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CNILTEXT000049373238 | CNIL | texte/cnil/CNIL/TEXT/00/00/49/37/32/CNILTEXT000049373238.xml | DELIBERATION | Délibération n° 2024-011 du 18 janvier 2024 portant adoption d’une recommandation sur l’application du règlement général sur la protection des données au développement des systèmes d’intelligence artificielle | 2024-011 | Recommandation/Lignes directrices | 2024-01-18 00:00:00 | 2024-04-09 00:00:00 | VIGUEUR | La Commission nationale de l'informatique et des libertés, Vu le règlement (UE) 2016/679 du parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données) ; Vu la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, notamment son article 8-I-2°-b) ; Après avoir entendu le rapport M. Claude Castelluccia, commissaire, et les observations de M. Damien Milic, commissaire du Gouvernement Formule les observations suivantes : De nombreux acteurs ont fait part, à la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), de questionnements concernant l’application du règlement général sur la protection des données (RGPD) à l’intelligence artificielle (IA), en particulier depuis l’émergence de systèmes d’IA génératives. La CNIL adopte une première recommandation sur l’application du RGPD au développement des systèmes d’intelligence artificielle. Cette première recommandation est composée de plusieurs fiches pratiques : Quel est le périmètre des fiches pratiques sur l’IA ? Déterminer le régime juridique applicable Définir une finalité Déterminer la qualification juridique des acteurs Assurer que le traitement est licite – Définir une base légale (1/2) Assurer que le traitement est licite – En cas de réutilisation des données, effectuer les tests et vérifications nécessaires (2/2) Réaliser une analyse d’impact si nécessaire Tenir compte de la protection des données dès les choix de conception du système Tenir compte de la protection des données dans la collecte et la gestion des données Modèle de documentation : fiche descriptive du jeu de données Elle sera complétée ultérieurement sur d’autres thèmes, après consultation publique. Décide : Article 1er : La recommandation figurant en annexe est adoptée. Article 2 : La présente délibération sera publiée au Journal officiel de la République française. La présidente M.-L. Denis Annexe Vous pouvez consulter l'intégralité du texte avec ses images à l'adresse suivante : https://www.cnil.fr/fr/ia-la-cnil-publie-ses-premieres-recommandations-sur-le-developpement-des-systemes-dintelligence |
CNILTEXT000049382214 | CNIL | texte/cnil/CNIL/TEXT/00/00/49/38/22/CNILTEXT000049382214.xml | DELIBERATION | Délibération de la formation restreinte n°SAN-2024-004 du 4 avril 2024
concernant la société HUBSIDE.STORE
| SAN-2024-004 | Sanction | 2024-04-04 00:00:00 | 2024-04-09 00:00:00 | VIGUEUR | La Commission nationale de l’informatique et des libertés, réunie en sa formation restreinte composée de M. Alexandre LINDEN, président, M. Philippe-Pierre CABOURDIN, vice-président, Mme Isabelle LATOURNARIE-WILLEMS et MM. Alain DRU et Bertrand du MARAIS, membres ; Vu la fin de mandat de Monsieur Alexandre LINDEN, intervenue le 1er février 2024 ; Vu la délibération n° 2024-015 du 7 mars 2024 élisant Monsieur Philippe-Pierre CABOURDIN en tant que président de la formation restreinte de la Commission nationale de l'informatique et des libertés ; Vu le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données ; Vu le code des postes et des communications électroniques ; Vu la loi no 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, notamment ses articles 20 et suivants ; Vu le décret no 2019-536 du 29 mai 2019 pris pour l'application de la loi no 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ; Vu la délibération no 2013-175 du 4 juillet 2013 portant adoption du règlement intérieur de la Commission nationale de l'informatique et des libertés ; Vu la décision n° 2021-191C du 29 juin 2021 de la présidente de la Commission nationale de l’informatique et des libertés de charger le secrétaire général de procéder ou de faire procéder à une mission de vérification des traitements mis en œuvre par la société SFK GROUP, par ses filiales ou pour son compte, en tout lieu susceptible d’être concerné par leur mise en œuvre ; Vu la décision de la présidente de la Commission nationale de l’informatique et des libertés portant désignation d’un rapporteur devant la formation restreinte, en date du 4 avril 2022 ; Vu le rapport de Mme Valérie PEUGEOT, commissaire rapporteure, notifié à la société HUBSIDE.STORE le 23 août 2023 ; Vu les observations écrites versées par la société HUBSIDE.STORE le 29 septembre 2023 ; Vu la réponse de la rapporteure à ces observations, notifiée à la société le 20 octobre 2023 ; Vu la clôture de l’instruction, notifiée à la société le 22 novembre 2023 ; Vu les observations orales formulées lors de la séance de la formation restreinte du 7 décembre 2023 ; Vu la délibération avant-dire droit de la formation restreinte n°SAN-2023-019 du 14 décembre 2023 ; Vu les observations écrites versées par la rapporteure le 21 décembre 2023 ; Vu les observations écrites versées par la société le 28 décembre 2023 ; Vu les observations orales formulées lors de la séance de la formation restreinte du 18 janvier 2024 ; Vu la note en délibéré transmise par la société le 29 janvier 2024 ; Vu les autres pièces du dossier ; Étaient présents, lors de la séance de la formation restreinte : - Mme Valérie PEUGEOT, commissaire, entendue en son rapport ; En qualité de représentants de la société HUBSIDE.STORE : - […] ; La société HUBSIDE.STORE ayant eu la parole en dernier ; La formation restreinte a adopté la décision suivante : I. Faits et procédure 1. La société HUBSIDE.STORE (ci-après " la société "), dont le siège social est situé 23/25 avenue Kléber à Paris (16ème), est une filiale de la société SFK GROUP. Elle a pour activité la gestion des boutiques " HUBSIDE.STORE ", spécialisées dans le commerce de détail de matériel de télécommunication. Au 31 mai 2023, la société employait 706 salariés et comptait 97 boutiques, réparties entre la France, la Belgique, le Portugal et l’Italie. Son chiffre d’affaires pour l’année 2021 s’est élevé à environ […] euros, pour un résultat net de […] euros. 2. Afin de promouvoir le catalogue des produits vendus en magasin, la société procède à des campagnes de démarchage par téléphone et par SMS à partir de fichiers de prospects achetés auprès de deux partenaires principaux, les sociétés […] et […]. Elle a indiqué avoir envoyé environ 1,4 million de SMS entre le mois de septembre 2020 et le mois de septembre 2021, et plus de 220 000 entre mai 2022 et mai 2023. S’agissant de la prospection téléphonique, la société a indiqué avoir émis environ 3,2 millions d’appels entre mai 2022 et mai 2023, à destination d’environ 1,3 million de prospects. 3. Le 23 septembre 2021, une délégation de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (ci-après " la CNIL " ou " la Commission ") a procédé à un contrôle dans les locaux de la société, afin de vérifier le respect des dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés (ci-après " la loi Informatique et Libertés " ou " loi du 6 janvier 1978 modifiée ") et du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (ci-après le " Règlement " ou " RGPD "). 4. Le procès-verbal n° 2021-191/1, dressé le jour du contrôle, a été notifié à la société le 30 septembre 2021. 5. La société a communiqué des pièces complémentaires les 5 octobre et 22 novembre 2021. 6. Aux fins d’instruction de ces éléments, la présidente de la Commission a, le 4 avril 2022, désigné Mme Valérie PEUGEOT en qualité de rapporteure sur le fondement de l’article 22 de la loi du 6 janvier 1978 modifiée. 7. Conformément à l’article 56 du RGPD, le 9 juin 2023, la CNIL a informé l’ensemble des autorités de contrôle européennes de sa compétence pour agir en tant qu’autorité de contrôle cheffe de file concernant les traitements transfrontaliers mis en œuvre par la société, résultant de ce que l’établissement principal de la société se trouve en France. Après échanges entre la CNIL et les autorités de protection des données européennes dans le cadre du mécanisme de guichet unique, l’Italie, l’Espagne, le Portugal et la Belgique se sont déclarées concernées. 8. Les 8 juin et 13 juillet 2023, la rapporteure a adressé deux demandes complémentaires auxquelles la société a répondu les 23 juin et 3 août 2023. 9. Le 23 août 2023, à l’issue de son instruction, la rapporteure a fait notifier à la société un rapport détaillant les manquements aux articles 6, 14 et 32 du RGPD et à l’article L. 34-5 du code des postes et des communications électroniques (ci-après " le CPCE ") qu’elle estimait constitués en l’espèce. Ce rapport proposait à la formation restreinte de prononcer une amende administrative à l’encontre de la société. Il proposait également que cette décision soit rendue publique. 10. Le 29 septembre 2023, la société a produit des observations en réponse au rapport de sanction. 11. La rapporteure a répondu aux observations de la société le 20 octobre 2023. 12. Le 22 novembre 2023, la rapporteure a, en application du III de l’article 40 du décret n° 2019-536 du 29 mai 2019 pris pour l'application de la loi Informatique et Libertés, informé la société et le président de la formation restreinte que l’instruction était close. 13. Le même jour, la société a été informée que le dossier était inscrit à l’ordre du jour de la formation restreinte du 7 décembre 2023. 14. La formation restreinte a tenu une séance le 7 décembre 2023. 15. Par délibération avant-dire droit n°SAN-2023-019 du 14 décembre 2023, envoyée par courrier électronique à la société le même jour et notifiée par voie postale le 21 décembre 2023, la formation restreinte a demandé à la société HUBSIDE.STORE et à la rapporteure la production d’une pièce complémentaire, évoquée par la société lors de la séance du 7 décembre 2023. 16. Le 21 décembre 2023, la rapporteure a communiqué à la formation restreinte une pièce intitulée " leads_701_23-09-2021 […] ". 17. Le 28 décembre 2023, la société a communiqué à la formation restreinte une pièce également intitulée " leads_701_23-09-2021 […] ". 18. En application de l’article 41 du décret n°2019-536 du 29 mai 2019, une convocation à la séance de la formation restreinte du 18 janvier 2024 a été notifiée à la société HUBSIDE.STORE le 21 décembre 2023 ; 19. La rapporteure et la société ont présenté des observations orales lors de la séance de la formation restreinte. II. Motifs de la décision A. Sur la désignation du rapporteur 20. Aux termes de l’article 39 du décret n°2019-536 du 29 mai 2019, " lorsqu'une mesure prévue au III de l'article 20 de la loi du 6 janvier 1978 […] est susceptible d'être prononcée, le président de la commission désigne un rapporteur n'appartenant pas à la formation restreinte, et en informe le responsable de traitement ou le sous-traitant mis en cause ". 21. La formation restreinte relève qu’en application de ces dispositions, la présidente de la CNIL a, par décision du 7 avril 2022, désigné Mme Valérie PEUGEOT, commissaire, pour établir le rapport devant permettre à la formation restreinte d’arrêter sa décision dans le cadre du dossier " CTX n°2022-019 HUBSIDE.STORE ". 22. Lors de la séance du 7 décembre 2023, puis dans le cadre de ses observations du 28 décembre 2023, la société HUBSIDE.STORE a invoqué la nullité de cette désignation, dans la mesure où elle serait intervenue sur la base d’une saisine ne concernant pas la société HUBSIDE.STORE. 23. La formation restreinte relève que le 1er juillet 2020, la CNIL a été saisie d’une plainte n°20010737 visant plusieurs sociétés du groupe SFK. 24. Par décision n°2021-191 du 29 juin 2021, la présidente de la CNIL a chargé le secrétaire général de procéder ou de faire procéder à une mission de vérification des traitements mis en œuvre par la société SFK GROUP ou par ses filiales. 25. Le procès-verbal de contrôle en date du 23 septembre 2021 indique que " la mission de contrôle a pour objet de procéder à la vérification sur place de la conformité des traitements de données à caractère personnel mis en œuvre par la société SFK GROUP ou par ses filiales et notamment les sociétés […] et […] ". Il précise qu’ " en particulier, il s’est agi d’effectuer des vérifications postérieurement aux clôtures du 4 mai 2021 des mises en demeure MED n°2020-041 du 24 novembre 2020 à l’encontre de la société […] et MED n°2020-042 du 24 novembre 2020 à l’encontre de la société …] ; il s’est également agi de donner suite à la saisine […] relative à l’exercice de son droit d’accès par un plaignant ". 26. La formation restreinte considère que, dans la mesure où la saisine […] a donné lieu à des vérifications réalisées lors du contrôle sur place le 23 septembre 2021, lequel visait le groupe SFK et l’ensemble de ses filiales, dont fait partie la société HUBSIDE.STORE, le fait que cette saisine soit mentionnée dans la décision de la présidente de désigner Mme Valérie PEUGEOT en tant que rapporteure est sans incidence sur la validité de cette désignation, quand bien même ladite saisine ne viserait pas spécifiquement la société HUBSIDE.STORE. B. Sur la procédure de coopération européenne 27. Aux termes de l’article 4 paragraphe 23, b) du RGPD, on entend par " traitement transfrontalier " " un traitement de données à caractère personnel qui a lieu dans l'Union dans le cadre des activités d'un établissement unique d'un responsable du traitement ou d'un sous-traitant, mais qui affecte sensiblement ou est susceptible d'affecter sensiblement des personnes concernées dans plusieurs États membres ". 28. La rapporteure relève que la société dispose de boutiques en France, mais également en Belgique, en Espagne, au Portugal et en Italie. Elle observe que, bien que la société ait indiqué que ses opérations de prospection commerciale étaient menées exclusivement depuis la France, à destination de ressortissants français, elle a néanmoins transmis des enregistrements d’appels de prospection à destination de ressortissants belges, dans l’objectif de promouvoir ses boutiques situées en Belgique. Par ailleurs, la rapporteure relève que la société a également indiqué que sa base de données clients contenait l’ensemble des données des clients des boutiques HUBSIDE.STORE en Europe. Elle considère que, dès lors, la société met en œuvre des traitements de données à caractère personnel transfrontaliers. 29. En défense, s’agissant des opérations de prospection commerciale par téléphone, la société affirme n’effectuer de la prospection qu’auprès d’individus domiciliés en France, afin de générer du trafic dans ses points de vente situés en France. S’agissant des enregistrements d’appels à destination de ressortissants belges transmis à la délégation, elle précise que " HUBSIDE.STORE Belgium, entité de tête portant les activités d’HUBSIDE.STORE en Belgique ne dispose pas de personnels dédiés à l’animation d’un service client. Aussi, pour les opérations de prospection téléphoniques ou sms effectuées dans l’optique de générer du trafic dans les points de vente situés sur le territoire belge, HUBSIDE.STORE Belgium a pu sous-traiter cette activité de prospection à SFAM en utilisant les services des plateaux commerciaux hexagonaux de cette société. Dès lors, étaient fournis aux équipes préposées à la prospection, l’accès à un fichier de prospection belge, acquis d’HUBSIDE.STORE Belgium ". 30. En premier lieu, s’agissant des opérations de prospection commerciale par téléphone visées par le manquement à l’article 6 du RGPD, la formation restreinte relève que ce manquement repose sur la conception de formulaires mis en œuvre par des courtiers en données ne fournissant à la société HUBSIDE.STORE que des données de ressortissants français. Dans ces conditions, malgré la réalisation par la société de démarchage téléphonique à destination de ressortissants belges, la formation restreinte considère que le traitement concerné par le manquement à l’article 6 du RGPD ne constitue pas un traitement transfrontalier. 31. En deuxième lieu, s’agissant des enregistrements d’appels de prospection téléphonique visés par le manquement à l’article 14 du RGPD, la formation restreinte relève que ces derniers visent des ressortissants français mais également des ressortissants belges, afin de promouvoir des boutiques situées en Belgique. Ainsi, le caractère transfrontalier du traitement apparait caractérisé. 32. En troisième et dernier lieu, la société a indiqué que sa base de données clients, visée par le manquement à l’article 32 du RGPD, contenait les données des clients de l’ensemble des points de vente HUBSIDE.STORE en Europe. La formation restreinte considère ainsi que la gestion de cette base de données constitue un traitement transfrontalier au sens de l’article 4, paragraphe 23, du RGPD. 33. En application de l’article 60, paragraphe 3, du RGPD, le projet de décision adopté par la formation restreinte a été transmis aux autres autorités de contrôle européennes compétentes, en vue de leur permettre d’effectuer des objections pertinentes et motivées sur les traitements et manquements qui les concernent, le 20 février 2024. La formation restreinte relève que les autorités de contrôle suivantes sont concernées par la présente procédure : Belgique, Italie, Espagne, Portugal. 34. Au 20 mars 2024, aucune de ces autorités n’avait formulé d’objection pertinente et motivée à l’égard de ce projet de décision, de sorte que, en application de l’article 60, paragraphe 6, du RGPD, ces dernières sont réputées l’avoir approuvé. C. Sur le manquement à l’obligation de recueillir le consentement des personnes concernées pour la mise en œuvre de prospection commerciale par voie électronique 35. Aux termes de l’article L. 34-5 du CPCE, " est interdite la prospection directe au moyen de système automatisé de communications électroniques […], d'un télécopieur ou de courriers électroniques utilisant les coordonnées d'une personne physique […] qui n'a pas exprimé préalablement son consentement à recevoir des prospections directes par ce moyen. Pour l'application du présent article, on entend par consentement toute manifestation de volonté libre, spécifique et informée par laquelle une personne accepte que des données à caractère personnel la concernant soient utilisées à fin de prospection directe […] ". 36. Aux termes de l’article 4, paragraphe 11, du RGPD, on entend par " consentement " de la personne concernée " toute manifestation de volonté, libre, spécifique, éclairée et univoque par laquelle la personne concernée accepte, par une déclaration ou par un acte positif clair, que des données à caractère personnel la concernant fassent l'objet d'un traitement ". 37. En application des dispositions combinées des articles L.34-5 du CPCE et 4, paragraphe 11 du RGPD, l’organisme qui fait réaliser des opérations de prospection commerciale par voie électronique doit disposer d’un consentement univoque, spécifique, libre et informé des personnes concernées. 38. La rapporteure relève que la société a indiqué procéder à des opérations de prospection commerciale par SMS à partir de fichiers de prospects achetés auprès de courtiers en données. Elle observe que les constatations réalisées par la délégation ont permis d’établir que ces courtiers collectaient les données des personnes concernées par l’intermédiaire de formulaires de participation à des jeux-concours en ligne. 39. Pour proposer à la formation restreinte de considérer que la société a méconnu ses obligations résultant de l’article L. 34-5 du CPCE, tel qu’éclairé par les dispositions de l’article 4, paragraphe 11 du RGPD, la rapporteure se fonde sur le fait que la conception de ces formulaires ne permet pas aux utilisateurs de manifester leur consentement par un acte positif clair et dénué d’ambigüité, et les incite fortement à accepter la transmission de leurs données aux partenaires de la société à des fins de prospection. 40. En défense, la société se prévaut des termes du contrat la liant à l’un de ses fournisseurs, la société […], estimant qu’elle ne peut être tenue pour responsable des agissements non conformes de son prestataire. S’agissant de l’autre fournisseur, la société […], elle indique qu’elle n’entretenait avec lui aucune relation contractuelle avant le mois de novembre 2021 et que la majorité des fichiers reçus provenaient de la société […], complétés par des apports en provenance de la société […] ayant elle-même recours à un réseau de sous-traitants parmi lesquels la société […]. 41. En l’espèce, il ressort de l’instruction que la société HUBSIDE.STORE réalise des opérations de prospection commerciale par SMS à partir de fichiers de prospects achetés auprès de fournisseurs de données, chargés de recueillir le consentement des personnes concernées au moment de la collecte des données. Entre le mois de septembre 2020 et le mois de septembre 2021, 1 363 773 SMS de prospection ont ainsi été envoyés. Le nombre d’envois entre le mois de mai 2022 et le mois de mai 2023, s’élève à 221 206. 42. En premier lieu, s’agissant de la société […], la formation restreinte relève que lors du contrôle du 23 septembre 2021, la société a indiqué que les " SMS de prospection relatifs au catalogue de la société HUBSIDE.STORE sont envoyés aux prospects fournis par la société […] car cette dernière est capable de cibler des prospects proches des boutiques ". A cette occasion, une extraction de 5 000 fiches de prospects livrées par la société […] a ainsi été effectuée. Par ailleurs, la société a fourni à la délégation deux bons de commande de la société […], datés du 3 août 2021, portant sur la vente de plusieurs dizaines de milliers de fichiers à la société HUBSIDE.STORE. 43. Ces éléments conduisent la formation restreinte à considérer que la société HUBSIDE.STORE exploitait bien, au jour du contrôle, les fichiers de prospects livrés par la société […]. 44. En deuxième lieu, la formation restreinte rappelle que lorsque les données des prospects n’ont pas été collectées directement auprès d’eux par l’organisme qui prospecte, le consentement peut avoir été recueilli au moment de la collecte initiale des données par le primo-collectant, pour le compte de l’organisme qui réalisera les opérations de prospection ultérieures. À défaut, il revient à l’organisme qui prospecte de recueillir un tel consentement avant de procéder à des actes de prospection (CNIL, FR, 24 novembre 2022, Sanction, n°SAN-2022-021, publié). 45. Il en résulte qu’en sa qualité de responsable de traitement, la société HUBSIDE.STORE est tenue de vérifier elle-même que les conditions lui permettant de réaliser des opérations de prospection commerciale sont réunies. A cet égard, la formation restreinte a retenu la responsabilité d’un organisme en considérant qu’un simple engagement contractuel de son courtier en données à respecter le RGPD et les règles applicables en matière de prospection commerciale ne constituait pas une mesure suffisante (CNIL, FR, 24 novembre 2022, Sanction, n° SAN-2022-021, publié). 46. Ainsi, s’agissant des engagements contractuels de la société […] dont se prévaut la société HUBSIDE.STORE, la formation restreinte considère que les obligations contractuelles pouvant être imposées aux fournisseurs ne sauraient exonérer la société HUBSIDE.STORE de sa responsabilité en tant que responsable de traitement, malgré l’existence éventuelle d’une responsabilité des fournisseurs. 47. En troisième lieu, la formation restreinte rappelle que le consentement spécifique requis par les dispositions de l’article L. 34-5 du CPCE ne peut résulter que d’un consentement exprès de l’utilisateur, donné en toute connaissance de cause après une information adéquate sur l’usage qui sera fait de ses données personnelles. Il convient ainsi de s’assurer que les personnes concernées ont donné un consentement univoque, spécifique, libre et éclairé lors de la collecte de leurs données à caractère personnel par le biais des formulaires de participation à des jeux-concours. 48. La formation restreinte relève à cet égard que les travaux conduits sur les pratiques mises en œuvre en matière de cookies s’agissant des bannières de recueil du consentement peuvent utilement servir à apprécier de manière plus générale les conditions de recueil d’un consentement libre, univoque, spécifique et éclairé, et servir de référence en matière de prospection commerciale lorsqu’elle est fondée sur le recueil du consentement. 49. Par ailleurs, sur les mêmes conditions du consentement, La Cour de justice de l’Union européenne (ci-après " CJUE ") a précisé, dans sa décision Planet49 GmbH : " l’article 7, sous a) de la directive 95 prévoit que le consentement de la personne concernée peut rendre un tel traitement licite pour autant que ce consentement est " indubitablement " donné par la personne concernée. Or, seul un comportement actif de la part de cette personne en vue de manifester son consentement est de nature à remplir cette exigence " (CJUE, grande chambre, 1er octobre 2019, Planet49 GmbH, C-673/17, ECLI:EU:C:2019:801, §54). Dès lors, il convient de considérer qu’à défaut d’être donné indubitablement, le consentement doit être considéré comme faisant défaut, ce qui rend le traitement illégal pour défaut de base légale. Plus précisément sur les modalités de recueil, la CJUE affirme que " la manifestation de volonté visée à l’article 2, sous h), de la directive 95/46 doit, notamment, être " spécifique ", en ce sens qu’elle doit porter précisément sur le traitement de données concerné et ne saurait être déduite d’une manifestation de volonté ayant un objet distinct. En l’occurrence, contrairement à ce qu’a fait valoir Planet49, le fait pour un utilisateur d’activer le bouton de participation au jeu promotionnel organisé par cette société ne saurait dès lors suffire pour considérer que l’utilisateur a valablement donné son consentement au placement de cookies " (Idem, §§ 58-59). 50. En outre, le Conseil d’Etat a retenu que " le consentement libre, spécifique, éclairé et univoque ne peut qu'être un consentement exprès de l'utilisateur, donné en toute connaissance de cause et après une information adéquate sur l'usage qui sera fait de ses données personnelles. " (CE, 10ème et 9ème chambres réunies, 19 juin 2020, Google LLC, n° 430810, pt. 21). 51. La formation restreinte relève également, à titre d’exemple, que les lignes directrices 5/2020 sur le consentement, adoptées le 4 mai 2020 par le groupe de travail " article 29 " (devenu le Comité européen de la protection des données, ci-après " CEPD "), précisent que le caractère libre du consentement " implique un choix et un contrôle réel pour les personnes concernées. En règle générale, le RGPD dispose que si la personne concernée n’est pas véritablement en mesure d’exercer un choix, se sent contrainte de consentir ou subira des conséquences négatives importantes si elle ne donne pas son consentement, le consentement n’est pas valable […] En termes généraux, toute pression ou influence inappropriée exercée sur la personne concernée (pouvant se manifester de différentes façons) l’empêchant d’exercer sa volonté rendra le consentement non valable ". 52. A titre d’illustration et de comparaison, dans sa délibération n° 2020-092 du 17 septembre 2020 portant adoption d’une recommandation proposant des modalités pratiques de mise en conformité en cas de recours aux " cookies et autres traceurs ", la Commission recommande aux organismes concernés de s’assurer " que les utilisateurs prennent la pleine mesure des options qui s’offrent à eux, notamment au travers du design choisi et de l’information délivrée (§ 10) […] Afin de ne pas induire en erreur les utilisateurs, la Commission recommande que les responsables de traitement s’assurent que les interfaces de recueil des choix n’intègrent pas de pratiques de design potentiellement trompeuses laissant penser aux utilisateurs que leur consentement est obligatoire ou qui mettent visuellement plus en valeur un choix plutôt qu’un autre. Il est recommandé d’utiliser des boutons et une police d’écriture de même taille, offrant la même facilité de lecture, et mis en évidence de manière identique " (§ 34). Elle ajoute qu’il convient " d’être attentif à ce que l’information accompagnant chaque élément actionnable permettant d’exprimer un consentement ou un refus soit facilement compréhensible et ne nécessite pas d’efforts de concentration ou d’interprétation de la part de l’utilisateur. Ainsi, il est notamment recommandé de s’assurer qu’elle n’est pas rédigée de telle manière qu’une lecture rapide ou peu attentive pourrait laisser croire que l’option sélectionnée produit l’inverse de ce que les utilisateurs pensaient choisir. " (§ 23). A défaut, le caractère univoque du consentement ne serait pas caractérisé. 53. La formation restreinte rappelle également que des études menées sur les pratiques des interfaces numériques, en particulier concernant les cookies, relèvent l’impact considérable de l’apparence des bannières de recueil du consentement sur le choix des utilisateurs, pouvant inciter ces derniers à faire des choix ne reflétant pas leurs préférences sur le partage des données. 54. En l’espèce, il ressort des pièces du dossier que les sociétés […] et […], fournisseurs des données de prospects à la société HUBSIDE.STORE, collectent les données des personnes concernées (nom, prénom, civilité, adresse électronique, numéro de téléphone mobile, date de naissance et adresse postale) par l’intermédiaire de formulaires de participation à des jeux-concours en ligne, afin de permettre à leurs partenaires de les utiliser dans le cadre de leur prospection commerciale. 55. S’agissant des constatations réalisées par la délégation lors du contrôle, la formation restreinte relève que les formulaires accessibles à partir des sites web […], […], […] et […] se présentent de façon similaire. Sous les champs permettant aux personnes concernées d’inscrire leurs coordonnées (qui leur sont demandées par les formules " remplissez vos coordonnées ci-dessous en cas de gain " ou " remplissez vos coordonnées ci-dessous pour postuler ") est situé un bouton " VALIDER ", " JE VALIDE " ou " JE REPONDS AUX QUESTIONS POUR POSTULER ". Au-dessus ou en-dessous de ce bouton, un texte précise qu’en cliquant sur ce dernier, l’utilisateur déclare avoir lu la politique de protection des données de la société et accepte que les données collectées soient utilisées pour lui envoyer les offres des partenaires de la société. Des liens hypertextes permettent d’accéder à la politique de protection des données et à la liste des partenaires concernés. La fin du texte précise que si l’utilisateur souhaite continuer sans recevoir les offres des partenaires de la société, il peut cliquer sur un lien présent dans le texte (" cliquez ici "). 56. Ainsi, l’utilisateur confronté à ce formulaire peut, soit cliquer sur un bouton permettant à la fois de valider sa participation au jeu et d’accepter que ses données soient utilisées pour lui envoyer les offres des partenaires de la société, soit cliquer sur le lien " cliquez ici " permettant de continuer sans recevoir ces offres. 57. La formation restreinte considère que tels que conçus, les formulaires proposés ne permettent pas aux personnes concernées d’exprimer de manière valable un choix reflétant leurs préférences en matière de transmission de données à des fins de prospection commerciale. L’aperçu global des interfaces met particulièrement en valeur le bouton " VALIDER ", " JE VALIDE " ou " JE REPONDS AUX QUESTIONS POUR POSTULER " qui, par sa taille et sa couleur, se distingue des autres informations délivrées. De même, son intitulé évoque davantage la conclusion du parcours utilisateur plutôt qu’une transmission de données à des partenaires. Enfin, son emplacement donne l’impression de devoir obligatoirement être cliqué pour terminer l’inscription et participer au jeu-concours. A contrario, le lien hypertexte permettant de participer au jeu sans accepter la transmission de ses données aux partenaires est présenté dans le corps du texte, en caractères d’une taille nettement inférieure à celle utilisée pour les boutons et sans mise en valeur particulière, de sorte qu’il n’apparait pas intuitif qu’il est possible de participer sans cliquer sur l’un des boutons précités et donc sans transmettre ses données à des tiers à des fins de prospection. Le consentement recueilli est donc dépourvu d’un caractère univoque et libre. 58. La formation restreinte note par ailleurs que, dans le cadre de ses observations écrites relatives au manquement à l’article 6 du RGPD, la société a produit deux autres formulaires, présentés comme conformes. Or, la formation restreinte relève que leur conception ne permet pas davantage aux personnes concernées de manifester leur consentement par un acte positif clair et dénué d’ambigüité. 59. D’une part, la formation restreinte observe que la présentation de ces formulaires, à l’instar de ceux consultés par la délégation lors du contrôle sur place, met particulièrement en valeur le bouton " VALIDER MES COORDONNEES " et " CONTINUER ", pour valider la participation au jeu et transmettre ses données aux partenaires. Au contraire, le lien hypertexte " cliquez ici " permettant de participer au jeu sans accepter cette transmission est présenté dans le corps du texte, en caractères d’une taille nettement inférieure à celle du bouton et sans mise en valeur particulière. De plus, le visuel global du formulaire accessible à partir du site […], qui contient trois encarts verts (" JE VALIDE MA PARTICIPATION ", " JE CONFIRME MES COORDONNEES POUR LA LIVRAISON EN CAS DE GAIN " et " VALIDER MES COORDONNES ") conduit à penser qu’il existe un séquençage logique entre ces trois actions et que le bouton " VALIDER MES COORDONNEES " est le dernier bouton à activer pour participer au jeu et obtenir son gain. Or, ce bouton n’est pas obligatoire puisque l’utilisateur peut utiliser le lien précité " cliquez ici ", ce qui n’est pas intuitif au regard de l’apparence générale du formulaire. 60. En outre, s’agissant du formulaire mis en œuvre par la société […] à partir du site […], la formation restreinte relève l’existence de deux cases à cocher, l’une concernant la lecture et l’acceptation du règlement du jeu, l’autre la lecture de la politique de confidentialité et l’acceptation de la transmission de ses données. L’aspect similaire de ces cases, présentées comme des mentions légales à lire obligatoirement, et dont le texte d’accompagnement commence par " j’ai lu ", pousse l’utilisateur à les cocher indistinctement, puis à cliquer sur " CONTINUER " en transmettant ses données. La possibilité de participer au tirage au sort sans recevoir d’offres promotionnelles existe en cliquant sur le lien " ici " mais est inscrite dans une police plus petite et sans mise en valeur par rapport au bouton " CONTINUER " qui, d’une part, est particulièrement visible, par sa taille, sa couleur et sa police, d’autre part, semble conclure le parcours utilisateur du fait de son emplacement en bas de formulaire. Ainsi, le caractère facultatif du bouton " CONTINUER " ne se déduit pas nettement du visuel global du formulaire. 61. D’autre part, la formation restreinte relève qu’un contrôle en ligne réalisé le 17 octobre 2023 a permis de révéler que, compte tenu de sa configuration, le formulaire visé au paragraphe précédent ne permettait matériellement pas à l’utilisateur de participer au jeu sans accepter la transmission de ses données aux partenaires de la société, et donc sans être destinataire de prospection commerciale, contrairement à ce qui est indiqué sur le formulaire. 62. La formation restreinte considère ainsi que les formulaires susvisés n’éclairent pas suffisamment les personnes concernées sur le fait qu’elles consentent à la transmission de leurs données à des fins de prospection commerciale, dans un contexte où l’objet même de ces sites web est d’offrir une perspective de gains ne pouvant laisser supposer l’objectif de collecte pérenne de ces données à de telles fins. Ces personnes ne sont pas mises en mesure de manifester leur consentement par un acte positif clair et dénué d’ambigüité. 63. La formation restreinte considère, dans ces conditions, que la société HUBSIDE.STORE ne dispose pas, pour réaliser ses opérations de prospection commerciale par voie électronique, d’un consentement valide au sens des articles L.34-5 du CPCE et 4 du RGPD. 64. Un manquement à l’article L.34-5 du CPCE est ainsi caractérisé. D. Sur le manquement à l’obligation de traiter les données de manière licite 65. Aux termes de l’article 6 du RGPD, " 1. Le traitement n'est licite que si, et dans la mesure où, au moins une des conditions suivantes est remplie : a) la personne concernée a consenti au traitement de ses données à caractère personnel pour une ou plusieurs finalités spécifiques ; b) le traitement est nécessaire à l'exécution d'un contrat auquel la personne concernée est partie ou à l'exécution de mesures précontractuelles prises à la demande de celle-ci ; c) le traitement est nécessaire au respect d'une obligation légale à laquelle le responsable du traitement est soumis ; d) le traitement est nécessaire à la sauvegarde des intérêts vitaux de la personne concernée ou d'une autre personne physique ; e) le traitement est nécessaire à l'exécution d'une mission d'intérêt public ou relevant de l'exercice de l'autorité publique dont est investi le responsable du traitement ; f) le traitement est nécessaire aux fins des intérêts légitimes poursuivis par le responsable du traitement ou par un tiers, à moins que ne prévalent les intérêts ou les libertés et droits fondamentaux de la personne concernée qui exigent une protection des données à caractère personnel, notamment lorsque la personne concernée est un enfant ". 66. La formation restreinte rappelle que les actions de prospection commerciale par appels téléphoniques peuvent être réalisées sur la base légale de l’intérêt légitime de la société (f) ou sur celle du consentement (a). 67. En l’espèce, la société a indiqué réaliser des opérations de prospection commerciale par téléphone, à partir de fichiers de prospects achetés auprès de plusieurs fournisseurs de données. 68. La formation restreinte relève que la société n’a pas été en mesure, ni dans ses observations écrites, ni dans ses observations orales lors de la séance, d’indiquer précisément sur quelle base légale elle se fondait pour procéder à de tels traitements. Dans ces conditions, les deux bases légales susceptibles d’être applicables en l’espèce seront examinées successivement. 1) Sur l’intérêt légitime 69. La rapporteure soutient que, pour fonder ses opérations de prospection commerciale par téléphone, la société ne peut se prévaloir de la base légale de l’intérêt légitime visée au point f) de l’article 6, paragraphe 1 du RGPD. Elle relève ainsi, s’agissant des formulaires de participation à des jeux-concours en ligne par l’intermédiaire desquels la société […] collecte les données des prospects qu’elle revend à la société HUBSIDE.STORE, que cette dernière n’est pas systématiquement mentionnée dans la liste des partenaires susceptibles de démarcher les personnes concernées, et qu’ainsi ces dernières ne peuvent légitimement s’attendre à recevoir des offres commerciales de cette société. 70. En défense, la société se prévaut des engagements contractuels de la société […], qui prévoient que la société HUBSIDE.STORE doit être mentionnée parmi les destinataires des données collectées. Elle considère qu’elle ne saurait être tenue pour responsable des manquements de son prestataire, et produit un exemple de formulaire mis en œuvre par la société […] contenant un lien URL renvoyant à une liste des partenaires, parmi lesquels figure la société […] (un lien vers la politique de confidentialité de cette dernière permettant d’accéder à la liste complète des sociétés faisant partie du même groupe que […], dont la société HUBSIDE.STORE). Enfin, la société affirme mettre en œuvre des contrôles réguliers relatifs à la conformité des fichiers livrés. 71. La formation restreinte rappelle que, si la prospection commerciale par voie non électronique peut être réalisée sur la base de l’intérêt légitime de la société, cette dernière doit s’assurer que le traitement ne heurte pas les droits et intérêts des personnes dont les données sont traitées, compte tenu de leurs attentes raisonnables. 72. A cet égard, le considérant 47 du RGPD dispose que : " […] l’existence d’un intérêt légitime devrait faire l’objet d’une évaluation attentive, notamment afin de déterminer si une personne concernée peut raisonnablement s’attendre, au moment et dans le cadre de la collecte des données à caractère personnel, à ce que celles-ci fassent l’objet d’un traitement à une fin donnée. Les intérêts et les droits fondamentaux de la personne pourraient, en particulier, prévaloir sur l’intérêt du responsable du traitement lorsque des données à caractère personnel sont traitées dans des circonstances où les personnes concernées ne s’attendent raisonnablement pas à un traitement ultérieur […]. ". 73. En l’espèce, la formation restreinte relève que certains formulaires de jeu-concours à partir desquels la société […] collecte des données de prospects qu’elle transmet à la société HUBSIDE.STORE ne permettent pas aux personnes concernées de s’attendre raisonnablement à recevoir des offres de prospection commerciale de la part de cette société. 74. Ainsi, s’agissant du formulaire accessible depuis le site web […], la formation restreinte observe que ce dernier contient un lien hypertexte renvoyant à une liste nominative de partenaires et non à des catégories de partenaires. Ainsi, les personnes concernées peuvent légitimement s’attendre à ce que cette liste de partenaires soit exhaustive. Or, ladite liste ne mentionne pas la société HUBSIDE.STORE. 75. Concernant les formulaires présents sur les sites […] (ce formulaire renvoyant au site www.[...]) et […], la formation restreinte relève qu’ils ne mentionnent pas la liste des partenaires ou des catégories de partenaires auxquels les données sont susceptibles d’être transmises, et qu’ils ne contiennent en outre aucun lien permettant d’accéder à une telle liste. 76. Au demeurant, s’agissant des vérifications que la société affirme réaliser sur les formulaires à partir desquels les données sont collectées, la formation restreinte relève qu’elle ne produit aucun élément permettant d’en attester, les engagements contractuels de ses fournisseurs ne constituant pas une mesure de contrôle en tant que telle. 77. La formation restreinte considère que dans ces conditions, la protection des intérêts, libertés et droits fondamentaux des personnes concernées prime sur les intérêts légitimes de la société, et que cette dernière ne peut dès lors se prévaloir de la base légale mentionnée à l’article 6, paragraphe 1, f) pour fonder ses opérations de prospection commerciale par téléphone. 2) Sur le consentement 78. La rapporteure considère que, pour fonder ses opérations de prospection commerciale par téléphone, la société ne peut se prévaloir de la base légale du consentement visée au point a) de l’article 6, paragraphe 1, du RGPD. Elle se fonde sur les mêmes arguments que ceux développés concernant le manquement à l’article L.34-5 du RGPD, s’agissant des formulaires de collecte mis en œuvre par les fournisseurs de données. 79. En défense, la société se prévaut des termes du contrat passé avec la société […]. Elle prend note des constats matérialisés mais indique que, si les manquements existent, ils ne sont représentatifs ni d’une volonté de méconnaître ses obligations, ni de pratiques généralisées. Elle fournit à cet égard deux exemples de formulaires de collecte mis en œuvre par ses fournisseurs, qu’elle estime conformes. Enfin, elle fait état de contrôles réalisés sur les fichiers à la suite de leur mise à disposition par le prestataire et insiste sur l’impossibilité, compte tenu de la volumétrie de ces fichiers, de mettre en œuvre un contrôle unitaire. 80. En premier lieu, la formation restreinte rappelle que, si le caractère intentionnel de la violation doit être pris en compte pour décider s’il y a lieu de prononcer une amende et pour décider de son montant, il est sans incidence sur la caractérisation du manquement, ce dernier pouvant résulter d’une négligence. Il en va de même du caractère généralisé ou non dudit manquement. 81. En deuxième lieu, s’agissant des modalités de recueil du consentement à la prospection téléphonique, la formation restreinte considère que les formulaires mis en œuvre par les fournisseurs de la société HUBSIDE.STORE ne permettent pas de recueillir un consentement valide, au sens de l’article 6, paragraphe 1, point a) du RGPD, comme développé aux points 47 à 63 de la présente délibération s’agissant de la prospection électronique. 82. En troisième et dernier lieu, s’agissant des contrôles que la société affirme réaliser sur les fichiers livrés, la formation restreinte observe que la société ne produit aucun élément permettant d’en attester. 83. D’une part, dans ses observations écrites du 29 septembre 2023, puis dans ses observations orales lors de la séance du 7 décembre 2023, la société a évoqué une pièce intitulée " leads_701_23-09-2021 […] ", recueillie lors du contrôle sur place et faisant état, selon elle, de " contrôles des fichiers de prospection réalisés à la suite de leur mise à disposition par le prestataire ". Par délibération n° SAN-2023-019 du 14 décembre 2023, la formation restreinte a sollicité de la rapporteure et de la société la production de cette pièce. 84. La formation restreinte relève que le fichier produit par la rapporteure, dont l’empreinte numérique atteste qu’il s’agit bien du fichier à partir duquel les constats ont été réalisés par la délégation lors du contrôle, ne contient aucun élément de nature à attester des vérifications dont se prévaut la société. Conformément à ce qui est mentionné sur le procès-verbal de contrôle, il s’agit d’un fichier de prospects (" leads ") livré par la société […] au groupe INDEXIA le 23 septembre 2021, contenant les données d’environ 15 000 prospects. Si, pour chacun de ces prospects, un lien URL devant permettre d’accéder à la source des données est présent, la formation restreinte relève qu’aucune mention ne fait état de vérifications qui auraient pu être réalisées par la société HUBSIDE.STORE ou le groupe INDEXIA. Lors de la séance du 18 janvier 2024, la société a indiqué ne pas remettre en cause l’intégrité de cette pièce. 85. S’agissant du fichier produit par la société, la formation restreinte relève qu’il ne correspond pas à celui recueilli lors du contrôle, dans la mesure où son empreinte numérique et sa taille diffèrent. Elle relève en outre que cette différence est confirmée par son contenu puisque, contrairement aux constatations figurant au procès-verbal du 23 septembre 2021, il ne contient aucune donnée de prospects mais seulement des liens URL assortis de commentaires (" ok ", " une seule case à cocher ", " litigieux "). 86. Enfin, la formation restreinte observe que le contenu du fichier produit n’apparait pas cohérent avec la finalité invoquée dans la mesure où les commentaires sommaires et non datés qui y figurent ne sont reliés à aucune fiche de prospect et qu’il n’est par ailleurs pas démontré que les non-conformités identifiées auraient fait l’objet de remontées à la société […]. La formation restreinte considère ainsi qu’en tout état de cause, un tel fichier ne permet pas de démontrer l’existence de vérifications réalisées sur les fichiers livrés. 87. D’autre part, s’agissant des autres pièces du dossier, la formation restreinte note qu’elles attestent exclusivement d’exigences imposées par la société HUBSIDE.STORE à la société […], préalablement à la reprise de leurs relations contractuelles, sans constituer des contrôles par la société HUBSIDE.STORE sur les pratiques ultérieures de son prestataire. 88. La formation restreinte relève enfin que la proportion de fichiers non conformes parmi ceux examinés de manière aléatoire par la délégation (soit quatre fichiers non conformes sur les sept examinés) démontre l’insuffisance des mesures prises par la société pour s’assurer de la validité du consentement des personnes concernées. 89. Ainsi, la formation restreinte estime que les formulaires visés dans la présente délibération ne permettent pas à la société HUBSIDE.STORE de disposer d’un consentement valide des personnes concernées. Elle souligne qu’au regard des formulaires produits par la société dans ses observations du 29 septembre 2023, le manquement relevé est persistant. 90. Dès lors, en l’absence de base légale permettant à la société HUBSIDE.STORE de fonder ses opérations de prospection commerciale par téléphone, la formation restreinte considère qu’un manquement à l’article 6 du RGPD est constitué. E. Sur le manquement à l’obligation de transparence et d’information des personnes 91. L’article 14, paragraphe 1, du RGPD dresse la liste des informations devant être communiquées par le responsable de traitement aux personnes concernées lorsque leurs données à caractère personnel n’ont pas été collectées auprès d’elles, parmi lesquelles les finalités du traitement ainsi que sa base juridique. 92. Le paragraphe 2 de ce même article prévoit qu’en " plus des informations visées au paragraphe 1, le responsable du traitement fournit à la personne concernée " certaines informations " nécessaires pour garantir un traitement équitable et transparent à l'égard de la personne concernée ", notamment les droits dont ces dernières disposent, la durée de conservation des données, la source dont elles proviennent ou encore le droit d’introduire une réclamation auprès d’une autorité de contrôle. 93. La rapporteure relève que les personnes faisant l’objet de prospection commerciale par téléphone de la part de la société HUBSIDE.STORE (soit environ 1,3 million de prospects français et belges entre mai 2022 et mai 2023) ne sont pas informées de l’ensemble des mentions obligatoires prévues à l’article 14 susmentionné. Elle observe que, si les prospects sont bien informés de l’enregistrement de l’appel ainsi que de leur possibilité de s’opposer à cet enregistrement et de s’inscrire sur Bloctel, l’ensemble des autres informations ne leur sont pas communiquées, les personnes concernées ne se voyant pas non plus offrir la possibilité d’obtenir une information plus complète. 94. La société n’a présenté aucune observation en défense sur ce point. 95. La formation restreinte rappelle que, dans la mesure où la société a indiqué effectuer de la prospection commerciale par téléphone à partir de fichiers transmis par ses partenaires, il s’agit d’un cas de collecte indirecte, pour lequel l’information des personnes doit être assurée dans les conditions définies à l’article 14 du RGPD. 96. Elle relève, à titre d’éclairage, que le CEPD précise, dans ses lignes directrices sur la transparence au sens du règlement (UE) 2016/679, que si une information à plusieurs niveaux est possible pour plus de clarté, il " recommande que le premier niveau (autrement dit, la principale façon de communiquer pour la première fois avec une personne concernée) communique de manière générale les informations les plus importantes […] Par exemple, quand le premier contact avec une personne concernée se fait par téléphone, ces informations pourraient être fournies lors de l’appel téléphonique tandis que les autres informations requises au titre des articles 13 et 14 pourraient être fournies ultérieurement et par d’autres moyens, notamment en envoyant un exemplaire de la politique de confidentialité par e-mail et/ou en envoyant à la personne concernée un lien vers l’avis/la déclaration en ligne du responsable du traitement sur la protection de la vie privée à différents niveaux ". S’agissant de l’obligation d’information dans un environnement téléphonique, il est suggéré de mettre en œuvre des " explications orales fournies par une personne physique permettant une interaction, [des] questions appelant une réponse, ou [des] informations automatisées ou pré-enregistrées proposant l’option d’entendre d’autres informations plus détaillées ". 97. La formation restreinte observe qu’il ressort des enregistrements téléphoniques communiqués par la société que les personnes faisant l’objet de prospection téléphonique sont uniquement informées de l’enregistrement de l’appel et de la possibilité de s’inscrire sur Bloctel, sans qu’aucune autre information ne leur soit communiquée quant au traitement de leurs données à caractère personnel. 98. La formation restreinte relève en outre que ces personnes ne se voient offrir aucune possibilité d’obtenir une information plus complète, par exemple via l’activation d’une touche sur leur clavier téléphonique. 99. Dans ces conditions, la formation restreinte considère que le manquement à l’article 14 du RGPD est constitué. F. Sur le manquement à l’obligation d’assurer la sécurité des données 100. Aux termes de l’article 32, paragraphe 1 du RGPD, " compte tenu de l’état des connaissances, des coûts de mise en œuvre et de la nature, de la portée, du contexte et des finalités du traitement ainsi que des risques, dont le degré de probabilité et de gravité varie, pour les droits et libertés des personnes physiques, le responsable du traitement et le sous-traitant mettent en œuvre les mesures techniques et organisationnelles appropriées afin de garantir un niveau de sécurité adapté au risque […] " et notamment " des moyens permettant de garantir la confidentialité, l'intégrité, la disponibilité et la résilience constantes des systèmes et des services de traitement " et d’une " procédure visant à tester, à analyser et à évaluer régulièrement l’efficacité des mesures techniques et organisationnelles pour assurer la sécurité du traitement ". 101. La rapporteure relève que la société a indiqué conserver les données des clients de ses points de vente en Europe, soit 104 391 personnes en novembre 2021, pendant une durée de cinq ans à compter de la date de clôture du contrat, conformément aux délais légaux de prescription, précisant que ces données étaient conservées en base active, sans qu’aucun mécanisme d’archivage intermédiaire ne soit mis en œuvre. La rapporteure considère que ces modalités de conservation ne permettent pas de limiter l’accès aux données aux utilisateurs ayant besoin d’en connaître, dans la mesure où les personnes ayant intérêt à avoir accès à ces données pendant la durée du contrat continuent, même après la fin de ce dernier, à pouvoir y accéder sans restriction pendant une durée de cinq ans, alors même que leurs fonctions ne leur imposent plus nécessairement d’en connaître. 102. En défense, la société indique que chaque boutique HUBSIDE.STORE dispose de sa propre base de données clients, et que les vendeurs ne peuvent donc accéder qu’aux informations des clients de la boutique à laquelle ils sont rattachés. S’agissant des services supports, elle confirme qu’ils ont accès à l’ensemble des données des clients du réseau HUBSIDE.STORE. Par ailleurs, elle ne conteste pas qu’à l’issue de la relation contractuelle, aucune limitation d’accès n’intervient, et précise que certains services, notamment le service après-vente, sont gérés par les vendeurs eux-mêmes. Elle souligne enfin, dans le cadre de ses observations orales lors de la séance du 7 décembre 2023, que la société HUBSIDE.STORE, bien que créée en 2017, a commencé à déployer ses boutiques à compter de l’année 2021, et qu’aucune donnée n’est donc conservée depuis cinq ans. 103. La formation restreinte rappelle qu’il résulte des dispositions de l’article 32 du RGPD que le responsable de traitement doit mettre en place des mesures appropriées pour assurer la confidentialité des données et éviter que ces dernières soient traitées de façon illicite par des personnes qui n’ont pas besoin d’en connaître (CNIL, FR, 29 octobre 2021, Sanction, n°SAN-2021-019, publié). 104. Ce besoin d’en connaître est susceptible d’évoluer en fonction du cycle de vie des données et des finalités pour lesquelles elles sont conservées. Ainsi, pendant la phase de leur utilisation courante, qui correspond à la durée nécessaire pour accomplir la finalité déterminée, les données sont conservées en " base active " et accessibles à l’ensemble des services chargés de la mise en œuvre du traitement. A l’issue de cette phase, lorsque les données ne sont plus utilisées pour atteindre l’objectif fixé mais qu’elles présentent encore un intérêt administratif pour l’organisme (par exemple pour la gestion d’un éventuel contentieux) ou doivent être conservées pour répondre à une obligation légale, elles doivent pouvoir être consultées uniquement de manière ponctuelle et motivée par des personnes spécifiquement habilitées, participant à l’objectif ayant justifié cette conservation, en faisant l’objet d’un archivage intermédiaire. Cet archivage intermédiaire nécessite d’opérer une séparation avec la base active, qui peut être physique (via un transfert des données au sein d’une base d’archives dédiée), ou logique (via la mise en place de mesures techniques et organisationnelles garantissant que seules les personnes ayant un intérêt à traiter les données en raison de leurs fonctions puissent y accéder). 105. La formation restreinte relève que la société ne conteste pas conserver les données de ses clients à l’issue de la relation contractuelle, sans qu’aucune mesure d’archivage intermédiaire n’intervienne. La formation restreinte rappelle que la cessation des relations contractuelles doit conduire à limiter l’accès aux données à certains salariés en raison de leurs fonctions. Néanmoins, la formation restreinte considère qu’en l’état, les éléments qui figurent au dossier ne permettent pas d’établir que des personnes auraient accès auxdites données sans avoir besoin d’en connaître. 106. Il résulte ce qui précède que le manquement à l’article 32 du RGPD n’est pas constitué. III. Sur le prononcé de mesures correctrices et la publicité 107. Aux termes de l’article 20 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée : " Lorsque le responsable de traitement ou son sous-traitant ne respecte pas les obligations résultant du règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016 ou de la présente loi, le président de la Commission nationale de l'informatique et des libertés peut […] saisir la formation restreinte de la commission en vue du prononcé, après procédure contradictoire, de l'une ou de plusieurs des mesures suivantes : […] 7° À l'exception des cas où le traitement est mis en œuvre par l'État, une amende administrative ne pouvant excéder 10 millions d'euros ou, s'agissant d'une entreprise, 2 % du chiffre d'affaires annuel mondial total de l'exercice précédent, le montant le plus élevé étant retenu. Dans les hypothèses mentionnées aux 5 et 6 de l'article 83 du règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016, ces plafonds sont portés, respectivement, à 20 millions d'euros et 4 % dudit chiffre d'affaires. La formation restreinte prend en compte, dans la détermination du montant de l'amende, les critères précisés au même article 83 ". 108. L’article 83 du RGPD prévoit que : " Chaque autorité de contrôle veille à ce que les amendes administratives imposées en vertu du présent article pour des violations du présent règlement visées aux paragraphes 4, 5 et 6 soient, dans chaque cas, effectives, proportionnées et dissuasives ", avant de préciser les éléments devant être pris en compte pour décider s'il y a lieu d’imposer une amende administrative et pour décider du montant de cette amende. 109. En premier lieu, la formation restreinte rappelle qu’elle doit tenir compte, pour le prononcé d’une amende administrative, des critères précisés à l’article 83 du RGPD, tels que la nature, la gravité et la durée de la violation, le caractère délibéré ou non de la violation, les mesures prises par le responsable du traitement pour atténuer le dommage subi par les personnes concernées, le degré de coopération avec l’autorité de contrôle et les catégories de données à caractère personnel concernées par la violation. 110. La formation restreinte souligne que les manquements commis par la société portent sur des obligations touchant aux principes fondamentaux de la protection des données à caractère personnel. 111. Ainsi, s’agissant du recueil du consentement à des fins de prospection par voie électronique, la formation restreinte insiste sur le fait que l’écosystème de la revente de données de partenaires en partenaires exige des garanties particulièrement fortes quant à la qualité et à la validité du consentement obtenu par le primo-collectant des données et dont les partenaires se prévalent à des fins de prospection commerciale. Elle souligne qu’à cet égard, l’organisme qui se prévaut d’un tel consentement pour mener des opérations de prospection commerciale endosse une responsabilité essentielle lui imposant, en tant que responsable de traitement, de s’assurer que les conditions lui permettant de réaliser lesdites opérations sont réunies, indépendamment de la responsabilité éventuelle des fournisseurs de données, primo-collectants. En outre, elle considère que les exigences doivent être particulièrement renforcées s’agissant des modalités de recueil du consentement des utilisateurs des sites web dont l’objet est d’offrir des perspectives de gains, ces personnes n’ayant pas nécessairement conscience de la portée de leur accord dans le cadre de leur inscription. Elle relève également que la société a recours massivement à la prospection par voie électronique, - celle-ci ayant envoyé plus de 1,3 million de SMS entre le mois de septembre 2020 et le mois de septembre 2021, et plus de 220 000 entre mai 2022 et mai 2023 -, et que de telles pratiques sont susceptibles d’être vécues comme particulièrement intrusives. 112. S’agissant du manquement à l’obligation de disposer d’une base légale pour traiter les données des prospects dans le cadre de la prospection commerciale par téléphone, la formation restreinte rappelle l’importance, en l’absence de recueil d’un consentement valide, de permettre aux personnes concernées de mesurer l’ampleur des traitements dont leurs données sont susceptibles de faire l’objet. Ainsi, le fait qu’au moment de la collecte des données, une liste détaillée des partenaires susceptibles de réaliser des opérations de prospection commerciale soit mise à la disposition des personnes concernées, sans que la société HUBSIDE.STORE y figure, et sans que cette liste soit complétée par une mention précisant les catégories de partenaires dont pourrait faire partie la société HUBSIDE.STORE, prive les personnes concernées du socle minimal d’information permettant de préserver leurs intérêts, libertés et droits fondamentaux. 113. S’agissant du manquement à l’obligation d’information des personnes, la formation restreinte relève que la société utilise des données obtenues massivement auprès de courtiers en données, sans permettre notamment aux personnes concernées de s’assurer de la source de leur collecte. Elle rappelle que l’information des personnes constitue une mesure fondamentale permettant à ces dernières de pouvoir exercer les droits dont elles bénéficient, et qu’un tel manquement revêt donc une particulière gravité. Elle souligne enfin que ce manquement apparait structurel, dans la mesure où, sur les dizaines d’enregistrements d’appels fournis par la société, aucun ne répond aux exigences d’information prévues à l’article 14 du RGPD. 114. La formation restreinte insiste enfin sur le fait que la société HUBSIDE.STORE, en tant que filiale de la société SFK GROUP, dispose de ressources humaines, financières et techniques suffisantes pour s’assurer du respect des règles relatives à la protection des données à caractère personnel. 115. Au vu de l’ensemble de ces éléments, la formation restreinte considère qu’il y a lieu de prononcer une amende administrative pour les manquements aux articles L. 34-5 du CPCE et 6 et 14 du RGPD. 116. En deuxième lieu, s’agissant du montant de l’amende, la formation restreinte rappelle que les violations relevées en l’espèce concernent des manquements à des principes susceptibles de faire l’objet, en vertu de l’article 83 du RGPD, d’une amende administrative pouvant s’élever jusqu’à 20 millions d’euros ou jusqu’à 4 % du chiffre d’affaires annuel mondial de l’exercice précédent, le montant le plus élevé étant retenu. 117. Elle considère que l’activité de la société et sa situation financière doivent notamment être prises en compte. Elle relève à cet égard que la société HUBSIDE.STORE a réalisé un chiffre d’affaires de plus de […] euros au titre de l’année 2021, pour un bénéfice de plus de […] euros. Par ailleurs, la formation restreinte relève que le nombre de boutiques HUBSIDE.STORE est passé de 62 en septembre 2021 à 97 en mai 2023, soit une augmentation de 56%. 118. Dès lors, au regard de la responsabilité de la société, de ses capacités financières et des critères pertinents de l’article 83, paragraphe 2, du RGPD évoqués ci-avant, la formation restreinte estime qu’une amende de cinq cent vingt-cinq mille euros (525 000 €) apparaît justifiée. 119. En troisième lieu, s’agissant de la publicité de la sanction, la formation restreinte considère que celle-ci se justifie au regard de la gravité de certains des manquements en cause, de la position de la société sur le marché, de la portée des traitements et du nombre de personnes concernées. 120. Elle relève également que cette mesure a notamment vocation à informer les personnes concernées par les opérations de prospection de la société. Cette information leur permettra, le cas échéant, de faire valoir leurs droits. 121. Enfin, elle estime que cette mesure est proportionnée dès lors que la décision n’identifiera plus nommément la société à l’expiration d’un délai de deux ans à compter de sa publication. PAR CES MOTIFS La formation restreinte de la CNIL, après en avoir délibéré, décide de : • prononcer une amende administrative à l’encontre de la société HUBSIDE.STORE d’un montant de cinq cent vingt-cinq mille euros (525 000 €) pour manquements aux articles L.34-5 du code des postes et communications électroniques et 6 et 14 du RGPD, qui se décompose comme suit : deux cent mille euros (200 000 €) pour manquement à l’article L.34-5 du code des postes et des communications électroniques ; trois cent vingt-cinq mille euros (325 000 €) pour manquements aux articles 6 et 14 du RGPD ; • rendre publique, sur le site web de la CNIL et sur le site web de Légifrance, sa délibération, qui ne permettra plus d’identifier nommément la société à l’issue d’une durée de deux ans à compter de sa publication. Le président Philippe-Pierre CABOURDIN Cette décision est susceptible de faire l’objet d’un recours devant le Conseil d’État dans un délai de deux mois à compter de sa notification. |
CNILTEXT000049327269 | CNIL | texte/cnil/CNIL/TEXT/00/00/49/32/72/CNILTEXT000049327269.xml | DECISION | Décision DR-2024-011 autorisant l’AGENCE NATIONALE DE SANTÉ PUBLIQUE à mettre en oeuvre la modification d’un traitement de données ayant pour finalité une étude portant sur le bien-être et la santé mentale des enfants scolarisés de la petite section de maternelle au CM2, nécessitant un accès aux données du SNIIRAM, du PMSI et du CépiDC, composantes du Système national des données de santé (SNDS), pour les années 2004 à 2037, intitulée « Enabee » (Demande d’autorisation n° 921423v1) | DR-2024-011 | Autorisation de recherche | 2024-03-15 00:00:00 | 2024-03-28 00:00:00 | VIGUEUR | |
CNILTEXT000049327291 | CNIL | texte/cnil/CNIL/TEXT/00/00/49/32/72/CNILTEXT000049327291.xml | DECISION | Décision DR-2024-033 autorisant le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE GRENOBLE à mettre en oeuvre un traitement de données ayant pour finalité une étude épidémiologique descriptive et prévalence de la mastocytose systématique indolente à partir des données grenobloise, intitulée « PREMAST ». (Demande d’autorisation n° 924006) | DR-2024-033 | Autorisation de recherche | 2024-02-20 00:00:00 | 2024-03-28 00:00:00 | VIGUEUR | |
CNILTEXT000049327296 | CNIL | texte/cnil/CNIL/TEXT/00/00/49/32/72/CNILTEXT000049327296.xml | DECISION | Décision DR-2024-038 autorisant la société MERCK HEALTHCARE KGAA à mettre en oeuvre un traitement de données ayant pour finalité une étude portant sur l’évaluation des modalités de traitement, de l'utilisation des ressources de santé et du fardeau économique du carcinome urothélial métastatique (CUM) en France, nécessitant un accès aux données du SNIIRAM, PMSI et CépiDc, composantes du Système national des données de santé (SNDS), pour les années 2014 à 2024. (Demande d’autorisation n°924031) | DR-2024-038 | Autorisation de recherche | 2024-02-26 00:00:00 | 2024-03-28 00:00:00 | VIGUEUR | |
CNILTEXT000049327324 | CNIL | texte/cnil/CNIL/TEXT/00/00/49/32/73/CNILTEXT000049327324.xml | DECISION | Décision DT-2024-003 autorisant l’INSTITUT GUSTAVE ROUSSY à mettre en oeuvre un traitement de données ayant pour finalité la constitution d’un entrepôt de données de santé, intitulé « BOOST DATAS ». (Demande d’autorisation n°2230692) | DT-2024-003 | Autre autorisation | 2024-02-09 00:00:00 | 2024-03-28 00:00:00 | VIGUEUR | |
CNILTEXT000049327307 | CNIL | texte/cnil/CNIL/TEXT/00/00/49/32/73/CNILTEXT000049327307.xml | DECISION | Décision DR-2024-049 autorisant la société MERCK SANTE à mettre en oeuvre un traitement de données ayant pour finalité une étude portant sur la description du parcours de soins des patients atteints d’un cancer urothélial localement avancé ou métastatique, nécessitant un accès aux données du SNIIRAM et du PMSI, composantes du Système national des données de santé (SNDS), pour les années 2018 à 2022. (Demande d’autorisation n°924040) | DR-2024-049 | Autorisation de recherche | 2024-03-05 00:00:00 | 2024-03-28 00:00:00 | VIGUEUR | |
CNILTEXT000050202759 | CNIL | texte/cnil/CNIL/TEXT/00/00/50/20/27/CNILTEXT000050202759.xml | DELIBERATION | Délibération de la formation restreinte n°SAN-2024-013 du 5 septembre 2024
concernant la société CEGEDIM SANTÉ
| SAN-2024-013 | Sanction | 2024-09-05 00:00:00 | 2024-09-12 00:00:00 | VIGUEUR | La Commission nationale de l’informatique et des libertés, réunie en sa formation restreinte composée de M. Philippe-Pierre CABOURDIN, président, M. Vincent LESCLOUS, vice-président, Mmes Isabelle LATOURNARIE-WILLEMS et Laurence FRANCESCHINI et M. Alain DRU, membres ; Vu le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données ; Vu la loi no 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, notamment ses articles 20 et suivants ; Vu le décret no 2019-536 du 29 mai 2019 pris pour l’application de la loi no 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ; Vu la délibération no 2013-175 du 4 juillet 2013 portant adoption du règlement intérieur de la Commission nationale de l'informatique et des libertés ; Vu la décision n° 2020-085C du 12 mai 2020 de la présidente de la Commission nationale de l’informatique et des libertés de charger le secrétaire général de procéder ou de faire procéder à une mission de vérification des traitements mis en œuvre par la société CEGEDIM LOGICIEL MEDICAUX FRANCE, par ses filiales ou pour son compte, en tout lieu susceptible d’être concerné par leur mise en œuvre ; Vu la décision de la présidente de la Commission nationale de l’informatique et des libertés portant désignation d’un rapporteur devant la formation restreinte, en date du 2 mars 2023 ; Vu le rapport de Monsieur François PELLEGRINI, commissaire rapporteur, notifié à la société CEGEDIM SANTÉ le 12 octobre 2023 ; Vu les observations écrites versées par la société les 17 novembre 2023, 8 janvier et 21 mai 2024 ; Vu les réponses du rapporteur à ces observations, notifiées à la société les 8 décembre 2023 et 15 mars 2024 ; Vu l’arrivée à échéance du mandat de commissaire de Monsieur François PELLEGRINI le 1erfévrier 2024 ; Vu la décision de la présidente de la Commission nationale de l’informatique et des libertés portant désignation d’un nouveau rapporteur, Monsieur Claude CASTELLUCCIA, devant la formation restreinte, en date du 31 janvier 2024 ; Vu la clôture de l’instruction, notifiée à la société le 28 mai 2024 ; Vu les observations orales formulées lors de la séance de la formation restreinte ; Vu les autres pièces du dossier ; Étaient présents, lors de la séance de la formation restreinte du 13 juin 2024 : - Monsieur Claude CASTELLUCCIA, commissaire, entendu en son rapport ; En qualité de représentants de la société CEGEDIM SANTÉ : - […] ; La société CEGEDIM SANTÉ ayant eu la parole en dernier ; La formation restreinte a adopté la décision suivante : I. Faits et procédure 1. La société CEGEDIM LOGICIELS MEDICAUX FRANCE, dont le siège social est situé au 137, rue d’Aguesseau à Boulogne-Billancourt (92100), est une société par actions simplifiée à associé unique. En 2020 et 2021, elle a réalisé un chiffre d’affaires de […] et de […] et un résultat net de […] et de […]. 2. L’associé unique de la société CEGEDIM LOGICIELS MEDICAUX FRANCE est la société CEGEDIM SANTÉ (ci-après la société ), société par actions simplifiée, dont le siège social est sis au 137, rue d’Aguesseau, 92100 Boulogne-Billancourt. 3. En sa qualité d’associé unique, la société CEGEDIM SANTÉ a décidé la dissolution anticipée sans liquidation de la société CEGEDIM LOGICIELS MEDICAUX FRANCE à compter du 22 novembre 2021. La société CEGEDIM SANTÉ a repris l’intégralité des activités de la société CEGEDIM LOGICIELS MEDICAUX FRANCE, ainsi que les traitements des données à caractère personnel qu’elle réalisait. 4. La société CEGEDIM SANTÉ fait partie du groupe CEGEDIM, spécialisé dans la gestion des flux numériques de l’écosystème santé entre professionnels et dans la conception de logiciels métier, destinés notamment aux professionnels de santé. En 2022, le chiffre d’affaires du groupe CEGEDIM s’est élevé à […] et son résultat net à […]. 5. L’activité de la société CEGEDIM SANTÉ consiste à éditer et vendre des logiciels de gestion aux médecins de ville exerçant en cabinets et en centres de santé. Environ 25 000 cabinets médicaux et 500 centres de santé utilisent les logiciels proposés par la société. Celle-ci édite notamment le logiciel CROSSWAY, qui permet aux médecins de gérer leur agenda, les dossiers de leurs patients et leurs prescriptions. 6. La société propose à un panel de médecins de ville utilisant ce logiciel, éligibles en fonction de critères géographiques, d’âges et de spécialités, d’adhérer à un observatoire en vue de collecter des données issues des dossiers des patients. En cas d’adhésion à l’observatoire , les données contenues dans les logiciels des médecins sont extraites dans le flux CROSSWAY afin d’être ensuite utilisées dans le cadre d’études et de statistiques dans le domaine de la santé réalisées par les clients de la société CEGEDIM SANTÉ, dont les sociétés […] et […]. À titre d’exemples, les clients de la société CEGEDIM SANTÉ réalisent des études sur la prise en charge des patients en fonction de leurs pathologies, sur les disparités démographiques, régionales et les profils de prise en charge des médecins et la mesure de la consommation de soins. En 2021, environ […] médecins avaient adhéré à cet observatoire . 7. En contrepartie, les médecins du panel bénéficient d’une remise sur la licence d’utilisation du logiciel CROSSWAY et la société leur donne accès aux études statistiques réalisées par la […] , ainsi qu’à des tableaux de bord personnalisés. 8. Par décision n° 2020-085C du 12 mai 2020, la présidente de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (ci-après la Commission ou la CNIL ) a chargé le secrétaire général de procéder ou de faire procéder à une mission de vérification des traitements mis en œuvre par la société CEGEDIM LOGICIEL MEDICAUX FRANCE, par ses filiales ou pour son compte, en tout lieu susceptible d’être concerné par leur mise en œuvre. 9. Le 30 mars 2021, une délégation de la CNIL a procédé à un contrôle dans les locaux de la société, afin de vérifier le respect des dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés (ci-après la loi Informatique et Libertés ou loi du 6 janvier 1978 modifiée ) et du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (ci-après le Règlement ou RGPD ). 10. Les 12 avril 2021 et 16 février 2023, la société a fourni des éléments complémentaires sollicités par la délégation lors du contrôle sur place. 11. Aux fins d’instruction de ces éléments, la présidente de la Commission a, le 2 mars 2023, désigné Monsieur François PELLEGRINI en qualité de rapporteur sur le fondement de l’article 39 du décret n° 2019-536 du 29 mai 2019 pris pour l’application de la loi Informatique et Libertés. 12. Le 12 octobre 2023, à l’issue de son instruction, le rapporteur a fait notifier à la société un rapport détaillant les manquements à l’article 5, paragraphe 1, a) du RGPD et à l’article 66 de la loi Informatique et Libertés qu’il estimait constitués en l’espèce. Ce rapport proposait à la formation restreinte de prononcer une amende administrative à l’encontre de la société et une injonction assortie d’une astreinte de se mettre en conformité avec les manquements constatés. Il proposait également que cette décision soit rendue publique. 13. Le 17 novembre 2023, la société a produit des observations en réponse au rapport de sanction. 14. Le rapporteur a répondu aux observations de la société le 8 décembre 2023. 15. Le 8 janvier 2024, la société a produit ses deuxièmes observations en réponse. 16. Le mandat de commissaire de Monsieur François PELLEGRINI arrivant à son terme le 1er février 2024, la présidente de la CNIL a désigné Monsieur Claude CASTELLUCCIA en qualité de rapporteur le 31 janvier 2024, en application de l’article 40 I alinéa 5 du décret n° 2019-536 du 29 mai 2019. 17. Le 15 mars 2024, le rapporteur a produit une réponse aux deuxièmes observations de la société. 18. Le 21 mai 2024, la société a produit ses troisièmes observations. 19. Par courrier du 27 mai 2024, le rapporteur a, en application du III de l’article 40 du décret n° 2019-536 précité, informé la société et le président de la formation restreinte que l’instruction était close. 20. Par courrier du 27 mai 2024, la société a été informée que le dossier était inscrit à l’ordre du jour de la formation restreinte du 13 juin 2024. 21. Le 12 juin 2024, la société a, par l’intermédiaire de son conseil, sollicité le report de la clôture de l’instruction jusqu’à la tenue de la séance de la formation restreinte prévue le lendemain, afin de pouvoir verser une pièce complémentaire, à savoir la copie d’un courrier adressé par la société CEGEDIM LOGICIELS MEDICAUX à la CNIL le 25 avril 2013. Le président de la formation restreinte a fait droit à cette demande. 22. Le rapporteur et la société ont présenté des observations orales lors de la séance de la formation restreinte. II. Motifs de la décision A. Sur le grief tiré de la méconnaissance des droits de la défense et du droit à un procès équitable 23. La société soutient qu’il a été porté atteinte à ses droits de la défense dans la mesure où, par courrier du 21 décembre 2023, le président de la formation restreinte lui a refusé l’extension de délai sollicité pour produire ses deuxièmes observations, en méconnaissance du droit à un procès équitable selon elle. Elle précise que, pour pouvoir répondre aux nouveaux arguments avancés par le rapporteur concernant plus particulièrement l’analyse du risque de réidentification pour lequel celle-ci estime que des analyses complémentaires sont nécessaires, la société a dû faire appel à un expert, qui n’était en mesure de rendre ses conclusions que pour la mi-janvier 2024, alors que son délai pour répondre expirait le 8 janvier 2024. 24. La société soutient par ailleurs que des éléments de preuve essentiels qu’elle a invoqués en défense pour démontrer le caractère anonyme des données du flux CROSSWAY n’ont pas été repris par le rapporteur, de sorte qu’elle s’interroge sur la prise en compte effective de ses arguments et donc sur le respect de ses droits de la défense et sur la garantie d’un procès équitable. 25. En premier lieu, la formation restreinte relève que les délais qui ont été appliqués dans le cadre de la procédure contradictoire sont ceux définis par l’article 40 I du décret n° 2019-536 précité. Elle note que la société a en outre bénéficié d’un délai de cinq jours supplémentaires pour produire ses premières observations en défense, conformément à sa demande formulée auprès du président de la formation restreinte. 26. En deuxième lieu, la formation restreinte souligne que le rapport de sanction a été notifié à la société dès le 12 octobre 2023. Rien ne faisait donc obstacle à ce qu’elle mandate un expert dès cette date puisque, dès le rapport de sanction, le rapporteur considérait que les données que la société traite ne sont pas anonymes mais pseudonymes. L’analyse et la position du rapporteur sur ce point ont été constantes dans le cadre de la procédure de sanction et exposées dès le rapport de sanction. La société aurait donc pu solliciter un expert bien avant la réception de la réponse du rapporteur à ses premières observations en défense. 27. En troisième lieu, la formation restreinte relève que la société a pu produire les conclusions de l’expertise utiles à sa défense qu’elle souhaitait produire, puisque le rapporteur n’a pas clos l’instruction à l’issue des deuxièmes observations en défense de la société. Il a en effet décidé d’adresser une deuxième réponse aux observations de la société, laquelle a disposé d’un délai de deux mois et sept jours pour produire ses troisièmes observations en réponse. 28. En dernier lieu, si la société estime que le rapporteur n’a pas suffisamment pris en compte les arguments qu’elle avance dans ses différents écrits et a commis différentes erreurs d’appréciation, la formation restreinte rappelle que l’ensemble des écritures et pièces produites à la fois par la société et par le rapporteur ont bien été portées à sa connaissance, et qu’elle dispose ainsi des éléments nécessaires afin de se prononcer sur le traitement en cause. La formation restreinte relève également que la société a pu présenter ses observations en défense dans ses trois jeux d’écriture, plusieurs tours de contradictoire ayant eu lieu dans le cadre de cette procédure, ainsi qu’oralement lors de la séance de formation restreinte du 13 juin 2024. 29. La formation restreinte considère dès lors que le grief tiré de la méconnaissance de ses droits de la défense et du droit à un procès équitable doit être écarté. B. Sur le traitement en cause et la responsabilité de traitement 30. Au moment du contrôle effectué par la CNIL et jusqu’en 2022, la société collectait un certain nombre de données auprès des médecins panélistes ayant adhéré à son observatoire . Ces données étaient relatives à la fois au dossier administratif des patients (numéros de patient, année de naissance, sexe, catégorie socio-professionnelle, code de la région, date de la consultation), au dossier médical (allergies, antécédents du patient, antécédents familiaux, taille, poids, pouls, tension, diagnostics du jour etc.), aux prescriptions pharmaceutiques (médicament, posologie, durée, etc.) et aux autres prescriptions (arrêt de travail, vaccins, résultats d’examens biologiques, etc.). 31. Toutes ces données sont chiffrées et reliées à un identifiant unique pour chaque patient, qui ne repose sur aucun trait d’identité du patient. Les données des patients sont extraites périodiquement du flux CROSSWAY pour constituer un fichier sur le poste du médecin panéliste. Lors de la génération de ce fichier, les numéros patients du flux sont rechiffrés. Le fichier est ensuite acheminé par canal chiffré HTTPS vers le serveur hébergeant la base de données qui agrège et stocke transitoirement les données. Ainsi, même si chaque patient se voit attribuer des identifiants différents dans le flux CROSSWAY et dans les fichiers transmis par les médecins à la société CEGEDIM SANTÉ, l’ensemble des données concernant un même patient du même médecin est bien toujours associé à ce deuxième identifiant dans le jeu de données communiqué à la société CEGEDIM SANTÉ. En revanche, un même patient se rendant dans un autre cabinet médical se verra attribuer un autre identifiant unique propre à cet autre cabinet. L’identifiant étant lié aux données médicales et administratives d’un même patient, il permet donc le suivi de l’historique du patient pour un seul et même cabinet. 32. Les lignes présentes dans la base de données sont composées des identifiants du patient et du médecin consulté, ainsi que de divers codes. […]. D’après les chiffres communiqués par la société, le nombre de lignes collectées entre le 1er janvier 2021 et le 2 avril 2021 par la société CEGEDIM SANTÉ est de plus de […]. 33. Les données sont conservées trois mois à compter de leur réception dans le flux CROSSWAY. Ensuite, elles sont transmises aux clients de la société, dont la société […], qui réalise des études et statistiques dans le domaine de la santé. Bien que les données ne soient conservées que trois mois dans le flux, certaines présentent une profondeur historique plus importante. Par exemple, les données issues du téléservice HRi, qui sera évoqué ci-après, sont automatiquement téléchargées sur une profondeur de douze mois lorsque le médecin les consulte. 34. La société CEGEDIM SANTÉ considère que les données qu’elle traite sont anonymes et ne sont donc plus soumises au régime applicable en matière de protection des données à caractère personnel. 35. Le rapporteur estime quant à lui que la société s’est constituée un entrepôt de données de santé pseudonymisées à partir des données que lui communiquent les médecins panélistes, afin de les mettre à disposition de ses clients – dont certains appartiennent au même groupe – qui réalisent des études et statistiques dans le domaine de la santé. Ainsi, le rapporteur estime que la société CEGEDIM SANTÉ est tenue de se conformer à la règlementation relative à la protection des données à caractère personnel pour traiter lesdites données et, notamment, de disposer d’une autorisation pour ce faire. 