même titre que sa traduction « Ours Polaire » ne revêt aucun caractère original ; En conséquence : - DIRE ET JUGER que la GALERIE GLUSTIN ne commet aucun acte de contrefaçon au titre du droit d'auteur pour avoir commercialisé le canapé référencé 7303 intitulé « Hommage au Canapé Ours Polaire », le fauteur référencé 7304 intitulé « Hommage au Canapé Ours Polaire », la table « Forme libre » et l'applique « Hirondelle », ou fait mention du titre « Our Polaire » ; A titre subsidiaire, - DIRE ET JUGER que la GALERIE GLUSTIN ne commet aucun acte de parasitisme pour avoir commercialisé le canapé référencé 7303 intitulé « Hommage au Canapé Ours Polaire » et le fauteur référencé 7304 intitulé « Hommage au Canapé Ours Polaire », une applique, ainsi qu'une table acquise revendue en exemplaire unique ; A titre infiniment subsidiaire, - DIRE ET JUGER qu'en cas de condamnation de la GALERIE GLUSTIN pour des actes de contrefaçon ou de parasitisme, le montant des dommages et intérêts au titre du préjudice subi par Madame [R] [H] serait limité au montant calculé selon le barème de l'ADAGP lequel est de de 18.776,70 euros TTC ; En tout état de cause : - DEBOUTER Madame [R] [H] de sa demande de provision de cinq-cents-mille (500.000) euros au titre de la prétendue contrefaçon et du comportement parasitaire de la GALERIE GLUSTIN et de quatre-vingt-mille (80.000) euros en réparation en réparation du préjudice matériel et moral que Madame [R] [H] aurait subi ; - DEBOUTER [R] [H] de sa demande d'exécution provisoire; - DEBOUTER [R] [H] de l'ensemble de ses demandes de liquidation d'astreinte au titre de l'article L.131-3 du Code des procédures civiles d'exécution ; - CONDAMNER [R] [H] au paiement de la somme de 25.000 euros en application de l'article 700 du code de la procédure civile ; - CONDAMNER [R] [H] aux entiers dépens de la procédure conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile à la distraction de Maître Julie JACOB ». MOTIFS DE LA DÉCISION Sur les demandes principales en contrefaçon de droits d'auteur Madame [R] [H] soutient que la société GLUSTIN a commis des actes de contrefaçon de droits d'auteur en fabriquant ou faisant fabriquer et en commercialisant le canapé référencé 7303 « Hommage au canapé Ours polaire », le fauteuil référencé 7304 « Hommage au fauteuil Ours polaire », une table et une applique reproduisant servilement le canapé et le fauteuil « Ours polaire », la table « Forme libre » et l'applique à 9 branches « Hirondelle » créés par [F] [S]. Elle conclut également que la reprise sans autorisation du titre « Ours polaire » et de sa traduction en langue anglaise « Polar bear » constitue une contrefaçon de droit d'auteur. La société GLUSTIN, qui conteste l'originalité des meubles opposés en ce que leurs caractéristiques relèvent du fonds commun du design, fait valoir que la demanderesse ne peut s'approprier le courant artistique des années 50 et qu'en tout état de cause les différences existantes entre ces meubles de [F] [S] et les meubles litigieux sont de nature à écarter la contrefaçon. Elle conteste également l'originalité du titre « Ours polaire » en ce qu'il est employé dans le langage courant, et de sa traduction en langue anglaise « Polar bear » en ce qu'elle constitue une simple traduction qui ne reflète pas la personnalité de [F] [S]. SUR CE, Aux termes de l'article L. 111-1 alinéas 1 et 2 du code de la propriété intellectuelle, l'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. Ce droit comporte des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial. Selon l'article L. 112-1 du même code, ce droit appartient aux auteurs sur toutes les oeuvres de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination. L'article L. 112-2, 10o dudit code énonce que sont considérées comme oeuvres de l'esprit les oeuvres des arts appliqués. Aux termes de l'article L. 112-4 du même code, le titre d'une oeuvre de l'esprit, dès lors qu'il présente un caractère original, est protégé comme l'oeuvre elle-même. Nul ne peut, même si l'oeuvre n'est plus protégée dans les termes des articles L. 123-1 à L. 123-3, utiliser ce titre pour individualiser une oeuvre du même genre, dans des conditions susceptibles de provoquer une confusion. L'article L. 122-1 dudit code dispose que le droit d'exploitation appartenant à l'auteur comprend le droit de représentation et le droit de reproduction. Aux termes de l'article L. 122-4 du même code, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l'adaptation ou la transformation, l'arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque. En application de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention. L'originalité d'une oeuvre résulte notamment de partis pris esthétiques et de choix arbitraires de son auteur qui caractérisent un effort créatif portant l'empreinte de sa personnalité, et n'est pas la banale reprise d'un fonds commun non appropriable. Lorsque la protection par le droit d'auteur est contestée en défense, l'originalité d'une oeuvre doit être explicitée par celui qui s'en prétend l'auteur, seul ce dernier étant à même d'identifier les éléments traduisant sa personnalité. En effet, le principe de la contradiction prévu à l'article 16 du code de procédure civile commande que le défendeur puisse connaître précisément les caractéristiques revendiquées de l'oeuvre qui fondent l'atteinte alléguée et apporter la preuve de l'absence d'originalité de l'oeuvre. Sur l'originalité du canapé et du fauteuil « Ours polaire » Madame [R] [H] revendique l'originalité de la combinaison des caractéristiques suivantes du canapé et du fauteuil « Ours polaire » créés en 1947, leur conférant selon elle « une forme biomorphique et sinusoïdale » :« - la réduction du canapé à son caractère essentiel (par le choix d'une ligne épurée et fluide et d'une forme dissimulant les accotoirs, le dossier et toute la structure traditionnelle) ; - la suppression de tout aspect fonctionnel (accotoir, dossier et assise) au profit de deux volumes uniques caractérisant la suprématie de la forme, pratique constante de [F] [S] ; - le caractère douillet et enveloppant (par le choix d'une structure arrondie et enveloppante et d'un tissu en velours pelucheux) ; - l'animal et le poétique (par le choix de surfaces polies et sans angle et la suppression de tout détail, ainsi que d'un tissu laineux opérant métaphoriquement référence au pelage d'un ours) ». La combinaison de ces caractéristiques, qui se détache des prétendues antériorités, pour la plupart non datées et pour certaines postérieures, produites par la défenderesse dont les lignes et formes différent, confère au canapé et au fauteuil « Ours polaire » une physionomie propre qui traduit un effort créatif portant l'empreinte de la personnalité de son auteur [F] [S]. Dès lors, le canapé et le fauteuil « Ours polaire », dont la combinaison des caractéristiques est originale, bénéficie de la protection par le droit d'auteur. Sur l'originalité du titre « Ours polaire » et de sa traduction en langue anglaise « Polar bear » Outre que Madame [R] [H] n'explicite pas en quoi les termes « Ours polaire » et leur traduction en langue anglaise « Poler bear » portent l'empreinte de la personnalité de [F] [S], l'adjonction des mots « ours » et « polaire », qui relève du langage courant, n'est pas appropriable. Par ailleurs, leur traduction en langue anglaise ne résulte pas d'un effort créatif allant au-delà des choix lexicaux et grammaticaux inhérents à tout travail de traduction. Le titre « « Ours polaire » et sa traduction en langue anglaise « Polar bear » ne peuvent dès lors bénéficier d'une protection par le droit d'auteur. Madame [R] [H] sera en conséquence déboutée de l'ensemble de ses demandes sur ce fondement. Sur l'originalité de la table « Forme libre » Madame [R] [H] revendique comme suit l'originalité de la table « Forme libre » crée vers 1955 : « Poursuivant intellectuellement le travail de l'artiste plasticien [F] [D] dans les années 1920 sur les formes libres et organiques, le décorateur-ensemblier créa une table basse où la ligne dessinant le plateau joue des courbes et contrecourbes afin de se déployer in fine en une forme aux contours naturels. Le décorateur-ensemblier a tout d'abord opté pour la présence de trois pieds seulement afin que les impératifs techniques du meuble ne priment aucunement sur la forme du plateau. Ces trois pieds sont également du même matériau que celui du plateau permettant aux deux éléments, le plateau et les pieds, de se fondre de manière harmonieuse. Ainsi, si les pieds en bois sont pour le moins massifs, ils n'apparaissent pas formellement prédominants par rapport au plateau, lieu véritable d'expression de la créativité du décorateur-ensemblier. Le plateau s'adapte à la présence des trois pieds, en venant épouser leur présence d'une sinusoïde ronde et enveloppante évoquant une étendue d'eau. En revanche, pour chacune des parties situées entre les extrémités de la table basse, une contrecourbe répond à la forme dessinée au niveau des pieds, affinant le plateau de la table et donnant toute son expression formelle à la création de [F] [S] ». Or, les caractéristiques de la table « Forme libre », à savoir une table basse en chêne massif, à trois pieds cylindriques, dont les contours du plateau sont courbés, relevaient déjà en 1955 du fonds commun de l'ameublement non appropriable et ne témoignent pas, même combinées, d'un effort créatif portant l'empreinte de la personnalité de leur auteur. Dans ces conditions, la table « Forme libre », dont les caractéristiques revendiquées prises isolément ou combinées sont dépourvues d'originalité, ne peut bénéficier d'une protection par le droit d'auteur. En conséquence, Madame [R] [H] sera déboutée de l'ensemble de ses demandes fondées sur le droit d'auteur s'agissant de cette table. Sur l'originalité de l'applique à neuf branches « Hirondelle » Madame [R] [H] revendique l'originalité de cette applique comme suit : « le modèle d'applique neuf branches « Hirondelle » est caractérisé par des branches en métal réunies par une boule métallique servant de point de fixation au mur » ; « cet ensemble dessine le corps d'un oiseau, rappelé de manière ludique dans le titre du modèle, dont la tête est marquée par la ou les branches centrales, puis les ailes formalisées par les autres branches » ; « ce modèle incarnant à la perfection son travail sur les formes animales ». Or, force est de constater que Madame [R] [H] se borne à effectuer une description technique de l'applique à 9 branches et à alléguer le dessin du corps d'un oiseau dont l'évocation ne résulte pas de la physionomie de l'applique elle-même mais du mot « Hirondelle » (sa pièce no34.1). A cet égard, le tribunal constate que l'applique à 2 branches est aussi dénommée « Hirondelle » et qu'il s'agit en réalité non pas du dessin du corps d'un oiseau mais du nom donné à une collection d'appliques à 2, 3, 5, 7 ou 9 branches (sa pièce no34.1). En outre, Madame [R] [H] n'explicite pas en quoi les caractéristiques de l'applique ou leur combinaison portent l'empreinte de la personnalité de [F] [S] tandis que l'originalité est contestée. Dans ces conditions, l'applique à 9 branches « Hirondelle » ne peut bénéficier d'une protection par le droit d'auteur et les demandes sur ce fondement ne peuvent qu'être rejetées. Sur la contrefaçon Il ressort des pièces versées aux débats (pièces demanderesse no3, 8, 10, 11, 14, 15, 15.1, 16, 25, 26, 27, 41 et 47) que le canapé référencé 7303 « Hommage au canapé Ours polaire » et le fauteuil référencé 7304 « Hommage au fauteuil Ours polaire » reproduisent la combinaison originale des caractéristiques susvisées du canapé et du fauteuil « Ours polaire » revendiquée par Madame [R] [H], ayant droit de [F] [S]. Cette reproduction sans autorisation est constitutive d'une contrefaçon de droit d'auteur. Contrairement à ce qu'affirme la défenderesse, les différences qu'elle invoque ne sont pas de nature à écarter la contrefaçon, laquelle s'apprécie par les ressemblances et non par les différences. Sur l'atteinte au droit moral de l'auteur Madame [R] [H] soutient que la production et la commercialisation en masse des canapé et fauteuil contrefaisants, selon elle d'une qualité médiocre, porte atteinte à l'intégrité des oeuvres « Ours polaire » de [F] [S]. La société GLUSTIN, qui conteste la production et la commercialisation en masse alléguées, ne répond pas sur l'atteinte au droit moral de l'auteur. SUR CE, Aux termes de l'article L. 121-1 alinéas 1, 2 et 3 du code de la propriété intellectuelle, l'auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son oeuvre. Ce droit est attaché à sa personne. Il est perpétuel, inaliénable et imprescriptible. En application de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention. En l'espèce, l'atteinte à l'intégrité de l'oeuvre alléguée par Madame [R] [H] n'est pas caractérisée dès lors que « la production et la commercialisation en masse » ne résulte d'aucune pièce et que la prétendue « qualité médiocre » du canapé référencé 7303 « Hommage au canapé Ours polaire » et du fauteuil référencé 7304 « Hommage au fauteuil Ours polaire » n'est pas davantage établie. Les pièces versées aux débats font état de la vente de 15 exemplaires contrefaisants entre 2016 et 2020 et d'une fabrication sur commande du client (pièce défenderesse no23 et pièce demanderesse no36). En outre, tandis qu'elle reproche la composition en mousse des canapé et fauteuil contrefaisants, il ressort de sa pièce no12 que les canapés et fauteuil « Ours polaire » sont également composés de mousse. Au regard de tout ce qui précède, Madame [R] [H] sera déboutée de sa demande. Sur les mesures réparatrices au titre de la contrefaçon Madame [R] [H], qui fait valoir son droit d'information, expose que ni la saisie-contrefaçon du 18 juillet 2020 ni les pièces produites par la défenderesse ne lui permettent d'évaluer de façon certaine son préjudice résultant de la contrefaçon fondé sur l'alinéa 1er de l'article L. 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle, et sollicite à cet égard le paiement d'une indemnité provisionnelle de 800.000 euros. La société GLUSTIN répond que Madame [R] [H] n'établit pas le préjudice qu'elle allègue. Elle soutient n'avoir vendu que 5 canapés et 10 fauteuils pour une marge totale de 37.360 euros et ne disposer d'aucun stock des canapé et fauteuil litigieux. SUR CE, L'article L. 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle dispose que pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :1o Les conséquences économiques négatives de l'atteinte aux droits, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;2o Le préjudice moral causé à cette dernière ;3o Et les bénéfices réalisés par l'auteur de l'atteinte aux droits, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de l'atteinte aux droits.Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si l'auteur de l'atteinte avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée. L'article L. 331-1-4 du même code prévoit qu'en cas de condamnation civile pour contrefaçon, la juridiction peut ordonner, à la demande de la partie lésée, que les objets réalisés ou fabriqués portant atteinte à ces droits et les matériaux ou instruments ayant principalement servi à leur réalisation ou fabrication soient rappelés des circuits commerciaux, écartés définitivement de ces circuits, détruits ou confisqués au profit de la partie lésée. La juridiction peut aussi ordonner toute mesure appropriée de publicité du jugement, notamment son affichage ou sa publication intégrale ou par extraits dans les journaux ou sur les services de communication au public en ligne qu'elle désigne, selon les modalités qu'elle précise. Ces mesures sont ordonnées aux frais de l'auteur de l'atteinte aux droits. Aux termes de l'article L. 331-1-2 dudit code, si la demande lui est faite, la juridiction saisie au fond ou en référé d'une procédure civile prévue aux livres Ier, II et III de la première partie peut ordonner, au besoin sous astreinte, afin de déterminer l'origine et les réseaux de distribution des marchandises et services qui portent prétendument atteinte aux droits du demandeur, la production de tous documents ou informations détenus par le défendeur ou par toute personne qui a été trouvée en possession de telles marchandises ou fournissant de tels services ou a été signalée comme intervenant dans la production, la fabrication ou la distribution de ces marchandises ou la fourniture de ces services. La production de documents ou d'informations peut être ordonnée s'il n'existe pas d'empêchement légitime. Il résulte de l'article L. 331-1-2 du code de la propriété intellectuelle que la juridiction saisie au fond d'une action en contrefaçon peut, au terme d'une procédure contradictoire, ordonner au défendeur de produire des informations et éléments, de nature commerciale ou comptable, susceptibles de permettre au titulaire du droit d'auteur, qui a rapporté par ailleurs la preuve de la contrefaçon alléguée, de déterminer l'origine et l'étendue de la contrefaçon et de parfaire ses demandes (en ce sens, Cass. com., 8 octobre 2013, no12-23.349 rendu en matière de dessins et modèles au visa l'article L. 521-5 du code de la propriété intellectuelle). A titre liminaire, il sera rappelé qu'un préjudice hypothétique ne donne pas lieu à indemnisation et que le principe de la réparation intégrale implique une indemnisation du préjudice sans perte ni profit. En outre, l'article L. 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle, lequel emploie l'adverbe « distinctement » et non « cumulativement », commande une appréciation distincte des chefs de préjudice et non pas cumulative. En l'espèce, il ressort du procès-verbal de saisie-contrefaçon dressé le 18 juillet 2020 dans les locaux de la société GLUSTIN que le canapé référencé 7303 « Hommage au canapé Ours polaire » et le fauteuil référencé 7304 « Hommage au fauteuil Ours polaire » sont fabriqués à la demande par un tapissier (pièce demanderesse no36). Si l'attestation de l'expert-comptable de la société GLUSTIN en date du 7 janvier 2022 fait état « au vu uniquement des documents transmis par l'entreprise » de la vente de 5 canapés et de 10 fauteuils entre le 20 juillet 2016 et le 27 février 2020 (pièce défenderesse no23), les procès-verbaux de constat d'huissier sur internet des 23 juillet et 10 novembre 2020 établissent néanmoins la poursuite de la commercialisation du canapé et du fauteuil litigieux postérieurement au 27 février 2020 (pièces demanderesse no15.1 et 41). Il convient dès lors de faire droit à la demande de Madame [R] [H] au titre du droit d'information, laquelle sera cantonnée à la communication sous astreinte des factures et d'une attestation de l'expert-comptable de la société GLUSTIN, qui ne pourra se contenter des déclarations de cette dernière, mentionnant l'ensemble des ventes du canapé et du fauteuil litigieux, en nombre, prix et chiffre d'affaires pour les années 2016 à 2020. En l'occurrence, la commercialisation du canapé référencé 7303 « Hommage au canapé Ours polaire » et du fauteuil référencé 7304 « Hommage au fauteuil Ours polaire » entraîne une banalisation et l'avilissement du canapé et du fauteuil « Ours polaire » de [F] [S], réalisés à 200 exemplaires et vendus aux enchères entre 300.000 et 400.000 euros (pièce défenderesse no30), causant ainsi un préjudice moral à son ayant droit Madame [R] [H] qui sera réparé par la somme de 10.000 euros, laquelle sera versée à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice résultant de la contrefaçon de droit d'auteur. Une mesure d'interdiction sera ordonnée selon les modalités précisées au dispositif de la présente décision. Compte tenu de la mesure d'interdiction et le canapé et le fauteuil litigieux étant fabriqués sur commande du client, les mesures de retrait des circuits commerciaux et de destruction sollicitées ne sont pas nécessaires. En outre, le préjudice étant entièrement réparé par une indemnité pécuniaire, la demande de publication apparait disproportionnée et sera dès lors rejetée. Sur les demandes subsidiaires en parasitisme Madame [R] [H] soutient que la société GLUSTIN a commis des actes de parasitisme en reproduisant servilement les meubles créés par [F] [S] afin de se placer dans son sillage et faire des économies d'investissements intellectuels et économiques. Elle sollicite à cet égard le paiement d'une indemnité provisionnelle de 500.000 euros. La société GLUSTIN expose n'avoir commis aucune faute en réalisant des meubles inspirés des années 50-70 dont la commercialisation relève de la liberté du commerce et de l'industrie. Elle souligne n'avoir vendu qu'une table et deux appliques pour une marge totale de 2.550 euros. SUR CE, L'article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Aux termes de l'article 1241 du même code, chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence. Selon l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention. Le parasitisme, qui n'exige pas de risque de confusion, consiste dans le fait pour une personne physique ou morale de profiter volontairement et sans bourse délier des investissements, d'un savoir-faire ou d'un travail intellectuel d'autrui, produisant une valeur économique individualisée et générant un avantage concurrentiel. Il incombe à celui qui allègue un acte de parasitisme d'établir le savoir-faire ainsi que les efforts humains et financiers consentis par lui, ayant permis la création d'une valeur économique individualisée. En l'espèce, il ressort des pièces versées aux débats que la société GLUSTIN a commercialisé un exemplaire d'une table basse en chêne et deux exemplaires d'une applique à neuf branches qui reproduisent les caractéristiques de la table « Forme libre » et de l'applique à 9 branches « Hirondelle » (pièces demanderesse no32, 33, 34). Toutefois, cette reproduction servile ne permet pas à elle seule de caractériser le parasitisme allégué dès lors que Madame [R] [H] ne fait état d'aucun investissement et ne démontre pas que la table « Forme libre » et l'applique à 9 branches « Hirondelle », dont elle ne donne aucun élément quant à leur commercialisation, ont acquis une valeur économique individualisée. En conséquence, sa demande fondée sur le parasitisme sera rejetée. Sur les demandes accessoires La capitalisation des intérêts légaux, qui courront à compter du jugement, sera ordonnée en application de l'article 1343-2 du code civil. En revanche, il n'y a pas lieu d'« ordonner qu'à défaut de règlement spontané de la condamnation prononcée, et qu'en cas d'exécution par voie extra-judiciaire, les sommes retenues par l'huissier instrumentaire en application de l'article R. 444-55 du code de commerce seront exclusivement supportés par la société GLUSTIN SARL » tel que sollicité dans le dispositif des conclusions de la demanderesse, la charge des émoluments du commissaire de justice résultant de la seule application de ce texte sans qu'il soit nécessaire de l'ordonner. Sur les dépens Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge de l'autre partie. L'article 699 du code de procédure civile dispose que les avocats peuvent, dans les matières où leur ministère est obligatoire, demander que la condamnation aux dépens soit assortie à leur profit du droit de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision. La partie contre laquelle le recouvrement est poursuivi peut toutefois déduire, par compensation légale, le montant de sa créance de dépens. La société GLUSTIN, qui succombe à l'instance, sera condamnée aux dépens dont distraction au profit de Maître Alexis FOURNOL conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. Sur l'article 700 du code de procédure civile L'article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a lieu à condamnation.En l'espèce, l'équité commande de condamner la société GLUSTIN à payer à Madame [R] [H] la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. Sur l'exécution provisoire Aux termes de l'article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement. La présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire et il n'y a pas lieu d'y déroger. PAR CES MOTIFS Le tribunal, DIT que le canapé et le fauteuil « Ours polaire » de [F] [S], dont la combinaison des caractéristiques est originale, bénéficie de la protection par le droit d'auteur ; FAIT INTERDICTION à la société GLUSTIN de faire fabriquer, de fabriquer, d'offrir à la vente et de commercialiser le canapé référencé 7303 « Hommage au canapé Ours polaire » et le fauteuil référencé 7304 « Hommage au fauteuil Ours polaire », et ce dans un délai de 15 jours à compter de la signification du présent jugement, puis sous astreinte de 200 euros par jour de retard qui courra pendant 180 jours ; CONDAMNE la société GLUSTIN à payer à Madame [R] [H] la somme de 10.000 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice résultant de la contrefaçon de droit d'auteur ; ENJOINT à la société GLUSTIN de communiquer à Madame [R] [H] les factures et une attestation de son expert-comptable, qui ne pourra se contenter de ses déclarations, mentionnant l'ensemble des ventes du canapé référencé 7303 « Hommage au canapé Ours polaire » et du fauteuil référencé 7304 « Hommage au fauteuil Ours polaire », en nombre, prix et chiffre d'affaires pour les années 2016 à 2020, et ce dans un délai de 45 jours à compter de la signification de la présente décision, puis sous astreinte de 200 euros par jour de retard qui courra pendant 180 jours ; RENVOIE Madame [R] [H] et la société GLUSTIN à la détermination amiable du solde du préjudice résultant de la contrefaçon de droit d'auteur le cas échéant, ou, à défaut d'accord, par le tribunal saisi par nouvelle assignation ; DIT que le tribunal se réserve la liquidation des astreintes prononcées ; DEBOUTE Madame [R] [H] de l'ensemble de ses demandes fondées sur la contrefaçon de droits d'auteur s'agissant du titre « Ours polaire », de la table « Forme libre » et de l'applique à neuf branches « Hirondelle » ; DEBOUTE Madame [R] [H] de l'ensemble de ses demandes fondées sur l'atteinte au droit moral de l'auteur ; DEBOUTE Madame [R] [H] de ses demandes de retrait des circuits commerciaux, de destruction et de publication ; DEBOUTE Madame [R] [H] de sa demande fondée sur le parasitisme ; ORDONNE la capitalisation des intérêts légaux, qui courront à compter du jugement, en application de l'article 1343-2 du code civil ; DEBOUTE Madame [R] [H] de sa demande tendant à voir « ordonner qu'à défaut de règlement spontané de la condamnation prononcée, et qu'en cas d'exécution par voie extra-judiciaire, les sommes retenues par l'huissier instrumentaire en application de l'article R. 444-55 du code de commerce seront exclusivement supportés par la société GLUSTIN SARL » ; CONDAMNE la société GLUSTIN aux dépens dont distraction au profit de Maître Alexis FOURNOL conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ; CONDAMNE la société GLUSTIN à payer à Madame [R] [H] la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire. Fait et jugé à Paris le 08 février 2023 La greffière Le président
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JURITEXT000047636338
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AUTRES_DECISIONS
Tribunal judiciaire de Paris, 16 février 2023, 19/14267
2023-02-16
Tribunal judiciaire de Paris
19/14267
CT0196
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TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 3ème chambre 1ère section No RG 19/14267 No Portalis 352J-W-B7D-CRIN6 No MINUTE : Assignation du :28 novembre 2019 JUGEMENT rendu le 16 février 2023 DEMANDERESSE Madame [G] [I][Adresse 4][Localité 1] (GRÈCE) représentée par Me Eric ALLIGNE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C2458 DÉFENDERESSES Société HERMES INTERNATIONAL[Adresse 3][Localité 5] représentée par Me Pascal LEFORT de la SELARL DUCLOS THORNE MOLLET-VIEVILLE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0075 Société SERVICES MARKETING DIVERSIFIES (anciennement dénommée PUBLICIS ACTIV FRANCE) - Intervenante volontaire[Adresse 2][Localité 5] représentée par Me Bruno RYTERBAND, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0798 COMPOSITION DU TRIBUNAL Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointeElodie GUENNEC, Vice-présidenteMalik CHAPUIS, Juge, assistés de Caroline REBOUL, Greffière DEBATS A l'audience du 24 octobre 2022 tenue en audience publique, avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 12 janvier 2023. Le délibéré a été prorogé au 16 février 2023. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffeContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DU LITIGE : 1. Mme [G] [I] se présente comme diplômée en science, ainsi que dans différents domaines artistiques, et comme auteur de photographies, qu'elle a divulguées sous le nom de [G] [M], sur son site internet, et à l'occasion d'expositions organisées aussi bien dans son pays, la Grèce, qu'à l'étranger. 2. Dans le cadre de cette activité, elle indique être l'auteur, entre 2006 et 2008, d'une série de clichés rassemblés sous le titre "Ecology of dance", inspirés de l'art grec ancien et représentant des personnages dansant "au rythme de la nature". Parmi cette série, figurent quatre clichés intitulés "Firebird" représentant l'artiste dansant en équilibre sur un rocher surplombant la mer vêtue d'une robe multicolore à dominante rouge comportant des voiles en mouvement. 3. Mme [G] [I] expose encore être l'auteur de nombreuses autres oeuvres et d'une oeuvre audiovisuelle partagée sur la plate-forme Youtube en 2011. 4. Mme [I] expose que la société Hermes International a fait paraître entre 2010 et 2016 différentes campagnes promotionnelles utilisant des clichés réalisés en Grèce, constituant selon elle des contrefaçons de son oeuvre, dans des conditions telles qu'en 2019, les photographies "Firebird" diffusées sur le site Pinterest étaient intitulées "Hermes Campaign, Greece", tandis qu'une recherche sur le moteur de la société Google avec les mots clés "Hermes Campaign, Greece" amenait comme résultats les photographies de sa série "Firebird". 5. Après avoir vainement mis en demeure la société Hermes International de cesser ces agissements, Mme [G] [I] l'a, par acte d'huissier du 28 novembre 2019, faite assigner devant le tribunal judiciaire de Paris en contrefaçon de droits d'auteur. 6. Par des conclusions d'incident du 5 novembre 2020, la société Publicis Activ France, devenue Services Marketing Diversifiés a déclaré intervenir volontairement à l'instance opposant Mme [I] à la société Hermes International en sa qualité d'agence de publicité ayant conçu les campagnes incriminées pour le compte de la société Hermes International. 7. Dans ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 13 décembre 2021, Mme [I] demande au tribunal de : - La RECEVOIR en son action et toutes ses demandes ; - DÉBOUTER les sociétés Hermes et Publicis en toutes leurs demandes ; - DIRE que les photographies de Mme [G] [I], connue sous son nom d'artiste "[G] [M]", sont une création intellectuelle tout à fait personnelle, unique et originale propre à Mme [G] [I] ; - DIRE qu'il ressort des pièces versées au dossier que plusieurs photographies postérieures issues de campagnes publicitaires des sociétés Hermes et Publicis révèlent de nombreux éléments plagiés, identiques ou similaires aux oeuvres photographiques originales créées et réalisées antérieurement par Mme [G] [I] ; - DIRE que les caractéristiques essentielles et originales des photographies de Mme [G] [I] ont, de ce fait, été reprises et copiées par les sociétés Hermes et Publicis dans plusieurs clichés réalisés pour les campagnes publicitaires de la marque Hermes ; - DIRE que les sociétés Hermes et Publicis ont, en conséquence, plagié et imité dans plusieurs de leurs campagnes publicitaires, les oeuvres photographiques originales de Mme [G] [I] créées et réalisées auparavant par l'artiste elle-même, et ce en violation de toutes dispositions légales du code de la propriété intellectuelle concernant les droits d'auteur ; - CONDAMNER solidairement les sociétés Hermes et Publicis à verser à Mme [G] [I], au titre de ses droits d'auteur et des préjudices subis par l'artiste la somme de 1 080 000,00 € ; - CONDAMNER solidairement les sociétés Hermes et Publicis à verser à Mme [G] [I] au titre des frais de justice exposés, la somme de 20 000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; - CONDAMNER solidairement les sociétés Hermes et Publicis aux entiers dépens de la procédure ; - ORDONNER l'exécution provisoire du jugement à venir nonobstant appel. 8. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées électroniquement le 13 janvier 2022, la société Hermès International demande au tribunal de : 1. CONSTATER que Mme [G] [I] dite [M] n'apporte pas la preuve de sa qualité d'auteur des photographies incriminées ; 2. Subsidiairement, CONSTATER que Mme [G] [I] dite [M] n'est pas l'auteur des photographies incriminées ; 3. Subsidiairement, CONSTATER que Mme [G] [I] dite [M] invoque des droits d'auteur sur une oeuvre de collaboration et n'est pas le seul auteur des photographies incriminées ; 4. Subsidiairement, CONSTATER que l'ensemble des faits incriminés sont prescrits à l'exception de la campagne Galop d'Hermes ; DÉCLARER en conséquence IRRECEVABLE l'action en contrefaçon de Mme [G] [I] dite [M] et ainsi l'ensemble de ses demandes à l'encontre des sociétés Hermes International et Publicis Activ France ; 5. Subsidiairement, JUGER que Mme [G] [I] dite [M] n'apporte pas la preuve des faits incriminés ; en conséquence, la DÉBOUTER de l'ensemble de ses demandes en contrefaçon ; 6. Subsidiairement, JUGER que Mme [G] [I] dite [M] n'apporte pas la preuve de l'antériorité de ses droits d'auteur et/ou la divulgation des photographies invoquées ; en conséquence, la DÉBOUTER de l'ensemble de ses demandes ; 7. Subsidiairement, JUGER que Mme [G] [I] dite [M] n'apporte pas la preuve de l'originalité des photographies qu'elle invoque ; en conséquence, la DÉBOUTER de l'ensemble de ses demandes ; 8. Subsidiairement, JUGER que les visuels des campagnes d'Hermes incriminés ne reproduisent pas les caractéristiques essentielles et originales des photographies invoquées par Mme [G] [I] dite [M]; en conséquence, la DÉBOUTER de l'ensemble de ses demandes ; 9. A titre infiniment subsidiaire, LIMITER le montant des dommages et intérêts à un montant symbolique ; En tout état de cause ; 10. DÉBOUTER Mme [G] [I] dite [M] de sa demande d'exécution provisoire du jugement à intervenir si par extraordinaire le Tribunal entrait en voie de condamnation à l'encontre d'Hermes International ; 11. CONDAMNER la société Publicis Activ France à relever Hermes International de toute éventuelle condamnation portant sur tout ou partie des campagnes incriminées à l'exception des visuels publiés dans la revue Le Monde Hermes ; 12. CONDAMNER Mme [G] [I] dite [M] à verser à la société Hermes International la somme de 55.