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Energie de déformation.
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Des auteurs comme sir John Leslie (1804), Gumbel (1921), Epifanov (1934) ou Ling (1967) attribuent la résistance de frottement au travail de déformation des solides et en particulier, d'après Ling, au travail de déformation plastique. Le frottement n'est pas une simple action superficielle : il concerne aussi les pièces sur une certaine profondeur, du fait des lois de l'élasticité et de la résistance des matériaux.
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Il n'est cependant pas facile de faire la part des pertes d'énergie superficielles et internes. L'énergie de déformation est l'un des phénomènes prépondérants dans le cas des matériaux visco-élastiques comme les caoutchoucs ou les plastiques, ainsi que dans le frottement de roulement. Les phénomènes d'hystérésis élastique ont été largement étudiés par Tabor.
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Ce que les joueurs de pelote basque appellent une balle vive, est une sphère de caoutchouc qui rebondit sur un sol dur à une hauteur proche de celle d'où on l'a lâchée. Il est facile de vérifier que parmi des balles apparemment identiques, les plus vives roulent plus vite que les autres le long d'un plan incliné.
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Par défaut d'élasticité, les pneumatiques d'une automobile de puissance moyenne roulant à 90 km/h, sur un sol plan, dans les conditions normales de roulage, consomment jusqu'au tiers de la puissance fournie par le moteur.
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Dans les roulements à billes ou à rouleaux, le lubrifiant sert avant tout à prévenir le grippage des surfaces. Contrairement à une idée reçue, pour le cas des roulements, son effet sur la diminution des frottements est minime : il ne peut bien évidemment pas diminuer les pertes par hystérésis dans l'acier. Au contraire, trop lubrifier un roulement aboutit au résultat inverse, le brassage du lubrifiant qui en résulte consomme beaucoup d'énergie et peut même provoquer un échauffement excessif capable, dans certains cas, d'accélérer les dégradations ! L'idéal reste la lubrification par brouillard d'huile, hélas inapplicable en-dehors de quelques cas particuliers.
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Les déformations pouvant survenir sous l'effet du frottement sont de deux sortes : irréversibles, lorsqu'elles entraînent des déformations qui persistent après que leur cause a été supprimée, et réversibles, lorsque le matériau n'est sorti nulle part de son domaine élastique. Le niveau de contraintes atteint dans les zones de contact fait que l'apparition de déformations plastiques irréversibles est dans tous les cas hautement probable, même dans des matériaux réputés fragiles, car ces derniers peuvent parfois se déformer sans se rompre lorsqu'ils sont soumis à des compressions triaxiales suffisamment importantes.
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La notion de « résistance aux glissements moléculaires » prend ici toute son importance. Dans les matériaux ductiles, celle-ci est plusieurs dizaines de fois plus faible que les contraintes qui amènent à la rupture et caractérisent ce que l'on appelle parfois « résistance à l'éclatement » ; ainsi, le glissement interne n'entraîne aucune décohésion. Dans les matériaux fragiles, en revanche, la résistance au glissement moléculaire et la résistance à l'éclatement sont voisines, la rupture se produit de préférence à la déformation permanente.
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La résistance aux glissements moléculaires est relativement faible dans les matériaux homogènes et constitués d'arrangements ordonnés de particules de même taille (comme cela se produit pour les structures cubiques à face centrées et hexagonales compactes, par exemple). On montre que les glissements sont plus faciles lorsqu'ils se produisent dans les directions de plus fortes densités atomiques. Par contre, pour les matériaux hétérogènes, les glissements sont plus difficiles : le fer pur, par exemple, est relativement mou, on peut le durcir en substituant dans le réseau cristallin des atomes plus petits ou plus gros que les atomes de fer, ou encore en insérant de petits atomes dans les interstices que laissent entre eux les gros atomes métalliques. Ceci doit être soigneusement dosé : un excès d'atomes étrangers augmente en effet la fragilité.
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Frottement dans les fluides.