36. En défense, la société fait également valoir qu’elle a mis en œuvre, depuis 2022, des nouvelles mesures d’appauvrissement des données au stade de l’extraction, données qui sont depuis lors moins précises. Elle ne collecte par exemple plus les informations des patients dont l’année de naissance est inférieure ou égale à 1920 ou si le patient est âgé de plus de 95 ans, elle ne collecte plus le nombre exact d’enfants des patients (0 si pas d’enfants, 1 si 1 enfant ou plus, et si le patient a moins de 18 ans le nombre d’enfants est systématiquement à 0) ou encore ne collecte plus les informations des patients ayant un sexe indéterminé. 37. La formation restreinte considère qu’il y a lieu d’examiner la nature des données traitées et la qualification du traitement avant de pouvoir déterminer les responsabilités associées à celui-ci. 1) Sur la nature des données traitées dans le flux CROSSWAY a) Sur le cadre juridique applicable 38. L’article 4, paragraphe 1, du RGPD définit la notion de données à caractère personnel comme toute information se rapportant à une personne physique identifiée ou identifiable […] ; est réputée être une personne physique identifiable une personne physique qui peut être identifiée, directement ou indirectement, notamment par référence à un identifiant, tel qu'un nom, un numéro d'identification […] . 39. L’article 4, paragraphe 15, du RGPD dispose que les données à caractère personnel relatives à la santé physique ou mentale d'une personne physique, y compris la prestation de services de soins de santé, qui révèlent des informations sur l'état de santé de cette personne constituent des données de santé. 40. L’article 4, paragraphe 5, du RGPD définit la pseudonymisation comme le traitement de données à caractère personnel de telle façon que celles-ci ne puissent plus être attribuées à une personne concernée précise sans avoir recours à des informations supplémentaires, pour autant que ces informations supplémentaires soient conservées séparément et soumises à des mesures techniques et organisationnelles afin de garantir que les données à caractère personnel ne sont pas attribuées à une personne physique identifiée ou identifiable . 41. La formation restreinte relève que, contrairement à la notion de pseudonymisation, la notion d’anonymisation n’est pas définie par le RGPD. 42. Le considérant 26 du RGPD dispose que Les données à caractère personnel qui ont fait l'objet d'une pseudonymisation et qui pourraient être attribuées à une personne physique par le recours à des informations supplémentaires devraient être considérées comme des informations concernant une personne physique identifiable. Pour déterminer si une personne physique est identifiable, il convient de prendre en considération l'ensemble des moyens raisonnablement susceptibles d'être utilisés par le responsable du traitement ou par toute autre personne pour identifier la personne physique directement ou indirectement, tels que le ciblage. Pour établir si des moyens sont raisonnablement susceptibles d'être utilisés pour identifier une personne physique, il convient de prendre en considération l'ensemble des facteurs objectifs, tels que le coût de l'identification et le temps nécessaire à celle-ci, en tenant compte des technologies disponibles au moment du traitement et de l'évolution de celles-ci. Il n'y a dès lors pas lieu d'appliquer les principes relatifs à la protection des données aux informations anonymes, à savoir les informations ne concernant pas une personne physique identifiée ou identifiable, ni aux données à caractère personnel rendues anonymes de telle manière que la personne concernée ne soit pas ou plus identifiable. Le présent règlement ne s'applique, par conséquent, pas au traitement de telles informations anonymes, y compris à des fins statistiques ou de recherche . 43. Dans son arrêt Breyer rendu sous l’empire de la directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (CJUE, 2ème chambre, 19 octobre 2016, C-582/14), la Cour de justice de l’Union européenne (ci-après la CJUE ) a jugé que le considérant 26 de la directive 95/46 énonce que, pour déterminer si une personne est identifiable, il convient de considérer l’ensemble des moyens susceptibles d’être raisonnablement mis en œuvre soit par le responsable du traitement, soit par une autre personne, pour identifier ladite personne (§ 42) et que dans la mesure où ce considérant fait référence aux moyens susceptibles d’être raisonnablement mis en œuvre tant par le responsable du traitement que par une autre personne , le libellé de celui-ci suggère que, pour qu’une donnée puisse être qualifiée de donnée à caractère personnel […], il n’est pas requis que toutes les informations permettant d’identifier la personne concernée doivent se trouver entre les mains d’une seule personne (§ 43). 44. Cette jurisprudence a été confirmée dans l’arrêt OC c/ Commission européenne (CJUE, 6ème chambre, 7 mars 2024, C-479/22). Dans ladite affaire, la CJUE a jugé que la circonstance que des informations supplémentaires sont nécessaires pour identifier la personne concernée n’est pas de nature à exclure que les données en cause puissent être qualifiées de données à caractère personnel (§ 49), tout en prenant en compte le fait que la possibilité de combiner les données en cause avec des informations supplémentaires constitue un moyen susceptible d’être raisonnablement mis en œuvre pour identifier la personne concernée en prenant en considération l’ensemble des facteurs objectifs tels que le coût de l’identification et le temps nécessaire à celle-ci, en tenant compte des technologies disponibles au moment du traitement et de l’évolution de celles-ci (§ 50). 45. La CJUE précise en outre dans cet arrêt qu’ il est inhérent à l’ identification indirecte d’une personne que des informations supplémentaires doivent être combinées avec les données en cause aux fins de l’identification de la personne visée (§ 55) et que la requérante n’était pas tenue d’apporter la preuve qu’elle avait effectivement été identifiée par l’une de ces personnes, puisqu’une telle condition n’est pas prévue à l’article 3, point 1, du règlement 2018/1725, celui-ci se limitant à exiger qu’une personne soit identifiable (§ 61). 46. Enfin, dans l’arrêt IAB Europe c/ Gegevensbeschermingsautoriteit (CJUE, 4ème chambre, 7 mars 2024, C-604/22), la Cour a considéré que L’article 4, point 1, du RGPD doit être interprété en ce sens qu’une chaîne composée d’une combinaison de lettres et de caractères, telle que la TC String [Transparency and Consent String], contenant les préférences d’un utilisateur d’Internet ou d’une application relatives au consentement de cet utilisateur au traitement des données à caractère personnel le concernant par des fournisseurs de sites Internet ou d’applications ainsi que par des courtiers de telles données et par des plateformes publicitaires, constitue une donnée à caractère personnel au sens de cette disposition dans la mesure où, lorsque celle-ci peut, par des moyens raisonnables, être associée à un identifiant, tels que notamment l’adresse IP de l’appareil dudit utilisateur, elle permet d’identifier la personne concernée. . Elle ajoute que la circonstance que, sans une contribution extérieure, une organisation sectorielle détenant cette chaîne ne peut ni accéder aux données qui sont traitées par ses membres dans le cadre des règles qu’elle a établies ni combiner ladite chaîne avec d’autres éléments ne fait pas obstacle à ce que la même chaîne constitue une donnée à caractère personnel au sens de ladite disposition (§ 51). 47. Enfin, à titre d’éclairage, la formation restreinte relève que, dans son Avis 05/2014 sur les techniques d’anonymisation du 10 avril 2014, le Groupe de travail Article 29 sur la protection des données (ci-après G29 ), devenu le Comité européen de la protection des données (ci-après CEPD ), indique qu’un processus peut notamment être qualifié d’anonymisation lorsqu’il résiste aux trois types de risques suivants : - l’individualisation, qui correspond à la possibilité d’isoler une partie ou la totalité des enregistrements identifiant un individu dans l’ensemble de données ; - la corrélation, qui consiste en la capacité de relier entre elles, au moins, deux enregistrements se rapportant à la même personne concernée ou à un groupe de personnes concernées ; - l’inférence, qui est la possibilité de déduire, avec un degré de probabilité élevé, la valeur d’un attribut à partir des valeurs d’un ensemble d’autres attributs. 48. À défaut de résister aux trois types de risques mentionnés ci-dessus, les données ne seront pas nécessairement qualifiées de pseudonymes . Elles pourront être qualifiées d’anonymes dans l’hypothèse où le responsable de traitement est en mesure de démontrer que la réidentification n’est pas possible par des moyens raisonnables , c’est-à-dire que les risques de réidentification sont négligeables. 49. Le rapporteur fait valoir, à la lumière des différents éléments issus de la jurisprudence et de la doctrine, qu’il ne fait pas doute que le cadre juridique applicable permet d’apprécier le caractère anonyme ou pseudonyme des données traitées et de déterminer que, de manière constante, le suivi de personnes dans la durée, à l’aide d’un identifiant unique, permet d’isoler un individu dans un jeu de données et augmente donc le risque de levée du pseudonymat. 50. La société considère au contraire que le cadre légal, jurisprudentiel et doctrinal autour de la question de l’anonymisation de données est source d’insécurité juridique pour les opérateurs. Elle souligne le manque de clarté de ce cadre et l’absence de référentiels, de méthodologies ou de prescriptions techniques permettant de démontrer le caractère anonyme d’un jeu de données. Elle soutient que les publications, notamment de la CNIL, du G29 et du CEPD, ne permettent pas d’assurer le respect du principe de prévisibilité du droit découlant de l’exigence constitutionnelle de sécurité juridique en droit français en ce qu’elles ne présentent pas de prescriptions, notamment techniques, suffisamment claires que ce soit pour permettre aux opérateurs d’assurer une confiance raisonnable dans le résultat des procédés d’anonymisation utilisés ou pour assurer la recevabilité de la preuve de l’anonymisation vis-à-vis de la CNIL. La société fait valoir différents arguments afin d’appuyer sa position. 51. Premièrement, la société fait état d’une décision rendue par le juge du tribunal de Milan (tribunal de Milan, ordonnance du 4 décembre 2023), dans le cadre d’un contentieux opposant l’autorité de protection des données italienne […] -, qui poursuit une activité similaire à celle de la société CEGEDIM SANTÉ au titre de l’observatoire . Selon la société, le juge a considéré qu’en l’état des éléments, l’autorité italienne n’avait pas démontré que les données n’étaient pas anonymes et qu’une expertise indépendante devait être conduite pour vérifier le caractère anonyme des données, les possibilités de réidentification des personnes, ainsi que le risque concret de cette réidentification en tenant compte du temps et des coûts nécessaires. 52. Deuxièmement, la société fait valoir qu’elle est fondée à se baser sur l’acceptation probabiliste de la notion de donnée à caractère personnel, estimant que l’analyse du risque d’identification ne doit pas nécessairement tendre à réduire ce risque à zéro, mais plutôt à réduire ce risque à un niveau acceptable au regard de la sensibilité des données, du contexte et des finalités du traitement. Elle cite à l’appui un document commun de l’autorité espagnole de protection des données et du CEPD publié en juin 2021, ainsi qu’un article publié et corédigé par le rapporteur, Monsieur CASTELLUCCIA, en 2020. 53. Troisièmement, elle fait valoir que le fait qu’un jeu de données puisse être relié à un identifiant n’exclut pas que ces données puissent être anonymes, à l’instar des données contenues dans la base OpenDamir du SNIIRAM. La société estime que si les données de l’OpenDamir, plus précises à de nombreux égards que celles traitées par CEGEDIM SANTÉ, ont pu être considérées comme anonymes, celles doivent également l’être. 54. Enfin, la société soutient que même en cas d’identification d’un code patient associé aux informations connues sur l’individu recherché dans le flux CROSSWAY, cela ne conduit pas nécessairement à la réidentification. En effet, elle soutient qu’il n’existe qu’une certaine probabilité que les informations retrouvées dans la base soient celles de la personne recherchée. Elle estime que de multiples incertitudes mettent en échec la possibilité de réidentification , par exemple parce qu’un individu peut partager les caractéristiques connues avec d’autres individus ou encore parce qu’il n’est pas possible de savoir si l’individu recherché est présent ou non dans la base. La société cite à l’appui un extrait d’une publication de la Direction de la recherche, des études de l'évaluation et des statistiques (DREES). 55. À titre liminaire, la formation restreinte rappelle que, si la CNIL dispose de pouvoirs de publication de lignes directrices, recommandations ou référentiels destinés à faciliter la mise en conformité des traitements de données à caractère personnel avec les textes relatifs à la protection des données à caractère personnel (en application de l’article 8, paragraphe 2, b) de la loi Informatique et Libertés), les règles juridiques sont fixées par les législateurs français et européen, et interprétées par les juridictions compétentes. Ainsi, quand bien même la CNIL n’a pas publié de référentiels ou de lignes directrices spécifiques aux notions de pseudonymisation et d’anonymisation, la formation restreinte relève que le CEPD a publié des lignes directrices qui demeurent pertinentes. La formation restreinte souligne que les écritures produites tant par le rapporteur que par la société révèlent que ces notions font l’objet de nombreuses publications, tant sur le plan jurisprudentiel que doctrinal. L’absence de référentiels, lignes directrices ou recommandations de la CNIL ne saurait donc être suffisante pour considérer que le cadre juridique applicable n’est pas clair. 56. S’agissant ensuite de la décision rendue par le tribunal de Milan, la formation restreinte observe que le juge a décidé de suspendre l’efficacité exécutive de la décision de l’autorité de protection des données italienne uniquement concernant les sanctions accessoires de publication sur le site de la société et de transmission aux ordres et fédérations concernés, dans l’attente qu’une expertise indépendante soit menée, afin de déterminer si les données traités par la filiale italienne de CEGEDIM SANTÉ sont pseudonymisées ou anonymisées. 57. La formation restreinte constate que le juge ne suspend en revanche pas l’amende et l’injonction prononcées. Il n’affirme pas non plus que les données traitées sont anonymes. La formation restreinte souligne à cet égard que l’autorité italienne de protection des données a estimé dans sa décision que les données traitées sont des données à caractère personnel, notamment puisqu’un identifiant unique est attribué à chaque patient. 58. S’agissant de la base OpenDamir évoquée par la société, la formation restreinte observe que les deux traitements ne sont pas comparables dans la mesure où dans OpenDamir, chaque ligne correspond à un remboursement de l’assurance maladie et non à un patient. Un fichier est édité chaque mois et il est impossible de suivre le parcours médical d’un même patient dans le temps via OpenDamir. Au contraire, dans le traitement en cause, la société CEGEDIM SANTÉ est en mesure d’identifier que plusieurs fichiers transmis successivement par un même médecin concernent un même patient. 59. En outre, s’agissant de l’étude de la DREES citée par la société, la formation restreinte relève qu’elle précise également qu’ une accumulation de ressemblances avec une personne connue pourrait, au fil de l’addition des millésimes diffusés, au fur et à mesure de l’enrichissement annuel de la base, conduire à une probabilité d’identification proche de l’unité , ce qui correspond à la façon dont le traitement mis en œuvre par CEGEDIM SANTÉ est construit puisqu’il est possible de retracer le parcours de soins précis d’un patient d’un même médecin dans le temps et que la société dispose d’un large volume de données. Cette même étude de la DREES indique clairement que le remplacement de l’identifiant initial d’une personne par un autre identifiant arbitraire correspond à une pseudonymisation et non à une anonymisation. Ainsi, la formation restreinte considère que la mobilisation de cette étude de la DREES par la société n’est pas pertinente en l’espèce. 60. Enfin, la formation restreinte relève qu’il n’y a pas débat, ni dans la jurisprudence, ni dans la doctrine, sur le fait que l’attribution d’un code ou identifiant unique à des personnes afin de permettre leur suivi permet leur individualisation dans le jeu de données. En outre, il est clairement établi que pour évaluer le risque que soit levé le pseudonymat, il convient d’intégrer la possibilité de combiner un premier jeu de données avec d’autres données, lesquelles peuvent être détenues par des tiers. Au titre de ces autres données figurent par exemple les données de géolocalisation. b) Sur la nature des données traitées 61. S’agissant des données de patients, le rapporteur relève qu’il ressort des pièces du dossier que chaque patient se voit attribuer un identifiant unique pour un même médecin au sein du flux CROSSWAY. Ce numéro, qui ne repose sur aucun trait d’identité, est lié aux données médicales et administratives d’un même patient et permet donc le suivi de l’historique du patient pour un même médecin. Par conséquent, le rapporteur considère que, grâce à l’identifiant du patient qui lui est communiqué, la société CEGEDIM SANTÉ est en mesure d’identifier que plusieurs fichiers transmis successivement par un même médecin concernent un même patient au sein de son observatoire . 62. Le rapporteur en conclut que : - d’une part, ce procédé, consistant à remplacer les données directement identifiantes par des données indirectement identifiantes, à savoir un identifiant unique pour le patient concerné d’un même médecin, correspond parfaitement à la définition de la pseudonymisation, et permet d’avoir un suivi longitudinal du patient ; - d’autre part, dès lors qu’il est possible d’isoler ainsi un individu dans le jeu de données et d’accroître au cours du temps l’ensemble des données qui le concernent, les données des patients sont suffisamment riches pour permettre une levée du pseudonymat par des moyens raisonnables. 63. Dans le cadre des échanges contradictoires avec la société, le rapporteur a produit à l’appui de son analyse une démonstration dans laquelle il parvient à retracer avec précision le parcours de soins d’un enfant de 12 ans en ALD à partir de quelques lignes de données uniquement transmises par la société dans le cadre de la procédure de contrôle. 64. S’agissant des données des médecins, le rapporteur relève que la société génère un numéro de panel à partir du numéro de client du médecin et que ce numéro apparaît dans les fichiers générés par les médecins panélistes, transmis à CEGEDIM SANTÉ. Le rapporteur relève par ailleurs que la société dispose d’une table de correspondance entre le numéro de panel et l’identité du médecin et en conclut que la détention de cette table rend encore plus précises les données détenues par la société. Ainsi, le rapporteur considère que la société est en mesure d’identifier, parmi l’ensemble des panélistes, qu’un même médecin lui communique des fichiers et que dès lors, il s’agit de données pseudonymisées. 65. En défense, la société considère que les données sont anonymes. Elle considère que la démonstration du rapporteur est théorique et entièrement focalisée sur les possibilités d’individualisation des personnes à partir des données du flux CROSSWAY, le rapporteur ne cherchant à aucun moment à évaluer de manière précise et objective les risques réels et résiduels de réidentification des patients selon des moyens raisonnables susceptibles d’être utilisés par la société, dont notamment les éléments de contexte précis. 66. Or, la société soutient que le caractère identifiable d’une personne, permettant de considérer que des données constituent des données à caractère personnel, ne peut être affirmé par postulat, mais doit être validé par une analyse in concreto des moyens raisonnables permettant l’identification. Elle estime qu’il ressort des décisions Breyer et OC c/ Commission européenne précitées que ces moyens raisonnables doivent correspondre à des moyens légaux et mobilisables en pratique, prenant notamment en compte des facteurs objectifs, tels que le coût de l’identification et le temps nécessaire à celle-ci, en tenant compte des technologies disponibles au moment du traitement. Elle ajoute qu’au-delà de l’analyse des éléments de contexte précis et de la quantification de l’éventualité de leur réalisation au regard des facteurs objectifs (temps, coût, main d’œuvre, technologies disponibles), il convient également de prendre en compte les motivations des personnes pouvant procéder à la réidentification. 67. À l’appui de ses déclarations, la société produit une évaluation externe réalisée par la société […], mandatée par la société […], relative aux données de la base […] alimentée par le flux CROSSWAY. Ladite évaluation conclut à la nature anonyme des données. 68. Enfin, s’agissant de la table de correspondance détenue par la société, celle-ci soutient que la table recensant les codes et l’identité des médecins participant à l’observatoire ne peut être considérée comme un moyen raisonnable susceptible de pouvoir être utilisé pour aider à la réidentification des patients. En effet, la société fait valoir que la table de correspondance est gérée par une équipe dédiée et distincte de celle en charge d’opérer le flux CROSSWAY, sur un poste informatique isolé, avec un cloisonnement total des informations et une parfaite étanchéité des rôles et responsabilités entre ces deux équipes. 69. En premier lieu, la formation restreinte relève que le caractère pseudonyme ou anonyme des données présente un enjeu particulièrement important pour les personnes concernées puisque, si les données ne sont pas des données à caractère personnel, la règlementation en matière de protection des données ne leur est pas applicable et donc l’utilisation qui peut en être faite est totalement libre. En particulier, une base de données anonymes n’est pas soumise aux obligations de sécurisation fixées par l’article 32 du RGPD et peut être librement communiquée ou publiée. L’organisme qui opère une telle base n’est tenu à aucune obligation d’information. 70. En l’espèce, s’agissant des données des patients, la formation restreinte relève que la société CEGEDIM SANTÉ, au moment du contrôle effectué par la CNIL et jusqu’en 2022, collectait de très nombreuses données auprès des médecins panélistes relatives à la fois au dossier administratif des patients, au dossier médical, aux prescriptions pharmaceutiques et aux autres prescriptions. La formation restreinte relève que la société a indiqué, depuis 2022, ne plus collecter d’informations relatives à la catégorie socio-professionnelle, à la situation familiale et au nombre d’enfants. Le code de la région a également été supprimé et la société a indiqué avoir appauvri les mesures de taille et de poids. 71. La formation restreinte relève que, même si chaque patient se voit attribuer des identifiants différents dans le flux CROSSWAY et dans les fichiers transmis par les médecins à la société CEGEDIM SANTÉ, l’ensemble des données concernant un même patient d’un même médecin reste associé à ce deuxième identifiant dans le jeu de données communiqué à la société CEGEDIM SANTÉ. Dès lors, grâce à l’identifiant du patient qui lui est communiqué, la société CEGEDIM SANTÉ est en mesure de relier à un même identifiant plusieurs fichiers transmis successivement par un même médecin concernant un même patient, ce que la société ne conteste d’ailleurs pas, et de disposer ainsi de son parcours de soins auprès de ce médecin. 72. Ainsi, la formation restreinte relève qu’il est possible d’isoler un individu dans le jeu de données dans la mesure où l’identifiant unique permet de suivre les patients au fil du temps. Dès lors, par nature, le traitement ne résiste pas au risque de l’individualisation tel que décrit dans l’Avis 05/2014 sur les techniques d’anonymisation du 10 avril 2014 précité. 73. S’agissant par ailleurs des données des médecins, la formation restreinte relève que la société CEGEDIM SANTÉ est en mesure d’identifier, parmi l’ensemble des médecins panélistes et grâce à l’identifiant du médecin, qu’un même médecin lui communique des fichiers. 74. En deuxième lieu, la formation restreinte observe que les données recueillies sont particulièrement riches et la profondeur de données importante : d’une part car la société traite de nombreuses données ; d’autre part car, bien que la société ne conserve les données que trois mois dans sa base, elle récupère via le téléservice HRi des données sur une profondeur de douze mois, qui contiennent des informations relatives à l’historique des remboursements de santé effectués par l’assurance maladie pour un patient. Cet ensemble de données particulièrement riche et exhaustif permet ainsi à la société de retracer les parcours de soin des personnes sur les douze derniers mois, ce qui fait courir un risque encore plus important de levée du pseudonymat. 75. Dans la mesure où les trois critères prévus dans l’Avis 05/2014 sur les techniques d’anonymisation, précité, ne sont pas remplis, la formation restreinte en conclut qu’il convient d’évaluer in concreto le risque de réidentification pour établir le caractère anonyme ou pseudonyme des données. 76. En ce sens, elle observe que le rapporteur est parvenu, dans le cadre de ses écritures, à retracer le parcours d’un enfant de douze ans en ALD à partir d’un jeu de données réduit transmis par la société. Elle relève que pour ce faire, il y a consacré peu de temps et peu de moyens : le rapporteur a mené une analyse à partir des données communiquées par la société en utilisant uniquement le logiciel Excel et la nomenclature communiquée par celle-ci afin d’associer les codes alphanumériques à des informations sur le patient et les actes médicaux prodigués. Dans ce cadre, le rapporteur n’a pas eu recours à des sources de données tierces, par exemple à des données des courtiers en données ( data brokers ) ou encore à des données de géolocalisation. Or, la formation restreinte constate qu’il ressort de la doctrine citée par le rapporteur dans ses écritures qu’il est possible de réidentifier une part significative de personnes dans un jeu de données pseudonymisées à partir de données de géolocalisation (voir notamment les études Unique in the Shopping Mall: On the Re-identifiability of Credit Card Metadata de Yves-Alexandre de MONTJOYE ou encore GeoTrouveTous – projet de réidentification par géolocalisation du laboratoire d’innovation numérique de la CNIL). 77. La formation restreinte relève ainsi qu’une corrélation entre des données tierces et les informations détenues par la société CEGEDIM SANTÉ (notamment les données relatives au patient et les informations relatives à ses consultations) augmenterait considérablement les possibilités de levée du pseudonymat. Si la société conteste détenir des informations géographiques, la formation restreinte rappelle qu’un code région était collecté jusqu’en 2022 et qu’elle détient par ailleurs une table de correspondance entre les numéros de panel des médecins et l’identité de ces derniers. 78. La société conteste également en défense la possibilité de recourir à des données de tiers pour apprécier le caractère anonyme ou non d’un jeu de données. Or, la formation restreinte rappelle à cet égard que la CJUE a jugé qu’afin de qualifier une information de donnée à caractère personnel, il n’est pas nécessaire que cette information permette, à elle seule, d’identifier la personne concernée. Elle a également estimé que le fait que des informations supplémentaires, y compris des contributions extérieures, sont nécessaires pour identifier la personne concernée, n’est pas de nature à exclure que les données en cause puissent être qualifiées de données à caractère personnel (arrêts OC c/ Commission européenne , §§ 47 et 55, et IAB Europe c/ Gegevensbeschermingsautoriteit , § 51, précités). 79. La formation restreinte souligne en tout état de cause que si le rapporteur est parvenu à isoler un individu et à suivre une partie de son parcours de soins avec un tel niveau de détail, à partir d’un extrait seulement d’un jeu de données considérablement plus riche, et de surcroît sans avoir recours à des informations supplémentaires, alors il apparaît possible de lever le pseudonymat des individus par des moyens raisonnables. La formation restreinte relève à ce titre la richesse des données détenues par la société : elle a reçu plus de […] lignes entre le 1er janvier 2021 et le 2 avril 2021 (une ligne correspondant à un événement, par exemple une consultation), détenait […] codes patients sur la période de janvier à mars 2021 et […] codes prescripteurs en avril 2021. 80. Par ailleurs, si le rapporteur n’a pas nommément levé le pseudonymat de l’enfant dont il a suivi une partie du parcours de soins, la formation restreinte rappelle que cette condition n’est pas nécessaire à la qualification de donnée à caractère personnel. En effet, la CJUE a jugé dans l’arrêt OC c/ Commission qu’il n’est pas nécessaire d’apporter la preuve d’une identification effective, puisqu’ une telle condition n’est pas prévue à l’article 3, point 1, du règlement 2018/1725, celui-ci se limitant à exiger qu’une personne soit identifiable (§ 61). La formation restreinte considère qu’il convient de raisonner par analogie s’agissant du RGPD, puisque la définition posée à l’alinéa 1 de l’article 4 du RGPD est exactement la même. 81. En troisième lieu, la formation restreinte rappelle que lorsque les trois critères posés par l’avis du G29 précité ne sont pas remplis, la société doit mener une analyse pour être en mesure de démontrer que les risques de réidentification induits par le processus sont négligeables. Or, la société n’a pas mené une telle analyse s’agissant des constats faits au moment du contrôle de la CNIL. Ce n’est qu’en octobre 2023 que la société indique avoir mené une telle analyse, laquelle ne vaut donc que pour le traitement des données postérieur à 2022. De surcroît, pour évaluer les risques de réidentification, la formation restreinte relève que la société a fait le choix de ne combiner qu’un nombre réduit de données parmi l’ensemble des données dont elle dispose, rendant ainsi le résultat de son étude insuffisamment fiable (en l’espèce, elle a choisi de ne combiner dans son évaluation que l’année de naissance du patient, son sexe et l’information selon laquelle il a ou non des enfants, alors qu’elle disposait de très nombreuses autres données dont notamment le poids et la taille approximatifs, l’historique des consultations, les prescriptions et leur durée, les antécédents médicaux, les constantes physiologiques (glycémie, tension, etc.) et les pathologies diagnostiquées). 82. S’agissant des conclusions de l’évaluation menée par la société […], fournie lors du contradictoire, la formation restreinte considère qu’elles ne remettent pas en cause cette appréciation. En effet, l’évaluation ne porte pas sur le traitement tel que constaté au jour du contrôle mais uniquement sur celui mis en œuvre postérieurement, lequel inclut de nouvelles mesures, consistant notamment en l’appauvrissement de la profondeur des données traitées. Dès lors, l’évaluation ne permet pas de démontrer l’anonymat des données au jour du contrôle. 83. En tout état de cause, la formation restreinte relève que l’expertise de la société […] n’intègre pas, dans son évaluation de la robustesse des techniques de dé-identification […] et des résultats obtenus quant à l’anonymat des ensembles de données , l’ensemble des facteurs permettant de représenter la richesse des données telle qu’elle résulte du suivi durant plusieurs années des mêmes personnes. 84. Enfin et surtout, la formation restreinte note que l’expertise de la société […] arrive à la même conclusion que le rapporteur s’agissant de la possibilité d’isoler un individu dans la base détenue par la société CEGEDIM SANTÉ, l’expertise arrivant également à la conclusion que le k-anonymat est égal à 1, c’est-à-dire qu’il est possible d’isoler un individu dans la base de données. Le k-anonymat est en effet un modèle de mesure de la confidentialité garantissant qu’il existe pour chaque identifiant au sein d’un jeu de données une classe d’équivalence correspondante contenant au moins K-enregistrements. La formation restreinte constate ainsi que bien que l’expertise […] ne conclut pas à la possibilité de réidentification des individus, elle conclut à la possibilité d’isoler un individu dans le jeu de données, ce qui correspond déjà au premier des trois types de risques identifiés par le G29 dans son Avis 05/2014 sur les techniques d’anonymisation du 10 avril 2014 précité. 85. La seconde phase de l’expertise consiste à effectuer une analyse de risques pour étudier quelle est la vraisemblance que les données détenues par la société soient rendues accessibles, par exemple, en cas de violation de données, à des personnes en capacité de rattacher ces données aux identités exactes des patients. La formation restreinte relève le haut niveau de sécurité mis en avant par la société. En revanche, elle conclut que l’exercice mené porte sur le risque d’accès aux données et de probabilité de violation des données. Or, le niveau de sécurité mis en place afin d’assurer la confidentialité des données, aussi élevé soit-il, est sans incidence sur la qualification des données traitées. 86. Il résulte de l’ensemble de ce qui précède qu’au jour du contrôle et jusqu’en 2022, les données directement identifiantes étaient remplacées par des données indirectement identifiantes, à savoir un identifiant unique pour le patient concerné, ce qui permettait de traiter ses données sans pouvoir l’identifier de manière directe. Néanmoins, le pseudonymat pouvait être levé tant la richesse des informations était importante. 87. Dès lors, la formation restreinte considère que les données traitées par la société CEGEDIM SANTÉ jusqu’en 2022 sont pseudonymes et non anonymes. 88. La formation restreinte prend note des mesures complémentaires mises en place par la société depuis 2022, à savoir qu’elle ne collecte plus certaines données et que, pour d’autres, elle ne collecte plus le même niveau de granularité. La société estime qu’ainsi modifié, son traitement est anonyme. Cependant, la formation restreinte estime que l’analyse de l’état nouveau du traitement n’était pas l’objet initial de la procédure et qu’elle n’est pas en état de se prononcer sur ce point dans le cadre de la présente décision. Elle invite la société, si elle le souhaite, à saisir la CNIL d’une demande de conseil pour qu’il soit statué sur le caractère anonyme ou non de la base dans son nouvel état. 2) Sur la qualification du traitement en entrepôt de données de santé 89. La société soutient que le traitement qu’elle met en œuvre n’est pas un entrepôt de données de santé, mais un réseau de médecins qui acceptent de transmettre des données anonymes issues de leurs dossiers médicaux aux partenaires de la société CEGEDIM SANTÉ, à savoir les sociétés […] et […]. Elle estime notamment que la nature transitoire du flux, dans lequel les données ne sont conservées que trois mois, démontre qu’il ne s’agit pas d’une base de données pérenne tel un entrepôt. 90. La formation restreinte rappelle que la notion d’entrepôt de données de santé n’est pas dans la loi Informatique et Libertés mais constitue une construction doctrinale de la CNIL pour l’application des articles 65 et suivants de cette loi. Elle s’apprécie à l’aide d’un faisceau d’indices prenant en compte notamment, mais pas uniquement, la durée de conservation des données. Parmi les éléments déterminants d’une qualification en entrepôt de données de santé figurent ceux de la réutilisation des données dans des traitements ultérieurs, de l’alimentation au fil de l’eau de la base ainsi que des finalités du traitement. 91. En l’espèce, la formation restreinte constate qu’il ressort des pièces du dossier que la société CEGEDIM SANTÉ : - collecte massivement des données de santé de patients et de médecins (plus de […] lignes reçues dans la base entre le 1er janvier 2021 et le 2 avril 2021 - une ligne correspondant à un événement, par exemple une consultation ; […] codes patients détenus sur la période de janvier à mars 2021 ; […] codes prescripteurs détenus en avril 2021) ; - alimente sa base au fil de l’eau, afin d’obtenir un volume important de données (remontée journalière des données depuis les postes des médecins) ; - met les données à disposition de ses clients qui réalisent des études et des statistiques dans le domaine de la santé. Figure parmi ces clients la société […]. 92. La formation restreinte prend acte des modifications substantielles apportées au traitement et effectives au 1er juin 2024. Plus particulièrement, la remontée des données depuis le poste des médecins vers la société […] n’est plus opérée par l’intermédiaire de la société CEGEDIM SANTÉ. Depuis la fin du mois de juillet 2024, la société CEGEDIM SANTÉ n’intervient plus dans la gestion du flux CROSSWAY issu des logiciels des médecins, ces derniers alimentant directement la base […] détenue par la société […]. 93. Au regard de ce qui précède, la formation restreinte estime que la société se constituait un entrepôt de données de santé au moment du contrôle par la CNIL et ce, jusqu’à la réorganisation effective au 1er juin 2024 par laquelle les données ne transitent plus via CEGEDIM SANTÉ. 3) Sur le statut de la société en termes de responsabilité de traitement 94. Aux termes de l’article 4 du RGPD, le responsable du traitement est la personne physique ou morale, l'autorité publique, le service ou un autre organisme qui, seul ou conjointement avec d'autres, détermine les finalités et les moyens du traitement (point 7) et le sous-traitant est la personne physique ou morale, l'autorité publique, le service ou un autre organisme qui traite des données à caractère personnel pour le compte du responsable du traitement (point 8). 95. À titre d’éclairage, dans ses lignes directrices 07/2020 concernant les notions de responsable du traitement et de sous-traitant dans le RGPD, adoptées le 7 juillet 2021, le CEPD explicite la définition du responsable de traitement en ces termes : La détermination des finalités et des moyens revient à décider respectivement du “pourquoi” et du “comment” du traitement : pour une opération de traitement particulière, le responsable du traitement est l’acteur qui a déterminé la raison pour laquelle le traitement a lieu (c’est-à-dire “à quelles fins” ou “pourquoi”) et comment cet objectif sera atteint (c’est-à-dire quels moyens doivent être mis en œuvre pour atteindre l’objectif). Une personne physique ou morale qui exerce cette influence sur le traitement de données à caractère personnel participe ainsi à la détermination des finalités et des moyens du traitement en question, conformément à la définition énoncée à l’article 4, paragraphe 7, du RGPD. Le responsable du traitement doit décider à la fois des finalités et des moyens du traitement […]. (§§ 35 et 36). 96. S’agissant de la sous-traitance, les lignes directrices précitées précisent que L’article 4, paragraphe 8, du RGPD définit un sous-traitant comme étant la personne physique ou morale, l’autorité publique, le service ou un autre organisme qui traite des données à caractère personnel pour le compte du responsable du traitement et que Pour être considéré comme un sous-traitant, deux conditions de base doivent être satisfaites : a) être une entité distincte du responsable du traitement et b) traiter des données à caractère personnel pour le compte du responsable du traitement (§§ 73 et 76). 97. Le rapporteur considère que la société CEGEDIM SANTÉ définit les finalités et moyens du traitement en cause et constitue un entrepôt de données de santé pour les besoins de sa propre activité, pour mettre ensuite les données à disposition de ses clients qui les réutilisent dans le cadre d’études et de statistiques dans le domaine de la santé. 98. En défense, la société indique intervenir en tant que sous-traitant, d’une part, des médecins utilisant le logiciel CROSSWAY et, d’autre part, des sociétés […] et […] pour lesquelles elle opère le flux CROSSWAY. Elle fait valoir que la détermination des finalités et moyens du traitement invoquée par le rapporteur ne vaut que pour la gestion et le recrutement d’un panel de médecins par la société CEGEDIM SANTÉ, et non pour l’obtention des données des patients de ces derniers. Ainsi, elle soutient ne pas poursuivre de finalités propres pour l’usage des données issues de ce flux et limiter son intervention à un rôle d’intermédiaire technique pour la remontée des données du flux CROSSWAY depuis le poste des médecins vers les sociétés partenaires. 99. La société cite à l’appui de ses déclarations un courrier de clôture de contrôle du 26 novembre 2014 à l’encontre de la société CEGEDIM LOGICIELS MEDICAUX FRANCE (dissoute en 2021 et dont l’intégralité de l’activité a été reprise par la société CEGEDIM SANTÉ) dans lequel la CNIL aurait reconnu à la société ce statut de sous-traitant. Elle estime que ce courrier trouve toujours à s’appliquer dans la mesure où les circonstances de fait et de droit, applicables à la qualification des parties n’ont pas évolué et que le courrier constitue un acte valablement adopté par une personne ayant autorité pour représenter et engager la CNIL, à savoir la Présidente de la Commission. En outre, elle soutient que l’ancienneté du courrier ne saurait être un argument valable dans la mesure où l’acception de la notion d’anonymat n’a pas été modifiée de manière substantielle par le RGPD ou la loi Informatique et Libertés depuis. 100. En premier lieu, la formation restreinte relève que dans l’analyse d’impact qu’elle a conduit, la société s’est désignée en qualité de responsable du traitement de son observatoire et non uniquement pour le recrutement du panel de médecins. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que la société CEGEDIM SANTÉ encadre par des contrats la collecte de données auprès des médecins éligibles souhaitant adhérer à son observatoire épidémiologique , et définit également les modalités de transmission de ces données à ses partenaires […] et […]. 101. S’agissant des finalités du traitement, la formation restreinte note que la société détermine le périmètre et les finalités de l’utilisation des données de son observatoire vis-à-vis de ses partenaires. Plus particulièrement, le contrat conclu avec la société […] stipule que l’usage autorisé [des données] est le suivant : réalisation directement ou par personne interposée d’analyses ou études liées à la santé et l’avenant au contrat conclu avec la société […] prévoit notamment qu’elle n'utilisera les données relatives aux prescriptions médicales transmises par CLM [CEGEDIM SANTÉ] que pour réaliser des études. Les résultats des études ne seront commercialisés que sous la forme de statistiques. Toute autre forme de commercialisation des données est interdite (traduction libre). Par ailleurs, la société définit le périmètre des participants à l’observatoire en proposant l’adhésion et l’utilisation du logiciel CROSSWAY à un panel représentatif de médecins de ville, éligibles en fonction de critères géographiques, d’âges et de spécialités. 102. S’agissant des moyens du traitement, la formation restreinte relève que les contrats conclus entre la société et les médecins panélistes ne portent pas uniquement sur le simple recrutement des médecins mais détaillent les moyens du traitement, dont les modalités de collecte et de transmission des données. Tels que conçus, les contrats imposent par exemple aux médecins les conditions de participation au réseau et de transmission des données à la société, notamment s’agissant des catégories de données qui sont collectées, des modalités de communication des données et de la fréquence de leur collecte. 103. La formation restreinte considère qu’il ressort des pièces du dossier que la société CEGEDIM SANTÉ détermine les finalités et les moyens du traitement en cause, qu’elle organise le traitement pour répondre à ses propres besoins et afin de mettre en œuvre son observatoire et qu’elle ne reçoit pas de directive à exécuter. 104. La formation restreinte précise que la transmission des données à des partenaires tiers, qui réutiliseront les données pour leur propre compte, ne fait pas obstacle à la qualification de responsable de traitement de la société CEGEDIM SANTÉ. En cas de traitements en chaîne , chacune des sociétés intervient en tant que responsable de traitement, déterminant les moyens pour le traitement qu’elle met en œuvre pour les finalités qui lui sont propres. 105. En second lieu, la formation restreinte estime que le traitement ne peut être apprécié qu’en tenant compte des constats effectués lors de la mission de contrôle du 30 mars 2021 et à la lumière de la doctrine et de l’état de l’art actuels. La formation restreinte ne s’estime pas liée par les constats effectués lors de la mission de contrôle de 2012. 106. La formation restreinte relève d’abord que le droit à la protection des données à caractère personnel a connu des évolutions conséquentes depuis le courrier de clôture de contrôle adressé à la société CEGEDIM LOGICIELS MEDICAUX FRANCE en 2014, lequel faisait suite à des missions de vérifications menées en 2001 et mars 2012. Ce courrier est par ailleurs antérieur à l’entrée en vigueur du RGPD, texte de référence en matière de protection des données à caractère personnel. Les évolutions de la doctrine s’expriment particulièrement dans la terminologie utilisée, le courrier faisant mention de l’anonymat du patient , à un moment où la notion d’anonymat faisait référence à l’absence de données directement identifiantes, et non à l’impossibilité d’identifier une personne physique à partir d’un jeu de données. 107. La formation restreinte observe ensuite qu’il ne ressort pas de ce courrier que la CNIL estimait, au regard de ses missions de vérification en 2002 puis en 2014, qu’il s’agissait d’un traitement de données anonymisées ne relevant pas du champ d’application de la loi Informatique et Libertés. Si tel avait été le cas, elle n’aurait pas énuméré dans son courrier de clôture un certain nombre de recommandations à mettre en œuvre afin d’assurer la sécurité des données traitées. Or, le courrier invitait notamment la société à mettre en œuvre un mécanisme de purge automatique des fichiers conservés sur les postes des médecins ou encore à désigner un correspondant Informatique et Libertés . 108. En tout état de cause, la formation restreinte rappelle qu’il incombe au responsable de traitement de prendre en compte les évolutions doctrinales et de réévaluer régulièrement les mesures techniques et organisationnelles du traitement mis en œuvre. 109. En conclusion, la formation restreinte ne remet pas en cause la validité du courrier de 2014 mais, tenant compte de son ancienneté et des évolutions du cadre légal et jurisprudentiel, elle estime ne pas être liée par cette position ancienne, position reposant elle-même sur une délibération de la CNIL vieille de plus de vingt ans et des constats afférents. La formation restreinte considère que ce courrier ne saurait démontrer à lui seul la qualité de sous-traitant de la société CEGEDIM SANTÉ. 110. Au vu de l’ensemble de ce qui précède, la formation restreinte considère que la société CEGEDIM SANTÉ est responsable du traitement au sens de l’article 4, point 7, du RGPD. Dès lors, en mettant en œuvre le traitement en cause, la société, si elle collecte et traite des données à caractère personnel en qualité de responsable du traitement, doit se conformer à la règlementation relative à la protection des données à caractère personnel. C. Sur le manquement à l’article 66 de la loi Informatique et Libertés 111. L’article 65 de la loi Informatique et Libertés prévoit que les traitements contenant des données concernant la santé des personnes sont soumis à la Section 3 : Traitements de données à caractère personnel dans le domaine de la santé du Chapitre III : Obligations incombant au responsable de traitement et au sous-traitant , à l’exception de différentes catégories de traitements, listées aux alinéas 1 à 6 de cet article. 112. L’article 66 de la loi Informatique et Libertés dispose pour sa part : I - Les traitements relevant de la présente section ne peuvent être mis en œuvre qu'en considération de la finalité d'intérêt public qu'ils présentent. La garantie de normes élevées de qualité et de sécurité des soins de santé et des médicaments ou des dispositifs médicaux constitue une finalité d'intérêt public. II - Des référentiels et règlements types, au sens des b et c du 2° du I de l'article 8, s'appliquant aux traitements relevant de la présente section sont établis par la Commission nationale de l'informatique et des libertés, en concertation avec la plateforme des données de santé mentionnée à l'article L. 1462-1 du code de la santé publique et des organismes publics et privés représentatifs des acteurs concernés. Les traitements conformes à ces référentiels peuvent être mis en œuvre à la condition que leurs responsables adressent préalablement à la Commission nationale de l'informatique et des libertés une déclaration attestant de cette conformité. […] III - Les traitements mentionnés au I qui ne sont pas conformes à un référentiel mentionné au II ne peuvent être mis en œuvre qu'après autorisation de la Commission nationale de l'informatique et des libertés. La demande d'autorisation est présentée dans les formes prévues à l'article 33. […] . 113. Ainsi, en vertu du III de l’article 66 de la loi Informatique et Libertés, les traitements de données à caractère personnel dans le domaine de la santé, dont font partie les entrepôts de données de santé, ne peuvent être mis en œuvre qu’après autorisation de la CNIL ou à la condition d’être conformes à un référentiel mentionné au II de cet article et ce, au regard de l’intérêt public qu’ils présentent. 114. Le rapporteur considère que la société collecte des données pseudonymisées issues des dossiers patients informatisés, transmis par les médecins panélistes via le flux CROSSWAY, afin de se constituer cet entrepôt de données de santé. En l’absence de recueil du consentement des personnes concernées au versement de leurs données dans un entrepôt de données de santé (en application de l’article 9, paragraphe 2, a) du RGPD), la constitution d’un tel entrepôt est soumise à formalités préalables auprès de la CNIL. Or, le rapporteur rappelle que la société CEGEDIM SANTÉ n’a pas recueilli le consentement explicite des personnes concernées par la collecte, l’enregistrement et la conservation des données de santé comprises dans l’entrepôt, n’a présenté aucune demande d’autorisation concernant le traitement en cause et n’a adressé à la CNIL aucune déclaration attestant de la conformité du traitement à un référentiel au sens du paragraphe II de l’article 66 de la loi Informatique et Libertés. Le rapporteur en conclut que la société a méconnu les obligations prévues à l’article 66 de la loi Informatique et Libertés dans le domaine de la santé. 115. En défense, la société soutient qu’un manquement à l’article 66 de la loi Informatique et Libertés n’est pas constitué dans la mesure où elle ne traite pas de données à caractère personnel, y compris des données pseudonymes ou des données de santé. Elle soutient que le flux CROSSWAY ne contient que des données anonymes et que dès lors, elle ne constitue pas un entrepôt de données de santé et n’a pas à procéder aux formalités prévues par l’article 66 de la loi Informatique et Libertés pour pouvoir traiter lesdites données. 116. Par ailleurs, elle considère qu’il ne peut lui être reproché d’avoir méconnu ses obligations dans la mesure où le cadre juridique applicable, surtout la définition de la notion d’anonymisation , manque de clarté. La société soutient notamment qu’il ne peut lui être reproché de ne pas avoir saisi la CNIL d’une demande de conseil car la CNIL n’a jamais fait état de la possibilité pour les organismes de la saisir pour valider les méthodes d’anonymisation employées et qu’en tout état de cause, elle a, de bonne foi, considéré que les données qu’elles traitaient étaient anonymes. 117. À titre liminaire, la formation restreinte note que la CNIL a procédé à certaines publications sur son site web antérieurement au contrôle, par exemple sur la définition d’une donnée de santé (début 2018), les formalités à réaliser pour le traitement de données de santé (début 2018) ou encore la distinction entre un entrepôt de données de santé et une recherche (fin 2019). En plus de ses propres ressources, la CNIL relaye d’autres sources d’informations comme elle l’a par exemple fait avec l’Avis 05/2014 sur les techniques d’anonymisation du G29. Comme elle l’a déjà souligné, la formation restreinte rappelle également que le cadre juridique est avant tout posé par les législateurs français et européen. 118. Dès lors, la formation restreinte considère que la société ne pouvait pas ignorer, au jour du contrôle, le régime juridique applicable à l’entrepôt de données de santé qu’elle se constitue, d’autant plus que d’autres sociétés qui mettent en œuvre des traitements similaires sur le même marché ont demandé des autorisations à la CNIL et que ces autorisations sont publiques et accessibles sur le site web www.legifrance.gouv.fr . Si la société considère que ces autorisations ne sont pas comparables à la base de données qu’elle se constitue, notamment au regard de la richesse des données collectées par ces sociétés, la formation restreinte rappelle que dès lors qu’un organisme se constitue un entrepôt de données de santé, il est tenu de se conformer à ses obligations et notamment à l’article 66 de la loi Informatique et Libertés, peu importe la richesse de l’entrepôt et la granularité des données collectées. 119. La formation restreinte rappelle que, pour les raisons exposées ci-avant, la société CEGEDIM SANTÉ traitait, au jour du contrôle, des données de santé de manière pseudonymisée pour se constituer un entrepôt de données de santé, de sorte qu’elle était tenue de respecter le RGPD et la loi Informatique et Libertés. 120. En premier lieu, la formation restreinte relève que la seule exception prévue aux obligations de l’article 65 de ladite loi susceptible de s’appliquer en l’espèce est celle relative au cas dans lequel la personne concernée a donné son consentement explicite au traitement de ses données à caractère personnel pour une ou plusieurs finalités spécifiques, conformément à l’article 65 1°, renvoyant à l’alinéa a) de l’article 9, paragraphe 2, du RGPD. Or, en l’espèce, dans la mesure où la société CEGEDIM SANTÉ considère ne pas traiter de données à caractère personnel, elle n’a mis en œuvre aucune mesure pour se conformer aux règles applicables en matière de traitement de ces données. En particulier, la société n’a mis en œuvre aucun mécanisme de recueil du consentement explicite et préalable des patients des médecins du panel pour le traitement en cause. 121. En conséquence, la formation restreinte considère que, dès lors que la société traitait des données de santé au jour du contrôle et qu’elle ne peut se prévaloir d’aucune des exceptions prévues à l’article 65 de la loi Informatique et Libertés, le traitement qu’elle met en œuvre est soumis à la section 3 du chapitre III de la loi Informatique et Libertés. 122. En deuxième lieu, la formation restreinte relève qu’en l’espèce, la société ne s’est pas conformée aux exigences de l’article 66 de la loi Informatique et Libertés pour se constituer un entrepôt de données de santé. 123. Tout d’abord, elle relève que la société n’a formulé aucune demande d’autorisation visant à ce que le traitement en cause soit considéré comme nécessaire pour des motifs d’intérêt public dans le domaine de la santé publique ou nécessaire à des fins de recherche scientifique. 124. Ensuite, la formation restreinte rappelle qu’en l’absence d’autorisation de la CNIL, un traitement de données à caractère personnel dans le domaine de la santé peut également être mis en œuvre s’il est conforme à un référentiel au sens du II de l’article 66 de la loi Informatique et Libertés, à condition que le responsable du traitement adresse préalablement à la CNIL une déclaration attestant de cette conformité. La formation restreinte constate que ce n’est pas le cas en l’espèce et que la société n’a adressé à la CNIL aucune déclaration attestant de cette conformité. 125. En troisième lieu, la formation restreinte prend acte des nouvelles mesures mises en œuvre postérieurement au contrôle. 126. D’une part, la société a indiqué qu’elle ne collectait plus certaines données depuis 2022. Cependant, comme développé ci-avant, la formation restreinte considère que les éléments communiqués par la société en cours de procédure ne lui permettent pas de s’assurer qu’elle traite désormais des données anonymes. Elle relève par ailleurs, en tout état de cause, que les mesures déployées en 2022 ne sauraient exonérer la société de sa responsabilité pour le passé. 127. D’autre part, la société a indiqué qu’à compter de la fin du mois de juillet 2024, elle n’interviendrait plus dans la gestion du flux CROSSWAY, qui alimente désormais directement la base […] détenue par la société […]. Ainsi, les données du flux CROSSWAY ne transitent plus via la société CEGEDIM SANTÉ. 128. Au vu de l’ensemble de ce qui précède, la formation restreinte considère que la société traitait des données de santé au jour du contrôle et jusqu’à juillet 2024 et qu’elle aurait dû se conformer aux exigences de l’article 66 de la loi du 6 janvier 1978 modifiée pour se constituer un entrepôt de données de santé. 129. Par conséquent, la formation restreinte considère que la société a manqué à ses obligations en traitant des données à caractère personnel dans le domaine de la santé en violation de l’article 66 de la loi du 6 janvier 1978 modifiée. 130. Au regard des mesures prises par la société au cours de la procédure, la formation restreinte considère qu’il n’y a pas lieu de prononcer une injonction de mise en conformité avec les dispositions de l’article 66 précité, comme le proposait le rapporteur, la société n’intervenant plus à ce jour dans la gestion du flux CROSSWAY. D. Sur le manquement à l’article 5, paragraphe 1, a) du RGPD 131. Aux termes de l’article 5, paragraphe 1, a) du RGPD, Les données à caractère personnel doivent être : a) traitées de manière licite, loyale et transparente au regard de la personne concernée (licéité, loyauté, transparence) . 132. L’article L. 162-4-3 du code de la sécurité sociale dispose que les médecins peuvent, à l'occasion des soins qu'ils délivrent et sous les conditions prévues à l'article L. 161-31, consulter les données issues des procédures de remboursement ou de prise en charge qui sont détenues par l'organisme dont relève chaque bénéficiaire de l'assurance maladie. Dans ce cas, ils en informent préalablement le patient. Le bénéficiaire des soins donne son accord à cet accès en permettant au médecin d'utiliser, à cet effet, le moyen d'identification électronique mentionné à l'article L. 161-31. Le relevé des données mis à la disposition du médecin contient les informations nécessaires à l'identification des actes, produits ou prestations pris en charge pour les soins délivrés en ville ou en établissement de santé, au regard notamment des listes mentionnées aux articles L. 162-1-7, L. 165-1 et L. 162-17. Il comporte également le code prévu pour les identifier dans ces listes, le niveau de prise en charge et, pour les patients atteints d'une affection de longue durée, les éléments constitutifs du protocole de soins mentionné au septième alinéa de l'article L. 324-1. […] . 133. L’article R. 162-1-10 du même code dispose quant à lui que Pour l'application de l'article L. 162-4-3, les organismes gestionnaires des régimes de base d'assurance maladie assurent, à l'usage des médecins conventionnés ou exerçant leur activité dans un établissement ou un centre de santé, à l'occasion des soins qu'ils délivrent, la mise en œuvre d'un service de consultation par voie électronique des informations afférentes aux prestations délivrées à leurs bénéficiaires . 134. Pour la mise en œuvre de ces dispositions, l’assurance maladie a mis en place, notamment, deux téléservices : - le téléservice HRi : informations relatives à l’historique des remboursements de santé effectués par l’assurance maladie pour un patient sur les douze derniers mois ; - le téléservice ALDi : données relatives aux affections longue durée (ALD) reconnues par l’assurance maladie pour un patient (notamment la date de la consultation, le code de l’ALD, les dates de début et de fin de l’ALD et l’information selon laquelle l’ALD est prise en charge). 135. En l’espèce, la délégation de contrôle a constaté que, parmi les données transmises par le flux CROSSWAY à la société CEGEDIM SANTÉ, figurent des données issues de ces deux téléservices. 136. La délégation a par ailleurs été informée que les informations transmises à la société CEGEDIM SANTÉ par l’intermédiaire du flux CROSSWAY peuvent être issues de l’interrogation des téléservices ou avoir été directement renseignées par les médecins. 137. Le rapporteur soutient que les dispositions du code de la sécurité sociale et du code de la santé publique prévoient uniquement un droit de consultation des données contenues dans les téléservices mis en place par la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) par des professionnels habilités. Elles ne prévoient pas la possibilité pour un acteur privé, par l’intermédiaire du médecin, de collecter directement ces données depuis les téléservices. Ainsi, le rapporteur estime que la collecte de ces données par CEGEDIM SANTÉ est illicite et effectuée en violation de l’article 5, paragraphe 1, a) du RGPD. 1) Sur les données issues du téléservice ALDi 138. La formation restreinte rappelle que les dispositions du code de la sécurité sociale régissent uniquement les modalités d’accès direct aux données personnelles issues du téléservice ALDi, mais ne prescrivent pas l’accès à ces mêmes données depuis les dossiers informatisés des médecins. La CNIL a d’ailleurs autorisé par le passé des extractions pseudonymisées des dossiers patients, pour la constitution de bases de données de santé, sans exclure par principe que soient importées dans ces bases des données issues originellement des bases de l’assurance maladie, à condition que le traitement soit proportionné et suffisamment sécurisé, et que les autres règles de traitement des données à caractère personnel soient respectées. Dans ces conditions, la formation restreinte estime que, ainsi que la société le soutient, celle-ci est autorisée à recevoir dans le flux CROSSWAY les données issues du téléservice ALDi dans la mesure où elles sont intégrées au dossier informatisé du patient du médecin par le médecin lui-même, au même titre que les autres données qui y sont enregistrées. 139. Or, il ressort des pièces du dossier que l’extracteur CROSSWAY a pour seul objet de permettre l’extraction des données issues des dossiers informatisés des patients mais ne procède à aucune connexion au téléservice et n’en aspire pas les données directement. En particulier, la société fait valoir que le médecin peut, dans un premier temps, consulter les données issues du téléservice ALDi sans les télécharger et, dans un second temps, décider de télécharger ces données et de les verser au dossier patient informatisé du logiciel CROSSWAY. 140. La formation restreinte prend acte des éléments apportés par la société et estime que le manquement à l’article 5, paragraphe 1, a) du RGPD n’est pas constitué s’agissant de la collecte de données issues du téléservice ALDi. 2) Sur les données issues du téléservice HRi 141. S’agissant des données issues du téléservice HRi, la société soutient en défense que les dispositions du code de la sécurité sociale ne prévoient pas de règles qui prescrivent ou interdisent l’accès aux dossiers informatisés des médecins contenant des données provenant du téléservice HRi, de surcroît lorsqu’un tel accès ne concerne que des données anonymes. Ainsi, la société estime être autorisée à recevoir ces données dans le flux CROSSWAY, au même titre que les autres données qui figurent dans les dossiers patients. 142. Plus particulièrement, la société fait valoir que les données issues du téléservice HRi sont enregistrées dans le flux CROSSWAY en local sur le poste du médecin, par le médecin lui-même au moment de la consultation du téléservice, et que ce n’est que dans un second temps que les données sont récupérées par l’extracteur CROSSWAY. Elle en conclut que l’extracteur CROSSWAY ne procède à aucune aspiration directe de ces données et que la collecte ne peut donc être considérée comme illicite. Cependant, la société a indiqué être disposée, à titre subsidiaire et dans l’hypothèse où la formation restreinte retiendrait la position du rapporteur, à faire évoluer le logiciel CROSSWAY dans un sens où le téléchargement des données HRi n’interviendrait que sur option activable par les médecins. 143. En tout état de cause, la société insiste sur sa transparence et sa bonne foi, soutenant que la CNIL avait connaissance des modalités de remontée des données d’historique de remboursement auprès de la société CEGEDIM LOGICIELS MEDIDAUX, puis CEGEDIM SANTÉ. Elle produit à l’appui de sa défense un courrier daté du 25 avril 2013 dans lequel la société CEGEDIM LOGICIELS MEDIDAUX informait la CNIL de l’intégration dans le logiciel des médecins d’une fonctionnalité permettant la conservation des données issues de l’historique de remboursement. 144. Enfin, la société insiste sur le fait que l’accès aux données du téléservice HRi par les professionnels de santé est recommandé par le GIE SESAME-Vitale et que, plus globalement, cette fonctionnalité d’accès aux données par les médecins poursuit un objectif de santé publique et de prévention de l’iatrogénie médicamenteuse, afin qu’ils puissent disposer des informations relatives aux médicaments, soins et examens prescrits à leur patient par d’autres médecins. 145. Le rapporteur insiste sur le fait que la difficulté ne réside pas dans le fait que le médecin accède aux données des téléservices HRi et puisse les verser dans le dossier informatisé patient, mais dans le fait qu’à partir du moment où le médecin y accède, la société CEGEDIM SANTÉ se voit transmettre les données automatiquement, sans que le médecin ait jugé nécessaire que ces informations figurent dans le dossier du patient au sein de son logiciel de travail, en procédant lui-même à leur intégration dans le dossier. 146. La formation restreinte constate qu’à la différence des données issues du téléservice ALDi, la consultation des données issues du téléservice HRi par le médecin emporte leur téléchargement automatique, sur une profondeur de douze mois, dans le dossier informatisé du patient du logiciel CROSSWAY. 147. En ne prévoyant pas d’étape intermédiaire par laquelle le médecin peut consulter les données sans que la consultation n’emporte automatiquement le téléchargement dans le dossier patient, la formation restreinte estime que la société CEGEDIM SANTÉ procède à une aspiration automatique des données issues du téléservice HRi dans le flux CROSSWAY, dès que le médecin se connecte au logiciel pour consulter les données et sans aucune action complémentaire de sa part. 148. La formation restreinte estime par ailleurs que le critère de praticité invoqué en défense par la société, selon lequel les médecins ont accès directement aux informations relatives aux médicaments, soins et examens prescrits à leurs patients par d’autres médecins afin de détecter d’éventuelles incompatibilités, ne saurait justifier une utilisation des données de patients allant à l’encontre de la réglementation. 149. La formation restreinte rappelle en outre que ce n’est pas l’accès aux données du téléservice HRi par les médecins ni leur versement au dossier informatisé patient qui est remis en cause, mais le fait que l’extracteur ne prévoit pas de la possibilité de consulter les données sans téléchargement automatique dans le dossier patient et donc, de facto, sans aspiration de ces données par la société CEGEDIM via l’extracteur CROSSWAY. La formation restreinte estime que cette collecte de données intervient en méconnaissance des articles L. 162-4-3 et R. 162-1-10 du code de la sécurité sociale et de l’article R. 1111-8-6 du code de la santé publique, qui ne prévoient pas pour un acteur privé cette possibilité de collecter directement, par l’intermédiaire de la seule consultation par un médecin du téléservice HRi, des données qu’il contient. 150. Enfin, s’agissant du courrier du 25 avril 2013 produit par la société, la formation restreinte relève que celui-ci ne détaille pas les modalités de consultation, de téléchargement dans le dossier patient puis de transmission des données de l’historique de remboursement à la société CEGEDIM LOGICIELS MEDICAUX. Or, la formation restreinte rappelle que ce n’est pas l’accès aux données par les médecins qui est remis en cause, mais les modalités de leur transmission à la société. Dès lors, le contenu de ce courrier n’est pas de nature à influer sur la caractérisation du manquement. 151. Au regard de ce qui précède, la formation restreinte estime que le manquement à l’article 5, paragraphe 1, a) du RGPD est constitué s’agissant de la collecte de données issues du téléservice HRi. III. Sur le prononcé de mesures correctrices et la publicité 152. L’article 20, paragraphe IV, de la loi Informatique et Libertés dispose : Lorsque le responsable de traitement ou son sous-traitant ne respecte pas les obligations résultant du règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016 ou de la présente loi, le président de la Commission nationale de l'informatique et des libertés peut également, le cas échéant après lui avoir adressé l'avertissement prévu au I du présent article ou après avoir prononcé à son encontre une ou plusieurs des mesures correctrices prévues au III, saisir la formation restreinte de la commission en vue du prononcé, après procédure contradictoire, de l'une ou de plusieurs des mesures suivantes : […] 2° Une injonction de mettre en conformité le traitement avec les obligations résultant du règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016 ou de la présente loi ou de satisfaire aux demandes présentées par la personne concernée en vue d'exercer ses droits, qui peut être assortie, sauf dans des cas où le traitement est mis en œuvre par l'État, d'une astreinte dont le montant ne peut excéder 100 000 € par jour de retard à compter de la date fixée par la formation restreinte ; […] 7° A l'exception des cas où le traitement est mis en œuvre par l'État, une amende administrative ne pouvant excéder 10 millions d'euros ou, s'agissant d'une entreprise, 2 % du chiffre d'affaires annuel mondial total de l'exercice précédent, le montant le plus élevé étant retenu. Dans les hypothèses mentionnées aux 5 et 6 de l'article 83 du règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016, ces plafonds sont portés, respectivement, à 20 millions d'euros et 4 % dudit chiffre d'affaires. La formation restreinte prend en compte, dans la détermination du montant de l'amende, les critères précisés au même article 83 . 153. L’article 83 du RGPD, tel que visé par l’article 20, paragraphe IV, de la loi Informatique et Libertés, prévoit quant à lui que Chaque autorité de contrôle veille à ce que les amendes administratives imposées en vertu du présent article pour des violations du présent règlement visées aux paragraphes 4, 5 et 6 soient, dans chaque cas, effectives, proportionnées et dissuasives , avant de préciser les éléments devant être pris en compte pour décider s’il y a lieu d’imposer une amende administrative et pour décider du montant de cette amende. A. Sur le prononcé d’une amende administrative et son montant 154. La société fait valoir qu’elle a de bonne foi considéré qu’elle ne traitait pas de données à caractère personnel. Elle relève qu’une action répressive a été déclenchée à son encontre plus de deux ans après les contrôles sans que la CNIL ne lui ait préalablement notifié sa position divergente sur l’appréciation de la nature des données traitées et ne lui a donc pas donné l’occasion de procéder aux formalités requises. Elle soutient également que la CNIL avait connaissance du traitement mis en œuvre par la société depuis les contrôles menés auprès de CEGEDIM LOGICIELS MEDICAUX en 2002 et 2012 sans qu’il n’ait été demandé à la société de déposer une demande d’autorisation. Enfin, la société indique que, compte tenu de son statut de sous-traitant, elle ne peut être considérée comme responsable des manquements allégués, les dispositions de l’article 66 de la loi Informatique et Libertés et de l’article 5, paragraphe 1, a) du RGPD énonçant des obligations applicables aux responsables de traitement uniquement. 155. S’agissant du montant de l’amende proposé par le rapporteur, la société considère qu’il est disproportionné et qu’il n’est pas démontré comment la part du chiffre d’affaires de la société CEGEDIM SANTÉ relative à l’activité de l’observatoire a été prise en compte dans la détermination de ce montant. 156. En premier lieu, la formation restreinte relève que les manquements constatés aux dispositions de l’article 66 de la loi Informatique et Libertés et de l’article 5, paragraphe 1, a) du RGPD lui sont imputables en sa qualité de responsable du traitement en cause. 157. En deuxième lieu, pour évaluer le bien-fondé du prononcé d’une amende, la formation restreinte souligne qu’il convient de faire application du critère prévu à l’alinéa a) de l’article 83, paragraphe 2, du RGPD relatif à la gravité du manquement, compte tenu de la nature, de la portée du traitement et du nombre de personnes concernées par ce dernier. 158. La formation restreinte considère que les manquements constatés sont graves. En effet, tant le RGPD que la loi Informatique et Libertés prévoient un principe d’interdiction de traitement des catégories particulières de données, dont font partie les données de santé. Le régime prévu par la section 3 ( Traitements de données à caractère personnel dans le domaine de la santé ) du chapitre III ( Obligations incombant au responsable de traitement et au sous-traitant ) de la loi Informatique et Libertés constitue donc une exception à ce principe d’interdiction de traitement, qui doit être interprétée strictement. Le strict respect des dispositions de cette section par les responsables de traitements qui souhaitent traiter des données de santé est donc essentiel pour ne pas porter atteinte aux droits fondamentaux des personnes concernées. Or, en l’espèce, la formation restreinte relève que la société n’a pas respecté les obligations lui incombant en vertu de l’article 66 de la loi du 6 janvier 1978 modifiée. En outre, en collectant les données issues du téléservice HRi, dont l’usage et l’accès sont pourtant strictement encadrés, la société a enfreint le principe de licéité de traitement des données à caractère personnel et ce à des fins commerciales, élément qui doit être pris en compte dans la détermination du montant de l’amende. 159. La formation restreinte relève par ailleurs le caractère massif du traitement. En effet, le nombre de lignes reçues entre le 1er janvier 2021 et le 2 avril 2021 par la société CEGEDIM SANTÉ est de plus de […], ce qui est considérable et démontre l’ampleur du traitement en cause. Cette ampleur et la richesse des données traitées se reflètent également dans leur profondeur historique, la société récupérant via le téléservice HRi des données sur une profondeur de douze mois. 160. En troisième lieu, la formation restreinte estime qu’il ne peut être reproché à la CNIL de ne pas avoir demandé à la société de régulariser son traitement plus tôt, alors qu’elle avait connaissance de celui-ci avant le contrôle réalisé en 2021. La formation restreinte rappelle qu’en application du principe de responsabilité introduit aux articles 5, paragraphe 2, et 24 du RGPD, il appartient aux acteurs de se renseigner sur leurs obligations et de réaliser les démarches nécessaires afin d’être en conformité. La formation restreinte estime en application du critère prévu à l’alinéa b) de l’article 83, paragraphe 2, du RGPD que la société a fait preuve de négligence en considérant qu’elle pouvait, pour mettre en œuvre des traitements de données de santé, s’abstenir de respecter l’article 66 de la loi Informatique et Libertés. Dans la mesure où le traitement de données de santé est l’objet principal et historique de l’activité de la société, la formation restreinte considère que la société ne pouvait pas, de bonne foi, ignorer ses obligations découlant de la règlementation relative à la protection des données à caractère personnel, particulièrement en tant qu’acteur spécialisé dans le domaine de la santé et au regard de la doctrine disponible susmentionnée, d’autant plus que d’autres sociétés mettant en œuvre des traitements similaires sur le même marché ont demandé des autorisations à la CNIL et que ces autorisations sont publiques. 161. En quatrième lieu, la formation restreinte considère qu’il convient de faire application du critère prévu à l’alinéa g) de l’article 83, paragraphe 2, du RGPD relatif aux catégories de données à caractère personnel concernées par les manquements. 162. La formation restreinte rappelle que les données concernées sont notamment des données de santé, lesquelles sont des catégories particulières de données au sens de l’article 9 du RGPD, dites données sensibles . Compte tenu de la nature des données en cause, et du secteur dans lequel elle intervient, la formation restreinte considère que la société aurait dû faire preuve d’une vigilance particulière en ce qui concerne le traitement qu’elle met œuvre. 163. En dernier lieu, la formation restreinte relève qu’en application des dispositions de l’article 20, paragraphe IV, de la loi Informatique et Libertés, la société CEGEDIM SANTÉ encourt une sanction financière d’un montant maximum de 20 millions d’euros ou 4 % de son chiffre d’affaires annuel mondial total de l’exercice précédent, le montant le plus élevé étant retenu. Elle relève que le chiffre d’affaires de la société CEGEDIM LOGICIELS MEDICAUX France, dont la société CEGEDIM SANTÉ a repris l’intégralité des activités, était de […] en 2021. 164. Dès lors, au regard des manquements constatés, des capacités financières de la société et des critères pertinents de l’article 83, paragraphe 2, du RGPD évoqués ci-avant, la formation restreinte estime qu’une amende de huit cent mille euros (800 000 €) apparaît justifiée. B. Sur le prononcé d’une injonction 165. D’une part, s’agissant de l’injonction proposée par le rapporteur d’anonymiser les données ou de mettre en conformité le traitement avec les dispositions de l’article 66 de la loi du 6 janvier 1978 modifiée, la formation restreinte relève que la société a fait part de modifications substantielles du traitement au cours de la procédure de sanction. D’après les informations communiquées par la société dans ses observations en défense, les données du flux CROSSWAY sont désormais transmises directement à la société […], sans l’intermédiaire de la société CEGEDIM SANTÉ. 166. En conséquence, il n’y a, en tout état de cause, pas lieu de prononcer une injonction de mise en conformité avec les dispositions de l’article 66 de la loi du 6 janvier 1978 modifiée pour le traitement opéré par la société CEGEDIM SANTÉ, cette société n’intervenant plus dans ce cadre. 167. D’autre part, la société demande, si la formation venait à retenir le manquement à l’article 5, paragraphe 1, a) du RGPD, que la proposition du rapporteur lui enjoignant de cesser la collecte des données issues du téléservice HRi ne soit pas suivie. Elle propose, à titre subsidiaire, de modifier le logiciel CROSSWAY de manière à supprimer la fonctionnalité de téléchargement automatique des données HRi par les médecins et de ne prévoir un téléchargement de ces données dans le dossier patient que sur action positive des médecins. 168. La formation restreinte prend acte que la société est disposée, en sa qualité d’éditrice du logiciel, à faire évoluer le flux CROSSWAY afin que le traitement soit conforme aux dispositions applicables. En outre, pour les raisons rappelées ci-dessus, essentiellement liées au fait que la société CEGEDIM SANTE n’est plus depuis ce mois de juillet responsable du traitement mais uniquement éditrice du logiciel, la formation restreinte considère qu’il n’y a pas lieu de prononcer une injonction. C. Sur la publicité 169. Le rapporteur considère que la publicité de la sanction est nécessaire au regard de la gravité des manquements en cause et du nombre de personnes concernées. Il estime que la publicité contribuera à informer les personnes concernées de l’existence du traitement de leurs données, y compris de données de santé, dont la grande majorité n’a pas connaissance. 170. En défense, la société conteste la proposition du rapporteur de rendre publique la présente décision et fait valoir que si le manquement était aussi grave que le prétend le rapporteur, la CNIL ne l’aurait pas laissé perdurer sans action correctrice depuis 2014. Elle ajoute que la publicité de la délibération lui causerait un préjudice commercial et créerait un risque de divulgation d’informations sur l’hébergement et la transmission des données pouvant porter atteinte à la sécurité des données. 171. La société ajoute qu’elle ne dispose pas des moyens financiers de communiquer auprès des médecins afin de les convaincre de poursuivre leur adhésion à l’observatoire et que, de manière générale, la publicité de la sanction lui ferait encourir un risque réel quant à sa survie et au regard de sa santé financière précaire. 172. Enfin, elle estime que le rapporteur ne saurait utilement invoquer, pour justifier de la publicité de la sanction, la nécessité d’assurer l’information des personnes sur les traitements mis en œuvre par la société, alors qu’il ne retient aucun manquement relatif à l’information des personnes, que les personnes ont été informées individuellement par leur médecin de l’existence du traitement et que la société n’a aucun contact direct avec les personnes concernées. 173. La formation restreinte considère que la publicité de la présente décision se justifie au regard de la gravité des manquements en cause et du nombre de personnes concernées. Elle rappelle qu’en cas de publicité, les informations relevant du secret des affaires, visées à l’article L. 151 du code de commerce, sont occultées des décisions publiées par la formation restreinte. S’agissant de l’argument concernant l’impact d’une publicité sur ces relations avec les médecins partenaires, elle souligne que la société aura la possibilité de communiquer auprès de ses partenaires sur les actions qu’elle aura mises en œuvre pour se conformer à ses obligations. 174. S’agissant de l’information des personnes, la formation restreinte estime que bien qu’il ne soit pas fait grief à la société de ne pas avoir informé les personnes concernées du traitement existant dans la présente procédure, il apparaît essentiel que les personnes concernées aient connaissance des manquements commis par la société afin, notamment, de pouvoir faire valoir leurs droits. 175. La mesure est proportionnée dès lors que la décision n’identifiera plus nommément la société à l’expiration d’un délai de deux ans à compter de sa publication. PAR CES MOTIFS La formation restreinte de la CNIL, après en avoir délibéré, décide de : • prononcer une amende administrative à l’encontre de la société CEGEDIM SANTÉ d’un montant de huit cent mille euros (800 000 €) au regard des manquements à l’article 66 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée et à l’article 5, paragraphe 1, a) du RGPD ; • rendre publique, sur le site web de la CNIL et sur le site web de Légifrance, sa délibération, qui ne permettra plus d’identifier nommément la société à l’issue d’une durée de deux ans à compter de sa publication. Le président M. Philippe-Pierre CABOURDIN Cette décision est susceptible de faire l’objet d’un recours devant le Conseil d’État dans un délai de deux mois à compter de sa notification. |
