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On peut faire remarquer que la recherche du bonheur a un point de départ assez pessimiste : nous voulons le bonheur que nous n'avons pas, ou/et nous voulons fuir ce qui nous nuit. Il n'est donc pas étonnant que le bonheur complet soit si souvent lié à l'idée de perfection, attribut d'un dieu. Par conséquent le bonheur n'existe que sous la forme d'un but idéal et inaccessible. Dans les cas les plus extrêmes, par exemple pour ceux qui croient en un dieu parfait, le vrai bonheur n'existe que sous la forme d'une promesse : le bonheur n'est pas humain, il appartient à un être parfait, ou à la partie la plus divine de notre être, partie qui ne peut se satisfaire des réalités contingentes, illusoires. Le désir de l'homme serait d'être heureux, mais la satisfaction des aspirations humaines appartient à un autre que l'homme : au sage surhumain pour les Stoiciens, à l'âme immortelle dans certaines religions. Ce pessimisme est parfois radicalisé, comme on le voit chez ce philosophe désespéré, Hegesias, "ministre de la mort", qui enseigna que la vie ne vaut rien, qu'il faut mourir pour être heureux. Sa doctrine (aboutissement du Cyrénaïsme) entraîna de nombreux suicides...
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Il y a enfin des philosophes qui remettent en cause le principe même du bonheur. Le raisonnement est le suivant : les moralistes estiment que les hommes font leur propre malheur ; mais ces hommes cherchent ce qu'ils croient leur être profitable. Or, ce qu'ils croient tel, ce sont les honneurs, les richesses, le pouvoir, le plaisir. Si l'on s'en tient à leurs comportements réels, les hommes ne cherchent pas le bonheur, mais la "puissance". Cette quête peut être brutale et sanguinaire ; elle peut être aussi heureusement spirituelle : recherche du savoir, création artistique, quête religieuse. En bref, c'est la quête d'une haute culture, qui exige de grands sacrifices, et qui n'est pas toujours compatible avec le bonheur. On passe ainsi du problème du bonheur, peut-être un faux problème, au problème de notre destination, qu'on la conçoive d'un point de vue naturel ou d'un point de vue surnaturel. Cette thèse est soutenue par Kant : pour lui le bonheur existe, mais secondairement, non comme récompense ; et par Nietzsche , pour qui le bonheur n'est que la conséquence de la force et de sa maîtrise spirituelle. Le bonheur n'est donc pas un but.
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Angoisse, existence et temps.
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Si le désir est un élément essentiel de l'être humain, alors le bonheur est un état toujours espéré, jamais atteint, car le désir est un manque, la marque de l'imperfection de notre existence, le signe de notre finitude.
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L'ennui, le vide, l'insignifiance.
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Mais quand le repos est atteint péniblement, l'homme devient pour lui-même un enfer :
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Ainsi le bonheur n'appartient-il pas à la condition humaine, ni dans le repos, ni dans l'activité :
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La mort.
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La mort, comme pensée de la disparition du moi, montre l'impossibilité d'un bonheur durable et d'une satisfaction.
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La mort n'est ni synonyme de bonheur ni de malheur c'est l'état du néant un état dans lequel on ne saurait décrire ni l'un ni l'autre. Le bonheur est un sentiment, un état d’être.
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Morale du devoir ou morale du bonheur ?
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L'opposition du bonheur et du devoir est un lieu commun de la philosophie morale. La difficulté de cette opposition naît d'une conception dualisme de l'homme : d'une part, l'homme en tant qu'animal, qui trouve son bonheur dans la satisfaction de sa sensibilité ; d'autre part, l'homme en tant qu'être doué de raison, et qui doit obéir à ses commandements sans tenir compte de ses désirs.
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Textes d'étude.
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EPICURE
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Le plaisir est le commencement et la fin d'une vie bienheureuse. Le plaisir est, en effet, considéré par nous comme le premier des biens naturels, c'est lui qui nous fait accepter ou fuir les choses, c'est à lui que nous aboutissons, en prenant la sensibilité comme critère du bien. Or, puisque le plaisir est le premier des biens naturels, il s'ensuit que nous n'acceptons pas le premier plaisir venu, mais qu'en certains cas, nous méprisons de nombreux plaisirs, quand ils ont pour conséquence une peine plus grande. D'un autre côté, il y a de nombreuses souffrances que nous estimons préférables aux plaisirs, quand elles entraînent pour nous un plus grand plaisir. Tout plaisir, dans la mesure où il s'accorde avec notre nature, est donc un bien, mais tout plaisir n'est pas cependant nécessairement souhaitable. De même, toute douleur est un mal, mais pourtant toute douleur n'est pas nécessairement à fuir. Il reste que c'est par une sage considération de l'avantage et du désagrément qu'il procure, que chaque plaisir doit être apprécié. En effet, en certains cas, nous traitons le bien comme un mal, et en d'autres, le mal comme un bien.