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Les fluides se distinguent des solides, des pâtes et des pseudo-fluides par le fait que lorsqu'ils sont au repos, ils ne sont le siège d'aucune contrainte de cisaillement. Il en résulte qu'ils n'ont pas de forme propre mais aussi que l'on n'a besoin d'aucune énergie pour les déformer, pourvu que cette déformation soit infiniment lente.
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Il n'en va pas de même au sein d'un volume de fluide que l'on déforme avec une certaine rapidité. On constate alors l'apparition d'actions mécaniques internes qui freinent cette déformation. Ces résistances passives correspondent à la viscosité du fluide, elles résultent de frottements internes et correspondent à des contraintes de cisaillement.
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L'étude détaillée des phénomènes de viscosité se trouve dans le chapitre du wikilivre consacré aux lubrifiants liquides.
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Dans un fluide parfait, les éléments de volume infiniment petits que l'on peut découper par la pensée ne sont soumis qu'à des actions de contact normales à leurs surfaces extérieures, qu'ils soient ou non en mouvement. Dans un fluide visqueux, ceci n'est vrai qu'à l'arrêt ; en mouvement, ces actions ne sont pas partout normales.
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L'existence de la viscosité implique que tout déplacement d'un élément de fluide, au sein de ce dernier ou par rapport à une paroi, nécessite la dépense d'une certaine énergie. L'action des frottements dans les fluides concerne aussi bien les liquides que les gaz. Duhen a signalé qu'une partie de la viscosité n'était qu'apparente et due à de petits mouvements tourbillonnaires, l'autre partie étant due à ce qu'il a appelé la « viscosité intrinsèque ». Beaucoup d'auteurs se sont penchés sur ces questions, et non des moindres : Daniel Bernoulli, Jean Bernoulli, d'Alembert, Leonhard Euler, Barré de Saint-Venant, Osborne Reynolds, Sommerfeld, etc.
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On ne dispose d'aucune théorie satisfaisante sur la véritable nature des frottements dans les fluides, ce qui explique la prolifération des travaux expérimentaux et la rareté des études théoriques convaincantes.
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La viscosité dépend avant tout de la nature du fluide, elle est faible pour les liquides dits « mobiles » comme l'eau, l'essence, l'éther éthylique, et beaucoup plus forte pour les sirops, les huiles, l'acide sulfurique concentré ou la glycérine. Elle dépend de nombreux facteurs, dont le plus important pour les applications pratiques est la température.
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Une étude beaucoup plus complète de la viscosité est présentée dans le chapitre consacré aux lubrifiants.
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Retenons pour l'instant quelques idées :
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Frottement entre un fluide et un solide.
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Lorsque l'on cherche à obtenir une lubrification du solide par le fluide, il est impératif que les couches superficielles du fluide soient aussi solidement que possible liées au solide. Ceci met en jeu une propriété conjointe des deux matériaux, l'onctuosité, propriété qui sera examinée dans le chapitre consacré aux lubrifiants.
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Si au contraire on souhaite faciliter la pénétration du solide dans le fluide, alors il faut éviter au maximum de telles liaisons et faire en sorte que le fluide glisse facilement sur le solide. Ce dernier doit non seulement éviter l'adhérence mais aussi être aussi lisse et propre que possible. On a pu montrer, par exemple, que le simple fait de laver régulièrement les ailes d'un avion permet de réduire le frottement dans l'air et d'économiser 12 tonnes de carburant par an et par appareil.
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Phénomènes aérodynamiques.
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En dessous de , le frottement de l'air sur les ailes des avions ne pose pas de problème particulier mais il n'en est pas de même aux vitesses supersoniques. La dilatation de la structure est le premier problème auquel doivent faire face les ingénieurs. L'avion supersonique Concorde volant à sa vitesse de croisière s'allongeait de quelques 25 cm sous l'effet du frottement de l'air, ce qui est évidemment loin d'être négligeable.
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Les conditions deviennent particulièrement sévères lorsqu'un véhicule spatial lancé à plusieurs kilomètres par seconde pénètre dans l'atmosphère de la Terre ou d'un autre corps céleste. Chacun a encore en mémoire les problèmes posés par le bouclier spatial des véhicules lunaires Apollo et ceux des navettes spatiales états-uniennes. On sait par exemple que la perte de la navette Columbia a été causée par l'endommagement du bouclier par un morceau de mousse issu d'un réservoir externe, au moment du lancement. Lors du retour, l'air chauffé à plus de 1 500 °C s'est engouffré dans la brèche et a fait fondre la structure d'aluminium.