CNILTEXT000050670381 | CNIL | texte/cnil/CNIL/TEXT/00/00/50/67/03/CNILTEXT000050670381.xml | DELIBERATION | Délibération n° 2024-085 du 21 novembre 2024 portant avis sur un projet de traitement à des fins de recherche scientifique relatif à la mise en œuvre d’une enquête sur la prostitution des mineures | 2024-085 | Avis | 2024-11-21 00:00:00 | 2024-11-29 00:00:00 | VIGUEUR | N° de demande d’avis : 2235205 Thématiques : Recherche scientifique (hors santé), mineurs, prostitution, trajectoires scolaires Organisme(s) à l’origine de la saisine : Centre national de la recherche scientifique Fondement de la saisine : Article 44.6° de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés L’essentiel : La CNIL a été saisie, par le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), d’une demande d’avis sur un traitement mis en œuvre dans le cadre d’un projet de recherche sur les pratiques prostitutionnelles des mineurs. Ce projet portant sur des données de personnes mineurs d’une très grande sensibilité, la CNIL rappelle la nécessité d’une réflexion du CNRS sur la bonne articulation avec le respect de l’autorité parentale et les compétences du Parquet. Afin d’éviter tout risque d’atteinte disproportionnée à la vie privée des personnes la CNIL recommande de pseudonymiser les données collectées dès la retranscription des échanges. Ces données devront être anonymisées au moment de la diffusion des résultats de l’étude. Concernant les droits des personnes, - la CNIL rappelle que les dérogations prévues à l’article 89 du RGPD peuvent être invoquées si l’exercice de ces droits entrave sérieusement la réalisation des finalités spécifiques, ce qui peut être le cas s’il entraine le retrait de la participation des personnes concernées dans une recherche comptant déjà un faible nombre de participants ; - la CNIL recommande au CNRS de préciser les modalités d’information auprès des personnes mineures et des titulaires de l’autorité parentale dans l’AIPD. ___________________ La Commission nationale de l'informatique et des libertés, Vu le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données ou RGPD) ; Vu la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés ( loi informatique et libertés ), notamment son article 44 ; Après avoir entendu le rapport de Mme. Laurence Franceschini, commissaire, et les observations de M. Damien Milic, commissaire du Gouvernement, Adopte la délibération suivante : I. La saisine A. Le contexte Le projet de recherche sur les pratiques prostitutionnelles des mineurs s’inscrit dans le programme Travail des lycéen(ne)s et trajectoires scolaires porté par l’Agence Nationale de la Recherche . Il est piloté par deux laboratoires de recherche du CNRS (le Laboratoire d’Economie et de Sociologie du Travail à Aix-en-Provence et le Centre Emile Durkheim à Bordeaux). Il vise notamment à comprendre le phénomène du travail rétribué parmi les lycéens, d’en mesurer l’ampleur et les conséquences sur les parcours des élèves. Ce projet a pour objectifs : d’explorer les conditions dans lesquelles des adolescents s’engagent dans l’exercice d’activités prostitutionnelles, en identifiant et analysant les facteurs de vulnérabilités (âge, genre, situation socio-économique et familiale, territoire, scolarité) qui structurent les parcours prostitutionnels juvéniles ; d’étudier les impacts de la prostitution sur les parcours scolaires et personnels des jeunes, à travers les conséquences de la conciliation prostitution-études, sur les inégalités de trajectoires scolaires et biographiques des élèves. B. L’objet de la saisine La CNIL a été saisie par le CNRS pour avis sur un traitement de données à caractère personnel nécessaires pour mener la recherche sur la prostitution des mineurs. Dans la mesure où ce traitement porte sur des données sensibles au sens de l’article 9 du RGPD, il doit faire l’objet d’un avis préalable de la CNIL (article 44.6° de la loi informatique et libertés ). Au regard du RGPD, le traitement s’inscrit dans le cadre de l’exercice d’une mission d’intérêt public à des fins de recherche scientifique, dans le cadre des missions du CNRS et des laboratoires qui lui sont rattachés (art. R. 322-1 à R. 322-33 du code de la recherche). Les données à caractère personnel seront collectées lors d’entretiens, menés auprès de mineurs âgés de 13 à 18 ans, scolarisés ou non dans des collèges et lycées, ces entretiens pouvant être réalisés : - via les établissements scolaires (entretiens micro-exploratoires menés auprès des élèves volontaires sur les relations amoureuses et activités extrascolaires), - via les structures spécialisées (structures de remédiation scolaire, associations, centres sociaux, foyers de la protection de l’enfance, …), à l’appui desquelles des mineurs concernés peuvent être identifiés et se voir proposer de participer à la recherche) ; menés auprès de jeunes majeurs qui ont exercé la prostitution en étant mineurs identifiés grâce au soutien de diverses structures qui accompagnent les personnes en situation de prostitution (associations spécialisées, centre d’hébergement et de réinsertion sociale, missions locales, …) menés auprès de professionnels qui accompagnent des mineurs et jeunes majeurs en situation de prostitution II. L’avis de la CNIL À titre liminaire, la CNIL observe que, pour déterminer les entretiens à mener, le CNRS aura recours à un certain nombre de moyens parmi lesquels figure l’interrogation de certains professionnels. Or la CNIL souligne que certaines informations, y compris l’identité des personnes mineures, sont susceptibles d’être couvertes par l’obligation du secret professionnel, à laquelle sont astreintes certaines professions. C’est le cas, par exemple, des personnes appartenant à des professions relevant de la protection de l’enfance, tel que prévu à l’article L. 226-2-2 du code de l’action sociale et des familles ou de tout agent public conformément à l’article L. 121-6 du code général de la fonction publique. À ce titre, la CNIL rappelle qu’il résulte des principes généraux de licéité et de loyauté des traitements de l’article 5.1.a du RGPD que le chercheur ne peut recueillir des informations dont la transmission est illicite. Au surplus, du fait de l’objet de la recherche, seront interrogées des personnes mineures en situation de grande vulnérabilité qui pourraient éventuellement nécessiter d’une protection spécifique de la part des autorités judiciaires, médicales ou administratives. La CNIL rappelle à cet égard que, aux termes de l’article 13 de la loi n° 2002-305 du 4 mars 2002 relative à l'autorité parentale [t]out mineur qui se livre à la prostitution, même occasionnellement, est réputé en danger et relève de la protection du juge des enfants au titre de la procédure d'assistance éducative . Par ailleurs, au terme de cette même loi, le fait de solliciter, d'accepter ou d'obtenir, en échange d'une rémunération ou d'une promesse de rémunération, des relations de nature sexuelle de la part d'un mineur qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle est reconnue comme une infraction pénale. Dès lors, elle appelle le CNRS à clarifier avant la conduite de l’enquête les conditions dans lesquelles il pourrait choisir (en ce sens, voir le rapport n° 304 (2019-2020) des Commissions des affaires sociales et des lois du Sénat selon lequel les professionnels disposent d’une option de conscience ) ou être tenu de signaler la situation au parquet, ou aux autorités compétentes en tenant compte du cadre juridique résultant des articles 40 du code de procédure pénale, 434-3 et 226-14 du code pénal et L. 121-6 du code général de la fonction publique. Si de tels signalements sont susceptibles d’être opérés ou de devoir être opérés, il est nécessaire que les participants mineurs à la recherche en aient conscience. A. Sur les catégories de données collectées En plus d’une participation volontaire à la recherche, les personnes concernées ne seront pas tenues de répondre à toutes les questions. La CNIL approuve cette approche, qu’elle recommande de façon générale et encore davantage en l’espèce dès lors qu’il s’agit de données pouvant concerner l’intimité des personnes concernées. Des entretiens semi-directifs seront menés auprès des personnes mineures et de professionnels, ce qui peut impliquer des questions ouvertes et, par là même, la collecte de nombreuses catégories de données relatives à l’intimité des personnes interrogées. La CNIL estime cette possibilité légitime, en raison notamment de la diversité des réponses attendues. Elle rappelle toutefois que, pour éviter toute atteinte disproportionnée à la vie privée des personnes interrogées, les questions posées devront être strictement pertinentes et nécessaires au regard du contexte de la recherche scientifique. Au regard du grand nombre de catégories de données traitées, y compris de données sensibles, et pour éviter tout risque d’atteinte disproportionnée à la vie privée des mineurs, la CNIL invite le CNRS à s’interroger sur la nécessité de chacune d’entre elles pour la recherche, conformément au principe de minimisation des données (art. 5-1-c du RGPD). B. Sur les destinataires des données Les données de la recherche seront mises à disposition de la communauté scientifique dans des conditions d’accès et de sécurité organisées par le chercheur et ses directeurs de thèse, conformément à la politique de sciences ouvertes consacrée par la loi dite Lemaire (notamment en son article 30 créant l’article L. 533-4 du code de la recherche). Sans remettre en cause la nécessité de garantir la libre circulation des connaissances et l’accès libre aux publications scientifiques, la CNIL rappelle que la diffusion des données devra être réalisée conformément aux articles 78 de la loi informatique et libertés et 116 du décret n°2019-536 du 29 mai 2019. En particulier, les données doivent être préalablement anonymisées pour être diffusées et non seulement pseudonymisées. C. Sur l’information des personnes À titre liminaire, la CNIL relève que les questions de l’exercice du droit d’accès aux données des personnes mineures par les titulaires de l’autorité parentale ainsi que l’information de ces derniers cristallisent les difficultés d’articulation entre différents objectifs : celui du respect des prérogatives de l’autorité parentale, celui de la protection de la vie privée des mineurs et celui de la recherche de la protection des personnes vulnérables. Elle rappelle en particulier que, conformément aux articles 371 et suivants du code civil, les titulaires de l’autorité parentale disposent d’un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l’intérêt de l’enfant . Par ailleurs, elle note que la révélation d’informations aux titulaires de l’autorité parentale pourrait, dans certains cas, nuire aux personnes mineures participant à la recherche. Elle rappelle que le principe directeur guidant l’interprétation des dispositions relatives à la protection des données à caractère personnel doit être l’intérêt supérieur de l’enfant. En premier lieu, la CNIL prend acte de ce qu’une notice d’information sera remise en amont des entretiens, pour ce qui concerne : les professionnels ; les personnes majeures ayant exercé la prostitution en étant mineures. En deuxième lieu, s’agissant des mineurs, les modalités d’information diffèrent selon les circonstances suivantes : lorsque les entretiens sont conduits dans les établissements scolaires, les titulaires de l’autorité parentale sont informés en amont d’une recherche en cours auprès des élèves portant sur les pratiques sociales et scolaires adolescentes ; lorsqu’il est projeté de réaliser des entretiens avec des personnes mineures identifiées par la direction des services départementaux de l’éducation Nationale (DSDEN), les parents sont destinataires d’une notice d’information ; pour les entretiens conduits au sein des structures spécialisées ou via des associations et des foyers de protection de l’enfance, les modalités d’information ne sont pas indiquées. Le CNRS prévoit de procéder à une information individuelle auprès des titulaires de l’autorité parentale sur le projet de recherche, sans mentionner l’objet précis de la recherche. La CNIL considère que cette modalité d’information permet de concilier l’exigence de l’information des parents en tant que titulaire des droits et la protection de la vie privée des personnes mineures. Elle estime que les modalités d’information auprès des personnes mineures et des titulaires de l’autorité parentale devraient être précisées dans l’AIPD. Il revient également au CNRS de clarifier la possibilité pour les mineurs de participer à cette recherche avec ou sans autorisation des titulaires de l’autorité parentale. En outre, la CNIL souligne l’importance de mettre à disposition des personnes mineures une information simple et pédagogique, adaptée à la tranche d’âge des répondants, en particulier pour les plus jeunes d’entre eux. Cette information devra notamment expliquer clairement : l’objectif poursuivi par le traitement ; les accédants et destinataires du traitement ; le caractère obligatoire ou facultatif des questions ; les modalités d’exercice des droits et leurs éventuelles dérogations. Par ailleurs, cette information devrait également préciser les informations auxquelles les titulaires de l’autorité parentale auront accès en cas de demande d’accès de ces derniers et la possibilité ou l’obligation pour le CNRS de procéder à un signalement du mineur auprès des autorités judiciaires, médicales ou administratives des maltraitances, privations ou sévices infligés à un mineur et porté à la connaissance du chercheur. S’agissant enfin de l’information des personnes tierces dont les données pourraient être collectées, le CNRS entend mobiliser la dérogation prévue à l’article 14.5.b du RGPD dès lors que cette information est susceptible de rendre impossible ou de compromettre gravement la réalisation des objectifs dudit traitement . La CNIL accueille favorablement l’approche consistant en une diffusion publique, dans les établissements concernés, d’une information générale indiquant que la recherche porte sur des pratiques sociales et scolaires adolescentes . Toutefois, elle invite le CNRS à publier ces informations sur le site de l’université ou à les faire diffuser via les flux de communication entre les établissements et structures concernées d’une part et les personnes concernées d’autre part. Le CNRS devra, par ailleurs, détailler précisément dans l’AIPD les éléments qui ont conduit à considérer que délivrer une information individuelle constituerait un effort disproportionné, ainsi que les garanties susmentionnées afin de protéger les droits et libertés des personnes concernées. D. Sur l’exercice du droit d’accès À titre liminaire, compte tenu des particularités du cas d’espèce, la CNIL tient à souligner l’importance de minimiser le plus possible le risque de réidentification. Elle recommande en conséquence que les données soient anonymisées le plus tôt possible après leur retranscription, ou à défaut, fortement pseudonymisées. Cela implique que toute table de correspondance soit supprimée dans les meilleurs délais après la consolidation de la base et dès lors qu’il n’est pas envisagé de recontacter les participants. Dans l’hypothèse où la mise en œuvre de telles mesures ne serait pas possible, l’exercice du droit d’accès pourrait être limité pour ce qui concerne les personnes titulaires de l’autorité parentale. Le CNRS, qui envisage cette hypothèse, a indiqué que les demandes d’accès seront examinées au cas par cas par la déléguée à la protection des données en lien avec la direction des affaires juridiques et le Fonctionnaire Sécurité Défense. La CNIL rappelle que la limitation du droit d’accès est rendue possible par les dérogations prévues notamment aux articles 89 du RGPD et 78 de la loi informatique et libertés (mis en oeuvre par l’article 116 du décret n°2019-536 du 29 mai 2019 ). Toutefois, elle ne peut être envisagée que dans la mesure où l’exercice de ces droits risquerait d’entraver sérieusement la réalisation des finalités spécifiques et où de telles dérogations sont nécessaires pour atteindre ces finalités . Cela pourrait être le cas, par exemple, dans le cadre d’une recherche avec un faible nombre de participants si, pour éviter tout risque d’atteinte à leur vie privée en cas d’exercice de droit d’accès : des personnes enquêtées s’autocensurent ; ou décident de se retirer de l’enquête. En l’espèce, les titulaires de l’autorité parentale peuvent exercer les droits au nom de leur enfant conformément aux articles 371 et suivants du code civil. Or, l’exercice du droit d’accès par les titulaires de droits pourrait comporter des risques pour la réalisation de la recherche scientifique. La CNIL observe que cela pourrait en outre porter une atteinte excessive à la vie privée des personnes concernées, en particulier des personnes mineures. Dès lors, la CNIL estime que, dans son examen au cas par cas des demandes d’accès, le CNRS devra ménager un juste équilibre entre : d’une part l’intérêt des titulaires des droits de demander l’accès aux données personnelles concernant les personnes mineures concernées, conformément aux dispositions relatives à l’exercice de l’autorité parentale ; et d’autre part, la protection de la vie privée et l’intimité des personnes concernées, en particulier des personnes mineures qui souhaiteraient garder confidentielles les informations et leur situation vis-à-vis de leur entourage. Elle recommande, par ailleurs, d’informer les participants de cette configuration en amont de l’entretien et de prendre en compte leur éventuelle opposition à tout exercice des droits. Le CNRS devra détailler précisément dans l’AIPD les éléments qui ont conduit à considérer qu’accéder à la requête des titulaires de l’autorité parentale constituerait une entrave à la réalisation de la recherche scientifique. E. Sur les mesures de sécurité Compte tenu de la sensibilité des données collectées, la CNIL recommande de manière générale que l’ensemble des mesures de sécurité soient conformes à l’état de l’art et notamment à des mesures de sécurité équivalentes aux exigences mentionnées dans le référentiel entrepôt de données dans le domaine de la santé . Ces exigences peuvent être atteintes en ayant recours à une plateforme sécurisée externe et spécialisée dans la mise à disposition de données à des fins de recherche, étude ou évaluation. En l’espèce, le projet prévoit la mise à disposition des données de l’étude (hors table de correspondance) sur un ordinateur sous la responsabilité du CNRS. Celui-ci devra faire l’objet de mesures de sécurité à l’état de l’art telles qu’un disque dur chiffré, un verrouillage automatique de session ou encore un antivirus et des logiciels régulièrement mis à jour. Le recours à des contenus extérieurs (courriels, document reçu, lien de téléchargement, etc.) devra être limité au strict nécessaire et faire l’objet d’une vigilance accrue. La base de données de l’étude devra également être chiffrée sur le disque. Au regard des conséquences graves pour les personnes en cas de divulgation de la base de données, la CNIL recommande que cette modalité de mise à disposition ainsi que l’accès à la base de données conservée sur le serveur interne du responsable de traitement soit restreint à une unique personne dûment habilitée. Les données de l’étude, ses sauvegardes et table de correspondance seront conservées chiffrées. Des pseudonymes aléatoires seront attribués aux participants. Étant donné la sensibilité des données collectées, la CNIL estime également qu’une authentification forte multifacteur, disposant au moins de deux facteurs d’authentification différents, devrait être mise en place pour l’accès aux données de l’étude stockées sur le serveur lors des différentes étapes du traitement. La CNIL rappelle qu’il appartient au responsable de traitement de procéder à une réévaluation régulière des risques pour les personnes concernées et une mise à jour, le cas échéant, des mesures de sécurité. La présidente, |
CNILTEXT000044810599 | CNIL | texte/cnil/CNIL/TEXT/00/00/44/81/05/CNILTEXT000044810599.xml | DELIBERATION | Délibération de la formation restreinte n°SAN-2021-021 du 28 décembre 2021 concernant la société X | SAN-2021-021 | Sanction | 2021-12-28 00:00:00 | 2022-01-04 00:00:00 | VIGUEUR | La Commission nationale de l’informatique et des libertés, réunie en sa formation restreinte composée de Monsieur Alexandre LINDEN, président, Monsieur Philippe-Pierre CABOURDIN, vice-président, Madame Anne DEBET, Madame Christine MAUGÜÉ, Monsieur Alain DRU et Monsieur Bertrand du MARAIS, membres ; Vu le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données ; Vu la directive 2002/58/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 juillet 2002 concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques ; Vu le code des postes et des communications électroniques ; Vu la loi no 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, notamment ses articles 20 et suivants ; Vu le décret no 2019-536 du 29 mai 2019 pris pour l'application de la loi no 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ; Vu la délibération no 2013-175 du 4 juillet 2013 portant adoption du règlement intérieur de la Commission nationale de l'informatique et des libertés ; Vu la décision n° 2019-188C du 26 septembre 2019 de la présidente de la Commission nationale de l’informatique et des libertés de charger le secrétaire général de procéder ou de faire procéder à une mission de vérification des traitements mis en œuvre par ces organismes ou pour le compte des sociétés [...] et [...] ; Vu la décision de la présidente de la Commission nationale de l’informatique et des libertés portant désignation d’un rapporteur devant la formation restreinte, en date du 17 décembre 2020 ; Vu le rapport de Monsieur François PELLEGRINI, commissaire rapporteur, notifié à la société [...] le 2 août 2021 ; Vu les observations écrites versées par la société [...] le 13 septembre 2021 ; Vu la réponse du rapporteur à ces observations notifiées le 4 octobre 2021 à la société ; Vu les nouvelles observations écrites versées par la société [...] le 22 octobre 2021, ainsi que les observations orales formulées lors de la séance de la formation restreinte ; Vu les autres pièces du dossier ; Étaient présents, lors de la séance de la formation restreinte du 4 novembre 2021 : - Monsieur François PELLEGRINI, commissaire, entendu en son rapport ; En qualité de représentants de la société [...] : - […] ; - […] ; - […] ; - […] ; - […] ; - […] ; - […]. La société [...] ayant eu la parole en dernier ; La formation restreinte a adopté la décision suivante : I. Faits et procédure 1. La société [...] (ci-après " la société "), dont le siège social est situé […], est une filiale du [...]. La société est un opérateur de téléphonie mobile qui commercialise des téléphones et / ou des forfaits mobiles. Créée en […], elle compte environ […] salariés. 2. Pour l’année 2020, la société [...] a réalisé un chiffre d’affaires de […] euros, pour un résultat net de […] euros. Au 21 décembre 2020, la société dénombrait environ […] abonnés aux offres mobiles, […]. 3. Entre le mois de décembre 2018 et le mois de novembre 2019, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (ci-après " la CNIL " ou " la Commission ") a été saisie de 19 plaintes à l’encontre de la société [...]. Les plaignants faisaient notamment état des difficultés rencontrées dans l’exercice de leurs droits d’accès ou d’opposition à recevoir des messages de prospection commerciale. 4. Pour les besoins de l’instruction des plaintes, deux opérations de contrôle sur place dans les locaux de la société [...] puis de la société [...] ont été effectuées en application de la décision n° 2019-188C du 26 septembre 2019 de la présidente de la CNIL. Ces missions ont été réalisées respectivement les 21 et 22 janvier 2020. En application de cette même décision, un contrôle sur pièces a également été effectué auprès des sociétés [...] et [...] le 3 juin 2020. 5. Ces missions avaient pour objet de vérifier le respect, par la société [...], de l’ensemble des dispositions du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 (ci-après " le Règlement " ou " le RGPD ") et de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés (ci-après " la loi du 6 janvier 1978 modifiée " ou la " loi Informatique et Libertés "). 6. Au cours des deux premiers contrôles, la délégation de la CNIL s’est attachée à vérifier la gestion, par la société [...], des droits des personnes, et plus particulièrement la manière dont elle avait traité les demandes d’exercice des droits des personnes ayant saisi la Commission de plaintes. Ces contrôles avaient également pour but de vérifier les mesures de sécurité mises en place par la société pour protéger les données à caractère personnel qu’elle traite. 7. A l’issue de ces contrôles, les procès-verbaux n° 2019-188/1 et n° 2019-188/2 ont été notifiés à la société [...] par courrier daté du 23 janvier 2020. La société a transmis aux services de la Commission, par courriels des 3 et 10 février 2020, les pièces complémentaires sollicitées à l’issue de ces missions de contrôle. 8. Au regard des réponses apportées par la société, et en vue de préciser certains constats précédemment effectués, un nouveau contrôle sur pièces a été diligenté par la CNIL le 3 juin 2020, qui s’est traduit par l’envoi d’un questionnaire à la société [...]. 9. La société a transmis aux services de la Commission, par courriel du 29 juin 2020, les pièces complémentaires et les informations sollicitées à l’occasion de ce contrôle. 10. Aux fins d’instruction de ces éléments, la présidente de la Commission a, le 17 décembre 2020, désigné Monsieur François PELLEGRINI en qualité de rapporteur sur le fondement de l’article 22 de la loi du 6 janvier 1978 modifiée et en a informé la société par courrier du 23 décembre 2020. 11. À l’issue de son instruction, le rapporteur a, le 2 août 2021, fait notifier à la société [...] un rapport détaillant les manquements au RGPD qu’il estimait constitués en l’espèce. Le courrier de notification du rapport indiquait à la société qu’elle disposait d’un délai d’un mois pour communiquer ses observations écrites en application des dispositions de l’article 40 du décret n° 2019-536 du 29 mai 2019. 12. Ce rapport proposait à la formation restreinte de la Commission de prononcer une injonction de mettre en conformité le traitement avec les dispositions des articles 15, 16, 21, 25 et 32 du RGPD, assortie d’une astreinte par jour de retard à l’issue d’un délai de trois mois suivant la notification de la délibération de la formation restreinte, ainsi qu’une amende administrative. Il proposait également que cette décision soit rendue publique, mais qu’il ne soit plus possible d’identifier nommément la société à l’expiration d’un délai de deux ans à compter de sa publication. 13. Le 13 septembre 2021, la société a produit ses observations en réponse au rapport de sanction. 14. Le 23 septembre 2021, le rapporteur a sollicité un délai pour répondre aux observations formulées par la société [...]. Par courrier du 24 septembre 2021, le président de la formation restreinte a avisé le rapporteur qu’il bénéficiait d’un délai supplémentaire de six jours pour produire ses observations. Par un courrier daté de ce même jour, la société a été avisée par le président de la formation restreinte qu’elle bénéficiait également d’un délai supplémentaire de six jours pour produire ses observations. 15. Par courrier du 4 octobre 2021, la réponse du rapporteur aux observations de la société lui a été adressée, accompagnée d’une convocation à la séance de la formation restreinte du 4 novembre 2021. 16. Le 22 octobre 2021, la société [...] a produit de nouvelles observations en réponse à celles du rapporteur. 17. La société et le rapporteur ont présenté des observations orales lors de la séance de la formation restreinte. II. Motifs de la décision A. Sur la responsabilité de traitement de la société [...] 18. L’article 4, paragraphe 7 du RGPD prévoit que le responsable du traitement est " la personne physique ou morale, l'autorité publique, le service ou un autre organisme qui, seul ou conjointement avec d'autres, détermine les finalités et les moyens du traitement ". 19. Dans son rapport, le rapporteur souligne d’abord que la délégation a été informée lors du contrôle sur place du 21 janvier 2020 que " la société [...] est l’opérateur de radio télécommunication mobile du [...] et la société [...] est l’opérateur de télécommunication fixe du [...] " et que " chaque client est rattaché à la société [...] et / ou à la société [...] " en fonction de l’offre à laquelle il a souscrit. Le rapporteur relève ensuite que chacune des sociétés [...] et [...] " dispose de son propre système d’information dans lequel figurent [ses] clients " et que les " bases de prospects sont également réparties par société ", de sorte que les sociétés peuvent accéder aux bases de données qui leur sont propres. Une base de données commune est également utilisée par chacune des sociétés, pour son compte, afin d’effectuer de la prospection commerciale. Le rapporteur observe enfin que le registre de traitement transmis à la délégation de la CNIL indique que la société [...] se considère notamment responsable des traitements relatifs à la gestion des contrats souscrits auprès d’elle par ses abonnés et des traitements liés aux opérations de prospection commerciale qui sont réalisées auprès de ses clients et prospects pour son compte. 20. La formation restreinte relève que ces éléments n’ont pas été contestés par la société [...]. Elle considère qu’il résulte de ce qui précède que la société [...] doit être regardée comme responsable des traitements des données à caractère personnel de ses clients, mis en œuvre dans le cadre de l’exécution des contrats d’abonnement de téléphonie mobile, et des personnes qu’elle contacte à des fins de prospection commerciale, dans la mesure où elle détermine les finalités et les moyens de ces traitements. B. Sur les griefs de la société en lien avec la procédure 21. La société estime que le rapporteur a manqué à son devoir de diligence en lui transmettant, plus de dix-huit mois après les opérations de contrôle et pendant les congés du mois d’août, le rapport proposant à la formation restreinte de retenir une sanction à son encontre. La société fait valoir, sur la base d’une moyenne qu’elle indique avoir établie à partir des décisions de la formation restreinte rendues entre 2018 et 2021 à l’issue d’un contrôle sur place, que le délai moyen de transmission de la procédure à la formation restreinte est d’environ treize mois et, qu’en l’espèce, ce délai a été porté à dix-huit mois. La société fait également valoir qu’elle n’a pas été mise en mesure de prendre connaissance, avant la réception du rapport, de deux plaintes sur lesquelles le rapporteur s’est fondé pour retenir à son encontre un manquement à son obligation d’assurer la sécurité du traitement. Enfin, la société s’étonne de ne pas avoir été au préalable mise en demeure de corriger les manquements à l’origine des faits litigieux, ce qui démontrerait la faible gravité des manquements allégués par le rapporteur, notamment s’agissant de ses procédures de sécurité. 22. En premier lieu, la formation restreinte relève que les textes applicables ne prévoient pas de limite au délai entre la conduite des contrôles et la transmission d’un rapport proposant une sanction. De plus, la présente procédure est intervenue pendant la crise sanitaire, qui a engendré un allongement des délais. 23. En deuxième lieu, s’agissant des deux saisines n° 19012802 et n° 19019490 pour lesquelles la société fait valoir qu’elle n’a pas été mise en mesure d’en prendre connaissance avant la réception du rapport, la formation restreinte rappelle que les textes applicables n’imposent pas une instruction préalable des plaintes avant la transmission d’un rapport proposant une sanction et n’empêchent pas le rapporteur de les porter à la connaissance du responsable de traitement au stade de son rapport, les plaintes étant à cette occasion versées à la procédure contradictoire. Enfin, l’article 50 du règlement intérieur de la CNIL impose uniquement que l’objet de la plainte soit " communiqué au responsable de traitement mis en cause […] afin que celui-ci fournisse toutes les explications utiles ", ce qui a été fait en l’espèce par le biais du rapport de sanction. 24. En troisième lieu, s’agissant de la transmission du rapport au mois d’août et de la nécessité, pour la société, d’y répondre pendant les vacances estivales, la formation restreinte observe que la société a bénéficié d’un délai d’environ six semaines pour produire ses premières observations, pour tenir compte de cette période, étant rappelé que l’article 40 du décret n° 2019-536 du 29 mai 2019 n’impose qu’un délai minimum d’un mois. 25. En dernier lieu, s’agissant du grief relatif à l’absence de mise en demeure préalable, la formation restreinte relève d’abord qu’il ressort des dispositions de l’article 20 de la loi " Informatique et Libertés " modifiée par la loi n° 2018-493 du 20 juin 2018 que l’autorité de contrôle dispose d’un ensemble de mesures correctrices, adaptées selon les caractéristiques propres à chaque cas, qui peuvent être combinées entre elles et être précédées ou non d’une mise en demeure. Les mesures correctrices peuvent être prises directement dans tous les cas. 26. La formation restreinte relève également que le Conseil constitutionnel (Cons. const., 12 juin 2018, n° 2018-765 DC) n’a pas émis de réserve s’agissant de la possibilité pour le président de la CNIL d’engager une procédure de sanction sans mise en demeure préalable. Enfin, la formation restreinte rappelle que le Conseil d’État a jugé (CE, 9 octobre 2020, Société SERGIC, n° 433311) qu’il " résulte clairement [des dispositions de l’article 20 de la loi du 6 janvier 1978 modifiée], que le prononcé d’une sanction par la formation restreinte de la CNIL n’est pas subordonné à l’intervention préalable d’une mise en demeure du responsable du traitement ou de son sous-traitant par le président de la CNIL […] ". 27. En conséquence, la formation restreinte considère que la présente procédure et les différentes actions menées dans ce cadre n’ont pas porté atteinte aux droits de la défense de la société. C. Sur la qualification des faits au regard du RGPD 1. Sur le manquement à l’obligation de respecter le droit d’accès des personnes aux données à caractère personnel les concernant 28. L’article 12, paragraphe 3, du RGPD prévoit que " Le responsable du traitement fournit à la personne concernée des informations sur les mesures prises à la suite d'une demande formulée en application des articles 15 à 22, dans les meilleurs délais et en tout état de cause dans un délai d'un mois à compter de la réception de la demande. Au besoin, ce délai peut être prolongé de deux mois, compte tenu de la complexité et du nombre de demandes. Le responsable du traitement informe la personne concernée de cette prolongation et des motifs du report dans un délai d'un mois à compter de la réception de la demande ". En outre, aux termes du paragraphe 4 de cet article " si le responsable du traitement ne donne pas suite à la demande formulée par la personne concernée, il informe celle-ci sans tarder et au plus tard dans un délai d'un mois à compter de la réception de la demande des motifs de son inaction et de la possibilité d'introduire une réclamation auprès d'une autorité de contrôle et de former un recours juridictionnel ". 29. L’article 15, paragraphe 1, du RGPD prévoit le droit pour une personne d’obtenir du responsable du traitement la confirmation que des données à caractère personnel la concernant sont ou ne sont pas traitées et, lorsqu'elles le sont, l'accès aux données à caractère personnel la concernant et notamment " lorsque les données à caractère personnel ne sont pas collectées auprès de la personne concernée, toute information disponible quant à leur source ". Aux termes de l’alinéa 3 du même article " le responsable du traitement fournit une copie des données à caractère personnel faisant l'objet d'un traitement ". 30. Le rapporteur se fonde sur trois saisines reçues par la CNIL, émanant de Messieurs […] (plainte n° 19018344), […] (plainte n° 19008608) et […] (plainte n° 19016049), dans le cadre desquelles les plaignants faisaient état des difficultés rencontrées dans l’exercice de leurs droits, pour proposer à la formation restreinte de considérer que la société a méconnu ses obligations résultant de l’article 15 du RGPD. 31. En défense, la société fait valoir qu’aucun manquement ne peut lui être reproché au titre de ces trois saisines. Elle indique qu’il s’agit de faits isolés, sur la base desquels l’existence d’un problème systémique ne saurait être déduite. Elle fait également valoir la différence entre le nombre réduit de plaintes relevées dans le rapport concernant l’exercice des droits (7) et le nombre de demandes d’exercice des droits traitées par la société par an (environ 600). Elle considère ainsi que les manquements allégués sont révélateurs d’erreurs humaines mais aucunement d’un " problème quant au fonctionnement même de la procédure " de [...]. Enfin, la société indique que les saisines litigieuses sont contemporaines de la date d’entrée en vigueur du RGPD et antérieures à la mise en place d’un nouvel outil de ticketing utilisé par [...], depuis juin 2019, qui a permis d’apporter des améliorations à la procédure de traitement des demandes d’exercice de droit de [...]. Dès lors, elle considère que ces dysfonctionnements ponctuels sont à présent résolus. 32. En premier lieu, s’agissant de la saisine n° 19008608 de mai 2019, Monsieur […] a saisi la CNIL, expliquant avoir demandé à la société [...], via l’adresse électronique dédiée aux demandes " Informatique et Libertés ", l’accès aux données le concernant qui seraient associées à son numéro de téléphone. 33. Le rapporteur observe qu’il ressort des éléments communiqués par la société à la suite des contrôles que, si la société indique bien avoir reçu la demande du plaignant, elle n’a en revanche " pas retrouvé de trace de réponse apportée au plaignant ". Le rapporteur considère donc que la société a manqué à son obligation de traiter la demande d’accès du plaignant. 34. En défense, la société explique tout d’abord qu’elle ne pouvait satisfaire à cette demande puisqu’elle ne disposait plus des données demandées. Elle précise en ce sens que Monsieur […] ayant résilié son contrat avec la société [...] quatre ans avant d’adresser sa demande d’accès, elle ne disposait plus que de l’information relative à l’existence d’une relation contractuelle jusqu’au 4 mars 2015. Suite à l’interrogation du rapporteur s’étonnant de l’absence de données à caractère personnel relatives au plaignant qui seraient conservées par la société en base d’archivage intermédiaire au titre de ses obligations légales ou comptables (données de facturation, gestion d’un éventuel contentieux, etc.), dans son second mémoire en défense, la société indique avoir retrouvé treize factures concernant le plaignant à l’issue d’une recherche dans sa base d’archivage et avoir adressé, par courriel du 14 octobre 2021, un complément de réponse au plaignant en lui fournissant ces éléments. 35. La formation restreinte rappelle d’abord qu’il ressort de l’article 12, paragraphe 4, du RGPD que lorsque le responsable de traitement ne détient plus de données sur la personne qui exerce son droit d’accès (par exemple si les données ont été supprimées), il doit néanmoins répondre au demandeur dans un délai maximal d'un mois pour le lui indiquer. Ainsi, la formation restreinte considère que la société aurait à tout le moins dû informer le plaignant que, selon elle, elle ne disposait plus d’information le concernant, mis à part celle relative à l’existence d’une relation contractuelle jusqu’au 4 mars 2015. 36. La formation restreinte relève ensuite que la société disposait d’autres données relatives au plaignant, en l’occurrence les treize factures conservées par la société dans sa base d’archivage intermédiaire, qui entrent dans le périmètre des données devant être communiquées au titre du droit d’accès. A cet égard, la formation restreinte rappelle que les personnes concernées doivent pouvoir avoir connaissance du fait que des données les concernant sont conservées et traitées par le responsable de traitement, y compris plusieurs années après la rupture de la relation contractuelle, comme c’est le cas en l’espèce. En effet, elle souligne que seule la communication de ces données permet aux personnes concernées de mesurer la nature et l’ampleur des traitements mis en œuvre par la société. En l’espèce, la formation restreinte relève que ce n’est qu’à compter de l’envoi du courriel du 14 octobre 2021 que la société a apporté une réponse exhaustive à la demande d’accès du plaignant, soit plus de deux ans après que Monsieur […] eut exercé ses droits, consécutivement à l’engagement de la procédure de sanction et la réception du rapport en réponse aux observations de la société datées du 4 octobre 2021. 37. Dans ces conditions, la formation restreinte considère qu’en ne donnant pas suite à la demande d’accès et en ne répondant pas au demandeur dans les délais prévus, la société a méconnu ses obligations découlant des articles 12 et 15 du RGPD. 38. Elle relève néanmoins que, dans le cadre de la procédure de sanction, la société a justifié avoir apporté une réponse au plaignant et, dès lors, avoir pris des mesures de mise en conformité avec les obligations du RGPD. 39. En deuxième lieu, s’agissant de la saisine n° 19016049 de septembre 2019, Monsieur […] a saisi la CNIL, expliquant avoir demandé à la société [...] de lui indiquer si elle détenait des données à caractère personnel le concernant. Dans l’affirmative, le plaignant souhaitait obtenir une copie de ses données et, plus particulièrement, la copie de l’enregistrement d’un appel qui aurait été passé par une personne ayant usurpé son identité ainsi que tout document qui aurait été envoyé à cette occasion. 40. Le rapporteur relève qu’il ressort des constats effectués dans le cadre de la procédure de contrôle que la société n’a pas apporté de réponse au plaignant, sans qu’elle ait été en mesure d’en justifier la raison. Il a également constaté que cette demande n’a pas été qualifiée comme une demande " Informatique et Libertés " mais comme une demande de " résiliation ". Le rapporteur considère donc que la société a manqué à son obligation d’indiquer au plaignant si des données à caractère personnel le concernant figuraient dans les traitements qu’elle met en œuvre et, le cas échéant, à son obligation de lui en adresser une copie. 41. En défense, la société fait valoir que cette demande n’a pas été adressée au service dédié aux demandes d’exercice des droits, de sorte qu’une erreur humaine a pu être commise dans sa qualification en tant que demande de résiliation et non en tant que demande de droit d’accès. Ensuite, la société explique qu’elle ne pouvait pas apporter une réponse favorable au plaignant dans la mesure où sa demande d’accès était relative aux données à caractère personnel d’un tiers. S’agissant des autres données détenues par la société, relatives au plaignant, elle indique y avoir répondu par courriel du 26 août 2021 en joignant une copie des données à caractère personnel le concernant qui sont enregistrées en base de données. 42. Sur le premier point portant sur l’adresse à laquelle le plaignant a envoyé sa demande, la formation restreinte considère que s’il n’est pas contesté que le plaignant n’a pas adressé sa demande à l’adresse courriel ou postale qui est identifiée par la société comme étant le canal dédié pour la transmission des demandes d’exercice des droits, il n’en demeure pas moins qu’il appartenait à la société, dès lors que cette demande a bien été reçue par cette dernière et qu’elle était claire en ses termes, de la traiter dans les délais prévus par le RGPD et de veiller à cet effet à ce qu’elle soit transmise aux services compétents. En effet, si la mise en œuvre de mesures organisationnelles pour faciliter l’exercice des droits des personnes est conforme aux exigences et à l’objectif poursuivi par le RGPD, cela ne saurait en revanche exonérer la société de son obligation de répondre aux demandes qui lui sont faites dès lors qu’elles ne lui seraient pas adressées par le canal qu’elle aura dédié à cet effet, a fortiori lorsque, comme c’est le cas en l’espèce, le contenu de la demande est clair. 43. Sur le second point en lien avec l’argument de la société selon lequel la demande d’accès portait sur des données d’un tiers, la formation restreinte relève que la demande du plaignant est, à titre principal, une demande générale de droit d’accès qui vise, à titre subsidiaire, la communication de données relatives à un appel téléphonique. Dès lors, si la formation restreinte peut entendre les éléments mis en avant par la société sur la nécessité de préserver les droits des tiers en lien avec la partie de la demande relative à l’appel téléphonique, elle considère en revanche que la société aurait en tout état de cause dû apporter une réponse à la demande générale de droit d’accès effectuée par le plaignant, ce qui n’a pas été le cas avant le 26 août 2021, soit plus de deux ans après sa demande et après la notification à la société le 2 août 2021 du rapport proposant à la formation restreinte de prononcer une sanction. 44. Dans ces conditions, la formation restreinte considère qu’en ne donnant pas suite à la demande d’accès et en ne répondant pas au demandeur dans les délais prévus, la société a méconnu ses obligations découlant des articles 12 et 15 du RGPD. 45. Elle relève néanmoins que, dans le cadre de la procédure de sanction, la société a justifié avoir apporté une réponse au plaignant et dès lors, avoir pris des mesures de mise en conformité avec les obligations du RGPD. 46. En troisième lieu, s’agissant de la saisine n° 19018344 datée du mois d’octobre 2019, Monsieur […] a saisi la CNIL, expliquant avoir demandé à la société [...] l’accès aux données le concernant. 47. Le rapporteur relève que la société n’a pas apporté de réponse au plaignant. 48. En défense, la société explique qu’elle n’a jamais reçu la demande du plaignant et qu’elle ne pouvait donc pas y répondre. 49. Dans la mesure où il n’est pas établi que le plaignant ait régulièrement exercé ses droits, la formation restreinte estime qu’il n’y a pas lieu de retenir de manquement au regard de l’obligation de respecter le droit d’accès s’agissant de cette plainte. 50. En dernier lieu, s’agissant tout d’abord de l’argument selon lequel les faits reprochés à la société auraient un caractère isolé et ne constitueraient dès lors pas un manquement aux dispositions applicables, la formation restreinte considère que, si les plaintes reçues par la CNIL ne révèlent en effet pas l’existence d’un manquement structurel en matière de droit d’accès, il n’en demeure pas moins que la société a méconnu ses obligations dans le traitement des demandes de Messieurs […] et […], alors que celles-ci étaient clairement formulées. Ces faits constituent bien un manquement aux obligations découlant des articles 12 et 15 du RGPD. 51. S’agissant ensuite de l’argument selon lequel les manquements qui sont reprochés à la société sont contemporains de la date d’entrée en application du RGPD, la formation restreinte rappelle que la plupart des obligations en cause, relatives aux droits d’accès, de rectification d’opposition et à la sécurité, existaient avant l’entrée en application du RGPD et que la loi " Informatique et Libertés " permettait déjà de les sanctionner. La formation restreinte considère, dès lors, que la société ne saurait utilement exciper d’un changement du cadre juridique pour justifier l’absence de conformité au jour des contrôles. 52. S’agissant enfin des améliorations apportées par la société à sa procédure de gestion des droits, tout en soulignant le caractère opportun de leur adoption pour améliorer le traitement des demandes, la formation restreinte rappelle qu’elles sont sans incidence sur l’existence du manquement au jour des contrôles, qui a duré de nombreux mois, et auquel il n’a été mis fin qu’après l’engagement de la procédure de sanction. 53. Au vu de ce qui précède, la formation restreinte considère qu’un manquement aux obligations des articles 12 et 15 du RGPD est constitué pour les plaintes déposées par Messieurs […] et […], peu important qu’il n’ait pas revêtu un caractère structurel. 54. Elle relève néanmoins que, dans le cadre de la procédure de sanction, la société a justifié avoir pris des mesures de mise en conformité avec les obligations du RGPD en apportant une réponse aux plaignants. 2. Sur le manquement relatif au droit de rectification en application de l’article 16 du RGPD 55. L’article 16 du RGPD prévoit le droit pour une personne d’obtenir du responsable du traitement " la rectification des données à caractère personnel la concernant qui sont inexactes ". 56. Le rapporteur se fonde sur une saisine reçue par la CNIL, émanant de Madame […] (plainte n° 19017852 intervenue en octobre 2019) et dans le cadre de laquelle la plaignante faisait état de difficultés rencontrées dans l’exercice de son droit de rectification, pour proposer à la formation restreinte de considérer que la société a méconnu ses obligations résultant de l’article 16 du RGPD. Elle indiquait avoir demandé à la société la rectification de son adresse postale figurant sur les factures téléphoniques, rendue nécessaire à la suite d’une renumérotation de la voirie par la mairie. 57. Le rapporteur observe qu’il ressort des constats effectués lors du contrôle du 22 janvier 2020 que la demande de la plaignante, formée en septembre 2019, n’a pas été prise en compte dès lors que l’adresse postale objet de la demande de rectification qui figure sur la facture datée du 14 octobre 2019 de la plaignante est la même que celle qui figure sur la facture datée du 14 janvier 2020. Le rapporteur a donc considéré qu’entre le 14 octobre 2019 et le 14 janvier 2020, la demande de rectification de la plaignante n’a pas été prise en compte par la société [...], soit plusieurs semaines après avoir adressé sa demande. 58. En défense, la société fait valoir qu’un traitement plus rapide de la demande de Madame […] était impossible au regard des impératifs de lutte contre la fraude. Elle précise en effet que lorsqu’une personne est à la fois cliente des sociétés [...] (car détentrice d’une ligne fixe) et [...] (car détentrice d’une ligne mobile), comme c’est le cas de la plaignante, il faut d’abord que l’adresse postale relative à la ligne fixe soit modifiée auprès de la société [...]. Elle précise que cette modification ne peut avoir lieu qu’une fois que l’adresse physique d’installation de la ligne téléphonique a été modifiée au sein d’un outil nommé " SETIAR ", qui est administré par la société ORANGE S.A. La société précise que cet outil " permet d’assurer la correspondance parfaite entre un numéro de téléphone et l’adresse d’installation physique de la ligne téléphonique, afin d’éviter toute erreur au moment de réaliser une opération sur cette ligne ". La société indique que ces différentes démarches ne peuvent pas être réalisées dans de brefs délais et qu’elle a agi de manière diligente pour traiter cette demande. La société considère en tout état de cause avoir répondu à la demande de Madame […] en lui adressant un courrier, le 17 septembre 2019, soit quatre jours après avoir reçu sa demande, lui indiquant qu’elle pouvait modifier son adresse en ligne, directement depuis son espace abonné. 59. La formation restreinte relève que la nécessité pour Madame […] de modifier elle-même son adresse dans son espace abonné aurait dû lui être mieux expliquée. Lors de la séance, la société a toutefois bien expliqué la nécessité, dans le cadre de la lutte contre la fraude, de passer par l’outil " SETIAR ". 60. Dans ces conditions, la formation restreinte prend acte des éléments apportés par la société en défense et considère que, s’agissant de cette plainte, les éléments du débat ne permettent pas de conclure à l’existence d’un manquement commis par la société. 3. Sur le manquement relatif à l’obligation de respecter la demande d’opposition des personnes concernées 61. L’article 12, paragraphe 3, du RGPD prévoit que " Le responsable du traitement fournit à la personne concernée des informations sur les mesures prises à la suite d'une demande formulée en application des articles 15 à 22, dans les meilleurs délais et en tout état de cause dans un délai d'un mois à compter de la réception de la demande. Au besoin, ce délai peut être prolongé de deux mois, compte tenu de la complexité et du nombre de demandes. Le responsable du traitement informe la personne concernée de cette prolongation et des motifs du report dans un délai d'un mois à compter de la réception de la demande. Lorsque la personne concernée présente sa demande sous une forme électronique, les informations sont fournies par voie électronique lorsque cela est possible, à moins que la personne concernée ne demande qu'il en soit autrement ". Enfin, aux termes du paragraphe 4 de cet article " si le responsable du traitement ne donne pas suite à la demande formulée par la personne concernée, il informe celle-ci sans tarder et au plus tard dans un délai d'un mois à compter de la réception de la demande des motifs de son inaction et de la possibilité d'introduire une réclamation auprès d'une autorité de contrôle et de former un recours juridictionnel ". 62. L’article 21 du RGPD dispose que " lorsque les données à caractère personnel sont traitées à des fins de prospection, la personne concernée a le droit de s'opposer à tout moment au traitement des données à caractère personnel la concernant à de telles fins de prospection, y compris au profilage dans la mesure où il est lié à une telle prospection ". 63. Le rapporteur se fonde sur quatre saisines reçues par la CNIL, émanant de Madame […] (plainte n° 19008223) ainsi que de Messieurs […] (plainte n° 19016318) et […] (plaintes n° 17017795 et n° 19018125) et dans le cadre desquelles les plaignants faisaient état de leurs difficultés dans l’exercice de leurs droits, pour proposer à la formation restreinte de considérer que la société a méconnu ses obligations résultant de l’article 21 du RGPD. 64. En défense, la société fait valoir qu’aucun manquement ne peut lui être reproché au titre de ces quatre saisines, car elle a pris en compte les demandes des plaignants dans ses bases de données. Elle fait ensuite valoir, en synthèse et comme développé au point 31, que les manquements allégués, eu égard au faible nombre de plaintes visées dans le rapport, sont tout au plus révélateurs d’erreurs humaines et non d’un problème quant au fonctionnement de la procédure de traitement des demandes d’exercice des droits par la société, qui constituerait un manquement aux dispositions applicables. Elle considère que les saisines litigieuses sont contemporaines de la date d’entrée en application du RGPD et antérieures à la mise en place du nouvel outil de ticketing en juin 2019 qui a permis d’améliorer le traitement des demandes d’exercice des droits. 65. En premier lieu, s’agissant de la saisine n° 19008223 intervenue en avril 2019, Madame […] a saisi la CNIL, expliquant qu’au cours des années 2018 et 2019, elle avait fait l’objet de démarchages téléphoniques par la société [...]. Au cours de cette période, la plaignante a manifesté à deux reprises, par courriers datés du 27 septembre 2018 et du 29 avril 2019, son opposition au traitement de ses données à caractère personnel à des fins de prospection. 66. Le rapporteur relève qu’il ressort des constats effectués par la délégation de contrôle que la plaignante a fait l’objet de deux campagnes de prospection le 28 août 2018 et le 11 avril 2019. Le rapporteur considère, dès lors, que la plaignante a été rendue destinataire de prospection commerciale près de huit mois après avoir, pour la première fois, manifesté son opposition. 67. En défense, la société admet qu’une " erreur humaine " a été commise, de sorte que la plaignante a fait l’objet d’une campagne de prospection en avril 2019 alors qu’elle avait préalablement exercé son droit d’opposition. Cependant, la société considère qu’aucun manquement ne peut être retenu à son encontre dans la mesure où elle a " dûment pris en compte " l’opposition de la plaignante formulée par courrier du 29 avril 2019, soit avant les opérations de contrôle sur place auxquelles la CNIL a procédé en janvier 2020. 68. Sur ce dernier point, la formation restreinte considère que l’existence d’un manquement ne saurait se limiter aux éléments attestant d’une non-conformité au jour des constatations effectuées dans le cadre d’un contrôle mené en application de l’article 19 de la loi " Informatique et Libertés ", mais peut tout aussi bien reposer sur tout élément obtenu par les services de la CNIL ou le rapporteur, attestant d’une non-conformité pour des faits ayant donné lieu à une plainte auprès de la CNIL et à une saisine de la formation restreinte, même si au moment du contrôle il a été mis fin à cette non-conformité. En l’espèce, le manquement repose sur des éléments probants, et est donc avéré. 69. Dans ces conditions, la formation restreinte considère qu’en ne prenant pas en compte l’opposition de la plaignante au traitement de ses données à caractère personnel à des fins de prospection dans les délais prévus, la société a méconnu ses obligations découlant des articles 12 et 21 du RGPD. 70. Elle relève néanmoins que, dans le cadre de la procédure de sanction, la société a justifié avoir pris en compte la demande d’opposition de la plaignante et dès lors, avoir pris des mesures de mise en conformité avec les obligations du RGPD. 71. En deuxième lieu, s’agissant de la saisine n° 19016318 intervenue en septembre 2019, émanant de Monsieur […], celui-ci a expliqué avoir fait l’objet de prospection commerciale par SMS sur des offres commercialisées par la société [...] jusqu’en juillet 2019, et fourni les captures d’écran des SMS correspondants dans sa plainte. Le plaignant indique avoir manifesté à plusieurs reprises son opposition au traitement de ses données à caractère personnel à des fins de prospection commerciale, notamment en juin 2018 auprès du délégué à la protection des données (ci-après " le DPO ") du [...]. 72. Le rapporteur observe qu’il ressort des éléments complémentaires communiqués par la société à la suite des contrôles que la société n’avait " au jour de la présente communication, pas retrouvé de trace de réponse apportée au plaignant " sans être en mesure d’en justifier la raison. Il considère, dès lors, que la société n’a pas pris en compte l’opposition du plaignant à recevoir de la prospection commerciale puisque ce dernier a continué à recevoir des sollicitations jusqu’en juillet 2019, soit près d’un an après avoir manifesté son opposition. 73. En défense, la société indique avoir pris en compte " promptement " la demande du plaignant, dès le 25 juillet 2018, après avoir reçu deux courriels de sa part les 10 juin et 8 juillet 2018. La société joint à cet effet une capture d’écran de la date d’inscription du plaignant au sein d’une base " anti prospection ". S’agissant ensuite des captures d’écran jointes par le plaignant, la société fait valoir qu’elles sont " dénuées de valeur probante puisque le numéro du destinataire n’apparaît pas, de sorte qu’il n’est pas établi que les SMS capturés par le plaignant aient été effectivement reçus par lui ". En revanche, elle ne conteste pas l’absence de réponse à la demande d’opposition du plaignant. Elle indique que le nouvel outil de ticketing mis en place à compter de juin 2019 permet désormais d’assurer une réponse systématique aux personnes concernées. 74. La formation restreinte considère que même si la société indique avoir pris en compte " promptement " la demande du plaignant, ce n’est pas pour autant qu’elle lui a apporté une réponse, puisque ce dernier n’en a reçu aucune et n’a donc pas eu d’information quant à la prise en compte de sa demande, ce qui est contraire aux dispositions de l’article 12 du RGPD. 75. Ensuite, s’il est exact que le numéro de téléphone n’apparaît pas sur les captures d’écran transmises par le plaignant, la formation restreinte relève qu’il est fréquent et compréhensible que les personnes qui déposent une plainte auprès de la CNIL transmettent les captures d’écran des messages reçus sur leur téléphone, ce qui ne permet logiquement pas de faire apparaître le numéro de téléphone du destinataire du message. Elle observe également que les sollicitations figurant sur les captures d’écran communiquées par le plaignant font bien référence à des dates ultérieures à la prise en compte de la demande de droit d’opposition du plaignant, confirmée par le DPO, puisqu’elles mentionnent des offres valables entre le 11 décembre 2018 et le 11 juillet 2019. Ainsi, la formation restreinte relève qu’aucun élément ne justifie de douter de la bonne foi du plaignant. Enfin, la formation restreinte rappelle que le droit d’opposition est attaché à une personne et non à un numéro de téléphone. La formation restreinte considère, dès lors, que ces captures d’écran révèlent que le plaignant a continué à recevoir des sollicitations près d’un an après avoir manifesté son opposition auprès du DPO du [...], en juin 2018. 76. Enfin, la formation restreinte rappelle que les améliorations apportées par l’outil de ticketing sont sans incidence sur l’existence et la matérialité du manquement, tant au regard des dispositions qui découlent de l’article 12 du RGPD (absence de réponse de la société au plaignant) que de son article 21 (Monsieur […] ayant continué à recevoir de la prospection commerciale près d’un an après avoir manifesté son opposition à l’utilisation de ses données pour cette finalité). 77. Dans ces conditions, la formation restreinte considère qu’en ne prenant pas en compte l’opposition du plaignant au traitement de ses données à caractère personnel à des fins de prospection dans les délais prévus, la société a méconnu ses obligations découlant des articles 12 et 21 du RGPD. 78. Elle relève néanmoins que, dans le cadre de la procédure de sanction, la société a justifié avoir pris des mesures pour se mettre en conformité avec les obligations découlant des articles 12 et 21 du RGPD. 79. En dernier lieu, s’agissant des saisines n° 17017795, de septembre 2017 et n° 19018125, d’octobre 2019, émanant de Monsieur […], celui-ci a expliqué qu’il a fait l’objet à plusieurs reprises de prospection par SMS et par courriers de la part de la société [...] portant sur la commercialisation d’offres, notamment celle relative au " Forfait [...] avec appels illimités […] ". Il indique avoir manifesté par courrier à plusieurs reprises, dès le mois de mars 2015, son opposition au traitement de ses données à caractère personnel à des fins de prospection commerciale et avoir pourtant continué à recevoir des sollicitations commerciales jusqu’en octobre 2019. 80. Par courriel du 21 septembre 2018, les services de la Commission ont rappelé à la société ses obligations en matière de prospection commerciale et lui a demandé de ne plus traiter les données du plaignant pour cette finalité commerciale. Par courriel du 3 octobre 2018, le DPO du [...] a répondu avoir pris en compte la demande et " supprimé les coordonnées de Monsieur […] ". 81. Le rapporteur observe qu’il ressort des éléments relevés lors du contrôle que, malgré les demandes formulées par le plaignant depuis 2015 et l’assertion du DPO du [...] en 2018 par laquelle il confirme " avoir supprimé les coordonnées de Monsieur […] ", son opposition au traitement de ses données à des fins de prospection n’a été prise en compte qu’à compter du 17 décembre 2019, soit plus de quatre ans après que la société a été destinataire de sa première demande. 82. En défense, la société indique qu’elle n’a jamais reçu de demande d’opposition du plaignant, à la différence de la société [...]. Elle considère qu’une demande d’opposition formée auprès de la société [...] n’est pas opposable à la société [...]. Elle indique toutefois qu’elle a pris en compte la volonté du plaignant lorsqu’il a " activé l’option anti démarchage sur son espace abonné ". Elle précise que cette opposition est effective depuis le 17 décembre 2019. La société précise ensuite que le courriel produit par le rapporteur, indiquant que le DPO du [...] confirme " avoir supprimé les coordonnées de Monsieur […] ", est une reconstitution d’un courriel et non l’original, ce qui ne constitue pas une preuve recevable, et elle relève par ailleurs que le courriel n’a pas été adressé aux bons interlocuteurs et qu’il n’incombait pas à la société [...] de prendre en compte la demande d’opposition du plaignant. 83. S’agissant d’abord de l’absence de réception de la demande d’opposition du plaignant par la société, la formation restreinte relève que le DPO du [...] – qui, par courriel du 3 octobre 2018, a indiqué à la CNIL " avoir supprimé les coordonnées de Monsieur […] " - est le DPO en charge des demandes relatives aux abonnés [...] et aux abonnés [...]. La formation restreinte considère qu’il lui incombait donc de traiter cette demande dans son ensemble ou de la répercuter, le cas échéant, auprès des services compétents afin qu’elle soit prise en compte. 84. En conséquence, l’argumentation de la société, selon laquelle il incombait à la seule société [...] de prendre en compte la demande du plaignant, ne peut être retenue. En effet, la demande du plaignant était une demande d’opposition générale à recevoir de la prospection commerciale par voie postale et par voie électronique (SMS et courriel) qui concernait aussi bien la société [...] que la société [...]. Dans son courrier du 5 mars 2015 adressé au service " Informatique et Libertés " de la société [...], le plaignant avait pris soin de préciser ses identifiants [...] et [...] et de formuler sa demande comme suit : " Conformément aux dispositions de l’article 38 alinéa 2 de la loi du 6 janvier 1978 modifiée, je vous demande de supprimer mes coordonnées de vos fichiers de contacts publicitaires, qu’ils soient par voie postale, téléphonique ou informatique. ". 85. S’agissant enfin de l’irrecevabilité du courriel du 3 octobre 2018 confirmant la réception et la prise en compte de la demande du plaignant par le DPO du [...], la formation restreinte observe que ce dernier ne figure pas dans sa forme originale dans l’outil métier de la CNIL (outil métier dans lequel sont enregistrés les éléments liés au traitement d’une plainte). Ce courriel était enregistré sous la forme d’une " communication ", qui est un onglet dans l’outil métier permettant à l’agent en charge de la plainte de ne pas enregistrer en tant que tel le courriel en pièce jointe du dossier mais d’indiquer manuellement qu’il a reçu un courriel de la société, en renseignant la date de réception, sélectionnant l’émetteur du message dans une liste de choix pré-définis et en copiant le contenu du message original. La formation restreinte considère, dès lors, que la manière dont ce courriel a été reproduit correspond bien à une procédure prévue dans l’outil métier de la CNIL et qu’elle peut le prendre en compte dans la mesure où l’ensemble des éléments pertinents y figurent, c’est-à-dire la date, le contenu du texte et l’identité de son auteur, et qu’ils présentent manifestement un lien direct avec l’objet de la plainte. Enfin, la formation restreinte relève que, si la société conteste la recevabilité de ce courriel, elle n’indique pas pour autant ne jamais avoir envoyé ce message. 86. Dès lors, la formation restreinte considère que l’argumentaire de la société n’est pas de nature à remettre en cause le fait que l’opposition du plaignant n’a été prise en compte qu’à compter du 17 décembre 2019, ce qui correspond selon la société à la date à laquelle le plaignant a activé " l’option anti démarchage sur son espace abonné ", ce qui est intervenu plus d’un an après l’indication par le DPO du [...], le 3 octobre 2018, de la prise en compte effective de cette demande, formulée initialement le 5 mars 2015. 87. Dans ces conditions, la formation restreinte considère qu’en ne prenant pas en compte l’opposition du plaignant au traitement de ses données à caractère personnel à des fins de prospection dans les délais prévus, la société a méconnu ses obligations découlant des articles 12 et 21 du RGPD. 88. Elle relève néanmoins que la société a justifié avoir pris des mesures pour se mettre en conformité avec les obligations découlant des articles 12 et 21 du RGPD. 89. Au vu de ce qui précède, la formation restreinte considère qu’un manquement aux obligations des articles 12 et 21 du RGPD est constitué pour les plaintes déposées par Madame […], Messieurs […] et […]. 4. Sur le manquement relatif à l’obligation de protéger les données à caractère personnel dès la conception 90. Aux termes de l’article 25 du RGPD " 1. Compte tenu de l'état des connaissances, des coûts de mise en œuvre et de la nature, de la portée, du contexte et des finalités du traitement ainsi que des risques, dont le degré de probabilité et de gravité varie, que présente le traitement pour les droits et libertés des personnes physiques, le responsable du traitement met en œuvre, tant au moment de la détermination des moyens du traitement qu'au moment du traitement lui-même, des mesures techniques et organisationnelles appropriées, telles que la pseudonymisation, qui sont destinées à mettre en œuvre les principes relatifs à la protection des données, par exemple la minimisation des données, de façon effective et à assortir le traitement des garanties nécessaires afin de répondre aux exigences du présent règlement et de protéger les droits de la personne concernée […] ". 91. Le rapporteur se fonde sur deux saisines de la CNIL en novembre 2019, émanant de Messieurs […] (plainte n° 19019626) et […] (plainte n° 19020342) et dans le cadre desquelles les plaignants faisaient état du fait qu’ils ne parvenaient pas à faire cesser l’envoi, par la société [...], de factures sur lesquelles apparaissait la mention d’une ligne mobile résiliée, pour proposer à la formation restreinte de considérer que la société a méconnu ses obligations résultant de l’article 25 du RGPD. 92. En défense, la société explique tout d’abord qu’elle adresse des factures à zéro euro à des clients après la résiliation de leur abonnement car ces derniers bénéficient d’un abonnement dit " multilignes ". La société précise que ce service permet à un abonné de rattacher à une ligne mobile principale, une ou plusieurs lignes secondaires, ce qui a pour conséquence de regrouper les factures des différentes lignes sur le compte principal associé à la ligne principale, et de procéder à un seul prélèvement correspondant à la somme des forfaits associés. La société fait ainsi valoir que " le traitement du numéro de téléphone correspondant à la ligne [mobile] principale résiliée est nécessaire, puisqu’il poursuit des finalités visant à permettre à [...] de poursuivre la bonne exécution de leur contrat en identifiant le débiteur des lignes multiples souscrites par ses abonnées et d’améliorer pour les abonnés, la lisibilité de la facturation de leurs abonnements et des prélèvements effectués sur leur compte ". Ensuite, la société précise néanmoins avoir initié une refonte de sa procédure de facturation de sorte que les factures des comptes multilignes associées à une ligne mobile principale résiliée comportent désormais la mention d’un identifiant permettant à l’abonné et à la société [...] de savoir, à des fins de facturation, qui est l’unique débiteur des lignes, sans continuer à mentionner la ligne principale résiliée sur la facture. 93. La formation restreinte relève qu’il ressort de l’article 25 du RGPD précité que les responsables de traitement doivent mettre en œuvre des mesures techniques et organisationnelles appropriées afin de respecter de façon effective les principes relatifs à la protection des données. 94. La formation restreinte considère que si l’information qu’une personne a été titulaire d’une ligne mobile résiliée peut effectivement être conservée à des fins d’exécution du contrat et à des fins comptables, ou encore pour la gestion du contentieux, il n’est en revanche pas nécessaire de continuer à traiter cette information dans le cadre de l’émission des facturations en cours, et de la faire apparaître sur ces dernières, alors que l’utilisation d’un identifiant permettant d’identifier le débiteur des différentes lignes mobiles (principales et secondaires) peut être utilisé à la place. La société aurait dû prévoir, dès la conception, des mesures organisationnelles et techniques pour ne plus traiter ces données dans ce cadre à la suite d’une demande de résiliation d’une ligne principale par la personne concernée. 95. Dans ces conditions, la formation restreinte considère que les faits précités constituent un manquement à l’article 25 du RGPD dès lors que la société n’a pas mis en œuvre les mesures organisationnelles et techniques permettant de procéder à l’effacement des données à caractère personnel qui n’étaient plus nécessaires pour les besoins de la facturation. 96. Elle relève néanmoins que, dans le cadre de la procédure de sanction, la société a justifié avoir effectué une refonte de sa procédure de facturation, de sorte que les factures comprennent désormais uniquement la mention des lignes actives, sans mention des lignes résiliées. La formation restreinte considère dès lors que la société s’est mise en conformité avec les obligations découlant de l’article 25 du RGPD. 5. Sur le manquement relatif à l’obligation d’assurer la sécurité des données à caractère personnel 97. L’article 32 du RGPD prévoit que : " Compte tenu de l'état des connaissances, des coûts de mise en œuvre et de la nature, de la portée, du contexte et des finalités du traitement ainsi que des risques, dont le degré de probabilité et de gravité varie, pour les droits et libertés des personnes physiques, le responsable du traitement et le sous-traitant mettent en œuvre les mesures techniques et organisationnelles appropriées afin de garantir un niveau de sécurité adapté au risque (…) " et, notamment, " des moyens permettant de garantir la confidentialité, l'intégrité, la disponibilité et la résilience constantes des systèmes et des services de traitement " et d’une " procédure visant à tester, à analyser et à évaluer régulièrement l’efficacité des mesures techniques et organisationnelles pour assurer la sécurité du traitement ". 98. En premier lieu, le rapporteur se fonde sur deux saisines émanant de Mesdames […] (plainte n° 19012802 de juillet 2019) et […] (plainte n° 19019490 d’octobre 2019) et dans le cadre desquelles les plaignantes faisaient état de l’absence d’authentification systématique de l’utilisateur pour accéder à un compte utilisateur [...] (pour l’utilisateur disposant d’un téléphone équipé d’une carte SIM [...] ou pour une personne bénéficiant du partage de connexion d’un utilisateur doté d’un téléphone équipé d’une carte SIM [...]), pour proposer à la formation restreinte de considérer que la société a méconnu ses obligations résultant de l’article 32 du RGPD. 99. En défense, la société fait valoir que les contrôles de la CNIL n’ont pas porté sur ces plaintes et que l’accès à l’espace mobile d’un abonné depuis un autre appareil via un partage de connexion n’est pas possible. 100. Au vu des éléments apportés par la société, la formation restreinte estime qu’il n’y a pas lieu de retenir de manquement à l’article 32 du RGPD au titre de ces faits. 101. En second lieu, le rapporteur observe qu’il ressort des constats effectués dans le cadre de la procédure de contrôle que la société transmet par courriel, en clair, les mots de passe des utilisateurs lors de leur souscription à une offre auprès de la société [...]. 102. En défense, la société fait d’abord valoir qu’en tant que responsable de traitement, elle est libre de choisir les mesures de sécurité à mettre en place et que les guides et les recommandations émises par la CNIL ou l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI) n’ont pas de caractère impératif et n’ont pas valeur de loi. Dès lors, la société considère qu’aucun manquement ne peut être retenu en l’absence d’une " violation caractérisée de l’obligation de sécurité, matérialisé par la survenance d’une violation de données à caractère personnel ", ce qui n’est pas le cas en l’espèce d’après elle. 103. La société fait ensuite valoir qu’à l’époque des opérations de contrôle, les abonnés étaient incités à modifier leur mot de passe sur leur espace abonné et sensibilisés sur l’importance de garder ces mots de passe confidentiels. Elle indique en outre que le mot de passe initial attribué par la société [...] présente un niveau de robustesse élevé. Elle précise enfin que l’espace abonné permet uniquement d’accéder à des informations " basiques " et non à des informations sensibles. 104. Tout d’abord, la formation restreinte rappelle que, en application de l’article 32 du RGPD, pour assurer la protection des données à caractère personnel, il incombe au responsable de traitement de prendre des " mesures techniques et organisationnelles appropriées afin de garantir un niveau de sécurité adapté au risque ". La formation restreinte considère qu’en l’espèce, les modalités de transmission des mots de passe mises en œuvre par la société ne sont pas adaptées au regard du risque que ferait peser sur la personne concernée la captation de leur identifiant et de leur mot de passe par un tiers. En effet, la transmission, en clair, d’un mot de passe qui n’est ni temporaire, ni à usage unique et dont le renouvellement n’est pas imposé, le rend aisément et immédiatement utilisable par un tiers qui aurait un accès indu au message qui le contient. Ce tiers pourrait ainsi accéder à toutes les données à caractère personnel présentes dans le compte utilisateur [...] de la personne concernée (notamment les nom, prénom, numéro de ligne mobile, adresse postale, adresse électronique, relevé d’identité bancaire, numéro de ligne mobile). Il pourrait également accéder à sa messagerie vocale, télécharger ses factures et le relevé de ses consommations, procéder à la modification du mot de passe, de l’adresse électronique ou des options du compte. Le fait que le mot de passe soit en lui-même robuste et que les personnes soient incitées à modifier leur mot de passe ne suffit pas à compenser ces risques, qui peuvent notamment entraîner des usurpations d’identité et des tentatives d’hameçonnage. Dès lors, la prise en compte de ces risques pour la protection des données à caractère personnel et de la vie privée des personnes conduit la formation restreinte à considérer que les mesures déployées pour garantir la sécurité des données en l’espèce sont insuffisantes. 105. Ensuite, la formation restreinte précise que si la délibération n° 2017-012 du 19 janvier 2017 ayant pour objet d’apporter des recommandations relatives aux mots de passe, le guide de la CNIL relatif à la sécurité des données à caractère personnel et la note technique de l’ANSSI relative aux mots de passe cités dans les écrits du rapporteur n’ont certes pas de caractère impératif, ils exposent toutefois les précautions élémentaires de sécurité correspondant à l’état de l’art. Dès lors, la formation restreinte rappelle qu’elle retient un manquement aux obligations découlant de l’article 32 du RGPD et non du non-respect des recommandations, qui constituent au demeurant un éclairage pertinent pour évaluer les risques et l’état de l’art en matière de sécurité des données à caractère personnel. 106. Outre ces recommandations, la formation restreinte souligne qu’elle a, à plusieurs reprises, adopté des sanctions pécuniaires où la caractérisation d’un manquement à l’article 32 du RGPD est le résultat de mesures insuffisantes pour garantir la sécurité des données traités, et non pas seulement le résultant de l’existence d’une violation de données à caractère personnel. Les délibérations n° SAN-2019-006 du 13 juin 2019 et n° SAN-2019-007 du 18 juillet 2019 visent notamment l’insuffisante robustesse des mots de passe ainsi que leur transmission aux clients de la société par courriel, en clair (lisible dans le corps du message), après la création du compte. 107. Dans ces conditions, eu égard aux risques encourus par les personnes rappelés ci-dessus, la formation restreinte considère que les faits précités constituent un manquement à l’article 32 du RGPD dès lors que la société transmet par courriel, en clair, les mots de passe des utilisateurs lors de leur souscription à une offre auprès de la société [...]. 108. Elle relève néanmoins que, dans le cadre de la procédure de sanction, la société atteste de la mise en œuvre obligatoire du renouvellement des mots de passe des utilisateurs lors de leur première connexion. Le mot de passe demandé par la société est conforme aux préconisations de la CNIL contenues dans sa recommandation de 2017 relative aux mots de passe. En outre, la formation restreinte relève que la société s’engage à ne plus transmettre les mots de passe des nouveaux abonnés en clair par courriel mais, à compter de la fin mars 2022, à ce que ces derniers créent eux-mêmes leur mot de passe, qui devra être conforme aux préconisations de la CNIL en la matière. III. Sur les mesures correctrices et leur publicité 109. Aux termes du III de l’article 20 de la loi du 6 janvier 1978 modifiée : " Lorsque le responsable de traitement ou son sous-traitant ne respecte pas les obligations résultant du règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016 ou de la présente loi, le président de la Commission nationale de l'informatique et des libertés peut également, le cas échéant après lui avoir adressé l'avertissement prévu au I du présent article ou, le cas échéant en complément d'une mise en demeure prévue au II, saisir la formation restreinte de la commission en vue du prononcé, après procédure contradictoire, de l'une ou de plusieurs des mesures suivantes : […] 2° Une injonction de mettre en conformité le traitement avec les obligations résultant du règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016 ou de la présente loi ou de satisfaire aux demandes présentées par la personne concernée en vue d'exercer ses droits, qui peut être assortie, sauf dans des cas où le traitement est mis en œuvre par l'État, d'une astreinte dont le montant ne peut excéder 100 000 € par jour de retard à compter de la date fixée par la formation restreinte ; […]7° À l'exception des cas où le traitement est mis en œuvre par l'État, une amende administrative ne pouvant excéder 10 millions d'euros ou, s'agissant d'une entreprise, 2 % du chiffre d'affaires annuel mondial total de l'exercice précédent, le montant le plus élevé étant retenu. Dans les hypothèses mentionnées aux 5 et 6 de l'article 83 du règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016, ces plafonds sont portés, respectivement, à 20 millions d'euros et 4 % dudit chiffre d'affaires. La formation restreinte prend en compte, dans la détermination du montant de l'amende, les critères précisés au même article 83. " 110. L’article 83 du RGPD prévoit que " Chaque autorité de contrôle veille à ce que les amendes administratives imposées en vertu du présent article pour des violations du présent règlement visées aux paragraphes 4, 5 et 6 soient, dans chaque cas, effectives, proportionnées et dissuasives ", avant de préciser les éléments devant être pris en compte pour décider s'il y a lieu d'imposer une amende administrative et pour décider du montant de cette amende. 111. En premier lieu, sur le principe du prononcé d’une amende, la société soutient qu’une telle mesure n’est pas justifiée. En effet, s’agissant des manquements relatifs à l’exercice des droits d’accès et d’opposition, la société considère que les plaintes qui sous-tendent ces manquements présentent un caractère isolé et, qu’en tout état de cause, elle a répondu aux demandes d’accès et pris en compte les demandes d’opposition des plaignants. S’agissant du manquement à l’obligation de protéger les données dès la conception, la société considère que le traitement du numéro de téléphone correspondant à la ligne mobile principale résiliée est nécessaire aux besoins de la bonne exécution du service de téléphonie mobile. S’agissant du manquement relatif à la sécurité des données, la société considère qu’en l’absence d’une violation de données à caractère personnel, la transmission en clair des mots de passe des utilisateurs n’est pas une " violation caractérisée de l’obligation de sécurité ". 112. La formation restreinte rappelle qu’elle doit tenir compte, pour le prononcé d’une amende administrative, des critères précisés à l’article 83 du RGPD, tels que la nature, la gravité et la durée de la violation, les mesures prises par le responsable du traitement pour atténuer le dommage subi par les personnes concernées, le degré de coopération avec l’autorité de contrôle et les catégories de données à caractère personnel concernées par la violation. 113. La formation restreinte considère d’abord que la société a fait preuve d’une négligence certaine s’agissant de principes fondamentaux du RGPD puisque quatre manquements sont constitués, portant notamment sur les droits des personnes et sur des mesures élémentaires en lien avec la sécurité des données à caractère personnel. La formation restreinte ajoute que plusieurs manquements ont donné lieu à des plaintes. Elle souligne en outre, s’agissant du manquement relatif à la sécurité des données, que la transmission par courriel, en clair, des mots de passe des utilisateurs lors de leur souscription à une offre auprès de la société [...], peut présenter un risque pour la vie privée des personnes concernées. 114. La formation restreinte relève ensuite que la société [...] est un acteur particulièrement important du secteur des télécommunications puisqu’elle dénombrait, en décembre 2020, environ […] abonnés aux offres de téléphonie mobile, […]. La formation restreinte observe également que la société, en sa qualité d’opérateur de téléphonie mobile, est au cœur de l’acheminement des flux de données à caractère personnel quotidiens de nombreuses personnes et doit dès lors faire preuve d’une particulière rigueur dans la gestion de la sécurité des données à caractère personnel concernées. 115. Enfin, la formation restreinte relève que les mesures de mise en conformité mises en place à la suite de la notification du rapport de sanction n’exonèrent pas la société de sa responsabilité pour les manquements constatés. 116. En conséquence, la formation restreinte considère qu’il y a lieu de prononcer une amende administrative au regard des manquements constitués aux articles 12, 15, 21, 25 et 32 du RGPD. 117. En deuxième lieu, s’agissant du montant de l’amende, la formation restreinte rappelle que les amendes administratives doivent être à la fois dissuasives et proportionnées. En l’espèce, la formation restreinte constate que les plaintes ayant donné lieu à des manquements apparaissent extrêmement isolées et peu nombreuses - leur nombre, de sept, doit être rapporté au nombre d’abonnés, […] -, de sorte que ces manquements ne peuvent aucunement être regardés comme ayant un caractère systémique. La formation restreinte tient également compte de l'activité de la société et de sa situation financière. 118. Dès lors, au vu de ces éléments, la formation restreinte considère que le prononcé d’une amende de 300 000 euros apparaît justifié. 119. En troisième lieu, une injonction de mettre en conformité le traitement avec les dispositions des articles 12, 15, 21, 25 et 32 du RGPD a été proposée par le rapporteur lors de la notification du rapport. 120. La société soutient que les actions qu’elle a mises en œuvre s’agissant de l’ensemble des manquements relevés doivent conduire à ne pas donner suite à la proposition d’injonction du rapporteur. 121. Comme indiqué précédemment, la formation restreinte relève que la société a pris des mesures de mise en conformité de ses traitements avec les dispositions des articles 12, 15, 21, 25 et 32 du RGPD. Elle considère dès lors qu’il n’y a plus lieu de prononcer d’injonction. 122. En dernier lieu, s’agissant de la publicité de la sanction, la société soutient qu’une telle mesure serait disproportionnée au regard des manquements retenus et du faible nombre de plaintes visées. Elle considère également que cette peine de publicité complémentaire porterait un dommage irréversible à sa réputation. 123. La formation restreinte considère que la publicité de la sanction se justifie au regard de la pluralité des manquements relevés, de leur persistance, et du nombre de personnes concernées. PAR CES MOTIFS La formation restreinte de la CNIL, après en avoir délibéré, décide de : • prononcer à l’encontre de la société [...] une amende administrative d’un montant de 300 000 (trois cent mille) euros pour les manquements aux articles 12, 15, 21, 25 et 32 du RGPD ; • rendre publique, sur le site de la CNIL et sur le site de Légifrance, sa délibération, qui n’identifiera plus nommément la société à l’expiration d’un délai de deux ans à compter de sa publication. Le président Alexandre LINDEN Cette décision est susceptible de faire l’objet d’un recours devant le Conseil d’État dans un délai de deux mois à compter de sa notification. |
