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JURITEXT000046992022 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/46/99/20/JURITEXT000046992022.xml | ARRET | Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, 15 février 2022, 21/022101 | 2022-02-15 00:00:00 | Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion | Se dessaisit ou est dessaisi au profit d'une autre juridiction | 21/022101 | 02 | ST_DENIS_REUNION | COUR D'APPELDE SAINT-DENISChambre sociale No RG 21/02210 - No Portalis DBWB-V-B7F-FUXNAffaire : Jugement Au fond, origine Tribunal du travail de MAMOUDZOU MAYOTTE, décision attaquée en date du 18 Décembre 2017, enregistrée sous le no F16/00091 Madame [I] [O][Adresse 1][Localité 3]Représentant : Me Christine MARTIN de la SELARL VIVALDI-AVOCATS, avocat au barreau de LILLE AUTEUR DE LA SAISINES.E.L.A.S. PHARMACIE MAHORAISE[Adresse 2][Localité 3] ADVERSAIRE A L'AUTEUR DE LA SAISINE ORDONNANCE DE REDISTRIBUTIONNo Nous, Alain Lacour, président de chambre, assisté de Monique Lebrun, greffière Vu l'arrêt rendu le 14 mai 2019 par la chambre d'appel de Mamoudzou ; Vu l'arrêt rendu le 10 novembre 2021 par la Cour de cassation, chambre sociale, cassant et annulant en toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 14 mai 2019, remettant l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoyant devant la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, chambre d'appel de Mamoudzou, autrement composée ; Vu la déclaration de saisine sur renvoi après cassation effectuée le 31 décembre 2021 ; Vu les nécessités d'une bonne administration de la justice et l'intérêt manifeste pour l'ensemble des parties concernées que cette affaire soit jugée au sein du département de Mayotte ; PAR CES MOTIFS Désignons la chambre d'appel de Mayotte, autrement composée, pour assurer le suivi de la procédure sur renvoi après cassation référencée sous le numéro RG : 21/02210 - No Portalis DBWB-V-B7F-FUXN ; Disons que le présent dossier devra lui être transmis et les parties informées par le greffe. Fait à Saint-Denis, le 15 février 2022 La greffière, Monique LebrunLe président, Alain Lacour Expédition délivrée à :la SELARL VIVALDI-AVOCATSla SELAS PHARMACIE MAHORAISE | |||||||||
JURITEXT000046992023 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/46/99/20/JURITEXT000046992023.xml | ARRET | Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, 31 janvier 2022, 21/015441 | 2022-01-31 00:00:00 | Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion | Constate ou prononce le désistement d'instance et/ou d'action | 21/015441 | 06 | ST_DENIS_REUNION | COUR D'APPELDE SAINT-DENISChambre commercialeNo RG 21/01544 - No Portalis DBWB-V-B7F-FTN6 S.A. AXA FRANCE IARD immatriculée au registre du commerce et des sociétés de NANTERRE, agissant poursuite et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège.[Adresse 1][Localité 3]Représentant : Me Mickaël NATIVEL de la SELAS SOCIETE D'AVOCATS MICKAEL NATIVEL, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION APPELANTES.A.R.L. GRAND OUEST[Adresse 2][Localité 4]Représentant : Me François DANDRADE de la SELARL JURIS CONSEIL ENTREPRISES, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION INTIMEE ORDONNANCE DE MISE EN ETAT No2022/du 31 Janvier 2022 FAITS ET PROCÉDURE Le 24 août 2021, la société Axa France Iard a formé appel d'un jugement du tribunal mixte de commerce de Saint Denis de la Réunion en date du 26 juillet 2021. Par conclusions transmises par voie électronique le 13 octobre 2021, elle a déclaré se désister de son appel. La SARL Société Grand Ouest n'a pas conclu. SUR CE : Il résulte de l'article 400 du code de procédure civile que le désistement de l'appel ou de l'opposition est admis en toutes matières, sauf dispositions contraires. Conformément à l'article 395 du code de procédure civile, l'acceptation n'est pas nécessaire si le défendeur n'a présenté aucune défense au fond ou fin de non-recevoir au moment où le demandeur se désiste. La société Axa sollicite que soit constaté son désistement d'appel et l'intimée n'a formé aucun appel incident Il convient de constater le désistement d'appel de l'appelante, de le dire parfait, de constater l'extinction de l'instance et le dessaisissement de la cour. En l'absence de convention contraire dont il n'est pas fait état, les dépens resteront à la charge de l'appelante conformément à l'article 399 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS Nous, Sophie Piedagnel, conseillère de la mise en état, statuant publiquement, contradictoirement en matière commerciale, CONSTATONS le désistement d'appel de la société Axa France Iard ; LE DISONS parfait ; CONSTATONS l'extinction de l'instance et le dessaisissement de la cour ; LAISSONS à la société Axa France Iard la charge des dépens d'appel. La présente ordonnance a été signée par la conseillère de la mise en état et la greffière. La greffièreNathalie BEBEAU SIGNEELa conseillère de la mise en étatSophie PIEDAGNEL EXPÉDITION délivrée le 07 février 2022 via RPVA à : Me Mickaël NATIVEL de la SELAS SOCIETE D'AVOCATS MICKAEL NATIVEL, vestiaire : 110 Me François DANDRADE de la SELARL JURIS CONSEIL ENTREPRISES, vestiaire : 5 | |||||||||
JURITEXT000046992024 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/46/99/20/JURITEXT000046992024.xml | ARRET | Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, 25 janvier 2022, 22/000731 | 2022-01-25 00:00:00 | Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion | Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours | 22/000731 | 08 | ST_DENIS_REUNION | COUR D'APPEL DE Saint-Denis Chambre des Libertés IndividuellesSoins Psychiatriques sous contrainte ORDONNANCE DU 25 JANVIER 2022------------- République FrançaiseAu nom du Peuple Français No RG 22/00073 - No Portalis DBWB-V-B7G-FU4C No MINUTE : 2022/005 Appel de l'ordonnance rendue le 13 Janvier 2022 par le juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de SAINT-DENIS DE LA REUNION APPELANT : Monsieur le Préfet de la Réunion (ARS)[Adresse 1][Adresse 7][Localité 4]Représentés par M. [Y] [I] et M. [B] [M] INTIMES: Etablissement Public de Santé Mentale de la Réunion[Adresse 3][Localité 6]Représenté par Mme [X] [K] M. [P] [H] [C][Adresse 2][Adresse 8][Localité 5]présente et assisté de Maître Mélanie RAYMOND, avocat inscrit au barreau de Saint-Denis de la Réunion En l'absence du Ministère PublicVu l'avis du Ministère Public le 24 janvier 2022 PRESIDENTE : Virginie BELLOUARD-ZAND, déléguée par le premier président par ordonnance du 24 janvier 2022 no2022/2 GREFFIERE : Delphine GRONDIN DÉBATS: A l'audience publique du 25 Janvier 2022 à 11h30 ; Les parties comparantes ayant été avisées à l'issue des débats que l'ordonnance sera prononcée le 25 janvier 2022 et leur sera immédiatement notifiée ; ORDONNANCE prononcée par mise à disposition au greffe le 25 janvier 2022 à 16h00 et signée par Virginie BELLOUARD-ZAND, conseillère déléguée par le premier président, et Delphine GRONDIN, greffière ; DÉCISION : Hospitalisé sur le fondement de l'article L 3213-7 du code la santé publique depuis le 15 septembre 2009, Monsieur [P] [C] a été examiné le 29 octobre 2021 par le docteur [D], psychiatre de l'établissement d'accueil, qui a demandé la levée de la mesure de soins sans consentement. L'avis du collège prévu à l'article L 3213-8 du code la santé publique, mentionnant que la mesure de soins sans consentement peut être levée, est intervenu le 12 novembre 2021. Le représentant de l'Etat a ordonné une expertise de l'état mental de Monsieur [P] [H] [C], mais seul le docteur [G] a pu accomplir sa mission, les deux autres experts inscrits sur la liste 2021 de la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, appartenant à l'établissement d'accueil du patient, n'ont pu en conséquence procéder à l'expertise. Le docteur [G] conclut qu'il n'existe pas d'obstacle à la levée de la mesure de soins psychiatriques au sens de l'article L 3213-8 du code la santé publique. En l'absence de seconde expertise, le juge des libertés a été saisi pour qu'il statue sur la mesure. Par ordonnance du 31 décembre 2021, le juge des libertés a ordonné le sursis à statuer sur la demande de mainlevée, une mesure d'expertise psychiatrique confiée au docteur [L] [N] [R], l'expert devant déposer au plus tard son rapport le 10 janvier 2022, la communication des pièces du dossier, énumérées dans la décision, par le représentant de l'Etat, et la réouverture des débats à l'audience du 12 janvier 2022. Par ordonnance du 13 janvier 2022, le juge des libertés a ordonné la levée du programme de soins sous contrainte de Monsieur [P] [H] [C], après avoir déclaré irrégulière la procédure faute pour l'autorité préfectorale d'avoir communiqué les pièces réclamées. L'autorité préfectorale a interjeté appel de l'ordonnance par courriel en date du 20 janvier 2022, parvenue au greffe de la cour le même jour. Aux termes de cet acte d'appel, elle fait valoir que la mesure de contrainte de Monsieur [P] [H] [C] ne relève pas d'arrêtés préfectoraux de maintien de la mesure de soins sans consentement, que les autres pièces demandées ont toutes été communiquées, et que la mainlevée de la mesure nécessitait l'intervention d'une deuxième expertise psychiatrique, qui ne figure pas à la procédure, demandant l'annulation de l'ordonnance du 13 janvier 2022 . A l'audience, l'autorité préfectorale a développé les moyens au soutien de son appel. L'EPSMR, régulièrement convoqué, a comparu et a, au vu du 2ème rapport d'expertise déposé le 4 janvier 2022, demandé la levée de la mesure de soins sous contrainte. Le parquet général dans son avis en date du 24 janvier 2022 demande l'infirmation de l'ordonnance en ce qu'elle a déclaré la procédure irrégulière et ordonné la levée des mesures de soins sans consentement, qui doit être ordonnée au vu de l'avis du collège et des deux expertises psychiatriques. Le conseil de Monsieur [C] a demandé la levée de la mesure pour les mêmes motifs. Monsieur [P] [H] [C] a indiqué s'en rapporter. L'affaire a été mise en délibéré pour l'ordonnance être rendue le même jour à 16 heures SUR CE : - Sur la recevabilité de l'appel L'appel régulièrement formé dans les formes et délai prescrits est recevable. - Sur le fond La mesure de soins concernant Monsieur [P] [H] [C] s'inscrit dans le cadre des dispositions de l'article L3213-7 du code de la santé pblique. Cet article mentionne qu'il peut être mis fin à la mesure de soins psychiatriques en application des articles L3211-12, L3211-12-1 et L3213-8 du code de la santé publique. L'article L3211-12 donne compétence au juge des libertés et de la détention pour ordonner la mainlevée immédiate d'une mesure de soins psychiatriques, tandis que l'article L3211-12-1 concerne l'intervention nécessaire de ce juge pour la poursuite de l'hospitalisation complète d'un patient. Enfin, lorsque deux avis de psychiatres confirment l'avis du collège mentionné à l'article L3211-9 sur l'absence de nécessité de l'hospitalisation complète, la levée de la mesure de soins est ordonnée par le représentant de l'Etat, conformément aux dispositions de l'article L3213-8, le juge des libertés n'étant saisi qu'en cas d'avis divergents ou de maintien de la mesure par le représentant de l'Etat. En l'espèce, il convient de relever qu'un arrêté préfectoral est intervenu le 18 mai 2017, prévoyant la prise en charge de Monsieur [P] [H] [C] sous une autre forme que l'hospitalisation complète. Le juge des libertés saisi sur le fondement des dispositions de l'article de L3211-12 du code la santé publique, applicable en l'espèce, ne peut statuer qu'après avoir recueilli l'avis du collège mentionné à l'article L3211-9, lorsque la personne a fait l'objet d'une mesure de soins à la suite notamment d'un arrêt de déclaration d'irresponsabilité pénale concernant des faits punis d'au moins de cinq ans d'enprisonnement en cas d'atteinte au personne, ce qui est le cas en l'espèce, et après avoir recueillis deux expertises établies par des psychiatres inscrits. L'avis du collège a été produit, lequel demande qu'il soit mis fin à la mesure de soins psychiatriques. Une seule expertise médicale, qui conclut dans le même sens a pu être diligentée par le docteur [G]. Au vu de ces éléments, le juge des libertés et de la détention, par ordonnance du 31 décembre 2021, a ordonné une expertise confiée au docteur [L] [N] et le renvoi de l'affaire à l'audience du 12 janvier 2022. La mainlevée de la mesure de soins ne pouvait être ordonnée par le juge des libertés dans sa décision du 13 janvier 2022, au seul motif que l'autorité préfectorale n'aurait pas produit les pièces demandées, lesquelles ont toutes été communiquées, et sans même qu'il soit fait état de l'avis du deuxième expert désigné. Cet avis est intervenu le 4 janvier 2022, et il est conforme à l'avis de l'expert [G], selon lequel l'état de santé de Monsieur [P] [H] [C] n'impose ni une hospitalisation complète, ni un programme de soins sous contrainte, la bonne adhésion aux soins, dont il fait preuve, pouvant se poursuivre librement. Dans ces conditions, il y a lieu par substitution de motifs de confirmer l'ordonnance entreprise. PAR CES MOTIFS Nous Virgine Bellouard conseillère déléguée par le premier président, assistée de Delphine GRONDIN, greffière, statuant publiquement par ordonnance contradictoire et en dernier ressort, Confirmons, par substitution de motifs l'ordonnance entreprise, en ce qu'elle a ordonné la levée du programme de soins sous contrainte de Monsieur [P] [H] [C]. Disons que la présente décision sera communiquée au ministère public Laissons les dépens à la charge du Trésor Public La greffière La conseillère déléguée, | |||||||||
JURITEXT000046992025 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/46/99/20/JURITEXT000046992025.xml | ARRET | Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, 25 janvier 2022, 22/000651 | 2022-01-25 00:00:00 | Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion | Autres décisions constatant le dessaisissement en mettant fin à l'instance et à l'action | 22/000651 | 08 | ST_DENIS_REUNION | COUR D'APPEL DE Saint-Denis Chambre des Libertés IndividuellesSoins Psychiatriques sous contrainte ORDONNANCE DU 25 JANVIER 2022------------- République FrançaiseAu nom du Peuple Français No RG 22/00065 - No Portalis DBWB-V-B7G-FU3S No MINUTE : 2022/ Appel de l'ordonnance rendue le 14 janvier 2022 par le juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de SAINT-DENIS APPELANT : Monsieur [I] [Z]né le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 5][Adresse 3] [Adresse 3][Localité 2] Non comparant INTIMES : En l'absence du Ministère Public En l'absence deMonsieur le directeur de L'EPSMR En l'absence de Mme [D] [L], compagne de M. [I] [Z] PRESIDENT : Virginie BELLOUARD-ZAND, déléguée par le premier président par ordonnance du 24 janvier 2022 no2022/0 2 GREFFIER : Nadia HANAFI SANS DÉBATS : Une audience d'appel était prévue le 25 janvier 2022 à 11h.Le 21 janvier 2022, il a été mis fin à la mesure de soins psychiatriques de Monsieur [I] [Z] par décision no194/2022, reçue au greffe le même jour. ORDONNANCE prononcée par mise à disposition au greffe le 25 janvier 2022 et signée par Virginie BELLOUARD-ZAND, conseiller délégué par le premier président, et Nadia HANAFI, greffier ; Monsieur [I] [Z] né le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 4] (974) a été admis, à la demande d'un tiers, sous hospitalisation complète par décision du directeur de l'EPSMR du 4 janvier 2022 portant admission en soins psychiatriques et maintenu en soins psychiatriques par décision du directeur de l'EPSMR du 7 janvier 2022. Sur saisine du directeur de l'EPSMR, le juge des libertés et de la détention, par décision du 14 janvier 2022, a maintenu l'hospitalisation complète de Monsieur [I] [Z]. Par courrier en date du 15 janvier 2022, Monsieur [I] [Z] a fait appel de cette décision. Une audience d'appel était prévue le 25 janvier 2022 à 11h. Le 21 janvier 2022, il a été mis fin à la mesure de soins psychiatriques de Monsieur [I] [Z] par décision no194/2022, reçue au greffe le même jour. En conséquence, l'appel interjeté devient sans objet PAR CES MOTIFS Nous Virginie Bellouard conseiller délégué par le premier président , assisté de, Nadia HANAFI greffier, statuant publiquement par ordonnance réputée contradictoire et en dernier ressort, Constatons que l'appel est sans objet. Disons que la présente décision sera communiquée au ministère public Laissons les dépens à la charge du Trésor Public Le greffier, Le conseiller délégué, | |||||||||
JURITEXT000046992026 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/46/99/20/JURITEXT000046992026.xml | ARRET | Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, 7 janvier 2022, 21/022111 | 2022-01-07 00:00:00 | Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion | Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours | 21/022111 | 08 | ST_DENIS_REUNION | COUR D'APPEL DE Saint-Denis Chambre des Libertés IndividuellesSoins Psychiatriques sous contrainte ORDONNANCE du 07/01/2022------------- République FrançaiseAu nom du Peuple Français No RG : 21/02211 - No Portalis DBWB-V-B7F-FUXP No MINUTE : 22/2 Appel de l'ordonnance rendue le 30 décembre 2021 par le juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de SAINT PIERRE APPELANTE : Madame [L] [Z] [O] [R]née le [Date naissance 3] 1989 à [Localité 8] ([Localité 8])[Adresse 1][Localité 4]Actuellement hospitalisée au [Adresse 6]comparante en personne, assistée de Me Julie RAMSAMY, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION INTIMES : Ministère PublicEn la personne de Madame la procureure générale près la cour d'appel de Saint-Denis de la RéunionNon comparant Monsieur le Directeur du Groupe Hospitalier Sud Réunion[Adresse 5][Localité 8]Non comparant Madame [P] [R][Adresse 2][Localité 8]Non comparante LE CONSEILLER DELEGUE : Michel CARRUE, délégué par le premier président par ordonnance du 06 décembre 2021 no 2021/268 GREFFIER : Monique LEBRUN DÉBATS : A l'audience publique du 06 janvier 2022, les parties comparantes ont été avisées à l'issue des débats que l'ordonnance sera prononcée le 07 janvier 2022 à 10h00 et leur sera immédiatement notifiée ; ORDONNANCE prononcée par mise à disposition au greffe le 07 janvier 2022 à 10h00 et signée par Michel CARRUE, conseiller délégué par le premier président, et Monique LEBRUN, greffier. PROCEDURE Le 28 décembre 2021, le directeur du GHSR saisissait le juge des libertés et de la détention pour qu'il soit statué sur la poursuite éventuelle de l'hospitalisation complète de Madame [L] [Z] [O] [R] née [Date naissance 7] 1989 à [Localité 8]. Par ordonnance du 30 décembre 2021, le juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de Saint-Pierre de la Réunion constatait la régularité de la procédure, ce qui n'est pas contesté à l'audience de ce jour, avec la présence des certificats des 24 et 72 heures ainsi que celui aux fins de saisine du juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de Saint-Pierre de la Réunion, considérait au regard des certificats médicaux produits de la nécessité de soins immédiats assortis d'une surveillance médicale complète et maintenait la décision d'hospitalisation complète de Madame [L] [R]. Par courrier du 31 décembre 2021, Madame [L] [R] a interjeté appel de cette décision. Les parties et le Ministère public étaient avisés le 3 janvier 2022 de la fixation de l'audience le 6 janvier 2022 à 10 heures 30 minutes. Le certificat médical exigé par les dispositions de l'article L 3211-12-4 du Code de la santé publique a été adressé au greffe de la cour le 5 janvier 2022. Par avis du 4 janvier 2022, le ministère public a requis la confirmation de la décision déférée. A l'audience, Madame [L] [R], comparante et son avocat ont été entendus et la personne hospitalisée a eu la parole en dernier. Il a été indiqué aux parties que la décision était mise en délibéré au 7 janvier 2022. MOTIFS Il résulte des pièces de la procédure que Madame [R] a fait l'objet le 24 décembre 2021, d'une décision d'admission en soins psychiatriques à la demande d'un tiers, en urgence à la suite de la demande de soins formulés par sa tante, en raison de troubles nécessitant des soins immédiats assortis d'une surveillance médicale constante. Les certificats médicaux initiaux faisaient état d'une instablité psychomotrice datant de quelques jours alors qu'elle présente une pathologie psychiatirque chronique, se manifestant par des discours désorganisés avec troubles de la pensée, attitudes d'écoute avec hallucinations accoustico-verbales, des idées délirantes à thématique de persécution sans conscience de ses troubles. Le certificat médical du 28 décembre 2021 faisait toujours état de la manifestation d'idées délirantes à thématique de persécution avec une humeur très réactive ayant entrainé des comportements hétéroagressifs à l'égard des infirmiers de l'unité de soins. Le certificat médical produit conformément aux dispositions de l'article L 3211-12-4 du Code de la santé publique note que les idées délirantes présentes en début d'hospitalisation sont toujours présentes et ne sont pas critiquées, que la patiente est toujours réticente aux soins, au maintien en hospitalisation et que son traitement est en cours d'équilibration. Le psychiatre confirme la nécessité de poursuivre les soins en hospitalisation complète. Il y a donc lieu d'autoriser la poursuite de l'hospitalisation complète afin de garantir l'accès aux soins. PAR CES MOTIFS Nous, Michel CARRUE, conseiller délégué par Monsieur le premier président, assisté de Madame Monique LEBRUN , greffier, statuant publiquement par ordonnance réputée contradictoire, Confirmons la décision d'autoriser la poursuite de l'hospitalisation complète de Madame [L] [Z] [O] [R] afin de garantir son accès aux soins ; Disons que Monsieur le Directeur du Groupe Hospitalier Sud Réunion sera avisé de la présente décision ; Disons que la présente décision sera communiquée au ministère public ; Mettons les frais et dépens de première instance et d'appel à la charge du Trésor public ; Le greffier, Monique LEBRUN Le conseiller délégué, Michel CARRUE | |||||||||
JURITEXT000046992027 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/46/99/20/JURITEXT000046992027.xml | ARRET | Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, 6 janvier 2022, 21/022131 | 2022-01-06 00:00:00 | Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion | Constate ou prononce le désistement d'instance et/ou d'action | 21/022131 | 08 | ST_DENIS_REUNION | COUR D'APPEL DE Saint-Denis Chambre des Libertés IndividuellesSoins Psychiatriques sous contrainte ORDONNANCE du 06 janvier 2022------------- République FrançaiseAu nom du Peuple Français No RG 21/02213 - No Portalis DBWB-V-B7F-FUXT No MINUTE : 22/1 Appel de l'ordonnance rendue le 13 décembre 2021 par le juge des libertés et de la détention du Tribunal judiciaire de SAINT PIERRE (RG: 21/00268) APPELANT : Monsieur [W] [X]né le [Date naissance 2] 1996 à [Localité 5][Adresse 1][Localité 3]actuellement hospitalisé au CHU - Groupe Hospitalier [6]représenté par Me Julie RAMSAMY, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION INTIMES : Ministère PublicEn la personne de Madame la procureure générale près la cour d'appel de Saint-Denis de la RéunionNon comparant Monsieur le Directeur du Groupe Hospitalier [6][Adresse 4][Localité 3]Non comparant Madame [H] [K] [X][Adresse 1][Localité 3]Non comparante LE CONSEILLER DELEGUE : Michel CARRUE, délégué par le premier président par ordonnance du 06 décembre 2021 no2021/268 GREFFIER : Monique LEBRUN DÉBATS : A l'audience publique du 06 Janvier 2022. Décision prononcée sur le siège à l'issue des débats. PROCEDURE Le 10 décembre 2021, le directeur du du GHSR saisissait le juge des libertés et de la détention pour qu'il soit statué sur la poursuite éventuelle de l'hospitalisation complète de Monsieur [W] [X] né le [Date naissance 2] 1996 à [Localité 5]. Par ordonnance du 13 décembre 2021, notifiée le jour même, le juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de Saint-Pierre de la Réunion constatait la régularité de la procédure, ce qui n'est pas contesté à l'audience de ce jour, avec la présence des certificats des 24 et 72 heures ainsi que celui aux fins de saisine du juge des libertés et de la détention du Tribunal Judiciaire de Saint-Pierre de la Réunion, considérait au regard des certificats médicaux produits de la nécessité de de soins immédiats assortis d'un surveillance médicale compléte et maintenait la décision d'hospitalisation complète de Madame [B] [O] . Par courrier du posté le 23 décembre 2021, Monsieur [W] [X] , a interjeté appel de cette décision. Les parties et le Minsitère public étaient avisés le 3 janvier 2022 de la fixation de l'audience le 6 janvier 2022 à 10 heures 30 minutes. Le certificat médical exigé par les dispsositions de l'article L 3211-12-4 du Code de la santé publique a été adressé au greffe de la cour le 5 janvier 2022. Par avis du 4 janvier 2022, le ministère public a requis la confirmation de la décision déférée. Par un courrier receptionné le 5 janvier 2022, Monsieur [W] [X] , indiquait :"qu'il ne jugait plus nécessaire de faire cette demande d'appel". A l'audience, Monsieur [W] [X], représenté par son conseil, n'a pas comparu. MOTIFS En application de l'article 400 du code de procédure civile, le désistement est admis en toutes matières sauf dispositions contraires. L'acceptation de ce désistement n'est nécessaire que s'il contient des réserves ; que tel n'est pas le cas en l'espèce. Dès lors, il convient de donner acte à Monsieur [W] [X] de son désistement d'appel et de constater le dessaisissement de la cour. PAR CES MOTIFS Nous Michel Carrue , conseiller délégué par Monsieur le premier président, assisté de Madame Monique LEBRUN , greffier, statuant publiquement par ordonnance réputée contradictoire, Constatons le désistement d'appel de Monsieur [W] [X] et le désssaissement de la cour. Disons que Monsieur le Directeur du Groupe Hospitalier [6] sera avisé de la présente décision ; Disons que la présente décision sera communiquée au ministère public ; Mettons les frais et dépens de première instance et d'appel à la charge du Trésor public ; Le greffier, Monique LEBRUNLe conseiller délégué, Michel CARRUE | |||||||||
JURITEXT000047096735 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/09/67/JURITEXT000047096735.xml | ARRET | Cour d'appel de Nouméa, 26 novembre 2020, 20/001761 | 2020-11-26 00:00:00 | Cour d'appel de Nouméa | Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours | 20/001761 | 01 | NOUMEA | No de minute : 256 COUR D'APPEL DE NOUMÉA Arrêt du 26 novembre 2020 Chambre civile Numéro R.G. : No RG 20/00176 - No Portalis DBWF-V-B7E-RAB Décision déférée à la cour : ordonnance rendue le 10 avril 2020 par le président du tribunal de première instance de Nouméa (RG no :20/119) Saisine de la cour : 27 mai 2020 APPELANTS DIRECTION DES FINANCES PUBLIQUES EN NOUVELLE-CALÉDONIE représentée par son directeur en exercice, M. [N] [B]demeurant [Adresse 3]Représentée à l'audience par Mme [J] [C] selon délégation permanente M. LE TRÉSORIER DE LA PROVINCE SUD DE NOUVELLE-CALÉDONIEdemeurant [Adresse 1]Représenté à l'audience par M. [L] INTIMÉ M. [O] [R]né le [Date naissance 2] 1982 à [Localité 5]demeurant [Adresse 4]Représenté par Me Marie-Katell KAIGRE, avocat au barreau de NOUMEA COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 15 octobre 2020, en audience publique, devant la cour composée de : M. Philippe ALLARD, Président de chambre, président,M. Charles TELLIER, Conseiller,Mme Zouaouia MAGHERBI, Conseiller,qui en ont délibéré, sur le rapport de M. Charles TELLIER. Greffier lors des débats : Mme Guylaine BOSSIONGreffier lors de la mise à disposition : Mme Guylaine BOSSIONARRÊT :- contradictoire,- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 451 du code de procédure civile de la Nouvelle-Calédonie,- signé par M. Philippe ALLARD, président, et par Mme Guylaine BOSSION, greffier, auquel la minute de la décision a été transmise par le magistrat signataire. *************************************** PROCÉDURE DE PREMIÈRE INSTANCE Par ordonnance de référé du 2 septembre 2016, le président du tribunal du travail de Nouméa a, en substance, constaté la nullité du licenciement par la commune du MONT DORE de M. [R], a ordonné sa réintégration et a condamné la commune à une provision de 1.000.000 FCFP à valoir sur ses dommages et intérêts. M. [R] soutient que la commune ne lui a versé qu'une somme de 371.349 FCFP pour les salaires de mars à septembre 2016, qu'elle a opéré une saisie sur salaire de 686.670 FCFP et qu'elle n'a toujours pas versé la somme provisionnelle de 1.000.000 FCFP. Il indique que la commune n'aurait dû saisir que la somme de 99.702 FCFP et non 686.670 FCFP. M. [R] était en effet débiteur de sommes au titre de loyers impayés, puisqu'il a été condamné par ordonnance de référé du 24 octobre 2018 à la somme de 556.590 FCFP solidairement avec son épouse, et faisait l'objet d'une saisie-arrêt. M. [R] a saisi le président du tribunal de première instance de Nouméa en référé, qui a débouté M. [R] par ordonnance du 14 décembre 2017. Par arrêt en date du 24 mai 2018, la cour d'appel de Nouméa a infirmé cette ordonnance et a renvoyé M. [R] devant le tribunal de première instance statuant en matière de saisie-arrêt. Par jugement en date du 22 janvier 2019, le tribunal du travail de Nouméa a, en substance, déclaré nul le licenciement de M. [R] du 4 novembre 2015 et a condamné la commune du MONT DORE à lui verser la somme de 1.456.230 FCFP au titre des salaires échus entre mars et septembre 2016 à la suite de sa réintégration, avec intérêts, et a condamné la commune à 1.000.000 FCFP à titre de dommages et intérêts. Le tribunal a déclaré que le licenciement prononcé le 15 décembre 2016 était dépourvu de cause réelle et sérieuse et a condamné l'employeur à 1.941.640 FCFP au titre des indemnités de licenciement. Par acte d'huissier en date du 30 janvier 2020, M. [R] a fait assigner la direction des finances publiques prise en la personne du trésorier de la Province Sud en référé devant le président du tribunal de première instance de Nouméa. Par ordonnance de référé du 10 avril 2020, le président du tribunal de première instance de Nouméa a, par provision, condamné la trésorerie de la Province Sud à régler à M. [R] la somme de 586.968 FCFP à valoir sur le préjudice lié à la saisie sur salaire, 1.000.000 FCFP à valoir sur le préjudice lié à la retenue de la provision sur l'indemnité de licenciement, 250.000 FCFP au titre de l'article 24-1 de la délibération no 482 du 13 juillet 1994 réformant l'aide judiciaire, a rappelé que la décision était exécutoire par provision et a condamné la trésorerie de la Province Sud aux dépens. PROCÉDURE D'APPEL Par mémoire déposé le 27 mai 2020, la direction générale des finances publiques a fait appel de l'ordonnance de référé du 10 avril 2020. Dans ses dernières écritures, à savoir un mémoire en réplique déposé le 7 octobre 2020, la direction des finances publiques et le trésorier de la Province Sud demandent à la cour de débouter M. [R] de ses demandes, d'infirmer partiellement l'ordonnance déférée en ce qu'elle condamne le trésorier de la Province Sud à verser les sommes de 586.968 FCFP et 1.000.000 FCFP, et de condamner M. [R] à verser à la direction des finances publiques la somme de 250.000 FCFP au titre des frais irrépétibles. Dans ses dernières écritures, à savoir un mémoire en réponse déposé le 17 septembre 2020, M. [R] demande à la cour de débouter la direction des finances publiques de ses demandes, de confirmer l'ordonnance déférée, de condamner le trésorier de la Province Sud à lui verser les sommes provisionnelles de 1.000.000 FCFP au titre de l'indemnisation provisionnelle du préjudice subi du fait du refus d'exécuter l'ordonnance de référé du 2 septembre 2016 depuis octobre 2016, soit 3 ans et demi, et 500.000 FCFP au titre de l'indemnisation du préjudice de retard dans le paiement des salaires. Il demande à la cour de condamner la DGFP à lui verser la somme de 250.000 FCFP au titre des frais irrépétibles, à défaut de fixer les unités de valeur dues à son conseil intervenant à l'aide judiciaire, et de statuer ce que de droit sur les dépens. MOTIFS DE LA DÉCISION Attendu qu'il y a lieu de constater l'intervention volontaire du trésorier de la Province Sud ; Attendu que le fait que M. [R] était débiteur et que ses créanciers ont bien été désintéressés grâce aux sommes retenues au titre de la saisie des rémunérations pratiquée n'est pas contestable ; que l'objet de la présente procédure n'est pas de savoir si les sommes retenues étaient dues ou non, mais de savoir si la procédure utilisée, la saisie-arrêt, était adaptée dans son principe et dans son montant ; Attendu qu'il n'est pas contestable que la somme de 686.670 FCFP qui a fait l'objet d'une retenue est excessive au regard du salaire de M. [R] et des sommes qui, dans le cadre de cette procédure, auraient dû être prélevées proportionnellement à ce salaire et compte tenu de la situation de famille du débiteur en application de l'article R. 144-4 du code du travail ; que, par ailleurs, il ne peut être non plus contesté qu'une provision à valoir sur des dommages et intérêts n'est pas une rémunération au sens de l'article Lp. 144-15 du code du travail et ne peut donc être saisie au titre de la procédure de la saisie-arrêt ou de la saisie des rémunérations ; que la cour ne peut que constater que la procédure engagée était donc irrégulière ; qu'il s'agit là d'un trouble manifestement illicite au sens de l'article 809 du code de procédure civile ; Attendu que la restitution des sommes indûment prélevées n'est pas constitutive d'un enrichissement sans cause mais d'une remise en l'état de la situation antérieure des parties compte tenu des irrégularités constatées ; que les créanciers de M. [R] ont ainsi tout loisir d'utiliser les voies de droit légalement permises pour obtenir paiement de leurs créances ; Attendu qu'il y a lieu de confirmer la décision entreprise, y compris concernant les demandes de dommages et intérêts, dont M. [R] a été débouté, notamment compte tenu du délai de deux ans entre la faute de l'administration et le préjudice allégué, ne permettant pas d'établir un lien direct entre les deux ; Attendu qu'en application de l'article 24-1 de la délibération no482 du 13 juillet 1994, il y a lieu de condamner la trésorerie de la Province Sud à régler à Me Kaigre la somme de 150.000 FCFP ainsi qu'aux dépens ; PAR CES MOTIFS La cour, Constate l'intervention volontaire du trésorier de la Province Sud ; Confirme l'ordonnance déférée ; Condamne le trésorier de la Province Sud à verser à Me Kaigre la somme de 150.000 FCFP au titre de l'article 24-1 de la délibération no482 du 13 juillet 1994 ; Condamne le trésorier de la Province Sud aux dépens. Le greffier,Le président. | |||||||||
JURITEXT000047304637 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/30/46/JURITEXT000047304637.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, Chambre civile 3, 10 mai 2022, 21/04753 | 2022-05-10 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 21/04753 | CHAMBRE_CIVILE_3 | TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 3ème chambre 3ème section No RG 21/04753 - No Portalis 352J-W-B7F-CUEIN No MINUTE : Assignation du :01 Avril 2021 ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETATrendue le 10 mai 2022 DEMANDERESSE AU PRINCIPALDEFENDERESSE A L'INCIDENT S.A.S. FINALCAD[Adresse 3][Localité 5] représentée par Maître Etienne DROUARD du PARTNERSHIPS HOGAN LOVELLS (PARIS) LLP, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #J011 DEFENDERESSE AU PRINCIPALDEMANDERESSE A L'INCIDENT S.A.S. CLOUD CORPORATION,ayant pour nom commercial WIZZ CAD[Adresse 7][Localité 8] représentée par Maître Grégoire DESROUSSEAUX de la SCP AUGUST & DEBOUZY ET ASSOCIÉS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0438 MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointeassistée de Lorine MILLE, greffière DEBATS A l'audience du 17 mars 2022, avis a été donné aux avocats que l'ordonnance serait rendue le 10 mai 2022. ORDONNANCE Prononcée publiquement par mise à disposition au greffeContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DU LITIGE : La société Finalcad édite un logiciel "SaaS" (pour "software as a service") de suivi de chantier pour le bâtiment, proposant entre autres, la mise en relation des différents acteurs d'un chantier, ainsi que le suivi et le contrôle du bon accomplissement des travaux par le maître d'oeuvre, ce logiciel étant disponible sous la forme d'une application mobile. Elle expose que la représentation en trois dimensions des plans d'architectes, ainsi que leur utilisation interactive par les différents intervenants d'un chantier, constituent l'apport essentiel de son logiciel pour les professionnels du secteur. L'application est dotée d'un moteur de visualisation en 3D reposant sur le standard "BIM" (pour "Building Information Modeling"). Elle ajoute avoir débuté en 2015 ses travaux pour parvenir à l'intégration d'un moteur BIM au sein de son application et développer son code source dénommé "WuuuEngine". Elle a ainsi lancé en mars 2016 la version 2.0.0 de l' "application Finalcad" et le 21 mars 2017 la version 2.6.0, dotant le moteur BIM 3D de la fonctionnalité de formulaires interactifs permettant aux utilisateurs de modifier les maquettes 3D et d'y apporter des commentaires. C'est cette version de mars 2017, uniquement corrigée des "bugs", qu'elle a déposée auprès de l'Agence pour la Protection des Programmes (APP) le 31 juillet 2018. La société Cloud Corporation, exerçant sous le nom commercial Wizzcad, est la concurrente de la société Finalcad. Elle édite de la même manière un logiciel SaaS de suivi de chantier pour le bâtiment, sous la forme d'une application mobile nommée "Wizzcad S" intégrant l'outil BIM, dont le lancement a été annoncé en mars 2018. Se déclarant surprise du développement d'une telle application "en un temps record" par sa concurrente, un an seulement après la présentation de son propre logiciel, et après avoir découvert que deux de ses anciens salariés, qui avaient occupé des fonctions stratégiques au sein de l'entreprise et avaient eu accès au code source "WuuuEngine", avaient quitté l'entreprise pour être engagés par la société Wizzcad en août 2018, la société Finalcad a, par une requête du 8 février 2021, sollicité et obtenu l'autorisation de faire pratiquer des opérations de saisie-contrefaçon consistant pour l'huissier à télécharger l'application "Wizzcad S" et, avec l'assistance d'un expert, à procéder à sa "description" en langage "Smali" aux fins de comparaison ultérieure avec le code source "WuuuEngine". Les opérations se sont déroulées le 4 mars 2021 et par acte d'huissier délivré le 1er avril 2021, la société Finalcad a fait assigner la société Wizzcad devant ce tribunal aux fins de mise en oeuvre d'une expertise et des mesures propres à mettre fin aux agissements selon elle contrefaisants de la société Wizzcad. Par des conclusions d'incident notifiées par la voie électronique le 4 octobre 2021, la société Wizzcad a soulevé une exception de procédure tirée de la nullité de l'assignation et sollicité le renvoi de l'affaire devant le tribunal statuant au fond afin qu'il se prononce sur la validité de la saisie-contrefaçon, qu'elle conteste avec force. Dans ses dernières conclusions d'incident notifiées électroniquement le 31 janvier 2022 et développées oralement à l'audience du 17 mars 2022, la société Wizzcad demande au juge de la mise en état de : - Lui Donner acte de ce qu'elle se désiste de sa demande d'annulation de l'assignation de FINALCAD pour indétermination de l'objet, - Fixer une audience préalable devant le tribunal pour entendre les parties sur la seule question de la demande de nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon formée devant le tribunal, - Réserver l'article 700 du code de procédure civile et les dépens, A titre subsidiaire, - Déclarer irrecevables les demandes de FINALCAD pour défaut de titularité, - Condamner la société FINALCAD à payer à la société WIZZCAD la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, - Condamner la société FINALCAD aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître DESROUSSEAUX en application de l'article 699 du code de procédure civile. A titre très subsidiaire, - Débouter FINALCAD de sa demande d'expertise judiciaire, - Condamner la société FINALCAD à payer à la société WIZZCAD la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, - Condamner la société FINALCAD aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître DESROUSSEAUX en application de l'article 699 du code de procédure civile. Dans ses conclusions d'incident notifiées le 15 novembre 2021 développées de la même manière à l'audience du 17 mars 2022, la société Finalcad demande quant à elle au juge de la mise en état de: - ORDONNER une expertise judiciaire ; - DESIGNER un expert spécialisé en informatique, tel que par exemple, M. [W] [K], Expert judiciaire près la Cour d'appel de Paris, demeurant [Adresse 4] (Tel. : [XXXXXXXX01], Port. : [XXXXXXXX02]) ; - DIRE que la mission de l'expert sera la suivante : 1. Se faire communiquer l'une des deux clés USB sur lesquelles ont été copiés le Logiciel Wizzcad S Téléchargé et le Logiciel Wizzcad S Traduit, placées sous séquestre par Maître [S] [X], Huissier de justice demeurant [Adresse 6], lors des opérations de saisie-contrefaçon du 4 mars 2021, et sur laquelle l'Huissier de justice aura préalablement levé le séquestre, en présence des avocats des parties; 2. Procéder au téléchargement de la version 2.6.0 de l'Application Android FinalCAD intégrant le logiciel WuuuEngine, datée du 24 avril 2017, avec les codes "administrateur" qui seront communiqués à titre confidentiel par le Conseil de la société FinalCAD, sur le site GOOGLE PLAY STORE et procéder à la traduction de la version téléchargée en langage SMALI (le "Logiciel WuuuEngine Traduit"), 3. Examiner et décrire, dans le détail et de manière compréhensible pour le Tribunal, d'une part, le Logiciel WuuuEngine Traduit de la société FinalCAD et, d'autre part, le Logiciel Wizzcad S Traduit édité par la société CLOUD CORPORATION ; ? Procéder à l'analyse comparative des versions traduites des Logiciels WuuuEngine Traduit et Wizzcad S Traduit, et identifier les éléments identiques ou similaires ; ? Rechercher et constater le cas échéant au sein du Logiciel Wizzcad S Traduit, la présence, l'ajout, la modification ou la suppression des mentions de paternité du Logiciel WuuuEngine Traduit, 4. Se faire remettre par FinalCAD une copie de la version "2.6.0" du Code Source WuuuEngine de l'Application Android FinalCAD, du 21 mars 2017, 5. Se faire remettre par l'APP une copie du Code Source WuuuEngine de l'Application Android FinalCAD déposée le 31 juillet 2018 par la société FinalCAD, 6. Procéder à l'analyse comparative de la version 2.6.0 du Code Source WuuuEngine de l'Application Android FinalCAD, du 21 mars 2017 et du Code source WuuuEngine de l'Application Android FinalCAD déposée le 31 juillet 2018, et constater que ces deux Codes Sources sont identiques, sauf différences liées à des mises à jour ou corrections de bug marginales, 7. Se faire remettre par la société CLOUD CORPORATION, une copie de la version du Code Source du logiciel Wizzcad S éditée en avril 2020 correspondant à la version au format .APK qui a fait l'objet de la saisie-contrefaçon du 4 mars 2021, ? Examiner et décrire, dans le détail et de manière compréhensible pour le Tribunal, d'une part, le Code source du logiciel WuuuEngine de la société FinalCAD et, d'autre part, le Code source du logiciel Wizzcad S édité par la société CLOUD CORPORATION, ? Procéder à l'analyse comparative des codes sources respectifs du logiciel WuuuEngine et logiciel Wizzcad S, et identifier les similitudes, ? Comparer les lignes du code source du logiciel WuuuEngine avec les lignes du code source du logiciel Wizzcad S, et préciser le taux d'identité entre ces lignes pour chacune des versions successives, ? Rechercher et constater le cas échéant au sein du logiciel Wizzcad S, la présence, l'ajout, la modification ou la suppression des mentions de paternité du logiciel WuuuEngine, - DIRE que pour procéder à sa mission, l'expert devra : ? Garantir la confidentialité et la non transmission des éléments relatifs au Moteur BIM 3D FinalCAD et au logiciel Wizzcad S, en ce compris les codes sources ; ? Convoquer et entendre les parties, assistées le cas échéant de leurs conseils, et recueillir leurs observations à l'occasion de l'exécution des opérations ou de la tenue des réunions d'expertise; ? Se faire remettre toutes les pièces qu'il estimera utiles à l'accomplissement de sa mission ; ? Se faire remettre et/ou rechercher tous éléments susceptibles de permettre de quantifier l'étendue de la contrefaçon, et notamment : o les prix de vente des logiciels et/ou des produits intégrant le logiciel argué de contrefaçon et les quantités vendues, o le nombre de logiciels et/ou de produits intégrant tout ou partie du logiciel argué de contrefaçon, o la période durant laquelle le logiciel argué de contrefaçon a fait l'objet de modifications ou d'une utilisation, notamment en examinant les historiques de versions, les journaux de compilation et de construction, et les versions exécutables. ? Au terme de ses opérations, remettre un pré-rapport aux parties et leur laisser l'opportunité de le commenter avant toute remise du rapport définitif au Greffe, dans le délai qu'il fixera. - FIXER la provision destinée à l'expert; - RESERVER l'article 700 et les dépens. MOTIFS DE LA DÉCISION Moyens des parties La société Wizzcad se désiste de sa demande aux fins d'annulation de l'assignation, la société Finalcad ayant régularisé dans ses dernières conclusions au fond les irrégularités dont son acte introductif d'instance était affecté. Elle maintient en revanche sa demande aux fins de renvoi de l'affaire au fond afin qu'il soit statué par le tribunal, éventuellement en juge rapporteur, sur la validité du procès-verbal de saisie-contrefaçon. Elle précise qu'il s'agit de l'unique preuve dont dispose la société Finalcad au soutien de sa demande d'expertise. Elle rappelle à cet égard qu'elle soulève dans ses conclusions au fond trois moyens de nullité de la saisie et, en premier lieu, que l'originalité du logiciel n'était pas décrite dans la requête présentée au juge et que cette irrégularité n'est pas régularisable, à la différence de l'assignation. Elle ajoute que la société Finalcad s'est livrée à une présentation déloyale des faits en vue d'obtenir la mesure et, en particulier, qu'elle a tu au juge des requêtes sa connaissance de ce que les travaux de conception del'application "Wizzcad S" avaient commencé bien avant 2017, ce qui ressort au demeurant de son assignation. La société Wizzcad soutient encore qu'il n'est pas crédible au vu de leurs profils Linkedin de penser que les salariés, que la société Finalcad soupçonne dans sa requête de lui avoir transmis son code source, aient pu réaliser une telle opération, ce que la société Finalcad sait selon elle parfaitement. La société Wizzcad fait enfin valoir que la "description en langage Smali" du logiciel sollicitée et obtenue sur requête par la société Finalcad consiste en réalité en une décompilation interdite par les articles L.122-6 et L.122-6-1 du code de la propriété intellectuelle, de sorte que la mesure n'était selon elle pas légalement admissible. La société Finalcad s'oppose pour sa part au renvoi de l'affaire devant le tribunal statuant au fond et maintient sa demande d'expertise afin de lui permettre de rapporter la preuve de la contrefaçon, s'étonnant du développement de tels moyens de procédure aux fins d'éviter le débat sur la contrefaçon. La société Finalcad maintient notamment qu'il n'est selon elle pas possible que la société Wizzcad soit parvenue à concevoir une application mettant en oeuvre BIM disponible sous Android aussi rapidement, tandis que les fonctions de ses anciens salariés n'excluent pas qu'ils aient eu accès au code source de l'application Finalcad et l'aient transmis à la société Wizzcad avant même d'entrer à son service. Appréciation du juge de la mise en état Aux termes des articles 145, 146 et 147 du code de procédure civile, "S'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. Une mesure d'instruction ne peut être ordonnée sur un fait que si la partie qui l'allègue ne dispose pas d'éléments suffisants pour le prouver. En aucun cas une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve. Le juge doit limiter le choix de la mesure à ce qui est suffisant pour la solution du litige, en s'attachant à retenir ce qui est le plus simple et le moins onéreux." Les moyens de nullité de la saisie contrefaçon, lequels relèvent de la compétence du tribunal ( Cass. Civ. 1ère, 6 mai 2010, pourvoi no 08-15.897, Bull. 2010, I, no 104 ; Cass. Com., 17 mars 2015, pourvoi no 13-15.862), apparaissent en l'occurrence suffisamment sérieux pour renvoyer l'examen de l'affaire au tribunal qui statuera sur ce moyen de fond et la demande d'expertise. Les dépens seront réservés. PAR CES MOTIFS, Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en premier ressort, Le juge de la mise en état, Dit que l'affaire est renvoyée à l'audience de mise en état du :2 juin 2022 à 14 heures pour fixation de la date de plaidoirie au fond sur la validité de la saisie contrefaçon et la demande d'expertise (avec ou sans clôture, les parties ayant également la faculté de déposer leurs dossiers) ; Réserve les dépens. Faite et rendue à Paris le 10 mai 2022. La Greffière Le Juge de la mise en état | x |
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JURITEXT000047304638 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/30/46/JURITEXT000047304638.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 13 juillet 2022, 22/54208 | 2022-07-13 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 22/54208 | CT0264 | TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS No RG 22/54208 - No Portalis 352J-W-B7G-CWQCN No : 2 - MEB Assignation du :29 Mars 2022 ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ rendue le 13 juillet 2022 par Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal, Assistée de Daouia BOUTLELIS, GreffierDEMANDEUR Monsieur [I] [M][Adresse 1][Localité 3]représenté par Maître Charlotte ABATI de la SELARL AYRTON AVOCATS, avocats au barreau de PARIS - #C1289 DEFENDERESSE S.A.S. BASE & CO[Adresse 2][Localité 4] non comparante DÉBATS A l'audience du 14 Juin 2022, tenue publiquement, présidée par Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe, assistée de Fabienne FELIX, Faisant fonction de greffier, EXPOSÉ DU LITIGE 1. M. [I] [M] est le titulaire inscrit de la marque verbale "Base & Co" déposée le 9 mai 2005, enregistrée et régulièrement renouvelée sous le no3357788, pour désigner en classe 35 les services de "Publicité ; gestion des affaires commerciales ; administration commerciale ; travaux de bureau. Diffusion de matériel publicitaire (tract, prospectus, imprimés, échantillons). Services d'abonnement à des journaux (pour des tiers). Conseils en organisation et direction des affaires. Comptabilité. Reproduction de documents. Bureaux de placement. Gestion de fichiers informatiques. Organisation d'expositions à buts commerciaux ou de publicité. Publicité en ligne sur un réseau informatique. Location de temps publicitaire sur tout moyen de communication ; publications de textes publicitaires ; locations d'espaces publicitaires, diffusion d'annonces publicitaires, relation publiques. Mercatique direct." Cette marque est exploitée par la SARL Base & Co qui exerce depuis 2005 une activité d'agence de publicité. 2. Se plaignant de l'immatriculation, le 7 mars 2022, au RCS d'Evry d'une société Base & Co ayant pour activités déclarées celles d'agence de publicité et de conseil en relations publiques et communication, M. [M], après l'avoir vainement mise en demeure de modifier sa dénomination sociale, a fait assigner en référé la société Base & Co devant le délégataire du président de ce tribunal siégeant à l'audience du 14 juin 2022, afin qu'il lui soit fait défense sous astreinte de faire usage du signe "Base & Co" . Aux termes de son assignation, M. [M] demande au juge des référés de : - Interdire à la société Base & Co la poursuite des actes de contrefaçon sous astreinte de 10.000 euros par infraction constatée et sur tout support, y compris sa dénomination sociale, après un délai de 3 jours à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir, - Condamner la société Base & Co au paiement d'une somme de 3.000 euros au bénéfice de M. [I] [M] au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens. 3. Bien que régulièrement citée à une personne présente au domicile (Mme [F] épouse du président de la société), la société Base & Co n'a pas comparu. La présente décision, susceptible d'appel, sera réputée contradictoire conformément aux dispositions de l'article 473 alinéa 2 du code de procédure civile. 4. A l'audience du 14 juin 2022, le juge des référés a soulevé le moyen tiré de l'absence de preuve d'usage dans la vie des affaires du signe objet du présent litige, ce à quoi le demandeur a répliqué que l'article L.713-3-1 du code de la propriété intellectuelle incrimine l'usage du signe comme dénomination sociale. MOTIFS DE LA DÉCISION 5. Selon l'article Article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle, "Est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l'usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services : 1o D'un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ; 2o D'un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s'il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d'association du signe avec la marque." Aux termes de l'article L. 716-4-6 "Toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon peut saisir en référé la juridiction civile compétente afin de voir ordonner, au besoin sous astreinte, à l'encontre du prétendu contrefacteur ou des intermédiaires dont il utilise les services, toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d'actes argués de contrefaçon.(...) Saisie en référé ou sur requête, la juridiction ne peut ordonner les mesures demandées que si les éléments de preuve, raisonnablement accessibles au demandeur, rendent vraisemblable qu'il est porté atteinte à ses droits ou qu'une telle atteinte est imminente." 6. L'article L. 713-3-1 de ce même code précise que "Sont notamment interdits, en application des articles L. 713-2 et L. 713-3, les actes ou usages suivants : (...) 4o L'usage du signe comme nom commercial ou dénomination sociale ou comme partie d'un nom commercial ou d'une dénomination sociale ;" 7. Ces différents textes réalisent la transposition en droit interne des dispositions des directives 89/104/CEE, 2008/95/CE et 2015/2436, rapprochant les législations des États membres sur les marques. 8. En l'occurrence, la demande porte sur l'emploi d'un signe strictement limité à la dénomination sociale du défendeur, sans qu'aucun autre fait ne soit démontré par le demandeur. Elle suppose donc que ce seul fait s'analyse en un « usage dans la vie des affaires » au sens des dispositions précitées. Il est également rappelé que le considérant 19 de la directive 2015/2436, qui a introduit pour la première fois, parmi les exemples d'usages que le titulaire peut interdire, l'usage à titre de dénomination sociale, précise qu'un tel usage devrait être compris comme tout usage « dès lors que cet usage a pour but de distinguer des produits ou services ». 9. L'expression « faire usage » d'un signe doit donc être entendue comme désignant l'emploi du signe dans le but de distinguer des produits ou des services, c'est à dire comme portant atteinte ou étant susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque, ce qui est en définitive, comme l'a maintes fois jugé la Cour de justice de l'Union européenne, la condition du droit exclusif (voir CJUE, 25 juillet 2018, Mitsubishi, C-129/17, point 34 et la jurisprudence citée). 10. Or, de la même manière que le seul dépôt d'une marque ne caractérise pas un usage dans la vie des affaires (Cass. Com., 13 octobre 2021, no19-20.504), le seul fait d'immatriculer une société sous une certaine dénomination n'est pas, en soi, un usage de cette dénomination dans le but de distinguer des produits ou services, et il n'est donc pas à lui seul susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque : il s'agit d'un acte dont l'effet est strictement juridique, qui ne caractérise pas en soi l'existence d'une activité, et il ne peut être présumé que, du seul fait qu'une société existe, elle est exploitée. 11. Il appartient donc au titulaire de la marque de prouver que le tiers dont il critique la dénomination exerce effectivement une activité économique en lien avec des produits ou services déterminés, ce qui n'est pas une charge excessive dès lors que la protection du droit de marque est spéciale et concrète et non abstraite et absolue. Cette preuve n'est pas rapportée ici, où seule l'existence de la société Base & Co est démontrée par son extrait Kbis (pièce du demandeur no5), ce qui ne permet pas d'établir qu'elle exerce une activité ni la nature réelle de cette activité. Par conséquent, à défaut de preuve d'usage du signe litigieux, aucune contrefaçon vraisemblable n'apparaît caractérisée. Il doit donc être dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de M. [M]. 12. Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, M. [M] supportera les dépens. Il n'y aura pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS, Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par ordonnance réputée contradictoire et en premier ressort, Dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de M. [M] ; Condamne M. [M] aux dépens ; Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile. Fait à Paris le 13 juillet 2022. Le Greffier, Le Président, Daouia BOUTLELIS Nathalie SABOTIER | x |
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JURITEXT000047304639 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/30/46/JURITEXT000047304639.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, Chambre civile 3, 2 août 2022, 22/04707 | 2022-08-02 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 22/04707 | CHAMBRE_CIVILE_3 | TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 3ème chambre 3ème section No RG 22/04707 - No Portalis 352J-W-B7G-CWXE3 No MINUTE : Assignation du :19 Avril 2022 ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ MAINLEVÉErendue le 02 Août 2022 DEMANDERESSE Société LOUIS VUITTON MALLETIER[Adresse 1][Localité 5] représentée par Maître Julien BLANCHARD de la SELARL SELARL CANDÉ - BLANCHARD - DUCAMP, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0265 DÉFENDEUR Monsieur [T] [C][Adresse 4][Localité 6] représenté par Maître Jean AITTOUARES de la SELARL OX, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0966 COMPOSITION Nahtalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointeassistée de Lorine MILLE, greffière, DÉBATS A l'audience du 08 Juin 2022, avis a été donné aux avocats que l'ordonnance serait rendue le 02 Août 2022. ORDONNANCE Prononcée publiquement par mise à dispotion au greffeContradictoireEn premier ressort ____________________________ EXPOSÉ DU LITIGE : 1. M. [T] [C] est un réalisateur de films français auteur de films de long métrage et de films publicitaires. La société La Pac est une société de production de films publicitaires. La société Louis Vuitton Malletier est une filiale du groupe de luxe LVMH, spécialisée dans la création d'articles de maroquinerie et d'habillement qu'elle commercialise sous la marque "Louis Vuitton". 2. M. [C] expose avoir été contacté à la fin du mois de mai 2021 par la société La Pac aux fins de réaliser un film publicitaire pour le compte de la société Louis Vuitton Malletier, destiné à présenter la collection "hommes - printemps / été 2022" de cette société, le film publicitaire et une bande-annonce devant être livrés le 24 juin 2021. Il indique avoir livré le film dans le délai imparti mais avoir découvert, une heure avant sa première diffusion, que M. [F] [B] était crédité comme réalisateur du film intitulé "Amen Break", lui-même étant présenté en 131ème position au générique en qualité de "film supervisor". 3. Le film a été diffusé et mis en ligne le 24 juin 2021, totalisant 150 millions de vue en 4 jours (d'une durée variable selon les plateformes), sans que son générique ne soit modifié en dépit des demandes réitérées de M. [C] auprès de la société La Pac, et alors même qu'aucun contrat n'avait été régularisé et que son travail était resté impayé. Par une lettre du 8 juillet 2021, M. [C] a de la même manière mis en demeure la société Louis Vuitton Malletier de cesser la diffusion du film "Amen Break", de lui en communiquer l'ensemble des documents contractuels et comptables, et de l'informer sur les modalités envisagées de réparation de son préjudice. 4. Par une ordonnance du 9 juillet 2021, M. [C] a été autorisé à faire pratiquer des opérations de saisie-contrefaçon dans les locaux de la société La Pac, lesquelles ont été réalisées le 19 juillet 2021 et ont révélé qu'il avait bien été engagé en qualité de réalisateur et que le générique avait été modifié (cette modification étant facturée le 30 juin 2021 à la société Louis Vuitton Malletier). 5. C'est dans ce contexte que, par actes d'huissier délivrés le 9 août 2021, M. [T] [C] a fait assigner à jour fixe à l'audience de la 3ème chambre / 3ème section de ce tribunal du 3 novembre 2021, les sociétés La Pac et Louis Vuitton Malletier en contrefaçon de droits d'auteur (atteinte à son droit moral et violation de son droit patrimonial). A l'audience du 3 novembre 2021, l'affaire a été renvoyée à la mise en état avec un calendrier court et une clôture prévue le 3 avril 2022. 6. Par une requête du 29 mars 2022, M. [C] a sollicité et obtenu, de la présidente de la 3ème chambre / 3ème section, l'autorisation de faire pratiquer des opérations de saisie-contrefaçon au siège de la société Louis Vuitton Malletier, lesquelles ont été réalisées le 12 avril 2022 et ont amené la saisie de plus de 6600 documents. 7. Par acte d'huissier du 19 avril 2022, la société Louis Vuitton Malletier a fait assigner M. [C] en référé afin d'obtenir la mainlevée de la saisie-contrefaçon. A l'audience du 8 juin 2022, la société Louis Vuitton Malletier demande à la juridiction de : À titre principal, - Ordonner la mainlevée de la saisie-contrefaçon pratiquée le 13 avril 2022 auprès de la société Louis Vuitton Malletier, - Ordonner que les pièces saisies seront remises à Louis Vuitton Malletier, interdiction étant faite à M. [C] d'en conserver copie et de s'en prévaloir ultérieurement, À titre subsidiaire, - Ordonner la mise sous séquestre des courriels saisis chez Louis Vuitton Malletier lors des opérations de saisie-contrefaçon du 13 avril 2022, - Ordonner une mesure d'expertise et désigner pour y procéder tel expert qu'il lui plaira avec pour mission de : ? se faire remettre par Me [N] [U] une copie du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 13 avril 2022 ainsi que l'ensemble des courriels saisis, ? réunir un cercle de confidentialité constitué uniquement des avocats de chacune des parties, qui signeront un accord de confidentialité concernant les opérations menées lors de l'expertise, ? recueillir les explications des avocats des parties et se faire remettre toute pièce qui s'avérerait nécessaire à l'exécution de sa mission, ? ouvrir les scellés, procéder à leur examen en présence des conseils des parties, et identifier: *d'une part, pour les écarter et en vue de leur destruction, les documents protégés au titre des droits de la défense, qui ne seront pas portés à la connaissance des avocats de M. [C] et en cas de difficulté sur un document, en référer à Mme la Présidente qui seule en prendra connaissance, *de deuxième part, les documents présentant des éléments utiles à la preuve de la contrefaçon alléguée par M. [C], *de troisième part, les documents ne contenant aucune information pertinente sur ladite contrefaçon alléguée, - dresser la liste des trois catégories de documents, en mentionnant les observations éventuelles des parties, annexer les documents contenant des informations utiles à son rapport, et faire ensuite retour des documents originaux à l'huissier, lequel en sera constitué séquestre jusqu'à ce qu'il soit à nouveau statué, - Dire qu'il vous sera référé de toute difficulté de nature en particulier à compromettre le démarrage, l'avancement ou l'achèvement des opérations ; - Condamner M. [C] à payer à la société Louis Vuitton Malletier la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens. 8. M. [C] conclut quant à lui au rejet des demandes, aussi bien principale (mainlevée) que subsidiaire (expertise de tri), de la société Louis Vuitton Malletier. Il demande à la juridiction de lui donner acte du fait qu'il ne s'oppose pas à la mainlevée partielle de la saisie ou à toute mesure qu'il plaira à la Présidente d'ordonner sur tous les échanges directs entre la société Louis Vuitton Malletier et ses avocats, ainsi que sur le courriel adressé par [X] [A] à [R] [H] le 21 mars 2022 à 19h42, pour autant que de tels documents aient été appréhendés. Il sollicite la condamnation de la société Louis Vuitton Malletier à lui payer la somme de 6 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. 9. L'affaire a été plaidée à l'audience du 8 juin 2022 et mise en délibéré au 2 août 2022. MOTIFS DE LA DÉCISION 1o) Sur la mainlevée de la saisie-contrefaçon Moyens des parties 10. La société Louis Vuitton Malletier soutient que M. [C] s'est livré à une présentation déloyale des faits ne fournissant au magistrat que ses propres éléments et sa propre version des faits. La société demanderesse rappelle ainsi que tous les choix, aussi bien artistiques et esthétiques, que techniques, ont été faits par [S] [E], architecte, designer et directeur artistique "pour l'homme" de la marque, jusqu'à son décès survenu le [Date décès 3] 2021. Elle ajoute que ce dernier a choisi (ou validé), avec M. [F] [B], l'idée originale du film, son scenario, ses dialogues, sa musique, ses chorégraphies, ses lieux de tournage, ses décors, les membres de l'équipe technique, y compris la décision d'engager M. [C] et ce, pour la seule supervision du tournage. 11. La société Louis Vuitton Malletier précise que la modification du générique demandée à la société de production est due à une erreur sur le nom du "hair artist" ayant travaillé pour le film. Elle ajoute que c'est à dessein, et en particulier afin de cacher au juge des requêtes les arguments contraires de la société Louis Vuitton Malletier, que M. [C] a déposé sa requête sans attendre le dépôt des conclusions de la défense prévu le 31 mars 2022. 12. M. [C] conclut au rejet de la demande de mainlevée n'ayant selon lui fait preuve d'aucune déloyauté. Il rappelle d'ailleurs que conformément aux dispositions de l'article 845 alinéa 3 du code de procédure civile, il a présenté sa requête à la présidente de la section en charge de l'affaire au fond, en raison précisément de sa connaissance de l'affaire. Il ajoute avoir joint à sa requête les dernières conclusions des défendeurs. M. [C] soutient encore que le débat relatif à la qualification de son intervention sur le film (réalisateur ou "superviseur") est un débat de fond et en déduit que les moyens soulevés par la société Louis Vuitton Malletier sont dénués de pertinence à ce stade. Appréciation du juge des référés 13. Aux termes de l'article L.332-1 du code de la propriété intellectuelle, "Tout auteur d'une oeuvre protégée par le livre Ier de la présente partie, ses ayants droit ou ses ayants cause peuvent agir en contrefaçon. A cet effet, ces personnes sont en droit de faire procéder par tous huissiers, le cas échéant assistés par des experts désignés par le demandeur, sur ordonnance rendue sur requête par la juridiction civile compétente, soit à la description détaillée, avec ou sans prélèvement d'échantillons, soit à la saisie réelle des oeuvres prétendument contrefaisantes ainsi que de tout document s'y rapportant. L'ordonnance peut autoriser la saisie réelle de tout document se rapportant aux oeuvres prétendument contrefaisantes en l'absence de ces dernières. La juridiction peut ordonner la description détaillée ou la saisie réelle des matériels et instruments utilisés pour produire ou distribuer illicitement les oeuvres. (...)" 14. Selon l'article 3 "Obligation générale" de la Directive 2004/48/CE du Parlement Européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle, dont les dispositions précitées réalisent la transposition en droit interne, les mesures destinées à assurer le le respect des droits de propriété intellectuelle doivent, notamment, être loyales. Aussi, il est constamment rappelé que le caractère non contradictoire de la procédure sur requête, qui autorise un requérant, à solliciter dans un cadre exorbitant du droit commun, sur une présentation unilatérale de sa demande, l'autorisation de procéder chez une personne suspectée de commettre des actes de contrefaçon ou un tiers, sans son assentiment, à des investigations instrusives ou à des mesures conservatoires, suppose une particulière loyauté du requérant. Ce dernier se doit de porter à la connaissance du juge, l'ensemble des éléments de droit et de faits utiles, afin de permettre à celui-ci de porter une appréciation éclairée sur la demande qui lui est soumise et d'ordonner une mesure proportionnée, en tenant compte des intérêts divergents du saisissant et du saisi. 15. Force est en l'occurrence de constater que, sous le couvert d'un défaut de loyauté, la société Louis Vuitton Malletier développe en réalité ses moyens de critique au fond de la qualification de la participation de M. [T] [C] au film "Amen Break". Selon elle, en effet, la participation de M. [C] n'a pas excédé celle d'un simple "superviseur" des prises de vue, la qualité de réalisateur revenant uniquement à M. [F] [B], tandis que, selon M. [C], son rôle a consisté à diriger le tournage de l'oeuvre audiovisuelle et, ce faisant, à opérer différents choix décisifs pour le "rendu final" du film "Amen Break", qui justifiaient selon lui qu'il soit crédité en qualité de réalisateur en 2ème ou 3ème position, mais en aucun cas en 131ème. 16. Ce sont précisément les très importantes divergences entre les parties, parfaitement connues de la présidente de la chambre à laquelle l'affaire a été distribuée, et à laquelle la requête a été présentée conformément aux dispositions de l'article 845 alinéa 3 du code de procédure civile, qui ont justifié la mesure. M. [C] ne peut donc être regardé comme ayant fait preuve de déloyauté et la demande de mainlevée ne pourra par conséquent qu'être rejetée. 2o) Sur la protection du secret professionnel Moyens des parties 17. La société Louis Vuitton Malletier fait à cet égard valoir qu'eu égard à la date à laquelle la mesure a été autorisée, c'est à dire à un moment où le litige avait déjà été porté devant différents tribunaux, des correspondances couvertes par le secret professionnel ont été saisies. Cette société sollicite donc l'organisation d'une expertise de tri aux fins d'écarter les courriers échangés entre la société Louis Vuitton Malletier et ses avocats mais aussi les courriers en lien avec sa défense, notamment ceux échangés entre ses préposés et qui relateraient les échanges entre la société et ses avocats ou encore sa stratégie de défense, conformément à la jurisprudence. 18. M. [C] rappelle que ses conseils ont dès la mise en oeuvre de la mesure accepté que soient écartées les correspondances entre la société défenderesse et ses avocats. Il s'oppose en revanche à toute extension, laquelle n'est pas fondée en droit, la demande étant vague alors que la jurisprudence a développé une appréciation in concreto des pièces devant être couvertes par le secret professionnel, non plus qu'en fait, la société Louis Vuitton Malletier ne donnant aucun exemple de courriel saisi susceptible de relever de la catégorie des courriers couverts par le secret professionnel sans pour autant émaner ou être adressé à son avocat. Appréciation du juge des référés 19. Il résulte de l'article 66-5 de la Loi no 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, modifié par la Loi no2011-331 du 28 mars 2011 qu' "En toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense, les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l'avocat et ses confrères à l'exception pour ces dernières de celles portant la mention " officielle ", les notes d'entretien et, plus généralement, toutes les pièces du dossier sont couvertes par le secret professionnel." 20. Il appartient au juge chargé de contrôler les opérations de saisie de vérifier concrètement, en se référant au procès-verbal et à l'inventaire, la régularité des opérations et d'ordonner, le cas échéant, la restitution des documents qu'il estime appréhendés en violation des droits de la défense. La cour de cassation n'exerce pas de contrôle sur cette vérification concrète qui relève de l'appréciation souveraine des juges du fond (Cass. Crim., 8 novembre 2017, pourvoi no 16-84.528 ; Cass. Com., 7 juillet 2015, pourvoi no 14-15.965) sous réserve que le juge soit « saisi d'allégations motivées selon lesquelles des documents précisément identifiés ont été appréhendés alors qu'ils relevaient de la confidentialité qui s'attache à la relation entre un avocat et son client » (CEDH, 2 avril 2015, Vinci Construction et a. c/ France, no 6369/10, § 79). 21. Le principe de la confidentialité des échanges entre l'avocat et son client a pour but de préserver les droits de la défense et son périmètre doit se déterminer en fonction de cet objectif : la personne qui subit une saisie doit pouvoir compter sur le fait que ne pourront être saisis les documents qui s'inscrivent dans le cadre de sa relation avec son avocat en vue de sa défense à la procédure. Il convient donc de faire primer le contenu du document et le lien indissociable qu'il créé avec l'exercice des droits de la défense, sur le fait qu'un document émane directement de l'avocat ou lui est adressé. Dans une grande entreprise comme la défenderesse, la stratégie de défense a en outre vocation à être discutée par les cadres de la direction et ceux du service juridique, de sorte que sauf à priver de tout effet utile la confidentialité des échanges entre un avocat et son client, celle-ci doit s'étendre, dans la limite de ce qui est nécessaire à l'exercice effectif des droits de la défense, à la discussion de la stratégie de défense, en aval de la correspondance échangée. Les documents internes à l'entreprise qui, à la suite d'un entretien ou d'une correspondance avec l'avocat, en reprennent les termes ne sauraient donc faire l'objet d'une saisie. 22. En l'occurrence, la mesure a amené la saisie d'un nombre très élevé de documents (plus de 6500) dont la société Louis Vuitton Malletier démontre que parmi eux figurent des courriels destinés à Maître Julien Blanchard son avocat (ex : courriel du 28 octobre 2021 de Mme [K] [I] à Me Julien Blachard avec en objet "Men SS22 filming" ; courriel du 28 décembre 2021 de Mme [Z] [G] à Mme [L] [V] et Me Julien Blanchard avec en objet "Point juridique") ou des courriels internes relatifs à sa stratégie de défense (ex : courriel du 29 octobre 2021 de Mme [K] [I] à M. [R] [H] et Mme [W] [M] avec en objet "Urgent MIPO" contenant les conclusions de Me Blanchard ; courriel du 23 décembre 2021 de M. [O] [D] à M. [R] [H] et Mme [W] [M] avec en objet "[T] [C] : Point juridique"). 23. Il appraît donc justifié de faire droit à la demande et de désigner un expert aux fins de d'extraire des documents saisis ceux portant atteinte au secret des correspondances entre avocat et client, étendu aux courriels des juristes internes qui divulgueraient un tel secret, selon les modalités précisées au dispositif de la présente décision. 3o) Sur la protection de données couvertes par le secret des affaires Moyens des parties 24. La société Louis Vuitton Malletier fait sur ce point valoir que le choix des mots-clefs a amené la saisie de documents sans lien avec la présente affaire dont certains font même état de partenariats confidentiels avec d'autres sociétés, éléments couverts par le secret des affaires. 25. M. [C] conclut au rejet de cette demande présentée selon lui de manière "expéditive" par la société Louis Vuitton Malletier sans aucune démonstration de la moindre atteinte à un secret d'affaires. Appréciation du juge des référés 26. Selon l'article L. 151-1 du code de commerce, "Est protégée au titre du secret des affaires toute information répondant aux critères suivants : 1o Elle n'est pas, en elle-même ou dans la configuration et l'assemblage exacts de ses éléments, généralement connue ou aisément accessible pour les personnes familières de ce type d'informations en raison de leur secteur d'activité ; 2o Elle revêt une valeur commerciale, effective ou potentielle, du fait de son caractère secret; 3o Elle fait l'objet de la part de son détenteur légitime de mesures de protection raisonnables, compte tenu des circonstances, pour en conserver le caractère secret." 27. L'article R. 153-3 de ce même code précise que "A peine d'irrecevabilité, la partie ou le tiers à la procédure qui invoque la protection du secret des affaires pour une pièce dont la communication ou la production est demandée remet au juge, dans le délai fixé par celui-ci: 1o La version confidentielle intégrale de cette pièce ; 2o Une version non confidentielle ou un résumé ; 3o Un mémoire précisant, pour chaque information ou partie de la pièce en cause, les motifs qui lui confèrent le caractère d'un secret des affaires. Le juge peut entendre séparément le détenteur de la pièce, assisté ou représenté par toute personne habilitée, et la partie qui demande la communication ou la production de cette pièce." 28. Force est de constater que la demande telle que présentée par la société Louis Vuitton malletier n'est pas conforme aux dispositions de l'article R.153-1 du code de procédure civile et est dès lors irrecevable. 29. Les succès et échecs respectifs des parties commandent de laisser à chacune d'elles la charge de ses propres dépens comme de ses frais irrépétibles. PAR CES MOTIFS, Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en premier ressort, Le juge des référés, REJETTE la demande de mainlevée de la saisie-contrefaçon autorisée le 29 mars 2022 ; ORDONNE une mesure d'expertise et désigne pour y procéder :M. [J] [Y] Expert près la Cour d'Appel de Paris et la Cour de cassationdemeurant : [Adresse 2][Courriel 7] Avec pour mission de :- se faire remettre par Me [U], huissier de Justice, une copie de l'ordonnance sur requête du 29 mars 2022 et du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 12 avril 2022, ainsi que l'ensemble des éléments saisis au siège de la société Louis Vuitton Malletier,- réunir un cercle de confidentialité constitué uniquement des avocats de chacune des parties,- recueillir les explications des avocats des parties et se faire remettre toute pièce qui s'avérerait nécessaire à l'exécution de sa mission,- procéder à l'examen des courriels et pièces saisies en présence des seuls conseils des parties, et identifier, pour les écarter, les documents protégés au titre du secret des correspondances entre avocat et client, étendu aux courriels de juristes de la société Louis Vuitton Malletier qui divulgueraient un tel secret,- faire ensuite retour des documents à l'huissier, DIT qu'il nous sera référé de toute difficulté de nature à compromettre le démarrage, l'avancement ou l'achèvement des opérations, et en particulier en cas de désaccord sur la confidentialité d'une pièce, lequel sera tranché par le juge ; DIT que l'expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 232 et suivants du code de procédure civile ; FIXE à 5.000 euros la provision à valoir sur la rémunération de l'expert qui devra être consignée par la société Louis Vuitton Malletier à la régie du tribunal judiciaire de Paris, au plus tard le 9 septembre 2022, faute de quoi la mesure d'expertise ordonnée sera caduque ; DIT que l'expert devra rendre son rapport au greffe de la 3ème chambre civile du tribunal judiciaire de Paris avant le 30 décembre 2022 ; DIT irrecevable en l'état la demande de protection de pièces par les règles relatives au secret des affaires et invite la société Louis Vuitton Malletier à procéder comme prévu à l'article R. 153-1 du code de commerce ; LAISSE à chacune des parties la charge de ses propres dépens ; DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de plein droit par provision. Fait et jugé à Paris le 02 Août 2022. La Greffière La Présidente | x |
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JURITEXT000047304640 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/30/46/JURITEXT000047304640.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, Chambre civile 3, 13 septembre 2022, 20/09890 | 2022-09-13 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 20/09890 | CHAMBRE_CIVILE_3 | TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 3ème chambre 3ème section No RG 20/09890 - No Portalis 352J-W-B7E-CS6ZB No MINUTE : Assignation du :14 Octobre 2020 JUGEMENT rendu le 13 Septembre 2022 DEMANDERESSE S.A.R.L. VA EVENEMENTS[Adresse 2][Localité 4] représentée par Maître Arnaud ROUILLON du cabinet JR ASSOCIÉS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R0118 DÉFENDERESSES S.A.S. MTECH EVENTS[Adresse 1][Localité 6] représentée par Maitre Déborah DAYAN, avocat au barreau de PARIS, avocat postlant, vestiaire #E0547 et par Maître Pierre LANGLAIS de la SELARL LANGLAIS, avocat au barreau de NANTES, avocat plaidant S.A.S. ORANGERIE VAL DE LOIRE[Adresse 5][Localité 3] représentée par Maître David GILBERT-DESVALLONS de la SELARL GILBERT-DESVALLONS SOCIETE D'AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #L0012 COMPOSITION DU TRIBUNAL Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointeArthur COURILLON-HAVY, jugeLinda BOUDOUR, juge assistés de Lorine MILLE, greffière DEBATS A l'audience du 13 avril 2022 tenue en audience publique devant Arthur COURILLON-HAVY et Linda BOUDOUR, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seuls l'audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux avocats que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 21 juin 2022 et prorogé au 13 septembre 2022. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffeContradictoireEn premier ressort Exposé du litige Objet du litige 1. La société Va évènements commercialise sous le nom « d'Orangerie éphémère » un type de structure temporaire ressemblant aux halles alimentaires du XIXe siècle, sur lequel elle revendique des droits d'auteur. Elle se plaint d'une contrefaçon de cette oeuvre, reprochant à la société Mtech events de fabriquer et commercialiser des structures similaires, et à la société Orangerie val de Loire d'avoir acquis une de ces structures dans le cadre de son activité d'organisation d'évènements, installée à [Localité 7], et d'avoir reproduit sur son site internet des photographies de l'Orangerie éphémère. 2. Les défenderesses estiment cette oeuvre inéligible au droit d'auteur faute d'originalité, contestent en toute hypothèse toute contrefaçon, faute de confusion possible selon la société Orangerie val de Loire, et en raison de l'originalité propre de sa structure selon la société Mtech. La société Orangerie val de Loire, qui estime la demande abusive, demande subsidiairement la garantie de la société Mtech. Procédure et exposé des prétentions 3. Après avoir mis en demeure la société Mtech en mars 2019, dont la réponse ne l'a pas satisfaite, puis avoir pratiqué une saisie-contrefaçon chez la société Orangerie val de Loire le 16 septembre 2020, la société Va évènement les a assignées le 14 octobre 2020 en contrefaçon de droits d'auteur. 4. L'instruction a été close le 10 février 2022, l'affaire entendue le 13 avril. 5. Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 5 janvier 2022, la société Va évènements, invoquant une contrefaçon de droits d'auteur, demande de? condamner ? la société Mtech à lui payer 270 000 euros en réparation du préjudice économique et d'image subi du fait de la présentation au public, fabrication et commercialisation de structures similaires à son « orangerie éphémère » ? la société Orangerie val de Loire à lui payer 10 000 euros en réparation du préjudice matériel subi du fait de la reproduction, sur le site mariage.net, de son « orangerie éphémère » ? condamner in solidum les sociétés Orangerie val de Loire et Mtech à lui payer 90 000 euros à parfaire en réparation du préjudice tiré du manque à gagner sur l'opération commerciale attachée à la structure de [Localité 7]? ordonner la destruction de cette structure sous astreinte aux frais de la société Orangerie val de Loire, la publication du jugement sur le site internet de la société Mtech,? outre 28 372,40 euros (à parfaire) au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens (comprenant les frais d'huissier engagés dans le cadre des saisies-contrefaçon) ; 6. Elle allègue la combinaison, originale selon elle, de caractéristiques dont certaines seraient elles-mêmes originales, « engendrant une structure à l'esthétisme unique, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur, qui n'avait jamais été conçue auparavant », tenant notamment au contraste entre une structure transportable et éphémère mais avec une impression de volume et de stabilité. Certaines de ces caractéristiques sont reprises de courants architecturaux différents, les orangeries de châteaux et les halles du XIXe siècle ([B] ou [F]), avec :- une grande ouverture sur l'extérieur, - la forme de vitres comme dans une orangerie avec un haut arrondi,- un double toit à quatre pentes, dans l'esprit des halles du XIXe sièce,- charpente avec fermes en treillis, et en détail complémentaire des rosaces à cinq pétales (alors que les halles [F] en ont 6) ; 7. D'autres caractéristiques se détachent selon elles de ces courants anciens :- les matériaux, avec la structure en acier et verre, le toit en toile de PVC opaque,- la couleur de structure grise au lieu du vert traditionnel dans les structures métalliques,- l'inclinaison des barres de séparation des treillis se rattachant à la poutre,- le séquençage des façades avec les arrondis de fenêtres du 2e niveau qui sont alignés sur celles du premier niveau,- des barreaux verticaux décoratifs,- des vitres de 83 cm de larges, coupées en deux pour faire des carreaux de 41 cm, ce qui ne viendrait pas du style [F]. 8. Elle ajoute que si elle commercialise des orangeries différentes, comme le soulignent les défendeurs, il s'agit toutefois de différences de détail, concernant l'intérieur, la taille, la couleur du toit (gris ou blanc), qui ne modifient pas l'impression d'ensemble de l'oeuvre et ses caractéristiques essentielles. Elle se prévaut de précédentes décisions ayant reconnu l'originalité de son oeuvre et conteste enfin la date et la pertinence de l'antériorité opposée, à savoir une halle de la société Pierre boon international dont, explique-t-elle, la structure est verte, la charpente est arrondie et non oblique, les vitres n'ont pas d'habillage, leur séquençage est plus simple, la structure plus basse, les poteaux ajourés et non pleins. 9. Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 8 février 2022, la société Orangerie val de Loire résiste aux demandes et réclame elle-même 12 000 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive, subsidiairement demande la garantie de la société Mtech, et en tout état de cause, à la société Va évènements, 12 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens (avec recouvrement par son avocat). 10. La société Orangerie val de Loire conteste toute originalité à la combinaison des caractéristiques revendiquées. Elle soutient que l'ensemble des éléments architecturaux provient des halles [F] : ainsi de l'ouverture sur l'extérieur, la forme des vitres, les montants verticaux et les hauts de fenêtres arrondis qui se retrouvent sur une image d'archive ; du double toit à quatre pentes, visible sur un timbre ; de la charpente à ferme en treillis et rosace ; et que les éléments présentés comme modernes sont soit encore repris du style [F] soit imposés par la nature de ce type de structure ou par des considérations règlementaires ou financières ; ainsi de l'inclinaison des barres de séparation des treillis, qui est imposée par la structure triangulée, et se retrouve donc dans les réalisations de [F] ; de l'arrondi des hauts de fenêtres, repris aux halles [F] ; des barreaux verticaux, qui portent le bâtiment et se retrouvent donc sur les halles [F], et dont le rythme est imposé par la portance de la partie supérieure, avec un écartement répétitif, d'une largeur de 83 cm qui est standard ; de la toiture en PVC, plus pratique et économique que le verre qui est le seul autre choix possible pour ce type de structure ; de la couleur grise qui n'est pas originale et est souvent imposée par les architectes des bâtiments de France et les élus, comme dans le cas de son orangerie. Elle rappelle que la caractérisation des choix opérés dans la conception et les aménagements d'un bâtiment est indispensable pour le qualifier d'oeuvre. 11. Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 9 février 2022, la société Mtech events résiste aux demandes principales et à la demande en garantie, demande d'écarter l'exécution provisoire, et réclame elle-même à la société Va évènements 11 556 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens. 12. La société Mtech events répond d'abord que les caractéristiques invoquées ont changé entre la mise en demeure et les conclusions, et estime que la demanderesse doit être tenue par la caractérisation de l'originalité telle qu'invoquée dans la mise en demeure. Elle soutient ensuite que la demanderesse invoque les photographies de plusieurs orangeries, différentes entre elles ; qu'il s'agit donc de plusieurs produits différents n'ayant pas les mêmes caractéristiques architecturales ; qu'ainsi on ne sait pas quelle orangerie est concrètement invoquée, sauf à ce que la demanderesse réclame en réalité la protection d'un concept, conclue-t-elle. 13. Elle conteste plus généralement toute originalité aux caractéristiques invoquées, ni individuellement ni ensemble ; car ces caractéristiques viendraient toutes des halles [F] telles que celles de [Localité 8] et des orangeries de château, et se retrouvent encore sur une structure commercialisée par la société Pierre boon international en 2006 ; ou seraient pour le reste triviales ; et elle soulève à cet égard les mêmes moyens que la société Orangerie val de Loire. MOTIFS 14. Conformément à l'article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle, l'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur l'oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous comportant des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial. La protection d'une oeuvre de l'esprit est acquise à son auteur sans formalité et du seul fait de la création d'une forme originale, en ce sens qu'elle porte l'empreinte de la personnalité de son auteur et n'est pas la banale reprise d'un fonds commun non appropriable. 15. Pour l'application de la directive 2001/29 sur l'harmonisation de certains aspects des droits d'auteur, la notion d'oeuvre, qui conditionne la protection exigée par ce texte, implique un objet original, c'est-à-dire une création intellectuelle propre à son auteur, qui en reflète la personnalité en manifestant ses choix libres et créatifs ; et cet objet doit être identifiable avec suffisamment de précision et d'objectivité, ce qui exclut une identification reposant essentiellement sur les sensations de la personne qui reçoit l'objet (CJUE, 12 septembre 2019, Cofemel, C-683/17, points 29 à 35). 16. Dans ce cadre, il appartient à celui qui se prévaut d'un droit d'auteur dont l'existence est contestée de définir et d'expliciter les contours de l'originalité qu'il allègue. En effet, seul l'auteur, dont le juge ne peut suppléer la carence, est en mesure d'identifier les éléments traduisant sa personnalité et qui justifient son monopole. 17. Au cas présent, la société Va évènements décrit un certain nombre des caractéristiques visibles de ses « Orangeries éphémères », en expliquant la mesure dans laquelle elle se rattachent ou non, selon elle, à deux courants architecturaux antérieurs. Elle n'explicite toutefois aucun choix artistique, ni aucun processus créatif, et moins encore en quoi ces choix refléteraient la personnalité d'un auteur. Les attestations de la personne ayant créé les dessins et les plans (pièce Va évènements no4) n'expliquent pas davantage les choix effectués, et n'expriment ni au demeurant ne revendiquent aucun processus créatif. 18. Ne sont en définitive invoqués qu'un ensemble d'éléments descriptifs. La plupart se retrouvent dans les halles de type [F] : le double toit à 4 pentes, la structure en acier et les façades en verre donnant une grande ouverture sur l'extérieur, avec des lignes verticales régulières et dont la partie haute est arrondie ; la charpente avec une structure en croisillons, inclinée selon la pente du toit ; les rosaces ; tous éléments qui, y compris envisagés ensemble, appartiennent au fonds commun de l'architecture, et que la société Va évènements ne peut s'approprier. 19. Les caractéristiques nouvelles sont ainsi seulement l'alignement des éléments hauts avec les éléments bas qui est un choix par défaut ; la couleur grise, qui est banale, tout comme le toit en PVC pour des structures extérieures démontables ; quant à la taille de 83 cm pour les fenêtres de 2 carreaux de large, elle permet de former des modules de 5 mètres pour 3 fenêtres double, ce qui est avant tout fonctionnel. 20. Ajouter ces éléments banals ou pratiques à un ensemble repris à des créations antérieures ne caractérise donc pas en soi un choix créatif portant l'empreinte de la personnalité de son auteur, et à défaut pour la demanderesse d'indiquer en quoi, malgré les apparences, il s'agirait du fruit de la personnalité et de la créativité d'un auteur, il ne peut être conclu que l'objet revendiqué est une oeuvre de l'esprit éligible au droit d'auteur. 21. Ses demandes, qui sont toutes fondées sur la contrefaçon de cet objet, sont par conséquent rejetées. 22. En revanche, elle n'a pas pu commettre de faute à réitérer, certes à tort, une demande qui avait déjà été accueillie par plusieurs juridictions. La demande reconventionnelle pour abus doit donc être rejetée. Dispositions finales 23. Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. L'article 700 du même code permet au juge de condamner en outre la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre, pour les frais exposés mais non compris dans les dépens, une somme qu'il détermine, en tenant compte de l'équité et de la situation économique de cette partie. 24. La société Va évènements, qui perd le procès, est tenue aux dépens, et doit indemniser les défenderesses des frais qu'elles ont dû exposer pour le procès et qui peuvent être estimés à 10 000 euros chacune. 25. L'exécution provisoire est de droit et rien ne justifie de l'écarter. PAR CES MOTIFS Le tribunal, REJETTE l'ensemble des demandes de la société Va évènements ; REJETTE la demande reconventionnelle de la société Orangerie val de Loire pour abus ; CONDAMNE la société Va évènements aux dépens ainsi qu'à payer 10 000 euros à la société Orangerie val de Loire et 10 000 euros à la société Mtech events au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; Fait et jugé à Paris le 13 Septembre 2022 La Greffière La Présidente | x |
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JURITEXT000047304641 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/30/46/JURITEXT000047304641.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, Chambre civile 3, 13 septembre 2022, 20/08389 | 2022-09-13 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 20/08389 | CHAMBRE_CIVILE_3 | TRIBUNALJUDICIAIREDE PARIS 3ème chambre 3ème section No RG 20/08389 No Portalis 352J-W-B7E-CSWCB No MINUTE : Assignation du :14 août 2020 JUGEMENT rendu le 13 septembre 2022 DEMANDERESSE LA FONDATION 30 MILLIONS D'AMIS[Adresse 2][Localité 3] représentée par Maître Vanessa GRYNER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B0792 DÉFENDERESSE Association SOCIETE PROTECTRICE DES ANIMAUX[Adresse 1][Localité 4] représentée par Maître Bénédicte ROCHET de l'AARPI BARON AIDENBAUM & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0389 COMPOSITION DU TRIBUNAL Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointeArthur COURILLON-HAVY, jugeLinda BOUDOUR, juge assistés de Lorine MILLE, greffière lors des débats et de Quentin CURABET, greffier lors de la mise à disposition DÉBATS A l'audience du 07 Avril 2022 tenue en audience publique devant Nathalie SABOTIER et Arthur COURILLON-HAVY, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seuls l'audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 07 juin 2022 et prorogé en dernier lieu au 13 Septembre 2022. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffeContradictoireEn premier ressort Exposé du litige 1. La fondation 30 Millions d'amis reproche à la Société protectrice des animaux (SPA), qui oeuvre comme elle à la protection animale, d'avoir, lors d'une campagne publicitaire en juin 2020, copié les images de sa propre campagne menée en 2016, en reproduisant leurs caractéristiques tenant au « focus » sur l'oeil d'un animal, dans lequel se reflète une scène. Elle qualifie ces faits de contrefaçon de droits d'auteur, de concurrence déloyale en raison d'un risque de confusion, et de parasitisme. 2. Estimant que les réponses données par la SPA les 26 et 29 juin 2020 à sa mise en demeure étaient tardives, 13 et 16 jours après sa première lettre, et laissaient le préjudice s'aggraver pendant une « période cruciale », la fondation 30 Millions d'amis a, le 14 aout 2020, assigné la SPA en dommages et intérêts, confiscation, interdiction, et publication du jugement. L'instruction a été close le 28 octobre 2021, et l'affaire plaidée le 7 avril 2022. 3. Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 7 avril 2021, la fondation 30 Millions d'amis demande de :? condamner la SPA à lui payer ? 50 000 euros de dommages et intérêts pour les atteintes à ses droits patrimoniaux et moraux d'auteur, ? 130 161,63 euros au titre du parasitisme et ? 50 000 euros au titre de la concurrence déloyale par risque de confusion, ? « la confiscation des visuels contrefaisants », à son profit, l'interdiction sous astreinte de (faire) fabriquer, exposer ou publier ces « visuels », et leur restitution ou destruction en présence d'un huissier? ainsi que la publication du jugement sur le site internet de la SPA et dans 3 journaux, selon certaines modalités,? outre 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, les dépens (« y-compris ceux exposés pour procéder aux opérations de constats ») et l'exécution provisoire. 4. Elle soutient que sa campagne est originale en ce qu'elle est le fruit de choix artistiques effectués lors de la phase préparatoire, de la matérialisation, du choix des photographies et des retouches ultérieures ; que l'allégorie réalisée par le biais d'un focus sur l'oeil d'un animal, et le reflet renvoyant à la scène qui pourrait se dérouler devant ses yeux constituent des choix esthétiques et portent l'empreinte de la personnalité de l'auteur (elle-même en l'occurrence) ; que les 3 animaux choisis dans sa campagne correspondent à 3 animaux réels ayant subi des maltraitances qu'elle a choisi de dénoncer ; et qu'en définitive, elle est la première dans le domaine de la protection animale à avoir représenté un oeil (ou des yeux) d'animal de manière centrée, en plan plus ou moins serré, avec le reflet de ce que voit ou a vu l'animal, ce qui permet au public de comprendre le vécu des animaux abandonnés ou maltraités ; et que la SPA a commis une contrefaçon en reproduisant la caractéristique originale tenant au focus sur l'oeil de l'animal et la scène se déroulant devant ses yeux. 5. Sur la concurrence déloyale, elle fait valoir qu'il a déjà été jugé que la reprise d'une idée publicitaire était déloyale ; de même que la copie servile créant un risque de confusion ; qu'or les visuels des parties ont ici « une impression d'ensemble d'identité » et que « la confusion est d'ores et déjà semée dans l'esprit du public ». Sur le parasitisme, elle expose avoir déboursé 26 544,63 euros pour sa campagne, et 103 607 euros pour la diffuser, et que la portée de ces investissements est réduite voire anéantie du fait de la SPA. 6. Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 5 octobre 2021, l'association Société protectrice des animaux soulève l'irrecevabilité de « l'action » en contrefaçon, résiste à l'ensemble des demandes sur le fond, et réclame elle-même 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens recouvrés par son avocat. 7. Elle fait valoir qu'en application du principe de la liberté d'expression, dont découle la liberté de création, les idées sont de libre parcours ; que seule une création de forme originale peut donner lieu à protection par un droit d'auteur. Et elle estime que la demanderesse tente ici de s'approprier l'idée d'un focus sur l'oeil d'un animal et de la reproduction d'images au centre dudit oeil ; que cette idée serait au demeurant largement reprise, par exemple sur un article de 2012 dans un forum de photographie, sur des affiches ou dans des scènes de films ; que le traitement que chacune a fait de cette idée n'a aucune ressemblance, d'un côté la maltraitance, de l'autre l'abandon, d'un côté la représentation d'une scène éventuelle, de l'autre celle du passé réellement vu ; qu'en tout état de cause il ne s'agirait que d'une rencontre fortuite car elle n'avait pas connaissance, dit-elle, de cette campagne de 2016 de la fondation 30 Millions d'amis. 8. Sur la concurrence déloyale, après avoir rappelé le principe de la liberté du commerce et de l'industrie, elle expose que la demanderesse ne procèderait que par allégations sans démontrer un risque de confusion au cas présent ; que dans l'affaire dont se prévaut la demanderesse, une idée publicitaire a été considérée comme distinctive, mais du fait de son usage ininterrompu depuis 1988, tandis que la campagne de la demanderesse aurait été ponctuelle et limitée à 12 parutions dans la presse et quelques posts sur les réseaux sociaux en 2016 ; outre que les idées des deux campagnes sont différentes, l'une valorisant le rôle de la fondation 30 Millions d'amis dans la poursuite des « tortionnaires », l'autre portant sur l'abandon en montrant le « spectre de l'après-abandon ». 9. Sur le parasitisme, elle avance qu'elle ne pouvait pas se placer dans le sillage de la demanderesse, ne connaissant pas cette campagne qui ne figurait pas même au rapport annuel de celle-ci, ni parmi les campagnes annuelles mentionnées à son site internet ; qu'elle a précisément voulu se démarquer de la demanderesse en insistant sur l'abandon, qui correspond à sa « raison d'être » au regard de l'importante activité de ses refuges, tandis que la fondation 30 Millions d'amis ne gère pas de refuge ; enfin qu'elle a elle-même dépensé 296 835,88 euros TTC pour sa campagne. Motifs 1) Demandes fondées sur la contrefaçon de droit d'auteur 10. Conformément à l'article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle, l'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur l'oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous comportant des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial. La protection d'une oeuvre de l'esprit est acquise à son auteur sans formalité et du seul fait de la création d'une forme originale, en ce sens qu'elle porte l'empreinte de la personnalité de son auteur et n'est pas la banale reprise d'un fonds commun non appropriable. 11. Pour l'application de la directive 2001/29 sur l'harmonisation de certains aspects des droits d'auteur, la notion d'oeuvre, qui conditionne la protection exigée par ce texte, implique un objet original, c'est-à-dire une création intellectuelle propre à son auteur, qui en reflète la personnalité en manifestant ses choix libres et créatifs ; et cet objet doit être identifiable avec suffisamment de précision et d'objectivité, ce qui exclut une identification reposant essentiellement sur les sensations de la personne qui reçoit l'objet (CJUE, 12 septembre 2019, Cofemel, C-683/17, points 29 à 35). 12. Dans ce cadre, il appartient à celui qui se prévaut d'un droit d'auteur dont l'existence est contestée de définir et d'expliciter les contours de l'originalité qu'il allègue. En effet, seul l'auteur, dont le juge ne peut suppléer la carence, est en mesure d'identifier les éléments traduisant sa personnalité et qui justifient son monopole. 13. Aux termes de l'article L. 122-4 du code de la propriété intellectuelle, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l'adaptation ou la transformation, l'arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque. Les articles L. 335-2 et L. 335-3 du même code qualifient de contrefaçon et incriminent, notamment, la reproduction d'une oeuvre de l'esprit en violation des droits de l'auteur. 14. La fondation 30 Millions d'amis fonde l'originalité des oeuvres qu'elle invoque sur des « choix créatifs », dont deux seulement sont explicités, à savoir d'une part un gros plan sur l'oeil d'un animal dans lequel se reflète un objet ou une scène, et le choix de 3 animaux précis (une jeune chienne nommée Ivory, un veau trouvé dans une ferme en Alsace, et une panthère nommée Maoni). 15. Mais, comme le soulève la défenderesse, les idées sont de libre parcours. Le fait de présenter dans l'oeuvre un oeil d'animal en gros plan dans lequel se reflète quelque chose est avant tout une idée, ou un concept, inappropriable en lui-même ; sa simple mise en oeuvre n'est pas en elle-même un choix créatif reflétant la personnalité de son auteur. La façon dont elle est appliquée dans un cas particulier peut certes relever de choix créatifs, mais au cas présent la fondation 30 millions d'amis n'allègue rien d'autre que l'idée du reflet d'une scène dans l'oeil en gros plan d'un animal ; ce qui n'est pas un choix créatif. 16. Quant au choix des trois animaux individuels représentés dans les photographies, il n'est pas davantage, en lui-même, le fruit d'un choix empreint de la personnalité de son auteur : le choix de chaque animal est expliqué selon son histoire aux fins du message de la campagne, pas selon ce que l'auteur a voulu exprimer de sa personnalité. 17. Les photographies invoquées ne sont donc, à l'évidence, pas des oeuvres de l'esprit au sens de l'article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle. Les demandes en contrefaçon de droit d'auteur (dommages et intérêts, confiscation, interdiction, destruction, publication), manifestement mal fondées, doivent par conséquent être rejetées. 2) Demandes fondées sur la concurrence déloyale ou le parasitisme 18. La concurrence déloyale, sanctionnée en application de l'article 1240 du code civil, doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce qui implique qu'un produit qui ne fait pas l'objet de droits de propriété intellectuelle puisse être librement commercialisé sous certaines conditions tenant à l'absence de faute par la création d'un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur son origine, circonstance attentatoire à l'exercice loyal des affaires. L'appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits de l'espèce prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l'imitation, l'ancienneté d'usage, l'originalité et la notoriété de la prestation copiée. 19. Le parasitisme, qui s'apprécie dans le même cadre que la concurrence déloyale dont il constitue une déclinaison mais dont la caractérisation est toutefois indépendante du risque de confusion, consiste dans le fait pour une personne physique ou morale de profiter volontairement et de façon injustifiée des investissements, d'un savoir-faire ou d'un travail intellectuel d'autrui produisant une valeur économique individualisée, et générant un avantage concurrentiel. 20. En l'espèce, la fondation 30 millions d'amis ne démontre pas avoir continué à exploiter les photographies litigieuses après sa campagne de 2016 : le seul fait que son site internet les mentionne aujourd'hui selon une capture d'écran postérieure à l'introduction de l'instance est sans portée, dès lors que la défenderesse avait préalablement produit une autre capture d'écran de la page de ce site relative aux campagnes, sur laquelle la campagne en cause n'apparaissait pas et n'était pas mentionnée. Au demeurant, le seul rappel, sur son propre site internet, d'une campagne passée, n'est pas la preuve que cette campagne est encore exploitée. 21. En toute hypothèse, la fondation 30 Millions d'amis n'allègue pas que l'exploitation qu'elle a faite de l'idée d'un reflet sur un oeil en gros plan ait été particulièrement durable (4 ans seulement, même à supposer démontrée une exploitation continue), massive, ou retentissante. Il est donc loin d'être établi que cette idée soit devenue, dans l'esprit du public, un signe distinctif associé à la fondation 30 Millions d'amis, ce qui ne saurait évidemment se déduire du seul fait qu'elle ait été la première à utiliser cette idée dans le domaine de la protection animale. Il ne peut dès lors résulter un risque de confusion dans l'esprit du public par la réutilisation de ce concept. 22. Et, pour le reste, les images et le texte qui les accompagne ne présentent pas de similitudes prêtant à confusion. 23. Aucun risque de confusion n'est ainsi caractérisé. La demande en concurrence déloyale, manifestement malfondée, est par conséquent rejetée. 24. Sur le parasitisme, les idées étant de libre parcours, le seul fait de reprendre, en le déclinant, un concept mis en oeuvre par un concurrent ne constitue pas un acte de parasitisme (Cass., 1re Civ., 22 juin 2017, no14-20.310, partie de l'arrêt sur laquelle a délibéré la chambre commerciale ; arrêt cité par la défenderesse). 25. Or il n'est reproché ici à la SPA que la reprise du concept du reflet dans l'oeil d'animal en gros plan. La demande en parasitisme, manifestement mal fondée, est par conséquent rejetée. 26. Doivent par suite être rejetées les demandes en confiscation, interdiction, destruction, et publication. 3) Dispositions finales 27. Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. L'article 700 du même code permet au juge de condamner en outre la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre, pour les frais exposés mais non compris dans les dépens, une somme qu'il détermine, en tenant compte de l'équité et de la situation économique de cette partie. 28. La fondation 30 Millions d'amis, qui perd le procès pour lequel elle n'avait formé que des demandes manifestement vouées à l'échec, est tenue aux dépens, et doit indemniser la défenderesse de l'intégralité des frais qu'elle a dû exposer indûment pour se défendre, qui peuvent être estimés à 10 000 euros. 29. Enfin, rien ne justifie d'écarter l'exécution provisoire. PAR CES MOTIFS Le tribunal, REJETTE la demande de la fondation 30 Millions d'amis en dommages et intérêts pour contrefaçon de droit d'auteur ; REJETTE ses demandes en dommages et intérêts pour concurrence déloyale et parasitisme ; REJETTE ses demandes en confiscation, interdiction, destruction et en publication du jugement ; CONDAMNE la fondation 30 Millions d'amis aux dépens (avec recouvrement par l'avocat de la SPA dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile) ainsi qu'à payer 10 000 euros à l'association Société protectrice des animaux, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; Fait et jugé à Paris le 13 Septembre 2022 Le Greffier La Présidente | x |