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Un exemple plus récent est celui du bouclier thermique qui a permis à la sonde Huygens de se poser sur Titan, un satellite de la planète Saturne, le 14 janvier 2005. Ce bouclier a été le premier fabriqué en Europe. En trois minutes environ, le frottement atmosphérique sur ce bouclier a permis de faire passer la vitesse de la sonde de 6 km/s à 400 m/s.
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De telles décélérations correspondent à la dissipation d'une énorme énergie. Une partie de celle-ci échauffe l'atmosphère traversée, évidemment sans conséquence, mais le reste est absorbé par le véhicule lui-même, d'où un échauffement très important. Pour éviter que les véhicules spatiaux soient désintégrés ou consumés à la manière des météorites qui se transforment en étoiles filantes dans l'atmosphère terrestre, il est important de calculer la trajectoire de pénétration de façon à réduire le plus possible les pics de température, mais aussi d'utiliser des formes appropriées et surtout des matériaux très particuliers. Des données sur ce sujet figurent dans les applications pratiques de la tribologie.
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Le frottement dans l'atmosphère n'a pas que des mauvais côtés. L'environnement de la Terre est en effet pollué par d'innombrables débris mis en orbite au cours des quelques (reconnus) d'engins spatiaux de tous types. Parmi ces débris, dont la masse totale est estimée à environ , ceux qui se trouvent aux altitudes les plus basses sont freinés de plus en plus efficacement et promis à la désintégration dans les couches plus denses de l'atmosphère ; seuls quelques éléments plus massifs que les autres atteignent le sol de notre planète. Ce processus peut demander quelques jours, quelques mois ou quelques années, mais il aboutit toujours à « nettoyer » la très haute atmosphère.
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Il n'en va pas de même pour les débris qui tournent à très haute altitude, par exemple sur des orbites géostationnaires (). Ceux-là ont des durées de vie beaucoup plus importantes, ils ne redescendront pas avant des milliers ou des millions d'années, ce qui les rend pratiquement éternels à l'échelle humaine du temps. Comme les hommes, les sociétés sont mortelles.
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Indépendamment des dangers que représentent ces débris pour les véhicules et équipements spatiaux en activité, ils provoqueront peut-être un jour la perplexité des archéologues de l'espace qui se demanderont comment une civilisation a pu, simultanément, produire des objets aussi évolués et détruire par inconscience sa planète nourricière.
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Circulation des fluides et production de charges électriques.
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Les frottements qui surviennent au niveau moléculaire lors de la circulation des fluides dans les canalisations engendrent des charges électriques plus ou moins importantes selon les conditions matérielles et les facteurs d'environnement. Ces charges peuvent être produites par exemple lors de la filtration des liquides hydrauliques ou des carburants, mais aussi dans toutes sortes de circonstances beaucoup plus communes. Les manifestations de ce phénomène sont multiples, les plus évidentes étant les crépitements (clicking sounds) qui accompagnent les décharges électriques brutales survenant à l'intérieur même du fluide.
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Parmi les facteurs susceptibles d'intervenir, on peut noter les conditions de circulation du fluide dans les tubulures ou dans les milieux poreux (en particulier la vitesse), les turbulences, les conditions d'arrivée d'un fluide tombant sur la surface libre d'un réservoir, la présence d'air ou de gaz entraîné par l'écoulement, etc.
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Dans les conduites ou les réservoirs, les flux électriques sont plus ou moins facilement neutralisés au niveau des parois. Le processus dépend des charges et des constantes diélectriques du fluide, il est évidemment plus lent pour les isolants. Si les parois sont conductrices, elles acquièrent une polarité opposée à celle du fluide. Si elles sont mises à la terre, la charge d'ensemble du circuit est nulle, dans le cas contraire les charges peuvent s'accumuler et engendrer des décharges brutales, accompagnées d'étincelles à haute énergie qui peuvent avoir des effets dévastateurs, en particulier si elles se produisent dans des milieux inflammables.