CNILTEXT000044840062 | CNIL | texte/cnil/CNIL/TEXT/00/00/44/84/00/CNILTEXT000044840062.xml | DELIBERATION | Délibération de la formation restreinte n°SAN-2021-023 du 31 décembre 2021 concernant les sociétés X et Y | SAN-2021-023 | Sanction | 2021-12-31 00:00:00 | 2022-01-06 00:00:00 | VIGUEUR | La Commission nationale de l’informatique et des libertés, réunie en sa formation restreinte composée de Monsieur Alexandre LINDEN, président, Monsieur Philippe-Pierre CABOURDIN, vice-président, Madame Anne DEBET et Monsieur Alain DRU, membres ; Vu le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données ; Vu la directive 2002/58/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 juillet 2002 concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques ; Vu la loi no 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, notamment ses articles 20 et suivants ; Vu le décret no 2019-536 du 29 mai 2019 pris pour l'application de la loi no 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ; Vu la délibération no 2013-175 du 4 juillet 2013 portant adoption du règlement intérieur de la Commission nationale de l'informatique et des libertés ; Vu la décision no 2021-108C du 20 mai 2021 de la présidente de la Commission nationale de l’informatique et des libertés de charger le secrétaire général de procéder ou de faire procéder à une mission de vérification des traitements accessibles depuis les domaines [V].fr et [W].com ou portant sur des données à caractère personnel collectées à partir de ces derniers ; Vu la décision de la présidente de la Commission nationale de l’informatique et des libertés portant désignation d’un rapporteur devant la formation restreinte, en date du 28 juillet 2021 ; Vu le rapport de Madame Valérie PEUGEOT, commissaire rapporteure, notifié aux sociétés [X] et [Y] le 2 septembre 2021 ; Vu les observations écrites versées par les conseils des sociétés [X] et [Y] le 8 octobre 2021 ; Vu la réponse de la rapporteure à ces observations notifiées le 22 octobre 2021 aux conseils des sociétés ; Vu les observations écrites versées par les conseils des sociétés [X] et [Y] reçues le 12 novembre 2021 ; Vu les observations orales formulées lors de la séance de la formation restreinte ; Vu les autres pièces du dossier ; Étaient présents, lors de la séance de la formation restreinte du 25 novembre 2021 : - Madame Valérie PEUGEOT, commissaire, entendue en son rapport ; En qualité de représentants des sociétés [X] et [Y] : - […] ; En qualité d’interprètes des sociétés [X] et [Y] : - […] ; Les sociétés [X] et [Y] ayant eu la parole en dernier ; La formation restreinte a adopté la décision suivante : I. Faits et procédure 1. La société [X] est une société à responsabilité limitée ayant son siège social aux États-Unis. Depuis sa création en […], elle a développé de nombreux services à destination des particuliers et des entreprises, tels que […]. Elle possède plus de 70 bureaux implantés dans une cinquantaine de pays et emploie plus de 135 000 personnes à travers le monde. Depuis août 2015, la société [X] est une filiale détenue à 100% par la société [X’]., maison-mère du groupe [V]. 2. En 2020, la société [X’]. a réalisé un chiffre d’affaires de plus de 182 milliards de dollars, tandis que la société [X] a réalisé un chiffre d’affaires de plus de […] de dollars. Le moteur de recherche [V] a généré plus de 104 milliards de dollars de revenus, tandis que la publicité via les services du groupe [V] a généré des revenus de près de 147 milliards de dollars et, via les services de [W], de près de 20 milliards. 3. La société [Y] (ci-après la société [Y] ) se présente comme étant le siège du groupe [V] pour ses activités dans l’espace économique européen et en Suisse. Établie à Dublin (Irlande), elle emploie environ […] personnes. Elle a réalisé un chiffre d’affaires de […] d’euros en 2019. 4. La société [Z] SARL est l’établissement français du groupe [V]. Filiale détenue à 100 % par la société [X], son siège social est situé à Paris. Elle emploie environ […] salariés et a réalisé un chiffre d’affaires de […] d’euros en 2019. 5. Le 16 mars 2020, dans le cadre d’une précédente procédure diligentée à l’encontre des sociétés [X] et [Y], une délégation de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (ci-après la CNIL ou la Commission ) a effectué un contrôle en ligne sur le site web [V].fr . Cette mission avait notamment pour objet de vérifier le respect, par les sociétés [X] et [Y], des dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés (ci-après la loi Informatique et Libertés ) et notamment de son article 82. 6. En application de l’article 22 de la loi Informatique et Libertés , la présidente de la CNIL a désigné un rapporteur le 8 juin 2020. 7. Par délibération n° SAN-2020-012 du 7 décembre 2020, la formation restreinte a : - prononcé à l’encontre de la société [X] et de [Y] des amendes administratives d’un montant respectif de 60 millions et 40 millions d’euros pour manquement à l’article 82 de la loi Informatique et Libertés ; - prononcé à l’encontre des sociétés [X] et [Y] une injonction de mettre en conformité le traitement avec les obligations résultant de l’article 82 de la loi informatique et libertés , en particulier : o informer les personnes concernées au préalable et de manière claire et complète, par exemple sur le bandeau d’information présent sur la page d’accueil du site [V].fr : - des finalités de tous les cookies soumis au consentement, - des moyens dont elles disposent pour les refuser ; - assorti l’injonction d’une astreinte de 100 000 euros par jour de retard à l’issue d’un délai de trois mois suivant la notification de la présente délibération ; - rendu publique, sur le site de la CNIL et sur le site de Légifrance, sa délibération, qui n’identifiera plus nommément les sociétés à l’expiration d’un délai de deux ans à compter de sa publication. 8. Le 29 janvier 2021, les sociétés ont formé un recours en référé devant le Conseil d’État, sollicitant la suspension de l’injonction. Cette demande a été rejetée par une décision du 4 mars 2021 (CE, juge des référés, 4 mars 2021, N° 449212). 9. Parallèlement, les sociétés ont formé un recours de plein contentieux à l’encontre de la délibération du 7 décembre 2020. La procédure est toujours pendante devant le Conseil d’État. 10. Par délibération n° SAN-2021-004 du 30 avril 2021, la formation restreinte a considéré que les sociétés avaient satisfait à l’injonction dans le délai imparti, dans la mesure où les personnes se rendant sur le site [V].fr sont désormais informées, de manière claire et complète, de toutes les finalités des cookies soumis au consentement et des moyens mis à leur disposition pour les refuser, par le biais du bandeau d’information s’affichant à leur arrivée sur le site . 11. Les 18 mars, 31 mars, 2 avril et 28 avril 2021, la CNIL a été saisie de plusieurs plaintes dénonçant les modalités de refus des cookies des sites internet [V].fr et [W].com mis à la disposition des utilisateurs situés en France. 12. En application de la décision n° 2021-108C du 20 mai 2021 de la présidente de la Commission, les services de la CNIL ont procédé à un contrôle en ligne, le 1er juin 2021, sur les sites web [V].fr et [W].com . 13. Cette mission avait notamment pour objet de vérifier le respect, par les sociétés [X] et [Y] (ci-après les sociétés ), des dispositions de la loi Informatique et Libertés . 14. Dans le cadre du contrôle en ligne, la délégation a effectué des constatations lorsque l’utilisateur se rend sur les sites [V].fr et [W].com ; lorsqu’il clique sur le bouton Personnaliser ; lorsqu’il clique sur le lien Règles de confidentialité et lorsqu’il clique sur Conditions d’utilisation . 15. Le 3 juin 2021, la délégation a notifié aux sociétés le procès-verbal dressé dans le cadre du contrôle en ligne, en leur demandant d’indiquer, pour chacun des cookies mentionnés dans ledit procès-verbal, sa finalité et de fournir une volumétrie du nombre de visiteurs uniques quotidiens pour les sites [V].fr et [W].com au cours des douze derniers mois depuis la France. 16. Les 21 juin et 9 juillet 2021, la CNIL a été saisie de deux nouvelles plaintes dénonçant les modalités de refus des cookies du site web [V].fr . 17. Par courrier du 9 juillet 2021, la société [Y] a répondu à la demande de la délégation, indiquant apporter une réponse sans préjudice de [ses] droits au titre du RGPD, en particulier du mécanisme de guichet unique et du rôle d’autorité chef de file de la Data Protection Commission irlandaise (“DPC“) dans le cadre d’enquêtes . Elle a précisé agir en qualité de responsable du traitement des données à caractère personnel s’agissant des cookies déployés sur les domaines [V].fr et [W].com pour les utilisateurs situés au sein de l’espace économique européen et en Suisse. Elle a transmis en outre la finalité de chacun des cookies déposés sur le terminal des utilisateurs et identifiés dans le procès-verbal de constatations. Elle a en revanche refusé de fournir la volumétrie du nombre de visiteurs uniques de ces deux sites web au cours des douze derniers mois depuis la France, considérant qu’il n’était pas nécessaire de fournir ces informations à ce stade. 18. Aux fins d’instruction de ces éléments, la présidente de la Commission a désigné Madame Valérie PEUGEOT en qualité de rapporteure, le 28 juillet 2021, sur le fondement de l’article 22 de la loi Informatique et Libertés . 19. À l’issue de son instruction, la rapporteure a fait signifier en main propre, le 2 septembre 2021, aux conseils des sociétés et par courrier électronique à leurs représentants, un rapport détaillant le manquement à l’article 82 de la loi Informatique et Libertés qu’elle estimait constitué en l’espèce. 20. Ce rapport proposait à la formation restreinte de la Commission de prononcer une amende administrative à l’encontre des deux sociétés, ainsi qu’une injonction de mettre en conformité le traitement consistant en des opérations de lecture et/ou d’écriture d’informations dans le terminal des utilisateurs situés en France, sur les sites internet [V].fr et [W].com , avec les dispositions de l’article 82 de la loi Informatique et Libertés , assortie d’une astreinte. Il proposait également que cette décision soit rendue publique et ne permette plus d’identifier nommément les sociétés à l’expiration d’un délai de deux ans à compter de sa publication. 21. Par courrier du 9 septembre 2021, les sociétés, par l’intermédiaire de leurs conseils, ont sollicité un délai supplémentaire pour fournir leurs observations en réponse. Par courrier du 15 septembre 2021, le président de la formation restreinte leur a accordé un délai supplémentaire jusqu’au 8 octobre 2021. 22. Par courrier du 27 septembre 2021 adressé au président de la formation restreinte, les sociétés, par l’intermédiaire de leurs conseils, ont sollicité la suspension de la procédure dans l’attente de la décision du Conseil d’État dans le cadre du recours diligenté contre la délibération n° SAN-2020-012 du 7 décembre 2020. Le 30 septembre 2021, les conseils des sociétés ont informé le président de la formation restreinte de la création d’un groupe de travail par le Comité européen à la protection des données (ci-après le CEPD ), destiné à coordonner la réponse aux plaintes relatives aux bannières cookies, déposées par l’association None of Your Business (ci-après l’association NOYB ) auprès de différentes autorités de protection des données européennes. 23. Par courrier du 4 octobre 2021, la président de la formation restreinte a rejeté la demande de suspension de la procédure formulée par les sociétés. 24. Le 8 octobre 2021, les sociétés ont produit des observations en réponse au rapport de sanction. 25. La rapporteure a répondu aux observations des sociétés le 22 octobre 2021. 26. Le 27 octobre 2021, par l’intermédiaire de leurs conseils, les sociétés ont formulé une demande d’extension du délai de quinze jours prévu par l’article 40 du décret n° 2019-536 du 29 mai 2019 pour produire leurs observations en réponse, une demande de report de la séance de la formation restreinte fixée au 25 novembre 2021 et une demande pour que la séance se tienne à huis clos. 27. Le 29 octobre 2021, le président de la formation restreinte a accordé un délai supplémentaire de huit jours aux sociétés pour produire leurs secondes observations et a refusé de reporter la date de la séance de la formation restreinte et de tenir ladite séance à huis clos. 28. Le 12 novembre 2021, les sociétés ont produit de nouvelles observations en réponse à celles de la rapporteure. 29. Les sociétés et la rapporteure ont présenté des observations orales lors de la séance de la formation restreinte. II. Motifs de la décision A. Sur la demande de suspension de la procédure 30. Les sociétés sollicitent que la formation restreinte sursoie à statuer dans l’attente de la décision qui sera rendue par le Conseil d’État dans le cadre du recours formé à l’encontre de la délibération n° SAN-2020-012 du 7 décembre 2020 et dans l’attente des conclusions du nouveau groupe de travail du CEPD mentionné ci-avant. Elles fondent leur demande sur l’article 66 du règlement intérieur de la CNIL et sur le principe de bonne administration de la justice. Les sociétés font notamment valoir qu’elles demandent au Conseil d’État de se prononcer sur plusieurs moyens qui auront des conséquences directes et décisives sur la présente procédure de sanction. Elles soutiennent en particulier devant le Conseil d’État que la CNIL n’était pas compétente pour prononcer des sanctions administratives à leur encontre, alors au surplus que le cadre juridique applicable en matière de cookies n’était pas encore consolidé et que les sanctions prononcées sont manifestement injustifiées et disproportionnées. 31. En premier lieu, la formation restreinte observe que l’article 66 du règlement intérieur de la CNIL dispose que Les séances de la formation restreinte sont présidées par son président ou, en cas d’empêchement, par son vice-président. Le président de séance dirige les débats et assure la police de la séance. Il peut ordonner toute suspension qu’il juge utile . La suspension évoquée dans le cadre de cet article ne concerne pas la suspension de la procédure de sanction, mais vise la suspension de la séance de la formation restreinte. 32. En deuxième lieu, les sociétés ont déjà fait valoir ces mêmes arguments auprès du président de la formation restreinte dans leur courrier du 27 septembre 2021, lequel a refusé de faire droit à la demande de suspension par courrier du 4 octobre, en considérant que la décision d’engager une procédure de sanction appartient au président de la Commission et qu’il n’entre pas dans les pouvoirs du président de la formation restreinte d’en ordonner la suspension. Le président de la formation restreinte rappelait également dans ce courrier qu’en application de l’article L. 4 du code de justice administrative, la requête en annulation formée contre la délibération de la formation restreinte du 7 décembre 2020 devant le Conseil d’État n’a pas d’effet suspensif et, qu’au surplus, la date à laquelle cette juridiction examinera ce dossier n’était pas connue. Il ajoutait enfin que la création d’un groupe de travail au sein du CEPD n’était pas de nature, en tout état de cause, à justifier une suspension de la procédure de sanction. 33. En troisième lieu, la décision du Conseil d’État pourrait ne pas intervenir avant plusieurs mois. 34. En dernier lieu, s’agissant de la création du groupe de travail par le CEPD concernant les bandeaux cookies, la formation restreinte relève que l’issue de ces travaux n’est pas connue à ce jour. 35. La formation restreinte considère dès lors qu’il n’y a pas lieu de surseoir à statuer. B. Sur le grief tiré de la violation du principe non bis in idem 36. Les sociétés soutiennent que la formation restreinte ne peut se prononcer une nouvelle fois sur les mêmes faits que ceux concernés par les délibérations n° SAN-2020-012 du 7 décembre 2020 et n° SAN-2021-004 du 30 avril 2021, sans violer le principe non bis in idem. Elles font valoir que les parties concernées par cette procédure et les précédentes délibérations précitées sont identiques, que les deux procédures concernent les mêmes faits et qu’une décision définitive, la délibération n° SAN-2021-004 du 30 avril 2021, est intervenue. 37. En premier lieu, la formation restreinte relève que, dans sa délibération n° SAN-2020-012 du 7 décembre 2020, elle a retenu un manquement à l’article 82 de la loi Informatique et Libertés compte tenu du défaut d’information des personnes, du défaut de recueil du consentement des personnes avant le dépôt des cookies sur leur terminal et du caractère partiellement défaillant du mécanisme d’opposition mis en place par [V]. Elle a également prononcé à leur encontre une injonction de mettre en conformité le traitement avec les obligations résultant de l’article 82 de la loi informatique et libertés , en particulier : o Informer les personnes concernées au préalable et de manière claire et complète, par exemple sur le bandeau d’information présent sur la page d’accueil du site [V].fr : - des finalités de tous les cookies soumis au consentement, - des moyens dont elles disposent pour les refuser . 38. La formation restreinte relève ainsi que la première procédure ayant abouti à la délibération précitée comportait une injonction relative à l’information des utilisateurs sur les finalités des cookies soumis au consentement et sur les moyens de refuser les cookies. La procédure actuelle porte sur les modalités de refus elles-mêmes, et non uniquement sur l’information. Ainsi, les deux procédures ne concernent pas les mêmes faits. 39. En deuxième lieu, les sociétés font valoir que, aux termes de la délibération n° SAN-2020-012 du 7 décembre 2020, la formation restreinte leur a enjoint de se conformer à l’article 82 de la loi Informatique et Libertés dans toutes ses dispositions et de fournir notamment, mais non exclusivement en raison de l’utilisation des termes en particulier , des informations sur les finalités des cookies et sur les moyens de s’y opposer. Elles ajoutent que, par la délibération n° SAN-2021-004 du 30 avril 2021, la formation restreinte aurait décidé que le mécanisme de consentement et de rejet des cookies, dans son entièreté, était conforme à l’article 82 de la loi Informatique et Libertés et que les sociétés auraient satisfait à l’injonction dans le délai imparti. 40. La formation restreinte ne souscrit pas à cette analyse. Le rapport de sanction de la procédure antérieure ne portait que sur l’information mise en place par les sociétés sur le bandeau cookies, sur le dépôt de cookies sans consentement et sur la défaillance partielle du mécanisme d’opposition . Il ne fait donc aucun doute que la formation restreinte n’a pas pu se prononcer sur ce dont elle n’était pas saisie dans le cadre de la procédure contradictoire. Ainsi, si les mots en particulier peuvent porter à confusion, lorsque la formule est prise de manière isolée, la formation restreinte rappelle que cette injonction ne saurait être lue de manière décorrélée de l’ensemble de la décision correspondante. Or, dans le cadre de cette précédente procédure, la formation restreinte ne s’est prononcée que sur le périmètre précité et l’injonction n’a été prononcée qu’en lien avec l’information des personnes. Les modalités de refus des opérations de lecture et/ou d’écriture, qui sont l’objet de la présente procédure de sanction, ne rentraient pas dans le champ de cette injonction. La délibération n° SAN-2021-004 du 30 avril 2021 devant nécessairement être lue à la lumière de la délibération n° SAN-2020-012 du 7 décembre 2020, il ne saurait être considéré que l’injonction prononcée portait sur l’ensemble des obligations résultant de l’article 82 de la loi Informatique et Libertés . 41. À cet égard, la formation restreinte relève que, dans deux courriers du 17 février 2021 adressés aux sociétés, le secrétaire général de la CNIL a rappelé que, comme cela ressort des motifs et du dispositif de la délibération n° SAN-2020-012 du 7 décembre 2020, la conformité attendue dans la cadre de la procédure d’injonction portait uniquement sur l’information fournie aux personnes sur la page d’accueil du site [V].fr . Il était également indiqué que, s’agissant de l’obligation d’informer les personnes concernées de manière claire et complète des moyens mis à leur disposition pour refuser les cookies, cette question est difficilement détachable de la question des modalités de refus sur le premier niveau, par un bouton refuser ou une solution équivalente, qui n’est pas dans le champ de l’injonction . Dans une perspective d’accompagnement – et au regard des évolutions attendues au titre de l’entrée en vigueur du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 (ci-après le Règlement ou le RGPD ), éclairées par la recommandation du 17 septembre 2020, et pour lesquelles une période d’adaptation avait été laissée par la CNIL aux acteurs jusqu’au 1er avril 2021 – le courrier comportait une analyse excédant le périmètre de l’injonction prononcée par la formation restreinte, qui portait sur les éléments fournis par les sociétés en réponse à l’injonction, éléments qui dépassaient eux-mêmes le périmètre du dispositif de la délibération. Dans ce cadre, il était rappelé aux sociétés qu’il doit être aussi facile de donner son consentement que de refuser de le donner ou de le retirer et il leur était indiqué qu’il leur reviendrait d’insérer sur le bandeau d’information un bouton Je refuse à côté du bouton J’accepte , tout en précisant qu’elles pouvaient bien entendu changer les intitulés de ces boutons tant qu’ils permettent à l’utilisateur de comprendre clairement et directement les conséquences de ses choix . Si ce courrier ne revêt aucune valeur impérative, la formation restreinte relève qu’aux termes d’un courrier que [Y] a adressé au président de la formation restreinte le 30 mars 2021, la société avait répondu : nous partageons l’analyse des services de la CNIL selon laquelle le mécanisme de consentement de [V] n’entre pas dans le périmètre de l’injonction prononcée par la formation restreinte dans sa délibération du 7 décembre 2020 . 42. Dès lors, les sociétés ne sauraient affirmer que la formation restreinte a validé le nouveau bandeau cookies mis en place par leurs soins à la suite de la première procédure de sanction, alors même qu’elles avaient elles-mêmes pleinement conscience que le mécanisme de consentement et de rejet des cookies, dans son entièreté, n’était pas l’objet de cette procédure précédente et que la CNIL a rappelé à différentes occasions qu’elle ne se prononçait pas sur ce point dans le cadre de la précédente procédure. 43. La formation restreinte relève en effet que, dans son communiqué de presse relatif à la clôture de l’injonction du 4 mai 2021, la CNIL avait également pris soin de préciser que : Saisie avant la fin de la période d’adaptation laissée aux acteurs par la CNIL, la formation restreinte n’a pas examiné la conformité du bandeau d’information fourni sur le site [V].fr aux nouvelles règles en matière de cookies, portant notamment sur le consentement, qui sont éclairées par les lignes directrices et la recommandation du 17 septembre 2020. Cette décision de clôture ne préjuge donc pas de l’analyse de la CNIL quant à la conformité de [V].fr à ces exigences, selon lesquelles l’utilisateur doit désormais être en mesure de refuser les cookies aussi facilement qu’il peut les accepter. La CNIL se réserve désormais la possibilité de contrôler ces modalités de refus et, si nécessaire, de mobiliser l’ensemble de sa chaîne répressive . 44. En dernier lieu, la formation restreinte relève que la présente procédure vise à la fois les sites internet [V].fr et [W].com , alors que la précédente procédure ne portait que sur le site [V].fr . 45. La formation restreinte considère dès lors que le grief tiré de la violation du principe non bis in idem doit être écarté. C. Sur la compétence de la CNIL 1. Sur la compétence matérielle de la CNIL et la non-application du mécanisme de guichet unique prévu par le RGPD 46. Les traitements objets du contrôle diligenté le 1er juin 2021 par une délégation de la CNIL sont effectués dans le cadre de la fourniture de services de communications électroniques accessibles au public par le biais d’un réseau public de communications électroniques proposés au sein de l’Union européenne. À ce titre, ils entrent dans le champ d’application matériel de la directive ePrivacy . 47. L’article 5, paragraphe 3, de cette directive, relatif au stockage ou à l’accès à des informations déjà stockées dans l’équipement terminal d’un abonné ou d’un utilisateur, a été transposé en droit interne à l’article 82 de la loi Informatique et Libertés , au sein du chapitre IV de la loi relatif aux Droits et obligations propres aux traitements dans le secteur des communications électroniques. 48. Aux termes de l’article 16 de la loi Informatique et Libertés , la formation restreinte prend les mesures et prononce les sanctions à l'encontre des responsables de traitements ou des sous-traitants qui ne respectent pas les obligations découlant […] de la présente loi . Au titre de l’article 20, paragraphe III, de cette même loi, lorsque le responsable de traitement ou son sous-traitant ne respecte pas les obligations résultant […] de la présente loi, le président de la Commission nationale de l'informatique et des libertés […] peut saisir la formation restreinte . 49. La rapporteure considère que la CNIL est matériellement compétente en application de ces dispositions pour contrôler et sanctionner les opérations d’accès ou d’inscription d’informations mises en œuvre par les sociétés dans les terminaux des utilisateurs des sites [V].fr et [W].com en France. 50. Les sociétés contestent la compétence de la CNIL et estiment qu’elles devraient se voir appliquer le cadre procédural prévu par le RGPD, c’est-à-dire le mécanisme de coopération entre les autorités de contrôle, dit mécanisme de guichet unique , prévu au chapitre VII du Règlement. En application de ce mécanisme, l’autorité de contrôle compétente pour connaître des faits en cause ne serait pas la CNIL mais l’autorité de protection des données irlandaise, la Data Protection Commissionner (ci-après la DPC ), qui devrait agir en qualité d'autorité chef de file à l’égard du déploiement des cookies, celle-ci étant compétente selon les sociétés aussi bien au titre du RGPD que de la directive ePrivacy . 51. À ce soutien, les sociétés invoquent notamment le lien inextricable entre le RGPD et la directive ePrivacy , considérant que l’application du RGPD ne peut être exclue lorsque l’article 82 de la loi Informatique et Libertés s’applique. Elles invoquent également le principe de lex specialis – lex generalis en vertu duquel, selon elles, la directive ePrivacy précise et complète le RGPD. Les sociétés considèrent que l’absence de règles spécifiques relatives à la détermination de la compétence de l’autorité de contrôle en cas de traitements transfrontaliers relevant du champ d’application de la directive ePrivacy devrait se voir suppléée par l’application du cadre procédural prévu par le RGPD. Elles soutiennent que l’application du mécanisme de guichet unique est non seulement conforme à l’intention du législateur européen, mais aussi à l’interprétation du CEPD, et correspond en outre à la position adoptée par plusieurs autorités européennes. Elles relèvent à cet égard que le pouvoir laissé aux États membres quant au choix de l’autorité nationale chargée de veiller au respect de la directive ePrivacy ne fait pas obstacle à l’application du mécanisme de guichet unique prévu par le RGPD, dans la mesure où des accords de coopération entre ces autorités ont été conclus dans plusieurs États membres afin que les autorités de protection des données et les autorités chargées de l’application de la directive ePrivacy , s’il s’agit d’autorités différentes, puissent exercer conjointement des pouvoirs d’exécution sur une question relevant du champ d’application du RGPD et de la directive ePrivacy et ainsi participer au mécanisme de guichet unique. 52. Les sociétés ajoutent en outre que l’annonce du CEPD du 27 septembre 2021 relative à la création d’un groupe de travail sur les bandeaux cookies en réponse au nombre important de plaintes récemment déposées auprès des autorités de contrôle par l’association NOYB constitue une preuve selon laquelle le CEPD considère que les violations liées aux cookies relèvent directement du champ d’application du RGPD et, par conséquent, du mécanisme de guichet unique . 53. À titre liminaire, la formation restreinte souligne la distinction qu’il convient d’opérer entre, d’une part, les opérations consistant à déposer et à lire un cookie sur le terminal d’un utilisateur et, d’autre part, l’utilisation ultérieure qui est faite des données générées par ces cookies, par exemple à des fins de profilage, généralement désignée sous l’expression traitements subséquents (dits également ultérieurs ). Chacune de ces deux étapes successives est soumise à un régime juridique différent : tandis que les opérations de lecture et d’écriture dans un terminal sont régies par des règles spéciales, fixées par la directive ePrivacy - en l’occurrence, par son article 5 paragraphe 3 -, et transposées en droit national, les traitements subséquents sont quant à eux régis par le RGPD et, à ce titre, peuvent être soumis au mécanisme de guichet unique dans l’hypothèse où ils seraient transfrontaliers. 54. En l’espèce, la formation restreinte rappelle que la présente procédure ne vise que les opérations de lecture et d’écriture mises en œuvre dans le terminal de l’utilisateur situé en France se rendant sur le moteur de recherche [V] et [W], les constatations matérielles effectuées par la délégation lors du contrôle en ligne du 1er juin 2021 n’ayant porté que sur ces opérations, sans s’intéresser aux traitements subséquents mis en œuvre à partir des données collectées via ces cookies. 55. En premier lieu, la formation restreinte relève qu’il ressort des dispositions citées ci-avant que le législateur français a chargé la CNIL de veiller au respect des dispositions de la directive ePrivacy transposées à l’article 82 de la loi Informatique et Libertés , en lui confiant notamment le pouvoir de sanctionner toute méconnaissance de cet article. Elle souligne que cette compétence a notamment été reconnue par le Conseil d’État dans sa décision Association des agences-conseils en communication du 19 juin 2020 concernant la délibération de la CNIL no 2019-093 portant adoption de lignes directrices relatives à l’application de l’article 82 de la loi du 6 janvier 1978 modifiée aux opérations de lecture ou écriture dans le terminal d’un utilisateur. Le Conseil d’État a en effet relevé que l’article 20 de cette loi confie [au] président [de la CNIL] le pouvoir de prendre les mesures correctrices en cas de non-respect des obligations résultant du règlement (UE) 2016/279 ou de ses propres dispositions, ainsi que la possibilité de saisir la formation restreinte en vue du prononcé des sanctions susceptibles d’être prononcées (CE, 19 juin 2020, req. 434684, pt. 3). 56. En deuxième lieu, la formation restreinte considère que lorsqu’un traitement peut relever à la fois du champ d’application matériel de la directive ePrivacy et du champ d’application matériel du RGPD, il convient de se référer aux dispositions pertinentes des deux textes qui prévoient leur articulation. Ainsi, l’article 1er, paragraphe 2, de la directive ePrivacy dispose que les dispositions de la présente directive précisent et complètent la directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 24 octobre 1995 sur la protection des données personnelles (ci-après la directive 95/46/CE sur la protection des données personnelles ), étant rappelé que depuis l’entrée en application du Règlement, les références faites à cette dernière directive doivent s’entendre comme faites au RGPD, conformément à l’article 94 de ce dernier. De même, il ressort du considérant 173 du RGPD que ce texte prévoit explicitement n’être pas applicable aux traitements de données à caractère personnel soumis à des obligations spécifiques ayant le même objectif [de protection des libertés et droits fondamentaux] énoncées dans la directive 2002/58/CE du Parlement européen et du Conseil, y compris les obligations incombant au responsable du traitement et les droits des personnes physiques . Cette articulation a été confirmée par la CJUE dans sa décision Planet49 du 1er octobre 2019 (CJUE, 1er octobre 2019, C 673/17, pt. 42). 57. À cet égard, la formation restreinte relève que, contrairement à ce que soutiennent les sociétés, la directive ePrivacy constitue un corps de règles spéciales, qui prévoit bien, pour les obligations spécifiques qu’elle comporte, son propre mécanisme de mise en œuvre et de contrôle de son application au sein de son article 15bis. Ainsi, le premier paragraphe de cet article laisse aux États membres la compétence pour déterminer le régime des sanctions, y compris des sanctions pénales s’il y a lieu, applicables aux violations des dispositions nationales prises en application de la présente directive et [prendre] toute mesure nécessaire pour assurer la mise en œuvre de celles-ci. Les sanctions ainsi prévues doivent être effectives, proportionnées et dissuasives et peuvent être appliquées pour couvrir la durée de l’infraction, même si celle-ci a été ultérieurement corrigée . La règle posée au 3) de l’article 5 de la directive ePrivacy , selon laquelle les opérations de lecture et/ou d’écriture doivent systématiquement faire l’objet d’un accord préalable de l’utilisateur, après information, constitue une règle spéciale au regard du RGPD puisqu’elle interdit de se prévaloir des bases légales mentionnées à l’article 6 de ce dernier pour pouvoir licitement procéder à ces opérations de lecture et/ou d’écriture sur le terminal. Le contrôle de cette règle relève donc bien du mécanisme spécial de contrôle et sanction prévu par la directive ePrivacy , et non des autorités de protection de données et du CEPD en application du RGPD. C’est par un choix propre que le législateur en France a confié cette mission à la CNIL. De plus, le deuxième paragraphe du même article oblige les États membres à veiller à ce que l’autorité nationale compétente et, le cas échéant, d’autres organismes nationaux aient le pouvoir d’ordonner la cessation des infractions visées au paragraphe I . 58. Au vu de ce qui précède, la formation restreinte considère qu’en application de l’adage specialia generalibus derogant, les règles spécifiques relatives aux cookies qui découlent de la directive ePrivacy prévalent sur les règles générales du RGPD. Ainsi, le mécanisme de guichet unique prévu par le RGPD ne peut être appliqué aux traitements visés par la directive, comme le prétendent les sociétés. 59. En troisième lieu, la formation restreinte ajoute que cette exclusion est corroborée par le fait que les États membres, qui sont libres de déterminer l’autorité nationale compétente pour connaître des violations des dispositions nationales prises en application de la directive ePrivacy , peuvent avoir attribué cette compétence à une autorité autre que leur autorité nationale de protection des données instituée par le RGPD, en l’occurrence à leur autorité de régulation des télécommunications. Dès lors, dans la mesure où ces dernières autorités ne font pas partie du CEPD, alors que ce comité joue une fonction incontournable dans le mécanisme de contrôle de la cohérence mis en œuvre au chapitre VII du RGPD, il est de fait impossible d’appliquer le guichet unique à des pratiques susceptibles d’être sanctionnées par des autorités de contrôle nationales ne siégeant pas au sein de ce comité. 60. La formation restreinte souligne que les accords de coopération passés entre autorités de protection des données et autorités de régulation des télécommunications dans certains États membres, invoqués par la société, ont pour but d’instaurer une coopération au niveau national entre les différents régulateurs afin d’assurer la cohérence de leurs doctrines sur des sujets connexes mais n’ont pas pour objectif de faire participer en tant que telles les autorités de régulation des télécommunications au mécanisme de guichet unique prévu par le chapitre VII du RGPD. 61. En quatrième lieu, la formation restreinte note que le CEPD a, dans son avis n° 5/2019 du 12 mars 2019 relatif aux interactions entre la directive vie privée et communications électroniques et le RGPD, explicitement exclu l’application du mécanisme de guichet unique à des faits relevant matériellement de la directive ePrivacy en ces termes : conformément au chapitre VII du RGPD, les mécanismes de coopération et de cohérence dont disposent les autorités de protection des données au titre du RGPD concernent le contrôle de l’application des dispositions du RGPD. Les mécanismes du RGPD ne s’appliquent pas au contrôle de l’application des dispositions de la directive vie privée et communications électroniques en tant que telle (CEPD, avis 5/2019, 12 mars 2019, pt. 80). 62. En cinquième lieu, la formation restreinte relève que la CJUE, dans un arrêt Facebook Belgium rendu le 15 juin 2021, a repris l’avis 5/2019 du CEPD précité. La CJUE a suivi sur ce point les conclusions de son avocat général, M. BOBEK, lequel estimait qu’ afin de décider si une affaire relève effectivement du champ d’application matériel du RGPD, une juridiction nationale, y compris toute juridiction de renvoi, est tenue de rechercher la source précise de l’obligation légale pesant sur un opérateur économique dont il est allégué qu’il l’a enfreinte. Si la source de cette obligation n’est pas le RGPD, les procédures établies par cet instrument, qui sont liées à son objectif principal, ne sont logiquement pas non plus applicables (CJUE, conclusions de l’avocat général M. BOBEK, 13 janvier 2021, Facebook Belgium, C 645/19, pts. 37 et 38). 63. En l’occurrence, la formation restreinte relève que, dans la présente procédure, la source précise de l’obligation légale objet du contrôle trouve son origine dans l’article 5, paragraphe 3, de la directive ePrivacy , transposé à l’article 82 de la loi Informatique et Libertés , éclairé par les conditions du consentement tel que prévu par le RGPD, l’article 2, f), de la directive ePrivacy prévoyant que le consentement d’un utilisateur correspond au consentement de la personne concernée figurant dans la directive 95/46/CE, à laquelle s’est substitué le RGPD. 64. La formation restreinte souligne également que d’autres autorités nationales de protection des données ont également déjà prononcé des sanctions portant sur des manquements relatifs aux opérations de lecture et/ou d’écriture d’informations dans le terminal des utilisateurs. L’autorité espagnole a ainsi rendu plusieurs décisions de sanction à l’encontre de différents responsables de traitement en application exclusive des dispositions nationales transposant la directive ePrivacy , en l’occurrence l’article 22, paragraphe 2 de la Ley 34/2002 de 11 de julio de Servicios de la Sociedad de la Información y de Comercio Electrónico, sans que soit mise en œuvre la procédure de coopération instituée par le RGPD. 65. En sixième lieu, la formation restreinte note que l’éventuelle application du mécanisme de guichet unique à un traitement encadré par la directive ePrivacy fait l’objet de nombreuses discussions dans le cadre de l’élaboration du projet de règlement ePrivacy en cours de négociation depuis plus de quatre ans au niveau européen. L’existence même de ces débats confirme qu’en l’état, le mécanisme de guichet unique prévu par le RGPD n’est pas applicable aux matières régies par l’actuelle directive ePrivacy . 66. En dernier lieu, selon la formation restreinte, la création d’un groupe de travail sur les bandeaux cookies en réponse au nombre important de plaintes déposées auprès des autorités de contrôle européennes par l’association NOYB ne signifie pas, contrairement à ce qui est soutenu, que le CEPD considère que toutes les violations liées aux cookies relèvent nécessairement du champ d’application du RGPD. La formation restreinte note d’ailleurs que certaines des questions évoquées dans ces plaintes concernent les traitements subséquents qui, eux, relèvent du RGPD. En outre, en application de l’article 70, paragraphe 1 u), le CEPD a notamment pour mission de promouvoir la coopération et l’échange bilatéral et multilatéral effectif d’informations et de bonnes pratiques entre les autorités de contrôle. L’objet du groupe de travail est ainsi d’échanger sur l’analyse des nombreuses plaintes déposées par l’association NOYB. La création de ce groupe de travail ne remet pas en cause la position du CEPD, dans son avis 5/2019 précité. 67. Ainsi, la formation restreinte considère que le mécanisme de guichet unique prévu par le RGPD n’est pas applicable à la présente procédure et que la CNIL est compétente pour contrôler et sanctionner les traitements consistant en des opérations de lecture et/ou d’écriture d’informations dans le terminal des utilisateurs situés en France mis en œuvre par les sociétés relevant du champ d’application de la directive ePrivacy , sous réserve qu’ils se rattachent à sa compétence territoriale. 2. Sur la compétence territoriale de la CNIL 68. La règle d’application territoriale des exigences fixées à l’article 82 de la loi Informatique et Libertés est fixée à l’article 3, paragraphe I, de la loi Informatique et Libertés qui dispose : sans préjudice, en ce qui concerne les traitements entrant dans le champ du règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016, des critères prévus par l'article 3 de ce règlement, l'ensemble des dispositions de la présente loi s'appliquent aux traitements des données à caractère personnel effectués dans le cadre des activités d'un établissement d'un responsable du traitement […] sur le territoire français, que le traitement ait lieu ou non en France . 69. La rapporteure considère que la CNIL est territorialement compétente en application de ces dispositions dès lors que le traitement objet de la présente procédure, consistant en des opérations d’accès ou d’inscription d’informations dans le terminal des utilisateurs résidant en France lors de l’utilisation du moteur de recherche [V] et de [W], notamment à des fins publicitaires, est effectué dans le cadre des activités de la société [Z], qui constitue l’établissement sur le territoire français du groupe [V]. 70. Les sociétés renvoient, quant à elles, sur ce point aux observations qu’elles avaient produites dans le cadre de la précédente procédure de sanction et dans lesquelles elles soutenaient que, dans la mesure où il conviendrait de faire application des règles de compétence et des procédures de coopération définies par le RGPD, la CNIL ne disposerait pas de la compétence territoriale pour connaître de cette affaire étant donné que le siège réel du groupe [V] en Europe, soit le lieu de son administration centrale au sens de l’article 56 du RGPD, est situé en Irlande. 71. La formation restreinte retient de nouveau que les faits en cause relèvent matériellement des dispositions de la directive ePrivacy , et non du RGPD. Il en résulte qu’il convient de se référer aux dispositions de l’article 3, paragraphe I, de la loi Informatique et Libertés , déterminant le champ de la compétence territoriale de la CNIL. 72. À cet égard, la formation restreinte souligne que la directive ePrivacy ne fixe pas elle-même explicitement la règle d’application territoriale des différentes lois de transposition adoptées par chaque État membre. Cependant, cette directive indique qu’elle précise et complète la directive 95/46.CE , laquelle prévoyait à l’époque, à son article 4, que Chaque État membre applique les dispositions nationales qu'il arrête en vertu de la présente directive aux traitements de données à caractère personnel lorsque : a) le traitement est effectué dans le cadre des activités d'un établissement du responsable du traitement sur le territoire de l'État membre; si un même responsable du traitement est établi sur le territoire de plusieurs États membres, il doit prendre les mesures nécessaires pour assurer le respect, par chacun de ses établissements, des obligations prévues par le droit national applicable . Si cette règle de détermination de la loi nationale applicable au sein de l’Union n’a plus lieu d’être pour l’application des règles du RGPD, qui a remplacé la directive 95/46/CE sur la protection des données personnelles et s’applique uniformément sur tout le territoire de l’Union, il apparaît que le législateur français a maintenu ces critères d’application territoriale pour les règles spécifiques contenues dans la loi Informatique et Libertés , et donc en l’espèce pour celles qui transposent la directive ePrivacy . Dès lors, la jurisprudence de la CJUE sur l’application de l’article 4 de l’ancienne directive 95/46/CE sur la protection des données personnelles demeure pertinente pour éclairer la portée à donner à ces deux critères. 73. En premier lieu, s’agissant de l’existence d’un établissement du responsable de traitement sur le territoire français , la CJUE a considéré de façon constante que la notion d’établissement devait être appréciée de façon souple et qu’à cette fin, il convenait d’évaluer tant le degré de stabilité de l’installation que la réalité de l’exercice des activités dans un autre État membre, en tenant compte de la nature spécifique des activités économiques et des prestations de services en question (voir, par exemple, CJUE, Weltimmo, 1er oct. 2015, C 230/14, pts. 30 et 31). La CJUE estime en outre qu’une société, personne morale autonome, du même groupe que le responsable de traitement, peut constituer un établissement du responsable de traitement au sens de ces dispositions (CJUE, 13 mai 2014, Google Spain, C-131/12, pt 48). 74. En l’occurrence, la formation restreinte relève, tout d’abord, que la société [Z] est le siège de la filiale française de la société [X], qu’elle dispose de locaux situés à Paris, qu’elle emploie environ […] personnes et que, selon ses statuts déposés auprès du greffe du tribunal de commerce de Paris, elle a notamment pour objet la fourniture de services et/ou conseils relatifs aux logiciels, au réseau internet, aux réseaux télématiques ou en ligne, notamment l’intermédiation en matière de vente de publicité en ligne, la promotion sous toutes ses formes de la publicité en ligne, la promotion directe de produits et services et la mise en œuvre de centres de traitement de l’information . La formation restreinte relève, ensuite, ainsi qu’elle l’a rappelé dans sa délibération du 7 décembre 2020, que la société [Z] est chargée d’assurer la promotion de la publicité en ligne pour le compte de la société [Y], qui est co-contractante des contrats publicitaires conclus avec les entreprises françaises ou filiales françaises de sociétés étrangères et que la société [Z] participe de manière effective à la promotion des produits et services conçus et développés par la société [X], tels que [V], en France, ainsi qu’aux activités publicitaires gérées par la société [Y] (délibération de la formation restreinte n°SAN-2020-012 du 7 décembre 2020 concernant les sociétés [X] et [Y], pt. 42). Elle relève que ces constats apparaissent toujours valables à la date de la présente délibération. 75. En second lieu, s’agissant de l’existence d’un traitement effectué dans le cadre des activités de cet établissement, la formation restreinte relève que la CJUE a, dans son arrêt Google Spain du 13 mai 2014, considéré que le traitement relatif au moteur de recherche [V] était effectué dans le cadre des activités de la société GOOGLE SPAIN, établissement de la société GOOGLE INC - devenue depuis GOOGLE LLC. -, dans la mesure où cette société est destinée à assurer en Espagne la promotion et la vente des espaces publicitaires proposés par ce moteur de recherche, qui servent à rentabiliser le service offert par ce moteur de recherche. La CJUE a précisé que l’article 4, paragraphe 1, sous a), de la directive 95/46 exige non pas que le traitement de données à caractère personnel en question soit effectué par l’établissement concerné lui-même, mais uniquement qu’il le soit dans le cadre des activités de celui-ci (pt. 52). Selon la Cour, l’article 4, paragraphe 1, sous a), de la directive 95/46 doit être interprété en ce sens qu’un traitement de données à caractère personnel est effectué dans le cadre des activités d’un établissement du responsable de ce traitement sur le territoire d’un État membre, au sens de cette disposition, lorsque l’exploitant d’un moteur de recherche crée dans un État membre une succursale ou une filiale destinée à assurer la promotion et la vente des espaces publicitaires proposés par ce moteur et dont l’activité vise les habitants de cet État membre (pt. 60). 76. En outre, la formation restreinte relève que la CJUE a par la suite considéré, dans ses décisions Wirtschaftsakademie et Facebook Belgium, que le traitement consistant en la collecte de données à caractère personnel par l’intermédiaire de cookies déposés dans les terminaux des utilisateurs visitant, en Allemagne et en Belgique, des pages hébergées sur le réseau social Facebook était respectivement effectué dans le cadre des activités des sociétés FACEBOOK GERMANY et FACEBOOK BELGIUM, établissements allemand et belge du groupe Facebook, dans la mesure où ces établissements sont destinés à assurer, dans leur pays respectif, la promotion et la vente des espaces publicitaires proposés par ce réseau social, qui servent à rentabiliser le service offert par Facebook (CJUE, grande chambre, 5 juin 2018, Wirtschaftsakademie, C-210/16, pts. 56 à 60 ; 15 juin 2021, Facebook Belgium, C-645/19, pts. 92 à 95). Si dans l’arrêt Google Spain, la compétence espagnole avait été retenue pour un traitement dont la responsabilité effective relevait de sociétés basées aux États-Unis, en dehors de l’Union européenne, dans ces derniers arrêts, la CJUE a étendu son raisonnement au cas où la responsabilité effective du traitement relève d’une société installée dans un autre pays de l’Union européenne. 77. La formation restreinte relève que, même si ces trois arrêts concernaient plus spécialement les traitements subséquents mis en œuvre à partir des cookies déposés dans les terminaux des utilisateurs, ce qui justifiait l’application de la directive 95/46/CE pour les affaires Google Spain et Wirtschaftsakademie et du RGPD pour l’affaire Facebook Belgium, cette jurisprudence demeure pertinente pour éclairer la portée à donner à la notion de traitement effectué dans le cadre des activités d’un établissement, dans la mesure où le législateur français l’a reprise lors de la transposition de la directive ePrivacy pour fonder la compétence territoriale de la CNIL s’agissant des traitements relevant de cette directive. 78. En l’espèce, et en complément des développements précédents figurant ci-dessus au paragraphe74 la formation restreinte relève que, selon les informations mises en ligne sur son site web, la société [Z] accompagne notamment les petites et moyennes entreprises en France à travers le développement d’outils de collaboration, de solutions publicitaires ou pour leur donner les clés de compréhension de leurs marchés et de leurs consommateurs . Ensuite, elle a déjà acté, dans sa délibération n° SAN-2020-012 du 7 décembre 2020 que, dans son courrier du 30 avril 2020 la société [Y] indique que [Z] dispose d’une équipe de vente dédiée à la promotion et à la vente des services de [Y] à l’égard des annonceurs et des éditeurs basés en France, comme [V] Ads (point n° 44). Ce constat apparaît toujours valable à la date de la présente délibération. La formation restreinte relève enfin qu’il est précisé sur le site web ads.[V].com que [V] Ads permet aux entreprises françaises de mettre leurs produits ou services en avant sur le moteur de recherche et sur un large réseau publicitaire . 79. Ainsi, le traitement consistant en des opérations d’accès ou d’inscription d’informations dans le terminal des utilisateurs du moteur de recherche [V] et de [W] résidant en France, notamment à des fins publicitaires, est effectué dans le cadre des activités de la société [Z] sur le territoire français, laquelle est en charge de la promotion et de la commercialisation des produits [V] et de leurs solutions publicitaires en France. La formation restreinte relève que les deux critères prévus à l’article 3, paragraphe I, de la loi Informatique et Libertés sont donc réunis. 80. Il en résulte que le droit français est applicable et que la CNIL est matériellement et territorialement compétente pour exercer ses pouvoirs, parmi lesquels celui de prendre des sanctions concernant les traitements relevant du champ d’application de la directive ePrivacy . D. Sur le grief tiré de l’illégalité de la présente procédure de sanction 81. Les sociétés contestent le fait de n’avoir reçu aucune mise en demeure avant que la présidente de la CNIL ne décide d’ouvrir une procédure de sanction, contrairement à d’autres acteurs, invoquant ainsi une différence de traitement entre [Y] et [X] et la soixantaine de sociétés que la CNIL a déclaré avoir mis en demeure pour des agissements similaires dans ses communiqués des 25 mai et 19 juillet 2021 diffusés sur son site web. 82. En premier lieu, s’agissant de l’argument des sociétés selon lequel les dispositions qui leur sont opposées par la rapporteure sont entrées en vigueur moins de cinq mois avant le début de la procédure de sanction, la formation restreinte rappelle que, dans le cadre de la présente délibération, elle se fonde exclusivement sur les dispositions de l’article 82 de la loi Informatique et Libertés , éclairées par les exigences renforcées en matière de consentement du RGPD, entré en application en mai 2018. Dès lors, le cadre juridique applicable aux faits à l’origine de la présente procédure de sanction est parfaitement établi. 83. La formation restreinte rappelle en outre que, dès juin 2019 et à différentes reprises par la suite, la CNIL a communiqué sur son plan d’action qui comportait deux étapes principales : la publication de nouvelles lignes directrices en juillet 2019 et la concertation avec les professionnels pour élaborer une nouvelle recommandation, proposant des modalités opérationnelles de recueil du consentement. La CNIL avait précisé, dans un communiqué de presse du 28 juin 2019, qu’elle procèderait à des vérifications du respect de la recommandation six mois après son adoption définitive. La formation restreinte note que la CNIL avait été parfaitement transparente sur le calendrier, afin de laisser le temps aux organismes de se mettre en conformité avant d’effectuer des contrôles. 84. En deuxième lieu, la formation restreinte rappelle que, conformément à l’article 20 de la loi Informatique et Libertés , le président de la CNIL n’est pas tenu d’adresser une mise en demeure à un responsable de traitement avant d’engager une procédure de sanction à son encontre. Elle ajoute que la possibilité d’engager directement une procédure de sanction a été confirmée par le Conseil d’État (voir, notamment, CE, 4 nov. 2020, req. n° 433311, pt. 3). 85. Elle note en outre que le secrétaire général de la CNIL avait rappelé aux sociétés, dans ses courriers du 17 février 2021, qu’il doit être aussi facile de donner son consentement que de refuser de le donner ou de le retirer. Elle relève également que les sociétés [X] et [Y] ont déjà fait l’objet d’une procédure de sanction portant sur leur politique en matière de cookies. Les sociétés savaient parfaitement qu’elles s’exposaient à d’éventuelles autres sanctions puisque, aux termes d’un communiqué de presse publié le 4 mai 2021, la CNIL avait indiqué que la clôture de l’injonction ne portait que sur le périmètre de l’injonction prononcée par la formation restreinte dans sa délibération du 7 décembre 2020. Elle précisait que cette décision de clôture ne préjugeait pas de l’analyse de la CNIL quant à la conformité de [V].fr aux autres règles en matière de cookies, portant notamment sur le consentement, qui sont éclairées par les lignes directrices et la recommandation du 17 septembre 2020, selon lesquelles l’utilisateur doit désormais être en mesure de refuser les cookies aussi facilement qu’il peut les accepter. La CNIL précisait se réserver la possibilité de contrôler ces modalités de refus et, si nécessaire, de mobiliser l’ensemble de sa chaîne répressive, étant précisé que la CNIL avait reçu plusieurs plaintes à ce sujet. Ainsi, la formation restreinte considère que les sociétés [X] et [Y] ne se trouvaient pas dans la même situation que d’autres organismes faisant l’objet de mises en demeure de la part de la CNIL et que le grief tiré de l’illégalité de la procédure de sanction doit être écarté. E. Sur la demande de question préjudicielle 86. Les sociétés demandent subsidiairement à la formation restreinte de saisir la Cour de justice de l’Union européenne (ci-après la CJUE ) d’une question préjudicielle en ces termes : l’absence d’un bouton "tout refuser" à côté d’un bouton "tout accepter" doit-elle être considérée comme une violation de l’article 4, paragraphe 11 et de l’article 7 du RGPD, lus conjointement avec l’article 5, paragraphe 3 de la directive e-Privacy alors que le responsable de traitement donne à la personne concernée le droit de refuser ledit traitement dans le second niveau du bandeau cookies et par le biais des paramètres du navigateur et l’informe de cette possibilité de refuser le traitement et des moyens dont il dispose pour le faire dès le premier niveau du bandeau cookies ? . Les sociétés estiment que la formation restreinte est une juridiction au sens de l’article 267 du traité pour le fonctionnement de l’Union européenne (ci-après TFUE ) et qu’elle répond aux critères d’une juridiction : elle est établie de manière permanente par la loi Informatique et Libertés ; elle a une juridiction obligatoire lorsque le président de la CNIL décide d’initier une procédure de sanction ; elle suit une procédure de nature contradictoire opposant le rapporteur et le mis en cause ; elle applique des règles de droit et est indépendante et impartiale. 87. La formation restreinte rappelle que, pour qu’un organe puisse adresser une question préjudicielle à la CJUE, il doit bénéficier de la qualité de juridiction au sens de l’article 267 TFUE, notion autonome en droit de l’Union. Pour apprécier cette qualité, la CJUE prend en considération les critères suivants : origine légale de l’organe, sa permanence, son caractère obligatoire, nature contradictoire de sa procédure, application des règles de droit, son indépendance et nature juridictionnelle de ses décisions. 88. La formation restreinte relève qu’elle n’est pas qualifiée de juridiction en droit interne : aucune disposition législative ne lui a reconnu cette qualité. Si, ainsi que le relèvent les sociétés, le Conseil d’État a déjà jugé qu’ eu égard à sa nature, à sa composition et à ses attributions , la formation restreinte peut être qualifiée de tribunal au sens de l’article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (ci-après la CESDH ) (Conseil d'État, juge des référés, 19 février 2008, n° 311974), cette décision ne lui reconnaît pas pour autant la qualité de juridiction. 89. La formation restreinte considère, contrairement à ce que soutiennent les sociétés, que les critères retenus par la CJUE sur la notion de juridiction au sens de l’article 267 TFUE, notamment dans son récent arrêt ANESCO (CJUE, 16 sept. 2020, Anesco, C-462/19), ne sont pas remplis par la formation restreinte. En effet, dans cet arrêt, la CJUE a indiqué que, force est de constater que les décisions que la CNMC [l’autorité de la concurrence espagnole] est amenée à adopter dans les affaires telles que celle en cause au principal s’apparentent à des décisions de nature administrative, excluant qu’elles soient adoptées dans l’exercice de fonctions juridictionnelles (§41). Or, il en va de même s’agissant des décisions prises par la formation restreinte, qui sont des décisions de nature administrative puisqu’il s’agit de décisions de sanction qui participent à l’effectivité de l’action de la CNIL dans son pouvoir de régulation. La décision de sanction met fin à la procédure administrative engagée et un recours contentieux administratif peut ensuite être engagé à son encontre devant le Conseil d’État. 90. En outre, la formation restreinte relève que la Cour de cassation a considéré qu’ il résulte de ces textes du droit de l’Union européenne, tels qu’interprétés par la Cour de justice de l'Union européenne, que l’Autorité de la concurrence n’est pas une juridiction apte à lui poser une question préjudicielle en application de l'article 267 du TFUE (CJUE, arrêt du 16 septembre 2020, Anesco, C-462/19, à propos de la Comisión Nacional de los Mercados y la Competencia, autorité de la concurrence espagnole) (Cass. 2ème civ., 30 septembre 2021, n° 20-18.302). Or, l’Autorité de la concurrence, en tant qu’autorité administrative indépendante, présente de grandes similitudes organisationnelle et procédurale avec la formation restreinte. 91. Dès lors, la formation restreinte ne saurait être qualifiée de juridiction au sens de l’article 267 TFUE, de sorte qu’elle n’est pas apte à poser une question préjudicielle à la CJUE. F. Sur la détermination du responsable de traitement 92. La formation restreinte relève, tout d’abord, que les articles 4, paragraphe 7, et 26, paragraphe 1, du RGPD sont applicables à la présente procédure en raison du recours à la notion de responsable de traitement dans l’article 82 de la loi Informatique et Libertés , lequel est justifié par le renvoi opéré par l’article 2 de la directive ePrivacy à la directive 95/46/CE sur la protection des données personnelles à laquelle s’est substitué le RGPD. 93. Aux termes de l’article 4, paragraphe 7, du RGPD, le responsable de traitement est la personne physique ou morale, l’autorité publique, le service ou un autre organisme qui, seul ou conjointement avec d’autres, détermine les finalités et les moyens du traitement . Aux termes de l’article 26, paragraphe 1, du RGPD, lorsque deux responsables du traitement ou plus déterminent conjointement les finalités et les moyens du traitement, ils sont les responsables conjoints du traitement . 94. La rapporteure considère que les sociétés [Y] et [X] sont responsables conjoints du traitement en cause en application de ces dispositions dès lors que les sociétés déterminent toutes les deux les finalités et les moyens du traitement consistant en des opérations d’accès ou d’inscription d’informations dans le terminal des utilisateurs résidant en France lors de l’utilisation moteur de recherche [V] et de [W]. 95. Les sociétés répondent que la société [Y] serait seule responsable des traitements de données à caractère personnel des utilisateurs situés dans l’espace économique européen et en Suisse. 96. La formation restreinte rappelle, que la CJUE s’est prononcée, à plusieurs reprises, sur la notion de responsabilité conjointe du traitement, notamment dans son arrêt Témoins de Jéhovah. Aux termes de celui-ci, elle a considéré que, selon les dispositions de l’article 2, sous d), de la directive 95/46 sur la protection des données personnelles, la notion de responsable du traitement vise la personne physique ou morale qui, seule ou conjointement avec d’autres , détermine les finalités et les moyens du traitement de données à caractère personnel. Cette notion ne renvoie, dès lors, pas nécessairement à une personne physique ou morale unique et peut concerner plusieurs acteurs participant à ce traitement, chacun d’entre eux devant alors être soumis aux dispositions applicables en matière de protection des données […]. L’objectif de cette disposition étant d’assurer, par une définition large de la notion de responsable , une protection efficace et complète des personnes concernées, l’existence d’une responsabilité conjointe ne se traduit pas nécessairement par une responsabilité équivalente, pour un même traitement de données à caractère personnel, des différents acteurs. Au contraire, ces acteurs peuvent être impliqués à différents stades de ce traitement et selon différents degrés, de telle sorte que le niveau de responsabilité de chacun d’entre eux doit être évalué en tenant compte de toutes les circonstances pertinentes du cas d’espèce (CJUE, 10 juillet 2018, C 25/17, pts. 65 et 66). 97. La formation restreinte considère que ces développements permettent d’éclairer utilement la notion de responsabilité de traitement conjointe invoquée par la rapporteure à l’égard des sociétés [X] et [Y] concernées par les traitements en cause. 98. La formation restreinte souligne, enfin, que si la présente procédure ne porte pas sur les mêmes faits que ceux évoqués dans le cadre de la délibération n° SAN-2020-012 du 7 décembre 2020 pour les raisons développées ci-avant, elle concerne toujours les opérations de lecture et d’écriture mises en œuvre dans le terminal de l’utilisateur situé en France par les sociétés [X] et [Y], pour lesquelles le rôle des deux sociétés a déjà été examiné par la formation restreinte dans la délibération évoquée ci-dessus. 99. La formation restreinte rappelle par ailleurs qu’elle a, dans cette même délibération du 7décembre 2020, considéré que les sociétés [X] et [Y] déterminent conjointement les finalités et les moyens du traitement consistant en des opérations d’accès ou d’inscription d’informations dans le terminal des utilisateurs résidant en France lors de l’utilisation du moteur de recherche [V] (pts. 47 à 66 de la délibération). Elle estime que ce constat est toujours valable à la date de la présente délibération et peut être étendu aux cookies utilisés sur le site [W].com , comme le démontrent les éléments développés ci-après. 1. Sur la responsabilité de la société [Y] 100. Les sociétés soutiennent que la société [Y] agit en qualité de responsable des traitements en cause, ce que considère également la rapporteure. 101. La formation restreinte partage cette analyse. 102. En premier lieu, elle relève qu’elle a retenu dans sa délibération n° SAN-2020-012, que les représentants des sociétés ont déclaré que la société [Y] participe au développement et à la supervision des politiques internes qui guident les produits et leur conception, à la mise en place des paramètres, à la détermination des règles de confidentialité et à toutes les vérifications réalisées avant le lancement des produits, en application du principe privacy by design . 103. En second lieu, elle rappelle qu’elle a également souligné que, s’agissant plus particulièrement des cookies, les représentants ont déclaré […] que [Y] applique, par exemple, des durées de conservation des cookies plus courtes par rapport à d’autres régions du monde et qu’elle limite l’étendue des traitements liés à la personnalisation de la publicité en Europe par rapport au reste du monde. Par exemple, [Y] n’utilise pas certaines catégories de données pour effectuer de la publicité personnalisée telles que les ressources du foyer supposées. La société [Y] ne met pas en place de publicité personnalisée pour les enfants dont elle suppose qu’ils sont mineurs au sens du RGPD . 104. La formation restreinte en a conclu que la société [Y] est, au moins pour partie, responsable du traitement contrôlé consistant en des opérations d’accès ou d’inscription d’informations dans le terminal des utilisateurs résidant en France lors de l’utilisation du moteur de recherche [V] . 105. La formation restreinte considère qu’aucune modification du rôle de la société [Y] n’apparaît avoir eu lieu depuis ce récent constat, qui demeure donc valable. Elle considère qu’il en va de même s’agissant du site [W].com dès lors que, dans les conditions d’utilisation de [V], accessibles à la fois via les sites [V].fr et [W].com , il est indiqué de manière identique que : Dans l'Espace économique européen (EEE) et en Suisse, les services [V] vous sont fournis par la société ci-dessous avec laquelle vous concluez un contrat : [Y] . 106. Ainsi, la société [Y] est, au moins pour partie, responsable des traitements consistant en des opérations d’accès ou d’inscription d’informations dans le terminal des utilisateurs résidant en France lors de l’utilisation du moteur de recherche [V] et de [W]. 2. Sur la responsabilité de la société [X] 107. Les sociétés contestent l’analyse de la rapporteure selon laquelle la société [X] partagerait la responsabilité des traitements en cause avec la société [Y]. 108. La formation restreinte a déjà pris position à ce sujet, dans sa délibération n° SAN-2020-012 du 7 décembre 2020. 109. En premier lieu, elle avait relevé que, lors de l’audition du 22 juillet 2020, les représentants des sociétés avaient affirmé que la société [X] conçoit et construit la technologie des produits [V] et qu’en ce qui concerne les cookies déposés et lus lors de l’utilisation du moteur de recherche [V], il n’existe aucune différence de technologies entre les cookies déposés à partir des différentes versions du moteur de recherche. De même, les sociétés, dans l’information qu’elles proposent aux utilisateurs français dans les règles d’utilisation accessibles depuis [V].fr , n’opèrent aucune distinction dans leur présentation des cookies utilisés par le groupe [V] dès lors qu’elles indiquent utiliser différents types de cookies pour les produits associés aux annonces et les sites Web de [V] , ce qui inclut bien également le site [W].com selon la formation restreinte. 110. Elle relève qu’aujourd’hui encore, il n’existe aucune différence dans la présentation des cookies utilisés par [V] (information fournie aux utilisateurs français à partir de l’onglet Technologies , comment [V] utilise les cookies , après avoir cliqué sur le bouton conditions d’utilisation , accessible tant sur [V].fr que sur [W].com ). La société décrit les types de cookies utilisés par [V] , précisant que une partie ou l'ensemble des cookies décrits ci-dessous peuvent être stockés dans votre navigateur . La formation restreinte relève également que les règles de confidentialité accessibles tant depuis [V].fr que depuis [W].com confirment ce point dès lors qu’il est indiqué que Les présentes Règles de confidentialité s'appliquent à tous les services proposés par [X] et par ses sociétés affiliées, y compris [W] et Android, ainsi qu'aux services proposés sur des sites tiers, tels que les services publicitaires . 111. Ainsi, dans l’information qu’elles proposent aux utilisateurs français, les sociétés [X] et [Y] n’opèrent toujours aucune distinction dans leur présentation des cookies utilisés par le groupe [V]. 112. En deuxième lieu, la formation restreinte avait également relevé, dans sa délibération précitée, que malgré la participation non contestable de la société [Y] aux différentes étapes et instances liées à la définition des modalités de mise en œuvre des cookies déposés sur [V], l’organisation matricielle décrite par les sociétés […] a mis en évidence que la société [X] est également représentée dans les organes adoptant les décisions relatives au déploiement des produits au sein de l’EEE et en Suisse et aux traitements de données à caractère personnel des utilisateurs y résidant et qu’elle y exerce une influence significative ou encore que le délégué à la protection des données désigné par la société [Y] […] ainsi que ses DPO adjoints sont basés en Californie en qualité d’employés de la société [X] . 113. En troisième lieu, la formation restreinte avait considéré que, bien qu’en vertu d’une lecture formelle du contrat de sous-traitance du 11 décembre 2018, la société [X] agirait en qualité de sous-traitant de la société [Y] dans le traitement des données des utilisateurs européens recueillies via les cookies, l’implication réelle de la société [X] dans le traitement en cause va bien au-delà de celle d’un sous-traitant qui se contenterait de procéder à des opérations de traitement pour le compte de la société [Y] et sur ses seules instructions . 114. Au vu des éléments au dossier, la formation restreinte maintient que la société [X] joue un rôle fondamental dans l’ensemble du processus décisionnel portant sur les traitements en cause. Elle détermine également les moyens des traitements étant donné que, comme évoqué ci-avant, c’est elle qui conçoit et construit la technologie des cookies déposés sur les terminaux des utilisateurs européens. La formation restreinte relève que, si elle ne s’était prononcée que s’agissant du moteur de recherche [V] dans sa délibération n° SAN-2020-012 du 7 décembre 2020, elle considère que le même raisonnement est applicable, sur la base de ces mêmes éléments, pour [W], notamment dans la mesure où, lorsque l’utilisateur clique sur Règles de confidentialité et conditions d’utilisation à partir de [W].com , il est renvoyé vers les règles de confidentialité et conditions d’utilisation du groupe [V]. 115. Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que les sociétés [X] et [Y] déterminent conjointement les finalités et les moyens du traitement consistant en des opérations d’accès ou d’inscription d’informations dans le terminal des utilisateurs résidant en France lors de l’utilisation du moteur de recherche [V] et de [W]. G. Sur le manquement aux obligations en matière de cookies 116. Aux termes de l’article 82 de la loi Informatique et Libertés , tout abonné ou utilisateur d'un service de communications électroniques doit être informé de manière claire et complète, sauf s'il l'a été au préalable, par le responsable du traitement ou son représentant : 1° De la finalité de toute action tendant à accéder, par voie de transmission électronique, à des informations déjà stockées dans son équipement terminal de communications électroniques, ou à inscrire des informations dans cet équipement ; 2° Des moyens dont il dispose pour s'y opposer. Ces accès ou inscriptions ne peuvent avoir lieu qu'à condition que l'abonné ou la personne utilisatrice ait exprimé, après avoir reçu cette information, son consentement qui peut résulter de paramètres appropriés de son dispositif de connexion ou de tout autre dispositif placé sous son contrôle. […] . 117. La directive ePrivacy prévoit quant à elle en son article 2, f), que le consentement d’un utilisateur ou d’un abonné correspond au consentement de la personne concernée figurant dans la directive 95/46/CE, à laquelle s’est substitué le RGPD. 118. Ainsi, depuis l’entrée en application du RGPD, le consentement prévu à l’article 82 précité doit s’entendre au sens de l’article 4, paragraphe 11, du RGPD, c’est-à-dire qu’il doit être donné de manière libre, spécifique, éclairée et univoque et se manifester par un acte positif clair. 119. À cet égard, le considérant 42 de ce Règlement prévoit que : le consentement ne devrait pas être considéré comme ayant été donné librement si la personne concernée ne dispose pas d'une véritable liberté de choix ou n'est pas en mesure de refuser ou de retirer son consentement sans subir de préjudice . 120. En l’espèce, dans le cadre du contrôle en ligne du 1er juin 2021, la délégation a constaté que, pour donner son consentement à la lecture et/ou à l’écriture d’informations dans son terminal, l’utilisateur se rendant sur la page d’accueil des sites [V].fr et [W].com doit uniquement cliquer sur le bouton J’accepte de la fenêtre surgissante, ce qui fait disparaître cette fenêtre et lui permet de poursuivre sa navigation. En revanche, l’utilisateur se rendant sur ces mêmes pages d’accueil et souhaitant refuser les cookies doit cliquer sur le bouton Personnaliser de cette première fenêtre, ce qui le fait accéder, à la fois sur les sites [V].fr et [W].com , à une interface lui proposant de choisir d’activer ou de désactiver les cookies, sur laquelle il a la possibilité d’effectuer différentes actions. 121. La rapporteure relève, à titre d’éclairage, qu’aux termes de ses lignes directrices 5/2020 sur le consentement au sens du Règlement (UE) 2016/679, adoptées le 4 mai 2020, le CEPD a rappelé que l’adjectif libre implique un choix et un contrôle réel pour les personnes concernées (§13). 122. De même, dans le cadre de sa délibération n° 2020-092 du 17 septembre 2020 portant adoption d’une recommandation proposant des modalités pratiques de mise en conformité en cas de recours aux cookies et autres traceurs , la Commission a considéré, compte tenu des textes applicables précités, que le responsable de traitement doit offrir aux utilisateurs tant la possibilité d’accepter que de refuser les opérations de lecture et/ou d’écriture avec le même degré de simplicité . 123. Sur le fondement des constatations effectuées dans le cadre du contrôle en ligne, la rapporteure observe ainsi que, si le bandeau affiché sur les sites [V].fr et [W].com contient un bouton permettant d’accepter immédiatement les cookies, aucun moyen analogue n’est offert à l’utilisateur pour pouvoir refuser, aussi facilement, le dépôt de ces cookies. Pour refuser les cookies, il doit effectuer au moins cinq actions (le premier clic sur le bouton Personnaliser , puis un clic sur chacun des trois boutons pour sélectionner Désactivé - chaque bouton correspondant à la personnalisation de la recherche , l’ historique [W] et la personnalisation des annonces - et enfin un clic sur Confirmer ), contre une seule action pour les accepter. Un tel mécanisme ne présente donc pas, selon la rapporteure, la même facilité que celle permettant d’exprimer son consentement, en méconnaissance des exigences légales de liberté du consentement, qui impliquent de ne pas inciter l’internaute à accepter les cookies plutôt qu’à les refuser. Elle considère ainsi que rendre le mécanisme de refus des cookies plus complexe que celui consistant à les accepter, revient en réalité à décourager les utilisateurs de refuser les cookies et à les inciter à privilégier la facilité du bouton j’accepte . La rapporteure en conclut que les modalités de refus des cookies mises en œuvre par les sociétés [X] et [Y] sur les sites [V].fr et [W].com ne sont pas conformes aux dispositions de l’article 82 de la loi Informatique et Libertés telles qu’éclairées par les exigences renforcées en matière de consentement posées par le RGPD. 124. Les sociétés considèrent que ni la directive ePrivacy , ni le RGPD, ni l’article 82 de la loi Informatique et Libertés ne prévoient que l’action de refuser les cookies doit être aussi simple que de les accepter. Elles ajoutent que, pendant de nombreuses années, la CNIL n’avait elle-même pas déduit ce principe alors même que la réglementation en cause demeurait inchangée depuis l’entrée en application du RGPD. Elles relèvent que la CNIL ne saurait, au travers de ses lignes directrices et recommandation, introduire de nouvelles exigences relatives au refus de consentement et considèrent qu’il appartient à chaque responsable de traitement de choisir la modalité de recueil du consentement la plus appropriée. En cela, les sociétés considèrent que le mécanisme de recueil du consentement mis en place sur les sites [V].fr et [W].com respecte d’ores et déjà les dispositions de l’article 82 de la loi Informatique et Libertés . Les sociétés considèrent que le fait de ne pas proposer, au premier niveau d’information, un bouton Tout refuser n’est pas contraire au principe de liberté du consentement dans la mesure où les utilisateurs ont bien la possibilité de refuser les cookies en cliquant sur le bouton Personnaliser . 125. En premier lieu, la formation restreinte rappelle qu’en application de l’article 8 I, 2°, b) de la loi Informatique et Libertés , la CNIL établit et publie des lignes directrices, recommandations ou référentiels destinés à faciliter la mise en conformité des traitements de données à caractère personnel avec les textes relatifs à la protection des données à caractère personnel […] . 126. C’est dans ce cadre que la CNIL a pris la délibération n° 2019-093 du 4 juillet 2019 portant adoption de lignes directrices relatives à l’application de l’article 82 de la loi du 6 janvier 1978 modifiée aux opérations de lecture ou écriture dans le terminal d’un utilisateur (notamment aux cookies et autres traceurs), qui prévoyait en son article 2, qu’il doit être aussi facile de refuser ou de retirer son consentement que de le donner ; puis les délibérations n° 2020-091 du 17 septembre 2020 portant adoption de lignes directrices relatives à l’application de l’article 82 de la loi du 6 janvier 1978 modifiée aux opérations de lecture et/ou d’écriture dans le terminal d’un utilisateur (notamment aux cookies et autres traceurs ) et n° 2020-092 portant adoption d’une recommandation proposant des modalités pratiques de mise en conformité en cas de recours aux cookies et autres traceurs . Ces instruments visent à interpréter les dispositions législatives applicables et à éclairer les acteurs sur la mise en place de mesures concrètes permettant de garantir le respect de ces dispositions, afin qu’ils mettent en œuvre ces mesures ou des mesures d’effet équivalent. En ce sens, il est précisé dans les lignes directrices que celles-ci ont pour objet principal de rappeler et d’expliciter le droit applicable aux opérations de lecture et/ou d’écriture d’informations […] dans l’équipement terminal de communications électroniques de l’abonné ou de l’utilisateur, et notamment à l’usage des témoins de connexion . 127. Comme indiqué ci-avant, la Commission a considéré, dans le cadre de sa recommandation du 17 septembre 2020, que le responsable de traitement doit offrir aux utilisateurs tant la possibilité d’accepter que de refuser les opérations de lecture et/ou d’écriture avec le même degré de simplicité . 128. S’agissant des modalités de refus possibles, dans cette même recommandation, la Commission a préconisé fortement que le mécanisme permettant d’exprimer un refus de consentir aux opérations de lecture et/ou d’écriture soit accessible sur le même écran et avec la même facilité que le mécanisme permettant d'exprimer un consentement. En effet, elle estime que les interfaces de recueil du consentement qui nécessitent un seul clic pour consentir au traçage tandis que plusieurs actions sont nécessaires pour paramétrer un refus de consentir présentent, dans la plupart des cas, le risque de biaiser le choix de l’utilisateur, qui souhaite pouvoir visualiser le site ou utiliser l’application rapidement. Par exemple, au stade du premier niveau d’information, les utilisateurs peuvent avoir le choix entre deux boutons présentés au même niveau et sur le même format, sur lesquels sont inscrits respectivement tout accepter et tout refuser , autoriser et interdire , ou consentir et ne pas consentir , ou toute autre formulation équivalente et suffisamment claire. La Commission considère que cette modalité constitue un moyen simple et clair pour permettre à l’utilisateur d’exprimer son refus aussi facilement que son consentement . 129. La formation restreinte considère que la CNIL s’est bornée, dans sa recommandation évoquée ci-dessus, à éclairer les obligations prévues par les législateurs français et européen, en tirant notamment toutes les conséquences du principe de liberté du consentement tel que défini à l’article 4, paragraphe 11, du RGPD, et en les appliquant aux hypothèses de l’acceptation et du refus par l’utilisateur au dépôt de cookies sur son terminal. En effet, ce principe de liberté du consentement implique désormais que l’utilisateur bénéficie d’une véritable liberté de choix , comme souligné au considérant 42 du RGPD, et donc que les modalités qui lui sont proposées pour manifester ce choix ne soient pas biaisées en faveur du consentement. Ainsi que le CEPD l’a rappelé dans ses lignes directrices sur le consentement, adoptées le 4 mai 2020, l’adjectif libre implique un choix et un contrôle réel pour les personnes concernées. 130. Il apparaît ainsi que la CNIL n’a pas créé dans sa recommandation de nouvelles obligations à la charge des acteurs mais s’est bornée à illustrer concrètement comment l’article 82 de la loi doit trouver à s’appliquer. 131. En deuxième lieu, la formation restreinte relève que la position de la CNIL sur ce point, selon laquelle il doit être aussi simple pour les utilisateurs de refuser les cookies que d’y consentir, figurait déjà à l’article 2 des lignes directrices du 4 juillet 2019 - abrogées par celles du 17 septembre 2020 - et qu’elle a été entérinée par le Conseil d’État. En effet, saisi d’un recours pour excès de pouvoir formé contre ces premières lignes directrices, le Conseil d’État a jugé, dans sa décision Association des agences-conseils en communication, que la CNIL qui, en indiquant qu’il devait "être aussi facile de refuser ou de retirer son consentement que de le donner", s’est bornée à caractériser les conditions du refus de l’utilisateur, sans définir de modalités techniques particulières d’expression d’un tel refus, n’a entaché sa délibération d’aucune méconnaissance des règles applicables en la matière (CE, 19 juin 2020, n° 434684, T., pt 15). 132. La formation restreinte considère que cette lecture s’impose d’autant plus au regard des conclusions du rapporteur public sur cet arrêt, lequel relevait : Comme l’indique la CNIL, les lignes directrices attaquées n’imposent aucune modalité technique de recueil de ce refus. Elles se bornent à exiger, de manière générale et à juste titre, qu’il ne soit pas plus compliqué de refuser que d’accepter (CE, conclusions du rapporteur public sur l’arrêt n° 434684, p. 17). 