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JURITEXT000047304642 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/30/46/JURITEXT000047304642.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, Chambre civile 3, 13 septembre 2022, 19/08173 | 2022-09-13 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 19/08173 | CHAMBRE_CIVILE_3 | TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 3ème chambre 3ème section No RG 19/08173 - No Portalis 352J-W-B7D-CQIJE No MINUTE : Assignation du :02 et 03 juillet 2019 JUGEMENT rendu le 13 Septembre 2022 DEMANDERESSE S.A.S. E-SWIN[Adresse 6][Localité 5] représentée par Maître Virginie BERNARD de LA BRUYERE CDC, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E0436 DÉFENDEURS Monsieur [W] [X][Adresse 1][Localité 3] représenté par Maître Martial JEAN de la SELARL NABONNE-BEMMER-JEAN, avocat au barreau d'ESSONNE Monsieur [F] [V][Adresse 2][Localité 4] représenté par Maître Clémence HILLEL-MANOACH, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #C1444 et par Maître Eve-Marine BOLLECKER de la SELARL CAA, avocat au barreau de STRASBOURG, avocat plaidant COMPOSITION DU TRIBUNAL Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointeArthur COURILLON-HAVY, jugeLinda BOUDOUR, juge assistés de Lorine MILLE, greffière DEBATS A l'audience du 14 Avril 2022 tenue en audience publique avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 05 juillet 2022 et prorogé au 13 Septembre 2022. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffeContradictoireEn premier ressort EXPOSE DU LITIGE 1. La SAS E-SWIN a pour activité l'industrialisation, la fabrication et la création de tous produits et systèmes destinés aux secteurs esthétique, médical et paramédical. 2. Elle dit avoir développé en 2012 un dispositif d'optique, solution de traitement technologique utilisant le procédé de lampe flash pour traiter le syndrome de la sécheresse oculaire, dont les premiers équipements dénommés « E-EYE » ont été commercialisés à compter du 11 janvier 2013, puis essentiellement en 2015 auprès des professionnels distributeurs spécialisés dans les domaines de l'optique médicale et paramédicale (opticiens et optométristes) et plus accessoirement auprès des médecins ophtalmologues. 3. Monsieur [W] [X] et le docteur [F] [V], ophtalmologue, se présentent comme ayant mis au point le projet d'un dispositif matériel et d'un protocole permettant de traiter spécifiquement le syndrome de l'« ?il sec par dysfonctionnement des glandes de Meibomius » par une méthode douce d'utilisation de la lumière pulsée. 4. Le 4 avril 2012, Monsieur [W] [X] et Monsieur [F] [V] ont déposé une demande de brevet français no FR 2 988 998 intitulé « dispositif pour traiter le dysfonctionnement dit ‘‘de l'?il sec'' ». 5. Respectivement les 27 et 28 juin 2012, le docteur [F] [V] et Monsieur [W] [X] ont chacun conclu un protocole avec la SAS E-SWIN ayant, selon leur article 2, pour objet de « définir les conditions auxquelles les parties conviennent de coopérer, dans le domaine technique, à l'étude et au développement de l'appareil ou d'un nouvel appareil en vue, pour E-SWIN, de les fabriquer et de les commercialiser aux seuls médecins spécialistes des pathologies de l'?il ». 6. Le brevet français no FR 2 988 998, intitulé « dispositif pour traiter le dysfonctionnement dit ‘‘de l'?il sec'' », a été délivré le 26 décembre 2014. 7. Par courriers recommandés du 1er octobre 2018, la SAS E-SWIN a informé Monsieur [W] [X] et le docteur [F] [V] de ce qu'à la suite de la réorganisation du groupe E-SWIN, elle a procédé à une vérification de l'ensemble des commissions qui leur ont été versées au regard des conventions signées et n'avoir pas tenu compte par erreur que les protocoles ne concernaient que la commercialisation de l'appareil « E-EYE » aux seuls médecins spécialistes des pathologies de l'?il. Elle a précisé ne pas solliciter le remboursement des sommes versées à tort, mais imputer leur montant sur les prochaines échéances de paiement. 8. Par courrier recommandé du 5 novembre 2018, Monsieur [W] [X] a dit contester cette limitation contractuelle de la SAS E-SWIN, s'opposer à l'imputation de la somme de 57.000 euros sur sa rémunération à venir, et a sollicité un relevé certifié par expert-comptable ou commissaire aux comptes du nombre d'appareils vendus, loués et placés par zones géographiques et par canal de distribution depuis 2014. 9. Par courrier recommandé de son conseil du 26 novembre 2018, le docteur [F] [V] a contesté l'interprétation contractuelle de la SAS E-SWIN et l'a invitée à y renoncer et à le commissionner de l'intégralité des appareils ou nouvel appareil vendus, loués et placés en France et en Europe. 10. Par courriers recommandés du 15 février 2019, la SAS E-SWIN a indiqué à Monsieur [W] [X] et au docteur [F] [V] « mettre fin » aux protocoles des 27 et 28 juin 2012. 11. Par acte d'huissier du 25 février 2019, Monsieur [W] [X] a fait sommation à la SAS E-SWIN de lui communiquer les relevés trimestriels, certifiés par son expert-comptable ou son commissaire aux comptes, du nombre d'appareils vendus, loués et placés, depuis 2014, ventilés par zones géographiques et, le cas échéant, par canal de distribution en vertu de l'article 6-2 du protocole du 28 juin 2012. 12. Par courrier recommandé de son conseil du 4 mars 2019, le docteur [F] [V] a contesté la résiliation du protocole du 27 juin 2012 et sollicité à nouveau la communication d'un relevé certifié par son expert-comptable ou son commissaire aux comptes, du nombre d'appareils vendus, loués et placés à compter du 27 juin 2012, ventilé par zones géographiques et, le cas échéant, par canal de distribution en vertu de l'article 5-2 du protocole. 13. C'est dans ces circonstances que par actes d'huissier des 2 et 3 juillet 2019, la SAS E-SWIN a fait assigner Monsieur [W] [X] et Monsieur [F] [V] devant le tribunal de grande instance, devenu tribunal judiciaire, de PARIS, en répétition de l'indu. 14. Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 23 novembre 2021, la SAS E-SWIN demande au tribunal, au visa des articles 1302, 1302-1, 1303 du code civil, de l'ancien article 1131 du code civil, des anciens articles 1108, 1109, 1116, 1304 et 1382 du code civil, des articles L. 611-10, L. 611-11 et L. 613-8 du code de la propriétéŽ intellectuelle, des anciens articles L. 442-6, I, 1o et L. 442-6, III du code de commerce, de : « A titre principal, sur la répétition de l'indu : - CONDAMNER Monsieur [W] [X] a` payer a` la société E-SWIN la somme de 272.000 euros en répétition de l'indu des redevances versées entre 2015 et septembre 2018, déduction faite de la somme de 20.000 euros HT contre remise d'une facture correspondante, soit la somme de 252.000 euros ; - CONDAMNER Monsieur [F] [V] a` payer a` la société E-SWIN la somme de 133.250 euros en répétition de l'indu des redevances versées entre 2015 et septembre 2018 ; A titre subsidiaire, sur la nullité et la restitution : - ANNULER les clauses des protocoles signés le 27 juin 2012 entre E-SWIN d'une part et Monsieur [W] [X] et Monsieur [F] [V] d'autre part relatives aux rémunérations variables (redevances) ; - CONDAMNER Monsieur [W] [X] a` payer a` la société E-SWIN la somme de 272.000 euros en restitution des redevances versées entre 2015 et septembre 2018, déduction faite de la somme de 20.000 euros HT contre remise d'une facture correspondante, soit la somme de 252.000 euros ; - CONDAMNER Monsieur [F] [V] a` payer a` la société E-SWIN la somme de 133.250 euros en restitution des redevances versées entre 2015 et septembre 2018 ; En tout état de cause : - DEBOUTER Monsieur [W] [X] et Monsieur [F] [V] de toutes leurs demandes, fins et conclusions ; - ORDONNER la mainlevée de l'opposition de Monsieur [F] [V] au paiement du prix de cession du fonds de commerce de la sociétéŽ E-SWIN a` la société ESW BEAUTE ; - CONDAMNER in solidum Monsieur [F] [V] et Monsieur [W] [X] a` 50.000 euros au titre du préjudice moral subi par E-SWIN ; - CONDAMNER Monsieur [W] [X] a` payer a` la société E-SWIN la somme de 25.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; - CONDAMNER Monsieur [F] [V] a` payer a` la société E-SWIN la somme de 25.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; - CONDAMNER in solidum Monsieur [W] [X] et Monsieur [F] [V] aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SELARL LA BRUYERE CDC, avocat au barreau de Paris, conformément a` l'article 699 du code de procédure civile ». 15. Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 11 novembre 2021, Monsieur [W] [X] demande au tribunal, au visa des articles 1303 et suivants et 1134 du code civil, de : « - DECLARER la société E-SWIN irrecevable en l'intégralité de ses demandes ; - Subsidiairement, l'en DEBOUTER purement et simplement ; - DECLARER, en revanche, M. [W] [X] recevable et fondeŽ en ses demandes reconventionnelles. Y faisant droit, A titre principal : - CONDAMNER la société E-SWIN a` payer au concluant une somme de 235.000 euros correspondant aux rémunérations éludées arrêtée au 15 mai 2019 ; - CONDAMNER la société E-SWIN a` payer au concluant une somme de 3.000.000 euros au titre de la perte du gain prévisible de percevoir sa rémunération contractuelle sur l'Appareil et le Nouvel Appareil et tout autre Nouvel Appareil jusqu'au terme du protocole. A titre subsidiaire, si le tribunal retenait la nullitéŽ de la convention ou l'existence d'un indu : - CONDAMNER la société E-SWIN a` payer au concluant une somme de 12.000.000 euros au titre de son enrichissement sans cause au préjudice du concluant. En tout état de cause : - DEBOUTER la société E-SWIN de l'intégralitéŽ de ses demandes, singulièrement financières, a` l'égard du concluant ; - CONDAMNER la société E-SWIN a` payer au concluant une somme de 50.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; - La CONDAMNER en tous les dépens ; - ORDONNER l'exécution provisoire ». 16. Par dernières conclusions signifiées par voie électronique le 9 novembre 2021, Monsieur [F] [V] demande au tribunal, au visa des articles 1109 et 1116 anciens du code civil, de l'article 1117 ancien du code civil, de l'article 1134 ancien du code civil, de l'article 1147 ancien du code civil, des articles 1231-1 et suivants du code civil, de l'article 1137 du code civil, de l'ancien article 1304 du code civil, de l'article 32 du code de procédure civile, de : « - DECLARER l'action fondée sur le dol irrecevable comme étant prescrite ; - DECLARER infondées en droit et/ou fait l'intégralité des demandes de la société E-SWIN. A titre reconventionnel, - CONDAMNER la socieŽteŽ E-SWIN au paiement de 82.750 euros au Docteur [V] au titre des commissions qui auraient du^ e^tre percžues au titre de la peŽriode allant du 27 juin 2012 au 31 août 2015 ; - CONDAMNER la socieŽteŽ E-SWIN au paiement de 69.375 euros au Docteur [V] au titre des commissions qui auraient du^ e^tre percžues au titre de la peŽriode allant du 1er juillet 2018 au 15 mai 2019 ; - CONDAMNER la socieŽteŽ E-SWIN au paiement de 1.225.000 euros a` parfaire au Docteur [V] a` titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la résiliation fautive du protocole conclu le 27 juin 2012 ; - CONDAMNER la socieŽteŽ E-SWIN au paiement de 15.000 euros au Docteur [V] a` titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du caractère abusif de la présente procédure. En tout état de cause, - CONDAMNER la socieŽteŽ E-SWIN au paiement de 8.000 euros au Docteur [V] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ; - ORDONNER l'exécution provisoire du jugement a` venir ». 17. L'ordonnance de clôture a été rendue le 25 novembre 2021. 18. Les parties ayant régulièrement constitué avocat, le présent jugement, rendu en premier ressort, sera contradictoire en application de l'article 467 du code de procédure civile. MOTIFS DE LA DÉCISION Sur les demandes principales en répétition de l'indu Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription 19. Monsieur [W] [X] soulève la prescription de l'action en répétition de l'indu en ce que la SAS E-SWIN avait déjà connaissance lors de la signature du protocole le 28 juin 2012 de ce qu'elle ne disposait pas d'une licence de brevet, lequel a par ailleurs été délivré le 26 décembre 2014 soit plusieurs années après la signature du contrat, et qu'elle avait connaissance au plus tard à la date du début de la commercialisation de l'appareil E-EYE, le 11 janvier 2013, de ce qu'elle n'exploitait pas le brevet. 20. La SAS E-SWIN répond que la prescription de 5 ans ne fait pas obstacle à sa demande de remboursement des redevances versées depuis 2015 dès lors que l'action a été intentée le 3 juillet 2019 et que le point de départ du délai de prescription de l'action en répétition de l'indu ne peut être antérieur au paiement. SUR CE, 21. Aux termes de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. 22. L'article 2224 du code civil dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. 23. L'action en répétition de l'indu, quelle que soit la source du paiement indu, se prescrit selon le délai de droit commun applicable, à défaut de disposition spéciale, aux quasi-contrats (Cass. 2e civ., 4 juillet 2013, no12-17.427), et ne peut être utilement engagée qu'à compter de la date où le paiement est devenu indu (Cass. 3e civ., 31 mai 2007, no06-13.224). 24. En l'espèce, la demande en répétition de l'indu formée par la SAS E-SWIN porte sur les paiements effectués à Monsieur [W] [X] sur la période de juillet 2015 à septembre 2018. 25. L'assignation ayant été délivrée au défendeur le 2 juillet 2019, soit avant l'expiration du délai de prescription quinquennal dont le point de départ est la date de chacun des paiements prétendument indus dont la répétition est sollicitée, la demande n'est pas prescrite. La SAS E-SWIN est donc recevable en sa demande. Sur la répétition de l'indu 26. La SAS E-SWIN expose avoir versé aux défendeurs pendant plusieurs années et sans aucune contrepartie des redevances de licence de brevet tandis que les protocoles ne prévoient pas de licence de la demande de brevet, que ces derniers ne lui ont pas consenti de licence du brevet français no FR 2 988 998 et qu'elle n'a pas exploité le brevet selon une consultation du cabinet de conseil en propriété industrielle PLASSERAUD du 8 novembre 2019. Elle ajoute que l'invention visée dans ce brevet n'a été protégée qu'en France et ne pouvait donc pas donner lieu au paiement de redevances pour la commercialisation de produits en dehors de la France, que seules les ventes aux médecins spécialistes des pathologies de l'?il donnaient lieu à rémunération et que bien qu'elle ne nie pas leur implication dans le développement de l'appareil E-EYE en 2012, les défendeurs ne démontrent pas leur implication dans sa commercialisation qui aurait pu justifier le versement de la rémunération variable. 27. Monsieur [W] [X] et Monsieur [F] [V] répondent que la SAS E-SWIN tente de requalifier les contrats, que les protocoles ne constituent pas une licence de brevet mais un contrat de coopération tel qu'énoncé à l'article 2 « OBJET DU CONTRAT », que la SAS E-SWIN ne s'est pas engagée à payer des commissions sans contrepartie, que la rémunération variable est la contrepartie de l'apport de leurs connaissances et de leur savoir-faire pour le développement de l'appareil E-EYE en amont de sa fabrication et de sa commercialisation par la SAS E-SWIN, que l'exploitation de leur savoir-faire a permis à la SAS E-SWIN de pénétrer le marché des traitements de pathologies ophtalmiques, que la consultation du cabinet de conseil en propriété industrielle PLASSERAUD du 8 novembre 2019 ne démontre pas l'absence d'exploitation de leur savoir-faire mais indique seulement que l'appareil E-EYE ne reproduirait pas les revendications 6, 9 et 11 du brevet français no FR 2 988 998. SUR CE, 28. L'article 1302 du code civil dispose que tout paiement suppose une dette ; ce qui a été reçu sans être dû est sujet à restitution. La restitution n'est pas admise à l'égard des obligations naturelles qui ont été volontairement acquittées. 29. Aux termes de l'article 1302-1 du code civil, celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit la restitution à celui de qui il l'a indûment reçu. 30. Selon l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention. 31. C'est au demandeur en restitution des sommes qu'il prétend avoir indûment payées qu'il incombe de prouver le caractère indu du paiement (Cass. 1re civ., 16 novembre 2004, no01-17.182). 32. En l'espèce, l'article 2 « OBJET DU CONTRAT » de chacun des protocoles des 27 et 28 juin 2012 (pièces E-SWIN no3 et 6) stipule : « Le présent contrat a pour objet de définir les conditions auxquelles les parties conviennent de coopérer, dans le Domaine technique, à l'étude et au développement de l'Appareil ou d'un Nouvel appareil en vue, pour E-SWIN, de les fabriquer et de les commercialiser aux seuls médecins spécialistes des pathologies de l'?il ». 33. Les protocoles précisent à l'article 1 « DEFINITIONS » que : « 1.2 – Domaine technique recouvre l'ensemble des opérations d'ordre technologique (acquisition de connaissances techniques, analyses théoriques, études et expérimentations, y compris la production expérimentale et les tests techniques ou cliniques de produits ou de procédés ou matériels) nécessaires à la conception et au développement de l'Appareil ou d'un Nouvel Appareil, ainsi que la mise au point de ses méthodes de fabrication et/ ou de contrôle ». 34. L'article 3 « PROPRIETE INTELLECTUELLE » desdits protocoles stipule que : « 3.1 – Chaque partie conservera la propriété exclusive et personnelle des Connaissances antérieures lui appartenant en propre. En particulier, la Demande de Brevet co-déposée par le Médecin et [W] [X] et les droits qui pourraient en découler ne sauraient être altérés par le présent protocole ». 35. L'article 6 « PRESTATIONS DU MEDECIN » du protocole du 27 juin 2012 conclu avec le Docteur [F] [V] stipule :« 5-1 Réalisation d'une Etude Le Médecin fournira à la société E-SWIN, sous la forme d'un rapport, une étude (ci-après l'« Etude » relative à l'utilisation thérapeutique de l'Appareil pour le traitement du dysfonctionnement dit de « l'?il sec » dans sa forme d'atteinte cornéenne par déficit de la couche lipidique lacrymale, faisant plus particulièrement apparaître :Les moyens actuellement les plus couramment utilisés pour le traitement de l'?il sec ;Les avantages et inconvénients de ces traitements ;Les apports du traitement de l'?il sec par lampe flash ;Les avantages et les inconvénients de ce type de procédé ;Les contre-indications de ce type de traitement ;Les résultats constatés par l'usage de ce type de traitement ;Les forces et les faiblesses de l'Appareil dans le traitement ;Les préconisations pour que l'Appareil soit en mesure de traiter l'?il sec dans les meilleures conditions d'efficacité et de sécurité des patients.Les études et notes établies par le Médecin seront la propriété exclusive de la société E-SWIN. En conséquence, le Médecin s'interdit d'utiliser, à titre personnel, ou professionnel, quel qu'en soit l'usage ou la destination, les éléments et informations qui ont été portés à sa connaissance par la société E-SWIN pour la réalisation de l'Etude, comme l'étude elle-même, notamment dans la perspective d'une publication professionnelle ou scientifique, sauf accord écrit et préalable de la société E-SWIN.Le Médecin ne pourra en aucun cas sous-traiter tout ou partie de la réalisation de l'Etude.Le Médecin devra avoir remis l'Etude à la société E-SWIN, au plus tard le 30/06/212.La société E-SWIN se réserve la faculté de compléter l'Etude ou réaliser une Etude concurrente par toute personne de son choix, sous réserve, dans cette hypothèse, d'identifier, dans toute publication ultérieure les conclusions relevant de chacune des Etudes concurrentes en faisant apparaître le nom de son auteur. 5-2 Rémunération du Médecin5.2.1 En contrepartie de l'Etude que le Médecin aura réalisé et dont il communiquera un rapport circonstancié à la société E-SWIN, le Médecin percevra une rémunération de 10.000 euros à titre d'honoraire.5.2.2 En outre, et en contrepartie de l'usage par E-SWIN de la demande de brevet déposée comme dit en EXPOSE, le Médecin percevra une rémunération complémentaire égale à 250 € pour chaque Appareil ou Nouvel Appareil vendu, loué ou placé en France et en Europe par E-SWIN ou toute entité à qui E-SWIN pourrait en concéder la commercialisation ou concéder une licence de fabrication et de vente des Appareils.Le versement de cette redevance ne cessera pas si la Demande de Brevet ne pouvait aboutir pour une raison indépendante de la volonté du Médecin et de la Partie intervenante.Dans ce cas la redevance sera alors considérée comme portant sur le savoir-faire transmis.Monsieur [W] [X] intervient aux présentes pour consentir à ces dispositions et fera son affaire de conclure, en ce qui le concerne, un accord séparé avec E-SWIN à ce sujet.Cette rémunération sera calculée par trimestre civil et sera versée au plus tard le 15 du mois suivant le trimestre civil considéré. A cet effet, la société E-SWIN communiquera au Médecin, en même temps que le règlement, un relevé faisant apparaître le nombre d'Appareils vendus, loués et placés au cours du trimestre considéré, ventilé par zones géographiques et, le cas échéant, par canal de distribution.Sur demande expresse du Médecin, E-SWIN devra communiquer un relevé certifié par l'Expert-Comptable ou le commissaire aux Comptes de la société E-SWIN ». 36. L'article 6 « PRESTATIONS DE L'APPORTEUR » du protocole du 28 juin 2012 conclu avec Monsieur [W] [X] stipule : « 6-1 Nature des prestations de l'Apporteur :- L'Apporteur s'est mis en rapport avec E-SWIN en vue d'explorer une possible collaboration dans le domaine du traitement de l'?il sec par lampe flash. Un accord de confidentialité bilatéral signé entre les parties en juin 2011 a formalisé cette phase.- En collaboration avec le Médecin, il a défini les caractéristiques souhaitables de la pulsation lumineuse émise par l'Appareil.- Il s'est assuré du bon déroulement de l'essai clinique avec le Médecin en vue de la rédaction d'une étude montrant l'efficacité de la méthode sur un nombre significatif de patients.- Il collabore à la mise en forme des résultats des essais cliniques initiaux.- Il informe E-SWIN des remarques et suggestions d'améliorations de l'Appareil.- Il définit avec le Médecin le protocole opératoire ainsi que la forme et la nature du couplant optique interface entre l'Appareil et la peau du Patient.- Il peut être amené à participer, à la demande et aux frais de E-SWIN et dans la mesure de ses disponibilités, aux évènements et congrès médicaux destinés à promouvoir les ventes de l'Appareil. 6-2 Rémunération de l'ApporteurEn contrepartie de son intervention et de l'usage par E-SWIN de la Demande de Brevet, l'Apporteur percevra un montant de 500 euros Hors Taxes pour chaque Appareil ou Nouvel Appareil vendu, loué ou placé par E-SWIN ou toute entité à qui E-SWIN pourrait concéder la commercialisation ou concéder une licence de fabrication et de vente des Appareils.Le versement de cette redevance ne cessera pas si la Demande de Brevet ne pouvait aboutir pour une raison indépendante de la volonté de l'Apporteur.Dans ce cas la redevance sera alors considérée comme portant sur le savoir-faire transmis.Cette rémunération sera calculée par trimestre civil et sera versée au plus tard le 15 du mois suivant le trimestre civil considéré. A cet effet, la société E-SWIN communiquera à l'Apporteur, en même temps que le règlement, un relevé faisant apparaître le nombre d'Appareils vendus, loués et placés au cours du trimestre considéré, ventilé par zones géographiques et, le cas échéant, par canal de distribution.Sur demande expresse de l'Apporteur, E-SWIN devra communiquer un relevé certifié par l'Expert-Comptable ou le commissaire aux Comptes de la société E-SWIN ». 37. Dès lors, contrairement à ce qu'affirme la SAS E-SWIN, il ressort des stipulations contractuelles, notamment de l'article 2 « OBJET DU CONTRAT », que les protocoles constituent des contrats de coopération avec Monsieur [W] [X] et Monsieur [F] [V], lesquels apportent leurs connaissances et leur savoir-faire dont ceux de la demande de brevet français no FR 2 988 998 intitulé « dispositif pour traiter le dysfonctionnement dit ‘‘de l'?il sec'' » sans toutefois en concéder une licence, en vue du développement d'un appareil, en l'occurrence l'appareil E-EYE, moyennant le versement d'une rémunération variable appelée « redevance » pour chaque appareil vendu, loué et placé par elle. La SAS E-SWIN ne peut donc prétendre avoir indûment payé des redevances d'une licence de brevet qui ne lui a pas été concédée, ce d'autant que l'article 3.1 « PROPRIETE INTELLECTUELLE » des protocoles stipule expressément que « la Demande de Brevet co-déposée par le Médecin et [W] [X] et les droits qui pourraient en découler ne sauraient être altérés par le présent protocole ». 38. Son moyen tiré de ce qu'elle n'a pas exploité le brevet français no FR 2 988 998 délivré le 26 décembre 2014 est également inopérant dès lors qu'aucune licence de brevet ne lui a été concédée et que, comme l'indiquent les défendeurs, la consultation du 8 novembre 2019 qu'elle verse aux débats (sa pièce no11), réalisée à sa demande par le cabinet de conseil en propriété industrielle PLASSERAUD, n'exclut pas l'usage de leur savoir-faire pour le développement de l'appareil E-EYE mais se borne à indiquer que l'appareil E-EYE « ne semble pas reproduire au moins les revendications 1 et 6 à 11 du brevet », étant observé que cette consultation est silencieuse s'agissant d'une éventuelle reproduction des revendications 2, 3, 4 et 5 du brevet. 39. Quant au caractère prétendument indu des redevances versées pour les ventes de l'appareil E-EYE à d'autres acheteurs que « les médecins spécialistes des pathologies de l'?il » visés à l'article 2 « OBJET DU CONTRAT » et les ventes réalisées hors France, force est de constater que la SAS E-SWIN, à laquelle incombe la charge de la preuve, n'identifie pas les redevances litigieuses, aucun décompte des ventes ventilé par catégories d'acheteurs n'étant produit, et n'établit pas davantage avoir versé des redevances pour des ventes autres qu'aux médecins spécialistes des pathologies de l'?il. 40. Par ailleurs, les stipulations contractuelles ne cantonnent pas les redevances aux ventes d'appareils réalisées uniquement sur le territoire français. Au contraire, l'article 5-2 « Rémunération du médecin » du protocole du 27 juin 2012 conclu avec Monsieur [F] [V] stipule que « le Médecin percevra une rémunération complémentaire égale à 250 € pour chaque Appareil ou Nouvel Appareil vendu, loué ou placé en France et en Europe par E-SWIN » ; et l'article 6-2 « Rémunération de l'apporteur » du protocole du 28 juin 2012 conclu avec Monsieur [W] [X] stipule que « l'Apporteur percevra un montant de 500 € Hors Taxes pour chaque Appareil ou Nouvel Appareil vendu, loué ou placé par E-SWIN », et vise donc les ventes sans distinction territoriale, ce qui est corroboré par l'alinéa suivant du même article qui stipule qu'« à cet effet, la société E-SWIN communiquera à l'Apporteur, en même temps que le règlement, un relevé faisant apparaître le nombre d'Appareils vendus, loués et placés au cours du trimestre considéré, ventilé par zones géographiques ». 41. Au vu de l'ensemble de ces éléments, la SAS E-SWIN sera en conséquence déboutée de ses demandes principales en répétition de l'indu. Sur les demandes subsidiaires en nullité pour dol Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription 42. Monsieur [W] [X] soulève la prescription de la demande subsidiaire en nullité pour dol de la clause du protocole du 28 juin 2012 relative à sa rémunération en ce que la SAS E-SWIN avait déjà connaissance lors de la signature du protocole qu'il ne lui conférait pas une licence de brevet, lequel a été délivré postérieurement le 26 décembre 2014, qu'elle a eu connaissance des travaux du docteur [C] dès l'étude du 25 avril 2012 transmise par Monsieur [F] [V] et avait d'ailleurs mis en avant les différences entre l'appareil QUADRA Q4 de DERMAMED SOLUTIONS utilisé par le docteur [C] et son appareil E-EYE lors de sa présentation aux distributeurs. 43. Monsieur [F] [V], qui soulève également la prescription de cette demande, ajoute que le contrat a reçu exécution. 44. La SAS E-SWIN répond sa demande en nullité pour dol n'est pas prescrite dès lors que « le point de départ de la prescription n'a commencé à courir qu'à compter du 26 décembre 2014, date à partir de laquelle Monsieur [X] et Monsieur [V] auraient pu consentir à E-SWIN une licence de brevet ou une licence de savoir-faire, ce qui ne s'est pas produit ». SUR CE, 45. Aux termes de l'article 1144 du code civil, le délai de l'action en nullité ne court, en cas d'erreur ou de dol, que du jour où ils ont été découverts et, en cas de violence, que du jour où elle a cessé. 46. L'article 2224 du code civil dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. 47. La prescription quinquennale de l'action en nullité pour dol a pour point de départ le jour où le contractant a découvert l'erreur qu'il allègue (Cass. 1re civ., 11 septembre 2013, no12-20.816). 48. En l'espèce, la SAS E-SWIN allègue un vice du consentement pour dol en ce que les défendeurs ne lui ont pas concédé de licence de brevet, ce dont elle avait déjà connaissance au jour de la signature des protocoles les 27 et 28 juin 2012 dont elle sollicite la nullité de la clause de rémunération, et ne l'a pas découvert à la date de délivrance du brevet FR 2988998 le 26 décembre 2014. 49. De même qu'il ressort des pièces versées aux débats que la SAS E-SWIN avait à tout le moins connaissance des travaux du docteur [P] [C], prétendument destructeurs de nouveauté de l'utilisation de la technologie IPL pour le traitement de la maladie de l'?il sec, dès l'étude du 25 avril 2012 que lui a remis le docteur [F] [V] (sa pièce no6.1), soit antérieurement à la signature des protocoles. 50. Ses demandes subsidiaires en nullité pour dol ayant été formées pour la première fois dans ses conclusions no2 notifiées par voie électronique le 14 septembre 2021, celles-ci prescrites, y compris dans l'hypothèse d'un point de départ du délai de prescription quinquennal à la date de délivrance du brevet le 26 décembre 2014 tel qu'allégué par la SAS E-SWIN. 51. En conséquence, la SAS E-SWIN sera déclarée irrecevable en ses demandes subsidiaires en nullité pour dol des clauses de rémunération stipulées aux protocoles conclus les 27 et 28 juin 2012 avec Monsieur [F] [V] et Monsieur [W] [X]. Sur la demande de mainlevée de l'opposition 52. Dans le dispositif de ses conclusions, la SAS E-SWIN demande au tribunal d'« ordonner la mainlevée de l'opposition de Monsieur [F] [V] au paiement du prix de cession du fonds de commerce de la société E-SWIN à la société ESW BEAUTE ». 53. Monsieur [F] [V] ne répond pas sur ce point. SUR CE, 54. Conformément à l'article 768 du code de procédure civile, les écritures des parties doivent formuler expressément les prétentions des parties ainsi que les moyens en fait et en droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée. Le tribunal ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières conclusions et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion. 55. En l'espèce, dans la partie discussion de ses conclusions, la SAS E-SWIN n'invoque aucun fondement textuel et n'expose aucun moyen en droit au soutien de sa demande de mainlevée de l'opposition formée par Monsieur [F] [V] au paiement du prix de cession du fonds de commerce de la SAS E-SWIN à la SAS ESW BEAUTY, laquelle sera en conséquence rejetée. Sur la demande indemnitaire pour préjudice moral 56. La SAS E-SWIN soutient avoir subi un « préjudice moral du fait de l'atteinte à la réputation qu'elle subit et des soucis et inquiétudes pour la pérennité de l'exploitation de l'équipement E-EYE, causés par les menaces et mensonges des défendeurs ». 57. Les défendeurs contestent l'existence d'un quelconque préjudice moral subi par la SAS E-SWIN. SUR CE, 58. L'article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. 59. Aux termes de l'article 1241 du code civil, chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence. 60. En l'espèce, tandis que la charge de la preuve lui incombe, la SAS E-SWIN, qui procède par voie d'affirmation dans ses écritures, n'établit ni la faute des défendeurs ni le préjudice moral qu'elle allègue, et sera en conséquence déboutée de sa demande indemnitaire. Sur les demandes reconventionnelles 61. Monsieur [W] [X] soutient que des rémunérations lui restent dues en exécution du protocole depuis le troisième trimestre de l'année 2018, que sa rémunération est fixée par le protocole sans considération de la personne à laquelle l'appareil est vendu, de sorte qu'il a droit à une rémunération pour tout appareil vendu dans le monde entier à tous les professionnels, qu'en dépit d'une sommation de communiquer signifiée par huissier la SAS E-SWIN n'a pas produit les décomptes trimestriels conformément au protocole, que la résiliation unilatérale du protocole par la SAS E-SWIN est fautive car de pure convenance et ne formule aucun reproche à son égard, et que cette dernière doit donc indemniser son préjudice relevant d'une perte de chance de percevoir cette rémunération qu'il évalue à la somme de 3.000.000 euros sur une base de 300 appareils par an sur les 14 prochaines années. 62. Monsieur [F] [V] fait valoir que des commissions lui sont encore dues en application du protocole sur la période du 1er juillet 2018 au 15 mai 2019 et sur la période du 27 juin 2012 au 31 août 2015, que la résiliation unilatérale du protocole par la SAS E-SWIN est fautive, qu'il subit un préjudice à hauteur de la somme de 1.225.000 euros à parfaire sur une base de 350 appareils par an au titre des 14 années restant à courir. Il invoque également le caractère abusif de la procédure engagée par la SAS E-SWIN. 63. La SAS E-SWIN répond que les rémunérations de Monsieur [W] [X] et Monsieur [F] [V], manifestement disproportionnées par rapport à la valeur des services rendus, justifient la résiliation anticipée des protocoles « même si cela n'est pas mentionné dans les lettres de résiliation », et conteste tant leur chiffrage des redevances restant dues que leur évaluation du préjudice de perte de chance. SUR CE, Sur la résiliation unilatérale fautive des protocoles 64. Aux termes de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable au présent litige, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi. 65. L'article 1147 du code civil, dans sa rédaction applicable au présent litige, dispose que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part. 66. Selon l'article 1212 alinéa 1er du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016, lorsque le contrat est conclu pour une durée déterminée, chaque partie doit l'exécuter jusqu'à son terme (déjà en ce sens, Cass. com. 12 novembre 1996, no94-14.329). 67. En l'espèce, l'article 9 « DUREE » de chacun des protocoles des 27 et 28 juin 2012 stipule :« 9.1 – Le présent contrat entrera en vigueur dès sa signature par la dernière des parties à le signer.9.2 – Sauf résiliation anticipée, il durera jusqu'au vingtième anniversaire de la mise sur le marché de l'Appareil, puis se renouvellera ensuite par tacite reconduction, par périodes successives d'un an, sauf dénonciation par l'une ou l'autre des parties, par lettre recommandée avec avis de réception, trois mois au moins avant le terme de la période de reconduction en cours.9-3 – Si l'une des parties vient à défaillir dans l'exécution de l'une quelconque de ses obligations au titre du présent contrat, et si cette défaillance n'est imputable ni à un cas de force majeure indépendant de sa volonté, ni à une faute de l'autre partie, elle sera tenue de dédommager cette autre partie du préjudice résultant pour elle de cette défaillance, et le présent contrat pourra être résilié de plein droit par la partie lésée, trois mois après mise en demeure par lettre recommandée avec avis de réception restée sans effet, chacune des parties retrouvant alors son entière liberté ». 68. Chacune des lettres de résiliation en date du 15 février 2019 adressées par la SAS E-SWIN à Monsieur [F] [V] et Monsieur [W] [X] est rédigée comme suit : « Monsieur,Conformément aux dispositions de l'article 9 du contrat qui nous lie, en date du 27 juin 2012 [28 juin 2012 s'agissant de M. [X]], nous vous notifions par la présente notre décision de mettre fin à la convention qui nous lie.Cette convention prendra définitivement fin à l'issue du délai de prévenance de trois mois qui commencera à courir à la date de la première présentation de la présente.Jusqu'à la date d'expiration de la convention, nous vous adresserons le décompte de la rémunération convenue dans le respect des conditions contractuelles et tout particulièrement l'article 2 de la convention. Le règlement vous sera fait dès réception de votre accord.Nous vous prions de croire, Monsieur à l'assurance de ma considération distinguée ». 69. Dès lors, aucune des lettres de résiliation du 15 février 2019 ne vise une quelconque inexécution contractuelle des défendeurs et aucune d'elles n'est précédée d'une mise en demeure par lettre recommandée avec avis de réception demeurée infructueuse pendant trois mois conformément à l'article 9-3 des protocoles. Les lettres n'indiquent d'ailleurs aucun motif de résiliation. Cette résiliation unilatérale en violation des stipulations contractuelles est constitutive d'une faute de la SAS E-SWIN engageant sa responsabilité contractuelle sur le fondement de l'article 1147 du code civil dans sa rédaction applicable au présent litige. 70. Cette faute cause un préjudice à Monsieur [W] [X] et Monsieur [F] [V] résultant d'une perte de chance de percevoir, postérieurement au 15 mai 2019 eu égard au délai de préavis de trois mois, les redevances futures contractuellement convenues jusqu'au 20ème anniversaire de la mise sur le marché de l'appareil, soit jusqu'au 11 janvier 2033, étant précisé que le préjudice subi ne peut être mesuré qu'à la chance perdue sans pouvoir être égal à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée. 71. Il ressort des chiffres de ventes par zones géographiques dont dispose le tribunal jusqu'au 30 juin 2021 (pièces E-SWIN no13 et 13-1), la clôture ayant été prononcée le 25 novembre 2021, que 88 appareils ont été vendus en Europe (dont France) et 372 ont été vendus dans le monde (hors Europe) sur la période du 16 mai 2019 au 30 juin 2021, correspondant alors à des redevances à hauteur de la somme de 22.000 euros pour Monsieur [F] [V] et la somme de 230.000 euros pour Monsieur [W] [X]. 72. Pour la période postérieure, à compter du 1er juillet 2021, il convient d'effectuer une moyenne des années pré-covid 2018-2019, de lui appliquer une décote de 30% annuelle pour tenir compte de la progressive obsolescence de l'appareil eu égard aux évolutions technologiques, cette baisse des ventes s'observant déjà dans les années passées. Cela permet d'estimer la perte de chance d'obtenir des redevances sur les ventes de l'appareil jusqu'à la fin prévisible de sa commercialisation, que cette évolution permet de retenir à l'année 2026 inclus pour l'Europe et l'année 2027 inclus pour le monde (hors Europe). 73. Cette perte de chance correspond alors aux redevances sur la vente de 185 appareils en Europe et la vente de 306 appareils dans le monde (hors Europe), soit la somme de 46.250 euros pour Monsieur [F] [V], et la somme de 245.500 euros pour Monsieur [W] [X]. De sorte que, en additionnant avec les redevances pour la période antérieure au 1er juillet 2021, le préjudice total de Monsieur [F] [V] s'élève à la somme de 68.250 euros et celui de Monsieur [W] [X] à la somme de 475.500 euros. La SAS E-SWIN sera en conséquence condamnée au paiement de ces sommes à titre de dommages et intérêts. Sur le paiement des redevances restant dues 74. Selon l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation. 75. Tandis que sa lettre de résiliation unilatérale est en date du 15 février 2019 avec un délai de préavis de trois mois, la SAS E-SWIN n'établit pas avoir versé des redevances à Monsieur [W] [X] et Monsieur [F] [V] postérieurement au 29 août 2018, ce qu'elle ne conteste pas au demeurant et ressort tant de son décompte des redevances versées que des notes de frais et quittances établies par les défendeurs (ses pièces no5, 8 et 9). 76. Par ailleurs, le tribunal constate qu'en dépit des courriers recommandés et sommation par acte d'huissier qui lui ont été adressés par les défendeurs antérieurement à la présente instance, la SAS E-SWIN n'a jamais communiqué, y compris en cours de procédure, les relevés trimestriels du nombre d'appareils vendus, loués et placés, ventilés par zones géographiques, et le cas échéant, par canal de distribution conformément aux articles 5.2 et 6.2 des protocoles. 77. Dès lors, la SAS E-SWIN a elle-même manqué à ses deux obligations contractuelles. 78. En outre, il ressort des attestations de Monsieur [I] [E], expert-comptable de la SAS E-SWIN (ses pièces no13 et 13-1) que le nombre d'appareils E-EYE vendus par zones géographiques entre le 1er janvier 2018 et le 15 mai 2019 est le suivant :- année 2018 : 100 ventes en Europe (dont 2 en France) et 219 ventes dans le monde (hors Europe), étant précisé que seront déduites les 72 ventes d'appareils ayant déjà fait l'objet d'un paiement de redevances au 29 août 2018 selon les notes d'honoraires et quittances établies par les défendeurs (pièces E-SWIN no8 et 9) ;- du 1er janvier au 15 mai 2019 : 32 ventes en Europe (dont 0 en France) et 86 ventes dans le monde (hors Europe). 79. Au regard des stipulations contractuelles de l'article 5.2 « Rémunération du médecin » du protocole du 27 juin 2012 conclu avec Monsieur [F] [V] et de l'article 6.2 « Rémunération de l'apporteur » du protocole du 28 juin 2012 conclu avec Monsieur [W] [X], les redevances leur restants dues sur la période du 30 août 2018 au 15 mai 2019 s'élèvent à :- la somme totale de 15.000 euros pour Monsieur [F] [V] pour les ventes de l'appareil E-EYE en Europe (dont France) ;- la somme totale de 182.500 euros hors taxes pour Monsieur [W] [X] pour les ventes de l'appareil E-EYE dans le monde (dont Europe) dès lors que les stipulations du protocole ne cantonnent pas sa rémunération à une zone géographique à la différence de Monsieur [F] [V]. 80. En revanche Monsieur [F] [V], qui procède par voie d'affirmation dans ses écritures tandis que la charge de la preuve lui incombe conformément à l'article 1353 alinéa 1 du code civil, n'est pas fondé à solliciter également le paiement de la différence entre le nombre d'appareils effectivement vendus de 2013 à 2015 et les quantités minimales mentionnées à l'article 5 « clause de quota » du protocole du 27 juin 2012 dès lors que l'obligation de paiement qu'il allègue ne résulte d'aucune stipulation contractuelle du protocole, pas même de l'article 6-2 « Rémunération du médecin ». Cet article 5 « clause de quota » ne prévoit qu'une faculté de résiliation du protocole si les quantités minimales de ventes, locations ou placements de l'appareil n'étaient pas atteintes par la SAS E-SWIN. Sa demande reconventionnelle en paiement sera donc rejetée. Sur la procédure abusive 81. L'article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. 82. Aux termes de l'article 1241 du code civil, chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence. 83. Le droit d'agir en justice dégénère en abus constitutif d'une faute au sens de l'article 1240 du code civil lorsqu'il est exercé en connaissance de l'absence totale de mérite de l'action engagée, ou par une légèreté inexcusable, obligeant le défendeur à se défendre contre une action que rien ne justifie sinon la volonté d'obtenir ce que l'on sait indu, une intention de nuire, ou une indifférence totale aux conséquences de sa légèreté. 84. La résiliation unilatérale fautive du protocole du 27 juin 2012 sans aucun motif, suivie d'une action en justice manifestement vouée à l'échec, caractérise un abus constitutif d'une faute causant un préjudice moral à Monsieur [F] [V], distinct du préjudice matériel résultant de la nécessité d'exposer des frais pour se défendre, qu'il convient de réparer à hauteur de la somme de 2.000 euros. Sur les demandes accessoires Sur les dépens 85. Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge de l'autre partie. 86. La SAS E-SWIN, qui succombe à l'instance, sera condamnée aux dépens. Sur l'article 700 du code de procédure civile 87. L'article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a lieu à condamnation. 88. En l'espèce, l'équité commande de condamner la SAS E-SWIN à payer à Monsieur [W] [X] et Monsieur [F] [V] la somme de 5.000 euros chacun en application de l'article 700 du code de procédure civile. Sur l'exécution provisoire 89. Aux termes de l'article 515 du code de procédure civile, dans sa rédaction applicable au présent litige, hors les cas où elle est de droit, l'exécution provisoire peut être ordonnée, à la demande des parties ou d'office, chaque fois que le juge l'estime nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire, à condition qu'elle ne soit pas interdite par la loi. Elle peut être ordonnée pour tout ou partie de la condamnation. 90. En l'espèce, l'exécution provisoire, nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire, sera ordonnée. PAR CES MOTIFS Le tribunal, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort, DECLARE la SAS E-SWIN recevable en sa demande principale en répétition de l'indu formée à l'encontre de Monsieur [W] [X] ; DEBOUTE la SAS E-SWIN de ses demandes principales en répétition de l'indu formées à l'encontre de Monsieur [W] [X] et Monsieur [F] [V] ; DECLARE la SAS E-SWIN irrecevable en ses demandes subsidiaires en nullité pour dol des clauses de rémunération stipulées aux protocoles des 27 et 28 juin 2012 ; DEBOUTE la SAS E-SWIN de sa demande de « mainlevée de l'opposition de Monsieur [F] [V] au paiement du prix de cession du fonds de commerce de la société E-SWIN à la société ESW BEAUTE » ; DEBOUTE la SAS E-SWIN de sa demande indemnitaire pour préjudice moral ; CONDAMNE la SAS E-SWIN à payer à Monsieur [F] [V] la somme de 15.000 euros au titre des redevances restant dues au 15 mai 2019 ; CONDAMNE la SAS E-SWIN à payer à Monsieur [W] [X] la somme de 182.500 euros hors taxes au titre des redevances restant dues au 15 mai 2019 ; CONDAMNE la SAS E-SWIN à payer à Monsieur [F] [V] la somme de 68.250 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice résultant de la résiliation unilatérale fautive du protocole du 27 juin 2012 ; CONDAMNE la SAS E-SWIN à payer à Monsieur [W] [X] la somme de 475.500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice résultant de la résiliation unilatérale fautive du protocole du 28 juin 2012 ; CONDAMNE la SAS E-SWIN à payer à Monsieur [F] [V] la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ; DEBOUTE Monsieur [F] [V] de sa demande reconventionnelle en paiement de redevances sur la période du 27 juin 2012 au 31 août 2015 ; CONDAMNE la SAS E-SWIN à payer à Monsieur [W] [X] et Monsieur [F] [V] la somme de 5.000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; CONDAMNE la SAS E-SWIN aux dépens ; ORDONNE l'exécution provisoire de la présente décision. Fait et jugé à Paris le 13 Septembre 2022 La Greffière La Présidente | x |
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JURITEXT000047304643 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/30/46/JURITEXT000047304643.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, Chambre civile 3, 11 octobre 2022, 20/05840 | 2022-10-11 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 20/05840 | CHAMBRE_CIVILE_3 | TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 3ème chambre 3ème section No RG 20/05840 - No Portalis 352J-W-B7E-CSJVT No MINUTE : Assignation du :01 Juillet 2020 JUGEMENT rendu le 11 Octobre 2022 DEMANDERESSE S.A.S. LABORATOIRES NOREVA-LED[Adresse 2][Localité 3] représentée par Maître Christelle VERRECCHIA, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #C1200 et par Maître Fabienne MARECHAL de la SELARL YDES, substituée par Maître Albane LAFANECHERE, avocat au barreau de LYON, avocat plaidant. DÉFENDERESSE S.A.R.L. DERMACONCEPT JMC[Adresse 1][Localité 4] représentée par Maître Damien REGNIER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D0451 COMPOSITION DU TRIBUNAL Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointeArthur COURILLON-HAVY, jugeLinda BOUDOUR, juge assistés de Lorine MILLE, greffière DEBATS A l'audience du 11 mai 2022 tenue en audience publique avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 02 août 2022 et prorogé au 11 octobre 2022. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffeContradictoireEn premier ressort EXPOSE DU LITIGE La SAS LABORATOIRES NOREVA-LED a pour activité la recherche dans l'industrie et les domaines pharmaceutiques, biotechnologiques, parapharmaceutiques, cosmétologiques et diététique, ainsi que la promotion et distribution en France et à l'étranger de produits dermo-cosmétiques et notamment de cosmétiques solaires. Elle commercialise des produits dermo-cosmétiques sous la marque « NOREVA ». La SARL DERMACONCEPT JMC a pour activité l'étude et la recherche dans l'industrie et les domaines pharmaceutiques, biotechnologiques, parapharmaceutiques, cosmétologiques et diététiques, sous toutes ses formes, ainsi que la conception de tous produits correspondant à ces études. Le 5 mai 1997, la SAS LABORATOIRES D'EVOLUTION DERMATOLOGIQUE, devenue SAS LABORATOIRES NOREVA-LED, et la SARL DERMACONCEPT JMC ont conclu un contrat de mission de consultant, confiant notamment à cette dernière la réévaluation et nouvelle conceptualisation des produits existants de la gamme L.E.D, et la mise au point de concepts ou de produits nouveaux dans de nouvelles indications visant à élargir la gamme des produits L.E.D. Le 3 septembre 2007, la société LABORATOIRES NOREVA-LED et la société DERMACONCEPT JMC ont conclu un contrat de prestation de services confiant à cette dernière la réalisation de diverses prestations en vue du développement de produits, concepts et formes galéniques dans le domaine de la dermatologie et de la dermo-cosmétique. Par courrier du 9 février 2018, la société LABORATOIRES NOREVA-LED a indiqué ne pas reconduire le contrat de mission de consultant du 15 mai 1997 et que celui-ci cessera de produire effet à compter du 14 mai 2018. Par courrier du 6 juin 2018, la société DERMACONCEPT JMC a résilié le contrat de prestation de services avec effet au 6 décembre 2018, estimant que le contrat de mission de consultant et le contrat de prestation de services devaient s'exécuter conjointement et que la fin du premier contrat entraînait un déséquilibre financier à son détriment. Par courrier du 9 juillet 2018, la société LABORATOIRES NOREVA-LED a pris acte de la résiliation mais indiqué ne pas partager l'analyse de la société DERMACONCEPT JMC quant à l'exécution conjointe des deux contrats dès lors qu'ils sont distincts et prévoient chacun des prestations et une rémunération propre. Estimant que la mise sur le marché du produit STRIVADIANE porte atteinte à la demande de brevet français no FR 19 01393, intitulé « composition cosmétique et/ou dermatologique pour lutter contre les vergetures », qu'elle a déposée le 12 février 2019, la société DERMACONCEPT JMC a, par courrier de son conseil du 21 juin 2019, mis en demeure la société LABORATOIRES NOREVA-LED de lui payer les redevances dues, de lui communiquer des documents comptables et de retirer de la vente une liste de produits. Par lettre officielle de son conseil du 20 août 2019, la société LABORATOIRES NOREVA-LED a contesté le bien-fondé de la mise en demeure et a elle-même mis en demeure la société DERMACONCEPT JMC de lui transférer la propriété de la demande de brevet no FR 19 01393, estimant que le produit STRIVADIANE a été développé dans le cadre du contrat de prestation de services du 3 septembre 2007 et que l'invention lui appartient en application de l'article 8-3 du contrat. Par courrier de son conseil du 30 septembre 2019, la société DERMACONCEPT JMC a refusé de lui transférer la propriété de la demande de brevet noFR 19 01393. Le 23 janvier 2020, la société DERMACONCEPT JMC a déposé une demande internationale de brevet no PCT/FR2020/050092 sous priorité de la demande de brevet français no FR 19 01393. C'est dans ces circonstances que par acte d'huissier du 1er juillet 2020, la société LABORATOIRES NOVERA-LED a fait assigner la société DERMACONCEPT JMC devant le tribunal judiciaire de PARIS en revendication de la propriété des demandes de brevet et indemnisation de son préjudice. Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 27 septembre 2021, la SAS LABORATOIRES NOREVA-LED demande au tribunal, au visa des articles L. 611-6, L. 611-8, R. 611-16 et R. 611-18 du code de la propriété intellectuelle, de : « - DIRE ET JUGER que les dépôts de la demande de brevet français no19 01393 et de la demande de brevet PCT noWO 2020/165514 A1 ont été effectués par la société DERMACONCEPT JMC en violation d'une obligation conventionnelle ; - DIRE ET JUGER que la société LABORATOIRES NOREVA-LED est légitime propriétaire de la demande de brevet français no19 01393 et de la demande de brevet PCT noWO 2020/165514 A1 ; - ORDONNER le transfert au profit de la société LABORATOIRES NOREVA-LED, avec effet rétroactif au jour du dépôt, de la propriété de la demande de brevet français no19 01393 et de la demande de brevet PCT noWO 2020/165514 A1 ; - DIRE que la société LABORATOIRES NOREVA-LED se trouvera subrogée dans les droits de la société DERMACONCEPT JMC relativement à la demande de brevet français no19 01393 et de la demande de brevet PCT noWO 2020/165514 A1 à compter de la date respective de ces demandes ; - DIRE que le présent jugement, une fois définitif, sera porté à la connaissance du l'Institut National de la Propriété Industrielle et de l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle aux fins d'inscription au Registre des brevets de chacun de ces offices à la requête de la partie la plus diligente - CONDAMNER la société DERMACONCEPT JMC à payer à la société LABORATOIRES NOREVA-LED la somme de 30.000 euros (trente mille euros) en réparation du préjudice subi du fait du dépôt des demandes de brevets ; - CONDAMNER la société DERMACONCEPT JMC à payer à la société LABORATOIRES NOREVA-LED la somme de 20.425,20euros TTC (vingt mille quatre cent vingt-cinq euros et vingt cents) au titre des prestations payées par la société LABORATOIRES NOREVA-LED et à la charge de la société DERMACONCEPT JMC ; - ORDONNER la publication du jugement à intervenir par extrait dans cinq journaux ou revues au choix de la société LABORATOIRES NOREVA-LED et aux frais de la société DERMACONCEPT JMC, à hauteur de 2.000 euros HT par publication ; - CONDAMNER la société DERMACONCEPT JMC à payer à la société LABORATOIRES NOREVA-LED la somme de 18.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; - DÉBOUTER la société DERMACONCEPT JMC de toutes demandes ou prétentions ; - CONDAMNER la société DERMACONCEPT JMC aux entiers dépens de l'instance, qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile ». Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 12 novembre 2021, la SARL DERMACONCEPT JMC demande au tribunal de : « - Débouter la société Laboratoires Noreva-Led de toutes ses demandes, fins et conclusions ; - Subsidiairement, subordonner le transfert de propriété de la demande de brevet français no19 01393 et de toutes ses extensions réalisées sous priorité de la demande initiale, y compris la demande PCT no WO 2020/165514 A1, au remboursement par la société Laboratoires Noreva-Led de l'ensemble des frais afférents à leur dépôt, soit 18.583 euros HT ; - Condamner la société Laboratoires Noreva-Led à payer à la société Dermaconcept JMC la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; - Condamner la société Laboratoires Noreva-Led aux entiers dépens de l'instance, et dire que ceux-ci pourront être directement recouvrés par Maître Damien Régnier, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ». L'ordonnance de clôture a été rendue le 9 décembre 2021. Les parties ayant régulièrement constitué avocat, le présent jugement, rendu en premier ressort, sera contradictoire en application de l'article 467 du code de procédure civile. MOTIFS DE LA DÉCISION Sur la revendication des demandes de brevet La société LABORATOIRES NOREVA-LED soutient que la demande de brevet français no FR 1901393 et la demande internationale de brevet no PCT/FR2020/050092, dont elle revendique la propriété, ont été déposées frauduleusement par la société DERMACONCEPT JMC dès lors qu'elles portent sur la composition cosmétique développée dans le cadre du contrat de prestation de services du 3 septembre 2007 dont les articles 1-5, 8-2 et 8-3 lui confèrent seule la propriété des résultats et la faculté de déposer un brevet en son nom et à ses frais. Elle précise commercialiser la composition objet des demandes de brevet sous l'appellation STRIVADIANE et que le lancement de ce produit anti-vergetures a eu lieu en avril 2019. Elle ajoute que le caractère brevetable ou non de la composition cosmétique n'a aucune incidence sur la propriété des résultats qui lui est conférée par le contrat de prestation de services, et qu'en tout état de cause la nouveauté et l'activité inventive nécessaires à sa brevetabilité existaient dès l'achèvement de la préparation cosmétique en avril 2018, soit antérieurement à la date d'effet de la résiliation du contrat de prestation de services le 6 décembre 2018. La société DERMACONCEPT JMC, qui indique ne pas contester le déroulement des faits tel qu'exposé par la société LABORATOIRES NOREVA-LED et confirmer que la composition objet des demandes de brevet est celle du produit STRIVADIANE, répond que l'article 8-3 du contrat de prestation de services implique la réalisation d'une « invention brevetable » antérieurement au 6 décembre 2018, date d'effet de la résiliation du contrat, de sorte que la société LABORATOIRES NOREVA-LED n'est pas fondée à revendiquer la propriété des demandes de brevet puisque la brevetabilité de la composition a été révélée postérieurement à cette date par un rapport d'étude de la société BIOEXIGENCE réalisé à son initiative et à ses frais en décembre 2018. SUR CE, Aux termes de l'article L. 611-6 du code de la propriété intellectuelle, le droit au titre de propriété industrielle mentionné à l'article L. 611-1 appartient à l'inventeur ou à son ayant cause. Si plusieurs personnes ont réalisé l'invention indépendamment l'une de l'autre, le droit au titre de propriété industrielle appartient à celle qui justifie de la date de dépôt la plus ancienne. Dans la procédure devant le directeur de l'Institut national de la propriété industrielle, le demandeur est réputé avoir droit au titre de propriété industrielle. L'article L. 611-8 du même code dispose que si un titre de propriété industrielle a été demandé soit pour une invention soustraite à l'inventeur ou à ses ayants cause, soit en violation d'une obligation légale ou conventionnelle, la personne lésée peut revendiquer la propriété de la demande ou du titre délivré. L'action en revendication se prescrit par cinq ans à compter de la publication de la délivrance du titre de propriété industrielle. Toutefois, en cas de mauvaise foi au moment de la délivrance ou de l'acquisition du titre, le délai de prescription est de cinq ans à compter de l'expiration du titre. En l'espèce, l'article 1 « OBJET » du contrat de prestation de services conclu le 3 septembre 2007 entre la SAS LABORATOIRE D'EVOLUTION DERMATOLOGIQUE – LED, devenue la SAS LABORATOIRES NOREVA-LED, dénommée « le donneur d'ordre (DO) », et la SARL DERMACONCEPT JMC, dénommée « le prestataire (P) », stipule que : « 1-1 Le DO confie à P qui accepte, en qualité de prestataire indépendant, la réalisation des prestations ci-après, en vue du développement de produits, concepts et formes galéniques dans le domaine de la Dermatologique et de la Dermo-cosmétique.1-2 Dans ce cadre, P effectuera les prestations suivantes :1.1.1 Développement, mise au point et validation de concepts et choix de principes actifs,1.1.2 Développement, mise au point et validation des formes galéniques,1.1.3 Mise en oeuvre et suivi du développement du Produit :1.1.3.1 stabilité,1.1.3.2 compatibilité contenu-contenant,1.1.3.3 validation du système conservateur par challenge test,1.1.3.4 faisabilité industrielle,1.1.3.5 tests d'innocuité oculaire et cutanée, dont les coûts seront supportés par le DO1.1.4 Validation du procédé de fabrication sur TROIS (3) lots, dont le coût sera supporté par le DO,1.1.5 Fourniture de tous éléments nécessaires à l'établissement du dossier technique cosmétique européen du Produit permettant la déclaration du dossier aux Centres Anti-Poisons comprenant entre autre :- une description du produit,- la composition qualitative, quantitative et la spécification du produit,- l'identification et les fiches de sécurité des matières premières,- une analyse de stabilité et de compatibilité,- la spécification microbiologique et analytique du produit,- une attestation d'innocuité oculaire et cutanée,- une analyse de ses propriétés et son (ses) application(s). P pourra réaliser des use tests en interne à sa charge afin d'évaluer un produit en cours de développement. Les tests complémentaires d'efficacité seront à la charge de DO ». La demande de brevet français no FR 1901393 et la demande internationale de brevet no PCT/FR2020/050092, revendiquées par la société LABORATOIRES NOREVA-LED, sont intitulées « composition cosmétique et/ou dermatologique pour lutter contre les vergetures » et précisent que « la présente invention concerne une composition cosmétique et/ou dermatologique, pour l'application topique, comprenant :- de l'acide hyaluronique, ou un de ses sels, ayant un poids moléculaire d'au plus 1000 kDa,- de l'acide ascorbique ou un de ses dérivés, et - un extrait de Peucedanum graveolens ». Il ressort des pièces versées aux débats, notamment du cahier des charges de développement du produit contre les vergetures du 24 février 2015 signé par la société LABORATOIRES NOREVA-LED, la société DERMACONCEPT JMC et la société EFFERVESCENCE LAB (pièce NOREVA no14) et du compte-rendu de la réunion du 27 avril 2018 entre ces trois sociétés, à laquelle ont participé le Docteur [O] [D] et le Docteur [V] [P] (pièce NOREVA no15), mentionnés co-inventeurs sur les demandes de brevet litigieuses déposées par la société DERMACONCEPT JMC dont ils sont les fondateurs et associés, que la « composition cosmétique et/ou dermatologique pour lutter contre les vergetures », objet des demandes de brevet litigieuses, correspond au produit STRIVADIANE développé et mis au point dans le cadre du contrat de prestation de services du 3 septembre 2007. La défenderesse le confirme elle-même dans ses dernières conclusions lorsqu'elle écrit en page 8 :« En effet, la demande de brevet FR, ayant pour titre ‘‘composition cosmétique et/ou dermatologique pour lutter contre les vergetures'', revendique une composition associant :a) de l'acide hyaluronique de poids moléculaire inférieur à 1.000 kDa,b) de l'acide ascorbique (vitamine C) ou un de ses dérivés,c) un extrait de Peucedanum graveolens (extrait d'aneth),plus particulièrement pour le traitement des vergetures.Cette composition est précisément celle du produit lancé par Noreva sous la marque STRIVADIANE ». Il est également observé que la société DERMACONCEPT JMC alléguait déjà antérieurement à la présente action en revendication que le produit STRIVADIANE correspond à la demande de brevet français no FR 1901393 puisque celle-ci avait adressé à la société LABORATOIRES NOREVA-LED un courrier de mise en demeure le 21 juin 2019 en ces termes : « Je vous informe qu'en date du 12 février 2019, la société DERMACONCEPT a déposé un brevet no190139301393 qui protège l'association acide hyaluronique, acide ascorbique, et un extrait peucedanum graveolens qui tend à lutter contre les vergetures. Or, elle a constaté que vous commercialisez les produits STRIVADIANE correspondant à l'association d'actifs protégée, alors qu'aucun contrat de licence ne vous a été concédé relativement à l'invention brevetée et alors même qu'aucune discussion n'était en cours au sujet d'une éventuelle licence ». C'est d'ailleurs par ce courrier de mise en demeure que la société LABORATOIRES NOREVA-LED a eu connaissance du dépôt par la défenderesse de la demande de brevet français litigieuse. Or, le contrat de prestation de services du 3 septembre 2007 stipule à l'article 1-5 que : « Le DO aura seul, la libre et entière disposition de l'ensemble des connaissances, informations et résultats afférents à l'exécution des missions ci-dessus visées ». Par ailleurs, et surtout, l'article 8 « PROPRIETE ET DROITS D'UTILISATION DES RESULTATS » dudit contrat prévoit que : « 8-2. Les droits d'utilisation des informations et des résultats des travaux effectués par P pour le compte du DO appartiennent exclusivement au DO ;P s'interdit, pendant la présente convention et pendant une durée de cinq (5) années à compter de la fin du contrat quelle qu'en soit la cause, de communiquer tout ou partie des informations obtenues par la présente convention ainsi que des résultats de travaux à des tiers sans l'accord préalable et écrit de l'autre partie à l'exception des tiers contractuellement liés à P pour l'exécution de cet accord et qui seront tenus de la même obligation de confidentialité. 8-3. Dans le cas où les résultats du développement aboutiraient à la réalisation d'une invention brevetable en relation avec le(s) produit(s), le(s) brevet(s) seront déposés au nom et aux frais du DO. En cas d'une demande de dépôt de brevet, il est d'ores et déjà convenu entre les parties que la rémunération de P ci-avant visées à l'article 4 comprend toute rémunération de P au titre de ce brevet ». En outre, la société DERMACONCEPT JMC ne conteste pas avoir reçu de la société LABORATOIRES NOREVA-LED, conformément à l'article 8-3 alinéa 2 précité, une rémunération de 2% du chiffre d'affaires réalisé sur le produit STRIVADIANE depuis sa première commercialisation, soit la somme de 1.553, 57 euros HT pour l'année 2019 et la somme de 1.985,96 euros HT pour l'année 2020 (ses pièces no18 et 30), en application de l'article 4-2 « REMUNERATION » du contrat de prestation de services, lequel stipule : « En contrepartie du développement et de la mise au point de concepts, de formes galéniques ou de produits dans le domaine de la Dermatologie et des droits relatifs au savoir-faire et/ou technologique de P, le DO s'engage, pendant une durée de DIX (10) années à compter de la commercialisation de chaque produit développé, à verser à P une rémunération de deux pour cent (2%) calculé sur le chiffre d'affaires hors taxes résultant de l'exploitation de chaque produit auprès de la clientèle exclusive suivante : Pharmacie et Para-pharmacie ». Le moyen de la défenderesse, tiré de ce que l'article 8-3 alinéa 1 requiert une « invention brevetable » alors que la brevetabilité de la composition a été révélée postérieurement à la résiliation du contrat par le rapport d'étude de la société BIOEXIGENCE réalisé à son initiative et à ses frais (ses pièces no9 et 10), est inopérant, étant observé, d'une part, que contrairement à ce qu'elle affirme ce rapport d'étude, en date du 3 décembre 2018, est antérieur au 6 décembre 2018, date d'effet de la résiliation du contrat de prestation de services (pièce NOREVA no8), et que, d'autre part, les « résultats de développements devant aboutir à une invention brevetable », à savoir la composition anti-vergetures objet des demandes de brevet, sont la propriété de la société LABORATOIRES NOREVA-LED en application des articles 1-5 et 8-2 du contrat, dont l'article 8-3 alinéa 1 lui confère seule la faculté de déposer un brevet en son nom et à ses frais. Il s'ensuit que la demande de brevet français no FR 1901393 et la demande internationale de brevet no PCT/FR2020/050092 intitulées « composition cosmétique et/ou dermatologique pour lutter contre les vergetures », dont il est constant qu'elles correspondent au produit STRIVADIANE développé et mis au point dans le cadre du contrat de prestation de services du 3 septembre 2007, ont été déposées par la société DERMACONCEPT JMC en violation des stipulations contractuelles, en particulier des articles 1-5, 8-2 et 8-3 précités. En conséquence, la société LABORATOIRES NOREVA-LED est fondée à en revendiquer la propriété. Conformément à l'article 8-3 du contrat de prestation de services et à l'article 1134 du code civil, la société LABORATOIRES NOREVA-LED aura la charge des frais exposés pour le dépôt des demandes de brevet auprès des offices et devra donc les rembourser à la défenderesse à hauteur de la somme totale de 9.158,40 euros dont celle-ci justifie par factures des 14 février 2019, 12 décembre 2019, 3 février 2020, 6 juillet 2020 et 23 février 2021 de la société IPSILON (sa pièce no18). La société DERMACONCEPT JMC sera en revanche déboutée du surplus de sa demande reconventionnelle en remboursement s'agissant des frais exposés pour les deux études d'efficacité réalisées par la société BIOEXIGENCE, lesquels ne constituent pas des frais de dépôt, étant par ailleurs observé que l'une d'elles ne concerne pas la composition objet des demandes de brevet. Sur les demandes en paiement La société LABORATOIRES NOREVA-LED sollicite le paiement de la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice résultat de la violation par la défenderesse de l'obligation de confidentialité stipulée à l'article 7 du contrat de prestation de services, le dépôt des demandes de brevet l'ayant privée du choix de garder secrète la formulation de son produit STRIVADIANE, ainsi que de l'atteinte à sa réputation professionnelle et commerciale dès lors qu'elle peut apparaître moins innovante aux yeux de ses clients et des professionnels de la dermo-cosmétique, et du préjudice moral résultant de la menace par la défenderesse d'être poursuivie en justice pour violation d'un droit de brevet. Elle sollicite également le remboursement par la défenderesse des sommes qu'elle a payées à plusieurs prestataires dans le cadre du développement du produit STRIVADIANE dès lors que ces prestations correspondent à celles que la défenderesse devait fournir en application du contrat de prestation de services. La société DERMACONCEPT JMC, qui conteste tout préjudice subi par la demanderesse, fait valoir que la composition du produit STRIVADIANE figure sur l'emballage, que les informations relatives à la formulation peuvent être facilement obtenues par diverses méthodes et appareillages disponibles dans tout laboratoire d'analyse et que la mise sur le marché du produit STRIVADIANE constitue une divulgation. S'agissant de la demande en remboursement, elle répond ignorer la nature exacte des travaux objet de ces prestations dont la société LABORATOIRES NOREVA-LED a eu l'initiative sans y être associée ni même informée de leur existence et de leurs résultats. SUR CE, Aux termes de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable au présent litige, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi. L'article 1147 du même code, dans sa rédaction applicable au présent litige, dispose que le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part. Selon l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention. Sur la demande indemnitaire L'article 8-2, alinéa 2 du contrat de prestation de services du 3 septembre 2007 stipule que « P s'interdit, pendant la présente convention et pendant une durée de cinq (5) années à compter de la fin du contrat quelle qu'en soit la cause, de communiquer tout ou partie des informations obtenues par la présente convention ainsi que des résultats de travaux à des tiers sans l'accord préalable et écrit de l'autre partie à l'exception des tiers contractuellement liés à P pour l'exécution de cet accord et qui seront tenus de la même obligation de confidentialité ». En outre, aux termes de l'article 7 « CONFIDENTIALITE » dudit contrat :« Les parties conviennent que toutes les informations de quelque sorte qu'elles soient, qu'elles concernent notamment les produits, les formules, les méthodes, les études, les fournisseurs ou autres, sans que cette liste soit limitative, dont ils auront connaissance à l'occasion de la mise en oeuvre des présentes, sont considérées comme des informations confidentielles.En conséquence, les parties s'engagent expressément, sans condition, limitation ou restriction aucune à :* n'utiliser les informations qu'aux seules fins du présent accord ;* considérer les informations confidentielles comme destinées à leur seul usage, comme à celui des personnes et entreprises qu'elles sont appelées à faire travailler ou faire intervenir sous leur responsabilité dans le cadre du présent accord et après avoir fait souscrire aux dites personnes et entreprises un engagement de confidentialité similaire et un engagement d'interdiction de recourir à leur tour à d'autres entreprises tierces ;* s'interdire de la manière la plus absolue, à moins d'avoir obtenu préalablement l'accord de l'autre partie à procéder différemment, de :- divulguer à toutes personnes ou sociétés tierces autres que celles nécessaires à la réalisation des travaux définis aux présentes, un quelconque élément des termes, conditions et résultats de l'étude et du projet de développement ;- divulguer l'état d'avancement de l'étude et du projet ;Pour les besoins du présent engagement de confidentialité, il est convenu cependant que cette obligation de confidentialité ne couvrira pas les informations confidentielles mais qui :* à l'époque où elles ont été relevées aux parties étaient déjà tombées dans le domaine public ;* ou tombent dans le domaine public après qu'elles aient été révélées aux parties, du seul fait de leur utilisation normale en exécution du présent contrat ». La société LABORATOIRES NOREVA-LED est fondée à solliciter l'indemnisation de son préjudice résultant de la violation par la société DERMACONCEPT JMC de son obligation de confidentialité dès lors que la « composition cosmétique et/ou dermatologique pour lutter contre les vergetures », objet des demandes de brevet français et PCT litigieuses, publiées respectivement le 14 août 2020 sous le no 3 092 493 A1 et le 20 août 2020 sous le no W0 2020/165514 A1, correspond au produit STRIVADIANE développé et mis au point dans le cadre du contrat de prestation de services, dont la demanderesse avait fait le choix de ne pas déposer de brevet et de privilégier le secret de la formulation. Or, la publication des demandes de brevet en a divulgué les informations, notamment dans les revendications 4 à 8 du brevet relatives au poids moléculaire et à la concentration de chacun des trois principes actifs de la composition, lesquels ne figurent pas sur l'emballage du produit STRIVADIANE (pièce NOREVA no17), dont la commercialisation ne dispensait pas la défenderesse de respecter son obligation de confidentialité. Le préjudice en résultant pour la demanderesse sera alors indemnisé à hauteur de la somme de 10.000 euros. En revanche, la société LABORATOIRES NOREVA-LED, qui procède par voie d'affirmation dans ses écritures, n'établit aucunement l'atteinte à la « réputation professionnelle et commerciale » qu'elle allègue. Par ailleurs, contrairement à ce qu'elle affirme, elle n'apparaîtra pas moins innovante puisque sa demande en revendication a été accueillie. Quant au préjudice moral prétendument subi du fait d'une « menace de la défenderesse de la poursuivre en justice pour violation d'un droit de brevet », force est constater que celui-ci n'est pas caractérisé dès lors qu'un courrier de mise en demeure par la voie d'un avocat ne saurait constituer « une menace » engendrant un préjudice moral pour une personne morale et qu'il a été fait droit à sa demande en revendication de la propriété des demandes de brevet litigieuses. Sur la demande en remboursement L'article 1-1 du contrat de prestation de services stipule que : « Le DO confie à P qui accepte, en qualité de prestataire indépendant, la réalisation des prestations ci-après, en vue du développement de produits, concepts et formes galéniques dans le domaine de la Dermatologique et de la Dermo-cosmétique.1-2 Dans ce cadre, P effectuera les prestations suivantes :1.1.6 Développement, mise au point et validation de concepts et choix de principes actifs,1.1.7 Développement, mise au point et validation des formes galéniques,1.1.8 Mise en oeuvre et suivi du développement du Produit :1.1.8.1 stabilité,1.1.8.2 compatibilité contenu-contenant,1.1.8.3 validation du système conservateur par challenge test,1.1.8.4 faisabilité industrielle,1.1.8.5 tests d'innocuité oculaire et cutanée, dont les coûts seront supportés par le DO1.1.9 Validation du procédé de fabrication sur TROIS (3) lots, dont le coût sera supporté par le DO,1.1.10 Fourniture de tous éléments nécessaires à l'établissement du dossier technique cosmétique européen du Produit permettant la déclaration du dossier aux Centres Anti-Poisons comprenant entre autre :- une description du produit,- la composition qualitative, quantitative et la spécification du produit,- l'identification et les fiches de sécurité des matières premières,- une analyse de stabilité et de compatibilité,- la spécification microbiologique et analytique du produit,- une attestation d'innocuité oculaire et cutanée,- une analyse de ses propriétés et son (ses) application(s). P pourra réaliser des use tests en interne à sa charge afin d'évaluer un produit en cours de développement. Les tests complémentaires d'efficacité seront à la charge de DO ». La société LABORATOIRES NOREVA-LED n'est pas fondée à solliciter le remboursement par la société DERMACONCEPT JMC des factures qu'elle a réglées à la société EFFERVESCENCE LAB, à la société LABORATOIRE DERMSCAN et à la société EUROSAFE (ses pièces no21 à 27) dès lors que :- lesdites factures sont toutes établies à son nom pour des prestations commandées par elle ; - aucune pièce relative aux travaux résultant de chacune des prestations réalisées par ces sociétés tierces n'est produite, de sorte qu'il n'est pas démontré que leurs prestations correspondent effectivement aux prestations de la société DERMACONCEPT JMC stipulées à l'article 1-1 du contrat, étant précisé que les mentions figurant sur les factures produites ne permettent pas à elles seules de le démontrer tandis que la charge de la preuve lui incombe ; - il n'est ni allégué ni établi que les prestations commandées à ces sociétés tierces étaient destinées à pallier une inexécution contractuelle de la défenderesse. Sa demande sera en conséquence rejetée. Le préjudice de la société LABORATOIRES NOREVA-LED étant suffisamment réparé par l'octroi de dommages et intérêts, la publication du jugement apparaît disproportionnée et sera par conséquent rejetée. Sur les demandes accessoires Sur les dépens Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge de l'autre partie. L'article 699 du code de procédure civile dispose que les avocats peuvent, dans les matières où leur ministère est obligatoire, demander que la condamnation aux dépens soit assortie à leur profit du droit de recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision. La partie contre laquelle le recouvrement est poursuivi peut toutefois déduire, par compensation légale, le montant de sa créance de dépens. La société DERMACONCEPT JMC, qui succombe à l'instance, sera condamnée aux dépens, dont distraction au profit de la SELARL YDES conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. Sur l'article 700 du code de procédure civile L'article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a lieu à condamnation. L'équité commande de condamner la société DERMACONCEPT JMC à payer à la société LABORATOIRES NOREVA-LED la somme de 15.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. Sur l'exécution provisoire Aux termes de l'article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement. En l'espèce, la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire et il n'y a pas lieu d'y déroger. PAR CES MOTIFS Le tribunal, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort, ORDONNE le transfert à la SAS LABORATOIRES NOREVA-LED de la propriété de la demande de brevet français no FR 1901393 et de la demande internationale de brevet no PCT/FR2020/050092 déposées par la SARL DERMACONCEPT JMC en violation des stipulations du contrat de prestation de services du 3 septembre 2007, à effet rétroactif au jour de leur dépôt ; DIT que la présente décision, une fois devenue définitive, sera transmise à l'Institut national de la propriété industrielle aux fins d'inscription aux registres à l'initiative de la partie la plus diligente ; CONDAMNE la SAS LABORATOIRES NOREVA-LED à payer à la SARL DERMACONCEPT JMC la somme de 9.158,40 euros en remboursement des frais de dépôt desdites demandes de brevet ; DEBOUTE la SARL DERMACONCEPT JMC du surplus de sa demande reconventionnelle en remboursement ; CONDAMNE la SARL DERMACONCEPT JMC à payer à la SAS LABORATOIRES NOREVA-LED la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts ; DEBOUTE la SAS LABORATOIRES NOREVA-LED de sa demande en remboursement de la somme de 20.425,20 euros TTC ; DEBOUTE la SAS LABORATOIRES NOREVA-LED de sa demande de publication ; CONDAMNE la SARL DERMACONCEPT JMC à payer à la SAS LABORATOIRES NOREVA-LED la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; CONDAMNE la SARL DERMACONCEPT aux dépens, dont distraction au profit de la SELARL YDES conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ; RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire. Fait et jugé à Paris le 11 Octobre 2022 La Greffière La Présidente | x |
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JURITEXT000047304644 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/30/46/JURITEXT000047304644.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 21 octobre 2022, 19/06127 | 2022-10-21 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 19/06127 | CT0087 | TRIBUNALJUDICIAIREDE PARIS 3ème chambre2ème section No RG 19/06127 No Portalis 352J-W-B7D-CP532 No MINUTE : Assignation du :14 Mai 2019 INCIDENT ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETATrendue le 21 Octobre 2022 DEMANDERESSE S.A.S. ROSET[Adresse 3][Localité 1] représentée par Maître Carole BERNARDINI, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #E0399 et par Maître Jean-Pierre STOULS, de STOULS & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, avocat plaidant DEFENDERESSES S.A.S. BROCANTE LAB[Adresse 2][Localité 5] représentée par Maître Hugo BATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C2501 Société THIS.SIGN LTD[Adresse 4][Localité 7] (ANGLETERRE) représentée par Maître Claire BOUCHENARD de la SELAS OSBORNE CLARKE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0117 MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT Monsieur Arthur COURILLON-HAVY, Jugeassisté de Monsieur Quentin CURABET, Greffier DÉBATS A l'audience du 22 Septembre 2022 , avis a été donné aux avocats que l'ordonnance serait rendue le 07 Octobre 2022 puis prorogé au 21 Octobre 2022. ORDONNANCE Prononcée publiquement par mise à disposition au greffe ContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DU LITIGE Synthèse de l'objet du litige 1. Le présent incident porte d'une part sur la rétractation de l'ordonnance ayant, le 28 septembre 2021, autorisé sur requête une mesure d'instruction consistant à rechercher, dans les locaux de la société Roset, les preuves d'un dénigrement allégué par la société Brocante lab. Il porte d'autre part sur la levée du séquestre sous lequel ont été placés l'ensemble des éléments découverts lors de l'exécution de cette mesure. Faits et procédure 2. La société Roset, titulaire d'une marque verbale française honomyne (no1571757) et de marques verbales française et de l'Union européenne « Ligne Roset » (no98757593 et no000516666), toutes enregistrées dans les années 1990, édite un fauteuil ou canapé intitulé Togo, créé par [D] [Z] en 1973, sur lequel elle revendique des droits d'auteur, et dont elle a déposé la forme à la fois en tant que dessin ou modèle français en 1974 (expirant, dit-elle, en 2024) et en tant que marque tridimensionnelle de l'Union européenne (no016691537, enregistrée le 12 septembre 2017). 3. Elle reproche à la société Brocante lab, qui exploite un site internet spécialisé dans la vente de meubles à l'adresse selency.fr, d'y vendre des fauteuils Togo d'occasion (mal) retapissés et sur lesquels est apposé le signe Ligne Roset, en contrefaçon de ses droits d'auteur, son dessin ou modèle, et ses marques ; et, après une mise en demeure infructueuse, elle a assigné le 15 mai 2019 la société Brocante lab de ces chefs. 4. La société Brocante lab a assigné le 9 décembre 2019 en intervention forcée la société de droit anglais This.sign, qui a rénové et vendu sur le site selency.fr des fauteils Togo litigieux. 5. Au terme d'un premier incident initié par la société Roset 19 mois après l'assignation, le 8 décembre 2020, le juge de la mise en état, constatant en passant que l'instruction était sur le point d'être achevée, a, le 25 juin 2021, ordonné sous astreinte aux sociétés This.sign et Brocante lab de communiquer à la demanderesse un état exhaustif des ventes réalisées par la première à la seconde. La société Roset a alors formé un deuxième incident le 19 juillet 2021 en interdictions et indemnité provisoires ; un nouveau juge de la mise en état a rejeté ces demandes par ordonnance du 11 février 2022, au motif notamment que l'instruction était sur le point d'être achevée. 6. Entre temps, la société Brocante lab, alléguant reconventionnellement un dénigrement de la part de la société Roset et cherchant à s'en ménager la preuve a, sur autorisation du (deuxième) juge de la mise en état obtenue sur requête, fait pratiquer le 20 octobre 2021 une mesure d'instruction dans les locaux de la société Roset, lors de laquelle ont été copiés un grand nombre de courriels, dont celle-ci a obtenu de l'huissier le placement sous séquestre. 7. C'est pour obtenir la levée de ce séquestre que la société Brocante lab a formé un troisième incident par conclusions du 17 novembre 2021 ; et la société Roset a demandé pour sa part la rétractation de l'ordonnance ayant autorisé la mesure. Cet incident a été plaidé, après renvoi à la demande des parties, le 22 septembre 2022 devant un troisième juge de la mise en état succédant au précédent. Prétentions pour l'incident 8. Dans ses dernières conclusions d'incident signifiées par voie électronique le 17 mai 2022, la société Brocante lab, en substance :? résiste à la demande incidente en nullité de la requête en mesure d'instruction et de la mesure elle-même, ? demande de lever le séquestre sur les courriels saisis par l'huissier le 20 octobre 2021, et de les lui communiquer ; ? subsidiairement, que le juge de la mise en état procède au tri des pièces, au besoin en désignant un expert, puis en ordonne la communication sur clé USB, en n'écartant que les correspondances couvertes par le secret professionnel, c'est-à-dire « faisant explicitement référence à la stratégie de défense mise en place par » l'avocat de la société Roset, et en ordonnant à celle-ci de caractériser cette référence pour chaque pièce qu'elle entendrait écarter, et en mettant à la seule charge de celle-ci les éventuels « frais de conseil et d'expertise » ;? outre 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens. 9. Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 13 septembre 2022, la société Roset demande au juge de la mise en état de :? se déclarer incompétent pour la demande en mainlevée de séquestre, au profit du juge de l'exécution de Bourg-en-Bresse ;? rétracter l'ordonnance du 28 septembre 2021 ayant autorisé la mesure d'instruction? annuler cette mesure et les pièces qui en seraient issues, et lui restituer les documents saisis à cette occasion, sous astreinte ;? subsidiairement, désigner un expert pour distinguer les documents nécessaires à la preuve du « prétendu dénigrement »,? outre 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et réserver les dépens. Moyens des parties pour l'incident 10. Sur la compétence, la société Roset expose que la mise sous séquestre ayant été faite par l'huissier à sa demande, et non ordonnée par le juge, elle relèverait de la mainlevée prévue par l'article L. 512-2 du code des procédures civiles d'exécution, qui la confie au juge de l'exécution ; et ne pourrait en tout état de cause relever de la compétence du juge de la rétractation, comme l'aurait jugé la Cour de cassation. La société Brocante lab répond que cette disposition concerne seulement les mesures conservatoires, et que le juge de la mise en état est ici compétent non seulement en tant que juge de la rétractation, mais aussi en tant que juge chargé du suivi de la mesure d'instruction qu'il a ordonnée. 11. Sur la rétractation, la société Roset soutient en premier lieu que la requête en autorisation de la mesure d'instruction a présenté les faits de manière biaisée ; que, par ailleurs, les mesures ordonnées ne sont pas nécessaires « au droit de la preuve » ; qu'en effet, il y est dit qu'elle aurait investi le marché de l'occasion récemment alors qu'elle y est présente depuis 30 ans, qu'elle voudrait éliminer ses concurrents alors que ce n'est pas démontré ; que le dénigrement allégué ne serait qu'un leurre, un « délire paranoïaque de persécution », fondé sur la répétition des mêmes affirmations et exagérations, sans être démontré ; qu'en particulier, la suspicion entretenue dans la requête en comparant les termes utilisées dans ses conclusions et dans des attestations qu'elle produit ne porte en fait que sur des éléments objectifs, connus, qui ne prouveraient donc rien ; enfin que la société Brocante lab se présenterait de façon mensongère comme une plateforme de revente de meubles alors qu'elle exercerait aussi une activité de retapissage et ne serait pas un intermédiaire. 12. Sur ce premier point, la société Brocante lab estime que sa requête était parfaitement motivée ; qu'en particulier, (1) la société Roset mettrait publiquement en garde les internautes sur des contrefaçons commises sur les « marketplaces en ligne », ce qui la vise directement en tant que première de ces « marketplaces » ; (2) a produit dans la présente instance des pièces « surprenantes », à savoir des courriels et courriers adressés par des tiers à la société Brocante lab, qui reprendraient précisément l'argumentaire de la société Roset, sans que celle-ci réponde à la sommation qu'elle lui avait faite d'attester n'avoir pas renseigné les expéditeurs sur le procès ; (3) qu'elle-même (Brocante lab) aurait reçu des courriels d'un inconnu et de deux clients se plaignant de ce que les canapés Togo vendus étaient des contrefaçons, en utilisant là encore une argumentation proche de celle de la société Roset, ce qui indiquerait que celle-ci les aurait renseignés et incités à écrire ces réclamations ; enfin (4) que la société Roset a écrit à une autre cliente potentielle pour l'avertir du procès en cours et de ce qu'il y aurait sur Selency de nombreux faux Togos en vente. La société Brocante lab, qui ajoute par ailleurs que seul le canapé Togo fait l'objet de ces réclamations parmi plus de 200 000 produits en vente, déduit de ces éléments la nécessité pour elle « d'enrichir la preuve » du dénigrement. 13. La société Roset soutient en deuxième lieu que ni la requête ni l'ordonnance ne justifie suffisamment la dérogation à la contradiction, pas plus que l'urgence ; enfin que les mesures ordonnées sont illégales car trop générales. 14. La société Brocante lab réplique en deuxième lieu que l'urgence était caractérisée par la « continuité » et « la multiplication récente » des faits invoqués, le caractère avéré du dénigrement, qui perturberait gravement son activité économique ; et que la nécessité de déroger à la contradiction était caractérisée par le risque de suppression des données informatiques recherchées. 15. En troisième lieu, la société Roset estime que la mesure autorisée est excessive et disproportionnée dans son ampleur matérielle, pour concerner tous les échanges correspondant aux mots-clés « Brocante lab » ou « Selency », et dans son ampleur temporelle, pour concerner une période de plus de 3 ans, soit depuis l'origine du litige, alors que la sommation de communiquer qui lui avait été réclamée par la société Brocante lab ne concernait qu'un nombre très limité d'informations. Elle ajoute que parmi les nombreux courriels appréhendés, beaucoup sont des transferts internes de la correspondance avec son avocat, et n'auraient donc pas dû être saisis, en application de l'article 66-5 de la loi no71-1130. 16. La société Brocante lab répond que la mesure était suffisamment limitée dans son objet, à la recherche des seuls fichiers « en rapport avec les faits litigieux », correspondant à des mots-clés précis, à l'exclusion des échanges avec les avocats et conseils en propriété industrielle, l'huissier ayant en outre examiné avec les personnes présentes les correspondances à exclure ; qu'elle était suffisamment limitée dans le temps. 17. La société Brocante lab en déduit également que le séquestre peut être levé à son profit, les éléments découverts étant indispensables selon elle à sa demande reconventionnelle en dénigrement. Elle propose subsidiairement un tri selon deux groupes de deux catégories : en premier lieu les correspondances échangées d'une part entre des employés ou dirigeants de Roset, et d'autre part entre Roset et des tiers ; en second lieu, d'une part les correspondances ne faisant pas explicitement référence à une stratégie de défense, et d'autre part les correspondances y faisant explicitement référence. MOTIFS 1) Rétractation de l'ordonnance autorisant la mesure d'instruction 18. L'ordonnance sur requête est définie par l'article 493 du code de procédure civile comme une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse. L'article 496 prévoit que s'il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l'ordonnance, et l'article 497 précise que le juge a la faculté de modifier ou de rétracter son ordonnance. 19. L'ordonnance ici contestée a autorisé une mesure d'instruction, qui est donc régie par les articles 143 et suivants du code de procédure civile. L'article 143 autorise de façon générale « toute mesure d'instruction légalement admissible. ». 20. Doivent ainsi être examiné, au cas présent, la légalité de la mesure d'instruction qui a été autorisée, et la possibilité de l'autoriser sur requête. Conditions d'une autorisation sur requête 21. En application de l'article 493 du code de procédure civile, le juge ne peut être saisi sur requête que si « le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse ». L'article 845 applique cette faculté devant le tribunal judiciaire. Cette dérogation au principe de la contradiction est remplie, notamment, si l'appel de la partie adverse poserait un risque sérieux d'inefficacité de la mesure, tel que la disparition des preuves dont la recherche est demandée. 22. Tel est le cas de correspondances sur support électronique, aisément effaçables. La recherche de telles correspondances pour prouver des faits de dénigrement, donc de concurrence déloyale, justifie que l'auteur allégué de ces faits, chez qui le requérant veut obtenir ces correspondances, ne soit pas averti de la mesure avant que celle-ci soit réalisée. 23. Dès lors, en visant ce risque d'effacement de preuves électroniques, la requête et l'ordonnance qui en a adopté les motifs ont suffisamment justifié la dérogation au principe de la contradiction et, partant, la saisine du juge sur requête. Légalité de la mesure 24. La Cour de cassation, rappelant l'existence d'un droit à la preuve, a jugé que constituent des mesures légalement admissibles, les mesures d'instruction circonscrites dans le temps et dans leur objet et proportionnées à l'objectif poursuivi ; et qu'il incombe, dès lors, au juge de vérifier si la mesure ordonnée était nécessaire à l'exercice du droit à la preuve du requérant et proportionnée aux intérêts antinomiques en présence (Cass. 2e Civ., 10 juin 2021, no20-11.987, point 11). 25. S'agissant de la longueur de la période visée par la mesure en cause, la société Roset dit elle-même qu'elle correspond à la durée de la procédure devant le présent tribunal. Il s'agit d'une période pertinente pour rechercher des faits de dénigrements qui auraient été causés à l'occasion de cette procédure. Et la longueur anormale de cette procédure vient, au moins en partie, du propre comportement procédural de la société Roset, qui ne peut dès lors s'en prévaloir pour critiquer l'ampleur des recherches liées à cette procédure. La limitation temporelle de la recherche aux correspondances postérieures au 24 mai 2018 était ainsi suffisante. 26. S'agissant de son ampleur matérielle, la mesure d'instruction portait sur toute correspondance mentionnant le nom de la société Brocante lab ou son nom commercial, Selency, ce qui est particulièrement général. Il faut alors apprécier si, et dans quelle mesure, cette recherche est proportionnée, au regard de sa nécessité pour prouver les faits allégués, et de la gravité de l'atteinte qu'elle cause pour la personne visée. 27. En premier lieu, le dénigrement qui serait commis par une mention sur le site internet de la société Roset est en lui-même public ; la mesure demandée est sans utilité pour le démontrer. 28. En deuxième lieu, parmi les pièces « surprenantes » invoquées par la société Brocante lab, toutes sauf une émanent, aux dires mêmes de la requérante, de revendeurs de la société Roset, qui ne sont manifestement pas des clients de la société Brocante lab, laquelle s'adresse à des particuliers. Or comme celle-ci le soulève elle-même, le dénigrement est caractérisé par une communication à l'égard de la clientèle de la victime ; la mesure réclamée est donc manifestement inutile pour rapporter une preuve de dénigrement à l'égard de ces échanges avec ces revendeurs. 29. En revanche, la société Roset n'a pas expliqué pourquoi elle a pu communiquer elle-même (sa pièce no15) un courriel envoyé par une société BCI [Localité 6] à la société Brocante lab, qui critique les pratiques de celle-ci. Et la qualité de cette société n'est pas connue, de sorte qu'il ne peut être exclu qu'elle puisse être cliente de Brocante lab. Il est alors nécessaire de savoir ce que la société Roset a pu indiquer à cette société, ce qui consiste en une recherche très limitée. 30. De la même manière, des particuliers et clients de la société Brocante lab lui ont directement reproché des faits analogues à ceux que lui reproche la société Roset. Si cette seule coïncidence ne suffit évidemment pas à caractériser un dénigrement, elle rend légitime, pour la société Brocante lab, la recherche de l'existence d'une communication éventuelle de la part de la société Roset envers ces personnes, qui aurait pu les influencer. Cet intérêt est certes relativement fragile, mais dans la mesure où la société Roset n'allègue elle-même aucun motif légitime d'avoir adressé la moindre correspondance à ces personnes, la recherche de cette seule correspondance ne porte aucune atteinte à ses intérêts. 31. Plus généralement, à cet égard, la concomitance, d'une part, de critiques très argumentées émanant de particuliers, et d'autre part, de la concertation de la société Roset avec ses revendeurs (puisque a minima ceux-ci lui ont remis les courriels qu'ils ont adressés à la société Brocante lab), rend plausible l'allégation de la requérante selon laquelle la société Roset aurait adressé des propos dénigrants à d'autres clients que les seuls qui ont été identifiés. Il est alors nécessaire pour elle de rechercher l'existence de ces échanges, ce qui passe nécessairement par une recherche générale des courriers et courriels émis par la société Roset à des tiers et contenant le mot-clé « Brocante lab » (en deux mots ou en un seul) ou le mot-clé « Selency ». 32. Dans la mesure où la société Roset n'allègue aucun motif pour lequel elle aurait écrit à des tiers, autres que son CPI ou son avocat, pour parler de Brocante lab et Selency, l'atteinte que cause cette recherche à ses intérêts légitimes est faible. Certes, le domaine assez étendu d'une telle recherche est susceptible d'entrainer la découverte de correspondances relevant du secret des affaires ; mais cela peut se résoudre par la règlementation de l'accès aux documents découverts, de sorte que, à la condition de prévoir la protection du secret des affaires dans l'accès aux documents, la mesure tenant à la recherche des correspondances émise à des tiers et contenant les mots clés précités est proportionnée au regard des intérêts en présence. 33. En revanche, rien ne justifie de rechercher des courriels internes à la société Roset, qui, par nature non destinés à des clients, ne sont pas susceptibles de prouver un dénigrement. La mesure d'instruction était disproportionnée à cet égard. 34. Par conséquent, l'ordonnance est rétractée, mais seulement en tant qu'elle a excédé le domaine de recherche qui suit ; et la mesure sollicitée par la requête est corrélativement autorisée telle que sollicitée par la requête, à ceci près qu'elle est limitée à la seule recherche des éléments suivants : - les courriers et courriels a) adressés par la société Roset (ou l'un de ses préposés) à des tiers, c'est-à-dire les courriers ou courriels dont au moins un destinataire, manifestement, ne travaille ni n'a travaillé pour la société Roset, ni pour son avocat, ni pour son conseil en propriété industrielle ; ET b) qui contiennent le mot-clé « Brocante lab », ou le mot-clé « Brocantelab », ou le mot-clé « Selency » ; - la qualité de tiers d'au moins un des destinataires doit s'apprécier tel qu'elle ressort à l'évidence du libellé de la correspondance, ou de l'adresse du destinataire (telle qu'une extension d'adresse électronique n'indiquant aucune affiliation professionnelle liées à Roset, son avocat, son CPI, ou une adresse postale personnelle...) 35. Il en résulte que les documents appréhendés lors de l'exécution de la mesure, et ne correspondant pas au conditions de la recherche fixées au point précédent, doivent être restitués à la société Roset. Le tri des éléments incombe à l'huissier chargé de la mesure, aux frais de la société Brocante lab. 2) Levée du séquestre a. Compétence du juge de la mise en état pour la demande en mainlevée du séquestre 36. L'article 789 du code de procédure civile donne compétence exclusive au juge de la mise en état, jusqu'à son dessaisissement, pour ordonner toute mesure d'instruction ; et l'article 796 précise qu'il contrôle l'exécution des mesures d'instruction qu'il ordonne. Il est donc compétent pour trancher une difficulté née de l'exécution de cette mesure, telle qu'un différend entre les parties sur la possibilité d'accéder aux documents découverts. 37. Quant à l'article R 512-2 du code des procédures civiles d'exécution, il concerne la « demande de mainlevée » d'une mesure conservatoire, c'est-à-dire une mesure sur les biens d'un débiteur chargée de favoriser le recouvrement futur d'une créance qui parait fondée en son principe. Il ne concerne donc en rien le présent incident et ne remet évidemment pas en cause la compétence que le juge de la mise en état tire de l'article 796 du code de procédure civile. 38. L'exception d'incompétence, manifestement infondée, est donc écartée. b. Possibilité et domaine de la levée du séquestre 39. Dans un premier temps, seuls les correspondances adressées par la société Roset aux personnes déjà identifiées par la société Brocante lab et qui fondent ses suspicions peuvent lui être remises. Ces personnes sont la société BCI [Localité 6] ; Mme [L] [X] ; Mme ou M. [E]-[H] ; Mme [N] [T] ; Mme [O] [J] ; 40. Si ces correspondances existent, et qu'elles révèlent que la société Roset a communiqué à ces personnes des informations ou des opinions susceptibles de caractériser un dénigrement de la société Brocante lab, alors il sera nécessaire de lui donner l'accès, sur nouvelle saisine du juge de la mise en état. 3) Suite de la procédure et dispositions finales 41. Cette procédure est anormalement ancienne ; à deux reprises, un juge de la mise en état a estimé que l'instruction pouvait être close. Il convient de permettre aux parties de s'en assurer au plus vite. 42. Si la demande reconventionnelle envisagée en dénigrement ne peut être instruite aussi vite que la demande principale en contrefaçon, les parties seront invitées à se prononcer sur l'opportunité d'une disjonction. 43. Le présent incident n'a pas mis fin à l'instance et il n'y a donc pas lieu de statuer sur les dépens. En revanche, la société Roset, qui le perd pour l'essentiel, doit indemniser en partie la société Brocante lab de ses frais, soit à hauteur de 3 000 euros. PAR CES MOTIFS Le juge de la mise en état : RÉTRACTE partiellement l'ordonnance du 28 septembre 2021, c'est-à-dire seulement en tant qu'elle a autorisé une mesure excédant le domaine de recherche qui suit ; et AUTORISE corrélativement la mesure sollicitée par la requête telle qu'elle a été autorisée le 28 septembre 2021, à ceci près qu'elle est limitée à la seule recherche des éléments suivants : - les courriers et courriels a) adressés par la société Roset (ou l'un de ses préposés) à des tiers, c'est-à-dire les courriers ou courriels dont au moins un destinataire, manifestement, ne travaille ni n'a travaillé pour la société Roset, ni pour son avocat, ni pour son conseil en propriété industrielle ; ET b) qui contiennent le mot-clé « Brocante lab », ou le mot-clé « Brocantelab », ou le mot-clé « Selency » ; - la qualité de tiers d'au moins un des destinataires doit s'apprécier tel qu'elle ressort à l'évidence du libellé de la correspondance, ou de l'adresse du destinataire (telle qu'une extension d'adresse électronique n'indiquant aucune affiliation professionnelle liées à Roset, son avocat, son CPI, ou une adresse postale personnelle...) ORDONNE la levée partielle du séquestre, c'est-à-dire seulement sur les correspondances adressées aux personnes suivantes :- la société BCI [Localité 6] ; - Mme [L] [X] ; - Mme ou M. [E]-[H] ; - Mme [N] [T] ; - Mme [O] [J] ; DIT que l'identification des documents concernés se fera, sauf meilleur accord des parties, par l'huissier ayant accompli la mesure, aux frais avancés de la société Brocante lab ; SURSOIT à statuer sur la levée du séquestre pour le surplus, les parties étant invitées à s'accorder sur la levée du séquestre pour les autres documents, ou à défaut à saisir le juge de la mise en état, si les documents déjà révélés contiennent des propos susceptibles d'être qualifiés de dénigrants à l'égard de la société Brocante lab ; CONDAMNE la société Roset à payer 3 000 euros à la société Brocante lab au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais de cet incident ; RENVOIE l'affaire à la mise en état du 15 décembre 2022 pour ultimes échanges et clôtures avec :- ultimes conclusions de la société Roset sur la contrefaçon pour le 25 novembre ;- ultimes conclusions de la société Brocante lab sur la contrefaçon pour le 8 décembre ; Faite et rendue à Paris le 21 Octobre 2022 Le Greffier Le Juge de la mise en état | x |