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Ces décharges se manifestent par des bruits de claquement à peu près périodiques d'autant plus fréquents que la vitesse de production des charges est élevée. Dans les lubrifiants, elles s'accompagnent d'une érosion des surfaces et le cas échéant de dépôts de carbone. Dans le cas des engrenages, surtout lorsque le lubrifiant contient de l'air, elles peuvent prendre une part non négligeable dans l'apparition des phénomènes de piqûres (pitting)
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La génération de charges lors de la filtration des hydrocarbures a été assez bien étudiée. Dans ces produits dont la conductivité électrique est très faible, les charges peuvent être entraînées dans l'écoulement sans être immédiatement neutralisées. Une vitesse élevée, une forte viscosité, une basse température et la présence de certains additifs, renforcent le phénomène. Si le filtre est constitué d'un matériau conducteur, la neutralisation des charges est facilitée mais dans le cas contraire il se comporte comme un condensateur et les décharges sont alors susceptibles de provoquer des dégâts importants. Les remèdes sont de divers ordres. Il faut d'abord mettre l'installation à la terre pour prévenir les dégâts extérieurs et placer une grille conductrice dans l'écoulement, à la sortie du filtre, pour récupérer le plus de charges possibles. En augmentant la taille du filtre, on diminue la vitesse de passage du fluide et l'importance des charges. Des additifs antistatiques comme les dialkyldithiophosphates de zinc (ZDDP), quand ils sont tolérables, rendent le fluide plus conducteur et améliorent les choses.
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Nanotubes de carbone et circulation des fluides.
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On sait que le carbone forme naturellement, à l'état de graphite, des structures lamellaires où les atomes sont répartis selon un réseau hexagonal. Dans certaines conditions il est possible que ces plans s'« enroulent » pour former des tubes cylindriques de quelques nm de diamètre, d'où le nom de « nanotubes » qu'on leur a attribué. Ceux-ci apparaissent spontanément dans les suies produites par une décharge électrique entre deux électrodes placées dans un gaz rare à une pression relativement basse. Les minuscules feuilles carbonées sont conformées en cylindres concentriques emboîtés les uns dans les autres. C'est le Japonais Sumio Iijima qui les a observés pour la première fois au microscope électronique, en 1991.
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Les nanotubes sont de 100 à plus longs que larges et leurs extrémités sont fermées par des surfaces hémisphériques comportant 6 pentagones et dont les propriétés sont différentes de celles des tubes eux-mêmes. De nombreux laboratoires travaillent actuellement sur ces structures dont les propriétés sont très spéciales et parfois inattendues.
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Des chercheurs de l'université du Kentucky ont mis au point des nanotubes autorisant la circulation d'eau à une vitesse de l'ordre du mètre par seconde, c'est-à-dire plus vite que ce que l'on obtient normalement dans des tubes « ordinaires » de même diamètre tels que ceux qui véhiculent les fluides dans les cellules des organismes vivants. Ils envisagent la possibilité d'utiliser de tels tubes pour des applications médicales, par exemple pour administrer des médicaments directement dans le corps.
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Des membranes sont obtenues en juxtaposant des milliards de nanotubes assemblés avec une résine synthétique. Il est possible de leur associer des récepteurs chimiques capables de permettre ou d'interdire le passage de certaines molécules, par exemple des protéines.
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Les propriétés exceptionnelles de transmission des fluides à grande vitesse sont attribuées à un frottement particulièrement bas sur les parois internes des nanotubes.
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Interactions au niveau moléculaire.
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« Solidification » de l'eau à l'échelle nanométrique.
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Lorsque le taux d'humidité ambiant est suffisamment élevé, la vapeur d'eau peut se condenser au niveau des minuscules zones de contact des aspérités solides. Au niveau macrogéométrique, cette eau se trouve à l'état liquide et elle peut faciliter le glissement, comme cela se produit lors du frottement d'un patin sur la glace. En revanche, à l'échelle du nanomètre, la mince pellicule d'eau prise en sandwich entre les aspérités des pièces ne reste pas liquide, mais elle se solidifie pour adopter à température ambiante la structure de la glace.