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Ne dépendre que de soi-même est, à notre avis, un grand bien, mais il ne s'ensuit pas qu'il faille toujours se contenter de peu. Simplement, quand l'abondance nous fait défaut, nous devons pouvoir nous contenter de peu, étant bien persuadés que ceux-là jouissent le mieux de la richesse qui en ont le moins besoin, et que tout ce qui est naturel s'obtient aisément, tandis que ce qui ne l'est pas s'obtient malaisément. Les mets les plus simples apportent autant de plaisir que la table la plus richement servie, quand est absente la souffrance que cause le besoin, et du pain et de l'eau procurent le plaisir le plus vif, quand on les mange après une longue privation. L'habitude d'une vie simple et modeste est donc une bonne façon de soigner sa santé, et rend l'homme par surcroît courageux pour supporter les tâches qu'il doit nécessairement remplir dans la vie. Elle lui permet encore de mieux goûter une vie opulente, à l'occasion, et l'affermit contre les revers de la fortune. Par conséquent, lorsque nous disons que le plaisir est le souverain bien, nous ne parlons pas des plaisirs des débauchés, ni des jouissances sensuelles, comme le prétendent quelques ignorants qui nous combattent et défigurent notre pensée. Nous parlons de l'absence de souffrance physique et de l'absence de trouble moral. Car ce ne sont ni les beuveries et les banquets continuels, ni la jouissance que l'on tire de la fréquentation des mignons et des femmes, ni la joie que donnent les poissons et les viandes dont on charge les tables somptueuses, qui procurent une vie heureuse, mais des habitudes raisonnables et sobres, une raison cherchant sans cesse des causes légitimes de choix ou d'aversion, et rejetant les opinions susceptibles d'apporter à l'âme le plus grand trouble.
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Lettre à Ménécée
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SENEQUE
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La nature, en effet, est le guide qu'il faut suivre; c'est elle que la raison observe et consulte. C'est donc une même chose que vivre heureux et vivre selon la nature. Ce que c'est, je vais le développer : cela consiste à conserver, avec soin et sans effroi, les avantages du corps et ce qui convient à notre nature, comme choses données pour un jour et prêtes à fuir; à ne pas nous y soumettre en esclaves, et à ne pas nous laisser posséder par les objets étrangers; à reléguer tout ce qui plaît au corps, tout ce qui lui survient accidentellement, comme dans les camps on place à l'écart les auxiliaires et les troupes légères. Que ces objets soient des esclaves, et non des maîtres; c'est uniquement ainsi qu'ils sont utiles à l'esprit. Que l'homme de cœur soit incorruptible en présence des choses du dehors, qu'il soit inexpugnable, et qu'il n'attache de prix qu'à se posséder lui-même; que d'une âme confiante, que préparé à l'une et à l'autre fortune, il soit l'artisan de sa vie. Que chez lui la confiance n'existe pas sans le savoir, ni le savoir sans la fermeté; que ses résolutions tiennent, une fois qu'elles sont prises, et que dans ses décrets il n'y ait pas de rature. On comprend, quand même je ne l'ajouterais pas, qu'un tel homme sera posé, qu'il sera rangé, qu'en cela aussi, agissant avec aménité, il sera grand. Chez lui, la véritable raison sera greffée sur les sens; elle y puisera ses éléments; et en effet, elle n'a pas d'autre point d'appui d'où elle s'élance, d'où elle prenne son essor vers la vérité, afin de revenir en elle-même. Le monde aussi, qui embrasse tout, ce dieu qui régit l'univers, tend à se répandre au dehors, et néanmoins, de toutes parts il se ramène en soi pour s'y concentrer. Que notre esprit fasse de même, lorsqu'en suivant les sens qui lui sont propres, il se sera étendu par leur moyen vers les objets extérieurs; qu'il soit maître de ces objets et de lui; qu'alors, pour ainsi dire, il enchaîne le souverain bien. De là résultera une force, une puissance unique, d'accord avec elle-même; ainsi naîtra cette raison certaine, qui n'admet ni contrariété, ni hésitation, dans ses jugements et dans ses conceptions, non plus que dans sa persuasion. Cette raison, lorsqu'elle s'est ajustée, accordée avec ses parties et, pour ainsi dire, mise à l'unisson, a touché au souverain bien. En effet, il ne reste rien de tortueux, rien de glissant rien sur quoi elle puisse broncher ou chanceler. Elle fera tout de sa propre autorité : pour elle, point d'accident inopiné; au contraire, toutes ses actions viendront à bien, avec aisance et promptitude, sans que l'agent tergiverse; car les retardements et l'hésitation dénotent le trouble et l'inconstance. Ainsi, vous pouvez hardiment déclarer que le souverain bien est l'harmonie de l'âme. En effet, les vertus seront nécessairement là où sera l'accord, où sera l'unité; la discordance est pour les vices.