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JURITEXT000047304645 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/30/46/JURITEXT000047304645.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 25 octobre 2022, 20/03828 | 2022-10-25 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 20/03828 | CT0087 | TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 3ème chambre 3ème section No RG 20/03828 - No Portalis 352J-W-B7E-CSASU No MINUTE : Assignation du :07 et 10 avril 2020 JUGEMENT rendu le 25 octobre 2022 DEMANDERESSES Société EUROPE WATCH GROUP II BV[Adresse 6][Localité 1] (PAYS BAS) Société EUROPE WATCH GROUP BV[Adresse 6][Localité 1] (PAYS BAS) représentées par Maître Sylvie BENOLIE- CLAUX, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C0415 DÉFENDERESSES S.A. TIME AND DIAMONDS (T.A.D)[Adresse 3][Localité 5] Madame [V] [H] épouse [B][Adresse 2][Localité 4] représentées par Maître Emmanuelle HOFFMAN ATTIAS de la SELARL HOFFMAN, avocat au barreau de PARIS,vestiaire #C0610 COMPOSITION DU TRIBUNAL Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointeArthur COURILLON-HAVY, jugeLinda BOUDOUR, juge assistés de Lorine MILLE, greffière, DÉBATS A l'audience du 23 juin 2022 tenue en audience publique devant Nathalie SABOTIER et Arthur COURILLON-HAVY, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seuls l'audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux avocats que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 11 octobre 2022 et prorogé au 25 octobre 2022. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffeContradictoireEn premier ressort ______________________________ EXPOSÉ DU LITIGE : 1. Les sociétés Europe watch Group B.V et Europe Watch Group II B.V conçoivent et commercialisent des montres et des bijoux fantaisie. La société Europe Watch Group II est titulaire de deux marques de l'Union européenne : une marque verbale no12849361 "CLUSE" enregistrée le 27 août 2014 pour désigner en classes 14 les "instruments de mesure du temps" et 35 les "services de vente au détail concernant les instruments de mesure du temps", ainsi qu'une marque semi-figurative "CLUSE" (le signe est écrit en caractères noirs et en gras sur fond blanc) no15833858 enregistrée le 25 janvier 2017 pour désigner en classe 14 les produits de "joaillerie" et les "instruments chronométriques ; horloges ; horloges électriques ; montres". 2. La société Time And Diamonds (ci après "la société TAD") exploite le site internet accessible à l'adresse <www.cluelesswatches.com>, ainsi que la marque verbale française "CLUELESS" no4351010, déposée le 31 mars 2017, pour désigner en classe 14 notamment les produits d "horlogerie et instruments chronométriques", par Mme [V] [H], épouse [B]. 3. Par une lettre de leur conseil en date du 23 septembre 2019, les sociétés Europe Watch Group ont mis en demeure la société TAD de cesser l'utilisation du signe CLUELESS et de retirer de la vente une série de montres qui étaient selon elles des copies de celles commercialisées sous leur marque CLUSE, demande auxquelles n'a pas déféré la société TAD. 4. Les sociétés Europe Watch Group ont fait procéder le 6 décembre 2019 à un constat d'huissier sur le site internet <www.cluelesswatches.com>, exploité par la société TAD et ont ensuite fait assigner Mme [V] [H] et la société TAD, par actes d'huissier des 7 et 10 avril 2020, devant le tribunal judiciaire de Paris en contrefaçon de marques et concurrence déloyale et parasitaire. 5. Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 30 novembre 2021, les sociétés Europe Watch Group demandent au tribunal de :- Déclarer la pièce no22 recevable ; - Juger que Mme [V] [H], épouse [B] et la société TIME AND DIAMONDS se sont rendues coupables d'actes de contrefaçon des marques de l'Union européenne CLUSE no12849361 et no15833858 dont la société EUROPE WATCH GROUP II B.V est titulaire ; - Juger que la société TIME AND DIAMONDS s'est rendue coupable d'actes de concurrence déloyale et parasitaire ; En conséquence, sous exécution provisoire de droit selon l'article 514 du code de procédure civile, - Faire interdiction, sous astreinte de 1 000 € par infraction constate et par jour de retard à compter du prononcé du jugement, à Mme [V] [H], épouse [B] et à la société TIME AND DIAMONDS de faire usage de la dénomination CLUELESS ou de toute autre dénomination similaire, à quelque titre que ce soit et sur tout support, y compris au sein du nom de domaine www.cluelesswatches.com, pour désigner des produits identiques et/ou similaires à ceux visés par les marques antérieures de l'Union européenne CLUSE no12849361 et 15833858 ; - Ordonner que les produits contrefaisants commercialisés sous la dénomination CLUELESS soient rappelés des circuits commerciaux et écartés définitivement de ces circuits aux fins de destruction devant un huissier de justice aux seuls frais in solidum de Mme [V] [H], épouse [B] et de la société TIME AND DIAMONDS, sous astreinte d'un montant de 1 000 € par infraction constate à compter d'un délai de 15 jours suivant la signification du jugement à intervenir ;- Ordonnerla destruction ou la remise à une association caritative, aux frais avancés de Mme [V] [H], épouse [B] et de la société TIME AND DIAMONDS, de tous les produits contrefaisants commercialisés sous la dénomination CLUELESS détenus en stock ainsi que la destruction de l'ensemble des supports et documents commerciaux représentant lesdits produits et ce par huissier, sous astreinte de 1 000 € par jour de retard compter d'un délai de 15 jours suivant la signification du jugement à intervenir ; - Faire interdiction, sous astreinte de 1 000 € par infraction constate et par jour de retard à compter du prononcé du jugement, à Mme [V] [H], épouse [B] et à la société TIME AND DIAMONDS, de vendre ou d'offrir à la vente des produits contrefaisants sous la dénomination CLUELESS et ce, sur l'ensemble du territoire de l'Union européenne ; - Faire injonction à la société TIME AND DIAMONDS, conformément à l'article L.716-4-9 du code de la propriété intellectuelle de communiquer des documents comptables certifiés permettant de déterminer les quantités exactes de produits contrefaisants commercialisés sous la marque CLUELESS importés, commandés, reçus, livrés et vendus par la société TIME AND DIAMONDS en France et sur le territoire de l'Union Européenne, sous astreinte de 500 € par jour de retard, pass le délai de 8 jours suivant la signification du jugement à intervenir ; - Ordonner à la société TIME AND DIAMONDS de procéder à la radiation du nom de domaine www.cluelesswatches.com sous astreinte de 1 000 € par jour de retard compter du prononcé du jugement ; - Se réserver la liquidation des astreintes précitées ; - Condamner in solidum Madame [V] [H], épouse [B] et la société TIME AND DIAMONDS à verser aux sociétés EUROPE WATCH GROUP B.V et EUROPE WATCH GROUP II B.V la somme provisionnelle de 500 000 € titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice commercial, à parfaire après justification de l'intégralité de la masse contrefaisante ; - Condamner in solidum Mme [V] [H], épouse [B] et la société TIME AND DIAMONDS à verser aux sociétés EUROPE WATCH GROUP B.V et EUROPE WATCH GROUP II B.V la somme de 80 000 € en rparation du préjudice moral causé du fait des actes de contrefaçon de marques ; - Condamner la société TIME AND DIAMONDS à verser à la société EUROPE WATCH GROUP B.V la somme de 300 000 € titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé du fait des actes de concurrence déloyale et parasitaire ; - Annuler la marque française verbale CLUELESS déposée et enregistrée le 31 mars 2017 sous le no4351010 pour l'ensemble des produits qu'elle désigne ; - Ordonner l'inscription du jugement à intervenir au Registre National des Marques de l'INPI et DIRE que cette inscription pourra être effectuée sur présentation d'une copie exécutoire, dans les conditions de l'article R.714-3 du Code de la Propriété Intellectuelle; - Ordonner la publication du jugement à intervenir dans trois journaux ou revues au choix des sociétés EUROPE WATCH GROUP B.V et EUROPE WATCH GROUP II B.V aux frais exclusifs et avancés des défenderesses dans la limite d'un montant global de 30 000 € HT ; - Débouter Mme [V] [H], épouse [B] et la société TIME AND DIAMONDS de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ; - Condamnerin solidum Madame [V] [H], épouse [B] et la société TIME AND DIAMONDS à verser aux sociétés EUROPE WATCH GROUP B.V et EUROPE WATCH GROUP II B.V la somme de 30 000 € au titre de l'article 700 du code de procdure civile ainsi qu'aux entiers dépens. 6. Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 14 octobre 2021,la société TAD et Mme [H] demandent au tribunal de : - Les Recevoir en toutes leurs demandes, fins et conclusions, - Ecarter des débats la pièce 22 communiquée par les sociétés EUROPE WATCH GROUP BV et EUROPE WATCH GROUP II BV comme non traduite en langue française ; - Débouter les sociétés EUROPE WATCH GROUP BV et EUROPE WATCH GROUP II BV de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ; - Dire qu'aucun acte de contrefaçon de marque ne peut être reproché à la société TIME AND DIAMONDS du fait de l'exploitation de la marque CLUELESS faute de risque de confusion avec les marques CLUSE revendiquées ; - Dire qu'aucun acte de contrefaçon de marque ne peut être reproché à Mme [V] [H] du fait du dépôt de la marque française CLUELESS numéro 4351010 faute de risque de confusion avec les marques CLUSE revendiquées ; - Débouter les sociétés EUROPE WATCH GROUP II et EUROPE WATCH GROUP BV de toutes leurs demandes au titre de la contrefaçon de marques y compris leurs demandes indemnitaires; - Débouter les sociétés EUROPE WATCH GROUP BV et EUROPE WATCH GROUP II BV de toutes leurs au titre de la concurrence déloyale et parasitaire, y compris leurs demandes indemnitaires : - Débouter les sociétés EUROPE WATCH GROUP BV et EUROPE WATCH GROUP II BV de l'ensemble de leurs demandes complémentaires y compris d'exécution provisoire ; - Condamner solidairement les sociétés EUROPE WATCH GROUP BV et EUROPE WATCH GROUP II BV à verser à la société TIME AND DIAMONDS la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; - Condamner solidairement les sociétés EUROPE WATCH GROUP BV et EUROPE WATCH GROUP II BV à verser à Mme [V] [H] la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; - Condamner solidairement les sociétés EUROPE WATCH GROUP BV et EUROPE WATCH GROUP II BV aux entiers dépens. 7. L'instruction a été clôturée par une ordonnance du 9 décembre 2021 et l'affaire plaidée à l'audience du 23 juin 2022. MOTIFS DE LA DÉCISION 1o) Sur la contrefaçon de marques Moyens des parties 8. Les sociétés Europe Watch Group soutiennent que le risque de confusion, apprécié globalement, est inévitable ici, et d'ailleurs avéré, vu l'identité des produits et la similarité des signes. Elles font ainsi valoir que les produits couverts par l'enregistrement de la marque CLUELESS sont similaires voire identiques à ceux désignés par l'enregistrement des marques CLUSE. Elles font également valoir que les deux signes "CLUSE" et "CLUELESS" sont visuellement et phonétiquement proches, sans qu'une signification conceptuelle puisse les différencier. En particulier, elles soutiennent que les deux termes seront prononcés de la même manière par un consommateur français et relèvent surtout que l'attaque des deux mots étant identique et l'intégralité des lettres du signe des demanderesses étant repris dans celui des défenderesse, le risque de confusion est caractérisé. Elles invoquent à cet égard la confusion faite par deux clientes ayant acquis des montres "Clueless", l'une en proposant la revente comme montre de marque "Cluse" et la seconde s'adressant au service après-vente "Cluse" pour se plaindre de la mauvaise qualité du bracelet. 9. Les défenderesses contestent cette analyse et soutiennent qu'une appréciation globale des signes en comparaison permet de conclure à une absence de risque de confusion. En effet, si les produits en cause sont bien identiques, la société TAD et Mme [H] relèvent que les deux mots sont d'une longueur différente et composés de lettres différentes, tandis qu'une similarité entre eux ne peut pas être déduite de la seule identité de leurs trois premières lettres, ce d'autant moins que le consommateur français ne les prononcera pas de la même manière, tandis qu'aucun des deux signes n'a selon elles de signification incontestable qui permettrait de les rapprocher. Réponse du tribunal 10. Aux termes de l'article 9 "Droit conféré par la marque de l'Union européenne" du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne (rédigé en termes en substance identiques à l'article 10 de la Directive 2015/2436 rapprochant les législations sur les marques): "1. L'enregistrement d'une marque de l'Union européenne confère à son titulaire un droit exclusif. 2. Sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité d'une marque de l'Union européenne, le titulaire de cette marque de l'Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe pour des produits ou services lorsque : (...) b) ce signe est identique ou similaire à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou services identiques ou similaires aux produits ou services pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public; le risque de confusion comprend le risque d'association entre le signe et la marque ; (...) 3. Il peut notamment être interdit, en vertu du paragraphe 2: a) d'apposer le signe sur les produits ou sur leur conditionnement; b) d'offrir les produits, de les mettre sur le marché ou de les détenir à ces fins sous le signe, ou d'offrir ou de fournir des services sous le signe; c) d'importer ou d'exporter les produits sous le signe; (...)." 11. Afin d'apprécier le degré de similitude existant entre les signes en conflit, il y a lieu de déterminer leur degré de similitude visuelle, phonétique et conceptuelle et, le cas échéant, d'évaluer l'importance qu'il convient d'accorder à ces différents éléments, en tenant compte de la catégorie de produits ou de services en cause ou des conditions dans lesquelles ils sont commercialisés (arrêts du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C-342/97, point 27, et du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C-334/05 P, point 36 ; et récemment arrêt du 4 mars 2020, Equivalenza Manufactory SL, C-328/18 P, point 68). 12. Il n'est pas contesté que les produits couverts par les marques en litige sont au moins pour partie identiques s'agissant dans les deux cas de produits d'horlogerie et en particulier de montres. Les produits sont donc fortement similaires et le public pertinent d'attention moyenne à élevée. 13. Visuellement, les signes "Cluse" et "Clueless" partagent incontestablement la même attaque "CLU" et, ainsi que le relèvent à juste titre les sociétés demanderesses, la partie initiale des marques verbales peut être susceptible de retenir l'attention du consommateur davantage que les parties suivantes (voir par exemple les arrêts du tribunal du 17 mars 2004, El Corte Inglés/OHMI – [J] [G] et Iberia Líneas Aéreas de España (MUNDICOR), aff. T-183/02 et T-184/02, Rec. p. II-965, point 81, du 16 mars 2005, L'Oréal/OHMI – Revlon (FLEXI AIR), T-112/03, points 64 et 65, du 13 février 2008, Sanofi-Aventis SA,/ OHMI - GD Searle LLC (URION /ATURION), aff. T146/06, point 49). En outre, si le consommateur français prononcera sans doute cette attaque [kly] s'agissant de la marque "Cluse" et [klu] s'agissant de la marque "Clueless", dès lors qu'il percevra immédiatement qu'il s'agit d'un terme de la langue anglaise, le public pertinent du reste de l'Union prononcera lui l'attaque des deux signes de la même manière à savoir [klu]. 14. Ceci étant, les signes se distinguent visuellement par l'ajout de 3 lettres dans la marque "Clueless", ce qui en modifie assez nettement l'apparence, et se distinguent surtout phonétiquement par l'ajout d'une syllabe, ici "less". Il en résulte que la ressemblance, visuelle et auditive des signes, est moyenne voire faible en dépit de l'identité de leurs 3 premières lettres. 15. Il est également rappelé que, si le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails, il n'en demeure pas moins que, en percevant un signe verbal, il décomposera celui-ci en des éléments verbaux qui, pour lui, suggèrent une signification concrète ou qui ressemblent à des mots qu'il connaît (voir arrêt du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI - Altana Pharma (RESPICUR), aff. T-256/04, point 57). En l'occurrence, si le signe "Cluse" n'a apparemment pas de signification particulière, le signe "Clueless" est quand à lui un terme de la langue anglaise qui signifie "sans aucune idée", voire "confus", "perdu" et, si le public français n'attribuera pas nécessairement immédiatement à ce signe son sens exact, il comprend qu'il s'agit d'un terme de langue anglaise, renvoyant littéralement, par l'ajout du suffixe "less" au terme "clue", à l'absence d'indice. Les signes "Cluse" et "Clueless" sont donc conceptuellement distincts. 16. Il en résulte que le public pertinent, d'attention moyenne à élevée, en dépit de l'identité des produits, ne sera pas amené à leur attribuer une origine commune en raison de la faible ressemblance des signes dont ils sont revêtus et plus particulièrement en raison de leurs différences auditive et conceptuelle. Le risque de confusion apparaît donc exclu et les deux événements rapportés par les sociétés demanderesses apparaissent susceptibles d'avoir d'autres causes qu'une réelle confusion entre les signes par les consommateurs au moment de l'achat des produits. 17. La contrefaçon de marques n'étant pas caractérisée, toutes les demandes présentées à ce titre (interdiction, rappel des produits, communication forcée de pièces, annulation de la marque "Clueless", radiation de nom de domaine, paiement de dommages-intérêts) ne peuvent qu'être rejetées. 2o) Sur la concurrence déloyale et paratisaire Moyens des parties 18. Les sociétés demanderesses reprochent à la société TAD d'avoir repris de manière quasi identique 5 montres, parmi les plus caractéristiques et "emblématiques" des collections commercialisées sous leur marque "CLUSE". Les sociétés Europe Watch Group fondent également leurs demandes en concurrence déloyale et parasitaire sur la reprise par la société TAD d'éléments de communication, à savoir 6 visuels publiés sur leur compte Instagram repris à l'identique sur le compte Instagram "Clueless" après modification des produits présentés. 19. La société TAD conclut au rejet des demandes fondées sur la concurrence déloyale et parasitaire soutenant que, si les produits qu'elle-même commercialise ressemblent à ceux des sociétés Europe Watch Group, c'est parce que leurs produits s'inscrivent dans une même tendance de la mode horlogère, reprise par de nombreux autres opérateurs économiques, celle des montres de poignet "vintage" à boîtier rond ou carré et bracelet en maille milanaise (effet côte de maille), que les sociétés demanderesses ne sauraient s'approprier. La société TAD ajoute avoir exposé ses propres frais de promotion de ses produits et soutient que les sociétés demanderesses ne détiennent aucun droit privatif sur les photographies qu'elles lui reprochent d'avoir reprises. Réponse du tribunal 20. Selon les articles 1240 et 1241 du code civil « Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence. » 21. La concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce et de l'industrie, qui implique qu'un signe ou un produit qui ne fait pas l'objet de droits de propriété intellectuelle puisse être librement reproduit sous certaines conditions tenant à l'absence de faute, laquelle peut être constituée par la création d'un risque de confusion. L'appréciation de cette faute doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l'imitation, l'ancienneté de l'usage, l'originalité et la notoriété du produit copié. 22. Le parasitisme, qui n'exige pas de risque de confusion, consiste dans le fait pour une personne physique ou morale de profiter volontairement et sans bourse délier des investissements, d'un savoir-faire ou d'un travail, produisant une valeur économique individualisée et générant un avantage concurrentiel. Il incombe à celui qui allègue de parasitisme d'établir le savoir-faire ainsi que les efforts humains et financiers consentis par lui, ayant permis la création d'une valeur économique individualisée. 23. Force est en l'occurrence de constater que les sociétés demanderesses n'établissent (ni d'ailleurs n'allèguent), que les 5 montres "copiées" par la société TAD seraient particulièrement originales ou particulièrement anciennes, s'agissant de créations datées de 2015 et 2018. Les deux parties commercialisent en outre une gamme bien plus vaste de produits, les sociétés Europe Watch Group revendiquant la commercialisation de 122 produits, et la société TAD 555 références. En outre, les sociétés Europe Watch Group ne caractérisent pas en quoi ces 5 modèles bénéficieraient d'une notoriété particulière ou encore représenteraient une valeur économique individualisée, leur propre communication sur Instagram concernant ces produits n'apparaissant de ce chef pas particulièrement convaincante, en l'absence d'autres éléments démontrant les investissements spécialement consacrés à ces 5 modèles de montres ou encore leur part dans le chiffre d'affaires de 69 millions d'euros réalisé en 2017 sur la vente de montres, qui est invoqué au titre de leur préjudice. Il en résulte que la "copie", qui n'est au demeurant pas servile, des modèles Boho Chic, Tetragonne et Triomphe, ne saurait en elle-même être constitutive d'un agissement parasitaire ou déloyal. 24. En revanche, la reprise de 6 visuels divulgués et exploités par les sociétés demanderesses, révélateurs de leur univers, pour présenter (manifestement par des retouches réalisées sur ces photographies) des montres similaires aux leurs, caractérise la volonté de la société TAD, tout à la fois de créer un risque de confusion entre ses produits et ceux de la marque "Cluse", et de tirer partie sans bourse délier des investissements promotionnels sur les réseaux sociaux des sociétés Europe Watch Group, ce qui caractérise l'existence d'une faute de concurrence déloyale et parasitaire. 25. Une telle faute cause nécessairement un préjudice aux sociétés demanderesses (Cass. Com., 12 févr. 2020, pourvoi no 17-31.614) dont une part des investissements publicitaires est ainsi captée et qui subissent le risque qu'une partie de leur clientèle se détourne. Ce préjudice sera réparé par le versement de la somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts, cette somme, au paiement de laquelle sera condamnée la société TAD, prenant en compte l'importance de la communication digitale pour les deux parties qui commercialisent leurs produits principalement sur internet auprès d'une clientèle plutôt jeune. Le préjudice apparaissant ainsi suffisamment réparé, la demande de publication de la présente décision sera rejetée. 26. Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, la société TAD sera condamnée aux dépens, ainsi qu'à payer aux sociétés Europe Watch Group la somme de 5.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, cette somme tenant compte du fait que ces parties perdent sur l'essentiel de leurs demandes, tandis qu'il n'apparaît pas inéquitable ici que Mme [H] conserve la charge de ses frais irrépétibles. 27. Aucune circonstance ne justifie enfin d'écarter l'exécution provisoire de droit dont est assortie la présente décision conformément aux dispositions de l'article 514 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS Le tribunal, REJETTE les demandes des sociétés Europe Watch Group et Europe Watch Group II fondées sur la contrefaçon des marques de l'Union Européenne "CLUSE" no12849361 et no15833858 (interdiction, rappel des produits, communication forcée de pièces, annulation de la marque "Clueless", radiation de nom de domaine, paiement de dommages-intérêts); CONDAMNE la société Time And Diamond à payer à la société Europe Watch Group la somme de 15.000 euros en réparation du préjudice causé par les faits de concurrence déloayale et parasitaire résultant de la reprise de 6 visuels lui appartenant ; REJETTE la demande de publication de la présente décision ; CONDAMNE la société Times And Diamonds aux dépens ; CONDAMNE la société Time And Diamond à payer à la société Europe Watch Group la somme de 5.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; DÉBOUTE Mme [V] [H] épouse [B] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; RAPPELLE que la présente décision est de plein droit assortie de l'exécution provisoire.Fait et jugé à Paris le 25 Octobre 2022. La Greffière La Présidente | x |
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JURITEXT000047304646 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/30/46/JURITEXT000047304646.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 7 novembre 2022, 22/56579 | 2022-11-07 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 22/56579 | CT0087 | TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS No RG 22/56579 - No Portalis 352J-W-B7G-CXCTI FMNo : 1 Assignation du :07 Juin 2022 ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ rendue le 07 novembre 2022 par Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal, Assistée de Flore MARIGNY, Faisant fonction de Greffier. DEMANDERESSE Association QUALIFELEC[Adresse 1][Localité 3] représentée par Maître Charlotte ABATI de la SELARL AYRTON AVOCATS, avocats au barreau de PARIS - #C1289 DEFENDERESSE S.A.S. MD FIBRE[Adresse 4][Localité 2] non comparante DÉBATS A l'audience du 03 Octobre 2022, tenue publiquement, présidée par Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe, assistée de Flore MARIGNY, Faisant fonction de Greffier, Nous, Président, Après avoir entendu les conseils des parties, Vu l'assignation en référé introductive d'instance, délivrée le 07 juin 2022, et les motifs y énoncés, EXPOSÉ DU LITIGE : 1. L'association QUALIFELEC (Association Professionnelle et Technique de Qualification des Entreprises du Génie Electrique, Energétique et Numérique), créée en 1955 sous l'impulsion des pouvoirs publics et de représentants de la filière électrique, a pour mission, notamment, la promotion de la qualité des prestations des professionnels de l'électricité par l'attribution, à la demande des entreprises de ce secteur, de qualifications "QUALIFELEC". L'association est accréditée par le COFRAC en tant qu'organisme de qualification et expose que sa mission est de permettre aux particuliers, aux maîtres d'oeuvre et aux bureaux d'études, de choisir en toute confiance le professionnel électricien compétent et adapté à leurs besoins pour sécuriser l'exécution de leurs travaux. 2. L'association est titulaire de la marque semi-figurative collective française "QE Qualifelec" no1609713, déposée le 13 février 1990 et régulièrement renouvelée pour désigner les produits et services des classes 9,11, 35, 37, 38 et 42 : 3. La société MD Fibre, dont le siège est situé, selon son extrait de récépissé [Adresse 4]) a pour activité déclarée l'installation, la réparation et la maintenance de fibre optique et de réseau informatique. 4. L'association QUALIFELEC fait valoir que cette société, qui n'a jamais été qualifiée par elle, a reproduit sa marque sur des documents supposés attester de sa qualification (certificat et facture) adressés le 20 avril 2022 à l'association Avere France, et qu'une plainte pénale a d'ailleurs été déposée contre cette société MD Fibre. 5. Par acte d'huissier du 7 juin 2022, l'association QUALIFELEC a fait assigner la société MD Fibre devant le délégataire du président du tribunal judiciaire de Paris, statuant en référé en contrefaçon vraisemblable de marque. Aux termes de son assignation, l'association QUALIFELEC demande au juge des référés de : - Constater que le logo et la marque QUALIFELEC figurent sur les documents transmis par la société MD Fibre auprès de tiers à une date où cette société ne dispose pas de droit sur cette marque, - Constater que la société MD Fibre porte une atteinte vraisemblable aux droits de l'association QUALIFELEC sur sa marque nationale collective semi-figurative no1609713, En conséquence : - Interdire à la société MD Fibre la poursuite des actes de contrefaçon sous astreinte de 10.000 euros par infraction constatée et sur tout support, après un délai de trois jours à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir, - Condamner la société MD Fibre aux dépens ainsi qu'au paiement de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens. 6. A l'audience du 3 octobre 2022, le conseil de l'association QUALIFELEC a réitèré oralement les termes de son assignation. Bien que régulièrement citée par dépôt de l'acte à l'étude (l'adresse étant confirmée par la société de domiciliation Idom You qui refuse de recevoir l'acte), personne n'a comparu pour la société MD Fibre. La présente ordonnance est réputée contradictoire. MOTIFS DE l'ORDONNANCE 7. En application de l'article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée. 8. Aux termes de l'article L.716-4-6 du code de la propriété intellectuelle, "Toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon peut saisir en référé la juridiction civile compétente afin de voir ordonner, au besoin sous astreinte, à l'encontre du prétendu contrefacteur ou des intermédiaires dont il utilise les services, toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d'actes argués de contrefaçon. (...) Saisie en référé ou sur requête, la juridiction ne peut ordonner les mesures demandées que si les éléments de preuve, raisonnablement accessibles au demandeur, rendent vraisemblable qu'il est porté atteinte à ses droits ou qu'une telle atteinte est imminente. La juridiction peut interdire la poursuite des actes argués de contrefaçon, la subordonner à la constitution de garanties destinées à assurer l'indemnisation éventuelle du demandeur ou ordonner la saisie ou la remise entre les mains d'un tiers des produits soupçonnés de porter atteinte aux droits conférés par le titre, pour empêcher leur introduction ou leur circulation dans les circuits commerciaux. (...) Lorsque les mesures prises pour faire cesser une atteinte aux droits sont ordonnées avant l'engagement d'une action au fond, le demandeur doit, dans un délai fixé par voie réglementaire, soit se pourvoir par la voie civile ou pénale, soit déposer une plainte auprès du procureur de la République. A défaut, sur demande du défendeur et sans que celui-ci ait à motiver sa demande, les mesures ordonnées sont annulées, sans préjudice des dommages et intérêts qui peuvent être réclamés." 9. Le caractère vraisemblable de l'atteinte alléguée dépend, d'une part, de l'apparente validité du titre sur lequel se fonde l'action et, d'autre part, de la vraisemblance de la contrefaçon alléguée. 10. Selon l'article L. 715-6 (auparavant L. 715-1) du code de la propriété intellectuelle, "Une marque collective est une marque ainsi désignée lors de son dépôt et propre à distinguer les produits ou les services des personnes autorisées à l'utiliser en vertu de son règlement d'usage." L'article L. 715-7 du même code prévoit que "Peut déposer une marque collective toute association ou tout groupement doté de la personnalité morale représentant des fabricants, des producteurs, des prestataires de services ou des commerçants, ainsi que toute personne morale de droit public. Le dépôt d'une demande d'enregistrement de marque collective est accompagné d'un règlement d'usage. Toute modification ultérieure du règlement d'usage est portée à la connaissance de l'Institut national de la propriété industrielle." 11. Aux termes de l'article L.716-4 du code de la propriété intellectuelle, l'atteinte portée au droit du titulaire de la marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur. Constitue une atteinte aux droits attachés à la marque la violation des interdictions prévues aux articles L. 713-2 à L. 713-3-3 et au deuxième alinéa de l'article L. 713-4. L'article L.713-2 du code de la propriété intellectuelle dispose qu'est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l'usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services: 1o D'un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée; 2o D'un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s'il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d'association du signe avec la marque. 12. L'expression « usage dans la vie des affaires », qui figure dans la disposition précitée, implique que les droits exclusifs conférés par une marque ne peuvent en principe être invoqués par le titulaire de cette marque que vis-à-vis des opérateurs économiques et, en conséquence, que dans le contexte d'une activité commerciale (CJUE, 12 juillet 2011, C-324/09, L'Oréal e.a., point 54 ; CJUE, 30 avril 2020, C-772/18, A c/ B, point 23). Toutefois, si les opérations effectuées dépassent, en raison de leur volume, de leur fréquence ou d'autres caractéristiques, la sphère d'une activité privée, celui qui les accomplit se place dans le cadre de la vie des affaires (CJUE, 12 juillet 2011, L'Oréal e.a., C-324/09, point 55 ; CJUE, 30 avril 2020, C-772/18, A c/ B, point 23). 13. L'association QUALIFELEC justifie ici de ses droits sur la marque collective française no1609713, par la production du certificat d'enregistrement de la marque délivré par l'INPI et ses déclarations de renouvellement effectuées les 8 octobre 2009 et 13 février 2020. Cette marque désigne de nombreux produits et services en rapport avec les travaux électriques du bâtiment et en particulier ceux relatifs aux conduits et raccordements électriques. Sont également produites les "Règles de fonctionnement" relatives à la marque collective "QE Qualifelec". 14. Aucun moyen n'est opposé en défense de nature à caractériser que la marque opposée, qui est en vigueur, ne serait manifestement pas valable. 15. Il est en outre constaté que la société MD Fibre a transmis à l'association Avere France, aux fins de remboursement à ses clients d'une part des travaux qu'elle réalise au moyen du versement d'une prime, un courriel, un certificat de qualification ainsi qu'une facture (pièces Qualifelec no3, 4, 6 et 7), reproduisant tous à l'identique la marque "QE Qualifelec" et ce, pour désigner les services d'installations électriques (en particulier les services d'infrasctructures de recharge des véhicules électriques IRVE), alors que cette société ne bénéficie d'aucune certification. 16. Cette reproduction de la marque à l'identique pour désigner, dans la vie des affaires (cet usage visant pour elle à obtenir des marchés), des services identiques à ceux figurant à l'enregistrement, caractérise la contrefaçon vraisemblable par imitation de la marque no1609713. Il sera donc fait interdiction à la société MD Fibre, dans les termes du dispositif de la présente ordonnance, de faire usage, de quelque manière que ce soit, pour désigner son activité, de tout signe reproduisant ou imitant cette marque. 17. Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, la société MD Fibre sera condamnée aux dépens ainsi qu'à payer à l'association QUALIFELEC la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS Le juge des référés, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par ordonnance réputée contradictoire et en premier ressort, Dit que la société MD Fibre a commis des actes de contrefaçon vraisemblable de la marque semi-figurative collective française "QE Qualfelec" no1609713 ; Fait interdiction à la société MD Fibre de faire usage dans la vie des affaires, de quelque manière que ce soit, pour identifier les services qu'elle propose d'installations électriques et en particulier les services de pose d'infrasctructures de recharge des véhicules électriques, de tout signe reproduisant ou imitant la marque semi-figurative collective française no1609713, et ce, sous astreinte de 1.000 euros par infraction constatée (c'est à dire par usage du signe "QE Qualifelec"), courant à l'expiration d'un délai de 10 jours suivant la signification de la présente décision et pendant 180 jours ; Condamne la société MD Fibre aux dépens, Condamne la société MD Fibre à payer à l'association QUALIFELEC la somme de 2.500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, Rappelle que la présente ordonnance est exécutoire de plein droit par provision. Fait à Paris le 07 novembre 2022. Le Greffier, Le Président, Flore MARIGNY Nathalie SABOTIER | x |
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JURITEXT000047304647 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/30/46/JURITEXT000047304647.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 7 novembre 2022, 22/51514 | 2022-11-07 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 22/51514 | CT0087 | TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS No RG 22/51514 - No Portalis 352J-W-B7G-CVYIP FMNo : 2 Assignation du :06 Janvier 2022 ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ rendue le 07 novembre 2022 par Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal, Assistée de Flore MARIGNY, Faisant fonction de Greffier. DEMANDERESSES Société SHARK ROBOTICS[Adresse 4][Localité 2] représentée par Me Marguerite DE PRÉMOREL-HIGGONS, avocat au barreau de PARIS - #W0007 Société ELWEDYS[Adresse 4][Localité 2] représentée par Me Marguerite DE PRÉMOREL-HIGGONS, avocat au barreau de PARIS - #W0007 DEFENDERESSE S.A.S. ANGATEC[Adresse 1][Localité 3]/FRANCE représentée par Maître Charles-antoine JOLY de la SELAS DS AVOCATS, avocats au barreau de PARIS - #T007 DÉBATS A l'audience du 03 octobre 2022, tenue publiquement, présidée par Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe, assistée de Flore MARIGNY, Faisant fonction de Greffier, Après avoir entendu les conseils des parties, EXPOSÉ DU LITIGE : 1. La société Shark Robotics se présente comme spécialisée dans la conception et la fabrication de robots terrestres destinés à assister l'homme au cours de différentes missions Elle exploite notamment les brevets dont est propriétaire la société Elwedys et en particulier les demandes de brevets suivants : - la demande de brevet français no FR 2 101 454 déposée le 16/02/2021 et ayant pour titre "Robot equipé d'un dispositif agencé pour recevoir des capteurs de grandeurs physiques et transmettre des informations relatives aux grandeurs physiques" publiée le 19/08/2022 (BOPI 2022-33), - la demande de brevet français no FR 2 111 102 déposée le 19/10/2021 et qui se veut une demande complémentaire de la précédente, ayant le même titre ("Robot equipé d'un dispositif agencé pour recevoir des capteurs de grandeurs physiques et transmettre des informations relatives aux grandeurs physiques") et la même date de publication au BOPI : 19/08/2022 (BOPI 2022-33), - la demande de brevet français no FR 2 108 020 déposée le 23 juillet 2021 intitulée "Dispositif de distribution d'oxygène sur un lieu d'intervention" laquelle n'a pas été publiée à ce jour. 2. La société Angatec se présente quant à elle comme spécialisée dans la conception de robots d'assistance opérationnelle et de lutte contre l'incendie. 3. Soupçonnant que des modules complémentaires du robot TEC 800 de la société Angatec reproduisait les revendications des demandes de brevets précitées, les sociétés Elwedys et Shark Robotics l'ont, par une lettre du 2 novembre 2021, mise en demeure de cesser d'offrir à la vente ces produits, ce à quoi la société Angatec opposait un refus qu'elles qualifient de "véhément". 4. C'est dans ce contexte que les sociétés Elwedys et Shark Robotics ont, par acte d'huissier du 6 janvier 2022, fait assigner la société Angatec devant le délégataire du président du tribunal judiciaire de Paris aux fins qu'il ordonne, sous astreinte, à cette société, de cesser tout acte de fabrication, de promotion, de distribution ou de commercialisation de ses dispositifs Air Tank Support et Support for sensor devices, ou de tout autre produit ou dispositif contrefaisant les demandes de brevets FR2101454, FR2111102 et FR2108020, dès le prononcé de l'ordonnance à intervenir. 5. Après plusieurs renvois, l'affaire a finalement été appelée à l'audience du 3 octobre 2022, à laquelle les sociétés Elwedys et Shark Robotics demandent au juge des référés, à titre principal, de surseoir à statuer dans l'attente de la délivrance des brevets et, subsidiairement, d'ordonner, sous astreinte, à cette société, de cesser tout acte de fabrication, de promotion, de distribution ou de commercialisation de ses dispositifs Air Tank Support et Support for sensor devices, ou de tout autre produit ou dispositif contrefaisant les demandes de brevets FR2101454, FR2111102 et FR2108020, dès le prononcé de l'ordonnance à intervenir. Elles sollicitent également la condamnation de la société Angatec à leur payer la somme de 50.000 euros à titre de provision à valoir sur la réparation de leur préjudice, la "saisie" de tous les dispositifs contrefaisants et de tout document en lien avec l'exploitation de ces dispositifs. Les sociétés Elwedys et Shark Robotics sollicitent encore la condamnation de la société Angatec au paiement de la somme de 5.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. 6. Elles soutiennent avoir régulièrement notifié les demandes de brevets, par notification entre avocats le 20 janvier 2022, puis par acte d'huissier le 29 juillet 2022, de sorte que la contrefaçon est selon elles a minima établie à compter de cette dernière date. 7. A l'audience du 3 octobre 2022, la société Angatec conclut à l'irrecevabilité des demandes, les demandes de brevets qui lui sont opposées ne lui ayant jamais été régulièrement notifiées. Subsidiairement, elle conclut au sursis à statuer ainsi qu'au rejet des demandes rappelant qu'elle n'a pu contrefaire un brevet dont elle n'avait pas connaissance, tandis que la prétendue contrefaçon n'est démontrée par aucun élément sérieux (ici des extraits de comptes Linkedin et Twitter). Elle sollicite également la condamnation des sociétés demanderesses à lui payer la somme de 25.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, ainsi que 17.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. MOTIFS DE LA DÉCISION 8. Selon l'article L. 611-1 du code de la propriété intellectuelle, "Toute invention peut faire l'objet d'un titre de propriété industrielle délivré par le directeur de l'Institut national de la propriété industrielle qui confère à son titulaire ou à ses ayants cause un droit exclusif d'exploitation. La délivrance du titre donne lieu à la diffusion légale prévue à l'article L. 612-21." En outre, il résulte de l'article L. 613-1 de ce même code, que "Le droit exclusif d'exploitation mentionné à l'article L. 611-1 prend effet à compter du dépôt de la demande." Aux termes de l'article L. 615-4 "Par exception aux dispositions de l'article L. 613-1, les faits antérieurs à la date à laquelle la demande de brevet a été rendue publique en vertu de l'article L. 612-21 ou à celle de la notification à tout tiers d'une copie certifiée de cette demande ne sont pas considérés comme ayant porté atteinte aux droits attachés au brevet.(...) Le tribunal saisi d'une action en contrefaçon sur le fondement d'une demande de brevet surseoit à statuer jusqu'à la délivrance du brevet." 9. En outre, l'article L. 615-3 du code de la propriété intellectuelle prévoit que "Toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon peut saisir en référé la juridiction civile compétente afin de voir ordonner, au besoin sous astreinte, à l'encontre du prétendu contrefacteur ou des intermédiaires dont il utilise les services, toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d'actes argués de contrefaçon. (...) Saisie en référé ou sur requête, la juridiction ne peut ordonner les mesures demandées que si les éléments de preuve, raisonnablement accessibles au demandeur, rendent vraisemblable qu'il est porté atteinte à ses droits ou qu'une telle atteinte est imminente. La juridiction peut interdire la poursuite des actes argués de contrefaçon, la subordonner à la constitution de garanties destinées à assurer l'indemnisation éventuelle du demandeur ou ordonner la saisie ou la remise entre les mains d'un tiers des produits soupçonnés de porter atteinte aux droits conférés par le titre, pour empêcher leur introduction ou leur circulation dans les circuits commerciaux. (...) Elle peut également accorder au demandeur une provision lorsque l'existence de son préjudice n'est pas sérieusement contestable. (...)" 10. Cette dernière disposition réalise la transposition en droit interne de la directive 2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle, qui prévoit à son article 9 "Mesures provisoires et conservatoires" que : "1. Les États membres veillent à ce que les autorités judiciaires compétentes puissent, à la demande du requérant: a) rendre à l'encontre du contrevenant supposé une ordonnance de référé visant à prévenir toute atteinte imminente à un droit de propriété intellectuelle, à interdire, à titre provisoire et sous réserve, le cas échéant, du paiement d'une astreinte lorsque la législation nationale le prévoit, que les atteintes présumées à ce droit se poursuivent, ou à subordonner leur poursuite à la constitution de garanties destinées à assurer l'indemnisation du titulaire du droit; (...) 3. Les autorités judiciaires sont habilitées, dans le cadre des mesures visées aux paragraphes 1 et 2, à exiger du requérant qu'il fournisse tout élément de preuve raisonnablement accessible afin d'acquérir avec une certitude suffisante la conviction qu'il est le titulaire du droit et qu'il est porté atteinte à son droit ou que cette atteinte est imminente. (...)" Ces dispositions de la directive sont précédées d'un "considérant" no22 selon lequel "Il est également indispensable de prévoir des mesures provisoires permettant de faire cesser immédiatement l'atteinte sans attendre une décision au fond, dans le respect des droits de la défense, en veillant à la proportionnalité des mesures provisoires en fonction des spécificités de chaque cas d'espèce, et en prévoyant les garanties nécessaires pour couvrir les frais et dommages occasionnés à la partie défenderesse par une demande injustifiée. Ces mesures sont notamment justifiées lorsque tout retard serait de nature à causer un préjudice irréparable au titulaire d'un droit de propriété intellectuelle.La demande est recevable ici à compter du 29 juillet 2022 date de la notificaton de la copie certifiée des demandes de brevets en litige." 11. Il est en l'occurrence sollicité un sursis à statuer "à titre principal". 12. Il est à cet égard rappelé que l'article L.615-4 du code de la propriété intellectuelle, seul applicable ici, vise « le tribunal ». Ce terme est générique et ne crée en lui-même aucune dérogation aux pouvoirs respectifs des différentes formations du tribunal. 13. Or, ainsi qu'il a été rappelé, les pouvoirs du juge des référés en matière de contrefaçon ne sont conçus que pour faire cesser immédiatement une atteinte vraisemblable, en veillant au caractère proportionné des mesures qu'il ordonne à cette fin. 14. Le sursis à statuer, quant à lui, est une exception de procédure qui relève de la compétence, non pas du "tribunal", mais du juge de la mise en état, ce dont il se déduit que l'application du dernier alinéa de l'article L.615-4 du code de la propriété intellectuelle (qui plus est lorsqu'il est sollicité à titre principal par le demandeur lui-même) ne se conçoit que dans le cadre d'une action au fond. 15. En outre, les mesures sollicitées, désormais à titre subsidiaire, apparaissent disproportionnées, la date alléguée de découverte des faits qui est concomitante des dépôts rendant douteuse la vraisemblance de la contrefaçon, ainsi que le relève à juste titre la société défenderesse. Il est par ailleurs observé, à titre surabondant, que les rapports de recherche établis dans le cadre des deux demandes publiées concluent à l'absence d'activité inventive de l'ensemble des revendications des demandes de brevets FR'454 et FR'102. 16. Il ne peut donc qu'être dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes, aussi bien de sursis à statuer qu'aux fins de mesures d'interdiction. 17. La société Angatec, qui ne caractérise pas autre chose qu'une mauvaise appréciation de leurs droits par les sociétés Elwedys et Shark Robotics (personnes distinctes de leur dirigeant ayant frauduleusement selon elle déposé la marque "Angatec"), sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive. 18. En revanche, parties perdantes au sens de l'article 696 du code de procédure civile, les sociétés Elwedys et Shark Robotics supporteront les dépens et seront condamnées à payer à la société Angatec la somme de 10.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS, Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en premier ressort, Le juge des référés, Dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes des sociétés Elwedys et Shark Robotics ; Rejette la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive présentée par la société Angatec ; Condamne les sociétés Elwedys et Shark Robotics aux dépens ; Condamne les sociétés Elwedys et Shark Robotics à payer à la société Angatec la somme de 10.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; Rappelle que la présente décision est de plein droit assortie de l'exécution provisoire. Fait à Paris le 07 novembre 2022. Le Greffier, Le Président, Flore MARIGNY Nathalie SABOTIER | x |
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JURITEXT000047304648 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/30/46/JURITEXT000047304648.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 8 novembre 2022, 20/03744 | 2022-11-08 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 20/03744 | CT0087 | TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 3ème chambre 3ème section No RG 20/03744 - No Portalis 352J-W-B7E-CSAM5 No MINUTE : Assignation du :06 et 29 mai 2020 JUGEMENT rendu le 08 novembre 2022 DEMANDERESSE Association FEDERATION FRANCAISE DE TENNIS[Adresse 4][Localité 5] représentée par Maître Louis DE GAULLE de la SELAS DE GAULLE FLEURANCE & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #K0035 et par Maître Serge LEDERMAN de la SELAS DE GAULLE FLEURANCE & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #K0035 DÉFENDERESSES Société VIAGOGO AG[Adresse 1][Localité 2] (SUISSE) Société VIAGOGO ENTERTAINMENT INC.[Adresse 3][Adresse 7] (ETATS-UNIS) représentées par Maîtres Diane MULLENEX et Mélina WOLMAN du PARTNERSHIPS PINSENT MASONS FRANCE LLP, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #R0020 COMPOSITION DU TRIBUNAL Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointeArthur COURILLON-HAVY, jugeLinda BOUDOUR, juge assistés de Lorine MILLE, greffière, DEBATS A l'audience du 29 juin 2022, tenue en audience publique avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 11 octobre 2022 et prorogé en dernier lieu au 08 novembre 2022. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffeContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DU LITIGE 1. La Fédération Française de Tennis (ci-après FFT), est une association régie par les dispositions de la loi du 1er juillet 1901. En tant que fédération sportive agréée conformément aux dispositions du code du sport, elle a pour mission d'organiser les compétitions de tennis sur le territoire national, d'assurer et de contrôler le développement de ce sport en France. Dans ce cadre, elle organise annuellement un tournoi de tennis se déroulant à [Localité 8] entre les mois d'octobre et de novembre dénommé "Rolex [Localité 8] Masters" (ou encore "Masters de [Localité 8] [Adresse 6]"). En tant qu'organisatrice de cette manifestation sportive, la FFT revendique la propriété des droits d'exploitation portant sur ce tournoi. 2. La société de droit américain Viagogo Entertainment exploite le site internet accessible à l'adresse <www.viagogo.com> ainsi que ses extensions internationales, tandis que la société de droit suisse Viagogo AG exploite le site internet accessible à l'adresse <www.viagogo.fr>. Elles présentent le site "Viagogo" comme hébergeant une plateforme offrant des services de vente directe ou de mise en relation d'acheteurs et de vendeurs de billets d'accès à des manifestations sportives ou culturelles. 3. En octobre 2019, la FFT expose avoir découvert que les sociétés Viagogo commercialisaient sur leur plateforme des billets d'accès à l'édition 2019 des "Rolex [Localité 8] Masters", ce qu'elle a fait constater par un huissier de justice le 11 octobre 2019, l'huissier constatant l'offre à la vente de billets, ces derniers ne pouvant toutefois être acquis par un internaute français (au moyen d'une adresse IP française) un achat n'étant possible qu'au moyen d'unVPN. 4. Aussi, la FFT a-t'elle fait assigner ces sociétés en référé à heure indiquée devant le délégataire du président du tribunal judiciaire de Paris, lequel a, par une ordonnance du 25 octobre 2019, ordonné aux sociétés Viagogo de cesser la commercialisation des billets litigieux et de fournir certaines informations relatives à l'origine des billets litigieux et à l'ampleur de leur commercialisation. Les sociétés Viagogo ont interjeté appel de cette décision le 23 janvier 2020 mais n'ayant exécuté que leurs obligations pécuniaires à l'exclusion de l'injonction de communiquer certaines pièces, leur appel a été radié le 28 octobre 2020. 5. Puis, par actes d'huissier en dates respectivement des 06 et 29 mai 2020 , la FFT a fait assigner la société Viagago AG et la société Viagogo Entertainment afin d'obtenir leur condamnation au paiement de diverses sommes en réparation de l'atteinte au monopole d'exploitation qu'elle détient sur les "Rolex [Localité 8] Masters", ainsi qu'en réparation de leurs agissements déloyaux et parasitaires. 6. Par une ordonnance du 13 avril 2021, le juge de la mise en état a rejeté la demande de communication d'informations présentée par la FFT au visa des articles 132 et suivants du code de procédure civile les pièces sollicitées n'apparaissant pas nécessaires à la solution du présent litige. 7. Dans ses dernières conclusions notifiées électroniquement le 11 février 2022, la FFT demande au tribunal, au visa des articles 15 de la Convention de La Haye du 15 novembre 1965, 5§3 de la Convention de Lugano, 46, 74, 688 et 789 du code de procédure civile, 4 du Règlement no864/2007, L. 333-1 du code du sport, 1240 du code civil, et L. 121-2 et L. 121-4 du code de la consommation, de : - La Dire recevable et bien fondée en ses demandes, fin, moyens et prétention et, y faisant droit : - Se déclarer incompétent pour juger l'exception d'incompétence soulevée par les sociétés Viagogo ; - Juger qu'il est compétent pour trancher le présent litige et que la loi française applicable à l'ensemble des faits commis sur la plateforme "Viagogo", quiels que soient le lieu de la vente de billets d'accès, la nationalité ou le domicile de l'acheteur, l'accessibilité et la destination du site, de ses extensions et de ses offres ; A titre subsidiaire, - Juger irrecevable et à tout le moins non-fondée l'exception d'incompétence soulevée par les sociétés Viagogo ; En conséquence, - Débouter les sociétés Viagogo de leur exception d'incompétence ; En tout état de cause, - Juger que, en proposant à la vente dans le monde entier des billets pour assister à l'édition 2019 du Rolex [Localité 8] Masters puis celle de 2020 sans autorisation de la FFT, les sociétés Viagogo ont violé le droit exclusif de la FFT de commercialiser la billetterie de cette compétition ; - Juger que, en proposant à la vente des billets pour assister aux édition 2019 et 2020 du Rolex [Localité 8] Masters sans autorisation de la FFT dans le monde entier, les sociétés Viagogo ont tiré illégitimement profit des investissements de la FFT et se sont ainsi rendues coupables d'actes de parasitisme au préjudice de la FFT ; - Juger que les sociétés Viagogo se sont également rendues coupables d'actes de concurrence déloyale dans le monde entier à l'occasion des éditions 2019 et 2020 du tournoi Rolex [Localité 8] Masters : " En désorganisant le réseau de distribution mis en place par la FFT; " En violant, de manière directe ou indirecte, des conditions particulières de la billetterie Rolex [Localité 8] Masters 2019 et 2020 ; " En se rendant coupables de pratiques commerciales trompeuses. En conséquence, - Condamner in solidum et à titre provisionnel la société Viagogo Entertainment INC et la société Viagogo AG à payer à la FFT la somme de 150.000 €, sauf à parfaire, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par la FFT du fait de l'atteinte à son droit exclusif d'exploitation imputables aux défenderesses ; - Condamner in solidum et à titre provisionnel la société Viagogo Entertainment INC et la société Viagogo AG à payer à la FFT la somme de 250.000€, sauf à parfaire, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par la FFT du fait des actes de parasitisme imputables aux défenderesses ; - Condamner in solidum et à titre provisionnel la société Viagogo Entertainment INC et la société Viagogo AG à payer à la FFT la somme supplémentaire de 100.000€, sauf à parfaire, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par la FFT du fait des actes de concurrence déloyale imputables aux défenderesses; - Ordonner aux sociétés Viagogo de communiquer à la FFT, sous astreinte de 10 000 € par jour de retard passé un délai de 8 jours à compter de la signification du jugement à intervenir les informations et documents suivants devant être certifiés par des commissaires aux comptes indépendants : " La quantité de billets d'accès au Rolex [Localité 8] Masters 2019 et 2020 mis en vente sur l'ensemble des extensions du site Viagogo ; " La quantité de billets d'accès au Rolex [Localité 8] Masters 2019 et 2020 vendus sur l'ensemble des extensions du site Viagogo ainsi que le chiffre d'affaires brut correspondant réalisé par elles (avant les éventuels remboursements des billets s'agissant de l'édition 2020) ; " La localisation territoriale (non pas l'intégralité de leur adresse) ou à tout le moins l'adresse de facturation déclarée par chacun des acheteurs lors de son achat en ligne et l'ouverture de son compte ; " La liste des fournisseurs des billets d'accès au tournoi (entendu comme les utilisateurs utilisant la plateforme pour revendre des billets) auprès desquels les sociétés ont obtenu illicitement ces billets revendus illégalement, le prix de revente des billet ainsi que les numéros de série. - Autoriser la FFT à faire publier le dispositif du jugement à intervenir dans cinq journaux ou revues, papier ou en ligne, au choix de la FFT, aux frais avancés des sociétés défenderesses, dans la limite de la somme de sept mille euros (7 000 €) par publication à la charge des sociétés Viagogo ; - Ordonner la publication du dispositif du jugement à intervenir en tête des pages d'accueil du site www.viagogo.com et de ses extensions, ou à toutes autres adresses qui leur seraient substituées, accompagné de sa traduction dans toutes les langues dans lesquelles ce site serait disponible, en caractères lisibles et noirs sur un fond blanc et sur une surface égale à au moins 30% de cette page d'accueil, pendant une durée de 3 mois dans un délai de 8 jours à compter de la signification du jugement à intervenir et ce sous astreinte de 2 000 € par jour de retard ; - Autoriser la FFT à faire publier, pendant ce même délai, sur son propre site internet accessible à l'adresse www.fft.fr, le dispositif du jugement à intervenir en langue française et anglaise ; - Condamner in solidum la société Viagogo Entertainment INC et la société Viagogo AG à payer à la FFT la somme de quatre-vingt-cinq mille euros (85.000 €) au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à laquelle s'ajoutera le remboursement des frais exposés pour diligenter les constats d'huissiers ; - Ordonner l'exécution provisoire de droit du jugement à intervenir en toutes ses dispositions, nonobstant appel et sans constitution garantie; - Condamner in solidum la Société Viagogo Entertainment INC et la société Viagogo AG aux entiers dépens, en ceux compris notamment les frais exposés pour la signification des actes de procédure et leur traduction dont distraction au profit de la SAS De Gaulle Fleurance et Associés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. 8. Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 27 janvier 2022, les sociétés Viagogo demandent au tribunal, au visa des articleq 56 du code de procédure civile, L. 514-1 du même code, de la norme AFNOR NF Z67-147 relative au mode opératoire de procès-verbal de constat sur internet effectué par huissier de justice, de l'article 1240 du code civil, de: In limine litis, - Se déclarer incompétent au profit des juridictions du Canton de Genève et du Delaware; A titre principal - Rejeter les constats d'huissier du 11 octobre 2019 produits par la FFT ; - Rejeter les captures d'écran de la FFT ; - Débouter la FFT de l'ensemble de ses demandes ; A titre subsidiaire, - Écarter l'exécution provisoire du jugement à intervenir ; En tout état de cause, - Condamner la FFT aux entiers dépens ; - Condamner la FFT à verser à viagogo AG la somme de 50 000 euros au titre de l'article 700 du code de la procédure civile. 9. L'instruction a été clôturée par une ordonnance du 17 février 2022 et l'affaire plaidée à l'audience du 29 juin 2022. MOTIFS DE LA DÉCISION 1o) Sur la compétence du tribunal et la loi applicable Moyens des parties 10. La FFT rappelle que le juge de la mise en état, lorsqu'il est saisi, est seul compétent pour connaitre des exceptions d'incompétence. Elle ajoute en tout état de cause que le critère pour déterminer le tribunal compétent est l'existence d'un lien particulièrement étroit entre le lieu du dommage et le lieu de la juridiction saisie. A cet égard, elle fait valoir que l'intégralité du dommage s'est matérialisée sur le territoire français, qu'en conséquence le juge français est compétent et que la loi applicable est la loi française. 11. Les sociétés Viagogo expliquent que la seule accessibilité de la plateforme litigieuse depuis le territoire français ne suffit pas à matérialiser le dommage en France dès lors que le contenu litigieux n'était pas destiné au public français. Elles soulignent en effet que les mesures de géo-blocage appliquées à la version française de son site empêchaient non seulement l'acquisition des billets mais plus généralement la consultation des annonces litigieuses avec une adresse IP française. Elles en déduisent que le tribunal français n'est pas compétent et que la loi française n'est pas applicable au litige. Appréciation du tribunal 12. Selon l'article 789 du code de procédure civile "Lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour: 1o Statuer sur les exceptions de procédure. Les parties ne sont plus recevables à soulever ces exceptions et incidents ultérieurement à moins qu'ils ne surviennent ou soient révélés postérieurement au dessaisissement du juge". 13. Force est de constater que l'exception de procédure tirée de l'incompétence de ce tribunal n'a pas été soulevée par la voie de conclusions spécialement adressées au juge de la mise en état conformément aux dispositions précitées, combinées aux articles 73 et 74 du même code. L'exception de procédure tirée de l'incompétence du tribunal n'est donc plus recevable. 14. S'agissant de la détermination de la loi applicable au présent litige, il convient de se référer au Règlement (CE) no 864/2007 du 11 juillet 2007 sur la loi applicable aux obligations non contractuelles (dit «Rome II») dont l'objet est de déterminer des règles de conflit de lois identiques au sein de l'Union et dont l'article 4 "Règles générales" prévoit que : "1. Sauf dispositions contraires du présent règlement, la loi applicable à une obligation non contractuelle résultant d'un fait dommageable est celle du pays où le dommage survient, quel que soit le pays où le fait générateur du dommage se produit et quels que soient le ou les pays dans lesquels des conséquences indirectes de ce fait surviennent. 2. Toutefois, lorsque la personne dont la responsabilité est invoquée et la personne lésée ont leur résidence habituelle dans le même pays au moment de la survenance du dommage, la loi de ce pays s'applique. 3. S'il résulte de l'ensemble des circonstances que le fait dommageable présente des liens manifestement plus étroits avec un pays autre que celui visé aux paragraphes 1 ou 2, la loi de cet autre pays s'applique. Un lien manifestement plus étroit avec un autre pays pourrait se fonder, notamment, sur une relation préexistante entre les parties, telle qu'un contrat, présentant un lien étroit avec le fait dommageable en question." 15. En l'occurrence, la FFT a pour activité l'organisation de tournois et d'événements liés au tennis en France ainsi que le développement de ce sport dans ce pays. Elle organise à ce titre le tournoi professionnel "Rolex [Localité 8] Masters" à [Localité 8]. Ainsi, tant l'activité générale de la FFT que le déroulement de la manifestation sportive en cause, ont lieu sur le territoire français. Le monopole dont bénéficie la FFT vise en outre la protection des licenciés français de ce sport (contre le renchérissement du coût des billets lié à leur revente) et la sécurité de ces événements (par la maîtrise de l'identité des spectateurs de l'événement). Il s'en déduit nécessairement que c'est en France que se réalise le dommage causé par la commercialisation de billets d'accès au tournoi en cause, en violation du monopole de la FFT, même si la commercialisation des billets a lieu hors de France et si l'achat d'un billet sur la plateforme litigieuse n'est en principe pas possible pour un internaute français. 16. Aucun élément ne permet de retenir que le dommage présente avec un autre pays (tel celui du siège des sociétés défenderesses) un lien plus étroit. La loi française apparaît donc applicable au présent litige. 2o) Sur le rejet des constats d'huissier en date du 11 octobre 2019 et des captures d'écran Moyens des parties 17. Les sociétés Viagogo affirment que les constats d'huissier du 11 octobre 2019 doivent être rejetés dans la mesure où l'huissier instrumentaire n'aurait pas effectué les différentes mesures définies par la norme AFNOR NF Z67-147, pensées pour assurer la force probante des constatations réalisées. Elles soulignent tout particulièrement que l'huissier n'indique pas avoir supprimé l'historique de navigation, les cookies, fichiers temporaires et données de formulaire, avant d'accéder à chacun des sites litigieux. Elles expliquent à cet égard que ces omissions sont de nature à impacter les résultats de recherche de l'huissier et donc à compromettre la fiabilité des constatations effectuées et ce, en particulier, sur le dernier site, sur lequel les billets litigieux ont été découverts. Les défenderesses exposent en outre que, s'agissant du constat réalisé à partir d'un ordinateur distant, la simple connexion à cet appareil a entrainé le téléchargement de métadonnées propres à impacter les résultats de recherche. Les sociétés Viagogo soutiennent enfin que les captures d'écran versées au débat par la FFT manquent de force probante et doivent être écartées des débats. Elles considèrent en effet que de simples captures d'écran produites sans que soit décrit le cheminement de l'internaute ne peuvent constituer une preuve valable. 18. La FFT soutient que le respect des normes AFNOR NF Z67-147 n'est pas une condition de validité des constats d'huissier. Elle rappelle à ce titre que l'appréciation de la force probante d'un constat relève de l'appréciation du tribunal. La demanderesse souligne en tout état de cause que l'huissier a, pour les deux constats, décrit le matériel informatique et le navigateur utilisé, vidé le cache du navigateur, supprimé les données de navigation, vérifié que la connexion à partir d'un serveur Proxy était désactivée, vidé la corbeille et synchronisé l'horloge. Elle en conclut que les normes en cause ont été en tous points respectées. Elle ajoute que les normes AFNOR ne doivent être respectées qu'au début des constatations et que l'huissier n'est pas contraint de réitérer ces manipulations techniques entre chacune des connexions. Elle précise également que le choix d'utiliser un VPN ou un ordinateur distant a effectivement modifié les résultats de recherche mais qu'il s'agissait là du but recherché afin de démontrer l'accessibilité des offres de billets depuis une adresse IP étrangère. S'agissant des copies d'écran, la FFT rappelle que l'appréciation de leur force probante relève des prérogatives du tribunal. A cet égard elle explique que les copies d'écran présentées sont fiables dès lors que chaque billet est accompagné d'une date précise, que les impressions d'écrans font apparaître la date et l'URL de connexion et que la FFT démontre avoir pris le soin de s'assurer qu'elle se connectait avec une adresse IP française. Appréciation du tribunal 19. En l'occurrence, le tribunal constate que l'huissier a décrit le matériel informatique et le navigateur utilisé, vidé le cache du navigateur, supprimé les données de navigation, vérifié que la connexion à partir d'un serveur Proxy était désactivée, vidé la corbeille et synchronisé l'horloge. Ces éléments permettent de garantir l'intégrité des contenus numériques téléchargés par l'huissier lors de ses opérations, tandis que les sociétés défenderesses n'offrent pas de caractériser quelle vérification manquante pourrait apparaître comme étant de nature à vicier ses opérations. Il n'y a donc pas lieu d'écarter des débats les constats d'huissier, non plus que les captures d'écrans qui toutes sont nettes et laissent clairement apparaître la date à laquelle elles ont été réalisées, ainsi que l'URL du site visité et les dates des billets offerts à la vente sur le site. En outre, la FFT a pris soin d'opérer une vérification de son adresse IP sur un site dédié, vérification dont elle produit une copie d'écran, elle aussi nette et datée. Le tribunal ne voit donc aucun motif d'écarter les pièces produites. 3o) Sur l'imputabilité des faits litigieux aux sociétés Viagogo Moyens des parties 20. La FFT soutient que les sociétés Viagogo jouent un rôle actif sur leur plateforme, de nature à leur conférer la connaissance ou le contrôle des données qui y sont stockées. Elle indique en particulier que plusieurs éléments démontrent ce rôle actif : le classement en rubriques des offres litigieuse ; la promotion réalisée sur le site ; les illustrations qui accompagnent les offres de billets ; la vente de billets en fonction des prix, des dates, de l'emplacement ; la garantie de bonne réception des billets assurée par les sociétés Viagogo ; le service de remplacement de billets au cas où le vendeur initial renoncerait à la vente ; la possibilité de procéder à un échange de billets ; la possibilité pour la plateforme de contacter spécifiquement les utilisateurs par courriel ; le fait que les sociétés Viagogo se présentent comme les interlocuteurs uniques de l'acquéreur. Surtout, la FFT rappelle que les sociétés Viagogo offraient à la vente des billets d'accès au tournoi avant même l'ouverture de la billetterie officielle, billets qui ne pouvaient donc être mis en vente par des personnes tierces. Enfin, la FFT considère que le fait que les sociétés Viagogo aient mis en place un système de géo-blocage visant les billets pour le tournoi litigieux démontre bien qu'elles avaient connaissance de ces offres. La demanderesse en conclut que les sociétés Viagogo éditent les sites en cause. 21. Les sociétés Viagogo affirment au contraire qu'elles se contentent d'héberger sur leur plateforme des offres mises en ligne par des tiers. Elles précisent que le fonctionnement de la plateforme est entièrement automatisé et ne leur confère aucune connaissance sur les offres effectivement mises en ligne et qu'une telle activité doit s'analyser en un rôle passif. Elles ajoutent que leurs conditions générales d'utilisation indiquent expressément aux internautes qu'elles n'exercent aucun contrôle sur le contenu des offres publiées. Elles déduisent de ce qui précèdent qu'elles bénéficient du statut d'hébergeur et qu'en conséquence elles ne peuvent voir leur responsabilité engagée, qu'à condition d'avoir eu connaissance des offres illicites et de ne les avoir pas promptement retirées. Or, elles estiment ne pas avoir eu connaissance des offres litigieuses et de ne pas en avoir été valablement notifiées (au sens de l'article 6-I 5o de la LCEN) par la FFT. Appréciation du tribunal 22. L'article 6-I de la loi pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN), laquelle réalise la transposition en droit interne de la directive 2000/31/CE du 8 juin 2000 sur le commerce électronique, prévoit que: "2. Les personnes physiques ou morales qui assurent, même à titre gratuit, pour mise à disposition du public par des services de communication au public en ligne, le stockage de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature fournis par des destinataires de ces services ne peuvent pas voir leur responsabilité civile engagée du fait des activités ou des informations stockées à la demande d'un destinataire de ces services si elles n'avaient pas effectivement connaissance de leur caractère manifestement illicite ou de faits et circonstances faisant apparaître ce caractère ou si, dès le moment où elles en ont eu cette connaissance, elles ont agi promptement pour retirer ces données ou en rendre l'accès impossible. (...) 7. Les personnes mentionnées aux 1 et 2 ne sont pas soumises à une obligation générale de surveiller les informations qu'elles transmettent ou stockent, ni à une obligation générale de rechercher des faits ou des circonstances révélant des activités illicites." 23. Par un arrêt du 12 juillet 2011 (aff. C-324/09, L'Oréal c/ eBay) la Cour de Justice de l'Union Européenne a dit pour droit que "L'article 14, paragraphe 1, de la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2000, relative à certains aspects juridiques des services de la société de l'information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur (" directives sur le commerce électronique "), doit être interprété en ce sens qu'il s'applique à l'exploitant d'une place de marché en ligne lorsque celui-ci n'a pas joué un rôle actif qui lui permette d'avoir une connaissance ou un contrôle des données stockées. Ledit exploitant joue un tel rôle quand il prête une assistance laquelle consiste notamment à optimiser la présentation des offres à la vente en cause ou à promouvoir celles-ci. Lorsque l'exploitant de la place de marché en ligne n'a pas joué un rôle actif au sens visé à l'alinéa précédent et que sa prestation de service relève, par conséquent, du champ d'application de l'article 14, paragraphe 1, de la directive 2000/31, il ne saurait néanmoins, dans une affaire pouvant résulter dans une condamnation au paiement de dommages et intérêts, se prévaloir de l'exonération de responsabilité prévue à cette disposition s'il a eu connaissance de faits ou de circonstances sur la base desquels un opérateur économique diligent aurait dû constater l'illicéité des offres à la vente en cause et, dans l'hypothèse d'une telle connaissance, n'a pas promptement agi conformément au paragraphe 1, sous b), dudit article 14." 24. En l'espèce, la FFT démontre que les défenderesses, loin d'adopter un rôle neutre purement technique, sont à l'origine de l'architecture du site et notamment du classement des billets en rubriques spécifiques (les rubriques "sport" ou "tennis" en particulier), assurent la promotion du tournoi "Rolex [Localité 8] Masters" en publiant des messages, visant notamment à indiquer l'état des stocks de billets aux internautes, offrent à ces derniers la possibilité de choisir leur place et leur positionnement dans les tribunes à l'aide d'un plan schématique de l'AccorHotels Arena où se déroule l'événement, sont les interlocutrices uniques de l'acquéreur lors de la transaction, ne permettent pas à l'acquéreur de connaître l'identité ou l'identifiant du vendeur, assurent la délivrance du billet via leur site internet et garantissent le remplacement du billet en cas de problème par un billet similaire ou plus avantageux. Ces différents éléments établissent amplement que les sociétés défenderesses ne jouent pas un rôle purement passif, ne leur conférant ni connaissance ni contrôle sur le contenu de leur plateforme marchande. Au contraire, il en résulte que les sociétés Viagogo organisent leur plateforme en toute connaissance des billets qui y sont commercialisés, optimisant la présentation de l'offre en vente et la promotion. 25. En conséquence, le sociétés Viagogo ne peuvent se prévaloir du statut d'hébergeur tel que défini par l'article 6-I 2o de la LCEN et ne peuvent bénéficier du régime de responsabilité atténuée qui lui est associé. Partant, il n'est pas nécessaire de déterminer si les sociétés Viagogo avaient, ou non, été valablement informées par la FFT de l'illicéité de son activité. 4o) Sur l'atteinte au monopole d'exploitation de la FFT Moyens des parties 26. La FFT soutient que, conformément à l'article L. 333-1 du code du sport, elle bénéficie d'un monopole d'exploitation relatif aux manifestations sportives qu'elle organise. Elle ajoute qu'à ce titre, elle dispose d'un droit exclusif concernant la commercialisation des billets permettant l'accès à ses évènements et notamment aux "Rolex [Localité 8] Masters". S'agissant de l'étendue de son monopole, elle estime que le lieu de la vente, la nationalité de l'acquéreur ou son domicile sont indifférents dès lors notamment qu'il est possible de contourner la mesure de géo-blocage visant la France avec l'aide d'un logiciel VPN. Elle ajoute que le monopole d'exploitation dont elle bénéficie s'étend au marché secondaire et donc à la revente non-autorisée de billets à titre habituel comme inhabituel. Elle précise à cet égard que l'extension de ce monopole est nécessaire à la réalisation des objectifs de démocratisation et de développement de leur sport poursuivis par les fédérations. Elle explique enfin que l'interdiction de revente repose sur un texte légal et non seulement sur ses conditions générales de vente, de telle sorte que le moyen tiré du caractère abusif de certaines clauses de ses conditions générales de vente est inopérant pour définir l'étendue de son monopole. Or, elle constate que les internautes français utilisant un VPN ou tout internaute étranger ont pu accéder aux offres litigieuses et faire l'acquisition de billets pour les éditions 2019 et 2020 des "Rolex [Localité 8] Masters" depuis la plateforme Viagogo. Elle en conclut que l'activité menée sur cette plateforme porte atteinte à son monopole et lui cause un préjudice en captant injustement une partie du flux économique généré par son événement et en l'empêchant d'atteindre les objectifs d'intérêt général qu'elle poursuit. 27. En réponse, les sociétés Viagogo font valoir que le monopole d'exploitation en cause doit être limité et proportionné. Elles affirment à cet égard que l'article 333-1 du code du sport n'a vocation à s'appliquer que sur le territoire français et qu'il ne porte en tout état de cause que sur l'exploitation des droits audiovisuels ou des paris sportifs. Elles estiment également n'avoir pas porté atteinte à ce monopole dès lors qu'étant une plateforme de revente permettant à des tiers de publier des offres, elle ne capte aucun flux économique devant revenir aux organisateurs et ne font pas une exploitation directe de l'événement. Elles expliquent enfin que les conditions générales de vente de la FFT, en ce qu'elles interdisent la revente de billets, ne lui sont pas opposables et en tout état de cause abusives. Appréciation du tribunal 28. Selon les articles L. 100-1 et L. 100-2 du code du sport, "Le développement du sport pour tous et le soutien aux sportifs de haut niveau et aux équipes de France dans les compétitions internationales sont d'intérêt général. L'Etat, les collectivités territoriales et leurs groupements, les associations, les fédérations sportives, les entreprises et leurs institutions sociales contribuent à la promotion et au développement des activités physiques et sportives. Ils veillent à assurer un égal accès aux pratiques sportives sur l'ensemble du territoire. Ils veillent également à prévenir et à lutter contre toutes formes de violence et de discrimination dans le cadre des activités physiques et sportives. L'Etat et les associations et fédérations sportives assurent le développement du sport de haut niveau, avec le concours des collectivités territoriales, de leurs groupements et des entreprises intéressées." Aux fins de permettre aux fédérations sportives d'assurer cette mission d'intérêt général de développement de la pratique du sport et d'égal accès aux pratiques sportives, l'article L. 333-1 alinéa 1er du même code prévoit que : "Les fédérations sportives, ainsi que les organisateurs de manifestations sportives mentionnés à l'article L. 331-5, sont propriétaires du droit d'exploitation des manifestations ou compétitions sportives qu'ils organisent." 29. Ce monopole n'est pas limité au droit d'autoriser la prise de paris, non plus qu'au droit de consentir aux retransmissions audiovisuelles des compétitions, mais inclut évidemment les services de billeterie de même que le marché secondaire. D'ailleurs, le code pénal réprime le fait de vendre de manière habituelle les billets d'accès à une manifestation sportive sans l'accord du propriétaire de cette manifestation, de même que le fait, de manière habituelle, de fournir des moyens en vue de la revente de ces billets. Ainsi l'article 313-6-2 du code pénal prévoit que : "Le fait de vendre, d'offrir à la vente ou d'exposer en vue de la vente ou de la cession ou de fournir les moyens en vue de la vente ou de la cession des titres d'accès à une manifestation sportive, culturelle ou commerciale ou à un spectacle vivant, de manière habituelle et sans l'autorisation du producteur, de l'organisateur ou du propriétaire des droits d'exploitation de cette manifestation ou de ce spectacle, est puni de 15 000 € d'amende. Cette peine est portée à 30 000 € d'amende en cas de récidive. Pour l'application du premier alinéa, est considéré comme titre d'accès tout billet, document, message ou code, quels qu'en soient la forme et le support, attestant de l'obtention auprès du producteur, de l'organisateur ou du propriétaire des droits d'exploitation du droit d'assister à la manifestation ou au spectacle." 30. Les travaux parlementaires ayant précédé l'adoption de ce texte renseignent sur l'objectif poursuivi par le législateur au moyen de ce renforcement du monopole des fédérations sportives sur les événements sportifs qu'elles organisent (et qu'elles sont, selon le code du sport, seules à pouvoir organiser) : "Depuis quelques années, les pratiques de revente massive de billets ou de titres d'accès à des manifestations tant sportives que culturelles, dans le but d'en tirer un bénéfice, ont tendance à s'amplifier. Il est fréquent que, dès les premiers jours de mise en vente de billets par un producteur ou un organisateur de spectacle ou de manifestation sportive, la pénurie soit créée : une grande partie, voire la totalité des titres d'accès à la manifestation est achetée par une poignée d'individus, qui les revendent ensuite à un prix qui leur permet d'en tirer un substantiel bénéfice. Lors des événements très courus, cette pratique est devenue? très courante. À voir le nombre de sites de revente de billets sur Internet, on est conduit à penser qu'il s'agit d'une activité des plus lucratives ! Les contentieux fleurissent entre les sociétés qui se sont spécialisées dans cette activité et les organisateurs, producteurs ou institutions proposant des spectacles, concerts, matchs et compétitions sportives, voire des expositions. (...)" 31. Il n'apparaît pas inutile en outre de rappeler que ces dispositions légales ont été validées en ces termes par le Conseil constitutionnel : "6. D'autre part, le législateur a également souhaité garantir l'accès du plus grand nombre aux manifestations sportives, culturelles, commerciales et aux spectacles vivants. En effet, l'incrimination en cause doit permettre de lutter contre l'organisation d'une augmentation artificielle des prix des titres d'accès à ces manifestations et spectacles. 7. En deuxième lieu, la vente de titres d'accès et la facilitation de la vente ou de la cession de tels titres, ne sont prohibées que si elles s'effectuent sans l'autorisation du producteur, de l'organisateur ou du propriétaire des droits d'exploitation de la manifestation ou du spectacle. 8. En dernier lieu, il résulte des travaux parlementaires qu'en ne visant que les faits commis «de manière habituelle», le législateur n'a pas inclus dans le champ de la répression les personnes ayant, même à plusieurs reprises, mais de manière occasionnelle, vendu, cédé, exposé ou fourni les moyens en vue de la vente ou de la cession des titres d'accès à une manifestation ou à un spectacle. 9. Il résulte de ce qui précède que l'infraction ainsi définie ne méconnaît ni le principe de nécessité des délits et des peines, ni celui de légalité des délits et des peines. 10. Il est loisible au législateur d'apporter aux conditions d'exercice du droit de propriété des personnes privées, protégé par l'article 2 de la Déclaration de 1789, ainsi qu'à la liberté d'entreprendre et à la liberté contractuelle, qui découlent de son article 4, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi. 11. Compte tenu, d'une part, des objectifs de valeur constitutionnelle et d'intérêt général énoncés aux paragraphes 5 et 6 et, d'autre part, de ce que le législateur a réprimé la seule revente de titres d'accès, sa facilitation et celle de la cession de tels titres, uniquement lorsqu'elles sont réalisées à titre habituel et sans l'accord préalable des organisateurs, producteurs ou propriétaires des droits d'exploitation, le législateur n'a méconnu ni la liberté d'entreprendre ni la liberté contractuelle ni le droit de propriété. 12. L'article 313-6-2 du code pénal, qui ne méconnaît aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doit être déclaré conforme à la Constitution." (Décision no 2018-754 QPC du 14 décembre 2018, Société Viagogo et autres) 32. En l'espèce, il n'est pas contestable que la FFT organise chaque année à [Localité 8] le tournoi international de tennis professionnel masculin appartenant aux "Masters 1000", intitulé "Rolex [Localité 8] Masters". En conséquence, la FFT doit être regardée comme propriétaire du droit d'exploitation portant sur cet événement et en particulier sur ses éditions 2019 et 2020. La FFT dispose donc d'un monopole sur l'exploitation de ces événements et notamment sur leurs billetteries, lequel s'analyse en un droit de propriété permettant notamment d'interdire à toute autre personne la commercialisation, sans son autorisation, de billets permettant d'assister à cette compétition sportive. 33. En outre, les deux procès-verbaux en date du 11 octobre 2019 versés aux débats démontrent ici que des billets d'accès à l'édition 2019 des "Rolex [Localité 8] Masters" étaient offerts à la vente sur la plateforme "Viagogo" sans autorisation de la fédération. Ces billets pouvaient être acquis par tout internaute n'utilisant pas une adresse IP française. De la même manière, les captures d'écran réalisées par la FFT le 20 mars 2020 et le 22 juin 2020 témoignent à nouveau de la présence non consentie sur la plateforme "Viagogo" de billets d'accès à l'édition 2020 des "Rolex [Localité 8] Masters". 34. Il est en outre indifférent que l'achat de billets n'ait pas été possible pour un internaute français, le dommage, alors même que le fait générateur est commis à l'étranger, étant ici entièrement subi en France, s'agissant de la vente de billets concernant une manifestation sportive ayant lieu en France et organisée par une personne morale ayant son siège en France. 35. Enfin, ainsi que le relève à juste titre la FFT, les sociétés Viagogo ne peuvent prétendre contourner l'effet d'un monopole légal, dont la violation est au surplus incriminée pénalement, et dont elles ont une parfaite connaissance, en contestant la validité et l'opposabilité des clauses figurant dans les conditions générales de vente de la FFT. 36. Il en résulte qu'en proposant à la vente, dans le monde entier, des billets pour assister aux éditions 2019 et 2020 du "Rolex [Localité 8] Masters", sans autorisation de la FFT, les sociétés Viagogo ont porté atteinte au monopole d'exploitation de la FFT et engagé leur responsabilité à ce titre. 37. En revanche, ainsi que le relèvent à juste titre les sociétés Viagogo, la FFT, auprès de qui les billets ont nécessairement été régulièrement acquis en raison du monopole, n'a pas subi un préjudice équivalent aux gains générés par l'activité de revente de ces billets. Il en résulte que la demande aux fins de communication de pièces aux fins de réparation d'un préjudice économique basé sur les gains générés par l'activité des sociétés Viagogo ne peut qu'être rejetée. 38. La FFT est cependant en droit, en vue d'un litige futur et sur le fondement du droit commun tel qu'il résulte des articles 132 et suivants du code de procédure civile, et en particulier de l'article 145 de ce même code, de connaître "la liste des fournisseurs des billets d'accès au tournoi (entendu comme les utilisateurs utilisant la plateforme pour revendre des billets) auprès desquels les sociétés ont obtenu illicitement ces billets revendus illégalement, le prix de revente des billet ainsi que les numéros de série". Il sera donc fait droit à cette demande de communication de pièces sous astreinte, le tribunal se réservant la liquidation de l'astreinte conformément aux dispositions de l'article L. 131-3 du code des procédures civiles d'exécution. 39. La FFT a en outre subi un préjudice d'image résultant de l'augmentation artificielle des prix des titres d'accès aux "Rolex [Localité 8] Masters" à laquelle aboutit l'activité des sociétés défenderesses, dont le consommateur est amené à croire, à tort, qu'elle lui bénéficie. Les pièces versées aux débats établissent en effet que les prix des billets sur la plateforme "Viagogo" sont sensiblement plus élevés que ceux proposés par la FFT (de plusieurs centaines d'euros pour des billets d'accès à l'édition 2020 des "Rolex [Localité 8] Masters" par exemple). L'activité des sociétés défenderesses est en outre à l'origine d'un risque en terme de sécurité de l'événement également source d'un préjudice moral. Ces préjudices seront réparés par le versement de la somme de 100.000 euros "à titre provisionnel" comme demandé par la FFT, cette somme tenant compte de la non exécution de l'ordonnance de référé du 25 octobre 2019 par les sociétés défenderesses. 40. Il sera en outre fait droit à la demande de publication du présent selon les modalités précisées au dispositif de la présente décision. 5o) Sur les autres demandes (parasitisme et fautes distinctes de concurrence déloyale) 41. Aux termes des articles 1240 et 1241 du code civil, "Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer." et "Chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence." 42. Au visa de ces deux textes, il est constamment jugé que la liberté du commerce autorise tout acteur économique à attirer vers lui la clientèle de son concurrent. Aussi, l'imitation d'un concurrent n'est, en tant que telle, pas fautive, à moins que ne soient utilisés des procédés illicites ou contraires aux usages loyaux du commerce. Est à cet égard fautif le fait, pour un professionnel, de s'immiscer dans le sillage d'un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire particulier (Cass. Com. 26 janvier 1999, pourvoi no96-22.457 ; Cass. Com. 10 septembre 2013, pourvoi no12-20.933), ce qui constitue un acte de parasitisme. 43. Il est par ailleurs admis que le non-respect par un opérateur économique des règles du droit de la consommation créé une distorsion dans le jeu de la concurrence constitutive, en soi, d'un acte de concurrence déloyale par désorganisation du marché de nature à ouvrir un droit à réparation sur le fondement de la responsabilité délictuelle, ce dont il résulte qu'une partie est fondée à se prévaloir de pratiques commerciales réalisées en méconnaissance de la réglementation prescrite par le code de la consommation, dès lors qu'elles lui ont causé un préjudice. 44. Même en supposant que les défenderesses ont commis des actes distincts de concurrence déloyale, de parasitisme, ou encore des pratiques commerciales trompeuses, il n'est en l'occurrence justifié d'aucun préjudice distinct de celui résultant de l'atteinte au monopole d'exploitation de la compétition sportive objet du présent litige, déjà indémnisé, de sorte que les demandes de ces chefs seront toutes rejetées. 45. Parties perdantes au sens de l'article 696 du code de procédure civile, les sociétés Viagogo seront condamnées in solidum aux dépens, ainsi qu'à payer à la FFT, sous la même solidarité imparfaite, la somme de 40.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile (cette somme incluant le remboursement des frais de constats par huissier de justice). 46. Aucune circonstance ne justifie ici d'écarter l'exécution provisoire de plein droit dont bénéficie la présente décision en application de l'article 514 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS, Le tribunal, DÉCLARE irrecevable l'exception de procédure tirée de l'incompétence de ce tribunal pour connaître de la présente affaire ; CONDAMNE in solidum les société Viagogo AG et Viagogo Entertainment à payer à la Fédération française de tennis, à titre provisionnel, la somme de 100.000 euros en réparation du préjudice causé par l'atteinte portée à son monopole d'exploitation sur les éditions 2019 et 2020 des "Rolex [Localité 8] Masters" par la revente sur la plateforme "Viagogo" aux internautes domiciliés hors de France de billets donnant accès à cette compétition ; ORDONNE aux sociétés Viagogo AG et Viagogo Entertainment de communiquer à la Fédération française de tennis, la liste des fournisseurs auprès desquels elles ont obtenu les billets d'accès aux éditions 2019 et 2020 des "Rolex [Localité 8] Masters" offerts à la vente sur leur site, ainsi que les numéros de série de ces billets, et ce, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à exécuter la présente décision, courant à l'expiration d'une délai de 30 jours suivant la signification du présent jugement, et pendant 180 jours ; AUTORISE la Fédération française de tennis à faire publier le dispositif du présent jugement dans trois journaux ou revues, papier ou en ligne, au choix de la FFT, aux frais avancés des sociétés défenderesses, dans la limite de la somme de 7 000 € par publication à la charge des sociétés Viagogo ; ORDONNE la publication du communiqué suivant, en tête des pages d'accueil du site accessible à l'adresse <www.viagogo.com> ,et ses extensions, pendant une durée de 60 jours, à commencer au plus tard 15 jours suivant la signification du jugement, et sous astreinte de 2.000 euros par jour de retard qui courra pendant 180 jours, en grand format, d'une façon immédiatement visible pour tout internaute se rendant sur cette page d'accueil:« By judgement of [Localité 8] Central Court of first instance, Viagogo's activity regarding the second-hand sale of tickets for French sport competitions without the consent of their organisers has been found illegal, and Viagogo has been ordered to pay the French Tennis Federation 100.000 euros in damages. » ; SE RESERVE la liquidation des astreintes ; REJETTE toutes les autres demandes de la Fédération française de tennis ; CONDAMNE in solidum les société Viagogo AG et Viagogo Entertainment aux dépens et autorise la SAS De Gaulle Fleurance et Associés à recouvrer directement ceux dont elle aurait fait l'avance sans avoir reçu provision conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile; CONDAMNE in solidum les société Viagogo AG et Viagogo Entertainment à payer à la Fédération française de tennis la somme de 40.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile (cette somme incluant le remboursement des frais de constats par huissier de justice); RAPPELLE que la présente décision est de plein droit assortie de l'exécution provisoire. Fait et jugé à Paris le 08 novembre 2022. La Greffière La Présidente | x |