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Les jonctions ainsi réalisées s'apparentent à un collage, il en résulte un frottement et une usure très importants qui peuvent suffire à mettre rapidement hors service de nombreux micromécanismes. La condensation peut se produire non seulement entre des pièces qui se touchent mais aussi entre des pièces très voisines qui se trouvent alors attirées l'une vers l'autre par de puissantes forces de capillarité.
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Cette « nuisance » peut toutefois être mise à profit, par exemple lorsqu'elle favorise le maintien en place de prothèses dentaires, ou lorsqu'elle permet la manipulation de minuscules objets à l'aide de pointes sur lesquelles ils adhèrent par simple contact.
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Modes de frottement particuliers.
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Frottement sur la glace.
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Il a été souvent étudié et l'on a proposé, à son sujet, de nombreuses hypothèses pour expliquer le coefficient de frottement particulièrement bas que l'on connaît.
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Le frottement sur la glace dépend beaucoup de la température. Si celle-ci n'est pas trop basse, le frottement dégage de la chaleur et la glace fond sous le frotteur. Cette fusion est favorisée par les pressions de contact élevées qui règnent au niveau des aspérités en contact car l'eau, contrairement à l'immense majorité des autres corps, occupe plus de volume à l'état solide qu'à l'état liquide. Sous l'effet de la pression, la glace tend à occuper moins de volume et donc à se liquéfier.
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La très fine pellicule d'eau liquide formée dans le contact sert de lubrifiant et permet aux objets de mieux glisser sur la glace ; le coefficient de frottement atteint alors des valeurs de l'ordre de 0,02, très inférieures à celles qui sont généralement constatées entre les solides. Lorsque les températures ne sont pas très basses (-5 à -10 °C par exemple), le frottement produit des ondulations prouvant qu'un peu de glace a fondu puis regelé derrière le frotteur. Aux températures nettement plus basses (-30 °C ou moins) la fusion superficielle cesse, le coefficient de frottement reprend des valeurs plus habituelles, de l'ordre de 0,1 à 0,3, le glissement est beaucoup plus difficile et les traces d'usure sont marquées par des fractures perpendiculaires à la direction du glissement, signe que la glace a été le siège de contraintes de traction notables.
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Il existe de multiples manières de faire avancer les connaissances. Le Centre de science des matériaux et de science de l'ingénieur de l'université d'Edimbourg s'est intéressé à ce sujet, en essayant de comprendre comment le balayage de la glace pouvait modifier la vitesse des pierres de curling. C'est peut-être grâce aux travaux du Dr Jane Blackford, chercheuse dans ce centre, que l'équipe britannique de curling a remporté la médaille d'or aux jeux olympiques d'hiver de Salt Lake City en 2002.
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Un tribomètre particulier a été conçu pour ce travail, afin de maîtriser ou de mesurer les multiples paramètres intervenant dans le glissement de divers matériaux sur la glace. Après l'essai, les surfaces de glace portant différentes traces d'usure peuvent être examinées grâce à un microscope électronique à balayage adapté aux basses températures ("Low Temperature Scanning Electron Microscope" ou LTSEM).
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Ces recherches concernent de nombreux secteurs industriels, la conception de skis et de patins présentant un frottement toujours plus réduit, mais aussi l'industrie de la chaussure ou du pneumatique automobile.
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Frottement sur les couches minces « spongieuses ».
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On sait que la présence d'une couche fluide séparant deux surfaces a pour effet de diminuer considérablement les frottements et/ou l'adhérence (ce qui n'est d'ailleurs pas toujours favorable, comme dans le cas de l'aquaplaning qui provoque chaque année des dizaines d'accidents de la route). En outre, les surfaces étant séparées par le fluide, l'usure est quasi nulle. Malheureusement, sous l'effet de la pression, en l'absence d'un système d'alimentation de la couche fluide, celle-ci voit son épaisseur diminuer jusqu'à devenir nulle à cause des fuites qui se produisent à la périphérie de la zone de contact.