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens. 9. Dans ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 10 janvier 2022, la société Services Marketing Diversifiés demande au tribunal de : - DÉCLARER irrecevables les demandes de Mme [I] faute de justification de sa qualité d'auteur et subsidiairement faute de mise en cause de sa mère, pour les photographies dont sur lesquelles apparaît Mme [I] ; - DÉCLARER prescrite l'action de Mme [I] en ce qu'elle vise des faits antérieurs au 28 novembre 2014 ; Subsidiairement pour ces faits, et à titre principal pour les faits postérieurs à cette date, - DÉCLARER irrecevables à raison de l'imprécision du fondement juridique invoqué les demandes de Mme [I] ; Plus subsidiairement encore, - DÉBOUTER Mme [I] de l'ensemble de ses demandes, faute d'analyse oeuvre par oeuvre et de démonstration de l'originalité des images pour lesquelles elle demande une protection ; Subsidiairement, - DÉBOUTER Mme [I] de l'ensemble de ses demandes, faute de preuve d'un emprunt déterminé d'éléments de forme protégeables ; A titre plus subsidiaire, - REJETER les demandes indemnitaires faute de démonstration par la demanderesse du quantum du dommage qu'elle prétend avoir subi ; A titre plus subsidiaire encore, - DONNER ACTE à Publicis Et nous de son acquiescement, à la demande de garantie formée par Hermes ; En tout état de cause, - CONDAMNER Mme [I] à verser à Publicis Et nous la somme de 30.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; - CONDAMNER Mme [I] aux entiers dépens. 10. L'instruction a été close par une ordonnance du 18 janvier 2022 et l'affaire plaidée à l'audience du 24 octobre 2022. MOTIFS DE LA DÉCISION 1o) Sur la prescription d'une partie des demandes Moyens des parties 11. La société Services Marketing Diversifiés soutient que les demandes, en tant qu'elles visent des faits antérieurs au 28 novembre 2014 (l'assignation ayant été délivrée ici le 28 novembre 2019), sont prescrites. Elle fait en effet valoir qu'à l'exception de la campagne "Galop d'Hermes", qui date de 2016, tous les visuels incriminés sont issus de campagnes publicitaires antérieures au mois de novembre 2014, ce qui au demeurant est confirmé par les écritures de la demanderesse elle-même. La société Services Marketing Diversifiés conteste en outre que l'action engagée en Grèce en septembre 2015 par Mme [I] contre un tiers, qui avait reproduit ses photographies, ait pu suspendre la prescription s'attachant à la présente action, laquelle a un objet totalement différent. Elle rappelle à cet égard que cette instance, qui s'est terminée par la condamnation de M. [S] [U] (exploitant d'une agence de voyage grecque), par un jugement du 18 septembre 2017, confirmé par un arrêt du 8 janvier 2021, concernait la reproduction illicite par celui-ci d'une photographie de la série "Firebird" de Mme [I], tandis que le présent litige concerne le "plagiat", c'est à dire la reproduction, par la société Hermes International, de certaines caractéristiques originales d'un nombre très important de clichés photographiques dont Mme [I] déclare être l'auteur. La société Services Marketing Diversifiés conteste de la même manière toute reconnaissance des faits de contrefaçon par la société Hermes International et qui résulterait des échanges entre cette société et la demanderesse à la suite de la découverte des faits reprochés à M. [U]. 12. La société Hermes International conclut de la même manière à l'irrecevabilité de toutes les demandes de Mme [I] portant sur toutes les autres campagnes que "Galop d'Hermes de 2016", dont la demanderesse indique elle-même dans ses diverses écritures qu'elles datent de 2010 à "2014". La société Hermes International ajoute que la procédure grecque ne peut avoir interrompu la prescription, tandis que les allégations quant à une reconnaissance de faits de contrefaçon par la société Hermes International ne sont étayées par aucune pièce. 13. Mme [I] conclut pour sa part à la totale recevabilité de ses demandes. Elle invoque à cet égard les dispositions de l'article 2241 du code civil et la jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle l'effet interruptif de prescription peut s'étendre d'une action à une autre. Elle soutient ainsi que l'action engagée en Grèce en 2014 a interrompu la prescription ce d'autant plus qu'elle était expressément dirigée contre la société Hermes, mentionnée faussement comme titulaire des droits d'auteur sur la photographie litigieuse. Mme [I] invoque encore l'existence d'une reconnaissance de la contrefaçon, laquelle est ici le fait de la "marketing manager" de la société Hermes Grèce laquelle a, selon Mme [I], reconnu que la photo litigieuse était "très belle pour Hermes". Appréciation du tribunal 14. Selon l'article 2224 du code civil, "Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer." L'article 2241 de ce même code précise que "La demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion. Il en est de même lorsqu'elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l'acte de saisine de la juridiction est annulé par l'effet d'un vice de procédure." De même, aux termes de l'article 2240, "La reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription." 15. Ces dispositions sont constamment interprétées en ce sens que l'effet interruptif de prescription est, en principe, limité à l'action en justice concernée et ne s'étend pas à d'autres actions. Il ne s'étend donc pas à des actions distinctes par leur objet : Cass. Com., 4 juillet 2006, Bull. no 168, pourvoi no 04-16.578 ; Cass. Civ 3ème, 10 octobre 2007, Bull. no 174, pourvoi no 06-18.130. En revanche, une extension de l'effet interruptif à deux actions qui, quoi qu'ayant des causes distinctes,tendent vers un seul et même but a été admise : Cass. Civ. 3ème, 22 septembre 2004, pourvoi no 03-10.923, Bull., 2004, III, no 152 ; Cass. Civ. 1ère, 5 octobre 2016, pourvoi no 15-25.459, Bull. 2016, I, no 189 ; Cass. Civ.1ère, 9 mai 2019, pourvoi no 18-14.736 (cité par la demanderesse). 16. Le tribunal ne peut toutefois que constater ici que les litiges, grec et français, s'ils ont la même cause (l'atteinte alléguée aux droits d'auteur de Mme [I]) n'ont pas le même objet, puisque l'action engagée en Grèce concernait la reproduction non autorisée par M. [U] et les sociétés Travelive et Filos Holidays sur leur site internet d'une photographie de la série "Firebird" (le jugement rendu le 25 septembre 2017 mentionnant d'ailleurs expressément dans son dispositif que le tribunal estime que l'action n'est pas dirigée contre le 4ème défendeur, à savoir la société Hermes International), tandis que le présent litige concerne la reproduction non autorisée de certaines caractéristiques selon elle originales de très nombreuses photographies dont Mme [I] déclare être l'auteur (dont les photographies "Firebird"). 17. L'action engagée à Athènes par Mme [I] ne saurait dès lors être regardée comme ayant le même objet que la présente action. 18. Mme [I] ne démontre pas davantage que la société Hermes International ait jamais reconnu avoir emprunté les caractéristiques originales de ses photographies pour réaliser ses propres campagnes publicitaires. 19. Il en résulte que les demandes portant sur des campagnes de la société Hermes International réalisées et diffusées auprès du public avant le 28 novembre 2014 (et dont il n'est pas allégué l'exploitation plus récente) doivent être considérées comme prescrites. Seule donc demeure concernée par le présent litige la campagne "Galop d'Hermes" parue en 2016 sous la forme d'un film et d'une photographie ci-dessous reproduite: que Mme [I] compare à ses propres photographies également reproduites ci-dessous (extraits des conclusions pages 25 et 26 de Mme [I]) : 2o) Sur la preuve de la qualité d'auteur d'une oeuvre de l'esprit de la demanderesse (contestée en défense) Moyens des parties 20. Les sociétés Services marketing diversifiés et Hermes International font valoir que Mme [I] ne démontre pas être l'auteur des photographies qu'elle leur oppose et dont elles auraient reproduit les caractéristiques selon elle originales. Elles soutiennent qu'aucune preuve de leur divulgation avant 2016, sous le nom de [G] [M], n'est rapportée, tandis que la demanderesse se contente d'affirmer sa qualité d'auteur, d'autant plus sujette à caution ici que Mme [I] est elle-même le sujet des photographies. 21. Les sociétés défenderesses contestent de la même manière l'originalité alléguée des photographies en cause dont les caractéristiques sont décrites en termes gérénaux exclusifs de toute reconnaissance de l'empreinte de la personnalité d'un auteur. Elles contestent enfin toute reproduction des caractéristiques essentielles des photographies invoquées par la demanderesse et relèvent l'artifice consistant à comparer des oeuvres audiovisuelles, dont sont tirées des images arrêtées recadrées et des photographies. S'agissant plus spécialement de la vidéo "Galop d'Hermes", les sociétés Hermes International et Services Marketing Diversifiés concluent à l'absence de toute contrefaçon s'agissant d'un flm dans lequel une danseuse exécute une chorégraphie rappelant la danse d'un cheval ; elle frappe le sol évoquant le sable d'une carrière et remue ses cheveux détachés ; elle porte une tenue sobre unie en cuir, brut, de couleur ocre en rappel de la couleur du sol et le fond est blanc. 22. Mme [I] soutient que l'ensemble des photographies qu'elle oppose aux sociétés défenderesses a été réalisé entre 2007 et 2009, ainsi qu'en atteste leur horodatage, et publié dans le cadre d'expositions consacrées à son oeuvre, ainsi que sur différents sites internet. Elle précise être le seul auteur des photographies qu'elle oppose, ayant entièrement conçu les prises de vue réalisées grâce à la fonction "retardateur" de son appareil ou par sa mère cette dernière s'étant bornée à "appuyer physiquement sur le déclencheur", ce qui ne saurait lui conférer la qualité de co-auteur. 23. S'agissant de l'originalité, Mme [I] revendique des "mouvements de sauts de danse figés en l'air par les clichés ; des sauts sur place, jambes pliées ou tendues, bras le long du corps ou s'élevant en l'air, la tête adoptant une position particulière ; sans végétation" (conlusions [I] page 24) tous éléments fidèlement repoduits selon elle par les sociétés défenderesses dans le film "Galop d'Hermes", tandis qu'aucun spectateur ne peut selon elle voir dans ce film une évocation de la danse d'un cheval. Appréciation du tribunal 24. Aux termes de l'article L.113-1 du code de la propriété intellectuelle, "La qualité d'auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l'oeuvre est divulguée." Selon l'article L.113-2 alinéa 1er du code de la propriété intellectuelle, "Est dite de collaboration l'oeuvre à la création de laquelle ont concouru plusieurs personnes physiques." 25. Conformément à l'article L.111-1 du code de la propriété intellectuelle, l'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous comportant des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial. En application de l'article L.112-1 du même code, ce droit appartient à l'auteur de toute oeuvre de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination. 26. La protection d'une oeuvre de l'esprit est acquise à son auteur sans formalité et du seul fait de la création d'une forme originale en ce sens qu'elle porte l'empreinte de la personnalité de son auteur et n'est pas la banale reprise d'un fonds commun non appropriable. Dans ce cadre, toutefois, il appartient à celui qui se prévaut d'un droit d'auteur dont l'existence est contestée de définir et d'expliciter les contours de l'originalité qu'il allègue. En effet, seul l'auteur, dont le juge ne peut suppléer la carence, est en mesure d'identifier les éléments traduisant sa personnalité et qui justifient son monopole. 27. Force est en l'occurrence de constater que Mme [I] ne démontre la divulgation au public sous son nom d'aucune des photographies ci-dessus reproduites, que ce soit sur internet ou dans le cadre d'une exposition. Les photographies opposées n'ont d'ailleurs aucun titre et ne sont rattachées à aucune série identifiée de la demanderesse. 28. La création de ces sept photographies n'a pas davantage date certaine, leurs métadonnées n'étant pas fournies par la demanderesse. Il en résulte que Mme [I] ne démontre pas être l'auteur des photographies qu'elle oppose aux sociétés défenderesses pour soutenir que la campagne "Galop d'Hermes" serait contrefaisante, et moins encore que leur caractéristiques auraient été reproduites par ces dernières, dès lors que ces photographies n'ont pas date certaine, de sorte que rien n'établit qu'elles sont antérieures à 2016. 29. Il en résulte que les demandes non prescrites de Mme [I] ne peuvent qu'être rejetées. 30. A titre surabondant, le tribunal observe enfin que la campagne "Galop d'Hermes" et les photographies opposées, à les supposer originales, n'ont en commun que la représentation d'une jeune femme dansant et réalisant des sauts, ce sur quoi Mme [I] ne saurait revendiquer aucun monopole, tandis que la campagne "Galop d'Hermes" évoque, sur un fond totalement blanc, la représentation d'un cheval, ainsi qu'en attestent, notamment, outre le titre de la campagne, la robe en cuir de couleur beige que porte la danseuse et la projection de terre sous ses talons, éléments totalement absents des visuels opposés. 31. Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, Mme [I] sera condamnée aux dépens, ainsi qu'à payer aux sociétés Services marketing diversifiés et Hermes International la somme de 10.000 euros chacune (soit 20.000 euros au total) par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. 32. Nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire, l'exécution provisoire de la présente décision sera ordonnée. PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL, DÉCLARE prescrites les demandes portant sur les campagnes publicitaires de la société Hermes International antérieures au 28 novembre 2014 ; REJETTE le surplus des demandes de Mme [G] [I] faute pour elle de démontrer être l'auteur d'oeuvres de l'esprit antéreures à 2016 ; CONDAMNE Mme [G] [I] aux dépens ; CONDAMNE Mme [G] [I] à payer aux sociétés Services Marketing Diversifiés et Hermes International la somme de 10.000 euros chacune par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; ORDONNE l'exécution provisoire de la présente décision. Fait et jugé à Paris le 16 février 2023. LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
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JURITEXT000047636339
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AUTRES_DECISIONS
Tribunal judiciaire de Paris, 26 janvier 2023, 18/11424
2023-01-26
Tribunal judiciaire de Paris
18/11424
CT0196
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TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 3ème chambre 1ère section No RG 18/11424 No Portalis 352J-W-B7C-CN2NO No MINUTE : Assignation du :20 septembre 2018 JUGEMENT rendu le 26 janvier 2023 DEMANDERESSE Société PUNCH POWERTRAIN NV[Adresse 5][Localité 3] (BELGIQUE) représentée par Me Emmanuel LARERE de l'AARPI GIDE LOYRETTE NOUEL AARPI, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant, vestiaire #T0003 DÉFENDERESSE S.A.S. PUNCH POWERGLIDE [Localité 1][Adresse 2][Localité 1] représentée par Me Anne-Laure VILLEDIEU & Me Jean-Baptiste THIENOT de la SELAFA CMS FRANCIS LEFEBVRE AVOCATS, avocats au barreau des HAUTS-DE-SEINE, vestiaire #NAN1701 COMPOSITION DU TRIBUNAL Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointeElodie GUENNEC, Vice-présidenteMalik CHAPUIS, Juge, assistés de Caroline REBOUL, Greffière DEBATS A l'audience du 13 septembre 2022 tenue en audience publique, avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue le 03 novembre 2022. Le délibéré a été prorogé en dernier lieu au 26 janvier 2023. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffeContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DU LITIGE : 1. La société de droit belge Punch Powertrain Nv conçoit, fabrique et commercialise, depuis 1972, des systèmes de transmission (ensemble des mécanismes situés entre le moteur et les roues motrices d'un véhicule). Elle exploite des établissements dans le monde entier en utilisant depuis 2006 (époque de son acquisition par M. [M] [E]) les signes suivants déposés à titre de marques : - la marque verbale internationale désignant l'Union européenne "Punch" no1170596, enregistrée le 4 juin 2013, sous priorité d'une demande Benelux du 5 décembre 2012 pour désigner en classe 9 les logiciels, en classe 12 les véhicules; appareils de locomotion par terre, par air ou par eau; parties de véhicules terrestres; mécanismes de transmission pour véhicules terrestres, en classe 37 les services de réparation, y compris services de réparation de transmissions, en classe 42 les services scientifiques et technologiques, ainsi que services de recherche et conception s'y rapportant; services de recherches et d'analyses industrielles, y compris dans le domaine des transmissions; conception et développement de matériel informatique et de logiciels; services de calibrage, y compris calibrage de logiciels; contrôle de qualité; essai de matériaux. - la marque verbale internationale désignant l'Union européenne "Punch Powertrain" no1170595, enregistrée le 4 juin 2013, sous priorité d'une demande Benelux du 5 décembre 2012 pour désigner les mêmes produits et services des classes 9, 12, 37 et 42. 2. Courant 2013, une société Punch Metals International Nv a acquis une usine de la société General Motors à [Localité 1], spécialisée dans la fabrication de systèmes de transmission. La société exploitant cette usine a été baptisée Punch Powerglide [Localité 1] Sas. Elle fabrique des boîtes de vitesse ainsi que des composants pour automobiles en utilisant les signes Punch et Punchpowerglide. 3. Par une lettre du 29 janvier 2018, la société Punch Powertrain, qui appartenait depuis 2016 au groupe Yinyi, a mis en demeure la société Punch Powerglide [Localité 1] de cesser d'utiliser le signe "Punch". Cette mise en demeure étant restée sans suite, la société Punch Powertrain a, par acte d'huissier de justice du 20 septembre 2018, fait assigner la société Punch Powerglide [Localité 1] devant ce tribunal en contrefaçon de ses marques internationales et subsidiairement en concurrence déloyale. 4. Par acte du 30 mars 2018, la société Punch Powerglide [Localité 1] avait fait assigner la société Punch Powertrain devant le tribunal de l'entreprise d'Anvers aux fins d'obtenir l'annulation des marques Benelux "Punch" et "Punch Powertrain", invoquant ses marques Benelux antérieures. Par un arrêt du 3 novembre 2021, la cour d'appel d'Anvers a confirmé le jugement qui avait, le 31 octobre 2019, rejeté la demande principale de la société Punch Powerglide [Localité 1] et, à titre reconventionnel, a annulé les marques déposées par cette société et M. [M] [E] en raison de leur connaissance de l'usage antérieur du signe "Punch" par la société Punch Powertrain. 5. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 30 janvier 2022, la société PUNCH POWERTRAIN NV demande au tribunal de : - DIRE que l'usage des signes "Punch" et "Punch Powerglide" par la société Punch Powerglide [Localité 1] pour le développement, la fabrication, la promotion, l'offre à la vente et la vente de boîte de vitesse, de pièces automobiles et de logiciels ainsi que pour des services d'ingénierie, de réparation, de test et de formation liés à ces produits constituent des actes de contrefaçon des marques internationales visant l'Union Européenne no1170595 et no1170596 de la société Punch Powertrain NV au sens des dispositions légales précitées ; - CONDAMNER la société Punch Powerglide [Localité 1] à payer à la société Punch Powertrain NV la somme de 80.000 € en réparation du préjudice commercial subi du fait de la contrefaçon de ses marques internationales visant l'Union Européenne no1170595 et no1170596 ; - CONDAMNER la société Punch Powerglide [Localité 1] à payer à la société Punch Powertrain NV la somme de 10.000 € en réparation du préjudice moral subi du fait de la contrefaçon de ses marques internationales visant l'Union Européenne no1170595 et no1170596 ; A titre subsidiaire, - DIRE que l'usage des signes "Punch" et "Punch Powerglide" par la société Punch Powerglide [Localité 1] pour le développement, la fabrication, la promotion, l'offre à la vente et la vente de boîte de vitesse, de pièces automobiles et de logiciels ainsi que pour des services d'ingénierie, d'analyse, de calibrage, de test et de formation liés à ces produits constituent des actes de concurrence déloyale au sens des dispositions légales précitées à l'encontre de la société Punch Powertrain NV ; - CONDAMNER la société Punch Powerglide [Localité 1] à payer à la société Punch Powertrain NV la somme de 50.000 € en réparation du préjudice subi du fait de ces actes de concurrence déloyale ; En tout état de cause : - DIRE que les marques internationales visant l'Union Européenne no1170595 et no1170596 sont sérieusement exploitées pour tous les produits et services qu'elles désignent ; - DIRE que la demande reconventionnelle en déchéance pour absence d'usage sérieux formée par la société Punch Powerglide à l'encontre des marques internationales visant l'Union Européenne no1170595 et no1170596 est infondée et la rejeter ; - FAIRE INTERDICTION à la société Punch Powerglide [Localité 1] d'utiliser, dans toute l'Union Européenne, tout signe identique ou similaire à la marque internationale visant l'Union Européenne no1170595 pour l'ensemble des produits et services visés par cette marque, pour développer, désigner, fabriquer, détenir, importer, promouvoir, offrir à la vente et vendre ces produits et services, et ce, sous astreinte définitive de 5.000€ par jour de retard passé un délai de 6 mois à compter de la signification de la décision à intervenir; - FAIRE INTERDICTION à la société Punch Powerglide [Localité 1] d'utiliser, dans toute l'Union Européenne, tout signe identique ou similaire à la marque internationale visant l'Union Européenne no1170596 - et plus largement, tout signe reproduisant ou imitant le signe "Punch" de quelque manière que ce soit et à quel titre que ce soit - pour l'ensemble des produits et services visés par cette marque, pour développer, désigner, fabriquer, détenir, importer, promouvoir, offrir à la vente et vendre ces produits et services, et ce, sous astreinte définitive de 5.000€ par jour de retard passé un délai de 6 mois à compter de la signification de la décision à intervenir ; - DIRE que le tribunal judiciaire de Paris sera compétent pour connaître de la liquidation des astreintes qu'il aura ordonnées ; - ORDONNER la publication, aux frais de la société Punch Powerglide [Localité 1] du jugement à intervenir dans trois journaux ou magazines au choix de la société Punch Powertrain NV dans la limite de 5 000 € H.T. par insertion; - CONDAMNER la société Punch Powerglide [Localité 1] à verser à la société Punch Powertrain NV la somme de 70.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile; - ORDONNER l'exécution provisoire de la décision à intervenir, nonobstant appel et sans constitution de garantie ; - CONDAMNER la société Punch Powerglide [Localité 1] aux entiers dépens qui seront recouvrés par Maître Emmanuel Larere, avocat, conformément à l'article 699 du code de procédure civile. 6. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 13 décembre 2021, la société PUNCH POWERGLIDE [Localité 1] demande au tribunal de : - REJETER les demandes formulées à titre principal par la société Punch Powertrain au titre de la contrefaçon ; - REJETER les demandes formulées à titre subsidiaire par la société Punch Powertrain au titre de la concurrence déloyale ; - REJETER les demandes d'indemnisation au titre de la réparation du préjudice commercial et du préjudice moral subi ; À titre reconventionnel, - DIRE que les éléments soumis au débat ne démontrent pas l'existence d'un usage sérieux de la marque verbale internationale dénommée " Punch " no1170596 désignant l'Union européenne et de la marque verbale internationale dénommée "Punch Powertrain" no1170595 désignant l'Union européenne sur ce territoire, et en conséquence ; - PRONONCER la déchéance de la marque verbale internationale dénommée " Punch" no1170596 désignant l'Union européenne et de la marque verbale internationale dénommée "Punch Powertrain" no1170595 désignant l'Union européenne invoquées par Punch Powertrain NV au soutien de la présente action, pour défaut d'usage sérieux, pour l'ensemble des classes visées par leur enregistrement ; - TRANSMETTRE aux Offices compétents la décision rendue aux fins d'inscription de la déchéance au registre de la marque verbale internationale dénommée "Punch" no1170596 désignant l'Union européenne et de la marque verbale internationale dénommée "Punch Powertrain" no1170595 désignant l'Union européenne ; En tout état de cause, - REJETER les demandes de mesures d'interdiction sous astreinte ; ou à titre subsidiaire, les LIMITER au territoire français, ou à titre encore plus subsidiaire PRONONCER un délai d'exécution d'au moins 24 mois ; - REJETER les demandes de mesures de publication ; - REJETER les demandes de recouvrement des frais et dépens ; - NE PAS ORDONNER l'exécution provisoire de la décision à intervenir en cas de condamnation de la société Punch Powerglide [Localité 1] ; - CONDAMNER la société Punch Powertrain à verser à la société Punch Powerglide [Localité 1] la somme de quarante mille 40.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens. 6. L'instruction a été close le 15 février 2022 et l'affaire plaidée le 13 septembre 2022. MOTIFS DE LA DÉCISION 1o) Sur la demande de déchéance pour défaut d'usage sérieux (qui est préalable) Moyens des parties 7. La société Punch Powerglide [Localité 1] conclut en premier lieu à l'absence de preuve d'un usage sérieux des marques "Punch" et "Punch Powertrain" pour les "logiciels", la vidéo versée aux débats n'identifiant qu'un usage interne et non tourné vers l'extérieur et en particulier à destination du public de l'Union européenne. Elle souligne à cet égard que l'usage des marques est exclusivement tourné vers une clientèle asiatique. La société Punch Powerglide [Localité 1] conclut ensuite à l'absence de preuves d'usage des signes pour les "véhicules" et les "appareils de locomotion par terre, air ou eau", lesquels sont appréhendés distinctement des "parties de véhicules terrestres", contrairement aux affirmations de la société Punch Powertrain. La société défenderesse en déduit que les preuves d'usage pour les seconds ne peut en aucun cas valoir pour les premiers. En ce qui concerne les "parties de véhicules terrestres" et les "transmissions", la société Punch Powerglide [Localité 1] soutient que les preuves d'usage à destination du public européen sont extrêmement faibles voire insignifiantes, la clientèle de la société demanderesse étant presque exclusivement asiatique. De la même manière, la société Punch Powerglide [Localité 1] soutient que les preuves d'usage pour l'ensemble des services visés aux enregistrements sont parfaitement anecdotiques et ne démontrent aucun usage sérieux des marques pour ces services. 8. La société Punch Powertrain conclut pour sa part au rejet de ce moyen. Elle expose faire un usage sérieux de ses marques pour l'ensemble des produits et services qu'elles désignent, sous leur forme verbale mais également sous une forme semi-figurative qui n'en altère pas le caractère distinctif (CJUE, 25 octobre 2012, C-553/11, Rintisch ; CJUE, 18 juillet 2013, C-252/12, Specsaver). Elle relève à cet égard possèder un très important département de recherche et développement lequel emploie 400 personnes en Belgique et 60 ingénieurs en France dans son centre dédié de [Localité 4]. Elle ajoute développer en particulier des logiciels et réaliser des tests. La société Punch Powertrain indique encore justifier de son chiffre d'affaires de plusieurs centaines de millions d'euros par an (pièce no1.7). La société Punch Powertrain soutient que l'usage démontré pour les systèmes de transmission, qui sont des composants de véhicules, s'étend à la catégorie plus large des "véhicules" et démontre selon elle l'usage des marques pour cette catégorie. Il en va selon elle de même pour les services de "réparation" et ceux de "réparation de transmission". La société Punch Powertrain fait également valoir, pour réfuter les arguments de la société Punch Powerglide [Localité 1], que l'usage, fût-il à l'export, constitue un usage sérieux des signes et que l'usage du signe "Punch Powertrain" vaut usage sérieux du signe "Punch" seul ce dernier signe étant réellement distinctif. Appréciation du tribunal 9. Selon l'article 4 "Effets de l'enregistrement international" de l'Arrangement de Madrid concernant l'enregistrement international des marques du 14 avril 1891, modifié le 28 septembre 1979, "1) À partir de l'enregistrement ainsi fait au Bureau international selon les dispositions des articles 3 et 3ter, la protection de la marque dans chacun des pays contractants intéressés sera la même que si cette marque y avait été directement déposée. (...)" 10. Aux termes de l'article 51 du Règlement 207/2009 (applicable à la date d'enregistrement des marques en litige) "1. Le titulaire de la marque de l'Union européenne est déclaré déchu de ses droits, sur demande présentée auprès de l'Office ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon: a) si, pendant une période ininterrompue de cinq ans, la marque n'a pas fait l'objet d'un usage sérieux dans l'Union pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée, et qu'il n'existe pas de justes motifs pour le non-usage; toutefois, nul ne peut faire valoir que le titulaire est déchu de ses droits si, entre l'expiration de cette période et la présentation de la demande ou de la demande reconventionnelle, la marque a fait l'objet d'un commencement ou d'une reprise d'usage sérieux; cependant, le commencement ou la reprise d'usage fait dans un délai de trois mois avant la présentation de la demande ou de la demande reconventionnelle, ce délai commençant à courir au plus tôt à l'expiration de la période ininterrompue de cinq ans de non-usage, n'est pas pris en considération lorsque des préparatifs pour le commencement ou la reprise de l'usage interviennent seulement après que le titulaire a appris que la demande ou la demande reconventionnelle pourrait être présentée;" 11. Une marque fait l'objet d'un usage sérieux lorsqu'elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l'identité d'origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et services, à l'exclusion d'usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque. De plus, la condition relative à l'usage sérieux de la marque exige que celle-ci, telle qu'elle est protégée dans le territoire pertinent, soit utilisée publiquement et vers l'extérieur (arrêt du tribunal du 27 septembre 2007, La Mer Technology/OHMI – Laboratoires Goëmar (LA MER), T-418/03, point 54 ; arrêt du 15 septembre 2011, Centrotherm Systemtechnik GmbH / OHMI, T-434/09, point 25). Bien que la notion d'usage sérieux s'oppose à tout usage minimal et insuffisant pour considérer qu'une marque est réellement et effectivement utilisée sur un marché déterminé, il n'en reste pas moins que l'exigence d'un usage sérieux ne vise ni à évaluer la réussite commerciale, ni à contrôler la stratégie économique d'une entreprise ou encore à réserver la protection des marques à leurs seules exploitations commerciales quantitativement importantes (arrêt du tribunal du 23 février 2006, Il Ponte Finanziaria/OHMI – Marine Enterprise Projects (BAINBRIDGE), T-194/03, Rec. p. II-445, point 32 ; arrêt du 15 septembre 2011, Centrotherm Systemtechnik GmbH / OHMI, T-434/09, point 26). L'usage sérieux d'une marque doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui prouvent une utilisation effective et suffisante de la marque sur le marché concerné (arrêt LA MER, précité, point 59 ; arrêt du 15 septembre 2011, Centrotherm Systemtechnik GmbH / OHMI, T-434/09, point 30). 12. La Cour de justice de l'Union européenne rappelle en outre par sa décision Ferrari SpA du 22 octobre 2020 (C- 720/18 et C- 721/18) que si le titulaire d'une marque a enregistré sa marque pour une large gamme de produits ou de services qu'il pourrait éventuellement commercialiser, mais qu'il ne l'a pas fait pendant une période ininterrompue de cinq ans, son intérêt à bénéficier de la protection de sa marque pour ces produits ou services ne saurait prévaloir sur l'intérêt des concurrents à utiliser un signe identique ou similaire pour lesdits produits ou services, voire de demander l'enregistrement de ce signe en tant que marque (point 39 et par analogie, arrêt du 16 juillet 2020, ACTC/EUIPO, C-714/18 P, point 43). Par cette même décision Ferrari SpA (C-720/18 et C-721/18) la Cour de justice précise que « la finalité et la destination des produits ou des services » en cause constitue le critère essentiel aux fins de la définition d'une sous-catégorie autonome de produits ou de services (point 41 et C-714/18 point 46), ce qui suppose une analyse « concrète » des produits ou des services pour lesquels la preuve de l'usage de la marque est rapportée (point 42 et C-714/18 point 46). Ainsi, « seule importe, à cet égard, la question de savoir si le consommateur désireux d'acquérir un produit ou un service relevant de la catégorie de produits ou de services visée par la marque en cause associera à cette marque l'ensemble des produits ou des services appartenant à cette catégorie » (point 43). 