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JURITEXT000047304649 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/30/46/JURITEXT000047304649.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 10 novembre 2022, 20/02607 | 2022-11-10 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 20/02607 | CT0087 | TRIBUNALJUDICIAIREDE PARIS 3ème chambre2ème section No RG 20/02607No Portalis 352J-W-B7E-CR3CP No MINUTE : Assignation du :06 Mars 2020 INCIDENT ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETATrendue le 10 Novembre 2022DEMANDERESSE Société SCANIA CV AKTIEBOLAGSödertälje (SE-15187)SODERTALJE / SUÈDE représentée par Maître Olivier MANDEL de la SELAS MANDEL-ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #W0013 DÉFENDERESSES Monsieur [H] [B][Adresse 5] [Adresse 5][Localité 1] représentée par Maître Aurelien GAZEL, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #T0004 et par Maître Jean-Paul ARMAND de la SCP BOLLET et ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE, avocat plaidant, Société INTERNATIONAL DELIVERY PARTS 2008 S.L - intervenante forcéeC/[Adresse 2][Localité 6] (ESPAGNE) représentée par Maître Morgane BLOTIN de la SELARL CENTAURE AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #P0500 et par Maître François-Xavier LANGLAIS, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, Société URS OTOMOTIV SANAYI VE TICARET LIMITED SIRKETI - intervenante forcée[N] [K] [E][Adresse 3][Localité 4] (TURQUIE) défaillant MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT Monsieur Arthur COURILLON-HAVY, Jugeassisté de Monsieur Quentin CURABET, Greffier DÉBATS A l'audience du 22 Septembre 2022, avis a été donné aux avocats que l'ordonnance serait rendue le 21 Octobre 2022, puis prorogé le 10 Novembre 2022. ORDONNANCE Prononcée publiquement par mise à disposition au greffe ContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DU LITIGE 1. La société de droit suédois Scania CV Aktiebolag (la société Scania), ayant été avisée d'une retenue en douane en France de filtres à huile provenant de Turquie et à destination d'Espagne, soupçonnés de contrefaire ses marques, a assigné les personnes suivantes en contrefaçon des deux marques de l'Union européenne no017015835 et no017769597 :- le 5 mars 2020, M. [H] [B], entrepreneur individuel, établi en France, dont elle allègue qu'il serait le déclarant en douane et le détenteur des marchandises ;- le 25 juin 2020, la société de droit espagnol ‘International delivery parts 2008 S.L.' (La société Indeparts), destinataire des marchandises, - le 24 septembre 2020, la société de droit turc ‘Urs otomotiv sanayi ve ticaret limited sirketi' (la société Urs otomotiv), expéditeur des marchandises. 2. M. [B] et la société Indeparts ont soulevé une exception d'incompétence, et M. [B] a soulevé une fin de non-recevoir tirée d'un défaut d'intérêt et de qualité à agir à son encontre ; ces moyens ont été écartés par le juge de la mise en état par une ordonnance du 26 mars 2021, confirmée par la cour d'appel le 14 janvier 2022. 3. La société Scania a ensuite formé, par mémoire confidentiel du 9 mai et conclusions du 12 mai 2022, un nouvel incident tendant à organiser la communication confidentielle d'un document dont elle entend se prévaloir, figurant à son bordereau de pièces dès l'assignation en tant que pièce no14. Les défenderesses ont alors demandé que la société Scania soit contrainte de communiquer cette pièce, sans confidentialité. L'incident a été entendu en ce qu'il portait sur la demande de communication forcée à l'audience du 22 septembre 2022 et la décision a été mise en délibéré sur l'ensemble. 4. Dans ses dernières conclusions d'incident signifiées par voie électronique le 12 mai 2022, la société Scania, en substance, demande que soit organisée d'une façon qu'elle détaille la communication et l'utilisation confidentielles de sa pièce no14, et réclame 5 000 euros aux défendeurs au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 5. Dans ces conclusions, elle expose que cette pièce, qui est la comparaison technique du filtre litigieux avec son produit « authentique », a une valeur commerciale en ce qu'elle dévoile les différences entre un produit authentique et un produit contrefaisant et permettrait aux contrefacteurs de tromper véritablement le public s'ils y avaient accès ; que ses concurrents n'ont pas accès à ces informations car ils n'ont aucune raison d'avoir deux filtres ; et qu'elle a mis en place des procédures internes pour en préserver la confidentialité. Par ailleurs, dans son mémoire confidentiel du 9 mai, elle expose également en quoi le document relève selon elle du secret des affaires. 6. Dans ses dernières conclusions d'incident signifiées par voie électronique le 13 juin 2022, M. [B], en substance, demande la communication de la pièce sans aucun régime de confidentialité, et réclame à la société Scania 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 7. Il estime que les conditions de l'article L. 151-1 du code de commerce ne sont pas réunies, et que les parties doivent pouvoir analyser la pièce no14. 8. Dans ses dernières conclusions d'incident signifiées par voie électronique le 13 juin 2022, la société Indeparts demande la communication de la pièce sans aucun régime de confidentialité, et réclame elle-même à la société Scania 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 9. Elle fait valoir que n'importe qui peut acheter librement les pièces comparées et procéder ainsi à la même comparaison ; et que savoir si les filtres litigieux sont fabriqués par Scania est nécessaire à la solution du litige, au sens de l'article L. 153-6 du code de commerce. 10. La société Urs otomotiv a été assignée conformément à la convention de La Haye du 15 novembre 1965, l'autorité requise turque ayant attesté le 13 octobre 2020 de ce que l'acte avait été remis au destinataire conformément au droit local le 24 septembre ; mais elle n'a pas comparu. MOTIFS 1) Protection de la pièce no14 par le secret des affaires 11. Aux termes de l'article L. 151-1 du code de commerce, « est protégée au titre du secret des affaires toute information répondant aux critères suivants : 1o Elle n'est pas, en elle-même ou dans la configuration et l'assemblage exacts de ses éléments, généralement connue ou aisément accessible pour les personnes familières de ce type d'informations en raison de leur secteur d'activité ; 2o Elle revêt une valeur commerciale, effective ou potentielle, du fait de son caractère secret ; 3o Elle fait l'objet de la part de son détenteur légitime de mesures de protection raisonnables, compte tenu des circonstances, pour en conserver le caractère secret. » 12. Le rapport invoqué par la société Scania consiste simplement en la comparaison visuelle entre un des filtres saisis en douane et un filtre authentique Scania, et relève deux différences visibles à l'oeil nu pour justifier la conclusion selon laquelle les produits saisis sont des copies. Comme le soulèvent les défendeurs, le filtre authentique est une pièce détachée, accessible aux professionnels, qui sont aisément capables de procéder à la même comparaison visuelle. Ainsi, la seule information contenue dans le rapport et qui n'est pas publique est l'opinion émise par le personnel de la société Scania sur les éléments visuellement différents entre les deux produits. 13. Il certes envisageable qu'une telle opinion puisse se fonder sur des éléments très discrets, ou une interprétation révélant l'importance d'un élément certes visible mais ne pouvant être directement compris par un professionnel concurrent, de sorte qu'elle contiendrait des informations difficilement accessibles et ayant une valeur commerciale. Tel n'est toutefois manifestement pas le cas ici, où la comparaison porte sur des éléments très visibles, à l'évidence discernables par n'importe quel professionnel du secteur même sans que son intention soit attirée par l'analyse du fabricant de la pièce « authentique ». Le rapport ne contient donc que des informations aisément accessibles. 14. La 1re condition posée par l'article L. 151-1 n'étant pas caractérisée, les demandes fondées sur le secret des affaires sont rejetées. 2) Communication forcée de la pièce 15. En application des articles 132 et 133 du code de procédure civile, la partie qui fait état d'une pièce doit la communiquer à toute autre partie à l'instance. L'article 142 prévoit par ailleurs que les éléments de preuve détenus par une partie et dont une autre entend se prévaloir peuvent être produits sur ordre du juge. 16. Et l'article L. 153-6 du code de commerce, cité par la société Indeparts, prévoit seulement le principe selon lequel la pièce demandée, et dont la confidentialité est alléguée, doit être communiquée si elle est nécessaire à la solution du litige. 17. La « pièce no14 » est certes visée au bordereau de la société Scania, mais comme document de nature confidentielle, ce qui indique que la demanderesse n'entendait pas s'en prévaloir autrement que de façon confidentielle ; au demeurant elle ne la cite pas dans son assignation à l'appui de ses allégations. Il ne s'agit donc pas d'une pièce dont la demanderesse fait état au sens de l'article 132. 18. Par ailleurs, la société Indeparts estime cette pièce nécessaire pour apprécier l'authenticité des produits litigieux, qu'elle invoque au fond pour caractériser l'épuisement des droits. Toutefois, comme indiqué précédemment, la seule information contenue dans ce document, au-delà de l'apparence des produits que la société Indeparts peut se procurer elle-même, est l'opinion de la société Scania sur les ressemblances entre eux. Cette opinion relève de sa stratégie pour le procès ; autrement dit, elle n'est nécessaire à la solution du litige que dans la mesure où elle est utilisée dans le litige par la société Scania. Ce qu'il appartient seulement à celle-ci de décider, sauf le cas d'une déloyauté procédurale, d'une dissimulation ou d'une contradiction préjudiciable, ce qui n'est pas allégué ici. 19. La demande de communication forcée est par conséquent rejetée. 3) Suite de l'instruction et dispositions finales 20. L'article 782 du code de procédure civile permet au juge de la mise en état d'inviter les avocats à répondre aux moyens sur lesquels ils n'auraient pas conclu, et à fournir les explications de fait et de droit nécessaires à la solution du litige. 21. Dans ses conclusions au fond, la société Indeparts fonde sa défense sur l'épuisement des droits, caractérisé selon elle en ce que la société Scania ne démontrerait pas que les produits litigieux ne sont pas des produits « authentiques ». Elle n'indique toutefois pas en quoi c'est dans l'espace économique européen que ces produits auraient été mis dans le commerce pour la première fois, alors qu'il est constant que ces produits ont été expédiés depuis la Turquie. La société Indeparts est donc invitée à conclure sur ce point, dans la mesure où elle l'estimerait utile. 22. L'article 700 du code de procédure civile permet au juge de condamner la partie qui perd son procès à payer à l'autre, pour les frais exposés mais non compris dans les dépens, une somme qu'il détermine, en tenant compte de l'équité et de la situation économique de cette partie. 23. Les parties perdent toutes en leurs demandes formées pour le présent incident, de sorte qu'aucune ne doit en indemniser une autre pour les frais exposés à ce titre. Les demandes en ce sens sont donc rejetées. PAR CES MOTIFS Le juge de la mise en état : REJETTE les demandes de la société Scania tendant à organiser la communication confidentielle de sa pièce intitulée « Rapport technique établi par la société Scania CV AB le 27 février 2020, à la suite de l'inspection des marchandises et du prélèvement d'échantillons effectués le 14 février 2020 » ; REJETTE les demandes de M. [B] et de la société Indeparts en communication forcée de cette pièce ; REJETTE les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; INVITE la société Indeparts à conclure sur le lieu de la première commercialisation des produits en cause, dans un jeu de conclusions attendu pour le 2 décembre 2022 ; ou, à défaut, à indiquer sans délai son intention de ne pas reconclure en l'état, auquel cas la société Scania est invitée à conclure sur le tout pour le 6 janvier 2023 ; RENVOIE l'examen de la mise en état de l'affaire au 15 décembre 2022 ; Faite et rendue à Paris le 10 Novembre 2022 Le Greffier Le Juge de la mise en état | x |
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JURITEXT000047304650 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/30/46/JURITEXT000047304650.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 17 novembre 2022, 21/04712 | 2022-11-17 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 21/04712 | CT0087 | TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 3ème chambre 1ère section No RG 21/04712 No Portalis 352J-W-B7F-CUECW No MINUTE : Assignation du :19 mars 2021 JUGEMENT rendu le 17 novembre 2022 DEMANDERESSE S.A.S. FATHER AND SONS[Adresse 1][Localité 5] représentée par Me Jean-Daniel BOUHÉNIC de la SCP DEPREZ GUIGNOT & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P221 DÉFENDERESSE S.A.S.U MARVIC[Adresse 3][Localité 2] représentée par Me Francis NOGUE, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #C1582 & Me Vincent MARIS de la SELARL PLUMANCY, avocat au barreau de PERIGUEUX, avocat plaidant COMPOSITION DU TRIBUNAL Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointeElodie GUENNEC, Vice-présidenteMalik CHAPUIS, Juge, assistés de Caroline REBOUL, Greffière DEBATS A l'audience du 20 septembre 2022 tenue en audience publique, avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue le 17 novembre 2022. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffeContradictoireEn premier ressort Magistrat signataire (article 456 du code de procédure civile) : Elodie GUENNEC, Vice-présidente, la présidente Nathalie SABOTIER, étant empêchée. EXPOSÉ DU LITIGE Créée en 1995, la société Father and Sons est spécialisée dans la conception et la commercialisation de vêtements et de costumes pour homme. Elle vend ses produits dans 53 boutiques éponymes, en France et à l'étranger. À ce titre, la société Father and Sons est titulaire des marques verbales suivantes : - La marque verbale française « FATHER AND SON » enregistrée sous le no95561209 le 3 mars 1995 en classes 18, 24 et 25 ; - La marque verbale française « FATHER AND SONS » enregistrée sous le no3317290 le 8 octobre 2004 en classes 9, 14, 18, 24 et 25 ; - La marque verbale française « FATHER & SONS » enregistrée sous le no3317291 le 8 octobre 2004 en classes 9, 14, 18, 24 et 25 ; - La marque verbale de l'Union européenne « FATHER & SONS » enregistrée sous le no17444035 le 7 novembre 2017 en classes 3, 9, 14, 18, 24, 25 et 35. La société Father and Sons possède également le nom de domaine : www.fatherandsons.fr, enregistré le 23 mars 2005. La société Marvic, dont l'associé unique est M. [X] [W], expose avoir acquis de la société Magasins du Périgord, le 21 août 2019, un fonds de commerce qu'elle avait commencé à exploiter en 2008 sous une franchise « Serge Blanco », avant de le renommer « Brothers and Son » en 2016. La société Father and Sons a été informée par l'un de ses affiliés de l'existence de cette boutique « Brothers & Son », située [Adresse 4] à [Localité 7], dédiée à l'univers du prêt-à-porter masculin. Elle a en outre constaté que la société Marvic fait également la promotion de son enseigne par le biais du réseau social Facebook et vend ses produits sur une page du site internet www.voscommercants-dordogne.fr. La société Father and Sons, a procédé à un achat dans la boutique précitée avant de faire réaliser un procès-verbal de constat par un huissier de justice le 26 août 2021. Entre temps, le 16 septembre 2020, la société Father and Sons a mis en demeure la société Marvic de cesser d'utiliser le signe « Brothers and Son », à quelque titre que ce soit. Plusieurs courriers officiels ont été échangés en vue de parvenir à une résolution amiable du litige entre les parties. La société Marvic a accepté de ne plus apposer le signe « Brothers & son » sur une chemise en lin commercialisée dans son magasin, mais a opposé une fin de non-recevoir au surplus des demandes de la société Father and Sons. C'est ainsi que par acte d'huissier de justice du 19 mars 2021, la société Father and Sons a fait assigner la société Marvic devant le tribunal judiciaire de Paris en contrefaçon de marques. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 11 février 2022, la société Father and Sons demande au tribunal, au visa des articles L. 713-2, L. 713-3-1, L. 716-4, L.716-14 du code de la propriété intellectuelle et des pièces versées aux débats, de : ? Juger que la reproduction des signes « BROTHERS & SONS » et « BROTHERS AND SON » sur des vêtements, ainsi qu'à titre de nom commercial et d'enseigne pour vendre des vêtements, constitue une contrefaçon des marques françaises antérieures « FATHER AND SONS » no95561209 enregistrée le 3 mars 1995 et no3317290, enregistrée le 8 octobre 2004 pour les produits de la classe 25, de la marque française antérieure « FATHER & SONS » no3317291 enregistrée le 8 octobre 2004 en classe 25 et de la marque antérieure de l'Union européenne «FATHER & SONS » no17444035 enregistrée le 7 novembre 2017 en classe 25 et 35; ? Juger que l'utilisation des signes « BROTHERS & SONS » et « BROTHERS AND SON » par la société MARVIC a porté atteinte au nom commercial et à la dénomination sociale FATHER & SONS et que la captation de l'identité visuelle et de l'axe de communication de Father & Sons, constitue une faute civile; ? Débouter la société Marvic de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ; En conséquence : ? Faire interdiction à la société Marvic de faire usage directement ou indirectement des signes « BROTHERS & SONS » et « BROTHERS AND SON » ou de tout autre signe reproduisant ou imitant les marques lui appartenant, à quelque titre que ce soit, sur quelque support que ce soit, sous quelque forme que ce soit, pour des produits similaires, sous astreinte de cinq cents (500) euros par infraction constatée dans les dix (10) jours à compter de la signification du jugement à intervenir ; ? Condamner la société Marvic à lui payer, la somme de cinquante mille (50.000) euros, sauf à parfaire, en réparation du préjudice résultant des actes de contrefaçon des marques « FATHER & SONS » lui appartenant ; ? Condamner la société Marvic à lui payer, la somme de vingt-cinq mille (25.000) euros, sauf à parfaire, en réparation du préjudice résultant des fautes civiles commises ; ? Condamner la société Marvic à lui verser une somme de dix mille (10.000) euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; ? Condamner la société Marvic aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Deprez Guignot & Associés, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 6 janvier 2022, la société Marvic demande au tribunal, vu notamment les dispositions de l'article L.713-2 du code de la propriété intellectuelle, de : ? Dire et juger qu'elle est recevable et fondée en l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ; ? Débouter purement la société Father and Sons de l'ensemble de ses prétentions comme radicalement mal fondées ; ? Dire et juger qu'en tout état de cause, la société Father and Sons n'est en rien fondée à se voir allouer la moindre somme à titre de dommages et intérêts ; À titre reconventionnel, ? Condamner la société Father and Sons à lui verser à la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens. L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 février 2022. MOTIFS Sur la contrefaçon des marques françaises et de l'Union européenne de la société Father and sons Moyens des parties: La société Father and Sons soutient que la société Marvic a commis des faits constitutifs de contrefaçon de ses marques, en ce qu'elle a utilisé comme enseigne et nom commercial les signes ?BROTHERS & SON" et ?BROTHERS AND SON", qui sont étroitement similaires à ses marques, tant sur plan visuel qu'auditif et conceptuel, pour vendre dans sa boutique et sur un site internet des produits identiques à ceux désignés par ses marques, à savoir des vêtements et accessoires pour homme. Rappelant être titulaire de marques verbales, elle souligne que l'aspect visuel des signes en litige est très proche, qu'ils ont la même structure, l'utilisation de l'esperluette et de la locution anglaise ?and" étant marquantes visuellement. Phonétiquement, elle conclut à la proximité des sonorités, soulignant des syllabes identiques à l'exception de l'accroche. Sur le plan conceptuel enfin, elle insiste sur les ressemblances entre les signes, entre l'utilisation de la langue anglaise et la mise en exergue du lien familial masculin. Elle considère que la société Marvic a fait un usage de ces signes litigieux à titre de marque dans la vie des affaires dans la mesure où son nom commercial et son enseigne sont employés en lien direct avec les vêtements commercialisés et que cela génère un risque de confusion dans l'esprit du public pertinent qui peut croire que les deux sociétés sont liées économiquement. Cette impression d'ensemble est, selon elle, accentuée par la notoriété de sa marque. En réponse aux moyens soulevés en défense, elle affirme qu'il n'est pas sérieux de soutenir qu'elle n'exploiterait pas d'enseigne du même nom à [Localité 7], la bonne foi étant par ailleurs indifférente en matière de contrefaçon. La société Marvic conclut, quant à elle, à l'absence d'acte de contrefaçon. Rappelant que le choix de cette enseigne s'explique par une exploitation familiale de longue date du magasin de prêt-à-porter, elle considère qu'il n'y a aucune similitude entre les signes en litige. Se prévalant de typologies très différentes, elle ajoute que le sens du mot d'attaque, en anglais, est parfaitement compréhensible par le public français et que le ?and sons" se retrouve dans de nombreuses marques de prêt-à-porter qu'elle énumère (Kapten & son, Mom & sons, Only & sons par exemple). Elle invite le tribunal à observer les différences notables existant entre les signes dénoncés (trait sous l'enseigne, taille de l'esperluette ou encore différence de logos). Elle souligne que son site internet a peu de rayonnement, ce qui empêche toute confusion aux yeux de la clientèle de la société Father and Sons, qui n'est de surcroît pas implantée dans le département de la Dordogne. Elle s'oppose à toute atteinte à la fonction de la marque, dont elle critique le manque d'originalité, dans la mesure où elle ne vend plus aucun produit sous le signe ?Brother & sons", mais se veut un commerce dit multimarque. Elle soutient à ce titre qu'une simple utilisation à titre de dénomination commerciale ne permet pas de caractériser une atteinte à la fonction de la marque au sens des textes. Elle ajoute enfin que l'utilisation d'un logo représentant un renard n'est pas distinctif et qu'il ne saurait lui être reproché d'avoir utilisé des ours en peluche pendant la période des fêtes. Appréciation du tribunal: En application de l'article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle, « Est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l'usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services :1o D'un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ;2o D'un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s'il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d'association du signe avec la marque. » L'article L. 713-3-1 du même code dispose que ? Sont notamment interdits, en application des articles L. 713-2 et L. 713-3, les actes ou usages suivants :1o L'apposition du signe sur les produits ou sur leur conditionnement ;2o L'offre des produits, leur mise sur le marché ou leur détention à ces fins sous le signe, ou l'offre ou la fourniture des services sous le signe ;3o L'importation ou l'exportation des produits sous le signe ;4o L'usage du signe comme nom commercial ou dénomination sociale ou comme partie d'un nom commercial ou d'une dénomination sociale ;5o L'usage du signe dans les papiers d'affaires et la publicité ;6o L'usage du signe dans des publicités comparatives en violation des dispositions des articles L. 122-1 à L. 122-7 du code de la consommation ;7o La suppression ou la modification d'une marque régulièrement apposée.Ces actes et usages sont interdits même s'ils sont accompagnés de mots tels que : " formule, façon, système, imitation, genre, méthode ". L'article L.716-4 du code de la propriété intellectuelle dispose en outre que « L'atteinte portée au droit du titulaire de la marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur. Constitue une atteinte aux droits attachés à la marque la violation des interdictions prévues aux articles L. 713-2 à L. 713-3-3 et au deuxième alinéa de l'article L. 713-4. » En application des dispositions de l'article L. 717-1 du code de propriété intellectuelle, « Constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur la violation des interdictions prévues aux articles 9, 10, 13 et 15 du règlement (UE) 2017/1001 du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne. » Enfin, l'article 9 du règlement (UE) 2017/1001 du parlement européen et du conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne intitulé « Droit conféré par la marque de l'Union européenne », dispose que :« 1. L'enregistrement d'une marque de l'Union européenne confère à son titulaire un droit exclusif.2. Sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité d'une marque européenne, le titulaire de cette marque de l'Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe pour des produits ou services lorsque :a) ce signe est identique à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée ; [?]b) ce signe est identique ou similaire à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou services identiques ou similaires aux produits ou services pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public; le risque de confusion comprend le risque d'association entre le signe et la marque;c) ce signe est identique ou similaire à la marque de l'Union européenne, indépendamment du fait que les produits ou services pour lesquels il est utilisé soient identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée, lorsque celle-ci jouit d'une renommée dans l'Union et que l'usage de ce signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque de l'Union européenne ou leur porte préjudice.3. Il peut notamment être interdit, en vertu du paragraphe 2 : a) d'apposer le signe sur les produits ou sur leur conditionnement;b) d'offrir les produits, de les mettre sur le marché ou de les détenir à ces fins sous le signe, ou d'offrir ou de fournir des services sous le signe;c) d'importer ou d'exporter les produits sous le signe;d) de faire usage du signe comme nom commercial ou dénomination sociale ou comme partie d'un nom commercial ;ou d'une dénomination sociale;e) d'utiliser le signe dans les papiers d'affaires et la publicité;f) de faire usage du signe dans des publicités comparatives d'une manière contraire à la directive 2006/114/CE.[...] En l'espèce, il n'est pas contesté que la société Father and Sons est titulaire des marques verbales françaises « FATHER AND SON » enregistrée sous le no95561209 le 3 mars 1995 en classes 18, 24 et 25, « FATHER AND SONS » enregistrée sous le no3317290 le 8 octobre 2004 en classes 9, 14, 18, 24 et 25, « FATHER & SONS » enregistrée sous le no3317291 le 8 octobre 2004 en classes 9, 14, 18, 24 et 25 et de la marque verbale de l'Union européenne « FATHER & SONS » enregistrée sous le no17444035 le 7 novembre 2017 en classes 3, 9, 14, 18, 24, 25 et 35. Cette dernière établit, au moyen de l'extrait Kbis de la société Marvic, à jour à la date du 3 février 2021, que cette dernière exploite dans une rue commerçante de la ville de [Localité 7], sous le nom commercial et l'enseigne ?BROTHERS & SON", un magasin spécialisé de vente de vêtements au détail depuis le 21 août 2019, ce qui n'est pas discuté. Cet élément est étayé par la production de la copie d'un ticket de caisse portant le nom de l'enseigne ?BROTHERS & SON", preuve d'achat d'un article au sein de la boutique le 8 septembre 2020 ainsi que par le procès-verbal de constat dressé par Me [S], huissier de justice à [Localité 6], au terme duquel il constate que le commerce exploité sous l'enseigne ?BROTHERS & SON" est référencé par le moteur de recherche google lorsqu'est opérée une recherche avec les termes ?Father – son - [Localité 7]". Les signes utilisés par la société Marvic n'étant pas identiques aux marques dont est titulaire la société Father and Sons, il importe de rechercher s'ils sont similaires aux marques verbales telles qu'elles ont été enregistrées. Pour ce faire, il importe de ?déterminer leur degré de similitude visuelle, auditive et conceptuelle et, le cas échéant, d'évaluer l'importance qu'il convient d'attacher à ces différents éléments en tenant compte de la catégorie de produits ou services en cause et des conditions dans lesquelles ils sont commercialisés." (CJUE arrêt du 22 juin 1999 Lloyd Schuhfabrik Meyer & Co. GmbH contre Klijsen Handel BV, Aff. C-342/97). Sur le plan visuel, en premier lieu, il est constant que la similitude s'apprécie dans la construction des signes, leur structure et leur composition. En l'espèce, les deux groupes nominaux soumis à la comparaison, de longueur équivalente (à une lettre près), sont constitués de deux noms communs, en langue anglaise, ?father" ou ?brothers", en lettres majuscules, auxquels s'ajoutent une terminaison identique ? son" ou ?sons", reliés de manière semblable par la locution anglaise ?and" ou une esperluette. Cette structure globale leur confère ainsi une certaine similarité visuelle. Sur le plan phonétique, les deux signes sont rédigés en langue anglaise. Le rythme est par ailleurs identique, les groupes nominaux étant composés chacun de quatre syllabes. Certes, les sonorités phonétiques d'attaque des deux signes, auxquelles le consommateur pertinent prête généralement une plus grande attention, sont différentes, entre [BRO] et [FA]. Néanmoins, les syllables suivantes [THER], les sonorités finales [SON] / [SONS] ainsi que l'emploi identique de la locution [AND] ou de l'esperluette qui se prononce de la même manière, sont parfaitement identiques, ce qui leur confère, en dépit d'une amorce différente, une certaine proximité phonétique. Sur le plan conceptuel, le signe litigieux met en exergue, au même titre que les marques ?Father and Sons", un lien masculin intra-familial suggérant dans l'esprit du consommateur que les produits vendus répondent aux attentes d'un public inter-générationnel. Cette lecture intellectuelle de la marque, axe de communication dominant de la société Father and Sons, vient donc compenser une proximité phonétique plus relative. Enfin, les termes ?father" et ?brother", dont la traduction est, certes, accessible sans difficulté au public français qui ne maîtriserait qu'un anglais rudimentaire, appartiennent toutefois au même champ lexical. Au regard de l'ensemble de ces considérations, le tribunal retient que les ressemblances entre les signes sont prépondérantes par rapport aux dissemblances. Les produits concernés, constitués par du prêt-à-porter masculin de milieu de gamme, sont identiques. Il s'agit en effet de services de vente au détail de vêtements et accessoires pour hommes, classes dans lesquelles les marques de la société Father and Sons sont enregistrées, qu'il s'agisse des marques françaises (classe 25) ou de la marque européenne (classe 35). La caractérisation de la contrefaçon est également subordonnée à la démonstration de l'usage du signe litigieux dans la vie des affaires, c'est-à-dire dans le contexte d'une activité commerciale visant à un avantage économique (CJUE, 12 nov. 2002, aff. C-206/01, Arsenal) et non dans le domaine privé, de telle manière que cela porte atteinte aux fonctions de la marque. Dans le cas d'espèce, la société Marvic utilise le signe ?BROTHERS & SON" à titre de dénomination sociale et d'enseigne. A la suite de la mise en demeure adressée par la société Father and Sons, elle ne commercialise plus de vêtement sur lequel le signe serait apposé. Il est constant qu'une dénomination sociale, un nom commercial ou une enseigne n'a pas, en soi, pour finalité de distinguer des produits ou des services. La Cour de justice de l'Union Européenne a ainsi dit pour droit, dans un arrêt no C-17/06 Céline SARL contre Céline SA du 11 septembre 2007, considérant 21, qu' ?une dénomination sociale a pour objet d'identifier une société, tandis qu'un nom commercial ou une enseigne a pour objet de signaler un fonds de commerce. Dès lors, lorsque l'usage d'une dénomination sociale, d'un nom commercial ou d'une enseigne se limite à identifier une société ou à signaler un fonds de commerce, il ne saurait être considéré comme étant fait ?pour des produits ou des services", au sens de l'article 5, paragraphe 1, de la directive." La Cour ajoute toutefois, au considérant no23 de l'arrêt précité, que ?même en l'absence d'apposition, il y a usage ?pour des produits ou des services" au sens de ladite disposition lorsque le tiers utilise ledit signe de telle façon qu'il s'établit un lien entre le signe constituant la dénomination sociale, le nom commercial ou l'enseigne du tiers et les produits commercialisés ou les services fournis par les tiers". Or, en l'espèce, il ressort des pièces versées aux débats que si la boutique vend des produits dits ?multimarque", le signe constituant sa dénomination sociale et son enseigne est rappelé non seulement dans les rayons du magasin lui-même, à proximité des articles proposés à la vente, mais également sur le ticket de caisse et le sac remis à la clientèle lors d'un achat. L'usage pour les produits dans la vie des affaires, à titre de marque, est ainsi caractérisé. Enfin, il y a lieu de rechercher si, au regard d'une appréciation des degrés de similitude entre les signes et entre les produits désignés, il existe un risque de confusion comprenant un risque d'association dans l'esprit du public concerné. Ce risque de confusion doit être apprécié de manière globale en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce, étant rappelé que "le consommateur moyen per[çoit] normalement une marque comme un tout et ne se livr[e] pas à un examen de ses différents détails." (Cour de justice de l'Union européenne, 11 novembre 1997, aff. C-251/95, Sabel BV c/ Puma AG,, § 23 ). De fait, le consommateur moyen n'a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différents signes mais doit se fier à l'image non parfaite qu'il a gardée en mémoire. La connaissance de la marque sur le marché est également un facteur pertinent du risque de confusion. En l'espèce, le public pertinent est un consommateur de produits de prêt-à-porter masculin de moyenne gamme, qui dispose d'un éventail assez large d'enseignes proposant un vaste choix de produits. Son degré d'attention est moyen. Or, la marque Father and sons, exploitée depuis plus de 25 ans et qui dispose aujourd'hui d'un réseau de 53 boutiques en France et à l'étranger, jouit, sur ce segment de marché concurrentiel, d'une notoriété qui constitue un facteur pertinent dans l'appréciation du risque de confusion. Ainsi, le consommateur, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, pourrait-il, compte-tenu des similarités précédemment mises en exergue, penser que l'enseigne ?BROTHERS & SON" est une déclinaison de la marque Father and Sons ou que les produits proposés dans ce magasin proviennent d'entreprises liées économiquement. Le fait que le magasin BROTHERS & SON apparaisse parmi les résultats du moteur de recherche utilisé par l'huissier de justice lors de l'établissement du procès-verbal de constat précité ne fait que conforter cette analyse. Il est à ce titre indifférent que la société Father and Sons n'exploite pas de magasin dans le Périgord. Il n'est pas discuté que les produits sont bien commercialisés par la société Marvic sur le territoire français, sur lequel les marques de la société demanderesse sont protégées. De la même manière, la bonne foi n'a aucune incidence sur la caractérisation de la contrefaçon, si bien qu'il est indifférent que la société Marvic n'ait eu aucune intention de créer une quelconque confusion. Il résulte par conséquent de ce qui précède, qu'outre une identité de produits, la similitude visuelle et conceptuelle entre les signes en cause, pris dans leur ensemble, ainsi que leur utilisation dans la vie des affaires, entraîne un risque de confusion pour le public pertinent qui pourrait attribuer les produits vendus sous enseigne ?BROTHERS & SON" à la société Father and Sons. La différence phonétique d'accroche entre les signes ne permet pas, à elle seule, d'écarter le risque de confusion, si bien que l'atteinte à la fonction essentielle d'identification de la marque est caractérisée. La contrefaçon de marque est en conséquence démontrée. Sur la réparation de la contrefaçon de marqueMoyens des parties: La société Father and Sons sollicite en premier lieu l'indemnisation forfaitaire de son préjudice financier et moral qui résulte des ventes et du bénéfice réalisé par la société Marvic en utilisant des signes similaires à ses marques en lien avec ses produits. Elle souligne que ces agissements portent atteinte aux investissements humains, financiers, créatifs et publicitaires qu'elle supporte pour développer son réseau, ajoute que cela affaiblit la valeur distinctive et la force attractive de ses marques et qu'elle perd, par ce biais, le contrôle de son image. Elle soutient que cela constitue également un obstacle illégitime au développement de son réseau, et que cela se traduit, en tout état de cause, pour elle, par un manque à gagner. La société Father and Sons sollicite en second lieu le prononcé de mesures d'interdiction afin que les agissements illicites prennent fin et ne se reproduisent pas. En réponse, la société Marvic estime que la société Father and Sons succombe dans la démontration du principe de son préjudice et du quantum des dommages-intérêts sollicités, alors que la réparation d'un préjudice au forfait est, selon elle, à proscrire. Appréciation du tribunal: Aux termes des dispositions de l'article L.716-4-10 du code de la propriété intellectuelle, ?pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement : 1o Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ; 2o Le préjudice moral causé à cette dernière ; 3o Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon. Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée." En outre, l'article 130 alinéa 1. du règlement (UE) 2017/1001 du parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne intitulé « Sanctions » dispose que « 1. Lorsqu'un tribunal des marques de l'Union européenne constate que le défendeur a contrefait ou menacé de contrefaire une marque de l'Union européenne, il rend, sauf s'il a des raisons particulières de ne pas agir de la sorte, une ordonnance lui interdisant de poursuivre les actes de contrefaçon ou de menace de contrefaçon. Il prend également, conformément au droit national, les mesures propres à garantir le respect de cette interdiction. » Enfin, l'article L. 717-2 du code de la propriété intellectuelle dispose que « Les dispositions des articles L. 716-4-10, L. 716-4-11 et L. 716-8 à L. 716-13 sont applicables aux atteintes portées au droit du titulaire d'une marque de l'Union européenne. » En l'espèce, il n'est pas contesté que la société Marvic a, dans un premier temps, commercialisé une chemise en lin en apposant sur le produit le signe litigieux ?BROTHERS & SON", avant de cesser cet agissement à la suite de la mise en demeure de la société Father and sons. Ce comportement a néanmoins occasionné un préjudice financier à cette dernière dont elle peut légitimement demander réparation. La preuve d'achat de la chemise versée aux débats mentionne un prix de 39 euros après l'application d'une promotion de 40%. Aucun élément ne permet toutefois de connaître le nombre de produits vendus. De même, la société Father and sons est bien fondée à invoquer un préjudice compte-tenu des ventes réalisées par la société Marvic dans la boutique sous enseigne ?BROTHERS & SON" depuis 2019, des bénéfices réalisés par cette dernière et du manque à gagner corrélatif. Ces éléments, à défaut de données commerciales et financières précises, doivent toutefois être appréciés en considération du lieu d'exercice de l'activité et du rayonnement du magasin, à savoir principalement une boutique dans la ville de [Localité 7], et du site internet. Enfin, le tribunal admet que la société Father and Sons puisse se prévaloir d'un préjudice lié à ses investissements en particulier publicitaires et créatifs, alors que la similitude intellectuelle entre les signes est, comme cela a été précédemment exposé, particulièrement notable. En revanche, la société Father and Sons ne démontre pas utilement, au moyen de l'attestation de M. [F] versée aux débats, dont les termes sont contestés par l'attestation de M. [R] versée aux débats par la société Marvic, que le comportement de cette dernière aurait fait obstacle au développement de son réseau dans le secteur géographique. En considération de l'ensemble de ces éléments, il sera alloué à la société Father and Sons une somme forfaitaire de 3.000 euros en réparation du préjudice qu'elle a subi au titre des actes de contrefaçon. Il sera également fait droit aux mesures d'interdiction légitimement sollicitées, dans les termes prévus au dispositif de la présente décision. Sur la concurrence déloyale et parasitaire Moyens des parties: La société Father and Sons estime, à titre complémentaire, que la société Marvic a commis une faute civile en utilisant des signes portant atteinte à ses droits antérieurs au titre de sa dénomination sociale, de son nom commercial et de son nom de domaine, dont elle justifie être propriétaire. Elle considère également qu'est fautif l'utilisation par la société Marvic de plusieurs éléments distinctifs de l'identité visuelle de ses boutiques, codes graphiques qui sont propres à rallier sa clientèle. Elle dénonce à ce titre l'utilisation du logo ou encore l'agencement de la boutique et de l'enseigne qui reprendrait le style, les caractéristiques graphiques et visuelles et la combinaison de bleu et blanc qu'elle a adoptés sur ses propres devantures, dans les rayons et sur sa communication publicitaire et promotionnelle. Elle reproche enfin à l'enseigne d'utiliser des personnages à tête d'animaux bicolores pour promouvoir ses produits, en imitant ses campagnes promotionnelles et dénonce, de manière générale, la communication organisée par la société Marvic, qui reprend, selon elle, les grands axes de celle qu'elle a mise en oeuvre. La société Marvic conteste avoir commis la moindre faute délictuelle ou quasi-délictuelle. Indiquant utiliser une typologie qui lui est propre pour son enseigne, au demeurant d'une relative banalité, elle revendique le droit d'utiliser des ours en peluche dans sa vitrine, contestant que la société Father and sons ait pu en faire un élément distinctif. Enfin, elle expose n'avoir eu aucune intention de générer la moindre confusion, rappelant qu'elle est une petite entreprise locale. Appréciation du tribunal: L'article 1240 du code civil dispose que « tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». La concurrence déloyale, fondée sur le principe général de responsabilité civile édicté par l'article 1240 du code civil, consiste en des agissements s'écartant des règles générales de loyauté et de probité professionnelle applicables dans la vie des affaires tels que ceux créant un risque de confusion avec les produits ou services offerts par un autre. Le parasitisme se définit comme l'ensemble des comportements par lequel un agent économique s'immisce dans le sillage d'un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire. Ces actions supposent la caractérisation d'une faute génératrice d'un préjudice, reposant sur des faits distincts de ceux invoqués au titre de l'atteinte au droit privatif de la marque d'ores et déjà pris en compte par l'action en contrefaçon. En l'espèce, il est établi et non discuté que la société Marvic utilise une dénomination sociale, une enseigne et un nom de domaine similaires à ceux de la société Father and sons, qui sont eux-mêmes identiques aux marques dont elle a revendiqué la protection sur le fondement de la contrefaçon. Cependant, ce seul usage par une société concurrente ne peut constituer une faute distincte. En effet, l'étendue de la protection de la marque justifie qu'un concurrent qui imite un signe protégé en tant que marque en l'utilisant pour son enseigne ou encore son nom commercial, soit poursuivi sur le terrain de la contrefaçon, ce qui a été le cas en l'espèce. La société Father and Sons dénonce toutefois une atteinte à l'identité visuelle de sa marque et de son axe de communication, ce qui constitue des comportements distincts d'une atteinte aux marques. En effet, lorsqu'une marque verbale, déposée sans graphisme particulier, est exploitée sous une calligraphie distinctive, cette présentation, non couverte par l'enregistrement de la marque, peut être protégée au titre de la concurrence déloyale lorsque le risque de confusion est établi. De même, est également protégé à ce titre, le fait d'utiliser un élément figuratif tel qu'un logo ou un dessin, non déposé à titre de marque, pour commercialiser un produit, lorsqu'il est établi une exploitation antérieure et que la ressemblance avec le logo ou le dessin utilisé par le concurrent est de nature à créer dans l'esprit du public un risque de confusion entre les produits ou sur leur origine. En l'espèce, l'utilisation d'une combinaison de bleu marine sur blanc ou vice-versa pour l'inscription de l'enseigne en lettres capitales est d'une relative banalité. Par ailleurs, il ressort des pièces versées aux débats que les magasins franchisés Father and Sons disposent d'une certaine liberté dans la présentation de la devanture de leur boutique, si bien que cette dernière n'est pas homogène sur l'ensemble du territoire. Il ne saurait donc être retenu, à l'encontre de la société Marvic, un comportement fautif. Il en est de même de l'utilisation d'un logo à tête de renard, revendiqué par la société Father and Sons. S'il est effectivement utilisé par certains de ses magasins, ainsi que cela ressort du cahier des vitrines 2021 produit aux débats, la société demanderesse succombe à démontrer que cela constitue un élément dominant de son identité visuelle. En tout état de cause, la société Marvic n'a pas repris à son compte l'utilisation d'un renard et il ne saurait lui être raisonnablement reproché d'avoir utilisé des ours en peluche dans sa vitrine, de surcroît pendant une période de fête. A défaut de démontrer que cela fait partie intégrante de son identité visuelle, la société Father and Sons ne rapporte pas la preuve d'une faute commise à ce titre par la société Marvic. Enfin, il est constant que peut constituer un acte de concurrence déloyale distinct de la contrefaçon de marque, le fait de reproduire un moyen publicitaire mis en oeuvre par le titulaire de la marque, de nature à aggraver le risque de confusion. En l'espèce, les photographies des campagnes de communication de la société Marvic produites aux débats, outre le fait qu'elles portent mention d'un slogan en gros caractères « des hommes et du style » propre à la société défenderesse, représentent des groupes d'hommes portant les vêtements commercialisés par la société. Force est de constater que les ressemblances entre les créations publicitaires invoquées, qui résident principalement dans la présence commune d'un groupe d'hommes d'âges différents, portent sur des caractéristiques assez usuelles compte-tenu des produits vantés, à savoir du prêt-à-porter masculin. Par conséquent, à défaut de démontrer l'existence d'une faute commise par la société Marvic, la société Father and Sons ne peut prospérer en sa demande tendant à voir engager sa responsabilité civile. Sur les demandes annexes Succombant à titre principal, la société Marvic sera condamnée aux dépens de l'instance. Supportant les dépens, elle sera condamnée à payer à la société Father and Sons la somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS Le tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire, mis à disposition au greffe et en premier ressort, FAIT INTERDICTION à la SASU Marvic de faire usage des signes « BROTHERS & SON » et « BROTHERS AND SON » ou de tout autre signe reproduisant ou imitant les marques appartenant à la SAS Father and Sons, à quelque titre et sous quelque support que ce soit, pour des produits similaires, sous astreinte de 500 euros par infraction constatée à l'issue d'un délai de trois mois à compter de la signification de la présente décision, courant pendant un délai de six mois ; CONDAMNE la SASU Marvic à payer à la SAS Father and Sons la somme de 3.000 euros (trois mille euros) en réparation du préjudice résultant des actes de contrefaçon ; DÉBOUTE la SAS Father and Sons de sa demande de dommages-intérêts en réparation d'un préjudice sur le fondement de la concurrence déloyale et parasitaire ; CONDAMNE la SASU Marvic aux dépens de l'instance qui seront recouvrés directement par la SCP Deprez Guignot & Associés sur le fondement des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ; CONDAMNE la SASU Marvic à payer à la SAS Father and Sons la somme de 5.000 euros (cinq mille euros) sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Fait et jugé à Paris le 17 novembre 2022 LA GREFFIERE LA PRESIDENTE | x |
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JURITEXT000047304651 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/30/46/JURITEXT000047304651.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 17 novembre 2022, 20/09782 | 2022-11-17 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 20/09782 | CT0087 | TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 3ème chambre 1ère section No RG 20/09782 No Portalis 352J-W-B7E-CS55M No MINUTE : Assignation du :28 août 2020 JUGEMENT rendu le 17 novembre 2022 DEMANDEURS Monsieur [D] [X][Adresse 4][Localité 5] S.A.R.L. LCP FRANCE[Adresse 2][Localité 6] représentées par Me Noémie SAIDI COTTIER, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #C1850 & Me Olivier YAU, avocat au barreau de NANTES, avocat plaidant DÉFENDERESSE S.A.S. SC INVEST "AUTOTRUCK 42"[Adresse 1][Localité 3] représentée par Me Antoine MORAVIE, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #D0363 & Me Jean-Louis ROBERT de la SELARL ROBERT, avocat au barreau de ROANNE, avocat plaidant COMPOSITION DU TRIBUNAL Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointeElodie GUENNEC, Vice-présidenteMalik CHAPUIS, Juge, assistés de Caroline REBOUL, Greffière DEBATS L'audience s'est tenue sans débats, les avocats ayant procédé par dépôt des dossiers. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffeContradictoireEn premier ressort Magistrat signataire (article 456 du code de procédure civile) : Elodie GUENNEC, Vice-présidente, la présidente Nathalie SABOTIER étant empêchée. EXPOSE DU LITIGE Au début des années 2000, Monsieur [D] [X] a mis sur le marché des signaux acoustiques permettant de réduire les nuisances sonores générées notamment par les signaux de recul des engins de chantiers, qui permettent d'éviter collisions et accidents, grâce à un procédé de modulation automatique de la puissance sonore de l'avertisseur de recul, adaptée à environ cinq décibels au-dessus du bruit ambiant. L'objet est de garantir la sécurité tout en améliorant le confort du personnel et en réduisant la pollution sonore. À ce titre, il est titulaire des marques suivantes : - La marque semi-figurative « LE CRI DU LYNX® » no 3153067 déposée le 12 mars 2002 dans la classe 9 pour les « appareils de signalisation » : - La marque verbale « LE CRI DU LYNX® » no 4474984 déposée le 7 août 2018 dans les classes 9 et 12 notamment pour les « alarmes et systèmes d'alarme, capteurs de détection d‘objets, avertisseurs sonores pour véhicules? ». Ces marques sont utilisées pour commercialiser des produits de signaux de recul à faible acoustique, la SARL LCP France, dont M. [X] est le gérant, disposant d'une licence exclusive sur ces marques. La SAS SC Invest exerçant sous le nom commercial Autotruck 42 (ci-après la société SC Invest) intervient quant à elle dans le commerce de détail d'équipement automobile et exploite un site d'e-commerce en proposant à la vente divers produits et plus particulièrement des pièces détachées automobiles, poids lourds, tracteurs et bateaux. M. [X] indique avoir constaté que la société SC Invest, utilise la dénomination « cri du lynx » pour vendre ses produits et les référencer sur son site internet. Le 23 juillet 2019, M. [X] et la société LCP France ont demandé à la société SC Invest de cesser d'utiliser les marques « LE CRI DU LYNX ». Ils ont vainement réitéré leur demande le 5 septembre 2019, avant lui délivrer une mise en demeure par courrier du 4 novembre 2019. La société SC Invest n'a pas répondu à ces courriers. M. [X] et la société LCP France ont fait dresser un procès-verbal de constat le 20 novembre 2019, relevant notamment que le site internet de la société exerçant sous le nom Autotruck 42 référence un lien internet proposant la vente d'un avertisseur « représentant le cri d'un lynx ». Après une ultime tentative de résolution amiable du litige, M. [X] et la société LCP France ont fait assigner, par acte d'huissier du 28 août 2020, la société SC Invest devant le tribunal judiciaire de Paris. Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 15 octobre 2021, Monsieur [D] [X] et la SARL LCP France demandent au tribunal, vu les dispositions des articles L. 713-2, L. 716-4, L. 716-4-6, L. 716-4-10 du code de la propriété intellectuelle et 1240 du code civil, de: - Débouter la société Autotruck 42 de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions; - Déclarer bien fondées leurs demandes; En conséquence : - Rejeter la demande de nullité de la marque « LE CRI DU LYNX » ; - Dire et juger que les agissements d'Autotruck 42 liés à l'utilisation des marques « LE CRI DU LYNX » sont de nature à porter atteinte aux marques dont ils sont titulaires ; - Interdire à Autotruck 42 de poursuivre de quelque manière que ce soit l'utilisation des marques « LE CRI DU LYNX » et ce, sous astreinte définitive et non comminatoire de 500 euros par infraction constatée à compter de la signification de la décision à intervenir ; - Dire et juger que le président du tribunal restera compétent pour connaître de la liquidation éventuelle des astreintes qu'il aura ordonnées ; - Condamner Autotruck 42 à réparer les préjudices qu'ils subissent et à leur verser une somme de 55.283,88 euros de dommages-intérêts ; - Condamner Autotruck 42 au paiement de la somme de 5.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens. - Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir. Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 31 mai 2021, la SAS SC Invest exerçant sous le nom commercial Autotruck 42 demande au tribunal, au visa de l'article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle, de : - Prononcer la nullité de la marque française « LE CRI DU LYNX » ; - Dire que le jugement à intervenir sera transmis à l'Institut National de la Propriété Intellectuelle pour transcription ; - Déclarer les demandes en contrefaçon de marque irrecevables ; - Débouter la société LCP France et M. [X] de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions ; - Condamner solidairement la société LCP France et M. [X] à lui verser la somme de 4.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens ; - Dire n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir. L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 janvier 2022, et l'affaire a été fixée à l'audience de plaidoirie du 19 septembre 2022. Pour un plus ample exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions notifiées aux dates mentionnées ci-dessus, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile. MOTIFS Sur la demande reconventionnelle en nullité de la marque semi-figurative « LE CRI DU LYNX® » no 3153067 et de la marque verbale « LE CRI DU LYNX® » no 4474984 Moyens des parties : La SAS SC Invest oppose en premier lieu, à titre reconventionnel, la nullité de la marque « LE CRI DU LYNX » dont est titulaire M. [X]. Elle soutient que la marque litigieuse ne serait pas distinctive mais purement descriptive, dans la mesure où elle ne ferait que décrire le bruit émis par les appareils de recul qui s'apparente au cri du félin. M. [X] et la société LCP France défendent au contraire le caractère fortement distinctif de la marque. Ils soulignent qu'elle ne décrit nullement le bruit des produits et que l'expression « CRI DU LYNX » a été au contraire choisie de manière totalement arbitraire pour distinguer les produits sur le marché. Appréciation du tribunal : L'article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle dispose que :« Ne peuvent être valablement enregistrés et, s'ils sont enregistrés, sont susceptibles d'être déclaré nuls :1o Un signe qui ne peut constituer une marque au sens de l'article L. 711-1 ;2o Une marque dépourvue de caractère distinctif;3o Une marque composée exclusivement d'éléments ou d'indications pouvant servir à désigner, dans le commerce, une caractéristique du produit ou du service, et notamment l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique, l'époque de la production du bien ou de la prestation du service ; [?] ». Aux termes de l'article L.714-3 du code de la propriété intellectuelle, "Est déclaré nul par décision de justice l'enregistrement d'une marque qui n'est pas conforme aux dispositions des articles L. 711-1 à L. 711-4." En application de ces dispositions, une marque, pour être valable, doit être perçue comme un signe distinctif. L'exigence de distinctivité du signe se justifie, en droit, par la fonction essentielle de la marque qui est de garantir au consommateur ou à l'utilisateur final l'identité d'origine du produit ou du service qu'elle désigne, en lui permettant de le distinguer sans confusion possible de ceux ayant une autre provenance. A ce titre, il est constant qu'un signe décrivant une caractéristique du produit ou du service qu'il désigne, telle que sa qualité, sa composition, sa destination, ou encore sa provenance, n'est pas arbitraire. Le caractère distinctif de la marque s'apprécie par rapport aux produits et/ou services qu'elle désigne et la perception qu'en a le public pertinent. En l'espèce, la marque semi-figurative « LE CRI DU LYNX® » no 3153067 a été déposée le 12 mars 2002 dans la classe 9 pour les « appareils de signalisation » et la marque verbale « LE CRI DU LYNX® » no 4474984 a été déposée le 7 août 2018 dans les classes 9 et 12, cette dernière classe visant « les systèmes d'alarme pour véhicules terrestres, les avertisseurs sonores pour véhicules, les avertisseurs sonores de marche arrière pour véhicules, les dispositifs sonores pour véhicules ». Des produits de signaux acoustiques de recul sont commercialisés sous cette marque par M. [X], par l'intermédiaire de la société LCP France, licenciée exclusive, ce qui n'est pas discuté. Le public pertinent est composé principalement de professionnels faisant usage de ce type d'appareil de signalisation. Il ressort du dossier de présentation de la marque « LE CRI DU LYNX », versé en pièce no 22 par les demandeurs, et en particulier des données techniques relatives au signal sonore émis par les produits de la marque, qu'il « est formé d'un ensemble de fréquences allant de 500 à 11 000HZ, contrairement à un signal classique (« bip bip ») qui n'émet que sur une seule fréquence ». Or, le dossier technique comprend une comparaison entre le bruit d'un lynx et le son produit par l'avertisseur de la marque, illustrée par des graphiques qui traduisent l'absence totale de similitude entre ces deux sons. Il est ainsi précisé que « le signal sonore discontinu délivré par l'avertisseur n'est pas aléatoire mais constant, il est parfaitement régulier puisque généré électroniquement. La seule variable est sa puissance sonore. On ne peut pas en dire autant d'un cri d'animal, qui est sujet à de nombreuses variations et vocalises. Son bruit/son cri sera différent s'il chasse, cherche à se reproduire, à intimider? ». Cette analyse est par ailleurs confortée par l'écoute de la pièce no23 versée aux débats par les demandeurs, constituée d'un extrait audio du son émis par un produit de la marque « LE CRI DU LYNX » et du cri d'un lynx, au demeurant peu connu, dont il ne résulte pas la moindre similarité. Le choix de ce vocable rend donc la marque arbitraire par rapport au produit vendu. N'étant ni descriptive ni dépourvue de caractère distinctif au regard des produits et services qu'elle désigne, la marque « LE CRI DU LYNX », qui remplit sa fonction de marque à l'endroit du public pertinent, sera par conséquent déclarée valable. La demande de nullité de la marque formée par la SAS SC Invest sera rejetée. Sur la contrefaçon des marques semi-figurative et verbale « LE CRI DU LYNX® » Moyens des parties : Invoquant la titularité des marques « LE CRI DU LYNX », M. [X] et la société LCP France, qui invoque une licence exclusive d'exploitation sur ces marques, soutiennent que la société SC Invest en utilisant les marques « LE CRI DU LYNX » sur son site internet, dans le descriptif de ses produits et dans l'adresse du lien renvoyant vers ses produits a commis des actes de contrefaçon. Ils ajoutent que l'utilisation sur son site internet des mots « bruit du lynx » ou « cri du lynx » lui permet d'être mieux référencée sur les moteurs de recherche internet ce qui contribue à créer une confusion dans l'esprit des clients et des clients potentiels de la société LCP France et concluent à un comportement parasitaire de captation de la clientèle. Elles sollicitent le prononcé d'une mesure d'interdiction ainsi que la réparation de leur préjudice subi par l'octroi de dommages-intérêts. La société SC Invest soutient que la demande en contrefaçon de marque de M. [X] et la société LCP France est irrecevable. Elle critique le montant des dommages-intérêts sollicité et conclut que ne peut être interdite la commercialisation de produits imitant le bruit du lynx, alors qu'elle ne les fabrique pas et qu'ils sont acquis auprès de sociétés qui les commercialisent au niveau mondial. Appréciation du tribunal : 1. Sur la caractérisation de la contrefaçon Conformément aux dispositions de l'article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle, « est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l'usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services :1o D'un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ;2o D'un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s'il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d'association du signe avec la marque. » L'article L. 713-3-1 du code de la propriété intellectuelle précise que « sont notamment interdits, en application des articles L. 713-2 et L. 713-3, les actes ou usages suivants :1o L'apposition du signe sur les produits ou sur leur conditionnement ;2o L'offre des produits, leur mise sur le marché ou leur détention à ces fins sous le signe, ou l'offre ou la fourniture des services sous le signe ;3o L'importation ou l'exportation des produits sous le signe ;4o L'usage du signe comme nom commercial ou dénomination sociale ou comme partie d'un nom commercial ou d'une dénomination sociale ;5o L'usage du signe dans les papiers d'affaires et la publicité ;6o L'usage du signe dans des publicités comparatives en violation des dispositions des articles L. 122-1 à L. 122-7 du code de la consommation ;7o La suppression ou la modification d'une marque régulièrement apposée.Ces actes et usages sont interdits même s'ils sont accompagnés de mots tels que : " formule, façon, système, imitation, genre, méthode ». Aux termes des dispositions de l'article L. 716-4 du code de la propriété intellectuelle, l'atteinte portée au droit du titulaire de la marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur. Constitue une atteinte aux droits attachés à la marque la violation des interdictions prévues aux articles L. 713-2 à L. 713-3-3 et au deuxième alinéa de l'article L. 713-4 du code de la propriété intellectuelle. Interprétant les dispositions de l'article 5 § 1 de la première Directive du Conseil du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des États membres sur les marques (89/104/CEE), dont les dispositions précitées réalisent la transposition en droit interne, la Cour de Justice des Communautés européennes a dit pour doit que, constitue un risque de confusion au sens de ce texte, le risque que le public puisse croire que les produits ou services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d'entreprises liées économiquement (voir arrêt Canon, C-39/97, point 29 ; arrêt Lloyd Schuhfabrik, C-342/97 ). Selon cette même jurisprudence, l'existence d'un risque de confusion dans l'esprit du public doit être appréciée globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce (voir, arrêt SABEL, C-251/95, point 22), cette appréciation globale impliquant une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte (voir arrêt Canon, point 17). L'appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l'impression d'ensemble produite par celles-ci, en tenant compte en particulier de leurs éléments distinctifs et dominants. Aux fins de cette appréciation globale, le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée est censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (voir, arrêt Gut Springenheide et Tusky, C-210/96, point 31 ; arrêt Lloyd Schuhfabrik, C-342/97, point 26). En l'espèce, il ressort du procès-verbal de constat dressé le 20 novembre 2019 par Maître [G] [C], clerc habilitée aux constats au sein de la SAS Huissiers Réunis à [Localité 7], que la société SC Invest, exerçant sous l'enseigne Autotruck 42, utilise les terminologies « cri du Lynx », « cri d'un lynx », « bruit d'un lynx » pour désigner des avertisseurs ou alarmes de recul qu'elle commercialise sur son site internet. En effet, les demandeurs établissent au moyen de ce procès-verbal de constat, que la société SC Invest offre à la vente, sur son site internet, à destination de la clientèle : un « avertisseur représentant le cri d'un lynx (12/14v)97DB » décrit comme étant un « avertisseur de recul représentant un bruit ou le cri d'un lynx (animal) » pour 119,90 euros TTC ou encore une « alarme de recul, ultrason (bruit d'un lynx) 87DB 12/24V ». Il ressort également du procès-verbal de constat que la société SC Invest utilise cette référence dans le chemin d'accès conduisant le consommateur sur une page du site internet, accessible en France, où sont commercialisés les produits, tel que par exemple : https://autotruck42.com/alarme-et-bip-de-recul/86-avertisseur-cri-du-lynx.html, la désignation litigieuse étant reprise également sur le site de manière quasiment générique, comme dans un article publié le 4 février 2020 sur la page de son site internet, sous le titre « alarme et bip de recul : tou[t] savoir, ultrason, cri du lynx etc? ». L'emploi du mot « Lynx » associé à une référence expresse au son émis par le félin en utilisant les termes « bruit » ou « cri », permet d'établir le caractère sinon identique, du moins parfaitement similaire, aux plans tant visuel, qu'auditif et surtout conceptuel, des dénominations utilisées par la société SC Invest pour désigner les produits en vente, à la marque dont est titulaire M. [X]. Les demandeurs font également la démonstration de son utilisation par la défenderesse pour désigner, sur le marché, un produit parfaitement identique à celui proposé par la société LCP France à sa clientèle, puisqu'il s'agit de radars, alarmes de recul ou avertisseurs sonores. L'absence d'autorisation pour ce faire n'est pas discutée, et la société SC Invest ne conteste pas avoir vendu un certain nombre de ces produits, l'usage dans la vie des affaires étant ainsi pleinement démontré. Dès lors, le risque d'association des produits ainsi désignés avec ceux de la marque protégée, par le public pertinent, en l'espèce un professionnel dont le degré d'attention est plutôt élevé, pour les classes 9 et 12, est réel. En effet, il pourrait attribuer à tort à ces produits une origine commune, permettant de caractériser un risque de confusion, alors que la marque est fortement distinctive. De surcroît, l'utilisation du signe dans le chemin d'accès conduisant sur une page du site commerçant, lui permet d'être référencée dans les résultats des moteurs de recherche lorsque le consommateur recherche le produit de la demanderesse. Le mots clés « lynx » associé au produit « alarme et bip de recul », déclenche l'affichage du lien commercial de la défenderesse et oriente le consommateur vers son site internet. La société SC Invest fait ainsi connaître ses propres produits à l'internaute qui rechercherait des informations ou des offres sur les produits du titulaire de la marque. Cela porte atteinte à la fonction essentielle de la marque dans le domaine du commerce électronique. Un tel comportement entre sous le coup de la contrefaçon de marque, qui est ainsi caractérisée. 2. Sur les mesures réparatrices L'article 1240 du code civil dispose que ?tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer". En application des dispositions de l'article L. 716-4-10 du code de la propriété intellectuelle, « pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :1o Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;2o Le préjudice moral causé à cette dernière ;3o Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon.Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée. » En l'espèce, il convient tout d'abord, afin de faire cesser les actes contrefaisant, de faire droit, en tant que de besoin, à la demande d'interdiction, selon les modalités précisées au dispositif de la présente décision. En application des dispositions précitées, le montant des dommages- intérêts alloué doit s'apprécier non seulement par référence au préjudice subi par la partie lésée mais aussi en tenant compte des bénéfices retirés de la contrefaçon, ce qui implique de prendre en compte d'une part, les gains manqués et pertes subies et d'autre part, le profit du contrefacteur. En l'espèce, s'agissant des conséquences économiques négatives de la contrefaçon, il ressort des pièces versées aux débats, en particulier de la grille tarifaire de ses produits pour l'année 2020, que la société LCP France commercialise, à cette date, une alarme 87 DB 12-24 volts pour un montant de 49,50 euros HT, soit 59,40 euros TTC. Elle justifie, dans la même période de temps, que la société SC Invest commercialise une alarme de recul 12/24 volt /87 DB qui « remplace le cri du lynx » au prix de 69,90 euros TTC, soit un prix supérieur de 10,50 euros. La société LCP France affirme vendre environ 500 exemplaires par an de ce produit et énonce qu'elle aurait pu, depuis 2018, en vendre 300 exemplaires de plus. Ces affirmations ne sont toutefois nullement étayées ce qui ne permet pas d'établir précisément le manque à gagner de la société LCP France, qui n'établit pas non plus que ses ventes ont chuté depuis les faits constatés. S'agissant du bénéfice du contrefacteur, la société SC Invest démontre, quant à elle, au moyen d'un extrait de son journal de vente du 1er janvier 2019 (date de son immatriculation) au 06 mai 2021, qu'elle a vendu, entre le 31 mars 2019 et le 13 mars 2020, 21 alarmes de recul 87 DB et 97 DB. Son chiffre d'affaire pour ce produit, pour la période citée, en retenant un tarif moyen TTC de 69,90 euros, est donc de 1.463 euros. Les parties ne donnent pas d'élément permettant d'établir avec précision la marge applicable et de calculer le bénéfice réel de la société. En revanche, il y a lieu de considérer que la part des ventes due à l'emploi de la dénomination litigieuse est significative compte-tenu de son utilisation sur un site internet. Enfin, les demandeurs produisent un tableau des frais investis pour l'enregistrement et l'exploitation de la marque afin de justifier des économies d'investissement réalisées par le défendeur. Ce tableau énumère des dépenses diverses (publicité, dépôt et protection de la marque, participation à des salons), exposés depuis 2018 pour un montant total de 32.133,88 euros, sans produire les justificatifs afférents. Seules sont justifiées à ce titre les participations à des forum et congrès destinés à promouvoir les produits, néanmoins tous antérieurs à l'enregistrement de la première marque. Dès lors, au regard de l'ensemble de ces éléments, il convient d'octroyer à M. [X] et la société LCP, en réparation du préjudice matériel subi du fait de la contrefaçon, une somme de 2.000 euros à titre de dommages-intérêts. En raison de l'inertie de la société SC Invest, en dépit des demandes de suppression de toutes références au « CRI DU LYNX » sur son site internet, les faits de contrefaçon ont perduré et occasionné en cela un préjudice moral à M. [X] et la société LCP France causé par la banalisation de la marque. Ce préjudice sera intégralement réparé par l'octroi d'une somme de 3.000 euros à titre de dommages-intérêts. Sur les demandes annexes Succombant, la société SC Invest sera condamnée aux dépens de l'instance. Supportant les dépens, elle sera condamnée à payer à M. [D] [X] et à la société LCP France la somme de 4.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. L'exécution provisoire de la présente décision est de droit en application des dispositions de l'article 514-1 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en premier ressort, LE TRIBUNAL, DÉBOUTE la SAS SC Invest exerçant sous le nom commercial Autotruck 42 de sa demande de nullité des marques semi-figurative et verbale « LE CRI DU LYNX® » enregistrées respectivement sous les no 4474984 et no 3153067 ; FAIT INTERDICTION à la SAS SC Invest d'user sur son site internet, à l'adresse pour commercialiser ses produits, des éléments verbaux et figuratifs constituant la marque semi-figurative « LE CRI DU LYNX® » no 3153067 et la marque verbale « LE CRI DU LYNX® » no 4474984 dont M. [D] [X] est titulaire, et ce, sous astreinte de 500 euros par infraction constatée courant à l'expiration d'un délai de 30 jours suivant la signification de la présente décision et pendant 180 jours ; DIT n'y avoir lieu à se réserver le contentieux de la liquidation de l'astreinte ; CONDAMNE la SAS SC Invest à payer à M. [X] et à la SARL LCP France la somme totale de 5.000 euros (cinq mille euros) à titre de dommages-intérêts; CONDAMNE la SAS SC Invest aux dépens de l'instance ; CONDAMNE la SAS SC Invest à payer à M. [X] et à la SARL LCP France la somme de 4.000 euros (quatre mille euros) sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; RAPPELLE que la présente décision est exécutoire par provision. Fait et jugé à Paris le 17 novembre 2022 LA GREFFIERE LA PRESIDENTE | x |
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JURITEXT000047304652 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/30/46/JURITEXT000047304652.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 25 novembre 2022, 21/05502 | 2022-11-25 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 21/05502 | CT0087 | TRIBUNALJUDICIAIREDE PARIS 3ème chambre2ème section No RG 21/05502No Portalis 352J-W-B7F-CUHZ3 No MINUTE : Assignation du :07 Avril 2021 INCIDENT ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETATrendue le 25 Novembre 2022 DEMANDERESSE S.A.S. DRONE PROTECT SYSTEM[Adresse 1][Localité 3] représentée par Maître Ron SOFFER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C2110 DEFENDERESSE S.A.S. AZUR DRONES venant aux droits de la société SKEYETECH, suivant fusion-absorption du 25 juillet 2018 [Adresse 2][Localité 4] représentée par Maître Julie BELLESORT de la SELAS KPMG AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C2515 MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT Monsieur Arthur COURILLON-HAVY, Jugeassisté de Monsieur Quentin CURABET, Greffier DEBATS A l'audience du 22 Septembre 2022, avis a été donné aux avocats que l'ordonnance serait rendue le 04 Novembre 2022 puis le 25 Novembre 2022. ORDONNANCE Prononcée publiquement par mise à disposition au greffe ContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DU LITIGE Naissance du litige et brevet invoqué 1. La société Drone protect system (ci-après « DPS »), qui se donne l'objectif de « proposer et de promouvoir des solutions de sécurité autonomes utilisant, notamment, des drones », a cherché à développer un procédé de vidéosurveillance utilisant un drone autonome pouvant se déplacer sans intervention humaine pour inspecter un lieu où la sécurité semble compromise (et procéder à une « levée de doute »). Elle a pour cela fait appel à une société capable de concevoir et produire les « éléments techniques nécessaires à la mise en oeuvre » de ce procédé. Un premier partenaire qui avait établi un cahier des charges en novembre 2015 ne l'ayant finalement pas satisfaite, elle a présenté son projet en janvier 2016 au « Cluster drones aquitain Aetos » fondé par le groupe Thalès et la région Aquitaine (que les parties nomment « le cluster Thalès »), par lequel elle a pu contacter en mars 2016 un nouveau partenaire, la société Skeyetech, aux droits de laquelle vient la société Azur drones. 2. Toutefois, la société DPS a estimé que les matériels commandés n'étaient pas opérationnels, et la société Skeyetech, se plaignant de violations répétées du contrat de distribution conclu entre elles, a résilié celui-ci par courrier du 30 octobre 2017. 3. Parallèlement, la société DPS a déposé le 9 juillet 2017 une demande de brevet français publiée sous le numéro FR 3 067 473, intitulée « procédé de vidéosurveillance utilisant au moins un drone autonome et dispositif pour sa mise en oeuvre ». Le brevet a été délivré le 28 juin 2019 ; c'est le brevet invoqué dans le présent procès en contrefaçon (ci-après « le brevet »). La société DPS a déposé une demande internationale désignant l'Europe sous priorité de ce brevet, mais a depuis retiré la France des territoires visés par la demande de brevet européen. Procédures 4. La société Azur drones a revendiqué ce brevet devant le présent tribunal, qui a rejeté sa demande par un jugement du 21 janvier 2021 dont elle a relevé appel. 5. Préalablement, la société DPS avait assigné la société Azur drones en responsabilité contractuelle devant le tribunal de commerce de Bordeaux, mais celui-ci a sursis à statuer dans l'attente de la décision sur la propriété du brevet. 6. Puis, cherchant à prouver la contrefaçon du brevet, la société DPS a obtenu le 26 février 2021 l'autorisation de pratiquer contre la société Azur drones une saisie-contrefaçon, mais cette autorisation a été rétractée par le tribunal, approuvé en cela par la cour d'appel pour déloyauté dans la présentation de la procédure (en substance, pour avoir présenté la requête au délégué du président du tribunal désigné pour assurer la permanence pendant une période de service allégé, sans faire état de la compétence du juge déjà saisi de la revendication de brevet, alors que celui-ci avait visé, lors d'un premier rejet de la requête pour un autre motif, l'article du code de procédure civile fondant sa compétence à ce titre, plutôt que l'article qui aurait fondé sa compétence en tant que délégué du président du tribunal). 7. Enfin, la société DPS a assigné la société Azur drones en contrefaçon du brevet, le 7 avril 2021. C'est la procédure donnant lieu au présent incident, lequel a été plaidé, après renvois demandés par l'une ou l'autre des parties, le 22 septembre 2022. Prétentions des parties pour l'incident 8. Dans ses dernières conclusions d'incident signifiées par voie électronique le 9 septembre 2022, la société Azur drones demande de? déclarer nulle l'assignation, ou à défaut :? surseoir à statuer dans l'attente de la décision de la cour d'appel sur la revendication, et de l'issue de la procédure d'examen du brevet européen demandé sous priorité du brevet ;? subsidiairement, ? rejeter des débats la pièce no33 de la société DPS issue de la saisie-contrefaçon, ? rejeter les demandes de celle-ci, ? et la condamner à lui payer 35 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens. 9. Dans ses dernières conclusions d'incident signifiées par voie électronique le 15 septembre 2022, la société Drone protect system résiste aux exceptions de nullité et de sursis à statuer et demande de? interdire à la société Azur drones de commercialiser le « produit argüé de contrefaçon », chercher un financement ou un partenariat pour développer tout produit contrefaisant le brevet, sans avoir obtenu une licence, et ce en devant dénoncer la présente ordonnance à ses co-contractants pour suspendre l'exécution de ses obligations à leur égard ; ? subsidiairement, de la condamner à consigner 2 000 000 d'euros pour la condamnation à venir ? ordonner le renversement de la charge de la preuve et ainsi présumer que le système Skyetech a été obtenu en violation du brevet, ou subsidiairement fixer un calendrier pour trancher cette demande en tant qu'incident mais devant la formation de jugement ;? ordonner sous astreinte à la société Azur drones de lui communiquer des documents techniques relatifs au « système Skeyetech » (manuel d'installation, plan de câblage complet, plan d'adressage réseau, manuel d'utilisation et d'entretien, une attestation démontrant le prix et le nombre de ces systèmes qu'elle a vendus, et plus généralement « les documents ou informations qui [lui] permettront d'établir l'étendue de son préjudice »? la condamner à lui payer 35 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens. MOTIFS 1) Validité de l'assignation Moyens des parties 10. Selon la société Azur drones, l'assignation est nulle, en premier lieu car n'y est mentionné qu'un avocat « plaidant » et aucun avocat « constitué », ce qui serait une irrégularité de fond, et non régularisable ; en deuxième lieu car elle contient les mentions obligatoires des assignations en référé au lieu de celles imposées aux assignations au fond, n'indique donc pas les modalités réelles de comparution, et annonce une « ordonnance » au lieu d'un « jugement », ce qui était « de nature » à la tromper et lui cause donc « nécessairement » un grief ; en troisième lieu, car elle ne contiendrait pas des moyens de fait et de droit, en ce qu'elle mentionnerait le brevet « de façon globale et confusante » en faisant référence au brevet français et à la demande internationale qui en est issue, sans identifier les revendications qui seraient reproduites et en quoi elles le seraient, sans décrire les caractéristiques essentielles de l'invention ni du produit litigieux, en se contenant, en définitive, d'invoquer des déclarations anciennes de la défenderesse. 11. La société DPS répond que malgré la mention « plaidant », son avocat s'est bien constitué dans l'assignation, et qu'en toute hypothèse il s'agit d'un vice de forme ; que les erreurs sur l'audience et la qualification de la décision recherchée n'ont causé aucun grief ; que pour déclarer nulle l'assignation, il faut que le défendeur ne puisse connaitre le périmètre de la contrefaçon alléguée, ni en quoi son produit est susceptible de reproduire les éléments protégés ; qu'en l'espèce, elle a exposé dans son assignation que le produit de la défenderesse reproduisait les 4 étapes de la revendication no1 ; qu'au demeurant la défenderesse connait le brevet, pour l'avoir revendiqué ; que l'assignation détaille sur 8 pages les ressemblances entre le produit litigieux et les caractéristiques de l'invention. Réponse du juge de la mise en état Constitution d'avocat 12. L'article 752 du code de procédure civile impose, à peine de nullité, que l'assignation contienne la constitution de l'avocat du demandeur 13. La première page de l'assignation délivrée par la société DPS mentionne que la demanderesse a « pour avocat plaidant » Me Ron Soffer. Que cet avocat soit « plaidant » n'indique pas en soi qu'il ne se constituerait pas. Il ressort donc à l'évidence de cette assignation que Me Soffer est constitué pour la demanderesse. Mentions obligatoires relatives à l'audience et au type de décision 14. L'article 114 du code de procédure civile prévoit, s'agissant des irrégularités de forme, que la nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité. 15. Que des mentions erronées soient « de nature » à causer un grief ne suffit pas à retenir qu'elles le font « nécessairement ». Au cas présent, la défenderesse n'expose pas, au-delà de ces affirmations de principe, en quoi le fait qu'une audience soit annoncée à tort et qu'il soit indiqué qu'une « ordonnance » serait rendue si elle ne se constituait pas (au lieu d'un jugement) lui aurait porté préjudice, au-delà d'une hypothétique « désorganisation » de sa défense, qu'elle ne caractérise pas. Aucun grief n'est donc démontré. Moyens en fait et en droit 16. L'article 56 du code de procédure civile impose à l'assignation de contenir, à peine de nullité, un exposé des moyens en fait et en droit. Il en est souvent déduit, en matière de propriété intellectuelle, que l'assignation doit permettre au défendeur d'identifier le périmètre de la protection invoquée, ainsi que les faits qui lui sont reprochés, afin d'assurer sa défense. 17. Au cas présent, l'assignation identifie le brevet par son numéro d'enregistrement, ce qui suffit à identifier les droits invoqués, l'absence de mention expresse de certaines revendications indiquant par défaut que le brevet est invoqué dans son entier. Elle n'en cite certes pas la totalité des revendications, mais identifie celles qui sont, pour elle, essentielles, et communique en toute hypothèse la demande de brevet, qui contient les revendications. Elle identifie le produit de la défenderesse qui serait contrefaisant, et rien ne lui interdit de se prévaloir des propos de celle-ci pour caractériser la contrefaçon. Les critiques émises par la société Azur drones portent en réalité non sur l'absence de moyens en fait et en droit, mais sur leur capacité à fonder une condamnation, ce qui est l'objet du procès, et non une cause de nullité de l'assignation. 18. Par conséquent, l'exception de nullité, dont aucun des griefs n'est caractérisé, doit être écartée. 2) Sursis à statuer Moyens des parties 19. La société Azur drones fait valoir en substance que la titularité du brevet, qui est la condition du droit d'agir en contrefaçon, demeure contestée devant la cour d'appel ; et que la procédure d'examen devant l'OEB, dont elle avait certes demandé la suspension en raison de l'action en revendication, mais dont elle a désormais demandé la reprise, serait utile pour apprécier la présente action en contrefaçon même si la demande européenne ne désigne plus la France, car il s'agit des mêmes revendications. Au demeurant, selon elle, il n'est pas possible de renoncer à une désignation nationale avant la délivrance du brevet, et cette renonciation n'est pas encore publiée au bulletin officiel de l'Office, de sorte que l'article L. 614-15 du code de la propriété intellectuelle imposerait toujours un sursis. 20. La société DPS répond qu'elle est la titulaire inscrite du brevet et que cela l'autorise à agir même si une action en revendication est en cours ; que cette action a déjà été jugée infondée par le tribunal ; et qu'attendre jusqu'à une décision définitive permettrait à la défenderesse de continuer à violer ses droits. À l'égard de la procédure d'examen du brevet européen, elle fait valoir qu'elle a retiré la France de la liste des États désignés, de sorte que l'article L. 614-15 imposant un sursis ne trouverait plus à s'appliquer ; et aucun sursis ne serait opportun selon elle. Réponse du juge de la mise en état 21. Aux termes de l'article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue dans un délai raisonnable. Attente de la décision définitive sur la revendication 22. S'il pouvait être opportun d'attendre le jugement de premier instance sur la revendication avant d'instruire et juger en première instance la contrefaçon du même brevet, attendre la décision de seconde instance, voire de cassation, éventuellement de renvoi après cassation, reviendrait à refuser de statuer dans un délai raisonnable. 23. Au contraire, le fait que le différend sur la titularité du brevet a déjà reçu une réponse judiciaire en première instance autorise à en tirer les conséquences en première instance dans les litiges dépendants. Le présent litige aurait au demeurant pu être joint avec l'instance en revendication si elle n'était pas aussi avancée lorsqu'il a été introduit, et l'ensemble aurait ainsi reçu une réponse simultanée. Dans l'un et l'autre cas, le droit d'appel de la partie perdante est également préservé. Attente de l'issue de la procédure devant l'Office européen des brevets 24. L'article L 614-15 prévoit que le tribunal saisi d'une action en contrefaçon d'un brevet français qui couvre la même invention qu'un brevet européen demandé par le même inventeur ou délivré à celui-ci ou à son ayant cause avec la même date de priorité sursoit à statuer jusqu'à la date à laquelle le brevet français cesse de produire ses effets aux termes de l'article L. 614-13 ou jusqu'à la date à laquelle la demande de brevet européen est rejetée, retirée ou réputée retirée, ou le brevet européen révoqué. 25. Il est constant que la demande de brevet européen a été retirée en ce qui concerne la France, et ne demeure que pour d'autres États ; cette renonciation a été inscrite au registre européen le 26 aout 2022 (puis publiée au bulletin européen des brevets no39 2022 du 28 septembre 2022, page 786). L'article L. 614-15 ne s'applique donc pas ici. 26. Et le brevet français donne lieu dans la présente procédure à un contentieux déjà avancé, qui soulève des enjeux financiers importants pour les parties ; il ne serait donc pas légitime d'en retarder davantage l'issue dans l'espoir que l'Office européen procède à l'analyse à la place du tribunal. 27. Enfin, même cumulées, les deux circonstances de l'existence d'une instance d'appel sur la revendication et de l'examen en cours devant un office administratif d'un brevet identique ne suffisent pas à justifier de retarder pour une durée indéterminée, mais assurément longue, le jugement de la demande en contrefaçon. 28. Par conséquent, l'exception de sursis à statuer est écartée. 3) Inversion de la charge de la preuve (article L. 615-5-1) Moyens des parties 29. La société DPS estime que le juge de la mise en état est compétent, au titre des mesures d'instructions, pour ordonner au défendeur de prouver que son produit n'est pas obtenu par le procédé breveté, en application de l'article L. 615-5-1 du code de la propriété intellectuelle ; et que les conditions de cet article sont réunies, dès lors, notamment, que le brevet protège un procédé et le dispositif mettant en oeuvre ce procédé, c'est-à-dire le produit destiné à le mettre en oeuvre. 30. La société Azur drones soutient que cette disposition, qui suppose de trancher plusieurs questions de fond, ne relève pas des pouvoirs du juge de la mise en état ; qu'en toute hypothèse, elle n'est pas applicable au cas présent, notamment car le procédé objet du brevet ne permet l'obtention d'aucun produit, et qu'au contraire, c'est le produit qui met en oeuvre le procédé. Réponse du juge de la mise en état 31. En vertu de l'article 780 du code de procédure civile, le juge de la mise en état, qui est un magistrat de la chambre saisie de l'affaire, contrôle l'instruction de celle-ci ; il peut adresser des injonctions aux parties. L'article 782 lui permet de demander aux parties de fournir les explications de fait nécessaires à la solution du litige, et l'article 788 lui confie tous les pouvoirs nécessaires à la communication, à l'obtention et à la production des pièces. 32. L'article L. 615-5-1 du code de la propriété intellectuelle organise un mécanisme d'inversion de la charge de la preuve dans les termes suivants : « Si le brevet a pour objet un procédé d'obtention d'un produit, le tribunal pourra ordonner au défendeur de prouver que le procédé utilisé pour obtenir un produit identique est différent du procédé breveté. Faute pour le défendeur d'apporter cette preuve, tout produit identique fabriqué sans le consentement du titulaire du brevet sera présumé avoir été obtenu par le procédé breveté dans les deux cas suivants : a) Le produit obtenu par le procédé breveté est nouveau ; b) La probabilité est grande que le produit identique a été obtenu par le procédé breveté, alors que le titulaire du brevet n'a pas pu, en dépit d'efforts raisonnables, déterminer quel procédé a été en fait utilisé. Dans la production de la preuve contraire, sont pris en considération les intérêts légitimes du défendeur pour la protection de ses secrets des affaires. » 33. Il procède ainsi en deux étapes, d'abord l'ordre fait au défendeur de prouver que son produit est obtenu par un autre procédé que celui du brevet, ensuite une présomption défavorable au défendeur, mais à deux conditions alternatives tenant à la nouveauté du produit obtenu par le procédé breveté, ou la grande probabilité que le produit identique est obtenu par ledit procédé. 34. Cette dissociation des deux étapes est cohérente avec la nécessité d'annoncer préalablement au défendeur qu'il court le risque de cette présomption défavorable afin de lui permettre de produire une preuve qui incombe en principe au demandeur : un tribunal qui dans une même décision ordonnerait au défendeur de prouver la différence de procédé tout en constatant que cette preuve n'est pas apportée empêcherait en pratique ce défendeur de déférer à l'ordre qu'on lui fait et viderait de sa substance la première phrase de l'article L. 615-5-1. Plus généralement, par une inversion non annoncée d'une règle établie de charge de la preuve, il violerait le principe de la contradiction. 35. Cette dissociation temporelle sert également l'intérêt du demandeur, qui cherche à s'éviter la recherche excessivement complexe et couteuse de l'identité du procédé ; ce qui l'amène à rechercher l'assurance le plus tôt possible dans l'instruction qu'il sera déchargé de cette preuve et que le risque probatoire reposera in fine sur le défendeur. 36. La question posée par les parties est alors de savoir si le juge de la mise en état, qui est procéduralement le seul à même d'apporter la réponse anticipée que chacun peut souhaiter, en a le pouvoir. 37. À cet égard, la formulation employée par l'article L. 615-5-1, qui vise « le tribunal », est générique, et ne permet pas d'y voir une dérogation aux pouvoirs respectifs des différentes formations du tribunal : ce terme n'apporte pas de réponse en lui-même, et il faut se référer aux prérogatives du juge de la mise en état telles qu'elles sont prévues par ailleurs. 38. Or le juge de la mise en état n'a pas le pouvoir de trancher le principal, et s'il peut statuer sur certains moyens, il s'agit seulement de ceux qui sont énumérés par l'article 789, à savoir les exceptions et les fins de non-recevoir. L'appréciation des preuves soutenant les prétentions au principal n'en fait évidemment pas partie. 39. En revanche, le juge de la mise en état peut ordonner la communication de pièces et inviter les parties à former des explications de fait. Il peut alors, en constatant que le brevet porte sur un procédé d'obtention d'un produit, et en appréciant tant la difficulté probatoire du demandeur, que la nécessité de protéger le secret des affaires du défendeur, ordonner la communication, par celui-ci, de la preuve de la différence de procédé. Ce faisant, sans s'avancer sur la décision du tribunal, il apporte au défendeur l'utilité de la première étape prévue par l'article L. 615-5-1, qui est de lui annoncer le risque d'une inversion de la charge de la preuve et ainsi le mettre en mesure d'apporter une preuve qui, en principe, ne lui incombe pas. 40. Et si, à l'égard du demandeur, le juge de la mise en état n'a pas le pouvoir de l'assurer qu'il sera déchargé du risque probatoire, cette communication forcée de pièce est le meilleur moyen d'atteindre l'équilibre des intérêts en présence, à savoir le droit à la preuve, l'économie (ou proportionnalité) procédurale, la célérité du procès, le principe de la contradiction, et la préservation du secret des affaires (sur le rappel de l'existence d'un droit à la preuve, voir par exemple Cass. 2e Civ., 10 juin 2021, no20-11.987, point 11). 41. Il faut donc interpréter l'article 782 du code de procédure civile, lu à la lumière de l'objectif de l'article L. 615-5-1 du code de la propriété intellectuelle, comme permettant au juge de la mise en état, en fonction du degré de difficulté probatoire du demandeur dans le cas d'un brevet protégeant un procédé d'obtention d'un produit, et de la gravité de l'atteinte portée au secret des affaires du défendeur, d'ordonner à celui-ci d'apporter la preuve que le procédé utilisé pour obtenir un produit identique est différent du procédé breveté. Application au cas présent 42. La demande de « renversement de la charge de la preuve » formée par la société DPS est irrecevable, pour défaut de pouvoir, dans la mesure où elle cherche à faire trancher l'appréciation des preuves par le juge de la mise en état ; en revanche, dans la mesure où elle peut être analysée comme visant en réalité à ordonner au défendeur de prouver que son produit n'est pas obtenu selon le procédé breveté, elle relève du pouvoir du juge de la mise en état, comme il vient d'être démontré. 43. Toutefois, comme le soulève la société Azur drones, le procédé objet du brevet n'est pas un procédé d'obtention d'un produit, mais un procédé de vidéosurveillance, qui n'entre dans la fabrication d'aucun produit, et est seulement mis en oeuvre par un produit, ce qui est différent. Ainsi, la demande, même analysée comme portant seulement sur un ordre de preuve, est manifestement infondée et doit par conséquent être rejetée. 4) Interdiction provisoire, consignation, droit d'information Moyens des parties - DPS 44. La société DPS fait valoir que la loi no2007-1544 a supprimé la condition tenant au caractère sérieux de la demande, et que désormais, l'article L. 615-3 du code de la propriété intellectuelle exige seulement, pour prendre une interdiction provisoire, l'existence d'un titre et le caractère vraisemblable de l'atteinte portée au droit qu'il confère ; que plusieurs cours d'appel ont ainsi jugé, entre 2008 et 2012, que seule la nullité manifeste du titre empêche de faire droit à une telle demande d'interdiction ; que telle était au demeurant la volonté du législateur, exprimée selon elle par le rapporteur du projet de loi. 45. Dans ce cadre, elle expose que comme l'a retenu l'Inpi, la caractéristique essentielle de son invention est que le plan de vol du drone chargé d'aller « lever le doute » (c'est-à-dire filmer la zone où un capteur a été déclenché) est déterminé dans la station d'accueil du drone, et non à distance dans la « centrale ». 46. Elle soutient alors, d'une part, qu'elle est titulaire du brevet comme l'a jugé ce tribunal et qu'il est vain de la part de la défenderesse de chercher à le contester ; et qu'au regard des preuves limitées qui lui sont accessibles, il est très vraisemblable que le produit Skeyetech met en oeuvre le brevet, la société Azur drones l'ayant même admis, selon elle. 47. Elle soutient, d'autre part, que même à supposer que le caractère sérieux de la contestation soulevée par le défendeur soit un facteur pertinent, ici les moyens soulevés par la société Azur drones tenant à la revendication, à la possession personnelle antérieure et à la nullité du brevet ne sont pas sérieux. 48. En particulier, sur la validité du brevet, outre qu'elle estime la contestation opportuniste et donc non crédible, elle expose en premier lieu qu'il n'y a eu aucune divulgation ; qu'en effet, si elle a communiqué en janvier 2016 les caractéristiques de son invention à M. [N], responsable du Cluster Thalès, il s'agit selon elle d'une communication tacitement confidentielle, M. [N] étant de par sa fonction nécessairement astreint à la confidentialité, outre que contrairement à ce que soutient la défenderesse, il ne serait pas ingénieur et ne saurait s'assimiler au « public ». 49. En second lieu, elle affirme que l'invention est nouvelle et inventive, notamment en ce que la caractéristique essentielle tenant au calcul du plan de vol par la station d'accueil résout les problèmes techniques de sécurité et d'efficacité lié à l'envoi de données sensibles à un contrôleur central éloigné. - Azur drones 50. La société Azur drones fait valoir en substance que l'article L. 615-3, dans sa version actuelle, au regard notamment de sa condition tenant au caractère vraisemblable de la contrefaçon, est interprété en ce sens que le juge doit apprécier la proportionnalité des mesures provisoires demandée, et statuer sur les contestations élevées en défense, y-compris lorsque celles-ci portent sur la validité du titre lui-même (CA Paris, 25 mai 2022, RG 21/18398). 51. Elle soutient alors que la vraisemblance de la contrefaçon ne repose que sur des déclarations passées qu'elle a faites, et en particulier sur le comparatif qu'elle a produit dans l'instance en revendication entre les caractéristiques de son produit et celles de la revendication 1 du brevet ; ce qui serait inopérant, et ne ferait que démontrer qu'elle possédait l'invention avant le dépôt du brevet. 52. Elle rappelle ensuite son argumentaire relatif à la revendication, qui rend selon elle disproportionnée une mesure d'interdiction. 53. Elle invoque enfin la nullité du brevet. En premier lieu, il serait nul faute de nouveauté, car la société DPS aurait divulgué l'invention elle-même en la communiquant en janvier 2016 au Cluster Thalès ; et car de précédents brevets, D1 (le document Marr), D6 (le document Trundle), D7 (le document Peeters), et D8 (le document Baranger) divulgueraient toutes les caractéristiques de l'invention ou priveraient à tout le moins celle-ci de caractère inventif. Réponse du juge de la mise en état 54. En application de l'article L.615-3 du code de la propriété intellectuelle, le titulaire d'un brevet peut saisir en référé la juridiction civile compétente afin de voir ordonner, à l'encontre du prétendu contrefacteur, toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d'actes argüés de contrefaçon. La juridiction ne peut ordonner les mesures demandées que si les éléments de preuve, raisonnablement accessibles au demandeur, rendent vraisemblable qu'il est porté atteinte à ses droits ou qu'une telle atteinte est imminente. Le deuxième alinéa de cet article précise que la juridiction peut subordonner la poursuite des actes argüés de contrefaçon à la constitution de garanties destinées à assurer l'indemnisation éventuelle du demandeur. 55. Selon le 22ème considérant de la directive no2004/48 relative au respect des droits de propriété intellectuelle, dont les dispositions précitées réalisent la transposition en droit interne, s'il est indispensable de prévoir des mesures provisoires afin de faire cesser immédiatement l'atteinte, ce doit être « en veillant à la proportionnalité des mesures provisoires en fonction des spécificités de chaque cas d'espèce ». Ce même considérant ajoute que « ces mesures sont notamment justifiées lorsque tout retard serait de nature à causer un préjudice irréparable au titulaire d'un droit de propriété intellectuelle. » 56. Il en résulte que, comme le juge de façon constante ce tribunal, le juge des référés ou le juge de la mise en état saisi de demandes fondées sur l'article L.615-3 du code de la propriété intellectuelle doit statuer sur les contestations élevées en défense, y compris lorsque celles-ci portent sur la validité du titre lui-même. Il lui appartient alors d'apprécier le caractère sérieux ou non de la contestation et, en tout état de cause, d'évaluer la proportion entre les mesures sollicitées et l'atteinte alléguée par le demandeur et de prendre, au vu des risques encourus de part et d'autre, la décision ou non d'interdire la commercialisation du produit prétendument contrefaisant. 57. L'article L. 613-25, point a), du code de la propriété intellectuelle dispose qu'un brevet est déclaré nul, notamment, si son objet n'est pas brevetable aux termes de l'article L. 611-10, lequel prévoit que sont brevetables, dans tous les domaines technologiques, les inventions nouvelles impliquant une activité inventive et susceptibles d'application industrielle. L'article L. 611-14 précise en particulier qu'une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour un homme du métier, elle ne découle pas d'une manière évidente de l'état de la technique. 58. L'examen de la demande du brevet a donné lieu à une opinion écrite (pièce DPS no45) par laquelle l'examinateur a estimé que seules les revendications 5 et 9 étaient inventives (mais qu'elles manquaient de clarté en ce qu'elles mentionnaient une station d'accueil « associée » à un capteur, sans plus de précision, alors qu'il « n'y a a priori aucune relation technique ou fonctionnelle entre les stations d'accueil (28) des drones et les capteurs (20) »). 59. Il a ainsi relevé que le document ‘D1' (qui sera appelé ici, pour éviter toute confusion entre les antériorités, le document Marr ; pièce Azur drones no54), dont il est constant qu'il était accessible au public à la date de priorité du brevet, divulguait l'ensemble des caractéristiques de la revendication 1 de celui-ci, à l'exception de celle selon laquelle le procédé de vidéosurveillance comprend, « à réception par la station d'accueil (28) de la requête d'inspection, une étape de détermination, de manière automatique et autonome, d'un plan de vol (45) » ; et la société DPS ne conteste pas que seule cette caractéristique soit nouvelle à l'égard de ce document. 60. L'examinateur a relevé que cette différence entre le brevet et le document Marr, qui tient seulement à ce que le plan de vol est déterminé par la station d'accueil du drone elle-même plutôt que par le contrôleur central, avait pour seul effet de délocaliser cette tâche et consistait en une alternative de design banale, affectant à la station d'accueil une tâche existante, sans aucun effet surprenant, et donc dépourvue d'activité inventive. 61. Si la société DPS rétorque que cet effet technique résout un problème d'efficacité et de sécurité en évitant la transmission de données volumineuses et sensibles à l'extérieur du site à protéger, la simple délocalisation de la tâche de détermination du plan de vol est toutefois une solution évidente pour obtenir l'avantage recherché : elle consiste seulement à supprimer de façon évidente pour l'homme du métier la cause connue du problème, qui est la distance. 62. Au demeurant, la société DPS ne conteste pas que le problème technique allégué n'est décrit nulle part dans le brevet, et la solution invoquée (délocaliser le calcul dans la station d'accueil) n'est elle-même revendiquée qu'indirectement, de façon très implicite : n'est en effet revendiquée explicitement qu'une étape consistant à déterminer le plan de vol ; et ce n'est que parce que cette étape a lieu « à réception » de la requête d'inspection « par la station d'accueil » que l'examinateur en a déduit que la détermination du plan de vol avait lieu dans la station d'accueil. Outre que cette interprétation de la revendication n'a rien d'évident (la rédaction de la revendication exprime d'abord une succession chronologique, et non en elle-même une localisation), il est douteux que la localisation de l'étape serait la caractéristique essentielle de l'invention. Au contraire, à supposer que le problème technique invoqué soit réel, et que la revendication 1 le résolve réellement, le fait qu'il ne soit pas décrit, et que sa solution ne soit pas revendiquée explicitement, ne fait que confirmer que la compréhension et la solution de ce problème découlaient en réalité de façon évidente de l'état de la technique pour l'homme du métier. 63. Par ailleurs, si la société Azur drones a en effet affirmé que son produit reproduisait toutes les caractéristiques de la revendication 1 dans ses conclusions pour l'instance en revendication du brevet dans un passage invoqué par la société DPS (pièce DPS no30, p. 21), il ne s'agit que de la revendication 1 (et indirectement de la revendication 8, qui est le dispositif mettant en oeuvre la revendication 1). La société DPS n'expose pas en quoi les autres revendications seraient vraisemblablement contrefaites par la défenderesse. 64. Ainsi, au regard de la faible vraisemblance de l'activité inventive de la revendication invoquée au soutien de l'allégation de contrefaçon, il serait disproportionné d'interdire à la société Azur drones de commercialiser en France son unique produit, dont le lancement est encore récent, ce qui aurait pour conséquence de rendre entièrement vains ses investissements de développement et de promotion, avec le risque de conséquences irrémédiables tenant à l'impossibilité pour elle de revenir ultérieurement sur le marché si la demande de la société DPS était finalement rejetée au fond. 65. Et la faiblesse de la vraisemblance de la contrefaçon ne justifie pas à elle seule de subordonner la poursuite des actes litigieux à la constitution d'une garantie. 66. Par conséquent, la demande en interdiction est rejetée. Droit d'information 67. L'article L. 615-5-2 du code de la propriété intellectuelle prévoit que, s'il n'existe pas d'empêchement légitime, la juridiction peut ordonner, au besoin sous astreinte, afin de déterminer l'origine et les réseaux de distribution des produits ou procédés argués de contrefaçon qui portent atteinte aux droits du demandeur, la production de tous documents ou informations détenus par le défendeur ou par toute personne qui a été trouvée en possession de produits argüés de contrefaçon ou mettant en oeuvre des procédés argüés de contrefaçon ou qui fournit des services utilisés dans de prétendues activités de contrefaçon ou a été signalée comme intervenant dans la production, la fabrication ou la distribution de ces produits, la mise en oeuvre de ces procédés ou la fourniture de ces services. 68. Ce texte réalise la transposition en droit français de l'article 8 de la directive 2004/48, lequel précise, à son paragraphe 1, que le droit d'information n'est accordé qu'en réponse à une demande proportionnée. 69. Au cas présent, la société DPS demande des informations confidentielles, susceptibles de lui donner un avantage sur son concurrent, causant ainsi aux droits de celui-ci une atteinte disproportionnée au regard de la vraisemblance de la contrefaçon examinée plus haut. La demande est donc rejetée. 5) Demande d'écarter des débats la pièce DPS no33 70. La pièce critiquée par la société Azur drones, no33 du bordereau de l'assignation, est intitulée « Note de l'expert sur le constat Azur drones du 1er avril 2021 » ; comme l'expose l'assignation, il s'agit des notes prises par l'informaticien lors de la saisie-contrefaçon du 1er avril 2021. Il est constant que l'ordonnance ayant autorisé cette saisie-contrefaçon a été rétractée ; les informations qui y ont été obtenues ne peuvent donc être utilisées, et la note réalisée à cette occasion doit être écartée du procès, ce que la société DPS, au demeurant, ne conteste pas. 6) dispositions finales 71. L'article 700 du code de procédure civile permet au juge de condamner la partie qui perd le procès à payer à l'autre, pour les frais exposés mais non compris dans les dépens, une somme qu'il détermine, en tenant compte de l'équité et de la situation économique de cette partie. 72. L'incident a généré pour les parties des frais spécifiques qui peuvent donner lieu à indemnisation. Chaque partie voit l'ensemble de ses moyens ou prétentions formées à titre incident écartés ou rejetées. Si les débats sur les mesures provisoires ont manifestement nécessité des diligences plus importantes que les exceptions soulevées par la défenderesse, une partie de ces diligences auraient quoiqu'il en soit dû être accomplies lors du débat sur le fond du droit, de sorte qu'il n'y a pas lieu à faire supporter par une partie la charge des frais exposés par l'autre pour le présent incident. Les demandes en ce sens sont rejetées. 73. Enfin, il incombe désormais à la défenderesse de conclure sur le fond. PAR CES MOTIFS Le juge de la mise en état : ÉCARTE l'exception de nullité de l'assignation ; ÉCARTE l'exception de sursis à statuer ; REJETTE la demande de « renversement de la charge de la preuve » ; REJETTE la demande d'interdiction provisoire REJETTE la demande d'informations ; INTERDIT l'usage dans la présente instance de la pièce no33 visée à l'assignation, intitulée « note de l'expert sur le constat Azur drones du 1er avril 2021 » ; REJETTE les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; INVITE la société Azur drones à conclure pour le 6 janvier 2023, et RENVOIE la mise en état de l'affaire au 12 janvier. Faite et rendue à Paris le 25 Novembre 2022 Le Greffier Le Juge de la mise en étatQuentin CURABET Arthur COURILLON-HAVY | x |