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Les couches « spongieuses » dont il est question ici comportent une « structure » relativement dense, facilement déformable, très poreuse, « imprégnée » d'un fluide liquide ou gazeux. On peut ranger dans cette catégorie des matériaux en apparence aussi différents que le cartilage qui garnit les articulations des animaux, la neige pas trop compactée, les « mousses » et autres « plumes » susceptibles de participer au guidage de véhicules à grande vitesse, etc.
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La structure spongieuse ne saurait supporter toute seule les charges, car elle est très déformable. Lorsqu'elle est imprégnée d'un fluide, celui-ci est mis en pression et soutient les pièces frottantes. L'« éponge » intervient alors pour ralentir l'écoulement du fluide vers l'extérieur ; elle doit avoir une structure ouverte, mais pas trop. C'est ainsi, par exemple, que le glissement des cartilages est en fait un glissement sur le liquide synovial, que le frottement des skis sur la neige fraîche est, pour l'essentiel, un frottement sur un film d'air, et c'est ce qui fait que l'on se casse facilement la figure en glissant sur du bois mouillé.
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Les « applications » anatomiques, médicales et/ou industrielles sont évoquées dans le chapitre consacré aux guidages par glissement.
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Frottement sur la neige.
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Lors du glissement sur la neige, le poids du système glissant (skieur, avion, véhicule spécialisé, etc.) est supporté en proportions variables par un solide très spécial, la glace, et par une couche d'air plus ou moins « enfermée par surprise » sous les surfaces glissantes. La part des deux modes de sustentation qui créent la portance est éminemment variable en fonction de l'état de la neige, des surfaces en présence, des pressions, des vitesses, etc.
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Bien que le frottement sur la neige soit très faible, du moins quand il ne fait pas trop froid, on pourrait penser qu'un skieur de descente a tout intérêt à s'« envoler » le plus souvent possible au-dessus de la piste, pour aller plus vite et gagner un peu de temps. Or, il n'en est rien, pour deux raisons :
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Il faut ajouter que la perte du contrôle de la trajectoire pendant le saut n'arrange généralement pas les choses.
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Théories globales.
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En URSS, Deryaguine et Kragelsky ont jeté les bases d'une théorie synthétique du frottement et de l'usure. D'après Kragelsky, le frottement a une double nature, mécanico-moléculaire. Il est déterminé par la déformation en volume du matériau et par le fait de surmonter les liens adhésifs (jonctions soudées) développés entre les parties de surfaces frottantes au contact (1965).
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Il s'agit en fait à la fois d'un raisonnement pragmatique pour découvrir les lois de comportement des mécanismes frottants et d'une sorte d'aveu d'impuissance, par une certaine renonciation à approfondir les phénomènes qui surviennent à l'échelle moléculaire. Kragelsky a rassemblé dans un livre daté de 1978 tous les calculs qui permettent d'aborder qualitativement les problèmes de frottement et d'usure.
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La tribologie des interfaces.
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Les conceptions tribologiques ont beaucoup évolué, surtout depuis le milieu du XXe siècle. Au départ on s'occupait surtout des volumes, des corps massifs, des matériaux. Plus tard, on est passé à la tribologie des surfaces puis, sous l'impulsion du regretté Maurice Godet (1984), à la tribologie des interfaces.
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Les conceptions modernes, dont il ne faut attendre aucun mode de calcul nouveau utilisable dans les bureaux d'études, ni aucune solution miracle pour résoudre les problèmes industriels, ont simplement le mérite de mieux rendre compte des phénomènes. Elles tiennent l'interface pour une zone à part dans le système frottant, distincte des corps frottants eux-mêmes, avec des propriétés différentes. La tribologie des interfaces inclut bien sûr la lubrification, de sorte que les notions de « frottement sec » et de « frottement fluide » deviennent de simples cas particuliers.
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Les conceptions classiques de l'usure sont remises en question, dans le cadre d'un enchaînement de phénomènes qui commence par le détachement de particules émises par les corps en présence, le piégeage de ces particules dans la zone de frottement, l'établissement d'un régime stationnaire où la vitesse d'émission des particules équivaut à leur vitesse d'élimination. Il y a là une notion de débit, entre les pièces en présence qui constituent des sources et le milieu extérieur qui constitue un puits.