13. La société Punch Powertrain verse aux débats de nombreux éléments qui démontrent qu'elle commercialise, depuis son siège belge à destination d'entreprises situées dans l'ensemble de l'Union européenne, sous le signe "Punch Powertrain", ses propres systèmes de transmission (pièces Punch Powertrain no7.1.24 à 7.1.28), ainsi que, depuis ses centres de recherche et développement situés en Allemagne et en France notamment, les services d'élaboration de systèmes de transmission propres à différents partenaires, en particulier des constructeurs automobiles, dans le cadre de contrats de fourniture de services (pièce Punch Powertrain no7.4.1), pour lesquels elle s'engage à élaborer des logiciels dédiés (voir la page 5 de la pièce Punch Powertrain no7.4.1), ces partenariats pouvant aller jusqu'à la constitution d'une entreprise jointe (pièces Punch Powertrain no7.1.1 à 7.1.4 et 7.1.10 constituées d'articles de presse relatant ces différents partenariats : article de Automotive Megatrends du 2ème trimestre 2017, communqué de presse 7 mai 2018, article de La Montagne 26 novembre 2018, article du 1er juin 2018 du Helt Belang von Limburg, article du New York Times du 26 septembre 2018). Il en résulte que ces pièces démontrent l'usage du signe "Punch Powertrain" pour désigner les "parties de véhicules terrestres; mécanismes de transmission pour véhicules terrestres" en classe 12, les logiciels en classe 9, ainsi que les "services scientifiques et technologiques, les services de recherche et conception s'y rapportant", les services de "recherches et d'analyses industrielles, y compris dans le domaine des transmissions", les services de "conception et développement de matériel informatique et de logiciels", les services de "calibrage, y compris calibrage de logiciels", les services de "contrôle de qualité et d'essai de matériaux", en classe 42. 14. La société Punch Powertrain verse encore aux débats des factures de réparation, sous le signe "Punch Powertrain", de systèmes de transmission émises par le siège de Sint Truiden (Belgique) à l'attention de sociétés belges, allemandes, hollandaises, italienne et espagnole : pour 1.670 euros en 2016, 11.850 euros en 2017, 13.845 euros en 2018, et 4.040 euros en 2019 (pièces 7.1.11 à 7.1.23). Il est rappelé que la protection des marques n'est pas réservée à leurs seules exploitations commerciales quantitativement importantes. Il doit donc être considéré que ces pièces établissent l'usage réel et effectif du signe "Punch Powertrain" pour désigner les services de réparation, y compris services de réparation de transmissions, en classe 37. 15. Les mêmes pièces établissent l'usage du signe "Punch" pour désigner les mêmes produits et services, ce terme, qui plus est placé en première position, étant seul distinctif pour désigner des systèmes de transmission (traduction de powertrain). 16. En revanche, aucune pièce n'établit l'usage des signes "Punch" et "Punch Powertrain" pour désigner les "véhicules" et les "appareils de locomotion par terre, par air ou par eau" en classe 12, ces produits ne pouvant être regardés comme la catégorie plus large à l'intérieur de laquelle celle des transmissions et des parties de véhicules ne constituerait pas une sous-catégorie autonome. Force est en effet de constater que les systèmes de transmission et les véhicules n'ont ni la même finalité ni la même destination et que le public, désireux d'acquérir un système de transmission, sait que les véhicules sont des ensembles complexes composés d'éléments fournis pour partie par des équipementiers distincts du constructeur du véhicule et n'associera pas nécessairement la marque sous laquelle il fait l'acquisition du véhicule à celle de ses différents équipements. 17. Il en résulte que les marques doivent être déclarées déchues pour les "véhicules" et les "appareils de locomotion par terre, par air ou par eau" en classe 12, et ce, à compter du 18 novembre 2014 (la demande reconventionnelle en déchéance ayant été présentée par des conclusions du 18 novembre 2019 : CJUE, 17 Dec 2020, C-607/19, Husqvarna). 2o) Sur la contrefaçon de marques Moyens des parties 18. La société Punch Powertrain soutient que le signe "Punch Powerglide" utilisé par la société défenderesse imite ses marques pour désigner, dans la vie des affaires, des produits identiques ou similaires aux siens, en l'occurrence des boîtes de vitesse, dans des conditions de nature à créer un risque de confusion. Elle ajoute à cet égard que la confusion est au demeurant avérée ici, des articles présentant la société Punch Powerglide comme belge. La société Punch Powertrain ajoute que le fait que M. [M] [E] serait à l'origine de l'usage du signe "Punch" est inopérant et rappelle que les marques Benelux "Punch" et "Punch Powerglide" déposées par ce dernier en 2009 ont été annulées par le tribunal de l'entreprise d'Anvers. La société Punch Powertrain ajoute n'avoir jamais consenti à la défenderesse aucune autorisation tacite d'usage du signe "Punch", tandis que, si elle a fait preuve d'une certaine tolérance, elle est libre de mettre fin à cette tolérance dès lors qu'aucune forclusion n'est acquise (CJUE, 19 septembre 2013, Martin y Paz, C-661/11). 19. La société Punch Powerglide [Localité 1] conclut pour sa part à l'absence de contrefaçon, ayant bénéficié du consentement de la demanderesse pour utiliser ce signe. Elle ajoute que les parties ont coexisté de nombreuses années en faisant l'une et l'autre usage du signe "Punch" ce qui démontre selon elle l'absence totale de risque de confusion, qu'elle attribue notamment au degré d'attention élevé du public pertinent, constitué ici de professionnels de l'automobile, ainsi qu'aux différences importantes, aussi bien visuelle, auditive que conceptuelle, entre les différents signes. La société Punch Powerglide [Localité 1] ajoute que les pièces supposées démontrer la confusion entre les signes sont dénuées de pertinence aucune n'émanant du public pertinent. Appréciation du tribunal 20. Selon l'article 9 "Droit conféré par la marque de l'Union européenne" du règlement 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne (applicable ici aux agissements allégués de contrefaçon vu leur date), "1. L'enregistrement d'une marque de l'Union européenne confère à son titulaire un droit exclusif. 2. Sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité d'une marque de l'Union européenne, le titulaire de cette marque de l'Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe pour des produits ou services lorsque: a) ce signe est identique à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée; b) ce signe est identique ou similaire à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou services identiques ou similaires aux produits ou services pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public; le risque de confusion comprend le risque d'association entre le signe et la marque;" 21. Interprétant les dispositions identiques de l'article 5 § 1 de la première Directive du Conseil du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des États membres sur les marques, la Cour de Justice des Communautés européennes a dit pour doit que, constitue un risque de confusion au sens de ce texte, le risque que le public puisse croire que les produits ou services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d'entreprises liées économiquement (voir arrêt Canon, C-39/97, point 29 ; arrêt Lloyd Schuhfabrik, C-342/97). Selon cette même jurisprudence, l'existence d'un risque de confusion dans l'esprit du public doit être appréciée globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce (voir, arrêt SABEL, C-251/95, point 22), cette appréciation globale impliquant une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte (voir arrêt Canon, point 17). 22. En outre, l'appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l'impression d'ensemble produite par celles-ci, en tenant compte en particulier de leurs éléments distinctifs et dominants. Aux fins de cette appréciation globale, le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée est censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (voir, arrêt Gut Springenheide et Tusky, C-210/96, point 31 ; arrêt Lloyd Schuhfabrik, C-342/97, point 26). 23. Afin d'apprécier le degré de similitude existant entre les marques concernées, la juridiction nationale doit déterminer leur degré de similitude visuelle, auditive et conceptuelle et, le cas échéant, évaluer l'importance qu'il convient d'attacher à ces différents éléments, en tenant compte de la catégorie de produits ou services en cause et des conditions dans lesquelles ils sont commercialisés (voir arrêt Lloyd Schuhfabrik, C-342/97 ). Enfin, pour apprécier la similitude entre des produits ou des services, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre ces produits ou ces services ; ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire (voir arrêt Canon, C-39/97, point 23). 24. En outre, par un arrêt du 19 septembre 2013 (C-661/11, Martin Y Paz Diffusion c/ David Depuydt ea), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que "L'article 5 de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques, telle que modifiée par l'accord sur l'Espace économique européen, du 2 mai 1992, s'oppose à ce qu'un titulaire de marques qui, dans le cadre d'une exploitation partagée avec un tiers, avait consenti à l'usage par ce tiers de signes identiques à ses marques pour certains des produits relevant des classes pour lesquelles ces marques sont enregistrées, et qui n'y consent plus, soit privé de toute possibilité d'opposer le droit exclusif qui lui est conféré par lesdites marques audit tiers et d'exercer lui-même ce droit exclusif pour des produits identiques à ceux du même tiers." 25. En l'occurrence, le signe "Punch Powerglide" utilisé par la société défenderesse désigne des parties de véhicules et en particulier des boîtes de vitesse (pièces Punch Powertrain no3.1 à 3.23). Les produits concernés sont donc similaires et, pour partie, identiques avec les produits désignés aux enregistrements. 26. Le signe "Punch Powerglide" imite les marques "Punch" et "Punch Powertrain". Le signe et les marques ont en commun le signe d'attaque "Punch", la partie initiale des marques verbales pouvant être susceptible de retenir l'attention du consommateur davantage que les parties suivantes (voir par exemple les arrêts du tribunal du 17 mars 2004, El Corte Inglés/OHMI – González Cabello et Iberia Líneas Aéreas de España (Mundicor), aff. T-183/02 et T-184/02, Rec. p. II-965, point 81, du 16 mars 2005, L'Oréal/OHMI – Revlon (Flexi Air), T-112/03, points 64 et 65, du 13 février 2008, Sanofi-Aventis SA,/ OHMI (Urion /Aturion), aff. T146/06, point 49). 27. Le tribunal relève en outre la caractère fortement distinctif du signe "Punch" pour désigner des parties de véhicules ce dont il résulte que l'impression d'ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants (voir par exemple l'arrêt de la CJUE du 28 février 2019, "SO'BiO etic" et "SO? ?", aff. C-505/17 P,Groupe Léa Nature / EUIPO). 28. Les signes sont en outre visuellement et phonétiquement assez fortement similaires. Ils sont conceptuellement fortement similaires le public pertinent comprenant "punch" comme renvoyant, pour tous les signes, au terme anglais "coup de poing". 29. Le public pertinent est en outre constitué ici de professionnels cherchant à équiper des véhicules. Il s'agit d'un public attentif aux différences entre les signes et les produits. 30. Il s'en déduit qu'en raison des ressemblances visuelle, phonétique et conceptuelle entre le signe et les marques, aggravées par la forte distinctivité du signe commun d'attaque, appliqués en outre à des produits et services fortement similaires, le public pertinent, même d'attention élevée, sera amené à effectuer une confusion sur l'origine des produits et services et en particulier à leur attribuer une origine commune. 31. La contrefaçon apparaît donc établie, peu important que la société demanderesse ait toléré cet usage contrefaisant dès lors que cette tolérance a duré moins de cinq années. 3o) Sur les mesures d'interdiction et de réparation 32. Aux termes de l'article 130 "Sanctions" du Règlement 2017/1001 "1. Lorsqu'un tribunal des marques de l'Union européenne constate que le défendeur a contrefait ou menacé de contrefaire une marque de l'Union européenne, il rend, sauf s'il y a des raisons particulières de ne pas agir de la sorte, une ordonnance lui interdisant de poursuivre les actes de contrefaçon ou de menace de contrefaçon. Il prend également, conformément au droit national, les mesures propres à garantir le respect de cette interdiction." En outre, selon l'article L. 717-2 du code de la propriété intellectuelle "Les dispositions des articles L. 716-4-10, L. 716-4-11 et L. 716-8 à L. 716-13 sont applicables aux atteintes portées au droit du titulaire d'une marque de l'Union européenne." L'article L716-4-10 de ce même code prévoit quant à lui que "Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement : 1o Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ; 2o Le préjudice moral causé à cette dernière ; 3o Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon. Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée." 33. Il convient de faire défense à la société défenderesse de faire usage du signe "Punch" dans la vie des affaires au sein de l'Union européenne pour désigner notamment des "parties de véhicules terrestres", selon les modalités précisées au dispositif de la présente décision qui tiennent compte de la relativement longue tolérance de la société Punch Powertrain. 34. La société Punch Powertrain sollicite l'indemnisation de son préjudice matériel par le versement d'une somme forfaitaire. Il convient de faire droit à cette demande à hauteur de 10.000 euros et de lui allouer la même somme en réparation de son préjudice moral, ces sommes tenant compte là encore de la relativement longue tolérance de la société Punch Powertrain. 35. Les mesures précédentes réparant suffisamment le préjudice subi par la société Punch Powertrain, la demande de publication de la présente décision sera rejetée. 36. Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, la société Punch Powerglide [Localité 1] sera condamnée aux dépens, ainsi qu'à payer à la société Punch Powertrain la somme de 50.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, cette somme tenant compte de la durée exceptionnellement longue de la présente procédure. 37. Nécessaire et compatible avec la nature de la présente affaire, à laquelle n'est pas applicable le décret no2019-1333 du 11 décembre 2019, l'exécution provisoire de la décision sera ordonnée, sauf en ce qui concerne la transcription au registre des marques conformément aux dispositions de l'article 128.6 du règlement 2017/1001. PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL, PRONONCE la déchéance de la marque verbale internationale "Punch" no1170596 désignant l'Union européenne et de la marque verbale internationale "Punch Powertrain" no1170595 désignant l'Union européenne, pour défaut d'usage sérieux à compter du 18 novembre 2014 pour les "véhicules" et les "appareils de locomotion par terre, par air ou par eau" en classe 12 ; DIT que la présente décision, une fois passée en force de chose jugée, sera transmise à l'Office européen de la propriété intellectuelle à l'initiative de la partie la plus diligente pour transcription sur le registre des marques ; DIT qu'en commercialisant des boîtes de vitesse sous les signes "punch" et "punch Powerglide" la société Punch Powerglide [Localité 1] commet des actes de contrefaçon des marques internationales visant l'Union Européenne no1170595 et no1170596 ; CONDAMNE la société Punch Powerglide [Localité 1] à payer à la société Punch Powertrain NV la somme de 10.000 € en réparation du préjudice matériel subi du fait de la contrefaçon de ses marques internationales visant l'Union Européenne no1170595 et no1170596 ; CONDAMNE la société Punch Powerglide [Localité 1] à payer à la société Punch Powertrain NV la somme de 10.000 € en réparation du préjudice moral subi du fait de la contrefaçon de ses marques internationales visant l'Union Européenne no1170595 et no1170596 ; FAIT DÉFENSE à la société Punch Powerglide [Localité 1] d'utiliser, dans toute l'Union Européenne, le signe "Punch", de quelque manière que ce soit et à quel titre que ce soit (y compris comme nom commercial), pour l'ensemble des produits et services visés par cette marque, et ce, sous astreinte de 1.000€ par infraction constatée courant à l'expiration d'un délai de 6 mois suivant la signification de la présente décision et pendant 6 mois ; REJETTE la demande de publication de la présente décision ; CONDAMNE la société Punch Powerglide [Localité 1] aux dépens et autorise Maître Emmanuel Larere, avocat, à recouvrer directement ceux dont il aurait fait l'avance sans avoir reçu provision conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ; CONDAMNE la société Punch Powerglide [Localité 1] à payer à la société Punch Powertrain NV la somme de 50.000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile; ORDONNE l'exécution provisoire de la présente décision, sauf en ce qui concerne la transcription au registre des marques. Fait et jugé à Paris le 26 janvier 2023. LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
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JURITEXT000047636340
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AUTRES_DECISIONS
Tribunal judiciaire de Paris, 16 février 2023, 20/13320
2023-02-16
Tribunal judiciaire de Paris
20/13320
CT0196
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TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 3ème chambre 1ère section No RG 20/13320 No Portalis 352J-W-B7E-CTP6G No MINUTE : Assignation du :30 novembre 2020 JUGEMENT rendu le 16 février 2023 DEMANDEURS Monsieur [H] [V] - Intervenant volontaire[Adresse 7][Localité 6] S.A.R.L. ERIA SYSTEMES (ELECTRONIQUE ROBOTIQUE INFORMATIQUE AUTOMATISME SYSTEMES) [Adresse 8][Localité 5] représentés par Me Julie NIDDAM du Cabinet NIDDAM DROUAS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #A0162 & Me Dauphine DE MARION DE GLATIGNY du Cabinet CLAIRE & DAUPHINE, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant & Me Olivier HUBERT, avocat au barreau de LYON, avocat plaidant DÉFENDERESSES S.A.S. SYMBIOKEN[Adresse 4][Localité 2] Madame [Z] [B][Adresse 1][Localité 3] représentées par Me Guillaume HENRY de l'AARPI SZLEPER HENRY AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R0017COMPOSITION DU TRIBUNAL Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointeElodie GUENNEC, Vice-présidenteMalik CHAPUIS, Juge, assistés de Caroline REBOUL, Greffière, DÉBATS A l'audience du 14 novembre 2022 tenue en audience publique devant Malik CHAPUIS, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seul l'audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile.Avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue le 09 février 2023. Le délibéré a été prorogé au 16 février 2023. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffeContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DU LITIGE : 1. La société Electronique Robotique Informatique Automatisme (ERIA) Systèmes, immatriculée au RCS d'Agen le 18 août 1997, a pour activité l'ingénierie industrielle en particulier en matière de mécanique, mécatronique, robotique et informatique. M. [H] [V] exerce en qualité de directeur technique salarié de la société Eria Systèmes. 2. La société Symbioken, immatriculée au RCS de Toulouse le 22 septembre 2011, a quant à elle pour activité déclarée, la création, la production, et la commercialisation de produits tissulaires réparateurs. Cette société est dirigée par Mme [Z] [B], docteur en biologie cellulaire et moléculaire. 3. Les sociétés Eria Systèmes et Symbioken ont, à partir de 2013, collaboré aux fins de développer une machine de centrifugation et d'agitation. Par un contrat du 12 novembre 2014, elles ont convenu de la cession, par la société Eria Systèmes, de l'intégralité de ses droits de propriété intellectuelle portant sur la "machine réalisant les fonctions d'agitation et de centrifugation" pour les applications en relation avec le procédé biomédical de la société Symbioken, en contrepartie de l'engagement de cette dernière de commander la réalisation d'un exemplaire prototype de cette machine "mettant en évidence l'objet de la cession de droits", et de lui "soumettre" la réalisation de la production en série de cette machine pendant les 3 premières années. 4. Le premier prototype a été livré selon bon de commande du 9 juin 2015 moyennant le paiement de la somme de 72.400 euros HT. 5. Le 15 septembre 2016, la société Symbioken a déposé une demande de brevet français no1 658 658 ayant pour titre "Dispositif de centrifugation et d'agitation" et mentionnant comme inventeurs Mme [B] et M. [V]. Ce brevet a été délivré le 31 août 2018 sous le no FR 3 055 816. La société Symbioken avait également procédé le 15 septembre 2017 au dépôt d'une demande internationale noWO2018/051034 A1 et d'une demande européenne noEP 3 512 622, revendiquant toutes la priorité de la demande française précitée. La mention de la délivrance du brevet EP 3 512 622 a été publiée le 24 juin 2020. Ce brevet s'est donc substitué au brevet FR 3 055 816 le 24 mars 2021 conformément aux dispositions de l'article L. 614-13 du code de la propriété intellectuelle. 6. Un second prototype de la machine a été commandé par la société Symbioken en novembre 2017, livré le 6 juin 2018, et réglé au prix de 28.840 euros. Puis, par une lettre du 9 juillet 2019, la société Symbioken a demandé à la société Eria Systèmes de lui soumettre un devis pour la réalisation en pré-série de la machine aux fins d'une production en série prévue en 2022. 7. Par une lettre du 15 juillet 2020, la société Eria Systèmes a soumis à la société Symbioken un devis pour la production en pré-série puis en série de la machine à agitation et centrigugation, comportant une étape intermédiaire de réalisation d'un 3ème prototype, et la mettant en demeure d'exécuter les engagements prévus au contrat du 12 novembre 2014 ou, à défaut, de lui transférer la propriété des brevets litigieux. 8. La société Symbioken n'ayant pas donné de suite favorable à cette demande, la société Eria Systèmes a, par actes d'huissier des 30 novembre et 1er décembre 2020, fait assigner la société Symbioken et Mme [Z] [B] devant le tribunal judiciaire de Paris en revendication des demandes de brevets no FR 3 055 816, noWO2018/051034 et noEP 3 512 622. M. [V] est intervenu volontairement à l'instance par des conclusions du 11 mai 2021. 9. Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 1er avril 2022, la société Eria Systèmes et M. [V] demandent au tribunal de : 1. DECLARER que M. [V] est recevable et bien fondé en ses demandes ; 2. DIRE que Mme [B] n'est pas l'inventeur de l'invention objet du brevet français no 3 055 816, de la demande de brevet PCT no WO2018051034 et du brevet européen no 3 512 622 ; 3. DECLARER que la société Eria Systèmes est recevable et bien fondée en ses demandes ; 4. DIRE que la société Symbioken a déposé le brevet français no 3 055 816, la demande de brevet PCT no WO2018051034 et le brevet européen no 3 512 622 en violation d'une obligation conventionnelle, au détriment de la société Eria Systèmes ; 5. DIRE que la société Symbioken a violé son obligation de confidentialité relative aux informations confidentielles portant sur l'invention mise en oeuvre dans la machine de centrifugation et d'agitation ; 6. DIRE que la demande reconventionnelle de la société Symbioken pour prétendue mauvaise exécution par la société Eria du Contrat-cadre du 8 novembre 2017 est infondée; En conséquence : 1. PRONONCER l'annulation de la désignation de Mme [B] en tant qu'inventeur du brevet français no 3 055 816 et de tous titres étrangers revendiquant la priorité du brevet français no 3 055 816, en particulier la demande de brevet PCT no WO2018051034 et le brevet européen no3 512 622 (issu de la demande de brevet PCT no WO2018051034) ; 2. PRONONCER le transfert de la propriété du brevet français no 3 055 816 et de tous titres étrangers revendiquant la priorité du brevet français no 3 055 816, en particulier la demande de brevet PCT no WO2018051034 et le brevet européen no 3 512 622 (issu de la demande de brevet PCT no WO2018051034), au profit de la société Eria Systèmes; 3. ORDONNER l'inscription du jugement à intervenir au Registre National des Brevets de l'Institut National de la Propriété Industrielle, à la requête de la société Eria et aux seuls frais de la société Symbioken ; 4. CONDAMNER la société Symbioken, sous astreinte non comminatoire de 1.000 € par jour de retard et par formalité non effectuée dès la signification du jugement à intervenir, à faire procéder, à ses seuls frais, aux formalités administratives nécessaires au : a. retrait, sur les brevets et demande de brevet précités, ainsi que sur les registres des offices concernés, des nom et prénom de Mme [B] en qualité de co-inventeur, en déposant notamment toute requête à cette fin auprès de chacun desdits offices ; b. transfert de la propriété de tous titres étrangers revendiquant la priorité de la demande de brevet français no FR 16 58658, en particulier aux inscriptions en vue du transfert de propriété, au profit de la société Eria, de la demande de brevet PCT no WO2018051034 et du brevet européen no3 512 622 ou, le cas échéant, des désignations nationales de ce brevet européen, dans les différents registres tenus par les offices concernés ; 5. CONDAMNER Mme [B], sous astreinte non comminatoire de 1.000 € par jour de retard et par brevet dès la signification du jugement à intervenir, à apporter son concours et à procéder à toutes formalités nécessaires au retrait sur le brevet français no 3 055 816 et sur tous titres étrangers revendiquant la priorité de la demande de brevet français no FR 16 58658 correspondante, en particulier la demande de brevet PCT no WO2018051034 et le brevet européen no 3 512 622 ou, le cas échéant, les désignations nationales de ce brevet européen, de ses nom et prénom en qualité de co-inventeur ; 6. INTERDIRE à la société Symbioken, sous astreinte non comminatoire de 5.000 € par machine dès la signification du jugement, d'exploiter, de produire, de faire produire et/ou de mettre à disposition et/ou d'offrir à la vente et/ou de commercialiser toutes machines mettant en oeuvre l'invention protégée par les brevets litigieux, y compris les deux prototypes vendus par la société Eria ; 7. CONDAMNER la société Symbioken à payer à la société Eria la somme de 150.000 € au titre des préjudices moral et économique et de la perte de chance causés par le dépôt frauduleux desdits brevets et à conserver à sa charge les taxes officielles et les frais de conseil en brevets dédiés auxdits brevets et qu'elle a engagés ; 8. CONDAMNER la société Symbioken à restituer à la société Eria les fruits qu'elle a perçus du fait de l'exploitation desdits brevets et à lui payer dès à présent la somme provisionnelle de 50.000 € ; 9. CONDAMNER la société Symbioken, sous astreinte non comminatoire de 1.000 € par jour de retard dès la signification du jugement à intervenir, à communiquer une attestation de son commissaire aux comptes relative à l'exploitation des brevets précités, en valeur et en volume ; 10. CONDAMNER la société Symbioken à payer à la société Eria la somme de 50.000 € au titre du préjudice causé par la violation de son obligation de confidentialité; 11. CONDAMNER in solidum [Z] [B] et la société Symbioken à payer à [H] [V] la somme de 20.000 € à titre de dommages et intérêts au titre de son préjudice moral ; 12. ORDONNER la publication par extraits du jugement à intervenir dans cinq journaux ou revues professionnels, français ou étrangers, au choix de la société Eria et aux frais de la société Symbioken, à concurrence de 5.000 € HT par publication ; 13. CONDAMNER la société Symbioken, sous astreinte non comminatoire de 1.000 € par jour de retard dès la signification du jugement à intervenir, à publier le dispositif du jugement à intervenir sur la page d'accueil du site Internet http ://symbioken.com/index-fr.html, dans les quinze jours suivant le prononcé du jugement et pendant une durée d'un mois ; 14. SE RÉSERVER la liquidation des astreintes ordonnées conformément aux dispositions de l'article L. 131-3 du code des procédures civiles d'exécution ; 15. DEBOUTER la société Symbioken et [Z] [B] de toutes leurs demandes; En toute hypothèse : 1. CONDAMNER la société Symbioken et [Z] [B] in solidum à payer à la société Eria la somme de 80.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; 2. CONDAMNER la société Symbioken et [Z] [B] in solidum aux entiers dépens et dire qu'ils seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile. 10. Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées électroniquement le 4 avril 2022, la société Symbioken et Mme [B] demandent quant à elles au tribunal de : 1. Sur les demandes de M. [V] et de la société Eria 1. Sur la désignation de Mme [B] comme co-inventeur - Dire que la demande de M. [V] en annulation de la désignation de Mme [B] en tant que co-inventeur du brevet français no 3 055 816, de la demande de brevet PCT no WO2018051034 et du brevet européen no 3 512 622, est irrecevable et mal fondée ; En conséquence, - Débouter M. [V] de toutes ses demandes ; 2. Sur la demande en revendication des brevets A titre principal, - Dire que le contrat du 12 novembre 2014 était un contrat de cession de droits de propriété intellectuelle et qu'il ne stipulait pas d'obligation contractuelle, pour la société Symbioken, d'acheter 2000 machines de série ; - Dire que la société Symbioken a parfaitement exécuté ses obligations du contrat du 12 novembre 2014 ; - Dire que si le contrat du 12 novembre 2014 devait être interprété comme portant obligation pour la société Symbioken d'acheter 2000 machines de série, prononcer la nullité de cette clause pour indétermination du prix et de l'objet ; En conséquence, - Débouter la société Eria de sa demande en revendication du brevet français no 3 055 816, de la demande de brevet PCT no WO2018051034 et du brevet européen no 3 512 622 et de tout autre brevet de la même famille ; A titre subsidiaire, si le tribunal devait faire droit à l'action en revendication de la société Eria, - Dire que la société Eria devra rembourser à la société Symbioken, sur présentation de justificatif, les taxes payées aux offices ainsi que les factures de conseil en brevets exclusivement dédiées aux brevets transférés et la condamner d'ores et déjà à lui verser 30.000 €, sauf à parfaire et compléter ; - Dire que la société Symbioken pourra continuer à exploiter les prototypes 1 et 2 commandés et intégralement payés à la société Eria ; Sur la demande en violation d'une obligation de confidentialité - Dire que la demande de la société Eria en violation d'une obligation de confidentialité découlant de l'accord de confidentialité du 14 janvier 2014 est mal fondée ; En conséquence, - Débouter la société Eria de toutes ses demandes ; 2. Sur la demande reconventionnelle de la société Symbioken - Dire que la société Eria a manqué à plusieurs de ses obligations contractuelles découlant du contrat de fourniture du 8 novembre 2017 en raison du retard de livraison, du défaut de conformité, de la documentation manquante et de son absence de bonne foi dans l'exécution du contrat du 12 novembre 2014 ; En conséquence, - Condamner la société Eria à payer à la société Symbioken la somme de 134.608 € de dommages et intérêts, celle de 34.608 € au titre du retard dans la livraison en application de l'article 14.3 du contrat du 8 novembre 2017, 50.000 € au titre de la documentation manquante et 50.000 € au titre du défaut de conformité et l'absence d'exécution de bonne foi du contrat ; 3. En toute hypothèse - Débouter M. [V] et la société Eria toutes leurs demandes ; - Condamner M. [V] et la société Eria in solidum à payer à la société Symbioken la somme de 40.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; - Condamner M. [V] et la société Eria in solidum aux entiers dépens qui pourront être recouvrés directement par Me Guillaume Henry, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. 11. L'instruction a été close par une ordonnance du 5 avril 2022 et l'affaire plaidée à l'audience du 14 novembre 2022. MOTIFS DE LA DÉCISION 1o) Présentation des brevets 12. Le paragraphe [0001] de la partie descriptive du brevet EP 3 512 622 précise que l'invention vise le domaine de la préparation et la manipulation d'échantillons biologiques. Plus particulièrement, elle concerne un dispositif de centrifugation et d'agitation d'échantillons ainsi que son utilisation pour centrifuger et/ou agiter des échantillons biologiques. (Paragraphes [0002] et [0003]). 13. Selon le paragraphe [0010], l'invention vise à remédier aux différents inconvénients de l'art antérieur liés à la manipulation d'échantillons nécessitant centrifugation et agitation, notamment les risques de contamination et de perte de temps, mais aussi les risques d'endommager le dispositif réalisant la centrifugation et l'agitation ou les risques de blessure pour le manipulateur utilisant le dispositif. 14. À cet effet, l'invention vise un dispositif configuré pour adopter, dans un seul et même appareil et sans manipulation manuelle par un utilisateur, une conformation centrifugation et une conformation agitation. L'appareil comporte ainsi un même arbre d'entraînement destiné à produire les mouvements de centrifugation et d'agitation des échantillons au moyen d' un bras de mise en rotation (ou agitation) d'échantillons autour d'un axe Y-Y, ledit bras étant fixe en rotation selon l'axe Y-Y par rapport à l'arbre d'entraînement et étant étendu longitudinalement selon un axe radial X-X de la rotation selon l'axe Y-Y, et, un support d'échantillons qui, en conformation centrifugation, est libre d'effectuer une rotation selon un axe de rotation Z-Z, orthogonal à l'axe Y-Y et à l'axe X-X, et qui, en conformation agitation, est positionné selon un axe parallèle à l'axe Z-Z. Le dispositif comporte également des moyens de passage d'une conformation à l'autre, par rotation de l' arbre d'entrainement (Description, paragraphes [0011] à [0014]. 15. Le fascicule de brevet comporte également les figures 1 et 2 reproduites ci-dessous, la figure 1 montrant le dispositif en conformation centrifugation, ainsi que les axes XX, YY et ZZ. La figure 2 représente l'appareil en conformation agitation des échantillons biologiques. 