133. En troisième lieu, la formation relève qu’en l’espèce, les utilisateurs résidant en France se rendant sur le moteur de recherche [V] et/ou sur [W] doivent effectuer une seule action pour accepter les cookies, alors qu’ils doivent en effectuer cinq pour les refuser. Il n’est donc pas aussi simple de refuser les cookies que de les accepter. 134. Or, il ressort de plusieurs études récentes que les organismes ayant mis en place un bouton tout refuser sur l’interface de recueil du consentement au premier niveau ont vu le taux de consentement relatif à l’acceptation des cookies diminuer. Ainsi, selon le baromètre Privacy – édition 2021 publié par la société COMMANDERS ACT, le taux de consentement sur ordinateur est passé de 70% à 55% en avril-mai 2021, depuis que la collecte du consentement est explicite. De même, selon une étude 366-Kantar, il apparaît que 41% des internautes en France ont refusé, systématiquement ou partiellement, le dépôt de cookies en juin 2021. 135. La formation restreinte considère ainsi que le fait de rendre le mécanisme de refus des cookies plus complexe que celui consistant à les accepter revient en réalité à décourager les utilisateurs de refuser les cookies et à les inciter à privilégier la facilité du bouton Tout accepter . En effet, un utilisateur d’internet est généralement conduit à consulter de nombreux sites. La navigation sur internet se caractérise par sa rapidité et sa fluidité. Le fait de devoir cliquer sur Personnaliser et de devoir comprendre la façon dont est construite la page permettant de refuser les cookies est susceptible de décourager l’utilisateur, qui souhaiterait pourtant refuser le dépôt des cookies. Il n’est pas contesté qu’en l’espèce, les sociétés offrent un choix entre l’acceptation ou le refus des cookies, mais les modalités par lesquelles ce refus peut être exprimé, dans le contexte de la navigation sur internet, biaise l’expression du choix en faveur du consentement de façon à altérer la liberté de choix. 136. Au regard de ce qui précède, la formation restreinte considère qu’un manquement aux dispositions de l’article 82 de la loi Informatique et Libertés , interprétées à la lumière du RGPD, est constitué, dans la mesure où les sociétés ne mettent pas à disposition des utilisateurs situés en France, sur les sites internet [V].fr et [W].com , un moyen de refuser les opérations de lecture et/ou d’écriture d’informations dans leur terminal présentant le même degré de simplicité que celui prévu pour en accepter l’usage. III. Sur les mesures correctrices et la publicité 137. L’article 20, paragraphe III, de la loi Informatique et Libertés dispose : Lorsque le responsable de traitement ou son sous-traitant ne respecte pas les obligations résultant du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 précité ou de la présente loi, le président de la Commission nationale de l’informatique et des libertés peut également, le cas échéant après lui avoir adressé l’avertissement prévu au I du présent article ou, le cas échéant en complément d’une mise en demeure prévue au II, saisir la formation restreinte de la commission en vue du prononcé, après procédure contradictoire, de l’une ou de plusieurs des mesures suivantes : […] 2° Une injonction de mettre en conformité le traitement avec les obligations résultant du règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016 ou de la présente loi ou de satisfaire aux demandes présentées par la personne concernée en vue d'exercer ses droits, qui peut être assortie, sauf dans des cas où le traitement est mis en œuvre par l'Etat, d'une astreinte dont le montant ne peut excéder 100 000 € par jour de retard à compter de la date fixée par la formation restreinte ; […] 7° A l'exception des cas où le traitement est mis en œuvre par l'Etat, une amende administrative ne pouvant excéder 10 millions d'euros ou, s'agissant d'une entreprise, 2 % du chiffre d'affaires annuel mondial total de l'exercice précédent, le montant le plus élevé étant retenu. […] La formation restreinte prend en compte, dans la détermination du montant de l'amende, les critères précisés au même article 83 . 138. L’article 83 du RGPD, tel que visé par l’article 20, paragraphe III, de la loi Informatique et Libertés , prévoit quant à lui que Chaque autorité de contrôle veille à ce que les amendes administratives imposées en vertu du présent article pour des violations du présent règlement visées aux paragraphes 4, 5 et 6 soient, dans chaque cas, effectives, proportionnées et dissuasives , avant de préciser les éléments devant être pris en compte pour décider s’il y a lieu d’imposer une amende administrative et pour décider du montant de cette amende. A. Sur le prononcé d’amendes administratives et leur montant 139. Les sociétés font valoir que le montant des amendes proposées par la rapporteure est imprévisible, disproportionné et injustifié. Elles contestent le fait que, contrairement à d’autres autorités administratives françaises ou européennes disposant d’un pouvoir de sanction, la CNIL n’a pas fourni de lignes directrices pour le calcul de ses amendes. Les sociétés ajoutent par ailleurs que la rapporteure n’explique pas la répartition du montant de l’amende entre [X] et [Y]. 140. En outre, les sociétés soutiennent qu’en refusant d’engager des discussions avec elles, la rapporteure les a privées de la possibilité de coopérer avec la CNIL, et, partant, de se prévaloir de la circonstance atténuante de l’article 83-2 f) du RGPD pour réduire le montant de l’amende. 141. La formation restreinte rappelle, à titre général, que l’article 20, paragraphe III, de la loi Informatique et Libertés lui donne compétence pour prononcer diverses sanctions, notamment des amendes administratives dont le montant maximal peut être, en l’espèce, équivalant à 2 % du chiffre d'affaires annuel mondial total de l’exercice précédent réalisé par le responsable de traitement. Elle ajoute que la détermination du montant de ces amendes s’apprécie au regard des critères précisés par l’article 83 du RGPD. 142. La formation restreinte relève que le rapporteur n’est pas tenu de préciser la manière dont les amendes qu’elle propose à la formation restreinte sont calculées. Le Conseil d’État a d’ailleurs jugé que la formation restreinte n’était pas soumise à cette obligation (CE, 10e/9e, 19 juin 2020, req. n° 430810). La formation restreinte relève que les juridictions européennes partagent cette position, puisqu’elles ont déjà jugé qu’ il n’incomb[e] pas à la Commission au titre de l’obligation de motivation, d’indiquer dans sa décision les éléments chiffrés relatifs au mode de calcul des amendes (arrêt de la Cour du 16 novembre 2000, Stora Kopparbergs Bergslags/Commission, C‑286/98 P, Rec. p. I‑9925, point 66). La jurisprudence exige uniquement que la formation de sanction fasse apparaître de façon claire et détaillée le raisonnement qu’elle a suivi, permettant ainsi à la requérante de connaître les éléments d’appréciation pris en compte pour mesurer la gravité de l’infraction aux fins du calcul du montant de l’amende et au Tribunal d’exercer son contrôle (arrêt du Tribunal de première instance, troisième chambre, 8 juillet 2008, BPB plc contre Commission des Communautés européennes, arrêt ECLI:EU:T:2008:254, paragraphe 337, recueil de la jurisprudence 008 II-01333). Cette position est justifiée, d’une part, par le fait que les amendes constituent un instrument de la politique d’une institution qui doit pouvoir disposer d’une marge d’appréciation dans la fixation de leur montant afin d’orienter le comportement des entreprises dans le sens du respect des règles et, d’autre part, parce qu’ il importe d’éviter que les amendes ne soient facilement prévisibles par les opérateurs économiques. En effet, si la Commission avait l’obligation d’indiquer dans sa décision les éléments chiffrés relatifs au mode de calcul du montant des amendes, il serait porté atteinte à l’effet dissuasif de celles-ci. Si le montant de l’amende était le résultat d’un calcul obéissant à une simple formule arithmétique, les entreprises auraient la possibilité de prévoir l’éventuelle sanction et de la comparer aux bénéfices qu’elles tireraient de l’infraction aux règles du droit . 143. En premier lieu, la formation restreinte souligne qu’il convient, en l’espèce, de faire application du critère prévu à l’alinéa a) de l’article 83, paragraphe 2, du RGPD relatif à la gravité du manquement compte tenu de la nature, de la portée du traitement et du nombre de personnes concernées par ce dernier. 144. La formation restreinte relève que, si les sociétés [Y] et [X] ont refusé de communiquer la volumétrie du nombre de visiteurs uniques à partir des sites [V].fr et [W].com au cours des douze derniers mois depuis la France, il ressort des chiffres disponibles sur internet qu’en juin 2020, [V] comptait plus de […] millions de visiteurs uniques résidant en France par mois et [W] plus de […] millions (communiqué de presse […] publié sur le site web de […]). Le nombre de personnes concernées par les traitements en cause est ainsi extrêmement important à l’échelle de la population française. 145. Ainsi que la formation restreinte l’a rappelé dans sa délibération n° SAN-2020-012 du 7 décembre 2020, l’Autorité de la concurrence a relevé que, sur le marché français de la publicité en ligne liée aux recherches, [V] détient une position dominante qui présente, à bien des égards, des caractéristiques extraordinaires . Son moteur de recherche totalise aujourd'hui plus de 90 % des recherches effectuées en France et sa part de marché sur le marché de la publicité en ligne liée aux recherches est probablement supérieure à 90 % (ADLC,[…]). Le moteur de recherche [V] a donc une portée considérable en France. 146. En deuxième lieu, la formation restreinte estime qu’il convient de faire application du critère prévu à l’alinéa b) de l’article 83 paragraphe 2 du RGPD, relatif au fait que la violation a été commise délibérément. 147. La formation restreinte rappelle que les sociétés ont fait l’objet d’une sanction récente portant sur des manquements à l’article 82 de la loi Informatique et Libertés s’agissant de l’information et du recueil du consentement des personnes avant le dépôt des cookies sur leur terminal. Si cette sanction n’est pas définitive puisqu’elle fait l’objet d’un recours devant le Conseil d’État, la formation restreinte note toutefois que l’attention des sociétés avait été explicitement appelée par les services de la CNIL sur les modalités de refus des cookies. Dans le cadre du suivi de l’injonction prononcée par la formation restreinte, les sociétés ont, le 18 décembre 2020, par l’intermédiaire de leurs conseils, fait parvenir à la CNIL un document dans lequel elles présentaient les changements que [V] entendait déployer sur la page web [V].fr pour répondre à l’injonction prononcée. Le 17 février 2021, le secrétaire général de la CNIL a adressé aux sociétés [X] et [Y] une réponse constituant une aide pour les sociétés afin de se mettre en conformité. Ledit courrier allait au-delà du périmètre de l’injonction et évoquait également les modalités de refus des cookies . Le secrétaire général de la CNIL rappelait aux sociétés qu’il doit être aussi facile de donner son consentement que de refuser de le donner ou de le retirer et indiquait qu’il leur reviendrait d’insérer un bouton Je refuse à côté du bouton J’accepte , tout en précisant qu’elles pouvaient bien entendu changer les intitulés de ces boutons tant qu’ils permettent à l’utilisateur de comprendre clairement et directement les conséquences de ses choix . Il y était également précisé que : Si différentes manières de respecter les exigences légales sont possibles, il m’apparaît que la proposition figurant dans votre courrier, où ne figurent qu’un bouton J’accepte et un bouton Paramétrer , sur lequel il faut cliquer pour ensuite comprendre comment il est possible de refuser les cookies, n’est pas conforme aux exigences légales de liberté du consentement . Le secrétaire général de la CNIL avait donc indiqué aux sociétés, dès février 2021, les actions attendues dans la perspective d’une mise en conformité à l’issue de la période d’adaptation laissée par la CNIL aux acteurs et qui s’achevait le 1er avril 2021. 148. De surcroît, la formation restreinte rappelle le contexte plus général dans lequel les sociétés [X] et [Y] ont choisi de ne pas offrir à leurs utilisateurs, sur les sites [V].fr et [W].com , de faculté de refuser aisément les cookies. En effet, la CNIL a mis en œuvre un plan de mise en conformité sur la question des cookies étalé sur plusieurs années et a communiqué publiquement sur son site web, à plusieurs reprises, sur le fait qu’il doit être aussi facile pour l’internaute de refuser les cookies que de les accepter, en particulier le 1er octobre 2020 à l’occasion de la publication des lignes directrices et de la recommandation du 17 septembre 2020 précitées. La période d’adaptation laissée aux acteurs s’achevait au 1er avril 2021. Des centaines de milliers d’acteurs, des plus petits sites aux plus importants, se sont mis en conformité et ont introduit sur leur interface de recueil du consentement un bouton refuser ou continuer sans accepter . 149. Dans ce contexte, la formation restreinte considère que le fait que les sociétés [X] et [Y], figurant parmi les acteurs mondiaux majeurs et incontournables de l’internet et gérant certains des sites les plus visités, refusent de mettre en place un système de refus aisé des cookies au moment même où elles faisaient l’objet d’une procédure de suivi d’injonction les alertant clairement sur ce même sujet, révèle une volonté caractérisée de ces sociétés de ne pas modifier leurs pratiques. Elle considère que les sociétés ont entendu ne pas mettre en conformité le traitement consistant en des opérations d’accès ou d’inscription d’informations dans le terminal des utilisateurs résidant en France lors de l’utilisation des sites [V].fr et [W].com , ni s’aider des recommandations de la CNIL pour ce faire. 150. En troisième lieu, la formation restreinte considère que les sociétés ne peuvent se prévaloir d’une coopération exemplaire avec la CNIL, alors qu’elles n’ont jamais communiqué la volumétrie du nombre de visiteurs uniques quotidiens pour les sites [V].fr et [W].com au cours des douze derniers mois depuis la France, éléments pourtant demandés par la délégation de contrôle de la CNIL. La formation restreinte relève qu’il ressort de l’article 18 de la loi Informatique et Libertés que les responsables de traitement ne peuvent s'opposer à l'action de la Commission et qu’ils doivent prendre toutes mesures utiles afin de faciliter sa tâche . La coopération avec l’autorité de contrôle constitue ainsi d’abord une obligation prévue par la loi. Ainsi, l’obligation de coopérer est loin d’être pleinement satisfaite en l’espèce, de sorte qu’il n’y a pas lieu à application d’une circonstance atténuante au titre de l’alinéa f) du paragraphe 2 de l’article 83 du RGPD. 151. En quatrième lieu, la formation restreinte estime qu’il convient de faire application du critère prévu à l’alinéa k) de l’article 83, paragraphe 2, du Règlement relatif aux avantages financiers obtenus du fait du manquement. 152. À cet égard, la formation restreinte relève que les opérations de lecture et écriture, permettant la collecte des données des utilisateurs à des fins de publicité ciblée via les sites [V].fr et [W].com , permettent aux sociétés de tirer un avantage financier considérable. Si elle admet que l’ensemble des revenus des sociétés ne sont pas directement liés aux cookies, la formation restreinte souligne que la publicité en ligne repose essentiellement sur le ciblage des internautes, auquel le cookie participe directement en permettant de singulariser et d’atteindre l’utilisateur identifié en vue de lui afficher du contenu publicitaire correspondant à ses centres d’intérêt et à son profil. 153. Elle rappelle que, comme elle l’a relevé dans sa délibération n° SAN-2020-012 du 7 décembre 2020 précitée, le groupe [V] réalise l’essentiel de ses bénéfices dans les deux principaux segments du marché de la publicité en ligne que constituent la publicité par affichage (Display Advertising) et la publicité contextuelle (Search Advertising), dans lesquels les cookies jouent un rôle indéniable, quoique différent. 154. Tout d’abord, dans le segment de la publicité par affichage, dont l’objet est d’afficher un contenu dans une zone spécifique d’un site web et dans lequel les cookies et traceurs sont utilisés pour identifier les utilisateurs au cours de leur navigation, aux fins de leur proposer les contenus les plus personnalisés, il est établi que le groupe [V] propose des produits à tous les échelons de la chaîne de valeur de ce segment et que ses produits sont systématiquement dominants sur ces différents échelons. À cet égard, le groupe [V] indique, sur l’un de ses sites web, qu’il propose pour la publicité un écosystème accessible depuis ses outils et services capable de toucher plus de 2 millions de sites, vidéos et applications et plus de 90% des utilisateurs de l’Internet dans le monde. 155. Ensuite, le segment de la publicité contextuelle, dont l’objet est d’afficher des résultats sponsorisés en fonction des mots clef tapés par les utilisateurs dans un moteur de recherche, nécessite également l’usage de cookies dans sa mise en œuvre pratique, par exemple pour pouvoir déterminer la localisation géographique des utilisateurs et, par-là, adapter les annonces proposées en fonction de cette localisation. À cet égard, il ressort du rapport annuel de la société [X’] pour l’année 2019 que ce segment constitue à lui seul, à travers notamment le service [V] Ads - anciennement […] -, 61% du chiffre d’affaires du groupe [V]. 156. Si, dans le cadre de la procédure ayant donné lieu à la délibération précitée, la formation restreinte n’avait pas connaissance du montant du bénéfice tiré par le groupe [V] de la collecte et de l’exploitation de cookies sur le marché français via le revenu généré par la publicité ciblée sur des internautes français, elle a relevé qu’une approximation proportionnelle à partir des données chiffrées accessibles publiquement conduirait à estimer que la France contribuerait pour entre 680 et 755 millions de dollars au résultat net annuel d’[X’], la société-mère du groupe [V], soit, au taux de change actuel, entre 580 et 640 millions d’euros . 157. De surcroît, la formation restreinte souligne à nouveau qu’il ressort des études évoquées ci-avant que les sociétés qui ont mis en place un bouton tout refuser sur l’interface de recueil du consentement ont vu le taux de consentement relatif à l’acceptation des cookies diminuer. En effet, lorsqu’un bouton figurant au premier niveau leur permet de refuser les cookies, une part importante des internautes refuse complètement ou partiellement, les cookies et autres traceurs, ce qui a nécessairement un impact en termes de revenus liés à la publicité en ligne. Ces éléments viennent donc confirmer l’avantage financier indéniable tiré du manquement commis par les sociétés [X] et [Y] en ne mettant pas en place un mécanisme de refus du consentement aussi facile que celui d’accepter les cookies. 158. En dernier lieu, la formation restreinte rappelle qu’en application des dispositions de l’article 20 paragraphe III de la loi Informatique et Libertés , les sociétés [X] et [Y] encourent une sanction financière d’un montant maximum de 2% de leur chiffre d’affaires, lequel était respectivement de […] de dollars en 2020 s’agissant de [X] et de […] d’euros en 2019 s’agissant de [Y] 159. Dans sa délibération n° SAN-2020-012 du 7 décembre 2020, la formation restreinte a démontré la plus grande implication de la société [X] dans la détermination des finalités et des moyens des cookies mis en œuvre sur le site [V].fr par rapport à la société [Y]. En effet, c’est la société [X] qui conçoit et construit la technologie des produits [V]. De plus, [X] exerce une influence significative dans les organes décidant du déploiement des produits [V] en Europe et des traitements de données à caractère personnel des utilisateurs européens. 160. La formation restreinte souligne qu’en raison de l’utilisation massive du moteur de recherche [V] et de [W] en France, le nombre de personnes concernées par le manquement retenu est considérable. Elle relève en outre les bénéfices considérables tirés par les sociétés, à travers les revenus publicitaires indirectement générés par les données collectées par ces cookies. 161. Dès lors, au regard des responsabilités respectives des sociétés, de leurs capacités financières et des critères pertinents de l’article 83, paragraphe 2, du Règlement évoqués ci-avant, la formation restreinte estime qu’une amende de 90 millions euros à l’encontre de la société [X] et une amende de 60 millions euros à l’encontre de la société [Y] apparaissent justifiées. B. Sur le prononcé d’une injonction 162. Les sociétés soutiennent que la demande d’injonction formulée par la rapporteure est inutile, considérant qu’il n’était pas nécessaire d’ouvrir une procédure de sanction. 163. Elles contestent par ailleurs le montant de l’astreinte journalière proposée en complément de l’injonction dès lors que la rapporteure n’apporte pas la démonstration de la nécessité de cette astreinte ni de la proportionnalité de son montant, qui est le montant maximal prévu par la loi Informatique et Libertés . 164. Elles contestent enfin le délai proposé par la rapporteure à l’issue duquel l’astreinte pourrait être liquidée, considérant que la modification du mécanisme de recueil du consentement nécessite un travail de programmation informatique complexe et conséquent. Elles indiquent que [Y] aurait besoin a minima de six mois pour se conformer aux termes de l’injonction. 165. En premier lieu, la formation restreinte relève qu’en l’état actuel du bandeau cookies sur les sites [V].fr et [W].com , les utilisateurs ne disposent toujours pas d’un moyen de refuser les opérations de lecture et/ou d’écriture d’informations dans leur terminal présentant le même degré de simplicité que celui prévu pour en accepter l’usage. Elle estime dès lors nécessaire le prononcé d’une injonction afin que les sociétés se mettent en conformité avec les obligations applicables en la matière. 166. En deuxième lieu, la formation restreinte rappelle qu’aux fins de conserver à l’astreinte sa fonction comminatoire, son montant doit être à la fois proportionné à la gravité des manquements commis mais également adapté aux capacités financières du responsable de traitement. Elle relève, par ailleurs, que pour la détermination de ce montant, il doit également être tenu compte du fait que le manquement concerné par l’injonction participe indirectement aux bénéfices générés par le responsable de traitement. 167. En troisième lieu, s’agissant du délai qui serait nécessaire pour exécuter l’injonction, la formation restreinte prend note des arguments mis en avant par les sociétés tout en tenant compte des moyens techniques et humains dont elles disposent. 168. Au regard de ces éléments, la formation restreinte considère comme justifié le prononcé d’une injonction assortie d’une astreinte d’un montant de 100 000 euros par jour de retard et liquidable à l’issue d’un délai de trois mois. C. Sur la publicité 169. La formation restreinte considère que la publicité de la présente décision se justifie au regard du nombre de personnes concernées et de la gravité du manquement. 170. La formation restreinte relève que cette mesure permettra d’alerter les utilisateurs résidant en France des sites [V].fr et [W].com de la caractérisation du manquement à l’article 82 de la loi Informatique et Libertés et de les informer de la persistance du manquement au jour de la présente délibération et de l’injonction prononcée à l’encontre des sociétés pour y remédier. 171. Enfin, la mesure n’est pas disproportionnée dès lors que la décision n’identifiera plus nommément les sociétés à l’expiration d’un délai de deux ans à compter de sa publication. PAR CES MOTIFS La formation restreinte de la CNIL, après en avoir délibéré, décide de : • prononcer à l’encontre de la société [X] une amende administrative d’un montant de 90 000 000 euros (quatre-vingt-dix millions d’euros) pour manquement à l’article 82 de la loi Informatique et Libertés , • prononcer à l’encontre de la société [Y] une amende administrative d’un montant de 60 000 000 euros (soixante millions d’euros) pour manquement à l’article 82 de la loi Informatique et Libertés, • prononcer à l’encontre des sociétés [X] et [Y] une injonction de modifier, sur les sites web [V].fr et [W].com , les modalités de recueil du consentement des utilisateurs situés en France aux opérations de lecture et/ou d’écriture d’informations dans leur terminal, en leur offrant un moyen de refuser ces opérations présentant une simplicité équivalente au mécanisme prévu pour leur acceptation, afin de garantir la liberté de leur consentement ; • assortir l’injonction d’une astreinte de 100 000 euros (cent mille euros) par jour de retard à l’issue d’un délai de trois mois suivant la notification de la présente délibération, les justificatifs de la mise en conformité devant être adressés à la formation restreinte dans ce délai ; • adresser cette décision à la société [Z] en vue de son exécution ; • rendre publique, sur le site de la CNIL et sur le site de Légifrance, sa délibération, qui n’identifiera plus nommément les sociétés à l’expiration d’un délai de deux ans à compter de sa publication. Le président Alexandre LINDEN Cette décision est susceptible de faire l’objet d’un recours devant le Conseil d’État dans un délai de quatre mois à compter de sa notification. |
CNILTEXT000044840532 | CNIL | texte/cnil/CNIL/TEXT/00/00/44/84/05/CNILTEXT000044840532.xml | DELIBERATION | Délibération de la formation restreinte n°SAN-2021-024 du 31décembre 2021 concernant la société x | SAN-2021-024 | Sanction | 2021-12-31 00:00:00 | 2022-01-06 00:00:00 | VIGUEUR | La Commission nationale de l’informatique et des libertés, réunie en sa formation restreinte composée de Messieurs Alexandre LINDEN, président, Philippe-Pierre CABOURDIN, vice-président, Mesdames Christine MAUGÜE et Anne DEBET et Monsieur Alain DRU, membres ; Vu le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données ; Vu la directive 2002/58/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 juillet 2002 concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques ; Vu la loi no 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, notamment ses articles 20 et suivants ; Vu le décret no 2019-536 du 29 mai 2019 pris pour l'application de la loi no 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ; Vu la délibération no 2013-175 du 4 juillet 2013 portant adoption du règlement intérieur de la Commission nationale de l'informatique et des libertés ; Vu la décision n° 2021-044C du 6 avril 2021 de la présidente de la Commission nationale de l’informatique et des libertés de charger le secrétaire général de procéder ou de faire procéder à une mission de vérification des traitements accessibles à partir du domaine " [V].com " ou portant sur des données à caractère personnel collectées à partir de ce dernier ; Vu la décision de la présidente de la Commission nationale de l’informatique et des libertés portant désignation d’un rapporteur devant la formation restreinte, en date du 26 juillet 2021 ; Vu le rapport de Madame Valérie PEUGEOT, commissaire rapporteure, notifié à la société [X] le 1er septembre 2021 ; Vu les observations écrites versées par le conseil de la société [X] le 8 octobre 2021 ; Vu la réponse de la rapporteure à ces observations notifiée à la société [X] le 28 octobre 2021 ; Vu les nouvelles observations écrites versées par le conseil de la société [X], reçues le 21 novembre 2021 ; Vu le courrier adressé par la société [X] au président de la formation restreinte et à la rapporteure le 6 décembre 2021 ; Vu les observations orales formulées lors de la séance de la formation restreinte ; Vu les autres pièces du dossier ; Étaient présentes, lors de la séance de la formation restreinte du 2 décembre 2021 : Madame Valérie PEUGEOT, commissaire, entendue en son rapport ; En qualité de représentants de la société [X] : […] ; La société [X] ayant eu la parole en dernier ; La formation restreinte a adopté la décision suivante : Faits et procédure Créée en […] et ayant son siège social aux Etats-Unis ([…]), la société [Y], […], a développé un réseau social (ci-après " le réseau social [V] "), disponible sur le web et sur application mobile, qui permet aux utilisateurs ayant créé un compte de partager leurs expériences et d’échanger. Ce dernier regroupe actuellement plus de 2,5 milliards d’utilisateurs actifs par mois dans le monde. La société [Y] possède plusieurs dizaines de bureaux implantés dans une trentaine de pays et compte plus de 35 000 salariés à travers le monde. Elle dispose de sa propre régie publicitaire et, depuis sa création, elle a notamment acquis […] ainsi que […] . En 2020, elle a réalisé un chiffre d’affaires de près de 86 milliards de dollars pour un résultat net de plus de 29 milliards de dollars. 98% de ce chiffre d’affaires est généré par les revenus issus de la publicité mise en œuvre dans le cadre de ses produits et services. La société [X] (ci-après " [X] "), sise […], se présente comme étant le siège du groupe [W] pour ses activités dans la région européenne depuis 2008. Filiale de la société [Y] elle emploie environ […] personnes. En 2019, elle a réalisé un chiffre d’affaires de plus de […]d’euros pour un résultat net de plus de […] d’euros. La société [Z], située […], est l’établissement de [Y] en France. Filiale de la société [Y], elle emploie […] salariés. En 2019, elle a réalisé un chiffre d’affaires de plus de […] d’euros pour un résultat net […] d’euros. Le 8 avril 2021, faisant suite à quatre saisines enregistrées entre octobre 2020 et mars 2021, une délégation de la CNIL a effectué un contrôle en ligne sur le site web " [V].com " en application de la décision n° 2021-044C du 6 avril 2021 de la présidente de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (ci-après " la CNIL " ou " la Commission "). Cette mission avait pour objet de vérifier le respect, par la société, des dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés (ci-après " la loi " Informatique et Libertés " " ou " loi du 6 janvier 1978 "), en lien avec les traitements consistant en des opérations de lecture et/ou d’écriture d’informations dans le terminal des utilisateurs résidant en France lors de leur visite sur le site web " [V].com ". Le 16 avril 2021, la délégation a adressé deux questionnaires aux sociétés [Z] et [X] afin notamment de leur faire préciser les finalités des opérations de lecture et/ou d’écriture effectuées à partir du site web " [V].com " dans le terminal des utilisateurs résidant en France et de leur faire confirmer que la société [X] avait bien la responsabilité de traitement de ces opérations. Les sociétés étaient également invitées à préciser leur organisation, leurs activités et les liens qui les unissent. Ces dernières ont respectivement répondu à ces questionnaires les 21 mai et 11 juin 2021, en confirmant notamment que la société [X] agissait en tant que " responsable du traitement pour les traitements de données à caractère personnel mis en œuvre dans le cadre de la fourniture du service [V] aux utilisateurs dans la région européenne, en ce compris pour les opérations d’écriture et de lecture de cookies sur le site internet " [V].com " ". Le 26 juillet 2021, sur le fondement de l’article 22 de la loi du 6 janvier 1978, la présidente de la Commission a désigné Madame Valérie PEUGEOT en qualité de rapporteure aux fins d’instruction de ces éléments. Le 1er septembre 2021, à l’issue de son instruction, la rapporteure a fait notifier à la société [X] un rapport détaillant le manquement à la loi " Informatique et Libertés " qu’elle estimait constitué en l’espèce s’agissant de la liberté du consentement, la société ne mettant notamment pas à disposition des utilisateurs situés en France, sur le site web " [V].com ", un moyen de refuser les opérations de lecture et/ou d’écriture d’informations dans leur terminal présentant le même degré de simplicité que celui prévu pour en accepter l’usage. Était également jointe au rapport une convocation à la séance de la formation restreinte du 2 décembre 2021. Ce rapport proposait à la formation restreinte de la Commission de prononcer une amende administrative à l’encontre de la société [X], ainsi qu’une injonction de mettre en conformité le traitement consistant en des opérations de lecture et/ou d’écriture d’informations effectuées à partir du site web " [V].com " dans le terminal des utilisateurs résidant en France avec les dispositions de l’article 82 de la loi " Informatique et Libertés ", assortie d’une astreinte. Il proposait également que cette décision soit rendue publique et ne permette plus d’identifier nommément la société à l’expiration d’un délai de deux ans à compter de sa publication. Par courrier du 6 septembre 2021, la société a sollicité un délai complémentaire auprès du président de la formation restreinte pour produire ses observations en réponse au rapport de la rapporteure, qui lui a été accordé le 9 septembre suivant, sur le fondement de l’article 40, alinéa 4, du décret n° 2019-536 du 29 mai 2019 pris pour l'application de la loi " Informatique et Libertés " (ci-après " le décret du 19 mai 2019 "). Le 8 octobre 2021, la société a produit des observations en réponse au rapport de la rapporteure. Le 18 octobre 2021, la rapporteure a demandé au président de la formation restreinte un délai supplémentaire pour répondre aux observations de la société, qui lui a été accordé le 21 octobre suivant, ce dont la société a été informée le même jour. Le 28 octobre 2021, la rapporteure a répondu aux observations de la société. Le 29 octobre 2021, la société a sollicité auprès du président de la formation restreinte une extension du délai pour produire ses observations à la réponse de la rapporteure, qui lui a été accordée le 4 novembre suivant. Le 21 novembre 2021, la société a présenté de nouvelles observations en réponse à celles de la rapporteure. Le 29 novembre 2021, la société a formulé la demande que les données expressément identifiées dans ses écritures comme relevant du secret des affaires ne soient pas divulguées au public lors de la séance de la formation restreinte, à laquelle le président de la formation restreinte a fait droit par un courrier du 30 novembre 2021. La société et la rapporteure ont présenté des observations orales lors de la séance de la formation restreinte du 2 décembre 2021. Le 6 décembre 2021, la société a adressé au président de la formation restreinte et à la rapporteure des éléments complémentaires rendant compte d’une mise à jour en cours de déploiement sur le site web " [V].com ". Motifs de la décision A.Sur la compétence de la CNIL Sur la compétence matérielle de la CNIL et la non-application du mécanisme de " guichet unique " prévu par le RGPD Les dispositions de la directive 2002/58/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 juillet 2002 concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques - telle que modifiée par la directive 2006/24/CE du 15 mars 2006 et par la directive 2009/136/CE du 25 novembre 2009 (ci-après la " directive " ePrivacy ") - qui sont relatives au stockage ou à l’accès à des informations déjà stockées dans l’équipement terminal d’un abonné ou d’un utilisateur, ont été transposées en droit interne à l’article 82 de la loi " Informatique et Libertés ", au sein du chapitre IV " Droits et obligations propres aux traitements dans le secteur des communications électroniques " de cette loi. Aux termes de l’article 16 de la loi " Informatique et Libertés ", " la formation restreinte prend les mesures et prononce les sanctions à l'encontre des responsables de traitements ou des sous-traitants qui ne respectent pas les obligations découlant […] de la présente loi ". Selon l’article 20, paragraphe III, de cette même loi, " lorsque le responsable de traitement ou son sous-traitant ne respecte pas les obligations résultant […] de la présente loi, le président de la Commission nationale de l'informatique et des libertés […] peut saisir la formation restreinte ". La rapporteure considère que la CNIL est matériellement compétente en application de ces dispositions pour contrôler et, le cas échéant, sanctionner les opérations d’accès ou d’inscription d’informations effectuées par la société dans les terminaux des utilisateurs du réseau social [V] résidant en France et, plus particulièrement, le fait que la société méconnaisse la liberté du consentement des internautes en ne mettant pas à leur disposition un moyen de refuser les opérations de lecture et/ou d’écriture d’informations dans leur terminal qui présente le même degré de simplicité que celui prévu pour en accepter l’usage. La société conteste cette compétence au motif que le manquement qui lui est reproché ne relèverait pas de la directive " ePrivacy ". Elle avance que, contrairement aux sociétés [A] et [B] qui ont été sanctionnées par la formation restreinte en décembre 2020 pour un manquement à l’interdiction de déposer des cookies sans avoir préalablement recueilli le consentement des personnes (décisions CNIL, formation restreinte, 7 décembre 2020, SAN-2020-012 et SAN-2020-013), il lui est seulement reproché, au titre de la présente procédure, d’avoir violé la règle selon laquelle il doit être aussi simple pour les utilisateurs de refuser le dépôt de cookies que d'y consentir. Or, selon la société, cette règle ne résulterait en tant que telle d’aucune disposition légale ou règlementaire applicable et serait une création de la CNIL, formalisée dans les délibérations du 17 septembre 2020 n° 2020-091 portant adoption de lignes directrices relatives à l’application de l’article 82 de la loi du 6 janvier 1978 modifiée aux opérations de lecture et/ou d’écriture dans le terminal d’un utilisateur (notamment aux " cookies et autres traceurs ") et n° 2020-092 portant adoption d’une recommandation proposant des modalités pratiques de mise en conformité en cas de recours aux " cookies et autres traceurs " (ci-après les lignes directrices et recommandation du 17 septembre 2020 "). La société considère qu’à supposer que cette règle existe réellement, elle ne pourrait matériellement relever que du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 (ci-après le " Règlement " ou le " RGPD "), comme l’aurait d’ailleurs partiellement reconnu la CNIL dans une communication du 2 avril 2021 mise en ligne sur son site web en indiquant que " la seule présence d’un bouton " Paramétrer " en complément du bouton " Tout accepter " tend, en pratique, à dissuader le refus et ne permet donc pas de se mettre en conformité avec les exigences posées par le RGPD ". La société en tire comme conséquence qu’il conviendrait d’appliquer le mécanisme de " guichet unique " prévu au chapitre VII de ce Règlement à la présente procédure. Au titre de ce mécanisme, dès lors que la société [X], qui a la qualité de responsable du traitement en cause, est établie en Irlande et que son administration centrale est située dans ce pays, l’autorité de contrôle compétente pour connaître des faits qui lui sont reprochés ne serait pas la CNIL mais l’autorité de protection des données irlandaise, la Data Protection Commissionner (ci-après " la DPC "). En premier lieu, la formation restreinte rappelle qu’il convient d’opérer une distinction entre, d’une part, les opérations consistant à déposer et à lire des cookies dans le terminal d’un utilisateur et, d’autre part, l’utilisation ultérieure qui est faite des données générées par ces cookies, par exemple à des fins de profilage, désignée sous l’expression " traitements subséquents " (dits également " ultérieurs "). Elle souligne que chacune de ces deux étapes successives est soumise à un régime juridique différent : tandis que les opérations de lecture et/ou d’écriture sont régies par des règles spéciales, fixées par l’article 5, paragraphe 3, de la directive " ePrivacy ", les traitements subséquents relèvent quant à eux du RGPD et, à ce titre, peuvent être soumis au mécanisme de " guichet unique " dans l’hypothèse où ils seraient transfrontaliers. Elle rappelle qu’il ressort des dispositions citées ci-avant que le législateur français a chargé la CNIL de veiller au respect des dispositions de la directive " ePrivacy " transposées à l’article 82 de la loi " Informatique et Libertés ", en lui confiant notamment le pouvoir de sanctionner toute méconnaissance de cet article. Elle souligne que cette compétence a notamment été reconnue par le Conseil d’État dans sa décision Association des agences-conseils en communication du 19 juin 2020 concernant la délibération de la CNIL n° 2019-093 portant adoption de lignes directrices relatives à l’application de l’article 82 de la loi du 6 janvier 1978 modifiée aux opérations de lecture et/ou écriture dans le terminal d’un utilisateur. Le Conseil d’État a en effet relevé que " l’article 20 de cette loi confie [au] président [de la CNIL] le pouvoir de prendre les mesures correctrices en cas de non-respect des obligations résultant du règlement (UE) 2016/279 ou de ses propres dispositions, ainsi que la possibilité de saisir la formation restreinte en vue du prononcé des sanctions susceptibles d’être prononcées " (CE, 19 juin 2020, req. 434684, pt. 3). En l’espèce, la formation restreinte relève que la présente procédure ne vise que les opérations de lecture et/ou d’écriture mises en œuvre dans le terminal de l’utilisateur situé en France se rendant sur le réseau social [V], les constatations matérielles effectuées par la délégation lors du contrôle en ligne du 8 avril 2021 n’ayant porté que sur ces opérations, sans s’intéresser aux traitements subséquents mis en œuvre à partir des données collectées via ces cookies. En deuxième lieu, la formation restreinte rappelle qu’au titre des règles prévoyant l’articulation entre la directive " ePrivacy " et le RGPD, l’article 1er paragraphe 2 de cette directive prévoit que " les dispositions de la présente directive précisent et complètent la directive 95/46/CE " du Parlement européen et du Conseil du 24 octobre 1995 sur la protection des données personnelles [ci-après " la directive 95/46/CE "]), étant rappelé que, depuis l’entrée en application du Règlement, les références faites à la directive 95/46/CE doivent s’entendre comme faites au RGPD, conformément à l’article 94 de ce dernier. De même, il ressort du considérant 173 du RGPD que ce texte prévoit explicitement n’être pas applicable aux traitements de données à caractère personnel " soumis à des obligations spécifiques ayant le même objectif [de protection des libertés et droits fondamentaux] énoncées dans la directive 2002/58/CE du Parlement européen et du Conseil, y compris les obligations incombant au responsable du traitement et les droits des personnes physiques ". La formation restreinte souligne que cette articulation a été confirmée par la Cour de justice de l’Union européenne (ci-après " la CJUE ") dans sa décision Planet49 du 1er octobre 2019 (CJUE, grande chambre, 1er octobre 2019, Planet49, C-673/17, pt. 42). Elle rappelle également que la directive " ePrivacy " prévoit, pour les obligations spécifiques qu’elle comporte, son propre mécanisme de mise en œuvre et de contrôle de son application en laissant aux Etats membres, par l’intermédiaire de son article 15 bis, le soin de préciser, dans le cadre de leur loi nationale, le régime des sanctions qu’ils souhaitent mettre en œuvre pour garantir son effectivité. Elle relève en l’occurrence que la règle posée à l’article 5, paragraphe 3, de la directive " ePrivacy ", selon laquelle les opérations de lecture et/ou d’écriture doivent systématiquement faire l’objet d’un accord préalable de l’utilisateur, après information, constitue une obligation spécifique puisqu’elle interdit à un acteur de se prévaloir des bases légales mentionnées à l’article 6 du RGPD pour pouvoir licitement procéder à ces opérations de lecture et/ou d’écriture dans le terminal. Il en résulte que la violation de cette règle relève du mécanisme spécial de contrôle et de sanction prévu par la directive " ePrivacy " et non de celui prévu par le RGPD. La formation restreinte note d’ailleurs que le CEPD a, dans son avis n° 5/2019 du 12 mars 2019 relatif aux interactions entre la directive " vie privée et communications électroniques " et le RGPD, explicitement exclu l’application du mécanisme de " guichet unique " à des faits relevant matériellement de la directive " ePrivacy " en ces termes : " conformément au chapitre VII du RGPD, les mécanismes de coopération et de cohérence dont disposent les autorités de protection des données au titre du RGPD concernent le contrôle de l’application des dispositions du RGPD. Les mécanismes du RGPD ne s’appliquent pas au contrôle de l’application des dispositions de la directive " vie privée et communications électroniques " en tant que telle " (CEPD, avis 5/2019, 12 mars 2019, pt. 80). Elle relève de surcroît que la CJUE, dans un arrêt [...] rendu le 15 juin 2021, a repris l’avis 5/2019 du CEPD précité, tout en suivant sur ce point les conclusions de son avocat général, M. BOBEK, lequel estimait qu’" afin de décider si une affaire relève effectivement du champ d’application matériel du RGPD, une juridiction nationale, y compris toute juridiction de renvoi, est tenue de rechercher la source précise de l’obligation légale pesant sur un opérateur économique dont il est allégué qu’il l’a enfreinte. Si la source de cette obligation n’est pas le RGPD, les procédures établies par cet instrument, qui sont liées à son objectif principal, ne sont logiquement pas non plus applicables " (CJUE, conclusions de l’avocat général M. BOBEK, 13 janvier 2021, [...], C‑645/19, pts. 37 et 38). En l’occurrence, la formation restreinte relève que, dans la présente procédure, la source précise de l’obligation légale objet du contrôle trouve sa seule origine dans l'obligation spécifique posée à l’article 5, paragraphe 3, de la directive " ePrivacy ", transposé en droit français à l’article 82 de la loi " Informatique et Libertés ". En troisième lieu, s’agissant de la portée à donner à cette obligation spécifique, la formation restreinte rappelle que les opérations de lecture et/ou d’écriture dans le terminal de l’utilisateur doivent systématiquement faire l’objet du " consentement préalable " de l’utilisateur. Elle souligne qu’en vertu de l’article 2, paragraphe f) de la directive " ePrivacy ", le consentement doit s’entendre au sens de " consentement de la personne concernée " figurant dans la directive 95/46/CE. Or, dans la mesure où, comme déjà évoqué, depuis l’entrée en application du Règlement les références faites à la directive 95/46/CE doivent s’entendre comme faites au RGPD, il en résulte que le " consentement " prévu à l’article 5, paragraphe 3, de la directive " ePrivacy " tel que transposé à l’article 82 de la loi " Informatique et Libertés " doit désormais s’entendre au sens du RGPD. A cet égard, la formation restreinte relève que le consentement au sens du RGPD pose plus d’exigences en la matière que ce que prévoyait l’article 2, h) de la directive 95/46/CE. Notamment, au titre de ces nouvelles exigences, l’article 4, paragraphe 11 du RGPD requiert que le consentement soit désormais univoque, ce qui implique qu’il soit donné par un " acte positif clair " et le considérant 42 du RGPD renforce son caractère libre, en précisant que la personne doit désormais disposer d’une " véritable liberté de choix " au moment de consentir. En ce qui concerne les opérations de lecture et/ou d’écriture d’informations, ce renforcement du caractère libre du consentement implique que les modalités qui sont proposées à l’utilisateur pour manifester son choix soient telles qu’elles ne l’incitent pas plus à accepter les cookies qu’à les refuser. La formation restreinte remarque que c’est dans ce sens qu’il convient de comprendre la communication de la CNIL du 2 avril 2021 publiée sur son site web et dénoncée par la société. En effet, en écrivant que " la seule présence d’un bouton " Paramétrer " en complément du bouton " Tout accepter " tend, en pratique, à dissuader le refus et ne permet donc pas de se mettre en conformité avec les exigences posées par le RGPD ", la CNIL a seulement voulu souligner le renforcement des exigences relatives au recueil du consentement de l’utilisateur avant toute opération de lecture et/ou d’écriture d’informations dans son terminal engendré par l’entrée en application du RGPD. La formation restreinte souligne néanmoins que si le RGPD étaye bien les conditions du consentement, le respect des dispositions spéciales issues de la directive " ePrivacy " qui imposent ce consentement, désormais renforcé, de l’utilisateur avant toute opération de lecture et/ou d’écriture dans son terminal continue de relever, en vertu de l’adage specialia generalibus derogant, de la règle spéciale posée par l’article 5, paragraphe 3, de la directive " ePrivacy " et, partant, du mécanisme spécial de contrôle et de sanction prévu à l’article 15 bis de cette même directive. Ainsi, le simple renvoi au RGPD qu’opèrent les dispositions de la directive " ePrivacy " sur la définition du consentement ne suffit pas à attraire avec lui l’applicabilité du mécanisme de " guichet unique " aux faits de l’espèce. En quatrième lieu, la formation restreinte observe qu’il serait en tout état de cause matériellement impossible en l’état actuel du droit d’appliquer le mécanisme de " guichet unique " à des faits relevant de la directive " ePrivacy " et que cette position fait par ailleurs l’objet d’un consensus au niveau européen. En effet, les États membres, qui sont libres de déterminer l’autorité nationale compétente pour connaître des violations des dispositions nationales prises en application de la directive " ePrivacy ", peuvent avoir attribué cette compétence à une autorité autre que leur autorité nationale de protection des données instituée par le RGPD, en l’occurrence à leur autorité de régulation des télécommunications. Dès lors, dans la mesure où ces dernières autorités ne font pas partie du CEPD, alors que ce comité joue une fonction incontournable dans le mécanisme de contrôle de la cohérence mis en œuvre au chapitre VII du RGPD, il est de fait impossible d’appliquer le " guichet unique " à des pratiques susceptibles d’être sanctionnées par des autorités de contrôle nationales ne siégeant pas au sein de ce comité. La formation restreinte souligne également que d’autres autorités nationales de protection des données ont également déjà prononcé des sanctions portant sur des manquements relatifs aux opérations de lecture et/ou d’écriture d’informations dans le terminal des utilisateurs. L’autorité espagnole a ainsi rendu plusieurs décisions de sanction à l’encontre de différents responsables de traitement en application exclusive des dispositions nationales transposant la directive " ePrivacy ", en l’occurrence l’article 22, paragraphe 2 de la Ley 34/2002 de 11 de julio de Servicios de la Sociedad de la Información y de Comercio Electrónico, sans que soit mise en œuvre la procédure de coopération instituée par le RGPD. Enfin, la formation restreinte note que la question d’une éventuelle future application du mécanisme de " guichet unique " aux traitements aujourd’hui encadrés par l’actuelle directive " ePrivacy " fait l’objet de nombreuses discussions dans le cadre de l’élaboration du projet de règlement " ePrivacy " en cours de négociation depuis plus de quatre ans au niveau européen. L’existence même de ces débats confirme qu’en l’état le mécanisme de " guichet unique " prévu par le RGPD n’est pas applicable aux matières régies par l’actuelle directive " ePrivacy ". Il résulte de ce qui précède que le mécanisme de " guichet unique " prévu par le RGPD n’est pas applicable à la présente procédure et que la CNIL est compétente pour contrôler et engager une procédure de sanction contre le traitement mis en œuvre par la société consistant en des opérations de lecture et/ou d’écriture d’informations effectuées à partir du site web " [V].com " dans le terminal des utilisateurs résidant en France relevant du champ d’application de la directive " ePrivacy ", sous réserve que ce traitement se rattache à sa compétence territoriale. Sur la compétence territoriale de la CNIL La règle d’application territoriale des exigences fixées à l’article 82 de la loi " Informatique et Libertés " est précisée à l’article 3, paragraphe I, de cette loi, lequel dispose : " sans préjudice, en ce qui concerne les traitements entrant dans le champ du règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016, des critères prévus par l'article 3 de ce règlement, l'ensemble des dispositions de la présente loi s'appliquent aux traitements des données à caractère personnel effectués dans le cadre des activités d'un établissement d'un responsable du traitement (…) sur le territoire français, que le traitement ait lieu ou non en France ". La rapporteure considère que la CNIL est territorialement compétente en application de ces dispositions dès lors que le traitement objet de la présente procédure, consistant en des opérations d’accès et/ou d’inscription d’informations dans le terminal des utilisateurs résidant en France lors de l’utilisation du réseau social [V], notamment à des fins publicitaires, est effectué dans le " cadre des activités " de la société [Z], qui constitue " l’établissement " sur le territoire français du groupe [W]. La société soutient que dans la mesure où il conviendrait de faire application des règles de compétence et des procédures de coopération définies par le RGPD, la CNIL ne disposerait pas de la compétence territoriale pour connaître de cette affaire étant donné que le " siège réel " du groupe [W] en Europe, soit le lieu de son administration centrale au sens de l’article 56 du RGPD, est situé en Irlande. La formation restreinte relève que pour déterminer si la CNIL dispose d’une compétence pour contrôler le respect, par la société [X], des exigences prévues à l’article 82 de la loi " Informatique et Libertés " dans le cadre du traitement en cause, il convient d’examiner en l’occurrence si les deux critères d’application territoriale de la loi " informatiques et libertés ", prévus au paragraphe I de son article 3, sont réunis : à savoir, d’une part, si [V] dispose d’un " établissement sur le territoire français " et si, d’autre part, le traitement en cause est effectué " dans le cadre des activités de cet établissement ". La formation restreinte rappelle en ce sens que la directive " ePrivacy " ne fixe pas elle-même explicitement la règle d’application territoriale des différentes lois de transposition adoptées par chaque Etat membre. Cependant, cette directive indique qu’elle " précise et complète la directive 95/46.CE ", laquelle prévoyait à l’époque, à son article 4, que " chaque État membre applique les dispositions nationales qu'il arrête en vertu de la présente directive aux traitements de données à caractère personnel lorsque : a) le traitement est effectué dans le cadre des activités d'un établissement du responsable du traitement sur le territoire de l'État membre ; si un même responsable du traitement est établi sur le territoire de plusieurs États membres, il doit prendre les mesures nécessaires pour assurer le respect, par chacun de ses établissements, des obligations prévues par le droit national applicable ". Si cette règle de détermination de la loi nationale applicable au sein de l’Union n’a plus lieu d’être pour l’application des règles du RGPD, qui a remplacé la directive 95/46/CE et s’applique uniformément sur tout le territoire de l’Union, la formation restreinte relève que le législateur français a maintenu ces deux critères d’application territoriale pour les règles spécifiques contenues dans la loi " Informatique et Libertés ", notamment celles qui transposent la directive " ePrivacy ". Il en résulte, comme il sera développé infra, que la jurisprudence de la CJUE sur l’application de l’article 4 de la directive 95/46/CE demeure pertinente pour éclairer la portée à donner à ces deux critères. En premier lieu, sur l’existence d’un établissement de [V] sur le territoire français, la formation restreinte rappelle que, de façon constante, la CJUE a considéré que la notion " dans le cadre des activités d’un établissement " ne saurait recevoir une interprétation restrictive en droit de la protection des données et, que pour savoir si un responsable de traitement disposait d’un " établissement " il convenait d’évaluer tant le degré de stabilité de l’installation que la réalité de l’exercice des activités dans un État membre, en tenant compte de la nature spécifique des activités économiques et des prestations de services en question (cf. notamment, CJUE, 1er octobre 2015, Weltimmo, C‑230/14, pts. 25 à 31). La Cour a notamment précisé que " la notion d’"établissement ", au sens de la directive 95/46, s’étend à toute activité réelle et effective, même minime, exercée au moyen d’une installation stable " (idem, pt. 30), le critère de stabilité de l’installation étant examiné au regard de la présence de " moyens humains et techniques nécessaires à la fourniture de services concrets en question " (idem, pt. 31). La Cour a estimé, en outre, qu’une société, personne morale autonome, du même groupe que le responsable de traitement, peut constituer un établissement du responsable de traitement au sens de ces dispositions (CJUE, 13 mai 2014, Google Spain, C-131/12, pt 48). En l’occurrence, la société [Z], immatriculée en France depuis le 3 février 2011, est le siège de la filiale française de la société [Y] Elle dispose de locaux situés à Paris et emploie environ […] personnes. Il est précisé dans les statuts de cette société, mis à jour et déposés auprès du greffe du tribunal de commerce de Paris le 9 juillet 2020, qu’elle a notamment pour objet " toute activité relative, directement ou indirectement, à l'achat, la vente ou l'intermédiation d'espaces publicitaires sur la Plateforme de réseau social en ligne [V] ou tout autre plateforme opérée par le groupe [W], ou tout autre accord commercial, dans son sens le plus étendu, relatif à l'espace publicitaire en ligne et notamment, sans que cette liste soit limitative, l'offre d’achat, de vente ou de fournir de l'espace publicitaire en ligne, la négociation de contrats concernant l'espace publicitaire en ligne, la mise en œuvre de stratégies marketing relatives à des offres de vente d'espaces publicitaires et tout autre service de publicité pouvant être fournis à des annonceurs, des agences publicitaires ou tout autre tiers ". En ce qui concerne les liens de cette société avec la société [X], la formation restreinte relève qu’elles sont toutes deux des filiales de la maison-mère du groupe, la société [Y], et qu’elles sont notamment liées l’une à l’autre par un contrat de revente d’espaces publicitaires et par un contrat de prestation de services, en vigueur depuis le 1er juillet 2018. A cet égard, la formation restreinte remarque que si, dans sa réponse du 21 mai 2021, la société [Z] a déclaré que " par principe, [X] est la société contractante pour les annonceurs et partenaires en France souhaitant utiliser les produits et services publicitaires de [V] " (…) pour la création, la soumission ou la diffusion de publicités ou toute autre activité ou tout autre contenu commercial ou sponsorisé " (…) ", elle affirme également très clairement que son rôle consiste en " la fourniture d’un support local aux annonceurs et partenaires en France et à la passation des commandes et la facturation de certains clients ". Notamment, la formation restreinte relève qu’au titre du contrat de prestation de services, la société [Z] fournit à titre non exclusif de nombreux services à la société [X], dont des services généraux, administratifs, de ressources humaines, comptables, juridiques, politiques, marketing et de gestion des partenariats. Dès lors, au regard de la nature de ces services, la formation restreinte considère que la société [Z] doit être regardée comme l’établissement en France de la société [X]. En second lieu, sur l’existence d’un traitement effectué " dans le cadre des activités " de la société [Z], la formation restreinte rappelle que dans ses décisions Wirtschaftsakademie (CJUE, grande chambre, 5 juin 2018, Wirtschaftsakademie, C-210/16, pts. 56 à 60) et [...] (CJUE, grande chambre, 15 juin 2021, [...], C-645/19, pts. 92 à 95), qui s’inscrivent dans la lignée de la jurisprudence Google Spain du 13 mai 2014 relative aux activités du moteur de recherche Google en Espagne (CJUE, grande chambre, 13 mai 2014, Google Spain, C-131/12, pt. 55), la Cour de justice a considéré que le traitement consistant en la collecte de données à caractère personnel par l’intermédiaire de cookies déposés dans les terminaux des utilisateurs visitant, en Allemagne et en Belgique, des pages hébergées sur le réseau social [V] était respectivement effectué " dans le cadre des activités " des sociétés [...] et [...], établissements allemand et belge du groupe [...], dans la mesure où ces établissements sont destinés à assurer, dans leur pays respectif, la promotion et la vente des espaces publicitaires proposés par ce réseau social, qui servent à rentabiliser le service offert par [...]. Ainsi, dans l’arrêt [...], la Cour de justice a relevé " d’une part, un réseau social tel que [...] génère une partie substantielle de ses revenus grâce, notamment, à la publicité qui y est diffusée et que l’activité exercée par l’établissement situé en Belgique est destinée à assurer, dans cet État membre, même si ce n’est que de manière accessoire, la promotion et la vente d’espaces publicitaires qui servent à rentabiliser les services [...]. D’autre part, l’activité exercée à titre principal par [...], consistant à entretenir des relations avec les institutions de l’Union et à constituer un point de contact avec ces dernières, vise notamment à établir la politique de traitement des données à caractère personnel par [...] Ireland. Dans ces conditions, les activités de l’établissement du groupe [...] situé en Belgique doivent être considérées comme étant indissociablement liées au traitement des données à caractère personnel en cause au principal, dont [...] Ireland est le responsable s’agissant du territoire de l’Union " (pts. 94-95). Même si ces trois arrêts concernaient plus spécialement les traitements subséquents mis en œuvre à partir des cookies déposés dans les terminaux des utilisateurs – ce qui justifiait l’application de la directive 95/46/CE pour les affaires Google Spain et Wirtschaftsakademie et du RGPD pour l’affaire [...] – cette jurisprudence demeure pertinente pour éclairer la portée à donner à la notion de traitement effectué " dans le cadre des activités " d’un établissement, le législateur français l’ayant reprise, lors de la transposition de la directive " ePrivacy ", pour fonder la compétence territoriale de la CNIL s’agissant des traitements relevant de cette directive. En l’espèce, la formation restreinte relève que les analyses conduites en Allemagne et en Belgique par les autorités de protection des données allemande et belge s’agissant des sociétés […] et […], et confirmées par la CJUE, peuvent être reproduites en France par la CNIL s’agissant de la société [Z]. En effet, il ressort de la réponse de la société [Z] du 21 mai 2021 que ses activités consistent à fournir des " services de support publicitaire à des annonceurs et partenaires en France pour le compte de [X] ". Plus précisément, " elle informe les annonceurs et partenaires en France sur l'utilisation qu'ils peuvent faire des services publicitaires de [V] proposés par [X]. A titre d’illustration, [Z] fournit des conseils sur la manière d’utiliser les outils et les fonctionnalités des produits [V] afin d'optimiser les budgets publicitaires ou d'améliorer la qualité des campagnes publicitaires ". Enfin, " depuis le 1er juillet 2018, [elle] interagit également avec certains annonceurs et partenaires en France, pour ce qui concerne la passation de leurs commandes et la facturation liées à la revente d’espaces publicitaires à leur bénéfice ". En conséquence, la formation restreinte considère que le traitement en cause – consistant en des opérations d’accès ou d’inscription d’informations dans le terminal des utilisateurs résidant en France lors de l’utilisation du réseau social [V], notamment à des fins publicitaires – est effectué " dans le cadre des activités de [Z] ", société qui est " l’établissement de [V] sur le territoire français " et participe, à ce titre, à la promotion et à la commercialisation des produits [V] et de leurs solutions publicitaires en France. Les deux critères prévus à l’article 3, paragraphe I, de la loi " Informatique et Libertés " étant réunis, le traitement est soumis au droit français. La formation restreinte souligne que l’application du droit français ne concerne que les opérations de lecture et/ou d’écriture qui sont effectuées sur le territoire français (l’article 4 de la directive 95/46/CE précisait d’ailleurs que la loi de l’Etat membre ne s’appliquait qu’aux activités de l’établissement " sur le territoire de l’Etat membre "). Elle relève enfin qu’il s’agit d’une position constante de sa part depuis l’intervention de la jurisprudence Google Spain en 2014 (cf. notamment les décisions CNIL, formation restreinte, 27 avril 2017, SAN-2017-006 ; CNIL, formation restreinte, 19 décembre 2018, SAN-2018-011 ; CNIL, formation restreinte, 7 décembre 2021, SAN-2020-012 et CNIL, formation restreinte, 7 décembre 2021, SAN-2020-013). Il résulte de ce qui précède que le droit français est applicable et que la CNIL est matériellement et territorialement compétente pour exercer ses pouvoirs, y compris celui de prendre une mesure de sanction concernant le traitement en cause qui relève du champ d’application de la directive " ePrivacy ". B. Sur le grief tiré de l’illégalité de la présente procédure de sanction La société dénonce le fait de n’avoir pas bénéficié d’une mise en demeure préalable, à l’instar de la soixantaine d’acteurs ayant fait l’objet de cette mesure correctrice entre mai et juillet 2021 pour des faits similaires, et invoque l’atteinte au principe d’égalité devant la loi qui en résulterait. Elle soutient que ce principe serait également méconnu en raison de la sévérité des mesures correctrices proposées par la rapporteure en comparaison des récentes décisions de la formation restreinte prononcées à l’encontre d’acteurs importants pour non-respect des dispositions de l’article 82 de la loi " Informatique et Libertés " (cf. décisions CNIL, formation restreinte, 18 novembre 2020, SAN-2020-009 ; 7 décembre 2020, SAN-2020-012 et SAN-2020-013 ; 27 juillet 2021, SAN-2021-013). S’agissant d’abord du défaut de mise en demeure préalable, la formation restreinte relève qu’en vertu de l’article 20, paragraphe III, de la loi " Informatique et Libertés " l’orientation d’un dossier vers une procédure de sanction appartient au seul président de la CNIL, de sorte que la formation restreinte, n’a pas à se prononcer sur le principe de sa saisine. Elle rappelle également qu’il résulte de ces dispositions que le président de la CNIL n’est pas tenu d’adresser une mise en demeure à un responsable de traitement avant d’engager une procédure de sanction à son encontre. Elle ajoute que la possibilité d’engager directement une procédure de sanction a été confirmée par le Conseil d’État (voir, notamment, CE, 4 nov. 2020, n° 433311, pt. 3). Au demeurant, la formation restreinte remarque qu’une mise en demeure préalable se justifiait d’autant moins en l’espèce que la société a déjà, à la suite d’une mise en demeure préalable, fait l’objet d’une sanction de la part de la formation restreinte pour des manquements relatifs aux cookies en 2017. La société se devait donc d’être à la fois particulièrement vigilante quant au respect de ses obligations en matière de cookies et également attentive aux évolutions de la réglementation en la matière, notamment à la suite du renforcement des conditions du consentement consécutif à l’entrée en application du RGPD. La formation restreinte relève, enfin, que la CNIL a particulièrement communiqué sur ces évolutions, notamment en définissant un plan d’action relatif aux cookies dont les modalités ont été détaillées dès 2019 dans un communiqué de presse diffusé sur son site web le 28 juin 2019. La CNIL y précisait notamment qu’elle laisserait une " période transitoire " aux responsables de traitement afin qu’ils disposent du temps nécessaire à la mise en conformité de leurs opérations de lecture et/ou d’écriture aux nouvelles exigences consécutives à l’entrée en application du RGPD et qui seraient consacrées dans la nouvelle recommandation qui allait être rédigée. Elle soulignait déjà qu’elle procéderait à des vérifications du respect de cette future recommandation dans les six mois suivant son adoption définitive. Prorogée une fois, cette période d’adaptation est arrivée à son terme le 1er avril 2021. S’agissant, ensuite, du montant de l’amende proposé par la rapporteure, celui-ci n’a pas d’incidence sur la légalité de la procédure. En conséquence, la formation restreinte estime que le grief tiré de l’illégalité de la procédure doit être écarté. C. Sur le manquement aux obligations en matière de cookies Aux termes de l’article 82 de la loi " Informatique et Libertés ", qui transpose en droit français les dispositions de l’article 5, paragraphe 3, de la directive " ePrivacy ", " tout abonné ou utilisateur d'un service de communications électroniques doit être informé de manière claire et complète, sauf s'il l'a été au préalable, par le responsable du traitement ou son représentant : 1° De la finalité de toute action tendant à accéder, par voie de transmission électronique, à des informations déjà stockées dans son équipement terminal de communications électroniques, ou à inscrire des informations dans cet équipement ; 2° Des moyens dont il dispose pour s'y opposer Ces accès ou inscriptions ne peuvent avoir lieu qu'à condition que l'abonné ou la personne utilisatrice ait exprimé, après avoir reçu cette information, son consentement (…) ". En vertu de l’article 2, paragraphe f) de la directive " ePrivacy ", le consentement doit s’entendre au sens de " consentement de la personne concernée " figurant dans la directive 95/46/CE. Aux termes de l’article 94 du RGPD " les références faites à la directive abrogée doivent s’entendre comme faites au [RGPD] ". Au titre de l’article 4, paragraphe 11, du RGPD, pour être valablement recueilli, le consentement doit être une " manifestation de volonté, libre, spécifique, éclairée et univoque par laquelle la personne concernée accepte, par une déclaration ou par un acte positif clair ". La portée de cet article est éclairée par le considérant 42 du RGPD, selon lequel " le consentement ne devrait pas être considéré comme ayant été donné librement si la personne concernée ne dispose pas d'une véritable liberté de choix ou n'est pas en mesure de refuser ou de retirer son consentement sans subir de préjudice ". En l’espèce, la délégation a constaté dans le cadre du contrôle en ligne du 8 avril 2021 que, lorsqu’un utilisateur se rend sur le réseau social [V], une fenêtre surgissante dont le titre est " Accepter les cookies de [V] dans ce navigateur " apparaît et, qu’au bas de cette fenêtre, figurent deux boutons intitulés " Gérer les paramètres de données " et " Tout accepter ". Il a également été constaté qu’à ce stade aucun cookie n’était déposé dans le terminal de l’utilisateur et que ce dernier était obligé de cliquer sur l’un de ces deux boutons pour pouvoir poursuivre sa navigation sur le réseau social. Ainsi, lorsque l’utilisateur clique sur le bouton " Tout accepter " figurant au bas de cette première fenêtre et donne par cette action son consentement à la lecture et/ou à l’écriture d’informations dans son terminal, la fenêtre disparaît, ce qui lui permet de poursuivre la navigation sur le réseau social. Lorsque l’utilisateur clique sur le bouton " Gérer les paramètres de données ", une nouvelle fenêtre surgissante apparaît, comprenant les deux finalités principales poursuivies par les cookies soumis à consentement – la publicité personnalisée effectuée par [V] et la publicité personnalisée effectuée par des tiers – et à côté desquelles se trouvent des boutons glissants, désactivés par défaut. La délégation a constaté que lorsque l’utilisateur fait défiler cette seconde fenêtre, laisse les deux boutons glissants désactivés, puis clique sur le bouton " Accepter les cookies " figurant au bas de cette fenêtre, cette dernière disparaît, ce qui lui permet de poursuivre sa navigation sur le réseau social sans que des cookies publicitaires aient été déposés dans son terminal. Au regard de ces constatations, la rapporteure estime que la société a commis un manquement à l’article 82 de la loi " Informatique et Libertés ", tel qu’éclairé par les exigences renforcées en matière de consentement posées par le RGPD, dès lors qu’elle ne met pas à disposition des utilisateurs résidant en France, sur le site web " [V].com ", un moyen de consentir librement en refusant les opérations de lecture et/ou d’écriture d’informations dans leur terminal présentant le même degré de simplicité que celui prévu pour en accepter l’usage. La rapporteure estime, en outre, que l’information fournie à l’utilisateur ne lui permet par ailleurs pas de comprendre clairement qu’il peut refuser les cookies. Elle relève également à titre d’éclairage qu’aux termes de ses lignes directrices 5/2020 sur le consentement au sens du Règlement (UE) 2016/679, adoptées le 4 mai 2020, le CEPD a rappelé que " l’adjectif " libre " implique un choix et un contrôle réel pour les personnes concernées " (§13). De même, dans le cadre de sa délibération n° 2020-092 du 17 septembre 2020 portant adoption d’une recommandation proposant des modalités pratiques de mise en conformité en cas de recours aux " cookies et autres traceurs ", la Commission a considéré, compte tenu des textes applicables précités, que " le responsable de traitement doit offrir aux utilisateurs tant la possibilité d’accepter que de refuser les opérations de lecture et/ou d’écriture avec le même degré de simplicité ". La société fait valoir que ni la directive " ePrivacy ", ni sa transposition en droit français à l’article 82 de la loi " Informatique et Libertés " ne prévoient la règle selon laquelle il doit être aussi facile de refuser les cookies que de les accepter. Elle ajoute que cette règle n’est pas non plus prévue par le RGPD, dont l’article 7, paragraphe 3, n’introduit qu’une obligation relative au retrait du consentement, qui ne s’étend pas au refus initial de consentir aux cookies. Elle avance que les lignes directrices et la recommandation du 17 septembre 2020 de la CNIL n’ont pas valeur impérative et ne renvoient en tout état de cause à aucune disposition contraignante du RGPD ou de la directive " ePrivacy " lorsqu’elles évoquent cette règle qui, dans ces deux instruments de la CNIL, figure d’ailleurs sous des titres relatifs au refus du consentement et non à la liberté du consentement. Enfin, elle soutient que son parcours informationnel est conforme aux règles applicables dès lors qu’elle fournit bien, dès la première fenêtre, une information relative au paramétrage des cookies et qu’un utilisateur distrait parvenu à la seconde fenêtre permettant ce paramétrage, qui cliquerait sur le bouton " Accepter les cookies " figurant au bas de cette seconde fenêtre, ne verrait aucun cookie publicitaire déposé dans son terminal. En premier lieu, en ce qui concerne les modalités du refus, la formation restreinte renvoie aux dispositions rappelées aux points 41 à 43 et aux points 82 et suivants de la présente délibération. Elle estime que, pour garantir la liberté du consentement, il devrait en l’espèce être aussi facile de refuser les cookies que de les accepter. Elle souligne que le CEPD éclaire ce point dans ses lignes directrices sur le consentement adoptées le 4 mai 2020 en précisant que " l’adjectif " libre " implique un choix et un contrôle réel pour les personnes concernées ". En appliquant cette exigence de liberté du consentement aux cookies, elle estime que rendre le mécanisme de refus plus complexe que celui permettant de les accepter, par exemple en reléguant au sein d’une deuxième fenêtre le bouton permettant de les refuser, revient généralement, dans le contexte de la navigation sur le web, en réalité à altérer la liberté de choix des utilisateurs en les incitant à privilégier l’acceptation de ces cookies plutôt que leur refus. Elle relève que cette conclusion est notamment corroborée par une étude universitaire intitulée " Dark Patterns after the GDPR: Scraping Consent Pop-ups and Demonstrating their Influence " (" Les ‘dark patterns’ au temps du RGPD : récupération des fenêtres de consentement et démonstration de leur influence ") conduite en 2020 à partir de différents bandeaux cookies proposés à un panel d’utilisateurs. Dans cette étude, des chercheurs provenant notamment des universités de Cambridge et du MIT ont démontré que 93,1% des internautes confrontés à des bandeaux cookies s’arrêtent au premier niveau et que seule une faible minorité d’entre eux vont au second niveau pour personnaliser ou refuser. Cette étude démontrait également que le fait de reléguer le bouton du refus au second niveau augmentait en moyenne de 23,1 points de pourcentage le taux de consentement aux cookies. Elle rappelle également que, pour tenir compte de l’évolution induite par l’entrée en application du RGPD et notamment pour éclairer la portée à donner à la règle contestée dans la présente procédure, la CNIL a fait évoluer sa délibération n° 2013-378 du 5 décembre 2013 portant adoption d'une recommandation relative aux cookies et aux autres traceurs (ci-après " la recommandation du 5 décembre 2013 "). Cette évolution s’est traduite d’abord par l’adoption de la délibération n° 2019-093 du 4 juillet 2019 portant adoption de lignes directrices relatives à l'application de l'article 82 de la loi du 6 janvier 1978 modifiée aux opérations de lecture et/ou d’écriture dans le terminal d'un utilisateur (notamment aux cookies et autres traceurs) (ci-après " les lignes directrices du 4 juillet 2019), qui prévoyait déjà en son article 2, " qu’il doit être aussi facile de refuser ou de retirer son consentement que de le donner ", puis par celle des lignes directrices et la recommandation du 17 septembre 2020, qui ont respectivement abrogé les lignes directrices du 4 juillet 2019 et la recommandation du 5 décembre 2013. La formation restreinte souligne que les deux instruments adoptés en 2020 visent à interpréter les dispositions législatives et à éclairer les acteurs sur la mise en place de mesures concrètes permettant de garantir le respect de ces dispositions, afin qu’ils mettent en œuvre ces mesures ou des mesures d’effet équivalent, sans toutefois prévoir de nouvelles obligations légales. Elle relève que les lignes directrices du 17 septembre 2020 précisent qu’elles " ont pour objet principal de rappeler et d’expliciter le droit applicable aux opérations de lecture et/ou d’écriture d’informations […] dans l’équipement terminal de communications électroniques de l’abonné ou de l’utilisateur, et notamment à l’usage des témoins de connexion (ci-après " cookies ") ". Elle remarque que l’article 2 des lignes directrices du 17 septembre 2020 et l’article 2.4 de la recommandation du 17 septembre 2020 sont très claires, cette dernière rappelant que " le responsable de traitement doit offrir aux utilisateurs tant la possibilité d’accepter que de refuser les opérations de lecture et/ou d’écriture avec le même degré de simplicité ". Elle souligne que si, par souci de pédagogie, ces précisions figurent dans ces deux instruments sous des titres qui évoquent son contenu plutôt que la source juridique dont elle procède (" S’agissant des modalités du refus " pour la recommandation du 17 septembre 2020, " Sur le refus et le retrait du consentement " pour les lignes directrices du 17 septembre 2020), c’est bien l’exigence de liberté du consentement posée par le RGPD qui implique, s’agissant du dépôt de cookies, que les modalités proposées à l’utilisateur pour manifester ce choix soient telles qu’elles ne l’incitent pas plus à accepter les cookies qu’à les refuser. La formation restreinte relève d’ailleurs que le Conseil d’État a déjà eu l’occasion de se prononcer sur cette question dans sa décision Association des agences-conseils en communication, dans laquelle il examinait les lignes directrices du 4 juillet 2019. Il a ainsi jugé que : " la CNIL qui, en indiquant qu’il devait "être aussi facile de refuser ou de retirer son consentement que de le donner", s’est bornée à caractériser les conditions du refus de l’utilisateur, sans définir de modalités techniques particulières d’expression d’un tel refus, n’a entaché sa délibération d’aucune méconnaissance des règles applicables en la matière " (CE, 19 juin 2020, n° 434684, T., pt 15). Elle remarque que ce considérant doit être lu à l’aune des conclusions du rapporteur public sur cet arrêt, lequel relevait : " Comme l’indique la CNIL, les lignes directrices attaquées n’imposent aucune modalité technique de recueil de ce refus. Elles se bornent à exiger, de manière générale et à juste titre, qu’il ne soit pas plus compliqué de refuser que d’accepter " (CE, conclusions du rapporteur public sur l’arrêt n° 434684, p. 17). Enfin, elle souligne que dans les lignes directrices et dans la recommandation du 17 septembre 2020, la CNIL n’impose pas nécessairement l’insertion d’un bouton " Tout refuser ", mais rappelle l’importance de mettre en place une alternative simple permettant à l’utilisateur de refuser les cookies aussi simplement que de les accepter, en donnant des exemples de formulation et de modalités qui peuvent être utilisées par les organismes afin que la liberté du consentement des utilisateurs soit véritablement respectée. Ainsi, au titre de la recommandation du 17 septembre 2020, la CNIL propose : " Par exemple, au stade du premier niveau d’information, les utilisateurs peuvent avoir le choix entre deux boutons présentés au même niveau et sur le même format, sur lesquels sont inscrits respectivement " tout accepter " et " tout refuser ", " autoriser " et " interdire ", ou " consentir " et " ne pas consentir ", ou toute autre formulation équivalente et suffisamment claire. La Commission considère que cette modalité constitue un moyen simple et clair pour permettre à l’utilisateur d’exprimer son refus aussi facilement que son consentement. L'expression du refus de consentir peut toutefois découler d'autres types d'actions que celle consistant à cliquer sur l'un des boutons décrits ci-dessus. En tout état de cause, la Commission rappelle que les modalités permettant aux utilisateurs de consentir ou de refuser doivent être présentées de façon claire et compréhensible. En particulier, lorsque le refus peut être manifesté par la simple fermeture de la fenêtre de recueil du consentement ou encore par l'absence d'interaction avec celle-ci pendant un certain laps de temps, cette possibilité doit être clairement indiquée aux utilisateurs sur cette fenêtre. En effet, à défaut, l'utilisateur serait susceptible de ne pas comprendre que ces actions conduisent à ce qu'aucune opération de lecture ou d'écriture soumise au consentement ne peut avoir légalement lieu. Un design et une information appropriés devraient lui permettre de bien comprendre les options qui s'offrent à lui ". En l’espèce, la formation restreinte rappelle que, tel qu’il ressort des constations effectuées lors du contrôle en ligne du 8 avril 2021, lorsqu’un utilisateur résidant en France se rend sur le site web " [V].com ", il peut accepter le dépôt de cookies publicitaires en une seule action, en cliquant sur le bouton intitulé " Accepter les cookies " figurant sur la première fenêtre. Elle relève qu’en revanche, pour refuser ces cookies, l’utilisateur devra effectuer pas moins de trois actions : d’abord cliquer sur le bouton intitulé " Gérer les paramètres de données " situé au-dessus du bouton " Accepter les cookies " de la première fenêtre, faire défiler l’intégralité du contenu de la seconde fenêtre, notamment pour constater que les deux boutons glissants commandant le dépôt de cookies publicitaires sont désactivés par défaut, et enfin cliquer sur le bouton " Tout accepter " situé au bas de cette seconde fenêtre. En l’occurrence et comme elle l’a déjà évoqué, la formation restreinte considère que le fait, pour la société, de rendre le mécanisme de refus des cookies plus complexe que celui consistant à les accepter revient en réalité à décourager les utilisateurs de refuser les cookies et à les inciter à privilégier la facilité du bouton " Accepter les cookies ". En effet, un utilisateur du web est généralement conduit à consulter de nombreux sites. La navigation sur le web se caractérise par sa rapidité et sa fluidité. Le fait de devoir cliquer sur " Gérer les paramètres de données " et de devoir comprendre la façon dont est construite la page permettant de refuser les cookies est susceptible de décourager l’utilisateur, qui souhaiterait pourtant refuser le dépôt des cookies. Il n’est pas contesté qu’en l’espèce, la société offre un choix entre l’acceptation ou le refus des cookies, mais les modalités par lesquelles ce refus peut être exprimé, dans le contexte de la navigation sur le web, biaise l’expression du choix en faveur du consentement de façon à altérer la liberté de choix. En second lieu, en ce qui concerne l’information fournie, la formation restreinte rappelle qu’au titre de l’article 82 de la loi " Informatique et Libertés ", l’utilisateur doit notamment être informé, avant de consentir aux cookies, " des moyens dont il dispose pour s'y opposer ", c’est-à-dire pour les refuser, et que l’information fournie doit être " claire et complète ". Elle souligne que ces dispositions doivent se lire à la lumière du considérant 66 de la directive modificative 2009/136/CE " ePrivacy " qui prévoit que " les méthodes retenues pour fournir des informations et offrir le