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On considère que les surfaces, qui ont une composition différente de celle des volumes, jouent un rôle d'écran entre ces derniers. Ces écrans peuvent être détruits par le frottement et reconstitués par réaction avec l'environnement. Sans eux, la plupart des pièces mécaniques se souderaient purement et simplement, ce qui heureusement n'arrive pas très souvent en pratique.
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La constitution d'un troisième corps séparant les deux premiers commence lorsque des débris d'usure (ou des éléments étrangers) sont piégés dans les zones frottantes. En général, la composition de cette couche de séparation n'est pas du tout homogène.
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Souvent, mais pas toujours, la formation d'un troisième corps au détriment des deux premiers aboutit à protéger ceux-ci de l'usure. Ce phénomène est particulièrement important lorsque le troisième corps circule dans le contact, ou si l'objet frottant effectue plusieurs passages. On comprend mieux avec un exemple : au premier passage, un bâton de craie laissera un maximum de dépôt sur un tableau rugueux. Si l'on repasse la craie sur les zones où l'on a déjà écrit, les creux de la surface du tableau étant déjà remplis de poudre de craie, c'est-à-dire des débris d'usure du bâton, alors ce dernier perdra moins de matière qu'au premier passage.
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Les modes d'accommodation.
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Lors du déplacement tangentiel d'un corps par rapport à un autre, des mécanismes d'accommodation jouent au sein du 3e corps. Berthier (1988) en distingue 4, qui peuvent survenir isolément ou simultanément :
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Gérard Zambelli et Léo Vincent écrivent que le troisième corps est un opérateur qui transmet la charge (portance) d'un premier corps à l'autre et accommode, en s'écoulant (débit) d'une façon dissipative (frottement) l'essentiel de la différence de vitesse entre ces deux corps.
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Les bons troisièmes corps doivent adhérer aux surfaces frottantes et être capables d'accommoder la majeure partie de leurs déplacements relatifs.
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Frottements ultrafaibles, suprafriction.
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La recherche de nouvelles méthodes pour diminuer les facteurs de frottement, mise en sommeil relatif pendant quelques décennies en raison du faible coût de l'énergie et d'une certaine indifférence vis-à-vis des problèmes d'écologie, semble repartir sur de nouvelles bases.
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Les normes antipollution ont à juste titre conduit à l'élimination des additifs au plomb dans les carburants ; on remet aujourd'hui en question l'usage des produits soufrés et phosphorés utilisés comme additifs anti-usure dans toutes les huiles pour moteurs thermiques.
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Selon les ingénieurs de Nissan Motors, une diminution de quelques centièmes des facteurs de frottement qui règnent dans les zones les plus sollicitées des moteurs permettrait de réduire de 5 % la consommation de carburants, qui, extrapolée au niveau mondial, ferait économiser trente milliards de litres de carburants.
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D'autres besoins justifient également de telles recherches, comme les prothèses où l'on voudrait bien faire approcher les performances des cartilages naturels ou les micromécanismes qui connaissent actuellement un très fort développement : en effet, plus un mécanisme est petit, plus le rapport entre les forces de surface et les forces de volume devient important.
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On savait depuis assez longtemps qu'en faisant frotter deux cristaux l'un contre l'autre, le frottement pouvait varier selon l'orientation relative de leurs structures. Une autre découverte, qui remonte aux années 1990, est actuellement étudiée un peu partout dans le monde : en faisant frotter certains cristaux dans l'ultravide, le frottement disparaît presque complètement. Par analogie avec la superfluidité (disparition de la viscosité de certains fluides) et la supraconductivité (disparition de la résistance électrique), ce phénomène a été appelé suprafriction. Le frottement est dit « ultrafaible » lorsque le coefficient est inférieur à 1/20e, soit 0,05. Actuellement, on ne peut travailler dans ce domaine que si le frottement met en jeu un fluide séparant les surfaces (hormis, bien sûr, l'utilisation de corps roulants ou de champs magnétiques, il s'agit ici de frottement de glissement).