16. Aux fins de l'invention, le brevet se compose des 13 revendications suivantes : 1. Dispositif (20) de centrifugation et d'agitation d'échantillons configuré pour adopter une conformation centrifugation et une conformation agitation, comportant : - un même arbre d'entraînement (21) destiné à produire le mouvement de centrifugation ou d'agitation des échantillons selon un axe de ro tation Y-Y, - au moins un ensemble de centrifugation et d'agitation comprenant : + un bras (23) de mise en rotation ou agitation d'échantillons autour de l'axe Y-Y, ledit bras étant fixe en rotation selon l'axe Y-Ypar rapport à l'arbre d'entraînement (21) et étant étendu longitudinalement selon un axe radial X-X de la rotation selon l'axe Y Y, et, + un support (24) d'échantillons qui, en con formation centrifugation, est libre d'effectuer une rotation selon un axe de rotation Z-Z orthogonal à l'axe Y-Y et à l'axe X-X, et qui, en conformation agitation, est positionné selon un axe parallèle à l'axe Z-Z, caractérisé en ce que l'ensemble comporte une pièce de liaison (26), étant solidaire du bras (23) de mise en rotation ou agitation par une première liaison pivot (27) selon un axe de rotation Y'-Y' parallèle à l'axe Y-Y, et étant solidaire du support (24) d'échan tillons par au moins une deuxième liaison pivot (28) selon un axe de rotation R-R orthogonal à l'axe Y-Y, et en ce que le dispositif (20) comporte des moyens de passage d'une conformation à l'autre par rotation dudit arbre d'entraînement (21) selon l'axe Y-Y, les dits moyens de passage comprenant des moyens de rendre le bras (23) de mise en rotation ou agitation libre en rotation selon l'axe Y-Y par rapport à l'arbre d'entraînement (21) de façon réversible, et des moyens d'articulation du support (24) d'échantillons reliés à l'arbre d'entraînement (21) destinés à trans former la rotation de l'arbre d'entraînement (21) en rotations du support (24) d'échantillons selon l'axe Y'-Y' et selon l'axe R-R. 2. Dispositif (20) selon la revendication 1, comportant au moins deux ensembles de centrifugation et d'agitation. 3. Dispositif (20) selon l'une quelconque des revendications 1 et 2, dans lequel les moyens de rendre le bras (23) de mise en rotation ou agitation libre en rotation selon l'axe Y-Y par rapport à l'arbre d'en traînement (21) de façon réversible, comprennent un couronne d'entraînement (40) autour d'au moins une partie de l'arbre d'entraînement (21), ladite cou ronne d'entraînement (40) étant fixement solidaire du bras (23) de mise en rotation ou agitation et étant également fixement solidaire de l'arbre d'entraîne ment (21) en conformation agitation et en conformation centrifugation, mais n'étant pas fixement soli daire de l'arbre d'entraînement (21) lors du passage d'une conformation à l'autre. 4. Dispositif (20) selon la revendication 3, dans lequel les moyens de rendre le bras de mise en rotation ou agitation libre en rotation selon l'axe Y-Y par rapport à l'arbre d'entraînement (21) de façon réversible comprennent un actionneur pilotable (41) adapté à solidariser et désolidariser la couronne d'entraînement (40) par rapport à l'arbre d'entraînement (21) 5. Dispositif (20) selon l'une quelconque des revendications 1 à 4, dans lequel les moyens d'articulation comprennent pour chaque ensemble de centrifugation et d'agitation, une première biellette (32) fixement solidaire de l'arbre d'entraînement (21) et solidaire d'une deuxième biellette (33) par une troisième liaison pivot (34) selon un premier axe de rotation parallèle à l'axe Y-Y, la deuxième biellette (33) étant également solidaire de la pièce de liaison (26) par une quatrième liaison pivot(35) selon un deuxième axe de rotation parallèle à l'axe Y-Y, de sorte que lors du passage d'une conformation à l'autre, la rotation de l'arbre d'entraînement (21) selon l'axe Y-Y entraîne une rotation de la pièce de liaison (26) et du support (24) d'échantillons, selon l'axe Y'-Y'. 6. Dispositif (20) selon l'une quelconque des revendications 1 à 4, dans lequel les moyens d'articulation comprennent une seule et même première biellette (32) fixement solidaire de l'arbre d'entraînement (21), et comportent pour chaque ensemble de centrifugation et d'agitation, une deuxième biellette (33) solidaire de la première biellette (32) par une troisiè me liaison pivot (34) selon un premier axe de rotation parallèle à l'axe Y-Y, la deuxième biellette (33) étant également solidaire de la pièce de liaison (26) par une quatrième liaison pivot(35) selon un deuxième axe de rotation parallèle à l'axe Y-Y, de sorte que lors du passage d'une conformation à l'autre, la rotation de l'arbre d'entraînement (21) selon l'axe Y-Y entraine une rotation de la pièce de liaison (26) et du support (24) d'échantillons, selon l'axe Y'-Y'. 7. Dispositif (20) selon l'une quelconque des revendications 1 à 6, dans lequel les moyens d'articulation comprennent pour chaque ensemble de centrifugation et d'agitation, un premier profil (36) sur le bras (23) de mise en rotation ou agitation et un second profil (37) sur le support (24) d'échantillons, les deux profils (36, 37) étant destinés à coopérer ensemble par glissement ou roulement l'un contre l'autre pour générer une rotation du support (24) d'échantillons selon l'axe R-R, lors de la rotation du support (24) d'échantillons selon l'axe Y'-Y'. 8. Dispositif (20) selon l'une quelconque des revendications 1 à 7, dans lequel les rotations du support (24) d'échantillons selon l'axe R-R et selon l'axe Y'- Y', sont d'un angle de 90 degrés. 9. Dispositif (20) selon l'une quelconque des revendications 1 à 8, comportant un élément de butée (29) fixement solidaire du bras (23) de mise en rotation ou agitation et étant destiné à empêcher la rotation du support (24) d'échantillons selon l'axe R-R, lors que le dispositif (20) est en conformation agitation. 10. Dispositif (20) selon l'une quelconque des revendications 1 à 9, comportant un module de commande dudit dispositif. 11. Dispositif (20) selon l'une quelconque des revendications 1 à 10, comportant un module d'identification d'au moins un élément externe audit dispositif. 12. Utilisation du dispositif (20) selon l'une quelconque des revendications 1 à 10, pour centrifuger et/ou agiter des échantillons biologiques. 13. Utilisation selon l'une quelconque des revendications 1 à 10, pour la culture de micro-organismes sous agitation. 2o) Sur la demande de retrait de la mention de Mme [B] en qualité de co-inventeur Moyens des parties 17. La société Eria Systèmes et M. [V] soutiennent que ce dernier est l'unique inventeur des brevets en cause et que c'est de manière, selon eux, totalement indue, que Mme [B] a été mentionnée comme inventeur de ce brevet. Les demandeurs soutiennent d'abord que cette demande est parfaitement recevable, l'intérêt de M. [V] à formuler cette demande résidant dans les conséquences vis à vis de son employeur de la mention de deux inventeurs en ce qui concerne son droit à rémunération supplémentaire, outre un intérêt moral. La société Eria Systèmes et M. [V] font ensuite valoir que M. [V] est l'unique inventeur du dispositif breveté, dont les caractéristiques techniques élaborées par ce dernier et transmises à la société Symbioken et à son conseil en propriété industrielle, se retrouvent entièrement dans le brevet. Ils rappellent que le brevet relève de la catégorie des techniques industrielles selon la classification internationale des brevets, tandis que Mme [B] est docteur en biologie cellulaire et moléculaire. Ils ajoutent que Mme [B] ne devrait pas être mentionnée en tant que premier inventeur de ce brevet. 18. La société Symbioken et Mme [B] concluent à l'irrecevabilité et, subsidiairement, au mal fondé de cette demande. Elles soutiennent d'abord que M. [V], qui est mentionné sur le brevet, de sorte que son "droit moral" est respecté, est irrecevable à solliciter le retrait d'un co-inventeur. Elles ajoutent que, non seulement cette demande est dépourvue de toute base légale, mais encore que les demandeurs ne démontrent aucunement l'absence de contribution de Mme [B] à l'invention dont elles rappellent qu'elle concerne les centrifugeuses permettant de réaliser les analyses de prélèvements effectués sur des individus ; qu'elle a fourni à M. [V] les documents de l'art antérieur et exposé le fonctionnement attendu de la centrifugeuse. Les défenderesses ajoutent que Mme [B] est seule à l'origine des revendications 10 à 13 du brevet. Appréciation du tribunal 19. L'article L. 611-9 du code de la propriété intellectuelle prévoit que "l'inventeur, salarié ou non, est mentionné comme tel dans le brevet ; il peut également s'opposer à cette mention." 20. Les articles R. 611-16 et R. 611-17 de ce même code précisent que "l'inventeur désigné est mentionné comme tel dans les publications de la demande de brevet et dans les fascicules du brevet. S'il ne peut être ainsi procédé, il est mentionné dans les exemplaires des publications de la demande de brevet ou des fascicules du brevet non encore diffusés. Cette mention est faite à la requête du demandeur ou du titulaire du brevet. Les dispositions de l'alinéa précédent sont applicables lorsqu'un tiers produit à l'Institut national de la propriété industrielle une décision passée en force de chose jugée reconnaissant son droit à être désigné. Dans le cadre prévu à la deuxième phrase de cet alinéa, le tiers peut également demander à être mentionné dans les exemplaires des publications de la demande de brevet ou des fascicules du brevet non encore diffusés. Les dispositions du premier alinéa ne sont pas applicables lorsque l'inventeur désigné par le demandeur ou le titulaire du brevet renonce à sa désignation dans un écrit adressé à l'Institut national de la propriété industrielle. La désignation de l'inventeur ne peut être rectifiée que sur requête accompagnée du consentement de la personne désignée à tort, et, si la requête n'est pas présentée par le demandeur ou le titulaire du brevet, du consentement de l'un ou de l'autre. Les dispositions de l'article R. 612-10 sont applicables. Si une désignation erronée de l'inventeur a été inscrite au Registre national des brevets ou publiée au Bulletin officiel de la propriété industrielle, cette inscription ou publication est rectifiée. La mention de la désignation erronée de l'inventeur est rectifiée dans les exemplaires des publications de la demande de brevet ou des fascicules du brevet non encore diffusés. Les dispositions de l'alinéa précédent sont applicables en cas d'annulation judiciaire de la désignation de l'inventeur." 21. Ces dispositions, qui consacrent un droit moral de l'inventeur, n'apparaissent pas limitées à la substitution d'inventeurs, contrairement à ce que suggèrent la société Symbioken et Mme [B], de sorte que la demande de la société Eria Systèmes et M. [V] est déclarée recevable. 22. En revanche, au regard de son domaine technique (la préparation et la manipulation d'échantillons biologiques) et du problème objectif que l'invention propose de résoudre, à savoir réduire les risques de contamination au moment de la manipulation de ces échantillons biologiques entre les opérations de centrifugation et d'agitation, il apparaît que Mme [B] figure à juste titre en qualité de co-inventeur du brevet. En effet, Mme [B] est titulaire d'un doctorat en biologie cellulaire et moléculaire, tandis que les demanderesses ne démontrent pas, ni d'ailleurs n'allèguent, que M. [V] avait une expérience dans le domaine de la séparation des mélanges biologiques liquides (qui correspond à la classification internationale B04B5/04 à laquelle appartiennent les brevets). Il en résulte que la demande de suppression du nom de Mme [B] en qualité de co-inventeur des brevets en litige n'est pas fondée. Elle est rejetée. 23. La demande d'inversion des noms des inventeurs, qui n'apparaît au demeurant pas formulée dans le dispositif des conclusions de la société Eria Systèmes et de M. [V] (article 768 alinéa 2 du code de procédure civile), n'est pas prévue par les articles R. 611-16 et R. 611-17 du code de la propriété intellectuelle. Cette demande est donc rejetée.3o) Sur la demande en revendication de brevets Moyens des parties 24. La société Eria Systèmes soutient en premier lieu que les brevets objets du présent litige ont été déposés en violation de l'obligation prévue au contrat de cession de droits du 12 novembre 2014. Elle fait à cet égard valoir que l'article 4 de ce contrat s'analyse en une condition suspensive ; qu'il prévoyait, à la charge de la société Symbioken, outre l'engagement de commander un premier prototype, celui d'en commander un deuxième, le cas échéant un troisième, et, l'engagement de lui "soumettre" la production en pré-série puis en série de l'appareil de centrifugation / agitation. Sur ce dernier point, la société Eria Systèmes fait valoir que la société Symbioken n'a pas exécuté de bonne foi son engagement, refusant de lui confier la réalisation d'un troisième prototype, pourtant indispensable selon elle ici, au vu des modifications sollicitées au moment de l'élaboration du deuxième prototype. En refusant cette étape de réalisation d'un troisième prototype, la société Symbioken l'a, selon la société demanderesse, purement et simplement évincée, la plaçant dans l'impossibilité de réaliser les appareils en pré-série puis en série. La société Eria Systèmes indique enfin que la comparaison opérée quant aux prix des appareils est dénuée de pertinence, la société Symbioken comparant à dessein ici des coûts de main d'oeuvre avec des prix comprenant la main d'oeuvre et le coût des matières premières. En ce qui concerne la norme Iso 13485, la société Eria Systèmes rappelle que ce point n'était nullement prévu au contrat, de sorte que cet argument est, comme le précédent, dénué de pertinence. 25. La société Eria Systèmes invoque encore la violation par la société Symbioken de l'obligation de confidentialité prévue à l'engagement de confidentialité du 14 janvier 2014 concernant toutes les informations transmises au cours de leurs relations contractuelles. Elle soutient à cet égard qu'en déposant la demande de brevet en litige, la société Symbioken a violé son obligation de confidentialité. 26. La société Symbioken conclut quant à elle au rejet de l'action en revendication de brevets de la société Eria Systèmes. Elle soutient que le contrat du 12 novembre 2014 n'a en aucun cas la portée que lui donne aujourd'hui la société Eria Systèmes. Elle rappelle que l'unique objet de ce contrat était la cession des droits de propriété intellectuelle sur la machine à centriguger et agiter, et en aucun cas une sorte de contrat cadre de leurs relations contractuelles futures. Elle en veut pour preuve la collaboration de la société Eria Systèmes et de M. [V] à la procédure de dépôt du brevet dès la finalisation du premier prototype, ce qui démontre parfaitement selon elle que, dans l'esprit de ces derniers également, la seule contrepartie à la cession de droits de propriété intellectuelle était la commande et le paiement d'un prototype. La société Symbioken fait encore valoir que la lettre même de l'accord de 2014, et en particulier son article 4, démontrent que la seule obligation ferme en contrepartie de la cession de droits était la commande d'un prototype, tandis que s'agissant de la production en pré-série puis en série, la société Symbioken s'est engagée à "soumettre" à la société Eria Systèmes la réalisation de cette production en pré-série puis en série. Elle souligne que le verbe soumettre est ici synonyme de "proposer". Elle ajoute que, si la volonté des parties avait été celle d'un engagement ferme, cet alinéa de l'article 4 aurait été rédigé comme le premier "la société Symbioken s'engage à commander". Enfin, la société Symbioken fait valoir que la commande ferme de 2000 appareils en 2014 n'aurait eu aucun sens alors qu'aucun prototype n'existait et que son coût n'était pas connu. La société Symbioken conclut en indiquant qu'elle a exécuté de bonne foi le contrat du 12 novembre 2014, en confiant à la société Eria Systèmes la réalisation d'un second prototype, puis en lui soumettant dès le 9 juillet 2019 la production en série des appareils, demande à laquelle la société Eria Systèmes ne répondra que le 15 juillet 2020 en lui adressant un devis estimatif qui comprenait la réalisation d'un 3ème prototype outre des essais pour un prix de 60.565 € et la réalisation des appareils en série pour un prix de 38.000 euros supérieur au coût du second prototype, en totale contrariété avec la fourchette prévue au contrat du 12 novembre 2014 (3.500 / 4.200 €). La société Symbioken indique encore que la société Eria Systèmes n'étant pas certifiée Iso 13485, de sorte que les machines n'auraient pas pu être agréées. La société Symbioken en déduit que leurs relations contractuelles se trouvaient ainsi dans une impasse du seul fait de la société Eria Systèmes. 27. Sur la violation d'un obligation de confidentialité, la société Symbioken rappelle que le contrat du 12 novembre 2014 ne contient aucune clause de confidentialité laquelle aurait au demeurant contraire à l'objet même de ce contrat à savoir le dépôt d'un brevet, la protection que confère ce titre supposant sa publicité. Appréciation du tribunal a - Sur la violation d'un obligation contractuelle 28. Selon l'article L. 611-8 du code de la propriété intellectuelle, "si un titre de propriété industrielle a été demandé soit pour une invention soustraite à l'inventeur ou à ses ayants cause, soit en violation d'une obligation légale ou conventionnelle, la personne lésée peut revendiquer la propriété de la demande ou du titre délivré. L'action en revendication se prescrit par cinq ans à compter de la publication de la délivrance du titre de propriété industrielle. Toutefois, en cas de mauvaise foi au moment de la délivrance ou de l'acquisition du titre, le délai de prescription est de cinq ans à compter de l'expiration du titre." 29. L'article 4 "conditions financières" du contrat de cession de droits de propriété intellectuelle du 12 novembre 2014 est ainsi rédigé : "La société Symbioken s'engage à commander et au règlement intégral de l'étude et la réalisation d'un exemplaire (1) prototype de cette machine (devis No21410BE16 du 03 novembre 2014), mettant en évidence l'objet de la cession des droits. Aucune autre rémunération n'est demandée par la société Eria Systèmes pour la cession des droits visés à l'article 1. En contrepartie, la société Symbioken s'engage à soumettre à la société Eria Systèmes la réalisation de la production en série de cette machine pendant les trois premières années de la commercialisation du kit pour une quantité estimée à 2000 exemplaires. Les prototypes suivants le premier prototype cité plus haut, au nombre estimé de trois (3), sur la base de la validation fonctionnelle du premier prototype, seront cédés à Symbioken à un prix de vente compris entre 4200 et 5500 € H.T. Ce montant exclut toutes fournitures de sources de conception et de fabrication extérieures à Eria Systèmes (pièces de cartérisation, appendices en relation avec le design et aspect extérieur de la machine, etc). Puis Eria Systèmes s'engage à réactualiser et affiner son offre de prix de la machine en tenant compte des variabilités tarifaires des fournitures, des coûts d'assemblage des pièces composant la machine et des quantités annuelles commandées, ceci dans le cadre d'un contrat de fourniture à établir. Comme mentionné ci-dessus, ce prix exclura tous composants issus de conceptions extérieurs à Eria Systèmes." 30. Aux termes de ces dispositions, la cession des droits de propriété intellectuelle était parfaite dès le règlement du prix du premier prototype, la société Eria Systèmes s'étant expressément engagée à ne demander aucune autre rémunération que le paiement du prix de ce prototype (article 4 alinéa 2 du contrat). 31. C'est en contrepartie de cet engagement à ne solliciter aucune autre rémunération au titre de la cession de droits, que les parties ont convenu que la société Eria Systèmes se verrait proposer la fabrication en série de l'appareil objet de la cession de droits. Le verbe "soumettre" employé par cet alinéa du contrat ne peut ici, ainsi que le relève à juste titre la société Symbioken, qu'être synonyme du verbe "proposer" ou "présenter" ; dans le cas contraire, les parties auraient prévu que la société Symbioken s'engage à "se soumettre" à la société Eria Systèmes pour la fabrication en série des appareils objets de la cession de droits, ou encore, comme pour le premier alinéa, que "la société Symbioken s'engage à commander". Tel n'est pas le cas. 32. Force est également de constater que, sur ce point, la société Symbioken a respecté son engagement en soumettant à la société Eria Systèmes, par une demande du 9 juillet 2019, la fabrication en série de l'appareil objet de la cession de droits. La société Eria Systèmes n'y répondra qu'un an plus tard, le 15 juillet 2020, en sollicitant préalablement la réalisation d'un troisième prototype. 33. Il est à cet égard relevé que l'article 4 du contrat du 12 novembre 2014 ne peut être interprété comme soumettant la fabrication en série aux étapes préalables de réalisation de 3 prototypes. Les dispositions de l'article 4 relatives aux prototypes (suivants le premier) figurent en effet après celles relatives à la fabrication en série et ne visent qu'à déterminer le nombre et, surtout, le prix de ces prototypes, sans à aucun moment en faire une étape préalable indispensable à la production en série, contrairement à ce que soutient la société Eria Systèmes. 34. De tout ce qui précède il résulte que, non seulement, la fabrication en série par la société Eria Systèmes ne saurait être regardée comme une condition suspensive de la cession de droits (qui permettrait à la société Eria Systèmes de renoncer à la cession si elle n'obtenait pas la fabrication en série), tandis que la société Symbioken a respecté les engagements pris par elle aux termes de l'article 4 du contrat en réglant le prix du premier prototype et en soumettant (après la réalisation d'un second prototype sans être tenue de lui en confier préalablement la réalisation d'un troisième) à la société Eria Systèmes la fabrication en série des appareils de centrifugation objets de la cession de droits de propriété intellectuelle (de sorte qu'il n'y aurait pas lieu ici de prononcer la résiliation du contrat). 35. Les brevets en litige n'ont donc pas été déposés ici en violation des obligations conventionnelles prévues au contrat du 12 novembre 2014 par la société Symbioken. b - Sur la violation d'un engagement contractuel de confidentialité 36. Le dépôt de brevets était ici expressément prévu par l'article 1 alinéa 2 du contrat du 12 novembre 2014 ("Eria Systèmes laisse en conséquence la société Symbioken déposer brevet en son nom et assumer seule les charges qui en découlent"). Eu égard à la publicité inhérente à tout dépôt de brevet et compte tenu de la date de ce contrat par rapport à l'accord général de confidentialité (du 14 janvier 2014), il apparaît que les parties ont, par l'accord de cession de droits du 12 novembre 2014, entendu déroger à leur accord général de confidentialité pour le dépôt des brevets en litige. 37. Il en résulte l'absence de violation de cet engagement contractuel de confidentialité du 14 janvier 2014. 38. La demande de transfert de la propriété des brevets en litige par la société Eria Systèmes apparaît mal fondée et cette demande, et celles qui en découlent (communication de pièces sous astreinte, mesures d'interdiction d'exploitation de l'invention, paiement de dommages-intérêts, publication de la décision) seront rejetées. 4o) Sur la demande reconventionnelle de la société Symbioken Moyens des parties 39. La société Symbioken sollicite à titre reconventionnel la condamnation de la société Eria Systèmes à lui payer la somme de 34.608 euros en application de l'article 3.2 du contrat du 8 novembre 2017 qui prévoit le paiement de pénalités de retard à la livraison du second prototype commandé. Elle soutient que les moyens soulevés par la société Eria Systèmes pour s'opposer au paiement sont inopérants tandis qu'aucune circonstance ayant le caractère d'un cas de force majeure n'est selon elle ici établie. 40. La société Symbioken sollicite encore la condamnation de la société Eria Systèmes à lui payer la somme de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts réparant le préjudice résultant du retard dans la remise de la documentation (certificat de conformité matière aux fins d'assurer la traçabilité des matières premières utilisées, certification Iso 13485), ainsi qu'une autre somme de 50.000 euros en réparation du préjudice causé par le défaut de conformité du second prototype livré. 41. La société Eria Systèmes conclut au rejet des demandes reconventionnelles de la société Symbioken. Elle fait à cet égard valoir que le retard dans la livraison a été causé par les modifications demandées par cette dernière sur un appareil conforme au devis et fonctionnel. La société Eria Système rappelle que le second prototype a été réglé sans que la société Symbioken n'effectue de retenue sur le prix et que cette demande n'est apparue que tardivement dans la présente procédure. La société Eria Systèmes soutient encore que la société Symbioken ne démontre la preuve d'aucun préjudice. Appréciation du tribunal 42. Selon les articles 1193, 1194 et 1195 du code civil, dans leur rédaction issue de l'ordonnance no2016-131 du 10 février 2016 applicable ici eu égard à la date du contrat, "les contrats ne peuvent être modifiés ou révoqués que du consentement mutuel des parties, ou pour les causes que la loi autorise. Les contrats obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que leur donnent l'équité, l'usage ou la loi. Si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l'exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n'avait pas accepté d'en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. Elle continue à exécuter ses obligations durant la renégociation. En cas de refus ou d'échec de la renégociation, les parties peuvent convenir de la résolution du contrat, à la date et aux conditions qu'elles déterminent, ou demander d'un commun accord au juge de procéder à son adaptation. A défaut d'accord dans un délai raisonnable, le juge peut, à la demande d'une partie, réviser le contrat ou y mettre fin, à la date et aux conditions qu'il fixe." 43. L'article 1231-5 du code civil prévoit quant à lui que "Lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l'exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte ni moindre. Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Lorsque l'engagement a été exécuté en partie, la pénalité convenue peut être diminuée par le juge, même d'office, à proportion de l'intérêt que l'exécution partielle a procuré au créancier, sans préjudice de l'application de l'alinéa précédent. Toute stipulation contraire aux deux alinéas précédents est réputée non écrite. Sauf inexécution définitive, la pénalité n'est encourue que lorsque le débiteur est mis en demeure." 44. Aux termes de l'article 3.2 du contrat de fourniture du 8 novembre 2017, "Au regard de la destination spécifique de la machine et de leur intégration dans un dispositif n'ayant pas de destination médicale, Eria Systèmes s'engage à mettre à la disposition de Symbioken la machine dans les délais imératifs prévus au présent contrat sur la base d'une obligation de résultat. A cet égard il est entendu et accepté qu'Eria Systèmes détermine librement les quantités de matière première dont il aura besoin pour être effectivement en mesure de remettre dans les délais fixés la machine commandée par Symbioken." Selon l'article 5 de ce contrat, "le délai de livraison pour la machine est de 12 semaines à réception de la commande chez Eria Systèmes sauf justification de cas de force majeure pour lesquelles il y aura un décalage d'un mois maximum." Selon l'article 14.3 du contrat enfin, "tout retard de livraison de tout ou partie de la machine commandée par Symbioken dû à un retard de Eria (et non de ses fournisseurs) engendrera des pénalités immédiatement de 1% du prix HT de la machine de la commande par jour de retard." 45. La défenderesse ne conteste pas avoir reçu le bon de commande du 10 novembre 2017 le jour même de son émission. Elle disposait donc d'un délai jusqu'au 2 février 2018 pour remettre l'appareil commandé. Or, il n'est pas contesté que l'appareil n'a été livré que le 6 juin 2018, sans qu'il soit justifié d'aucun cas de force majeure, ni allégué que la pénalité prévue est excessive. La société Eria Systèmes doit donc être condamnée à payer à la société Symbioken la somme de 34.608 € (288,4 x 120 jours) en exécution de la clause 14.3 du contrat du 8 novembre 2017. 46. Il n'est justifié d'aucun autre préjudice par la société Symbioken dont les autres demandes en paiement de dommages-intérêts sont rejetées. 47. Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, la société Eria Systèmes sera condamnée aux dépens, ainsi qu'à payer à la société Symbioken la somme de 25.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. 48. Aucune circonstance n'imposant qu'il en soit décidé autrement, il est rappelé que la présente décision est de plein droit assortie de l'exécution provisoire, conformément aux dispositions de l'article 514 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL, DIT recevable la demande de M. [H] [V] aux fins de retrait de la mention du nom de Mme [Z] [B] en qualité de co-inventeur des brevets no FR 3 055 816, WO2018/051034 et noEP 3 512 622 de la société Symbioken ; REJETTE cette demande ; REJETTE la demande de la société Eria Systèmes aux fins de transfert à son profit de la propriété des brevets français no FR 3 055 816, international noWO2018/051034 et européen noEP 3 512 622; REJETTE toutes les demandes subséquentes de la société Eria Systèmes ; CONDAMNE la société Eria Systèmes à payer à la société Symbioken la somme de 34.608 euros en exécution de la clause 14.3 du contrat du 8 novembre 2017 ; REJETTE les autres demandes de la société Eria Systèmes ; CONDAMNE la société Eria Systèmes aux dépens et autorise Me Guillaume Henry à recouvrer directement ceux dont il aurait fait l'avance sans avoir reçu provision conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ; CONDAMNE la société Eria Systèmes à payer à la société Symbioken la somme de 25.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; RAPPELLE que la présente décision est de plein droit assortie de l'exécution provisoire. Fait et jugé à Paris le16 février 2023. LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
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JURITEXT000047636341
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AUTRES_DECISIONS
Tribunal judiciaire de Paris, 16 mars 2023, 21/07529
2023-03-16
Tribunal judiciaire de Paris
21/07529
CT0196