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De la vie heureuse (vers 58 après J.-C.), chap. VIII
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DESCARTES
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Je me suis quelquefois proposé un doute : savoir s'il est mieux d'être gai et content, en imaginant les biens qu'on possède être plus grands et plus estimables qu'ils ne sont, et ignorant ou ne s'arrêtant pas à considérer ceux qui manquent, que d'avoir plus de considération et de savoir, pour connaître la juste valeur des uns et des autres, et qu'on devienne plus triste. Si je pensais que le souverain bien fût la joie, je ne douterais point qu'on ne dût tâcher de se rendre joyeux, à quelque prix que ce pût être, et j'approuverais la brutalité de ceux qui noient leurs déplaisirs dans le vin, ou les étourdissent avec du pétun. Mais je distingue entre le souverain bien, qui consiste en l'exercice de la vertu, ou,ce qui est le même, en la possession de tous les biens dont l'acquisition dépend de notre libre arbitre, et la satisfaction d'esprit qui suit de cette acquisition. C'est pourquoi, voyant que c'est une plus grande perfection de connaître la vérité, encore même qu'elle soit à notre désavantage, que l'ignorer, j'avoue qu'il vaut mieux être moins gai et avoir plus de connaissance. Aussi n'est-ce pas toujours lorsqu'on a le plus de gaieté qu'on a l'esprit plus satisfait; au contraire, les grandes joies sont ordinairement mornes et sérieuses, et il n'y a que les médiocres et passagères, qui soient accompagnées du ris. Ainsi je n'approuve point qu'on tâche à se tromper, en se repaissant de fausses imaginations; car tout le plaisir qui en revient ne peut toucher que la superficie de l'âme, laquelle sent cependant une amertume intérieure, en s'apercevant qu'ils sont faux. Et encore qu'il pourrait arriver qu'elle fût si continuellement divertie ailleurs que jamais elle ne s'en aperçût, on ne jouirait pas pour cela de la béatitude dont il est question, pour ce qu'elle doit dépendre de notre conduite, et cela ne viendrait que de la fortune.
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Lettre à Élisabeth (6 octobre 1645).
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PASCAL
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Divertissement. — Quand je m'y suis mis quelquefois à considérer les diverses agitations des hommes et les périls et les peines où ils s'exposent, dans la cour, dans la guerre, d'où naissent tant de querelles, de passions, d'entreprises hardies et souvent mauvaises, etc., j'ai découvert que tout le malheur des hommes vient d'une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos, dans une chambre. Un homme qui a assez de bien pour vivre, s'il savait demeurer chez soi avec plaisir, n'en sortirait pas pour aller sur la mer ou au siège d'une place. On n'achètera une charge à l'armée si cher, que parce qu'on trouverait insupportable de ne bouger de la ville; et on ne recherche les conversations et les divertissements des jeux que parce qu'on ne peut demeurer chez soi avec plaisir.
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Mais quand j'ai pensé de plus près, et qu'après avoir trouvé la cause de tous nos malheurs, j'ai voulu en découvrir la raison, j'ai trouvé qu'il y en a une bien effective, qui consiste dans le malheur naturel de notre condition faible et mortelle, et si misérable, que rien ne peut nous consoler, lorsque nous y pensons de près.