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L'incommensurabilité.
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La suprafriction (en anglais "superlubricity") a été prédite aux États-Unis vers 1990 par Jeffrey Sokoloff à partir du modèle de Tomlinson, puis par Motohisa Hirano et Kazumasa Shinjo de la compagnie japonaise NTT. La première condition pour qu'elle se produise est une propreté absolue des surfaces, et en particulier l'absence de produits adsorbés. La seconde condition est l'incommensurabilité des structures atomiques des surfaces en présence.
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Sont incommensurables, au sens étymologique du terme, deux grandeurs de même espèce qui n'ont pas de sous-multiple commun, pas de mesure commune, comme par exemple deux nombres irrationnels dont le rapport ne peut être exprimé ni par un nombre entier, ni par une fraction. Le terme n'est pas très approprié au problème mais il est difficile d'en trouver un meilleur. L'exemple des alvéoles d'une mousse d'emballage permet de se représenter assez bien ce qui se passe dans le contact.
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Hirano et Shinjo ont mis en évidence des variations du facteur de frottement d'un facteur 25 entre une pointe de tungstène et une surface de silicium.
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Les études actuelles portent beaucoup sur le frottement de couches minces sous vide poussé, avec des applications attendues pour les mécanismes destinés à fonctionner dans le vide spatial (actuellement, toutes les solutions pour le guidage des éléments mécaniques dans le vide reposent sur le roulement et non sur le glissement, ce qui complique et alourdit les structures).
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D'autres précisions sur les recherches actuelles ont été incluses dans le chapitre Tribologie - Lubrifiants solides et vernis. On pourra aussi consulter le chapitre Tribologie - Revêtements anti-usure.
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Les recherches sur les quasi cristaux.
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Jusqu'en 1984, on pensait que les métaux ne pouvaient se présenter que sous une forme cristalline classique, mais la découverte des quasi cristaux remit tout en question. Les quasi cristaux, tout comme les cristaux normaux, sont formés d'atomes qui s'assemblent selon différentes structures géométriques ( triangles, carrés, hexagones, etc.), mais ces structures, au lieu de se répéter à intervalles réguliers, ne forment plus un réseau répétitif. De ce fait, l'alignement et l'imbrication des atomes devient impossible et il en résulte des forces de frottement plus faibles.
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Les alliages métalliques quasi cristallins sont aujourd'hui utilisés dans de nombreux produits manufacturés, par exemple sous forme de revêtement pour les poëles à frire où ils allient leurs propriétés antiadhésives à une très bonne résistance thermique, ce qui n'est pas le cas pour les revêtements à base de PTFE (Teflon).
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Le principal obstacle à l'utilisation des quasi cristaux pour minimiser le frottement semble être la présence de contaminants à la surface des pièces, en particulier les gaz de l'air qui, en s'adsorbant selon des motifs organisés, masquent les propriétés des revêtements.
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Des études ont lieu actuellement pour quantifier l'effet des gaz adsorbés sur des quasi cristaux d'alliage aluminium-nickel-cobalt.
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Frottement, microstructures et recherche tribologique.
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Le Professeur Robert Courtel et son équipe ont réalisé de nombreuses expériences pour évaluer les phénomènes qui se produisent au niveau des cristaux élémentaires formant les métaux.
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D'après lui, l'adhésion ne fait pas le frottement, elle y contribue seulement. Il semble bien que les défauts des réseaux cristallins jouent un rôle primordial dans les mécanismes de la dissipation énergétique. Cette dernière serait provoquée par la formation de dislocations lors de l'écrouissage du matériau, ou par la nouvelle répartition de dislocations existantes.
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Il faut aussi prendre en compte la composition physico-chimique de la surface, qui subit des modifications incessantes lorsqu'elle est soumise au frottement. L'étude du frottement des métaux parfaitement propres est rendue à peu près impossible par les transferts de matière d'une pièce sur l'autre, or justement c'est la couche transférée qui conditionne entièrement les mécanismes du frottement sec ...
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Lors du frottement des matériaux composites, les transferts de matière prennent le pas sur toute autre considération.
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Subsets and Splits
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