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TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 3ème chambre 1ère section No RG 21/07529 No Portalis 352J-W-B7F-CURKK No MINUTE : Assignation du :28 mai 2021 JUGEMENT rendu le 16 mars 2023 DEMANDERESSE S.A.R.L. DEUX MILLE TREIZE [Adresse 3][Localité 5] représentée par Me François GAILLARD, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E0898 DÉFENDEURS Monsieur [X] [V][Adresse 2][Localité 8] Monsieur [A] [V][Adresse 1][Localité 8] représentés par Me Pascal WINTER de la SELARL CABINET MONTMARTRE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #J0009 Monsieur [D], [W], [J], [G] [R][Adresse 6][Localité 7] représenté par Me Alexandre BIGOT JOLY de l'AARPI INFLUXIO, AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E2164 COMPOSITION DU TRIBUNAL Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointeElodie GUENNEC, Vice-présidenteMalik CHAPUIS, Juge, assistés de Caroline REBOUL, Greffière, DÉBATS A l'audience du 10 janvier 2023 tenue en audience publique devant Nathalie SABOTIER et Elodie GUENNEC, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seules l'audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile.Avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue le 16 mars 2023. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffeContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DU LITIGE : 1. La société Deux Mille Treize exploite, dans des locaux situés [Adresse 3], un restaurant à l'enseigne "Le Kebab des [Adresse 3]". Les associés de la société Deux Mille Treize sont, depuis le 19 mars 2021, MM. [C] et [S] [V] (fils de M. [I] [V]). 2. La société Deux Mille Treize expose que, le 1er mars 2021, elle a découvert la création par deux de ses salariés, MM. [A] et [X] [V] (également cousins des précédents) en 2020, de la société Kebab des [Adresse 3], pour exploiter un restaurant situé [Adresse 4]. Elle a également découvert que M. [X] [V] avait déposé à l'INPI, le 31 octobre 2018, une marque semi-figurative "Kebab des [Adresse 3] " enrregistrée sous le no 18 4 496 085 pour désigner en classes 30, 32 et 43, notamment, les pains, les boissons sans alcool et les services de restauration; 3. Avait également été déposée à l'INPI, le 2 octobre 2018, par M. [D] [R], en charge du compte Instagram du restaurant exploité par la société Deux Mille Treize, la marque verbale française "Kebab des [Adresse 3]" no4487600 pour désigner en classes 29 et 43, notamment, les viandes et les services de restauration. 4. Aussi, la société Deux Mille Treize a, par une lettre du 8 avril 2021, convoqué MM [A] et [X] [V] à un entretien préalable en vue de leur licenciement pour faute lourde. 5. M. [A] [V] a alors déposé, le 12 avril 2021, la marque semi-figurative française "Kebab des [Adresse 3] Depuis 1991 Meilleur Kebab de [Localité 10]" enregistrée sous le no 21 4 754 372 pour désigner en classes 29, 30, 32 et 43, les viandes, les pains, les boissons sans alool et les services de restauration. 6. La société Deux Mille Treize a également obtenu du tribunal de commerce de Paris, par une ordonnance de référé du 10 mai 2021, qu'il soit enjoint à la société Kebab des [Adresse 3] de changer sa raison sociale et qu'il lui soit interdit d'exploiter le fonds de commerce situé [Adresse 4]. 7. Par des actes d'huissier des 28 mai et 2 juin 2021, la société Deux Mille Treize a fait assigner MM. [R] et [V] devant le tribunal judiciaire de Paris aux fins d'obtenir le transfert des 3 marques "Kebab des [Adresse 3]" à son profit en raison de leur dépôt frauduleux. 8. M. [R] a cédé ses droits sur la marque no4487600 à la société Deux Mille Treize, la cession étant publiée en avril 2021. La société Deux Mille Treize s'est donc désistée de ses demandes à son égard par ses conclusions du 11 mars 2022. 9. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 11 mars 2022, la société Deux Mille Treize demande au tribunal de : - La DIRE recevable et bien fondée en ses demandes ; - DIRE parfait son désistement à l'égard de M. [R] ; - JUGER que l'enregistrement par M. [A] [V] de la marque française "Kebab des [Adresse 3]" no 21 4 754 372 a été effectuée en fraude de ses droits; - ORDONNER le transfert de la marque "Kebab des [Adresse 3]" no 21 4 754 372 frauduleusement déposée, au profit de la société Deux Mille Treize ; - CONDAMNER M. [A] [V] à payer à la société Deux Mille Treize la somme de 10.000 euros au titre du dépôt frauduleux de la marque "Kebab des [Adresse 3]" no 21 4 754 372 ; - JUGER que l'enregistrement par M. [X] [V] de la marque française "Kebab des [Adresse 3] " no 18 4 496 085 a été effectuée en fraude des droits de la société Deux Mille Treize ; - PRONONCER la nullité du dépôt de la marque "Kebab des [Adresse 3]" no 18 4 496 085 frauduleusement déposée ; - CONDAMNER M. [X] [V] à payer à la société Deux Mille Treize la somme de 10.000 euros au titre du dépôt frauduleux de la marque "Kebab des [Adresse 3]" no 18 4 496 085 ; - DIRE que le présent jugement, une fois devenu définitif, sera transmis à l'INPI par la partie la plus diligente pour inscription au Registre national des marques ; - CONDAMNER MM. [A] [V] et [X] [V] à payer chacun à la société Deux Mille Treize la somme de 4.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ; - CONDAMNER solidairement MM. [A] [V] et [X] [V] aux entiers dépens de l'instance, en ce compris les frais d'assignation et les frais éventuels d'exécution. 10. Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 14 avril 2022, MM. [A] [V] et [X] [V] demandent au tribunal de : - Débouter la société Deux Mille Treize de l'ensemble de ses demandes à l'encontre d'[X] [V], le dépôt de la marque française "Kebab des [Adresse 3]" no 18 4 496 085 étant régulier, - Débouter la société Deux Mille Treize de l'ensemble de ses demandes à l'encontre d'[A] [V], le dépôt de la marque française figurative "Kebab des [Adresse 3]" no 21 4 754 372 étant régulier, Subsidiairement concernant la marque française figurative "Kebab des [Adresse 3] " no 21 4 754 372, - Dire que la demande de transfert est irrecevable en l'absence dans la procédure du créateur du logo et du graphisme de ladite marque, M. [F] [N], - Dire les concluants bien fondés en leurs demandes reconventionnelles et en conséquence condamner la société Deux Mille Treize à payer : - la somme de 10.000 € à [X] [V] pour utilisation sans autorisation de la marque no 18 4 496 085, - la somme de 10.000 € à [A] [V] pour utilisation sans autorisation de la marque no 21 4 754 372, - Faire interdiction à la société Deux Mille Treize d'utiliser les marques " Kebab des [Adresse 3] " no 18 4 496 085 et " Kebab des [Adresse 3] " no 21 4 754 372 à compter du prononcé du jugement et ce sous astreinte de 1.000 € par jour de retard, - Juger que le dépôt de la marque no18 4 487 600 par M. [R] est frauduleux et donc dire nuls tous les actes subséquents concernant cette marque, - Condamner solidairement la société Deux Mille Treize et M. [R] à payer à [X] [V] et [A] [V], à chacun, la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, - Ordonner l'exécution provisoire du jugement nonobstant appel et dans caution, - Condamner la société Deux Mille Treize aux entiers dépens. 11. L'instruction a été close par une ordonnance du 19 avril 2022 et plaidée à l'audience du 10 janvier 2023, pour être mise en délibéré par mise à disposition au greffe le 16 mars 2023. MOTIFS DE LA DÉCISION 1o) Sur le désistement à l'égard de M. [R] 12. Selon l'article 395 du code de procédure civile, le désistement n'est parfait que par l'acceptation du défendeur ; toutefois, l'acceptation n'est pas nécessaire si le défendeur n'a présenté aucune défense au fond ou fin de non-recevoir au moment où le demandeur se désiste. 13. Ces dispositions sont constamment interprétées en ce sens que le desistement qui n'a pas besoin d'être accepté produit un effet extinctif immédiat (2e Civ., 22 septembre 2005, pourvoi no 04-13.036, Bull. 2005, II, no 232). 14. Ni M. [R], ni MM. [X] et [A] [V] à l'égard de M. [R], n'avait présenté de défense au fond, non plus qu'une fin de non recevoir au moment où est intervenu le désistement de la société Deux Mille Treize. Il y a donc lieu de déclarer parfait le désistement de la société Deux Mille Treize de ses demandes dirigées contre M. [R] et de dire irrecevables les demandes de MM. [V] dirigées contre M. [R], celles-ci étant postérieures au dessaisissement du tribunal de l'instance engagée contre ce dernier. 2o) Sur la fraude Moyens des parties 15. La société Deux Mille Treize rappelle que M. [X] [V] a procédé au dépôt litigieux alors qu'il était salarié de la société Deux Mille Treize, la marque désignant les produits et services commercialisés par elle, en pleine connaissance de ce qu'elle utilisait le signe "Kebab des [Adresse 3]" et que la notoriété de l'établissement est basée sur son ancienneté, des recettes "de père en fils", que ne peuvent en aucun cas revendiquer MM. [X] et [A] [V], ce que ces derniers savent selon elle parfaitement. 16. MM. [X] et [A] [V] exposent qu'ils étaient les réels animateurs de la société Deux Mille Treize, dont ils ont, par leur travail, développé la notoriété dans les médias et sur les réseaux sociaux. Ils ajoutent que c'est en toute transparence et avec l'accord du reste de la famille qu'ils ont fait l'acquisition du fond voisin de celui de la société Deux Mille Treize, mais qu'ils ont subi une volte face brutale de leur oncle, M. [I] [V], réel propriétaire de la société Deux Mille Treize. Ils précisent également que le restaurant est et a toujours été exploité par la société Deux Mille Treize sous l'enseigne "Bodrum" et non "[Adresse 9]". S'agissant de la marque no 18 4 496 085, les défendeurs font valoir qu'elle a été créée par M. [N], de sorte que tout transfert en est exclu celui-ci n'ayant pas été attrait à la présente procédure. Ils concluent encore à l'absence de fraude, ayant concédé gratuitement l'usage des marques à la société Deux Mille Treize, avant leur licenciement brutal, et n'ayant ensuite, par le dernier dépôt, cherché qu'à préserver leurs droits. Appréciation du tribunal 17. Il est rappelé que la validité du droit attaché à une marque s'apprécie à la date à laquelle est né ce droit selon la loi applicable à cette date (Cass. Com., 13 janvier 2009, pourvois no 07-19.056, 07-19.571). 18. Selon l'article L. 712-6, alinéa 1, du code de la propriété intellectuelle, « Si un enregistrement a été demandé soit en fraude des droits d'un tiers, soit en violation d'une obligation légale ou conventionnelle, la personne qui estime avoir un droit sur la marque peut en revendiquer sa propriété en justice. » 19. Depuis l'entrée en vigeur de l'ordonnance no2019-1169 du 13 novembre 2019, l'article L. 711-2 prévoit que "Ne peuvent être valablement enregistrés et, s'ils sont enregistrés, sont susceptibles d'être déclaré nuls :(...) 11o Une marque dont le dépôt a été effectué de mauvaise foi par le demandeur." Aucune disposition du code de la propriété intellectuelle n'envisageait, avant l'entrée en vigueur de cette disposition le 15 décembre 2019, la fraude autrement que dans le cadre de l'action en revendication. En vertu toutefois de l'adage selon lequel "la fraude corrompt tout", l'enregistrement frauduleux d'une marque pouvait toujours être annulé et il était à cet égard constamment jugé « qu'un dépôt de marque est entaché de fraude lorsqu'il est effectué dans l'intention de priver autrui d'un signe nécessaire à son activité » (Cass. Com., 25 avril 2006, pourvoi no 04-15.641). 20. De même, selon la Cour de Justice de l'Union européenne, aux fins de l'appréciation de l'existence de la mauvaise foi du déposant, il convient de prendre en considération tous les facteurs pertinents propres au cas d'espèce et existant au moment du dépôt de la demande d'enregistrement d'un signe en tant que marque de l'Union européenne et, notamment, premièrement, le fait que le demandeur sait ou doit savoir qu'un tiers utilise un signe identique ou similaire pour un produit ou un service identique ou similaire prêtant à confusion avec le signe dont l'enregistrement est demandé, deuxièmement, l'intention du demandeur d'empêcher ce tiers de continuer à utiliser un tel signe ainsi que, troisièmement, le degré de protection juridique dont jouissent le signe du tiers et le signe dont l'enregistrement est demandé (CJUE, 11 juin 2009, Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli, C-529/07, point 53 ; TUE, 21 avril 2021, Hasbro, Inc., T-663/19, point 35). 21. Il résulte en l'occurrence des pièces produites aux débats, en particulier le procès-verbal de constat dressé le 9 avril 2021 par Me [K], huisier de justice, que la société Deux Mille Treize exploite, sinon l'enseigne, à tout le moins le signe "Kebab des [Adresse 3]", depuis au moins septembre 2018, époque à laquelle M. [X] [V], son salarié a procédé au dépôt, à son nom et pour son compte, de ce signe à titre de marque. En tant que salarié de cette société, et ainsi qu'il l'indique lui-même son principal "animateur", M. [X] [V] avait une parfaite connaissance de l'exploitation de ce signe par son employeur pour désigner les services de vente à emporter de plats à base de viande grillée de type kebab. 22. Ce dépôt visait manifestement à priver son employeur des signes nécessaires à son activité puisque les défendeurs ont créé une société, établie dans des locaux immédiatement voisins de ceux de la société Deux Mille Treize, dans lesquels ils exploitent d'ailleurs (en violation de l'injonction qui leur a été délivrée par le tribunal de commerce) un restaurant proposant des services de vente à emporter de plats à base de viande grillée de type kebab. 23. La fraude apparaît donc établie s'agissant du signe "Kebab des [Adresse 3]" enregistré le 31 octobre 2018, et plus encore s'agissant du signe complexe "Kebab des [Adresse 3] Depuis 1991 Meilleur Kebab de [Localité 10]", vu la date, les circonstances (après la réception de la convocation à l'entretien préalable à son licenciement) et les termes ("depuis 1991" alors que les défendeurs sont nés respectivement en 1987 et 1989) de son dépôt. La défense de MM. [X] et [A] [V] ne peut en effet être suivie sauf à faire abstraction de la personnalité morale distincte de la société Deux Mille Treize. 24. Il y a donc lieu de faire droit à la demande d'annulation de la marque semi-figurative française no184496085 "Kebab des [Adresse 3]", ainsi qu'à la demande de transfert de la marque semi-figurative française no214754372 "Kebab des [Adresse 3] Depuis 1991 Meilleur Kebab de [Localité 10]". 25. La fraude est à l'origine d'un préjudice moral pour la société Deux Mille Treize, résultant de l'atteinte à ses éléments d'identification, lequel sera réparé par le versement de la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts (2.500 euros à la charge de chacun des défendeurs). 26. Le sort des marques commande de rejeter les demandes reconventionnelles de MM. [X] et [A] [V] fondées sur la contrefaçon de ces marques. 27. Parties perdantes au sens de l'article 699 du code de procédure civile, MM. [X] et [A] [V] seront condamnés aux dépens, ainsi qu'à payer à la société Deux Mille Treize la somme de 4.000 euros chacun par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. 28. Aucune circonstance ne justifiant d'y déroger, il sera rappelé que la présente décision est assortie de plein droit de l'exécution provisoire, conformément aux dispositions de l'article 514 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL, DÉCLARE parfait le désistement de la société Deux Mille Treize de ses demandes dirigées contre M. [R] et constate l'extinction partielle de l'instance à son égard dès le 11 mars 2022; DIT par conséquent irrecevables les demandes de MM. [X] et [A] [V] dirigées contre M. [R] ; ORDONNE le transfert de la propriété de l'enregistrement de la marque semi-figurative française "Kebab des [Adresse 3] Depuis 1991 Meilleur Kebab de [Localité 10]" no 21 4 754 372 de M. [A] [V] au profit de la société Deux Mille Treize ; CONDAMNE M. [A] [V] à payer à la société Deux Mille Treize la somme de 2.500 euros à titre de dommages-intérêts réparant le préjudice causé par cette fraude ; DECLARE nul l'enregistrement de la marque "Kebab des [Adresse 3]" no 18 4 496 085 frauduleusement déposée par M. [X] [V] ; CONDAMNE M. [X] [V] à payer à la société Deux Mille Treize la somme de 2.500 euros à titre de dommages-intérêts réparant le préjudice causé par cette fraude ; DIT que le présent jugement, une fois passé en force de chose jugée, sera transmis à l'INPI à l'initiative de la partie la plus diligente pour inscription au Registre national des marques ; REJETTE les demandes reconventionnelles de MM. [A] [V] et [X] [V] ; CONDAMNE in solidum MM. [A] [V] et [X] [V] aux dépens ; CONDAMNE MM. [A] [V] et [X] [V] à payer chacun à la société Deux Mille Treize la somme de 4.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; RAPPELLE que la présente décision est assortie de l'exécution provisoire de plein droit. Fait et jugé à Paris le 16 mars 2023.LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
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AUTRES_DECISIONS
Tribunal judiciaire de Paris, 30 mars 2023, 22/03050
2023-03-30
Tribunal judiciaire de Paris
22/03050
CT0196
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TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 3ème chambre 1ère section No RG 22/03050 No Portalis 352J-W-B7G-CWHNZ No MINUTE : Assignation du :25 février 2022 JUGEMENT rendu le 30 mars 2023 DEMANDERESSE S.A.R.L. IN CONCRETO[Adresse 3][Localité 2] représentée par Me Catherine NGUYEN THANH, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #G0582 DÉFENDERESSE S.A.S.U IN CONCRETO[Adresse 1][Localité 4] Défaillante COMPOSITION DU TRIBUNAL Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointeElodie GUENNEC, Vice-présidenteMalik CHAPUIS, Juge, assistés de Caroline REBOUL, Greffière DEBATS A l'audience du 17 janvier 2023 tenue en audience publique, avis a été donné aux parties que la décision serait rendue le 30 mars 2023. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffeRéputé contradictoireen premier ressort Exposé du litige : 1. La société à responsabilité limitée In Concreto exerce à [Localité 5], depuis 2011, une activité de conseil en propriété industrielle. 2. Elle est titulaire de la marque verbale de l'Union Européenne « IN CONCRETO » déposée le 6 janvier 2011 et enregistrée sous le no 009643511, sous priorité de la marque verbale française no 10/3 752 541 déposée le 8 juillet 2010 ; ces marques sont enregistrées pour désigner en classes 41, 42 et 45 notamment les services de conseils en matière d'éducation ou de formation, consultations juridiques et techniques relatives aux droits de propriété intellectuelle ; services de conseils en propriété industrielle et intellectuelle ; conseils en matière de droit d'auteur, de droit de la consommation, de droit de la distribution et de droit de la concurrence ; services juridiques ; analyse juridique et expertise de portefeuilles de droits de propriété intellectuelle ; services de contentieux ; services d'arbitrage ; conseils juridiques pour la protection des logiciels informatiques. 3. La SARL In Concreto expose avoir découvert en octobre 2021 la création, le 4 août précédent, de la société par actions simplifiée à associé unique (SASU) In Concreto ayant pour activité déclarée le conseil en gestion aux entreprises, qu'elle a mise en demeure, par une lettre recommandée avec accusé de réception du 4 novembre 2021, renouvelée le 24 novembre suivant puis le 14 janvier 2022, de modifier sa dénomination sociale. 4. Ces mises en demeures étant restées infructueuses, la SARL In Concreto a, par acte d'huissier du 25 février 2022, fait assigner la SASU In Concreto devant le tribunal judiciaire de Paris en contrefaçon de marque. 5. Aux termes de son assignation, la SARL In Concreto demande au tribunal au visa des articles L. 713-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle, L. 716-4 et suivants du code de la propriété intellectuelle et 1240 du code civil, de : ? Dire que la société In Concreto (RCS Créteil 902 110 170) s'est rendue coupable de contrefaçon des marques verbales française « IN CONCRETO » no 10/3 752 541 et européenne « IN CONCRETO » no 009 643 511, au détriment de la société demanderesse In Concreto ; ? Dire que la société In Concreto (RCS Créteil 902 110 170) s'est rendue coupable d'actes de concurrence déloyale à l'encontre de la société demanderesse In Concreto ; ? Condamner la société In Concreto (RCS Créteil 902 110 170) au paiement de la somme de 10 000 euros au profit de la société demanderesse In Concreto en réparation des préjudices subis du fait des actes de contrefaçon ; ? Condamner la société In Concreto (RCS Créteil 902 110 170) au paiement de la somme de 10 000 euros au profit de la société demanderesse In Concreto en réparation des préjudices subis du fait des actes de concurrence déloyale ; ? Condamner la société In Concreto (RCS Créteil 902 110 170) au paiement de la somme de 5 000 euros au profit de la société demanderesse In Concreto en réparation du préjudice moral ; ? Interdire à la société In Concreto (RCS Créteil 902 110 170) toute utilisation, à quelque titre que ce soit, de quelque de manière que ce soit, et sur quelque support matériel ou immatériel que ce soit, et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à compter de la signification du jugement à intervenir ; ? Ordonner, aux frais de la société In Concreto (RCS Créteil 902 110 170), la publication intégrale du jugement de condamnation à intervenir, dans quatre journaux au choix de la société demanderesse In Concreto ; ? Condamner la société In Concreto (RCS Créteil 902 110 170) à payer la société demanderesse In Concreto la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance. 6. Bien que régulièrement citée par dépôt de l'acte à l'étude de l'huissier le 25 février 2022, le domicile étant confirmé par "le voisinage", mais personne n'étant présent, la SASU In Concreto n'a pas constitué avocat. 7. L'instruction a été close le 24 mai 2022. Après dépôt du dossier à l'audience du 17 janvier 2023, le jugement a été mis en délibéré au 30 mars 2023. MOTIFS 8. Conformément à l'article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée. 1) Sur la contrefaçon Moyens de la demanderesse 9. La SARL In Concreto soutient, en substance, que l'utilisation de la dénomination sociale « In Concreto » , identique à ses marques française et européenne, pour désigner des services identiques de "conseils", constitue des actes de contrefaçon. Appréciation du tribunal 10. Les droits sur les marques françaises et de l'Union européenne sont prévus dans des termes en substance identiques par l'article 10 de la directive 2015/2436 du 16 décembre 2015 rapprochant les législations des États membres sur les marques (la directive) et l'article 9 du règlement 2017/1001 du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne (le règlement), aux termes desquels : « 1. L'enregistrement d'une marque confère à son titulaire un droit exclusif sur celle-ci. 2. Sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité de la marque enregistrée, le titulaire de ladite marque enregistrée est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires, pour des produits ou des services, d'un signe lorsque : (...) b) le signe est identique ou similaire à la marque et est utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires aux produits ou services pour lesquels la marque est enregistrée, s'il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion ; le risque de confusion comprend le risque d'association entre le signe et la marque (...) 3. Il peut notamment être interdit, en vertu du paragraphe 2 [« si les conditions du paragraphe 2 sont remplies », dans le texte de la directive] : (...) d) de faire usage du signe comme nom commercial ou dénomination sociale ou comme partie d'un nom commercial ou d'une dénomination sociale ». 11. Le droit exclusif conféré par la marque française est codifié en droit interne aux articles L. 713-2 et suivants du code de la propriété intellectuelle transposant la directive 2015/2436 du 16 décembre 2015, l'article L. 713-3-1 visant également l'usage du signe comme dénomination sociale. 12. L'atteinte au droit de marque est qualifiée de contrefaçon, engageant la responsabilité civile de son auteur, par l'article L. 716-4 pour les marques françaises et par l'article L. 717-1 pour les marques de l'Union européenne. 13. La demande en l'espèce porte sur l'emploi d'un signe comme dénomination sociale, sans qu'aucun autre fait ne soit porté à la connaissance du tribunal. Elle suppose donc que ce seul fait s'analyse en un usage du signe au sens du paragraphe 3, sous d) et plus généralement en un « usage dans la vie des affaires » au sens du paragraphe 2 des articles 9 et 10 précités. 14. À cet égard, le considérant 19 de la directive et le considérant 13 du règlement précisent que l'usage du signe comme dénomination sociale devrait être compris dans la contrefaçon d'une marque « dès lors que cet usage a pour but de distinguer des produits ou services ». 15. La Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que l'exercice du droit exclusif du titulaire de la marque doit être réservé aux cas dans lesquels l'usage du signe par un tiers porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque et notamment à la fonction essentielle de garantie de la provenance du produit ou du service (voir CJUE, 25 juillet 2018, Mitsubishi, C-219/17, point 34 et jurisprudence citée) ce dont il résulte que l'expression « faire usage d'un signe » doit être entendue comme désignant l'emploi du signe dans le but de distinguer des produits ou des services. 16. Or, de la même manière que le seul dépôt d'une marque ne caractérise pas un usage dans la vie des affaires (Cass. Com., 13 octobre 2021, no19-20.504), le seul fait d'immatriculer une société sous une certaine dénomination n'est pas, en soi, un usage de cette dénomination dans le but de distinguer des produits ou services, et il n'est donc pas à lui seul susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque : il s'agit d'un acte dont l'effet est strictement juridique, qui ne caractérise pas en soi l'existence d'une activité, et il ne peut être présumé qu'une société est exploitée du seul fait qu'elle existe. 17. Il appartient donc au titulaire de la marque de prouver que le tiers dont il critique la dénomination exerce effectivement une activité économique en lien avec des produits ou services déterminés, ce qui n'est pas une charge excessive dès lors que la protection du droit de marque est spéciale et concrète et non abstraite et absolue. 18. La SARL In Concreto, qui reconnait dans sa première lettre de mise en demeure du 4 novembre 2021 que la défenderesse semblait ne pas avoir commencé à faire usage de la dénomination querellée ("Nos recherches n'ont pas permis de déceler un usage effectif et nous comprenons que cette société n'est pas encore en activité"), ne verse aux débats qu'un extrait Kbis de la SASU In Concreto et ne produit aucun élément de nature à établir que les activités de conseil de gestion aux entreprises et services associés sont effectivement exercées par cette société (l'huissier chargé de délivrer l'assignation à la défenderesse ayant d'ailleurs constaté que le siège social était un pavillon). 19. Par conséquent, à défaut de preuve d'usage dans la vie des affaires du signe litigieux, la contrefaçon invoquée n'est pas caractérisée et la SARL In Concreto sera déboutée de ses demandes fondées sur la contrefaçon de marque. 2) Sur la concurrence déloyale Moyens de la demanderesse 20. La SARL In Concreto soutient que la création d'une société ayant comme dénomination sociale le signe « In Concreto » a porté atteinte à sa propre dénomination et son nom de domaine. Appréciation du tribunal 21. Sur le fondement de l'article 1240 du code civil, aux termes duquel « Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. », sont sanctionnés au titre de la concurrence déloyale, les comportements fautifs car contraires aux usages loyaux du commerce, tels que ceux visant à créer un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine d'un produit ou d'un service. 22. La SARL In Concreto n'apportant pas la preuve que le signe In Concreto fait l'objet d'une l'exploitation commerciale, le risque de confusion sur l'origine des services n'est pas démontré, de sorte qu'aucun fait de concurrence déloyale et préjudice ne peut être caractérisé, non plus qu'aucun préjudice. 23. Les demandes formées au titre de la concurrence déloyale n'apparaissent donc pas fondées et seront rejetées. 3) Sur les autres demandes 24. Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, la SARL In Concreto supportera les dépens et conservera la charge de ses frais irrépétibles. PAR CES MOTIFS LE TRIBUNAL, REJETTE toutes les demandes de la SARL In Concreto fondées aussi bien sur la contrefaçon de marque que sur la concurrence déloyale, CONDAMNE la SARL In Concreto aux dépens, DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile. Fait et jugé à Paris le 30 mars 2023. LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
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JURITEXT000047636343
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AUTRES_DECISIONS
Tribunal judiciaire de Paris, 16 mars 2023, 19/10720
2023-03-16
Tribunal judiciaire de Paris
19/10720
CT0196
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TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 3ème chambre 1ère section No RG 19/10720 No Portalis 352J-W-B7D-CQVVL No MINUTE : Assignation du :09 septembre 2019 JUGEMENT rendu le 16 mars 2023 DEMANDERESSES Madame [K] [N][Adresse 1][Localité 3] S.A.S. VTLC[Adresse 1][Localité 3] représentées par Me Valérie GASTINEL de la SELARL VALÉRIE GASTINEL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #J0110 DÉFENDEURS Monsieur [R] [U] [W][Adresse 4][Localité 2] (ALLEMAGNE) Société [W] PREZIOSEN GMBH[Adresse 4][Localité 2] (ALLEMAGNE) représentées par Me François-Xavier BOULIN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #K0092 COMPOSITION DU TRIBUNAL Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointeJean-Christophe GAYET, 1er vice-président adjointElodie GUENNEC, vice-présidente assistés de Caroline REBOUL, Greffière DÉBATS A l'audience du 09 janvier 2023 tenue en audience publique, avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue le 16 mars 2023. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffeContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DU LITIGE : 1. Mme [K] [N] est une créatrice parisienne de bijoux de haute joaillerie. La société Vtlc, immatriculée le 4 janvier 2012 au RCS de Paris, dont Mme [N] est l'associée et la présidente, commercialise tous articles de luxe, susceptibles de parfaire, compléter ou faciliter l'activité sous la marque [K] [N]. 2. M. [R] [U] [W] est le gérant de la société de droit allemand [W] Preziosen GmbH, créée le 6 janvier 2014, avec pour objet le commerce d'articles de joaillerie, de pierres précieuses. 3. Mme [N] et la société Vtlc exposent qu'en octobre 2015, la société Vtlc a conclu avec la société [W] Preziosen un contrat de dépôt-vente, confiant à cette dernière la conservation et la vente de plusieurs pièces de joaillerie, pour la période du 10 novembre 2015 au 10 décembre 2015. 4. Par une lettre du 1er février 2019, le conseil de Mme [N] et de la société Vtlc a reproché à M. [R] [U] [W] et à la société [W] Preziosen d'avoir tiré profit de leur collaboration en imitant les oeuvres de Mme [N], en particulier sa collection "Vitam Industria Abstract Multi Candy". 5. Aussi, par une requête du 30 avril 2019, la société [W] Preziosen a saisi le tribunal régional de Berlin (Landgericht Berlin) d'une action en contestation de l'existence d'une violation des droits d'auteur de Mme [N] par sa collection de bijoux "Rainbow". 6. C'est en cet état que, par actes d'huissier de justice du 7 août 2019, Mme [N] et la société Vtlc ont fait assigner M. [W] et la société [W] Preziosen devant le tribunal de grande instance de Paris (devenu tribunal judiciaire de Paris le 1er janvier 2020) en contrefaçon de droits d'auteur. 7. Par une ordonnance du 29 octobre 2020, le juge de la mise en état a rejeté les exceptions de procédure soulevées par M. [W] et la société [W] Preziosen et tirées de l'incompétence de ce tribunal, de la connexité, la litispendance, et de la nécessité de surseoir à statuer. 8. Le 1er février 2022, le tribunal régional de Berlin (Landgericht Berlin) a rejeté l'action en non-contrefaçon engagée à titre préventif par la société [W] Preziosen. 9. Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 31 mars 2022, Mme [N] et la société Vtlc demandent au tribunal de : - Les Déclarer recevables et bien fondées en toutes leurs demandes, fins et prétentions ; - Ecarter des débats la pièce no 9 de la société [W] Preziosen et de M. [W] qui comprend un rapport de recherches d'antériorités sans indication de l'identité de son auteur, ni daté, ni signé et un fichier de 55 documents qui ne sont pas numérotés ni revêtus du cachet de l'avocat et ne figurent pas dans le bordereau de communication de pièces ; - Débouter la société [W] Preziosen et M. [W] de l'intégralité de leurs demandes ; A titre principal : sur la contrefaçon de droits d'auteur - Constater que la société [W] Preziosen et M. [W] ont commis des actes de contrefaçon en créant, en fabricant, en diffusant au public et en commercialisant des bijoux dont une broche, une paire de boucles d'oreilles, un bracelet, un collier et un ensemble composé d'un bracelet et d'un collier, sur Internet et notamment sur le site de vente en ligne 1stdibs, les réseaux sociaux Facebook et Instagram et sur le site Internet de la société [W] Preziosen, qui reproduisent dans la même combinaison les caractéristiques originales communes de la bague et des boucles d'oreilles de la collection "Vitam Industria Abstract Multi Candy" créées par Mme [N] et commercialisées par la société Vtlc ; - Interdire à la société [W] Preziosen et À M. [W] la création, l'importation, la détention, la fabrication, la diffusion au public, l'offre en vente et la commercialisation de tous bijoux reproduisant les caractéristiques des bijoux de la collection "Vitam Industria Abstract Multi Candy ", notamment la broche, la paire de boucles d'oreilles, le bracelet, le collier et l'ensemble composé d'un bracelet et d'un collier, reproduits et commercialisés sur Internet et notamment sur le site de vente en ligne 1stdibs, les réseaux sociaux Facebook et Instagram et sur le site Internet de la société [W] Prerziosen et ce, sous astreinte de 1.000 euros par infraction constatée à compter de la date de la signification du jugement à intervenir ; - Ordonner à la société [W] Preziosen et à M. [W] la suppression avec effet immédiat de toutes photographies, reproductions et autres communications afférentes aux cinq bijoux illicites sur le site Internet de la société [W] Preziosen, sur les comptes Instagram et Facebook de la société [W] Preziosen et de M. [W], sur le site de vente en ligne 1stdibs et plus généralement sur tous réseaux de communication sur Internet, et ce sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir ; - Ordonner que les cinq bijoux illicites et également tous les matériaux et instruments ayant principalement servi à la création et à la fabrication desdits bijoux, en possession ou commercialisés par la société [W] Preziosen ou M. [W], soient rappelés des circuits commerciaux et détruits, la destruction sera constatée par un huissier de justice désigné par la société Vtlc, le tout aux frais de la société [W] Preziosen et de M. [W], sous astreinte de 2.000 euros par jour de retard à compter d'un délai de 30 jours à compter de la signification du jugement à intervenir ; - Ordonner la confiscation des recettes de la société [W] Preziosen procurées par la contrefaçon, en application de l'article L. 331-1-4 du code de la propriété intellectuelle; - Condamner solidairement la société [W] Preziosen et M. [W] à verser à la société Vtlc la somme de 126.950 euros à titre de dommages et intérêts, à parfaire ultérieurement, en réparation du préjudice subi par celle-ci du fait de l'atteinte portée à ses droits patrimoniaux d'auteur ; - Condamner solidairement la société [W] Preziosen et M. [W] à verser à Mme [N] la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par celle-ci du fait de l'atteinte portée à ses droits moraux d'auteur ; - Réserver les droits de la société Vtlc sur l'évaluation définitive du préjudice subi ; - Ordonner un sursis à statuer pour ce qui concerne l'évaluation définitive du préjudice subi jusqu'à ce que la société Vtlc saisisse le tribunal par voie de conclusions pour rétablir l'affaire et obtenir une décision définitive sur le montant des dommages et intérêts qui lui seront alloués sur la base des éléments d'information afférents aux produits litigieux qui seront communiqués par la société [W] Preziosen ; - Ordonner à la société [W] Preziosen, sous astreinte de 3.000 euros, à s'exécuter, passé un délai de 8 jours à compter de la signification du jugement à intervenir, à lui fournir : * les noms et adresses des producteurs, fabricants, distributeurs, fournisseurs etautres détenteurs des bijoux argués de contrefaçon, ainsi que des grossistes destinataires et des détaillants desdits bijoux; * les quantités produites, commercialisées, livrées, reçues ou commandées ainsi que le prix obtenu pour les bijoux argués de contrefaçon, l'ensemble de ces éléments devra être certifié par l'expert-comptable ou le commissaire aux comptes de la société [W] Preziosen ; - Ordonner la publication, par extraits, du jugement à intervenir dans 10 journaux au choix de Mme [N] et de la société Vtlc et aux frais de la société [W] Preziosen, à concurrence de 5.000 euros HT par insertion ; - Ordonner la publication, du dispositif du jugement à intervenir sur la page d'accueil du site internet de la société [W] Preziosen à l'adresse https://www.