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JURITEXT000047304653 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/30/46/JURITEXT000047304653.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 25 novembre 2022, 21/03795 | 2022-11-25 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 21/03795 | CT0087 | TRIBUNALJUDICIAIREDE PARIS 3ème chambre2ème section No RG 21/03795No Portalis 352J-W-B7F-CT7R4 No MINUTE : Assignation du :25 Février 2021 INCIDENT ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETATrendue le 25 Novembre 2022 DEMANDERESSES S.A.S. LES ECHOS[Adresse 1][Localité 5] S.A.S. SOCIETE DU FIGARO[Adresse 2][Localité 5] S.A.S. LE PARISIEN LIBERE[Adresse 1][Localité 5] représentées par Maître Christophe CARON de l'AARPI Cabinet Christophe CARON, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C0500 DÉFENDERESSE S.A. DIGIMIND[Adresse 4][Localité 3] représentée par Maître Jean-baptiste SOUFRON de la SELARL FELTESSE WARUSFEL PASQUIER & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #K0028 MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT Monsieur Arthur COURILLON-HAVY, Jugeassisté de Monsieur Quentin CURABET, Greffier DÉBATS A l'audience du 04 Novembre 2022, avis a été donné aux avocats que l'ordonnance serait rendue le 25 Novembre 2022. ORDONNANCE Prononcée publiquement par mise à disposition au greffe ContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DU LITIGE 1. Les sociétés Les Echos, Société du figaro, et Le Parisien libéré reprochent à la société Digimind de rendre accessibles à ses propres clients des articles que celles-là éditent, en violation selon elles de leurs droits d'auteur, droit voisin d'éditeur de publications presse, et de producteur de base de données, et subsidiairement en commettant un parasitisme. 2. Après une saisie-contrefaçon dans les locaux de la société Digimind le 2 février 2021, elles l'ont assignée en contrefaçon le 25 février 2021. Une médiation judiciaire a eu lieu à partir d'octobre 2021, sans permettre de mettre fin au litige. 3. La défenderesse a ensuite formé une exception de nullité de l'assignation, qui a été écartée par ordonnance du 5 aout 2022. Elle a également formé des fins de non-recevoir, que le juge de la mise en état a renvoyées au tribunal, et demandé que des pièces soient écartées des débats, ce dont le juge de la mise en état a « dit n'y avoir lieu ». 4. Ayant fait appel de cette ordonnance, la société Digimind a formé le 13 octobre 2022 un nouvel incident afin qu'il soit sursis à statuer dans l'attente de l'arrêt de la cour d'appel, pour une bonne administration de la justice. Les demanderesses au principal, dans des conclusions du 31 octobre 2022, s'en sont remises à la décision du juge de la mise en état, en indiquant que l'attitude de la défenderesse étaient dilatoire selon elles. Cet incident a été entendu à l'audience du 4 novembre 2022, et la décision mise en délibéré. MOTIFS 5. Aux termes de l'article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue dans un délai raisonnable. 6. L'article 795 du code de procédure civile prévoit que les ordonnances du juge de la mise en état peuvent être immédiatement frappées d'appel, notamment, dans les cas et conditions prévus en matière d'expertise ou de sursis à statuer, ou lorsqu'elles statuent sur une exception de procédure. 7. Il est constant que le litige dont le tribunal est saisi dépend de la validité de l'assignation. Toutefois, aucune disposition n'impose de surseoir à statuer lorsque la décision qui tranche cette question préalable dont dépend la solution du litige fait l'objet d'un recours (contrairement, par exemple, au cas de la décision statuant sur la compétence, où l'article 80 du code de procédure civile prévoit que l'instance est suspendue en cas d'appel). Comme l'indique la société Digimind, la décision de surseoir à statuer relève seulement dans un tel cas de la bonne administration de la justice. 8. Ainsi, pour déterminer s'il est opportun de suspendre l'instance, il faut apprécier les incidences du risque de contrariété de décisions, le risque de travail inutile imposé aux parties pour instruire une affaire en vain, et l'atteinte causée par le sursis demandé au droit de voir toute cause entendue dans un délai raisonnable. 9. La contrariété éventuelle de décisions entre, d'une part, le jugement du tribunal si l'instruction va à son terme, et d'autre part l'arrêt de la cour d'appel si elle infirme l'ordonnance sur la nullité de l'assignation, n'entrainera aucune conséquence irrémédiable, dès lors que le jugement du tribunal sera susceptible d'appel. Ainsi, soit la cour d'appel infirme l'ordonnance avant que le tribunal ait statué, et ainsi aucune contrariété de décision n'est possible, soit le tribunal statue avant la cour, et l'appel contre le jugement suffira à corriger, en tant que de besoin, toute contrariété éventuelle. 10. Ne reste alors que la charge imposée au défendeur pour le procès alors que, peut-être, la décision de la cour d'appel la lui aurait évitée. Toutefois, au cas présent, il ressort des termes de la demande que cette charge n'est pas exceptionnelle, et que, rapportée au délai déjà très important qui s'est écoulé depuis l'introduction de l'instance, même en tenant compte du temps de la médiation, elle ne suffit pas à justifier de retarder davantage le jugement. 11. Il n'est dès lors pas justifié de surseoir à statuer, et la demande en ce sens est rejetée. 12. En l'absence de demande des parties, il n'y a pas lieu de statuer sur les frais. PAR CES MOTIFS Le juge de la mise en état : REJETTE la demande de sursis à statuer ; ENJOINT à la société Digimind de conclure sur le fond pour le 6 janvier 2023, à défaut de quoi l'instruction sera close, et renvoie l'examen de la mise en état de l'affaire au 12 janvier 2023. Faite et rendue à Paris le 25 Novembre 2022 Le Greffier Le Juge de la mise en étatQuentin CURABET Arthur COURILLON-HAVY | x |
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JURITEXT000047304654 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/30/46/JURITEXT000047304654.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 25 novembre 2022, 20/05448 | 2022-11-25 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 20/05448 | CT0087 | TRIBUNALJUDICIAIREDE PARIS 3ème chambre2ème section No RG 20/05448No Portalis 352J-W-B7E-CSHXD No MINUTE : Assignation du :15 Juin 2020 JUGEMENT rendu le 25 Novembre 2022 DEMANDERESSES Société DOLCEZZA INC[Adresse 4][Localité 7] (CANADA) Société DOLCEZZA EUROPE LTD[Adresse 11][Adresse 10], [Localité 6] (IRLANDE) Société EMC HAZIR GIYIM SANAYI LIMITED SIRKETI - Intervenant volontaire[Adresse 9]r[Localité 8] (TURQUIE) représentée par Maître Stéphane GUERLAIN de l'AARPI ARMENGAUD - GUERLAIN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #W0007 DÉFENDERESSES S.A.R.L. GIORGIO DI MARE FRANCE[Adresse 3][Localité 2] représentée par Maître David BARIS, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #C1810 S.A.R.L. SHOWROOMPRIVE.COM[Adresse 1] [Adresse 1][Localité 5] représentée par Maître Béatrice CREVIEUX, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #L0237 COMPOSITION DU TRIBUNAL Madame Irène BENAC, Vice-PrésidenteMadame Elodie GUENNEC, Vice-présidenteMonsieur Arthur COURILLON-HAVY, Juge assisté de Monsieur Quentin CURABET, Greffier DEBATS A l'audience du 29 Septembre 2022 tenue en audience publique devant Irène BENAC et Arthur COURILLON-HAVY, juges rapporteurs, qui sans opposition des avocats ont tenu seuls l'audience, et après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 25 Novembre 2022. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe ContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DU LITIGE 1. La société de droit turc EMC Hazir Giyim Sanayi Ltd Sirketi (ci-après « la société EMC »), ayant pour activité la confection de vêtements commercialisés sous la marque « Dolcezza », et les sociétés de droit canadien Dolcezza Inc et de droit irlandais Dolcezza Europe, ayant pour activité la commercialisation dans le monde et en Europe des vêtements de la marque précitée, reprochent aux sociétés Giorgio di Mare et Showroomprive.com d'avoir commis des actes de contrefaçon de marque du fait de la commercialisation de doudounes revêtues du signe « Dolcezza » sur le site www.showroomprive.com en décembre 2019 et janvier 2020. 2. Est invoquée la marque semi-figurative de l'Union européenne « Dolcezza » no 017928118 dont est titulaire la société EMC, déposée le 9 juillet 2018 et enregistrée le 20 novembre 2018 pour désigner notamment des produits en classe 25 : 3. Etait également invoquée la marque verbale de l'Union européenne « Dolcezza » no 16445793 dont est titulaire la société Dolcezza Inc, déposée le 8 mars 2017 et enregistrée le 6 juillet 2017 pour désigner des produits en classe 25. 4. Les sociétés Dolcezza Inc et Dolcezza Europe ont mis en demeure les sociétés Showroomprive.com et Giorgio di Mare de cesser la commercialisation de doudounes qu'elles estiment contrefaisantes et de retirer les annonces de vente en ligne, puis les ont assignées les 15 et 22 juin 2020 en contrefaçon de marque et concurrence déloyale et parasitaire. La société EMC est intervenue volontairement à l'instance le 30 mars 2021, formulant des demandes en contrefaçon de sa marque semi-figurative précitée. 5. Par ordonnance du 7 mai 2021, le juge de la mise en état a déclaré la société Dolcezza Inc irrecevable en ses demandes de contrefaçon de la marque de l'Union européenne no 16445793, mais a déclaré les sociétés Dolcezza Inc et Dolcezza Europe recevables à agir en concurrence déloyale. 6. Par ordonnance du 4 mars 2022, le juge de la mise en état a débouté les demanderesses de leur demande de mesure d'instruction. 7. L'instruction a été close le 21 avril 2022 et l'affaire plaidée le 29 septembre 2022. 8. Dans leurs dernières conclusions signifiées par voie électronique le 22 mars 2022, les sociétés EMC Hazir Giyim Sanayi Ltd Sirketi, Dolcezza Inc et Dolcezza Europe résistent aux demandes reconventionnelles et demandent elles-mêmes :? invoquant une contrefaçon de marque, de : ? condamner « conjointement et solidairement » les sociétés Giorgio di Mare et Showroomprive.com à payer à la société EMC la somme de 26 000 euros en réparation de son préjudice, ? condamner la société Giorgio di Mare à verser à la société EMC la somme de 96 628 euros à titre provisionnel en réparation du manque à gagné subi,? invoquant des actes de concurrence déloyale et parasitaire, de condamner « conjointement et solidairement » les sociétés Giorgio di Mare et Showroomprive.com à verser à chacune des sociétés Dolcezza Inc. et Dolcezza Europe la somme de 20 000 euros en réparation de leur préjudice,? invoquant subsidiairement la qualité d'éditeur de la société Showroomprive.com, de la condamner au titre de la contrefaçon et de la concurrence déloyale pour les mêmes montants,? invoquant encore plus subsidiairement le manquement de la société Showroomprive.com en qualité d'hébergeur, de la condamner à verser aux sociétés Dolcezza Inc et Dolcezza Europe la somme de 20 000 euros en réparation de leur préjudice,? en tout état de cause, des mesures d'interdiction et de publication sous astreinte,? de condamner « conjointement et solidairement » les défenderesses au paiement de la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens, recouvrés par leur avocat. 9. Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 7 février 2022, la société Giorgio di Mare conteste le droit des sociétés Doclezza Inc et EMC à agir en contrefaçon, demande le rejet d'une pièce et résiste à l'ensemble des demandes au fond, demande reconventionnellement la condamnation des demanderesses au paiement de la somme de 20 000 euros en réparation de son préjudice résultant de l'atteinte à son image et de la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens. 10. Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 28 mars 2022, la société Showroomprive.com soulève l'irrecevabilité à agir de la société Dolcezza Inc en contrefaçon de marque, résiste aux demandes, sollicite à titre reconventionnel la condamnation de la société Giorgio di Mare à la garantir des condamnations qui pourraient être prononcées contre elle, et demande 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens. MOTIFS DE LA DÉCISION 1- Demandes fondées sur l'atteinte au droit de marque 1.1- Sur la qualité à agir de la société EMC Moyens des parties 11. La société Giorgio di Mare soutient que la société EMC ne démontre pas son intérêt et sa qualité à agir dès lors qu'elle ne prouve pas d'atteinte à sa propre marque ni de préjudice propre. Elle considère en effet que la société EMC reprend les griefs que la société Dolcezza Inc formulait dans l'assignation, fondés sur une marque dont la société EMC n'est pas titulaire. Dans le dispositif de ses conclusions, la société Giorgio di Mare sollicite l'irrecevabilité des demandes de la société EMC mais également celles de la société Dolcezza Inc en contrefaçon. 12. La société Showroomprive.com ne formule aucune demande similaire dans le corps de ses conclusions, mais sollicite, dans son dispositif, que la société Dolcezza Inc soit déclarée irrecevable en sa demande de contrefaçon de marque. 13. La société EMC ne répond pas sur ce point. Réponse du tribunal 14. En application de l'article L. 716-4-2, alinéa 1er, du code de la propriété intellectuelle, « L'action civile en contrefaçon est engagée par le titulaire de la marque ou par le licencié avec le consentement du titulaire, sauf stipulation contraire du contrat. Toutefois, le bénéficiaire d'un droit exclusif d'exploitation peut agir en contrefaçon si, après mise en demeure, le titulaire n'exerce pas ce droit dans un délai raisonnable ». 15. Les fins de non-recevoir consistent, selon l'article 122 du code de procédure civile, en « tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande sans examen au fond, pour défaut du droit d'agir, tel que le défaut de qualité (...) ». 16. Le juge de la mise en état ayant déclaré, par ordonnance du 7 mai 2021, la société Dolcezza Inc irrecevable en sa demande de contrefaçon de la marque verbale de l'Union européenne « Dolcezza » no 16445793, cette marque n'étant plus invoquée et les demandes formulées à ce titre ayant été retirées par les demanderesses, les demandes formées par les défenderesses portant sur le défaut de qualité à agir de la société Dolcezza Inc sont sans objet. 17. Par ailleurs, la société EMC invoque, au fondement de sa demande de contrefaçon de marque, la marque semi-figurative de l'Union européenne « Dolcezza » no 017928118, déposée le 9 juillet 2018 et enregistrée le 20 novembre 2018, dont elle est titulaire (pièce demanderesses no 25). Or, la société Giorgio di Mare reproche seulement à la société EMC de faire siens les arguments précédemment énoncés par la société Dolcezza Inc, mais ne conteste pas la titularité de la marque « Dolcezza » no 017928118. En conséquence, la demande de la société Giorgio di Mare est rejetée. 1.2- Sur la contrefaçon de marque Moyens des parties 18. La société EMC soutient que la commercialisation, sur le site www.showroomprive.com, de doudounes sur lesquelles est reproduite la marque « Dolcezza » constitue une contrefaçon de sa marque semi-figurative de l'Union européenne, imputable tant à la société Giorgio di Mare qu'à la société Showroomprive.com, laquelle a procédé à l'achat des produits contrefaisants et à leur mise en vente. Il importe peu, selon elle, que la marque figure en petit sur la fermeture éclair. Elle ajoute que la société Giorgio di Mare a également commis des actes de contrefaçon par suppression de la marque « Dolcezza » à un autre endroit sur la doudoune. Elle réplique aux défenderesses que la bonne foi est inopérante en la matière de sorte que la société Giorgio di Mare ne peut argüer de ce que cette suppression est le fait de son fournisseur turc. 19. Elle répond par ailleurs à la demande de rejet de pièce qu'il appartient au tribunal d'apprécier la valeur probante d'une capture d'écran, sans qu'il y ait lieu d'écarter la pièce en cause no 3, et que les pièces en langue anglaise compréhensibles par le tribunal peuvent être acceptées. 20. En réplique, la société Giorgio di Mare demande tout d'abord le rejet de la pièce no 3 des demanderesses au motif que, s'agissant d'une capture d'écran, elle est dénuée de force probante. Elle soutient ensuite que la marque « Dolcezza » n'est reproduite sur les fermetures éclairs que sur les deux modèles de doudounes sans manches, dont seules seize ont été vendues de sorte que la probabilité pour le consommateur d'apercevoir la marque est faible. S'agissant de la suppression de la marque, elle soutient qu'il n'est fait aucune référence à la marque « Dolcezza » sur l'acte de vente et que c'est son fournisseur turc qui l'a recouvert. 21. La société Showroomprive.com considère, pour sa part, que la contrefaçon n'est pas établie et se rapporte sur ce point aux écritures de la société Giorgio di Mare. Réponse du tribunal 22. Aux termes de l'article 9, paragraphes 1 et 2, du règlement (UE) no 2017/1001 du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne :« 1. L'enregistrement d'une marque de l'Union européenne confère à son titulaire un droit exclusif. 2. Sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité d'une marque de l'Union européenne, le titulaire de cette marque de l'Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe pour des produits ou services lorsque : a) ce signe est identique à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée; b) ce signe est identique ou similaire à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou services identiques ou similaires aux produits ou services pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public ; le risque de confusion comprend le risque d'association entre le signe et la marque ». a. Sur la contrefaçon par imitation 23. En l'espèce, il est démontré, notamment par des procès-verbaux de constat d'huissier, et non contesté, que seize doudounes vendues sur le site www.showroomprive.com sous la marque « Giorgio di Mare » comportent une fermeture éclair sur laquelle est apposé le signe « Dolcezza » (pièces demanderesses no 14 et 15). A ce titre, il n'y a pas lieu d'écarter la pièce no 3 des demanderesses au seul motif qu'il s'agit de captures d'écran, cela influant seulement sur sa valeur probante qu'il revient au tribunal d'apprécier. 24. L'appréciation de la similitude visuelle, auditive et conceptuelle des signes doit être fondée globalement à partir de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce et sur l'impression d'ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. 25. En l'occurrence, les produits en cause étant des vêtements, le public concerné est le grand public. 26. La marque européenne semi-figurative « Dolcezza » a été déposée notamment en classe 25 pour désigner des vêtements. Les produits litigieux sont quant à eux des doudounes, qui sont des vêtements. Les produits sont donc identiques. 27. S'agissant de la comparaison des signes, la marque invoquée est une marque semi-figurative, le terme « Dolcezza » étant écrit dans une police de caractère stylisée et les quatre dernières lettres étant reliées par une même barre : 28. Le signe litigieux est une fermeture éclair ronde, comportant sur le bord le terme « Dolcezza » écrit dans une police de caractère classique et à l'intérieur un élément figuratif floral : 29. Ce signe, qui n'a pas de fonction dans le produit, peut être perçu par le public comme la désignation de l'entreprise à l'origine du produit. Il s'agit donc d'un usage pour des produits, au sens de l'article 9, paragraphe 2, du règlement précité. 30. Visuellement, la différence de police de caractère et l'absence, au sein du signe litigieux, de la barre commune aux quatre dernières lettres sont des différences minimes. En revanche, la présence de l'élément figuratif floral au sein du signe litigieux se distingue de la marque invoquée de sorte que la ressemblance visuelle est moyenne à faible. 31. D'un point de vue phonétique, il ressort une ressemblance forte entre les signes, seul le terme « Dolcezza », identique aux deux signes, étant prononcé. 32. Conceptuellement, enfin, la ressemblance est moyenne à forte dès lors que la seule différence tient à la présence d'un élément floral au sein du signe litigieux. 33. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que, eu égard à la stricte identité des produits concernés alliée à une certaine similitude entre le signe litigieux en cause et la marque « Dolcezza », le risque de confusion est caractérisé, le public concerné étant amené à attribuer aux produits proposés une origine commune. 34. La contrefaçon par imitation est donc caractérisée, peu important que les produits litigieux soient présentés sur le site internet www.showroomprive.com comme des vêtements de la marque « Giorgio di Mare » et que les défendeurs n'aient pas eu l'intention de tromper les consommateurs, la bonne foi étant indifférente en matière de contrefaçon. 35. Il ressort par ailleurs de l'article 1er des contrats d'achat de marchandises, conclus entre la société Showroomprive.com et la société Giorgio di Mare, que « le Fournisseur vend sous condition suspensive les Produits à [la société Showroomprive.com] et [la société Showroomprive.com] les commercialise auprès de ses Membres sur les Sites compris dans le Territoire lors de Ventes Privées » (pièce SRP no 2). 36. La société Showroomprive.com commercialise ainsi elle-même les produits contrefaisants et est donc responsable, aux côtés de son fournisseur, la société Giorgio di Mare, des faits de contrefaçon. 37. La demande en contrefaçon à l'encontre de la société Showroomprive.com étant accueillie, les demandes subsidiaires formées contre cette dernière ne seront pas examinées. b. Sur la contrefaçon par suppression de marque 38. La Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que « le titulaire d'une marque peut s'opposer à ce qu'un tiers, sans son consentement, supprime tous les signes identiques à cette marque et appose d'autres signes sur des produits [...] en vue de les importer ou de les mettre dans le commerce dans l'Espace économique européen (EEE) où ils n'ont jamais été commercialisés » (CJUE, 25 juillet 2018, C-129/17, Mitsubishi c/ Duma et GSI). La Cour de justice énonce en effet que parmi les fonctions de la marque, figurent notamment celles de communication, d'investissement ou de publicité. Elle définit la fonction d'investissement comme la « possibilité pour le titulaire d'une marque d'employer celle-ci pour acquérir ou conserver une réputation susceptible d'attirer et de fidéliser des consommateurs », et la fonction de publicité comme le fait « d'employer une marque à des fins publicitaires visant à informer ou à persuader le consommateur » (points 34 à 37). Or, selon la Cour de justice, « la suppression des signes identiques à la marque et l'apposition de nouveaux signes sur les produits entravent la possibilité pour le titulaire de la marque de s'attacher la clientèle par la qualité de ses produits et affectent les fonctions d'investissement et de publicité de la marque lorsque, comme en l'occurrence, le produit en question n'est pas encore commercialisé sous la marque du titulaire sur ce marché par celui-ci ou avec son consentement » (point 46). 39. Il est constant que les doudounes litigieuses sont revêtues, dans le haut du dos, d'une étiquette sur laquelle figure le signe « Giorgio di Mare », cousue sur une seconde étiquette portant quant à elle le signe « Doclezza ». 40. Toutefois, la société EMC se contente d'affirmer que la société Giorgio di Mare a procédé à la suppression de sa marque régulièrement apposée sur les doudounes, sans démontrer qu'elle avait effectivement apposé des étiquettes revêtues de la marque « Dolcezza » sur les doudounes litigieuses, et que ces dernières ont été fabriquées à sa demande, en vue d'être commercialisées par elle sous sa marque. Il ressort au contraire des pièces versées aux débats que les doudounes commercialisées par la demanderesse ne sont revêtues d'aucune étiquette en haut du dos (pièce demanderesses no 4). 41. Dès lors qu'il n'est pas établi que les doudounes revêtues des deux étiquettes, l'une recouvrant l'autre, sont des produits fabriqués sous la responsabilité de la société EMC et destinés à être vendus sous sa marque « Dolcezza », il ne peut être considéré que l'apposition de l'étiquette « Giorgio di Mare » a empêché la société EMC de s'attacher une clientèle par la qualité de ses produits, et donc qu'il a été porté atteinte à aux fonctions d'investissement et de publicité de la marque. 42. La contrefaçon par suppression de marque n'est donc pas établie et les demandes formées à ce titre seront rejetées. 1.3- Sur les mesures sollicitées a. Sur le préjudice subi par la société EMC Moyens des parties 43. En réparation de son préjudice résultant des actes de contrefaçon, la société EMC sollicite la condamnation des sociétés Giorgio di Mare et Showroomprive.com à lui verser la somme de 26 000 euros, correspondant aux bénéfices réalisés estimés à 5 489,5 euros, au gain manqué évalué à la somme de 15 684,5 euros, qui résulte de la différence de 65 % entre le prix de vente des produits litigieux et le prix de vente des produits de la marque « Dolcezza », et au préjudice moral évalué à la somme de 5 000 euros. Elle sollicite par ailleurs la somme de 96 628 euros à titre provisionnel – sans toutefois formuler de demande au titre du droit à l'information – à l'encontre de la société Giorgio di Mare en raison du manque à gagner subi du fait de l'offre en vente de 3 332 produits. Elle demande enfin des mesures d'interdiction et de publication sous astreinte. 44. La société Giorgio di Mare conteste les montants sollicités, estimant que seules 95 doudounes ont été vendues, parmi lesquelles seize reproduisent la marque invoquée sur les fermetures éclairs de sorte qu'un nombre très limité de consommateurs est susceptible d'avoir vu la marque. Elle considère en conséquence le préjudice moral inexistant. S'agissant du préjudice économique, elle dit avoir réalisé un bénéfice de 2 744,75 euros qu'elle a partagé avec la société Showroomprive.com ainsi qu'une marge faible de sorte qu'aucun manque à gagner n'a été subi par la société EMC. Elle ajoute enfin que les stocks invoqués en demande étaient entreposés en Turquie et que la demanderesse ne rapporte pas la preuve de ce que la marque « Dolcezza » a été retirée sur tous ces produits. 45. La société Showroomprive.com fait valoir que le nombre de produits achetés à la société Giorgio di Mare correspond au nombre de produits effectivement vendus sur le site www.showroomprive.com, les 3 427 produits en stock invoqués correspondant seulement aux produits « réservés » par elle à la société Giorgio di Mare. Elle conteste également le montant des dommages et intérêts sollicités, au motif que les calculs sont hypothétiques, ainsi que la mesure de publication qu'elle estime injustifiée. Réponse du tribunal 46. En application de l'article L. 716-4-10 du code de la propriété intellectuelle, « Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :1o Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;2o Le préjudice moral causé à cette dernière ;3o Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon.Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée ». 47. En l'espèce, les doudounes litigieuses sont vendues sur le site www.showroomprive.com sans aucune référence à la marque « Dolcezza » et l'imitation de cette marque sur la fermeture éclair des doudounes sans manches n'est pas visible par les consommateurs lors de l'acte d'achat, qui se fait exclusivement sur internet, la marque étant gravée en caractères très petits et imperceptibles sur les photographies (pièce demanderesses no 14 et pièce SRP no 2). La contrefaçon de marque n'a donc généré en elle-même aucune vente, de sorte que la société EMC ne peut justifier d'aucun préjudice commercial. 48. En revanche, la commercialisation de seize doudounes revêtues du signe « Dolcezza » sur les fermetures éclairs cause à la société EMC un préjudice moral qu'il convient de réparer à hauteur de 100 euros. 49. Il sera par ailleurs fait droit aux mesures d'interdiction sous astreinte. La demande de publication sera quant à elle rejetée, car disproportionnée au regard des faits d'espèce, et le préjudice de la société EMC étant déjà réparé par l'octroi de dommages et intérêts. b. Sur le préjudice subi par la société Dolcezza Europe Moyens des parties 50. La société Dolcezza Europe fait valoir qu'elle commercialise en Europe les vêtements revêtus de la marque « Dolcezza » avec l'autorisation de la société EMC, de sorte que les actes de contrefaçon, imputables tant à la société Giorgio di Mare qu'à la société Showroomprive.com, lui causent un préjudice qu'elle évalue à la somme de 20 000 euros. 51. La société Giorgio di Mare répond n'avoir jamais cherché à tromper le consommateur et qu'aucune référence à la marque « Dolcezza » n'est faite dans l'acte de vente. 52. La société Showroomprive.com soutient également que la marque « Dolcezza » n'apparaissant pas sur le site www.showroomprive.com, il ne peut lui être reproché d'actes de concurrence déloyale pour la vente de produits revêtus de ladite marque. Réponse du tribunal 53. Bien que fondant ses demandes sur la concurrence déloyale, la société Dolcezza Europe invoque en réalité la contrefaçon de la marque « Dolcezza » dont est titulaire la société EMC. Elle dit en effet subir un préjudice résultant des faits de contrefaçon par imitation de la marque « Dolcezza » dès lors qu'elle commercialise en France les produits revêtus de cette marque. 54. L'article L. 716-4-2, alinéa 1er du code de la propriété intellectuelle, dispose que : « L'action civile en contrefaçon est engagée par le titulaire de la marque ou par le licencié avec le consentement du titulaire, sauf stipulation contraire du contrat ». 55. Et la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que le licencié pouvait agir en contrefaçon d'une marque de l'Union européenne faisant l'objet de la licence bien que cette dernière n'ait pas été inscrite au registre des marques communautaires (CJUE, 4 février. 2016, C-163/15, Breiding). 56. Or, la société Dolcezza Europe démontre commercialiser elle-même en Europe les produits de la marque « Dolcezza » (pièce demanderesses no 17bis), de sorte qu'elle peut être considérée comme bénéficiant implicitement d'une licence d'usage de cette marque. La demande de la société Dolcezza Europe doit donc être analysée comme une demande en contrefaçon de marque, et non comme une demande en concurrence déloyale. 57. La société Dolcezza Europe commercialisant en France les produits de la marque « Dolcezza », la fabrication et la commercialisation, par les sociétés Giorgio di Mare et Showroomprive.com, de doudounes imitant cette marque, peuvent lui causer un préjudice. 58. En l'occurrence cependant, et comme jugé précédemment, la contrefaçon de la marque « Dolcezza » n'a pu générer en elle-même aucune vente dès lors qu'il n'est pas fait référence à cette marque dans l'offre de vente et que la marque n'est pas visible lors de l'acte d'achat car située en petit sur la fermeture éclair de certaines doudounes. La société Dolcezza Europe n'a donc subi aucun préjudice du fait de cette commercialisation et sa demande est rejetée. 2- Demandes de concurrence déloyale et parasitaire Moyens des parties 59. Les sociétés Dolcezza Inc et Dolcezza Europe soutiennent que la commercialisation de doudounes qui reprennent à l'identique les imprimés présents sur les doudounes qu'elles commercialisent pour lesquels elles bénéficient de licences d'usage, entraîne un risque de confusion dans l'esprit du public et constitue dès lors un acte de concurrence déloyale. 60. Elles exposent par ailleurs qu'en revendant des produits finis détournés, les sociétés Giorgio di Mare et Showroomprive.com se sont épargnées des frais d'élaboration des motifs, de design et de confection des doudounes, bénéficiant ainsi indûment des investissements qu'elles ont réalisé pour la conception, la fabrication et la vente des doudounes. 61. Elles sollicitent en conséquence la somme de 20 000 euros chacune en réparation de leur préjudice, correspondant au gain manqué du fait de la différence de prix pratiqués et à leur préjudice moral, outre des mesures d'interdiction. 62. En réplique, la société Giorgio di Mare énonce que les demanderesses ne rapportent pas la preuve de la commercialisation en France des imprimés invoqués et conteste les montants sollicités. 63. La société Showroomprive.com soutient quant à elle que les demanderesses ne rapportent pas la preuve d'investissements dont elle aurait bénéficié, et que le caractère réduit du nombre de produits vendus confirme l'absence de préjudice commercial. Réponse du tribunal 64. Sont sanctionnés au titre de la concurrence déloyale, sur le fondement de l'article 1240 du code civil, les comportements distincts de ceux invoqués au titre de la contrefaçon, fautifs car contraires aux usages dans la vie des affaires, tels que ceux visant à créer un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit, ou ceux, parasitaires, qui tirent profit sans bourse délier d'une valeur économique d'autrui procurant à leur auteur, un avantage concurrentiel injustifié, fruit d'un savoir-faire, d'un travail intellectuel et d'investissements. 65. En l'occurrence, la collection automne 2019 de la marque « Dolcezza » est composée de neufs types de doudounes, déclinés en plusieurs coloris à motifs (pièce demanderesses no 4). Ces motifs correspondent pour la plupart à des dessins dont une licence d'utilisation pour des vêtements a été concédée par les auteurs à la société Dolcezza Inc (pièce demanderesses no 10bis). Il est par ailleurs établi que la société Dolcezza Europe a commercialisé en France ces doudounes (pièce demanderesses no 17bis). 66. Or, il ressort du procès-verbal de constat d'huissier du 4 décembre 2019 qu'ont été commercialisées, sur le site www.showroomprive.com, neufs types de doudounes sous la marque « Giorgio di Mare » reprenant cinq coloris à motifs identiques à ceux commercialisés par la société Dolcezza Europe, et dont quatre correspondent aux dessins concédés en licence. Il n'est toutefois pas établi que les motifs en cause soient associés, dans l'esprit du public, à la société Dolcezza Europe ou à la marque « Dolcezza » et que la commercialisation, par la société Giorgio di Mare, de doudounes revêtues de ces mêmes motifs, ait engendré un risque de confusion dans l'esprit des consommateurs. La seule commercialisation sur le site www.showroomprive.com des doudounes en cause ne saurait, au surplus, caractériser la faute de la société Showroomprive.com. Les demandes formées à ce titre sont donc rejetées. 67. Par ailleurs, si les demanderesses disent avoir réalisé d'importants investissements d'élaboration des motifs, de leur design et de leur confection, elles n'en rapportent pas la preuve, ce d'autant qu'il est établi qu'elles n'ont pas elles-mêmes élaboré les motifs qui correspondent à des dessins sur lesquels elles ont acquis une licence d'utilisation – dont le prix n'est au demeurant pas révélé –. Elles ne démontrent pas non plus en quoi leurs investissements ont fait de leurs doudounes une valeur économique individualisée dont les défenderesses ont indûment profité. La demande au titre du parasitisme est en conséquence également rejetée. 3- Demandes reconventionnelles d'appel en garantie Moyens des parties 68. A titre reconventionnel, dans le cas où les faits de contrefaçon et de concurrence déloyale seraient reconnus, la société Showroomprive.com sollicite la garantie de la société Giorgio di Mare en sa qualité de fournisseur des produits, et au titre de l'article 6 du contrat qu'elles ont conclu. 69. La société Giorgio di Mare ne répond pas sur ce point. Réponse du tribunal 70. En application de l'article 1626 du code civil, « le vendeur est obligé de droit à garantir l'acquéreur de l'éviction qu'il souffre dans la totalité ou partie de l'objet vendu, ou des charges prétendues sur cet objet, et non déclarées lors de la vente ». 71. L'article 6 des contrats d'achat de marchandises, conclus entre les sociétés Giorgio di Mare et Showroomprive.com, stipule que le fournisseur « sera responsable envers [la société Showroomprive.com] et fera son affaire de toutes réclamations, instances, actions ou poursuites qui pourraient être engagées à l'occasion de la diffusion, la distribution et/ou la commercialisation des Produits et relèvera et garantira [la société Showroomprive.com] de toutes charges, condamnations, frais raisonnables (y compris d'avocats) et de toute autre somme de quelque nature qu'elle pourrait être amenée à supporter de son fait ou par sa faute » (pièce SRP no 2). 72. La société Showroomprive.com ayant été reconnue coupable d'actes de contrefaçon à l'encontre de la société EMC, et condamnée en conséquence à réparer son préjudice, du fait de la commercialisation de produits fournis par la société Giorgio di Mare, elle est bien fondée à obtenir la garantie de cette dernière. 4- Demandes reconventionnelles pour atteinte à l'image commerciale Moyens des parties 73. A titre reconventionnel, la société Giorgio di Mare sollicite la somme de 20 000 euros à l'encontre des sociétés Dolcezza Inc et Dolcezza Europe pour atteinte à son image commerciale, les demanderesses ayant, selon elle, tenté de la discréditer auprès de la société Showroomprive.com. 74. Les demanderesses répondent qu'aucune faute n'a été commise dans l'action entreprise, et qu'en tout état de cause, la défenderesse ne justifie d'aucun préjudice. Réponse du tribunal 75. L'article 1240 du code civil dispose que « tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». 76. En l'espèce, la société Giorgio di Mare affirme que la lettre de mise en demeure, adressée par la société Dolcezza Europe à la société Showroomprive.com le 12 novembre 2019 lui a causé de graves désagréments commerciaux et frais à l'égard de la société Showroomprive.com, sans toutefois en rapporter la preuve. Si le fait pour la société Dolcezza Europe de faire état d'un vol dans sa lettre de mise en demeure peut être qualifié de faute, la société Giorgio di Mare ne démontre aucun préjudice en découlant et notamment pas une détérioration de ses relations avec la société Showroomprive.com. Sa demande formée à ce titre est en conséquence rejetée. 5- Demandes accessoires 77. Les sociétés Giorgio di Mare et Showroomprive.com, qui succombent pour partie, supporteront les dépens et leurs propres frais. 78. En application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la partie tenue aux dépens ou à défaut, la partie perdante, est condamnée au paiement d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, en tenant compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. 79. En l'espèce, au regard de la solution du litige, il n'y a pas lieu de faire droit à une condamnation au titre de l'article 700. 80. L'exécution provisoire est de droit et rien ne justifie de l'écarter au cas présent. PAR CES MOTIFS Le tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire, mis à disposition au greffe et en premier ressort, REJETTE la demande de la société EMC Hazir Giyim Sanayi Limited Sirketi en contrefaçon par suppression de marque, FAIT INTERDICTION aux sociétés Giorgio di Mare et Showroomprive.com de faire usage, pour désigner des vêtements, du signe « Dolcezza » dans l'Union européenne et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, passé un délai de 30 jours à compter de la signification du présent jugement, l'astreinte courant sur 91 jours, SE RÉSERVE la liquidation de l'astreinte, CONDAMNE in solidum les sociétés Giorgio di Mare et Showroomprive.com à payer à la société EMC Hazir Giyim Sanayi Limited Sirketi la somme de 100 euros en réparation de son préjudice moral résultant des faits de contrefaçon par imitation de sa marque « Dolcezza » no 017928118, DÉBOUTE la société EMC Hazir Giyim Sanayi Limited Sirketi de sa demande de dommages et intérêts en réparation de son préjudice économique résultant des faits de contrefaçon, DÉBOUTE la société Dolcezza Europe de sa demande de dommages et intérêts pour contrefaçon, DÉBOUTE les sociétés Dolcezza Inc et Dolcezza Europe de leurs demandes en concurrence déloyale et parasitaire, CONDAMNE la société Giorgio di Mare à garantir la société Showroomprive.com des condamnations prononcées à son encontre, DÉBOUTE la société Giorgio di Mare de sa demande reconventionnelle, REJETTE la demande de publication, REJETTE les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile, CONDAMNE in solidum les sociétés Giorgio di Mare et Showroomprive.com aux dépens, dont distraction au profit de Me Stéphane Guerlain de la SEP Armengaud-Guerlain, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. Fait et jugé à Paris le 25 Novembre 2022 Le Greffier La PrésidenteQuentin CURABET Irène BENAC | x |
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JURITEXT000047324632 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/32/46/JURITEXT000047324632.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 12 janvier 2018, 18/00407 | 2018-01-12 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 18/00407 | CT0087 | TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 1?3ème chambre 3ème section No RG 18/00407 - No Portalis352J-W-B7C-CMDG7No MINUTE : Assignation du :12 janvier 2018 JUGEMENT rendu le 08 novembre 2022 DEMANDERESSESociété INTELLECTUAL VENTURES I LLC[Adresse 4][Adresse 4][Localité 3] (ETATS-UNIS D'AMERIQUE) représentée par Maître Julien FRENEAUX de la SAS BARDEHLEPAGENBERG, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0390 DÉFENDERESSESS.A. SOCIÉTÉ FRANÇAISE DU RADIOTÉLÉPHONE[Adresse 1][Localité 5] représentée par Maître Michel ABELLO de la SELARL LOYER &ABELLO, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #J0049 Société HUAWEI TECHNOLOGIES FRANCE, intervenante volontaire[Adresse 2][Localité 6] représentée par Maître Grégoire DESROUSSEAUX de la SCPAUGUST & DEBOUZY et associés, avocat au barreau de PARIS,vestiaire #P0438Décision du 08 novembre 2022 3ème chambre 3ème sectionNo RG 18/00407 - No Portalis 352J-W-B7C-CMDG7Page 2 COMPOSITION DU TRIBUNALNathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointeArthur COURILLON-HAVY, jugeLinda BOUDOUR, jugeassistés de Lorine MILLE, greffière DEBATSA l'audience du 01 juin 2022 tenue en audience publique, avis a été donné auxparties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 11octobre 2022 et prorogé au 08 novembre 2022. JUGEMENTPrononcé publiquement par mise à disposition au greffeContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DU LITIGE :1. La société de droit américain Intellectual Ventures I LLC appartient augroupe Intellectual Ventures, spécialisé depuis sa création en 2000, dansl'acquisition et l'exploitation d'inventions. Le groupe se présente commeparticulièrement actif dans le domaine des réseaux de télécommunications.2. La société Intellectual Ventures I est ainsi la titulaire inscrite du breveteuropéen désignant la France EP 1 327 374 (ci-après "EP'374") ayant pourtitre "Priorités des services dans un réseau multi-cellulaire". Ce brevet,déposé le 9 octobre 2001 par la société Nokia Corporation, est issu d'unedemande internationale PCT WO 02/32160 revendiquant la priorité de quatredemandes anglaises. En cours de procédure, la propriété de la demande a étécédée à la société Spyder Navigations L.L.C. aux droits de laquelle se trouveaujourd'hui la société Intellectual Ventures I. La publication de la délivrancede ce brevet est intervenue le 22 juillet 2009 . Ce brevet a expiré le 9 octobre2021.3. Convaincue que la Société Française du Radiotéléphone (SFR), l'un desprincipaux opérateurs de télécommunications en France, exploitait l'inventionprotégée par ce brevet dans le cadre de son réseau, au moyen de latransmission par ses stations de base équipées des technologies 2G; 3G et 4G,aux équipements d'utilisateurs d'un message rrcConnexionRelease contenantune table de priorité attribuant à ces appareils une fréquence porteuse associéeà une technologie (GSM, 3GPP ou LTE) en fonction de leur marque de classe(ce qui correspond selon elle à la table de priorité 2 du brevet "mode inactif),la société Intellectual Ventures I l'a, par acte d'huissier délivré le 12 janvier2018, assignée devant le tribunal judiciaire de Paris en contrefaçon desrevendications 1 et 15 de la partie française du brevet EP 374.4. La Société Huawei Technologies France, fournisseur des équipements deréseau de la société SFR est intervenue volontairement à l'instance par desconclusions du 22 mai 2018, tandis que la société SFR a, par actes d'huissierdu 28 mai 2018, fait assigner les sociétés Alcatel Lucent International et NokiaSolutions and Networks, également fournisseurs d'équipements de réseau, enintervention forcée, afin d'obtenir leur garantie pour le cas où descondamnations viendraient à être prononcées à son encontre.5. Ces deux sociétés ayant conclu un accord de licence avec la société IntellectualVentures I, la société SFR a alors signifié des conclusions de désistementpartiel d'instance à l'égard des sociétés Nokia Solutions And Networks etAlcatel Lucent International. Les désistements ont été constatés par uneordonnance du juge de la mise en état du 6 novembre 2020.6. Dans ses dernières conclusions no8 notifiées électroniquement le 11 mai2022, la société INTELLECTUAL VENTURES I, demande au tribunal,Vu l'article 64 de la Convention de Munich sur le brevet européen et lesarticles L.613-3, L.613-4, L.614-7 et s, et L.615-1 du code de la propriétéintellectuelle, de :- Déclarer irrecevables ou à tout le moins infondées, les demandes dela Société Française du Radiotéléphone – SFR et de la société HuaweiTechnologies France en nullité des revendications 1 et 15 de lapartie française du brevet européen EP 1 327 374 ; les endébouter ;- Dire qu'en exploitant en France, entre le 12 janvier 2013 et le 9octobre 2021, un réseau de télécommunication mobile supportantnotamment la technologie 4G, la Société Française du Radiotéléphone– SFR a commis des actes de contrefaçon par utilisation du procédéobjet de la revendication 1 de la partie française du brevet européen EP1 327 374 appartenant à la société Intellectual Ventures I ;- Dire qu'en fabricant, utilisant et détenant à cette fin en France, entrele 12 janvier 2013 et le 9 octobre 2021, un réseau de télécommunicationmobile supportant notamment la technologie 4G, la Société Françaisedu Radiotéléphone – SFR a commis des actes de contrefaçon de larevendication 15 de la partie française du brevet européen EP 1 327 374appartenant à la société Intellectual Ventures I ;- Donner acte à la société Intellectual Ventures I de ce que sesdemandes à l'encontre de la Société Française du Radiotéléphone –SFR pour contrefaçon de la partie française du brevet EP 1 327 374ne s'étendent pas à des équipements de communication (àl'exclusion des Terminaux Cellulaires), logiciels ou services de laSociété Nokia Corporation et de ses filiales, y compris Alcatel LucentInternational et Nokia Solutions and Networks France (ci-aprèscollectivement désignées "Nokia"), considérés seuls ou dans touteéventuelle combinaison arguée de contrefaçon dans laquelle ilsreproduisent l'un quelconque des éléments de l'une quelconque desrevendications invoquées (y compris dans le cas où ils réalisent uneétape d'une revendication de procédé), dans la mesure où lesditséquipements de communication, logiciels ou services ont étéfabriqués, utilisés, vendus, offerts à la vente, loués, importés oudistribués par Nokia, ou dans la mesure où Nokia les a fait fabriquer ;- Donner acte à la société Intellectual Ventures I de ce que lalimitation de l'étendue de ses demandes à l'encontre de la SociétéFrançaise du Radiotéléphone – SFR, telle que formulée ci-dessus, nebénéficie en aucun cas aux produits d'autres fournisseurs, y comprisla société Huawei Technologies France, et/ou à l'utilisation de telsproduits ;- Condamner la Société Française du Radiotéléphone – SFR à payerà la société Intellectual Ventures I des dommages et intérêts au titredes actes de contrefaçon des revendications 1 et 15 de la partie françaisedu brevet EP 1 327 374 qu'elle a commis au cours de la période du 12janvier 2013 au 9 octobre 2021 ;Avant dire droit sur le montant des dommages et intérêts :§ Ordonner à la Société Française du Radiotéléphone – SFR decommuniquer à la société Intellectual Ventures I, sous astreinte de50.000 € par jour de retard à compter de la signification du jugement àintervenir, la part que représente, dans le nombre total de stations debase en service dans son réseau mobile au cours de la période du 12janvier 2013 au 9 octobre 2021, le nombre de celles qui lui ont étéfournies par des sociétés autres que Nokia Corporation et ses filiales ;§ Commettre tel expert qu'il plaira au tribunal de désigner, aux fraisavancés de la Société Française du Radiotéléphone – SFR, avec pourmission de vérifier l'exactitude et l'exhaustivité des informationscommuniquées par cette dernière en exécution du jugement àintervenir ;Dans l'attente de l'issue des mesures de droit d'information et d'expertise,- Condamner d'ores et déjà la Société Française du Radiotéléphone –SFR à payer à la société Intellectual Ventures I la somme de30.000.000 € à titre de provision à valoir sur le montant des dommageset intérêts ;- Ordonner la publication du dispositif du jugement à intervenirdans cinq journaux ou magazines au choix de la société IntellectualVentures I, et aux frais la Société Française du Radiotéléphone – SFR,dans la limite de 15.000,00 € HT par insertion ;- Ordonner à la Société Française du Radiotéléphone – SFR d'afficheren page d'accueil du site internet www.sfr.fr un encart occupant aumoins 10% de la surface de la page d'accueil au-dessus de la ligne deflottaison et contenant le lien hypertexte suivant : "Publication Judiciaire: condamnation de la société SFR pour contrefaçon du brevet EP 1 327374 appartenant à la société Intellectual Ventures I ", lequel liendevra renvoyer vers une copie intégrale de la minute du jugement àintervenir, et ce pendant une durée de deux mois sous astreinte de 50.000€ par jour de retard à compter de la signification du jugement àintervenir;- Déclarer irrecevables, et en tout cas infondés, l'ensemble des moyens,fins, conclusions et demandes des sociétés SFR et Huawei TechnologiesFrance ; les en débouter ;- Condamner in solidum la Société Française du Radiotéléphone – SFRet la société Huawei Technologies France à payer la somme de 600.000€ à la société Intellectual Ventures I, sur le fondement de l'article 700du code de procédure civile ;- Ordonner l'exécution provisoire des condamnations qui serontprononcées contre les sociétés SFR et Huawei Technologies France ;- Condamner in solidum la Société Française du Radiotéléphone – SFRet la société Huawei Technologies France aux entiers dépens, quipourront être directement recouvrés par la Sas Spe Bardehle Pagenberg,Avocats, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.7. Dans ses dernières conclusions no8 notifiées par la voie électronique le 24mai 2019, la société Huawei Technologies France demande quant à elle autribunal, au visa des articles L. 613-2, L. 613-3, L. 614-12 du code de lapropriété intellectuelle, 138(1)a), 54 (1) (2), 138(1)b) et 56 de la Conventionde Munich, 2224 du code civil et 699 et suivants du code de procédurecivile, de :- Annuler les revendications 1 et 15 de la partie française du brevet EP1 327 374 ; - Dire que l'invention objet du brevet EP 1 327 374 est insuffisammentdécrite ou à tout moins que les revendications 1 et 15 de la partiefrançaise du brevet EP 1 327 374 sont dénuées de nouveauté oud'activité inventive, ; - Dire que la Société Française du Radiotéléphone n'a commis aucunacte de contrefaçon des revendications 1 et 15 du brevet EP 1 327 374; Par conséquent, - Débouter la société Intellectual Ventures I de l'ensemble de sesmoyens, fins et prétentions; En tout état de cause, - Condamner la société Intellectual Ventures I à payer à la sociétéHuawei Technologies France la somme de 600 000 euros au titre del'article 700 du code de procédure civile ; - Condamner la société Intellectual Ventures I aux entiers dépens dontdistraction au profit de Maître Desrousseaux en application de l'article699 du code de procédure civile; - Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir, en ce quiconcerne la condamnation de la société Intellectual Ventures I à payer àla société Huawei Technologies France les frais et les dépens,nonobstant appel et sans constitution de garantie. 8. Dans ses dernières conclusions no6 notifiées électroniquement le 27 avril2022, la société SFR demande au tribunal, au visa des articles L.613-2,L.613-3, L.614-12 du code de la propriété intellectuelle, 138 (1) a) et b),54 (1) (2) et 56 de la Convention de Munich, 2224 du code civil, de :A titre principal - Dire que les revendications 1 et 15 de la partie française du brevet EP1 327 374 sont nulles pour insuffisance de description, défaut denouveauté et d'activité inventive, - Ordonner l'inscription de la décision à intervenir sur le RegistreNational des Brevets dès qu'elle sera devenue définitive, sur réquisitiondu Greffe ou à la requête de la partie la plus diligente et aux frais de lasociété Intellectual Ventures I, - Dire que l'action en contrefaçon fondée sur le brevet EP 1 327 374 estirrecevable pour les faits antérieurs à l'inscription de la transmission dubrevet au registre national des brevets, soit le 8 février 2016, - Dire que l'action en contrefaçon fondée sur le brevet EP 1 327 374 estirrecevable à l'égard de tout produit ayant été fourni à la SociétéFrançaise du Radiotéléphone -SFR par la société Alcatel LucentInternational, la société Nokia Solutions and Networks France, ou touteautre société appartenant au groupe Nokia, en raison de l'épuisement desdroits, - Dire que la société Intellectual Ventures I ne démontre pas lacontrefaçon des revendications 1 et 15 de la partie française du brevet EP1 327 374, En conséquence, - Débouter la société Intellectual Ventures I de l'ensemble de sesdemandes, comme étant irrecevables et à tout le moins mal fondées, Pour le surplus- Condamner la Société Intellectual Ventures I à payer à la SociétéFrançaise du Radiotéléphone - SFR la somme de 260.000 euros au titrede l'article 700 du code de procédure civile, quitte à parfaire ; - Condamner la société Intellectual Ventures I aux entiers dépens quiseront directement recouvrés par Maître Abello en application del'article 699 du code de procédure civile;- Ordonner l'exécution provisoire de la seule condamnation au titrede l'article 700 du code de procédure civile, nonobstant appel et sansconstitution de garantie. 9. L'instruction de l'affaire a été clôturée le 30 mai 2022 et l'affaire plaidée àl'audience du 1 juin 2022. MOTIFS DE LA DÉCISION1o) Présentation du brevet EP 1 327 374 10. Selon le paragraphe [0001] de la partie descriptive du brevet, l'inventionconcerne les réseaux de communication sans fil exploitant plusieurs normesde communication et en particulier, mais pas exclusivement, les fonctionnalitésde 2 et 3 génération. ème ème11. Le paragraphe [0002] du fascicule enseigne que dans un proche avenir, lesréseaux mobiles de deuxième génération (2G) seront complétés etpartiellement remplacés par des réseaux mobiles de troisième génération(3G), ce qui entraînera la passage d'une situation où la norme 2G est la seuletechnologie de réseaux mobiles, à une situation où coexistent deux technologiesde réseaux mobiles dominantes, la 2G et la 3G. En Europe par exemple, onpassera d'une situation où le GSM est la norme dominante à une situation oùle GSM et le 3GPP (3rd Generation Partnership Project) seront les normesdominantes. 12. Ainsi, un opérateur de réseau devra, à l'avenir, proposer un réseau mobilebasé sur les technologies GSM et 3GPP, où la technologie 3GPP pourraêtre déployée en utilisant plusieurs porteuses 3GPP à 5 MHz. De même,la taille des cellules dans les deux normes (GSM et 3GPP) peut différer, allantdes pico-cellules et des micro-cellules en intérieur ou au niveau de la rue,jusqu'aux grandes macro-cellules. Il conviendra alors que l'opérateur décidecomment desservir le trafic demandé avec les différentes technologies deréseau et les types de cellules disponibles (paragraphe [0003]) avec commeobjectif de maximiser le nombre d'utilisateurs desservis et d'assurer une certaineprobabilité de couverture prédéfinie dans la zone de couverture (paragraphe[0004]). 13. Selon le paragraphe [0006], dans les systèmes proposés actuellement,l'opérateur doit s'appuyer sur des algorithmes de sélection de cellule oude transfert intercellulaire fournis par le fabricant, ce qui peut ne pas aboutirà une répartition satisfaisante des différents types de connexions dans lestechnologies et les types de cellules disponibles du point de vue de l'opérateur.(Voir également paragraphe [0035])14. Aussi, selon le paragraphe [0011], un objet de la présente invention est deproposer une technique améliorée de sélection d'une cellule cible dans unsystème de communication sans fil prenant en charge plus d'une norme decommunication. 15. A cette fin, le paragraphe [0012] poursuit en indiquant que l'invention proposeun procédé pour déterminer une attribution de cellule pour un utilisateurdans un réseau sans fil, le réseau comportant une pluralité de types decellules et les utilisateurs ayant au moins l'un d'une pluralité de types deservices, comprenant l'établissement d'une table de priorités comprenant,pour chaque type de service, une priorité pour chaque type de cellule.16. Selon le paragraphe [0026], le premier type de table de priorités peut êtreutilisé pour déterminer une attribution de cellule pour un équipementd'utilisateur connecté au réseau, tandis que le second type de table depriorités peut être utilisé pour déterminer une attribution de cellule pour unéquipement d'utilisateur qui est inactif (paragraphe [0029]).17. Selon le paragraphe [0032] L'invention propose par conséquent une table depriorités qui permet à un opérateur de réseau d'associer facilementdifférents types de connexions demandées à une technologie et un type decellule priorisés. La table de priorités est de préférence utilisée en modeinactif ou en mode connecté quand l'équipement d'utilisateur effectue unesélection de cellule ou un transfert intercellulaire. 18. Au paragraphe [0033], la description précise que, pour maximiser le nombred'utilisateurs desservis, les différents types de connexions doivent êtredesservis dans un type de cellule et avec une technologie qui le permettent.A cette fin, l'invention propose une table de priorités qui permet àl'opérateur d'associer facilement différents types de connexions demandéesà une technologie et un type de cellule priorisés. La table de priorités seraalors utilisée en mode inactif ou en mode connecté quand un équipementd'utilisateur effectue une sélection de cellule (mode inactif) ou un transfertintercellulaire (mode connecté).19. A partir du paragraphe [0037], la description enseigne deux exemples qu'elleprésente comme non limitatifs. L'exemple choisi est celui d'un réseau ayantà la fois des services 2G (GSM) et 3G (3GPP) et prenant également en chargedes services 2G améliorés (de type EDGE). En outre, pour chacun des services,l'exemple suppose que le réseau fournit à la fois des micro-cellules et desmacro-cellules. Selon le paragraphe [0038] la figure 1 illustre une couverturecomportant trois cellules GSM ainsi qu'une couverture cellulaire 3GPP àl'intérieur de chaque cellule GSM. Dans l'exemple, on suppose que lacouverture 3GPP est plus restreinte que la couverture GSM. Chacune descellules 3GPP est prise en charge par une station de base. Les stations debase GSM peuvent également prendre en charge des opérations GSMaméliorées, de type EDGE par exemple. En outre, la structure cellulaireproprement dite, pour chaque type de norme, peut varier. Par exemple,certaines cellules peuvent combiner des micro-cellules et des macro-cellules. 20. Selon le paragraphe [0040], l'équipement de l'utilisateur (en principe untéléphone mobile) se trouve à l'intérieur de la zone de couverture cellulaireGSM et 3GPP et peut donc potentiellement être connecté au réseau enutilisant l'une ou l'autre norme. Un objet de la présente invention est donc deveiller à ce que l'équipement de l'utilisateur se connecte au réseau enutilisant celle des normes de réseau qui est la plus appropriée pouroptimiser l'efficacité générale du réseau. Les paragraphes suivants [0041] à[0046] décrivent les éléments de réseau aptes à mettre en oeuvre le procédé.21. Les paragraphes [0048] et [0049] décrivent ensuite le procédé en ces termes :chaque table de priorités, spécifique à une cellule, recense tous les typesde services disponibles dans le réseau (voix, navigation sur internet,synchronisation des applications,...) en fonction de tous les types de cellulesdisponibles dans le réseau, et attribue une priorité à chacune de ces cellulesdonnées pour chacun de ces types de services donnés. La table de prioritésest définie pour être spécifique à une cellule. Si un équipement d'utilisateurnécessitant un certain type de service est actuellement connecté à une celluledonnée et peut être connecté, par transfert intercellulaire, à plus d'un type decellule, la cellule est choisie conformément à la table de priorités définiepour la cellule dans laquelle l'équipement d'utilisateur est actuellementconnecté. 22. En mode inactif, l'équipement d'utilisateur est allumé mais le canal quitransmet des informations d'utilisateur (par exemple le canal deconversation) n'est pas établi. Le réseau de base, et plus spécifiquementle centre de commutation mobile, connaît la zone de localisation del'équipement d'utilisateur inactif, laquelle zone se compose d'un groupe decellules. En mode inactif, l'équipement d'utilisateur (UE) est domicilié dans unecellule donnée et si l'équipement d'utilisateur inactif se déplace dans le réseau,le contrôleur de réseau radio (RNC) ou le contrôleur de station de base (BSC)sélectionne la nouvelle cellule dans laquelle l'UE sera domicilié. Ceprocessus est appelé sélection de cellule. En mode inactif, l'UE doit écouter lesmessages de recherche émanant du réseau et envoyer au réseau de base uneactualisation de sa zone de localisation. (Paragraphe [0051])23. En mode « connecté », un canal pour transmettre des informationsd'utilisateur est établi. Le réseau de base connaît spécifiquement l'emplacementde la cellule de l'UE et un transfert intercellulaire intervient quand un UEchange de cellule. (paragraphe [0053]) Dans le mode connecté, comme dansle mode inactif, l'UE effectue des mesures (de transfert intercellulaire et desélection de cellule) et les envoie au contrôleur de réseau radio (RNC) ou aucontrôleur de station de base (BSC), lequel décide ensuite à quelle cellule l'UEdoit être associé. (paragraphe [0054] De ce fait, en mode connecté commeen mode inactif, il convient d'effectuer une attribution de cellule, soit pourla sélection de cellule dans le mode inactif, soit pour le transfertintercellulaire dans le mode connecté. (Paragraphe [0052])24. Le paragraphe [0056] présente ensuite une table de priorité (tableau 1 ci-dessous), pour un équipement d'utilisateur connecté, laquelle présente, enordonnée, les différents types de cellules et, en abscisse, les différents types deservices disponibles :25. Le paragraphe [0056] décrit encore un exemple d'attribution de cellule au moyende la table de priorités présentée dans le tableau 1 ci-dessus : Conformémentaux techniques connues de transfert intercellulaire, l'UE renvoie des mesuresde cellules au contrôleur de station de base 18 lequel détermine que troiscellules renvoient des valeurs de mesure qui sont suffisamment bonnes poureffectuer un transfert : une micro-cellule GSM, une micro-cellule EDGE et unemicro-cellule 3GPP. (paragraphe [0057]) Comme l'UE est actuellement connectédans une micro-cellule GSM spécifique, le contrôleur de station de basecompare le type des cellules disponibles à la table de priorités de cettecellule. En référence à cette table (le tableau 1 ci-dessus), le BSC examine lacolonne 5, qui correspond à l'usage de l'équipement en cours (ici interactif 32kbit/s). Cette colonne 5 indique que les trois cellules disponibles pour letransfert intercellulaire correspondent à des cellules ayant des priorités de1 (micro-cellule EDGE), 3 (micro-cellule 3GPP) et 5 (micro-cellule GSM).Sur cette base, la cellule ayant la priorité la plus élevée pour le transfertintercellulaire est donc la micro-cellule EDGE et par conséquent, c'est cettecellule qui est sélectionnée pour le transfert qui s'effectue par l'intermédiaire ducontrôleur de station de base.26. Le tableau 2 correspond à une table de priorité établie pour un équipementd'utilisateur en mode inactif ; il comporte, en ordonnée, les différents types decellules et, en abscisse, les normes que l'équipement peut prendre en charge : 27. Les paragraphes [0062] et suivants récapitulent ensuite l'invention à savoir quel'équipement d'utilisateur effectue des mesures de sélection de cellule (modeinactif) ou de transfert intercellulaire (mode connecté), qu'il envoie au contrôleurde station de base ou au contrôleur de réseau radio, lequel sélectionne alors lacellule cible en utilisant les tables de priorités décrites ci-dessus (mode inactifou mode connecté), en commençant par le type de cellule ayant la priorité la plusélevée dans la colonne correspondant au service recherché (ou à la norme priseen charge en mode inactif) et l'équipement utilisateur est alors connecté à cettecellule (si cette cellule figurait dans le rapport de mesures de l'équipementd'utilisateur). Dans le cas contraire, la priorité suivante est alors sélectionnée et,si aucune des cellules de la liste de priorités ne figure dans le rapport de mesuresde l'équipement d'utilisateur, il n'est pas tenu compte de l'étape d'attributionbasée sur le service et les autres critères de sélection de la meilleure cellule sontappliqués (paragraphes [0021] et [0066] in fine).28. Aux fins de l'invention, le brevet comporte 24 revendications dont seules sontopposées les revendications 1 et 15 suivantes :1. Procédé pour déterminer une attribution de cellule pour un utilisateurdans un réseau sans fil, le réseau comportant une pluralité de types decellules et les utilisateurs ayant au moins l'un d'une pluralité de types deservices, comprenant l'établissement d'une table de priorités comprenant,pour chaque type de service, une priorité pour chaque type de cellule.15. Réseau de communication sans fil comportant une pluralité de typesde cellules pour prendre en charge des utilisateurs ayant au moins l'und'une pluralité de types de services, dans lequel on établit une table depriorités dans laquelle, pour chaque type de service, une priorité estdéfinie pour chaque type de cellule. 2o) Sur la validité du brevet contestée en défenseMoyens des parties29. La société Huawei Technologies France conclut à la nullité manifeste du brevetEP'374. Elle rappelle d'abord que la description et les revendications enseignentune méthode pour l'attribution d'une cellule cible au moyen de l'élaborationd'une table de priorités. Or, elle soutient que l'homme du métier se trouve, à lalecture du fascicule de brevet, qui n'enseigne aucune étape supplémentairesuivant l'établissement de la table de priorités, dans l'incapacité de réaliserl'invention en présence de plusieurs cellules de type et de technologieidentiques. Elle soutient en effet que la description et les exemples ne divulguentque des hypothèses dans lesquelles les cellules sont toutes de types et detechnologies différents, tandis que la société Intellectual Ventures I se dispensede fournir au tribunal la documentation technique appartenant selon elle auxconnaissances générales de l'homme du métier et qui lui permettrait desélectionner une cellule cible parmi plusieurs cellules cibles du même type (tailleet technologie). Elle ajoute que l'argument tiré de mesures complémentairesréalisées par l'équipement d'utilisateur après l'élaboration et l'envoi de la table,à la supposer techniquement envisageable (ce qui n'est selon elle pas le cas)n'est de toutes façons pas décrite par le brevet EP'374.30. La société Huawei Technologies France fait également valoir que le brevet esten tout état de cause dépourvu de nouveauté, au regard notamment du documentUS'581, qui ne se distingue selon elle du brevet EP'374 que par de simplesreprésentations graphiques. Elle soutient en effet que le document US'581enseigne un "organigramme" d'attribution de cellule en fonction des capacitésdu téléphone et de la taille de la cellule, dont elle propose une présentation sousla forme d'un tableau à double entrée, en tous points identiques selon elle à latable de priorité enseignée par le brevet EP'374 lorsque l'équipementd'utilisateur est en mode inactif. Elle précise que la partie allemande du brevetEP'374 a été annulée sur la base de ce document dont les juges allemands ontconsidéré qu'il était destructeur de la nouveauté du brevet.31. Cette société ajoute que, pour le cas où le tribunal ne serait pas convaincu du faitque l'homme du métier serait parvenu à l'élaboration d'une table de priorités enmode connecté au moyen du seul document US 581, il lui suffirait alors deconsidérer que celui-ci aurait nécessairement combiné le document US'581avec la demande PCT noWO 95/07010 publiée le 9 mars 1995 (document Leih),ayant pour titre "Système de communication mobile sélectionnant des domainesdisponibles", et qui divulgue l'établissement d'une liste de "préférences"d'attribution de "domaine" selon le type de services supportés. La sociétéHuawei Technologies France en déduit que, combinant ce document, quienseigne l'établissement d'une table de priorités d'attribution de cellule enfonction du type de services, l'homme du métier serait parvenu à l'inventionrevendiquée, laquelle se trouve ainsi selon elle dépourvue de toute activitéinventive.32. La société SFR déclare faire sienne l'argumentation de la société Huaweitechnologies Franceaux fins d'obtenir l'annulation des revendications opposéesdu brevet EP'374.33. La société Intellectual Ventures I demande quant à elle au tribunal d'écarterl'ensemble des moyens de nullité du brevet EP'374. Elle soutient en premier lieuque le fascicule de brevet ne prétend à aucun moment que l'établissement de latable de priorité soit en lui-même suffisant pour la détermination d'une seule etunique cellule cible. Elle ajoute que dans une hypothèse telle que celle visée parles défendeurs (présence de plusieurs cellules de type et de technologieidentiques), l'opérateur doit réaliser des opérations supplémentaires quel'homme du métier trouverait selon elle aisément dans les techniques connues,lesquelles sont indique-t'elle au demeurant décrites dans le brevet, sous la formed'une mesure, par l'équipement d'utilisateur, de l'intensité des signaux reçusdes cellules transmise par la station de base.34. La société Intellectual Ventures I conclut également à la nouveauté du brevetEP'374 au regard du document US'581. Elle rappelle que ce document est citédans la description au titre de l'état de la technique et que l'OEB a considéréqu'il ne détruisait pas la nouveauté du présent brevet. La société IntellectualVentures I soutient à cet égard que le document US'581 ne divulgue uneattribution de cellule qu'en fonction de la taille de cette cellule et non de satechnologie, non plus que de la fréquence porteuse qu'elle utilise. Elle ajoute quela sélection de cellule enseignée par le brevet US'581 ne s'effectue pas sur labase d'une table de priorités mais selon un parcours, mis en oeuvre au moyend'un algorithme HCS, au sein d'un arbre décisionnel comprenant des tests àréaliser suivant l'ordre des couches défini en fonction des capacités du terminalmobile. Elle en déduit que l'arbre décisionnel enseigné par ce brevet américainn'est pas une table de priorités au sens du brevet EP'374, lequel ne souffred'aucune absence de nouveauté.35. Elle soutient que les autres documents invoqués ne sont pas davantagedestructeurs de nouveauté. Ainsi, le document EP'798 concerne l'établissementd'une table de priorité concernant une unique technologie (GSM ou 2G) ayantdeux fréquences porteuses possibles (GSM 900 et GSM 1800 dite aussi DCS),ce qui ne correspond pas à la pluralité de types de cellules enseignée par lebrevet. La société Intellectual Ventures I ajoute que la sélection opérée par lebrevet EP'798 n'est pas fonction d'une pluralité de types de services au sens dubrevet mais de la vitesse de déplacement de l'équipement d'utilisateur (slow oufast).36. La société Intellectual Ventures I conclut de la même manière à l'absence depertinence du document Leih qui ne concerne que la technologie 2G et nedivulgue aucun réseau comportant une pluralité de types de cellule, mais unréseau mettant en oeuvre deux cellules identiques. Il ne peut dès lors enseignerune table de priorité au sens du brevet EP'374. Le document EP'006 enfin, n'apas le même objet que le présent brevet puisqu'il décrit une procédure detransfert, à l'intérieur d'un réseau dans lequel est progressivement déployé unenouvelle technologie telle que la 3G, d'une unité mobile d'une cellule mettanten oeuvre la technologie 2G vers la cellule plus appropriée. Ce document nedistingue pas les cellules selon leur taille et leur fréquence porteuse, nin'enseigne l'établissement d'une liste de priorités au sens du brevet.37. Selon la société demanderesse, aucun de ces documents, même en lescombinant, n'aurait permis à l'homme du métier de parvenir à l'inventionrevendiquée, laquelle n'avait donc, pour ce dernier, rien d'évident. Appréciation du tribunalá - Sur l'insuffisance de description38. Aux termes de l'article L. 614-12 du code de la propriété intellectuelle, "Lanullité du brevet européen est prononcée en ce qui concerne la France pardécision de justice pour l'un quelconque des motifs visés à l'article 138,paragraphe 1, de la Convention de Munich." Selon l'article 138 "Nullité desbrevets européens" de cette Convention "(1) Sous réserve de l'article 139, lebrevet européen ne peut être déclaré nul, avec effet pour un État contractant,que si : a) l'objet du brevet européen n'est pas brevetable en vertu des articles 52à 57 ;b) le brevet européen n'expose pas l'invention de façon suffisammentclaire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter ;" 39. Il est en outre rappelé que l'article 83 "Exposé de l'invention" de la Conventionprévoit que "L'invention doit être exposée dans la demande de brevet européende façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puissel'exécuter." 40. Ces dispositions sont constamment interprétées en ce sens qu'une invention estsuffisamment décrite lorsque l'homme du métier est en mesure, à la lecture dela description et grâce à ses connaissances professionnelles normales, théoriqueset pratiques, d'exécuter l'invention ( Cass. Com 23 mars 2005, pourvoi no 03-16.532 ; Cass. Com., 20 mars 2007, pourvoi no 05-12.626, Bull. 2007, IV, no89 ; Cass. Com., 13 novembre 2013, pourvoi no 12-14.803, 12-15.449). 41. Le fait que certains éléments indispensables au fonctionnement de l'invention nefigurent ni explicitement dans le texte des revendications ou de la description,ni dans les dessins représentant l'invention revendiquée, n'implique pasnécessairement que l'invention n'est pas exposée dans la demande de façonsuffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter,dès lors que ces éléments indispensables appartiennent à ses connaissancesgénérales (Cass. Com., 23 janvier 2019, pourvois no 17-14.673 et 16-28.322 :dans cette affaire le diagramme fer-carbone, qui fournit avec précision latempérature de fusion des fontes et des aciers en fonction de leur teneur encarbone, a été retenu comme appartenant aux connaissances générales del'homme du métier pouvant compléter les enseignements du brevet).42. L'homme du métier est celui du domaine technique où se pose le problème quel'invention, objet du brevet, se propose de résoudre (Cass. Com., 20 novembre2012, pourvoi no11-18.440). L'objet du brevet EP'374 étant de proposer unetechnique "améliorée" de sélection d'une cellule cible dans un système decommunication sans fil prenant en charge plus d'une norme de communication(cf paragraphe [0011]), il s'agit ici d'un ingénieur spécialiste des technologiesde communication mises en oeuvre dans les réseaux de téléphonie mobile.43. Il est au cas particulier rappelé que "l'invention propose un procédé pourdéterminer une attribution de cellule pour un utilisateur dans un réseausans fil, le réseau comportant une pluralité de types de cellules et lesutilisateurs ayant au moins l'un d'une pluralité de types de services,comprenant l'établissement d'une table de priorités comprenant, pourchaque type de service, une priorité pour chaque type de cellule." (Cfparagraphe [0012] de la description et revdnication 1) Dit autrement, le brevetpropose, en fonction du type de services utilisé par un équipement mobile setrouvant à un moment donné au sein d'une même zone couverte par des cellulesde différents "types", l'attribution d'une cellule, après établissement d'une listede cellules classées par ordre de "priorité".44. Certes, ainsi que le relèvent les sociétés défenderesses, le brevet ne décrit pasl'attribution d'une cellule dans le cas où au moins deux cellules sont de même"type", c'est à dire de même taille et supportant une technologie identique, et quiseraient dès lors classées avec le même ordre de priorité par la table. Dans tousles exemples fournis, les cellules sont en effet toutes de "types" différents.45. Force est toutefois de constater que le fascicule de brevet (paragraphe [0008])rappelle l'art antérieur le plus proche et en particulier le document US'386 quienseigne l'établissement d'une structure hiérarchique de cellule, sur la base dela force du signal de leurs canaux respectifs, et qu' "une décision sur la celluleoffrant la meilleure desserte pour la station mobile (l'équipement d'utilisateur)est prise sur la base à la fois de la valeur préférentielle des cellules associéeset de l'intensité de signal de leurs canaux radio respectifs". 46. Le paragraphe [0021] du brevet EP'374 mentionne en outre l'étape de réalisationdes mesures d'intensité de signal des cellules et de détermination des valeurs deseuil, tandis que la paragraphe [0066] rappelle que dans la situation inverse àcelle évoquée par les sociétés défenderesses (aucune cellule attribuée par la"table" ne figure dans le rapport de mesures de l'équipement d'utilisateur) iln'est pas tenu compte de l'étape d'attribution basée sur le service (enseignée icipar le brevet EP'374 aux fins d'optimisation du réseau) et "on applique lesautres critères de sélection de la meilleure cellule", c'est à dire en fonction,notamment, de la force du signal radio ( US'386).47. Il en résulte que, dans un tel cas, l'homme du métier doit effectivement réaliserune étape supplémentaire de sélection pour parvenir à l'attribution d'une celluledécrite et revendiquée par le fascicule du brevet EP'374, laquelle n'est passpécialement décrite, mais se trouve, ainsi que le fait valoir à juste titre la sociétéIntellectual Ventures I, connue de lui, et au demeurant mentionnée ici au titre del'art antérieur le plus proche (document US'386).48. Il doit en être déduit que le brevet expose l'invention de façon suffisammentclaire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter. Ce grief denullité est donc écarté.â - Sur l'absence de nouveauté49. Il résulte de l'article 54 "Nouveauté" de la Convention sur le brevet européen qu'"Une invention est considérée comme nouvelle si elle n'est pas comprise dansl'état de la technique."50. En application de ces dispositions, l'élément de l'art antérieur n'est destructeurde nouveauté que s'il renferme tous les moyens techniques essentiels del'invention dans la même forme, le même agencement et le mêmefonctionnement en vue du même résultat technique. L'antériorité, qui est un faitjuridique dont l'existence, la date et le contenu doivent être prouvés par tousmoyens par celui qui l'invoque, doit être unique et être révélée dans un documentunique dont la portée est appréciée globalement. 51. Les sociétés défenderesses invoquent à cet égard le document US'581 du 10 juin1997 ayant pour titre "Structures cellulaires hiérarchiques sur mesure dans unsystème de communication", qui propose un procédé de sélection d'une cellule,parmi une pluralité de cellules ayant des zones de service différentes les unes parrapport aux autres, destinée à être utilisée par une unité mobile (revendication1 du brevet US'581), aux fins d'optimisation globale du réseau, une cellule étantattribuée en fonction des caractéristiques du mobile et les fonctionnalités descellules (dernier paragraphe de la partie "arrière-plan de la description). 52. Ce document enseigne en particulier que les cellules sont définies par leur taille(micro, macro,...) et le standard supporté (GSM, GPRS,...) et affectées à une"couche" (layer). Les unités mobiles sont quand à elles affectées à une "couche"en fonction de leur "classe" (c'est à dire en fonction notamment de la normeavec laquelle ils sont compatibles : GPRS, GSM).53. En outre, ainsi que le font valoir à juste titre les sociétés défenderesses, la figure2a de ce brevet US'581 peut être également représentée sous la forme d'une"table de priorités" telle qu'enseignée par le brevet EP'374 (cf les conclusionsde la société Huawei Technologies France no171 page 50 et ci-dessous la figure2a du brevet US'581 et la conversion de cette figure en tableau proposée par lasociété Huawei Technologies France) :54. Le tribunal ne peut donc que constater que le document US'581 enseigne uneattribution de cellule pour un équipement d'utilisateur, dans un réseaucomprenant une pluralité de types de cellules (la revendication, ni d'ailleurs ladescription, ne contenant aucune autre précision qui pourrait amener à laconclusion que la notion de "type" de cellule serait différente dans les deuxdocuments) et les équipements d'utilisateurs ayant l'un au moins d'une pluralitéde types de service (sans davantage de précision tandis que les deux documentsenvisagent exactement le même exemple en fonction de la norme supportée parle mobile), et comprenant l'établissement d'une liste de priorités comprenantpour chaque type de service, une priorité pour chaque type de cellule.55. En définitive, les documents ne se distinguent que par une étape de "découpage"supplémentaire du procédé (l'établissement d'une "table"), étape qui en elle-même n'apporte rien à l'invention qui dans les deux cas consiste à attribuer,pour chaque type de service, une priorité pour chaque type de cellule.56. Il en résulte que le brevet US'581 renferme tous les moyens techniquesessentiels de l'invention dans la même forme, le même agencement et le mêmefonctionnement, en vue du même résultat technique. Le moyen de nullité tiré dudéfaut de nouveauté des revendications 1 de procédé et 15 de dispositif (en tous points identique à l'exclusion de la "table") du brevet EP'374 doit donc êtreaccueilli.57. L'annulation des revendications opposées 1 et 15 du brevet EP'374 prive defondement les demandes au titre de la contrefaçon (communication d'élémentssous astreinte, paiement d'une provision de 30 millions d'euros, publication dujugement), qui ne peuvent dès lors qu'être rejetées, sans qu'il y ait lieud'examiner les autres moyens de nullité du brevet.58. Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, la sociétéIntellectual Ventures I sera condamnée aux dépens, ainsi qu'à payer à la sociétéBouygues Télécom la somme de100.000 euros sur le fondement de l'article 700du code de procédure civile, et celle de 200.000 euros à la société HuaweiTechnologies France au même titre.59. Nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire, l'exécution provisoire seraordonnée, sauf en ce qui concerne la transcription au Registre National desBrevets. PAR CES MOTIFS,Le tribunal,DIT que les revendications 1 et 15 de la partie française du brevet EP1 327 374 sont nulles pour insuffisance de description ;ORDONNE, à l'initiative de la partie la plus diligente, la transmission de laprésente décision, une fois passée en force jugée, à l'INPI aux fins d'inscriptionau Registre National des Brevets ;REJETTE par conséquent toutes les demandes fondées sur la contrefaçon dece brevet ;CONDAMNE la Société Intellectual Ventures I aux dépens et autorise MaîtresAbello et Desrousseaux à recouvrer directement ceux dont ils auraient faitl'avance sans avoir reçu provision conformément aux dispositions de l'article699 du code de procédure civile ;CONDAMNE la société Intellectual Ventures I à payer à la société SFR lasomme de 100.000 euros par application des dispositions de l'article 700 ducode de procédure civile et celle de 200.000 euros à la société HuaweiTechnologies France sur le même fondement ;ORDONNE l'exécution provisoire de la présente décision, sauf en ce quiconcerne sa transcription au Registre National des Brevets. Fait et jugé à Paris le 08 novembre 2022.La Greffière La Présidente | x |
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JURITEXT000047324633 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/32/46/JURITEXT000047324633.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 18 novembre 2022, 20/00616 | 2022-11-18 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 20/00616 | CT0087 | TRIBUNALJUDICIAIREDE PARIS 3ème chambre2ème section No RG 20/00616 No Portalis 352J-W-B7E-CRPNF No MINUTE : Assignation du :14 Janvier 2020 JUGEMENT rendu le 18 Novembre 2022 DEMANDERESSE Madame [Y] [X] épouse [K][Adresse 2][Localité 10] représentée par Maître Thibault LENTINI de l'AARPI ARENAIRE AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #G252 DÉFENDEURS S.A.R.L. GALERIE D'ART CASTIGLIONE[Adresse 3] [Localité 4] représentée par Maître Maryse CASSAN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D1495 Monsieur [S] [J][Adresse 1][Localité 5] représenté par Maître Constance DELACOUX, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #G0804 COMPOSITION DU TRIBUNAL Madame Irène BENAC, Vice-PrésidenteMme Elodie GUENNEC, Vice-présidenteMonsieur Arthur COURILLON-HAVY, Juge assisté de Monsieur Quentin CURABET, Greffier DÉBATS A l'audience du 23 Septembre 2022 tenue en audience publique devant Irène BENAC et Arthur COURILLON-HAVY, juges rapporteurs, qui sans opposition des avocats ont tenu seuls l'audience, et après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile. Avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 18 Novembre 2022. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe ContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE Mme [Y] [X], épouse [K], se présente comme une sculptrice, auteure notamment d'une série de sculptures dénommées "Baby Bouddha" en 2008 et d'une sculpture dénommée "Lapin Doudou", en septembre 2012. La SARL Galerie d'art Castiglione, immatriculée au RCS de Paris depuis le 6 janvier 1977 et dont le gérant est M. [V] [Z], a pour activité l'achat et la vente d'objets d'art, notamment dans ses neuf galeries [V] [Z].Elle a exposé et vendu certaines sculptures de Mme [K], parmi lesquelles 7 exemplaires en bronze de 2,20 mètres de la sculpture Lapin Doudou et 24 exemplaires de 38 centimètres de deux déclinaisons de Baby Bouddha, réalisés en Thaïlande en 2013 et 2014. M. [S] [J] se présente comme un peintre-sculpteur, auteur notamment d'une sculpture "Lapin qui court" en 2015. Il indique avoir créé en 2008 une société thaïlandaise nommée [J]bronze Co. Ltd dont il a été, jusqu'à sa retraite, artiste designer salarié. Soutenant que la SARL Galerie d'art Castiglione avait fait éditer et mis en vente, d'une part, des sculptures Lapin Doudou en laiton (et non en bronze) et Baby Bouddha d'une qualité d'exécution médiocre et, d'autre part, des sculptures contrefaisant son Lapin Doudou, signées de M. [J], Mme [K], après une vaine tentative d'accord amiable, a fait procéder à une saisie-contrefaçon au sein de la galerie [V] [Z] de [Localité 12] le 19 décembre 2019. Par acte du 14 janvier 2020, Mme [K] a assigné M. [J] et la SARL Galerie d'art Castiglione devant le tribunal judiciaire de Paris en réparation de ses préjudices résultant des atteintes à ses droits d'auteur sur les sculptures Lapin Doudou et Baby Bouddha. Par ordonnance du 17 décembre 2021, le juge de la mise en état a rejeté les fins de non-recevoir soulevées par M. [J] tirées du défaut de qualité à agir de Mme [K] et de son propre défaut de qualité à défendre à la demande incidente de la SARL Galerie d'art Castiglione et condamné M. [J] à payer à Mme [K] la somme de 3.000 euros en réparation de son préjudice moral du fait du caractère dilatoire de l'incident. Dans ses dernières conclusions signifiées le 23 décembre 2021, Mme [K] demande au tribunal, au visa des articles L.111-1 et suivants, L.121-1 et suivants, L.122-1 et suivants, L.122-4 et L.331-1-4 du code de la propriété intellectuelle, de : - rejeter la demande de nullité de la saisie-contrefaçon formée par la SARL Galerie d'art Castiglione ; - condamner la SARL Galerie d'art Castiglione à lui payer la somme 50.000 euros en réparation de l'atteinte à son droit moral sur son oeuvre Lapin Doudou, du fait de la fabrication, de l'offre à la vente et de la vente de sculptures défectueuses et présentée à tort comme étant en bronze ; - condamner la SARL Galerie d'art Castiglione à lui payer la somme 50.000 euros en réparation de l'atteinte à son droit moral sur son oeuvre Baby Bouddha, du fait de la fabrication, de l'offre à la vente et de la vente de sculptures de qualité médiocre ; - condamner solidairement la SARL Galerie d'art Castiglione et M. [J] à lui payer : - la somme 170.000 euros en réparation de l'atteinte à ses droits patrimoniaux d'auteur, - la somme 30.000 euros en réparation de son préjudice moral, - la somme 50.000 euros en réparation de l'atteinte à son droit moral,du fait des actes de contrefaçon de son oeuvre Lapin Doudou ; - faire interdiction à la SARL Galerie d'art Castiglione et à M. [J] de fabriquer, d'exposer, d'offrir à la vente et de vendre la sculpture litigieuse contrefaisante sous astreinte définitive de 10.000 euros par infraction constatée, à compter de la signification de la décision à intervenir ;- ordonner le rappel des circuits commerciaux et la destruction dans le délai d'un mois à compter de la signification de la décision à intervenir sous astreinte de 500 euros par jour de retard de la totalité des sculptures grand Lapin Doudou défectueuses, la totalité des sculptures Baby Bouddha de qualité médiocre et la totalité des sculptures contrefaisantes de la sculpture Lapin Doudou ; - dire que le tribunal judiciaire de Paris sera compétent pour connaître de la liquidation des astreintes qu'il aura ordonnées ; - ordonner la publication dans cinq journaux et sur la page d'accueil du site Internet de M. [J] aux frais des défendeurs de la décision rendue ;- condamner solidairement la SARL Galerie d'art Castiglione et M. [J] aux dépens (comprenant les frais de saisie-contrefaçon) qui seront recouvrés par Me Thibault Lentini, avocat, conformément à l'article 699 du code de procédure civile, et à lui payer la somme de 28.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; - rejeter la demande formée par M. [J] sur le fondement de la procédure abusive. Dans ses dernières conclusions signifiées le 13 janvier 2022, la SARL Galerie d'art Castiglione demande au tribunal, au visa des articles L. 111-1 et suivants, L. 121-1 et suivants, L. 122-4, L. 331-3-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle et 1156, 1231, 1240, 1302-1 et 1998 du code civil, de : A titre principal : - débouter Mme [K] de l'intégralité de ses demandes à son encontre, - débouter M. [J] de l'intégralité de ses demandes,- annuler la saisie-contrefaçon du 19 décembre 2020 et en donner mainlevée, A titre reconventionnel : - à titre principal, condamner M. [J] à lui payer la somme de 67.450 euros en remboursement des sommes payées pour la fonte des 7 Lapin Doudou défectueux, ainsi que la somme 100.000 euros réglée à la galerie RJD Gallery au titre des préjudices causés par la vente de deux Lapin Doudou défectueux ; - à titre subsidiaire, condamner M. [J] au remboursement de la somme de 167.450 euros en vertu de la théorie du mandat apparent, ainsi que de la double confusion de patrimoine et de dénomination avec "[J] Bronze",- à titre infiniment subsidiaire, condamner M. [J] au remboursement de la somme de 67.450 euros au titre de la répétition de l'indu, En tout état de cause : - condamner solidairement Mme [K] et M. [J] à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et l'intégralité des dépens. Dans ses dernières conclusions signifiées le 20 janvier 2022, M. [J] demande au tribunal, au visa des articles 122 du code de procédure civile, L. 112-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle et 1353 du code civil, de : A titre principal : - débouter Mme [K] de l'ensemble de ses demandes formulées à son encontre en l'absence de protection par le droit d'auteur du Lapin Doudou, A titre subsidiaire :- débouter Mme [K] de l'ensemble de ses demandes formulées à son encontre pour absence de caractère contrefaisant du Lapin qui court par rapport au Lapin Doudou, A titre principal :- le mettre hors de cause,- débouter la SARL Galerie d'art Castiglione de ses demandes à son encontre, A titre subsidiaire : - débouter la SARL Galerie d'art Castiglione de ses demandes à son encontre, en l'absence de preuve tant d'une défectuosité que de son origine, En tout état de cause : - condamner Mme [K] à lui payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son action abusive,- condamner solidairement Mme [K] et la société SARL Galerie d'art Castiglione à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. Pour un exposé complet de l'argumentation des parties il est renvoyé à leurs dernières conclusions précitées, conformément à l'article 455 du code de procédure civile. L'ordonnance de clôture a été rendue le 17 février 2022. MOTIVATION Les demandes des parties de "dire et juger" ne sont pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile mais constituent en réalité le rappel des moyens invoqués ; en conséquence, elles ne sont pas rappelées dans le résumé des demandes et le tribunal ne statuera pas sur celles-ci. I . Sur la sculpture "Lapin Doudou" 1 . Sur la qualité d'oeuvre protégée Moyens des parties Mme [K] fait valoir que la notion d'oeuvre au sens de l'article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle ne recoupe pas celle, plus restrictive, d'oeuvre d'art au sens du code général des impôts et que la notion d'oeuvre originale au sens de l'article L. 122-8 du code de la propriété intellectuelle est distincte de celle d'exemplaire original.Elle justifie l'originalité de la sculpture Lapin Doudou dans les termes suivants : "ces sculptures Lapin Doudou évoquant un lapin en peluche mais nettement plus grandes que la taille réelle d'une peluche (la version la plus grande atteignant 2,20 mètres) (...) le paradoxe produit par la représentation en grande taille de cet objet intime, normalement toujours de petite taille car à destination des enfants. Les yeux figurent un regard à la fois affectueux et étonné. Ils sont matérialisés par deux disques en relief, pour affirmer le regard, et apposés sur un visage ovale totalement lisse. L'extrémité basse du visage figure le museau par une forme ovale. Les oreilles, longues et fines, s'élargissent au fur et à mesure pour former en leur extrémité une masse oblongue. Elles comportent une brisure en leur début, peu après la tête, de sorte que les oreilles retombent vers le dos du lapin. Le lapin se tient debout, très droit, comme sur la pointe des pieds, ce qui produit une nette sensation de verticalité. Il adopte une posture humaine. Les bras sont tendus, en retrait du buste. Le buste est élancé et adopte la forme schématisée d'un buste humain. Les jambes sont courtes et aboutissent sur des longs pieds de forme oblongue. La sculpture est lisse et monochrome. L'aspect lisse de la sculpture est une invitation à caresser l'objet pour créer une intimité avec lui, comme pour l'enfant avec sa peluche. La forme générale des terminaisons (pattes, bras, mains, oreilles) est arrondie, afin de produire un effet de douceur. Cet effet de douceur est renforcé par l'aspect totalement lisse de la sculpture et son caractère monochrome". La SARL Galerie d'art Castiglione fait valoir que la description de l'oeuvre correspond au genre "bestiaire monochrome", qui n'est pas protégeable au titre du droit d'auteur. M. [J] soutient que, en application du code général des impôts et de l'article 122-8 du code de la propriété intellectuelle, le nombre des reproductions du Lapin Doudou, dépassant 8, empêche sa qualification d'oeuvre d'art et celle d'oeuvre originale et que le Lapin Doudou, tel que décrit par Mme [K], n'a que des caractéristiques banales et usuelles pour représenter un lapin. Réponse du tribunal L'article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que l'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création et dès lors qu'elle est originale, d'un droit de propriété incorporelle exclusif comportant des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial. L'originalité de l'oeuvre, qu'il appartient à celui invoquant la protection de caractériser, suppose qu'elle soit issue d'un travail libre et créatif et résulte de choix arbitraires révélant la personnalité de son auteur.La reconnaissance de la protection par le droit d'auteur ne repose donc pas sur un examen de l'oeuvre invoquée par référence aux antériorités produites, même si celles-ci peuvent contribuer à l'appréciation de la recherche créative.L'originalité de l'oeuvre peut résulter du choix des couleurs, des dessins, des formes, des matières ou des ornements mais également, de la combinaison originale d'éléments connus. La protection du droit d'auteur bénéficie à toute oeuvre originale.Il est indifférent que celle-ci soit une oeuvre d'art au sens du code général des impôts.Elle n'est pas plus limitée aux exemplaires originaux des oeuvres graphiques ou plastiques dont l'article 122-8 du code de la propriété intellectuelle réglemente le droit de suite. Les défendeurs font observer à juste titre que la représentation sculpturale du lapin, surdimensionné, fortement stylisé, monochrome et traité en matériaux lisses, est courante dans l'art depuis le XXème siècle. Cela n'exclut pas l'originalité d'oeuvres appartenant à ce genre, qui s'apprécie au cas par cas. S'agissant du Lapin Doudou, Mme [K] a choisi de représenter non pas un lapin mais un objet transitionnel destiné aux petits enfants, le doudou, caractérisé par des formes simples, non articulées et dépourvues de détails figuratifs.Il s'agit d'un objet et non d'un animal, réalisé en très grand format.Elle lui a aussi donné une posture inattendue, en élongation verticale, qui le distingue à la fois des doudous et des lapins qui l'inspirent. Les caractéristiques de cette sculpture, à savoir : - la représentation surdimensionnée d'un objet intime destiné aux enfants,- prenant la forme d'un lapin à silhouette humanoïde en posture verticale,- des formes simples, arrondies, douces et lisses, sans détails figuratifs, à l'exception des yeux, - des membres à peine ébauchés et des oreilles sans aucun détail retombant sur le dos du lapin après une brisure,- la monochromie (rouge, blanc ou chocolat),ne sont ni banales, ni usuelles pour représenter tant un doudou qu'un lapin. La sculpture Lapin Doudou résulte de choix esthétiques et d'un travail créatif propres de Mme [K]. Elle doit donc bénéficier de la protection par le droit d'auteur. 2 . Sur la qualité d'auteur Moyens des parties Mme [K] fait valoir que :- elle est auteur pour avoir imaginé la sculpture et réalisé des maquettes avant de faire exécuter un moule et tirer des exemplaires ;- la qualité d'auteur n'est pas soumise à la preuve d'être à l'origine du moulage du premier exemplaire de l'oeuvre et, en toute hypothèse, ce premier moulage a été fait sous sa direction ;- les oeuvres ont été divulguées sous son nom de sorte qu'elle bénéficie de la présomption de l'article L. 113-1 du code de la propriété intellectuelle . M. [J] fait valoir que Mme [K] ne rapporte pas la preuve de sa qualité d'auteur du premier exemplaire, qui a été réalisé par la SARL Fathec. Réponse du tribunal L'article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que : "L'oeuvre est réputée créée, indépendamment de toute divulgation publique, du seul fait de la réalisation, même inachevée, de la conception de l'auteur." et aux termes de l'article L. 113-1 du même code "La qualité d'auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l'oeuvre est divulguée." Mme [K] verse aux débats plusieurs factures à partir du 25 septembre 2012 portant sur la réalisation de moules de la sculpture "doudou lapin" ou "lapin" dans divers formats ainsi que du coulage et de la peinture des pièces. Elle produit aussi des catalogues à son nom faisant figurer le Lapin Doudou et des attestations, démontrant que cette oeuvre est divulguée exclusivement sous son nom. Mme [K] est donc titulaire du droit d'auteur sur cette sculpture. 