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Quelque condition qu'on se figure, si l'on assemble tous les biens qui peuvent nous appartenir, la royauté est le plus beau poste du monde; et cependant, qu'on s'en imagine [un roi] accompagné de toutes les satisfactions qui peuvent le toucher, s'il est sans divertissement, et qu'on le laisse considérer et faire réflexion sur ce qu'il est, cette félicité languissante ne le soutiendra point, il tombera par nécessité dans les vues qui le menacent, des révoltes qui peuvent arriver, et enfin de la mort et des maladies qui sont inévitables; de sorte que, s'il est sans ce qu'on appelle divertissement, le voilà malheureux, et plus malheureux que le moindre de ses sujets, qui joue et qui se divertit.
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De là vient que le jeu et la conversation des femmes, la guerre, les grands emplois sont si recherchés. Ce n'est pas qu'il y ait en effet du bonheur, ni qu'on s'imagine que la vraie béatitude soit d'avoir l'argent qu'on peut gagner au jeu, ou dans le lièvre qu'on court : on n'en voudrait pas s'il était offert. Ce n'est pas cet usage mol et paisible, et qui nous laisse penser à notre malheureuse condition, qu'on recherche, ni les dangers de la guerre, ni la peine des emplois, mais c'est le tracas qui nous détourne d'y penser et nous divertit.
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Pensées (1670), fragment 139
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NIETZSCHE
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Pour le plus petit comme pour le plus grand bonheur, il y a toujours une chose qui le crée : le pouvoir d'oublier, ou, pour m'exprimer en savant, la faculté de sentir, pendant que dure le bonheur, d'une façon non-historique. Celui qui ne sait pas se reposer sur le seuil du moment pour oublier tout le passé, celui qui ne se dresse point, comme un génie de victoire, sans vertige et sans crainte, ne saura jamais ce que c'est que le bonheur, et, ce qui est pire encore, il ne fera jamais rien qui puisse rendre heureux les autres. Imaginez l'exemple extrême : un homme qui ne posséderait pas du tout la faculté d'oublier, qui serait condamné à voir en toutes choses le devenir. Un tel homme ne croirait plus à sa propre essence, ne croirait plus en lui-même; tout s'écoulerait pour lui en points mouvants pour se perdre dans cette mer du devenir; en véritable élève d'Héraclite il finirait par ne plus oser lever un doigt. Toute action exige l'oubli, comme tout organisme a besoin, non seulement de lumière, mais encore d'obscurité. Un homme qui voudrait sentir d'une façon tout à fait historique ressemblerait à celui qui serait forcé de se priver de sommeil, ou bien à l'animal qui devrait continuer à vivre en ne faisant que ruminer, et ruminer toujours à nouveau. Donc il est impossible de vivre sans se souvenir, de vivre même heureux, à l'exemple de la bête, mais il est absolument impossible de vivre sans oublier. Ou bien, pour m'expliquer sur ce sujet d'une façon plus simple encore, il y a un degré d'insomnie, de rumination, de sens historique qui nuit à l'être vivant et finit par l'anéantir, qu'il s'agisse d'un homme, d'un peuple ou d'une civilisation.
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Considérations inactuelles, II (1874), § 1
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Philosophie/Dissertation
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Dans l'enseignement de la philosophie en France, la dissertation est l'exercice par excellence . Elle permet à l'élève de mettre en œuvre les connaissances qu'il a acquises et d'exercer ses facultés de raisonnement, et elle permet donc également d'évaluer l'assimilation de ces mêmes connaissances par l'élève, et sa capacité à s'en servir pour une réflexion à la fois personnelle et rigoureuse. Ces deux aspects font que la dissertation ne se réduit pas à un simple exercice scolaire. De grands philosophes ont écrit des dissertations, qui sont aussi de grandes œuvres. Mais on ne peut demander à un élève de produire de telles dissertations ; il est en effet nécessaire de commencer par apprendre l'exercice de la dissertation en tant qu'exercice purement scolaire, et, dans ce but, il est bon de formuler des règles certes assez formelles, mais qui permettent de guider la réflexion, en lui donnant le plus de rigueur possible.
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Pour réussir une dissertation en philosophie, il faut tout d'abord savoir qu'il existe toujours plusieurs possibilités de construire une bonne argumentation et qu'il n'y a donc pas une méthode conduisant infailliblement à la réussite : il y a plusieurs bonnes méthodes parmi lesquelles le rédacteur doit choisir selon la manière dont il souhaite traiter le sujet. Ce choix détermine l'adoption d'un type de plan grâce auquel le rédacteur exposera son argumentation en suivant une problématique qu'il aura exposée clairement dès le début. Un bon choix n'exprime donc pas seulement la compréhension, bonne ou mauvaise, d'un sujet, mais également l'adéquation entre les moyens et la fin, autrement dit la capacité d'analyse et la maîtrise de l'argumentation en vue de résoudre des problèmes philosophiques.