[05].de/ ou de tout autre site internet possédé par la société [W] Preziosen ou ses affiliées, en caractères gras et dans une taille de police de 12 millimètres minimum avec le titre suivant "[W] Preziosen et [R] [U] [W] condamnés en contrefaçon des droits d'auteur de Madame [K] [N] et de la société Vtlc sur les créations de la collection " Vitam Industria Abstract Multi Candy " ", pendant une durée de 6 mois à compter de la signification du jugement à intervenir et sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir ; - Dire que le tribunal se réservera la liquidation des astreintes prononcées ; A titre subsidiaire : sur la concurrence déloyale - Constater que la société [W] Preziosen a commis des actes de concurrence déloyale au préjudice de la société Vtlc en commercialisant des bijoux dont une broche, une paire de boucles d'oreilles, un bracelet, un collier et un ensemble composé d'un bracelet et d'un collier imitant ceux de la collection "Vitam Industria Abstract Multi Candy" créée par Mme [N] et commercialisée par la société Vtlc ; - Interdire à la société [W] Preziosen l'importation, la détention, la fabrication, la diffusion au public, l'offre en vente et la commercialisation de tous bijoux reproduisant les caractéristiques des bijoux de la collection "Vitam Industria Abstract Multi Candy ", notamment la broche, la paire de boucles d'oreilles, le bracelet, le collier et l'ensemble composé d'un bracelet et d'un collier reproduits et commercialisés sur Internet et notamment sur le site de vente en ligne 1stdibs, les réseaux sociaux Facebook et Instagram et sur le site Internet de la société [W] Preziosen et ce, sous astreinte de 1.000 euros par infraction constatée à compter de la date de la signification du jugement à intervenir, lesdites astreintes devant être liquidées par le Tribunal de céans ; - Ordonner à la société [W] Preziosen la suppression avec effet immédiat de toutes photographies, reproductions et autres communications afférentes aux cinq bijoux illicites sur le site Internet de la société [W] Preziosen et sur ses comptes Instagram et Facebook, sur le site de vente en ligne 1stdibs et plus généralement sur tous réseaux de communication sur Internet, et ce sous astreinte de 1000 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir ; - Condamner la société [W] Preziosen à verser à la société Vtlc la somme de 156.950 euros, à parfaire ultérieurement, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par celle-ci du fait des actes de concurrence déloyale commis à son encontre ; A titre complementaire : sur la concurrence parasitaire - Constater que la Société [W] Preziosen a commis des actes de parasitisme en commercialisant des bijoux imitant ceux de la collection "Vitam Industria Abstract Multi Candy" dont une broche, une paire de boucles d'oreilles, un bracelet, un collier et un ensemble composé d'un bracelet et d'un collier, sur le site de vente en ligne 1stdibs, ses comptes Facebook et Instagram et sur son site Internet ; - Interdire à la société [W] Preziosen l'importation, la détention, la fabrication, la diffusion au public, l'offre en vente et la commercialisation de tous bijoux reproduisant les caractéristiques des bijoux de la collection "Vitam Industria Abstract Multi Candy", notamment la broche, la paire de boucles d'oreilles, le bracelet, le collier et l'ensemble composé d'un bracelet et d'un collier reproduits et commercialisés sur Internet et notamment sur le site de vente en ligne 1stdibs, les réseaux sociaux Facebook et Instagram et sur le site Internet de la société [W] Prerziosen et ce, sous astreinte de 1.000 euros par infraction constatée à compter de la date de la signification du jugement à intervenir, lesdites astreintes devant être liquidées par le Tribunal de céans ; - Ordonner à la société [W] Preziosen la suppression avec effet immédiat de toutes photographies, reproductions et autres communications afférentes aux cinq bijoux illicites sur le site Internet de la société [W] Preziosen et sur ses comptes Instagram et Facebook, sur le site de vente en ligne 1stdibs et plus généralement sur tous réseaux de communication sur Internet, et ce sous astreinte de 1000 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir ; - Condamner la société [W] Preziosen à verser à la société Vtlc la somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par celle-ci du fait des actes de parasitisme commis à son encontre ; En tout état de cause, - Condamner solidairement la société [W] Preziosen et M. [W] à payer chacun, la somme de 15.000 euros à Mme [N] et la somme de 15.000 euros à la société Vtlc, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; - Condamner solidairement la société [W] Preziosen et M. [W] aux entiers dépens qui pourront être directement recouvrés par Maître Valérie Gastinel, avocat, conformément à l'article 699 du code de procédure civile ; - Ordonner en raison de la nature de l'affaire l'exécution provisoire du jugement à intervenir. 10. Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 15 mars 2022, M. [W] et la société [W] Preziosen demandent au tribunal de : A titre principal : - Rejeter la pièce no51 versée aux débats par la société Vtlc et Mme [N] en ce qu'elle constitue une attestation pour soi-même irrecevable en application de l'article 1363 du code civil, et par voie de conséquence déclarer nuls et non avenus les développements consacrés à cette pièce par les demanderesses dans leurs conclusions du 6 décembre 2021 ; - Constater que la société Vtlc n'établit ni sa qualité ni son intérêt à agir en contrefaçon de droits d'auteur ; - Constater que la société Vtlc et Mme [N] n'établissent pas la matérialité des actes de contrefaçon de droits d'auteur reprochés à la société [W] Preziosen et À M. [W] ; - Constater que la société Vtlc et Mme [N] n'établissent pas l'originalité des bijoux pour lesquels elles revendiquent des droits d'auteur ; - Constater que la Société [W] Preziosen et M. [W] versent aux débats de nombreuses créations antérieures établissant l'absence d'originalité des bijoux de la collection "Vitam Industria Abstract Multi Candy" de Mme [N] ; - En conséquence, déclarer la société Vtlc et Mme [N] irrecevables et mal fondées en leur action en contrefaçon de droits d'auteur ; A titre subsidiaire : - Constater l'absence d'originalité des bijoux opposés par Mme [N] à la société [W] Preziosen et à M. [W] ; - Constater que les bijoux argués de contrefaçon ne présentent pas de ressemblances avec ceux opposés par Mme [N] à la société [W] Preziosen et à M.von [W]; - Constater que la société Vtlc et Mme [N] ne démontrent aucun acte de concurrence déloyale "à titre subsidiaire", ni aucun acte de parasitisme "à titre secondaire", commis à leur préjudice par la société [W] Preziosen et M. [W]; - Débouter en conséquence la société Vtlc et Mme [N] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions au titre de la contrefaçon de droits d'auteur, au titre de la concurrence déloyale et du parasitisme ; A titre infiniment subsidiaire, et si par impossible le tribunal devait retenir la responsabilité des défendeurs : - Constater l'absence d'exploitation commerciale des bijoux litigieux sur le territoire français ; - Débouter en conséquence la société Vtlc et Mme [N] de l'ensemble de leurs demandes indemnitaires et demandes d'informations complémentaires ; En tout état de cause : - Condamner la société Vtlc et Mme [N] à payer, chacune, la somme de 15.000 euros à la société [W] Preziosen et la somme de 15.000 euros à M. [W] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; - Condamner la société Vtlc et Mme [N] et aux entiers dépens. 11. L'instruction a été close par une ordonnance du 19 avril 2022 et l'affaire plaidée à l'audience du 9 janvier 2023. MOTIFS DE LA DÉCISION 1o) Sur les demandes aux fins d'écarter certaines pièces des débats Moyens des parties 12. Les demanderesses sollicitent que la pièce no9 bis des défendeurs soit écartée des débats, l'identité de l'auteur de ce document, non signé, n'étant pas précisée, non plus que sa date. Elles ajoutent que les 55 documents qui le composent ne sont pas numérotés, revêtus du cachet de l'avocat, ni mentionnés au bordereau de communication de pièces, en violation des articles 768, alinéa 1er du code de procédure civile et 2.2.2 du protocole sur la procédure civile du 11 juillet 2012. 13. M. [W] et la société [W] Preziosen demandent quant à eux au tribunal d'écarter l'attestation que s'est faite à elle-même Mme [N] (pièce no51). Appréciation du tribunal 14. Selon l'article 1358 du code civil, hors les cas où la loi en dispose autrement, la preuve peut être apportée par tout moyen ; et selon l'article 1363 de ce même code, nul ne peut se constituer de titre à soi-même. Aux termes de l'article 202 du code de procédure civile, enfin, l'attestation contient la relation des faits auxquels son auteur a assisté ou qu'il a personnellement constatés. Elle mentionne les nom, prénoms, date et lieu de naissance, demeure et profession de son auteur ainsi que, s'il y a lieu, son lien de parenté ou d'alliance avec les parties, de subordination à leur égard, de collaboration ou de communauté d'intérêts avec elles. Elle indique en outre qu'elle est établie en vue de sa production en justice et que son auteur a connaissance qu'une fausse attestation de sa part l'expose à des sanctions pénales. L'attestation est écrite, datée et signée de la main de son auteur. Celui-ci doit lui annexer, en original ou en photocopie, tout document officiel justifiant de son identité et comportant sa signature. 15. En l'occurrence, la pièce no9 bis des défendeurs consiste en une recherche, terminée en mai 2021, d'antériorités supposées pertinentes aux fins de démontrer que les bijoux prétendument contrefaits appartiendraient à un fonds commun de la joaillerie. Ce rapport de recherche est constitué d'une première partie reproduisant et classant par époque et par style ces antériorités, avec en annexe la source de chaque antériorité. Ce document constitue un tout dont chaque élément n'a pas besoin d'être individuellement numéroté. Il ne relate aucun fait auquel son auteur aurait assisté ou qu'il aurait personnellement constaté, et n'a donc pas besoin de préciser le nom de la personne physique qui en est l'auteur. 16. Il est en outre constamment jugé que le principe selon lequel nul ne peut se constituer de preuve à soi-même est inapplicable à la preuve des faits juridiques. (Cass. Civ. 3ème, 3 mars 2010, pourvois no 08-21.056 et 08-21.057, Bull. 2010, III, no 52 ; Cass. Civ. 2ème, 6 mars 2014, pourvoi no 13-14.295, Bull. 2014, II, no 65) Il appartiendra donc au tribunal d'examiner le contenu du témoignage de Mme [N] aux fins d'en apprécier la force probante. 17. Les moyens aux fins de rejeter des pièces des débats sont donc rejetés. 2o) Sur l'originalité de bijoux de la gamme "Vitam Industria Abstract Multi Candy" Moyens des parties 18. Mme [N] décrit les bijoux (une bague et des boucles d'oreille de sa gamme intitulée "Vitam Industria Abstract Multi Candy") et leur combinaison de caractéristiques dont elle revendique la protection par le droit d'auteur. Elle explicite sa démarche créatrice et soutient qu'aucun des bijoux antérieurs à sa création, qui date de décembre 2013, ne reproduit cette combinaison de caractéristiques. 19. Les défendeurs considèrent pour leur part que la description de l'originalité ne peut être que celle qui se trouvait dans l'enveloppe Soleau de 2013, laquelle évoque une accumulation de pierres de forme et de volume différents, ainsi que de couleurs différentes, agencées de manière à rappeler un arc-en-ciel. Les défendeurs en déduisent que Mme [N] sollicite la protection d'une forme bien connue en bijouterie, dénommée un "cluster". Il en va de même selon eux des couleurs de l'arc-en-ciel, dont le choix n'a rien d'original dans le domaine de la joaillerie. Appréciation du tribunal 20. Conformément à l'article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle, l'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur l'oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous comportant des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial. En application de l'article L. 112-1 du même code, ce droit appartient à l'auteur de toute oeuvre de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination. 21. Il en résulte que la protection d'une oeuvre de l'esprit et acquise à son auteur sans formalité et du seul fait de la création d'une forme originale en ce sens qu'elle porte l'empreinte de la personnalité de son auteur et n'est pas la banale reprise d'un fonds commun non appropriable. Dans ce cadre toutefois, il appartient à celui qui se prévaut d'un droit d'auteur dont l'existence est contestée de définir et d'expliciter les contours de l'originalité qu'il allègue. En effet, seul l'auteur, dont le juge ne peut suppléer la carence, est en mesure d'identifier les éléments traduisant sa personnalité et qui justifient son monopole. 22. L'originalité d'une oeuvre de l'esprit doit être appréciée dans son ensemble au regard des différents éléments qui la composent ; elle peut résulter de la combinaison d'éléments connus lorsque celle-ci est inédite et traduit un effort créatif (Cass. Civ. 1ère, 20 mars 2001, pourvoi no 99-13.713 ; Cass. Com., 17 mars 2004, pourvoi no03-18.067 ; Cass. Civ.1ère, 22 janvier 2009, pourvoi no 07-20.334 ; Cass. Civ.1ère, 12 septembre 2018, pourvoi no 17-18.390 ; Cass. Civ. 1ère, 24 octobre 2018, pourvoi no 16-23.214). 23. Mme [N] décrit en l'occurrence comme suit l'originalité des bijoux "Vitam Industria Abstract Multi Candy" : elle précise d'abord qu'ils sont "composés de : (i) pierres de couleur, (ii) disposées sous la forme d'une accumulation aléatoire de pierres de formes et de volumes différents donnant l'effet d'une composition libre et foisonnante comme les buissons de cristaux que l'on trouve naturellement dans les roches, (iii) selon leurs différentes nuances de couleurs pour former un dégradé de couleurs rappelant celui de l'arc-en-ciel, et (iv) serties sur des griffes les plus serrées qui soient, révélant le moins de métal possible, afin d'obtenir l'effet visuel d'une structure minérale unique comme d'un seul tenant, aux couleurs de l'arc-en-ciel." 24. Mme [N] rappelle ensuite que la couleur et l'extravagance sont au coeur de sa création et qu'elle a fait ici le choix inédit de combiner l'effet visuel d'une structure minérale avec une harmonie chromatique, sous la forme d'un dégradé, rappelant les couleurs de l'arc-en-ciel. 25. Force est à cet égard de constater qu'aucune des créations antérieures versées aux débats ne reproduit cette combinaison spécifique et en particulier cette accumulation de pierres sans recherche particulière de symétrie et ce choix de combinaison de couleurs primaires sous la forme d'un dégradé au sein d'un même bijou. Les bijoux présentés dans la pièces 9 bis sont en effet soit d'apparence parfaitement symétrique, soit constitués d'accumulation de pierres de couleurs de la même gamme chromatique, soit arrangées sous la forme d'une alternance des couleurs et non d'un dégradé, soit serties de manière beaucoup plus apparente ou espacée. 26. De même, Mme [N] décrit suffisamment les contours de son oeuvre, les choix qu'elle a opérés et leur combinaison, lesquels procèdent de décisions arbitraires qu'aucune circonstance n'imposait spécialement. Ainsi qu'il a été vu, ces bijoux ne peuvent davantage être regardés comme constituant la banale reprise d'un fonds commun non appropriable. En définitive, l'ensemble témoigne de la créativité de l'auteur donnant aux bijoux l'empreinte de sa personnalité, leur conférant ainsi un caractère original et leur ouvrant droit à la protection au titre du droit d'auteur. 3o) Sur la titularité des droits des demanderesses Moyens des parties 27. Les défendeurs soutiennent que la société Vtlc est irrecevable à agir n'étant pas titulaire des droits patrimoniaux d'auteur sur les bijoux objets du présent litige. Ils soutiennent qu'aucun contrat de cession n'est versé aux débats, non plus qu'aucune preuve d'exploitation de l'oeuvre par cette société, les seules pièces produites étant les factures de vente à la société [W] Preziosen, lesquelles sont ambivalente puisqu'elles mentionnent aussi bien la société Vtlc que Mme [N]. 28. Ils ajoutent que Mme [N] ne démontre pas l'antériorité de ses droits. 29. La société Vtlc revendique la présomption de titularité des personnes morales qui commercialisent les oeuvres de façon paisible et non équivoque. Elle rappelle que les oeuvres sont des pièces uniques de joaillerie, ce qui explique qu'elle ne puisse produire que 3 factures de vente dont 2 concernant les défendeurs et la 3ème, datée du 12 novembre 2014, un client Dubaïote. 30. Mme [N] soutient encore que l'enveloppe Soleau établit de lanière certaine la date de sa création. Appréciation du tribunal 31. Il résulte de l'article L. 113-1 du code de la propriété intellectuelle, que la qualité d'auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui sous le nom de qui l'oeuvre est divulguée. 32. Il est cependant constant que cette présomption ne peut jouer qu'au bénéfice des personnes physiques (Cass. Civ. 1ère, 19 février 1991, pourvoi no89-14.402, Bull. 1991, I, no69), une personne morale ne pouvant être titulaire ab initio des droits d'auteur (Cass. Civ. 1ère, 15 janvier 2015, pourvoi no13-23.566, Bull 2015, I, no11), à moins que l'oeuvre soit qualifiée d'oeuvre collective (Cass. Civ. 1ère, 22 mars 2012, pourvoi no11-10.132, Bull. 2012, I, no70) ou que la personne morale justifie d'une exploitation paisible et non équivoque de l'oeuvre sous son nom, encore qu'elle ne pourrait bénéficier que d'une présomption de titularité des droits patrimoniaux à l'égard des tiers (Civ. 1ère, 10 décembre 2014, pourvoi no13-23.076). 33. Mme [N] établit par ses pièces no22 et 32 la divulgation sous son nom, en mars 2014, des bijoux de la gamme "Vitam Industria Abstract Multi Candy" objets du présent litige. 34. La société Vtlc, qui exerce sous l'enseigne et la marque "[K] [N]", démontre la vente, respectivement le 12 novembre 2014 et le 14 avril 2016, des boucles d'oreille et de la bague de la collection "Vitam Industria Abstract Multi Candy" . C'est en effet le nom de cette société, ses adresses postale et mail, sa forme juridique, le montant de son capital social, son numéro Siren, celui de son Rcs et la ville d'immatriculation, qui figurent au pied de la facture au titre des mentions obligatoires (pièces no29 et 30 des demanderesses). 35. Il en résulte que la société Vtlc est recevable à agir, en qualité d'exploitante des bijoux objets du présent litige, tandis que Mme [N] démontre la date certaine de ses créations au mois de mars 2014, antérieures à celles arguées de contrefaçon, qui datent elles d'avril 2018. 4o) Sur la contrefaçon de droits d'auteurMoyens des parties 36. Mme [N] et la société Vtlc soutiennent que l'ensemble des caractéristiques originales de ses bijoux est reproduit dans les boucles d'oreille et la broche / pendentif commercialisés par M. [W] et sa société, et que ces bijoux ne se distinguent des siens que par des différences mineures. Mme [N] et la société Vtlc rappellent avoir confié à la vente leurs bijoux à M. [W] et la société [W] Preziosen, lesquels ont demandé aux premières de leur proposer d'autres bijoux de cette gamme, cette proposition n'ayant fait l'objet d'aucune suite, jusqu'à la découverte de l'offre en vente des bijoux litigieux dénommés "Arc-en-ciel". Les demanderesses ajoutent que M. [W] a admis sur son compte Facebook s'être inspiré des créations de Mme [N]. 37. M. [W] et la société [W] Preziosen font quant à eux valoir que leurs créations "Arc-en-ciel" (une paire de boucles d'oreille, une broche, un bracelet, un collier et un ensemble bracelet/collier) ne présentent pas de ressemblances avec celles des demanderesses, lesquelles tentent de s'approprier selon eux un style, le cluster arc-en-ciel. Les défendeurs soulignent que : - le dégradé de leur arc-en-ciel est "linéaire" tandis que celui de Mme [N] est circulaire, - les pierres utilisées dans chaque boucle de la paire sont identiques, tandis qu'elles sont différentes dans les boucles des demanderesses, - les pierres sont plus espacées sans imbrication de pierres plus petites comme dans les bijoux des demanderesses, - leurs bijoux ont une forme de motif "paisley" ce qui n'est pas le cas des bijoux des demanderesses. 38. M. [W] et la société [W] Preziosen en déduisent que les bijoux de Mme [N] et les leurs ne se ressemblent pas, de sorte que toute contrefaçon est selon eux exclue. Appréciation du tribunal 39. Selon l'article L. 121-1 du code de la propriété intellectuelle, l'auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son oeuvre. Ce droit est attaché à sa personne. De la même manière, selon l'article L. 122-1, le droit d'exploitation appartenant à l'auteur comprend le droit de représentation et le droit de reproduction. L'article L. 122-4 prévoit quant à lui que toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l'adaptation ou la transformation, l'arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque. L'article L 122-3 précise que la reproduction consiste dans la fixation matérielle de l'oeuvre par tous procédés qui permettent de la communiquer au public d'une manière indirecte. 40. Aux termes de l'article L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle, enfin, constitue le délit de contrefaçon toute reproduction, représentation ou diffusion, par quelque moyen que ce soit, d'une oeuvre de l'esprit en violation des droits de l'auteur, tels qu'ils sont définis et réglementés par la loi. 41. Il est en outre constamment jugé que la contrefaçon s'apprécie au regard des ressemblances et non par les différences (Cass. Civ. 1ère, 4 février 1992, pourvoi no 90-21.630, Bull. 1992, I, no 42 ; Cass. Civ. 1ère, 30 septembre 2015, pourvoi no 14-19.105). 42. La demanderesse verse aux débats sous sa pièce no49 des visuels sous différents angles et de très haute qualité de ses créations. De la même manière, la pièce no8 des demanderesses propose des reproductions de haute qualité des bijoux argués de contrefaçon. 43. Le tribunal ne peut que constater ici la reprise, par les bijoux de la gamme "Regenbogen" / "Arc-en-ciel" des défendeurs, des caractéristiques originales des créations de Mme [N] et tenant à une accumulation non symétrique au sein d'un même bijou de pierres de couleur, de formes et de volumes différents, dont les différentes nuances forment un dégradé de couleurs primaires destiné à rappeler celui de l'arc-en-ciel, et dont le sertissage révèle le moins de métal possible. 44. Les bijoux de la gamme "Regenbogen" ne se distinguent des créations de Mme [N] que par des détails d'exécution insignifiants et tenant à la forme des bijoux (motif "paisley") et un assemblage légèrement moins serré. 45. Au demeurant, les défendeurs ont a minima admis s'être "inspirés" des créations originales de Mme [N] (cf. Pièces no 9 et 18 des demanderesses, rubrique "making off" des boucles d'oreille "Arc-en-ciel") figurant sur le compte Facebook des défendeurs : "Inspiré par les créations audacieuses de [K], je voulais faire une paire de boucles d'oreilles" (traduction de "Angelehnt an die widen Entwürfe von [K] wollte ich ein Paar ohrringe machen"). La contrefaçon est ainsi établie. 5o) Sur les mesures de réparation Moyens des parties 46. Mme [N] et la société Vtlc sollicitent le retrait des circuits commerciaux ainsi que la destruction, à la fois des bijoux contrefaisants et des matériaux ayant servi à leur réalisation, sous astreinte et sous le contrôle d'un huissier de justice. Elles sollicitent le versement de la somme provisionnelle de 129.950 euros correspondant au taux de marge habituel appliqué aux gains réalisés par les défendeurs qu'elle évalue ici à 253.900 euros. Les demanderesses sollicitent encore la production de pièces dans le cadre de la mise en oeuvre de leur droit d'information, ainsi que la publication de la présente décision sur la page d'accueil du site internet des défendeurs. Elle sollicitent encore la confiscation des recettes réalisées par les défendeurs. 47. Les défendeurs rappellent que ce tribunal n'est compétent que pour la réparation du dommage causé sur le territoire national. Aucune diffusion ni commercialisation des bijoux en cause n'ayant été réalisée en France, ils concluent pas conséquent au rejet de toutes les demandes de réparation, comme de communication de pièces et d'interdiction. Appréciation du tribunal 48. Aux termes de l'article L. 331-1-4 du code de la propriété intellectuelle, en cas de condamnation civile pour contrefaçon, la juridiction peut ordonner, à la demande de la partie lésée, que les objets réalisés ou fabriqués portant atteinte à ces droits,et les matériaux ou instruments ayant principalement servi à leur réalisation ou fabrication soient rappelés des circuits commerciaux, écartés définitivement de ces circuits, détruits ou confisqués au profit de la partie lésée. La juridiction peut aussi ordonner toute mesure appropriée de publicité du jugement, notamment son affichage ou sa publication intégrale ou par extraits dans les journaux ou sur les services de communication au public en ligne qu'elle désigne, selon les modalités qu'elle précise.Les mesures mentionnées aux deux premiers alinéas sont ordonnées aux frais de l'auteur de l'atteinte aux droits. La juridiction peut également ordonner la confiscation de tout ou partie des recettes procurées par la contrefaçon, l'atteinte à un droit voisin du droit d'auteur ou aux droits du producteur de bases de données, qui seront remises à la partie lésée ou à ses ayants droit. 49. L'article L. 331-1-3 du même code prévoit quant à lui que, pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement : 1o Les conséquences économiques négatives de l'atteinte aux droits, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée; 2o Le préjudice moral causé à cette dernière ; 3o Et les bénéfices réalisés par l'auteur de l'atteinte aux droits, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de l'atteinte aux droits. Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si l'auteur de l'atteinte avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée. 50. Il résulte enfin de l'article L. 331-1-2 que, si la demande lui est faite, la juridiction peut ordonner, au besoin sous astreinte, afin de déterminer l'origine et les réseaux de distribution des marchandises et services qui portent atteinte aux droits du demandeur, la production de tous documents ou informations détenus par le défendeur ou par toute personne qui a été trouvée en possession de telles marchandises ou fournissant de tels services ou a été signalée comme intervenant dans la production, la fabrication ou la distribution de ces marchandises ou la fourniture de ces services. La production de documents ou d'informations peut être ordonnée s'il n'existe pas d'empêchement légitime. 51. Toutes ces dispositions réalisent la transposition en droit interne de la Directive 2004/48/CE du Parlement Européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle, dont l'article 3.2 "Obligation générale" prévoit que les réparations doivent être effectives, proportionnées (toutes les emphases sont le fait du tribunal) et dissuasives. 52. Il est en outre rappelé qu'aux termes de l'article 7 "Compétences spéciales" du règlement no 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, "Une personne domiciliée sur le territoire d'un État membre peut être attraite dans un autre État membre: (...) 2) en matière délictuelle ou quasi délictuelle, devant la juridiction du lieu où le fait dommageable s'est produit ou risque de se produire;" 53. Interprétant les dispositions identiques du réglement no44/2001, la Cour de justice de l'Union européenne a, par un arrêt du 22 janvier 2015 (CJUE, 22 janvier 2015, aff. C-441-13, Pez Hejduk contre EnergieAgentur), dit pour droit que : "L'article 5, point 3, du règlement (CE) no 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, doit être interprété en ce sens que, en cas d'atteinte alléguée aux droits d'auteur et aux droits voisins du droit d'auteur garantis par l'État membre de la juridiction saisie, celle-ci est compétente, au titre du lieu de la matérialisation du dommage, pour connaître d'une action en responsabilité pour l'atteinte à ces droits du fait de la mise en ligne de photographies protégées sur un site Internet accessible dans son ressort. Cette juridiction n'est compétente que pour connaître du seul dommage causé sur le territoire de l'État membre dont elle relève." 54. Il convient par conséquent de faire droit aux mesures d'interdiction pour ce qui concerne le territoire français. 55. Il convient également de faire droit à la demande de communication de pièces qui seule permettra d'appréhender la mesure exacte du dommage matériel subi en France (par la réalisation d'une ou plusieurs ventes en France), au-delà de l'indéniable banalisation des créations originales commercialisées par la société Vtlc et qui résulte d'ores et déjà ici de leur accessibilité sur internet en France. 56. Il apparaît également justifié de faire droit à la demande réparant: - d'une part, l'atteinte au droit moral de Mme [N], nécessairement causée en France, où demeure l'intéressée et où le site internet du défendeur est accessible, et ce, à hauteur de 20.000 euros, cette somme tenant compte des circonstances dans lesquelles est intervenue la contrefaçon, à savoir les liens contractuels préexistants et des atteintes portées à l'oeuvre, - d'autre part, le préjudice économique subi par la société Vtlc et résultant de la banalisation de ses créations, et ce, par le versement d'une provision d'un montant de 20.000 euros. 57. Il sera fait droit à la demande de publication de la présente décision selon les modalités prévues au dispositif de la présente décision, qui seules apparaissent proportionnées. 58. Toutes les autres demandes sont rejetées comme étant, soit sans objet en raison de la compétence limitée du tribunal, soit disproportionnées. 6o) Dispositions finales 59. Les demandes subsidiaires fondées sur la concurrence déloyale sont sans objet, tandis que la demande complémentaire fondée sur le parasitisme n'est fondée sur aucun fait distinct de ceux invoqués au titre de la contrefaçon et qui serait démontré. Ces demandes sont donc rejetées. 60. En revanche, parties perdantes au sens de l'article 699 du code de procédure civile,M. [W] et la société [W] Preziosen seront condamnés in solidum aux dépens, ainsi qu'à payer à chacune des demanderesses, sous la même solidarité imparfaite, la somme de 20.000 euros (soit 40.000 euros en tout) par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. 61. Nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire, l'exécution provisoire de la présente décision sera ordonnée, sauf en ce qui concerne la publication de la présente décision. PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL, REJETTE les demandes aux fins d'écarter certaines pièces des débats ; DIT qu'en reproduisant les caractéristiques originales des bijoux de la gamme "Vitam Industria Abstract Multi Candy" créée par Mme [K] [N] et commercialisée par la société Vtlc, dans sa propre gamme de bijoux intitulée "Regenbogen" (qui comprend une broche, une paire de boucles d'oreilles, un bracelet, un collier et un ensemble composé d'un bracelet et d'un collier), en particulier en les présentant à la vente sur des sites Internet accessibles aux internautes français, la société [W] Preziosen et M. [R] [U] [W] ont commis en France des actes de contrefaçon de droits d'auteur ; FAIT DÉFENSE à la société [W] Preziosen et à M. [W] d'importer, détenir, offrir en vente, vendre, diffuser auprès du public, en France, tous bijoux reproduisant les caractéristiques originales des créations de la collection "Vitam Industria Abstract Multi Candy" de Mme [N], et ce, sous astreinte de 1.000 euros par infraction constatée courant à l'expiration d'un délai de 30 jours suivant la signification du présent jugement, et pendant 180 jours ; ORDONNE à la société [W] Preziosen et à M. [W] de rendre inaccessible aux internautes français toute reproduction des bijoux contrefaisant les caractéristiques originales des créations de la collection "Vitam Industria Abstract Multi Candy" de Mme [N], et ce, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard courant à l'expiration d'un délai de 30 jours suivant la signification du présent jugement, et pendant 180 jours ; CONDAMNE in solidum la société [W] Preziosen et M. [W] à payer à la société Vtlc la somme provisionnelle de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts, à parfaire ultérieurement, en réparation du préjudice subi par celle-ci du fait de l'atteinte portée à ses droits patrimoniaux d'auteur ; CONDAMNE in solidum la société [W] Preziosen et M. [R] [U] [W] à payer à Mme [K] [N] la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par celle-ci du fait de l'atteinte portée à ses droits moraux d'auteur; ORDONNE à la société [W] Preziosen de communiquer, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard courant à l'expiration d'un délai de 30 jours suivant la signification du présent jugement, et pendant 180 jours :* les noms et adresses des producteurs, fabricants, distributeurs, fournisseurs etautres détenteurs des bijoux contrefaisants, ainsi que des grossistes destinataires et des détaillants desdits bijoux;* les quantités produites, commercialisées (en précisant le pays de destination), livrées, reçues ou commandées, ainsi que le prix obtenu pour les bijoux argués de contrefaçon,l'ensemble de ces éléments devant être certifié par l'expert-comptable ou le commissaire aux comptes de la société [W] Preziosen ; DIT qu'il est sursis à statuer sur l'évaluation définitive du préjudice subi par la société Vtlc jusqu'à la communication par la société [W] Preziosen de ces pièces et, qu'à cette fin, les débats sont rouverts et l'affaire est renvoyée à la mise en état du 12 septembre 2023 à 10 heures ; ORDONNE, une fois la présente décision passée en force de chose jugée, la publication de l'extrait suivant du jugement : "La société de droit allemand [W] Preziosen et M. [R] [U] [W] ont été condamnés par le tribunal judiciaire de Paris par un jugement du 16 mars 2023, pour la contrefaçon des droits d'auteur de Mme [K] [N] et de la société Vtlc portant sur les créations de leur collection intitulée Vitam Industria Abstract Multi Candy, à leur payer la somme de 60.000 euros à titre de dommages-intérêts provisionnels", et ce, dans 3 journaux au choix de Mme [N] et de la société Vtlc, et aux frais de la société [W] Preziosen, à concurrence de 5.000 euros HT par insertion; DIT que le tribunal se réserve la liquidation des astreintes prononcées ; REJETTE les demandes subsidiaires et complémentaires de Mme [N] et de la société Vtlc fondées sur la concurrence déloyale et le parasitisme ; CONDAMNE in solidum la société [W] Preziosen et M. [W] aux dépens, et autorise Maître Valérie Gastinel, avocat, à recouvrer directement ceux dont elle aurait fait l'avance sans avoir reçu provision, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile; CONDAMNE in solidum la société [W] Preziosen et M. [W] à payer la somme de 20.000 euros chacune, à Mme [N] et à la société Vtlc (soit 40.000 euros en tout) par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; ORDONNE l'exécution provisoire de la présente décision sauf en ce qui concerne sa publication par voie de presse. Fait et jugé à Paris le 16 mars 2023. LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