3 . Sur l'atteinte au droit moral par les reproductions défectueuses Moyens des parties Mme [K] fait grief à la SARL Galerie d'art Castiglione d'avoir fait réaliser et mis en vente des reproductions de mauvaise qualité, en laiton et non en bronze conduisant à ce qu'elles, "se fissurent et se détériorent au contact des intempéries" sans le révéler préalablement aux clients de sorte que "son oeuvre Lapin Doudou est ainsi détériorée aux yeux du public". Elle fait valoir que les exemplaires en grande taille de son Lapin Doudou ont été réalisés à l'initiative de la SARL Galerie d'art Castiglione, qui en est maître d'ouvrage, par un prestataire qu'il a choisi et rémunéré, et que, de l'aveu même de la SARL Galerie d'art Castiglione, 5 des 7 exemplaires coulés ont dû être remplacés ce qui démontre leur caractère défectueux, également établi par les photographies envoyées par la galerie RDJ Gallery. La SARL Galerie d'art Castiglione fait valoir que- les reproductions ont été faites à partir d'une pièce originale que Mme [K] a envoyée en Thaïlande à ses frais et sous sa supervision ;- elle a appris, en même temps que l'artiste, que les reproductions étaient en laiton, métal qu'il n'est pas aisé de différencier du bronze car ce sont tous deux des alliages de cuivre ;- Mme [K] a quand même signé deux exemplaires de ces sculptures, les sachant en laiton,- elle a pris en charge l'indemnisation des clients ayant acheté des sculptures dégradées et un seul des sept exemplaires est encore chez un client ; - les oeuvres en bronze coulées en Italie présentent aussi des dégradations de surface ;- l'absence de cote de Mme [K] au marché de l'art justifie de ne pas lui reconnaître une atteinte à son droit moral. M. [J] souligne que les prétendues défectuosité de ces lapins ne sont pas prouvées et ne reposent que sur les déclarations de M. [H], sans aucune expertise. Il précise que des fissures peuvent avoir de multiples causes, et notamment des chocs, et que toutes les parties connaissaient les particularités du "bronze thaï". Réponse du tribunal L'article L.121-1 du code de la propriété intellectuelle prévoit : "L'auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son oeuvre." Le respect de l'oeuvre implique qu'elle ne soit ni altérée ni déformée, conditions qui s'apprécient en fonction notamment de la destination de l'oeuvre.La réalisation de l'oeuvre dans un matériau inadapté ou ne permettant pas d'assurer son intégrité est susceptible d'affecter le droit moral de l'auteur s'il l'altère ou la dénature. Les pièces du dossier démontrent que la reproduction du Lapin Doudou dans le format 2,20 mètres par une entreprise thaïlandaise a été commandée sans aucun formalisme contractuel. Ni la SARL Galerie d'art Castiglione, ni Mme [K] n'ont formulé de spécifications particulières quant à la réalisation du modèle à la cire, du moule, de la composition du matériau de coulage et du traitement des finitions. Sur le plan technique, Mme [K] a envoyé une de ses propres réalisations dans le format 1,60 mètres et a donné des instructions à M. [J] pour l'agrandissement du modèle et la réalisation du moule en visioconférence, mais aucune quant au matériau à utiliser, ni aux exigences de durabilité, notamment en cas de conservation en plein air. A l'issue, elle a validé la réalisation ainsi qu'en témoignent les termes de son courriel du 5 octobre 2013 à M. [J] : "La sculpture est validée. Merci beaucoup pour ton travail." (pièce 46 de M. [J]). S'agissant du matériau, il est constant que les sept exemplaires de 2,20 mètres du Lapin Doudou ont été réalisé en laiton, alors que leur facturation, les 9 août 2013 et 28 octobre 2014, est intitulée "bronze sculpture" et mentionne des "sculptures originales en bronze". Les courriels échangés entre Mme [K] et la SARL Galerie d'art Castiglione montrent que toutes deux savaient, au plus tard le 15 avril 2015, que les sculptures étaient en laiton. En effet, dans son courriel de cette date, Mme [K] indique qu'elle préfère faire couler les pièces moyennes et petites en Italie "c'est le même prix qu'[S], voire peut-être moins cher et c'est à 4 heures de [Localité 10], c'est du bronze pas du laiton" et elle n'a fait aucune réserve sur ce point. Ces éléments démontrent que le choix de couler les statues en laiton et la qualité du résultat final permettant la mise en vente ont été validés par Mme [K] aussi bien que par la SARL Galerie d'art Castiglione. Dans ces conditions, Mme [K] est mal fondée à le reprocher à la SARL Galerie d'art Castiglione. Trois ans plus tard, le 25 avril 2018, Mme [K] a écrit à la SARL Galerie d'art Castiglione : "Des clients m'ont contacté pour se plaindre de leurs sculptures, me demandant d'intervenir, de réparer leurs lapins, qu'il m'est impossible d'identifier numérotage etc. Ils m'indiquent que les sculptures se sont abîmées. Cette fabrication est décidément un mauvais choix, quand tu m'as annoncé que ce n'était pas du bronze mais du laiton et quand on voit tous les problèmes que cela occasionne. La sculpture est belle, mais d'avoir choisi des matériaux de mauvaise qualité, cela finit par coûter plus cher en fin de course plus que le bronze. Si cela jette le discrédit sur mon propre travail et me décrédibilise, ce n'est pas ce qui m'inquiète le plus, c'est l'état des sculptures chez les clients." et le 16 juillet 2019, son conseil en a demandé le retrait. L'étendue et la gravité des défauts de ces statues ressort d'un courriel du 1er juin 2018 de M. [H], directeur de la galerie RJD Gallery ayant acheté, le 28 janvier 2017 "two original sculptures by artist Veronique [K] (...) Media : BRONZE painted in white" indiquant que les deux lapins se fissurent et comportent beaucoup de petites fractures comme si ces sculptures avaient été faites en morceaux et non moulée, assorti de quelques photographies en gros plan des fissures. La SARL Galerie d'art Castiglione indique elle-même dans ses conclusions qu'elles a dû rembourser ces deux sculptures et que la troisième vendue a dû être remplacée, sans préciser les causes de ce remplacement. Dès lors, s'il apparaît que les sculptures sont altérées, il n'est pas établi que les dégradations résultent de la fabrication en laiton plutôt qu'en bronze, ni en quoi elles seraient imputables à la SARL Galerie d'art Castiglione. Mme [K] ne saurait donc reprocher à cette dernière d'avoir porté atteinte à son droit moral d'auteur. La facture de vente de deux exemplaires du grand Lapin Doudou de la SARL Galerie d'art Castiglione à la galerie RJD du 28 janvier 2017 indique "two original sculptures by artist Veronique [K] (...) Media : BRONZE painted in white" (pièce 9.3 de Mme [K]), ce qui démontre que la SARL Galerie d'art Castiglione a vendu ces sculptures comme du bronze (bronze) à cette galerie américaine alors qu'elle savait qu'elles étaient en laiton (brass). Si cette indélicatesse était susceptible d'entacher la réputation de probité de Mme [K], elle n'a pas altéré ou dénaturé la représentation de son oeuvre qu'elle a toujours jugé très belle, et n'a pas porté atteinte à son droit moral. Il y a lieu de débouter Mme [K] de l'ensemble de ces demandes au titre de son droit moral sur son oeuvre Lapin Doudou. 4 . Sur la contrefaçon par le Lapin qui court de M. [J] Moyens des parties Mme [K] soutient que :- la sculpture "Lapin qui court" signée [J] exposée, offerte à la vente et vendue par la SARL Galerie d'art Castiglione constitue une adaptation non autorisée, et donc la contrefaçon de sa sculpture Lapin Doudou ; - la contrefaçon s'apprécie selon les ressemblances et non les différences ; - les différences entre la sculpture lapin de M. [J] et sa sculpture lapin Doudou (l'une est en mouvement et l'autre immobile) sont insignifiantes et n'écartent pas l'impression d'ensemble identique dégagée par les ressemblances de "la forme ovale du visage et les deux disques sobres figurant les yeux sur un visage totalement lisse" la forme générale des oreilles, des bras, du buste et des jambes, les extrémités arrondies, la position "debout sur la pointe des pieds", l'aspect général "lisse et monochrome" et le grand format de réalisation ; - elle déclinait le Lapin Doudou dans d'autres sculptures de sorte que le Lapin qui court semblait s'inscrire dans ce mouvement ;- M. [J] a réalisé cette pièce, très différente du reste de sa production, immédiatement après avoir travaillé sur son Lapin Doudou et les deux oeuvres, dans le même coloris blanc, ont été présentées ensemble dans la galerie [V] [Z] de [Localité 6] en janvier 2016, puis le Lapin qui court seul à [Localité 12] ;- en fabricant, en offrant à la vente et en vendant la sculpture Lapin qui court signée [J], la SARL Galerie d'art Castiglione et M. [J] portent atteinte à ses droits patrimoniaux et moraux d'auteur sur son oeuvre Lapin Doudou. La SARL Galerie d'art Castiglione soutient que :- le Lapin qui court d'[S] [J] ne contrefait pas le Lapin Doudou en l'absence de reprise des éléments caractéristiques portant l'empreinte de la personnalité de Mme [K] que sont la forme du visage, des yeux, des oreilles et des membres ;- le bestiaire monochrome aux formes simplifiées relève d'un genre que Mme [K] ne saurait revendiquer ;- il n'existe aucun risque de confusion. M. [J] fait valoir que le seul point commun des deux sculptures est qu'elles sont inspirées d'un lapin, mais l'une est une peluche et l'autre un lapin anthropomorphe. De plus, les yeux et les oreilles sont bien différents, de même que les proportions du corps (les cuisses sont charnues et musclées, les fesses galbées) et il y a une queue. Enfin, la posture du Lapin qui court est dynamique tandis que le Lapin Doudou est inerte. Réponse du tribunal En application des dispositions des articles L122-1 et L122-4 du code de la propriété intellectuelle, le droit d'exploitation appartenant à l'auteur comprend le droit de représentation et le droit de reproduction, et toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l'adaptation ou la transformation, l'arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque. La contrefaçon d'une oeuvre protégée par le droit d'auteur, qui n'implique pas l'existence d'un risque de confusion, consiste dans la reprise de ses caractéristiques reconnues comme étant constitutives de son originalité.La contrefaçon s'apprécie selon les ressemblances et non d'après les différences. Elle ne peut toutefois être retenue lorsque les ressemblances relèvent de la reprise d'un genre et non de la reproduction de caractéristiques spécifiques de l'oeuvre première. La SARL Galerie d'art Castiglione a commandé à M. [J], qui venait de réaliser la reproduction de 2,20 m du Lapin Doudou de Mme [K], une sculpture Lapin qui court (en 4 exemplaires de 2,40 mètres et 6 exemplaires de 1,20 mètres).Elle a ensuite exposé cette sculpture en décembre 2015 dans sa galerie de [Localité 6], avec un exemplaire du Lapin Doudou dans le même coloris mais non le même format, et en novembre 2019 dans sa galerie de [Localité 12]. La sculpture Lapin qui court de M. [J] présente des ressemblances avec la sculpture Lapin Doudou : le sujet du lapin plus ou moins humanoïde, sa taille, son traitement lisse et monochrome en blanc, rouge ou chocolat et l'absence de détails figuratifs à l'exception des yeux, soit certains des traits retenus supra pour caractériser l'originalité de l'oeuvre mais dont deux sont typiques du genre bestiaire monochrome. Toutefois, le Lapin Doudou est figuré comme un objet - inerte - dont la position verticale est paradoxale au regard de ses membres inférieurs fléchis et ses pieds superposés, tandis que le Lapin qui court représente une créature en mouvement, animée. De plus, le Lapin Doudou présente une forme humanoïde à peine ébauchée, sans queue, sans articulation des bras avec des membres inférieurs très courts et des oreilles sans aucun détail alors que les oreilles du Lapin qui court sont creusées, ses coudes, ses poignets et ses membres inférieurs sont bien marqués, notamment les cuisses et les fesses, et il porte une queue. Le Lapin qui court est donc dépourvu de trois des caractéristiques essentielles (représentation d'un objet inerte, aux formes à peine ébauchées et aux oreilles tombantes) dont la combinaison a été jugée originale. Enfin, si Mme [K] avait effectivement représenté le Lapin Doudou dans plusieurs autres sculptures auparavant, elle n'invoque pas la contrefaçon de ces autres oeuvres.En toute hypothèse, le tribunal observe que, dans ces autres représentations, le doudou lapin n'était ni animé, ni plus détaillé, ni surdimensionné, mais apparaissait seulement en tant que jouet entre les mains d'enfants. Il y a donc lieu de rejeter toutes les demandes de Mme [K] relatives à la contrefaçon de son oeuvre par celle de M. [J], tant à titre de dommages et intérêts que les mesures d'interdiction et de publication du jugement. La demande de la SARL Galerie d'art Castiglione à la fois d'annuler la saisie-contrefaçon du 19 décembre 2020 et d'en donner mainlevée n'est aucunement motivée.Or, aucun grief de nullité n'entache la mesure et sa mainlevée est sans objet, s'agissant d'une saisie-contrefaçon descriptive.Il y a donc lieu de rejeter ces demandes. II . Sur la série de sculptures Baby Bouddha 1 . Sur l'originalité Moyens des parties Mme [K] fait valoir que la notion d'oeuvre originale au sens du code de la propriété intellectuelle est distincte de celle d'exemplaire original.Elle justifie l'originalité de la série de sculptures "Baby Bouddha" dans les termes suivants : "cette sculpture reprend les formes rondes des bouddhas japonais (en particulier concernant le crâne, les yeux, le nez et le buste) afin de donner une impression de douceur, de bonté et de sagesse et les mélange avec la forme générale d'un bébé (dont on retrouve l'aspect joufflu, ainsi que les petits pieds et les petites mains dépassant de la tunique) (...) : le bouddha (symbole d'expérience, de sagesse et de savoir) se retrouve dans le corps d'un bébé (par définition inexpérimenté, fragile et vierge de toute connaissance) (...) Ces sculptures Baby Bouddha étaient déclinées en différentes attitudes (dormant, souriant, en position du lotus, distrait)" La SARL Galerie d'art Castiglione soutient que la sculpture Baby Bouddha ne se distingue pas des multiples sculptures de bébés Bouddha vendues sur Internet, de même forme et même posture, ni des jizos japonais qui l'inspirent, et ne porte pas d'empreinte de créativité propre à l'artiste, de sorte qu'elle est dépourvue d'originalité. Réponse du tribunal L'article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que l'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création et dès lors qu'elle est originale, d'un droit de propriété incorporelle exclusif comportant des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial. La SARL Galerie d'art Castiglione souligne à juste titre que la représentation sculpturale de bébés Bouddah aussi bien que de Jizô, Bouddha protecteur, est courante. Cela n'exclut pas l'originalité d'oeuvres appartenant à ces genres, qui s'apprécie au cas par cas. S'inspirant de statuettes de Jizô observées au Japon, Mme [K] a choisi de représenter fidèlement un bébé assis, enveloppé dans un manteau ne laissant voir que ses pieds et ses mains aux doigts croisés, et dont la physionomie et le léger sourire évoquent la douceur, la bonté et la sagesse. Le corps est traité sans autres détails que les doigts et les orteils tandis que le visage détaille les yeux, le nez, la bouche et les oreilles. L'ensemble est monochrome et réalisé dans des matériaux lisses. La série de sculptures Baby Bouddha représente un bébé, et non un Bouddha auquel il emprunte seulement l'expression de sérénité et de bonté, dans différentes attitudes (orientation de la tête, yeux ouverts ou fermés et jambes plus ou moins fléchies) mais conservant la même position du corps et des bras, assise et stable, et s'inscrivant dans un volume identique. Ces caractéristiques traduisent une source d'inspiration ayant guidé des choix arbitraires, lesquels portent l'empreinte personnelle de leur créatrice. Mme [K] fait justement valoir que les différents exemples de bébés Bouddha et de Jizô présentés en défense sont très différents en ce que les têtes de bébé sont disproportionnées aux corps, leurs positions ne sont pas celles d'un bébé, leurs pieds ne sont pas représentés et leurs dos sont différents. De plus, aucun ne présente l'aspect lisse et coloré de la série Baby Bouddha. Ces différences avec les différentes représentations de bébés Bouddha et de Jizô versées aux débats démontrent de plus fort l'existence de choix esthétiques propres à Mme [K]. La série de sculptures Baby Bouddha, et particulièrement ses déclinaisons baby distracting et baby king doit donc bénéficier de la protection par le droit d'auteur. 2 . Sur l'atteinte au droit moral Moyens des parties Mme [K] fait grief à la SARL Galerie d'art Castiglione d'avoir fait réaliser et mis en vente des reproductions de mauvaise qualité de l'oeuvre Baby Bouddha dans ses déclinaisons baby king et distracting baby et présentant des défauts par rapport au modèle : "les doigts des mains sont effacés, les yeux sont absents et sans pupille, les oreilles sont écrasées, le nez a perdu le volume de ses narines et le dessin en relief de la bouche est effacé", portant atteinte à son droit moral sur cette oeuvre. Elle soutient que la réalisation des 24 exemplaires de ses sculptures Baby Bouddha a été réalisé à l'initiative de la SARL Galerie d'art Castiglione, qui en est maître d'ouvrage, par un prestataire qu'il a choisi et rémunéré et que ces exemplaires ont été commercialisés malgré ses réserves et offres de reprise.Elle évalue son préjudice à 50.000 euros. La SARL Galerie d'art Castiglione conteste le défaut de qualité allégué. Elle ajoute que la comparaison est faite entre un modèle en résine et un moulage en bronze, nécessairement moins précis.Elle fait valoir que les reproductions ont été faites à partir d'une pièce originale que Mme [K] a envoyée en Thaïlande à ses frais et sous sa supervision, qu'elle pouvait assurer elle-même les finitions comme c'est l'usage et qu'elle ne s'est pas opposée à leur vente. Réponse du tribunal L'article L.121-1 du code de la propriété intellectuelle prévoit : "L'auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son oeuvre."Le respect de l'oeuvre implique qu'elle ne soit ni altérée ni déformée. Il n'est pas contesté que l'auteur de cette oeuvre est Mme [K].La notoriété de l'artiste est sans incidence sur l'étendue à la protection par le droit d'auteur. Mme [K] avait été d'emblée très réticente à faire réaliser ces petites sculptures en Thaïlande et l'a exprimé dans les termes suivants à M. [Z] le 24 juillet 2014 : " j'ai réfléchi faire des bb en Thailande , c'est pas une bonne idée faisons d'autres sculptures la-bas. Après réflexion cela va galvauder mes pièces, elles ont bien marché ici en France et continuent encore . quand tu les vendras, elles seront pas très belles pas bien peintes avec des coulures ou des manques de peinture (...) Tandis qu'ici en France je contrôle la qualité de la fabrication elles sont bien faites bien peintes et aussi belles que je le souhaite, fidèles à l'original.". M. [Z] s'étant borné à lui répondre "Merde", elle a accepté de faire réaliser les sculptures en Thaïlande et a envoyé les pièces ayant servi de modèle. 12 exemplaires de baby king et 12 de distracting baby de 38 centimètres ont été réalisés sur la base d'une offre de prix du 23 juillet 2014 de la société thaïlandaise [J]bronze Co. Ltd. Ils ont été facturés le 28 octobre 2014 à la SARL Galerie d'art Castiglione qui les a mis en vente. Après avoir vu ces reproductions à [Localité 8], Mme [K] a écrit à M. [Z], le 27 janvier 2015, que les pièces étaient défectueuses (yeux et narines mal dessinés, volumes insuffisants) et a proposé de les reprendre une à une avant vente, ce qu'il a refusé.Par courriel du 8 octobre 2015, elle a demandé l'arrêt de la production, la destruction des moules de ces deux oeuvres et la restitution des modèles, en vain. Pour preuve des altérations alléguées, Mme [K] verse seulement deux photographies d'un distracting baby réalisé en résine par elle-même et d'un autre réalisé par la société thaïlandaise [J]bronze Co. Ltd permettant de constater des finitions beaucoup moins nettes sur le second que sur le premier. M. [Z] n'a pas contesté ce fait lorsque Mme [K] lui en a fait le reproche par courriel du 27 janvier 2015 et en a poursuivi la commercialisation.De plus les 24 pièces ont été réalisées à partir de seulement deux moules, de sorte que le tribunal retient comme suffisamment établi que l'ensemble des 24 exemplaires sont affectés des mêmes défauts. Il a été retenu supra que l'association de formes globalement lisses et indistinctes avec des yeux, un nez, une bouche, des oreilles, des doigts et des orteils bien détaillés est une caractéristique de l'originalité de l'oeuvre.Dès lors, le caractère indistinct de ces détails dans les 24 exemplaires coulés en Thaïlande caractérisent une mauvaise exécution altérant la forme de l'oeuvre dont la destination est purement esthétique. En ne déferrant pas à la demande de Mme [K] du 8 octobre 2015 de cesser la vente de ces pièces malgré leurs défauts, la SARL Galerie d'art Castiglione a porté atteinte à son droit moral au respect de l'intégrité de l'oeuvre. Mme [K] ne donne aucune explication à sa demande de 50.000 euros. 24 exemplaires ont été réalisés. Ils étaient encore en vente à [Localité 9] au printemps 2016 et à [Localité 11] le 18 avril 2019. Au regard de ces éléments, le tribunal fixe à 12.000 euros la réparation de l'atteinte portée à son droit moral par la SARL Galerie d'art Castiglione, qui sera condamnée à lui payer cette somme. La gravité de l'atteinte ne justifie cependant pas d'ordonner le rappel et la destruction des 24 exemplaires litigieux des sculptures Baby Bouddha mais seulement de ceux restant à ce jour dans les stocks de la SARL Galerie d'art Castiglione. Au vu des très nombreuses demandes formées en ce sens par Mme [K] et restées sans suite, il est justifié de prononcer une astreinte.Il y a également lieu de rejeter la demande de publication du jugement. III . Sur la demande incidente de la SARL Galerie d'art Castiglione contre M. [J] Moyens des parties La SARL Galerie d'art Castiglione soutient qu'elle a confié à M. [J], et non à la société thaïlandaise [J]bronze Co. Ltd, l'exécution des sept exemplaires du « Lapin Doudou » de 2,20 mètres qu'elle lui a payés selon factures des 9 août 2013 et 28 octobre 2014, de sorte qu'il est responsable de leur mauvaise qualité et des coûts qu'elle a subis de ce fait.Subsidiairement, elle invoque, d'une part, le mandat apparent de M. [J] et, d'autre part, la confusion de patrimoine entre M. [J] et la société thaïlandaise [J]bronze Co. Ltd.Très subsidiairement, elle invoque la répétition de l'indû.M. [J] fait valoir que le co-contractant de la SARL Galerie d'art Castiglione est la société thaïlandaise [J]bronze Co. Ltd et que lui-même est tiers à ce contrat. Il indique avoir été salarié de cette société, qui a travaillé plusieurs années avec la SARL Galerie d'art Castiglione, dont il était l'interlocuteur dès lors qu'il parlait la langue fraçaiseIl conteste la défectuosité des sculptures réalisées, déniée par le fait que la SARL Galerie d'art Castiglione a continué à travailler avec la société thaïlandaise [J]bronze Co. Ltd et ajoute qu'elle savait, tout comme Mme [K], à quoi correspond la qualité « bronze thaï ».Réponse du tribunalL'article 1156 du code civil invoqué par la SARL Galerie d'art Castiglione n'était pas entré en vigueur à la date de la réalisation de la prestation litigieuse et ne saurait donc être appliqué au litige. Les articles 1231, 1240 et 1302-1 du code civil ne l'étaient pas plus mais le tribunal retient que la SARL Galerie d'art Castiglione pouvait invoquer les articles 1147, 1382 et 1376 dans leur rédaction en vigueur lors de l'exécution des prestations et qui prévoient :- "Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part." ;- "Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer." ;- "Celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû s'oblige à le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu.". L'article 1998 du code civil dispose : "Le mandant est tenu d'exécuter les engagements contractés par le mandataire, conformément au pouvoir qui lui a été donné.Il n'est tenu de ce qui a pu être fait au-delà, qu'autant qu'il l'a ratifié expressément ou tacitement." La réalisation des sept exemplaires du Lapin Doudou de 2,20 mètres n'a pas fait l'objet d'un contrat écrit.La SARL Galerie d'art Castiglione est malvenue de faire grief à M. [S] [J] de ne pas produire la preuve de ce contrat, la charge de la preuve d'une obligation pesant sur le prétendu créancier. La prestation a été facturée par la société thaïlandaise [J]bronze Co. ltd à la société Galerie d'art Castiglione les 9 août 2013 (modèle de cire, moule et 3 exemplaires) et 28 octobre 2014 (4 exemplaires) pour un total de 103.575 euros.Les factures sont libellées en français et en anglais, elles sont intitulées "bronze sculpture" et mentionnent des "sculptures originales en bronze", elles sont détaillées et assorties de photographies. La SARL Galerie d'art Castiglione affirme avoir réglé 67.475 euros à ce titre à M. [S] [J], et non à la société thaïlandaise [J]bronze Co. Ltd. Elle n'en justifie cependant pas dès lors que sa pièce no29, présentée comme la preuve de ce paiement, fait état de deux virements respectivement de 52.300 euros le 14 février 2013 et 50.000 euros le 20 juin 2013, soit pour un total différent de celui allégué et réglé bien avant la facturation des sculptures litigieuses. Les allégations de la SARL Galerie d'art Castiglione selon lesquelles M. [J] aurait personnellement et seul reçu la commande, réalisé les sculptures et encaissé leur prix ne sont donc corroborées par aucune pièce. En revanche, M. [S] [J] produit de nombreux courriels envoyés en 2014 de [J] [S] < [Courriel 13] > à [V] [Z] < [Courriel 7] > au sujet de la réalisation de ces sept exemplaires du Lapin Doudou et leur paiement, signés par [D] [O], nom suivi de [J]bronzeCo. Ltd ainsi que l'adresse et le numéro de téléphone de cette société. Il est par ailleurs démontré par une attestation du 21 février 2019 du ministère du commerce de Thaïlande que cette société, enregistrée le 24 juillet 2008, a pour objet, notamment, la "vente de produits manufacturés en fer, en cuivre, en laiton", le "coulage et moulage de métaux" et la "fabrication, achat, importation, exportation d'objets décoratifs". Une attestation de son general manager du 12 septembre 2018 établit que M. [J] en était salarié. Il est donc démontré que la société thaïlandaise [J]bronze Co. Ltd, et non M. [S] [J], était titulaire du contrat de reproduction de l'oeuvre Lapin Doudou. La responsabilité contractuelle de M. [S] [J] au titre de l'exécution de ce contrat ne saurait donc être engagée, sans qu'il y ait lieu d'examiner l'éventuel manquement contractuel et ses conséquences. Sur le premier des moyens subsidiaires, M. [J] oppose à juste titre que la théorie du mandat apparent peut être invoquée par un créancier pour obtenir que le mandant exécute une obligation contractée par son mandataire apparent, mais non afin que le mandataire soit tenu des obligations du mandant.Ce mandat apparent – à le supposer démontré – n'est donc pas de nature à engager la responsabilité de M. [J]. Sur le second moyen subsidiaire, la confusion de patrimoine permet d'étendre une procédure collective d'une entreprise à une autre, en cas de mélange inextricable des patrimoine et non de substituer un débiteur à un autre. En toute hypothèse, le fait que la SARL Galerie d'art Castiglione ait parfois effectué des paiements à M. [J], artiste à qui elle a commandé des oeuvres, pas plus que la circonstance qu'il soit enregistré en tant qu'entrepreneur individuel en France et ait nommé sa galerie d'[Localité 5] "[J] Bronze" ne caractérise pas la confusion des patrimoines entre M. [J] et la société thaïlandaise [J]bronze Co. ltd.Aucune demande ne saurait donc prospérer sur ce fondement. Quant à la répétition de l'indû, la SARL Galerie d'art Castiglione ne peut s'en prévaloir dès lors qu'elle ne démontre pas avoir réglé les factures précitées à M. [S] [J]. Il y a donc lieu de rejeter la demande incidente de la SARL Galerie d'art Castiglione contre M. [J]. IV . Sur la demande reconventionnelle de M. [J] contre Mme [K] Moyens des parties M. [J] soutient que Mme [K] a agi en justice de mauvaise foi car elle n'avait aucune doléance quant à la réalisation de la sculpture Lapin Doudou. Mme [K] conclut au rejet Réponse du tribunal L'article 32-1 du code de procédure civile dispose : "Celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés." Mme [K] a été reconnue titulaire d'un droit d'auteur sur les trois oeuvres en litige et de réelles ressemblances ont été observées entre le Lapin Doudou et le Lapin qui court, réalisé par M. [J] peu après l'agrandissement et l'exécution de sept exemplaires du Lapin Doudou. Elle a donc pu légitimement se méprendre sur l'étendue de ses droits et aucune intention de nuire, dilatoire ou abusive n'est démontrée. La demande est rejetée. VI . Sur les autres demandes Mme [K] et la SARL Galerie d'art Castiglione, qui succombent chacune partiellement, sont condamnées aux dépens de l'instance. L'équité justifie de condamner la SARL Galerie d'art Castiglione à payer à Mme [K] la somme de 4.000 euros et à M. [J] celle de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner Mme [K] à payer à M. [J] la somme de 2.000 euros au même titre. PAR CES MOTIFS Le tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire, mis à disposition au greffe et en premier ressort, DIT que les sculptures "Lapin Doudou" et la série "Baby Bouddha", dont Mme [Y] [X], épouse [K], est l'auteure, sont des oeuvres protégées par le droit d'auteur ; DIT que la SARL Galerie d'art Castiglione a porté atteinte au droit moral de Mme [Y] [X], épouse [K], sur les déclinaisons king baby et distracting baby de l'oeuvre Baby Bouddha ; CONDAMNE la SARL Galerie d'art Castiglione à payer à Mme [Y] [X], épouse [K], la somme de 12.000 euros en réparation de cette atteinte ; CONDAMNE la SARL Galerie d'art Castiglione à détruire, à ses frais, dans le délai de deux mois à compter de la signification de la décision à intervenir, les sculptures Baby Bouddha réalisées par la société [J]bronze Co. Ltd en 2014 et d'en justifier auprès de Mme [Y] [X], épouse [K], sous le même délai sous astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard durant 3 mois ; DIT que le tribunal se réserve la liquidation de l'astreinte ; CONDAMNE Mme [Y] [X], épouse [K], et la SARL Galerie d'art Castiglione aux dépens de l'instance ; CONDAMNE la SARL Galerie d'art Castiglione à payer à Mme [Y] [X], épouse [K], la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; CONDAMNE Mme [Y] [X], épouse [K], à payer à M. [S] [J] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; CONDAMNE la SARL Galerie d'art Castiglione à payer à M. [S] [J] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires. Fait et jugé à Paris le 18 Novembre 2022 Le Greffier La Présidente | x |
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JURITEXT000047324634 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/32/46/JURITEXT000047324634.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 8 décembre 2022, 21/00313 | 2022-12-08 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 21/00313 | CT0087 | TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 3ème chambre 1ère section No RG 21/00313 No Portalis 352J-W-B7F-CTRXK No MINUTE : Assignation du :17 décembre 2020 JUGEMENT rendu le 08 décembre 2022 DEMANDERESSE S.A.S. EHEALTH FWD[Adresse 2][Localité 4] représentée par Me Guillaume DAUCHEL de la SELARL CABINET SEVELLEC DAUCHEL, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #W0009 & Me Myriam JEAN de la SELARL JEAN LOUVEL SAOUDI, avocat au barreau de METZ, avocat plaidant DÉFENDERESSE S.A.R.L. MEDIATHLETE[Adresse 3][Localité 1] représentée par Me Diane RATTALINO de la SELARL PONTHIEU AVOCATS , avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #C1352 & Me François PONTHIEU de la SELARL PONTHIEU AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE, avocat plaidant COMPOSITION DU TRIBUNAL Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointeElodie GUENNEC, Vice-présidenteMalik CHAPUIS, Juge, assistés de Caroline REBOUL, Greffière DÉBATS A l'audience du 06 septembre 2022 tenue en audience publique, avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue le 03 novembre 2022. Le délibéré a été prorogé au 17 novembre puis au 08 décembre 2022. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffeContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DU LITIGE : 1. La société Ehealth se présente comme spécialisée dans la conception et l'exploitation de solutions dans le domaine de la santé connectée adaptée au sport. Elle est titulaire de deux marques de l'Union européenne : - La marque verbale "Dr Sport" enregistrée le 18 avril 2013, sous le no 11750692 et désignant des produits et services en classes 9, 10, 35, 38, 41 et 44, et notamment, en classe 35 les services de publicité et en classe 41 la "mise à disposition gratuite ou payante de contenus à caractère informatif, éducatif ou de type mode d'emploi dans le domaine du sport, de la santé, de la forme, de l'hygiène, de la nutrition" ; - La marque semi-figurative "Dr Sport" enregistrée le 23 juin 2015 sous le no14287395 pour désigner des produits et services des classes 5, 10, 28, 35, 38, 41 et 44 : 2. La société Mediathlète se présente quant à elle comme une société d'édition publiant des revues dédiées à la santé des sportifs. 3. La société Ehealth expose avoir constaté que la société Mediathlète exploite un site internet de vente de magazines et de diffusion en ligne d'informations spécialement dédiés aux soins et à la santé des sportifs, sous l'appellation et le nom de domaine <www.docdusport.com>. 4. Aussi, par une lettre du 29 novembre 2019, la société Ehealth a mis en demeure la société Mediathlète de cesser tous usages du signe "docdusport" pour désigner une activité d'information et de conseil en matière de santé et de sport. Par une lettre du 18 décembre 2019, la société Mediathlète a contesté toute atteinte aux droits de la demanderesse et n'a pas donné suite aux demandes. 5. C'est dans ce contexte que, par acte d'huissier du 17 décembre 2020, la société Ehealth a fait assigner la société Mediathlète devant le tribunal judiciaire de Paris, en contrefaçon de marques et subsidiairement en concurrence déloyale. 6. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 8 octobre 2021, la société Ehealth demande au tribunal de : - DIRE la demande de la société Ehealth recevable et bien fondée, En conséquence et à titre principal, - DIRE que la société Mediathlete a accompli des agissements de contrefaçon par imitation des marques européennes no 11750692 et no 14287395 appartenant à la Société EHealth, - PRONONCER la radiation et l'interdiction pour la société Mediathlete d'avoir à utiliser le nom de domaine www.docdusport.com pour désigner un site internet spécialisé dans la santé des sportifs et de cesser toute exploitation de cette dénomination sous astreinte de 10.000 € par jour de retard et par infraction constatée suite à la signification de la décision à intervenir, - ORDONNER la cessation de l'utilisation de l'expression "Doc du Sport" pour désigner tout produit, support ou média ayant pour objet la diffusion d'informations ou de conseils liés à la santé et le sport sous astreinte de 2.000 € par jour de retard et par infraction constatée suite à la signification de la décision à intervenir, - ENJOINDRE à la défenderesse de communiquer le chiffre d'affaire réalisé dans le cadre de la publication et la diffusion en ligne et sur les réseaux sociaux des produits, supports et magazines litigieux, sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir, - CONDAMNER la société Mediathlete à payer à la société Ehealth la somme de 200.000 € à titre de provision à valoir sur le préjudice économique du fait des agissements de contrefaçon de marque, - CONDAMNER la société Mediathlete à payer à la société Ehealth la somme de 20.000 € en réparation du préjudice d'image subi fait des agissements de contrefaçon de marque, A titre subsidiaire, - DIRE que la société Mediathlete a accompli des agissements de concurrence déloyale en imitant et reproduisant les signes distinctifs au préjudice de la société Ehealth, - PRONONCER la radiation et l'interdiction pour la société Mediathlete d'avoir à utiliser le nom de domaine www.docdusport.com et d'une manière générale l'expression "Doc du Sport" pour désigner un site internet, un blog, un revue ou un média, quel que soit le support spécialisé dans la santé des sportifs et de cesser toute exploitation de cette dénomination sous astreinte de 500 € par jour de retard ou d'infraction constatée à compoter de la signification de la décision à intervenir, - CONDAMNER la société Mediathlete à payer à la société Ehealth la somme de 200.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des agissements de confusion et de parasitisme, - CONDAMNER la Société Mediathlete à payer à la société Ehealth la somme de 20.000 € en réparation du préjudice d'image subi fait des agissements de concurrence déloyale, Quoi qu'il en soit, - ORDONNER la publication de la décision à intervenir dans deux périodiques aux choix de la société Ehealth et aux frais de la société Mediathlete dans la limite de 5.000 € par parution, - ORDONNER la publication de la décision à intervenir sur la première page du site de la défenderesse pendant une période minimale de 6 mois à intervenir et sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir, - CONDAMNER la société Mediathlete à payer à la société Ehealth la somme de 10.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers frais et dépens de la procédure en ce y compris les frais de constats d'huissier. 7. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 29 octobre 2021, la société Mediathlete demande quant à elle au tribunal de : - Rejeter comme non fondées les demandes de Ehealth, tant au titre de la contrefaçon qu'à celui de la concurrence déloyale, - Permettre à la société Mediathlete de continuer à utiliser le nom de domaine "docdusport" pour sa revue en ligne, - Ne pas prononcer l'exécution provisoire de la décision à intervenir, - Condamner la société Ehealth à payer à la société Mediathlete la somme de 7.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance. 8. L'instruction a été clôturée par une ordonnance du 14 décembre 2021 et l'affaire plaidée à l'audience du 6 septembre 2022. MOTIFS DE LA DÉCISION Moyens des parties 9. La société Ehealth soutient que la marque et le signe désignent des activités similaires voire identiques et, en particulier, que le signe "DrSport" désigne à l'enregistrement les services de publication d'articles et de livres qui correspondent à l'activité exercée par la société défenderesse. La société Ehealth ajoute que les similitudes visuelle, phonétique et conceptuelle des signes sont fortes, de sorte que le public pertinent, d'attention moyenne à élevée, est nécessairement selon elle amené à attribuer à leurs produits et services une origine commune, ce qui caractérise une contrefaçon de marque. La société Ehealth précise que l'Office européen de la propriété intellectuelle a reconnu à la marque "DrSport" une distinctivité normale. 10. Subsidiairement, pour le cas où le tribunal estimerait qu'aucne contrefaçon de marque n'est caractérisée, la société Ehealth soutient que les agissements de la société Mediathlete sont fautifs, s'agissant selon elle d'actes de concurrence déloyale et parasitaire. 11. La société Mediathlete conclut pour sa part au rejet des demandes fondées sur la contrefaçon de marque. Elle fait valoir en substance que la distinctivité de la marque est faible et que la société demanderesse ne peut revendiquer aucun monopole sur un signe aussi générique pour désigner tous types d'activités dans le domaine de la santé des sportifs dans lesquelles les parties sont l'une et l'autre actives, encore que selon la défenderesse, les services qu'elles proposent sont différents, la demanderesse commercialisant une application d'aide au diagnostic dédiée aux sportifs, tandis qu'elle même exerce une activité de vente de supports publicitaires dans des revues (papier et en ligne, ces dernières étant accessibles par le nom de domaine <www.docdusport.com> ) dédiées à la santé des sportifs et dans lesquelles paraissent des interviews et des articles. 12. La société Mediathlete conclut de la même manière au rejet des demandes basées sur les mêmes faits au titre de la concurrence déloyale et parasitaire. Appréciation du tribunal a - Sur la contrefaçon de marque 13. Aux termes de l'article 9 du règlement "1. L'enregistrement d'une marque de l'Union européenne confère à son titulaire un droit exclusif. « 2. Sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité d'une marque de l'Union européenne, le titulaire de cette marque de l'Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe pour des produits ou services lorsque: (...) b) ce signe est identique ou similaire à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou services identiques ou similaires aux produits ou services pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public; le risque de confusion comprend le risque d'association entre le signe et la marque; (...)" 14. Interprétant les dispositions rédigées en termes identiques de l'article 5 § 1 de la première Directive du Conseil du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des États membres sur les marques (89/104/CEE), la Cour de Justice des Communautés européennes a dit pour doit que, constitue un risque de confusion au sens de ce texte, le risque que le public puisse croire que les produits ou services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d'entreprises liées économiquement (voir arrêt Canon, C-39/97, point 29 ; arrêt Lloyd Schuhfabrik, C-342/97). Selon cette même jurisprudence, l'existence d'un risque de confusion dans l'esprit du public doit être appréciée globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce (voir, arrêt Sabel, C-251/95, point 22), cette appréciation globale impliquant une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte (voir arrêt Canon, point 17). 15. Afin d'apprécier le degré de similitude existant entre les marques concernées, la juridiction nationale doit déterminer leur degré de similitude visuelle, auditive et conceptuelle et, le cas échéant, évaluer l'importance qu'il convient d'attacher à ces différents éléments, en tenant compte de la catégorie de produits ou services en cause et des conditions dans lesquelles ils sont commercialisés ainsi que de leurs éléments distinctifs et dominants (voir arrêt Lloyd Schuhfabrik, C-342/97 ). Enfin, pour apprécier la similitude entre des produits ou des services, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre ces produits ou ces services ; ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire (voir arrêt Canon, C-39/97, point 23). 16. La partie initiale des marques verbales est susceptible de retenir l'attention du consommateur davantage que les parties suivantes (voir par exemple les arrêts du tribunal du 17 mars 2004, El Corte Inglés/OHMI – González Cabello et Iberia Líneas Aéreas de España (MUNDICOR), aff. T-183/02 et T-184/02, Rec. p. II-965, point 81, du 16 mars 2005, L'Oréal/OHMI – Revlon (FLEXI AIR), T-112/03, points 64 et 65, du 13 février 2008, Sanofi-Aventis SA,/ OHMI - GD Searle LLC (URION /ATURION), aff. T146/06, point 49). 17. Force est en l'occurrence de constater que les services désignés à l'enregistrement sont, au moins pour partie, identiques à ceux exploités sous le signe argué de contrefaçon. 18. Même s'il n'est guère contestable que la marque sera prononcée "docteur sport" par le public pertinent, les signes ("Dr Sport" et "Doc du sport") ne sont néanmoins, visuellement et phonétiquement, que moyennement similaires, leurs signes d'attaques ("dr" ou "docteur" dans le cas de la marque et "doc" s'agissant du signe) étant distincts. 19. Les signes sont en revanche conceptuellement fortement similaires renvoyant l'un et l'autre sous une forme abrégée à un "docteur du sport", encore que le second signe "doc" apparaisse plus familier que le signe "Dr" qui constitue l'abréviation usuelle du mot "docteur". 20. Comme le relève à juste titre la société défenderesse les signes sont faiblement distinctifs pour désigner des services en lien avec la santé des sportifs, le risque de confusion étant d'autant plus élevé que le caractère distinctif de la marque antérieure s'avère important (voir par exemple l'arrêt BSH Bosch und Siemens Hausgeräte GmbH, C-45/16, point 62). 21. Le public pertinent, enfin, est d'attention élevée s'agissant des personnes à la recherche d'informations dans le domaine de la santé en lien avec la pratique d'un sport. Aussi, il sera sensible à la différence entre les signes. 22. Il en résulte que la forte similitude entre une partie des services concernés et la forte ressemblance conceptuelle entre les signes sera ici compensée par leurs différences visuelle et auditive qui, même faibles dans le cadre d'une comparaison purement verbale, seront nécessairement perçues par le public pertinent dont l'attention est élevée, ce d'autant plus ici que la partie verbale des marques est faiblement distinctive et que les signes sont principalement exploités sous leurs formes semi-figuratives lesquelles sont sensiblement différentes. Il s'en déduit que le public pertinent ne sera pas amené ici à attribuer une origine commune aux produits et services de sorte que la contrefaçon n'est pas établie. b - Sur la concurrence déloyale et parasitaire 23. Selon les articles 1240 et 1241 du code civil « Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence. » 24. La concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce et de l'industrie, qui implique qu'un signe ou un produit qui ne fait pas l'objet de droits de propriété intellectuelle puisse être librement reproduit sous certaines conditions tenant à l'absence de faute, laquelle peut être constituée par la création d'un risque de confusion. L'appréciation de cette faute doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l'imitation, l'ancienneté de l'usage, l'originalité et la notoriété du produit copié. 25. Le parasitisme, qui n'exige pas de risque de confusion, consiste dans le fait pour une personne physique ou morale de profiter volontairement et sans bourse délier des investissements, d'un savoir-faire ou d'un travail, produisant une valeur économique individualisée et générant un avantage concurrentiel. Il incombe à celui qui allègue de parasitisme d'établir le savoir-faire ainsi que les efforts humains et financiers consentis par lui, ayant permis la création d'une valeur économique individualisée. 26. En l'absence de risque de confusion la concurrence déloyale apparaît exclue. Il en va de même de la concurrence parasitaire, la demanderesse ne pouvant revendiquer aucune valeur économique individualisée résultant de l'usage d'un signe verbal descriptif de son activité dans le domaine de la santé des sportifs. La demande subsidiaire ne peut donc qu'être rejetée. 27. Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile la société Ehealth sera condamnée aux dépens, ainsi qu'à payer à la société Mediathlète la somme de 5.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. 28. Aucune circonstance ne justifie d'écarter l'exécution provisoire de droit dont est assortie la présente décision conformément aux dispositions de l'article 514 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS, Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement rendu contradictoirement et en premier ressort, LE TRIBUNAL, REJETTE les demandes de la société Ehealth fondées sur la contrefaçon de marques comme la concurrence déloyale et parasitaire ; CONDAMNE la société Ehealth aux dépens ; CONDAMNE la société Ehealth à payer à la société Mediathlète la somme de 5.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; RAPPELLE que la présente décision est de plein droit assortie de l'exécution provisoire. Fait et jugé à Paris le 08 décembre 2022. LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE | x |
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JURITEXT000047324635 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/32/46/JURITEXT000047324635.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 6 décembre 2022, 20/12527 | 2022-12-06 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 20/12527 | CT0087 | TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 3ème chambre 3ème section No RG 20/12527 - No Portalis 352J-W-B7E-CTLZC No MINUTE : Assignation du :02 décembre 2020 JUGEMENT rendu le 06 décembre 2022 DEMANDERESSE Société VITRY FRERES[Adresse 1][Localité 3] représentée par Maître Delphine BRUNET-STOCLET de la SELARL SCHMIDT BRUNET LITZLER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #L0183 DÉFENDERESSE S.A.S. LABORATOIRES INNOXA[Adresse 2][Localité 3] représentée par Maître Stéphanie CALERO, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R0204 COMPOSITION DU TRIBUNAL Jean-Christophe GAYET, premier vice-président adjointLinda BOUDOUR, jugeArthur COURILLON-HAVY, juge assistés de Lorine MILLE, greffière, DÉBATS A l'audience du 22 septembre 2022, tenue en audience publique devant Jean-Christophe GAYET et Linda BOUDOUR, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seuls l'audience, et, après avoir donné lecture du rapport et entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux avocats que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 06 décembre 2022. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffeContradictoireEn premier ressort ____________________________ EXPOSE DU LITIGE La SA VITRY FRERES a notamment pour activité la fabrication et la vente de tous articles et accessoires dans le domaine de l'hygiène et beauté. Elle est titulaire de deux modèles communautaires sur des coupe-ongles déposés le 8 avril 2003 sous les numéros 000019187-0001 et 000019187-0002 et publiés le 8 juillet 2003. La SAS LABORATOIRES INNOXA a pour activité la fabrication de parfums et de produits pour la toilette. Elle a, par acte sous seing privé du 25 février 2020, fait l'acquisition partielle du fonds de commerce de la SAS VISIOMED, comprenant notamment des coupe-ongles de manucure et de pédicure. Ayant découvert la commercialisation en pharmacie et sur les sites internet <www.innoxa.fr> et <www.santediscount.com> de coupe-ongles référencés « Coupe-Ongles Manucure Extra-Plat 3700609709959 » et « Coupe-Ongles Pédicure Extra-Plat 3700609709973 », dont elle estime qu'ils reproduisent les caractéristiques de ses modèles de coupe-ongles spatule manucure et pédicure, la société VITRY FRERES a effectué des achats dans une pharmacie sise à [Localité 4] selon tickets de caisse des 15 février et 30 juin 2020, et fait procéder à un constat d'huissier sur ces sites internet selon procès-verbal du 30 juin 2020. Puis, autorisée par ordonnance du 12 octobre 2020, la société VITRY FRERES a fait procéder à une saisie-contrefaçon au siège social de la société LABORATOIRES INNOXA selon procès-verbal du 3 novembre 2020. Par courrier recommandé du 16 novembre 2020, la société VITRY FRERES a ensuite mis en demeure la société LABORATOIRES INNOXA de : - reconnaitre ses droits antérieurs sur les modèles opposés ;- reconnaitre ses droits d'auteur sur les modèles opposés ;- cesser l'exploitation des coupe-ongles argués de contrefaçon ;- procéder au retrait et à la destruction des stocks de coupe-ongles litigieux ;- lui verser la somme forfaitaire de 75.000 euros en réparation de son préjudice. La société VITRY FRERES a fait procéder à un second constat d'huissier sur le site internet <www.santediscount.com> selon procès-verbal du 27 novembre 2020. Estimant que ses demandes n'étaient pas satisfaites, la société VITRY FRERES a, par acte d'huissier du 2 décembre 2020, fait assigner la société LABORATOIRES INNOXA devant le tribunal judiciaire de PARIS en contrefaçon de droit d'auteur et de modèles communautaires, et en concurrence déloyale. L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 janvier 2022 et l'affaire fixée à l'audience de plaidoirie du 22 septembre 2022. Les parties ayant régulièrement constitué avocat, le présent jugement, rendu en premier ressort, sera contradictoire en application de l'article 467 du code de procédure civile. PRETENTIONS DES PARTIES Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 21 octobre 2021, la société VITRY FRERES demande au tribunal, au visa des articles 4, 19, 82 83 et 90 du Règlement no6/2002 du 12 décembre 2001, des articles L. 112-1, L. 112-2, L.122-4, L.331-1-2, L. 515-1, L.521-4 ; L. 521-7, L. 522-1 et R. 221-1 du code de la propriété intellectuelle, des articles 1240 et 1241 du code civil, de : « - DECLARER la société VITRY FRERES recevable et bien fondée en ses demandes formées à l'encontre de la société LABORATOIRES INNOXA ; - VALIDER le procès-verbal des opérations de saisie-contrefaçons effectué le 3 novembre 2020 au siège social de la société LABORATOIRES INNOXA ; - DIRE ET JUGER que la création et le modèle de coupe-ongles spatule revendiqué par la société VITRY FRERES bénéficient de la protection des Livres I, III et V du code de la propriété intellectuelle et du règlement no6/2002 du 12 décembre 2001 ; - DIRE ET JUGER que la société LABORATOIRES INNOXA s'est rendue coupable d'actes de contrefaçon de droit d'auteur et de modèle communautaire no000019187-0001 et no000019187-0002 en acquérant, stockant, mettant sur le marché, offrant en vente, vendant et commercialisant les produits contrefaisants référencés Coupe-Ongles Manucure Extra-Plat 3700609709959 et Coupe-Ongles Pédicure Extra-Plat 3700609709973 ; - DIRE ET JUGER que la société LABORATOIRES INNOXA s'est rendue coupable d'actes de concurrence déloyale et parasitisme en dénigrant la société VITRY FRERES et en présentant ses coupe-ongles litigieux de manière à créer un risque de confusion dans l'esprit du public, avec les produits de la société VITRY FRERES ; - CONDAMNER la société LABORATOIRES INNOXA à payer, à la société VITRY FRERES la somme de 122 277,25 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice né des actes de contrefaçon de ses droits d'auteur et de ses modèles communautaires no000019187-0001 et no000019187-0002 ; - CONDAMNER la société LABORATOIRES INNOXA à payer, à la société VITRY FRERES la somme de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice né des actes de concurrence déloyale ; - FAIRE INTERDICTION à la société LABORATOIRES INNOXA de poursuivre la commande, l'acquisition, le stockage, la mise sur le marché, l'offre en vente, la vente et la commercialisation des coupe-ongles contrefaisants sur quelque territoire de l'Union Européenne que ce soit sous astreinte de 1.500 euros par infraction soit par modèle de coupe-ongles fabriqué, importé, exporté, offert en vente ou vendu ; - ORDONNER la destruction, aux frais de la société LABORATOIRES INNOXA de l'intégralité du stock de produits jugés contrefaisants, sous astreinte de 1.500 euros par jour de retard passé le délai de 30 jours suivants la signification du jugement à intervenir ; - SE RESERVER la liquidation des astreintes ordonnées ; - AUTORISER la société VITRY FRERES à publier, en français et en anglais, le jugement à intervenir, par extraits, dans cinq revues ou journaux français ou internationaux de son choix et aux frais de la société LABORATOIRES INNOXA sans que le coût de chaque insertion ne puisse excéder la somme de 8.000 euros H.T ; - AUTORISER la société VITRY FRERES à diffuser, en toutes langues de son choix, la décision à intervenir sur son site Internet www.vitry.com ; - CONDAMNER la société LABORATOIRES INNOXA à verser à la société VITRY FRERES la somme de 20.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; - ORDONNER l'exécution provisoire du jugement à intervenir ; - CONDAMNER la société LABORATOIRES INNOXA aux entiers dépens de l'instance en ce compris les frais d'huissier exposés par la société VITRY FRERES au titre des opérations de saisie-contrefaçon du 3 novembre 2020, et des constats d'huissier ». Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 5 janvier 2022, la société LABORATOIRES INNOXA demande au tribunal, au visa des articles L. 111-1 et L. 112-1 du code de la propriété intellectuelle, des articles 4, 5, 6, 7 et 8 du Règlement (CE) 6/2002 du 12 décembre 2001 sur les dessins et modèles communautaires, des articles 1240 et 1241 du code civil, de : « A titre principal, - DIRE ET JUGER que la saisie-contrefaçon pratiquée dans les locaux de Laboratoires Innoxa le 3 novembre 2020 est nulle ; - DIRE ET JUGER que les modèles de coupe-ongles spatule revendiqués par Vitry Frères ne sauraient constituer une création originale protégée au titre du droit d'auteur par les Livres I, III et V du code de la propriété intellectuelle ; - DIRE ET JUGER que les modèles communautaires no000019187-0001 et no000019187-0002 déposés par Vitry Frères le 8 avril 2003 ne répondent pas aux conditions de validité prévus par le Règlement (CE) no6/2002 du 12 décembre 2001 sur les dessins et modèles communautaires ; - DIRE ET JUGER qu'aucun prétendu acte de contrefaçon et de concurrence déloyale ne saurait pouvoir être retenu à l'encontre de Laboratoires Innoxa ; En conséquence, - ANNULER l'intégralité de la saisie pratiquée le 3 novembre en exécution de l'ordonnance du 12 octobre 2020 et des actes subséquents :* Ordonner sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir, la restitution à Laboratoires Innoxa des éléments saisis en suite de ces opérations et détenus tant par Vitry Frères que par l'huissier instrumentaire ;* Faire défense à Vitry Frères de se prévaloir dans ses écritures dans la présente procédure, et dans toute autre action judiciaire ou extrajudiciaire qu'elle viendrait à engager et en tout état de cause de manière générale, du contenu des procès-verbaux de l'huissier instrumentaire, des pièces appréhendées lors des opérations de saisie, et des informations, pièces et documents dont elle a obtenu la communication dans le cadre de la saisie opérée le 3 novembre 2020 ; - DEBOUTER Vitry Frères de l'intégralité de ses demandes ; - PRONONCER la nullité des modèles communautaires no000019187-0001 et no000019187-0002 déposés par Vitry Frères relative à son modèle de coupe-ongles spatule pour raison d'absence de nouveauté et de caractère individuel ; A titre subsidiaire, - DIRE ET JUGER que les modèles de coupe-ongles commercialisés par Vitry Frères et Laboratoires Innoxa présentent des différences nombreuses et substantielles excluant tout risque de confusion entre eux ; En conséquence, - DEBOUTER Vitry Frères de son action en contrefaçon ; A titre infiniment subsidiaire, - DIRE ET JUGER que Vitry Frères n'apporte aucune démonstration des préjudices dont elle demande la réparation au titre d'actes de contrefaçon et de concurrence déloyale ; En conséquence, - DEBOUTER Vitry Frères de l'intégralité de ses demandes indemnitaires ; Et en tout état de cause, - CONDAMNER Vitry Frères à verser à Laboratoires Innoxa la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; - CONDAMNER Vitry Frères aux entiers dépens par application de l'article 699 du code de procédure civile ». MOTIFS DE LA DÉCISION Sur l'originalité du coupe-ongles spatule La société VITRY FRERES revendique l'originalité de la combinaison des caractéristiques suivantes de son coupe-ongles spatule : « - le corps et le levier du coupe-ongles sont courbés et se superposent parfaitement ; - le levier a pour caractéristique originale une forme de spatule (rétrécissement central, bout élargi et arrondi) ; - le levier, une fois retourné, présente par sa courbure un angle d'ouverture à 45o ; - le coupe-ongles spatule présente un point de contact entre le levier et le corps de forme arrondie et bombée ».Elle soutient que cette combinaison est un parti pris esthétique qui n'est pas imposé par la fonction technique du coupe-ongles et porte l'empreinte de la personnalité de son auteur. La société LABORATOIRES INNOXA, qui conteste l'originalité alléguée, fait valoir que les caractéristiques revendiquées par la demanderesse ne révèlent aucun effort créatif portant l'empreinte de la personnalité de leur auteur, qu'elles sont au contraire banales et dictées par la fonction classique d'un coupe-ongles. Elle ajoute que de nombreux coupe-ongles commercialisés sur le marché et de nombreux modèles déposés présentent des caractéristiques similaires. SUR CE, Aux termes de l'article L. 111-1 alinéas 1 et 2 du code de la propriété intellectuelle, l'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. Ce droit comporte des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial. Selon l'article L. 112-1 du même code, ce droit appartient aux auteurs sur toutes les oeuvres de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination. L'originalité d'une oeuvre résulte notamment de partis pris esthétiques et de choix arbitraires de son auteur qui caractérisent un effort créatif portant l'empreinte de sa personnalité, et n'est pas la banale reprise d'un fonds commun non appropriable. Lorsque la protection par le droit d'auteur est contestée en défense, l'originalité d'une oeuvre doit être explicitée par celui qui s'en prétend l'auteur, seul ce dernier étant à même d'identifier les éléments traduisant sa personnalité. En effet, le principe de la contradiction prévu à l'article 16 du code de procédure civile commande que le défendeur puisse connaître précisément les caractéristiques revendiquées de l'oeuvre qui fondent l'atteinte alléguée et apporter la preuve de l'absence d'originalité de l'oeuvre. En l'espèce, la société VITRY FRERES revendique l'originalité de la combinaison des caractéristiques suivantes : - le corps et le levier du coupe-ongles sont courbés et se superposent parfaitement ;- le levier est en forme de spatule ;- le point de contact entre le corps et le levier est de forme arrondie et bombée ;- le levier, une fois retourné, présente par sa courbure un angle d'ouverture à 45o. Or, elle n'explicite pas en quoi la combinaison de ces caractéristiques du coupe-ongles spatule porte l'empreinte de la personnalité de son auteur. Elle se borne à effectuer une simple description objective qui ne permet pas de démontrer l'originalité qu'elle allègue tandis que celle-ci est contestée. Dans ces conditions, le coupe-ongles spatule ne peut bénéficier d'une protection par le droit d'auteur. En conséquence, la société VITRY FRERES sera déboutée de l'ensemble de ses demandes fondées sur la contrefaçon de droit d'auteur. Sur la validité des modèles communautaires no000019187-0001 et no000019187-0002 La société LABORATOIRES INNOXA sollicite la nullité des modèles communautaires no000019187-0001 et no000019187-0002 :- pour défaut de nouveauté en ce que des modèles français, japonais et américains déposés antérieurement présentent les mêmes caractéristiques ;- pour défaut de caractère individuel en ce que deux modèles japonais déposés antérieurement produisent une impression globale quasi-identique ;- pour apparence exclusivement imposée par leur fonction technique en ce que la présence d'un levier est nécessaire pour actionner les lames coupantes ; la forme de spatule du coupe-ongles est indispensable pour un meilleur maintien de l'appareil au moment de la prise en main du coupe-ongles ; les fabricants de coupe-ongles sont techniquement contraints de respecter la présence d'un emboîtement du corps et du levier du coupe-ongles une fois replié ; la superposition parfaite entre le levier et le corps du coupe-ongles a vocation à permettre une bonne rotation du levier ; un levier présentant, par sa courbure, un angle d'ouverture à 45o permet d'obtenir une meilleure amplitude au moment de la découpe. En réplique, la société VITRY FRERES fait valoir que :- la nouveauté et le caractère individuel de ses modèles résident dans les caractéristiques suivantes : « le corps et le levier du coupe-ongles sont courbés et se superposent parfaitement » ; « le point de contact entre le levier et le corps de forme arrondie et bombée », et qu'aucun des modèles de coupe-ongles produits par la défenderesse à titre d'antériorité de toutes pièces ne présente la combinaison de ces caractéristiques et ne produit une impression globale identique à ses modèles ;- l'apparence de ses modèles, qui n'est pas imposée par leur fonction technique, est esthétique. SUR CE, L'article 4.1 « conditions de protection » du Règlement (CE) no6/2002 du 12 décembre 2001 sur les dessins ou modèles communautaires dispose que « la protection d'un dessin ou modèle par un dessin ou modèle communautaire n'est assurée que dans la mesure où il est nouveau et présente un caractère individuel ». Aux termes de l'article 5 « nouveauté » du même règlement, « 1. Un dessin ou modèle est considéré comme nouveau si aucun dessin ou modèle identique n'a été divulgué au public : a) dans le cas d'un dessin ou modèle communautaire non enregistré, avant la date à laquelle le dessin ou le modèle pour lequel la protection est revendiquée a été divulgué au public pour la première fois ;b) dans le cas d'un dessin ou modèle communautaire enregistré, avant la date de dépôt de la demande d'enregistrement du dessin ou modèle pour lequel la protection est demandée ou, si une priorité est revendiquée, la date de priorité.2. Des dessins ou modèles sont considérés comme identiques lorsque leurs caractéristiques ne diffèrent que par des détails insignifiants ». L'article 6 « caractère individuel » dudit règlement énonce que « 1. Un dessin ou modèle est considéré comme présentant un caractère individuel si l'impression globale qu'il produit sur l'utilisateur averti diffère de celle que produit sur un tel utilisateur tout dessin ou modèle qui a été divulgué au public :a) dans le cas d'un dessin ou modèle communautaire non enregistré, avant la date à laquelle le dessin ou le modèle pour lequel la protection est revendiquée a été divulgué au public pour la première fois ;b) dans le cas d'un dessin ou modèle communautaire enregistré, avant la date de dépôt de la demande d'enregistrement ou, si une priorité est revendiquée, avant la date de priorité.2. Pour apprécier le caractère individuel, il est tenu compte du degré de liberté du créateur dans l'élaboration du dessin ou modèle ». Selon l'article 7 « divulgation » du même règlement, « 1. Aux fins de l'application des articles 5 et 6, un dessin ou modèle est réputé avoir été divulgué au public s'il a été publié à la suite de l'enregistrement ou autrement, ou exposé, utilisé dans le commerce ou rendu public de toute autre manière, avant la date visée à l'article 5, paragraphe 1, point a), et à l'article 6, paragraphe 1, point a), ou à l'article 5, paragraphe 1, point b), et à l'article 6, paragraphe 1, point b), selon le cas, sauf si ces faits, dans la pratique normale des affaires, ne pouvaient raisonnablement être connus des milieux spécialisés du secteur concerné, opérant dans la Communauté. Toutefois, le dessin ou modèle n'est pas réputé avoir été divulgué au public s'il a seulement été divulgué à un tiers sous des conditions explicites ou implicites de secret.2. Aux fins des articles 5 et 6, il n'est pas tenu compte d'une divulgation si un dessin ou modèle pour lequel la protection est revendiquée au titre de dessin ou modèle communautaire enregistré a été divulgué au public :a) par le créateur ou son ayant droit ou par un tiers sur la base d'informations fournies ou d'actes accomplis par le créateur ou son ayant droit, et ce,b) pendant la période de douze mois précédant la date de dépôt de la demande d'enregistrement ou la date de priorité, si une priorité est revendiquée.3. Le paragraphe 2 est également applicable lorsque le dessin ou modèle a été divulgué au public à la suite d'une conduite abusive à l'égard du créateur ou de son ayant droit ». L'article 8.1 « dessins ou modèles imposés par leur fonction technique et dessins ou modèles d'interconnexions » dudit règlement précise que « un dessin ou modèle communautaire ne confère pas de droits sur les caractéristiques de l'apparence d'un produit qui sont exclusivement imposées par sa fonction technique ». La Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que « l'article 8, paragraphe 1, du règlement (CE) no6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001 sur les dessins ou modèles communautaires doit être interprété en ce sens que, pour apprécier si des caractéristiques de l'apparence d'un produit sont exclusivement imposées par la fonction technique de celui-ci, il y a lieu d'établir que cette fonction est le seul facteur ayant déterminé ces caractéristiques, l'existence de dessins ou modèles alternatifs n'étant pas déterminante à cet égard. Afin de déterminer si les caractéristiques concernées de l'apparence d'un produit sont exclusivement imposées par la fonction technique de celui-ci, au sens de cette disposition, il incombe au juge national de tenir compte de toutes les circonstances objectives pertinentes de chaque cas d'espèce. Il n'y a pas lieu, à cet égard, de se fonder sur la perception d'un « observateur objectif » (CJUE, 8 mars 2018, C-395/16). Sur la nouveauté En l'espèce, la société LABORATOIRES INNOXA oppose les antériorités suivantes :- le point de contact arrondi et bombé et l'angle à 45o du modèle français no 56307 déposé le 14 mai 1957 ;- le levier courbé du modèle français no984708 déposé le 11 août 1998 ;- le levier en forme de spatule du modèle français no016664 déposé le 15 novembre 2001 ;- la superposition parfaite des corps et levier courbés et le point de contact arrondi et bombé du modèle japonais no D1119484 déposé le 6 février 1998 ;- le levier courbé en forme de spatule et le point de contact arrondi et bombé du modèle japonais no D2001 1054 déposé le 22 janvier 2001 ;- le point de contact arrondi et bombé du modèle américain D437457 déposé le 13 décembre 2001. Or, aucune de ces antériorités, prises individuellement, ne présente toutes les caractéristiques des modèles communautaires no000019187-0001 et no000019187-0002, de sorte qu'aucune d'elles ne constitue une antériorité de toutes pièces. Au contraire, chacune d'elles présente des caractéristiques différentes dans ses lignes et formes qui ne peuvent être qualifiées de détails insignifiants. Dès lors, aucune des antériorités opposées par la société LABORATOIRES INNOXA n'est destructrice de nouveauté. Sur le caractère individuel A l'examen des deux antériorités opposées par la société LABORATOIRES INNOXA, force est de constater que les modèles communautaires no000019187-0001 et no000019187-0002 suscitent une impression visuelle globale différente de chacune d'elles chez l'observateur averti qui est une personne qui s'intéresse au marché des accessoires de manucure et pédicure et se tient régulièrement informée, de sorte que le caractère individuel n'est mis à mal ni par le modèle japonais no D1119484 déposé le 6 février 1998 ni par modèle japonais no D2001 1054 déposé le 22 janvier 2001. Au contraire, en dépit du degré de liberté restreint dans l'élaboration des modèles eu égard aux contraintes imposées par la fonction technique du produit, le créateur a conféré aux coupe-ongles des lignes et formes qui se détachent des antériorités opposées, de sorte que ceux-ci présentent un caractère individuel. Dès lors, les modèles communautaires no000019187-0001 et no000019187-0002 n'encourent pas davantage la nullité pour ce motif. Sur les caractéristiques de l'apparence du produit imposées par sa fonction technique Contrairement à ce qu'affirme la défenderesse, les caractéristiques de l'apparence des coupe-ongles objet des modèles communautaires no000019187-0001 et no000019187-0002, en particulier la superposition parfaite du corps et du levier formant une courbe harmonieuse, la forme en spatule du levier et sa courbure lorsqu'il est retourné, la forme arrondie et bombée du point de contact entre le corps et le levier, ne sont pas imposées par leur fonction technique mais résultent d'une recherche esthétique. En conséquence, au regard de tout ce qui précède, la société LABORATOIRES INNOXA sera déboutée de sa demande en nullité des modèles communautaires no000019187-0001 et no000019187-0002. Sur la validité de la saisie-contrefaçon La société LABORATOIRES INNOXA soutient que la saisie-contrefaçon du 3 novembre 2020 est nulle en ce que :- il n'est pas démontré que la requête et l'ordonnance lui ont été signifiées préalablement aux opérations de saisie-contrefaçon et qu'elle a disposé du temps nécessaire pour en prendre connaissance ;- il n'est pas établi qu'elle s'est vue remettre une copie du procès-verbal de saisie-contrefaçon à l'issue des opérations ou dans un délai raisonnable postérieurement à celles-ci, de sorte que cela lui a nécessairement causé un grief en ce qu'elle n'a pu ni organiser utilement sa défense préalablement à l'assignation ni agir en rétractation devant le président du tribunal judiciaire autorisé la saisie-contrefaçon par ordonnance du 12 octobre 2020. La société VITRY FRERES répond que l'huissier instrumentaire a signifié la requête et l'ordonnance à la société LABORATOIRES INNOXA vingt-quatre (24) minutes avant le début des opérations de saisie-contrefaçon du 3 novembre 2020, et lui a signifié une copie du procès-verbal de saisie-contrefaçon le même jour à l'issue des opérations. SUR CE, Aux termes de l'article 114 du code de procédure civile, aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public. La nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public. L'article 495 du code de procédure civile dispose que l'ordonnance sur requête est motivée. Elle est exécutoire au vu de la seule minute. Copie de la requête et de l'ordonnance est laissée à la personne à laquelle elle est opposée. Selon l'article R. 521-3, alinéa 2 du code la propriété intellectuelle, à peine de nullité et de dommages-intérêts contre l'huissier, celui-ci doit, avant de procéder à la saisie, donner copie aux détenteurs des objets saisis ou décrits de l'ordonnance. Copie doit être laissée aux mêmes détenteurs du procès-verbal de saisie. Le respect du principe de la contradiction, qui fonde l'exigence posée à l'alinéa 3 de l'article 495 du code de procédure civile, requiert que copie de la requête et de l'ordonnance soit remise à la personne à laquelle elle est opposée antérieurement à l'exécution des mesures d'instruction qu'elle ordonne (Cass. 2e civ., 10 février 2011, no10-13.894 et 1er septembre 2016, no15-23.326). En l'espèce, il ressort tant de l'acte de « signification d'une ordonnance rendue sur requête » que du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 20 novembre 2020 (pièce VITRY FRERES no24) que seule la copie de l'ordonnance du 12 octobre 2020 a été signifiée par l'huissier instrumentaire. Il n'est aucunement fait état de la remise d'une copie de la requête. Par ailleurs, aucun acte de l'huissier instrumentaire ne fait état de la signification du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 3 novembre 2020. Dès lors, contrairement à ce qu'affirme la société VITRY FRERES, il n'est aucunement établi que la requête aux fins de saisie-contrefaçon et le procès-verbal de saisie-contrefaçon ont été signifiés à la société LABORATOIRES INNOXA. Ces irrégularités, constitutives d'un vice de forme, lui font nécessairement grief dès lors qu'elle n'a pu ni prendre connaissance contradictoirement, tel que requis à l'alinéa 3 de l'article 495 du code de procédure civile, des droits revendiqués, moyens et pièces de la requête ayant déterminé la décision du juge, ni prendre connaissance contradictoirement, tel que requis à l'alinéa 2 de l'article R. 521-3 du code de la propriété intellectuelle, du contenu du procès-verbal de saisie-contrefaçon à l'issue des opérations ou dans un délai raisonnable, et ainsi apprécier en toute connaissance de cause l'opportunité d'un éventuel recours. En conséquence, le procès-verbal de saisie-contrefaçon du 3 novembre 2020 sera déclaré nul. La restitution à la société LABORATOIRES INNOXA des éléments saisis au cours des opérations de saisie-contrefaçon sera ordonnée. Sur la contrefaçon de modèles communautaires La société VITRY FRERES soutient que les coupe-ongles litigieux dégagent la même impression d'ensemble que ses modèles communautaires no000019187-0001 et no000019187-0002 dès lors que les dimensions, les proportions et la courbure du corps et du levier sont identiques, et que le point de contact bombé et arrondi, la matière et la couleur sont également repris. La société LABORATOIRES INNOXA fait valoir que les coupe-ongles litigieux présentent des différences permettant d'écarter la contrefaçon en ce que « la courbure est moins accentuée ; la superposition entre le corps et le levier n'est pas parfaite ; le point de contact est plus petit, plus bombé et plus prononcé ; l'épaisseur du levier n'est pas la même ; l'absence de lime oblongue ». Elle indique avoir puisé dans le fond commun dont elle a proposé son interprétation. SUR CE, L'article 10 du Règlement (CE) no6/2002 du 12 décembre 2001 sur les dessins ou modèles communautaires dispose que : 1. La protection conférée par le dessin ou modèle communautaire s'étend à tout dessin ou modèle qui ne produit pas sur l'utilisateur averti une impression visuelle globale différente. 2. Pour apprécier l'étendue de la protection, il est tenu compte du degré de liberté du créateur dans l'élaboration du dessin ou modèle. Aux termes de l'article 19, 1o du même règlement, le dessin ou modèle communautaire enregistré confère à son titulaire le droit exclusif de l'utiliser et d'interdire à tout tiers de l'utiliser sans son consentement. Par utilisation au sens de la présente disposition, on entend en particulier la fabrication, l'offre, la mise sur le marché, l'importation, l'exportation ou l'utilisation d'un produit dans lequel le dessin ou modèle est incorporé ou auquel celui-ci est appliqué, ou le stockage du produit à ces mêmes fins. Selon l'article L. 515-1 du code de la propriété intellectuelle, toute atteinte aux droits définis par l'article 19 du Règlement (CE) no6/2002 du 12 décembre 2001 sur les dessins ou modèles communautaires constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur. La Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que :- « la notion d'utilisateur averti s'entend comme une notion intermédiaire entre celle de consommateur moyen, applicable en matière de marque, auquel il n'est demandé aucune connaissance spécifique et qui en général n'effectue pas de rapprochement direct entre les marques en conflit, et celle de l'homme de l'art expert doté de compétences techniques approfondies. Ainsi, la notion d'utilisateur averti peut s'entendre comme désignant un utilisateur doté non d'une attention moyenne mais d'une vigilance particulière, que ce soit en raison de son expérience personnelle ou de sa connaissance étendue du secteur considéré » ;- « S'agissant du niveau d'attention de l'utilisateur averti, il y a lieu de rappeler que, si celui-ci n'est pas le consommateur moyen normalement informé et raisonnablement attentif et avisé qui perçoit habituellement un dessin ou un modèle comme un tout et ne se livre pas à un examen de ces différents détails, il n'est pas non plus l'expert ou l'homme de l'art capable d'observer dans le détail les différences minimes susceptibles d'exister entre les modèles ou dessins en conflit. Ainsi, le qualificatif « averti » suggère que, sans être un concepteur ou un expert technique, l'utilisateur connaît différents dessins ou modèles existant dans le secteur concerné, dispose d'un certain degré de connaissance quant aux éléments que ces dessins ou modèles comportent normalement, et du fait de son intérêt pour les produits concernés, fait preuve d'un degré d'attention relativement élevé lorsqu'il les utilise » (CJUE, 20 octobre 2011, C-281/10, points 53 et 59). La reproduction des caractéristiques essentielles d'un modèle enregistré, engendrant la même impression visuelle globale, en constitue la contrefaçon (en ce sens, Cass. com., 26 mars 2008, no06-22.013). En l'espèce, l'utilisateur averti pour apprécier l'existence d'une contrefaçon est une personne qui s'intéresse au marché des accessoires de manucure et pédicure et se tient régulièrement informée. Son niveau d'attention est élevé. Il ressort de l'examen comparatif que les coupe-ongles litigieux référencés « coupe-ongle manucure extra-plat 5,7 cm 3700609709959 » et « coupe-ongles pédicure extra-plat 9 cm 3700609709973 » reproduisent les caractéristiques essentielles des modèles communautaires no000019187-0001 et no000019187-0002, en particulier la courbure et la superposition parfaite du corps et du levier, la forme arrondie et bombée du point de contact entre le corps et le levier ainsi que la forme en spatule du levier, et produisent sur l'utilisateur averti sus-défini la même impression visuelle globale. Contrairement à ce qu'affirme la société LABORATOIRES INNOXA, les différences qu'elle invoque ne sont pas de nature à écarter la contrefaçon. Celles-ci sont minimes et ne confèrent pas aux coupe-ongles litigieux une impression visuelle globale différente sur l'utilisateur averti. La contrefaçon de modèles communautaires est alors caractérisée. Sur la concurrence déloyale La société VITRY FRERES soutient que la défenderesse a commis des actes de concurrence déloyale en ce que :- les représentants de la société LABORATOIRES INNOXA l'ont dénigrée auprès de plusieurs pharmaciens « en laissant entendre que sa situation économique serait critique » dans l'unique but de détourner sa clientèle ;- la reprise de la mention « garantie à vie » sur l'emballage des coupe-ongles litigieux et les catalogue de la marque INNOXA « génère incontestablement un risque de confusion dans l'esprit du public, lequel sera porté à croire que ces coupe-ongles litigieux proviennent de la société VITRY FRERES, ou sont issus d'un partenariat avec cette dernière ». La société LABORATOIRES INNOXA, qui conteste avoir commis des actes de dénigrement, fait valoir que l'attestation d'une pharmacienne produite par la demanderesse n'est pas probante et que la mention « garantie à vie », dont la demanderesse n'établit pas les investissements réalisés pour que cette mention constitue une valeur économique et dont elle ne saurait priver un concurrent, est utilisée par de nombreuses sociétés dans la description de leurs produits. Elle souligne que la demanderesse ne rapporte pas la preuve d'un préjudice. SUR CE, L'article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Aux termes de l'article 1241 du code civil, chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence. Selon l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention. La concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce, ce qui implique qu'un signe ou un produit qui ne fait pas l'objet de droits de propriété intellectuelle puisse être librement reproduit sous certaines conditions tenant à l'absence de faute, laquelle peut être constituée par la création d'un risque de confusion sur l'origine du produit dans l'esprit de la clientèle, circonstance attentatoire à l'exercice paisible et loyal du commerce. L'appréciation de cette faute au regard du risque de confusion doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l'imitation, l'ancienneté de l'usage, l'originalité et la notoriété de la prestation copiée. En l'espèce, la société VITRY FRERES, qui procède par voie d'affirmation dans ses écritures, échoue à établir les actes de dénigrement auprès de plusieurs pharmaciens qu'elle allègue. Elle se borne à produire une seule attestation d'une opératrice conseillère en pharmacie dénuée de valeur probante dès lors que ni la pharmacie qui l'emploie ni la prétendue « représentante du laboratoire Innoxa » ne sont identifiées (sa pièce no17). En outre, la mention « garantie à vie », souvent utilisée par les opérateurs économiques, n'est pas appropriable. Surtout, la société VITRY FRERES ne produit aucune pièce pour établir qu'elle utilise elle-même cette mention sur les emballages de ses coupe-ongles spatule et ses catalogues, et se borne à produire une page de son site internet <www.vitry.com> expliquant ce qu'est la garantie à vie qu'elle propose (ses pièces no20.1 et 20.2). Enfin, même à supposer qu'elle utilise cette mention, le risque de confusion tel qu'elle l'allègue n'est pas établi dès lors qu'il n'est pas démontré que la clientèle identifie l'origine de ses coupe-ongles spatule par la seule mention « garantie à vie », prise isolément. En conséquence, la société VITRY FRERES sera déboutée de sa demande formée au titre de la concurrence déloyale. Sur les mesures réparatrices au titre de la contrefaçon La société VITRY FRERES, qui soutient que les chefs de préjudice visés à l'article L. 521-7 du code de la propriété intellectuelle sont cumulatifs, expose avoir subi un préjudice économique et un préjudice moral à hauteur de la somme totale de 122.277,25 euros. La société LABORATOIRES INNOXA répond que la société VITRY FRERES ne rapporte pas la preuve de la réalité et du quantum de son préjudice et que ses demandes indemnitaires sont disproportionnées. SUR CE, Selon l'article L. 521-7 du code de la propriété intellectuelle, pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :1o Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;2o Le préjudice moral causé à cette dernière ;3o Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon.Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée. L'article L. 521-8 du même code prévoient qu'en cas de condamnation civile pour contrefaçon, la juridiction peut ordonner, à la demande de la partie lésée, que les produits reconnus comme produits contrefaisants, les matériaux ou instruments ayant principalement servi à leur création ou fabrication soient rappelés des circuits commerciaux, écartés définitivement de ces circuits, détruits ou confisqués au profit de la partie lésée. La juridiction peut aussi ordonner toute mesure appropriée de publicité du jugement, notamment son affichage ou sa publication intégrale ou par extraits dans les journaux ou sur les services de communication au public en ligne qu'elle désigne, selon les modalités qu'elle précise. Ces mesures sont ordonnées aux frais du contrefacteur. Selon l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention. A titre liminaire, il sera rappelé qu'un préjudice hypothétique ne donne pas lieu à indemnisation et que le principe de la réparation intégrale implique une indemnisation du préjudice sans perte ni profit. En outre, l'article L. 521-7 du code de la propriété intellectuelle, lequel emploie l'adverbe « distinctement » et non « cumulativement », commande une appréciation distincte des chefs de préjudice et non pas cumulative. En l'espèce, le préjudice économique allégué par la société VITRY FRERES, tiré des prétendus bénéfices réalisés par la défenderesse et de son prétendu manque à gagner, n'est pas établi dès lors que les éléments du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 3 novembre 2020 annulé ne peuvent être pris en considération et que les autres pièces versées aux débats ne permettent pas de l'établir. En outre, force est de constater qu'en dépit des contestations de la défenderesse à cet égard, la société VITRY FRERES, qui procède par voie d'affirmation dans ses écritures, n'établit aucunement que les investissements qu'elle allègue correspondent à ses coupe-ongles spatule manucure et pédicure. Elle n'est pas davantage fondée à solliciter le remboursement des frais de dépôt et de renouvellement des modèles communautaires no000019187-0001 et no000019187-0002 et le remboursement du coût des présentoirs de ses produits en pharmacies et parapharmacies, lesquels ne constituent pas un préjudice résultant de la contrefaçon. En revanche, en tout état de cause, la commercialisation des coupe-ongles contrefaisants référencés « coupe-ongle manucure extra-plat 5,7 cm 3700609709959 » et « coupe-ongles pédicure extra-plat 9 cm 3700609709973 » entraîne une banalisation et l'avilissement des coupe-ongles spatule manucure et pédicure causant ainsi un préjudice moral à la société VITRY FRERES qui sera indemnisé à hauteur de la somme de 10.000 euros au titre de la contrefaçon des modèles communautaires no000019187-0001 et no000019187-0002. Des mesures d'interdiction et de destruction seront ordonnées selon les modalités précisées au dispositif de la présente décision. Le préjudice étant entièrement réparé par l'indemnité pécuniaire, la demande de publication du jugement apparait disproportionnée et sera alors rejetée. Sur les demandes accessoires Sur les dépens Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge de l'autre partie. La société LABORATOIRES INNOXA, qui succombe à l'instance, sera condamnée aux dépens à l'exclusion des frais d'huissier exposés au titre de la saisie-contrefaçon du 3 novembre 2020 annulée. Les dépens ne comprennent que les seuls débours relatifs à des actes ou procédures judiciaires. Dès lors, les procès-verbaux de constat d'huissier sur internet des 30 juin 2020 et 27 novembre 2020 (pièces VITRY FRERES no12 et 22) n'ayant pas été dressés sur autorisation judiciaire, les frais exposés ne constituent pas des dépens au sens de l'article 695 du code de procédure civile, mais des frais irrépétibles indemnisés au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Sur l'article 700 du code de procédure civile L'article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a lieu à condamnation. L'équité commande de condamner la société LABORATOIRES INNOXA à payer à la société VITRY FRERES la somme de 8.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, en ce compris les frais des procès-verbaux de constat d'huissier sur internet des 30 juin 2020 et 27 novembre 2020. Sur l'exécution provisoire Aux termes de l'article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement. En l'espèce, la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire et il n'y a pas lieu d'y déroger. PAR CES MOTIFS Le tribunal, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort, DEBOUTE la société VITRY FRERES de l'ensemble de ses demandes fondées sur la contrefaçon de droit d'auteur ; DEBOUTE la société LABORATOIRES INNOXA de sa demande en nullité des modèles communautaires no000019187-0001 et no000019187-0002 ; DECLARE nul le procès-verbal de saisie-contrefaçon du 3 novembre 2020 ; ORDONNE la restitution à la société LABORATOIRES INNOXA des éléments saisis au cours des opérations de saisie-contrefaçon ; CONDAMNE la société LABORATOIRES INNOXA à payer à la société VITRY FRERES la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice résultant de la contrefaçon des modèles communautaires no000019187-0001 et no000019187-0002 ; FAIT INTERDICTION à la société LABORATOIRES INNOXA d'offrir à la vente et de commercialiser, sur le territoire de l'Union européenne, les coupe-ongles référencés « coupe-ongle manucure extra-plat 5,7 cm 3700609709959 » et « coupe-ongles pédicure extra-plat 9 cm 3700609709973 », et ce dans un délai de 15 jours à compter de la signification du présent jugement, puis sous astreinte de 200 euros par jour de retard qui courra pendant 180 jours ; ORDONNE la destruction, sous le contrôle d'un commissaire de justice, des coupe-ongles référencés « coupe-ongle manucure extra-plat 5,7 cm 3700609709959 » et « coupe-ongles pédicure extra-plat 9 cm 3700609709973 », restant en stock à la société LABORATOIRES INNOXA, aux frais de cette dernière, à charge pour elle d'en justifier à la société VITRY FRERES, et ce dans un délai de 30 jours une fois le jugement devenu définitif, puis sous astreinte de 200 euros par jour de retard qui courra pendant 180 jours ; DIT que le tribunal se réserve la liquidation des astreintes prononcées ; REJETTE la demande de publication du jugement ; DEBOUTE la société VITRY FRERES de sa demande formée au titre de la concurrence déloyale ; CONDAMNE la société LABORATOIRES INNOXA aux dépens, à l'exclusion des frais d'huissier exposés au titre de la saisie-contrefaçon du 3 novembre 2020 annulée ; CONDAMNE la société LABORATOIRES INNOXA à payer à la société VITRY FRERES la somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en ce compris les frais des procès-verbaux de constat d'huissier sur internet des 30 juin 2020 et 27 novembre 2020 ; RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire. Fait et jugé à Paris le 06 Décembre 2022 La Greffière Le Président | x |
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JURITEXT000047324636 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/32/46/JURITEXT000047324636.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 1 décembre 2022, 20/12295 | 2022-12-01 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 20/12295 | CT0087 | TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 3ème chambre 1ère section No RG 20/12295 No Portalis 352J-W-B7E-CTKZO No MINUTE : Assignation du :20 novembre 2020 JUGEMENT rendu le 01 décembre 2022 DEMANDERESSE Société VLISCO NETHERLANDS B.V.[Adresse 4][Localité 2] (PAYS-BAS) représentée par Me Sophie MICALLEF de la SAS HOYNG ROKH MONEGIER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0512 DÉFENDERESSE S.A.R.L. BATEX[Adresse 1][Localité 3] représentée par Me Yves CLAISSE de la SELARL CLAISSE & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #P0500 & Me François-Xavier LANGLAIS de l'AARPI QUANTIC AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant COMPOSITION DU TRIBUNAL Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointeElodie GUENNEC, Vice-présidenteMalik CHAPUIS, Juge, assistés de Caroline REBOUL, Greffière DEBATS A l'audience du 06 septembre 2022 tenue en audience publique, avis a été donné aux parties que la décision serait rendue le 03 novembre 2022.Le délibéré a été prorogé au 17 novembre 2022 puis au 1er décembre 2022. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffeContradictoireEn premier ressort Exposé du litige 1. La société de droit néerlandais Vlisco Netherlands BV (ci-après Vlisco) est spécialisée dans la création et la confection de tissus dits " Wax", qui se caractérisent par des motifs colorés et graphiques, répétés à l'identique sur l'ensemble d'un tissu selon une technique dérivée du batik indonésien, sur lesquels elle revendique des droits d'auteur. Elle commercialise ces tissus, notamment en ligne, sur le site Internet à l'adresse <www.vlisco.com>. 2. Ayant constaté que les sociétés Giltex, Queen Lola et les Coupons de [Localité 3], proposaient à la vente des tissus reproduisant, selon elle, plusieurs de ses créations, la société Vlisco a fait réaliser des opérations de saisie-contrefaçon le 20 octobre 2020 qui ont permis de révéler l'identité d'un fournisseur commun à ces sociétés, à savoir la société de droit français Batex, spécialisée dans le commerce de gros, notamment de tissus wax d'origine chinoise. 3. Par actes d'huissier du 20 novembre 2020, la société Vlisco a fait assigner ces quatre sociétés en contrefaçon de droits d'auteur et en concurrence déloyale. 4. Ces parties étant parvenues à un accord amiable, la société Vlisco s'est désistée de ses demandes dirigées contre les sociétés Les coupons de [Localité 3] et Queen Lola le 23 mars 2021, et contre la société Giltex le 28 septembre 2021. 5. Par une ordonnance du 8 juin 2021, le juge de la mise en état a écarté la fin de non-recevoir tirée du défaut de titularité de la société Vlisco sur les tissus litigieux, soulevée par la société Batex. 6. Dans ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 04 février 2022, la société Vlisco demande au tribunal, au visa des articles L. 111-1, L. 112-1, L. 113-5, L. 122-4, L. 331-1-3 et suivants du code de la propriété intellectuelle, 10 bis de la Convention d'Union de Paris et 1240 du code civil, de : A titre principal : ? Déclarer la société Batex coupable d'actes de contrefaçon de droit d'auteur à son encontre et à lui payer en conséquence 866.700 euros, ou à tout le moins 577.800 euros au titre des conséquences économiques négatives engendrées par la contrefaçon (à parfaire), 65.000 euros en réparation de son préjudice moral ? Déclarer la société Batex coupable d'actes de concurrence déloyaleet à lui payer en conséquence 470.000 euros au titre du préjudice économique subi (à parfaire) et 235.000 euros en réparation du préjudice moral engendré par ces actes (à parfaire); A titre subsidiaire : ? Condamner la société Batex au titre des actes de concurrence déloyale commis au préjudice de la société Vlisco, à lui payer 866.700 euros, ou à tout le moins 577.800 euros au titre du préjudice économique subi (à parfaire), et 65.000 euros chacune en réparation de son préjudice moral ; En tout état de cause : ? Ordonner la communication des noms et adresses des producteurs, distributeurs, fournisseurs et tous autres détenteurs des produits incriminés au titre de la contrefaçon ou de la concurrence déloyale, mais aussi des grossistes, détaillants et clients, des quantité exactes de produits vendus, fournis, reçus ou commandés, à quel prix d'achat et de vente, ainsi que tout document justificatifs et/ou certifiée par un expert comptable, le tout sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard passé un délai de 8 jours ;? Interdire la poursuite des actes de contrefaçon, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard ; ? Ordonner le rappel des produits contrefaisant sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard ; ? Ordonner la publication à la charge des défenderesses du jugement à intervenir dans 5 journaux ou revues au choix de la société Vlisco pour un coût fixé à 4.500HT euros ;? Se réserver la liquidation de l'astreinte ; ? Rejeter la demande de condamnation de la société Vlisco en dommage et intérêts ; ? Condamner les défenderesses à lui verser 70.000 euros au titre de l'article 700 et aux entiers dépens. 7. Dans ses dernières conclusions signifiées par la voie électronique le 10 janvier 2022, la société Batex demande au tribunal, au visa des articles 6 et 700 du code de procédure civile, L. 111-1, L. 121-1 et suivants, L. 113-5, L. 122-4 , L.3316162 et suivants du code de la propriété intellectuelle et 1240 et suivants du code civil, de : A titre principal :? Rejeter la revendication de droit d'auteur formulée par la demanderesse sur les dessins en cause et la débouter en conséquence de ses demandes sur ce fondement ;? Rejeter toute qualification de concurrence déloyale en l'absence de preuve et en conséquence l'ensemble des demandes formulées sur ce fondement ; A titre subsidiaire : ? Rejeter toute qualification de contrefaçon et en conséquence l'ensemble des demandes formulées sur ce fondement ; A titre infiniment subsidiaire : ? Déclarer les demandes de documents formulées par la demanderesse injustifiées et disproportionnées et les rejeter ; ? Déclarer que la société Vlisco n'a subi aucun préjufice au titre de la contrefaçon et de la concurrence déloyale ; ? Ramener à de plus justes proportions les demandes indemnitaires formulées par la demanderesse. En tout état de cause : ? Condamner la demanderesse à lui verser 40.000 euros au titre de l'article 700 et aux entiers dépens. 8. L'instruction a été close par une ordonnance du 10 février 2022 et l'affaire plaidée à l'audience du 06 septembre 2022. MOTIFS DE LA DÉCISION 1) Sur l'imputabilité des faits à la société Batex Moyens des parties : 9. La société Vlisco soutient que la société Batex a fourni à plusieurs autres sociétés des tissus reproduisant les motifs sur lesquels elle revendique des droits d'auteur, ce à quoi la société Batex réplique qu'aucun lien n'est établi entre elle-même et les tissus litigieux et qu'il ne peut lui être demandé d'apporter la preuve d'un fait négatif. Appréciation du tribunal : 10. Selon l'article L. 332-1 du code de la propriété intellectuelle, "Tout auteur d'une oeuvre protégée par le livre Ier de la présente partie, ses ayants droit ou ses ayants cause peuvent agir en contrefaçon. A cet effet, ces personnes sont en droit de faire procéder par tous huissiers, le cas échéant assistés par des experts désignés par le demandeur, sur ordonnance rendue sur requête par la juridiction civile compétente, soit à la description détaillée, avec ou sans prélèvement d'échantillons, soit à la saisie réelle des oeuvres prétendument contrefaisantes ainsi que de tout document s'y rapportant.Par principe, la contrefaçon et la concurrence déloyale sont des faits juridiques, qui par conséquent peuvent être prouvés par tout moyens. (...)" 11. En l'occurrence, lors des opérations de saisie-contrefaçon réalisées le 20 octobre 2020 (pièce Vlisco no15.06), le gérant de la société Giltex a répondu en ces termes aux questions de l'huissier : "aucun produit ne fait l'objet d'une référence précise permettant de la distinguer sur les documents comptables et l'achat de ce type de tissus s'effectue systématiquement en grosse quantité, par lot de coupe sans détail". Il a remis à l'huissier une facture de la société Batex, datant de janvier 2020, et à la société Vlisco l'ensemble des factures émises par la société Batex entre janvier 2019 et octobre 2020. Un rapport d'investigation privée avait établi l'offre en vente des tissus objets du litige reproduisant les caractéristiques des tissus de la société demanderesse par la société Giltex, ce que son gérant a reconnu dans le cadre du protocole d'accord transactionnel conclu avec la société Vlisco. 12. De même, lors des opérations de saisie-contrefaçon réalisées le 20 octobre 2020 au sein de la boutique de la société Queen Lola à l'enseigne Manitex (pièce Vlisco no16.6), le gérant de cette société a fourni une facture de la société Batex, datée de janvier 2020, portant sur une commande de tissus "hitarget wax", et a répondu à l'huissier que "chaque achat s'effectue en grande quantité, par lot de 2 à 5 dessins identiques maximum" et que son unique fournisseur de tissu "wax" est la société Batex. L'expert comptable de cette société a confirmé par une attestation que la société Batex était l'unique fournisseur de produits "wax" de la société Queen Lola / Manitex. Cette société a en outre remis à la société Vlisco les 49 factures émanant de cette société. Un constat réalisé en février 2020 (pièce Vlisco no16.3) par un huissier avait également établi que des tissus reproduisant les motifs sur lesquels la société Vlisco invoque un droit d'auteur ont été exposés en vitrine de l'établissement de la société Queen Lola à l'enseigne Manitex, ce que le gérant de cette société a admis dans le cadre du protocole d'accord transactionnel conclu avec la société Vlisco. 13. Lors de la saisie réalisée le 20 octobre 2020 au siège de la société Les Coupons de [Localité 3], son gérant a reconnu la commercialisation de 6 références reproduisant les caractéristiques des tissus sur lesquels la société Vlisco revendique des droits d'auteur. Il a indiqué que son unique fournisseur de tissus "wax" était la société Batex et a remis à la société Vlisco les factures émanant de cette société entre novembre 2017 et février 2020. 14. Il en résulte que la société Vlisco établit que les sociétés Les Coupons de [Localité 3], Queen Lola / Manitex et Giltex ont commercialisé différents textiles reproduisant les caractéristiques de ses produits, et que ces produits textiles leur ont été fournis par la société Batex, laquelle apparait particulièrement mal fondée à se retrancher derrière l'imprécision de ses propres factures pour conclure à l'absence de lien établi entre elle-même et les références arguées de contrefaçon, alors même qu'elle a l'obligation légale d'établir des factures mentionnant la quantité et la dénomination précise de chaque produit vendu (article L. 444-9 du code de commerce) ce qu'elle n'a pas fait ici. 2) Sur l'originalité Moyens des parties : 15. Pour chaque motif, la société Vlisco fourni une référence, l'identité du créateur, une date certaine, et les caractéristiques de l'oeuvre. 16. La société Batex fait quant à elle valoir que la demanderesse se contente de décrire les caractéristiques des oeuvres revendiquées, sans démontrer en quoi elles seraient originales, tandis que les motifs revendiqués constitue selon elle une reproduction de dessins préexistants appartenant à un fond commun des tissus de ce type. Appréciation du tribunal : 17. Conformément à l'article L.111-1 du code de la propriété intellectuelle, l'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. L'article L.112-1 du même code précise que ce droit appartient à l'auteur de toute oeuvre de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination. Il en résulte que la protection d'une oeuvre de l'esprit est acquise à son auteur sans formalité et du seul fait de la création d'une forme originale en ce sens qu'elle porte l'empreinte de la personnalité de son auteur et n'est pas la banale reprise d'un fonds commun non appropriable. 18. En l'espèce, le motif 6/8511 (pièce Vlisco no 2.3 et 2.4) est décrit comme se caractérisant par la répétition d'un motif composé de six disques dont les centres sont évidés, placés en cercle, cinq d'entre eux se situant autour d'un disque central, les cinq disques disposés autour du disque central évoquent des roues dentelées incomplètes et sur deux d'entre eux sont attachés des groupes de deux ou trois formes, dont les contours sont ajourés et l'intérieur composé d'une succession de flèches pleines, évoquant d'épais filaments. L'arrière-plan avec un effet craquelé est parcouru de motifs nervurés ou veineux sombres. Il est produit à ce titre, un extrait du site Internet <www.vlisco.com> exploité par Vlisco Netherlands B.V. (pièce Vlisco no 2.1), une facture de commercialisation par Vlisco Netherlands B.V. du motif référencé 8511 (pièce Vlisco no 2.2), ainsi qu'un extrait du registre des données de Vlisco Netherlands B.V. relatif au motif 8511 (pièce Vlisco no 5.4). 19. Le motif "le sac de Michelle Obama", référencé A1106, est issu d'un dessin de 2008 (pièce Vlisco no3.4 et 3.5). Il comporte la représentation d'un sac à main dont le haut est ovale et le fond plat, vu de face et de biais et comportant : une face avant, couverte aux deux tiers de sa hauteur d'un motif en quadrillage ou tressage spécifique, distinct du motif composant la bande supérieure du dernier tiers qui reprend le fond du dessin ; deux anses dont la plus visible dispose d'attaches plates en forme de cloche collées sur la face avant (certaines versions ayant des attaches d'une couleur différentes des anses). Les bords des attaches sont longés d'une surpiqûre fine et sombre ; une des attaches comporte un ?illet, lui-même supportant une languette rectangulaire à laquelle est attachée une fleur d'hibiscus, dont la représentation permet de percevoir les cinq pétales de la corolle ouverte dont la base est plus foncée ainsi que le pistil ; une tranche d'épaisseur homogène allant de bord en bord, découpée en trois bandes dans la longueur, la bande du milieu étant sombre. Les sacs comportent une fermeture allant d'une extrémité à l'autre, ils sont positionnés de biais et superposés les uns aux autres de manière à ce que les côtés avec les fermetures forment une ligne verticale. La société Vlisco produit pour ce motif, un extrait du site internet <www.vlisco.com> exploité par Vlisco Netherlands B.V. (pièces Vlisco no3.1 et 3.2) , des factures de commercialisation par Vlisco Netherlands B.V. du motif référencé A1106 (pièce Vlisco no3.3) , un extrait du registre des données de Vlisco Netherlands B.V.(pièce Vlisco no 3.4), des publications Instagram du 26 avril 2018 (pièce Vlisco no3.5) et Facebook des 15 mars, 19 et 29 août, 19 octobre 2013, 16 mai 2016, 7 décembre 2017 (pièce Vlisco no3.6) et un extrait du livre "Fabrics" publié en 2012 (pièces Vlisco no3.7). 20. Le dessin "Shoes" créé en 2011, est référencé A1450 (pièce Vlisco no4.1). Il comporte la représentation d'escarpins à talons hauts noirs, vus de l'arrière et dans une orientation en biais, dont on aperçoit la semelle sous la voûte plantaire ornée de stries dégradées, créant un effet d'ombre et dont le contrefort arbore un motif distinct du reste, uni, de la chaussure. L'embout ouvert est orné d'un n?ud plat, un arrière-plan représentant des marches d'escalier, dont les différentes surfaces sont ornées alternativement d'un aplat de couleur ou de motif et de rayures en diagonales. Les escarpins sont disposés par rangées sur les marches de l'escalier, en alternant pour chaque rangée l'orientation vers la gauche ou vers la droite, et l'emplacement des chaussures pour qu'elles soient en alternance en fonction des rangées. Les contreforts présentent des motifs différents, géométriques de cannage ou tressage spécifique, alliant les mêmes couleurs qui rappellent celles de la semelle et du fond du dessin. La société Vlisco communique un extrait du site internet <www.vlisco.com> exploité par Vlisco Netherlands B.V. (pièce Vlisco no 4.1), des factures de commercialisation par Vlisco Netherlands B.V. du motif référencé A1450 (pièce Vlisco no 4.2) , un extrait du registre des données de Vlisco Netherlands B.V. (pièce Vlisco no 4.3) et un extrait du livre "Fabrics" publié en 2012 (pièces Vlisco no4.4). 