droit de refus devraient être les plus conviviales possibles ". Elle souligne que, dans le cadre de sa recommandation du 17 septembre 2020, la Commission a pris soin de préciser que cette exigence d’une information " claire et complète " devait s’interpréter de telle façon que " l’information accompagnant chaque élément actionnable permettant d’exprimer un consentement ou un refus soit facilement compréhensible et ne nécessite pas d’efforts de concentration ou d’interprétation de la part de l’utilisateur. Ainsi, il est notamment recommandé de s’assurer qu’elle n’est pas rédigée de telle manière qu’une lecture rapide ou peu attentive pourrait laisser croire que l’option sélectionnée produit l’inverse de ce que les utilisateurs pensaient choisir ". En l’espèce, elle rappelle qu’il ressort du contrôle en ligne du 8 avril 2021 qu’une fois arrivé sur le site web " [V].com ", l’utilisateur doit, pour refuser le dépôt de cookies publicitaires, d’abord cliquer sur le bouton " Gérer les paramètres de données " de la première fenêtre, faire défiler l’intégralité de la seconde fenêtre surgissante en laissant les deux boutons glissants désactivés pour ne pas accepter les cookies, puis cliquer sur le bouton " Accepter les cookies " figurant au bas de cette seconde fenêtre. Si, comme la société le fait valoir en défense, la formation restreinte reconnaît qu’un utilisateur distrait qui cliquerait sur le bouton " Accepter les cookies " figurant au bas de la seconde fenêtre ne verrait aucun cookie publicitaire déposé dans son terminal dès lors que les boutons glissants permettant d’activer le dépôt de ces cookies sont désactivés par défaut, elle relève qu’il est particulièrement contre-intuitif de devoir cliquer sur un bouton intitulé " Accepter les cookies " pour en réalité refuser leur dépôt. La formation restreinte considère que ces modalités incitent plutôt l’utilisateur à penser qu’il n’est finalement pas possible de poursuivre sa navigation en ayant refusé le dépôt de cookies publicitaires puisque tout le parcours de refus des cookies repose sur une information renvoyant à l’acceptation des cookies. Elle relève que ce sentiment ne peut être qu’accentué par le caractère peu explicite du bouton " Gérer les paramètres de données " proposé dans le cadre de la première fenêtre, qui ne mentionne pas clairement l’existence de moyens permettant de refuser les cookies. Elle estime que le fait qu’in fine les cookies ne soient pas déposés est sans incidence sur la confusion générée par ce parcours informationnel contradictoire qui peut donner à l’utilisateur le sentiment qu’il n’est pas possible de refuser le dépôt de cookies et qu’il ne dispose pas de modalités de contrôle à cet égard. Au vu de ces éléments, la formation restreinte considère que l’information fournie aux utilisateurs résidant en France se rendant sur la page " [V].com " ainsi que les modalités de recueil de consentement qui leur sont proposées par la société sur ce site web ne sont pas conformes aux dispositions de l’article 82 de la loi " Informatique et Libertés " telles qu’éclairées par les exigences renforcées en matière de consentement posées par le RGPD. Sur le prononcé de mesures correctrices et la publicité L’article 20 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée prévoit que : " lorsque le responsable de traitement ou son sous-traitant ne respecte pas les obligations résultant du règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016 ou de la présente loi, le président de la Commission nationale de l'informatique et des libertés peut […] saisir la formation restreinte de la commission en vue du prononcé, après procédure contradictoire, de l'une ou de plusieurs des mesures suivantes : […] 2° Une injonction de mettre en conformité le traitement avec les obligations résultant du règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016 ou de la présente loi ou de satisfaire aux demandes présentées par la personne concernée en vue d'exercer ses droits, qui peut être assortie, sauf dans des cas où le traitement est mis en œuvre par l'État, d'une astreinte dont le montant ne peut excéder 100 000 € par jour de retard à compter de la date fixée par la formation restreinte ; […] 7° À l'exception des cas où le traitement est mis en œuvre par l'État, une amende administrative ne pouvant excéder 10 millions d'euros ou, s'agissant d'une entreprise, 2 % du chiffre d'affaires annuel mondial total de l'exercice précédent, le montant le plus élevé étant retenu. Dans les hypothèses mentionnées aux 5 et 6 de l'article 83 du règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016, ces plafonds sont portés, respectivement, à 20 millions d'euros et 4 % dudit chiffre d'affaires. La formation restreinte prend en compte, dans la détermination du montant de l'amende, les critères précisés au même article 83. " L’article 83 du RGPD, tel que visé par l’article 20, paragraphe III, de la loi " Informatique et Libertés ", prévoit quant à lui que " Chaque autorité de contrôle veille à ce que les amendes administratives imposées en vertu du présent article pour des violations du présent règlement visées aux paragraphes 4, 5 et 6 soient, dans chaque cas, effectives, proportionnées et dissuasives ", avant de préciser les éléments devant être pris en compte pour décider s'il y a lieu d’imposer une amende administrative et pour décider du montant de cette amende. Sur le prononcé d’une amende administrative et son montant La société fait d’abord valoir que la démonstration par la rapporteure de la gravité du manquement et du nombre de personnes concernées au soutien de sa proposition de sanction est insuffisante. Elle avance également que les développements de la rapporteure relatifs à la portée du manquement et aux avantages financiers perçus du fait du manquement seraient inopérants dès lors que les boutons glissants figurant sur la seconde fenêtre sont désactivés par défaut, de sorte qu’un utilisateur distrait qui cliquerait sur le bouton " Accepter les cookies " situé au bas de cette seconde fenêtre ne verrait aucun cookie déposé dans son terminal. La formation restreinte rappelle, à titre général, que l’article 20, paragraphe III, de la loi " Informatique et Libertés " lui donne compétence pour prononcer diverses sanctions, notamment des amendes administratives dont le montant maximal peut être équivalant à 2 % du chiffre d'affaires annuel mondial total de l’exercice précédent réalisé par le responsable de traitement. La détermination du montant de ces amendes s’apprécie au regard des critères précisés par l’article 83 du RGPD auquel cet article renvoie. En premier lieu, en ce qui concerne le prononcé d’une amende administrative, la formation restreinte considère qu’il convient premièrement de faire application du critère prévu à l’alinéa a) de l’article 83, paragraphe 2, du RGPD relatif à la gravité du manquement compte tenu de la nature, de la portée du traitement et du nombre de personne concernées par ce dernier. Elle relève tout d’abord qu’en ne respectant pas les exigences de l’article 82 de la loi " Informatique et Libertés ", la société ne permet pas aux utilisateurs résidant en France se rendant sur la page web " [V].com " de refuser les cookies aussi facilement que de les accepter. En les privant de cette véritable liberté de choix, la société incite fortement les utilisateurs à consentir au dépôt de cookies publicitaires. La formation restreinte souligne la portée du réseau social [V] et la place incontournable qu’il occupe en France, dès lors qu’il domine de loin le marché des réseaux sociaux, comme l’a relevé l’Autorité de la concurrence dans son avis […]. Elle remarque par ailleurs les " effets de réseau " engendrés par cette position dominante, mis en évidence par l’autorité de la concurrence allemande dans une décision du […]. Elle insiste sur le fait que ce manquement est d’autant plus dommageable pour les personnes concernées que, parallèlement à sa fonction traditionnelle de maintien et de développement des relations interpersonnelles, ce réseau social prend également une place croissante dans des domaines aussi divers que l’accès à l’information, le débat public, voire la sécurité civile […], qui sont d’une importance certaine dans une société démocratique. Elle souligne par ailleurs que le traçage des personnes concernées, qui commence par le recueil des informations liées au compte utilisateur et qui continue tout long de la navigation de l’utilisateur sur [V], dans une finalité publicitaire clairement reconnue par le responsable de traitement, ne s’arrête pas aux frontières du réseau social. Il n’est pas discuté que [V] met à la disposition de très nombreux sites tiers un ensemble d’outils de traçage – tels que des plugins sociaux, des boutons de connexion ou le pixel [V] – qui vont continuer à collecter les données des utilisateurs visitant ces sites tiers pour les croiser avec les données déjà collectées dans le cadre du réseau social et ce afin d’augmenter la valorisation de ces données. Une étude de 2019 ayant révélé la présence de ces outils de traçage [V] sur 44% des 65 000 sites web les plus consultés au monde, la portée indirecte du traitement est donc considérable. Enfin, s’agissant du nombre de personnes concernées par le traitement en cause, la formation restreinte rappelle que, selon les propres éléments de volumétrie fournis par la société, le réseau social comptabilise environ […]d’utilisateurs mensuels en France, ce qui correspond à […] % de la population. Deuxièmement, la formation restreinte estime qu’il convient de faire application du critère prévu à l’alinéa k) de l’article 83, paragraphe 2, du RGPD relatif aux avantages financiers obtenus du fait du manquement. A cet égard, elle relève que dans la mesure où [V] suit un modèle d’affaires dit de " mise en relation de contenus ciblés " (" targeted content matching "), opérant à la fois dans la collecte des données, leur valorisation et la mise en œuvre opérationnelle des publicités diffusées dans les bannières déployées au sein du réseau social, la performance de son modèle d’affaires repose principalement sur les outils de ciblage et notamment sur les cookies, lesquels permettent de singulariser et d’atteindre l’utilisateur identifié en vue de lui proposer du contenu publicitaire adapté à ses centres d’intérêts et à son profil. En l’occurrence, la formation restreinte estime que le manquement en cause procure des avantages financiers indéniables à la société, dès lors que le fait d’opter pour un parcours facilitant davantage le dépôt des cookies que le refus augmente la part des utilisateurs auprès desquels les cookies publicitaires sont susceptibles d’être déposés et donc accroît également le volume des revenus publicitaires générés par le profilage auquel ces cookies participent. Dans cette perspective, il ressort des éléments financiers de la société [Y], communiqués par la société [X], que la première tire près de 98% de ses revenus bruts du segment de la publicité en ligne et qu’elle opère une marge opérationnelle mondiale d’environ 40% sur ce segment. Même si l’ensemble de ces revenus ne sont pas directement liés aux cookies, la formation restreinte souligne que ce segment repose essentiellement sur le ciblage des internautes, auquel le cookie participe directement en permettant de singulariser et d’atteindre l’utilisateur identifié en vue de lui afficher du contenu publicitaire correspondant à ses centres d’intérêt et à son profil. En l’occurrence, si elle n’a pas connaissance du montant du bénéfice tiré par le groupe [W] de la collecte et de l’exploitation de cookies sur le marché français via le revenu généré par la publicité ciblée visant des internautes français, la formation restreinte relève qu’une approximation proportionnelle à partir des données chiffrées dont elle dispose, notamment le revenu moyen généré par un utilisateur européen pour le segment de la publicité en ligne et le nombre d’utilisateurs résidant en France, conduirait à estimer que la France contribuerait au résultat net de la société [Y], la société-mère du groupe [W], aujourd’hui nommée [Y], pour un montant compris entre 550 et 660 millions d’euros. En second lieu, en ce qui concerne la détermination du montant de l’amende, la formation restreinte rappelle qu’en application des dispositions de l’article 20, paragraphe III, de la loi " Informatique et Libertés ", la société [X] encourt une sanction financière d’un montant maximum de 2% de son chiffre d’affaires, lequel était de […] d’euros en 2019. Dès lors, au regard de la responsabilité de la société, de ses capacités financières et des critères pertinents de l’article 83, paragraphe 2, du Règlement évoqués ci-avant, la formation restreinte estime qu’une amende de 60 millions d’euros à l’encontre de la société apparaît justifiée. Sur le prononcé d’une injonction assortie d’une astreinte Dans ses écritures du 8 octobre 2021, la société a indiqué qu’une mise à jour de son interface de recueil du consentement aux cookies serait en cours de déploiement dans la région européenne, y compris en France, sans toutefois produire de justificatif. Elle précisait que " cette mise à jour pour la région européenne n'introduit pas de finalités supplémentaires pour les cookies, pas plus qu'elle n'ajoute de nouveaux cookies " et qu’elle vise à " améliorer l'ergonomie de l'interface ". Le 6 décembre 2021, la société a communiqué des captures d’écran rendant compte de la nature de cette mise à jour. En premier lieu, la formation restreinte constate que cette mise à jour modifie notamment le contenu des boutons de la première fenêtre " Gérer les paramètres de données " et " Tout accepter ", qui s’intitulent respectivement désormais " Autres options " et " Autoriser tous les cookies " et que dans la seconde fenêtre l’ancien bouton unique " Autoriser les cookies " s’intitule désormais " Autoriser uniquement les cookies essentiels " et qu’à côté la société y a introduit un second bouton intitulé " Autoriser tous les cookies ". La formation restreinte relève que, conformément aux explications déjà évoquées au cours de la séance et répétées par la société dans le courrier accompagnant ces captures d’écran, cette mise à jour ne concerne que les " utilisateurs connectés sur le site www.[V].com ", ce que des vérifications informelles lui ont effectivement permis de constater. Par ailleurs, et surtout, la formation restreinte remarque que cette mise à jour ne met toujours pas en place des moyens permettant de refuser les cookies aussi facilement qu’ils peuvent les accepter. Par conséquent, dès lors que l’interface résultant de cette mise à jour n’est toujours pas conforme aux dispositions de l’article 82 de la loi " Informatique et Libertés ", telles qu’éclairées par les exigences renforcées en matière de consentement posées par le RGPD, la formation restreinte estime nécessaire le prononcé d’une injonction afin que la société se mette en conformité avec les obligations applicables en la matière. En second lieu, la formation restreinte rappelle qu’une astreinte journalière est une pénalité financière par jour de retard que devra payer le responsable de traitement en cas de non-respect de l’injonction à l’expiration du délai d’exécution prévu. Son prononcé peut donc parfois s’avérer nécessaire pour s’assurer de la mise en conformité du responsable de traitement sous un certain délai. La formation restreinte ajoute qu’afin de conserver à l’astreinte sa fonction comminatoire, son montant doit être à la fois proportionné à la gravité des manquements commis et adapté aux capacités financières du responsable de traitement. Elle relève, par ailleurs, que pour la détermination de ce montant il doit également être tenu compte du fait que le manquement concerné par l’injonction participe indirectement aux bénéfices générés par le responsable de traitement. Au regard de ces éléments, la formation restreinte considère comme justifié le prononcé d’une astreinte d’un montant de 100 000 euros par jour de retard et liquidable à l’issue d’un délai de trois mois. Sur la publicité de la décision La société demande à la formation restreinte de ne pas rendre publique sa décision. La formation restreinte considère au contraire que la publicité de la présente décision se justifie au regard de la gravité du manquement en cause, de la portée du traitement et du nombre de personnes concernées. Elle relève également que cette mesure permettra d’alerter les utilisateurs du réseau social [V] résidant en France de la caractérisation du manquement à l’article 82 de la loi " Informatique et Libertés " dans ses différentes branches et de les informer de la persistance du manquement au jour de la présente délibération et de l’injonction prononcée à l’encontre de la société pour y remédier. Enfin, elle estime que cette mesure n’est pas disproportionnée dès lors que la décision n’identifiera plus nommément la société à l’expiration d’un délai de deux ans à compter de sa publication. PAR CES MOTIFS La formation restreinte de la CNIL, après en avoir délibéré, décide de : prononcer une amende administrative à l’encontre de la société [X] d’un montant de soixante millions d’euros (60 000 000 d’euros) au regard du manquement constitué à l’article 82 de la loi " Informatique et Libertés " ; prononcer à l’encontre de la société [X], une injonction de modifier, sur le site web " [V].com ", les modalités de recueil du consentement des utilisateurs situés en France aux opérations de lecture et/ou d’écriture d’informations dans leur terminal, en leur offrant un moyen de refuser ces opérations présentant une simplicité équivalente au mécanisme prévu pour leur acceptation, afin de garantir la liberté de leur consentement ; assortir l’injonction d’une astreinte de cent mille euros (100 000 euros) par jour de retard à l’issue d’un délai de trois mois suivant la notification de la présente délibération, les justificatifs de la mise en conformité devant être adressés à la formation restreinte dans ce délai ; rendre publique, sur le site web de la CNIL et sur le site web de Légifrance, sa délibération, qui ne permettra plus d’identifier nommément la société à l’issue d’une durée de deux ans à compter de sa publication ; adresser sa délibération à la société [Z] en vue de son exécution. Le président Cette décision est susceptible de faire l’objet d’un recours devant le Conseil d’État dans un délai de quatre mois à compter de sa notification. |
CNILTEXT000046096716 | CNIL | texte/cnil/CNIL/TEXT/00/00/46/09/67/CNILTEXT000046096716.xml | DELIBERATION | Délibération de la formation restreinte no SAN-2022-016 du 11 juillet 2022 relative à l’injonction prononcée à l’encontre de la société X par la délibération no 2021-024 du 31 décembre 2021 | SAN-2022-016 | Sanction | 2022-07-11 00:00:00 | 2022-07-28 00:00:00 | VIGUEUR | La Commission nationale de l’informatique et des libertés, réunie en sa formation restreinte composée de messieurs Alexandre LINDEN, président, et Philippe-Pierre CABOURDIN, vice-président, et de mesdames Anne DEBET et Christine MAUGÜÉ ; Vu le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données ; Vu la loi no 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, notamment ses articles 20 et suivants ; Vu le décret no 2019-536 du 29 mai 2019 modifié pris pour l'application de la loi no 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ; Vu la délibération no 2013-175 du 4 juillet 2013 portant adoption du règlement intérieur de la Commission nationale de l'informatique et des libertés ; Vu la délibération no 2021-024 du 31 décembre 2021 prononçant une injonction à l’encontre de la société X; Vu les éléments transmis par la société X les 1er février et 1er avril 2022 pour démontrer sa conformité à l’injonction ; Vu le courrier du 5 avril 2022 par lequel le président de la formation restreinte a demandé au rapporteur d’intervenir à nouveau dans la procédure pour effectuer des vérifications complémentaires ; Vu la décision de contrôle n° 2022-063C du 7 avril 2022 de la présidente de la Commission nationale de l'informatique et des libertés de charger le secrétaire général de procéder ou de faire procéder à une mission de vérification des traitements accessibles à partir du domaine " [...].com " ou portant sur des données à caractère personnel collectées à partir de ce dernier ; Vu le courrier de Madame Valérie PEUGEOT, commissaire rapporteure, notifié aux conseils de la société X le 20 mai 2022 ; Vu les observations en réponse versées par les conseils de la société X le 7 juin 2022 ; Vu les autres pièces du dossier ; Après en avoir délibéré, a adopté la décision suivante : Faits et procédure La délibération no 2021-024 du 31 décembre 2021 a enjoint à la société X de : " modifier, sur le site web " [...].com", les modalités de recueil du consentement des utilisateurs situés en France aux opérations de lecture et/ou d’écriture d’informations dans leur terminal, en leur offrant un moXen de refuser ces opérations présentant une simplicité équivalente au mécanisme prévu pour leur acceptation, afin de garantir la liberté de leur consentement ". Cette injonction était assortie d’une astreinte de 100 000 euros par jour de retard à l’issue d’un délai de trois mois suivant la notification de la délibération, les justificatifs de la mise en conformité devant être adressés à la formation restreinte dans ce délai. Les 1er février et 1er avril 2022, dans le délai fixé par la délibération, la société X, qui a succédé à la société X, a adressé au président de la formation restreinte des éléments en vue de justifier de sa mise en conformité, en présentant les changements déploXés sur le site web " [...].com " à partir de la fin du mois de février. Par courrier du 5 avril 2022, le président de la formation restreinte a demandé à la rapporteure d’intervenir à nouveau aux fins d’instruction de ces éléments, sur le fondement de l’article 44 du décret n°2019-536 du 29 mai 2019, pour s’assurer que le mécanisme de refus proposé par la société est bien effectif. Afin de pouvoir procéder aux diligences utiles sur le fondement de l’article 39 du décret précité, la rapporteure a demandé à la présidente de la Commission, par un courrier électronique du 7 avril 2022, de charger le secrétaire général de faire procéder à une mission de vérification des traitements mis en œuvre sur le site web " [...].com ". Le 12 avril 2022, une délégation de la CNIL a effectué un contrôle en ligne sur le site web " [...].com ", au cours duquel elle a constaté le présence dans son terminal d’un cookie dénommé " oo ", dont le dépôt n’avait pas été constaté lors du contrôle en ligne du 8 avril 2021 à l’origine de la procédure de sanction. Par courrier notifié à la société le 20 mai 2022, la rapporteure a demandé à la société de lui indiquer, dans un délai de quinze jours, " la finalité (par exemple : technique, publicitaire, bouton de partage de réseau social, mesure d’audience, etc.) du cookie dénommé " oo " dont le dépôt a été constaté dans le cadre du contrôle en ligne du 12 avril 2022, en fournissant toute documentation nécessaire pour en attester ". Par courrier en réponse du 7 juin 2022, la société a apporté les précisions demandées. Motifs de la décision La formation restreinte relève qu’il ressort des éléments fournis par la société dans ses différents courriers que les personnes se rendant sur le site web " [...].com " se voient désormais proposées un moXen de refuser les opérations de lecture et/ou d’écriture d’informations dans leur terminal présentant une simplicité équivalente au mécanisme prévu pour leur acceptation. Après analXse des modalités proposées, la formation restreinte considère que la société X a satisfait à l’injonction dans le délai imparti. Cette décision sera rendue publique comme l’avait été la délibération no 2021-024 du 31 décembre 2021. PAR CES MOTIFS La formation restreinte de la CNIL, après en avoir délibéré, décide : qu’il n’X a pas lieu à liquidation d’astreinte ; de rendre publique, sur le site de la CNIL et sur le site de Légifrance, sa délibération, qui n’identifiera plus nommément la société à compter du 6 janvier 2024. Le Président Alexandre LINDEN |
CNILTEXT000047905718 | CNIL | texte/cnil/CNIL/TEXT/00/00/47/90/57/CNILTEXT000047905718.xml | DELIBERATION | Délibération de la formation restreinte n°SAN-2023-12 du 13 juillet 2023 relative à l’injonction prononcée à l’encontre des sociétés X et Y par la délibération no SAN-2021-023 du 31 décembre 2021 | n°SAN-2023-12 | 2023-07-13 00:00:00 | 2023-08-01 00:00:00 | VIGUEUR | La Commission nationale de l’informatique et des libertés, réunie en sa formation restreinte composée de Monsieur Philippe-Pierre CABOURDIN, vice-président, Mesdames Anne DEBET et Christine MAUGÜÉ, et Messieurs Alain DRU et Bertrand du MARAIS, membres ; Vu le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données ; Vu la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, notamment ses articles 20 et suivants ; Vu le décret n° 2019-536 du 29 mai 2019 modifié pris pour l'application de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ; Vu la délibération n° 2013-175 du 4 juillet 2013 portant adoption du règlement intérieur de la Commission nationale de l'informatique et des libertés ; Vu la délibération n° SAN-2021-023 du 31 décembre 2021 adoptée par la formation restreinte à l’encontre des sociétés X et Y ; Vu les éléments transmis par les sociétés X et Y les 4 avril, 19 avril, 25 mai et 15 juin 2022, pour démontrer leur conformité à l’injonction ; Vu le courrier du 5 août 2022, par lequel le président de la formation restreinte a demandé au rapporteur d’intervenir à nouveau dans la procédure aux fins d’instruction de ces éléments ; Vu la demande complémentaire de Madame Valérie PEUGEOT, commissaire rapporteure, notifiée aux conseils des sociétés X et Y le 25 janvier 2023 ; Vu le courrier du 28 avril 2023, en réponse à la demande complémentaire, transmis par les sociétés X et Y ; Vu les autres pièces du dossier ; Après en avoir délibéré lors de la séance du 13 juillet 2023, a adopté la décision suivante : FAITS ET PROCÉDURE La décision no SAN-2021-023 du 31 décembre 2021, notifiée à la société X le 14 janvier 2022 et le 17 janvier 2022 à la société Y, a enjoint aux sociétés X et Y (ci-après … ) de : de modifier, sur les sites web […].fr et […].com , les modalités de recueil du consentement des utilisateurs situés en France aux opérations de lecture et/ou d’écriture d’informations dans leur terminal, en leur offrant un moyen de refuser ces opérations présentant une simplicité équivalente au mécanisme prévu pour leur acceptation, afin de garantir la liberté de leur consentement . Cette injonction était assortie d’une astreinte de cent mille euros (100 000) euros par jour de retard à l’issue d’un délai de trois mois suivant la notification de la délibération de la formation restreinte, les justificatifs de la mise en conformité devant être adressés à la formation restreinte dans ce délai. Le 4 avril 2022, dans le délai fixé par la délibération, […] a adressé au président de la formation restreinte des éléments en vue de justifier sa mise en conformité, en présentant les mesures qu’elle comptait mettre en œuvre à partir de mi-avril 2022 sur […] et à la fin du mois d’avril ou dans les premières semaines de mai 2022 s’agissant de […]. Les modifications consistaient en l’adaptation du parcours utilisateur de façon à ce que les fenêtres surgissantes relatives aux cookies, qui apparaissent lorsque l’utilisateur se rend sur les sites web des sociétés, comprennent désormais un bouton de refus intitulé Tout refuser . Les 19 avril, 25 mai et 15 juin 2022, […] a adressé au président de la formation restreinte les justificatifs attestant du déploiement sur les sites web […].fr et […].com de ces nouvelles fenêtres surgissantes relatives aux cookies. Par courrier du 5 août 2022, le président de la formation restreinte a demandé à la rapporteure d’intervenir à nouveau aux fins d’instruction de ces éléments, sur le fondement de l’article 44 du décret n°2019-536 du 29 mai 2019, pour s’assurer de l’effectivité du mécanisme de refus mis en œuvre par la société. Dans ce but, après une analyse notifiée à […] le 25 janvier 2023, la rapporteure a demandé à […] de lui indiquer, dans un délai de 2 mois, des éléments d’informations complémentaires. Par courrier du 28 avril 2023, […] a apporté les précisions demandées. MOTIFS DE LA DECISION La formation restreinte relève qu’il ressort des éléments fournis par la société dans ses différents courriers que les personnes se rendant sur les sites web […].fr et […].com se voient désormais proposer un moyen de refuser les opérations de lecture et/ou écriture d’informations dans leur terminal présentant une simplicité équivalente au mécanisme prévu pour leur acceptation. Les modalités proposées permettant de garantir la liberté du consentement des utilisateurs, la formation restreinte considère que les sociétés X et Y ont satisfait à l’injonction dans le délai imparti. PAR CES MOTIFS La formation restreinte de la CNIL, après en avoir délibéré, décide : de dire n’y avoir lieu à liquidation de l’astreinte ; de rendre publique, sur le site de la CNIL et sur le site de Légifrance, la présente délibération qui n’identifiera plus nommément les sociétés à l’expiration d’un délai de deux ans, le point de départ étant la publication de la délibération n° SAN-2021-023 du 31 décembre 2021. Le vice-président Philippe-Pierre CABOURDIN |
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CNILTEXT000049335896 | CNIL | texte/cnil/CNIL/TEXT/00/00/49/33/58/CNILTEXT000049335896.xml | DELIBERATION | Délibération n° 2024-001 du 11 janvier 2024 portant avis sur un projet de décret en Conseil d'Etat modifiant le décret n° 2019-341 du 19 avril 2019 relatif à la mise en œuvre de traitements comportant l'usage du numéro d'inscription au répertoire national d'identification des personnes physiques ou nécessitant la consultation de ce répertoire | 2024-001 | Avis | 2024-01-11 00:00:00 | 2024-03-29 00:00:00 | VIGUEUR | Date de l’avis : 11 janvier 2024 N° de la délibération : 2024-001 N° de demande d’avis : 23015150 Organisme(s) à l’origine de la saisine : ministère de l’intérieur et des outre-mer Textes concernés : projet de décret en Conseil d’État modifiant le décret n° 2019-341 du 19 avril 2019 relatif à la mise en œuvre de traitements comportant l’usage du numéro d’inscription au répertoire national d’identification des personnes physiques ou nécessitant la consultation de ce répertoire Thématiques : numéro d’inscription au répertoire national d’identification des personnes physiques (NIR), répertoire national d’identification des personnes physiques (RNIPP), sapeurs-pompiers volontaires, prestation de fidélisation et de reconnaissance Fondement de la saisine : article 30 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée L’essentiel : Les dispositions du projet de décret n’appellent pas d’observations majeures de la CNIL. LA COMMISSION NATIONALE DE L'INFORMATIQUE ET DES LIBERTÉS, Vu le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données ou RGPD) ; Vu la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés (" loi informatique et libertés "), notamment son article 30 ; Sur la proposition de M. Alexandre Linden, commissaire, et après avoir entendu les observations de M. Damien Milic, commissaire du Gouvernement, ADOPTE LA DÉLIBÉRATION SUIVANTE : I. La saisine A. Le contexte La prestation de fidélisation et de reconnaissance et la nouvelle prestation de fidélisation et de reconnaissance sont encadrées par les dispositions de la loi n° 96-370 du 3 mai 1996 relative au développement du volontariat dans les corps de sapeurs-pompiers. Ces prestations permettent aux sapeurs-pompiers volontaires d’acquérir des droits à pension, versés sous la forme d’une rente viagère. Elles sont attribuées sous réserve de respecter des conditions d’âge et d’ancienneté. B. L’objet de la saisine Aux fins de gérer le régime de ces prestations, le projet de décret modifie le " décret cadre NIR " afin d’autoriser l’association nationale et les organismes de gestion mentionnés aux articles 15-2 et 15-11 de la loi du 3 mai 1996 à traiter le numéro d’inscription au répertoire national d’identification des personnes physiques (NIR). II. L’avis de la CNIL En vertu de ces mêmes articles, l’association nationale confie aux organismes de gestion, placés sous sa surveillance et sélectionnés par voie de marchés publics, la gestion administrative et financière des prestations de fidélisation et de reconnaissance des sapeurs-pompiers volontaires. Pour ce qui concerne la nouvelle prestation de fidélisation et de reconnaissance, selon les articles 8 et 9 du décret n° 2017-912 du 9 mai 2017 relatif aux différentes prestations de fin de service allouées aux sapeurs-pompiers volontaires, les données utiles relatives aux sapeurs-pompiers volontaires sont transmises " à l'organisme national de gestion choisi par l'association nationale dans les conditions définies par le contrat conclu entre eux ". Cet organisme de gestion " recueille les données utiles relatives aux sapeurs-pompiers volontaires et assure le versement des prestations annuelles ". D’après le ministère, les modalités applicables aux opérations de traitement de données à caractère personnel nécessaires à la gestion des prestations sont précisées dans les marchés publics passés avec les organismes de gestion et restent sous la surveillance de l’association nationale. À cet égard, les organismes de gestion traitent des données à caractère personnel au nom et pour le compte de l’association nationale qui est responsable de traitement au sens de l’article 4-7) du RGPD. Dès lors, les organismes de gestion revêtent la qualité de sous-traitants au sens de l’article 28 du RGPD. Ils doivent établir avec l’association nationale un contrat ou un acte juridique précisant les obligations de chaque partie. Par conséquent, la CNIL demande que le projet de décret soit modifié, afin que les organismes de gestion ne figurent pas dans la liste des responsables de traitement autorisés à traiter le NIR. Ce nouvel usage du NIR apparaît légitime et proportionné à la finalité poursuivie et n’appelle pas d’autres observations de la part de la CNIL. La présidente, M.-L. Denis |
CNILTEXT000045614368 | CNIL | texte/cnil/CNIL/TEXT/00/00/45/61/43/CNILTEXT000045614368.xml | DELIBERATION | Délibération de la formation restreinte n° SAN-2022-009 du 15 avril 2022 concernant la société x | SAN-2022-009 | Sanction | 2022-04-15 00:00:00 | 2022-04-21 00:00:00 | VIGUEUR | La Commission nationale de l’informatique et des libertés, réunie en sa formation restreinte composée de Monsieur Alexandre LINDEN, président, Monsieur Philippe-Pierre CABOURDIN, vice-président, Madame Anne DEBET, Madame Christine MAUGÜÉ, Monsieur Bertrand du MARAIS et Monsieur Alain DRU, membres ; Vu le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données ; Vu la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, notamment ses articles 20 et suivants ; Vu le décret n° 2019-536 du 29 mai 2019 pris pour l’application de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés ; Vu la délibération n° 2013-175 du 4 juillet 2013 portant adoption du règlement intérieur de la Commission nationale de l’informatique et des libertés ; Vu la décision n° 2021-028C de la présidente de la Commission nationale de l’informatique et des libertés du 24 février 2021 de charger le secrétaire général de procéder ou de faire procéder à une mission de vérification de tout traitement accessible à partir des domaines […] ou portant sur des données à caractère personnel collectées à partir de ces derniers ; Vu la décision n° 2021-029C de la présidente de la Commission nationale de l’informatique et des libertés du 25 février 2021 de charger le secrétaire général de procéder ou de faire procéder à une mission de vérification auprès des sociétés […] et […] ; Vu la décision n° 2021-031C de la présidente de la Commission nationale de l’informatique et des libertés du 2 mars 2021 de charger le secrétaire général de procéder ou de faire procéder à une mission de vérification de tout traitement de données à caractère personnel accessible en ligne et qui serait en lien avec les faits relatés par le journal Libération dans son article intitulé Les informations confidentielles de 500 000 patients français dérobées à des laboratoires ; Vu la décision n° 2021-034C de la présidente de la Commission nationale de l’informatique et des libertés du 5 mars 2021 de charger le secrétaire général de procéder ou de faire procéder à une mission de vérification auprès de la société […] ; Vu la décision n° 2021-035C de la présidente de la Commission nationale de l’informatique et des libertés du 5 mars 2021 de charger le secrétaire général de procéder ou de faire procéder à une mission de vérification auprès de la société […] ; Vu la décision de la présidente de la Commission nationale de l’informatique et des libertés portant désignation d’un rapporteur devant la formation restreinte, en date du 6 octobre 2021 ; Vu le rapport de Monsieur François PELLEGRINI, commissaire rapporteur, notifié à la société […] le 9 décembre 2021 ; Vu les observations écrites versées par le conseil de la société […] le 24 janvier 2022 ; Vu la réponse du rapporteur à ces observations notifiée le 7 février 2022 au conseil de la société ; Vu les observations écrites versées par le conseil de la société […] reçues le 21 février 2022 ; Vu les observations orales formulées lors de la séance de la formation restreinte ; Vu les autres pièces du dossier ; Étaient présents, lors de la séance de la formation restreinte du 10 mars 2022 : Monsieur François PELLEGRINI, commissaire, entendu en son rapport ; En qualité de représentants de la société […] : […] La société […] ayant eu la parole en dernier ; Après en avoir délibéré, la formation restreinte a adopté la décision suivante : Faits et procédure La société […] (ci-après " la société ") est une société par actions simplifiée à associé unique immatriculée au registre du commerce et des sociétés de […] sous le numéro […] depuis le […]. Elle a pour activité l’édition de logiciels applicatifs. Elle compte entre […] salariés. La société […] fait partie du groupe […], qui emploie environ […] personnes et qui est composé, en France, de […] sociétés. La société […] commercialise des solutions logicielles à destination de laboratoires d’analyses médicales, appelées solutions de gestion de laboratoire. Environ […] laboratoires de biologie médicale privés et entre […] et […] laboratoires d’analyses d’établissements publics de santé sont équipés des solutions éditées par la société […]. À ce jour, […] logiciels sont commercialisés, parmi lesquels le logiciel […]. Deux solutions auparavant commercialisées par la société […] ne sont plus maintenues et sont considérées comme obsolètes, parmi lesquelles […], dont la " fin de vie " a été atteinte en septembre 2019 selon la société. Les clients utilisateurs de la solution […] ont été destinataires d’un courrier adressé par la société […] (ancienne dénomination de […]) en 2018 pour les informer de l’" arrêt définitif de la maintenance " de cette solution. Pour l’utilisation des logiciels commercialisés par les sociétés […] et […], les clients font l’acquisition d’une licence. La société […] assure également des prestations d’installation, de démarrage et d’accompagnement des clients à l’utilisation du logiciel. Un contrat de maintenance est en règle générale conclu pour assurer les mises à jour des solutions, lesquelles incluent notamment de nouvelles fonctionnalités et permettent de maintenir les solutions en conformité avec les normes en vigueur. Le 23 février 2021, un article de presse intitulé " Les informations confidentielles de 500 000 patients français dérobées à des laboratoires et diffusées en ligne " a été publié par le journal Libération. Cet article faisait état de la présence sur un forum d’un lien de téléchargement vers un fichier contenant les données médico-administratives de près de 500 000 personnes : " Selon les spécialistes, la fuite est d’une ampleur inédite en France pour des données ayant trait à la santé. Le fichier en question, que " CheckNews " a pu consulter, contient l’identité complète de près d’un demi-million de Français, souvent accompagnée de données critiques, comme des informations sur leur état de santé ou même leur mot de passe. Initialement partagée sur des forums de pirates informatiques, cette base de données est de plus en plus largement diffusée ". En application de la décision n° 2021-028C de la présidente de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (ci-après la " Commission " ou la " CNIL ") du 24 février 2021, la CNIL a effectué une mission de contrôle en ligne afin de vérifier la conformité à la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés (ci-après la " loi Informatique et Libertés ") et au règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 (ci-après le " RGPD " ou le " Règlement ") de tout traitement accessible à partir des domaines […] ou portant sur des données à caractère personnel collectées à partir de ces derniers. Dans le cadre du contrôle en ligne diligenté, le fichier contenant les données médico-administratives a été téléchargé. Il est apparu que les données à caractère personnel de 491 840 patients y figuraient, parmi lesquelles : des données d’identification : numéro de sécurité sociale, nom, prénoms, sexe, adresse postale, numéro de téléphone, adresse électronique, date de la dernière visite médicale, date de naissance ; deux colonnes de commentaires libres contenant notamment des informations relatives aux pathologies des patients (VIH, cancers, maladies génétiques), à l’état de grossesse, aux traitements médicamenteux suivis par le patient ou encore des données génétiques ; des données d’identification du médecin prescripteur : nom, prénom, adresse postale, numéro de téléphone, adresse électronique ; des données relatives au préleveur : nom, prénom, adresse, numéro de téléphone ; des données relatives à la mutuelle du patient : " Id tiers payant " (suite de chiffres), adresse postale, numéro de téléphone ; une colonne " Identifiant SR " et une colonne " MP ", correspondant, au regard de son contenu, aux identifiants et mots de passe utilisés par le patient pour se connecter à son espace. En application de la décision n° 2021-029C de la présidente de la Commission du 25 février 2021, la CNIL a effectué une mission de contrôle sur pièces auprès des sociétés […] et […], afin de vérifier la conformité à la loi Informatique et Libertés et au RGPD des traitements mis en œuvre par des laboratoires d’analyses médicales au moyen des solutions ou services commercialisés par ces sociétés. Cette mission s’est effectuée par l’envoi d’un questionnaire à la société […], adressé par courriel le 25 février 2021. Le 26 février suivant, la société a transmis des éléments de réponse à la CNIL, notamment les noms et adresses des laboratoires d’analyses médicales concernés par la violation de données susvisée. En application de la même décision, une délégation de la CNIL a procédé, le 1er mars 2021, à une mission de contrôle sur place dans les locaux de […], situés […], après information du procureur de la République territorialement compétent et de la déléguée à la protection des données de […] et […]. Les 5 mars, 10 mars, 1er avril, 6 avril et 19 avril 2021, les sociétés […] et […] ont transmis les éléments complémentaires sollicités par la délégation lors du contrôle sur place. En parallèle, le 1er mars 2021, la CNIL a fait délivrer une assignation en référé d’heure à heure aux différents fournisseurs d’accès à Internet, afin que soit assuré le blocage effectif du fichier contenant les données de près de 500 000 patients. En application de la décision n° 2021-031C de la présidente de la Commission du 2 mars 2021, la CNIL a effectué une mission de contrôle en ligne le jour même, afin de vérifier la présence du fichier litigieux en ligne, en le recherchant à partir de différents moteurs de recherche. Par ordonnance du 4 mars 2021, le juge des référés du tribunal judiciaire de PARIS a enjoint " à la SA ORANGE, la SAS FREE, la SA SFR et la SA BOUYGUES TELECOM de mettre en œuvre ou de faire mettre en œuvre, sans délai et pour une période de 18 mois à compter de la présente décision toutes mesures les plus adaptées et les plus efficaces de surveillance ciblées de nature à assurer le blocage effectif du service de communication au public en ligne " […] " sur leurs réseaux ". En application des décisions n° 2021-034C et n° 2021-035C de la présidente de la Commission du 5 mars 2021, la CNIL a effectué des missions de contrôle sur place auprès des sociétés […] et […] le 10 mars 2021. Les deux laboratoires ayant été concernés par la violation de données susvisée, il s’agissait de vérifier le respect par ces deux sociétés des dispositions de la loi Informatique et Libertés et du RGPD. Par courriel du 11 juin 2021 adressé à la déléguée à la protection des données des sociétés […] et […], la délégation de la CNIL a sollicité des éléments complémentaires auprès de ces sociétés, lesquels ont été transmis le 24 juin 2021. Aux fins d’instruction de ce dossier, la présidente de la Commission a, le 6 octobre 2021, désigné Monsieur François PELLEGRINI en qualité de rapporteur sur le fondement de l’article 39 du décret n° 2019-536 du 29 mai 2019 pris pour l’application de la loi du 6 janvier 1978 modifiée. À l’issue de son instruction, le rapporteur a, le 9 décembre 2021, fait notifier à la société […] un rapport détaillant les manquements au RGPD qu’il estimait constitués en l’espèce. Ce rapport proposait à la formation restreinte de la Commission de prononcer à l’encontre de la société une amende administrative, au regard des manquements constitués aux articles 28 paragraphe 3, 29 et 32 du RGPD. Il proposait également que la décision de sanction soit rendue publique, mais qu’il ne soit plus possible d’identifier nommément la société à l’expiration d’un délai de deux ans à compter de sa publication. Par courrier du 10 décembre 2021, la société, par l’intermédiaire de son conseil, a sollicité un délai supplémentaire pour fournir ses observations en réponse. Par courrier du 15 décembre 2021, le président de la formation restreinte lui a accordé un délai supplémentaire jusqu’au 24 janvier 2022. Le 24 janvier 2022, la société a produit des observations en réponse au rapport de sanction. Le rapporteur a répondu aux observations de la société le 7 février 2022. Un courrier était également remis à la société, l’informant que le dossier était inscrit à l’ordre du jour de la formation restreinte du 10 mars 2022. Le 21 février 2022, la société a produit de nouvelles observations en réponse à celles du rapporteur. La société et le rapporteur ont présenté des observations orales lors de la séance de la formation restreinte. Motifs de la décision Sur la qualité de la société à l’égard des traitements en cause Aux termes de l’article 4 du RGPD, le responsable de traitement est défini comme " la personne physique ou morale, l’autorité publique, le service ou un autre organisme qui, seul ou conjointement avec d’autres, détermine les finalités et les moyens du traitement " (point 7) et le sous-traitant est " la personne physique ou morale, l’autorité publique, le service ou un autre organisme qui traite des données à caractère personnel pour le compte du responsable du traitement " (point 8). Le rapporteur relève que la société […] commercialise des solutions logicielles à destination de laboratoires d’analyses médicales. Dans le cadre du service qu’elle propose aux laboratoires, la société ne fait, d’une part, que mettre à disposition des laboratoires les outils, notamment informatiques, pour faciliter la mise en œuvre des traitements et, d’autre part, agit uniquement au nom et sous la responsabilité des laboratoires pour la maintenance du logiciel et, le cas échéant, la migration vers un autre logiciel par exemple. La société doit donc être regardée comme agissant en tant que sous-traitant des laboratoires au sens de l’article 4, point 8, du RGPD selon le rapporteur. En défense, la société ne conteste pas l’analyse du rapporteur sur ce point. La formation restreinte considère que les notions de responsable de traitement et de sous-traitant doivent faire l’objet d’une appréciation concrète prenant en compte l’ensemble des éléments permettant d’attribuer l’une ou l’autre de ces qualités à une entité. À ce titre, elle relève qu’il ressort des éléments communiqués à la CNIL que la société […] agit en qualité de sous-traitant des traitements mis en œuvre pour le compte de ses clients, les laboratoires, qui sont responsables de traitement, dans la mesure où elle met à disposition des laboratoires des outils informatiques leur permettant de mettre en œuvre leurs traitements et qu’elle agit, de manière générale, uniquement sur la base de leurs instructions. Il appartient dès lors à la formation restreinte d’examiner, au regard de cette qualité, les griefs formulés par le rapporteur à l’encontre de la société. Sur les manquements au regard du RGPD 1. Sur le manquement à l’obligation d’encadrer par un acte juridique formalisé les traitements effectués pour le compte du responsable de traitement Aux termes de l’article 28, paragraphe 3, du RGPD, " Le traitement par un sous-traitant est régi par un contrat ou un autre acte juridique au titre du droit de l’Union ou du droit d’un État membre, qui lie le sous-traitant à l’égard du responsable du traitement, définit l’objet et la durée du traitement, la nature et la finalité du traitement, le type de données à caractère personnel et les catégories de personnes concernées, et les obligations et les droits du responsable du traitement. Ce contrat ou cet autre acte juridique prévoit, notamment, que le sous-traitant : a) ne traite les données à caractère personnel que sur instruction documentée du responsable du traitement, y compris en ce qui concerne les transferts de données à caractère personnel vers un pays tiers ou à une organisation internationale, à moins qu'il ne soit tenu d'y procéder en vertu du droit de l'Union ou du droit de l'État membre auquel le sous-traitant est soumis ; dans ce cas, le sous-traitant informe le responsable du traitement de cette obligation juridique avant le traitement, sauf si le droit concerné interdit une telle information pour des motifs importants d'intérêt public ; b) veille à ce que les personnes autorisées à traiter les données à caractère personnel s'engagent à respecter la confidentialité ou soient soumises à une obligation légale appropriée de confidentialité ; c) prend toutes les mesures requises en vertu de l'article 32 ; d) respecte les conditions visées aux paragraphes 2 et 4 pour recruter un autre sous-traitant ; […] ". Le rapporteur considère qu’il ressort des éléments transmis par la société […] que les différents documents encadrant les relations contractuelles entre la société sous-traitante et les laboratoires ne comportent pas les mentions requises par l’article 28 du RGPD. Il relève que les conditions générales de vente proposées par […] au moment où les laboratoires acceptent sa prestation ne comportent aucune des mentions requises par cet article. De même, il note que les mentions requises ne figurent pas non plus dans les contrats de maintenance conclus entre la société et les laboratoires, tels que transmis à la CNIL. En défense, si la société ne conteste pas la matérialité du manquement à l’article 28 du RGPD, elle précise que la conclusion d’un contrat de sous-traitance constitue une obligation tant pour le responsable de traitement que pour le sous-traitant. Elle en conclut que la société […] ne saurait être tenue seule responsable de ce manquement. Elle insiste en outre sur les efforts mis en œuvre pour se conformer au RGPD dès 2018 et indique que de nouveaux modèles de contrat de sous-traitance respectant les exigences de l’article 28 sont en cours de déploiement. En premier lieu, la formation restreinte relève que le fait que l’obligation résultant de l’article 28, paragraphe 3, du RGPD incombe tant au responsable de traitement qu’au sous-traitant est sans incidence sur l’existence d’une responsabilité propre du sous-traitant. Elle note que c’est la société elle-même qui transmet aux laboratoires ses propres conditions générales de vente qui font office d’encadrement contractuel au titre du RGPD. En deuxième lieu, la formation restreinte relève que les conditions générales de vente proposées par […] au moment où les laboratoires acceptent sa prestation, transmises par la société dans le cadre de la procédure de contrôle, ne comportent aucune des mentions requises par l’article 28 du RGPD. De même, elle note que les mentions requises ne figurent pas non plus dans les contrats de maintenance transmis à la CNIL, conclus entre la société et les laboratoires. À titre d’illustration, le contrat de maintenance conclu entre […] (ancienne dénomination de […]) et la société […], le 13 septembre 2019, comporte certes une partie dédiée aux données à caractère personnel, mais qui ne répond pas aux exigences de l’article 28 du RGPD et vise des dispositions obsolètes de la loi Informatique et Libertés. La formation restreinte note en outre que l’exemple de contrat d’assistance et de maintenance, remis par la société à la délégation de la CNIL lors du contrôle sur place du 1er mars 2021, ne contient pas non plus les mentions obligatoires au titre de l’article 28 du RGPD. S’il contient une partie dédiée aux données à caractère personnel, celle-ci ne répond pas aux exigences posées par cet article. En troisième lieu, la formation restreinte prend note que la société […]a déployé de nouveaux modèles de contrat de sous-traitance et a entamé des démarches pour se mettre en conformité avec les dispositions de l’article 28 du RGPD. Pour autant, il n’en demeure pas moins que la société a entamé des démarches auprès de ses clients dans le cadre de la présente procédure et qu’elle n’était pas en conformité au moment des constatations effectuées par la CNIL. Elle ne l’est d’ailleurs toujours pas s’agissant de certains contrats, puisque la société a indiqué, dans ses dernières observations, poursuivre ses actions visant à transmettre à l’ensemble de ses clients les contrats mis à jour et à les négocier le cas échéant. Dès lors, au regard de l’ensemble de ces éléments, la formation restreinte considère que ces faits constituent un manquement à l’article 28, paragraphe 3, du RGPD, que la société ne conteste pas au demeurant. 2. Sur le manquement à l’obligation pour le sous-traitant de ne traiter les données à caractère personnel que sur instruction du responsable de traitement Aux termes de l’article 29 du RGPD, " Le sous-traitant et toute personne agissant sous l’autorité du responsable du traitement ou sous celle du sous-traitant, qui a accès à des données à caractère personnel, ne peut pas traiter ces données, excepté sur instruction du responsable du traitement, à moins d’y être obligé par le droit de l’Union ou le droit d’un État membre ". Le rapporteur relève que la société […] a extrait un volume de données plus important que celui requis dans le cadre de la migration demandée par ses clients, les laboratoires […] et […]. Le rapporteur en conclut que la société […] a traité des données au-delà des instructions données par les responsables de traitement, ce qui constitue un manquement à l’article 29 du RGPD. En défense, la société précise que l’outil d’extraction disponible sur l’ancien logiciel […], utilisé pour ces migrations, ne permettait que de procéder à une extraction totale du fichier des patients du laboratoire concerné, sans possibilité d’ajouter des filtres sur les champs à exporter pour n’en extraire que certains. Elle ajoute que […] opérait bien la migration des données de ses clients vers une nouvelle solution logicielle en conformité avec leurs instructions, puisqu’une fois le fichier des données à migrer constitué, la société demandait toujours la validation du laboratoire concerné avant d’effectuer la migration. La société en conclut qu’elle a opéré les opérations d’extraction nécessaires à la migration et que le périmètre des données à migrer a été défini à ce titre conformément aux instructions des laboratoires concernés et compte tenu des limitations techniques des outils utilisés à l’époque pour effectuer ces migrations. Dans ses dernières observations en réponse, la société indique qu’elle " n’entend pas minorer la réalité de son manquement à l’obligation de ne procéder à des traitements de données à caractère personnel, en qualité de sous-traitant, que sur les seules instructions du responsable de traitement ". Elle rappelle néanmoins les importants investissements engagés par l’entreprise, depuis plusieurs années, pour développer notamment de nouvelles solutions logicielles. Elle ajoute que c’est justement parce qu’elle était consciente du caractère obsolète du logiciel […] et des outils de migration associés qu’elle s’est attachée à développer une solution plus innovante et respectueuse des exigences du RGPD et c’est ainsi qu’elle a proposé à ses clients, dès 2018, de passer au logiciel […]. En premier lieu, la formation restreinte relève que, ainsi qu’il sera établi ci-après, les différents éléments recueillis dans le cadre des contrôles des laboratoires […] et […] ont permis d’établir que […] avait extrait un volume de données plus important que celui requis dans le cadre de la migration demandée par ses clients. S’agissant du laboratoire […], le procès-verbal de contrôle sur place mentionne que celui-ci a sollicité, " selon les préconisations de […] ", la migration de données de la solution […] (également appelée […]) vers la solution […] pour les patients ayant procédé à une analyse médicale après le 7 mai 2017. Or, les données extraites par la société […] pour cette migration comportaient 8 403 lignes relatives à des patients dont la date de dernière visite était antérieure au 7 mai 2017, ce qui représente 6,5 % de la volumétrie totale. S’agissant du laboratoire […], la formation restreinte relève que, dans le cadre d’un changement de logiciel, le laboratoire a demandé à la société […] de procéder à une extraction de la base des données de patients contenues dans le logiciel […] afin de migrer vers un autre logiciel édité et maintenu par une société tierce. À cette fin, la société […] a fourni à la société […] une liste des champs à extraire afin d’être importés dans la nouvelle solution logicielle. Les colonnes " commentaire P " (contenant des informations telles que " STERILITE 100 % ", etc.) et " commentaire D " (contenant des informations telles que " TUBERCULOSE OSSEUSE SOUS RIFATER ", " XARELTO " (médicament), " DIABETE ", etc.) ont également été extraites, alors pourtant qu’elles ne figuraient pas dans la liste des champs à extraire. Ainsi, la formation restreinte en conclut que les données extraites par la société […], incluant notamment les colonnes " commentaire P " et " commentaire D " qui n’auraient pas dû l’être, couvrent un champ plus large que la demande du responsable de traitement. En deuxième lieu, la formation restreinte relève que, s’agissant de la validation des extractions par les laboratoires concernés, la société produit uniquement deux documents intitulés " tickets SAV " à l’appui de ses déclarations, lesquels ne sauraient en réalité suffire à démontrer qu’elle a effectué les opérations d’extraction conformément aux instructions des laboratoires et que les laboratoires ont validé le contenu des extractions réalisées. Ces " tickets SAV " permettent seulement de rendre compte de démarches effectuées par la société […] auprès de deux laboratoires pour envoyer des fichiers avec des extractions et ne démontrent en rien une validation qui aurait été donnée par les laboratoires concernés. La formation restreinte relève en outre que la société prétend, s’agissant de […], avoir eu " un " retour d’email " confirmant la conformité dudit fichier aux instructions du laboratoire ". Cette affirmation est inexacte puisque, d’après le " ticket SAV ", le " retour de mail " émane de la société […], société tierce éditant et maintenant un autre logiciel vers lequel les données extraites devaient être migrées. Ainsi, ce courriel ne saurait valoir validation de l’extraction par le client, dans la mesure où la société […] est une société tierce. En troisième lieu, la formation restreinte considère que la société ne saurait se prévaloir d’un outil inadapté pour justifier d’avoir outrepassé les instructions des responsables de traitement. Elle aurait pu, par exemple, opter pour un autre outil lui permettant de respecter les instructions données par ses clients, comme elle indique le faire désormais, ou a minima supprimer toutes les données qui n’auraient pas dû être extraites. Compte tenu de ces éléments, la formation restreinte considère que la société […] a traité des données au-delà des instructions données par les responsables de traitement, ce qui constitue un manquement à l’article 29 du RGPD. 3. Sur le manquement à l’obligation d’assurer la sécurité des données Aux termes de l’article 32 du RGPD, " 1. Compte tenu de l'état des connaissances, des coûts de mise en œuvre et de la nature, de la portée, du contexte et des finalités du traitement ainsi que des risques, dont le degré de probabilité et de gravité varie, pour les droits et libertés des personnes physiques, le responsable du traitement et le sous-traitant mettent en œuvre les mesures techniques et organisationnelles appropriées afin de garantir un niveau de sécurité adapté au risque, y compris entre autres, selon les besoins : a) la pseudonymisation et le chiffrement des données à caractère personnel ; b) des moyens permettant de garantir la confidentialité, l'intégrité, la disponibilité et la résilience constantes des systèmes et des services de traitement ; c) des moyens permettant de rétablir la disponibilité des données à caractère personnel et l'accès à celles-ci dans des délais appropriés en cas d'incident physique ou technique ; d) une procédure visant à tester, à analyser et à évaluer régulièrement l'efficacité des mesures techniques et organisationnelles pour assurer la sécurité du traitement. 2. Lors de l’évaluation du niveau de sécurité approprié, il est tenu compte en particulier des risques que présente le traitement, résultant notamment de la destruction, de la perte, de l’altération, de la divulgation non autorisée de données à caractère personnel transmises, conservées ou traitées d’une autre manière, ou de l’accès non autorisé à de telles données, de manière accidentelle ou illicite […] ". 52. Le rapporteur relève que, dès mars 2020, un ancien salarié de la société […] avait fait remonter à son employeur des problèmes de sécurité. Selon le rapporteur, il est établi que celui-ci avait bel et bien effectué des signalements pertinents, ce qui ressort d’échanges internes entre […]. Le rapporteur note ensuite que, le 4 novembre 2020, l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ci-après " l’ANSSI ") a observé que des données de patients du laboratoire […] étaient mises en vente sur le darknet, sous-réseau d’Internet pourvu de fonctions d’anonymisation et dans lequel toutes les ressources ne sont pas nécessairement indexées par les moteurs de recherche. L’ANSSI a transmis au laboratoire concerné un fichier contenant 56 lignes avec des données à caractère personnel de ses patients. Le jour même, le fichier ainsi que le courriel de l’ANSSI ont été transmis à la société […] par le directeur des systèmes d’information du réseau […], au sein duquel figure le laboratoire […]. Le rapporteur relève ensuite que, le 23 février 2021, les informations confidentielles de près de 500 000 patients ont été diffusées sur Internet. Dès le 24 février 2021, la société […] a mandaté la société […] pour mener une mission d’analyse forensique. Ladite société a rendu son rapport d’investigation le 26 mars 2021. Le rapporteur note en outre qu’aux termes de ses investigations, la société […] a établi une correspondance entre les données du fichier transmis par l’ANSSI et les données présentes sur un serveur FTP hébergé sur le serveur de télémaintenance […] ([…]). Environ 90 % des données à caractère personnel du fichier objet de la violation, publié sur Internet en février 2021, étaient présentes sur le serveur FTP […] ([…]). Selon le rapporteur, de nombreux manquements techniques et organisationnels en matière de sécurité ont été constatés lors des contrôles de la CNIL et peuvent être retenus à l’encontre la société […]. Il note notamment l’absence de procédure spécifique s’agissant des opérations de migration de données, l’absence de chiffrement des données à caractère personnel stockées sur le serveur FTP […], l’absence d’effacement automatique des données après migration vers un autre logiciel, l’absence d’authentification requise depuis Internet pour accéder à la zone publique du serveur FTP […], l’utilisation de comptes utilisateurs partagés entre plusieurs salariés s’agissant de la zone privée de ce même serveur et l’absence de procédure de supervision et de remontée d’alertes de sécurité sur le serveur. Le rapporteur en conclut que, malgré des alertes préalables, la société […] n’a pas mis en œuvre de mesures satisfaisantes de sécurité pour encadrer le serveur FTP […], ce qui a non seulement permis l’accès aux données concernées par des tiers non autorisés, mais également la divulgation sur des forums d’un fichier contenant les données médico-administratives de près de 500 000 personnes. En défense, la société relève, s’agissant de la violation de données ayant eu lieu en février 2021, que les investigations effectuées par la société […] ont conclu à l’existence d’intrusions sur le serveur FTP de […]. Elle précise cependant que, bien que le rapport relève que 90 % du contenu du fichier circulant sur Internet était également disponible sur le serveur FTP, il convient de noter que, a contrario, le rapport de […] précisait qu’environ 10 % du fichier circulant sur Internet (soit environ 43 000 enregistrements) ne se trouvait pas sur le serveur FTP et qu’environ 50 % des données du serveur FTP ne se trouvaient pas dans le fichier circulant sur Internet. La société […] en conclut qu’ " au regard des incohérences subsistantes entre les données présentes sur le serveur FTP et celles ayant circulé sur Internet, les investigations combinées de […] et de […], qui se sont achevées le 26 mars 2021, n’ont pas permis à l’époque des faits de conclure avec certitude que lesdites intrusions seraient à l’origine de la cyberattaque reportée par la presse ". Enfin, la société fait état des différentes mesures de sécurité mises en place depuis lors. Dans ses dernières observations en réponse, la société indique qu’elle n’entend pas contredire les constats faits par le rapporteur sur l’absence de mesures satisfaisantes de sécurité encadrant le serveur FTP […] et précise avoir conscience des défauts de l’ancienne technologie utilisée par ses équipes, mais fait à nouveau valoir les évolutions intervenues en matière de sécurité et ses importants efforts de mise en conformité. En premier lieu, la formation restreinte relève qu’il ressort des constations effectuées par la CNIL que la société ne disposait pas de procédure spécifique établie s’agissant des opérations de migration de données. Aucune mesure de sécurité n’était notamment prévue pour l’envoi des données, pourtant sensibles au sens de l’article 9 du RGPD. Les fichiers d’extractions de données étaient donc envoyés " en clair " (c’est-à-dire lisibles directement, car non transformées préalablement via une fonction de hachage), sans aucune mesure de chiffrement ou de sécurité. Or, pour assurer la sécurité des opérations de migration d’un nombre aussi important de données à caractère personnel sensibles, il convient de mettre en place des procédures spécifiques permettant de décrire étape par étape l’enchaînement des tâches à réaliser, les rôles et les responsabilités associées. De telles procédures permettent également de disposer d’un compte rendu détaillé des opérations pour les laboratoires ou clients dont les données ont été traitées et transmises. L’absence de telles procédures fait peser sur les données à caractère personnel concernées un risque de compromission pourtant facilement évitable, qui peut conduire à exposer des données relevant de la vie privée. En deuxième lieu, la formation restreinte relève que plusieurs alertes successives auraient dû conduire la société à effectuer des investigations sur son système de sécurité. Si, s’agissant du signalement réalisé par l’ANSSI en novembre 2020, la société indique avoir entrepris des investigations internes pour identifier la source possible de compromission et avoir mis en œuvre plusieurs actions correctives et préventives, elle n’a pas effectué de diligences suffisantes afin d’identifier si les données d’autres laboratoires avaient pu être compromises et si des vulnérabilités existantes étaient à l’origine de la compromission. La formation restreinte considère que la société n’a pas pris la mesure des problèmes de sécurité qu’elle rencontrait à l’époque, lesquels ont fini par aboutir à la violation de données de février 2021 ayant concerné près de 500 000 personnes. En troisième lieu, la formation restreinte note que plusieurs mesures de sécurité élémentaires en matière de sécurité faisaient défaut en l’espèce. La formation restreinte note d’abord que les données à caractère personnel stockées sur le serveur FTP […] n’étaient pas chiffrées et étaient donc directement lisibles, alors qu’il s’agit de données sensibles qui, de par leur nature, nécessitent des mesures de sécurité particulières. En outre, dans le cadre des migrations du logiciel […] vers un autre logiciel, les données, une fois transférées sur le serveur, n’étaient pas effacées automatiquement. Or, la conservation des données fait encourir un risque de fuite ou de compromission desdites données. La formation restreinte relève ensuite que la zone publique du serveur, dans laquelle certaines données des laboratoires ont été stockées aux fins de migration, était accessible librement sans authentification depuis Internet. Ce n’est que le 4 novembre 2020, date à laquelle l’incident de sécurité a été signalé par l’ANSSI, que l’accès " anonyme " sans authentification au serveur FTP a été coupé et, le 23 février 2021 seulement, que ce serveur a été définitivement mis hors ligne. En outre, la zone privée du serveur était accessible avec des comptes utilisateurs partagés entre plusieurs salariés. Or, l’utilisation de comptes partagés fait peser un risque disproportionné, pourtant facilement évitable, sur la sécurité du traitement et augmente considérablement les risques de compromission, notamment du fait de la circulation du mot de passe entre plusieurs personnes. En outre, les comptes communs (ou partagés) ne permettent pas une bonne application de la politique d’habilitation, qui est pourtant un élément fondamental de la sécurité des systèmes d’information, visant à limiter les accès aux seules données dont un utilisateur a besoin. La formation restreinte souligne enfin qu’aucune procédure de supervision et de remontée d’alertes de sécurité n’était mise en œuvre sur le serveur FTP. Les connexions provenant d’adresses IP suspectes n’étaient donc ni détectées ni traitées. Le rapport d’investigation numérique de la société […] confirme d’ailleurs que certaines connexions suspectes ont été identifiées, ce qui confirme que le serveur était exposé sur Internet et que des connexions non autorisées à ce serveur ont eu lieu, sans qu’elles puissent être identifiées grâce à ces procédures de supervision et de remontée d’alertes. En dernier lieu, la formation restreinte relève que le manquement reproché n’est pas constitué par les violations de données en tant que telles, mais par les défauts de sécurité qui sont à l’origine de l’intrusion sur les serveurs de la société, constatés lors des contrôles effectués par la CNIL. Elle souligne que cette proposition du rapporteur, visant à sanctionner les défauts de sécurité à l’origine de violations, s’inscrit dans la lignée de décisions précédentes de la formation restreinte. Ainsi, dans sa délibération n° SAN 2019-007 du 18 juillet 2019, la formation restreinte a relevé " que les mesures élémentaires de sécurité n’avaient pas été prises en amont du développement de son site web [par la société sanctionnée], ce qui a rendu possible la survenance de la violation de données à caractère personnel ". La formation restreinte souligne toutefois que les conséquences de ces défauts de sécurité ne sont pas pour autant exclues du champ de son analyse, en ce qu’elles révèlent la concrétisation du risque engendré par ces défauts de sécurité. La formation restreinte observe ainsi que les vulnérabilités existantes ont été exploitées et que plusieurs violations de données ont eu lieu : des intrusions sur le serveur FTP, suivies par la diffusion d’un fichier contenant les données médico-administratives de près de 500 000 personnes sur des forums en février 2021. À cet égard, la formation restreinte relève que les intrusions sur le serveur FTP sont avérées et qu’elles ne sont pas contestées par la société, celles-ci ayant été établies par les investigations menées par […] pour le compte de la société. S’agissant de la diffusion du fichier sur les forums, si la société indique qu’il ne peut être conclu avec certitude que les intrusions sur le serveur FTP sont à l’origine de la violation de données ayant abouti à la diffusion de ce fichier, la formation restreinte observe néanmoins qu’il ressort des éléments du dossier qu’environ 90 % des données du fichier publié étaient présentes sur le serveur FTP. Le fichier diffusé sur les forums contient notamment les commentaires qui n’auraient pas dû être extraits par la société […] dans le cadre de la migration de la solution […] vers une autre solution (" commentaire P " et " commentaire D " susmentionnés). Ces différents éléments tendent bien à montrer le lien entre les données figurant dans le fichier accessible sur Internet et celles qui étaient sur le serveur FTP. Ainsi, l’absence de mise en place de mesures de sécurité protégeant le serveur en cause - notamment l’absence de chiffrement, l’absence d’effacement automatique des données après leur migration, l’absence d’authentification requise depuis Internet pour accéder à la zone publique du serveur et l’utilisation de comptes utilisateurs partagés - a conduit à rendre accessibles lesdites données à des tiers, et ce malgré des alertes préalables à la violation de données à caractère personnel ayant conduit à la divulgation d’un fichier contenant les données médico-administratives de près de 500 000 personnes. Dès lors, la formation restreinte considère que la société […] a méconnu son obligation résultant des dispositions de l’article 32 du Règlement, ce que la société ne conteste pas au demeurant. Sur la sanction et la publicité Aux termes du III de l’article 20 de la loi du 6 janvier 1978 modifiée, " Lorsque le responsable de traitement ou son sous-traitant ne respecte pas les obligations résultant du règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016 ou de la présente loi, le président de la Commission nationale de l’informatique et des libertés peut également, le cas échéant après lui avoir adressé l’avertissement prévu au I du présent article ou, le cas échéant en complément d’une mise en demeure prévue au II, saisir la formation restreinte de la commission en vue du prononcé, après procédure contradictoire, de l’une ou de plusieurs des mesures suivantes : […] 7° A l’exception des cas où le traitement est mis en œuvre par l’Etat, une amende administrative ne pouvant excéder 10 millions d’euros ou, s’agissant d’une entreprise, 2 % du chiffre d’affaires annuel mondial total de l’exercice précédent, le montant le plus élevé étant retenu. Dans les hypothèses mentionnées aux 5 et 6 de l'article 83 du règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016, ces plafonds sont portés, respectivement, à 20 millions d'euros et 4 % dudit chiffre d’affaires. La formation restreinte prend en compte, dans la détermination du montant de l’amende, les critères précisés au même article 83 ". L’article 83 du RGPD prévoit que " chaque autorité de contrôle veille à ce que les amendes administratives imposées en vertu du présent article pour des violations du présent règlement visées aux paragraphes 4, 5 et 6 soient, dans chaque cas, effectives, proportionnées et dissuasives ", avant de préciser les éléments devant être pris en compte pour décider s’il y a lieu d’imposer une amende administrative et pour décider du montant de cette amende. En premier lieu, sur le principe du prononcé d’une amende, la société insiste en défense sur l’absence de violation commise précédemment, sur son importante coopération avec la CNIL, sur les mesures de remédiation mises en œuvre depuis la violation de données à caractère personnel et sur les importants efforts de remise en conformité engagés. La formation restreinte rappelle qu’elle doit tenir compte, pour le prononcé d’une amende administrative, des critères précisés à l’article 83 du RGPD, tels que la nature et la gravité de la violation, le nombre de personnes affectées et le niveau de dommage qu’elles ont subi, le fait que la violation a été commise par négligence, les mesures prises par le responsable du traitement pour atténuer le dommage subi par les personnes concernées, le degré de coopération avec l’autorité de contrôle et les catégories de données à caractère personnel concernées par la violation. La formation restreinte relève, tout d’abord, les nombreux défauts de sécurité encadrant le serveur FTP […], lequel était insuffisamment protégé, ce qui a entraîné une violation de données à caractère personnel massive : de très nombreuses données concernant 491 840 personnes ont été divulguées. La formation restreinte insiste, en outre, sur le caractère extrêmement dommageable de la violation pour les personnes concernées, dans la mesure où, outre des données d’état civil (civilité, nom, prénom), des coordonnées postales, électroniques et téléphoniques, des données très sensibles ont été divulguées. Le fichier objet de la violation de données à caractère personnel contient en effet des mentions relatives à l’infection au VIH, à des cancers ou des maladies génétiques, à la grossesse, aux traitements médicamenteux suivis par les patients ou encore à des données génétiques. Les données concernées par la violation sont des données de santé, lesquelles sont des catégories particulières de données au sens de l’article 9 du RGPD (dites données " sensibles "). Compte tenu de la nature des données concernées, la formation restreinte considère que la société aurait dû faire preuve d’une vigilance particulière en ce qui concerne la sécurisation de telles données, pour éviter qu’elles puissent être réutilisées par des tiers non autorisés, portant ainsi préjudice aux personnes concernées par la violation de données. Or les négligences commises en matière de sécurité ont été multiples et particulièrement graves, alors que la société traite de données sensibles et qu’elle avait d’ores et déjà été alertée sur l’existence potentielle de risques, dont certains se sont réalisés. La formation restreinte considère que le manquement ayant conduit à la violation de données est d’une particulière gravité. Elle souligne en outre qu’au regard de la nature de ces données à caractère personnel, les personnes concernées par la violation sont des cibles de choix pour un hameçonnage (" phishing ") personnalisé (envoi de faux messages ou de faux documents pour récupérer des informations personnelles ou de l’argent) : d’éventuels pirates disposent désormais de leur numéro de sécurité sociale, du nom de leur médecin prescripteur, de la date de leur examen, du nom du laboratoire ou encore, dans certains cas, d’informations médicales. La nature des données à caractère personnel compilées sous-tend également des risques d’usurpation d’identité, de fausses ordonnances (qui peuvent utiliser les noms des médecins), de messages de détresse factices reprenant les problèmes de santé mentionnés. La formation restreinte relève enfin que la société n’a pas pris de mesures particulières pour faire cesser la diffusion du fichier une fois qu’elle en a eu connaissance. C’est la présidente de la CNIL, et non la société […], qui a fait délivrer une assignation en référé afin que soit assuré le blocage effectif du fichier litigieux. Si la formation restreinte relève que la société a coopéré tout au long de la procédure avec les services de la CNIL, elle considère que les défauts de sécurité, qui ont permis la réalisation de la violation de données , comprenant à la fois les intrusions sur le serveur FTP et la diffusion du fichier en ligne, résultent d’une négligence des règles élémentaires de sécurité des systèmes d’information qui a conduit à rendre accessibles à des tiers non autorisés les données à caractère personnel traitées par la société. La formation restreinte relève en outre que, le fait que la société […]ait traité des données à caractère personnel au-delà des instructions données par les responsables de traitement et ait donc commis un manquement à l’article 29 du RGPD a contribué à aggraver la violation, puisque des commentaires qui n’auraient pas dû être extraits se sont ensuite retrouvés dans le fichier diffusé en ligne et accessible sur les forums. La formation restreinte rappelle enfin que les différents documents encadrant les relations contractuelles entre la société […] et les laboratoires ne comportent pas les mentions requises par l’article 28 du RGPD, ce qui n’est également pas de nature à assurer une protection efficace des données à caractère personnel traitées par le biais de garanties contractuelles. En conséquence, la formation restreinte considère qu’il y a lieu de prononcer une amende administrative au regard des manquements aux articles 28, paragraphe 3, 29 et 32 du RGPD. En deuxième lieu, s’agissant du montant de l’amende, la société souligne que […]. La société insiste sur le fait que la situation financière de l’entreprise doit être prise en compte, de façon à ce que l’amende prononcée soit adaptée aux capacités contributives du responsable de traitement. La formation restreinte rappelle que le paragraphe 3 de l’article 83 du Règlement prévoit qu’en cas de violations multiples, comme c’est le cas en l’espèce, le montant total de l’amende ne peut excéder le montant fixé pour la violation la plus grave. Dans la mesure où il est reproché à la société un manquement aux articles 28, 29 et 32 du RGPD, le montant maximum de l’amende pouvant être retenu s’élève à 10 millions d’euros ou 2% du chiffre d’affaires annuel mondial, le montant le plus élevé étant retenu. La formation restreinte rappelle également que les amendes administratives doivent être dissuasives mais proportionnées. Elle considère en particulier que l’activité de la société et sa situation financière doivent être prises en compte pour la détermination de la sanction et notamment, en cas d’amende administrative, de son montant. Elle relève à ce titre que la société fait état d’un chiffre d’affaires de […] euros en 2019 et de […] euros en 2020, pour un résultat net s’élevant à […] euros en 2019 et à […] euros en 2020. Au vu de ces éléments, la formation restreinte considère que le prononcé d’une amende de 1 500 000 euros apparaît justifié. En troisième lieu, s’agissant de la publicité de la sanction, la société indique que la cyberattaque qui l’a impliquée a fait l’objet d’une publicité très importante, puisque plusieurs articles de presse ont été publiés, puis relayés tant dans la presse papier que télévisuelle, en France et à l’étranger. L’incident a également fait l’objet de plusieurs communications de la part de la CNIL. Elle ajoute que cette médiatisation aura des effets particulièrement néfastes pour elle, non seulement dans le cadre de son activité, mais encore sur son chiffre d’affaires. Compte tenu de la gravité des manquements commis, particulièrement des manquements relatifs à la sécurité, du nombre de personnes concernées et des conséquences pour celles-ci, la formation restreinte considère que la publicité de la décision se justifie. PAR CES MOTIFS La formation restreinte de la CNIL, après en avoir délibéré, décide de : prononcer à l’encontre de la société […] une amende administrative d’un montant de 1 500 000 (un million cinq cent mille) euros ; rendre publique, sur le site de la CNIL et sur le site de Légifrance, sa délibération, qui n’identifiera plus nommément la société à l’expiration d’un délai de deux ans à compter de sa publication. Le président Alexandre LINDEN Cette décision est susceptible de faire l’objet d’un recours devant le Conseil d’État dans un délai de deux mois à compter de sa notification. |