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JURITEXT000047636344
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AUTRES_DECISIONS
Tribunal judiciaire de Paris, 30 mars 2023, 21/03573
2023-03-30
Tribunal judiciaire de Paris
21/03573
CT0196
x
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 3ème chambre 1ère section No RG 21/03573 No Portalis 352J-W-B7F-CT6QH No MINUTE : Assignation du :04 mars 2021 JUGEMENT rendu le 30 mars 2023 DEMANDERESSE S.A.R.L. GAIATREND[Adresse 1][Localité 3] représentée par Me Pierre GREFFE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E0617 DÉFENDERESSE S.A.R.L. LUMABECA[Adresse 4][Adresse 4][Localité 2] représentée par Me Mélanie VION de la SELARLU MÉLANIE VION AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D1488 COMPOSITION DU TRIBUNAL Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointeElodie GUENNEC, Vice-présidenteMalik CHAPUIS, Juge, assistés de Caroline REBOUL, Greffière en présence de Anne BOUTRON, magistrat en stage de pré affectation DEBATS A l'audience du 23 janvier 2023 tenue en audience publique, avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue le 30 mars 2023. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffeContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DU LITIGE : 1. La société à responsabilité limitée Gaiatrend, fondée en 2008, conçoit et fabrique des cigarettes électroniques et des liquides pour cigarettes électroniques dits "e-liquides". Elle est titulaire d'une licence exclusive d'exploitation portant sur la marque de l'Union européenne "FR4 " enregistrée par M. [S] [U] sous le no 013515581 pour désigner notamment en classes 3, 10 et 34 des arômes ou additifs pour les recharges de cigarettes électroniques, les e-liquides pour cigarettes électroniques et les fluides et liquides aromatiques pour cigarettes électroniques. 2. La société Lumabeca, crée en 2013, commercialise des cigarettes électroniques, des e-liquides et des concentrés d'arômes, sous la marque Liberty-Vap, et ce, sur son site internet accessible à l'adresse <www.liberty-vap.fr>. 3. La société Gaiatrend indique avoir découvert en décembre 2020 que la société Lumabeca proposait à la vente des arômes pour la fabrication de liquides pour cigarettes électroniques sous le signe "CLASSIC FR4" et son abréviation "CFR4", ce qu'elle a fait constater par huissier de justice le 15 décembre 2020. 4. Par une ordonnance du 13 janvier 2021, la société Gaiatrend a été autorisée à faire pratiquer une saisie-contrefaçon au siège social de la société Lumabeca. Les opérations se sont déroulées le 11 février 2021 et par acte d'huissier du 4 mars 2021, la société Gaiatrend a fait assigner la société Lumabeca devant le tribunal judiciaire de Paris en contrefaçon de marque. 5. Aux termes de ses dernières conclusions signifiées par la voie électronique le 25 mars 2022, la société Gaiatrend demande au tribunal de : - Débouter la société Lumabeca de l'ensemble de ses demandes, fin et conclusions ; - Dire qu'en fabriquant et commercialisant des arômes pour e-liquides, sous le signe "CLASSIC FR4" et son abréviation "CFR4", la société Lumabeca a commis des actes de contrefaçon de marque au préjudice de GAIATREND en application des dispositions de l'article 9 b) du Règlement UE no2017/1001 ; Subsidiairement, - Juger, qu'en commercialisant des arômes pour e-liquides sous le signe "CLASSIC FR4" et son abréviation "CFR4", la société Lumabeca a commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire en application de l'article 1240 du code civil ; En conséquence,- Interdire à la société Lumabeca, sous astreinte de 500 euros par infraction constatée à compter de la signification du jugement, d'importer, d'exporter, de faire fabriquer, de fabriquer, d'offrir à la vente et/ou de commercialiser sur le territoire de l'Union européenne des arômes pour e-liquides marqués "CLASSIC FR4", "CFR4" et plus généralement "FR4" ;- Ordonner sous astreinte de 1.500 euros par jour de retard, à compter du 8ème jour suivant la signification du jugement à intervenir, que les produits contrefaisants soient rappelés des circuits commerciaux et détruits aux frais de la société Lumabeca;- Condamner la société Lumabeca à verser à la société Gaiatrend: * la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon commis à son encontre ; * subsidiairement, la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale et parasitaire commis à son encontre et résultant des mêmes faits que ceux invoqués au titre de la contrefaçon.- Ordonner la publication du jugement à intervenir dans cinq journaux ou revues au choix de la société Gaiatrend et aux frais de la société Lumabeca sans que le coût global de chacune de ces insertions ne puisse excéder la somme de 5.000 euros HT ;- Ordonner, en outre, la publication par la société Lumabeca, dans le premier quart supérieur et dans toute la largeur de la première page de son site internet https://liberty-vap.fr/, dans un bandeau de couleur rouge, le texte suivant, en lettres noires de taille égale de caractère Verdana taille 12, dans la totalité de l'espace dudit bandeau, et ce pendant une durée ininterrompue d'un mois, sous astreinte de 1000 (mille) euros par jour de retard à compter de la signification du jugement : "Par jugement de Tribunal judiciaire de Paris du?., la société Lumabeca été condamnée pour avoir commis des actes de contrefaçon / de concurrence déloyale et parasitaire en commercialisant un arôme pour e-liquide reproduisant la marque "FR4" de la société Gaiatrend" ; - Condamner la société Lumabeca au paiement de la somme de 20.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ce compris les frais d'huissiers relatifs aux procès-verbaux de constat et de saisie-contrefaçon précités ;- Condamner la société Lumabeca aux entiers dépens de la procédure conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. 6. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 5 avril 2022, la société Lumabeca demande au tribunal de : - Prononcer la nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon en date du 11 février 2021 et des opérations de saisie-contrefaçon afférentes ; - Prononcer la nullité du procès-verbal de constat internet en date du 15 décembre 2020; - Ecarter des débats le procès-verbal de constat internet en date du 15 décembre 2020 dépourvu de toute force probante ; - Prononcer la déchéance totale des droits de la société Gaiatrend sur la marque de l'Union européenne FR4 no013515581 pour l'ensemble des produits qu'elle désigne à compter du 20 octobre 2016 ; A titre subsidiaire, - Prononcer la déchéance partielle des droits de la société Gaiatrend sur la marque de l'Union européenne FR4 no013515581 pour l'ensemble des produits qu'elle désigne à compter du 20 octobre 2016 : en classe 3 : les " Parfums; Huiles essentielles et extraits aromatiques; Eaux de senteurs; Arômes " ; en classe 10 : les " Inhalateurs de nicotine à usage médical " ; en classe 34 : les " Arômes ou additifs pour les recharges de cigarettes électroniques, cigares électroniques, cigarillos électroniques, pipes électroniques, chichas électroniques; Tabac; Articles pour fumeurs; Cigares et cigarettes; Boîtes et coffrets pour cigares et cigarettes; Cartouches aromatiques destinées à un dispositif électronique de substitut de cigarettes, de cigares, de cigarillos, de chichas électroniques ou de pipes contenant des succédanés du tabac non à usage médical; Dispositifs électroniques pour fumeurs servant de substitut de cigarettes, de cigares, de cigarillos, de chichas électroniques ou de pipes contenant des succédanés du tabac non à usage médical; Cigarettes électroniques, cigares électroniques, cigarillos électroniques, chichas électroniques ou pipes électroniques contenant des succédanés du tabac non à usage médical; Cigarettes contenant des succédanés du tabac non à usage médical; Inhalateurs de nicotine non à usage médical; dispositifs électroniques d'inhalation; dispositifs électroniques d'inhalation"; - Débouter la société Gaiatrend de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ; - Débouter la société Gaiatrend de ses demandes formées en contrefaçon de marque ; - Débouter la société Gaiatrend de ses demandes formées à titre subsidiaire en concurrence déloyale et parasitaire ; A titre infiniment subsidiaire, - Fixer à la somme de 86.44 euros les dommages-intérêts prononcés à l'encontre de la société Lumabeca au regard de l'attestation comptable versée aux débats ; En toutes hypothèses, - Condamner la société Gaiatrend à verser la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; - Condamner la société Gaiatrend aux entiers dépens. 7. L'instruction a été close par ordonnance du 07 avril 2022 et l'affaire plaidée à l'audience du 23 janvier 2023. MOTIFS DE LA DÉCISION 1o) Sur la nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon Moyens des parties 8. La société Lumabeca soutient que la procédure de saisie-contrefaçon n'est pas régulière faute de signification prélable de l'ordonnance avant le commencement des opérations ; elle soutient en substance que la signification de l'ordonnance rendue sur requête par dépôt à l'étude de l'huissier de justice n'est pas régulière. 9. La société Lumabeca ajoute qu'à l'adresse de son siège social se situe également le domicile personnel de sa gérante (au premier étage), clairement distinct de ses locaux professionnels (au rez-de-chaussée). Elle en déduit que l'huissier a outrepassé sa mission en pénétrant dans les locaux d'habitation privée et que le procès-verbal de saisie-contrefaçon doit être annulé pour ce second motif également. 10. La société Gaiatrend conclut quant à elle à la validité des opérations de saisie-contrefaçon. Elle soutient d'abord que la signification de l'ordonnance par dépôt en son étude par l'huissier de justice est parfaitement régulière en l'absence de la partie saisie sur les lieux. Elle ajoute qu'un avis de passage a été laissé au domicile du saisi qui a en l'occurrence pris connaissance de l'ordonnance dès le lendemain. Elle ajoute que l'huissier ignorait que le rez de chaussée correspondait à des locaux professionnels et le premier étage à une partie habitation et que le rez de chaussée était inaccessible par le premier étage. Elle fait à cet égard valoir que l'huissier a respecté les limites de sa mission car selon le procès-verbal de saisie l'huissier n'est pas entré dans les pièces non utilisées à titre professionnel et a demandé à l'informaticien de cesser ses investigations sur l'ordinateur portable dès qu'il a constaté qu'il était utilisé à des fins privées. Appréciation du tribunal 11. Selon l'article L. 716-4-7 du code de la propriété intellectuelle, la contrefaçon peut être prouvée par tous moyens. A cet effet, toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon est en droit de faire procéder en tout lieu et par tous huissiers, le cas échéant assistés d'experts désignés par le demandeur, en vertu d'une ordonnance rendue sur requête par la juridiction civile compétente, soit à la description détaillée, avec ou sans prélèvement d'échantillons, soit à la saisie réelle des produits ou services prétendus contrefaisants ainsi que de tout document s'y rapportant. L'ordonnance peut autoriser la saisie réelle de tout document se rapportant aux produits et services prétendus contrefaisants en l'absence de ces derniers. La juridiction peut ordonner, aux mêmes fins probatoires, la description détaillée ou la saisie réelle des matériels et instruments utilisés pour fabriquer ou distribuer les produits ou fournir les services prétendus contrefaisants. (...) 12. Il résulte en outre de 495 du code de procédure civile que l'ordonnance sur requête est motivée. Elle est exécutoire au seul vu de la minute. Copie de la requête et de l'ordonnance est laissée à la personne à laquelle elle est opposée. 13. Ces dispositions sont constamment interprétées en ce sens que l'ordonnance et la requête doivent impérativement être présentées à la personne à laquelle elles sont opposées avant le début des opérations (Cass. Civ. 1ère, 19 mars 2015, pourvoi no 13-25.311, Bull. 2015, I, no 65). Il est ainsi constamment jugé que "La signification à l'étude de l'huissier de l'ordonnance ayant autorisé sur requête une mesure d'instruction avant tout procès sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile ne peut tenir lieu de remise de l'ordonnance et de la requête à celui à qui la mesure est opposée, exigée par l'article 495, alinéa 3, du même code." (Cass. Civ. 2ème , 23 juin 2016, pourvoi no 15-19.671, Bull. 2016, II, no 170 ; Cass. Civ. 2ème , 10 février 2011, pourvoi no 10-13.894, Bull. 2011, II, no 36). 14. Autrement dit, la signification de l'ordonnance par un acte remis à l'étude de l'huissier préalablement à la conduite des opérations ne peut pallier le défaut de remise de la copie de l'ordonnance et de la requête au saisi exigée pour assurer le respect du principe de la contradiction (Cass. Civ. 2ème, 27 févr. 2014, pourvoi no 13-10.010), à moins que le juge des requêtes ait spécialement prévu dans l'ordonnance la possibilité de retarder la notification de la décision lorsque l'efficacité de la mesure le justifie (Cass. Civ. 2ème, 4 septembre 2014, pourvoi no 13-22.971) ou lorsque l'huissier de justice se heurte à une opposition de la personne subissant la mesure (Cass. Civ. 2ème, 30 novembre 2016, pourvoi no 15-15.035, Bull. 2016, II, no 259). 15. En l'occurrence, l'huissier de justice a réalisé les opérations de saisie en l'absence de la représentante de la société Lumabeca sur les lieux (pendant une période de vacances scolaires), sans qu'aucune circonstance ne justifie de ne pas respecter ici les dispositions de l'article 495 du code de procédure civile. Il y a donc lieu d'annuler le procès-verbal de saisie-contrefaçon dressé par Maître [Z], huissier de justice, le 11 février 2021, à la requête de la société Gaïatrend. 2o) Sur la nullité du procès-verbal de constat réalisé sur internet Moyens des parties 16. Selon la société Lumabeca, le constat réalisé sur internet du 15 décembre 2020 est nul faute pour l'huissier d'avoir respecté certains prérequis techniques (description du matériel informatique utilisé, indication des pare-feux employés, descriptions des logiciels anti-virus employés, précision quant au paramètrage de définition de l'écran, suppression des données de navigation ; elle relève également des incohérences dans le constat d'huissier et en particulier une heure de décalage entre le début des opérations à 15h36 et la connexion au serveur du gestionnaire de nom de domaine (14h43). 17. La société Gaiatrend conclut au rejet du moyen de nullité du procès-verbal, les prérequis visés par la société Lumabeca n'étant selon elle pas de nature à interférer avec le contenu du site internet et n'étant pas imposés à peine de nullité. Appréciation du tribunal 18. En l'occurrence, le tribunal constate que l'huissier a amplement décrit le matériel informatique et le navigateur utilisé, vidé le cache du navigateur, supprimé les données de navigation, vérifié que la connexion à partir d'un serveur Proxy était désactivée, vidé la corbeille et synchronisé l'horloge (cf constat page 2/21, pièce Gaïatrend no8). Ces éléments permettent de garantir l'intégrité des contenus numériques téléchargés par l'huissier lors de ses opérations, tandis que la société défenderesse n'offre pas de caractériser en quoi les vérifications manquantes (paramètrage de l'écran, description des pare-feux et logiciels anti-virus installés) pourraient apparaître comme ayant été de nature à vicier ses opérations. Il n'y aura donc pas lieu à annulation du procès-verbal de ce chef. 19. S'agissant du second moyen, le tribunal constate que les constatations sur le serveur du gestionnaire de nom de domaine ont eu lieu à 14h43 GMT, ce dernier acronyme signifiant Greenwitch Mean Time, avec lequel la France connaît un décalage d'une heure (supplémentaire). Aucune incohérence n'affecte donc les opérations réalisées en France par Me [O] le 15 décembre 2020 à partir de 15 h 36. La demande d'annulation du procès-verbal de constat réalisé sur internet à la requête de la société Gaïatrend est rejetée. 3o) Sur la déchéance de la marque "FR4" no013515581 Moyens des parties 20. Sur le fondement de l'article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle, la société Lumabeca fait valoir que la marque "FR4" encourt la déchéance dès lors elle n'a pas, selon elle, été utilisée à titre de marque, c'est-à-dire pour indiquer l'origine commerciale du e-liquide sur lequel elle est apposée ; ce signe a selon elle toujours été utilisé pour indiquer une saveur, le seul signe perçu par le public pertinent comme une marque étant le signe "Alfaliquid". L'usage constaté du signe "FR4" ne peut donc valoir selon elle à titre de marque pour les produits et services visés à l'enregistrement. 21. La société Gaiatrend soutient pour sa part que le signe "FR4" est utilisé à titre de marque et qu'il permet au public d'identifier l'origine de ses produits et de les différencier de ceux d'entreprises concurrentes, au même titre que la marque ombrelle Alfaliquid. Elle rappelle que plusieurs décisions de ce tribunal et de la cour d'appel de Paris se sont déjà prononcées en ce sens. Appréciation du tribunal 22. L'article 58 du règlement, paragraphe 1, sous a) prévoit que le titulaire de la marque de l'Union européenne est déclaré déchu de ses droits, sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon si, pendant une période ininterrompue de cinq ans, la marque n'a pas fait l'objet d'un usage sérieux dans l'Union pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée, et qu'il n'existe pas de justes motifs pour le non-usage. En vertu du paragraphe 2 du même article, si la cause de déchéance n'existe que pour une partie des produits ou des services pour lesquels la marque est enregistrée, le titulaire n'est déclaré déchu de ses droits que pour les produits ou les services concernés. 23. En l'espèce, la recevabilité de la demande en déchéance formée non contre le titulaire mais contre le licencié exclusif ayant qualité à agir en contrefaçon n'a pas été contestée. Néanmoins, cette demande ne saurait affecter les droits du titulaire (M. [S] [U]), qui n'est pas partie à l'instance, et elle s'analyse en réalité, dans le cadre relatif du litige entre les parties, en une défense au fond, contre le licencié, tendant à rejeter ses prétentions fondées sur la marque en tant que celle-ci désigne certains produits pour lesquels l'usage sérieux n'est pas prouvé. 24. Il est constant que la fonction essentielle de la marque est de garantir aux consommateurs la provenance du produit ou du service (voir notamment CJCE, 12 novembre 2002, Arsenal football club, C-206/01, point 51). 25. La société Gaïatrend ne conteste pas employer sa marque FR4 exclusivement pour des produits qui ont en commun une saveur déterminée et que la marque Alfaliquid figure en grand format sur tous les flacons de e-liquide qu'elle commercialise quel que soit leur arôme. 26. Cependant, il est parfaitement loisible et permis à un opérateur économique d'indiquer la provenance d'un produit ou d'un service par plusieurs indications, de sorte que la coexistence de plusieurs marques sur un même produit n'implique pas que l'une ou l'autre marque n'est pas exploitée en tant que marque (ainsi, une marque exploitée en tant que partie d'une autre marque ou en combinaison avec elle peut même devenir distinctive par l'usage, CJCE, 7 juillet 2005, Société des produits Nestlé, C-353/03, dispositif et notamment points 26-27). 27. Il est tout autant permis d'exploiter une marque pour une sous-catégorie de produits ; par rapport à l'ensemble de la gamme, cette sous-catégorie a par définition une particularité, dont rien n'empêche qu'elle corresponde à une caractéristique essentielle du produit, et rien n'empêche que cette caractéristique soit la saveur de celui-ci. Le titulaire de la marque peut ainsi l'utiliser pour identifier, au sein de l'ensemble de ses produits, ceux qui partagent une même saveur, de la même manière qu'il pourrait rassembler ses produits sous des marques secondaires selon leur qualité, leur couleur, leur taille, leur période de fabrication, dès lors que le signe lui-même n'est pas descriptif de la caractéristique qu'il sert à identifier, ce qui relève du débat sur la validité et du caractère distinctif ou non du signe. 28. Autrement dit, le droit des marques ne prévoit aucun empêchement à ce qu'un signe, pour peu qu'il soit arbitraire, serve à la fois à distinguer une caractéristique du produit (comme sa saveur) et indiquer sa provenance. 29. En choisissant de désigner une saveur par un signe arbitraire qu'elle a fait enregistrer en tant que marque, une entreprise indique que cette saveur n'est pas une saveur générique (telle que "menthe poivrée" selon les mentions figurant sur l'un des flacons versés aux débats), mais la sienne, qui lui est propre (ici sa version du goût du tabac blond caramélisé de la société Gaïatrend). Il s'agit bien, à l'évidence, d'une indication d'origine, c'est-à-dire la fonction essentielle de la marque. 30. Il en résulte que l'emploi de la marque, par son titulaire, même sous une marque ombrelle, comme indication de la saveur des produits qu'elle revêt, est bien un usage en tant que marque de la part de son titulaire et apparaît ainsi insusceptible de justifier une déchéance. Le moyen tiré de la déchéance de la marque "FR4" no013515581 est donc rejeté. 4o) Sur la contrefaçon de marque Moyens des parties 31. La société Gaiatrend rappelle en premier lieu que la marque "FR4" est enregistrée pour désigner les arômes ou additifs pour les recharges de cigarettes électronique ; les e-liquide pour cigarettes électroniques ; les fluides et liquides aromatiques pour cigarettes électroniques, et qu'elle est très fortement distinctive, cette distinctivité étant accrue par la notoriété dont elle bénéficie. La société Gaiatrend ajoute que les termes "CLASSIC FR4 " et " CFR4 ", reprenant un terme descriptif anglais et son abréviation, n'ont aucun caractère distinctif, de sorte que le consommateur accordera une attention particulière à " FR4 ". La société Gaiatrend soutient que la société Lumabeca utilise la marque "FR4" pour des arômes, et donc pour des produits identiques à ceux désignés à l'enregistrement. La société Gaiatrend en déduit l' existence d'un risque de confusion. 32. La société Lumabeca soutient quant à elle que le signe "FR4" est faiblement distinctif car "FR" est l'abréviation de France, ce qui renvoit à l'origine française des produits, tandis que "4" est régulièrement utilisé pour désigner une saveur spécifique de tabac. La société Lumabeca ajoute que le signe FR4 n'est pas connu de la clientèle pour désigner l'origine commerciale d'un e-liquide pour cigarettes électroniques, mais un arôme spécifique, la société Gaïatrend commercialisant ses produits sous la marque ombrelle "Alfaliquid", qui seule selon elle est perçue par le public pertinent comme une indication d'origine des produits. La société Lumabeca ajoute faire usage du signe "FR4" dans le signe complexe suivant "AROME CLASSIC C FR4 LIBERTY VAP " qui se distingue selon elle fortement de la marque et, tout comme la société Gaïatrend, non pour désigner une origine mais l'arôme d'un produit, ce qui exclut selon elle tout usage à titre de marque. La société Lumabeca en déduit qu'il n'existe aucun risque de confusion dans l'esprit du public pertinent. Appréciation du tribunal 33. Conformément à l'article 9-2 du règlement 2017/1001 du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne , sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité d'une marque de l'Union européenne, le titulaire de cette marque de l'Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe pour des produits ou services lorsque: (...) b) ce signe est identique ou similaire à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou services identiques ou similaires aux produits ou services pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public ; le risque de confusion comprend le risque d'association entre le signe et la marque. 34. Interprétant les dispositions en substance identiques au règlement de l'article 5 § 1 de la première Directive du Conseil du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des États membres sur les marques (89/104/CEE), la Cour de Justice de l'Union européenne a dit pour doit que, constitue un risque de confusion au sens de ce texte, le risque que le public puisse croire que les produits ou services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d'entreprises liées économiquement (CJCE, 29 septembre 1998, Canon, aff. C-39/97, point 29 ; CJCE, 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik, aff. C-342/97). Selon cette même jurisprudence, l'existence d'un risque de confusion dans l'esprit du public doit être appréciée globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce (CJCE, 11 novembre 1997, Sabel, aff. C-251/95, point 22), en tenant compte en particulier de leurs éléments distinctifs et dominants. 35. Afin d'apprécier le degré de similitude existant entre les marques concernées, la juridiction nationale doit déterminer leur degré de similitude visuelle, auditive et conceptuelle et, le cas échéant, évaluer l'importance qu'il convient d'attacher à ces différents éléments, en tenant compte de la catégorie de produits ou services en cause et des conditions dans lesquelles ils sont commercialisés (voir arrêt Lloyd Schuhfabrik, C-342/97 ). 36. Il est également rappelé que l'appréciation de la similitude entre deux signes ne peut se limiter à prendre en considération uniquement un composant d'une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d'opérer la comparaison en examinant les marques en cause considérées chacune dans son ensemble (CJCE, 12 juin 2007, OHMI/Shaker, aff. C-334/05, point 41). L'impression d'ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe peut, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants. Toutefois, ce n'est que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l'appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l'élément dominant (arrêts OHMI/Shaker, points 41 et 42, ainsi que CJCE, 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, aff. C-193/06, points 42 et 43). La marque peut en effet conserver dans le signe complexe sa position distinctive autonome (arrêt Medion, CJCE, 6 octobre 2005, aff. C-120/04, points 30 et 36). 37. En l'occurrence, le signe FR4 est employé comme suit par la société défenderesse, précédé du signe "classic" ou d'un "C" dans l'expression complexe "Arôme classic CFR4 (liberty vap)" ; cf ci-dessous un extrait du constat réalisé sur le site internet de la société Lumabeca : 38. Il s'agit, comme au demeurant pour la société Gaïatrend, d'un usage à titre de marque. 39. Concernant le degré de similitude entre les produits, il est constant que les arômes concentrés vendus par la société Lumabeca entrent dans la composition des liquides aromatisés, et qu'ils en sont l'ingrédient qui donne audit liquide sa saveur. S'agissant en outre d'un arôme concentré dénommé « arôme tabac », il apparaît qu'il n'est employé par la défenderesse que pour la fabrication de liquides aromatisés pour cigarettes électroniques. Un produit, dont le seul objet est d'être l'ingrédient déterminant d'un autre, et en est ainsi le complément nécessaire, a évidemment avec celui-ci un très grand degré de similarité. 40. Le public pertinent est au moins pour partie le même que celui des produits pour lesquels la marque est enregistrée ; il est composé des consommateurs de cigarettes électronique (et de leur contenu les e-liquides), ainsi qu'en atteste la mention "Pour l'élaboration de vos liquides faits maisons Do it yourself" (faites le vous-même) figurant en légende des produits sur le site internet de la société Lumabeca. Constitué de consommateurs, le public pertinent apparaît d'attention moyenne, voire faible. 41. La ressemblance visuelle et auditive entre la marque et les signes est moyenne, en raison notamment de la présence du terme "classic" en attaque dans le signe argué de conterfaçon. Le tribunal observe néanmoins que le terme "classic" est descriptif du signe distinctif "FR4" ; le public pertinent le percevra comme signifiant que la société Lumabeca commercialise un produit "FR4" classique, y compris dans le signe plus complexe "Arôme classic CFR4 (liberty vap)", dans lequel le signe "FR4" a gardé sa position distinctive autonome. La ressemblance conceptuelle entre les signes et la marque est donc élevée. 42. Il n'est pas sérieusement contestable que les lettres « FR », employées seules, peuvent servir à désigner la France, ainsi que le relève la société Lumabeca. Mais le chiffre 4 s'y ajoute et n'a en lui-même aucun lien avec une provenance géographique, ni ne contribue à préciser ou modifier la désignation géographique exprimée par les lettres FR, de sorte que pris dans son ensemble, FR4 n'est pas composé exclusivement d'indications pouvant désigner la provenance géographique du produit, non plus que l'une de ses caractéristiques, aucune saveur ou odeur ne s'exprimant, à la connaissance du tribunal, en termes numériques. 43. Aussi, en raison de la très grande similarité des produits concernés comme de leur forte ressemblance conceptuelle, il en résulte que le public pertinent est amené à penser que le produit revêtu des signes "Classic FR4" est un produit authentique, fruit d'une collaboration avec la société Gaïatrend, ou pire, que le produit de la société Gaïatrend n'est pas authentique. Le risque de confusion est donc établi. 44. La contrefaçon de marques est retenue de sorte que les demandes subsidiaires fondées sur la concurrence déloyale et parasitaire sont sans objet. 5o) Sur les mesures de réparation 45. En vertu de l'article L. 717-2 du code de la propriété intellectuelle, les dispositions des articles L. 716-4-10, L. 716-4-11 et L. 716-8 à L. 716-13 sont applicables aux atteintes portées au droit du titulaire d'une marque de l'Union européenne. 46. Ainsi, en application du premier de ces textes, pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement : 1o Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ; 2o Le préjudice moral causé à cette dernière ; 3o Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon. 47. Toutefois (2nd alinéa de l'article L. 716-4-10 dont l'application est ici sollicitée), la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée. 48. Il est constant que la société Gaïatrend ne vend pas d'arômes ; les aômes commercialisés par la société Lumabeca s'adressent cependant aux mêmes consommateurs afin qu'ils réalisent eux-mêmes leurs flacons de e-liquide. Les ventes effectuées par cette société ont donc elles-mêmes affecté les propres ventes de la demanderesse, lui causant un préjudice commercial. 49. La société Lumabeca a réalisé un bénéfice du fait de la contrefaçon. Elle communique une attestation de son expert comptable selon laquelle le chiffre d'affaires réalisé sur les produits "Classic FR4", entre le 1er octobre 2018 et le 31 décembre 2021, s'est élevé 324,35 euros HT, et la marge brute à 172,05 euros.Ce bénéfice permet, conformément à l'article L. 716-4-10, de déterminer un préjudice pour la société Gaïatrend, car si ses droits avaient été respectés, elle aurait pu demander une rémunération pour l'usage de sa marque. 50. Par ailleurs, l'usage illicite de la marque a contribué à l'affaiblissement de la valeur distinctive de celle-ci. Ce préjudice moral peut être estimé, en tenant compte du volume assez faible de ventes réalisées par la société Lumabeca à la somme de 4.500 euros. 51. La société Lumabeca doit par conséquent être condamnée à payer 4.672,05 euros à la société Gaïatrend en réparation de son préjudice causé par l'intégralité des faits de contrefaçon commis par elle. 52. Il sera fait droit aux demandes d'interdiction et de retrait des circuits commerciaux en application des dispositions de l'article L. 716-6 du code de la propriété intellectuelle. Les demandes de publication de la présente décision apparaissent en revanche disproportionnées au regard des autres dispositions de la présente décision. 6o) Dispositions finales 53. Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, la société Lumabeca supportera les dépens et sera condamnée à payer à la société Gaïatrend la somme de 7.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile (cette somme incluant les frais de constat sur internet mais pas les frais de la saisie-contrefaçon annulée ). 54. Aucune circonstance ne justifiant d'y déroger, il sera rappelé que la présente décision est assortie de plein droit de l'exécution provisoire, conformément aux dispositions de l'article 514 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL, DÉCLARE nul le procès-verbal de saisie-contrefaçon dressé le 11 février 2021 par Maître [Z], huissier de justice, à la requête de lasociété Gaïatrend ; REJETTE la demande d'annulation du procès-verbal de constat dressésur internet le 15 décembre 2020, par Maître [O], huissier de justice ; REJETTE la demande aux fins de prononcer la déchéance de la marque de l'Union européenne "FR4" no 013515581 sur laquelle la société Gaïatrend bénéficie d'une licence exclusive ; DIT qu'en fabriquant et commercialisant des arômes pour e-liquides, sous le signe "CLASSIC FR4" et"CFR4", la société Lumabeca a commis des actes de contrefaçon de cette marque ; FAIT DÉFENSE à la société Lumabeca d'importer, exporter, faire fabriquer, fabriquer, offrir à la vente et/ou de commercialiser, sur le territoire de l'Union européenne, des arômes pour e-liquides marqués "CLASSIC FR4", "CFR4" et plus généralement "FR4", et ce, sous astreinte de 500 euros par infraction constatée courant à l'expiration d'un délai de 30 jours suivant la signification du présent jugement et pendant 180 jours ; ORDONNE que les produits contrefaisants soient rappelés des circuits commerciaux et détruits aux frais de la société Lumabeca ; CONDAMNE la société Lumabeca à payer à la société Gaiatrend la somme de 4.672,05 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon ; REJETTE les demandes de publication du présent jugement ; CONDAMNE la société Lumabeca aux dépens ; CONDAMNE la société Lumabeca à payer à la société Gaïatrend la somme de 7.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile (en ce compris les frais d'huissiers relatifs aux procès-verbaux de constat) ; RAPPELLE que la présente décision est de plein droit assortie de l'exécution provisoire. Fait et jugé à Paris le 30 mars 2023. LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