21. Le motif "Santana" porte la référence 14/ 3686 comprend une succession de formes oblongues dont deux côtés longs sont concaves et deux côtés courts convexes ; l'extrémité convexe de chaque forme vient se loger dans la cavité de chaque côté long de la forme mitoyenne ; chaque forme a un mouvement produisant un effet de torsion et la juxtaposition de cette forme en trois orientations distinctes permettantleurparfaite imbrication. Il est produit un extrait du catalogue Vlisco (pièce Vlisco no5.1), un extrait du site Internet <www.vlisco.com> exploité par Vlisco Netherlands B.V. (pièce Vlisco no 5.2), des factures de commercialisation par Vlisco Netherlands B.V. du motif référencé 14/3686 (pièce Vlisco no 5.3) , un extrait du registre des données de Vlisco Netherlands B.V. relatif au motif 14/3686 (pièce Vlisco no 5.4), des publications Facebook des 25 janvier 2013, 13 avril 2013, 14 mars 2014, 19 juillet 2014, 3 septembre 2016, 9 octobre 2016 (pièce Vlisco no 5.5) et un extrait du livre "Fabrics" publié en 2012 (pièces Vlisco no5.6). 22. Le motif intitulé "bullets" ou "Z'ongles de Mme Thérèse" porte la référence 14/ 1682 (pièceVlisco no6.3). Il est constitué de la répétition par superposition alternative de deux arcs de cercle composés de figures positionnées verticalement, de forme oblongue évoquant des bandes de cartouches avec une extrémité inférieure en pointe ou des ongles peints, reliés par un trait plein à mi-hauteur, dont la taille augmente progressivement vers le sommet de l'arc. Ces figures sont soit de couleur sombre et traversées d'une ligne verticale en pointillés plus clairs dans le premier arc de cercle, soit d'une couleur plus claire et dotées d'un contour épais et sombre dans le second arc de cercle. Pour établir la commercialisation sous son nom, la société Vlisco communique un extrait du catalogue Vlisco (pièce Vlisco no 6.1), des factures de commercialisation par Vlisco Netherlands B.V. du motif référencé 14/1682 (pièce Vlisco no6.2), ainsi qu'un extrait du registre des données de Vlisco Netherlands B.V. (pièce Vlisco no6.4). 23. Le dessin dénommé « High-life » élaboré en 1966, créé par Ankersmith, porte la référence 14/69400 (pièce Vlisco no7.4). Il est décliné en différentes couleurs (pièce Vlisco no7.2). Il est constitué de l'empilement de formes ovales de deux couleurs différentes, séparées par deux triangles qui se joignent à leurs sommets par un point, l'ensemble évoquant un n?ud papillon et un plastron, à intervalles réguliers certaines formes ovales présentent en leur centre un rectangle d'une couleur contrastante dans lequel est inscrite la mention HIGH LIFE, des lignes verticales de points de différentes couleurs dans l'axe des sommets des triangles et des petits point de couleurs dans certains ovales. Il est produit un extrait du site Internet www.vlisco.com exploité par Vlisco Netherlands B.V. (pièce Vlisco no7.2), des factures de commercialisation par Vlisco Netherlands B.V. du motif référencé 14/69400 (pièce Vlisco no7.3), un extrait du registre des données de Vlisco Netherlands B.V. relatif au motif 14/69400 (pièce Vlisco no7.5) et une publication Instagram du 10 mai 2020 (pièce Vlisco no7.6). 24. Le motif A2156 de 2016, créé en 2016 par T. [D] (pièce Vlisco no 8.3), décliné en différentes couleurs (pièce Vlisco no 8.1), est composé d'une alternance de carreaux comportant deux motifs distincts. Le premier motif consiste ainsi en un fil déroulé de façon irrégulière selon des boucles souples, qui parcourt le carreau dans lequel il est enfermé. L'arrière-plan est composé d'un motif évoquant un maillage très serré. Le second motif représente un empilement de formes rectangulaires ou en équerre en trois dimensions parcourant l'espace du carreau qui le contient et évoquant un labyrinthe. Ces motifs représentent des labyrinthes de formes différentes. La société Vlisco verse au débats, pour ce motif, un extrait du site internet www.vlisco.com exploité par Vlisco Netherlands B.V. (pièce Vlisco no8.1), des factures de commercialisation par Vlisco Netherlands B.V. du motif référencé A2156 (pièce Vlisco no8.2), un extrait du registre des données de Vlisco Netherlands B.V. relatif au motif A2156 (pièce Vlisco no8.3) , des publications Instagram des 12 et 22 août 2017 (pièce Vlisco no8.4) et Facebook des 20 et 24 août 2017 (pièce Vlisco no8.5). 25. Le dessin, référencé A2161 se caractérise par la répétition de motifs évoquant des crochets à tête ronde, en contact les uns avec les autres pour former une arborescence. Leurs contours semblent hérissés de petites pointes et ils sont recouverts de toutes petites écailles. Un motif d'oiseau est également apposé de façon répétée dans les trouées de l'arborescence. Cet oiseau est représenté en vol, de profil, doté d'une longue queue, les ailes déployées, composées de trois des motifs de crochets qui l'entourent, avec un fil sortant du bec et disposé en dessous de son corps, au bout duquel est attachée une pierre taillée dont l'éclat des facettes est représenté par huit traits en halo le long descontours. L'arrière-plan est parcouru de lignes pointillées horizontales. La société Vlisco produit un extrait du site internet <www.vlisco.com> exploité par Vlisco Netherlands B.V. (pièce Vlisco no9.1), des factures de commercialisation par Vlisco Netherlands B.V. du motif référencé A2161 (pièce Vlisco no9.2) et un extrait du registre des données de Vlisco Netherlands B.V. relatif au motif A2161 (pièce Vlisco no9.3). 26. Le motif référencé 6/8761, créé en 1984 par W.w Heeswijk (pièce Vlisco no10.3), comporte une représentation stylisée de couronnes de pointes hérissées, assemblées deux par deux par leur socle. Sur un fond noir, le socle de la couronne se compose d'un liseré évoquant un galon formés de triangles noirs et rouges, d'une bande rouge , d'un liseré de motifs de triangles jaunes et noirs et d'un liseré évoquant une ligne de jours échelle. Ces couronnes sont surmontées de longues pointes, une impression de perspective étant rendue par le fait que les sept pointes en premier plan sont en noir plein tandis que les six pointes en arrière-plan sont en stries noires obliques, les rendant moins distinctes et les faisait paraître plus éloignées de l'observateur. L'arrière-plan est parcouru de fin motifs rappelant des nuages ou une mousse savonneuse. La société Vlisco communique pour ce dessin, un extrait du site Internet <www.vlisco.com> exploité par Vlisco Netherlands B.V. (pièce Vlisco no10.1), une facture de commercialisation par Vlisco Netherlands B.V. du motif référencé 8761 (pièce Vlisco no10.2) et un extrait du registre des données de Vlisco Netherlands B.V. relatif au motif 8761 (pièce Vlisco no10.4). 27. Le dessin portant la référence 14/3739 dénommé « Ampoule électrique » ou « Electric Bulb » créé par A.v.d. Manakker, en 1983 (pièce Vlisco no 11.5), consiste en un motif fantaisiste représentant des ampoules électriques qui sont disposées dans une direction ascendante (au lieu de la direction normale de "suspension") et reliées de manière à ressembler à une plume de paon, décliné en différentes couleurs, l'ampoule étant entourée d'une sorte de contour, dont la couleur varie entre le gris piqueté et le noir. Pour établir la commercialisation de ce dessin, la société Vlisco produit un extrait du catalogue Vlisco (pièce Vlisco no 11.1), un extrait du site Internet <www.vlisco.com> qu'elle exploite (pièce Vlisco no 11.2), des factures de commercialisation par Vlisco Netherlands B.V. du motif référencé 14/3739 (pièce Vlisco no11.3), un extrait du registre des données de Vlisco Netherlands B.V. relatif au motif 14/3739 (pièce Vlisco no11.8) et des publications sur les réseaux sociaux (Instagram des 6, 7 et 8 août 2018 -pièce Vlisco no11.6 et Facebook des 12 janvier 2014, 1er juin 2015, 9 mai 2015, 9 août 2018-pièce Vlisco no11.7). 28. Le dessin Vlisco dénommé « Feuilles » portant la référence 14/4735 (pièce Vlisco no 12.3), créé par M. [T], en 1995, est constitué de feuilles de platane, dont le limbe est coloré en fonction des séparations créées par les nervures principales de la feuille, chaque feuille comportant deux couleurs, l'une étant présente sur une plus grande partie et l'autre sur une ou deux parties uniquement, les nervures étant représentées dans une autre couleur, et des taches noires ou de couleur étant apposées dans le prolongement de certaines nervures. Il est décliné en plusieurs couleurs . La société Vlisco verse aux débats, un extrait de la boutique en ligne www.shop.vlisco.com exploitée par Vlisco Netherlands B.V. (pièce Vlisco no12.1), des factures de commercialisation par Vlisco Netherlands B.V. du dessin « Feuilles » référencé 14/4735 (pièce Vlisco no12.3) et un extrait du registre des données de Vlisco Netherlands B.V. relatif au motif 14/3739 (pièce Vlisco no12.3). 29. Le motif "Bague", référencé A2257, conçu en 2016, consiste en un dessin se caractérisant par la répétition, selon des orientations variées, de la représentation stylisée d'une bague en trois dimensions consistant en un anneau surmonté d'un disque comprenant une série de cercles, servant de base au montage d'une pierre taillée sertie par six griffes rondes. Deux pierres sont également incrustées dans l'anneau, de part et d'autre du montage de la pierre. Les trois pierres, qui évoquent des diamants, sont d'une couleur contrastant avec le reste de l'objet et leur facettes semblent refléter la lumière en éclats brillants. Des étoiles à huit branches, quatre courtes et quatre longues, et au c?ur rond et plein, parsèment le dessin, de différentes tailles, elles ajoutent à l'impression de scintillement. Il est produit pour ce motif, un extrait de la boutique en ligne <www.shop.vlisco.com> exploitée par Vlisco Netherlands B.V. (pièce Vlisco no 13.1), un extrait du site internet <www.vlisco.com> exploité par Vlisco Netherlands B.V. (pièce Vlisco no13.2), des factures de commercialisation par Vlisco Netherlands B.V. du dessin référencé A2257 (pièce Vlisco no13.3), un extrait du registre des données de Vlisco Netherlands B.V. (pièce Vlisco no13.6) et des publications Instagram des 15 novembre et 4 décembre 2017 (pièce Vlisco no13.4) et Facebook des 15 novembre et 4 décembre 2017 et du 4 janvier 2018 (pièce Vlisco no13.5). 30. Le motif, référencé 14/1474, a été réalisé en 1960 (pièce Vlisco no 14.6). Il comporte la répétition de trois ensembles superposés de motifs linéaires évoquant des arabesques et des volutes qui se recroquevillent pour former une arborescence, ces dernières ayant un contour d'une couleur qui se détache du fond. Le premier ensemble comprend deux lignes d'arabesques et volutes horizontales présentant, toutes les huit volutes pour la ligne du haut un bouquet à cinq volutes tournées vers le bas qui s'insèrent toutes les six volutes de la ligne inférieure. Le deuxième ensemble est aussi constitué deux lignes de volutes ; sur la première ligne, après une succession de trois volutes horizontales on trouve un bouquet de sept volutes tournées vers le bas auquel succède quatre volutes horizontales et un bouquet de cinq volutes tournées vers le bas et ainsi de suite, et sur la seconde ligne, les cinq volutes tournées vers le bas du bouquet de la ligne du dessus sont suivies d'une volute horizontale et les sept volutes tournées vers le bas du bouquet de la ligne du dessus sont suivies de trois volutes horizontales et ainsi de suite ; Le dernier ensemble comprend trois lignes d'arabesques et volutes horizontales et de bouquets de volutes tournées vers le bas qui permettent de relier la première à la deuxième ligne et la deuxième à la troisième, la première ligne est constituée de six volutes horizontales dont l'extrémité arrondie est tournée en alternance vers le haut ou le bas, vers la droite ou vers la gauche, suivies d'un bouquet de volutes, l'une horizontale dans la continuité des six volutes précédentes et trois tournées vers le bas pour rejoindre la deuxième ligne. Cette deuxième ligne comprend six volutes horizontales, la première est attachée à la volute du milieu du bouquet de trois volutes descendantes de la première ligne, un bouquet de cinq volutes tournées vers le bas étant inséré entre les quatrième et cinquième volutes. Ce bouquet de cinq volutes rejoint la troisième ligne où il est enserré entre des séries de six volutes horizontales. Pour justifier de l'exploitation sous son nom de ce motif, la société Vlisco produit un extrait du site internet www.shop.vlisco.com exploité par Vlisco Netherlands B.V. (pièce Vlisco no 14.1 et 14.2), des factures de commercialisation par Vlisco Netherlands B.V. du dessin référencé 14/1474 (pièce Vlisco no14.3), des publications Instagram des 17 et 18 janvier 2019 (pièce Vlisco no14.4) et Facebook des 18 janvier et 25 septembre 2019 (pièce Vlisco no 14.5) et un extrait du registre des données de Vlisco Netherlands B.V. relatif au motif 14/1474 (pièce Vlisco no14.6). *** 31. La société Vlisco établit donc, pour chaque motif de tissu, l'existence d'un parti pris esthétique singulier au moyen de choix totalement arbitraires, portant dès lors l'empreinte de la personnalité de leur auteur. Il n'est par ailleurs justifié d'aucun tissu dont la création serait antérieure et comportant déjà les caractéristiques de l'une de celles objet du présent litige. Aucun des tissu invoqué ici ne peut donc être regardé comme appartenant à un fonds commun non appropriable. 32. La société Vlisco, qui bénéficie de la présomption prétorienne de tirtularité, ainsi que l'a déjà retenu le juge de la mise en état, peut ainsi revendiquer la protection de ses tissus par le droit d'auteur. 3) Sur la contrefaçon Moyens des parties : 33. La société Vlisco rappelle que la contrefaçon, en matière de droit d'auteur, s'apprécie aux regard des ressemblances uniquement, les divergences de couleur ne permettent donc pas d'écarter cette qualification. Les dessins sur lesquels elle dispose d'un droit d'auteur sont donc reproduits servilement par les défenderesses. 34. La société Batex prétend qu'aucun acte de contrefaçon n'est démontré à son égard. Appréciation du tribunal : 35. En application des dispositions des articles L. 122-1 et L. 122-4 du code de la propriété intellectuelle, le droit d'exploitation appartenant à l'auteur comprend le droit de représentation et le droit de reproduction, et toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants-droit ou ayants-cause est illicite. 36. Il en est de même pour la traduction, l'adaptation ou la transformation, l'arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque. La contrefaçon d'une oeuvre protégée par le droit d'auteur, qui n'implique pas l'existence d'un risque de confusion, consiste dans la reprise de ses caractéristiques identifiées comme constitutives de son originalité. 37. La contrefaçon s'apprécie selon les ressemblances et non d'après les différences. Elle ne peut toutefois être retenue lorsque les ressemblances relèvent de la reprise d'un genre et non de la reproduction de caractéristiques spécifiques de l'oeuvre première. 38. Il en résulte que de simples divergences de couleurs ne peuvent permettre d'échapper à la qualification de contrefaçon. De même, l'apposition de la marque de la société demanderesse à l'action en contrefaçon sur le fondement du droit d'auteur, n'est pas une condition à la caractérisation de la contrefaçon. En l'espèce, la comparaison des références de tissus Vlisco avec les constatations de l'huissier de justice, et les éléments saisis lors des opérations de saisie-contrefaçon, établit la copie servile ou quasi servile des 13 références de tissus décrites précedemment, dont les droits sont présumés appartenir à la société Vlisco. 39. Les tissus de la société défenderesse reprennent les mêmes caractéristiques, dans les mêmes dimensions, selon le même agencement. La contrefaçon de droits d'auteur est donc établie, étant rappelé que la bonne foi est indifférente (Cass. Civ. 1ère, 13 novembre 2008, pourvoi no06-19.021, Bull 2008, I, no258). 4) Sur les mesures de réparation Moyens des parties : 40. La société Vlisco demande 866.700 d'euros au titre des conséquences économiques négatives engendrées par la contrefaçon, 65.000 euros en réparation de son préjudice moral, d'interdire la poursuite des actes de contrefaçon sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard, le rappel de l'intégralité des produits contrefaisants des circuits commerciaux sous astreinte de 1.000 euros, et la publication du présent jugement. 41. La société Afristyle demande le rejet de l'ensemble des demandes. Appréciation du tribunal : 42. L'article L. 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle dispose que " Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :1o Les conséquences économiques négatives de l'atteinte aux droits, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;2o Le préjudice moral causé à cette dernière ;3o Et les bénéfices réalisés par l'auteur de l'atteinte aux droits, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de l'atteinte aux droits.Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si l'auteur de l'atteinte avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée." 43. La société Vlisco n'a pas fait procéder à des opérations de saisie-contrefaçon concernant la société Batex, tandis que les éléments produits ne démontrent pas que les factures produites ne concernent que des produits contrefaisants. 44. Il convient néanmoins de retenir la vente d'au moins 25.000 coupons de tissus contrefaisants entre 2017 et la constatation de la contrefaçon représentant un chiffre d'affaires de l'ordre de 187.500 euros selon le prix unitaire moyen mentionné sur les factures versées aux débats de l'ordre de 7,5 euros. Il convient d'appliquer à cette somme un taux de report de 50 %, les prix de vente pratiqués par les parties étant très différents et un taux de marge brute de 25%. La perte de la société Vlisco peut ainsi être évaluée à 23.435 euros. 45. La société Vlisco subit en outre un indéniable préjudice moral résultant de la banalisation de ses produits qui sera réparé par le versement de la somme de 5.000 euros. 46. Il convient également de faire droit aux demandes de communication de pièces et d'interdiction, selon les modalités prévues au dispositif de la présente décision. Ces mesures réparant suffisamment le préjudice de la société Vlisco la demande de publication de la présente décision sera rejetée, de même que celle de rappel des produits, qui n'apparaît pas justifiée. 5) Sur la concurrence déloyale Moyens des parties : 47. D'après la société Vlisco, les défenderesses créent un risque de confusion et un effet de gamme en vendant des produits de même nature à destination du même public. Elle demande une réparation à titre additionnel sur le fondement de la concurrence déloyale. 48. Sur ce point, la société Batex considère qu'aucune faute ne peut être établie à son égard en l'absence de risque de confusion. De même, aucun détournement de clientèle, c'est-à-dire aucun préjudice, n'est selon elle démontré. Appréciation du tribunal : 49. Est fautif le fait, pour un professionnel, de s'immiscer dans le sillage d'un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire particulier (Cass. Com., 26 janvier 1999, pourvoi no 96-22.457 ; Cass. Com., 10 septembre 2013, pourvoi no 12-20.933). 50. En outre, l'association par le consommateur de produits précis, peu important leur banalité, peut entrainer un effet de gamme. La répétition de la reprise de ces produits est alors fautive ( Cass. Com., 14 novembre 2018, pourvoi no16-28.091). 51. En l'espèce, la commercialisation d'un très grand nombre de références contrefaisantes (près de 15), est à l'origine d'un effet de gamme, source en lui-même d'un risque de confusion préjudiciable à la société Vlisco, et qui sera réparé par le versement de la somme de 3.000 euros à titre de dommages-intérêts. 6) Sur les mesures accessoires 52. Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. L'article 700 du même code permet au juge de condamner en outre la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre, pour les frais exposés mais non compris dans les dépens, une somme qu'il détermine, en tenant compte de l'équité et de la situation économique de cette partie. 53. La défenderesse, qui perd le procès, doit être tenue aux entiers dépens et à indemniser la demanderesse de ses frais, lesquels peuvent être raisonnablement estimés au regard des diligences qui ressortent de ses écritures et des pièces fournies, à 10. 000 euros. 54. Il n'y a pas de motif dans la présente affaire pour écarter l'exécution provisoire, qui est de droit en application de l'article 514 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS LE TRIBUNAL CONDAMNE la société Batex à payer à la société Vlisco Netherlands la somme de 28.437,50 euros en réparation du préjudice causé par la contrefaçon de ses droits d'auteur ; FAIT DÉFENSE à la société BATEX de poursuivre le débit de tout tissus reproduisant les motifs des tissus référencés 6/8511, 6/8761, A1106, A1450, A2257, A1450, A2156, A2161, 14/3739, 14/3686, 14/4735, 14/1682, 14/1474, 14/69400 de la société Vlisco Netherlands, et ce, sous astreinte provisoire de 100 euros par infraction constatée (c'est à dire par coupon de tissu contrefaisant) courant à l'expiration d'un délai de 30 jours suivant la signification de la présente décision et pendant 180 jours ; ENJOINT à la société BATEX de communiquer à la société Vlisco Netherlands les noms et adresses de son ou ses fournisseurs et de ses clients, les quantités exactes de produits reçus ou commandés et vendus, le tout certifié par un expert comptable, et ce, sous astreinte provisoire de 100 euros par jour de retard à exécuter la présente injonction, l'astreinte courant à l'expiration d'un délai de 30 jours suivant la signification de la présente décision et pendant 180 jours ; Se réserve la liquidation des astreintes prononcées ; CONDAMNE la société Batex à payer à la société Vlisco Netherlands la somme de 3.000 euros en réparation du préjudice causé par la concurrence déloyale créée par la reprise d'un nombre très importants de motifs (effet de gamme) ; REJETTE les demandes de rappel des produits et de publication de la présente décision ; CONDAMNE la société Batex aux dépens ; CONDAMNE la société Batex à payer à la société Vlisco Netherlands la somme de 10.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; RAPPELLE que la présente décision est de plein droit exécutoire. Fait et jugé à Paris le 1er décembre 2022. LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE | x |
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JURITEXT000047324637 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/32/46/JURITEXT000047324637.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 1 décembre 2022, 20/12200 | 2022-12-01 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 20/12200 | CT0087 | TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 3ème chambre 1ère section No RG 20/12200 No Portalis 352J-W-B7E-CTKKC No MINUTE : Assignation du :27 novembre 2020 JUGEMENT rendu le 01 décembre 2022 DEMANDERESSE Société VLISCO NETHERLANDS B.V.[Adresse 3][Adresse 3] (PAYS-BAS) représentée par Me Sophie MICALLEF de la SAS HOYNG ROKH MONEGIER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0512 DÉFENDERESSES S.A.R.L. AFRISTYLE[Adresse 2][Adresse 2] S.A.R.L. A&H COMPANY[Adresse 1][Adresse 1] représentées par Me Yannis JOHN de la SELURL KALIANS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D1334 COMPOSITION DU TRIBUNAL Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointeElodie GUENNEC, Vice-présidenteMalik CHAPUIS, Juge, assistés de Caroline REBOUL, Greffière DÉBATS A l'audience du 06 septembre 2022 tenue en audience publique, avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue le 03 novembre 2022.Le délibéré a été prorogé au 17 novembre 2022 puis au 1er décembre 2022. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffeContradictoireEn premier ressort Exposé du litige 1. La société de droit néerlandais Vlisco Netherlands BV (ci-après Vlisco) se présente comme spécialisée dans la création et la confection de tissus dits "wax", qui se caractérisent par des motifs colorés et graphiques, répétés à l'identique sur l'ensemble d'un tissu selon une technique dérivée du batik indonésien, sur lesquels elle revendique des droits d'auteur. Elle commercialise ces tissus en ligne à l'adresse <www.vlisco.com>. 2. La société Afristyle commercialise, notamment, des tissus dits "wax" sur son site internet accessible à l'adresse <www.african-avenue.com>. 3. Ayant constaté que la société Afristyle proposait à la vente des tissus reproduisant selon elle, plusieurs de ses créations, la société Vlisco a fait procédé à un constat d'huissier le 18 septembre 2020. Après y avoir été autorisée par une ordonnance du délégataire du président du tribunal judiciaire de Paris du 07 octobre 2020, la demanderesse a ensuite fait pratiquer une saisie-contrefaçon le 22 octobre 2020 dans les locaux de la société Afristyle. Ces opérations ont révélé que les marchandises vendues par la société Afristyle étaient expédiées par la société A&H Company située à [Localité 4]. 4. Par actes d'huissier signifiés les 27 et 30 novembre 2020, la société Vlisco a fait assigner les sociétés Afristyle et A&H Company devant ce tribunal, en contrefaçon de droits d'auteur et en concurrence déloyale et parasitaire. 5. Par ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 02 septembre 2021, la société Vlisco demande au tribunal, au visa des articles 122 et 789 du code de procédure civile, L. 111-1, L. 112-1, L. 113-5, L. 122-4, L. 331-1-2, L. 331-1-3 et suivants du code de la propriété intellectuelle, 10 bis de la Convention d'Union de Paris et 1240 du code civil, de : A titre principal : ? Déclarer les sociétés Afristyle et A&H Company coupables d'actes de contrefaçon de droit d'auteur à son encontre et à lui payer en conséquence 2.355.000 euros solidairement au titre des conséquences économiques négatives engendrées par la contrefaçon (à parfaire), 115.000 euros chacune en réparation de son préjudice moral et 600.000 euros solidairement de dommages et intérêts en réparation des actes de concurrence déloyale ;? Ordonner la communication des noms et adresses des producteurs, distributeurs, fournisseurs et tous autres détenteurs des produits incriminés au titre de la contrefaçon ou de la concurrence déloyale, mais aussi des grossistes, détaillants et clients, des quantité exactes de produits vendus, fournis, reçus ou commandés, à quel prix d'achat et de vente, ainsi que tout document justificatifs et/ou certifiée par un expert comptable, le tout sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard passé un délai de 8 jours; A titre subsidiaire : ? Condamner les sociétés Afristyle et A&H Company au titre des actes de concurrence déloyale commis au préjudice de la société Vlisco, à lui payer 2.855.000 euros solidairement de dommages et intérêts provisionnels au titre du préjudice économique subi (à parfaire), et 115.000 euros chacune en réparation de son préjudice moral ; En tout état de cause :? Interdire la poursuite des actes de contrefaçon, sous astreinte de 50.000 euros par jour de retard ; ? Ordonner le rappel des produits contrefaisant sous astreinte de 5.000 euros par jour de retard ; ? Ordonner la publication à la charge des défenderesses du jugement à intervenir dans 5 journaux ou revues au choix de la société Vlisco pour un coût fixé à 4.500HT euros. ? Ordonner la publication du jugement à intervenir sur la page d'accueil du site internet de la société Afristyle dans un encadré visible intitulé "publication judiciaire" ; ? Se réserver la liquidation de l'astreinte ; ? Rejeter la demande de condamnation de la société Vlisco en dommage et intérêts ; ? Condamner les défenderesses à lui verser 75.000 euros solidairement au titre de l'article 700 et aux entiers dépens. 6. Par leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 30 septembre 2021, les sociétés Afristyle et A&H demandent au tribunal, au visa des articles L 111-1, L 112-1, L 113-5, L 122-4, L 331-1-3 et suivants du code de la propriété intellectuelle et 1240 du code civil, de : A titre principal : ? Mettre hors de cause la société A&H ;? Rejeter la revendication de droit d'auteur formulée par la demanderesse sur les dessins en cause et la débouter en conséquence de ses demandes sur ce fondement ;? Rejeter toute qualification de concurrence déloyale en l'absence de preuve et en conséquence l'ensembles des demandes formulées sur ce fondement ; A titre subsidiaire : ? Ramener à de plus justes proportions les demandes indemnitaires formulées par la demanderesse. En tout état de cause :? Dire que la société Vlisco a porté préjudice à la société Afristyle du fait de son action et la condamner à lui verser 150.000 euros à ce titre ; ? Condamner la demanderesse à lui verser 5.000 euros au titre de l'article 700 et aux entiers dépens. 7. L'instruction a été close par une ordonnance du 20 janvier 2022 et l'affaire a été plaidée à l'audience du 06 septembre 2022. MOTIFS 1) Sur la mise hors de cause de la société A&H Moyens des parties : 8. Les défenderesses sollicitent la mise hors de cause de la société A&H dans la mesure où celle-ci ne s'occupe que de l'expédition des colis. Elle ne commet donc selon elles aucun acte de contrefaçon de droits d'auteur. 9. La société Vlisco s'oppose à cette mise hors de cause considèrant que celle-ci, en tant que responsable de la gestion logistique des commandes passées sur le site de la société Afristyle, commet des actes de contrefaçon. Appréciation du tribunal : 10. Aux termes de l'article L. 335-2 du code de la propriété intellectuelle, "Toute édition d'écrits, de composition musicale, de dessin, de peinture ou de toute autre production, imprimée ou gravée en entier ou en partie, au mépris des lois et règlements relatifs à la propriété des auteurs, est une contrefaçon et toute contrefaçon est un délit.La contrefaçon en France d'ouvrages publiés en France ou à l'étranger est punie de trois ans d'emprisonnement et de 300 000 euros d'amende.Seront punis des mêmes peines le débit, l'exportation, l'importation, le transbordement ou la détention aux fins précitées des ouvrages contrefaisants." 11. L'article L. 335-3 de ce même code précise qu'"Est également un délit de contrefaçon toute reproduction, représentation ou diffusion, par quelque moyen que ce soit, d'une oeuvre de l'esprit en violation des droits de l'auteur, tels qu'ils sont définis et réglementés par la loi." 12. Les demandes de la société Vlisco sont fondées sur le fait que la société A&H Company prépare et expédie les commandes passées sur le site "african-avenue". Il ressort en effet des procès verbaux de constat d'achat sur internet (pièces Vlisco no25.10 et 25.11) que la société A&H Company est mentionnée comme expéditeur sur les colis des commandes passées par l'huissier de justice, et en assure également le suivi. 13. Il s'en déduit la société A&H, en charge de la logistique des commandes de produits contrefaisants, participe au "débit"des ouvrages contrefaisants. Cette société sera donc déboutée de sa demande de mise hors de cause. 2) Sur l'originalité et la titularité des droits Moyens des parties : 14. Pour chaque motif de tissu, la société Vlisco indique fournir une référence, l'identité du créateur, une date de création et/ou de commercialisation, les caractéristiques de l'oeuvre et la preuve de son exploitation. 15. Selon les sociétés défenderesses, la société Vlisco affirmant elle même commercialiser les tissus du "groupe Vlisco", le véritable auteur des dessins invoqués serait ce "groupe" et non la société demanderesse. Les sociétés défenderesses ajoutent que la société Vlisco ne peut être titulaire d'un droit d'auteur sur les dessins invoqués, car une société ne peut être l'auteur que d'une oeuvre collective. En conséquence, la demanderesse devrait justifier d'une cession de droit pour pouvoir agir. Elle ajoute que les captures d'écran versées aux débats par la société Vlisco doivent être écartées dans la mesure où elles sont dénuées d'une date certaine. De même les factures fournies désignent les tissus par des références de sorte qu'il serait impossible d'identifier à quel produit telle ou telle facture correspond. Ensuite, les croquis présentés par la demanderesse seraient des documents internes qui ne renseignent pas sur des droits qui n'ont fait l'objet d'aucune protection. Enfin, la société Vlisco ne pourrait être auteur car le consommateur ne pourrait l'identifier comme tel sans estampille. Appréciation du tribunal : 16. Conformément à l'article L.111-1 du code de la propriété intellectuelle, l'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. L'article L.112-1 du même code précise que ce droit appartient à l'auteur de toute oeuvre de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination. Il en résulte que la protection d'une oeuvre de l'esprit est acquise à son auteur sans formalité et du seul fait de la création d'une forme originale en ce sens qu'elle porte l'empreinte de la personnalité de son auteur et n'est pas la banale reprise d'un fonds commun non appropriable. 17. Aux termes de l'article L.113-1 du code de la propriété intellectuelle, "La qualité d'auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l'oeuvre est divulguée." Cette présomption peut jouer au bénéfice d'une personne morale, à l'égard d'un tiers recherché en contrefaçon, sous réserve que celle-ci justifie d'une exploitation paisible et non équivoque de l'oeuvre sous son nom, et en l'absence de revendication de l'auteur de la création (notamment : Cass. Civ. 1ère, 10 décembre 2014, pourvoi no13-23.076). Cette présomption simple de titularité des droits la dispense d'établir le processus créatif de l'oeuvre revendiquée et les circonstances dans lesquelles les droits lui ont été cédés. Pour en bénéficier, il lui appartient d'identifier précisément l'oeuvre qu'elle revendique, de justifier de la date à laquelle elle a commencé à en assurer la commercialisation, et de rapporter la preuve d'actes d'exploitation à la date des actes litigieux, et non pas à la date de création, par un ensemble d'éléments précis et concordants, qu'aucun élément contraire ne vient sérieusement contredire, ainsi que l'identité des caractéristiques de l'oeuvre qu'elle revendique et de celle dont elle rapporte la preuve de la commercialisation sous son nom. 18. En l'espèce, le dessin portant la référence 14/3739 dénommé « Ampoule électrique » ou « Electric Bulb » créé par A.v.d. [C], en 1983 (pièce Vlisco no 2.5), consiste en un motif fantaisiste représentant des ampoules électriques qui sont disposées dans une direction ascendante (au lieu de la direction normale de "suspension") et reliées de manière à ressembler à une plume de paon, décliné en différentes couleurs, l'ampoule étant entourée d'une sorte de contour, dont la couleur varie entre le gris piqueté et le noir. Pour établir la commercialisation de ce dessin, la société Vlisco produit un extrait du catalogue Vlisco (pièce Vlisco no 2.1), un extrait du site Internet <www.vlisco.com> qu'elle exploite (pièce Vlisco no 2.2), des factures de commercialisation par Vlisco Netherlands B.V. du motif référencé 14/3739 (pièce Vlisco no 2.3), un extrait du registre des données de Vlisco Netherlands B.V. relatif au motif 14/3739 (pièce Vlisco no 2.8) et des publications sur les réseaux sociaux (Instagram des 6, 7 et 8 août 2018 -pièce Vlisco no 2.6 et Facebook des 12 janvier 2014, 1er juin 2015, 9 mai 2015, 9 août 2018-pièce Vlisco no 2.7). 19. Le dessin dénommé "Fleur de mariage" ou "Rolls Royce" est également créé par A.v.D [C], en 1979 et porte la référence 14/3541 (Pièces Vlisco no3.4). Il se caractérise par des pétales de fleurs d'hibiscus comportant une tige, un pistil avec un motif fantaisiste à sa base, en forme d'éventail déplié. Ces pétales sont soit d'une seule couleur, soit de deux couleurs différentes, l'une des deux couleurs ornant davantage de pétales que la seconde, dans différentes orientations, et disposés sur un fond strié. L'exploitation de ce dessin est étayé par un extrait du catalogue Vlisco (pièce Vlisco no 3.1), un extrait du site Internet <www.vlisco.com> (pièce Vlisco no 3.2), des factures de commercialisation par Vlisco Netherlands B.V. du motif référencé 14/3541 (pièce Vlisco no 3.3), un extrait du registre des données de Vlisco Netherlands B.V. relatif au motif 14/3541 (pièce Vlisco no 3.6) et des publications sur les réseaux sociaux (Instagram des 24 novembre 2019, 10 et 14 septembre 2018, 6 août 2018, 3 mai 2015, 1er novembre, 22 septembre, 14 août et 27 juin 2014-pièce Vlisco no 3.7 et Facebook des 21 mars 2019, 12 et 13 septembre 2018, 4 septembre 2017, 27 janvier 2016, 14 novembre, 17 juin, 31 mai, 29 avril et 2 mars 2015, 31 et 21 octobre, 19 septembre, 16 aout, 19 juillet, 2, 19, 26 et 29 juin, 10 mai 2014, 2 et 19 aout 2013 et 7 août 2012 - pièce Vlisco no 3.8). Au surplus, la société Vlisco fournit des extraits du livre "Fabrics" publié en 2012 (pièce Vlisco 3.9 et 1.6). 20. Le motif "[W]" porte la référence 14/ 3686 comprend une succession de formes oblongues dont deux côtés longs sont concaves et deux côtés courts convexes ; l'extrémité convexe de chaque forme vient se loger dans la cavité de chaque côté long de la forme mitoyenne ; chaque forme a un mouvement produisant un effet de torsion et la juxtaposition de cette forme en trois orientations distinctes permettantleurparfaite imbrication. Il est produit un extrait du catalogue Vlisco (pièce Vlisco no 4.1), un extrait du site Internet <www.vlisco.com> exploité par Vlisco Netherlands B.V. (pièce Vlisco no 4.2), des factures de commercialisation par Vlisco Netherlands B.V. du motif référencé 14/3686 (pièce Vlisco no 4.3) , un extrait du registre des données de Vlisco Netherlands B.V. relatif au motif 14/3686 (pièce Vlisco no 4.4), des publications Facebook des 25 janvier 2013, 13 avril 2013, 14 mars 2014, 19 juillet 2014, 3 septembre 2016, 9 octobre 2016 (pièce Vlisco no 4.6) et un extrait du livre "Fabrics" publié en 2012 (pièces Vlisco no1.6 et 4.7). 21. Le motif 6/8511 (pièce Vlisco no 5.3 et 5.4) est décrit comme se caractérisant par la répétition d'un motif composé de six disques dont les centres sont évidés, placés en cercle, cinq d'entre eux se situant autour d'un disque central, les cinq disques disposés autour du disque central évoquent des roues dentelées incomplètes et sur deux d'entre eux sont attachés des groupes de deux ou trois formes, dont les contours sont ajourés et l'intérieur composé d'une succession de flèches pleines, évoquant d'épais filaments. L'arrière-plan avec un effet craquelé est parcouru de motifs nervurés ou veineux sombres. Il est produit à ce titre, un extrait du site Internet <www.vlisco.com> exploité par Vlisco Netherlands B.V. (pièce Vlisco no 5.1), une facture de commercialisation par Vlisco Netherlands B.V. du motif référencé 8511 (pièce Vlisco no 5.2), ainsi qu'un extrait du registre des données de Vlisco Netherlands B.V. relatif au motif 8511 (pièce Vlisco no 5.4). 22. Le motif "Blocks" ou "1004" référencé 14/3826 (pièce Vlisco no6.4) se caractérise par la répétition d'un assemblage de blocs de différentes tailles et formes à angles droits, dans un ensemble prenant la forme générale d'un losange, par l'usage de plusieurs couleurs dont une dominante, par le maintien d'un espace entre chaque bloc évitant aux côtés de se toucher, par la présence de stries en diagonale de différentes largeurs sur les blocs et par un arrière plan de couleur unie strié de lignes noires horizontales, de longeurs et épaisseurs différentes, discontinues et irrégulières. La société Vlisco produit pour ce motif un extrait du catalogue Vlisco (pièce Vlisco no6.1), un extrait du site internet <www.vlisco.com> exploité par Vlisco Netherlands B.V. (pièceVlisco no 6.3) , des factures de commercialisation par Vlisco Netherlands B.V. du motif référencé A1106 (pièce Vlisco no 3.3) , un extrait du registre des données de Vlisco Netherlands B.V. relative au motif A1106 (pièce Vlisco no 6.5), des publications Instagram des 23 juin et 18 février 2015, et 26 septembre 2014 (pièce Vlisco no6.6) et Facebook des 17 juin et 20 février 2015, 26 septembre et 26 décembre 2014, 27 décembre et 7 juin 2013 (pièce Vlisco no6.7) et un extrait du livre "Fabrics" publié en 2012 (pièces Vlisco no1.6 et6.8). 23. Le motif "Hibiscus", référencé 14/0921 (pièce Vlisco no7.4) se caractérise par la représentation de trois fleurs d'hibiscus, chaque fleur comportant un pistil et des étamines stylisés jaillissant de la corolle, et dont les pétales sont plus foncées à la base, des stries foncés émanantdu centre. L'une des fleurs est représentée d'un point de vue supérieur, avec une corolle de cinq pétales ouverts, l'autre est de côté et sa corolle apparaît en forme d'éventail déplié et la dernière est de profil dans une orientation permettant de percevoir l'intérieur de la corolle. Des tiges supportent les fleurs entrelacées et pourvues de feuilles de forme allongée et aux bords dentelés, dont les nervures sont dessinées en pointillés dans une couleur contrastée. L'ensemble du motif forme un rectangle apposé sur un arrière-plan composé de nervures entrelacées. La demanderesse produit pour ce motif, un extrait du site internet <www.vlisco.com> (pièces Vlisco no 7.1 et 7.2) , des factures de commercialisation par Vlisco Netherlands B.V. du motif référencé 14/0921 (pièce Vlisco no7.3) , un extrait du registre des données de Vlisco Netherlands B.V. (pièce Vlisco no 7.5), des publications Instagram des 9 février 2020, 2,3 et 9 juin 2019, 6,8 et 9 août 2018, 20 septembre 2015, 4, 14 et 21 septembre 2014 (pièce Vlisco no7.6) et Facebook des 9 août 2018, 14 août, 15 et 23 juin 2017, 15 septembre, 13 juin, 2 mars 2016, 20 mai, 25 mars 2015, 6 novembre, 4 et 21 septembre, 1er, 12, 25 et 28 mars 2014 (pièce Vlisco no7.7) et un extrait du livre « Fabrics » publié en 2012 (pièces Vlisco no1.6 et 7.8) 24. Le motif "le sac de [Z] [G]", référencé A1106, est issu d'un dessin de 2008 (pièce Vlisco no8.4 et 8.5). Il comporte la représentation d'un sac à main dont le haut est ovale et le fond plat, vu de face et de biais et comportant : une face avant, couverte aux deux tiers de sa hauteur d'un motif en quadrillage ou tressage spécifique, distinct du motif composant la bande supérieure du dernier tiers qui reprend le fond du dessin ; deux anses dont la plus visible dispose d'attaches plates en forme de cloche collées sur la face avant (certaines versions ayant des attaches d'une couleur différentes des anses). Les bords des attaches sont longés d'une surpiqûre fine et sombre ; une des attaches comporte un ?illet, lui-même supportant une languette rectangulaire à laquelle est attachée une fleur d'hibiscus, dont la représentation permet de percevoir les cinq pétales de la corolle ouverte dont la base est plus foncée ainsi que le pistil ; une tranche d'épaisseur homogène allant de bord en bord, découpée en trois bandes dans la longueur, la bande du milieu étant sombre. Les sacs comportent une fermeture allant d'une extrémité à l'autre, ils sont positionnés de biais et superposés les uns aux autres de manière à ce que les côtés avec les fermetures forment une ligne verticale. La société Vlisco produit pour ce motif, un extrait du site internet <www.vlisco.com> exploité par Vlisco Netherlands B.V. (pièces Vlisco no8.1 et 8.2) , des factures de commercialisation par Vlisco Netherlands B.V. du motif référencé A1106 (pièce Vlisco no8.3) , un extrait du registre des données de Vlisco Netherlands B.V.(pièce Vlisco no 8.4), des publications Instagram du 26 avril 2018 (pièce Vlisco no8.6) et Facebook des 15 mars, 19 et 29 août, 19 octobre 2013, 16 mai 2016, 7 décembre 2017 (pièce Vlisco no8.7) et un extrait du livre "Fabrics" publié en 2012 (pièces Vlisco no1.6 et 8.8). 25. Le dessin "Shoes" créé en 2011, est référencé A1450 (pièce Vlisco no9.3). Il comporte la représentation d'escarpins à talons hauts noirs, vus de l'arrière et dans une orientation en biais, dont on aperçoit la semelle sous la voûte plantaire ornée de stries dégradées, créant un effet d'ombre et dont le contrefort arbore un motif distinct du reste, uni, de la chaussure. L'embout ouvert est orné d'un n?ud plat, un arrière-plan représentant des marches d'escalier, dont les différentes surfaces sont ornées alternativement d'un aplat de couleur ou de motif et de rayures en diagonales. Les escarpins sont disposés par rangées sur les marches de l'escalier, en alternant pour chaque rangée l'orientation vers la gauche ou vers la droite, et l'emplacement des chaussures pour qu'elles soient en alternance en fonction des rangées. Les contreforts présentent des motifs différents, géométriques de cannage ou tressage spécifique, alliant les mêmes couleurs qui rappellent celles de la semelle et du fond du dessin. La société Vlisco communique un extrait du site internet <www.vlisco.com> exploité par Vlisco Netherlands B.V. (pièce Vlisco no 9.1), des factures de commercialisation par Vlisco Netherlands B.V. du motif référencé A1450 (pièce Vlisco no 9.2) , un extrait du registre des données de Vlisco Netherlands B.V. (pièce Vlisco no 9.3) et un extrait du livre "Fabrics" publié en 2012 (pièces Vlisco no1.6 et 9.5). 26. Le motif "Ventilateur" créé par T. [X] en 1985 et référencé 6/8759 (Pièce Vlisco no10.4) se caractérise par la représentation d'un ventilateur de table avec une élice trois pales et à axe horizontal, vu de face et avec une légère orientation en biais, composé d'un socle en forme de parallélépipède, bordé d'un fin liséré constitué d'une succession de courtes lignes de couleur claire perpendiculaires au bord et dont la face supérieurest ornée de courtes stries foncées alignées sur trois niveau, comportant également un empiècement rectangulaire divisé en trois portions ; un bras vertical présentant également de courtes stries alignées sur neuf niveaux, séparés par une ligne horizontale ; un arbre moteur coloré d'une nuance plus foncée ou d'une couleur distincte orné de motifs en pointillés plus clairs organisés en un alignement de triangles ; une grille avant dont la plaque centrale formant le centre des rayons de la grille est en forme de disque, dont le bord est orné d'une ligne en trait de couleur distincte et présentant une étoile au large ventre rond à huit brances de même longueur atteignant la line de bordure de la plaque de couleur constrastée ; un anneau concentrique apposé sur la grille avant. L'arrière plan du motif est parcouru de lignes sombres partant des bords des ventilateurs dans le prolongement des rayons de leursgrilles, formant des faisceaux, étroits à leur base, entrecoupés par des traits en diagonales, de fonçon homogène. Pour ce motif, la demanderesse fourni des extraits du site internet <www.vlisco.com> (pièce Vlisco no10.1 et 10.2), des factures de commercialisation par elle du motif référencé 8759 (pièce Vlisco no10.3), un extrait du registre des données de la société Vlisco (pièce Vlisco no10.4), des publications Instagram des 20 novembre 2018 et 9 mai 2020 (pièce Vliso 10.5), des publications Facebook des 9 mai 2020, 14 février 2016, 14 février, 25 avril, 10 mai et 7 juin 2014, 15, 19 et 26 mai, 25 juillet 2013, 3 octobre et 19 décembre 2012 (pièce Vlisco no10.6), et un extrait du livre "Fabrics" publié en 2012 (pièce Vlisco no10.7 et 1.6). 27. Le motif intitulé "bullets" ou "Z'ongles de Mme [D]" porte la référence 14/ 1682 (pièceVlisco no11.3). Il est constitué de la répétition par superposition alternative de deux arcs de cercle composés de figures positionnées verticalement, de forme oblongue évoquant des bandes de cartouches avec une extrémité inférieure en pointe ou des ongles peints, reliés par un trait plein à mi-hauteur, dont la taille augmente progressivement vers le sommet de l'arc. Ces figures sont soit de couleur sombre et traversées d'une ligne verticale en pointillés plus clairs dans le premier arc de cercle, soit d'une couleur plus claire et dotées d'un contour épais et sombre dans le second arc de cercle. Pour établir la commercialisation sous son nom, la société Vlisco communique un extrait du catalogue Vlisco (pièce Vlisco no 11.1), des factures de commercialisation par Vlisco Netherlands B.V. du motif référencé 14/1682 (pièce Vlisco no11.2), ainsi qu'un extrait du registre des données de Vlisco Netherlands B.V. (pièce Vlisco no11.5). 28. Le motif "Oignon", référencé 14/2921 (pièce Vlisco no12.4 et 12.1) se caractérise par une forme rappelant une jarre ou un oignon dont le col sombre est évasé et se finit par des dents droites et une dent recourbées vers l'extérieur sur chaque côté. Le col de chaque jarre est soit uni, soit pourvu d'un motif consistant en une forme générale rappelant l'agrégation partielle des trois sphères délimitées par des pointillés, une forme identique étant dessinée à l'intérieur et délimitées par des stries formant des rayons, l'intérieur de cette forme étant occupée par un autre en forme de peigne dont l'extrémité supérieure arrondie est évidée. La partie bombée de la jarre arbore un triangle aux côtés irréguliers. Les parties évidées en dehors du triangle présentent soit une longue feuille de palme, soit la représentation stylisée des rainures d'une feuille.Les formes de jarres sont assemblées en groupe de trois ou quatre, de différentes tailles. Chaque groupe est relié par un trait épais et irrégulier dont le fond sombre est parsemé de motifs plus claires de cannage, de cercles et de formes pointillées. Les espaces délimités par ces traits sont remplis de fonds, de couleurs différentes, et parsemés de petites branches sombres émanant des traits, remplies de pointillés clairs, au bout desquelles sont disposées des fins feuilles ou bourgeons. La commercialisation de ce motif par la société Vlisco est étayé par un extrait du site internet <www.vlisco.com> (pièce Vlisco no12.2), des factures de commercialisation du motif référencé 2921 (pièce Vlisco no12.3), un extrait du registre des données de Vlisco (pièce Vlisco no12.5), des publications Facebook des 11 février, 2018, 20 novembre 2017, 29 janvier, 15 mars et 3 septembre 2016, 25 mars 2015, 5 août, 11 et 21 septembre et 5 octobre 2014, 6 octobre et 8 novembre 2013 (pièce Vlisco no12.6), et par un extrait du livre "Fabrics" publié en 2012 (pièces Vlisco no1.6 et 12.7). 29. Le dessin, référencé A2161 se caractérise par la répétition de motifs évoquant des crochets à tête ronde, en contact les uns avec les autres pour former une arborescence. Leurs contours semblent hérissés de petites pointes et ils sont recouverts de toutes petites écailles. Un motif d'oiseau est également apposé de façon répétée dans les trouées de l'arborescence. Cet oiseau est représenté en vol, de profil, doté d'une longue queue, les ailes déployées, composées de trois des motifs de crochets qui l'entourent, avec un fil sortant du bec et disposé en dessous de son corps, au bout duquel est attachée une pierre taillée dont l'éclat des facettes est représenté par huit traits en halo le long descontours. L'arrière-plan est parcouru de lignes pointillées horizontales. La société Vlisco produit un extrait du site internet <www.vlisco.com> exploité par Vlisco Netherlands B.V. (pièce Vlisco no13.1), des factures de commercialisation par Vlisco Netherlands B.V. du motif référencé A2161 (pièce Vlisco no13.2) et un extrait du registre des données de Vlisco Netherlands B.V. relatif au motif A2161 (pièce Vlisco no13.3) 30. Le motif référencé 6/8761, créé en 1984 par W.w [S] (pièce Vlisco no14.3), comporte une représentation stylisée de couronnes de pointes hérissées, assemblées deux par deux par leur socle. Sur un fond noir, le socle de la couronne se compose d'un liseré évoquant un galon formés de triangles noirs et rouges, d'une bande rouge , d'un liseré de motifs de triangles jaunes et noirs et d'un liseré évoquant une ligne de jours échelle. Ces couronnes sont surmontées de longues pointes, une impression de perspective étant rendue par le fait que les sept pointes en premier plan sont en noir plein tandis que les six pointes en arrière-plan sont en stries noires obliques, les rendant moins distinctes et les faisait paraître plus éloignées de l'observateur. L'arrière-plan est parcouru de fin motifs rappelant des nuages ou une mousse savonneuse. La société Vlisco communique pour ce dessin, un extrait du site Internet <www.vlisco.com> exploité par Vlisco Netherlands B.V. (pièce Vlisco no14.1), une facture de commercialisation par Vlisco Netherlands B.V. du motif référencé 8761 (pièce Vlisco no14.2) et un extrait du registre des données de Vlisco Netherlands B.V. relatif au motif 8761 (pièce Vlisco no14.3). 31. Le motif "Bague", référencé A2257, conçu en 2016, consiste en un dessin se caractérisant par la répétition, selon des orientations variées, de la représentation stylisée d'une bague en trois dimensions consistant en un anneau surmonté d'un disque comprenant une série de cercles, servant de base au montage d'une pierre taillée sertie par six griffes rondes. Deux pierres sont également incrustées dans l'anneau, de part et d'autre du montage de la pierre. Les trois pierres, qui évoquent des diamants, sont d'une couleur contrastant avec le reste de l'objet et leur facettes semblent refléter la lumière en éclats brillants. Des étoiles à huit branches, quatre courtes et quatre longues, et au c?ur rond et plein, parsèment le dessin, de différentes tailles, elles ajoutent à l'impression de scintillement. Il est produit pour ce motif, un extrait de la boutique en ligne <www.shop.vlisco.com> exploitée par Vlisco Netherlands B.V. (pièce Vlisco no 15.1), un extrait du site internet <www.vlisco.com> exploité par Vlisco Netherlands B.V. (pièce Vlisco no15.2), des factures de commercialisation par Vlisco Netherlands B.V. du dessin référencé A2257 (pièce Vlisco no15.3), un extrait du registre des données de Vlisco Netherlands B.V. (pièce Vlisco no15.4) et des publications Instagram des 15 novembre et 4 décembre 2017 (pièce Vlisco no15.6) et Facebook des 15 novembre et 4 décembre 2017 et du 4 janvier 2018 (pièce Vlisco no15.7). 32. Le motif "Happy family", référencé H628, est crée en 1952 (pièce Vlisco no16.4). Il se caratérise par la représentation de poules, têtes de coqs, poussins et oeufs, disposée : en losange avec deux sommets constitués par deux têtes de coqs de profil se faisant face, les deux autres sommets par des poules de profil, au centre du losange une poule de profil et de taille plus importante dont la tête est tournée vers l'arrière, huit poussins sont positionnés dans les parties supérieure et inférieure du losange, répartis par deux de part et d'autre de l'axe vertval, vers lequel ils sont tournés, et les côtés sont constitués d'une succession de sept oeufs et de quatre courtes lignes contituées de trois oeufs partant des sommets à têtes de coqs vers le centre de la figure. Autour du losange, se trouve un carré constitué de quatre têtes de coqs tournés vers le centre du motif et comportant deux poussins en son centre, carré qui est répété quatre fois autour du losange ; deux ensemble de trois poussins positionnés en léger arc au niveau des deux sommets supérieur et inférieur du losange, chaque possin étant orienté vers le sommet ; et quatre poussins disposés de part et d'autre du losange et lui tournent le dos. Il est produit pour ce motif, un extrait du site internet <www.vlisco.com> (pièce Vlisco no16.1 et 16.2), des factures de commercialisation de ce motif (pièce no16.3), un extrait du registre des données de Vlisco (pièce Vlisco no16.5), des publication Instagram des 23 janvier et 10 avril 2020, 6 août 2018, 8 et 24 juin, 16 juillet, 22 août, 20 septembre 2015 et 11 mai et 27 juin 2014 (pièce Vlisco no16.6), des publications Facebook des 10 avril 2020, 1er avril 2018, 29 juin et 21 juillet 2016, 15 juillet 2015, 30 avril, 26 juin et 19 juillet 2014, 5 et 10 mai 2013 (pièce Vlisco no16.7) et un extrait du livre "Fabrics" publié en 2012 (pièce Vlisco no16.8 et 1.6). 33. Le motif "Flash", référencé 14/1178, créé en 1955 par [U] (pièce Vlisco no17.3), se caractérise par un motif fantaisiste basé sur des flèches qui se chevauchent et s'emboitent en pointant dans deux directions, l'alternance de flèches de couleur uniforme et de flèches à carreaux très fins, l'ajout d'une sphère au milieu de chaque flèche entourée de tirets noirs, la palette de couleurs dans laquelle un groupe de flèche est dans une couleur particulière et puis dans une autre et dans laqulle la sphère d'un groupe a la couleur de l'autre groupe, et par plusieurs colonnes de flèches séparées par une colonne de flèches d'une couleur uniforme dont le centre est un motif tantôt en forme de diamant, tantôt ovale de la couleur de certaines flèches des colonnes. Il est produit pour ce motif, un extrait d'un catalogue Vlisco (pièce Vlisco no17.1), des factures de commercialisation de ce motif par Vlisco (pièce Vlisco no17.2) et un extrait du registre des données de Vlisco relatif à ce motif (pièce Vlisco no17.4). 34. Le motif "Grotto" (pièce Vlisco no18.4), référencé 14/3639, se caractérise par la représentation répétée et stylisée de plantes grimpantes, aux longues tiges se prolongeant par des longues feuilles étroites et pointues. Les tiges sont souples et semblent être tirées, dans un mouvement d'élévation, par les feuilles auxquelles elles donnent naissance à intervalle irrégulier, pour la plupart orientées vers le haut. Leur centre est de la même couleur que la couleur dominante de l'arrière-plan. Ce dernier consiste en une répétition régulière de sphères de même couleur, des lignes droits et parallèles, d'un espacement irrégulier devenant plus étroit au niveau des sphères. Il est produit pour ce motif, des extraits du site internet <www.vlisco.com> (pièces no18.1 et 18.2), des factures de commercialisation par Vlisco de ce motif (pièce Vlisco no18.3), un extrait du registre des données de Vlisco relatif à ce motif (pièce Vlisco no18.5), une publication Instagram du 28 avril 2018 (pièce Vlisco no18.6), des publications Facebook des 30 septembre 2015 et 31 mai 2012 (pièce no18.7) et un extrait du livre "Fabrics" (pièce Vlisco no1.6 et 18.8). 35. Le dessins A2171, créé en 2016 par T. [O] (pièce Vlisco no19.3), se caractérise par la répétition linéaire des cabosses de cacao représentées en trois dimensions ouvertes par la moitié dans la longueur. Chacune est séparée en deux parties, l'une étant remplie de six fèves de cacao et l'autre de sept. Les fèves sont représentées à même hauteur, leurs faces supérieures planes et colorées par un effet craquelé. Les autres faces des fèves se fondent dans l'obscurité du fond de la cabosse et ne sont distinuables que par des stries plus claires qui laissent deviner leurs contours. Le dessin présente également desfeuilles de cacaoyer représentées en bouquet de six et séparant chaque cabosse. Chacun de ces bouquets est plus petit que la cabosse qu'il jouxte. Les feuilles sont séparées en deux sur la longueur, une partie étant striée de nervures régulières et l'autre consistant en un aplat de couleur sombre. L'arrière plan est composé d'un fond à effet craquelé. La société Vlisco produit pour ce motif, un extrait de son site internet (pièce Vlisco no19.1), des factures de commercialisation (pièce Vlisco no19.2) et un extrait du registre des données de la société (pièce Vlisco no19.3). 36. Le motif A2337 se caractérise par une superposition de plusieurs plans composés chacun de la répétition de motifs différents. Le premier plan consiste en la répétition de formes circulaires composées de différents motifs concentriques, pouvant rappeler un mandala ou une corolle de fleurs vue de dessus. Un motif de rosace à neuf branches en marque le coeur. Au second plan, des bouquets de fleurs aux corolles évasées rappellent des arums, ou encore des fleurs sur le point d'éclore. Ces fleurs se joignent sur une même tige formant à chaque fois un ensemble de six fleurs. L'extrémité des fleurs est teinté d'une couleur délavé afin de les différencier de la tige. Au troisième et dernier plan se trouve un maillage de tiges sans fleurs. Il est produit, pour ce motif, un extrait du site de Vlisco (pièce Vlisco no20.1), des factures de commercialisation du motif en cause (pièce Vlisco no20.2) et un extrait du registre des données de Vlisco (pièce Vlisco no20.3). 37. Le dessin A2260 se caractérise par la répétition de motifs linéaires, rappelant des frises, et consistant en deux rubans. Ils sont disposés de telle sorte que le serpentement alterne de façon régulière entre un virage arrondi et un virage en angle pointu. Les deux rubans qui composent la frise s'entremêlent en symétrie et dessinent une succession d'ovales et de carrés. Ces derniers sont rempli d'un applat de couleur uni. L'arrière-plan, dont la couleur reflète un effet craquelé, est parcouru de nervures sombres et resserrées. Cet arrière-plan se retrouve dans une autre couleur au centre des formes ovales de la frises. La société Vlisco produit, pour ce motif, un extrait de son site internet (pièce Vlisco no21.1), des factures de commercialisation (pièce Vlisco no21.2), un extrait du registre des données de la société (pièce Vlisco no21.3), des publications Instagram des 12 et 30 novembre 2017 (pièce Vlisco no21.4) et des publications Facebook des 8 et 13 décembre 2017 (pièce Vlisco no21.5). 38. Le dessin S7020 se caractérise ar une combinaison de motifs végétaux stylisés et disposés en arrangement floral composés de fleurs dont les pétales sont représentées par quatre pointes et leur imbrication par deux lignes dans la longueur ornées de stries, de fleurs dont la corolle légèrement évasée semble sur le point d'éclore, à trois pointes représentant ses pétales, et de feuilles longues et étroites, scindées par une nervure centrale, sur lesquelles figurent de part et d'autre de cette nervure une succession de triangles, la couleur de ceux-ci et du fond alternant sur chaque moitié. Ces élements sont liés entre eux par des tiges souples formant des arabesque, les composants des motifs se regroupant à intervalle régulier dans un mouvement ascendant. L'arrière-plan de couleur unie est parcouru de petit traits. Il est produit, pour ce motif, un extrait du site de la société demanderesse (pièce Vlisco no22.1), des factures de commercialisation (pièce Vlisco no22.2) et un extrait des registres des données de la société (pièce Vlisco no22.3). 39. Le motif "Cerveau de [T] [Y]", référencé 14/5124, créé en 1997 (pièce Vlisco no23.4) se caractérise la répétition d'un motif de forme de croissant, composé de trois arbres joints en leur base, dénués de feuille. Le tronc de l'arbre centrl est perpendiculaire aux deux autres qui l'entourent. Les extrémités de la ramure de l'arbre central semblent toucher celles des deux arbres qui l'entourent, si bien que ces trois élements peuvent être appréhendés comme un ensemble, les pourtours des ramures formant un croissant. L'impression d'unité est renforcée par le fait que les trois arbres se détachent sur un même fond coloré à effet craquelé. Les différents croissants composant le motif sont de couleur, taille et orientation différentes. La société Vlisco produit, pour ce motif, des extraits de son site internet (pièce Vlisco no23.1 et 23.2), des factures de commercialisation (pièce Vlisco no23.3), un extrait du registre des données de la société (pièce Vlisco no23.4), des publications Instagram des 7 et 10 août 2019 (pièce Vlisco no23.5), des publications Facebook des 7 et 10 août 2019 (pièce Vlisco no23.6) et un extrait du livre "Fabrics" (pièces Vlisco no1.6 et 23.7). 40. Le motif "Conseiller", référencé H907, créé en 1955 (pièce Vlisco no24.4) se caractérise par un fond uniforme sur lequel se trouve un enchevêtrement répété d'arabesque et de volutes fines tournées vers l'intérieur. Elles sont orientées tantôt vers le haut, tantôt vers le bas, tantôt à droite, tantôt à gauche, et composées par une succession de petit traits à distance égales. Les contours des volutes se fondent dans un halo flou, mais laissant percer un arrière-plan coloré. Pour ce motif, il est produit des extraits du site internet de la demanderesse (pièces Vlisco no24.1 et 24.2), des factures de commercialisation (pièce Vlisco no24.3) et un extrait du registre de la société (pièce Vlisco no24.5). *** 41. La société Vlisco établit donc, pour chaque motif de tissu, l'existence d'un parti pris esthétique et totalement arbitraire, portant dès lors l'empreinte de la personnalité de son auteur. La pièce no2 des sociétés défenderesses, qui consiste en des reproductions d'autres tissus "wax", outre qu'elle n'est pas datée, ne comporte aucun tissu reproduisant une ou plusieurs caractéristiques de l'un des dessins objets du présent litige, lesquels ne peuvent en aucun cas être considérés comme relevant d'un fonds commun non appropriable. 42. Force est en outre de constater que la demanderesse fournit tous élements attestant de la commercialisation, antérieure à septembre 2020, paisible et non-équivoque par elle, sous son nom, de l'ensemble des tissus invoqués, sans revendication d'aucun auteur personne physique, peu important à cet égard qu'elle appartienne à un groupe et qu'une autre entité de ce groupe soit en charge de la création. 43. La société Vlisco bénéficie donc de la présomption de titularité des droits d'auteur sur chacun des tissus invoqués, lesquels sont originaux et, partant, éligibles à la protection par le droit d'auteur. 3) Sur la contrefaçon Moyens des parties : 44. La société Vlisco rappelle que la contrefaçon, en matière de droit d'auteur, s'apprécie aux regard des ressemblances uniquement, les divergences de couleur ne permettent donc pas d'écarter cette qualification. Les dessins sur lesquels elle dispose d'un droit d'auteur sont donc reproduits servilement par les défenderesses. 45. La société Afristyle indique qu'aucun des produits vendus ne portent la marque Vlisco comme cela a pû être le cas dans les précédents procès intentés par la demanderesse. Appréciation du tribunal : 46. En application des articles L. 122-1 et L. 122-4 du code de la propriété intellectuelle, le droit d'exploitation appartenant à l'auteur comprend le droit de représentation et le droit de reproduction, et toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants-droit ou ayants-cause est illicite. 47. Il en est de même pour la traduction, l'adaptation ou la transformation, l'arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque. La contrefaçon d'une oeuvre protégée par le droit d'auteur, qui n'implique pas l'existence d'un risque de confusion, consiste dans la reprise de ses caractéristiques identifiées comme constitutives de son originalité. 48. La contrefaçon s'apprécie selon les ressemblances et non d'après les différences. Elle ne peut toutefois être retenue lorsque les ressemblances relèvent de la reprise d'un genre et non de la reproduction de caractéristiques spécifiques de l'oeuvre première. 49. Il en résulte que de simples divergences de couleurs ne peuvent permettre d'échapper à la qualification de contrefaçon. De même, l'apposition de la marque de la société demanderesse à l'action en contrefaçon sur le fondement du droit d'auteur, n'est pas une condition de la caractérisation de la contrefaçon. En l'espèce, la comparaison des références de tissus Vlisco avec les copies d'écran effectuées par l'huissier de justice sur le site de la société Afristyle, et les tissus saisis lors des opérations de saisie-contrefaçon, établit la copie servile ou quasi servile des 23 références de tissus décrites précedemment, dont les droits sont présumés appartenir à la société Vlisco. Les tissus des sociétés défenderesses reprennent les mêmes caractéristiques, selon les mêmes dimensions,et un agencement identique. La contrefaçon de droits d'auteur est donc établie, étant rappelé que la bonne foi, quand bien même elle serait établie, est indifférente (Cass. Civ. 1ère, 13 novembre 2008, pourvoi no06-19.021, Bull 2008, I, no258). 4) Sur les mesures de réparation Moyens des parties : 50. La société Vlisco demande 2.355.000 d'euros au titre des conséquences économiques négatives engendrées par la contrefaçon, 115.000 euros en réparation de son préjudice moral, d'interdire la poursuite des actes de contrefaçon sous astreinte de 50.000 euros par jour de retard, le rappel de l'intégralité des produits contrefaisants des circuits commerciaux sous astreinte de 5.000 euros, et la publication du présent jugement. 51. La société Afristyle demande le rejet de l'ensemble des demande. L'onglet "Vlisco" présent sur son site internet démontre selon elle sa bonne foi et le fait qu'elle n'a aucune intention de générer un risque de confusion dans l'esprit du consommateur. Appréciation du tribunal : 52. L'article L. 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle dispose que " Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :1o Les conséquences économiques négatives de l'atteinte aux droits, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;2o Le préjudice moral causé à cette dernière ;3o Et les bénéfices réalisés par l'auteur de l'atteinte aux droits, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de l'atteinte aux droits.Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si l'auteur de l'atteinte avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée." 53. Il ressort du procès-verbal de saisie-contrefaçon (pièce Vlisco no25.08) que les coupons de 6 yards de tissus sont proposés à la vente par la société Afristyle à un prix moyen de 12,89 euros le coupon (moyenne du prix des 9 coupons saisis). De plus, d'après les constats réalisés, la société Afristyle propose près de 25 références de tissus contrefaisant à la vente sur son site internet. Le tribunal observe en outre que l'obstruction du gérant de la société Afristyle n'a pas permis de connaître les quantités de produits contrefaisants achetés et vendus par elle et "débités" par la société A&H. Il convient donc de retenir la vente d'au moins 30.000 coupons de tissus depuis la première constatation de l'infraction, pour un chiffre d'affaires global de 386.700 euros, à laquelle il convient d'appliquer un taux de report de 60 % les parties n'étant pas en situation de concurrence directe mais les défenderesses commercialisant également des produits authentiques et un taux de marge brute de 25 %. Il convient donc d'évaluer les pertes subies par la société Vlisco à la somme de 58.000 euros, sans qu'il soit besoin d'ordonner des mesures d'investigation supplémentaires. 54. Il est en outre incontestable que la société Vlisco subit un préjudice moral découlant de la banalisation de ses produits qui sera réparé par le versement de la somme de 20.000 euros. 55. Il sera en outre fait droit à la demande d'interdiction selon les modalités précisées au dispositif de la présente décision. Ces mesures réparant suffisamment le préjudice de la société Vlisco, la demande de publication de la présente décision sera rejetée. En l'absence de preuve que des produits contrefaisants émanant des sociétés défenderesses se trouveraient entre les mains de tiers, la demande de rappel, qui fait double emploi avec la demande d'interdiction, sera rejetée. 5) Sur la concurrence déloyale Moyens des parties : 56. La société Vlisco invoque des actes distincts de la contrefaçon. D'après la demanderesse, les défenderesses créent un risque de confusion et un effet de gamme en vendant des produits de même nature à l'attention du même consommateur. Elle demande une réparation à hauteur de 600.000 euros. 57. Sur ce point, la société Afristyle prétend qu'il ne peut y avoir d'effet de gamme sur des tissus WAX, ces tissus reposant tous selon elle sur l'association de couleurs et de dessins ou motifs géométiques. Appréciation du tribunal : 58. Est fautif le fait, pour un professionnel, de s'immiscer dans le sillage d'un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire particulier (Cass. Com., 26 janvier 1999, pourvoi no 96-22.457 ; Cass. Com., 10 septembre 2013, pourvoi no 12-20.933), ce qui constitue un acte de parasitisme. 59. En outre, l'association par le consommateur de produits précis, peu important leur banalité, peut entrainer un effet de gamme. La répétition de la reprise de ces produits est alors fautive ( Cass. Com., 14 novembre 2018, pourvoi no16-28.091). 60. En l'espèce, la commercialisation d'un très grand nombre de références de tissus wax constituant des copies serviles ou quasi-serviles des tissus créés par la société Vlisco, a permis à la société Afristyle de tiré indûment profit du savoir-faire et des efforts de la société Vlisco et créé un risque de confusion dans l'esprit du public ce d'autant plus que les défenderesses commercialisent aussi des produits Vlisco authentiques. 61. La société Afristyle sera condamnée à ce titre à payer à la société Vlisco la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 1240 du code civil. 62. La société A&H ne peut être considérée comme ayant participé aux faits distincts de concurrence déloyale dont le régime est distinct de celui de la contrefaçon. 6) Sur les mesures accessoires 63. Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. L'article 700 du même code permet au juge de condamner en outre la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre, pour les frais exposés mais non compris dans les dépens, une somme qu'il détermine, en tenant compte de l'équité et de la situation économique de cette partie. 64. Les défenderesses, qui perdent le procès, doivent être tenues aux entiers dépens et à indemniser la demanderesse de ses frais, lesquels peuvent être raisonnablement estimés au regard des diligences qui ressortent de ses écritures et des pièces fournies, à 20 000 euros. 65. Il n'y a pas de motif, dans la présente affaire, pour écarter l'exécution provisoire, qui est de droit en application de l'article 514 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS LE TRIBUNAL REJETTE la demande de mise hors de cause de la société A&H ; CONDAMNE in solidum la société Afristyle et la société A&H à payer à la société Vlisco Netherlands la somme de 78.000 euros en réparation du préjudice causé par la contrefaçon de ses droits d'auteur sur les tissus référencés 14/3739, 14/3541, 14/3686, 6/8511, 14/3826, 14/0921, A1106, A1450, 6/8759, 14/1682, 14/2921, A2161, 6/8761, A2257, H628, 14/1178, 14/3639, A2171, A2337, A2260, S7020, 14/5124 et H907 ; FAIT DÉFENSE aux sociétés Afristyle et A&H de commercialiser tout tissu reproduisant les caractéristiques originales des tissus de la demanderesse référencés ci-dessus, et ce, sous astreinte de 100 euros par infraction constatée (c'est à dire par coupon de tissu contrefaisant) courant à l'expiration d'un délai de 30 jours suivant la signification de la présente décision et pendant 180 jours ; SE RÉSERVE la liquidation de l'astreinte ; CONDAMNE la société Afristyle à payer à la société Vlisco la somme de 5.000 euros de dommages et intérêts au titre des faits distincts de concurrence déloyale (effet de gamme) ; REJETTE les demandes de publication de la présente décision, de rappel de produits et de production de pièces supplémentaires, de la société Vlisco Netherlands ; CONDAMNE in solidum la société Afristyle et la société A&H aux dépens ; CONDAMNE in solidum la société Afristyle et la société A&H à payer à la société Vlisco Netherlands la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; RAPPELLE que la présente décision est de plein droit exécuoire. Fait et jugé à Paris le 1er décembre 2022. LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE | x |
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JURITEXT000047324638 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/32/46/JURITEXT000047324638.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 25 novembre 2022, 21/01835 | 2022-11-25 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 21/01835 | CT0087 | TRIBUNALJUDICIAIREDE PARIS 3ème chambre2ème section No RG 21/01835 No Portalis 352J-W-B7F-CTYLO No MINUTE : Assignation du :03 Décembre 2020 JUGEMENT rendu le 25 Novembre 2022 DEMANDERESSE SAS CLECIM anciennement PRIMETALS TECHNOLOGIES FRANCE SAS[Adresse 1][Localité 2] représentée par Maître Bertrand LIARD du LLP WHITE AND CASE LLP, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #J0002 DÉFENDERESSE S.A.S. DEEPGRAY VISION[Adresse 3][Localité 4] représentée par Maître Grégoire DESROUSSEAUX et Maître Charles BOUFFIER de laSCP AUGUST & DEBOUZY et ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0438 COMPOSITION DU TRIBUNAL Madame Irène BENAC, Vice-PrésidenteMadame Elodie GUENNEC, Vice-présidenteMonsieur Arthur COURILLON-HAVY, Juge assisté de Quentin CURABET, Greffier DEBATS A l'audience du 29 Septembre 2022 tenue en audience publique devant Irène BENAC et Arthur COURILLON-HAVY, juges rapporteurs, qui sans opposition des avocats ont tenu seuls l'audience, et après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 25 Novembre 2022. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffeContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE 1. La société VAI Clecim, immatriculée le 13 août 2003, a changé plusieurs fois de dénomination, devenant Siemens VAI Metals Technologies à compter du 3 novembre 2006, puis Primetals Technologies France à compter du 8 janvier 2015 et enfin Clecim depuis le 1er avril 2021.Elle se présente comme une spécialiste de la fabrication, la vente, les services et la maintenance d'équipements et logiciels pour la métallurgie et comme la propriétaire, en particulier :- d'un système automatique d'inspection de surface, le système SIAS, incluant différents équipements d'inspection, à savoir des composants matériels, tels qu'au moins une caméra, couplés à une interface logicielle nommée XLine,- des marques française no3391687 et internationale no901458 "XLine" et des marques française no3391684 et internationale no901808 "SIAS". 2. La SAS Deepgray Vision a été créée le 20 janvier 2012 par MM [B] [H], [E] [J] et [Z] [N], salariés de la SAS Clecim jusqu'au 9 septembre 2011 ayant travaillé sur le système SIAS et le logiciel XLine.Elle a principalement pour objet la conception, la réalisation et la fourniture d'équipements, de systèmes ou de prestations de service dans les domaines du traitement du signal, de l'imagerie et de la mesure, pour l'industrie notamment, le développement de logiciels, de sous-ensembles électroniques, optiques et mécaniques, la conception, le développement, le déploiement et la mise en route et la maintenance de systèmes complets. 3. La SAS Deepgray Vision est intervenue en novembre 2014 sur le système d'inspection automatique de surface installé en 2006 par la SAS Clecim sur le site d'[Localité 6] de la société Aperam Stainless France (ci-après Aperam). 4. Soutenant que la SAS Deepgray Vision avait utilisé le code source du logiciel XLine à cette occasion, et ainsi contrefait ses droits d'auteur sur ce logiciel et ses marques XLine et SIAS, la SAS Clecim a obtenu deux ordonnances en saisie-contrefaçon des 21 et 29 novembre 2018 et y a fait procéder au sein des locaux aux deux adresses de la SAS Deepgray Vision le 14 décembre 2018 par un huissier de justice assisté d'un expert en informatique. 5. Par acte du 11 janvier 2019, la SAS Clecim a assigné la SAS Deepgray Vision devant le tribunal judiciaire de Nanterre pour faire interdire la reproduction non autorisée la mise à jour de son logiciel XLine et la reproduction non autorisée de ses marques, sous astreinte. Par ordonnance du 3 décembre 2020, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Nanterre a déclaré celui-ci incompétent au profit du tribunal judiciaire de Paris. 6. La clôture des débats a été prononcée le 13 janvier 2022 par le juge de la mise en état mais ils ont été réouverts pour cause grave le 22 février 2022. 7. Dans ses dernières conclusions signifiées le 13 avril 2022, la SAS Clecim demande au tribunal, au visa des articles L. 112-2, L. 122-6, L. 331-1-3, L. 335-3, L. 713-2 et L. 716-1 et L. 716-14 du code de la propriété intellectuelle et 1240 du code civil, de : - rejeter la demande de nullité de la saisie-contrefaçon,- interdire à la société Deepgray Vision, sous astreinte, de : - poursuivre la mise à jour du logiciel XLine auprès de tout tiers, - poursuivre l'usage des marques XLine et SIAS, - présenter, reproduire, commercialiser, céder et promouvoir le logiciel XLine de quelque façon que ce soit, - faire usage, présenter, reproduire, commercialiser, céder et promouvoir le logiciel de Deepgray Vision et tout autre logiciel qui serait dérivé de celui-ci ou du logiciel XLine, ainsi que de cesser toute activité liée à l'inspection de surface, - ordonner le rappel et la mise à l'écart définitive des circuits commerciaux de tous produits, articles ou documents faisant référence au logiciel XLine et/ou reproduisant les marques XLine et SIAS et leur remise à la société Clecim afin de les détruire, - condamner la société Deepgray Vision à lui payer la somme de 3.000.000 d'euros, dont 1.000.000 d'euros en raison des conséquences économiques négatives de la contrefaçon et 2.000.000 d'euros en raison des bénéfices et des économies d'investissement que la société Deepgray Vision a retirés de son activité contrefaisante,- condamner la société Deepgray Vision à lui payer la somme de 500.000 euros en réparation des actes de concurrence déloyale et parasitaire, - l'autoriser à faire publier le jugement à intervenir, - ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir,- débouter la société Deepgray Vision de l'ensemble de ses demandes, la condamner aux dépens et à lui payer la somme de 50.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Dans ses dernières conclusions signifiées le 23 mars 2022, la SAS Deepgray Vision demande au tribunal, au visa des articles 4, 32-1, 42, 46 et 122 du code de procédure civile, L. 122-6, L. 122-6-1, L. 331-1, L. 332-1, L. 332-2, L. 332-4, L. 711-2, L.712-1, L. 713-3-1, L. 713-6, L. 714-6, L.716-4-2, L.716-4-7, L. 716-5 et R. 332-2 du code de la propriété intellectuelle et 1240 du code civil, de : Sur la contrefaçon de droit d'auteur : - déclarer irrecevables les demandes de la société Clecim en contrefaçon de droit d'auteur pour défaut de titularité de droits sur le logiciel XLine ; à titre subsidiaire, - annuler le procès-verbal de saisie-contrefaçon du 14 décembre 2018 pour défaut de titularité de droits de la société Clecim sur le logiciel XLine et les quatre marques XLine et SIAS, absence de preuve de l'originalité du logiciel XLine, absence de distinctivité des marques SIAS et déloyauté dans la présentation des faits au stade des requêtes en saisie-contrefaçon ; - écarter des débats le procès-verbal de saisie-contrefaçon du 14 décembre 2018, ainsi que les pièces adverses no23 à 27 et 42 et tous documents recueillis par suite de cette saisie-contrefaçon et, subsidiairement, en prononcer la nullité partielle pour les raisons précitées ; à titre très subsidiaire,- constater la licéité de son opération de tierce-maintenance corrective du logiciel XLine de novembre 2014 sur le site d'[Localité 6] de la société Aperam Stainless France ; - rejeter les demandes de la société Clecim en contrefaçon de droit d'auteur ; à titre infiniment subsidiaire,- désigner un expert informatique avec la mission de comparer la solution d'inspection automatique de surface développée par elle et le logiciel XLine ; Sur la contrefaçon de marque : - déclarer irrecevables les demandes de la société Clecim en contrefaçon de marque pour défaut de production des certificats d'enregistrement originaux des quatre marques françaises et internationales XLine et SIAS ; A titre subsidiaire, - annuler les marques SIAS française et internationale pour absence de distinctivité ; - rejeter les demandes de la société Clecim en contrefaçon des marques SIAS française et internationale compte-tenu de leur nullité ; - annuler le procès-verbal de saisie-contrefaçon du 14 décembre 2018 pour les raisons précitées; - écarter des débats le procès-verbal de saisie-contrefaçon du 14 décembre 2018, ainsi que les pièces adverses no23 à 27 et 42 et tous documents recueillis à la suite de cette saisie-contrefaçon et, subsidiairement, prononcer la nullité partielle de ce procès-verbal pour les raisons précitées; A titre très subsidiaire : - constater l'usage des marques françaises et internationales XLine et SIAS à titre de référence nécessaire uniquement pour désigner le système SIAS et le logiciel XLine ; - rejeter les demandes de la société Clecim en contrefaçon de marque ; Sur la concurrence déloyale et le parasitisme : - rejeter les demandes de la société Clecim en concurrence déloyale ou parasitaire ; A titre infiniment subsidiaire, sur le préjudice : - déclarer irrecevables les demandes indemnitaires de la société Clecim sur le fondement de la contrefaçon pour ne pas avoir distingué ses préjudices au titre de la contrefaçon de droit d'auteur d'une part, et au titre de la contrefaçon de marque d'autre part, - rejeter les demandes indemnitaires de la société Clecim sur le fondement de la concurrence déloyale ou parasitaire ; A titre reconventionnel : - condamner la société Clecim à lui payer la somme de 978.000 euros en réparation du préjudice causé par les actes de dénigrement et celle de 88.000 euros en réparation du préjudice causé par la procédure abusive ; - ordonner l'exécution provisoire sur ses seules demandes reconventionnelles ; En tout état de cause : - rejeter l'ensemble des demandes de la société Clecim à son encontre ; - condamner la société Clecim aux dépens, dont distraction au profit de Maître Desrousseaux en application de l'article 699 du code de procédure civile, et à lui payer la somme de 150.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 8. L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 avril 2022. MOTIVATION I - Sur la validité du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 14 décembre 2018 et la demande consécutive d'écarter des débats les pièces no 23 à 27 et 41 Moyens des parties 9. La SAS Deepgray Vision fait valoir que le procès-verbal de saisie-contrefaçon du 14 décembre 2018 doit être annulé compte-tenu de : - l'absence de preuve de la titularité de droits de la société Clecim sur le logiciel XLine lors de la requête ;- l'absence de caractérisation de l'originalité du logiciel XLine lui permettant de revendiquer un droit d'auteur au stade de la requête ;- l'absence de distinctivité des marques SIAS ; - la déloyauté dont a fait preuve la société Clecim dans la présentation des faits pour étayer ses soupçons de contrefaçon, au stade de ses requêtes en saisie-contrefaçon, en soutenant faussement que les employés de Deepgray Vision avaient nécessairement utilisé ses codes sources pour intervenir sur le logiciel installé chez la société Aperam et avaient utilisé des informations confidentielles et démarché des clients de leur ancien employeur.- si le tribunal devait considérer que la société Clecim était recevable à agir en contrefaçon des marques XLine, la nullité partielle du procès-verbal de saisie-contrefaçon concernera uniquement les opérations réalisées sur le fondement du logiciel XLine et des marques SIAS, à l'exclusion des marques XLine. 10. La SAS Clecim soutient que :- elle est titulaire des droits sur le logiciel XLine et en a justifié à la date de la requête en saisie-contrefaçon par les mentions sur les diverses versions du logiciel ;- elle a développé ce logiciel à partir de décembre 2001, bien avant d'être rachetée par la société Siemens AG, qui ne peut donc en être propriétaire ; - l'originalité de ce logiciel, développé sur 10 ans et ayant fait évoluer l'état de l'art, a été démontrée lors de la présentation de la requête en saisie-contrefaçon ;- sa présentation de ses soupçons dans la requête en saisie contrefaçon n'est aucunement déloyale ni mensongère, dès lors que l'intervention de la SAS Deepgray Vision chez la société Aperam est une opération de maintenance évolutive prohibée et nécessitait l'accès aux codes-source du logiciel ;- l'éventuelle nullité de l'un de ses titres ne saurait emporter nullité du procès-verbal de saisie contrefaçon, pas même partielle, car l'huissier n'a pas distingué les opérations en lien avec tel ou tel titre et le procès-verbal forme un tout indivisible. Réponse du tribunal 11. L'article L. 332-4 du code de la propriété intellectuelle dispose notamment : "La contrefaçon de logiciels et de bases de données peut être prouvée par tout moyen.A cet effet, toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon est en droit de faire procéder en tout lieu et par tous huissiers, le cas échéant assistés d'experts désignés par le demandeur, en vertu d'une ordonnance rendue sur requête par la juridiction civile compétente, soit à la description détaillée, avec ou sans prélèvement d'échantillons, soit à la saisie réelle du logiciel ou de la base de données prétendument contrefaisants ainsi que de tout document s'y rapportant. La saisie-description peut se concrétiser par une copie des logiciels ou des bases de données prétendument contrefaisants.La juridiction peut ordonner, aux mêmes fins probatoires, la description détaillée ou la saisie réelle des matériels et instruments utilisés pour produire ou distribuer un logiciel ou une base de données prétendument contrefaisants, ainsi que de tout document s'y rapportant." et l'article L. 722-4 prévoit les mêmes dispositions pour la preuve de la contrefaçon de marques. 12. L'absence de contradictoire et le caractère intrusif de la mesure de saisie-contrefaçon imposent que le requérant ne fasse pas une présentation déloyale des faits susceptibles d'influencer le sens de la décision qui sera rendue. Ce dernier se doit donc de porter à la connaissance du juge l'ensemble des éléments de droit et de faits utiles, afin de permettre à celui-ci de porter une appréciation éclairée sur la demande qui lui est soumise et d'ordonner une mesure proportionnée, en tenant compte des intérêts divergents du saisissant et du saisi. 13. En l'occurrence, à l'appui de ses requêtes des 21 et 25 novembre 2018, la société Clecim a présenté des éléments suffisants pour justifier de sa propriété du logiciel XLine par la production du cartouche de la version 5.1.2 de 2005 et de la version 9.3.4 de celui-ci sur laquelle figurait sa dénomination et d'offres commerciale et technique du 21 février 2006 à la société Ugine&ALZ (devenue Aperam ultérieurement) incluant la licence du logiciel XLine. 14. Il ne lui incombait pas, à ce stade, de justifier de l'originalité de ce logiciel, pas plus que de la validité de ses marques enregistrées. 15. S'agissant de la déloyauté de la présentation des faits à l'appui des requêtes des 21 et 25 novembre 2018, la société Clecim soutenait avoir découvert une intervention de maintenance de la société Deepgray Vision sur le logiciel XLine chez un de ses clients en novembre 2014 au cours de laquelle "les employés de la société Clecim ont nécessairement utilisé les codes sources de la requérante, strictement confidentiels, dont ils ont eu connaissance alors qu'ils étaient salariés de la requérante (Primetals). Plus spécifiquement, il était impossible pour la société Clecim de modifier activement la référence (numérotation et date) de la version du logiciel sans utiliser les codes sources de la requérante" et ajoutait qu'elle soupçonnait cette société, créée par trois de ses anciens salariés démissionnaires, de démarcher ses clients en contrefaisant ses droits d'auteurs sur le logiciels et ses marques XLine et SIAS. 16. A l'appui de ces affirmations, elle avait produit une attestation du 30 août 2018 de l'un de ses salariés, M. [M] [Y], relatant les circonstances dans lesquelles il avait découvert l'intervention de maintenance de la société Deepgray Vision en novembre 2014 sur le site de la société Aperam et indiquant "pour modifier cette partie, pour la compiler, il faut être muni des codes sources de XLine®. Ces codes sources sont la propriété de ma société et ne sont jamais donnés à nos clients. Pour que DEEPGRAY Vision puisse modifier cette partie, il a fallu que DEEPGRAY Vision soit en possession des codes sources du SlAS® et en plus les ait utilisés." 17. Or, la société Deepgray Vision produit à cet égard :- une expertise non contradictoire réalisée le 11 juin 2021 par M. [G] [U], expert en informatique inscrit sur les listes des cours d'appel de Paris et Versailles, selon laquelle les indications de version et de date sont des champs texte qui se modifient avec un éditeur de texte, "il n'est aucunement besoin d'intervenir sur les codes sources de XLine pour modifier les numéros de versions et de date affichés par le logiciel" et la société Clecim "avait largement les moyens de vérifier sa théorie de l'utilisation des codes sources" en comparant ses versions 7.7.1 et 7.7.2 avec celle trouvée chez la société Aperam ;- une attestation du 3 novembre 2021 de M. [O] [W], ingénieur ayant occupé des postes de direction à la société Clecim de janvier 2003 à juin 2010, selon laquelle un simple éditeur de textes permet de renseigner la date d'information, aux fins de traçabilité, que la société Clecim ne critique pas sur le fond. 18. Sur ce point, la société Clecim indique dans ses conclusions qu'elle a fourni avec la requête, à l'appui de l'utilisation des codes sources, "des éléments probants incluant mais ne se limitant pas à l'attestation de M. [Y]". Le tribunal observe cependant que, bien que la question soit abordée à deux reprises dans ses conclusions, elle procède par affirmations et ne vise aucune autre pièce probante. 19. Néanmoins, la société Clelim pouvait légitimement admettre l'exactitude des faits attestés par son préposé et l'absence de vérification technique de celle-ci au stade de la requête ne caractérise pas une présentation déloyale des faits au magistrat. 20. De plus, la requête invoquait également une intervention de mise à jour du logiciel XLine par la société Deepgray Vision ainsi que des faits de contrefaçon de ses marques XLine et SIAS, pour lesquels elle apportait des preuves raisonnablement accessibles qui suffisaient à justifier la saisie-contrefaçon telle qu'elle a été autorisée 21. Il n'y a donc pas lieu de prononcer l'annulation du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 14 décembre 2018. II - Sur la contrefaçon du droit d'auteur sur le logiciel XLine 1- Sur la titularité Moyens des parties 22. La SAS Clecim fait valoir que :- lorsqu'ils étaient ses salariés, MM [H], [J] et [N] ont développé ce logiciel, qui appartient donc à leur employeur ; - son nom a toujours figuré sur les différentes versions du logiciel XLine, développé en interne à partir de 2001,y compris sur deux offres commerciale et technique de février 2006 ;- elle est une filiale à 100 % de la société allemande Siemens AG depuis 2005, année où sa dénomination est devenue Siemens VAI Metals Technologies SAS, nom qui apparaît sur la version 7.7.1 du logiciel, et elle n'a jamais cédé ses droits d'auteur à sa maison-mère. 23. La SAS Deepgray Vision fait valoir que :- la présomption de titularité du droit d'auteur est écartée lorsqu'une oeuvre est exploitée sous le nom d'un tiers ; - les dénominations antérieures de la SAS Clecim sont VAI Clecim, SIEMENS VAI Metals Technologies SAS et Primetals Technologies France SAS ;- il est inscrit "© VAI Clecim (2006). All rights reserved" et "© VAI Clecim (2003) All rights reserved" sur les offres commerciales et techniques communiquées en pièces adverses no7 et 8 et "© Siemens AG 2010 Tous droits réservés" sur les versions 7.7.1 et 7.7.2 du logiciel XLine sur les pièces adverses no2 et 10 ; - la société Siemens AG est distincte de la société Clecim. Réponse du tribunal 24. L'article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que "L'auteur, du seul fait de sa création jouit d'un droit de propriété sur celle-ci" et l'article L. 113-1 établit une présomption de qualité d'auteur à ceux sous le nom de qui l'oeuvre est divulguée.L'article L. 113-9, alinéa1, du code de la propriété intellectuelle dispose : "Sauf dispositions statutaires ou stipulations contraires, les droits patrimoniaux sur les logiciels et leur documentation créés par un ou plusieurs employés dans l'exercice de leurs fonctions ou d'après les instructions de leur employeur sont dévolus à l'employeur qui est seul habilité à les exercer." 25. La société Clecim verse aux débats (sa pièce no 36) une description des différentes versions du logiciel XLine entre le 19 décembre 2001 (version 1.0.0) - soit avant son immatriculation - et qui s'arrête le 2 décembre 2010 (version 8.0.2). 26. Sur les versions du logiciel XLine présentées dans les dossiers des parties apparaissent les mentions suivantes :5.1.2 sept 16 2005 XLine Copyright [c] 2002 Tous droits réservés par VAI SIAS6.0.0 nov 14 2005 XLine Copyright [c] 2005 Tous droits réservés par VAI Clecim6.4.1 aug 20 2006 XLine Copyright [c] 2005 Tous droits réservés par VAI Clecim7.7.1 jun 8 2010 XLine © Siemens AG 2010 Tous droits réservés7.7.2 aug 26 2011 XLine © Siemens AG 2011 Tous droits réservés9.3.1.2 nov 7 2014 XLine © Siemens SAS 2014 Tous droits réservés9.3.3 jan 28 2015 XLine © Siemens SAS 2014 Tous droits réservés9.3.1.2 mar 13 2015 XLine © Siemens SAS 2014 Tous droits réservés27. Elles indiquent explicitement que les droits sont réservés, au moins à compter du 8 juin 2010, non pas à la société VAI Clecim (immatriculée au RCS de Saint-Etienne sous le numéro 324 905 165 et dont la dénomination est devenue Siemens VAI Metals Technologies à compter du 3 novembre 2006), comme précédemment, mais à la société Siemens AG (société allemande enregistrée au tribunal d'instance de Munich) et, à partir au moins du 7 novembre 2014 à la SAS Siemens, ce qui signifie que ces droits ont été transférés. Le signe ©, pour copyright, vient renforcer ce sens, bien qu'il s'agisse d'une notion étrangère au droit français. 28. Quoiqu'interpellée sur ce point par les écritures adverses, la société Clecim ne produit aucun élément expliquant ces mentions si les droits sur le logiciel n'ont pas été cédés à ces entités, entretenant l'équivoque. 29. Au surplus, elle ne produit aucune pièce postérieure à février 2006 témoignant d'une exploitation du logiciel sous son nom. 30. Dans ces conditions, la société Clecim ne démontre pas qu'elle est titulaire des droits d'auteur sur logiciel XLine à la date des faits allégués de contrefaçon et ses demandes présentées sur ce fondement sont donc mal fondées. 2 - A titre superfétatoire sur la contrefaçon 31. Le droit d'auteur protège le code source, le code objet et le fichier exécutable des logiciels et l'article L.122-6 du code de la propriété intellectuelle en interdit la reproduction, l'adaptation et la vente non autorisées. 32. L'article L.122-6-1, I, du même code prévoit que : "Les actes prévus aux 1o et 2o de l'article L.122-6 ne sont pas soumis à l'autorisation de l'auteur lorsqu'ils sont nécessaires pour permettre l'utilisation du logiciel, conformément à sa destination, par la personne ayant le droit de l ‘utiliser, y compris pour corriger des erreurs. Toutefois, l'auteur est habilité à se réserver par contrat le droit de corriger les erreurs et de déterminer les modalités particulières auxquelles seront soumis les actes prévus aux 1o et 2o de l'article L.122-6, nécessaires pour permettre l'utilisation du logiciel, conformément à sa destination, par la personne ayant le droit de l'utiliser." 2. 1 - Sur la maintenance réalisée en novembre 2014 Moyens des parties 33. La SAS Clecim fait valoir que la société Deepgray Vision a commis des faits de contrefaçon de son logiciel lors des opérations de maintenance qu'elle a réalisées en novembre 2014 sur le site d'[Localité 6] de la société Aperam. En effet, pour utiliser à cette occasion la version 7.7.2 du logiciel XLine, elle l'avait nécessairement conservée frauduleusement car elle n'a pu la récupérer, comme elle le prétend, sur le site de [Localité 5] de la même société, dès lors, d'une part, qu'elle ne démontre pas avoir eu une mission sur ce site, et, d'autre part, que celui-ci disposait seulement de la version 7.5.0. Au surplus, même dans ce cas, elle n'avait aucun droit de copier cette version sur le site d'[Localité 6], les deux sites bénéficiant de licences distinctes. La société Deepgray Vision a effectué à cette occasion une opération de maintenance évolutive, la version 7.7.2 apportant des fonctionnalités complémentaires, des améliorations et des enrichissements par rapport à la version 7.7.1 et seul le titulaire d'une licence pouvait exécuter une opération de maintenance corrective. 34. La SAS Deepgray Vision oppose que les actes d'usage et de reproduction du logiciel XLine qui lui sont reprochés relèvent d'une opération de tierce maintenance corrective du logiciel XLine, parfaitement licite au regard de l'article L.122-6-1, I, du code de la propriété intellectuelle dès lors que Clecim ne s'est pas réservé par contrat la maintenance de son logiciel, que les dernières pièces produites ne démontrent pas que la version 7.7.2 n'avait pas été installée sur le site de [Localité 5] de la société Aperam, et que cette opération de tierce-maintenance n'a pas nécessité d'accéder et/ou d'intervenir sur le code source du logiciel XLine. Réponse du tribunal 35. La société Clecim a installé un système SIAS et le logiciel XLine sur le site d'[Localité 6] de la société Aperam selon son offre précitée du 21 février 2006 et indique être réintervenue en 2018.Il est constant que la société Deepgray Vision est intervenue en novembre 2014 auprès de la société Aperam et qu'il en a été fait un compte-rendu écrit dont il en ressort qu'elle a, à cette occasion, réalisé diverses prestations parmi lesquelles une "mise à jour software" permettant "de déporter vers l'appli Master la fonction de code CjP". 36. Aux termes de son offre à la société Ugine&ALZ (devenue Aperam), la société Clecim ne s'est pas réservé par contrat le droit de corriger les erreurs, ni de déterminer les modalités particulières pour la reproduction permanente ou provisoire du logiciel ni pour toute autre modification du logiciel en résultant au sens de l'article L.122-6-1, I, précité. Dès lors, la société Aperam était en droit de réaliser elle-même la maintenance du logiciel, et tout autant, contrairement à ce que soutient la société Clecim, de la faire réaliser par un tiers. 37. S'agissant du caractère curatif ou évolutif de l'intervention du 18 novembre 2014, la société Clecim soutient qu'elle a ajouté une nouvelle fonctionnalité au logiciel, réalisant ainsi une opération prohibée de maintenance évolutive, sur la seule base du compte-rendu d'intervention de la société Deepgray Vision indiquant que son intervention a permis de "déporter vers l'appli Master la fonction de sélection du code CJP (...) Cela permet de centraliser cette configuration au niveau de l'appli Master et de s'affranchir du bug perte des paramètres MIE". Or il ressort expressément de ces termes que le déport vers l'appli Master de la fonction de sélection du code CJP avait pour but de réparer un bug et d'assurer la stabilité du logiciel et non de lui ajouter une nouvelle fonctionnalité. Dès lors, cette pièce, non corroborée par une autre analyse ou un autre document technique, ne saurait justifier que l'intervention réalisée en novembre 2014 n'était pas nécessaire pour permettre l'utilisation du logiciel, conformément à sa destination, par la personne ayant le droit de l'utiliser, au sens de l'article L. 122-6.1 précité. 38. S'agissant de l'utilisation des codes sources, l'expert en informatique indépendant ayant assisté l'huissier durant les opérations de contrefaçon a déclaré "Les recherches en visuel et par mots clés n'ont pas permis de relever des éléments démontrant l'existence des sources d'une version du logiciel XLine ni même d'éléments constitutifs de ce logiciel". Ces déclarations ne sont pas réputées non écrites, comme le soutient la société Clecim, dès lors que les ordonnances ayant autorisé la saisie contrefaçon prévoyaient l'autorisation donnée à l'huissier de poser toutes question afin, notamment, "d'obtenir une copie des codes sources et des fichiers exécutables de la requérante que la société Deepgray Vision utilise en violation de ses droits" et que c'est dans ce cadre que s'inscrivaient les déclarations de l'expert précitées. 39. Par attestations des 29 et 30 août 2018, M. [M] [Y] et M. [K] [D], alors salariés de la demanderesse, ont relaté les conditions de leur intervention dans les locaux d'[Localité 6] de la société Aperam le 29 mai 2018 et le fait qu'il ont appris à cette occasion que la SAS Deepgray Vision avait procédé, en novembre 2014, à des opérations de maintenance du logiciel XLine installé en 2006 par leur société.M. [Y] a précisé qu'une modification de la fenêtre de la cartographie du logiciel avait été faite et que "pour modifier cette partie, pour la compiler, il faut être muni des codes sources de XLine®. Ces codes sources sont la propriété de ma société et ne sont jamais donnés a nos clients. Pour que Deepgray Vision puisse modifier cette partie, il a fallu que Deepgray Vision soit en possession des codes sources du SlAS® et en plus les ait utilisés. Ce qui n'aurait pas du être le cas." Outre l'affichage de la date et la version, M. [Y] ne mentionne aucune opération qui aurait requis l'utilisation des codes sources.Cette attestation, émanant d'un salarié, dépendant de la demanderesse, n'est pas corroborée par d'autres éléments ; elle est expressément contredite par deux pièces émanant de tiers décrites supra (avis de l'expert en informatique Aymaret attestation de M. [W]). Or, cet élément est le seul au dossier appuyant les affirmations de la société Clecim selon laquelle l'intervention de maintenance de novembre 2014 nécessitait de disposer des codes source du logiciel ou sa version 7.7.2. Dans ces conditions, la SAS Clecim ne rapporte pas la preuve de son allégation selon laquelle la SAS Deepgray Vision aurait utilisé les codes sources du logiciel XLine, ni qu'elle détenait frauduleusement la version 7.7.2 en novembre 2014. 40. Il n'est donc pas démontré de contrefaçon du logiciel XLine lors de l'opération de maintenance de novembre 2014. 