CNILTEXT000048668286 | CNIL | texte/cnil/CNIL/TEXT/00/00/48/66/82/CNILTEXT000048668286.xml | DELIBERATION | Délibération n° 2022-102 du 20 octobre 2022 portant avis sur un projet de décret modifiant diverses dispositions relatives à des traitements de données à caractère personnel de l'Agence française de lutte contre le dopage, portant création de traitements de données à caractère personnel dans le cadre des contrôles antidopage et renforçant l'efficacité de la lutte contre le dopage (demande d'avis n° 22000401) | 2022-102 | Avis | 2022-10-20 00:00:00 | 2023-12-28 00:00:00 | VIGUEUR | La Commission nationale de l'informatique et des libertés, Saisie par la ministre chargée des sports d'une demande d'avis concernant un projet de de décret modifiant diverses dispositions relatives à des traitements de données à caractère personnel de l'Agence française de lutte contre le dopage, portant création de traitements de données à caractère personnel dans le cadre des contrôles antidopage et renforçant l'efficacité de la lutte contre le dopage, Vu le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données ou RGPD) ; Vu la directive (UE) 2016/680 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement de données à caractère personnel par les autorités compétentes à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, d'enquêtes et de poursuites en la matière ou d'exécution de sanctions pénales, et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la décision cadre 2008/977/JAI du Conseil (dite directive police-justice ) ; Vu le code du sport, notamment ses articles L. 232-1 et s. et D. 232-1 et s. ; Vu la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, notamment ses articles 8-I-4°a ; Après avoir entendu le rapport de Mme Aminata NIAKATE, commissaire, et les observations de M. Benjamin TOUZANNE, commissaire du Gouvernement, Etant rappelés les éléments de contexte suivants : L'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) est une autorité publique indépendante, qui définit et met en œuvre les actions de lutte contre le dopage énumérées par les dispositions de l'article L. 232-5 du code du sport. A cette fin, elle coopère avec d'autres organismes : l'Agence mondiale antidopage (AMA) et les organisations antidopage signataires du code mondial antidopage (notamment organisations nationales antidopage, fédérations sportives internationales, comités nationaux olympiques et paralympiques). Le projet de décret, dont est saisie la Commission, est destiné à mettre en conformité le droit français avec la nouvelle version du code mondial antidopage, adoptée en novembre 2019 et entrée en vigueur le 1er janvier 2021 pour ce qui concerne les traitements de données à caractère personnel déployés aux fins de lutter contre le dopage. Il encadre la mise en œuvre de quatre traitements de données à caractère personnel utilisés par l'AFLD au titre de ses compétences légales, potentiellement exercées dans le cadre de coopérations avec les autres autorités compétentes en matière de lutte contre le dopage. Sont concernés : - le traitement automatisé de données à caractère personnel visant à établir le profil biologique des sportifs mentionnés à l'article L. 230-3 du code du sport, qui est modifié par le projet de décret ; - le traitement automatisé de données à caractère personnel visant à mettre en œuvre le dispositif de caméras individuelles mentionnées à l'article L. 232-12 du code du sport, qui est créé par le projet de décret ; - le traitement automatisé des données à caractère personnel portées sur le procès-verbal de contrôle antidopage visant à assurer la coordination des contrôles entre les organisations antidopage signataires du code mondial antidopage et de mettre en œuvre les enquêtes et procédures disciplinaires conduites par l'AFLD, qui est créé par le projet de décret ; - le traitement automatisé de données à caractère personnel visant à faciliter les échanges d'informations relatives aux demandes d'autorisations d'usage à des fins thérapeutiques entre l'AFLD, l'AMA et les organisations antidopage signataires du code mondial antidopage, qui est modifié par le projet de décret. Il est pris en application de l'article L. 232-12 du code du sport pour le traitement de données à caractère personnel constitué pour mettre en œuvre le dispositif de caméras individuelles. S'agissant des trois autres traitements de données à caractère personnel mentionnés dans le projet de décret, bien qu'une autorité publique indépendante est en principe compétente pour créer et mettre en œuvre ses traitements de données à caractère personnel, au titre de ses missions déterminées par la loi, la création et l'encadrement des traitements de l'AFLD par voie réglementaire semble en l'espèce justifiés par la convention internationale contre le dopage dans le sport, signée en 2005 sous l'égide de l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO), obligeant les Etats signataires à adopter les mesures appropriées aux niveaux national et international conformes aux principes énoncés par le code mondial antidopage ainsi que par les dispositions du code mondial antidopage. Dans la mesure où les traitements de données à caractère personnel visés par le projet de décret sont susceptibles d'engendrer un risque élevé pour les droits et les libertés des personnes physiques concernées, notamment parce qu'ils portent sur des données sensibles (données de santé), l'AFLD a réalisé pour chacun d'eux une analyse d'impact relative à la protection des données (AIPD), conformément aux exigences de l'article 35 du RGPD et de l'article 90 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée (ci-après la loi informatique et libertés ). Emet l'avis suivant sur le projet de décret : Observations d'ordre général communes à l'ensemble des traitements de données à caractère personnel visés par le projet de décret : A titre liminaire, la Commission relève que la création de ces traitements, dont certains ont été prévus par la loi, ne soulèvent pas de difficulté dans leur principe. Sur le régime juridique applicable : A l'exception du traitement automatisé de données à caractère personnel visant à mettre en œuvre le dispositif de caméras individuelles mentionné à l'article L. 232-12 du code du sport, la Commission observe que les autres traitements de données à caractère personnel objets du projet de décret relèvent du RGPD. En effet, leur finalité est de renforcer l'efficacité de la lutte contre le dopage, notamment en permettant l'établissement du profil biologique des sportifs, la coordination des contrôles entre les organisations antidopage signataires du code mondial antidopage et la mise en œuvre d'enquêtes et de procédures disciplinaires conduites par l'AFLD ainsi que les échanges d'informations relatives aux demandes d'autorisations d'usage à des fins thérapeutiques entre l'AFLD, l'AMA et les organisations antidopage signataires du code mondial antidopage. Concernant le traitement automatisé de données à caractère personnel visant à mettre en œuvre le dispositif de caméras individuelles mentionné à l'article L. 232-12 du code du sport, les enregistrements seront utilisés par les agents chargés de la lutte contre le dopage dans l'exercice de leurs missions de protection de la santé publique dans le domaine sportif et de prévention des atteintes à l'ordre public pouvant résulter de la commission des infractions en lien avec des faits de dopage . Selon le projet d'article R. 232-41-13-1-2° du code du sport, ils ont notamment pour finalité le constat des violations et infractions aux dispositions du code du sport applicables en matière de lutte contre le dopage (dont les dispositions pénales) et la poursuite de leurs auteurs par la collecte de preuves. Par ailleurs, d'après le projet d'article R. 232-41-13-4 du code du sport, la durée de conservation des données est modifiée pour les besoins d'une enquête ou d'une procédure disciplinaire . Aussi, contrairement à l'analyse du ministère, la Commission estime que la finalité de ce traitement n'est pas simplement de vérifier le bon déroulement des opérations de contrôle antidopage. En effet, ce traitement va permettre de constater les violations et infractions aux dispositions des articles L. 232-1 et s. du code du sport et, possiblement de qualifier pénalement certains agissements entrant dans le champ des articles L. 232-25 et suivants du même code. Au regard de ces éléments, les dispositions du projet de décret attribuent à l'AFLD de nouvelles prérogatives lui donnant la compétence de rechercher et de détecter des infractions pénales énoncées par le code du sport (en complément de ses compétences traditionnelles pour sanctionner au plan administratif les faits de dopage). A ce titre, elle apparaît comme une autorité compétente au sens de la directive police-justice . Par conséquent, la Commission invite le ministère à appliquer le régime juridique de la directive police-justice tel qu'énoncé aux article 87 et s. de la loi informatique et libertés au seul traitement de données à caractère personnel visant à mettre en œuvre le dispositif de caméras individuelles mentionnées à l'article L. 232-12 du code du sport. Sur l'information des personnes concernées et les modalités d'exercice des droits : En tant que responsable de traitement, l'AFLD est tenue de garantir le respect des principes du RGPD en matière d'information des personnes concernées et d'exercice des droits. En particulier, les sportifs concernés doivent être informés spécifiquement du transfert de leurs données à caractère personnel conformément aux exigences des articles 13-1-f et 14-1-f du RGPD. Selon l'article 12 du RGPD, le responsable de traitement doit répondre à une demande d'exercice des droits, dans les meilleurs délais et en tout état de cause dans un délai d'un mois à compter de sa réception. Ce délai peut, au besoin, être prolongé de deux mois, compte tenu de la complexité et du nombre de demandes. Aussi, la Commission attire l'attention du ministère sur la nécessité de mettre à jour les dispositions concernées du projet de décret pour que celles-ci répondent à ces exigences. Par ailleurs, la Commission invite l'AFLD à actualiser les AIPD et les documents d'information remis aux sportifs pour répondre aux exigences des articles 12 et s. du RGPD. Elle encourage également l'AFLD à modifier ses pratiques, en particulier pour que l'information des personnes concernées intervienne systématiquement, au plus tard au moment de la collecte des données à caractère personnel. Sur les transferts de données à caractère personnel réalisés pour lutter contre le dopage : Selon l'article L. 232-5 du code du sport, aux fins de lutter efficacement contre le dopage au niveau mondial, l'AFLD coopère avec d'autres organismes, en particulier l'AMA et les organisations antidopage signataires du code mondial antidopage. A l'exception du traitement visant à mettre en œuvre le dispositif de caméras individuelles mentionnées à l'article L. 232-12 du code du sport, l'AFLD procède, comme le prévoit le code mondial antidopage, à des transferts de données à caractère personnel auprès de l'AMA et des organisations de lutte contre le dopage, à partir des traitements mentionnés dans le projet de décret dont elle est responsable de traitement au sens de l'article 4-7) du RGPD. Ces transferts peuvent comporter des données concernant la santé au sens de l'article 4-15) du RGPD. La nécessité de réaliser ces transferts n'est pas remise en cause par la Commission. Concernant les transferts de données réalisés par l'AFLD pour alimenter la plateforme internationale ADAMS dont l'AMA, située au Canada, est responsable de traitement, la Commission rappelle qu'une décision d'adéquation de la Commission européenne 2002/2/ CE du 20 décembre 2001 autorise les transferts de données à caractère personnel vers ce pays, dans le cadre d'activités commerciales. Elle prend note que l'AFLD s'appuie sur un courrier du Comité européen de la protection des données (CEPD) à destination de la présidence du Conseil de l'Europe du 9 octobre 2019, qui considère que les transferts depuis une organisation européenne de lutte contre le dopage vers ADAMS sont valides dans le cadre de cette adéquation. La Commission souligne que les décisions d'adéquation, adoptées avant l'entrée en application du RGPD, sont actuellement en cours de révision par la Commission européenne et restent valables tant qu'elles n'ont pas été modifiées à la suite de cette révision. Concernant, les transferts de données réalisés par l'AFLD directement auprès d'autres organisations de lutte contre le dopage, ils s'effectuent quant à eux vers des pays situés en dehors de l'Union européenne. Certains pays peuvent bénéficier d'une décision d'adéquation couvrant ces transferts. Pour d'autres, l'AFLD, comme tout exportateur et conformément à l'arrêt Schrems II de la Cour de justice de l'Union européenne du 16 juillet 2020, devra évaluer au cas par cas la législation et les pratiques des pays vers lesquels sont transférées les données et mettre en place l'instrument d'encadrement le plus approprié pour garantir que ces données font l'objet d'une protection substantiellement équivalente à celle dans l'Union européenne. L'AFLD pourra s'appuyer sur les instruments prévus par le RGPD, comme les clauses contractuelles types de la Commission européenne, le cas échéant, complétés de mesures supplémentaires au sens des recommandations n° 01/2020 du CEPD du 10 novembre 2020, ou éventuellement de recourir à l'application des dérogations prévues à l'article 49 du RGPD, éclairé par son considérant 112. Observations propres à certains des traitements de données à caractère personnel mis en œuvre par l'AFLD : Sur le traitement de données à caractère personnel constitué aux fins d'établir le profil biologique des sportifs : Le projet d'article R. 232-41-3 du code du sport étend la nature des données collectées dans le traitement mis en œuvre par l'AFLD pour déterminer le profil biologique des sportifs mentionnés à l'article L. 230-3 du code du sport. Il ajoute la collecte de données à caractère personnel supplémentaires, notamment : - mention de l'absence de participation du sportif à un entraînement ou à une compétition au cours des deux heures précédant le prélèvement sanguin ; - mention, s'il y a lieu, du séjour ou de la participation du sportif à des stages ou à des compétitions à une altitude supérieure à 1500 mètres ou du recours à un dispositif de simulation de l'altitude au cours des deux dernières semaines ; - mention, s'il y a lieu, de son exposition à des conditions environnementales extrêmes au cours des deux heures précédant le prélèvement de l'échantillon, y compris les séances dans une chaleur artificielle. Selon le ministère, les données supplémentaires qui seront collectées doivent permettre d'assurer la transposition en droit interne des principes du code mondial antidopage, des standards internationaux et des lignes directrices associés. La Commission constate que ces données correspondent aux dispositions des lignes directrices de l'AMA applicables au passeport biologique de l'athlète, dans leurs versions d'avril 2021. Dans ces conditions, elle estime que ces nouvelles données sont adéquates, pertinentes et non excessives au regard de la finalité poursuivie, conformément aux dispositions de l'article 5-1-c du RGPD. Sur le traitement de données à caractère personnel visant à mettre en œuvre le dispositif de caméras individuelles mentionnées à l'article L. 232-12 du code du sport : A titre liminaire, la Commission observe que l'usage des dispositifs de caméras individuelles se généralise. La Commission rappelle que le traitement projeté relève des dispositions de la directive police-justice telle que transposée aux articles 87 et s. de la loi informatique et libertés . En premier lieu, s'agissant des finalités du dispositif, l'article L. 232-12 du code du sport a ouvert la possibilité aux agents chargés des contrôles antidopage visés par l'article L. 232-11 de ce code d'utiliser des caméras individuelles pour procéder à l'enregistrement de la notification du contrôle. D'après le projet d'article R. 232-41-13-1 du code du sport, l'enregistrement des données a pour objet de : - prévenir les incidents au cours des opérations de contrôle ; - constater les violations aux dispositions du code du sport applicables en matière de lutte contre le dopage sur les plans administratif et pénal et poursuivre leurs auteurs par la collecte de preuves ; - former les personnes chargées des contrôles. Dans le cadre de l'examen de la légalité de la mesure fondant l'introduction du dispositif de caméras individuelles pour lutter contre le dopage, le Conseil d'Etat a considéré que cette mesure était justifiée par un motif d'intérêt général lié à la protection de la santé publique dans le domaine sportif et ne présentait pas un caractère disproportionné par rapport aux finalités qui lui sont assignées (CE, 6 et 13 avril 2021, section de l'intérieur, note, n° 402566). Selon le ministère, le déploiement de ce dispositif entend répondre au besoin de renforcer l'efficacité de la lutte contre le dopage en ne limitant pas celle-ci à la détection de substances interdites dans l'organisme des sportifs. La majorité des violations aux règles antidopage ne seraient en effet pas d'origine analytique mais résulteraient d'incidents survenus au cours du déroulement des opérations de contrôle (p. ex. : soustraction au prélèvement d'échantillons, refus de prélèvement, falsification des éléments de contrôle). Aussi, au regard de ces éléments, la Commission estime que les finalités du traitement telles que définies dans le projet de décret sont déterminées, explicites et légitimes, conformément à l'article 4-2° de la loi informatique et libertés . En deuxième lieu, s'agissant du périmètre du dispositif, les caméras individuelles peuvent également être utilisées pour toute autre phase du contrôle (p. ex. : fourniture de renseignements à inscrire sur le procès-verbal de contrôle, scellé des échantillons), lorsque se produit ou est susceptible de se produire un incident, eu égard aux circonstances de ces opérations ou au comportement des personnes concernées . Seul l'acte de prélèvement biologique est exclu du dispositif. Le projet de décret n'apporte pas de précisions quant aux situations dans lesquelles les agents chargés des contrôles sont autorisés à activer leurs caméras. Néanmoins, la Commission prend acte de ce que l'AFLD s'est engagée à établir à l'attention des préleveurs une liste des situations qui justifient qu'on déclenche l'enregistrement comme par exemple les cas dans lesquels un sportif allègue qu'il doit s'absenter du poste du contrôle, les situations de tension ou encore les situations dans lesquelles un tiers intervient et perturbe le bon déroulement du contrôle . De ce point de vue, la doctrine que l'AFLD doit construire pour déterminer les conditions d'utilisation des caméras doit garantir une collecte proportionnée des données à caractère personnel conformément aux dispositions de l'article 4-3° de la loi informatique et libertés . La Commission invite par conséquent l'AFLD, comme celle-ci s'y est engagée, à formaliser cette doctrine dans les délibérations encadrant la formation des agents en charge des contrôles et le déroulement de ces contrôles. Par ailleurs, les agents chargés des contrôles antidopage peuvent utiliser les caméras individuelles dans tous les lieux où se déroulent des opérations de contrôle antidopage, y compris au domicile du sportif. Selon le ministère, ces agents sont particulièrement sensibilisés à l'exigence de respecter l'intimité et la vie privée du sportif et ne doivent pas déclencher l'enregistrement et / ou doivent mettre un terme au contrôle, si certaines garanties ne sont pas remplies. Il appartient dès lors à l'AFLD de déterminer des règles particulières pour encadrer, de manière stricte, l'utilisation des caméras individuelles au sein de lieux particulièrement sensibles tels que les lieux d'habitation, notamment en restreignant leur utilisation à des circonstances précisément identifiées en amont. En troisième lieu, s'agissant des mesures techniques, le projet d'article R. 232-41-13-3 du code du sport prévoit que les enregistrements réalisés au sein même du dispositif de la caméra sont transférés sur un support informatique sécurisé, propre à l'AFLD, à l'issue de la mission de contrôle. Ils ne peuvent être consultés qu'après ce transfert. Aucun système de transmission permettant de visionner les images à distance en temps réel ne peut être mis en œuvre. La Commission estime que ces interdictions de principe doivent être accompagnées de mesures techniques de nature à garantir de respect de ces exigences. Si le modèle de caméra actuellement présélectionné semble pouvoir le garantir, le modèle de caméra finalement choisi devra permettre à la fois l'impossibilité de visionnage des enregistrements depuis la caméra, le chiffrement en local sur le support de stockage de la caméra ainsi que le contrôle d'accès du visionnage et de l'impossibilité de la modification des vidéos prises, une fois celles-ci transférées, tel que mentionné dans l'AIPD. En quatrième lieu, s'agissant du droit à l'information des personnes concernées, l'article L. 232-12 du code du sport prévoit que les caméras sont portées de façon apparente par les agents chargés des contrôles antidopage et qu'un signal visuel spécifique indique si la caméra enregistre. Il prévoit également que le déclenchement de l'enregistrement fait l'objet d'une information des personnes filmées, sauf si les circonstances l'interdisent . De plus, d'après le projet d'article R. 232-41-13-6 du code du sport, une information générale des sportifs sur l'emploi de ces caméras est délivrée sur le site web de l'AFLD. Concernant le dispositif prévu, le ministère a précisé qu'il envisage d'améliorer les modalités d'information en intégrant une mention sur le procès-verbal de contrôle antidopage signé par le sportif concerné. Il a aussi indiqué que l'enregistrement pourrait intervenir, sans information préalable du sportif, dans les hypothèses où le sportif se soustrairait au contrôle en s'enfuyant de la compétition ou avant que sa notification n'ait pu être délivrée. En outre, aucune information particulière ne sera réalisée lorsque le contrôle sera organisé au domicile du sportif. Au regard de ces éléments, la Commission invite l'AFLD à réfléchir à une traduction concrète et opérationnelle des termes sauf si les circonstances l'interdisent afin que ces circonstances recouvrent les seuls cas où cette information est rendue impossible pour des raisons purement matérielles et indépendantes des motifs de l'intervention , comme le relève le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2021-817 DC du 20 mai 2021, à propos des caméras individuelles des agents de police et gendarmerie nationales et de la police municipale. Aussi, ces circonstances pourraient être précisées par l'AFLD dans les délibérations qu'elle prend aux fins d'encadrer la formation des agents chargés des contrôles antidopage et le déroulement de ces contrôles. Par ailleurs, la Commission encourage également à ce que les modalités d'information des sportifs, dont le domicile est filmé, soient explicitées dans les délibérations de l'AFLD encadrant la formation des agents chargés des contrôles antidopage et le déroulement de ces contrôles. En cinquième lieu, s'agissant de la sécurité des données et de la traçabilité des actions, le projet d'article R. 232-41-13-5 du code du sport prévoit, comme le relève la Commission, que chaque opération de consultation, d'extraction ou d'effacement de données fait l'objet d'un enregistrement dans le traitement ou, à défaut, d'une consignation dans un registre spécialement ouvert à cet effet. Ce registre comporte les nom, prénom et fonction de l'agent procédant à l'opération, la date et l'heure, le motif de l'extraction, le destinataire des données, l'identification des enregistrements audiovisuels extraits et de la caméra dont ils sont issus. La durée de conservation de ces données est fixée à six mois. En sixième lieu, s'agissant des autres dispositions, le projet de décret précise que les enregistrements utilisés à des fins de formation sont anonymisés, préalablement à leur transmission aux agents en charge de la formation. D'après les lignes directrices n° 05/2014 du CEPD du 05/2014 du 10 avril 2014 sur les techniques d'anonymisation, un traitement de données est a priori anonyme dès lors qu'il n'est possible ni d'individualiser, ni de corréler, ni d'inférer les données. L'anonymisation devra par conséquent couvrir l'ensemble des données et notamment les éléments visuels et sonores des enregistrements. Les autres points du projet de décret n'appellent pas d'observations particulières de la Commission. La présidente, M.-L. Denis |
CNILTEXT000048580096 | CNIL | texte/cnil/CNIL/TEXT/00/00/48/58/00/CNILTEXT000048580096.xml | DELIBERATION | Délibération de la formation restreinte no SAN-2023-018 du 12 décembre 2023 concernant la commune de KOUROU | SAN-2023-018 | Sanction | 2023-12-12 00:00:00 | 2023-12-19 00:00:00 | VIGUEUR | La Commission nationale de l’informatique et des libertés, réunie en sa formation restreinte composée de M. Philippe-Pierre CABOURDIN, vice-président, Mmes Isabelle LATOURNARIE-WILLEMS et Christine MAUGÜÉ ; MM. Alain DRU et Bertrand du MARAIS, membres ; Vu le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données ; Vu la loi no 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, notamment ses articles 20 et suivants ; Vu le décret n° 2019-536 du 29 mai 2019 modifié pris pour l'application de la loi no 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ; Vu la délibération no 2013-175 du 4 juillet 2013 portant adoption du règlement intérieur de la Commission nationale de l'informatique et des libertés ; Vu la décision de la présidente de la Commission nationale de l’informatique et des libertés portant désignation d’un rapporteur devant la formation restreinte, en date du 28 août 2023 ; Vu le rapport de Madame Valérie PEUGEOT, commissaire rapporteure, notifié à la commune de KOUROU le 11 septembre 2023 ; Vu la clôture de l’instruction notifiée à la commune le 23 octobre 2023 ; Vu les autres pièces du dossier ; Lors de la séance de la formation restreinte du 30 novembre 2023 : - Était présente, Madame Valérie PEUGEOT, commissaire, entendue en son rapport ; - Etaient absents les représentants de la commune de KOUROU […] régulièrement convoqués. La formation restreinte a adopté la délibération suivante : I. Faits et procédure 1. La commune de KOUROU (ci-après " la commune "), est une collectivité territoriale de 25 000 habitants, située dans la collectivité territoriale unique de Guyane, dont la mairie se trouve 30 avenue des Roches à Kourou (97310). 2. Par courrier du 2 juin 2021, dans le cadre des missions définies à l’article 8 de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 modifiée relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, la Présidente de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (ci-après " la CNIL " ou " la Commission ") a alerté la commune de KOUROU sur l’absence de désignation d’un délégué à la protection des données (ou " DPD ") en son sein. 3. Ce courrier est resté sans suite de la part de la commune de KOUROU (ci-après " la commune "). 4. Le 25 avril 2022, la Présidente de la CNIL a mis en demeure la commune, sous un délai de quatre mois à compter de la notification de cette décision et sous réserve des mesures qu’elle aurait déjà pu adopter, de procéder à la désignation d’un DPD. Cette décision, rendue publique après délibération du bureau de la CNIL du 5 mai 2022, a été notifiée à la commune le 19 mai 2022 par lettre recommandée avec accusé de réception. 5. Cette mise en demeure est restée sans réponse de la commune qui n’a pas désigné de DPD. 6. Dans le cadre d’une procédure de sanction simplifiée, le président de la formation restreinte a prononcé, par décision du 8 février 2023, une amende à l’encontre de la commune d’un montant de cinq mille euros pour les manquements aux articles 31 et 37-1-a) du RGPD et une injonction de désigner un délégué à la protection des données dans un délai de trois mois suivant la notification de ladite décision, intervenue le 25 février 2023. 7. En l’absence de réponse de la commune et de désignation d’un DPD, la présidente de la Commission a, le 28 août 2023, désigné Madame Valérie PEUGEOT en qualité de rapporteure sur le fondement de l’article 39 du décret n°2019-536 du 29 mai 2019 modifié. 8. À l’issue de son instruction, la rapporteure a, le 13 septembre 2023, fait notifier à la commune un rapport détaillant les manquements aux articles 37-1-a) et 31 du règlement général sur la protection des données (ci-après " RGPD ") qu’elle estimait constitués en l’espèce. Elle proposait à la formation restreinte de prononcer un rappel à l’ordre et une injonction de désigner un délégué à la protection des données assortie d’une astreinte de cent cinquante euros par jour de retard à l’issue d’un délai de deux mois suivant la notification de la délibération et que cette décision soit rendue publique. 9. Par courrier du 19 octobre 2023, la rapporteure a informé la commune que l’instruction était close, en application de l’article 40, III, du décret modifié n° 2019-536 du 29 mai 2019. 10. Par courrier du 20 octobre 2023, la commune a été informée que le dossier était inscrit à la séance de la formation restreinte du 16 novembre 2023. 11. Par courrier du 9 novembre 2023, la commune a été informée que le dossier était reporté à la séance de la formation restreinte au 30 novembre 2023. 12. La rapporteure a été entendue lors de la séance de la formation restreinte du 30 novembre 2023. La formation restreinte a constaté l’absence de la commune qui n’était ni présente ni représentée. II. Motifs de la décision A. Sur le manquement à l’obligation de désigner un délégué à la protection des données en application de l’article 37, paragraphe 1, a) du RGPD 13. En droit, l’article 37, paragraphe 1, a) du RGPD dispose que " Le responsable du traitement et le sous-traitant désignent en tout état de cause un délégué à la protection des données lorsque : a) le traitement est effectué par une autorité publique ou un organisme public, à l'exception des juridictions agissant dans l'exercice de leur fonction juridictionnelle […] ". 14. La formation restreinte rappelle l’importance du rôle du délégué à la protection des données devenu obligatoire au sein des autorités et organismes publics depuis l’entrée en application le 25 mai 2018 du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données. La désignation d’un délégué à la protection des données est essentielle pour assurer la conformité des organismes avec les dispositions du RGPD. 15. La formation restreinte relève que les autorités publiques chargées de missions de service public traitent de nombreuses données à caractère personnel (données d’administrés, d’agents publics et d’élus) dont certaines sont des données sensibles et doivent particulièrement veiller à leur protection dans un contexte d’accroissement des attaques informatiques à l’encontre des organismes publics. 16. Le délégué à la protection des données est en charge, conformément à l’article 39 du RGPD, notamment d’informer et conseiller le responsable de traitement sur les obligations qui lui incombe, contrôler le respect du RGPD en procédant à l’analyse et la vérification des activités de traitement et faire office de point de contact pour l’autorité de contrôle sur les questions relatives aux traitements. En outre, le délégué à la protection des données constitue également le point de contact des personnes concernées, notamment les administrés, au sujet de questions relatives au traitement de leurs données à caractère personnel et à l’exercice des droits que leur confère le règlement conformément à l’article 38-4 du RGPD. 17. En l’espèce, il résulte de l’instruction que la commune n’a pas procédé à la désignation d’un délégué à la protection des données alors qu’elle y était tenue depuis le 25 mai 2018. 18. En conséquence, les faits précités constituent un manquement à l’article 37-1-a) du RGPD. B. Sur le manquement à l’obligation de coopérer avec les services de la CNIL en application de l’article 31 du RGPD 19. En droit, l’article 31 du RGPD dispose que " le responsable du traitement et le sous-traitant ainsi que, le cas échéant, leurs représentants coopèrent avec l'autorité de contrôle, à la demande de celle-ci, dans l'exécution de ses missions ". 20. En l’espèce, la formation restreinte relève que la commune n’a pas répondu à la lettre de la Présidente de la CNIL du 2 juin 2021 l’invitant à désigner un délégué à la protection des données, pas plus qu’elle n’a répondu à la mise en demeure du 25 avril 2022 et à la décision du président de la formation restreinte du 8 février 2023 lui enjoignant de désigner un délégué à la protection des données dans un délai de trois mois suivant la notification de sa décision intervenue le 25 février 2023. 21. Ainsi, la formation restreinte considère que la commune de Kourou, en s’abstenant de répondre à toutes les correspondances de la CNIL, a méconnu l’obligation prévue à l’article 31 du Règlement. III. Sur les mesures correctrices et leur publicité 22. Aux termes du III de l’article 20 de la loi du 6 janvier 1978 modifiée : 23. " Lorsque le responsable de traitement ou son sous-traitant ne respecte pas les obligations résultant du règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016 ou de la présente loi, le président de la Commission nationale de l'informatique et des libertés peut également, le cas échéant après lui avoir adressé l'avertissement prévu au I du présent article ou, le cas échéant en complément d'une mise en demeure prévue au II, saisir la formation restreinte de la commission en vue du prononcé, après procédure contradictoire, de l'une ou de plusieurs des mesures suivantes : […] 2° Une injonction de mettre en conformité le traitement avec les obligations résultant du règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016 ou de la présente loi ou de satisfaire aux demandes présentées par la personne concernée en vue d'exercer ses droits, qui peut être assortie, sauf dans des cas où le traitement est mis en œuvre par l'Etat, d'une astreinte dont le montant ne peut excéder 100 000 € par jour de retard à compter de la date fixée par la formation restreinte ; […] 7° À l'exception des cas où le traitement est mis en œuvre par l'État, une amende administrative ne pouvant excéder 10 millions d'euros ou, s'agissant d'une entreprise, 2 % du chiffre d'affaires annuel mondial total de l'exercice précédent, le montant le plus élevé étant retenu. Dans les hypothèses mentionnées aux 5 et 6 de l'article 83 du règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016, ces plafonds sont portés, respectivement, à 20 millions d'euros et 4 % dudit chiffre d'affaires. La formation restreinte prend en compte, dans la détermination du montant de l'amende, les critères précisés au même article 83 ". 24. L’article 83 du RGPD prévoit que " Chaque autorité de contrôle veille à ce que les amendes administratives imposées en vertu du présent article pour des violations du présent règlement visées aux paragraphes 4, 5 et 6 soient, dans chaque cas, effectives, proportionnées et dissuasives ", avant de préciser les éléments devant être pris en compte pour décider s'il y a lieu d’imposer une amende administrative et pour décider du montant de cette amende. 25. En 2021, le résultat global de clôture du compte administratif du budget principal de la commune était en déficit de 13 094 989,01 euros. En 2022, son budget principal était proposé par la chambre régionale des comptes de Guyane en déficit de 3 570 006 euros. 26. La formation restreinte considère que, dans le cas d’espèce, les manquements précités justifient que soient prononcés une amende administrative et une injonction de désigner un délégué à la protection des données à l’encontre de la commune. A. Sur le prononcé d’une amende administrative 27. La formation restreinte rappelle qu’elle doit tenir compte, pour le prononcé d’une amende administrative, des critères précisés à l’article 83 du RGPD, tels que la nature, la gravité et la durée de la violation, les mesures prises par le responsable du traitement pour atténuer le dommage subi par les personnes concernées, le degré de coopération avec l’autorité de contrôle et les catégories de données à caractère personnel concernées par la violation. 28. La formation restreinte relève le rôle central du délégué à la protection des données, pierre angulaire du régime de responsabilité, qui facilite le respect des règles, agit comme intermédiaire entre les administrés et une collectivité publique et vient ainsi renforcer la confiance accordée aux organismes publics. 29. Au vu de la nature de l’organisme concerné, commune de plus de 16 000 habitants qui exerce des missions de service public, la formation restreinte estime nécessaire de sensibiliser la commune sur l’indispensable protection des données à caractère personnel qu’elle traite au titre de ses missions par la désignation d’un délégué à la protection des données. 30. La formation restreinte considère que la persistance de l’absence de désignation d’un délégué à la protection des données par la commune témoigne d’un mépris des obligations pesant sur elle en matière de protection des données à caractère personnel, et ce, d’autant plus que cette désignation aurait dû intervenir dès la mise en application du RGPD le 25 mai 2018. 31. La formation restreinte souligne que ce manquement a perduré malgré les différentes procédures initiées par la CNIL à l’encontre de la commune. 32. Ainsi, la formation restreinte relève que, malgré les diverses mesures correctrices prises par la CNIL, à savoir une mise en demeure de sa présidente de remédier à ce manquement puis une sanction du président de la formation restreinte assortie d’une amende administrative de cinq mille (5 000) euros, la commune n’a pas pris les mesures nécessaires pour assurer sa mise en conformité, et ce, malgré les injonctions précises qui lui avaient été adressées. 33. En outre, la commune a manqué à son obligation de coopération avec la CNIL par l’absence de toute réponse. 34. Aussi, la formation restreinte considère que le prononcé d’une amende à l’encontre de la commune est justifié par la persistance des manquements relatifs à l’absence de désignation d’un délégué à la protection des données et au défaut de coopération depuis la décision du 8 février 2023 rendue par le président de la formation restreinte. 35. Par ailleurs, la formation restreinte souligne que les faits sanctionnés seraient susceptibles de porter une atteinte suffisamment caractérisée aux dispositions dont la CNIL a pour mission d’assurer l’application et de constituer ainsi une infraction pénale en application du 2° de l’article 226-22-2 du code pénal. 36. En conséquence, la formation restreinte considère que ces manquements justifient qu’une amende administrative soit prononcée. 37. S’agissant du montant de l’amende, compte tenu de l’activité de l’organisme qui est une collectivité territoriale et de sa situation financière, la formation restreinte considère que le prononcé d’une amende administrative de 5 000 euros apparaît justifié. B. Sur le prononcé d’une injonction assortie d’une astreinte 38. En premier lieu, la formation restreinte relève que la commune n’a toujours pas procédé à la désignation d’un délégué à la protection des données. 39. Au regard de la persistance du manquement relevé au titre de la désignation d’un délégué à la protection des données persiste, la formation restreinte estime nécessaire le prononcé d’une injonction afin que la commune se mette en conformité avec ses obligations. 40. En second lieu, la formation restreinte souligne qu’une astreinte journalière est une pénalité financière par jour de retard que devra payer le responsable de traitement en cas de non-respect de l’injonction à l’expiration du délai d’exécution prévu. 41. La formation restreinte ajoute qu’aux fins de conserver à l’astreinte sa fonction comminatoire, son montant se doit d’être à la fois proportionné à la gravité des manquements reprochés mais également adapté aux capacités financières du responsable de traitement. 42. Au regard de ces éléments, la formation restreinte considère proportionné le prononcé d’une astreinte d’un montant de 150 euros par jour de retard et liquidable à l’issue d’un délai de deux mois. C. Sur la publicité de la décision 43. Enfin, la formation restreinte estime nécessaire que sa décision soit rendue publique au regard de la gravité des manquements et de leur persistance. 44. Elle souligne que la protection des données à caractère personnel par les collectivités publiques est d’autant plus importante qu’elles traitent un nombre considérable de données, dont certaines sont sensibles. En outre, les enjeux de cybersécurité, notamment au regard de la recrudescence des attaques à l’encontre des systèmes d’informations de ces entités, font ressortir l’importance du rôle du délégué à la protection des données auprès des collectivités publiques. PAR CES MOTIFS La formation restreinte de la CNIL, après en avoir délibéré, décide de : • prononcer à l’encontre de la commune de KOUROU une amende administrative d’un montant de cinq mille (5 000) euros au regard des manquements constitués aux articles 31 et 37 du règlement (UE) n° 2016/679 du 27 avril 2016 relatif à la protection des données ; • prononcer à l’encontre de la commune de KOUROU une injonction de désigner un délégué à la protection des données assortie d’une astreinte de cent-cinquante (150) euros par jour de retard à l’issue d’un délai de deux mois suivant la notification de la délibération de la formation restreinte ; • rendre publique, sur le site de la CNIL et sur le site de Légifrance, sa délibération, qui n’identifiera plus nommément la commune de KOUROU à l’expiration d’un délai d’un an à compter de sa publication ; • ordonner à la commune de publier, sur le site officiel de la commune de KOUROU accessible à l’adresse https://www.ville-kourou.fr/, un message d’information à destination de ses usagers quant à la présente décision de la formation restreinte ; La publication de ce communiqué sera effectuée selon les modalités suivantes : - L’encart inséré reproduira avec fidélité le texte suivant : " Communiqué : la formation restreinte de la Commission nationale de l’informatique et des libertés a prononcé une amende de 5000 euros contre la commune de Kourou et une injonction de désigner un délégué à la protection des données assortie d’une astreinte de 150 euros par jour de retour dans un délai de deux mois après la notification de la décision pour manquements à la désignation d’un délégué à la protection des données et à l’obligation de coopérer avec les services de la CNIL. Décision accessible à l’adresse suivante : https://www.cnil.fr/fr/sanction-kourou" - Le texte https://www.cnil.fr/fr/sanction-kourou comportera un pointeur hypertexte activable par l’utilisateur - Le communiqué figurera dans un encart spécifique localisé sur la page accessible à l’adresse https://www.ville-kourou.fr/. Cet encart sera inséré sous le bandeau contenant les boutons " la mairie ; politique de la ville ; urbanisme ; éducation ; culture, sports, partenaires " - Le texte publié sera encadré selon le style employé par la mairie sur son site dans la police identique à celle utilisée dite " montserrat " et dont la taille ne saurait être inférieure à 14 pixels - La publication est ordonnée pour une durée de 4 jours à compter de 12h00, heure de Paris (France), le septième jour suivant la notification de la présente délibération - A l’issue de la période mentionnée ci-dessus, la commune procédera au retrait du texte de l’encart. Le vice-président Philippe-Pierre CABOURDIN Cette décision est susceptible de faire l’objet d’un recours devant le Conseil d’État dans un délai de trois mois à compter de sa notification. |
CNILTEXT000049407460 | CNIL | texte/cnil/CNIL/TEXT/00/00/49/40/74/CNILTEXT000049407460.xml | DELIBERATION | Délibération n° HAB-2024-002 du 4 avril 2024 habilitant des agents de la Commission nationale de l'informatique et des libertés à procéder à des missions de vérification | HAB-2024-002 | Disposition interne CNIL | 2024-04-04 00:00:00 | 2024-04-13 00:00:00 | VIGUEUR | La Commission nationale de l'informatique et des libertés, Vu le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données ; Vu la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, notamment ses articles 8.2.g), 10, 11 et 19 ; Après avoir entendu les observations de M. Damien Milic, commissaire du Gouvernement , Décide : Article 1 Les agents de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) ci-après désignés sont habilités, à raison de leurs fonctions, à effectuer les visites et vérifications mentionnées à l'article 19 de la loi du 6 janvier 1978 : M. Belaïd AÏT HAMOUDA, auditeur des systèmes d'information au service des contrôles à la direction de la protection des droits et des sanctions ; M. Thibaud ANTIGNAC, adjoint au chef du service de l'expertise technologique à la direction des technologies et de l'innovation ; M. Mehdi ARFAOUI, sociologue du numérique au service laboratoire d'innovation numérique de la CNIL à la direction des technologies et de l'innovation ; M. Monir AZRAOUI, ingénieur expert au service de l'expertise technologique à la direction des technologies et de l'innovation ; Mme Audrey BACQUIÉ, chargée de greffe au service des sanctions et du contentieux à la direction de la protection des droits et des sanctions ; Mme Isabelle BARBÉ, chargée d'instruction juridique au service de l'exercice des droits et des plaintes à la direction de la protection des droits et des sanctions ; Mme Leslie BASSE, juriste au service des contrôles à la direction de la protection des droits et des sanctions ; M. Jean BAUDRILLARD, adjoint au chef du service des relations avec les publics à la direction des relations avec les publics ; M. Corentin BEAUFILS, juriste au service de l'exercice des droits et des plaintes à la direction de la protection des droits et des sanctions ; Mme Khadija BELGHITI-ALAOUI, chargée d'instruction juridique au service de l'exercice des droits et des plaintes à la direction de la protection des droits et des sanctions ; Mme Najma BICHARA, juriste au service des affaires européennes et internationales ; M. Martin BIÉRI, chargé des études prospectives au service laboratoire d'innovation numérique de la CNIL à la direction des technologies et de l'innovation ; M. Thomas BIZET, chef du service des relations avec les publics à la direction des relations avec les publics ; Mme Nathalie BOHBOT, auditrice des systèmes d'information au service des contrôles à la direction de la protection des droits et des sanctions ; Mme Stéphanie BOISSEAU, juriste au service de l'exercice des droits et des plaintes à la direction de la protection des droits et des sanctions ; M. Renaud BOITOUZET, auditeur des systèmes d'information au service des contrôles à la direction de la protection des droits et des sanctions ; Mme Sandrine BONTROND, juriste au service des relations avec les publics à la direction des relations avec les publics ; Mme Cécile BOSSER, juriste conseil au service des relations avec les publics à la direction des relations avec les publics ; M. Tanguy BOUCHER, juriste au service de l'exercice des droits et des plaintes à la direction de la protection des droits et des sanctions ; M. Érik BOUCHER DE CRÈVECOEUR, ingénieur référent santé au service de l'expertise technologique à la direction des technologies et de l'innovation ; Mme Justine BRAIVE, juriste au service des contrôles à la direction de la protection des droits et des sanctions ; M. Rodolphe BRÉARD, auditeur des systèmes d'information au service des contrôles à la direction de la protection des droits et des sanctions ; Mme Véronique BREMOND, juriste au service de l'exercice des droits et des plaintes à la direction de la protection des droits et des sanctions ; Mme Céline BRÉZILLON, adjointe à la cheffe du service de l'exercice des droits et des plaintes à la direction de la protection des droits et des sanctions ; Mme Sophie BRIET, adjointe au chef du service des sanctions et du contentieux à la direction de la protection des droits et des sanctions ; M. Vincent BRINGER, juriste au service de l'exercice des droits et des plaintes à la direction de la protection des droits et des sanctions ; Mme Solenn BRUNET, ingénieure experte au service de l'expertise technologique à la direction des technologies et de l'innovation ; M. Clément BUNEL, juriste au service de l'exercice des droits et des plaintes à la direction de la protection des droits et des sanctions ; M. Thierry CARDONA, ingénieur au service des contrôles à la direction de la protection des droits et des sanctions ; Mme Madeleine CAZETTES DE SAINT LÉGER, juriste au service des sanctions et du contentieux à la direction de la protection des droits et des sanctions ; Mme Lucie CHARTRAIN, juriste au service de l'exercice des droits et des plaintes à la direction de la protection des droits et des sanctions ; M. Régis CHATELLIER, chargé des études prospectives au service laboratoire d'innovation numérique de la CNIL à la direction des technologies et de l'innovation ; Mme Virginie CLAUDE-LOONIS, adjointe au chef du service des sanctions et du contentieux à la direction de la protection des droits et des sanctions ; Mme Isabelle COHEN, juriste au service de l'exercice des droits et des plaintes à la direction de la protection des droits et des sanctions ; Mme Tess D'ARMAGNAC, juriste au service des contrôles à la direction de la protection des droits et des sanctions ; Mme Audrey DANEL, juriste au service des sanctions et du contentieux à la direction de la protection des droits et des sanctions ; Mme Justine DEBOTÉ, chargée de greffe au service des sanctions et du contentieux à la direction de la protection des droits et des sanctions ; M. Guillaume DELAFOSSE, juriste au service de l'exercice des droits et des plaintes à la direction de la protection des droits et des sanctions ; Mme Isabelle DELERUE, chargée d'instruction juridique au service de l'exercice des droits et des plaintes à la direction de la protection des droits et des sanctions ; M. Grégoire DELETTE, juriste au service des contrôles à la direction de la protection des droits et des sanctions ; Mme Amélie DELEUZE, juriste au service des contrôles à la direction de la protection des droits et des sanctions ; M. Florent DELLA VALLE, chef de service au service de l'expertise technologique à la direction des technologies et de l'innovation ; M. Xavier DELPORTE, directeur des relations avec les publics ; Mme Caroline DEROUET, juriste au service des sanctions et du contentieux à la direction de la protection des droits et des sanctions ; Mme Sadio DIOUMASSY, chargée d'instruction juridique au service de l'exercice des droits et des plaintes à la direction de la protection des droits et des sanctions ; Mme Rosine DOLBEC, juriste au service des sanctions et du contentieux à la direction de la protection des droits et des sanctions ; M. Julien DROCHON, auditeur des systèmes d'information référent au service des contrôles à la direction de la protection des droits et des sanctions ; M. Hugo DUSSERT, ingénieur expert au service de l'expertise technologique à la direction des technologies et de l'innovation ; M. Louis DUTHEILLET DE LAMOTHE, secrétaire général ; Mme Viktorija ELENSKI, juriste au service de l'exercice des droits et des plaintes à la direction de la protection des droits et des sanctions ; Mme Anne FONTANILLE, juriste au service des affaires européennes et internationales ; Mme Florence FOURETS, directrice chargée de projets régaliens auprès du secrétaire général ; Mme Marie GAILLARDON, juriste au service des sanctions et du contentieux à la direction de la protection des droits et des sanctions ; Mme Linda GAMIETTE, juriste au service des relations avec les publics à la direction des relations avec les publics : M. Gaston GAUTRENEAU, ingénieur expert au service de l'expertise technologique à la direction des technologies et de l'innovation ; M. Antoine GAUME, ingénieur expert au service de l'expertise technologique à la direction des technologies et de l'innovation ; M. Rodolphe GÉNISSEL, chef du service des sanctions et du contentieux à la direction de la protection des droits et des sanctions ; Mme Sophie GENVRESSE, cheffe du service de l'exercice des droits et des plaintes à la direction de la protection des droits et des sanctions ; Mme Laurène GOIRAND, auditrice des systèmes d'information au service des contrôles à la direction de la protection des droits et des sanctions ; M. Yoann GONTHIER LE GUEN, juriste au service des contrôles à la direction de la protection des droits et des sanctions ; Mme Sarah GUILLOU, juriste au service des sanctions et du contentieux à la direction de la protection des droits et des sanctions ; Mme Sandra GREBER, juriste au service de l'exercice des droits et des plaintes à la direction de la protection des droits et des sanctions ; Mme Nourhane HADDAD, chargée de greffe au service des sanctions et du contentieux à la direction de la protection des droits et des sanctions ; Mme Manel HOUD, juriste au service de l'exercice des droits et des plaintes à la direction de la protection des droits et des sanctions ; Mme Agathe HUBERT, juriste au service des contrôles à la direction de la protection des droits et des sanctions ; Mme Sonia HUDELA, chargée d'instruction juridique au service de l'exercice des droits et des plaintes à la direction de la protection des droits et des sanctions ; Mme Marion JABOT, juriste au service des sanctions et du contentieux à la direction de la protection des droits et des sanctions ; M. Alexis JACQUEMARD, chef de service des contrôles à la direction de la protection des droits et des sanctions ; Mme Nathalie JACQUES, assistante au service des contrôles à la direction de la protection des droits et des sanctions ; M. Hugo JAUFFRET, adjoint au chef de service des contrôles à la direction de la protection des droits et des sanctions ; M. Julien JEDRZEJCZAK, chargé d'instruction juridique au service de l'exercice des droits et des plaintes à la direction de la protection des droits et des sanctions ; Mme Véronique JENNEQUIN, assistante juridique au service des contrôles à la direction de la protection des droits et des sanctions ; Mme Karin KIEFER, directrice de la protection des droits et des sanctions ; M. Anton KISYELYOV, juriste au service des contrôles à la direction de la protection des droits et des sanctions ; M. Jérémie KOUZMINE, juriste au service des sanctions et du contentieux à la direction de la protection des droits et des sanctions ; Mme Névine LAHLOU, juriste au service de l'exercice des droits et des plaintes à la direction de la protection des droits et des sanctions ; M. Victor LARGER, juriste au service des contrôles à la direction de la protection des droits et des sanctions ; M. Sébastien LASTRÉ, auditeur des systèmes d'information au service des contrôles à la direction de la protection des droits et des sanctions ; Mme Nina LE BONNIEC, juriste au service des affaires régaliennes et des collectivités territoriales à la direction de l'accompagnement juridique ; M. Aurélien LE BRET, juriste au service des contrôles à la direction de la protection des droits et des sanctions ; M. Alexis LEAUTIER, ingénieur intelligence artificielle au service de l'intelligence artificielle à la direction des technologies et de l'innovation ; Mme Delphine LEGOHEREL, directrice adjointe de la protection des droits et des sanctions ; Mme Morgane LE HIR, juriste au service des sanctions et du contentieux à la direction de la protection des droits et des sanctions ; M. Emmanuel LEROUX, juriste au service des affaires européennes et internationales ; Mme Noémie LICHON, directrice adjointe de la protection des droits et des sanctions ; Mme Marie-Françoise MAINDRON, juriste au service de l'exercice des droits et des plaintes à la direction de la protection des droits et des sanctions ; Mme Isabelle MANTZ, juriste au service des sanctions et du contentieux à la direction de la protection des droits et des sanctions ; Mme Delphine MARGULIS, chargée d'instruction juridique au service de l'exercice des droits et des plaintes à la direction de la protection des droits et des sanctions ; Mme Astrid MARIAUX, cheffe de service des contrôles à la direction de la protection des droits et des sanctions ; M. Tony MARTIN, adjoint au chef de service des contrôles à la direction de la protection des droits et des sanctions ; Mme Clothilde MAULIN, juriste au service des sanctions et du contentieux à la direction de la protection des droits et des sanctions ; Mme Oriane MAURICE, juriste au service des sanctions et du contentieux à la direction de la protection des droits et des sanctions ; Mme Nina MC EVOY, juriste au service des sanctions et du contentieux à la direction de la protection des droits et des sanctions ; Mme Lynda MEKKI, ingénieure cybersécurité spécialisée en traitement des incidents au service de l'expertise technologique à la direction des technologies et de l'innovation ; Mme Élise MERY-BOUDONNAT, juriste au service de l'exercice des droits et des plaintes à la direction de la protection des droits et des sanctions ; M. Mathias MOULIN, secrétaire général adjoint ; Mme Anaëlle MORIN, ingénieure experte au service de l'expertise technologique à la direction des technologies et de l'innovation ; Mme Sophie NERBONNE, directrice chargée de co-régulation économique ; Mme Rabia OUADDAH, juriste au service de l'exercice des droits et des plaintes à la direction de la protection des droits et des sanctions ; M. Bertrand PAILHÈS, directeur des technologies et de l'innovation ; Mme Adélaïde PATERNOGA, juriste au service de l'exercice des droits et des plaintes à la direction de la protection des droits et des sanctions ; M. Romain PIALAT, ingénieur recherche & développement au service laboratoire d'innovation numérique de la CNIL à la direction des technologies et de l'innovation ; M. Antoine PLANCHOT, auditeur des systèmes d'information au service des contrôles à la direction de la protection des droits et des sanctions ; M. Benjamin POILVÉ, ingénieur expert au service de l'expertise technologique à la direction des technologies et de l'innovation ; Mme Laetitia RACINE, adjointe au chef de service de l'exercice des droits et des plaintes à la direction de la protection des droits et des sanctions ; Mme Délia RAHAL-LOFSKOG, chargée de mission au service des affaires européennes et internationales ; M. Vincent RASNEUR, ingénieur expert au service de l'expertise technologique à la direction des technologies et de l'innovation ; Mme Albane RICHET, adjointe à la cheffe du service de l'exercice des droits et des plaintes à la direction de la protection des droits et des sanctions ; Mme Caroline RILOS MACIAS, assistante juridique au service des contrôles à la direction de la protection des droits et des sanctions ; Mme Anne-Charlotte ROUGELIN, juriste conseil au service des relations avec les publics à la direction des relations avec les publics ; Mme Claudine SANLAVILLE, chargée d'instruction juridique au service de l'exercice des droits et des plaintes à la direction de la protection des droits et des sanctions ; M. Benoit SEGUIN, chef de service de l'exercice des droits et des plaintes à la direction de la protection des droits et des sanctions ; M. Hugo SENAYA, juriste conseil au service de l'exercice des droits et des plaintes à la direction de la protection des droits et des sanctions ; Mme Lauren SÉRAN, juriste au service des sanctions et du contentieux à la direction de la protection des droits et des sanctions ; M. Abdoulaye TALL, auditeur des systèmes d'information au service des contrôles à la direction de la protection des droits et des sanctions ; Mme Ahlem TAMOUZA, juriste au service des affaires régaliennes et des collectivités territoriales à la direction de l'accompagnement juridique ; Mme Jamila TAZI, juriste au service de l'exercice des droits et des plaintes à la direction de la protection des droits et des sanctions ; M. Vincent TOUBIANA, chef du service laboratoire d'innovation numérique de la CNIL à la direction des technologies et de l'innovation ; Mme Rokia TRAORE, chargée d'instruction juridique au service de l'exercice des droits et des plaintes à la direction de la protection des droits et des sanctions ; M. Félicien VALLET, chef du service de l'intelligence artificielle à la direction des technologies et de l'innovation ; M. Marco VERMEIL, chargé de mission sensibilisation aux droits à la direction des relations avec les publics ; Mme Mathilde VIDALOT, juriste au service des affaires régaliennes et des collectivités territoriales à la direction de l'accompagnement juridique ; M. Christophe VIVENT, ingénieur cybersécurité spécialisé en traitement des incidents au service de l'expertise technologique à la direction des technologies et de l'innovation ; Mme Clémentine VOISARD, chargée de mission au service des relations avec les publics à la direction des relations avec les publics ; Mme Aminata VOYEL, auditrice des systèmes d'information au service des contrôles à la direction de la protection des droits et des sanctions ; Liens relatifs Article 2 La délibération n° HAB-2024-001 du 8 février 2024 habilitant des agents de la CNIL à procéder à des missions de vérification est abrogée. Article 3 Les habilitations mentionnées à l'article 1er sont délivrées pour une durée de cinq ans. Article 4 La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française. La présidente, M.-L. Denis |
CNILTEXT000050008534 | CNIL | texte/cnil/CNIL/TEXT/00/00/50/00/85/CNILTEXT000050008534.xml | DECISION | Décision DR-2024-162 du 4 juillet 2024 autorisant l’INSTITUT NATIONAL DU CANCER et LA SOCIÉTÉ MSD FRANCE à mettre en œuvre un traitement de données ayant pour finalité une étude portant sur les délais et les coûts des parcours diagnostiques du cancer du poumon primitif, nécessitant un accès aux données du SNIIRAM et PMSI, composantes du Système national des données de santé (SNDS), pour les années 2013 à 2019, contenues dans la Plateforme des données en cancérologie, intitulée « LUCIEN ». (Demande d’autorisation n° 924141) | DR-2024-162 | Autorisation de recherche | 2024-07-04 00:00:00 | 2024-07-20 00:00:00 | VIGUEUR | La Commission nationale de l’informatique et des libertés, Vu le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données ; Vu la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ; Vu le décret n° 2019-536 du 29 mai 2019 pris pour l'application de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ; Vu la décision du 21 septembre 2023 portant délégation de signature du secrétaire général de la Commission nationale de l’informatique et des libertés ; Saisie d’une demande d’autorisation relative à un traitement de données à caractère personnel dans le domaine de la santé ; Considérant que ce traitement, dont la finalité présente un caractère d’intérêt public, relève des dispositions de la section 3 du chapitre III du titre II de la loi du 6 janvier 1978 modifiée ; Considérant que le traitement présente les caractéristiques et répond aux conditions suivantes : Responsables de traitement Les deux responsables de traitement, l’Institut national du cancer (INCa) et la société MSD France déterminent conjointement les finalités et les moyens du traitement. Conformément à l'article 26 du Règlement général sur la protection des données (RGPD), ils doivent définir de manière transparente leurs obligations respectives. Avis du comité Avis favorable du Comité éthique et scientifique pour les recherches, les études et les évaluations dans le domaine de la santé du 25 avril 2024. Point de non-conformité à la méthodologie de référence concernée Le dossier de demande mentionne que le traitement envisagé est conforme aux dispositions de la méthodologie de référence MR-004, à l'exception de la nature des données traitées (rapprochement des données cliniques avec les données du Système national des données de santé (SNDS) au moyen d’un appariement probabiliste) et des modalités d’information des personnes concernées. Réutilisation des données d’une base existante Des données issues de la Plateforme des données en cancérologie autorisée par la CNIL (délibération n°2023-040) seront réutilisées dans le cadre de la présente étude et plus précisément : les données issues du SNDS (SNIIRAM et PMSI des années 2013 à 2019) ; les données issues des dossiers communicant en cancérologie (comptes-rendus de génétique moléculaire et fiches de concertation pluridisciplinaires des années 2013 à 2019). Utilisation de données issues du SNDS historique Les données traitées étant issues de bases composant le SNDS, l’ensemble des dispositions législatives et réglementaires relatives au SNDS est applicable en l’espèce (articles L. 1461-1 à L. 1461-7 du code de la santé publique), notamment : l’interdiction d’utiliser ces données pour les finalités décrites à l’article L. 1461-1 V du code la santé publique ; le respect du référentiel de sécurité applicable au SNDS prévu par l'arrêté du 22 mars 2017. Recours à un laboratoire de recherche ou à un bureau d’études ayant fait réaliser un engagement de conformité au référentiel déterminant les critères de confidentialité, d'expertise et d'indépendance fixé par arrêté du 17 juillet 2017 : oui La société MSD France n’aura pas accès aux données individuelles du SNDS. Information et droits des personnes En application de l'article 69 de la loi et de l’article 14-5-b) du RGPD, l'obligation d'information individuelle de la personne concernée peut faire l'objet d'exceptions, notamment dans l'hypothèse où la fourniture d'une telle information se révélerait impossible, exigerait des efforts disproportionnés ou compromettrait gravement la réalisation des objectifs du traitement. En pareils cas, le responsable de traitement prend des mesures appropriées pour protéger les droits et libertés, ainsi que les intérêts légitimes de la personne concernée, y compris en rendant les informations publiquement disponibles. En l'espèce, il sera fait exception au principe d'information individuelle des personnes et des mesures appropriées seront mises en œuvre. Ces mesures appropriées consisteront dans la diffusion d’une information relative au projet de recherche sur les sites web des responsables conjoints de traitement de l’étude. Mesures de sécurité Les données seront hébergées au sein de la Plateforme de cancérologie de l’INCa. Au vu de l’acceptation des risques résiduels par le responsable de traitement dans sa décision d’homologation datant du 3 avril 2023, le traitement paraît conforme aux exigences prévues par les articles 5-1-f et 32 du RGPD, ainsi qu’au référentiel de sécurité applicable au SNDS. Cette décision d’homologation n’est valable que jusqu’au 3 avril 2026 et devra donc être renouvelée avant cette date si le projet est toujours en cours. Durées de conservation en base active et en archivage Trois ans à compter de la mise à disposition des données. Transparence du traitement Ce traitement devra être enregistré dans le répertoire public mis à disposition par la Plateforme des données de santé. AUTORISE l’institut national du cancer et la société MSD FRANCE à mettre en œuvre le traitement décrit ci-dessus. La Cheffe du service de la santé Hélène GUIMIOT-BREAUD |
CNILTEXT000050008535 | CNIL | texte/cnil/CNIL/TEXT/00/00/50/00/85/CNILTEXT000050008535.xml | DECISION | Décision DR-2024-164 du 4 juillet 2024 autorisant LE CENTRE REGIONAL DE COORDINATION DU DEPISTAGE DES CANCERS DU GRAND-EST ET LE CENTRE INTERNATIONAL DE RECHERCHE SUR LE CANCER à mettre en œuvre un traitement de données ayant pour finalité une étude portant sur l’évaluation du dépistage du cancer du col utérin par auto-prélèvement proposé à l’invitation, intitulée « MIRABELLE ». (Demande d’autorisation n° 924114) | DR-2024-164 | Autorisation de recherche | 2024-07-04 00:00:00 | 2024-07-20 00:00:00 | VIGUEUR | La Commission nationale de l’informatique et des libertés, Vu le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données ; Vu la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ; Vu le décret n° 2019-536 du 29 mai 2019 pris pour l'application de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ; Vu la décision du 21 septembre 2023 portant délégation de signature du secrétaire général de la Commission nationale de l’informatique et des libertés ; Saisie d’une demande d’autorisation relative à un traitement de données à caractère personnel à des fins de recherche, d'étude ou d'évaluation dans le domaine de la santé ; Considérant que ce traitement, dont la finalité présente un caractère d’intérêt public, relève des dispositions de la section 3 du chapitre III du titre II de la loi du 6 janvier 1978 modifiée ; Considérant que le traitement présente les caractéristiques et répond aux conditions suivantes : Responsables de traitement Les deux responsables de traitement, le centre régional de coordination du dépistage des cancers (CRCDC) du Grand-Est et le centre international de recherche sur le cancer (CIRC-OMS), déterminent conjointement les finalités et les moyens du traitement. Conformément à l'article 26 du Règlement général sur la protection des données (RGPD), ils doivent définir de manière transparente leurs obligations respectives Avis du comité Avis favorable du Comité éthique et scientifique pour les recherches, les études et les évaluations dans le domaine de la santé du 14 mars 2024. Points de non-conformité à la méthodologie de référence concernée Le dossier de demande mentionne que le traitement envisagé est conforme aux dispositions de la méthodologie de référence MR-004, à l’exception de la nature des données traitées et des modalités d’information des personnes concernées. Réutilisation des données d’une base existante Les données de la base du CRCDC du Grand-Est seront réutilisées dans le cadre de la présente étude. Information et droits des personnes Tous les participants recevront une note d’information individuelle qui devra comporter l’ensemble des mentions prévues par le RGPD. Une note d’information collective sera également publiée sur le site web du CIRC-OMS. Durées de conservation des données. Base active : cinq ans. AUTORISE LE CENTRE REGIONAL DE COORDINATION DU DEPISTAGE DES CANCERS DU GRAND-EST ET LE CENTRE INTERNATIONAL DE RECHERCHE SUR LE CANCER à mettre en œuvre le traitement décrit ci-dessus. La Cheffe du service de la santé Hélène GUIMIOT-BREAUD |
CNILTEXT000050008536 | CNIL | texte/cnil/CNIL/TEXT/00/00/50/00/85/CNILTEXT000050008536.xml | DECISION | Décision DR-2024-165 du 4 juillet 2024 autorisant les HOSPICES CIVILS DE LYON à mettre en oeuvre un traitement de données ayant pour finalité une étude portant sur la recherche de facteurs de gravité lors de la prise en charge initiale et du suivi de l’évolution du syndrome du bébé secoué. (Demande d’autorisation n° 924087). | DR-2024-165 | Autorisation de recherche | 2024-07-04 00:00:00 | 2024-07-20 00:00:00 | VIGUEUR | La Commission nationale de l’informatique et des libertés, Vu le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données ; Vu la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ; Vu le décret n° 2019-536 du 29 mai 2019 pris pour l'application de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ; Vu la décision du 21 septembre 2023 portant délégation de signature du secrétaire général de la Commission nationale de l’informatique et des libertés ; Saisie d’une demande d’autorisation relative à un traitement de données à caractère personnel à des fins de recherche, d'étude ou d'évaluation dans le domaine de la santé ; Considérant que ce traitement, dont la finalité présente un caractère d’intérêt public, relève des dispositions de la section 3 du chapitre III du titre II de la loi du 6 janvier 1978 modifiée ; Considérant que le traitement présente les caractéristiques et répond aux conditions suivantes : Avis du comité Avis favorable du Comité éthique et scientifique pour les recherches, les études et les évaluations dans le domaine de la santé du 8 février 2024. Point de non-conformité à la méthodologie de référence concernée Le dossier de demande mentionne que le traitement envisagé est conforme aux dispositions de la méthodologie de référence MR-004, à l'exception des modalités d’information des personnes concernées. Information et droits des personnes En application de l'article 69 de la loi informatique et libertés et de l’article 14-5-b) du règlement général sur la protection des données, l'obligation d'information individuelle de la personne concernée peut faire l'objet d'exceptions, notamment dans l'hypothèse où la fourniture d'une telle information se révélerait impossible, exigerait des efforts disproportionnés ou compromettrait gravement la réalisation des objectifs du traitement. En pareils cas, le responsable de traitement prend des mesures appropriées pour protéger les droits et libertés, ainsi que les intérêts légitimes de la personne concernée, y compris en rendant les informations publiquement disponibles. En l'espèce, il sera fait exception au principe d'information individuelle des personnes et des mesures appropriées devront être mises en œuvre, notamment par la diffusion sur le site web du responsable de traitement de l’étude et par voie d’affichage au sein des centres participants d’une information relative au projet de recherche qui devra comporter l’ensemble des mentions prévues par le RGPD. Durées de conservation en base active et en archivage Base active : deux ans Archivage : quinze ans. Transparence du traitement Ce traitement devra être enregistré dans le répertoire public mis à disposition par la Plateforme des données de santé. AUTORISE les HOSPICES CIVILS DE LYON à mettre en œuvre le traitement décrit ci-dessus. La Cheffe du service de la santé Hélène GUIMIOT-BREAUD |
CNILTEXT000050008539 | CNIL | texte/cnil/CNIL/TEXT/00/00/50/00/85/CNILTEXT000050008539.xml | DECISION | Décision DR-2024-168 du 11 juillet 2024 autorisant la société BIOSENCY à mettre en oeuvre un traitement de données ayant pour finalité une étude portant sur la prise en charge des patients atteints de broncho-pneumopathie chronique obstructive avec la solution de télé- surveillance BORA Care , intitulée « AUSTRAAL ». (Demande d’autorisation n° 924077) | DR-2024-168 | Autorisation de recherche | 2024-07-11 00:00:00 | 2024-07-20 00:00:00 | VIGUEUR | La Commission nationale de l’informatique et des libertés, Vu le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données ; Vu la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ; Vu le décret n° 2019-536 du 29 mai 2019 pris pour l'application de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ; Vu la décision du 21 septembre 2023 portant délégation de signature du secrétaire général de la Commission nationale de l’informatique et des libertés ; Saisie d’une demande d’autorisation relative à un traitement de données à caractère personnel à des fins de recherche, d'étude ou d'évaluation dans le domaine de la santé ; Considérant que ce traitement, dont la finalité présente un caractère d’intérêt public, relève des dispositions de la section 3 du chapitre III du titre II de la loi du 6 janvier 1978 modifiée ; Considérant que le traitement présente les caractéristiques et répond aux conditions suivantes : Avis du comité Avis favorable du comité de protection des personnes Ouest VI du 21 mars 2024. Point de non-conformité à la méthodologie de référence concernée Le dossier de demande mentionne que le traitement envisagé est conforme aux dispositions de la méthodologie de référence MR-001, à l'exception des destinataires des données directement identifiantes. Sur les catégories particulières de données traitées La collecte des données nominatives (nom, prénoms), du mois et de l’année de naissance ainsi que des coordonnées (postales, électronique et téléphoniques) des personnes est nécessaire pour : assurer leur suivi du patient au cours de l’étude assurer les opérations de maintenance technique, Les données directement identifiantes doivent être traitées et transmises de façon séparée des données de santé et être enregistrées dans une base de données distincte. En outre, seul un nombre strictement limité de personnes habilitées et soumises au secret professionnel pourront accéder aux données directement identifiantes. Les participants en sont informés. Destinataires des données directement identifiantes Plusieurs sous-traitants interviendront dans le cadre de la mise en œuvre de l’étude : D’une part, une CRO analysera les données collectées par la solution de télésurveillance et soumettra aux participants des questionnaires relatifs à la qualité de vie et l’évolution de leurs symptômes ; D’autre part, des cellules de télésurveillance assureront le suivi des patients ainsi que les opérations inhérentes à l’installation, la récupération et à la maintenance technique de la solution de télésurveillance Bora Care. Les membres du personnel de la CRO de la société BIOCENSY auront accès : aux données de santé des participants afin de réaliser l’analyse des données pour les besoins de l’étude ; aux données nominatives ainsi qu’aux coordonnés téléphoniques des participants à l’étude, dans le cadre de leur suivi. Aux fins d’assurer le suivi des participants, l’installation et la récupération du matériel nécessaire au fonctionnement de la solution de télésurveillance Bora Care ainsi que le support technique, les membres du personnel de cellules de télésurveillance, intervenant en tant que sous-traitant de BIOSENSY, auront par ailleurs accès : aux données de santé ; aux données nominatives ainsi qu’aux coordonnées téléphoniques et postales des participants. Une documentation tenue à jour indique la ou les personnes compétentes pour le responsable de traitement et ses sous-traitants pour délivrer l’habilitation à accéder aux données, la liste des personnes habilitées à accéder à ces données, leurs profils d’accès respectifs et les modalités d’attribution, de gestion et de contrôle des habilitations. Ces catégories de personnes sont soumises au secret professionnel dans les conditions définies par les articles 226-13 et 226-14 du code pénal. La qualification des personnes habilitées et leurs droits d’accès doivent être régulièrement réévalués, conformément aux modalités décrites dans la procédure d’habilitation établie par le responsable de traitement et ses sous-traitants Sur l’information et les droits des personnes Tous les participants à l’étude recevront une note d’information individuelle comportant l’ensemble des mentions prévues par l’article 13 du RGPD. Durée de conservation en base active et en archivage Les données directement identifiantes (nom, prénom, coordonnées téléphoniques et postales) transmises aux sous-traitants seront conservées pour une durée de six mois à compter de la fin du suivi des participants puis seront détruites. Les données collectées auprès du participant en vue de la création et de la gestion de son compte utilisateur sur la plateforme Bora Care seront conservées par BIOSENCY pour une durée de six mois à compter de la fin de l’étude. Autres données : Base active : deux ans Archivage : quinze ans Sur la réutilisation des données de l’étude Toute nouvelle étude qui serait mise en œuvre à partir des données recueillies devra faire l’objet de formalités auprès de la CNIL. AUTORISE la société BIOSENCY à mettre en œuvre le traitement décrit ci-dessus. La Cheffe du service de la santé Hélène GUIMIOT-BREAUD |
CNILTEXT000050008546 | CNIL | texte/cnil/CNIL/TEXT/00/00/50/00/85/CNILTEXT000050008546.xml | DECISION | Décision DR-2024-175 du 15 juillet 2024 autorisant le GROUPEMENT DES HOPITAUX DE L'INSTITUT CATHOLIQUE DE LILLE à mettre en œuvre un traitement de données ayant pour finalité une étude portant sur les profils allergologiques des enfants atteints d’œsophagite à éosinophiles. (Demande d’autorisation n° 924120) | DR-2024-175 | Autorisation de recherche | 2024-07-15 00:00:00 | 2024-07-20 00:00:00 | VIGUEUR | La Commission nationale de l’informatique et des libertés, Vu le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données ; Vu la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ; Vu le décret n° 2019-536 du 29 mai 2019 pris pour l'application de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ; Vu la décision du 21 septembre 2023 portant délégation de signature du secrétaire général de la Commission nationale de l’informatique et des libertés ; Saisie d’une demande d’autorisation relative à un traitement de données à caractère personnel à des fins de recherche, d'étude ou d'évaluation dans le domaine de la santé ; Considérant que ce traitement, dont la finalité présente un caractère d’intérêt public, relève des dispositions de la section 3 du chapitre III du titre II de la loi du 6 janvier 1978 modifiée ; Considérant que le traitement présente les caractéristiques et répond aux conditions suivantes : Avis du comité Avis favorable avec recommandations du Comité éthique et scientifique pour les recherches, les études et les évaluations dans le domaine de la santé du 11 janvier 2024. Points de non-conformité à la méthodologie de référence concernée Le dossier de demande mentionne que le traitement envisagé est conforme aux dispositions de la méthodologie de référence MR-004, à l'exception de la nature des données traitées et des modalités d’information des personnes concernées. Catégorie particulière de données traitées (autres que données de santé) La collecte de l’adresse postale connue au moment du diagnostic a été scientifiquement justifiée dans le dossier de demande. Ces données devront être traitées et transmises de façon séparée des données de santé et être enregistrées dans une base de données distincte. En outre, seul un nombre strictement limité de personnes habilitées et soumises au secret professionnel pourra accéder à ces données. Information et droits des personnes S’agissant des modalités d’information : Les titulaires de l’exercice de l’autorité parentale recevront par voie postale une note d’information individuelle en vue du traitement des données de leur enfant mineur. Les mineurs participant à l’étude recevront une note d’information individuelle. S’agissant des personnes pour lesquelles la note d’information ne pourrait être délivrée par voie postale (mention NPAI ), en application de l'article 14 du règlement général sur la protection des données (RGPD), le responsable de traitement prendra des mesures appropriées pour protéger les droits et libertés, ainsi que les intérêts légitimes de la personne concernée, y compris en rendant les informations publiquement disponibles. A ce titre, une note d’information relative à la présente étude devra être rendue publique sur le site web du responsable de traitement. Ces documents comporteront l’ensemble des mentions prévues par le RGPD. Transferts hors Union européenne La présente décision ne vaut pas autorisation de transfert de données en dehors de l’Union européenne vers un pays ne présentant pas un niveau de protection adéquat. Durées de conservation en base active et en archivage Base active : deux ans. Archivage : cinq ans. AUTORISE le GROUPEMENT DES HOPITAUX DE L'INSTITUT CATHOLIQUE DE LILLE à mettre en œuvre le traitement décrit ci-dessus. La Cheffe du service de la santé Hélène GUIMIOT-BREAUD |
CNILTEXT000050216829 | CNIL | texte/cnil/CNIL/TEXT/00/00/50/21/68/CNILTEXT000050216829.xml | DECISION | Décision DR-2024-177 du 12 juillet 2024 autorisant L’ECOLE DES HAUTES ETUDES EN SANTE PUBLIQUE à mettre en oeuvre un traitement de données ayant pour finalité une étude portant sur l’effet de la qualité des soins sur le coût des établissements de santé français dans la prise en charge de l’infarctus du myocarde (Demande d’autorisation n° 924091). | DR-2024-177 | Autorisation de recherche | 2024-07-12 00:00:00 | 2024-09-21 00:00:00 | VIGUEUR | La Commission nationale de l’informatique et des libertés, Vu le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données ; Vu la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ; Vu le décret n° 2019-536 du 29 mai 2019 pris pour l'application de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ; Vu la décision du 21 septembre 2023 portant délégation de signature du secrétaire général de la Commission nationale de l’informatique et des libertés ; Saisie d’une demande d’autorisation relative à un traitement de données à caractère personnel à des fins de recherche, d'étude ou d'évaluation dans le domaine de la santé ; Considérant que ce traitement, dont la finalité présente un caractère d’intérêt public, relève des dispositions de la section 3 du chapitre III du titre II de la loi du 6 janvier 1978 modifiée ; Considérant que le traitement présente les caractéristiques et répond aux conditions suivantes : Avis du comité Avis favorable du Comité éthique et scientifique pour les recherches, les études et les évaluations dans le domaine de la santé du 14 mars 2024 Points de non-conformité à la méthodologie de référence concernée Le dossier de demande mentionne que le traitement envisagé est conforme aux dispositions de la méthodologie de référence MR-004, à l'exception des modalités d’information des personnes concernées. Réutilisation des données d’une base existante Les données des études nationales de coûts (ENC) collectées entre 2009 et 2023 par l'Agence technique de l'information sur l'hospitalisation (ATIH) (demande d’autorisation n° 1252075) seront réutilisées dans le cadre de la présente étude. Information et droits des personnes En application de l'article 14 du Règlement général sur la protection des données. (RGPD), l'obligation d'information individuelle de la personne concernée peut faire l'objet d'exceptions, notamment dans l'hypothèse où la fourniture d'une telle information se révélerait impossible, exigerait des efforts disproportionnés ou compromettrait gravement la réalisation des objectifs du traitement. En pareils cas, le responsable de traitement prend des mesures appropriées pour protéger les droits et libertés, ainsi que les intérêts légitimes de la personne concernée, y compris en rendant les informations publiquement disponibles. En l'espèce, il sera fait exception au principe d'information individuelle des personnes et des mesures appropriées seront mises en œuvre, notamment par la diffusion sur le site web du responsable de traitement et de l’ATIH d’une information relative au projet de recherche qui devra comporter l’ensemble des mentions prévues par le RGPD. Mesures de sécurité Les mesures de sécurité doivent répondre aux exigences prévues par les articles 5,1, f) et 32 du Règlement général sur la protection des données. A cet égard ces obligations imposent une réévaluation régulière des risques pour les personnes concernées et une mise à jour, le cas échéant, de ces mesures de sécurité. Par ailleurs, le responsable de traitement reste pleinement responsable du niveau de sécurité effectif du traitement mis en œuvre et les textes applicables lui imposent d’être en mesure de justifier de sa conformité à tout moment. Durée d’accès 2 ans à compter de la mise à disposition des données. AUTORISE L’ECOLE DES HAUTES ETUDES EN SANTE PUBLIQUE à mettre en œuvre le traitement décrit ci-dessus. La cheffe du service de la santé Hélène GUIMIOT-BREAUD |