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JURITEXT000047636345
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AUTRES_DECISIONS
Tribunal judiciaire de Paris, 11 mai 2023, 21/14390
2023-05-11
Tribunal judiciaire de Paris
21/14390
CT0196
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TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 3ème chambre 1ère section No RG 21/14390 No Portalis 352J-W-B7F-CVQ44 No MINUTE : Assignation du :16 novembre 2021 JUGEMENT rendu le 11 mai 2023 DEMANDEURS S.A.S. [G] HUI[Adresse 4][Localité 9] Monsieur [B] [G][Adresse 2][Localité 5] représentés par Me Catherine VERNERET de la SELAS DS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #T0007 DÉFENDERESSES S.A.S.U. GW HOTEL[Adresse 3][Localité 6] S.A.S.U. HN6 SIGNATURE[Adresse 3][Localité 6] représentées par Me Juliette LEFEVRE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B0310 COMPOSITION DU TRIBUNAL Madame Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointeMadame Elodie GUENNEC, Vice-présidenteMonsieur Malik CHAPUIS, Juge, assistés de Madame Caroline REBOUL, Greffière en présence de Madame Anne BOUTRON, magistrat en stage de pré affectation DEBATS A l'audience du 27 février 2023 tenue en audience publique, avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue le 11 mai 2023. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffeContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DU LITIGE 1. La société par actions simplifiée [G] Hui, immatriculée au RCS de Bobigny depuis le 15 décembre 2016, exploite sous le nom "Le Galanga" un restaurant thaïlandais situé à [Localité 9], sur les bords du canal de l'Ourq. 2. Monsieur [B] [G] est le dirigeant de cette société. Il a déposé le 26 février 2018, la marque verbale française "Le Galanga", enregistrée sous le no 4432004, pour désigner en classe 39 les services de distribution (livraison de produits) et en classe 43 les services de restauration (alimentation), de bars, de traiteurs et les services hôteliers. 3. La société GW Hotel exploite plusieurs hôtels à [Localité 10] dont l'hôtel cinq étoiles Monsieur George situé au [Adresse 1] dans le [Localité 6] qui propose à ses clients un restaurant d'inspiration asiatique, référencé au guide Michelin. 4. M. [B] [G] et la société [G] Hui indiquent avoir découvert que le restaurant d'inspiration asiatique établi au sein de l'hôtel Monsieur George est dénommé "Galanga" et que la société HN6 Signature a déposé la marque verbale française "Galanga" le 13 septembre 2019 pour désigner les produits et services de la classe 43, à savoir les services de restauration (alimentation), d'hébergement temporaire, les services de bars, de traiteurs, les services hôteliers et de réservation de logements temporaires. 5. Estimant qu'il était ainsi porté atteinte à leurs droits, ils ont par courrier du 20 avril 2021, mis en demeure la société HN6 Signature de cesser ces agissements. 6. La société HN6 Signature a, postérieurement à ce courrier, déposé: - la marque verbale française "Galanga By Monsieur Georges"pour désigner les services de la classe 43, le 20 juillet 2021; - la marque verbale française "Galanga [Localité 10]", le 23 juillet 2021, pour désigner les services de la classe 43 et notamment les services de restauration, de bars et les services hôteliers. 7. Par actes du 16 novembre 2021, M. [B] [G] et la société [G] Hui ont fait assigner les sociétés GW Hotel et HN6 Signature devant le tribunal judiciaire de Paris en contrefaçon de marque et concurrence déloyale, afin que soit ordonné l'arrêt de l'activité de service de restauration sous le nom "Galanga". 8. Le 25 janvier 2022, la société HN6 Signature a renoncé aux marques "Galanga" et "Galanga [Localité 10]"afin de ne conserver que la marque "Galanga by Monsieur George" pour exploiter le restaurant de l'hôtel Monsieur George, ce dont elle a informé M. [B] [G] et la société [G] Hui par courrier du 15 février 2022. 9. Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 17 mai 2022, M. [B] [G] et la société [G] Hui demandent au tribunal, au visa du livre VII du code de la propriété intellectuelle, des articles 1383-2 et 1240 du Code civil, de l'article 10 bis de la Convention de l'Union de Paris, et des articles L. 121-2 et suivants du code de la consommation, de : - Dire et juger qu'en renonçant à leurs marques « Galanga» (no4581465) et « Galanga [Localité 10] » (no4787521) suite à l'assignation qui leur a été délivrée, les sociétés GW Hotel et HN6 Signature ont reconnu les faits de contrefaçon commis au préjudice des demandeurs, ce qui a valeur d'aveu judiciaire ; - Dire et juger que l'offre en vente, la mise sur le marché et la commercialisation de services de restauration par les sociétés GW Hotel et HN6 Signature reproduisant ou imitant les caractéristiques de la marque verbale "Le Galanga" no4432004 de M. [G] constituent des actes de contrefaçon de droits de marque, conformément aux dispositions du Livre VII du code de la propriété intellectuelle et notamment des articles L 713.1 et suivants, L 716.1 et suivants et L 716.9 et L 716.10 et L 716.7 et suivants, ainsi que des actes de concurrence déloyale et de parasitisme en application de l'article 1240 du Code civil et de l'article 10 bis de la Convention de l'Union de Paris et ce au préjudice de la société [G] Hui; En conséquence : - Faire interdiction totale et immédiate aux sociétés GW Hotel et HN6 Signature d'exposer, d'offrir en vente, de mettre sur le marché et de commercialiser des services des classes 39 et 43 seul ou en combinaison avec d'autres éléments, ou de toute autre dénomination susceptible de créer une confusion avec la marque verbale "Le Galanga" no4432004, pour des services identiques à ceux qu'ils commercialisent à quelque titre et sur quelque support que ce soit, et ce sous astreinte de 500 euros par infraction constatée et de 7.000 euros par jour de retard, et ce, à compter du prononcé du jugement, la juridiction de céans se réservant le droit de procéder à la liquidation de l'astreinte; - Annuler les marques françaises "Galanga" no4581465, "Galanga by Monsieur George" no4786454 et enfin "Galanga [Localité 10]" no4787521 du fait des droits antérieurs de M. [B] [G] et de la société [G] Hui sur le nom "Galanga"; - Condamner chacune des sociétés GW Hotel et HN6 Signature à payer à M. [B] [G] la somme de 20.000 euros au titre des actes de contrefaçon de sa marque ;- Condamner chacune des sociétés GW Hotel et HN6 Signature à payer à la société SAS [G] Hui la somme de 20.000 euros au titre des atteintes à son nom commercial et son enseigne ; - Ordonner la publication aux frais exclusifs des sociétés GW Hotel et HN6 Signature du communiqué judiciaire suivant : « Par décision du [.], le Tribunal judiciaire de Paris, à la demande de Monsieur [G] et la société SAS [G] HUI, interdit aux sociétés GW Hotel et HN6 Signature, toute commercialisation de service de restauration, de bars, de traiteurs ou encore des services hôteliers sous le nom Galanga seul ou associé à un autre signe, sous quelque forme et à quelque titre que ce soit et notamment à titre de marque, de dénomination sociale, de nom commercial, nom de domaine ou d'enseigne, sur tous supports » dans 5 journaux et revues de presse française au choix discrétionnaire de M. [B] [G] et de la société [G] Hui et aux frais exclusifs de sociétés GW Hotel et HN6 Signature et ce, sans que le coût global de cette publication n'excède la somme de 20.000 euros H.T augmentée de la T.V.A au taux en vigueur au jour de la facturation, somme qui devra être consignée entre les mains de Monsieur le Bâtonnier de l'Ordre des avocats de Paris dans le délai de 48 heures à compter de la signification du jugement à intervenir, et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard. Le Tribunal dira que Monsieur le Bâtonnier de l'Ordre des avocats de Paris attribuera cette somme sur production de la commande de ces publications;- Ordonner la publication permanente du dispositif de la décision à intervenir sur la page d'accueil de tous les sites Internet des sociétés GW Hotel et HN6 Signature, en langue française ou anglaise, et notamment sur le site Internet à l'adresse monsieurgeorge.com, pendant 3 mois, et ce dans un délai de 8 jours à compter de la signification de la décision à intervenir, sous astreinte de 10.000 euros par jour de retard ; - Dire que ces publications devront s'afficher de façon visible en lettres de taille suffisante, aux frais des sociétés GW Hotel et HN6 Signature, en dehors de tout encart publicitaire et sans mention ajoutée, dans un encadré de 468x120 pixels : le texte qui devra s'afficher en partie haute et immédiatement visible de la page d'accueil devant être précédé du titre Avertissement judiciaire en lettres capitales et gros caractères ;- Fixer le point de départ des astreintes prononcées à l'expiration du délai de 48 heures à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir et s'en réserver expressément la liquidation ;- Dire que les condamnations porteront sur tous les faits illicites commis jusqu'au jour du prononcé du jugement à intervenir ; - Condamner les sociétés GW Hotel et HN6 Signature à payer chacune à M. [B] [G] et à la société [G] Hui la somme de 20.000 euros chacune, par application de l'article 700 du code de procédure civile ; - Condamner sociétés GW Hotel et HN6 Signature aux entiers dépens, lesquels seront recouvrés par Me Charles-Antoine Joly, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. 10. Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 27 juin 2022, les sociétés HN6 Signature et GW Hotel et demandent au tribunal, au visa des articles L. 713-1 et suivants, de l'article 1240 du code civil, de l'article L. 121-1 du code de la consommation, de l'article 32-1 et de l'article 700 du code de procédure civile, de : A titre principal :- Dire et juger que le dépôt et/ou l'exploitation des marques "Galanga" et "Galanga [Localité 10]" n'a pas constitué une contrefaçon de la marque "Le Galanga" ;- Dire et juger que l'exploitation de la marque "Galanga by Monsieur George" ne constitue pas une contrefaçon de la marque "Le Galanga" ;- Dire et juger que les sociétés HN6 Signature et GW Hotel ne sont pas coupables d'actes de concurrence déloyale ou de parasitisme ; - Dire et juger que les sociétés HN6 Signature et GW Hotel ne sont pas coupables de pratiques commerciales déloyales sur le fondement de l'article L. 121-1 du code de la consommation ;- Constater l'absence de préjudice pour M. [B] [G] et la société [G] Hui ;En conséquence - Débouter M. [B] [G] et la société [G] Hui de toutes leurs demandes, fins et prétentions à leur égard ;- Condamner M. [B] [G] à payer, respectivement, à la société HN6 Signature et à la société GW Hotel, la somme de 3 000 euros pour procédure abusive ;- Condamner Monsieur [B] [G] à payer, respectivement, à la société HN6 Signature et la société GW Hotel la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;- Condamner la société [G] Hui à payer respectivement à la société HN6 Signature et à la société GW Hotel, la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.- Condamner la société [G] Hui et Monsieur [B] [G] aux entiers dépens. L'ordonnance de clôture a été rendue le 29 juin 2022 et l'affaire a été renvoyée à l'audience du 27 février 2023. MOTIFS Sur la contrefaçon de la marque "Le Galanga" Moyens des parties 11. La société [G] Hui et M.[B] [G] font tout d'abord valoir qu'en renonçant aux marques "Galanga" et "Galanga [Localité 10]", les sociétés GW Hotel et HN6 Signature ont implicitement reconnu la matérialité des faits de contrefaçon reprochés, ce qui s'apparente, selon eux, à un aveu judiciaire. Aux fins de caractériser la contrefaçon de la marque "Le Galanga", dont ils défendent la forte distinctivité, ils exposent que les signes en litige sont quasi-identiques, le terme "Galanga" étant placé en position d'attaque des signes litigieux. Ils contestent à ce titre la banalité du terme "galanga", soutenue par les défendeurs et mettent en exergue le fait qu'ils l'ont eux-même choisi à deux reprises pour exercer leur activité de restauration. Ils ajoutent que seuls deux autres restaurants situés à [Localité 8] et [Localité 7], portent le nom "Galanga", si bien que ce terme ne peut être qualifié d'usuel dans la profession. Ils ajoutent que les services désignés par les marques en litige sont identiques s'agissant de services de restauration d'inspiration asiatique. Ils en concluent que cela est de nature à générer une confusion dans l'esprit du public pertinent qui pourrait croire à l'existence un lien entre les deux établissements. 12. Les sociétés GW Hotel et HN6 Signature contestent tout aveu judicaire qui pourrait résulter de leur renonciation aux marques "Galanga" et "Galanga [Localité 10]", alors qu'elles n'ont jamais exploité ces marques puisque le restaurant a toujours été associé au nom de l'hôtel Monsieur George. Elles rappellent, en tout état de cause, que le seul dépôt de ces marques ne peut constituer, à lui seul, un acte de contrefaçon faute d'exploitation de la marque dans la vie des affaires. Contestant tout fait de contrefaçon, les défenderesses soutiennent enfin que le terme "galanga", en ce qu'il désigne un ingrédient fréquemment utilisé dans la cuisine thaïlandaise, évoque la gastronomie asiatique et n'est donc pas un signe particulièrement distinctif et fort pour désigner un restaurant qui propose une telle cuisine. S'agissant du terme "Galanga by Monsieur George", les sociétés GW Hotel et HN6 Signature font valoir que tout risque de confusion est exclu car les signes en litige sont très différents, tant sur les plans visuel, l'un étant beaucoup plus long que l'autre, phonétique, le dernier mot "George" retenant l'attention du consommateur qui l'a prononcé, et conceptuel puisque le mot "by" permet de comprendre que le restaurant est géré est appartient à l'hôtel Monsieur George, qui devient alors l'élément dominant. Elles estiment ainsi que le public pertinent ne peut se méprendre sur l'origine des produits et services désignés par les signes en conflit. Elles ajoutent, s'il en était besoin, que les demandeurs ne font aucune démonstration du préjudice qu'ils allèguent. Appréciation du tribunal 13. Conformément aux dispositions de l'article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle, " est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l'usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services :1o D'un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ;2o D'un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s'il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d'association du signe avec la marque. " 14. L'article L. 713-3-1 du code de la propriété intellectuelle précise que " sont notamment interdits, en application des articles L. 713-2 et L. 713-3, les actes ou usages suivants :1o L'apposition du signe sur les produits ou sur leur conditionnement ;2o L'offre des produits, leur mise sur le marché ou leur détention à ces fins sous le signe, ou l'offre ou la fourniture des services sous le signe ;3o L'importation ou l'exportation des produits sous le signe ;4o L'usage du signe comme nom commercial ou dénomination sociale ou comme partie d'un nom commercial ou d'une dénomination sociale ;5o L'usage du signe dans les papiers d'affaires et la publicité ;6o L'usage du signe dans des publicités comparatives en violation des dispositions des articles L. 122-1 à L. 122-7 du code de la consommation ;7o La suppression ou la modification d'une marque régulièrement apposée.Ces actes et usages sont interdits même s'ils sont accompagnés de mots tels que : " formule, façon, système, imitation, genre, méthode ". 15. Aux termes des dispositions de l'article L. 716-4 du code de la propriété intellectuelle, l'atteinte portée au droit du titulaire de la marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur. Par ailleurs, constitue une atteinte aux droits attachés à la marque la violation des interdictions prévues aux articles L. 713-2 , L. 713-3-3 et au deuxième alinéa de l'article L. 713-4 du code de la propriété intellectuelle. 16. La caractérisation de la contrefaçon est subordonnée à la démonstration de l'usage du signe litigieux dans la vie des affaires, c'est-à-dire dans le contexte d'une activité commerciale visant à un avantage économique (CJUE, 12 nov. 2002, aff. C-206/01, Arsenal) de telle manière que cela porte atteinte aux fonctions de la marque. 17. Interprétant les dispositions de l'article 5 § 1 de la première Directive du Conseil du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des États membres sur les marques (89/104/CEE), dont les dispositions précitées réalisent la transposition en droit interne, la Cour de Justice des Communautés européennes a dit pour droit que, constitue un risque de confusion au sens de ce texte, le risque que le public puisse croire que les produits ou services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d'entreprises liées économiquement (voir arrêt Canon, C-39/97, point 29 ; arrêt Lloyd Schuhfabrik, C-342/97 ). Selon cette même jurisprudence, l'existence d'un risque de confusion dans l'esprit du public doit être appréciée globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce (voir, arrêt SABEL, C-251/95, point 22), cette appréciation globale impliquant une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte (voir arrêt Canon, point 17). 18. L'appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l'impression d'ensemble produite par celles-ci, en tenant compte en particulier de leurs éléments distinctifs et dominants. Aux fins de cette appréciation globale, le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée est censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (voir, arrêt Gut Springenheide et Tusky, C-210/96, point 31 ; arrêt Lloyd Schuhfabrik, C-342/97, point 26). 19. Afin d'apprécier le degré de similitude existant entre les marques concernées, la juridiction nationale doit déterminer leur degré de similitude visuelle, auditive et conceptuelle et, le cas échéant, évaluer l'importance qu'il convient d'attacher à ces différents éléments, en tenant compte de la catégorie de produits ou services en cause et des conditions dans lesquelles ils sont commercialisés (voir arrêt Lloyd Schuhfabrik, C-342/97 ). Enfin, pour apprécier la similitude entre des produits ou des services, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre ces produits ou ces services; ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire (voirarrêt Canon, C-39/97, point 23). 20. L'appréciation de la similitude entre deux marques ne peut se limiter à prendre en considération uniquement un composant d'une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d'opérer la comparaison en examinant les marques en cause considérées chacune dans son ensemble (arrêt OHMI/Shaker, point 41). 21. L'impression d'ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe peut, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants. Toutefois, ce n'est quesi tous les autres composants de la marque sont négligeables que l'appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l'élément dominant (arrêts OHMI/Shaker, points 41 et 42, ainsi que Nestlé/OHMI, points 42 et 43). 22. À cet égard, la Cour a précisé qu'il n'est pas exclu qu'une marque antérieure, utilisée par un tiers dans un signe composé comprenant la dénomination de l'entreprise de ce tiers, conserve une position distinctive autonome dans le signe composé. Dès lors, aux fins de la constatation d'un risque de confusion, il suffit que, en raison de la position distinctive autonome conservée par la marque antérieure, le public attribue également au titulaire de cette marque l'origine des produits ou des services couverts par le signe composé (arrêt Medion, C-120/04, points 30 et 36). 23. Cependant, un élément d'un signe composé ne conserve pas une telle position distinctive autonome si cet élément forme avec le ou les autres éléments du signe, pris ensemble, une unité ayant un sens différent par rapport au sens desdits éléments pris séparément (voir, en ce sens,ordonnance ecoblue/OHMI et Banco Bilbao Vizcaya Argentaria, C-23/09 P, point 47; arrêt Becker/Harman International Industries, points 37 et 38 ; ordonnance Perfetti Van Melle/OHMI, points 36 et37 ; arrêt Bimbo Sa c/ OHMI et Panrico, C-591/12 P, points 26 à 29). 24. En l'espèce, il est établi, par les pièces versées aux débats, que M. [G] est titulaire de la marque verbale française "Le Galanga" no4432004 déposée le 26 février 2019 pour désigner les services de la classe 39, en particulier les services de distribution (livraison de produits) et ceux de la classe 43, à savoir les services de restauration (alimentation), de bars, de traiteurs et les services hôteliers. Il exploite depuis 2016, sous ce signe, un restaurant thaïlandais. 25. De même, les extraits de la base de données de l'INPI versés aux débats permettent d'établir que la société HN6 Signature a totalement renoncé à la marque verbale française "Galanga" déposée le 13 septembre 2019 et à la marque verbale française "Galanga [Localité 10]" déposée le 23 juillet 2021,désignant toutes deux les services de la classe 43. Elle n'est donc plus titulaire, à la date où le tribunal statue, que de la marque verbale française "Galanga By Monsieur Georges" déposée le 20 juillet 2021 pour désigner les services de la classe 43. 26. La renonciation par la société HN6 Signature aux deux marques "Galanga" et "Galanga [Localité 10]" ne saurait constituer un aveu judiciaire de l'existence de faits de contrefaçon au sens de l'article 1382-2 du Code civil. En effet, outre le fait que l'aveu ne peut résulter que de la reconnaissance en justice d'un fait par une partie, l'aveu exige, de la part de son auteur, une manifestation non équivoque de la sa volonté de reconnaître pour vrai un fait de nature à produire contre lui des conséquences juridiques (Civ. 3e, 4 mai 1976), ce qui n'est pas le cas en l'espère. 27. Par ailleurs, M. [G] et la société [G] Hui ne rapportent nullement la preuve que ces deux marques "Galanga" et "Galanga [Localité 10]" ont été utilisées dans la vie des affaires avant la renonciation par la société H6 Signature. Or, il est constant qu'un simple dépôt de marque ne peut consituer un acte de contrefaçon à défaut de démonstration d'un tel usage. En effet, la demande d'enregistrement d'un signe en tant que marque ne constitue pas un acte de contrefaçon dès lors qu'une telle demande, même lorsqu'elle est accueillie, ne caractérise pas un usage pour des produits ou des services en l'absence de tout début de commercialisation de produits ou services sous le signe et qu'en pareil cas, aucun risque de confusion dans l'esprit du public et, par conséquent, aucune atteinte à la fonction essentielle d'indication d'origine de la marque, ne sont susceptibles de se produire (Com., 13 octobre 2021, pourvoi no 19-20.504 - Com., 13 octobre 2021, pourvoi no 19-20.959). La demande fondée sur la contrefaçon ne peut donc prospérer concernant ces deux marques. 28. Il n'est en revanche pas contesté que la marque verbale française "Galanga By Monsieur Georges", dont est toujours titulaire la société HN6 Signature, est utilisée pour désigner le service de restauration de l'hôtel Monsieur Georges exploité par la société GW Hotel, ce qui constitue un usage du signe dans la vie des affaires. 29. Les services désignés par les deux signes en litige sont également pour partie identiques, dans la mesure où ils concernent les services de la classe 43 de restauration (alimentation), bars, traiteurs et services hôteliers. 30. Les signes n'étant quant à eux pas identiques, il convient de rechercher s'il existe entre "Le Galanga" d'une part et "Galanga by Monsieur George" d'autre part, un risque de confusion pour le public pertinent qui est, au cas d'espèce, un consommateur de produits de restauration, amateur de restaurants, en particulier de cuisine asiatique, notamment thaïlandaise. 31. Sur le plan visuel comme auditif, les signes en présence apparaissent d'emblée différents: En effet, la marque première est composée du mot "galanga" précédé du déterminant défini "le" tandis que la marque seconde est une marque composée dans laquelle sont ajoutés au terme "galanga" les mots "By Monsieur Georges". En plus d'être visuellement plus longue (24 caractères contre 9), la marque seconde se distingue sur le plan phonétique par des sonorités différentes. 32. Certes, le terme "galanga" qui compose la marque antérieure se retrouve dans la marque seconde en position d'accroche, à laquelle le consommateur accorde traditionnellement une attention plus importante. Cependant, ainsi que le soulignent justement les défenderesses, ce terme est défini dans le dictionnaire Larousse cuisine comme "un cousin du gingembre - d'ailleurs on le dénomme parfois "gingembre de Siam", le galanga est un rhizome très aromatique et poivré, citronné mais légèrement amer. En Thaïlande ou au Cambodge, il est utilisé pour parfumer les currys ou les soupes". Dès lors, en sa qualité d'épice utilisée en particulier dans la cuisine asiatique, il constitue un terme évocateur de cette cuisine du monde, et ne peut que confèrer à la marque première déposée, une faible distinctivité pour désigner un service de restauration asiatique. Il en résulte que dans la marque seconde, le signe "galanga" perd sa position distinctive autonome au profit des termes "by Monsieur Georges", dont la société H6 Signature démontrequ'ils sont au contraire arbitraires pour désigner les services concernés, et constituent l'élément dominant de cette marque composée. 33. Les termes "by Monsieur George" mettent par ailleurs en évidence l'origine du service proposé comme un élément "signature", ce qui permet également de différencier sur le plan conceptuel la marque de la société HN6 Signature de la marque première, qui ne fait que référence à l'épice précitée. 34. Au regard de l'ensemble de ces considérations, le tribunal retient que les signes en cause présentent de nettes différences tant sur les plans phonétiques et visuels que conceptuels, si bien qu'un risque de confusion dans l'esprit du public pertinent d'attention moyenne apparaît exclu, le consommateur concerné étant en mesure de différencier l'origine des services couverts par les deux marques. 35. Par conséquent, M. [B] [G] et la société [G] Hui seront déboutés de l'ensemble de leurs demandes sur le fondement de la contrefaçon. Sur la concurrence déloyale, parasitaire et les pratiques commerciales trompeuses Moyens des parties 36. La société [G] Hui soutenue en cela par M. [G], estime également que les sociétés GW Hotel et HN6 Signature se sont livrées à des actes de concurrence déloyale et parasitaire à son préjudice, qu'il convient de sanctionner compte-tenu de l'avilissement de leur signe distinctif. Elle ajoute qu'elles ont par ce biais profité indument d'un courant d'affaire et de leur notoriété. Elle estime enfin qu'est ainsi caractérisée une pratique commerciale trompeuse. 37. Les sociétés GW Hotel et HN6 Signature, après avoir rappelé que seule la société GW Hotel peut être inquiétée sur ce fondement, la société HN6 Signature n'étant que titulaire de la marque, concluent à l'absence de tout fait constitutif de concurrence déloyale et parasitaire. Outre le fait qu'aucun fait distinct n'est invoqué, elles concluent qu'aucun élément ne permet d'établir que la société GW Hotel a eu recours à des procédés contraires aux règles et aux usage, caractérisant un usage excessif de sa liberté d'entreprendre. Elles ajoutent que le restaurant qu'elles exploitent dans leur hôtel cinq étoiles ne peut avoir profité de la notoriété du restaurant des demandeurs. Elles notent encore que les demandeurs ne précisent pas en quoi l'exploitation du restaurant altèrerait ou serait susceptible d'altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur. Enfin, elles soulignent l'absence de démonstration du préjudice invoqué. Appréciation du tribunal L'article 1240 du code civil dispose que « tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». 38. La concurrence déloyale, fondée sur le principe général de responsabilité civile édicté par l'article 1240 du code civil, consiste en des agissements s'écartant des règles générales de loyauté et de probité professionnelle applicables dans la vie des affaires tels que ceux créant un risque de confusion avec les produits ou services offerts par un autre. L'appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l'imitation, l'ancienneté d'usage, l'originalité, la notoriété de la prestation copiée. 39. Le parasitisme se définit comme l'ensemble des comportements par lequel un agent économique s'immisce dans le sillage d'un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire. 40. Ces actions supposent la caractérisation d'une faute génératrice d'un préjudice, reposant sur des faits distincts de ceux invoqués au titre de l'atteinte au droit privatif de la marque d'ores et déjà pris en compte par l'action en contrefaçon. 41. En l'espèce, outre le fait que la société [G] Hui et M. [G] n'allèguent aucun fait distinct de ceux ayant d'ores et déjà été examinés sous l'angle de la contrefaçon de marque, il a été démontré qu'il n'existe aucun risque de confusion, alors que les deux restaurants exercent pour des clientèles et dans des secteurs géographiques différents, si bien que la demande fondée sur la concurrence déloyale ne peut prospérer. 42. Il en est de même s'agissant de la demande fondée sur le parasitisme alors que M. [G] et la société [G] Hui n'allèguent ni ne démontre l'existence d'un comportement de la part de la société GW Hotel tendant à tirer profit, sans bourse délier, d'une valeur économique qu'ils auraient constituée, en justifiant d'investissements réalisés. 43. Enfin, M. [G] et la société [G] Hui ne font qu'affirmer, sans le démontrer, que le comportement des défenderesses relèverait de pratiques commerciales trompeuses. 44. Les demandes de dommages-intérêts ainsi formulées seront donc rejetées. Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive Moyens des parties 45. Les sociétés GW Hotel et HN6 Signature estime que c'est de manière opportuniste que les demandeurs ont engagé et maintenu la présente action, alors qu'ils ne cherchaient qu'à réaliser une opération économique. Appréciation du tribunal 46. Ester en justice est un droit et ne dégénère en abus pouvant justifier l'allocation de dommages-intérêts que dans les cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur grossière équipollente au dol. Une telle condamnation à dommages-intérêts pour procédure abusive implique donc que soit rapportée la preuve d'une intention malicieuse du demandeur et de la conscience d'un acharnement procédural voué à l'échec. 47. Or, en l'espèce, M. [G] et la société [G] Hui ont pu se méprendre sur l'étendue de leurs droits, sans qu'aucune intention dolosive ne soit caractérisée par les défendeurs. Par ailleurs, les sociétés défenderesses n'invoquent d'autre préjudice que celui résultant de l'obligation de se défendre, qui fait l'objet d'une demande au titre des frais irrépétibles. 48. Par conséquent, il convient de rejeter la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive formée par les sociétés HN6 Signature et GW Hotel. Sur les demandes annexes 49. Succombant, M. [B] [G] et la société [G] Hui seront condamnés aux dépens de l'instance. 50. Supportant les dépens, ils seront condamnés à payer à la société HN6 signature et la société GW Hotel prises ensemble la somme de 8.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. 51. L'exécution provisoire de la présente décision est de droit. PAR CES MOTIFS Le tribunal, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en premier ressort, DÉBOUTE M. [B] [G] et la société [G] Hui de l'ensemble de leurs demandes; DÉBOUTE les société HN6 Signature et GW Hotel de leur demande de dommages-intérêts pour procédure abusive; CONDAMNE M. [B] [G] et la société [G] Hui aux dépens de l'instance; CONDAMNE [B] [G] et la société [G] Hui à payer à la société HN6 signature et la société GW Hotel prises ensemble la somme de 8.000 euros (huit mille euros) sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile; RAPPELLE que l'exécution provisoire de la présente décision est de droit. Fait et jugé à Paris le 11 mai 2023 LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
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