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Mais s'il n'y a pas a priori de méthode applicable à tout sujet, il reste néanmoins possible de formuler certaines règles générales, ce que nous proposons de faire ici.
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Forme générale d'une dissertation.
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Une dissertation est un texte argumentatif qui présente et développe des questions à partir d'un sujet donné, et qui propose des réponses à ces questions. La dissertation philosophique porte généralement sur des questions et des notions philosophiques, mais il n'y a "a priori" aucune notion ni aucune question, aussi saugrenues puissent-elles paraître, qui ne puissent être l'objet d'une dissertation.
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Une dissertation de philosophie comporte les trois parties suivantes : une introduction, qui présente le sujet en expliquant quels problèmes vont être examinés ; un développement, dans lequel le rédacteur analyse le sujet et les notions du sujet, et développe les problèmes spécifiques au sujet ; une conclusion qui récapitule les résultats obtenus et qui propose une réponse explicite au sujet et aux problématiques formulées.
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Il existe des règles à suivre pour chacune de ces parties : ces dernières demandent en effet une structure minimale dont on peut énoncer les règles. Bien que souvent très formelles et scolaires, ces règles permettent d'encadrer la réflexion et de la guider, et elles sont de ce fait très utiles pour éviter de se perdre en cours de rédaction. Loin d'être un obstacle à la pensée, elles lui servent de tuteurs.
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Le sujet.
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Règle d'or.
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Cela peut sembler une évidence, mais les nombreux hors-sujets faits par les élèves nécessitent de le rappeler :
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Bien des erreurs peuvent être évitées grâce à cette règle. Un élève qui écrit sa dissertation dans l'état d'esprit que suppose cette règle est déjà sur la voie d'un bon travail : concentration de la pensée sur le sujet, exploration des notions du sujet, élimination des hors-sujet.
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Formes du sujet.
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En philosophie, il existe plusieurs formes de sujet. Cette forme impose d'emblée certaines contraintes relatives au traitement du sujet et aux réponses que l'on devra fournir.
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La question.
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La forme de la question, rappelons-le, "exige" que l'on donne une réponse, même si cette réponse est l'aveu d'un échec. En philosophie, il est permis et parfaitement valable d'admettre que l'on est arrivé à rien, mais ce n'est "jamais" une solution de facilité : il faut toujours justifier l'échec de l'argumentation. Chaque type de question exige un certain type de réponse (mais ceci peut varier selon la problématique que l'on traite). En voici les principaux types :
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Notion ou groupe de notions.
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Ce type de sujet demande que l'on analyse des notions et que l'on exprime explicitement les problèmes qui se posent quand on les confronte. Il demande une solide culture philosophique et c'est pourquoi on le rencontre surtout à partir des épreuves à l'université.
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L'introduction.
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Rôle.
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Comme son nom l'indique, une introduction introduit au sujet dont on va parler. Il faut penser qu'à ce stade de la dissertation, on part de rien : il est donc nécessaire de présenter le sujet, de l'examiner, d'expliquer pourquoi il peut faire l'objet d'une réflexion philosophique et comment on se propose de mener cette réflexion. Le rédacteur doit songer qu'il s'adresse à un lecteur auquel il veut faire comprendre pourquoi le sujet est intéressant, quels problèmes il soulève et quelles lignes argumentatives seront développées pour résoudre ces problèmes. Imaginer que l'on écrit pour un lecteur ignorant tout du sujet mais intelligent peut aider à comprendre la fonction de l'introduction et à bien la rédiger.
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Parties de l'introduction.
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Une introduction se compose de plusieurs parties :
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Exemples.
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Pour se faire une idée de ce qu'est une bonne introduction, il n'est sans doute rien de plus instructif que de lire les premières lignes de certains traités.