CNILTEXT000049918459 | CNIL | texte/cnil/CNIL/TEXT/00/00/49/91/84/CNILTEXT000049918459.xml | DECISION | Décision DR-2024-152 du 24 juin 2024 autorisant le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE LILLE à mettre en œuvre un traitement de données ayant pour finalité une étude portant sur l’épidémiologie des infections virales respiratoires de l’enfant de moins d’un an aux urgences pédiatriques suite à l’émergence du Covid-19. (Demande d’autorisation n°924093) | DR-2024-152 | Autorisation de recherche | 2024-06-24 00:00:00 | 2024-07-13 00:00:00 | VIGUEUR | La Commission nationale de l’informatique et des libertés, Vu le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données ; Vu la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ; Vu le décret n° 2019-536 du 29 mai 2019 pris pour l'application de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ; Vu la décision du 21 septembre 2023 portant délégation de signature du secrétaire général de la Commission nationale de l’informatique et des libertés ; Saisie d’une demande d’autorisation relative à un traitement de données à caractère personnel à des fins de recherche, d'étude ou d'évaluation dans le domaine de la santé ; Considérant que ce traitement, dont la finalité présente un caractère d’intérêt public, relève des dispositions de la section 3 du chapitre III du titre II de la loi du 6 janvier 1978 modifiée ; Considérant que le traitement présente les caractéristiques et répond aux conditions suivantes : Avis du comité Avis favorable avec recommandations du Comité éthique et scientifique pour les recherches, les études et les évaluations dans le domaine de la santé du 14 mars 2024. Points de non-conformité à la méthodologie de référence concernée Le dossier de demande mentionne que le traitement envisagé est conforme aux dispositions de la méthodologie de référence MR004, à l'exception de la nature des données traitées et de la réalisation d’un appariement entre les données déjà existantes d’un même individu issues de plusieurs centres participants (dossiers médicaux). Catégorie(s) particulière(s) de données traitées (autres que données de santé) La collecte de la date de naissance complète est nécessaire pour assurer le suivi des patients qui en sont informés. Les données directement identifiantes doivent être traitées et transmises de façon séparée des données de santé et être enregistrées dans une base de données distincte. En outre, seul un nombre strictement limité de personnes habilitées et soumises au secret professionnel pourra accéder aux données directement identifiantes. Information et droits des personnes Les deux titulaires de l’exercice de l’autorité parentale recevront une note d’information individuelle en vue de la participation de leur enfant mineur à l’étude comportant l’ensemble des mentions prévues par le RGPD. Durées de conservation en base active et en archivage Base active : deux ans Archivage : trois ans. Les dates de naissance complètes des participants ne seront pas conservées après l’appariement. Transparence du traitement Ce traitement devra être enregistré dans le répertoire public mis à disposition par la Plateforme des données de santé. AUTORISE le CENTRE HOSPITALIER UNIVERSITAIRE DE LILLE à mettre en œuvre le traitement décrit ci-dessus. La Cheffe du service de la santé Hélène GUIMIOT-BREAUD |
CNILTEXT000050008529 | CNIL | texte/cnil/CNIL/TEXT/00/00/50/00/85/CNILTEXT000050008529.xml | DECISION | Décision DR-2024-157 du 27 juin 2024 autorisant l’ASSISTANCE PUBLIQUE HOPITAUX DE PARIS à mettre en œuvre un traitement de données ayant pour finalité une étude portant sur les pratiques communicationnelles dans les consultations d’infirmières en pratique avancée en oncologie, dénommée « CAPTAIN ». (Demande d’autorisation n° 924066) | DR-2024-157 | Autorisation de recherche | 2024-06-27 00:00:00 | 2024-07-20 00:00:00 | VIGUEUR | La Commission nationale de l’informatique et des libertés, Vu le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données ; Vu la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ; Vu le décret n° 2019-536 du 29 mai 2019 pris pour l'application de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ; Vu la décision du 21 septembre 2023 portant délégation de signature du secrétaire général de la Commission nationale de l’informatique et des libertés ; Saisie d’une demande d’autorisation relative à un traitement de données à caractère personnel dans le domaine de la santé ; Considérant que ce traitement, dont la finalité présente un caractère d’intérêt public, relève des dispositions de la section 3 du chapitre III du titre II de la loi du 6 janvier 1978 modifiée ; Considérant que le traitement présente les caractéristiques et répond aux conditions suivantes : Avis du comité Avis favorable avec recommandations du Comité éthique et scientifique pour les recherches, les études et les évaluations dans le domaine de la santé du 14 décembre 2023. Point de non-conformité à la méthodologie de référence Le dossier de demande mentionne que le traitement envisagé est conforme aux dispositions de la méthodologie de référence MR-004, à l'exception de la nature des données traitées. Catégories particulières de données traitées (autres que données de santé) Des enregistrements vidéo permettant l’identification des personnes se prêtant à la recherche seront réalisés dans le cadre de cette étude. Le consentement des participants pour la réalisation des enregistrements sera recueilli. Les données directement identifiantes doivent être traitées et transmises de façon séparée des données de santé et être enregistrées dans une base de données distincte. En outre, seul un nombre strictement limité de personnes habilitées et soumises au secret professionnel pourra accéder aux données directement identifiantes. Information et droits des personnes Tous les participants recevront une note d’information individuelle comportant l’ensemble des mentions prévues par le Règlement général sur la protection des données. Durées de conservation en base active et en archivage Les données de l’étude, réponses aux questionnaires et enregistrements vidéo pseudonymisés seront conservés pendant 15 ans puis détruits. Réutilisation des données Toute nouvelle étude qui serait mise en œuvre à partir des données recueillies devra faire l’objet de formalités auprès de la Commission. Transparence du traitement Ce traitement devra être enregistré dans le répertoire public mis à disposition par la Plateforme des données de santé. AUTORISE, l’ASSISTANCE PUBLIQUE HOPITAUX DE PARIS à mettre en œuvre le traitement décrit ci-dessus. La Cheffe du service de la santé Hélène GUIMIOT-BREAUD |
CNILTEXT000050449791 | CNIL | texte/cnil/CNIL/TEXT/00/00/50/44/97/CNILTEXT000050449791.xml | DELIBERATION | Délibération de la formation restreinte n°SAN-2024-017 du 17 octobre 2024
concernant le ministère de l'intérieur et des Outre-Mer et le ministère de la justice
| SAN-2024-017 | 2024-10-17 00:00:00 | 2024-11-06 00:00:00 | VIGUEUR | La Commission nationale de l’informatique et des libertés, réunie en sa formation restreinte composée de M. Philippe-Pierre CABOURDIN, président, M. Vincent LESCLOUS, vice-président, Mmes Isabelle LATOURNARIE-WILLEMS et Laurence FRANCESCHINI, MM. Alain DRU et Bertrand du MARAIS, membres ; Vu le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données ; Vu la loi no 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, notamment ses articles 20 et suivants ; Vu le décret no 2019-536 du 29 mai 2019 pris pour l'application de la loi no 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ; Vu la délibération no 2013-175 du 4 juillet 2013 portant adoption du règlement intérieur de la Commission nationale de l'informatique et des libertés ; Vu la décision no 2022-028C du 19 janvier 2022 de la présidente de la Commission nationale de l’informatique et des libertés de charger le secrétaire général de procéder ou de faire procéder à une mission de vérification du " traitement d’antécédents judiciaires " et de tout traitement lié ; Vu la décision de la présidente de la Commission nationale de l’informatique et des libertés portant désignation d’un rapporteur devant la formation restreinte, en date du 8 avril 2024 ; Vu le rapport de Madame Sophie LAMBREMON, commissaire rapporteure, notifié au ministère de l’intérieur et au ministère de la justice le 2 mai 2024 ; Vu les observations écrites versées par le ministère de la justice le 11 juin 2024 et celles versées par le ministère de l’intérieur et des Outre-Mer le 20 juin 2024 ; Vu la réponse de la rapporteure à ces observations, notifiée aux ministères le 18 juillet 2024 ; Vu les observations écrites versées par le ministère de la justice le 2 septembre 2024 et celles versées par le ministère de l’intérieur et des Outre-Mer le 9 septembre 2024 ; Vu la clôture de l’instruction, notifiée aux ministères le 10 septembre 2024 ; Vu les observations orales formulées lors de la séance de la formation restreinte, le 26 septembre 2024 ; Vu les autres pièces du dossier ; Étaient présents, lors de la séance de la formation restreinte : - Madame Sophie LAMBREMON, commissaire, entendue en son rapport ; En qualité de représentants du ministère de l'intérieur et des Outre-Mer : - […] En qualité de représentants du ministère de la justice : - […] En qualité de commissaire du Gouvernement : - […] Les représentants du ministère de l'intérieur et des Outre-Mer et du ministère de la justice ayant eu la parole en dernier ; La formation restreinte a adopté la décision suivante : I. Faits et procédure 1. Le " traitement d’antécédents judiciaires " (ci-après " le TAJ ") est un fichier de police judiciaire régi par les articles 230-6 et suivants du code de procédure pénale, ayant pour finalité de faciliter la constatation des infractions à la loi pénale, le rassemblement des preuves de ces infractions et la recherche de leurs auteurs en fournissant une base d’informations sur tous les antécédents judiciaires d’une personne donnée, que ce soit en qualité de victime ou de mise en cause. Ce fichier est utilisé dans le cadre de certaines enquêtes de renseignement et dans le cadre d’enquêtes administratives, telles l’évaluation du risque ou de l’incompatibilité d’une personne avec certains emplois publics ou sensibles ou encore pour l’examen d’une demande de nationalité française. 2. Conformément à l’article R. 40-23 du code de procédure pénale, le fichier est mis en œuvre par le ministère de l’intérieur et des Outre-Mer (ci- après " le ministère de l’intérieur "). En vertu des dispositions de l’article 230-6 de ce code, les données du TAJ sont recueillies au cours des enquêtes préliminaires ou de flagrance ou des investigations exécutées sur commission rogatoire et concernant tout crime ou délit ainsi que les contraventions les plus graves, ou au cours des procédures de recherche des causes de la mort ou des causes d’une disparition. 3. Le fichier est utilisé par les services de police et de gendarmerie et par les magistrats du parquet pour les besoins d’enquêtes judiciaires et administratives. L’article 230-8 du même code prévoit que le traitement des données est opéré sous le contrôle du procureur de la République territorialement compétent, qui, d'office ou à la demande de la personne concernée, ordonne qu'elles soient effacées, complétées ou rectifiées, notamment en cas de requalification judiciaire, ou qu'elles fassent l'objet d'une mention. 4. L’article R. 40-26 du code de procédure pénale prévoit que le TAJ contient de nombreuses données à caractère personnel relatives aux personnes concernées. S’agissant des personnes mises en cause et des personnes liées à la recherche de la cause suspecte d’un décès ou d’une disparition, les informations recueillies sont l’identité de la personne, surnom, son alias, situation familiale, filiation, nationalité, adresses postales, adresses électroniques, numéros de téléphone, date et lieu de naissance, profession, état de la personne (par exemple, mineur isolé sans domicile fixe), signalement mais également photographies comportant des caractéristiques techniques permettant de recourir à un dispositif de reconnaissance faciale (photographie du visage de face) et autres photographies. S’agissant des personnes victimes, les informations recueillies sont les mêmes, à l’exception des photographies. D’autres données sont également enregistrées, telles que les faits, objets de l’enquête, lieux, dates de l’infraction, modes opératoires, données et images relatives aux objets. Enfin, des données sensibles, par dérogation au I de l’article 8 de la loi du 6 janvier 1978 susvisée, peuvent également être enregistrées, telles que les données résultant de la nature ou des circonstances de l’infraction ou les données se rapportant à des signes physiques particuliers, objectifs et permanents, en tant qu’éléments de signalement des personnes. 5. En décembre 2019, le fichier répertoriait plus de 94 millions d’affaires, dont plus de 600 000 concernant des mineurs mis en cause. En décembre 2021, il répertoriait plus de 103 millions d’affaires et en février 2022, il contenait plus de 24 millions de fiches de personnes physiques mises en cause dont 8 millions étaient anonymisées. A la suite d’une décision d’effacement ou de l’écoulement de la durée de conservation des données, les données à caractère personnel permettant l'identification de la personne sont anonymisées mais certaines informations, comme l'infraction, sont conservées pour les nécessités de la recherche criminelle. 6. La présidente de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (ci-après " la CNIL " ou " la Commission ") a, par la décision no 2022-028C du 19 janvier 2022, initié une procédure de contrôle ayant pour objet de vérifier la conformité du TAJ et de tout traitement lié à la loi no 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés (ci-après " la loi du 6 janvier 1978 " ou " la loi Informatique et Libertés "). 7. Dans le cadre de cette procédure, plusieurs contrôles ont été réalisés. Deux auditions sur convocation ont eu lieu dans les locaux de la CNIL : le 30 mars 2022, […] a été entendue en sa qualité de […] de la Direction Générale de la Police Nationale (ci-après " DGPN ") et le 19 avril 2022, […] a été reçu en sa qualité de […] du ministère de la justice. 8. Enfin le 11 juillet 2022, des questionnaires portant sur les procédures permettant la mise à jour du TAJ et la transmission des informations aux services gestionnaires ont été envoyés au parquet général près la Cour d’appel de Bastia ainsi qu’aux parquets près les tribunaux judiciaires de Bobigny, Nanterre, Saint-Gaudens et Mamoudzou. 9. L’ensemble de ces contrôles a permis de vérifier les modalités de collecte des données du TAJ, leur mise à jour, ainsi que leur devenir après les décisions de justice. 10. Aux fins d’instruction de ces éléments, la présidente de la Commission a, le 8 avril 2024, désigné Madame Sophie LAMBREMON en qualité de rapporteure, sur le fondement de l’article 22 de la loi du 6 janvier 1978 modifiée. 11. À l’issue de son instruction, la rapporteure a, le 2 mai 2024, fait signifier au ministère de l'intérieur et au ministère de la justice un rapport détaillant les manquements à la loi Informatique et Libertés qu’elle estimait constitués en l’espèce. La rapporteure proposait à la formation restreinte de la Commission de prononcer à l’encontre des deux ministères concernés un rappel à l’ordre ainsi qu’une injonction de mettre en conformité le traitement avec les dispositions des articles 97, 104, 105 et 106 de la loi Informatique et Libertés modifiée. Elle proposait également que cette décision soit rendue publique et ne permette plus d’identifier nommément les ministères à l’expiration d’un délai de deux ans à compter de sa publication. 12. Le ministère de la justice et le ministère de l’intérieur ont produit des observations respectivement les 11 et 20 juin 2024. 13. La rapporteure a répondu aux observations des ministères le 8 juillet 2024. 14. Le 2 septembre 2024, le ministère de la justice a produit ses deuxièmes observations en réponse. Le ministère de l’intérieur a produit ses deuxièmes observations en réponse le 9 septembre 2024. 15. Le 10 septembre, la rapporteure a, en application du III de l’article 40 du décret du 29 mai 2019 susvisé, informé les ministères et le président de la formation restreinte que l’instruction était close. 16. Les représentants des ministères et la rapporteure ont été entendus lors de la séance de la formation restreinte. II. Motifs de la décision A. Sur la loi applicable 17. Le titre III de la loi Informatique et Libertés transpose la directive (UE) 2016/680 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les autorités compétentes à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, d’enquêtes et de poursuites en la matière ou d’exécution de sanctions pénales, et à la libre circulation de ces données (ci-après " la directive 2016/680 du 27 avril 2016 " ou " la directive Police-justice "). L’article 87 de cette loi précise que le titre III est applicable " aux traitements de données à caractère personnel mis en œuvre, à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, d'enquêtes et de poursuites en la matière ou d'exécution de sanctions pénales, y compris la protection contre les menaces pour la sécurité publique et la prévention de telles menaces, par toute autorité publique compétente ou tout autre organisme ou entité à qui a été confié, à ces mêmes fins, l'exercice de l'autorité publique et des prérogatives de puissance publique, ci-après dénommés autorité compétente ". 18. L’article 230-6 du code de procédure pénale énonce les finalités du TAJ. Il dispose que : " Afin de faciliter la constatation des infractions à la loi pénale, le rassemblement des preuves de ces infractions et la recherche de leurs auteurs, les services de la police nationale et de la gendarmerie nationale peuvent mettre en œuvre des traitements automatisés de données à caractère personnel recueillies : 1° Au cours des enquêtes préliminaires ou de flagrance ou des investigations exécutées sur commission rogatoire et concernant tout crime ou délit ainsi que les contraventions de la cinquième classe sanctionnant : a) Un trouble à la sécurité ou à la tranquillité publiques ; b) Une atteinte aux personnes, aux biens ou à l'autorité de l'État ; […] ". 19. La formation restreinte considère tout d’abord que dans le cadre de ces finalités, le TAJ est mis en œuvre " à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, d'enquêtes et de poursuites en la matière ou d'exécution de sanctions pénales ", au sens de l’article 87 de la loi Informatique et Libertés. 20. Ensuite, au regard des dispositions de l’article R. 40-23 du code de procédure pénale, la formation restreinte considère que la mise en œuvre du TAJ par " Le ministre de l'intérieur (direction générale de la police nationale et direction générale de la gendarmerie nationale) […] " ainsi que son contrôle et sa mise à jour par l’autorité judiciaire en vertu des articles 230 8 et suivants du code de procédure pénale, sont réalisés par des autorités compétentes au sens de l’article 87 de la loi Informatique et Libertés. 21. En conséquence, la formation restreinte considère que la collecte et le traitement des informations contenues dans le TAJ sont soumis aux articles 87 et suivants de la loi Informatique et Libertés transposant la directive 2016/680 du 27 avril 2016. B. Sur la compétence 22. Le ministère de la justice soutient que la CNIL n’est pas compétente pour le sanctionner, dans la mesure où les opérations de traitement du TAJ sont mises en œuvre dans l’exercice de sa fonction juridictionnelle. 23. La formation restreinte relève que le V de l’article 19 de la loi Informatique et Libertés dispose que " Dans l'exercice de son pouvoir de contrôle portant sur les traitements relevant du règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016 et de la présente loi, la Commission nationale de l'informatique et des libertés n'est pas compétente pour contrôler les opérations de traitement effectuées, dans l'exercice de leur fonction juridictionnelle, par les juridictions et leur ministère public. ". 24. La formation restreinte reconnait que le rôle de contrôle du fichier et de mise à jour des données qu’il contient dévolu par le code de procédure pénale aux procureurs de la République et au magistrat référent repose sur leur mission de protection des libertés individuelles et de garantie d’application de la loi, comme l’indique la dépêche du garde des sceaux du 8 décembre 2022 portant sur l’" Evolution des modalités et des outils de mise à jour des fichiers TAJ et FAED, et désignation de magistrats référents pour les fichiers de police judiciaire au sein des parquets et des parquets généraux ". 25. Elle estime toutefois que si les rôles de contrôle et de mise à jour s’inscrivent, dans les fonctions judiciaires des parquets et du magistrat référent, ils ne peuvent, pour autant, être qualifiés de fonctions juridictionnelles. En effet, en premier lieu, la formation restreinte considère, notamment par application du considérant 80 précité, que la nature de fonction juridictionnelle, pour être reconnue, supposerait que soit mise en œuvre, par une juridiction ou par le ministère public aux termes du V de l’article 19 de la loi Informatique et Libertés, une action de qualification juridique de faits. 26. En deuxième lieu, la formation restreinte note que l’article R.40-32 du code de procédure pénale dispose que " Les pouvoirs qui lui [le magistrat référent national] sont confiés s’exercent sans préjudice du contrôle exercé par la Commission nationale de l'informatique et des libertés […] ". 27. La formation restreinte estime que cette règle, générale à l’ensemble des compétences du magistrat référent, trouve également à s’appliquer aux parquets locaux qui jouissent des mêmes prérogatives. 28. En troisième lieu, s’agissant du rôle de contrôle du traitement, la formation restreinte considère, au-delà de l’argument de texte précité, qu’il ne satisfait pas aux critères ci-dessus faute de donner lieu à une procédure close par une décision juridictionnelle. 29. En quatrième lieu, s’agissant du rôle de mise à jour des données, la formation considère que ce rôle, qui se cantonne à la transmission de données, ne s’inscrit pas dans la mission juridictionnelle. 30. La formation restreinte note que si l’envoi de fiches navettes renseignées est nécessairement la conséquence de décisions juridictionnelles, qu’elles émanent du procureur de la République ou d’une juridiction, la mise à jour du fichier TAJ ne participe pas intrinsèquement de l’exécution directe de ces décisions qui n’ont pas pour effet nécessaire de la déclencher et dont l’effectivité ne tient pas à cette mise à jour. Elles ne peuvent donc se rattacher à ces procédures. 31. La formation restreinte admet que lorsque le procureur de la République ordonne une mise à jour, il procède à un choix au regard des critères d’inscription au fichier posés par les textes et prend donc une décision après un contrôle de légalité. Pour autant, cette décision reste informelle et ne se déduit que de l’envoi de la fiche navette. Elle n’est pas susceptible de recours et ne s’inscrit pas dans une procédure. 32. La formation restreinte estime que la mise à jour du fichier TAJ, hors requêtes, revêt dès lors la nature d’un acte d’administration du service public de la justice détachable des fonctions juridictionnelles du ministère public. 33. La formation restreinte se reconnaît ainsi compétente pour statuer sur les manquements reprochés au ministère de la justice dans la présente procédure. C. Sur la responsabilité des ministères dans la mise en œuvre du TAJ 34. L’article 2 de la loi Informatique et Libertés dispose que " sauf dispositions contraires, dans le cadre de la présente loi s'appliquent les définitions de l'article 4 du règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016 ". Le responsable de traitement est défini, aux termes de l’article 4, point 7, du RGPD, comme " la personne physique ou morale, l’autorité publique, le service ou un autre organisme qui, seul ou conjointement avec d’autres, détermine les finalités et les moyens du traitement ". 35. Le IV de l’article 20 de la même loi dispose que : " Lorsque le responsable de traitement ou son sous-traitant ne respecte pas les obligations résultant du règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016 ou de la présente loi, le président de la Commission nationale de l'informatique et des libertés peut également, le cas échéant après lui avoir adressé l'avertissement prévu au I du présent article ou après avoir prononcé à son encontre une ou plusieurs des mesures correctrices prévues au III, saisir la formation restreinte de la commission en vue du prononcé, après procédure contradictoire, de l'une ou de plusieurs des mesures " prévues par cette loi. Il résulte de cet article, lu à la lumière de la directive " Police justice ", et notamment de son article 46 précité, que la formation restreinte dispose d’une compétence pleine et entière pour vérifier le respect de cette loi par le responsable de traitement et ses sous-traitants. S’agissant des traitements de l’Etat, lorsqu’un acte réglementaire le régissant désigne le ou les ministères exerçant la responsabilité de traitement au nom de l’Etat, cela ne fait pas obstacle à la compétence de la CNIL pour contrôler et, le cas échéant, prononcer une injonction à l’égard des autres administrations de l’Etat à qui l’acte réglementaire confie un rôle dans la mise en œuvre de traitement. 36. La rapporteure estime que le ministère de l’intérieur et le ministère de la justice doivent être regardés comme conjointement responsables du traitement en cause, pour l’application de la loi Informatique et Libertés. A titre subsidiaire, elle estime qu’il résulte de la combinaison des articles 20 et suivants de cette loi et des dispositions réglementaires régissant le TAJ citées ci-dessus que la formation restreinte est compétente pour contrôler le respect des règles de protection des données personnelles dans l’utilisation du TAJ tant vis-à-vis des services du ministère de l’intérieur que de ceux du ministère de la justice. 37. En défense, les ministères contestent la responsabilité conjointe du traitement. Ils considèrent que seul le ministère de l’intérieur peut être désigné en tant que responsable dudit traitement puisqu’il est désigné formellement par le code de procédure pénale pour mettre en œuvre le TAJ et que cette désignation n’a par ailleurs pas été remise en question par la formation plénière de la CNIL à l’occasion des avis qu’elle a pu rendre sur ce traitement ; que l’influence factuelle ne doit être recherchée qu’en l’absence de dispositions légales désignant une partie comme responsable de traitement et qu’en tout état de cause, le ministère de la justice n’opère aucune forme d’influence quant à la détermination des finalités ou des moyens du TAJ. C’est en effet le ministère de l’intérieur seul qui a procédé à la détermination des finalités du TAJ, au moyen des finalités reprises dans différents décrets qui sont venus successivement encadrer le TAJ. S’agissant des moyens du traitement, le ministère de la justice soutient qu’il ne participe pas à la détermination des moyens essentiels du traitement, contrairement au ministère de l’intérieur et qu’il n’existe aucune décision convergente avec le ministère de l’intérieur reflétant que le traitement ne serait pas possible sans la participation des deux parties à la détermination des finalités et des moyens. Ils rappellent que le rôle des magistrats du parquet est uniquement la transmission de données actualisées, dont ils disposent grâce à leur traitement CASSIOPEE, aux fins de mise à jour du traitement TAJ en vue de participer à la réalisation de ses finalités. Ils considèrent que l’actualisation des seules suites judiciaires ne constitue qu’une mise en relation entre traitements qui n’est pas une action ayant une influence déterminante sur les moyens et qui ne saurait à elle seule conduire à la qualification d’une responsabilité conjointe. 38. La formation restreinte observe que l’article 230-6 du code de procédure pénale dispose que les services de la police nationale et de la gendarmerie nationale mettent en œuvre le traitement et qu’aux termes de l’article R. 40-23 du code de procédure pénale : " Le ministre de l'intérieur (direction générale de la police nationale et direction générale de la gendarmerie nationale) est autorisé à mettre en œuvre un traitement automatisé de données à caractère personnel, dénommé " traitement d'antécédents judiciaires ”, dont les finalités sont celles mentionnées à l'article 230-6. " Il en résulte, selon l’interprétation constante de la CNIL de ces termes, que le ministère de l’intérieur exerce, au sein de l’Etat, la responsabilité du traitement pour l’application de la loi Informatique et Libertés. 39. Par ailleurs, la responsabilité du traitement relevant, in fine, de l’Etat (notamment, selon la jurisprudence du Conseil d’Etat, en cas de condamnations indemnitaires en cas de faute dans la mise en œuvre du traitement), la formation estime qu’elle est compétente pour adresser un rappel aux obligations et une injonction aux administrations de l’Etat qui ne relèvent pas du ministre de l’intérieur auxquelles le code de procédure pénale confie un rôle dans la mise en œuvre du traitement. La formation restreinte souligne que, si une interprétation différente devait être retenue, elle ne disposerait alors d’aucun moyen d’agir, de prévenir ou de remédier à des irrégularités commises par ces autres administrations de l’Etat. Cette situation conduirait à une protection imparfaite des données traitées, d’ailleurs contraire aux objectifs de la directive " Police-justice ". 40. En l’espèce, il résulte des article 230-8, 230-9 et R. 40-31 et suivants du code de procédure pénale que le procureur de la République et le magistrat référent national jouent un rôle essentiel dans la mise à jour des données du traitement et son contrôle. Ainsi, les textes régissant le TAJ confient, au sein de l’Etat, au ministère de la justice un rôle pour assurer le respect par le traitement des règles fixées par la loi Informatique et libertés. La formation restreinte estime, dès lors, que, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur sa qualité de " responsable conjoint " au sens de cette loi, elle est compétente, le cas échéant, pour prononcer à son encontre un rappel à l’ordre et lui enjoindre de prendre les mesures nécessaires au respect de la réglementation. Elle relève d’ailleurs que, si la formation plénière de la CNIL a rendu plusieurs avis présentant le ministère de l’intérieur comme le responsable du traitement, la présidente de la CNIL avait, dès 2015, mis en demeure les deux ministères de la justice et de l’intérieur de permettre à la CNIL de traiter dans les délais impartis les demandes de droit d’accès indirect concernant le traitement du TAJ (Décision 2015-005 du 2 février 2015). Le ministère de l’intérieur y était présenté comme étant le gestionnaire du TAJ et le ministère de la justice comme l’unique responsable de sa mise à jour et les deux ministères avaient alors répondu à la CNIL dans le cadre de la procédure. D. Sur les manquements 1. Sur le manquement relatif à l’exactitude des données 41. Aux termes de l’article 97 de la loi Informatique et Libertés, " les autorités compétentes prennent toutes les mesures raisonnables pour garantir que les données à caractère personnel qui sont inexactes, incomplètes ou ne sont plus à jour soient effacées ou rectifiées sans tarder ou ne soient pas transmises ou mises à disposition ". 42. L’article 230-8 du code de procédure pénale prévoit quant à lui que : " Le traitement des données à caractère personnel est opéré sous le contrôle du procureur de la République territorialement compétent, qui, d'office ou à la demande de la personne concernée, ordonne qu'elles soient effacées, complétées ou rectifiées, notamment en cas de requalification judiciaire, ou qu'elles fassent l'objet d'une mention. La rectification pour requalification judiciaire est de droit. […] En cas de décision de relaxe ou d'acquittement devenue définitive, les données à caractère personnel concernant les personnes mises en cause sont effacées, sauf si le procureur de la République en prescrit le maintien, auquel cas elles font l'objet d'une mention. […] En cas de décision de non-lieu ou de classement sans suite, les données à caractère personnel concernant les personnes mises en cause font l'objet d'une mention, sauf si le procureur de la République ordonne l'effacement des données à caractère personnel. […]". 43. L’article 230-9 du code de procédure pénale prévoit également qu’ " Un magistrat, chargé de suivre la mise en œuvre et la mise à jour des traitements automatisés de données à caractère personnel mentionnés à l'article 230-6 et désigné à cet effet par le ministre de la justice, concourt à l'application de l'article 230-8. Ce magistrat peut agir d'office ou sur requête des particuliers. Il dispose des mêmes pouvoirs d'effacement, de rectification ou de maintien des données personnelles dans les traitements mentionnés au premier alinéa du présent article que le procureur de la République. Lorsque la personne concernée le demande, la rectification pour requalification judiciaire est de droit. Il se prononce sur les suites qu'il convient de donner aux demandes d'effacement ou de rectification dans un délai de deux mois. […]. ". 44. La rapporteure relève que la conformité du TAJ repose sur sa mise à jour régulière consistant en la prise en compte des suites judiciaires transmises par les autorités judiciaires ; que les services gestionnaires du TAJ ne sont pas avertis de l’ensemble des relaxes, acquittements, non-lieux et classements sans suite qui doivent pourtant entraîner la suppression des fiches correspondantes dans le fichier ou l’inscription d’une mention ; qu’en conséquence, l’exactitude des données contenues dans le fichier n’est pas assurée. 45. En défense, le ministère de l’intérieur confirme que la mise à jour du fichier repose sur le ministère de la justice qui est responsable de l’envoi au ministère de l’intérieur des informations nécessaires à l’effacement des données, à leur rectification ou à l’ajout de mention. 46. Le ministère de la justice fait valoir les mesures mises en œuvre afin d’améliorer la mise à jour du traitement. Il indique qu’une dépêche du garde des sceaux a été diffusée le 8 décembre 2022 afin de rappeler la nécessité pour les parquets de s’assurer de la mise à jour des données contenues dans les fichiers de police lorsqu’elle revêt un caractère obligatoire, et acter la création d’un réseau de référents, sous l’autorité du procureur général ou du procureur de la République, ayant pour mission de veiller au respect des règles d’alimentation et de mise à jour des fichiers de police. Il ajoute que les fiches navettes devant être transmises à la police nationale ou à la gendarmerie en fonction du service ayant procédé à l’inscription des données dans le TAJ ont été modifiées et qu’une fiche focus relative au TAJ a été mise en ligne sur l’intranet de la direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) afin d’aborder les différentes thématiques relatives au rôle de l’autorité judiciaire dans la mise à jour des fichiers de police judiciaire. Des trames de fiche navette y figurent et sont régulièrement mises à jour, avec les coordonnées des services auxquels elles doivent être adressées. 47. Les ministères de l’intérieur et de la justice indiquent qu’ils mènent conjointement, depuis 2008, des travaux afin de mettre en place des échanges inter-applicatifs qui permettraient une mise à jour automatisée du fichier. Ils indiquent qu’une expérimentation est en cours depuis février 2024 au sein du tribunal judiciaire de Châteauroux mais précisent que cette mise en œuvre se heurte à des difficultés techniques ne permettant pas d’envisager la généralisation de ces échanges inter-applicatifs. 48. Le ministère de l’intérieur ajoute qu’en tout état de cause, la mise à jour du fichier demeurerait incomplète et non fiable puisqu’il n’est pas envisagé que les nouveaux cas de mise à jour du fichier prévus par l’article 230-8 du code de procédure pénale depuis 2018 soient communiqués lors des échanges inter-applicatifs. 49. La formation restreinte rappelle que si le fichier TAJ est bien mis en œuvre par la direction générale de la police nationale et la direction générale de la gendarmerie nationale, c’est le ministère de la justice qui est à l’initiative de la mise à jour de la base de données. 50. Il ressort des articles précités que certaines mises à jour sont obligatoires, en fonction de la suite judiciaire donnée. Ainsi, les données à caractère personnel des personnes doivent de droit être rectifiées, lors d’une requalification judiciaire. Par principe, elles doivent être effacées en cas de décision de relaxe ou d’acquittement devenue définitive, à l’exception des cas où le procureur de la République, ou le magistrat référent, en prescrivent le maintien. Dans ce cas, les données feront l’objet d’une mention, empêchant leur consultation dans le cadre d’enquêtes administratives. A l’inverse, en cas de non-lieu ou de classement sans suite, les données à caractère personnel des personnes mises en cause font en principe l’objet d’une mention, sauf si le procureur de la République, ou le magistrat référent, en prescrivent l’effacement. D’autres mises à jour peuvent intervenir sur requête des intéressés auprès du procureur de la République territorialement compétent ou du magistrat référent si l’inscription relève de plusieurs ressorts de tribunaux judiciaires. Ces magistrats doivent se prononcer sur les demandes d’effacement ou de rectification dans un délai de deux mois. Ils peuvent également agir d’office en ordonnant les rectifications, effacements ou ajouts de mentions qui leurs paraissent nécessaires, notamment en cas de requalification judiciaire ou de décision définitive de relaxe ou d’acquittement, sans attendre la saisine sur requête d’une personne intéressée. 51. La formation restreinte relève qu’à défaut de déploiement d’une procédure de mise à jour automatisée, la mise à jour du TAJ est effectuée manuellement : il ressort ainsi des déclarations effectuées par les services du ministère de l'intérieur et du ministère de la justice, que chaque procédure transmise à une juridiction par la police nationale ou la gendarmerie nationale est accompagnée d’une fiche navette. Cette fiche navette permet, à la fin de la procédure, d’informer le service de police, de gendarmerie ou des douanes en charge du TAJ des suites judiciaires apportées, afin que ces dernières soient répercutées dans le fichier. Ainsi, toutes les décisions de relaxe et d’acquittement devenues définitives, de non-lieu ou de classement sans suite doivent faire l’objet d’une remontée d’information par l’autorité judiciaire, afin que les données à caractère personnel soient effacées ou fassent l’objet d’une mention, conformément à l’article 230-8 du code de procédure pénale. 52. La formation restreinte relève que les contrôles réalisés, et plus particulièrement les réponses aux questionnaires envoyés aux juridictions, ont fait apparaître les différences importantes pouvant exister dans les pratiques des tribunaux et cours d’appel. Ainsi, au jour du contrôle, certaines juridictions ne transmettaient aucune décision au TAJ et d’autres n’en transmettaient que certaines. Le service gestionnaire du TAJ n’était donc pas averti de l’ensemble des relaxes, acquittements, non-lieux et classements sans suite qui doivent entraîner la suppression des fiches correspondantes dans le fichier ou l’inscription d’une mention. La formation restreinte note que le ministère de la justice a indiqué, lors des contrôles, que si plus d’un million de décisions devraient donner lieu à des mises à jour chaque année, il ne décompte qu’environ 300 000 décisions de mises à jour prises par an. 53. Ainsi, faute de transmission par l’autorité judiciaire des mises à jour à opérer dans le TAJ, les services gestionnaires ne sont pas en mesure de s’assurer de l’exactitude des données contenues dans le fichier. 54. En outre, la formation restreinte relève que les mesures mises en œuvre par les ministères depuis les contrôles opérés par la CNIL s’avèrent insuffisantes. Notamment, le fait que les fichiers CASSIOPEE et TAJ ne soient toujours pas interconnectés, ce qui aurait pourtant permis une mise à jour automatisée du TAJ. Par ailleurs, s’agissant des mesures prises par le ministère de la justice, la formation restreinte relève que le rapport annuel d’activité relatif au TAJ pour l’année 2021 faisait déjà état d’échanges réguliers entre le magistrat référent et la DACG afin de promouvoir auprès des parquets la systématisation de l’usage des fiches navettes et de leur envoi aux services gestionnaires ainsi que de la mise à jour régulière du modèle des fiches navettes, mais concluait pour autant que la transmission des fiches navettes apparaissait peu fiable, dépendante des parquets et des pratiques d’envoi différentes des juridictions. Ce rapport reprochait également les délais très variables dans lesquels les fiches navettes étaient transmises. 55. Il ressort de l’ensemble de ces éléments que le ministère de l'intérieur et le ministère de la justice n’ont pas mis en œuvre l’ensemble des mesures raisonnables, au sens de l’article 97 de la loi Informatique et Libertés, leur permettant de s’assurer de l’exactitude des données traitées dans le TAJ. La formation restreinte considère donc qu’un manquement à l’article 97 de la loi Informatique et Libertés est constitué. 2. Sur le manquement relatif à l’information des personnes 56. Aux termes de l’article 104 de la loi Informatique et Libertés, " le responsable de traitement met à la disposition de la personne concernée les informations suivantes : 1° l'identité et les coordonnées du responsable de traitement et, le cas échéant, celles de son représentant ; 2° le cas échéant, les coordonnées du délégué à la protection des données ; 3° les finalités poursuivies par le traitement auquel les données sont destinées ; 4° le droit d'introduire une réclamation auprès de la Commission nationale de l'informatique et des libertés et les coordonnées de la commission ; 5° l'existence du droit de demander au responsable de traitement l'accès aux données à caractère personnel, leur rectification ou leur effacement, et l'existence du droit de demander une limitation du traitement des données à caractère personnel relatives à une personne concernée ". 57. Les articles 230-8 et R. 40-31-1 du code de procédure pénale prévoient par ailleurs que les personnes concernées doivent être informées lors du maintien de leurs données à la suite d’une décision d’acquittement ou de relaxe devenue définitive ou encore à la suite des demandes de requalification ou d’effacement. 58. La rapporteure relève que l’information communiquée n’est pas spécifique au fichier TAJ et peut être lacunaire, selon les services gestionnaires en charge de la collecte des données ou la qualité des personnes, mise en cause ou victime. Elle souligne en outre que certaines juridictions indiquent ne pas informer les personnes à la suite d’une mise à jour du fichier les concernant, en méconnaissance des dispositions des articles 230-8 et R. 40-31-1 du code de procédure pénale. Ensuite, la rapporteure relève qu’une information relative au TAJ est bien dispensée sur les sites web du ministère de l’intérieur et " service public " et qu’une instruction a été diffusée le 30 mai 2023 par la direction générale de la police nationale à l’ensemble de ses services, comportant une affiche informative à apposer dans tous les lieux accessibles au public ainsi que les lieux privatifs de liberté. Or, elle considère qu’une information en ligne n’est pas accessible pour l’ensemble des personnes concernées et que l’affiche envisagée ne permet pas de comprendre les données qui vont être traitées dans le TAJ. 59. En défense, le ministère de l’intérieur soutient que la mise à disposition des informations relatives au TAJ est assurée par la diffusion au sein du Journal officiel de la publication de l’acte réglementaire autorisant le fichier, ainsi que par la mise à disposition de ces informations sur le site web du ministère et sur le site servicepublic.fr. Il indique souhaiter néanmoins assurer une meilleure transparence de l’information. S’agissant des personnes mises en cause, la direction générale de la police nationale et la direction générale de la gendarmerie nationale s’engagent à remettre aux personnes concernées, dans le cadre de la garde à vue et de l’audition libre, des formulaires précisant l’ensemble des informations relatives au TAJ prévues à l’article 104 de la loi Informatique et Libertés. Des formulaires similaires, précisant notamment les durées de conservation des données appliquées aux mineurs, seront également remis aux représentants légaux des mineurs qui interviennent nécessairement dans les procédures. La DGGN et la DGPN envisagent également la création d’un support illustré spécialement dédié à leur intention. S’agissant des personnes victimes, la Direction Générale de la Police Nationale s’engage à mettre à jour le récépissé de dépôt de plainte afin d’y ajouter toutes les mentions nécessaires relatives au TAJ. Le ministère de l’intérieur indique que l’ensemble de ces formulaires seront intégrés au plus tard au deuxième semestre 2025. 60. Enfin, le ministère de l’intérieur propose de réaliser une affiche spécifique au TAJ, laquelle reprendrait l’ensemble des mentions prévues par l’article 104 de la loi Informatique et Libertés. 61. La formation restreinte relève à titre liminaire que, si l’article 107 de la loi Informatique et Libertés permet, sous certaines conditions, des restrictions aux droits des personnes et notamment au droit à l’information, ces restrictions doivent être " prévues par l’acte instaurant le traitement ". En l’espèce, aucune disposition ne vient restreindre le droit, pour les personnes concernées, à l’information sur le traitement. 62. La formation restreinte rappelle que dans le champ du titre III de la loi Informatique et Libertés, l’obligation d’information prévue par l’article 104 est interprétée comme autorisant une information générale, et non individuelle, des personnes concernées sur le traitement. La formation restreinte rappelle cependant que la loi Informatique et Libertés impose au responsable de traitement de mettre cette information " à disposition " des personnes, " de façon permanente et sans demande de leur part " (CNIL, SP, 15 septembre 2022, avis sur projet de décret, GSI, n° 2022-094, publié). La formation restreinte rappelle à cet égard que les informations prévues par l’article 104 de la loi précitée doivent être effectivement accessibles aux personnes concernées. Elle relève que la CNIL insiste sur " la nécessité de délivrer une information compréhensible par le plus grand nombre afin de permettre aux [personnes] de prendre conscience des conditions précises dans lesquelles les données à caractères personnel sont susceptibles d’être collectées " (CNIL, SP, 15 décembre 2022, avis sur le projet d’arrêté, " Polygraphe ", n° 2022-125). Enfin, la formation restreinte estime qu’il y a lieu de tenir compte, pour apprécier le caractère suffisamment accessible de l’information mise à disposition du public, des effets concrets du traitement sur les personnes. 63. En l’espèce, la formation restreinte relève que la présence d’une personne dans le TAJ peut entraîner pour elle de lourdes conséquences puisque ce fichier peut être utilisé par les services police, dans le cadre de procédures judiciaires ou encore d’enquêtes administratives. Ainsi, la présence dans le TAJ peut conduire, par exemple, à refuser l’admission à concourir à un emploi public. Si, pour certains fichiers relevant de la directive " Police-Justice ", une information par la publication de l’acte réglementaire au Journal officiel complétée d’une information sur les sites web du ministère de l'intérieur et " service public " peut être suffisante, la formation restreinte considère que, dans le cas du TAJ, cette information ne répond pas à l’obligation posée par l’article 104 de la loi Informatique et Libertés. 64. La formation restreinte relève notamment qu’au moment des contrôles, certaines personnes dont les données sont traitées dans le TAJ pouvaient ignorer jusqu’à l’existence même du traitement puisqu’aucune information spécifique quant à l’existence de ce traitement et l’identité de son responsable n’était communiquée aux personnes mises en cause lors de la collecte de leurs données par la police nationale par exemple. En tout état de cause, la formation restreinte relève que certaines personnes dont les données sont traitées dans le TAJ peuvent n’avoir qu’un accès limité au réseau internet (personnes détenues ou sans domicile, notamment) et que leur droit à l’information se trouve restreint de manière disproportionnée par une information uniquement délivrée par ce biais. 65. En outre, la formation restreinte relève que les données de mineurs peuvent figurer dans le TAJ et rappelle que les mineurs doivent bénéficier d’une information adaptée, conformément au considérant 39 de la directive 2016/680 du 27 avril 2016 précitée qui dispose que les " informations devraient être adaptées aux besoins des personnes vulnérables telles que les enfants ". Ainsi, une attention particulière doit être apportée par le responsable de traitement pour veiller à ce que les mineurs puissent comprendre le traitement mis en œuvre et ses implications, ainsi que les droits dont ils disposent et le moyen de les exercer. Dès lors, la formation restreinte considère qu’une information qui reposerait nécessairement sur une démarche active de leur part n’est pas adaptée en l’espèce (Délibération n° SAN 2021-016 du 24 septembre 2021 prononçant un rappel à l’ordre à l’encontre du ministère de l’intérieur). 66. Les publications au Journal officiel et en ligne n’assurent donc pas une mise à disposition effective de l’information relative au TAJ conforme aux exigences de l’article 104 de la loi Informatique et Libertés. 67. S’agissant deuxièmement de l’information communiquée via l’affiche apposée dans les lieux accessibles au public, la formation restreinte considère qu’elle ne permet pas en l’espèce aux personnes concernées de connaître les données qui seront traitées dans le TAJ puisque seules les photographies des personnes sont indiquées comme étant susceptibles d’être mentionnées dans le fichier. La formation restreinte considère que l’information communiquée par ce biais est incomplète. 68. S’agissant enfin des mesures annoncées par le ministère de l’intérieur, la formation restreinte relève qu’elles permettront au plus tard au deuxième semestre 2025, un accès à l’information à ces personnes lors de la collecte de leurs données. En outre, la formation restreinte relève que le ministère de l’intérieur s’engage à modifier l’affiche apposée dans les lieux accessibles au public afin qu’elle présente l’ensemble des informations exigées par l’article 104 de la loi Informatique et Libertés. La formation restreinte considère que l’ensemble de ces mesures permette d’assurer le droit à l’information des personnes concernées. 69. Au regard de l’ensemble de ces éléments, la formation restreinte considère donc que les faits précités constituent un manquement à l’article 104 de la loi Informatique et Libertés mais que le ministère de l’intérieur s’est mis en conformité avec les exigences de l’article précité, de sorte qu’il n’y a pas lieu à adresser une injonction sur ce point. La formation restreinte considère néanmoins que le manquement est constitué pour les faits passés. 3. Sur le manquement relatif aux droits d’accès, de rectification et d’effacement des personnes 70. Les articles 105 et 106 de la loi Informatique et Libertés prévoient que la personne concernée a le droit d'obtenir du responsable de traitement la confirmation que des données à caractère personnel la concernant sont ou ne sont pas traitées et, lorsqu'elles le sont, le droit d'accéder auxdites données et que ces dernières soient rectifiées, complétées ou effacées le cas échéant. 71. L’article R. 40-33 du code de procédure pénale prévoit que les droits d’information, d’accès, de rectification et d’effacement s’exercent directement auprès du responsable du traitement. 72. La rapporteure relève que les services gestionnaires du TAJ éprouvent des difficultés à obtenir des réponses de la part des parquets consultés dans le cadre des demandes de droit d’accès de particuliers et considère qu’ils ne sont donc pas en mesure de prendre en compte les droits d’accès, de rectification et d’effacement des personnes s’agissant de leurs données à caractère personnel présentes dans le TAJ dans le délai de deux mois prévu, en raison du temps de réponse ou de l’absence de réponse des parquets saisis. 73. En défense, le ministère de l’intérieur indique que des mesures de rappel ont été adressés aux juridictions par le garde des sceaux le 8 décembre 2022 et par le magistrat référent en mai 2023. Il confirme néanmoins que les services gestionnaires dédiés aux demandes des droits d’accès rencontrent des difficultés dans la mise en œuvre du traitement du droit d’accès au TAJ dans le délai légal de deux mois en raison de réponses incomplètes, tardives, voire à une absence de réponse de la part des parquets. 74. Le ministère de l’intérieur soutient avoir optimisé son organisation afin d’accélérer le traitement des droits d’accès, notamment avec la création au sein du service central du renseignement criminel de la gendarmerie nationale depuis le 8 février 2024, d’une cellule uniquement dédiée aux demandes des droits d’accès, permettant, lorsque la suite judiciaire est connue, un traitement des demandes allant de trois à dix jours. Une réorganisation du service DATA-I, le département des technologies appliquées à l’investigation, a également été menée, afin de répondre aux obligations légales et réglementaires, aux attentes de la CNIL et aux fortes exigences de qualité attendues : deux officiers encadrent désormais le groupe de traitement des droits d’accès, composé d’onze effectifs. 75. Le ministère de la justice indique quant à lui qu’une dépêche du 31 juillet 2015 a été diffusée à l’ensemble des procureurs généraux et des procureurs de la République, leur rappelant la nécessité de respecter le délai imparti pour se prononcer sur les suites des demandes d’accès. Il indique que la fiche focus relative au TAJ contient également un rappel des délais à tenir en cas de saisine d’une demande par un particulier. Ensuite, il précise que la dépêche diffusée le 8 décembre 2022 par le garde des sceaux aux juridictions contient des trames de décisions-types du procureur de la République afin de faciliter le traitement des requêtes des particuliers. Enfin, il soutient que le stock de demandes restant à traiter est passé de 777 dossiers au 31 décembre 2022 à 511 au 31 décembre 2023. 76. La formation restreinte considère que seul le ministère de la justice peut permettre le traitement des demandes d’accès, de rectification ou d’effacement lorsque les suites judiciaires sont inconnues des services gestionnaires du TAJ au sein de la police, de la gendarmerie nationale et des douanes. Elle constate qu’en raison du temps de réponse des parquets saisis, les services gestionnaires rencontrent toujours des difficultés dans la mise en œuvre des modalités de traitement du droit d’accès au TAJ dans le délai légal de deux mois, imparti pour traiter la demande et répondre au requérant, et cela, malgré l’optimisation de l’organisation des services gestionnaires par le ministère de l’intérieur. Elle relève que lors des contrôles, la délégation a été informée que dans 60 % des cas, les parquets ne répondent pas aux demandes des services gestionnaires saisis de demande d’accès. Elle constate donc qu’un nombre important de demande de suites judiciaires dans le cadre des droits d’accès reste sans réponse de la part des parquets. 77. Elle considère que le fait que 511 demandes de droit d’accès restent à traiter au 31 décembre 2023 démontre la persistance du manquement malgré la communication des trames de décisions-types en décembre 2022 devant faciliter le traitement des requêtes des particuliers. 78. Au regard de ces éléments, la formation restreinte considère que les ministères de la justice et de l’intérieur ne sont pas en mesure de prendre en compte les droits d’accès, de rectification et d’effacement des personnes dont les données figurent dans le TAJ dans les délais prévus et en conséquence que les réponses aux demandes de droits d’accès, d’effacement et de rectification ne peuvent être effectives. Elle considère que les faits précités constituent un manquement aux obligations qui découlent des articles 105 et 106 de la loi Informatique et Libertés. III. Sur les mesures correctrices et leur publicité 79. Aux termes du III de l’article 20 de la loi du 6 janvier 1978 modifiée : " lorsque le responsable de traitement ou son sous-traitant ne respecte pas les obligations résultant du règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016 ou de la présente loi, le président de la Commission nationale de l'informatique et des libertés peut […] saisir la formation restreinte de la commission en vue du prononcé, après procédure contradictoire, de l'une ou de plusieurs des mesures suivantes : 1° Un rappel à l'ordre ; 2° Une injonction de mettre en conformité le traitement avec les obligations résultant […] de la présente loi [..] ". 80. En vertu du 7° du III de l’article 20 de la loi du 6 janvier 1978 modifiée, dans le cas où le traitement de données à caractère personnel est mis en œuvre par l’État, il ne peut être prononcé une amende administrative. 81. La rapporteure propose à la formation restreinte que soient prononcés un rappel à l’ordre ainsi qu’une injonction de mettre le traitement en conformité avec les dispositions la loi Informatique et Libertés. Elle propose également que cette décision soit rendue publique. 82. En défense, les ministères ne répondent pas s’agissant de la mesure proposée par la rapporteure. 83. La formation restreinte considère que les manquements précités justifient que soit prononcé un rappel à l’ordre à l’encontre du ministère de l'intérieur et du ministère de la justice pour les motifs suivants. 84. La formation restreinte relève la sensibilité particulière des données traitées dans le TAJ, qui comprennent à la fois des données directement identifiantes et des données révélant la participation réelle ou supposée à des infractions délictuelles ou criminelles. La formation restreinte rappelle que la présence dans le TAJ peut avoir des conséquences considérables dans la vie des personnes, notamment en cas d’infractions, mais aussi lorsque des enquêtes administratives sont opérées en cas de demande d’acquisition de la nationalité française, participation à un concours ou encore avant l’attribution d’un emploi dont l’accès est règlementé. Le maintien de mentions inexactes dans le fichier est de nature à porter gravement atteinte, et de façon potentiellement irréversible, aux droits fondamentaux des personnes qui font l’objet de ces enquêtes. 85. La formation restreinte relève également qu’un très grand nombre de personnes est concerné par ce fichier qui répertoriait plus de 103 millions d’affaires en décembre 2021. Elle note aussi que ce traitement concerne des mineurs, pour lesquels une attention particulière doit être portée, par le responsable de traitement, au respect de l’ensemble de leurs droits. 86. La formation restreinte rappelle que les données sont conservées pour des durées allant de cinq à 40 ans pour les infractions les plus graves. Or elle relève que, malgré la sensibilité du fichier, de nombreuses données y sont conservées en raison d’un défaut de mise à jour du TAJ. 87. Elle relève les efforts déployés par le ministère de l’intérieur et le ministère de la justice depuis 2008 pour rendre efficiente la mise à jour du TAJ mais constate que les travaux d’interconnexion des fichiers CASSIOPEE et TAJ n’ont pas abouti et qu’ils se heurtent toujours à des difficultés techniques. Elle considère que l’exercice des droits n’est pas garanti en raison de l’absence de mise à jour efficace du fichier. 88. Elle relève également que les carences relatives à l’information des personnes quant à leur inscription dans le TAJ et à leurs droits, comme la nécessaire connaissance spécifique du nom du fichier TAJ, empêchaient nécessairement que les personnes concernées exercent de manière effective et efficace, leurs droits auprès de l’administration. Elle relève cependant la volonté du ministère de l’intérieur d’améliorer la transparence de l’information par la transmission de formulaires aux personnes concernées, ainsi que par l’apposition d’une affiche dans les locaux de signalisation, présentant l’ensemble des informations prévues à l’article 104 de la Loi Informatique et Libertés. 89. Elle considère également que l’exercice des droits des personnes n’est pas non plus garanti en raison des délais dans lesquels les demandes sont traitées. 90. Enfin, la formation restreinte rappelle que la CNIL évoquait le TAJ dans son rapport d’activité de 2018 et y formulait plusieurs points d’attention sur le nouveau dispositif d’exercice direct des droits, de sorte que la problématique relevée lors des contrôles de 2022 n’est pas nouvelle. 91. Si la formation restreinte est consciente des contraintes, financières, techniques et organisationnelles, pesant sur les ministères, elle estime néanmoins que ces derniers n’ont pas engagé les moyens suffisants à la mise en conformité du fichier, malgré la nécessité de s’assurer que les données qu’ils traitent sont exactes et tenues à jour et que l’information et les droits des personnes sont respectés. 92. La formation restreinte estime que les éléments précités rendent également nécessaire qu’une injonction soit prononcée. 93. Enfin, et pour les mêmes raisons, la formation restreinte estime nécessaire que sa décision soit rendue publique. Elle relève, sur ce point, l’ancienneté de la problématique concernant un fichier mis en œuvre par des acteurs publics, ayant notamment pour objet la constatation des infractions. Enfin, le nombre important de personnes concernées et la sensibilité du traitement dès lors que sont intégrées au fichier des données en lien avec l’identité des personnes, mises en cause et victimes, notamment les informations sur leur état civil, leur adresse, leur profession ainsi que leur photographie. Enfin la formation restreinte relève que le fichier traite également les données des personnes mineures. Les durées de conservation de ces données ainsi que les conséquences de la consultation du fichier sur la vie privée des personnes sont également des éléments justifiant la publicité de la mesure. PAR CES MOTIFS La formation restreinte de la CNIL, après en avoir délibéré, décide de : • prononcer un rappel à l’ordre à l’encontre du ministère de l’intérieur au regard des manquements constitués aux articles 97, 104, 105 et 106 de la loi Informatique et Libertés ; • prononcer un rappel à l’ordre à l’encontre du ministère de la justice, au regard des manquements constitués aux articles 97, 104, 105 et 106 de la loi Informatique et Libertés ; • prononcer à l’encontre du ministère de l'intérieur et à l’encontre du ministère de la justice, une injonction de mettre en conformité les traitements visés avec les obligations résultant de l’article 97, 105 et 106 de la loi Informatique et Libertés, et en particulier : - s’agissant du manquement relatif à l’exactitude des données, prendre toutes les mesures raisonnables pour garantir que les données à caractère personnel qui sont inexactes, incomplètes ou ne sont pas à jour soient effacées ou rectifiées sans tarder ou ne soient pas transmises ou mises à disposition, par exemple en mettant en place une procédure effective et généralisée à l’ensemble des juridictions visant à ce que toutes les décisions juridictionnelles définitives soient répercutées dans le TAJ ; - s’agissant du manquement relatif à l’exercice des droits des personnes, prendre toutes les mesures raisonnables pour garantir que les droits d’accès, de rectification et d’effacement soient assurés, par exemple en mettant en place une procédure effective et généralisée à l’ensemble des juridictions visant à ce qu’une réponse soit systématiquement apportée dans les deux mois aux services gestionnaires du TAJ à la suite d’une demande d’accès, de rectification et d’effacement. • assortir les injonctions d’un délai de mise en conformité expirant le 31/10/2026, les justificatifs de la mise en conformité devant être adressés à la formation restreinte; • rendre publique, sur le site de la CNIL et sur le site de Légifrance, sa délibération, qui n’identifiera plus nommément les ministères à l’expiration d’un délai de deux ans à compter de sa publication. Le président Philippe-Pierre CABOURDIN Cette décision est susceptible de faire l’objet d’un recours devant le Conseil d’État dans un délai de deux mois à compter de sa notification. |
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CNILTEXT000050451690 | CNIL | texte/cnil/CNIL/TEXT/00/00/50/45/16/CNILTEXT000050451690.xml | DELIBERATION | Délibération n° 2024-051 du 20 juin 2024 portant avis sur un projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne | 2024-051 | Avis | 2024-06-20 00:00:00 | 2024-11-06 00:00:00 | VIGUEUR | N° de demandes d’avis : 24006274 et 24008090 Thématiques : Données des bénéficiaires effectifs, Institut national de la propriété industrielle (INPI), actions représentatives, consommateurs, invalidation d’un acte de l’Union Organisme(s) à l’origine des saisines : ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique Fondement des saisines : Article 8, I, 4°, a) de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés L’essentiel : La CNIL a été saisie des dispositions d’un projet de loi portant diverses adaptations au droit de l’Union européenne qui concernent, d’une part, l’accès aux données des bénéficiaires effectifs et, d’autre part, la mise en conformité du droit national aux exigences de la directive (UE) n°2020/1828 en prévoyant que les organismes disposant de l’agrément transfrontière peuvent exercer des actions de groupe dans le domaine de la protection des données devant le juge compétent. Sur le premier point, le projet de loi donne une base légale au passage d’un accès public aux informations relatives aux bénéficiaires effectifs à un accès limité à la démonstration d’un intérêt légitime. La CNIL considère les évolutions projetées comme légitimes et nécessaires compte tenu de l’évolution du droit par l’adoption de la 6ème directive anti-blanchiment, dans la lignée de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne. Elles doivent permettre de garantir un meilleur équilibre entre l’objectif de transparence de la vie financière, poursuivi par l’accès aux informations des bénéficiaires effectifs, et la protection de la vie privée des bénéficiaires effectifs dont les informations figurent dans le registre. Le deuxième point n’appelle pas d’observations de la CNIL. ___________________ La Commission nationale de l'informatique et des libertés, Vu le règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données ou RGPD) ; Vu la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés ; Sur les propositions de Philippe-Pierre Cabourdin, commissaire, et après avoir entendu les observations de M. Damien Milic, commissaire du Gouvernement, Adopte la délibération suivante : I. Les saisines A. La saisine du ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique relative, d’une part, au données des bénéficiaires effectifs et, d’autre part, aux actions représentatives visant à protéger les intérêts collectifs des consommateurs Concernant le premier point de la saisine, l’arrêt du 22 novembre 2022 de la Cour de justice de l’Union européenne (C-37/20 et C-601/20, Sovim / WM c. Luxembourg Business Registers) a invalidé la disposition de la directive (UE) 2018/843 du Parlement européen et du Conseil (dite 5ème directive anti-blanchiment) qui prévoyait la mise à disposition des informations sur les bénéficiaires effectifs des sociétés au grand public. La Cour estime dans son arrêt que ces informations ne doivent être accessibles qu’aux personnes pouvant justifier d’un intérêt légitime à y accéder. Le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne (DDADUE) modifie l’article L.561-46 du code monétaire et financier (CMF) et crée un article L.561-46-2 pour tirer les conséquences de l’arrêt de la CJUE précité. Le projet s’appuie sur les dispositions de la 6ème directive anti-blanchiment, qui tire les conséquences de cet arrêt, qui devrait être publiée en juin 2024. L’encadrement complet de l’accès aux données des bénéficiaires effectifs interviendra en deux temps : la priorité étant de tenir compte de l’arrêt de la CJUE, en limitant l’accès aux informations à la démonstration d’un intérêt légitime ; les conditions précises de formulation des demandes d’accès seront précisées ultérieurement par voie règlementaire et contractuelle. La CNIL est particulièrement attentive aux modalités d’accès aux données des bénéficiaires effectifs, notamment dans un contexte où elle a été saisie d’une dizaine de plaintes de bénéficiaires effectifs s’opposant, sur le fondement de l’arrêt Sovim, à l’accès de leurs données à caractère personnel au public. Elle avait déjà rappelé, dans ses deux dernières délibérations, que les conditions d’accès et de publicité des données des bénéficiaires effectifs ne devaient pas porter atteinte au droit à la vie privée des personnes concernées (délibérations n° 2016-343 du 13 novembre 2016 et n° 2017-122 du 20 avril 2017). Il n’existe pas, en France, de registre centralisé des données des bénéficiaires effectifs. Les données issues des procédures de formalités d’entreprises sont renseignées auprès de l’INPI par le biais du guichet unique. Les données déclarées sont ensuite remontées aux greffiers des tribunaux de commerce, autorités compétentes chargées de leur validation, avant d’être intégrées dans le registre national des entreprises (RNE). Malgré la présence de registres distincts, il s’agit de voies d’accès aux mêmes données, dont la fiabilité et l’exhaustivité sont contrôlées par les greffiers des tribunaux de commerce. La coexistence de deux teneurs de registre s’explique donc par leurs rôles complémentaires : les greffiers des tribunaux de commerce vérificateurs des données relatives aux sociétés commerciales versées au RNE et l’INPI administrant la base de données du RNE ainsi que la plateforme DATA INPI de mise à disposition de ces données. La CNIL appelle l’attention du ministère sur le fait que les données relatives aux bénéficiaires effectifs sont intégrées dans le registre national des entreprises (RNE) tenu par l’INPI et qui a fait l’objet de ses observations régulières depuis sa création (délibérations n° 2021-098 du 2 septembre 2021, n° 2022-013 du 10 février 2022, n° 2022- 116 du 8 décembre 2022 et n°2023-091 du 21 septembre 2023). Concernant le second point de la saisine, la directive (UE) 2020/1828 du 25 novembre 2020 relative aux actions représentatives visant à protéger les intérêts collectifs des consommateurs et abrogeant la directive 2009/22/CE, énonce des règles pour garantir un mécanisme d’action représentative permettant de protéger les intérêts collectifs des consommateurs et effectif dans tous les États membres, tout en prévoyant des garanties appropriées pour éviter les recours abusifs. Le champ d’application de la directive est particulièrement vaste puisqu’il couvre les actions en cessation et en réparation au moyen d’actions représentatives (notamment les actions représentatives transfrontières) à l’encontre des infractions aux droits des consommateurs dans des domaines variés et notamment la protection des données à caractère personnel. Chaque État membre doit désigner une ou plusieurs entités qualifiées (organisations de consommateurs ou organismes publics) – qui devront satisfaire à des critères de désignation stricts en ce qui concerne les actions transfrontières – et établir une liste à jour des entités qui sera mise à disposition du grand public. La mise en conformité du droit national aux exigences de la directive implique des modifications du code de la consommation, mais aussi de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, du code de justice administrative, du code de la santé publique et de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 modifiée relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. I. L’avis de la CNIL A. Sur les dispositions relatives aux données des bénéficiaires effectifs Le projet de dispositions législatives : complète la liste des autorités compétentes qui ont vocation à avoir accès à l’intégralité des données relatives aux bénéficiaires effectifs de manière gratuite et permanente, pour tenir compte, notamment, des évolutions apportées par la 6ème directive anti-blanchiment sur ce point (Europol, Eurojust, l’Office européen de lutte anti-fraude, etc.) (projet d’article L. 561-46 du CMF) ; prévoit la possibilité pour toute personne justifiant d’un intérêt légitime, au regard de l’objet ou de la nature de son activité relative à la prévention ou à la lutte contre le blanchiment de capitaux ou le financement du terrorisme, d’accéder à certaines informations sur les bénéficiaires effectifs qui étaient jusque-là publiques. Il énumère également les catégories de personnes présumées pouvant justifier de cet intérêt légitime (projet d’article L. 561-46-2 du CMF). Ces catégories sont celles que les colégislateurs ont identifiées dans la 6ème directive ainsi que celles pour lesquelles le ministère considère qu’il existe un intérêt en raison de leur contribution à la prévention et à la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme. La 6ème directive anti-blanchiment permet, en effet, à chaque État membre d’identifier de nouvelles catégories de personnes sous réserve de les notifier à la Commission. Si la CNIL n’a pas d’observations sur le projet d’article L. 561-46 du CMF qui tient compte des évolutions de la règlementation européenne, le projet d’article L. 561-46-2 du CMF appelle les observations suivantes. a) Sur l’appréciation de l’intérêt légitime par l’INPI et les greffiers des tribunaux de commerce Le projet d’article L. 561-46-2 du CMF prévoit que les demandes d’accès aux informations énumérées en son premier alinéa (nom, nom d’usage, pseudonyme, prénoms, mois et année de naissance, pays de résidence, nationalité du bénéficiaire effectif, nature et étendue des intérêts effectifs détenus dans la société ou l’entité) soient formulées par les personnes ayant un intérêt légitime auprès de l’INPI ou des greffiers des tribunaux de commerce compétents, les deux teneurs de registres qui alimentent le RNE, qui statuent sur ces demandes. Conformément à l’arrêt Sovim, la 6ème directive subordonne l'accès du public aux informations sur les bénéficiaires effectifs conservées dans les registres centraux à la démonstration d'un intérêt légitime. Compte tenu des difficultés à mettre en œuvre ce concept, et afin de ne pas entraver l’objectif poursuivi, les colégislateurs ont identifiés certaines catégories de personnes qui bénéficient d’une présomption d’accès légitime. Cette présomption est sans préjudice de la possibilité pour les Etats-membres d’accorder l’accès, au cas par cas, à toute personne pouvant démontrer un intérêt légitime lié à la prévention du blanchiment de capitaux, de ses infractions sous-jacentes et du financement du terrorisme. La 6ème directive impose ainsi aux États membres de recueillir des informations sur les cas d'intérêt légitime qui vont au-delà des catégories définies dans la directive et les notifier à la Commission européenne. Sur les modalités d’appréciation de l’intérêt légitime Pour apprécier l’intérêt légitime, les teneurs de registre se fonderont sur des recommandations et des lignes directrices établies au niveau national. Des échanges sont actuellement en cours pour établir une doctrine pour l’appréciation de l’intérêt légitime ; ils doivent notamment permettre d’identifier des bases communes d’interprétation entre les organismes chargés de cette analyse. Afin d’éviter les divergences d’appréciation entre l’INPI et les greffes des tribunaux de commerce, d’une part, et entre greffes des tribunaux, d’autre part, et garantir une harmonisation dans l’analyse des demandes, le ministère a précisé que plusieurs mesures seront mises en œuvre dans l’attente des actes d’exécution : des formulaires uniformes seront élaborés pour la formulation des demandes d’accès et les pièces justificatives demandées identiques seront définies en amont ; les demandes complexes devront être remontées via une boîte fonctionnelle accessibles aux ministères compétents qui accompagnent les teneurs de registre dans la définition de la doctrine évoquée ci-dessus. des points réguliers seront faits entre les ministères compétents et les teneurs de registre dans les premiers mois afin d’accompagner la mise en place du système. Ces éléments seront ensuite formalisés et encadrés, au niveau règlementaire dès que les actes d’exécution prévus par la 6ème directive anti-blanchiment seront adoptés. En présence de cas complexes pour l’appréciation de l’intérêt légitime, la CNIL recommande la mise en œuvre d’une procédure claire de gestion des demandes. Cette procédure devrait prendre la forme d’un point de contact unique chargé de remonter la demande aux ministères compétents et de délivrer la validation de l’intérêt légitime invoqué. Par ailleurs, le ministère a précisé que la Commission européenne pourra émettre, dans un second temps, des lignes directrices. Les Etats membres devront ajuster leur doctrine en conséquence. Sous cette réserve, la CNIL accueille favorablement les mesures prises par le ministère pour accompagner les teneurs de registre dans l’établissement d’une doctrine d’appréciation de l’intérêt légitime. Elle sera attentive à l’adaptation des règles nationales conformément aux recommandations et outils de droit souple établis par la Commission européenne, le cas échéant. b) Sur l’exercice de la marge de manœuvre laissée par la 6ème directive Sur la présomption d’intérêt légitime accordée aux personnes physiques et morales, ainsi que les administrations de l’Etat, les collectivités locales et leurs établissements publics et sociétés d’économie mixte soumis aux obligations de l’article 17 de la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (la loi Sapin II) Le point j) du projet d’article 561-46-2 du CMF accorde le bénéfice de la présomption d’intérêt légitime aux entités citées ci-dessus investies d’une mission de détection et de prévoyance de la corruption ou du trafic d’influence. Compte tenu du fait que la corruption est une des infractions sous-jacentes du blanchiment de capitaux, le lien entre la lutte anticorruption et les objectifs de LCB-FT poursuivis par la consultation des données des bénéficiaires effectifs est établi. Le ministère apparaît dès lors fondé à ajouter cette nouvelle catégorie de personnes parmi celles bénéficiant de la présomption d’intérêt légitime. Sur la présomption d’intérêt légitime accordée aux prestataires externes dans le cadre d’un contrat avec les entités assujetties à la LCB-FT, aux autorités compétentes ou aux entités investies d’une mission de lutte contre la corruption Dans le cadre de leur devoir de vigilance, de connaissance client et d’analyse de la relation d’affaire, de nombreuses entreprises délèguent tout ou partie de leurs obligations à des prestataires externes. Afin de permettre à ces prestataires de continuer à accéder aux informations relatives aux bénéficiaires effectifs, le projet d’article 561-42-2 leur accorde le bénéfice de la présomption d’intérêt légitime. Ces prestataires sont prévus aux : i) du 2° du I du projet d’article : les prestataires externes liés aux entités assujetties à la LCB-FT et aux autorités compétentes mentionnées au 2° de l’article 561-46, par un contrat, en vertu duquel ils justifient du besoin d’accéder aux données des bénéficiaires effectifs ; k) du 2° du I du projet d’article : les prestataires externes liés aux entités investies d’une mission de lutte contre la corruption, par un contrat portant sur au moins une des mesures de vigilance mentionnées à l’article 17 de la loi Sapin II. Les point i) et k) du 2° du I du projet d’article 561-46-2 du CMF font principalement référence aux sociétés spécialisées en information de solvabilité et de prévention de la défaillance dans le cadre des contrats qui les lient aux entités assujetties à la LCB-FT. Le ministère a précisé que ces prestataires sont essentiels pour les entités assujetties qui leur délèguent notamment la vérification de l'identité du ou des bénéficiaires effectifs de leurs clients. Ces entités peuvent procéder à une communication ultérieure des données des bénéficiaires effectifs dans le cadre des contrats évoqués ci-dessus, par le biais desquels les prestataires se sont vus déléguer tout ou partie des obligations de leurs clients au titre des articles L. 561-2 du CMF et 17 de la loi Sapin II. Seules les informations concernant un organisme avec lequel le client a vocation à entrer en relation d’affaire pourront être accédées et communiquées par ces prestataires. La CNIL accueille favorablement les garanties prévues par le texte, qui conditionnent l’accès aux données des bénéficiaires effectifs, par ces prestataires, à l’existence d’un contrat établi avec au moins l’une des entités assujetties à la LCB-FT ou investies d’une mission de lutte contre la corruption. S’agissant de la communication ultérieure autorisée dans le cadre de ces mêmes contrats, elle souligne le bien-fondé d’une communication ciblée aux seules informations sur l’organisme ou la personne avec lequel leur client a vocation à entrer en relation d’affaire. c) Sur l’encadrement contractuel des conditions d’utilisation des données par les prestataires externes Les conditions d’utilisation des données, une fois l’accès accordé par l’une des entités chargées du registre, seront précisées par voie contractuelle. Le ministère a indiqué que ces conventions - liant les teneurs de registre et les prestataires externes mentionnés ci-dessus qui réutiliseront les informations pour leurs clients assujettis - tiendront compte des dispositions de la 6ème directive anti-blanchiment, éclairées par la jurisprudence de la CJUE (par exemple, la réévaluation régulière de l’accès, la vérification des informations qui ont permis à l’organisme de se prévaloir d’un intérêt légitime dans le temps, etc.). En tout état de cause, ces informations devront figurer dans le décret pris en Conseil d’Etat. d) Sur l’encadrement de l’utilisation ultérieure des données des bénéficiaires effectifs, notamment par les journalistes et les membres de la société civile L’article 561-46-2 du CMF encadre la communication ultérieure des données des bénéficiaires effectifs. La CNIL souligne que l’utilisation ultérieure qui sera faite de ces données est susceptible de porter atteinte aux droits des personnes concernées. Il convient en premier lieu de rappeler que toute réutilisation de ces données constitue un traitement encadré par le RGPD. En second lieu, il apparaît nécessaire que les personnes physiques et morales concernées par la réutilisation de leurs données (par exemple, la publication d’un article par un journaliste, qui aura pu accéder aux données du fait d’une présomption d’intérêt légitime) puissent également accéder à ces données. Ces personnes pourront accéder aux données les concernant au titre du droit d’accès garanti par le RGPD, mais cela ne suffira pas nécessairement à leur permettre d’assurer correctement leur défense. La CNIL invite le gouvernement à ce que, soit à travers le projet de loi, soit à travers la doctrine d’application de celle-ci, l’intérêt légitime de ces personnes à accéder aux informations nécessaires à leur défense soit effectivement garanti. B. Sur les dispositions relatives aux actions représentatives visant à protéger les intérêts collectifs des consommateurs Le projet de loi prévoit d’ajouter après le 3° du IV de l’article 37 de la loi "informatique et libertés", les organismes mentionnés à l’article 76-2 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle (tel que modifié par le projet) au titre des entités qui peuvent exercer une action de groupe, en l’espèce des actions représentatives transfrontières, devant les juridictions compétentes. La CNIL n’a pas d’observations sur ce point. Elle relève toutefois que l’article 37.II de la loi "informatique et libertés" prévoit que l’action de groupe peut être exercée devant la juridiction civile ou la juridiction administrative compétente " au vu des cas individuels présentés par le demandeur qui en informe la Commission nationale de l'informatique et des libertés". Elle rappelle qu’il n’est nécessaire de présenter des cas individuels à l’appui de la demande en justice que pour l’action en réparation et que cela n’est pas nécessaire pour l’action en cessation (article 8.3 de la directive). La CNIL prend acte de l’engagement du ministère visant à modifier ces dispositions afin de ne plus faire référence à l’exigence de présentation de cas individuels pour les actions en cessation qui seront exercées par les organismes ajoutés après le 3° du IV de l’article 37 dans le cadre des actions prévues par la directive (UE) 2020/1828. La présidente, M.-L. Denis |
CNILTEXT000049025356 | CNIL | texte/cnil/CNIL/TEXT/00/00/49/02/53/CNILTEXT000049025356.xml | DELIBERATION | Délibération n° 2021-140 du 25 novembre 2021 portant avis sur un projet de décret autorisant la mise en œuvre d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « Traitement sur le renseignement extérieur » (TREX) (demande d'avis n° 21012506) | 2021-140 | Avis | 2021-11-25 00:00:00 | 2024-01-26 00:00:00 | VIGUEUR | Avis favorable avec réserve Extrait du Journal officiel électronique authentifié PDF - 163,8 Ko |
CNILTEXT000049025369 | CNIL | texte/cnil/CNIL/TEXT/00/00/49/02/53/CNILTEXT000049025369.xml | DELIBERATION | Délibération n° 2021-129 du 4 novembre 2021 portant avis sur un projet de décret autorisant la mise en œuvre d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « BIOPEX » (demande d'avis n° 21012494) | 2021-129 | Avis | 2021-11-04 00:00:00 | 2024-01-26 00:00:00 | VIGUEUR | Avis favorable avec réserve Extrait du Journal officiel électronique authentifié PDF - 163,3 Ko |