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Voyons par exemple comment Sextus Empiricus (un philosophe de l'Antiquité), dans ses "Esquisses pyrrhoniennes", introduit son sujet, qui est l'explication du scepticisme :
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Sextus part d'une observation générale à propos du fait de rechercher quelque chose. Il précise ensuite son idée en appliquant ce problème général à la question de la recherche de la vérité (qu'il n'examine pas ici en détail, mais qui sera une problématique essentielle de son livre), et il esquisse un classement de différents groupes de philosophes. De là, il arrive naturellement au scepticisme, c'est-à-dire à son sujet, que son accroche a déjà permis de situer à peu près. Le lecteur non seulement sait de quoi il va être question, mais perçoit d'emblée vers quel genre de questions Sextus va l'emmener (principalement, si nous pouvons trouver la vérité).
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Le développement.
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Rôle et forme du développement.
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Une fois le sujet introduit, vient le moment d'examiner en profondeur les différentes questions posées. Cette partie est appelée le développement. Il est constitué d'arguments et d'exemples, soutenus par une culture philosophique qui consiste à recourir à des auteurs, et ces arguments et ces exemples doivent être reliés entre eux de manière à aboutir progressivement à la résolution (ou à la non résolution) d'un ou plusieurs problèmes philosophiques contenus dans le sujet. Comme les éléments du développement doivent être présentés de manière cohérente et progressive, la question que l'on se pose en premier lieu est de savoir comment organiser son exposé, c'est-à-dire que l'on doit chercher quel peut être le meilleur plan.
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Il existe plusieurs types de plan. Avant de connaître ces types, la question essentielle est : selon quels critères dois-je construire un plan ? La réponse est très simple : le plan doit correspondre à l'articulation des problèmes que vous posez d'après le sujet.
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Un exemple simple pour commencer.
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Le plan le plus simple que vous pouvez adopter si vous ne trouvez pas d'autres solutions, est le plan dialectique répondant surtout à un sujet sous forme de question :
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Il faut prendre cependant garde à ne pas adopter un plan contradictoire : dire "oui" puis "non" puis "oui et non" n'est pas valable dans une dissertation parce qu'il s'agit moins d'une argumentation que de l'examen successif de plusieurs positions. Or, une argumentation, et donc une dissertation, est un ensemble dont les parties sont logiquement reliées : tout en ayant sa propre unité, chaque partie doit présenter une certaine continuité avec ce qui la précède et ce qui la suit : la dissertation doit donc être progressive.
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Si ce plan est réellement progressif, il peut être valable, mais il comporte des pièges difficiles à éviter pour un débutant : le plus important se trouve dans la troisième partie, où il s'agit de produire une véritable synthèse, ce qui demande une solide réflexion ; par exemple : peut-on réduire l'amour à une pulsion animale ?
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Comme vous pouvez le voir, la réponse n'est ni oui, ni non, mais n'est pas non plus un peut-être évasif : elle reprend certains aspects du oui et du non, et produit une synthèse qui est une véritable réponse. Mais pour montrer qu'il s'agit bien d'une réponse, encore faut-il ne pas se contenter de l'énoncer ; à ce stade, un développement de la thèse défendue est nécessaire, et il peut être particulièrement utile, pour ce faire, d'en proposer des illustrations "analysées". L'utilisation d'exemples est en effet un procédé qui a sa place dans une argumentation, et des exemples bien choisis et correctement analysés fournissent de bonnes justifications à la thèse à laquelle le rédacteur est parvenu.
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Le développement pas-à-pas.
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Voyons maintenant d'un peu plus près comment écrire ce développement.
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Vous venez de terminer l'introduction, et vous vous retrouvez à présent devant cette tâche de rédiger la partie substantielle de votre travail. Par où commencer ? Il peut sembler naturel d'attaquer directement par la première problématique.
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La conclusion.
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La conclusion clôt votre travail, et doit montrer à quoi vous êtes parvenu. Il convient donc d'avoir à l'esprit ce que vous avez écrit en relisant votre dissertation pendant que vous écrivez votre conclusion. Étant donné l'importance de la conclusion, on peut recommander de l'écrire d'abord au brouillon, de prendre le temps de la travailler, avant de l'écrire au propre.
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Comment s'organiser ?
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Dans le cadre d'un examen, il est important d'apprendre à maîtriser son utilisation du temps et d'adopter une marche à suivre permettant de répartir son effort intellectuel. Si chacun est le mieux placé pour trouver quelle est l'organisation qui lui convient, des conseils de bon sens peuvent être donnés :
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Le style.
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Il n'y a pas de style obligatoire pour rédiger une bonne dissertation, mais puisque cet exercice est argumentatif, certaines règles paraissent incontournables. Il s'agit de règles relatives au style argumentatif, elles n'interdisent donc pas de cultiver un style personnel et littéraire, bien qu'il faille garder à l'esprit que le but de la dissertation est de présenter et de faire comprendre des arguments. En voici quelques-unes.
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Dans le but d'être clair et de bien se faire comprendre, certains défauts sont à éviter :
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Au final, une bonne dissertation peut être très pauvre stylistiquement et ne contenir quasi exclusivement que des mots d'usage courant et des articulations logiques. La réduction de votre rédaction à l'essentiel permet par contre-coup de mettre en évidence ses qualités argumentatives. Bien entendu, la compréhension d'un texte passe aussi par des qualités littéraires, et une argumentation dépouillée n'est pas nécessairement plus simple à comprendre. Un idéal pourrait être de parvenir à un équilibre entre une présentation claire et économe des arguments, alliée à une expression littéraire agréable soutenant cette présentation.
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Notation et progression.
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Objectivité de l'évaluation.
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Contrairement à une idée reçue, l'évaluation d'une dissertation philosophique n'est pas le fruit du hasard, de l'humeur du professeur, ou de tout autre critère arbitraire et extérieur au devoir qui est corrigé. Les notes ne présentent pas non plus de grandes variations selon le professeur qui fait l'évaluation, à supposer bien entendu que celui-ci fasse bien son travail. Pour s'en convaincre, il suffit d'interroger les membres d'un jury de philosophie : ceux-ci notent "séparément" les mêmes copies, puis se réunissent pour harmoniser les notes. L'expérience prouve que ces notes sont rarement très différentes. Cette observation peut être également confirmée par tout élève qui rédige des dissertations : si vous avez bien assimilé les règles de la dissertation, et si vous vous exercez à porter un regard critique sur votre travail, vous serez en mesure de dire approximativement quelle note vaut votre devoir.
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Les remarques du professeur.
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L'évaluation de la dissertation ne se traduit pas seulement par une note, mais aussi par des commentaires écrits en marge par le professeur. Ces commentaires peuvent être critiques ou au contraire souligner ce qui est réussi. Il est donc important de faire deux choses pour progresser :
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Se relire en cherchant à comprendre pourquoi un passage est mauvais d'après le professeur ; au besoin, allez le voir et lui demander des explications ;
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Relire régulièrement les bons passages et les prendre pour modèle.
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Dans tous les cas, relire des copies corrigées est un exercice à part entière qui permet de progresser très vite.
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Barème.
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Puisque la notation en philosophie n'est pas arbitraire, on peut fournir un barème qui se retrouve à peu de choses près du lycée à l'université. En voici les grandes lignes.
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En dessous de 8/20, la copie est mauvaise. Le rédacteur ne maîtrise pas l'exercice, a commis un hors-sujet massif tout au long de son travail ou n'a pas compris le sujet, ce qui revient souvent au même.
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De 8 à 10, la copie témoigne d'une faible maîtrise de l'exercice et comporte des lacunes ou des fautes graves, comme un sujet mal posé, même s'il est à peu près compris, quelques passages hors-sujet, une argumentation trop succincte, ou encore des analyses de notions insuffisantes ou inexistantes.
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De 10 à 12, la copie est moyenne et présente quelques bonnes qualités. Par exemple, le sujet est bien compris, mais l'argumentation manque de clarté, présente quelques lacunes ou n'est pas suffisamment développée. Bien souvent, l'obtention d'un 12 signifie que l'on a commis des erreurs faciles à corriger.
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De 12 à 14, c'est une bonne copie. 12 devrait être la note minimale d'un élève qui maîtrise bien la méthode et qui ne commet pas de fautes graves. 14 suppose qu'en outre le sujet soit bien posé et bien traité tout au long du devoir, même si quelques petits défauts ponctuels peuvent se trouver. 14 est une très bonne note et un étudiant qui se situerait à ce niveau tout au long de ses études possède une maîtrise de l'argumentation et une intelligence philosophique qui le situent parmi les meilleurs élèves.
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Les notes au-dessus de 14 témoignent d'une complète maîtrise de tous les aspects de la dissertation et d'un traitement solide du sujet.
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Les notes au dessus de 16 sont très rares, et on touche ici à l'excellence : connaissance approfondie d'un sujet et sans faute.
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Travailler une notion en vue d'une épreuve.
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