2.2 - Sur la reproduction du logiciel XLine par le logiciel DGSIS Moyens des parties 41. La société Clecim fait valoir que :- la saisie-contrefaçon démontre que la société Deepgray Vision a intégré les codes source et fichiers exécutables de son logiciel dans son propre système d'inspection de surface (DGSIS) qu'elle a développé grâce au savoir-faire et aux éléments protégeables de son logiciel ;- le court délai durant lequel la SAS Deepgray Vision a mis au point son logiciel et le fait que M. [H] a eu accès à un projet de Siemens VAI avec ArcellorMittal en 2007 induit, de toute évidence, qu'elle a utilisé les informations confidentielles recueillies pour ses projets de 2012 et 2013 avec cette même société ;- les observations de l'huissier sur l'absence de similitude entre XLine et DGSIS constituent des appréciations de sa part qui sont réputées non écrites. 42. La société Deepgray Vision soutient que :- dans le procès-verbal de saisie-contrefaçon du 14 décembre 2018, l'huissier et l'expert informatique relèvent expressément l'absence de détention du code source du logiciel XLine et l'absence de toute similitude de leur propre solution d'inspection automatique de surface avec ce logiciel ;- son dossier crédit impôt recherche, rédigé en 2013, décrit précisément le caractère obsolète des systèmes industriels alors disponibles sur le marché, dont celui de Clecim ;- le système qu'elle a développé est en tous points distinct du système de Clecim, notamment en termes d'architecture, d'électronique, de langage de programmation, de missions, de caméras et de protocoles ;- en cas de doute du tribunal quant à l'originalité de sa solution d'inspection automatique de surface, il y aurait lieu d'ordonner une expertise sur ce point ; Réponse du tribunal 43. C'est à juste titre que la société Deepgray Vision relève que les allégations de la société Clecim sur la contrefaçon du logiciel XLine par le logiciel DGSIS ne reposent sur aucune pièce probante et sont même expressément démenties par les observations de l'expert en informatique ayant assisté l'huissier durant les opérations de saisie contrefaçon. 44. En effet, celui-ci a déclaré "nous observons que la société Deepgray Vision développe une application en son nom, laquelle est réalisée sur d'autres technologies et langages de développement que ceux indiqués par Primetals". Ces déclarations ne sont pas réputées non écrites, comme le soutient la société Clecim, dès lors que les ordonnances ayant autorisé la saisie contrefaçon autorisaient l'huissier à poser toutes question afin, notamment, "d'obtenir une copie des codes sources et des fichiers exécutables de la requérante que la société Deepgray Vision utilise en violation de ses droits" et que c'est dans ce cadre que s'inscrivaient les déclarations de l'expert précitées. 45. Par ailleurs, il s'est écoulé un délai de 10 mois entre la création de la société Deepgray Vision et sa demande d'éligibilité au statut de jeune entreprise innovante et de crédit impôt recherche. En février 2013, l'administration fiscale, notamment sur la base d'un avis du 11 février 2013 du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, a fait droit à cette demande.Il ressort expressément de cet avis - et de la copie du dossier que la société Deepgray Vision verse aux débats - qu'elle avait engagé 170.000 euros de dépenses de recherche en 2012 pour le recueil de données et que les travaux, notamment de détermination de nouveaux algorithmes, devaient être poursuivis en 2013, de sorte que le logiciel DGSIS n'était aucunement créé et ni développé à cette date. Il en ressortait également l'état de l'art et les défauts des systèmes industriels présents sur le marché (parmi lesquels celui de la demanderesse). 46. Il ne saurait donc en être déduit une quelconque contrefaçon du logiciel XLine et il s'en évince, au contraire, qu'il s'agit d'une solution innovante.La société Clecim ne produisant aucun autre argument, ses allégations de contrefaçon ne sont donc pas établies, sans qu'il y ait lieu d'ordonner une mesure d'instruction sur ce point. 47. Les demandes de réparation et d'interdiction de faire usage du logicielXLine sont rejetées.Par ailleurs, la demande de la société Clecim tendant à interdire à la société Deepgray Vision "toute activité liée à l'inspection de surface" n'est justifiée ni en droit ni en fait et sera également rejetée. III - Sur la contrefaçon des marques XLine et SIAS 1- Sur les titres Moyens des parties 48. La SAS Deepgray Vision fait valoir que la SAS Clecim ne fournit qu'une impression d'écran de la base marque de l'INPI pour les marques françaises SIAS no3391684 et XLine no3391687, et des extraits détaillés du registre de l'OMPI s'agissant des marques internationales SIAS no901 808 et XLine no901 458, et pas de certificat d'enregistrement, seul document susceptible de lui donner qualité pour agir en contrefaçon de marque, de sorte qu'elle n'a pas qualité pour agir. 49. La SAS Clecim soutient que les photocopies du Bulletin officiel de la propriété industrielle délivrées par l'OMPI, tout comme les extraits de la base officielle de l'INPI sont probants. Réponse du tribunal 50. La société Clecim produit deux extraits du Bulletin officiel de la propriété industrielle du 7 novembre 2005 et deux résultats de recherches sur le site de l'INPI en date du 1er septembre 2019 qui font apparaître :- une marque SIAS déposée par la SAS VAI Clecim le 7 novembre 2005 dans les classes 7, 9 et 11 sous le numéro 05 3 391 684,- une marque XLine déposée par la SAS VAI Clecim le 7 novembre 2005 dans les classes 7, 9 et 11 sous le numéro 05 3 391 687,pour divers produits et services parmi lesquels les appareils d'inspection de surface, appareils de détection de défauts pour les produits métallurgiques et sidérurgiques et les logiciels et leur renouvellement à la date du 1er septembre 2019. 51. Les extraits du registre international des marques versés aux débats attestent de l'enregistrement:- le 26 avril 2006, sous le numéro 901 458, au nom de la SAS VAI Clecim (puis Siemens VAI Metals Technologies à partir du 3 décembre 2014, puis Primetals Technologies France à partir du 7 janvier 2016) de la marque XLine dans les classes 9 (appareils d'acquisition d'images) et 42 (programmation par ordinateur), sur la base d'un enregistrement en France du 21 avril 2006 sous le numéro 05/3391687, et renouvelé le 26 avril 2016, désignant la Chine, la Communauté européenne et les Etats-Unis d'Amérique ;- le 26 avril 2006, sous le numéro 901 808, au nom de la SAS VAI Clecim (puis Siemens VAI Metals Technologies à partir du 5 décembre 2007, puis Primetals Technologies France à partir du 7 janvier 2016) de la marque SIAS dans les classes 7 (machines), 9 (appareils d'acquisition d'images), 11 (rampes d'éclairage à diodes électroluminescentes) et 42 (programmation par ordinateur), sur la base d'un enregistrement en France du 21 avril 2006 sous le numéro 05/3391684, et renouvelé le 26 avril 2016, désignant la Chine, la Communauté européenne et les Etats Unis d'Amérique. 52. La titularité de ces marques est donc suffisamment démontrée sans qu'il y ait lieu d'exiger un certificat d'enregistrement. 2- Sur le caractère distinctif de la marque SIAS Moyens des parties 53. La SAS Deepgray Vision fait valoir que :- le signe SIAS est un acronyme des termes Système d'Inspection Automatique de Surface et constitue lui-même un terme générique dans le secteur des équipements et logiciels pour la métallurgie, couramment utilisé par les acteurs du secteur de la métallurgie depuis de nombreuses années, en France comme à l'étranger ; - son utilisation du terme SIAS de manière usuelle, notamment dans ses échanges d'emails avec ses clients et prospects, ne constitue pas une contrefaçon des marques SIAS. 54. La SAS Clecim soutient que :- le terme générique est "système automatique d'inspection de surface" dont l'acronyme est SAIS, et non "système d'inspection automatique de surface", - la marque SIAS est distinctive par son usage et par les produits et services qu'elle désigne. Réponse du tribunal 55. La marque internationale SIAS désigne l'Union européenne et la liste des produits et services associés a été réduite aux produits décrits dans les classes 7, 9 et 11, les services de la classe 42 ayant été supprimés. 56. L'article 189 du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne dispose que : "Tout enregistrement international désignant l'Union produit, à compter de la date d'enregistrement visée à l'article 3, paragraphe 4, du protocole de Madrid ou de la date d'extension postérieure à l'Union prévue à l'article 3 ter, paragraphe 2, du protocole de Madrid, les mêmes effets qu'une demande de marque de l'Union européenne." et l'article 198, 1, que la nullité des effets d'un enregistrement international désignant l'Union peut être prononcée.L'article 14 du même règlement prévoit : "1. Une marque de l'Union européenne ne permet pas à son titulaire d'interdire à un tiers l'usage, dans la vie des affaires: (...) b) de signes ou d'indications qui sont dépourvus de caractère distinctif ou qui se rapportent à l'espèce, à la qualité, à la quantité, à la destination, à la valeur, à la provenance géographique, à l'époque de la production du produit ou de la prestation du service ou à d'autres caractéristiques de ceux-ci;(...) 2. Le paragraphe 1 ne s'applique que lorsque l'usage par le tiers est fait conformément aux usages honnêtes en matière industrielle ou commerciale."L'article L.711-2 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction applicable à la date d'enregistrement de la marque, disposait : "Le caractère distinctif d'un signe de nature à constituer une marque s'apprécie à l'égard des produits ou services désignés.Sont dépourvus de caractère distinctif :a) Les signes ou dénominations qui, dans le langage courant ou professionnel, sont exclusivement la désignation nécessaire, générique ou usuelle du produit ou du service ;b) Les signes ou dénominations pouvant servir à désigner une caractéristique du produit ou du service, et notamment l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique, l'époque de la production du bien ou de la prestation de service ;c) Les signes constitués exclusivement par la forme imposée par la nature ou la fonction du produit, ou conférant à ce dernier sa valeur substantielle.Le caractère distinctif peut, sauf dans le cas prévu au c, être acquis par l'usage." 57. Il résulte des pièces du dossier que l'inspection de surface consiste dans la détection de défauts pour les produits métallurgiques et sidérurgiques. 58. La société Deepgray Vision verse aux débats notamment :- un brevet international déposé le 26 septembre 2003 intitulé "Procédé et dispositif de contrôle de positionnement dans un système d'inspection automatique de surface" dont la description indique notamment "la technique connue d'inspection automatique de surface concernée par la présente invention, que l'on dénommera par la suite la technique SIAS",- un article de la revue de Métallurgie d'octobre 1996 intitulé "Système d'inspection automatique de surface SIAS" débutant par "Sollac, l'Irsid et MCS Matra ont développé en commun un système d'inspection automatique défauts de surface à grande vitesse de traitement",- une présentation interne de la société Arcellor du 12 mai 2005 relative aux "contrats de maintenance des SIAS", énumérant plusieurs systèmes existant,ainsi que plusieurs pièces postérieures démontrant l'utilisation courante de l'acronyme SIAS pour désigner les systèmes d'inspection automatiques de surface, à sa voir des systèmes de détection des défauts mécaniques par un ensemble composé d'un éclairage de la bande, de l'enregistrement par caméras et du traitement par informatique des données pour repérer les défauts. 59. La société Clecim, pour sa part, ne verse aucune pièce utilisant l'acronyme SAIS ou la locution "système automatique d'inspection de surface" dont elle prétend qu'elle est la désignation générique de ce système. 60. Dès lors, il y a lieu de retenir, au vu des références précitées et des pièces émanant d'au moins trois grands acteurs du secteur de l'industrie métallurgique, que les systèmes d'inspection des pièces similaires à celui de la société Clecim sont désignés de façon générique par l'acronyme SIAS, et que son usage, pour désigner les mêmes produits et services que ceux des dépôts de la marque SIAS par la SAS VAI Clecim (machines, appareils d'acquisition d'images, rampes d'éclairage à diodes électroluminescentes et programmation par ordinateur), préexistait à ce dépôt. 61. La société Clecim n'apporte pas plus de justification à son affirmation selon laquelle sa marque a acquis un caractère distinctif par l'usage et celle-ci est manifestement contredite par les différentes pièces produites datant de l'année 2019 et utilisant le l'acronyme SIAS dans l'acception ci-dessus décrite et non pour désigner le système de la société Clecim. 62. Dans ces conditions, la marque française SIAS numéro 05 3 391 684 déposée par la SAS VAI Clecim le 7 novembre 2005 est nulle et l'enregistrement de la marque internationale, en tant qu'elle désigne l'Union l'Union européenne, est de nul effet pour défaut de distinctivité pour l'ensemble des produits visés aux dépôts. 63. Il y a donc lieu de prononcer leur annulation et de rejeter les demandes fondées sur sa contrefaçon. 3- Sur la contrefaçon de la marque XLine Moyens des parties 64. La SAS Clecim soutient que :- la SAS Deepgray Vision a utilisé et reproduit la marque XLine dans "ses différentes propositions commerciales" saisies ;- il existe une double identité de signe et de produit ;- cette reproduction pour des produits et services similaires porte atteinte à la fonction essentielle de la marque en ce qu'elle laisse croire que la société Deepgray Vision est sa successeure ;- il ne s'agit aucunement d'une référence nécessaire pour indiquer la destination du produit. 65. La SAS Deepgray Vision fait valoir qu'elle n'a utilisé les marques SIAS et XLine qu'à titre de référence nécessaire pour désigner le système et le logiciel éponyme, en particulier pour satisfaire aux demandes de maintenance de ces éléments qui émanent de ses clients et elle ne les a jamais reproduites. Réponse du tribunal 66. L'article 14 du règlement (UE) 2017/1001 précité prévoit : "1. Une marque de l'Union européenne ne permet pas à son titulaire d'interdire à un tiers l'usage, dans la vie des affaires:(...) c) de la marque de l'Union européenne pour désigner ou mentionner des produits ou des services comme étant ceux du titulaire de cette marque, en particulier lorsque l'usage de cette marque est nécessaire pour indiquer la destination d'un produit ou d'un service, notamment en tant qu'accessoire ou pièce détachée.2. Le paragraphe 1 ne s'applique que lorsque l'usage par le tiers est fait conformément aux usages honnêtes en matière industrielle ou commerciale."L'article L. 713-6, I, 3o, du code de la propriété intellectuelle prévoit: "Une marque ne permet pas à son titulaire d'interdire à un tiers l'usage, dans la vie des affaires, conformément aux usages loyaux du commerce, (...) de la marque pour désigner ou mentionner des produits ou des services comme étant ceux du titulaire de cette marque, en particulier lorsque cet usage est nécessaire pour indiquer la destination d'un produit ou d'un service, notamment en tant qu'accessoire ou pièce détachée." 67. En l'occurrence, la société Clecim n'a pas cru bon de viser précisément les pièces démontrant la contrefaçon de la marque XLine.Il résulte des pièces saisies (communiquées sous le no25 dans les pièces de la demanderesse) que le terme "XLine" figure 9 fois dans 7 courriels émanant de M. [H] de la société Deepgray Vision et sert à chaque fois à désigner le système équipant le client comme accessoire de la prestation de maintenance.Dans toutes ces hypothèses, il s'agissait d'un usage nécessaire pour désigner le produit du titulaire de la marque sans aucune mention de nature à laisser croire que la société Deepgray Vision succédait à la société Clelim. 68. La contrefaçon de la marque, ni la moindre atteinte à celle-ci, n'est donc pas démontrée et il y a lieu de rejeter les demandes de la société Clecim de ce chef. IV - Sur la concurrence déloyale et parasitaire Moyens des parties 69. La SAS Clecim soutient que :- la SAS Deepgray Vision s'est appropriée sa notoriété et le succès des produits qu'elle commercialise et a détourné la clientèle qui lui était traditionnellement attachée ;- la SAS Deepgray Vision a commis les manoeuvres suivantes : utilisation d'informations confidentielles, commercialisation d'un logiciel prétendument nouveau, démarchage de ses clients, utilisation des marques, valorisation de l'expérience acquise alors que les fondateurs étaient ses salariés. 70. La SAS Deepgray Vision fait valoir que :- aucune des pièces adverses n'établit d'acte de concurrence déloyale et/ou parasitaire qui lui soit imputable ;- aucun de ses fondateurs n'était lié à la société Clecim par une clause de non-concurrence lorsque s'est déroulée l'opération de tierce maintenance litigieuse, en novembre 2014 ;- elle ne procède à aucune publicité mensongère sur son site Internet et n'a jamais indiqué à ses clients que la société Clecim ne maintenait plus ses systèmes ;- la solution qu'elle commercialise a été développée de façon autonome et indépendante, sur plus d'une année, en rupture avec l'état de l'art existant alors en la matière ;- la simple détention / information sur les tarifs de sa concurrente ne constitue pas un acte de concurrence déloyale en l'absence de preuve d'une utilisation de ces informations pour pratiquer des tarifs systématiquement plus bas ;- ce sont les clients de la société Clecim eux-mêmes qui font appel à elle (et non l'inverse). Réponse du tribunal 71. La concurrence déloyale, fondée sur le principe général de responsabilité édicté par l'article 1240 du code civil, consiste dans des agissements s'écartant des règles générales de loyauté et de probité professionnelle applicables dans les activités économiques et régissant la vie des affaires tels que ceux créant un risque de confusion avec les produits ou services offerts par un autre opérateur, ceux parasitaires visant à s'approprier de façon injustifiée et sans contrepartie une valeur économique résultant d'un savoir-faire, de travaux ou d'investissements ou encore, ceux constitutifs d'actes de dénigrement ou de désorganisation d'une entreprise. 72. Il est constant que les fondateurs de la société Deepgray Vision sont d'anciens salariés de la société Clecim, démissionnaires en 2011, et non liés par une clause de non concurrence. Il n'est pas contesté que la démission des fondateurs de la société Deepgray Vision était motivée par la fermeture de l'établissement de [Localité 7] dans lequel ils étaient employés, et non par un projet personnel de création d'entreprise. 73. Aucune des pièces versées aux débats ne corrobore les manoeuvres énumérées par la société Clecim. Au contraire les pièces recueillies dans le cadre de la saisie-contrefaçon accréditent les affirmations de la société Deepgray Vision sur le fait qu'aucune information confidentielle n'a été exploitée, que le système Deepgray fonctionne avec une technologie différente du système SIAS de la société Clecim et qu'aucune confusion n'a été entretenue entre la société Deepgray Vision et la société Clecim, la première tendant au contraire à se démarquer de la seconde. 74. Il est certain que les fondateurs de la société Deepgray Vision ont valorisé, notamment, leur expérience acquise alors qu'ils étaient les salariés de la société Clecim et qu'ils ont approché ou été approchés par ses anciens clients.Pour autant cette valorisation d'expérience est parfaitement légitime et ne saurait être reprochée ni être qualifiée d'agissement s'écartant des règles générales de loyauté et de probité professionnelle. Quant au démarchage d'anciens clients, corollaire du principe de liberté du commerce, il n'est pas plus contraire à lui seul aux usages de la vie des affaires. 75. La concurrence déloyale n'étant pas établie, il y a lieu de rejeter les demandes de ce chef. V . Sur les demandes reconventionnelles 1- Sur la demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour dénigrement Moyens des parties 76. La SAS Deepgray Vision fait valoir que :- en janvier 2019 les dirigeants de Clecim se sont livrés à une véritable campagne de dénigrement à son encontre, présentant la contrefaçon comme avérée, alors qu'il n'existait qu'une ordonnance de saisie-contrefaçon non-publique et non-contradictoire ;- la SAS Clecim a cherché par ses agissements à dissuader leurs clients communs de contracter avec elle, voire même de remettre en cause les contrats déjà conclus et a été condamnée par ordonnance de référé du 19 mars 2019 à cesser ce dénigrement sous astreinte de 5.000 euros par infraction considérée ;- ce dénigrement a nécessité beaucoup d'énergie et de temps à rassurer les clients et lui a fait perdre la clientèle de son principal client, le groupe ArcelorMittal, avec lequel elle réalisait alors 71% de son chiffre d'affaires, et qui a suspendu leur collaboration du fait de la présente procédure. 77. La SAS Clecim soutient que : - les termes de sa lettre du 22 janvier 2019 étaient modérés et non péremptoires, faisant état d'une décision qui, quoique non contradictoire, n'en était pas moins publique ;- il n'est pas démontré que les destinataires de la lettre auraient, à la suite de sa réception, interrompu toute relation commerciale avec la SAS Deepgray Vision ;- il n'existe aucun lien de causalité entre la prétendue décision d'Arcelor Mittal d'arrêter les nouvelles commandes auprès de la SAS Deepgray Vision et sa prétendue perte de chiffre d'affaires ;- en 2016, soit seulement trois ans après sa création, la SAS Deepgray Vision réalisait déjà un chiffre d'affaires de 285.000 euros, soit la moitié du chiffre d'affaires de Clecim ; dès 2017, elle réalisait le même chiffre d'affaires que Clecim, pour le dépasser en 2018, et presque le doubler en 2019, tandis que la chute en 2020 s'explique par la crise sanitaire due au Covid-19 ainsi. Réponse du tribunal 78. Le dénigrement consiste à jeter publiquement le discrédit sur une personne, un produit ou un service identifié et se distingue de la critique dans la mesure où il émane d'un acteur économique qui cherche à bénéficier d'un avantage concurrentiel en jetant le discrédit sur son concurrent ou sur les produits de ce dernier. 79. Comme l'a constaté le juge des référés du tribunal de commerce de Bobigny dans son ordonnance du 19 mars 2019, la société Clecim a diffusé une lettre circulaire du 22 janvier 2019, notamment à la société ArcellorMittal le 24 janvier 2019, rédigée en anglais et dont la traduction - non contestée - démontre qu'elle est intitulée "Détournement et contrefaçon des droits de propriété intellectuelle de Primetals sur la technologie SIAS" et indique notamment que "le 21 novembre 2018, un tribunal français, accédant à notre requête, a admis le détournement et la contrefaçon potentiels de nos droits de propriété intellectuelle par cette société" et"Par les présentes, nous souhaitons officiellement informer votre société que, sur la base des éléments de preuve pertinents collectés, Primetals a initié, le 11 janvier 2019 une procédure judiciaire à l'encontre de la société Deepgray Vision afin de faire cesser définitivement le détournement et la contrefaçon de la propriété intellectuelle de Primetals et de prévenir tout risque pour nos clients en relation d'affaires avec cette société, dans le domaine de l'inspection de surface". 80. Il résulte de cette lettre, que la société Clecim qualifie elle-même de "communiqué", qu'elle a présenté à plusieurs clients comme acquis en justice le principe d'une contrefaçon par la société Deepgray Vision, sans user du conditionnel, seul l'adjectif "potentiel" venant nuancer légèrement le propos. Elle tendait également à dissuader ses destinataires, parmi lesquels la société ArcelorMittal, de poursuivre leurs relations avec à la société Deepgray Vision et donc de déstabiliser ce nouveau concurrent, en lui faisant perdre la clientèle d'un acteur majeur du secteur. 81. Bien qu'il ne soit pas nécessaire que l'information divulguée soit fausse pour caractériser le dénigrement, le tribunal observe en l'occurrence que la société Clelim ne pouvait ignorer à cette date que la saisie contrefaçon avait montré, d'une part, que la société Deepgray Vision ne détenait pas de copie, même partielle, du logiciel XLine et, d'autre part, qu'elle avait développé un système d'inspection de surface différent. 82. Ce procédé peut être qualifié de dénigrement et s'écarte des règles générales de loyauté et de probité professionnelle applicables dans les activités économiques et régissant la vie des affaires. 83. La société Deepgray Vision démontre que, dès réception de cette lettre, par courriel du 24 janvier 2019, le vice-président de la société Arcelor Mittal a donné instruction aux services achats du groupe de suspendre toute nouvelle activité avec elle et de signaler tous les contrats en cours dont la suspension pourrait devenir nécessaire. 84. Il en résulte qu'elle a dû essayer de rassurer ses interlocuteurs et argumenter pour tenter de redresser la situation.Elle démontre également par une attestation circonstanciée de la société d'expertise comptable Exponens du 23 mars 2022 que :- ce client représentait alors 70 % de son chiffre d'affaires,- celui-ci, qui était en forte hausse depuis 2016 (de 285.000 euros à 764.000 euros en 2018) a diminué sensiblement en 2019 (711.000 euros), a été réduit à néant en 2020 et ressortissait à 152.200 euros en 2021,- que son taux de marge nette était de 35 % en 2017, 52 % en 2018 et 46 % en 2019. 85. C'est à juste titre que la société Clecim fait observer que la pandémie de Covid-19 survenue en 2020 est à l'origine d'une suspension de l'activité d'Arcelor Mittal, de sorte que le chiffre d'affaire de 2020 ne saurait être expliqué par l'effet négatif du dénigrement opéré. En revanche, la baisse de l'activité de 2019 avec cette société apparaît directement corrélée avec celui-ci. 86. Au regard de ces éléments et de l'activité de la société, il y a lieu de fixer à 100.000 euros le montant de la réparation des actes de concurrence déloyale et de condamner la société Clecim à payer cette somme à la société Deepgray Vision. 2 - Sur la demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour procédure abusive Moyens des parties 87. La SAS Deepgray Vision fait valoir que la société Clecim a abusé de son droit d'agir en ce que :- la présente procédure a été engagée dans le seul but de lui nuire afin de l'écarter du marché de l'inspection de surface, comme en témoignent le montant exorbitant des demandes indemnitaires destinées à la mener à la ruine et son instrumentalisation pour ternir sa réputation et son image sur le marché de l'inspection de surface ;- les griefs de contrefaçon n'ont aucun fondement ni aucune base factuelle autre qu'une unique attestation d'un salarié. 88. La SAS Clecim soutient qu'il n'existe aucun abus de sa part du droit d'agir en justice. Réponse du tribunal 89. Le droit d'agir en justice participe des libertés fondamentales ; il est néanmoins susceptible de dégénérer en abus et toute faute dans l'exercice des voies de droit est susceptible d'engager la responsabilité des plaideurs. 90. En l'espèce, la société Clecim a entrepris une saisie-contrefaçon sur la seule base de l'attestation de l'un de ses salariés selon laquelle, à l'occasion d'une intervention de maintenance antérieure de 4 ans, la société Deepgray Vision aurait utilisé les codes-source du logiciel XLine ainsi qu'en témoignait la modification de la version et la date du logiciel.Elle a aussitôt diffusé auprès de leurs clients communs l'existence de cette procédure ainsi qu'il a été rappelé ci-dessus. 91. Dans l'instance au fond, outre de nombreux jugements de valeur négatifs, et en dépit des maigres résultats de la saisie-contrefaçon, elle a soutenu péremptoirement des arguments dont elle ne pouvait ignorer la faiblesse et qu'elle s'est dispensée de démontrer techniquement (sur l'utilisation des codes source du logiciel XLine par la société Deepgray Vision, sur la similarité logiciels XLine et DGSIS et sur le caractère descriptif du terme SIAS) à l'appui de demandes financières considérables (des millions d'euros de dommages-intérêts et des astreintes élevées, sans la moindre pièce attestant des dommages allégués) et l'interdiction pure et simple pour la société Deepgray Vision d'exercer "toute activité liée à l'inspection de surface". 92. Le tribunal observe au surplus que la société Clecim a rejeté sans contreproposition l'offre transactionnelle de la société Deepgray Vision de mai 2019 et s'est déclarée défavorable à une mesure de médiation proposée par le tribunal. 93. Ces éléments caractérisent de la part de la société Clélim d'une intention de nuire à la société Deepgray Vision et de détourner le but de l'action en justice, faisant dégénérer en abus son droit d'agir. 94. Il y a lieu de la condamner à payer à la société Deepgray Vision la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice en résultant. VI . Sur les autres demandes 95. La société Clecim, qui succombe, est condamnée aux dépens de l'instance et à payer à la société Deepgray Vision la somme de 40.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS Le Tribunal, REJETTE la demande d'annulation du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 14 décembre 2018 ; DÉBOUTE la société Clecim de l'ensemble de ses demandes au titre de la contrefaçon du logiciel XLine ; PRONONCE la nullité de la marque française SIAS déposée le 7 novembre 2005 dans les classes 7, 9 et 11 sous le numéro 05 3 391 684 ; PRONONCE la nullité de s effets de l'enregistrement la marque internationale SIAS sous le numéro 901 808 en ce qu'il désigne l'Union européenne ; REJETTE l'ensemble des demandes de la société Clecim au titre de la contrefaçon de la marque XLine ; REJETTE l'ensemble des demandes de la société Clecim au titre de la concurrence déloyale ; CONDAMNE la société Clecim à payer à la société Deepgray Vision la somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts pour concurrence déloyale ; CONDAMNE la société Clecim à payer à la société Deepgray Vision la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ; CONDAMNE la société Clecim aux dépens de l'instance, qui pourront être recouvrés par Me Desrousseaux en application de l'article 699 du code de procédure civile ; CONDAMNE la société Clecim à payer à la société Deepgray Vision la somme de 40.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; RAPPELLE que l'exécution provisoire est de droit. Fait et jugé à Paris le 25 Novembre 2022 Le Greffier La PrésidenteQuentin CURABET Irène BENAC | x |
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JURITEXT000047324639 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/32/46/JURITEXT000047324639.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 8 décembre 2022, 20/09239 | 2022-12-08 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 20/09239 | CT0087 | TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 3ème chambre 1ère section No RG 20/09239 No Portalis 352J-W-B7E-CS2UV No MINUTE : Assignation du :29 septembre 2020 JUGEMENT rendu le 08 décembre 2022 DEMANDERESSE S.A.R.L. NEXTONE RESIDENCE[Adresse 4][Localité 2] représentée par Me Eléonore GASPAR de la SELARL DUCLOS THORNE MOLLET-VIEVILLE & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P75 DÉFENDERESSES S.A.S. HELIONWOOD[Adresse 3][Localité 2] S.A.S. HOTEL DUPLEIX SUFFREN[Adresse 1][Localité 2] représentées par Me Constance MONOD de l'AARPI VALMY AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C0386 COMPOSITION DU TRIBUNAL Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointeElodie GUENNEC, Vice-présidenteMalik CHAPUIS, Juge, assistés de Caroline REBOUL, Greffière DEBATS A l'audience du 20 septembre 2022 tenue en audience publique, avis a été donné aux parties que la décision serait rendue le 17 novembre 2022.Le délibéré a été prorogé au 08 décembre 2022. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffeContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DU LITIGE : 1. La société Nextone Résidence est spécialisée dans l'exploitation immobilière notamment de résidences hôtelières. Elle exploite depuis 2013 un hôtel classé 5 étoiles dénommé "Marquis Faubourg Saint-honoré", situé dans le [Localité 2]. Aux fins de cette exploitation elle a déposé les marques françaises suivantes désignant les services d'hôtellerie et de restauration en classe 43 : - la marque verbale no3815966 "Marquis" déposée le 20 mars 2011; - la marque verbale no3941569 "Marquis Faubourg Saint-honoré" déposée le 23 août 2012 ;- la marque semi-figurative no3865066 "Marquis Cur Non" déposée le 7 octobre 2011 : 2. La société Helionwood est la holding d'un groupe spécialisé dans le domaine de l'hôtellerie désigné sous le signe "Inwood Hotels". Elle est la mère de la société Hôtel Dupleix Suffren, immatriculée en 2001, laquelle exploite depuis 2008 un hôtel (classé 4 étoiles) dénommé "Le Marquis" situé dans le [Localité 2], cette dénomination étant protégée par les marques verbales françaises suivantes, déposées le 10 juin 2015 et enregistrée le 2 octobre suivant, pour désigner les services de publicité en classe 35, d'affaires immobilières et de gestion financière en classe 36 et d'hôtellerie et restauration en classe 43 : "Marquis" no4187747, "Marquis Hôtel" no4187746, "Le Marquis Hôtel" no4187741, "Hôtel Marquis" no4187756, "Hôtel Le Marquis" no4187760, "Marquis Effeil" no4187750, "Le Marquis Effeil" no4187751 et "Hôtel Le Marquis Effeil" no4187764. 3. Par une lettre du 28 juillet 2020, la société Helionwood a mis en demeure la société Nextone Résidence de cesser tous usages du signe "Le Marquis", celle-ci exposant avoir découvert en 2020 l'existence de cet établissement hôtelier concurrent portant le même nom. 4. Considérant de son côté que la société Helionwood était forclose à contester la validité de ses marques au regard de leur exploitation publique et continue et qu'elle ne pouvait justifier de l'usage d'un nom commercial antérieur, la société Nextone Résidence a, par une lettre du 19 août 2020, parallèlement mis en demeure la société Helionwood de cesser l'utilisation du signe "Le Marquis" et de retirer l'ensemble des marques françaises précitées déposées en 2015. 5. C'est dans ce contexte que, par actes d'huissier en date du 29 septembre 2020, la société Nextone Résidence a fait assigner les sociétés Helionwood et Hôtel Dupleix Suffren devant le tribunal judiciaire de Paris, en nullité des marques "Marquis" no4187747, "Marquis Hôtel" no4187746, "Le Marquis Hôtel" no4187741, "Hôtel Marquis" no4187756, "Hôtel Le Marquis" no4187760, "Marquis Effeil" no4187750, "Le Marquis Effeil" no4187751 et "Hôtel Le Marquis Effeil" no4187764 ainsi qu'en contrefaçon et concurrence déloyale et parasitaire. 6. Par une ordonnance du 9 juillet 2021, le juge de la mise en état a notamment : - DIT la société Helionwood irrecevable en ses demandes en nullité des marques Marquis et Marquis Faubourg-Saint Honoré fondées sur le nom commercial " Le Marquis " (seule la société Hôtel Dupleix Suffren étant recevable à invoquer l'usage du nom commercial "Le Marquis" tandis que l'effectivité de cet usage est un moyen de fond) ; - DIT la société Helionwood irrecevable en ses demandes en concurrence déloyale fondée sur le nom commercial "Le Marquis"; - DIT que les sociétés Helionwood et Hôtel Dupleix Suffren sont irrecevables en leurs demandes du fait de la forclusion par tolérance du fait de leur connaissance de l'usage des marques no3815966, no39411569 et no3865066 de la société Nextone depuis plus de 5 années. 7. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 19 janvier 2022, la société Nextone Résidence demande au tribunal de : A titre liminaire, - DÉCLARER irrecevables et en tout état de cause mal fondées l'ensemble des demandes de Hôtel Dupleix Suffren tendant à voir interdire l'usage du signe " Marquis" par Nextone, - DÉCLARER irrecevables et en tout état de cause mal fondées les demandes en concurrence déloyale de Hôtel Dupleix Suffren fondée sur le nom commercial " Le Marquis " ; - DÉCLARER irrecevables et en tout état de cause mal fondées les demandes de Helionwood et Hôtel Dupleix Suffren tendant à contester la validité des marques de Nextone ainsi que leurs usages; En tout état de cause, - DIRE que Hôtel Dupleix Suffren n'a pas de droit antérieur sur le nom commercial " LE MARQUIS "; - CONSTATER les droits antérieurs de Nextone sur les marques "Marquis " no3815966 et " Marquis Faubourg Saint Honore " no39411569 ; - CONSTATER l'absence de risque de confusion entre la marque no 3865066 et le nom commercial " Le Marquis " ; En conséquence, - DÉBOUTER Helionwood et Hôtel Dupleix Suffren de leur demande en illicéité des marques no3815966 et Marquis Faubourg-saint Honore no39411569 ; - DÉBOUTER Hôtel Dupleix Suffren de ses demandes en concurrence déloyale et parasitisme. - DÉBOUTER Helionwood et Hôtel Dupleix Suffren de leur demande pour procédure abusive ; - DÉBOUTER Helionwood et Hôtel Dupleix Suffren de leur demande en publication du jugement ; - JUGER qu'en utilisant le signe "Le Marquis" pour des services hôteliers, la société Helionwood et la société Hôtel Dupleix Suffren ont commis des actes de contrefaçon de marque "Marquis" no3815966 et de la marque "Marquis Faubourg Saint-honore" no39411569 et ont porté atteinte aux noms commerciaux de Nextone ; - INTERDIRE à la société Helionwood et la société Hôtel Dupleix Suffren sous astreinte de 1000€ par jour de retard dans un délai de 15 jours calendaires à compter de la signification du jugement à intervenir, l'exploitation à quelque titre que ce soit, du signe " Le Marquis " ; - JUGER qu'en déposant les marques Marquis no4187747, Marquis Hôtel no4187746, Le Marquis Hôtel no4187741, Hôtel Marquis no4187756, Hôtel Le Marquis no4187760, Hôtel Marquis Effeil no4187753, Marquis Effeil no4187750, Le Marquis Effeil no4187751 et Hôtel Le Marquis Effeil no4187764 le 10 Juin 2015, la société Helionwood a porté atteinte aux marques Marquis No3815966 et Marquis Faubourg Saint-honore no39411569 et a porté atteinte aux noms commerciaux de Nextone ; - ANNULER en conséquence les marques Marquis No4187747, Marquis Hôtel No4187746, Le Marquis Hôtel No4187741, Hôtel Marquis No4187756, Hôtel Le Marquis No4187760, Hôtel Marquis Effeil No4187753, Marquis Effeil No4187750, Le Marquis Effeil No4187751 et Hôtel Le Marquis Effeil No4187764, de la société Helionwood ; - INSCRIRE le jugement au Registre national des marques ; - CONDAMNER solidairement la société Helionwood et Hôtel Dupleix Suffren à verser à Nextone la somme de 50.000 Euros ; - ORDONNER la publication du jugement à intervenir, constatant la contrefaçon commise par la société Helionwood et la société Hôtel Dupleix Suffren au détriment de la société Nextone, dans trois publications au choix de la demanderesse, dans la limite de 1000€, par publication ; - DIRE que les condamnations porteront sur tous les faits illicites commis jusqu'au jour du prononcé du jugement à intervenir ; - CONDAMNER solidairement la société Helionwood et la société Hôtel Dupleix Suffren à payer à la société Nextone la somme de 20.000€ à titre de remboursement des peines et soins du procès, conformément à l'article 700 du code de procédure civile ; - CONDAMNER solidairement la société Helionwood et la société Hôtel Dupleix Suffren aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de la Selarl Duclos Thorne Mollet-Vieville & Associés, avocat aux offres de droit, conformément à l'article 699 du code de procédure civile. 8. Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 13 janvier 2022, les sociétés Helionwood et Hôtel Dupleix Suffren demandent au tribunal de : - DIRE que la société Hôtel Dupleix Suffren exploite de manière continue, paisible, non-équivoque et publique la dénomination commerciale "Le Marquis " depuis 2001 et qu'elle possède ainsi un droit privatif antérieur ; En conséquence, - DÉBOUTER la société Nextone Résidence de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ; A titre reconventionnel, - DIRE que la société Nextone Résidence a commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire en reprenant fautivement le nom commercial antérieure "Le Marquis" exploitée par la Société Hôtel Dupleix Suffren ; - INTERDIRE à la société Nextone Résidence toute utilisation, sous quelque forme que ce soit et sur quelque support que ce soit (physique ou digital), de ses noms commerciaux litigieux reprenant le terme " Marquis ", et ce sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard dans un délai de quinze (15) jours calendaires à compter de la signification du jugement à intervenir ; - DIRE qu'en application de l'article L131-3 du code de procédure civile d'exécution, les astreintes prononcées seront liquidées, s'il y a lieu, par le Tribunal ayant statué sur la présente demande ; - CONDAMNER la société Nextone Résidence à verser à la société Hôtel Dupleix Suffren la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts. - PRONONCER l'illicéité des marques françaises no3815966 "Marquis", no3941569 "Marquis Faubourg Saint-honoré" et no3865066 "Marquis Cur Non" de la société Nextone Résidence. - INSCRIRE le jugement au registre national des marques. - ORDONNER l'insertion dans cinq journaux, au choix des sociétés Helionwood et Hôtel Dupleix Suffren, et aux frais de la société Nextone Résidence, dans limite de 5.000 euros H.T., par insertion, du communiqué suivant, sous astreinte définitive de 1.500 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir : "Par décision du..., le Tribunal Judiciaire de Paris a condamné la société Nextone Résidence pour avoir commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire par reprise illicite de la dénomination commerciale de l'hôtel "Le Marquis" de la chaîne d'hôtel Inwood Hotels et à verser à la société Hôtel Dupleix Suffren des dommages-intérêts." ; - ORDONNER la diffusion dudit communiqué, pendant un délai d'un mois, en première page du site www.marquisfaubourgsainthonore.com/fr, dans sa partie supérieure, de façon immédiatement visible par le consommateur, dans une taille de caractères d'une valeur au moins égale à 12, sous astreinte de 1.500 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir. - CONDAMNER la société Nextone Résidence à verser à la société Hôtel Dupleix Suffren la somme de 10.000 euros pour procédure abusive. - ORDONNER l'exécution provisoire du jugement à intervenir en toutes ses dispositions, nonobstant appel et sans constitution de garantie. - CONDAMNER la société Nextone Résidence à payer à la société Hôtel Dupleix Suffren la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'au paiement des entiers dépens. 9. L'instruction a été close par une ordonnance du 21 avril 2022 et l'affaire plaidée à l'audience du 20 septembre 2022. MOTIFS DE LA DÉCISION 10. Il est observé à titre liminaire que la demande en "illicéité" des marques de la société Nextone présentées à titre reconventionnel (et préalable) par les sociétés Helionwood et Hôtel Dupleix Suffren, laquelle s'analyse indiscutablement en une demande de nullité de ces marques, a déjà été déclarée irrecevable par le juge de la mise en état, les sociétés Helionwood et Hôtel Dupleix Suffren en ayant toléré l'usage pendant plus de cinq ans. Cette demande apparaît donc irrecevable conformément aux dispositions de l'article 794 du code de procédure civile qui confère autorité de chose jugée aux ordonnances du juge de la mise en état statuant sur une fin de non-recevoir. 1o) Sur la nullité et la contrefaçon des marques "Marquis", "Marquis Hôtel", "Le Marquis Hôtel", "Hôtel Marquis", "Hôtel Le Marquis", "Hôtel Marquis Effeil", "Marquis Effeil", "Le Marquis Effeil" et "Hôtel Le Marquis Effeil", de la société Helionwood Moyens des parties 11. La société Nextone Résidence soutient que les marques "Marquis", "Marquis Hôtel", "Le Marquis Hôtel", "Hôtel Marquis", "Hôtel Le Marquis", "Hôtel Marquis Effeil", "Marquis Effeil", "Le Marquis Effeil" et "Hôtel Le Marquis Effeil", de la société Helionwood, enregistrées en 2015 soit postérieurement aux siennes, mais il y a moins de cinq années de sorte qu'aucune forclusion ne lui est opposable, sont nulles. Elle fait à cet égard valoir que, déposées pour des services identiques voire similaires aux siens et, eu égard à leurs fortes ressemblances visuelle, auditive et conceptuelle, elles sont de nature à créer un indéniable risque de confusion dans l'esprit du public pertinent. 12. La société Nextone conteste toute antériorité de l'usage du nom commercial "Le Marquis" par la société Hôtel Dupleix Suffren et soutient à cet égard que les défenderesses ne peuvent se prévaloir de l'exception prévue à l'article L. 713-6 du code de la propriété intellectuelle. Selon elle en effet, les pièces versées aux débats ne permettent en aucun cas de conclure à la preuve d'un usage personnel, public, continu et non équivoque du signe "Le Marquis". En particulier, la société Nextone soitient que les courriers produits en pièce no6 ne sont pas destinés à la clientèle, tandis que les éléments relevés par M. [O] n'ont pas pour origine les sociétés défenderesses (en particulier l'url www.lemarquis.com . La société Nextone soutient encore que le nom commercial de la société Hôtel Dupleix Suffren n'a cessé d'évoluer au cours des années (Le Marquis Suffren, puis Le Marquis Eiffel) pour ne devenir "Le Marquis" qu'en période récente et postérieure au dépôt de ses marques. 13. Les sociétés Helionwood et Hôtel Dupleix Suffren concluent au rejet des demandes de nullité de leurs marques, les marques antérieures de la société Nextone qui servent de fondement à cette demande, étant selon elles "illicites" comme constitutives d'agissements déloyaux et parasitaires en raison de leurs droits antérieurs sur le nom commercial "Le Marquis". 14. Ces sociétés demandent en tout état de cause au tribunal de retenir qu'elles sont fondées à invoquer l'exception de l'usage antérieur à titre de nom commercial du signe "Le Marquis" et d'écarter, en conséquence, la demande en contrefaçon de marques, dont elles soulignent qu'elle ne pourra concerner qu'une partie des produits et services désignés à leur enregistrement. Elles indiquent verser aux débats des preuves de l'exploitation publique du signe "Le Marquis" en pièce no6, un dossier de présentation de l'hôtel Le Marquis en pièce no20, ainsi qu'un dossier de presse en pièce no21, et un rapport d'analyse de la présence du signe sur internet en pièce no22. Appréciation du tribunal 15. Aux termes de l'article L. 711-1 du code de la propriété intellectuelle, "La marque de produits ou de services est un signe servant à distinguer les produits ou services d'une personne physique ou morale de ceux d'autres personnes physiques ou morales. Ce signe doit pouvoir être représenté dans le registre national des marques de manière à permettre à toute personne de déterminer précisément et clairement l'objet de la protection conférée à son titulaire." L'article L. 711-3 de ce code précise que "I.-Ne peut être valablement enregistrée et, si elle est enregistrée, est susceptible d'être déclarée nulle une marque portant atteinte à des droits antérieurs ayant effet en France, notamment : 1o Une marque antérieure : a) Lorsqu'elle est identique à la marque antérieure et que les produits ou les services qu'elle désigne sont identiques à ceux pour lesquels la marque antérieure est protégée; b) Lorsqu'elle est identique ou similaire à la marque antérieure et que les produits ou les services qu'elle désigne sont identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque antérieure est protégée, s'il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d'association avec la marque antérieure ; (...)" 16. S'agissant de la contrefaçon, l'article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle prévoit que "Est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l'usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services : 1o D'un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ; 2o D'un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s'il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d'association du signe avec la marque." 17. L'article L. 713-1 du code de la propriété intellectuelle précise toutefois que "L'enregistrement de la marque confère à son titulaire un droit de propriété sur cette marque pour les produits ou services qu'il a désignés. Ce droit s'exerce sans préjudice des droits acquis par les tiers avant la date de dépôt ou la date de priorité de cette marque.", tandis qu'aux termes de l'article L.713-6 II de ce même code "II. - Une marque ne permet pas à son titulaire d'interdire à un tiers l'usage, dans la vie des affaires, d'un nom commercial, d'une enseigne ou d'un nom de domaine, de portée locale, lorsque cet usage est antérieur à la date de la demande d'enregistrement de la marque et s'exerce dans les limites du territoire où ils sont reconnus." 18. Il convient ici de comparer les signes "Marquis", "Marquis Hôtel", "Le Marquis Hôtel", "Hôtel Marquis", "Hôtel Le Marquis", "Hôtel Marquis Effeil", "Marquis Effeil", "Le Marquis Effeil" et "Hôtel Le Marquis Effeil", de la société Helionwood, avec les signes "Marquis", "Marquis Faubourg Saint-honoré", "Marquis Cur Non" (signe semi-figuratif constitué d'un "M" stylisé figurant une bague, surmontée d'une courrone, entouré de deux licornes cabrées se faisant face, au-dessus d'un phylactère contenant une devise en latin signifiant "pourquoi pas") de la société Nextone Résidence. 19. Force est à cet égard de constater que les signes "Marquis" sont identiques. Ils sont déposés pour désigner des services au moins pour partie identiques à savoir les services d'hôtellerie. La nullité de la marque no4187747 est donc encourue. 20. Les autres signes constituent des imitations des marques antérieures de la société Nextone. Aussi, il convient de rappeler que, interprétant les dispositions de l'article 5 § 1 de la première Directive du Conseil du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des États membres sur les marques (89/104/CEE), dont l'article L.713-2 réalise la transposition en droit interne, la Cour de Justice des Communautés européennes a dit pour doit que, constitue un risque de confusion au sens de ce texte, le risque que le public puisse croire que les produits ou services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d'entreprises liées économiquement (arrêt Canon du 29 septembre 1998, C-39/97, point 29 ; arrêt Lloyd Schuhfabrik du 22 juin 1999, C-342/97). Selon cette même jurisprudence, l'existence d'un risque de confusion dans l'esprit du public doit être appréciée globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce (voir, arrêt Sabel du 11 novembre 1997, C-251/95, point 22), cette appréciation globale impliquant une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte (arrêt Canon, point 17). 21. En outre, l'appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l'impression d'ensemble produite par celles-ci, en tenant compte en particulier de leurs éléments distinctifs et dominants. Aux fins de cette appréciation globale, le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée est censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (arrêt Gut Springenheide et Tusky du 16 juillet 1998, C-210/96, point 31 ; arrêt Lloyd Schuhfabrik, C-342/97, point 26). 22. Afin d'apprécier le degré de similitude existant entre les marques concernées, la juridiction nationale doit déterminer leur degré de similitude visuelle, auditive et conceptuelle et, le cas échéant, évaluer l'importance qu'il convient d'attacher à ces différents éléments, en tenant compte de la catégorie de produits ou services en cause et des conditions dans lesquelles ils sont commercialisés (arrêt Lloyd Schuhfabrik, C-342/97 ). Enfin, pour apprécier la similitude entre des produits ou des services, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre ces produits ou ces services ; ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire (arrêt Canon, C-39/97, point 23). 23. Les produits et services désignés à l'enregistrement sont au moins pour partie les mêmes. Le public pertinent est en outre ici un consommateur à la recherche d'un hébergement hôtelier ; il est donc plutôt attentif, voire très attentif. 24. Les signes reproduisent en outre tous le mot "Marquis", lequel apparaît très distinctif pour désigner des services d'hôtellerie, les signes ne se distinguant que par l'ajout (pour certains signes des défenderesses) de l'article "Le" ou des éléments purement descriptifs "hôtel" ou de l'emplacement géographique de cet hôtel. Il en résulte que, si les signes sont visuellement et phonétiquement relativement distincts, ils apparaissent conceptuellement très proches, renvoyant l'un et l'autre à un univers noble et masculin. 25. Cette forte ressemblance conceptuelle, ainsi que l'identité au moins partielle des services concernés, ne sont pas compensées ici par les différences visuelle et auditive entre les signes, non plus que par le degré plutôt élevé d'attention du public pertinent, qui sera indéniablement amené à croire que les services d'hôtellerie proposés par les parties proviennent d'entités économiquement liées, ce qui n'est pas le cas. Le risque de confusion apparaît donc établi. Il entrainera l'annulation des marques pour les services de restauration, bars, hôtellerie, hébergement temporaire. 26. En ce qui concerne la contrefaçon, les sociétés Helionwood et Hôtel Dupleix Suffren s'en défendent en concluant à l'antériorité de leurs droits sur le nom commercial "Le Marquis" ou encore "Le Marquis Eiffel" exposant exploiter ce nom commercial pour désigner un hôtel classé 4 étoile situé à proximité de la Tour Eiffel depuis 2001. 27. La société Helionwood et sa filiale à 100% la société Hôtel Dupleix Suffren, versent en premier lieu aux débats une revue de presse portant sur la période 2003 / 2008 correspondant à la période où l'hôtel était la propriété des fondateurs du groupe Helionwood. L'hôtel était à cette époque connu du public sous le nom commercial "Le Marquis" les articles produits émanant aussi bien de la presse spécialisée à l'attention des professionnels du secteur, que généraliste (ex : magazine "ELLE" de 2008). 28. Les sociétés défenderesses produisent également en pièce no6 des contrats avec différents partenaires, ou encore des courriers à ces mêmes partenaires, portant sur la période 2004/2012 lesquels démontrent l'usage par elles, du nom commercial "Le Marquis" (ainsi que "Le Marquis Eiffel") pour désigner leur hôtel de la [Adresse 1]. Il s'agit pour l'essentiel d'accords d'hébergement et il apparaît peu crédible que ces hébergements concernent un hôtel présenté à la clientèle sous un autre nom, contrairement à ce que suggère la société Nextone. 29. Par leur pièce no22, enfin, les défenderesses démontrent la réservation du nom de domaine <www.lemarquisparis.com> dès le 26 octobre 2005, et, par les extraits du site archive.org, une activité à cette adresse url dès l'année 2006 et sans discontinuer jusqu'en 2021. 30. Ce faisant, les sociétés Helionwood et Hôtel Dupleix Suffren démontrent l'existence de leur droit antérieur sur le nom commercial "Le Marquis" ou "Le Marquis Eiffel". Les demandes fondées sur la contrefaçon, laquelle porte sur l'exploitation de l'hôtel situé [Adresse 1], seront donc rejetées. 2o) Sur la concurrence déloyale et parasitaire a - Sur la demande à ce titre de la société Nextone 31. La société Nextone reproche à ce titre aux défenderesses la reprise de son nom commercial "Le Marquis" par l'effet dun "glissement" de leur nom dont elles suppriment progressivement la référence à leur lieu d'implantation (Suffren, Eiffel). Or, les droits antérieurs établis des sociétés Helionwood et Hôtel Dupleix Suffren sur le nom commercial "Le Marquis" ne peuvent que conduire au rejet de cette demande. b - Sur les demandes à ce titre des sociétés Helionwood et Hôtel Dupleix Suffren : 32. Ces sociétés fondent leurs demandes de ce chef sur la reprise de leur nom commercial "Le Marquis" par la société Nextone pour désigner la même activité d'hôtellerie, ainsi que la modification de son référencement sur internet en 2020. Or, les sociétés Helionwood et Hôtel Dupleix Suffren ayant toléré depuis 2013 l'exploitation de l'hôtel de la demanderesse peuvent difficilement invoquer ici l'existence d'une faute de la part de la société Nextone, et ne rapportent surtout la preuve d'aucun préjudice en lien avec la reprise de ce nom, étant observé ici que le "Marquis Faubourg Saint-honoré" est un hôtel classé 5 étoiles et "Le Marquis Eiffel" un hôtel classé 4 étoiles, dont les clientèles sont relativement distinctes en raison des prix pratiqués par les établissements concernés. Les sociétés Helionwood et Hôtel Dupleix Suffren, qui se bornent à l'affirmer, n'offrent pas davantage de caractériser en quoi le "référencement Google" de l'hôtel "Marquis Faubourg Saint-honoré" serait depuis 2020 fautif comme imputable à la "refonte" (fautive) de son site internet par la société Nextone. Aussi, les demandes fondées sur la concurrence déloyale et parasitaire formées par ces sociétés seront rejetées. 3o) Sur les autres demandes 33. Le succès des prétentions de la société Nextone commande de rejeter la demande fondée sur un abus de procédure présentée par les sociétés Helionwood et Hôtel Dupleix Suffren. 34. Parties perdantes au sens de l'article 696 du code de procédure civile, les sociétés Helionwood et Hôtel Dupleix Suffren seront condamnées in solidum aux dépens, ainsi qu'à payer, sous la même solidarité imparfaite, à la société Nextone la somme de 10.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. 35. Aucune circonstance ne justifie d'écarter l'exécution provisoire dont est de plein droit assortie la présente décision conformément aux dispositions de l'article 514 du code de procédure civile, sauf en ce qui concerne la transcription au Registre des marques compte tenu des effets irrémédiables d'une telle transcription. PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL, DÉCLARE IRRECEVABLE la demande en "illicéité" des marques présentée par les sociétés Helionwood et Hôtel Dupleix Suffren ; DÉCLARE nulles pour atteinte aux droits de marques antérieures de la société Nextone Résidence, les marques verbales françaises suivantes : "Marquis" no4187747, "Marquis Hôtel" no4187746, "Le Marquis Hôtel" no4187741, "Hôtel Marquis" no4187756, "Hôtel Le Marquis" no4187760, "Marquis Effeil" no4187750, "Le Marquis Effeil" no4187751 et "Hôtel Le Marquis Effeil" no4187764, de la société Helionwood, mais uniquement en ce qu'elles désignent en classe 43 les services de restauration (alimentation) ; hébergement temporaire ; services de bars , services de traiteurs ; services hôteliers ; réservation de logements temporaires ; DIT que la présente décision, une fois passée en force de chose jugée, sera transmise à l'INPI pour sa transcription sur le registre national des marques à l'initiative de la partie la plus diligente ; REJETTE les demandes fondées sur la contrefaçon de ses marques en raison de l'usage antérieur démontré du nom commercial "Le Marquis" par les sociétés Helionwood et Hôtel Dupleix Suffren pour désigner un hôtel situé [Adresse 1] ; Rejette les demandes fondées sur la concurrence déloyale et parasitaire présentées par les sociétés Nextone d'une part et Helionwood et Hôtel Dupleix Suffren d'autre part ; REJETTE la demande de dommages-intérêts pour abus de procédure présentée par les sociétés Helionwood et Hôtel Dupleix Suffren ; CONDAMNE in solidum les sociétés Helionwood et Hôtel Dupleix Suffren aux dépens et autorise la Selarl Duclos Thorne Mollet-Vieville & Associés à recouvrer directement ceux dont elle aurait fait l'avance sans avoir reçu provision conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ; CONDAMNE in solidum les sociétés Helionwood et Hôtel Dupleix Suffren à payer à la société Nextone Résidence la somme de 10.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; RAPPELLE que la présente décision est de plein droit assortie de l'exécution provisoire sauf en ce qui concerne la transcription au Registre des marques. Fait et jugé à Paris le 08 décembre 2022. LA GREFFIERE LA PRESIDENTE | x |
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JURITEXT000047324640 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/32/46/JURITEXT000047324640.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 23 novembre 2022, 22/5668 | 2022-11-23 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 22/5668 | CT0760 | TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS No RG 22/56668 - No Portalis 352J-W-B7G-CXOGP No : 1/MM Assignation du :26 Juillet 2022 ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ rendue le 23 novembre 2022 par Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal, Assistée de Minas MAKRIS, Faisant fonction de Greffier. DEMANDERESSE S.A.S. TCS[Adresse 1][Adresse 1] représentée par Me Albert ANSTETT, avocat au barreau de PARIS - #B1201 DEFENDEURS Monsieur [I] [V][Adresse 4][Localité 2] non comparant S.A.S. [V] MEDICAL MOTEUR[Adresse 3][Localité 2] non comparante DÉBATS A l'audience du 03 Octobre 2022, tenue publiquement, présidée par Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe, assistée de Flore MARIGNY, Faisant fonction de Greffier, Après avoir entendu les conseils des parties, EXPOSÉ DU LITIGE : 1. La société TCS se présente comme ayant développé un module électronique permettant de réaliser des économies de carburant qu'elle commercialise sous la marque verbale de l'Union européenne "Ecolow" déposée le 9 janvier 2017 pour désigner en classe 7 notamment les économiseurs de carburant. 2. Elle indique avoir découvert l'usage par M. [I] [V], fondateur de la société [V] Médical Moteur en avril 2021, du signe "Eco l'eau" pour commercialiser un kit d'injection d'eau dans le moteur d'un véhicule automobile permettant de réduire sa consommation de carburant, dont le premier fait la promotion sur un site internet accessible à l'adresse <www.auto-eco-leau.fr> depuis à tout le moins 2012. 3. Estimant l'usage de ce signe contrefaisant de sa marque "Ecolow", la société TCS a, par une lettre du 24 février 2022, renouvelée le 6 juillet suivant, mis en demeure M. [V] et la société [V] Medical Moteur d'en cesser l'usage. Ces mises en demeure n'ayant été suivies d'aucun effet, la société TCS a, par actes d'huissier du 26 juillet 2022 fait assigner en référé M. [I] [V] et la société [V] Medical Moteur devant le délégataire du président de ce tribunal siégeant à l'audience du 3 octobre 2022 aux fins d'obtenir, notamment, des mesures d'interdiction d'usage du signe "Eco l'eau" sous astreinte, ainsi que le paiement d'une provision d'un montant de 80.000 euros. 4. Bien que régulièrement cités par dépôt des actes à l'étude de l'huissier (la certitude du domicile étant confirmée par le voisinnage et M. [V] joint par téléphone), M. [I] [V] et la société [V] Medical Moteur n'ont pas comparu. MOTIFS DE LA DÉCISION 5. Selon l'article 472 du code de procédure civile, "Lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure oùil l'estime recevable, régulière et bien fondée." 6. Aux termes de l'article L.716-4-6 du code de la propriété intellectuelle, "Toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon peut saisir en référé la juridiction civile compétente afin de voir ordonner, au besoin sous astreinte, à l'encontre du prétendu contrefacteur ou des intermédiaires dont il utilise les services, toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d'actes argués de contrefaçon. (...) Saisie en référé ou sur requête, la juridiction ne peut ordonner les mesures demandées que si les éléments de preuve, raisonnablement accessibles au demandeur, rendent vraisemblable qu'il est porté atteinte à ses droits ou qu'une telle atteinte est imminente. La juridiction peut interdire la poursuite des actes argués de contrefaçon, la subordonner à la constitution de garanties destinées à assurer l'indemnisation éventuelle du demandeur ou ordonner la saisie ou la remise entre les mains d'un tiers des produits soupçonnés de porter atteinte aux droits conférés par le titre, pour empêcher leur introduction ou leur circulation dans les circuits commerciaux. (...) Elle peut également accorder au demandeur une provision lorsque l'existence de son préjudice n'est pas sérieusement contestable. (...)" 7. Le caractère vraisemblable de l'atteinte alléguée dépend, d'une part, de l'apparente validité du titre sur lequel se fonde l'action et, d'autre part, de la vraisemblance de la contrefaçon alléguée. 8. En outre, selon le 22ème considérant de la directive no2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle, dont les dispositions précitées constituent la transposition en droit interne, "Il est également indispensable de prévoir des mesures provisoires permettant de faire cesser immédiatement l'atteinte sans attendre une décision au fond, dans le respect des droits de la défense, en veillant à la proportionnalité des mesures provisoires en fonction des spécificités de chaque cas d'espèce, et en prévoyant les garanties nécessaires pour couvrir les frais et dommages occasionnés à la partie défenderesse par une demande injustifiée. Ces mesures sont notamment justifiées lorsque tout retard serait de nature à causer un préjudice irréparable au titulaire d'un droit de propriété intellectuelle." 9. Aux termes de l'article 9 du règlement : « 1. L'enregistrement d'une marque de l'Union européenne confère à son titulaire un droit exclusif. « 2. Sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité d'une marque de l'Union européenne, le titulaire de cette marque de l'Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe pour des produits ou services lorsque : (...) b) ce signe est identique ou similaire à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou services identiques ou similaires aux produits ou services pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public; le risque de confusion comprend le risque d'association entre le signe et la marque; (...)" 10. Interprétant les dispositions rédigées en termes identiques de l'article 5 § 1 de la première Directive du Conseil du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des États membres sur les marques (89/104/CEE), la Cour de Justice des Communautés européennes a dit pour doit que, constitue un risque de confusion au sens de ce texte, le risque que le public puisse croire que les produits ou services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d'entreprises liées économiquement (voir arrêt Canon, C-39/97, point 29 ; arrêt Lloyd Schuhfabrik, C-342/97). Selon cette même jurisprudence, l'existence d'un risque de confusion dans l'esprit du public doit être appréciée globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce (voir, arrêt SABEL, C-251/95, point 22), cette appréciation globale impliquant une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte (voir arrêt Canon, point 17). 11. Afin d'apprécier le degré de similitude existant entre les marques concernées, la juridiction nationale doit déterminer leur degré de similitude visuelle, auditive et conceptuelle, en tenant compte en particulier de leurs éléments distinctifs et dominants et, le cas échéant, évaluer l'importance qu'il convient d'attacher à ces différents éléments, en tenant compte de la catégorie de produits ou services en cause et des conditions dans lesquelles ils sont commercialisés (voir arrêt Lloyd Schuhfabrik, C-342/97 ). 12. Il résulte en l'occurrence des pièces produites aux débats par le demandeur lui-même que le défendeur fait usage du signe "Eco l'eau" depuis au moins 2012, ayant notamment réservé le nom de domaine correspondant à ce signe. 13. Il est encore observé que la marque, comme d'ailleurs le signe argué de contrefaçon, est constituée de signes pouvant servir à désigner les caractéristiques du produit (réduire la consommation d'énergie fossile). 14. Le public pertinent est en outre constitué ici de professionnels ou de particuliers possédant un ou plusieurs véhicules, ou cherchant à équiper ces véhicules, à la recherche d'un dispositif permettant d'économiser le carburant, lequel n'est pas fourni par le constructeur. Il s'agit d'un public attentif, voire très attentif, aux différences entre les signes et les produits. 15. Les signes sont visuellement relativement similaires, présentant le même signe d'attaque "éco", lequel est néanmoins faiblement distinctif ici au regard des produits désignés. Les signes sont en outre faiblement similaires au plan conceptuel, le second signe renvoyant à un économiseur de carburant selon un procédé utilisant de l'eau, ce qui n'est pas le cas du signe de la société demanderesse. Il n'est d'ailleurs pas allégué par la société demanderesse que ses produits mettent en oeuvre un procédé identique ou similaire utilisant de l'eau. Les signes sont en revanche phonétiquement fortement similaires, la prononciation des signes l'eau [lo] et low [lo ]étant très proche. 16. Il s'en déduit que la forte ressemblance phonétique des signes et la relative similitude produits concernés est compensée ici par les différences, visuelle et surtout conceptuelle, des signes, auxquelles sera sensible le public pertinent en raison de son degré d'attention élevé. Ce public n'attachera pas, en effet, une forte importance au signe d'attaque commun aux deux signes ("éco") en raison de la faible distinctivité de ce terme pour désigner des produits permettant d'économiser le carburant. Il en résulte que la vraisemblance de la contrefaçon n'est pas caractérisée. Il doit donc être dit n'y avoir lieu à référé. 17. Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, la société TCS sera condamnée aux dépens. PAR CES MOTIFS, Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par ordonnance réputée contradictoire et en premier ressort, Le juge des référés, Dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de la société TCS ; Condamne la société TCS aux dépens ; Rappelle que la présente décision est de plein droit exécutoire par provision. Fait à Paris le 23 novembre 2022. Le Greffier, Le Président, Minas MAKRIS Nathalie SABOTIER | x |
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JURITEXT000047454912 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/45/49/JURITEXT000047454912.xml | ARRET | Cour d'appel d'Orléans, 17 septembre 2020, 19/025021 | 2020-09-17 00:00:00 | Cour d'appel d'Orléans | Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée | 19/025021 | C1 | ORLEANS | COUR D'APPEL D'ORLÉANS CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE GROSSES + EXPÉDITIONS : le 17/09/2020Me Nelly GALLIERla SCP GUILLAUMA PESMEARRÊT du : 17 SEPTEMBRE 2020 No : 174 - 20 No RG 19/02502 - No Portalis DBVN-V-B7D-F7TI DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Grande Instance d'ORLEANS en date du 16 Janvier 2019 PARTIES EN CAUSE APPELANT :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265240372334968Monsieur [W] [S]né le [Date naissance 3] 1950 à [Localité 6][Adresse 2][Localité 4] Ayant pour avocat Me Nelly GALLIER, avocat au barreau de BLOIS, D'UNE PART INTIMÉE : - Timbre fiscal dématérialisé No: 1265240264936568La SA CA CONSUMER FINANCE anciennement dénommée SOFINCO, Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège[Adresse 1][Localité 5] Ayant pour avocat postulant Me Pierre GUILLAUMA, membre de la SCP GUILLAUMA et PESME, avocat au barreau d'ORLEANS et pour avocat plaidant Me Olivier HASCOET, membre de la SELARL HAUSSMANN KAINIC HASCOET HELAIN, avocat au barreau de l'Essonne, D'AUTRE PART DÉCLARATION D'APPEL en date du : 10 Juillet 2019ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 30 avril 2020 COMPOSITION DE LA COUR L'audience du 18 juin 2020 n'a pu se tenir compte tenu de l'état d'urgence sanitaire déclaré par la loi no2020-290 du 23 mars 2020. En application des dispositions de l'article 8 de l'ordonnance no2020-304 du 25 mars 2020 et après information des parties par le président de la chambre, la cour statue sans audience au vu des conclusions et des pièces transmises, après délibéré au cours duquel Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel D'ORLEANS, et Madame Fanny CHENOT, Conseiller, ont rendu compte à la Cour composée de: Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, Madame Fanny CHENOT, Conseiller,Madame Nathalie MICHEL, Conseiller, Greffier : Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier lors des débats et du prononcé, ARRÊT : Prononcé publiquement par arrêt contradictoire le 17 SEPTEMBRE 2020 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. EXPOSE DU LITIGE : Selon offre préalable acceptée le 7 février 2008, enregistrée le 29 février suivant au service des impôts des entreprise de Rouen Est, la société Sofinco, agissant sous la dénomination commerciale Viaxel, a consenti à M. [W] [S] un crédit d'un montant de 59 900 euros, remboursable en 72 échéances avec intérêts au taux nominal de 7,95 % l'an, destiné à financer l'acquisition d'un véhicule Mercedes d'occasion. Des mensualités étant restées impayées à compter du mois de juin 2011, la société Sofinco a provoqué la déchéance du terme le 12 juin 2012 et vainement mis en demeure M. [S], par courrier recommandé réceptionné le 15 juin suivant, de lui régler la somme de 38 811,03 euros. Par acte du 5 février 2013, la société CA Consumer Finance, anciennement dénommée Sofinco, a fait assigner M. [S] en paiement et en attribution de gage devant le tribunal de grande instance d'Orléans qui, par jugement du 16 janvier 2019, a : -condamné la SA CA Consumer Finance à payer à M. [S], à titre de dommages et intérêts pour manquement à son devoir de mise en garde, la somme de 30 000 euros-condamné M. [S] à payer à la SA CA Consumer Finance la somme de 37 187,53 euros en principal avec intérêts au taux contractuel « ramené à » 7,95 % l'an à compter de la mise en demeure du 12 juin 2012 au titre du remboursement du prêt consenti-attribué à la SA CA Consumer Finance son gage contractuel-condamné M. [S] à remettre à la SA CA Consumer Finance le véhicule Mercedes CLS 320 no de série WDD2193221A1055494 sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement-rappelé que la SA CA Consumer Finance est habile à faire appréhender le véhicule en quelque lieu où il pourrait se trouver et à faire vendre ledit véhicule aux enchères publiques ou de gré à gré, le produit de l'éventuelle vente venant en déduction du montant de la créance restant due-rejeté les autres chefs de demande M. [S] a relevé appel de cette décision par déclaration en date du 10 juillet 2019, en critiquant expressément tous les chefs du jugement en cause. Dans ses dernières conclusions notifiées le 27 mars 2020, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé de ses moyens,M. [S] demande à la cour, au visa des articles L. 110-4 du code de commerce, 1217 et 1231-1, 1343-5, 2224 et suivants, 2333 et suivants du code civil, et R. 222-11 et suivants du code des procédures civiles d'exécution, de : -le déclarer recevable et bien fondé en son appel à l'encontre du jugement rendu par le tribunal de grande instance d'Orléans le 16 janvier 2019 Infirmer ledit jugement ; -dire et juger la SA CA Consumer finance irrecevableet mal fondée en toutes ses demandes -le déclarer recevable et bien fondé en toutes ses demandes -constater le manquement de la SA CA Consumer Finance à son devoir de conseil et de mise en garde, En conséquence, -condamner la société CA Consumer Finance au paiement de la somme de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts-prononcer l'annulation des intérêts contractuels ayant couru depuis 2012 en raison des manquements reconnus de la SA CA Consumer finance -débouter la société CA Consumer Finance de sa demande d'attribution de gage et de condamnation à la remise du véhicule sous astreinte-débouter la société CA Consumer Finance de sa demande tendant à l'octroi de la somme de 2 623,50 euros au titre de la clause pénale en ce que cette demande est manifestement excessive-réduire le montant dû au titre de la clause pénale à la somme symbolique de 1 euroSubsidiairement, -lui accorder les plus larges délais de paiement, à savoir un report d'échéances de 24 mois -dire et juger que les échéances reportées porteront intérêts au taux légalEn tout état de cause, -débouter la SA CA Consumer Finance de toutes ses autres demandes, fins et conclusions-la condamner à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile-la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel, dont distraction au profit de Maître N. Gallier, avocat aux offres de droit dans les termes de l'article 699 du code de procédure civile Dans ses dernières conclusions notifiées le 8 avril 2020, auxquelles il est pareillement renvoyé pour l'exposé de ses moyens, la société CA Consumer Finance demande à la cour, au visa des articles 1134 et suivants ancien du code civil et 1905 et suivants du même code, de : -déclarer M. [S] mal fondé en ses demandes, fins et conclusion d'appel-l'en débouter-accueillir son appel incident et y faire droit-infirmer en conséquence le jugement entrepris :>en ce qu'il l'a condamnée à payer à M. [S] la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement au devoir de mise en garde>en ce qu'il a réduit à 1 000 euros l'indemnité contractuelle de 8 %>en ce qu'il a rejeté la demande de capitalisation des intérêts et d'article 700 du code de procédure civile Statuant à nouveau sur ces points :-déclarer M. [S] irrecevable et subsidiairement mal fondé en ses demandes, fins et conclusions, l'en débouter-condamner M. [S] à lui payer la somme de 38 811,03 euros, avec intérêts au taux contractuel de 7,95 % l'an à compter de la mise en demeure du 12 juin 2012-ordonner la capitalisation annuelle des intérêts dans le cadre de l'anatocisme-confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. [S] à lui remettre le véhicule Mercedes CLS 320 no de série WDD2193221A1055494 sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement-condamner M. [S] à lui payer une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile -le condamner aux dépens qui seront recouvrés par la SCP Guillauma & Pesme L'instruction a été clôturée par ordonnance du 30 avril 2020, pour l'affaire être plaidée à l'audience du 18 juin suivant. Compte tenu de l'état d'urgence sanitaire déclaré par la loi no 2020-290 du 23 mars 2020, prorogé par la loi no 2020-546 du 11 mai 2020, l'audience du 18 juin 2020 n'a pu être tenue de manière ordinaire mais, conformément aux dispositions de l'article 8 de l'ordonnance no 2020-304 du 25 mars 2020, sans opposition des parties, toutes les deux représentées, dans les quinze jours du courrier qui leur a été adressé le 27 mai 2020 pour les aviser que la cour envisageait que la procédure se déroule sans audience, l'affaire a été mise en délibéré au 17 septembre 2020. SUR CE, LA COUR : La cour observe à titre liminaire, de première part que M. [S] qui, dans le dispositif de ses dernières écritures demande à la cour de déclarer la société CA Consumer finance irrecevable en ses demandes, n'articule aucun moyen au soutien de cette prétention, sur laquelle il ne sera donc pas statué ; de seconde part que les demandes de M. [S] fondées sur les articles 1217, 1231-1 et suivants et 1343-5 ne pourront être examinées que sur le fondement des articles 1147 et 1244-1 du code civil pris dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance no 2016-131 du 10 février 2016, dès lors que les textes auxquels fait référence l'appelant sont inapplicables à la cause selon les dispositions transitoires de l'ordonnance du 10 février 2016 qui, à son article 9 issu de la loi de ratification no 2018-287 du 20 avril 2018, énonce que les contrats conclus avant son entrée en vigueur, au 1er octobre 2016, demeurent soumis à la loi ancienne. I- Sur la demande en paiement du solde du crédit En application de l'article L. 311-3 du code de la consommation, pris dans son ancienne rédaction applicable à la cause, le crédit litigieux, souscrit le 7 février 2008, ne relève pas du domaine d'application du crédit à la consommation soumis aux prescriptions d'ordre public du code de la consommation, lesquelles ne s'appliquaient à l'époque qu'aux crédits d'un montant inférieur à 21 500 euros, et relève en conséquence au droit commun L'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance no 2016-131 du 10 février 2016, énonce que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. En l'espèce, le contrat litigieux contient dans un paragraphe IV intitulé « exécution du contrat » une clause 4-2 rédigée comme suit : « en cas de défaillance [de l'emprunteur] dans le remboursement, le prêteur pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu'à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent intérêts à un taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur pourra demander une indemnité égale à 8 % du capital dû». Cette indemnité de 8 %, qui constitue une clause pénale répondant à la définition des articles 1152 et 1226 anciens du code civil, ne peut produire intérêt qu'au taux légal. Cumulée avec les intérêts conventionnels dont le taux est nettement supérieur à celui de l'inflation, et même au taux légal majoré, cette clause pénale revêt un caractère manifestement excessif qui commande sa réduction à un montant qui, pour lui conserver son caractère comminatoire, sera fixé à 100 euros. M. [S], qui demande à la cour d'annuler les intérêts contractuels ayant couru depuis 2012 en raison de leur taux qu'il estime exorbitant, n'indique pas le fondement juridique sur lequel la cour devrait annuler la stipulation conventionnelle d'intérêts. Cette demande, infondée, ne peut donc prospérer. En application des principes qui viennent d'être dégagés et au vu des pièces versées aux débats, notamment l'offre préalable de prêt, le tableau d'amortissement et le décompte en date du 12 juin 2012, la créance de la société CA Consumer Finance sera arrêtée ainsi qu'il suit : -mensualités échues impayées : 9 922,86 euros-capital restant dû à la déchéance du terme : 22 870,97 euros-primes d'assurances échues et impayées : 856,57 euros-intérêts échus : 2 059,33 euros-clause pénale (réduite) : 100 eurosSoit un solde de 35 809,73 euros, à majorer des intérêts au taux conventionnel de 7,95 % l'an sur la somme de 32 793,83 euros à compter du 15 juin 2012, date de réception de la mise en demeure valant sommation de payer au sens de l'article 1153 ancien du code civil et des intérêts au taux légal sur le surplus à compter de la même date M. [S], qui ne justifie d'aucun paiement ni d'aucun fait libératoire au sens de l'article 1315 alinéa 2 ancien du code civil, sera condamné au paiement des sommes sus-énoncées, étant précisé qu'en application de l'article 1154 ancien du même code, les intérêts seront capitalisés annuellement à compter du 5 février 2013, date de la demande. II- Sur la demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour manquement du prêteur à son devoir de conseil et de mise en garde A) sur la recevabilité de la demande L'action en responsabilité contre le prêteur pour manquement à son devoir de mise en garde, formée en réponse à l'action en paiement engagée par celui-ci constitue, non pas une défense au fond qui échappe à la prescription, comme le soutient M. [S], mais une demande reconventionnelle aux fins d'allocation d'une indemnité pour perte de chance, dont la prescription court, non pas à compter de la date de conclusion du contrat comme le soutient la SA CA Consumer Finance, mais à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il s'est révélé à la victime (v. par. Civ. 1, 28 novembre 2018, no 17-20.707). En l'espèce les premières difficultés de remboursement se sont manifestées en juin 2011, époque à laquelle M. [S] a reçu les premiers courriers de relance qu'il verse aux débats. Sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts formée par conclusions signifiées le 2 décembre 2013, dans le délai de la prescription quinquennale prévue à l'article L. 110-4 du code de commerce, n'est pas atteinte à la prescription et doit donc être déclarée recevable. B) Sur le fond de la demande En application de l'article 1147 ancien du code civil, le dispensateur de crédit est tenu d'un devoir de mise en garde envers l'emprunteur non averti, ou lorsqu'il a sur ses revenus, son patrimoine et ses facultés de remboursement raisonnablement prévisibles, en l'état du succès escompté de l'opération financée, des informations que lui-même ignorait. La responsabilité du prêteur peut donc être engagée pour manquement à ce devoir à raison de l'inadaptation du prêt aux capacités financières de l'emprunteur ou du risque d'endettement excessif né de l'octroi du prêt. L'obligation de mise en garde à laquelle peut être tenu un établissement de crédit à l'égard d'un emprunteur non averti avant de lui consentir un prêt ne porte que sur l'inadaptation de celui-ci aux capacités financières de l'emprunteur ou sur le risque de l'endettement qui résulte de son octroi, et non sur les risques de l'opération financée, et s'apprécie à la date de l'engagement. Il s'ensuit que le prêteur n'est tenu d'aucun devoir de mise en garde si la charge de remboursement du prêt n'excède pas les facultés contributives de son client ou si ce dernier est un emprunteur averti. S'il appartient à l'établissement de crédit, conformément à l'article 1315 ancien, alinéa 2, du code civil, de prouver qu'il a rempli son devoir de mise en garde, encore faut-il que l'emprunteur établisse, au préalable, qu'à l'époque de la souscription du prêt litigieux, sa situation financière justifiait l'accomplissement d'un tel devoir (v. par ex. com. 11 avril 2012, no 11-14.507 ; civ. 1, 19 décembre 2013, no 12-20.606). Au cas particulier, M. [S] était à l'époque de la souscription du prêt litigieux retraité et gérant d'une SARL dénommée La maison de la coquille. Etant rappelé que la qualité d'emprunteur averti ne peut se déduire de la seule qualité de dirigeant de société, aucun élément du dossier ne permet de savoir quelle profession exerçait l'emprunteur avant de faire valoir ses droits à la retraite, quelle était son expérience professionnelle et ses qualifications, ni s'il était rompu ou non au monde des affaires, ce qu'on ne saurait déduire de la seule gérance de la société La Maison de la Coquille, qui exerçait une activité de promotion immobilière mais avait été créée en novembre 2007, quelques mois seulement avant la souscription du prêt en cause. Quand bien même l'opération de crédit en cause ne présentait pas de complexité particulière, on ne saurait considérer, dans ces circonstances, que M. [S] était un emprunteur averti. L'emprunteur qui invoque le manquement de la banque à son obligation de mise en garde doit apporter la preuve de l'inadaptation de son engagement à ses capacités financières et, dans l'administration de cette preuve, l'emprunteur, tenu d'un devoir de loyauté à l'égard du prêteur, doit justifier de ses capacités financières telles qu'elles ont été portées à la connaissance du prêteur lors de l'octroi du crédit. Au cas particulier, la société Sofinco, qui s'est renseignée sur la situation financière de M. [S] en préalable de l'octroi du crédit en cause, est donc en droit de se fier aux informations communiquées par l'emprunteur, sauf anomalies apparentes. En acceptant l'offre préalable de crédit en cause, M. [S] a certifié sur l'honneur l'exactitude des renseignements donnés, notamment ceux concernant ses revenus et son endettement. Sur cette offre, l'emprunteur a déclaré percevoir mensuellement des revenus du travail de 5 278 euros et des revenus autres de 3 700 euros, et n'a déclaré aucune charge particulière. Alors qu'il avait déclaré percevoir des revenus mensuels d'un total de 8 978 euros, M. [S] avait produit au vendeur automobile intermédiaire de crédit des pièces justificatives qui ont été ensuite transmises à la société Sofinco, qui les verse aux débats et desquelles il résulte que l'appelant avait justifié percevoir une pension de retraite de 1 366,52 euros, une rémunération de 3 000 euros pour la gérance de la société de promotion immobilière dont il était associé à hauteur de 50%, et être propriétaire de cinq logements donnés à bail entre mars 2005 et octobre 2006 moyennant des loyers représentant un revenu total de 3 517 euros. M. [S] ne peut de bonne foi reprocher à la société Sofinco de ne pas avoir pris en considération son endettement, notamment les mensualités d'un prêt immobilier qu'il indique rembourser à la Caisse d'épargne par mensualités de 3 432,05 euros depuis le 5 février 2007, ou encore l'engagement de caution solidaire qu'il a donné à hauteur de 960 000 euros au Crédit Mutuel, en garantie d'une ouverture de crédit souscrite par la SCI L'Auberge de la Ferté, alors que de manière déloyale, il a certifié sur l'honneur, en souscrivant le prêt litigieux, n'avoir aucune charge immobilière ou autre. Contrairement à ce qu'a retenu le premier juge en effet, on ne saurait considérer qu'il importe peu que M. [S] ait dissimulé son endettement. L'emprunteur qui omet de déclarer tout ou partie de ses charges, qui ne permet donc pas au prêteur d'apprécier le risque d'endettement qu'il encourt, ne peut ensuite se prévaloir d'un manquement de l'établissement de crédit à son devoir de mise en garde alors que ce manquement lui incombe, le prêteur n'ayant pu apprécier sa situation et les risques encourus en raison de sa déloyauté. M. [S] ne peut pas plus utilement faire valoir que l'assemblée générale ayant fixé la rémunération de sa gérance de la société La Maison de la Coquille serait postérieure à l'établissement de l'offre de prêt, ce qui inexact puisque l'assemblée en cause est du 14 janvier 2008 alors que le prêt a été conclu, non pas le 7 février 2007 comme l'a retenu par erreur le premier juge, mais le 7 février 2008. C'est de mauvaise foi encore qu'en se prévalant de la date qui figure sur les télécopies de transmission des pièces (22 janvier 2008), M. [S] indique que les justificatifs de sa situation n'avaient pas été produits au moment de l'établissement de l'offre de prêt, en omettant que l'offre a été émise le 17 janvier 2008 sur la foi des indications transmises au prêteur par le garage automobile auprès duquel il a fait l'acquisition du véhicule financé et qui, en tant qu'intermédiaire de crédit a ensuite transmis à la société Sofinco, par télécopies du 22 janvier 2008, l'ensemble des documents qu'il avait préalablement recueillis de M. [S] (justificatifs d'identité, de revenus, de domicile, etc.). Même à admettre que l'absence de revenus fonciers sur l'avis d'imposition de M. [S] constituait une anomalie qui aurait dû amener le prêteur à plus de vigilance, et à ne pas prendre en considération ces revenus locatifs pour l'appréciation de la situation financière de l'appelant au jour de son engagement, il en résulte que le prêt litigieux a été accordé à M. [S] sur la base de revenus mensuels justifiés à hauteur de 4 366,52 euros. Au regard de telles ressources, et même à ne retenir que celles dont il avait été justifié (pension de retraite et revenus de gérance), la société Sofinco ne pouvait considérer que l'obligation de rembourser une somme mensuelle de 1 075,36 euros faisait courir à M. [S] un risque particulier d'endettement. Etant rappelé que M. [S] s'était présenté comme propriétaire bailleur de cinq logements, exempt de toute charge de crédit immobilier, et que l'inadaptation du prêt aux capacités financières de l'emprunteur et le risque d'endettement né de son octroi s'apprécient à la date de l'engagement, de sorte que les difficultés financières auxquelles a été confronté l'appelant plus de trois après la conclusion du crédit litigieux, qui étaient imprévisibles pour le prêteur, sont sans emport, il apparaît que la charge de remboursement du prêt en cause ne créait pas de risque d'endettement excessif. Dès lors que le prêt litigieux était adapté aux capacités financières de l'emprunteur, telles qu'elles pouvaient être appréhendées, sans faute, par le prêteur, au regard des éléments qui lui avaient été communiqués, la société Sofinco n'était tenue d'aucun devoir de mise en garde à l'égard de M. [S]. L'appelant, qui reproche également au prêteur un manquement à son devoir de conseil, ne distingue pas celui-ci du devoir de mise en garde auquel n'était pas tenue, en l'espèce, l'intimée. Par infirmation du jugement entrepris, M. [S], qui n'apporte la preuve d'aucun manquement du prêteur à l'une quelconque de ses obligations, ne peut donc qu'être débouté de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts. Sur la demande d'attribution du gage En sollicitant la confirmation du jugement qui lui a attribué son gage contractuel et a condamné M. [S], sous astreinte, à lui remettre le véhicule gagé, la société CA Consumer Finance ne sollicite pas l'autorisation d'appréhender le véhicule qui lui a été donné en gage, ce qui relèverait effectivement de la compétence exclusive du juge de l'exécution, mais l'attribution de son gage. C'est donc de manière inopérante que l'appelant soutient que la cour ne pourrait connaître de cette demande en ce qu'elle ne relevait pas de la compétence du premier juge, mais de celle du juge de l'exécution. Le contrat de prêt contient en son article VI intitulé « gage et réserve de propriété » une clause selon laquelle « conformément au décret du 30 septembre 1953, l'emprunteur affecte le véhicule acheté en gage avec, à son gré, inscription à la préfecture compétente sur le registre prévu à cet effet ». Le gage automobile résultant de la seule convention des parties, son inscription sur le registre de la préfecture qui a délivré la carte grise est sans incidence sur la validité de la garantie, dont elle assure seulement l'opposabilité aux tiers, et au cas particulier, l'intimée justifie en produisant en pièce 17 le reçu idoine que son gage a fait l'objet d'une inscription à la préfecture du Loiret le 11 mars 2008. Les articles 2346 et 2347 du code civil relatifs à la réalisation et à l'attribution du gage, auxquels renvoie l'article 2352 sur le gage automobile, prévoient qu'à défaut de paiement de la dette garantie, le créancier gagiste peut faire ordonner en justice la vente du bien gagé, laquelle a lieu selon les modalités prévues par les procédures civiles d'exécution, et qu'il peut aussi faire ordonner en justice que le bien lui demeurera en paiement. L'intimée, qui sollicite par confirmation du jugement entrepris l'attribution judiciaire de son gage, et la condamnation sous astreinte de l'appelant à lui remettre le véhicule gagé, ne fournit aucun élément sur la valeur de ce véhicule et ne sollicite non plus aucune estimation à dire d'expert, alors même que l'attribution judiciaire du gage éteint la créance du gagiste à concurrence de sa valeur. Dans ces circonstances, sauf à rendre une décision qui soulèvera inévitablement des difficultés d'exécution, la demande d'attribution préférentielle sera rejetée, et avec elle la demande accessoire de remise du véhicule sous astreinte. Sur la demande de délais de paiement En application de l'article 1244-1 ancien du code civil, le juge peut, en considération des besoins du créancier, accorder au débiteur impécunieux un délai de grâce ou des délais de paiement qui, sans pouvoir excéder deux années, empruntent leurs mesures aux circonstances. M. [S], assigné en paiement courant 2013, a déjà bénéficié, de fait, de très larges délais de paiement. Il n'y a donc pas lieu de lui accorder de nouveaux délais. Sur les demandes accessoires M. [S], qui succombe au sens de l'article 696 du code de procédure civile, devra supporter les dépens de première instance et d'appel et régler à la société CA Consumer Finance, à qui il serait inéquitable de laisser la charge de la totalité de ses frais irrépétibles, une indemnité de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS CONFIRME la décision entreprise en cela seul qu'elle a rejeté la demande de délais de paiement de M. [W] [S], INFIRME la décision entreprise en toutes ses autres dispositions critiquées, STATUANT À NOUVEAU sur les chefs infirmés et y ajoutant : CONDAMNE M. [W] [S] à payer à la SA CA Consumer Finance la somme de 35 809,73 euros, avec intérêts au taux conventionnel de 7,95 % l'an sur la somme de 32 793,83 euros à compter du 15 juin 2012, et avec intérêts au taux légal sur le surplus à compter de la même date, ORDONNE la capitalisation annuelle des intérêts selon les modalités de l'article 1154 ancien du code civil à compter du 5 février 2013, DECLARE recevable mais mal fondée la demande reconventionnelle en dommages et intérêts de M. [W] [S], REJETTE en conséquence la demande indemnitaire de M. [W] [S] tirée d'un manquement du prêteur à son devoir de conseil et de mise en garde, DEBOUTE la société CA Consumer Finance de sa demande d'attribution judiciaire de son gage et de sa demande accessoire tendant à entendre condamner M. [W] [S], sous astreinte, à lui remettre le véhicule gagé, CONDAMNE M. [W] [S] à payer à la société CA Consumer Finance la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, CONDAMNE M. [W] [S] aux dépens première instance et d'appel, ACCORDE à la SCP Guillauma & Pesme le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. Arrêt signé par Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. LE GREFFIERLE PRÉSIDENT | |||||||||
JURITEXT000047454913 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/45/49/JURITEXT000047454913.xml | ARRET | Cour d'appel de Paris, 18 septembre 2020, 18/020217 | 2020-09-18 00:00:00 | Cour d'appel de Paris | Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours | 18/020217 | G3 | PARIS | Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISEdélivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS COUR D'APPEL DE PARISPôle 4 - Chambre 3 ARRÊT DU 18 SEPTEMBRE 2020 (no , pages) Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 18/02021 - No Portalis 35L7-V-B7C-B44TI Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Janvier 2018 -Tribunal d'Instance de PARIS - RG no 17-000348 APPELANTS Monsieur [W] [R][Adresse 3][Localité 4] Monsieur [J] [R][Adresse 3][Localité 4] Représentés par Me Françoise HERMET LARTIGUE, avocat au barreau de PARIS, toque : C0716 INTIMES Mademoiselle [I] [N][Adresse 2][Localité 6] Monsieur [P] [E] AJ 2018/006330[Adresse 7][Localité 5] Représentés par Me Caroline CLÉMENT-BIGORRE, avocat au barreau de PARIS, toque : E0258 (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2018/006330 du 30/03/2018 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS) COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l'article 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Juin 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Claude TERREAUX, Président de chambre, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :Monsieur Claude TERREAUX, président de chambreMonsieur Michel CHALACHIN, président de chambreMadame Pascale WOIRHAYE, conseillère Greffier, lors des débats : Mme Viviane REA ARRÊT : -contradictoire- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.- signé par Monsieur Claude TERREAUX, Président de chambre et par Madame Grégoire GROSPELLIER, greffier présent lors de la mise à disposition. ***Les consorts [R] sont propriétaires, dans l'immeuble sis [Adresse 7], d'un appartement situé au 2 ème étage à droite porte de droite, comprenant entrée, salle à manger, deux chambres, cuisine et WC.En 1952, cet appartement a été donné en location à Monsieur [S] [H], dans les termes de la loi du 1 er septembre 1948 ; à son décès son épouse, puis veuve, [K] [H] est devenue co-titulaire du bail. Au décès de cette dernière, son petit-fils, [F] [N], a revendiqué le bénéfice de la location, en indiquant avoir habité les lieux avec son aïeule et en indiquant être handicapé à 80%. [F] [N] est décédé le [Date décès 1] 2014. Le 10 octobre 2014, sa fille, [I] [N], 4 mois après le décès de son père, écrivait à ses bailleurs la lettre suivante : « Je vous informe du décès de mon père, [N] [F]. En conséquence, je m'acquitterai du montant du loyer pour la période du 1 er octobre 2014 au 31 décembre 2014. Cordialement et dans l'attente de votre réponse ». Il n'a pas été répondu à ce courrier.Elle a cessé de payer les loyers au motif, selon ses écritures, qu'elle ne recevait plus de quittances. Elle a néanmoins payé plusieurs loyers qui ont été encaissés par les propriétaires, pour partie avec retard, ceux-ci faisant valoir qu'ils ne reconnaissaient pas le droit de [I] [N] à rester dans les lieux. Aucun contrat écrit n'a été signé. Par constat d'huissier régulièrement autorisé, il a été constaté selon procès-verbal du 27 décembre 2016 que, malgré trois visites successives, les lieux étaient dans un état très médiocre et sans entretien, inoccupés au moment de ces trois visites, que les sanitaires n'étaient pas utilisés depuis longtemps, mais que cependant il y avait de la nourriture dans le frigo, et que des courriers adressés à [P] [E] et [I] [N] adressés sur place et à [A] [T] adressé chez un tiers à une autre adresse se trouvaient dans les lieux.Les témoins sur place ont indiqué à l'huissier que les lieux étaient inoccupés depuis environ un an. Sur assignation en expulsion de [I] [N] du 17 mars 2017, cette dernière a indiqué ne pas occuper les lieux et a précisé qu'elle savait que les lieux étaient occupés par [P] [E].L'affaire a été renvoyée devant le juge du fond et [P] [E] a été appelé en la cause. [I] [N] a fait valoir devant cette juridiction que ce dernier bénéficiait du bail initial. Par jugement entrepris du 9 janvier 2018, le Tribunal d'instance de PARIS 17ème a ainsi statué : -Ordonne la jonction des instances enregistrées au répertoire général sous les numéros 11/ 17 348 et 11/17 349 sous le numéro unique 11/ 17 348 ;-Constate que le bail du 19 mars 1952 a été résilié de plein droit ensuite du décès de M.[F] [N] intervenu le [Date décès 1] 2014 ;-Dit que M. [P] [E] bénéficie depuis le 11 juin 2014 du droit au maintien dans les lieux dans les conditions définies par la loi du 1er septembre 1948 sur le local à usage d'habitation situé [Adresse 7] (Zème étage, porte de droite) appartenant à M. [W] [R] et M. [J] [R] ;-Dit que le maintien dans les lieux s'opère aux clauses et conditions du contrat primitif non-contraires aux dispositions la loi du 1er septembre 1948 et qu'en conséquence, M. [P] [E] est redevable depuis le 11 juin 2014 d'un loyer dans les conditions définies par le bail du 19 mars 1952 et par la loi du 1er septembre 1948 ;-Rejette les demandes plus amples ou contraires, notamment la demande tendant à l'expulsion de Mme [I] [N] et M. [P] [E], la demande au titre de l'indemnité d'occupation et la demande de dommages intérêts formées par M. [W] [R] et M. [J] [R];-Condamne in solidum M. [W] [R] et M. [J] [R] aux dépens,-Condamne in solidum M. [W] [R] et M. [J] [C] à payer à Maître [L] [M] [O] la somme de 1.500 € en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous condition de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;-Ordonne l'exécution provisoire de la présente décision. Par dernières conclusions du 12 avril 2018, les consorts [R], appelants, demandent à la Cour : -De les recevoir les concluants en leur appel et y faisant droit, Vu l'article 5 de la loi du 1 er septembre 1948, modifié par la loi du 23 décembre 1986, -De confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a constaté que le bail du 19 mars 1952 a été résilié de plein droit en suite du décès de Monsieur [F] [N], survenu le 11 juin 2014 et en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à transmission ou transfert du droit au maintien dans les lieux au profit de Monsieur [E], -De l'infirmer pour le surplus en toutes ses dispositions, Et, Vu l'article 122 du Code de Procédure Civile, Vu l'article 1201 du Code Civil, -De dire Mademoiselle [I] [N] irrecevable et infondée à revendiquer un droit au profit de Monsieur [E], -De la dire mal fondée en l'intégralité de ses revendications émises de mauvaise foi, -De la condamner au paiement de la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts, Vu la résiliation de plein droit du bail du 19 mars 1952 à effet au 11 juin 2014, date du décès de Monsieur [N], Vu l'absence de congé délivré à Monsieur [F] [N], Vu l'absence de titre de Monsieur [P] [E], -De dire que Monsieur [E] ne peut bénéficier d'aucun droit au maintien dans les lieux, Subsidiairement, Vu l'article 1201 du Code Civil, -De dire que Monsieur [E] ne peut se prévaloir d'un titre ou d'un droit au maintien dans les lieux, A titre subsidiaire, -De dire que Monsieur [E] ne justifie pas par les pièces qu'il verse aux débats, avoir vécu effectivement avec Monsieur [F] [N], un an au moins avant son décès, En tout état de cause, -De le débouter de l'intégralité de ses demandes, -D'ordonner l'expulsion de Monsieur [P] [E], ainsi que celle de tous occupants dans les lieux de son chef, dans les formes habituelles, -D'ordonner la séquestration des meubles et objets mobiliers pouvant se trouver dans les lieux, dans tel garde-meubles du choix des consorts [R], aux frais risques et périls de Monsieur [P] [E], -De fixer l'indemnité d'occupation due par Monsieur [E] et solidairement par Mademoiselle [I] [N], tant en sa qualité de seule héritière de Monsieur [F] [N], qu'à raison de son occupation apparente, à compter du 11 juin 2014 et jusqu'à remise des clefs, à la somme de 1.012 euros par mois, charges en sus, -De condamner solidairement Monsieur [E] et Mademoiselle [N] au paiement de cette somme à compter du [Date décès 1] 2014 et jusqu'à remise des clefs, et ce sous déduction des sommes acquittées à titre d'indemnités d'occupation et en exécution du jugement rendu, -De condamner solidairement Mademoiselle [I] [N] et Monsieur [P] [E] au paiement de la somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile, -De les condamner sous la même solidarité aux dépens, lesquels pourront être recouvrés par Maître Françoise HERMET-LARTIGUE, Avocat, conformément à l'article 699 du Code de Procédure Civile. Par dernières conclusions du 4 juin 2018, [I] [N] et [P] [E], intimés, demandent à la Cour de : - Confirmer le jugement du 9 janvier 2018 en toutes ses dispositions- Débouter Monsieur [W] [R] et Monsieur [J] [R] de leurs demandes, fins et conclusionsSubsidiairement- Fixer le montant de l'indemnité d'occupation au loyer actuellement appelé- Octroyer les plus larges délais à Monsieur [E] pour quitter l'appartement- Condamner solidairement Monsieur [W] [R] et Monsieur [J] [R] au paiement de la somme de 1.000 € à Mademoiselle [N] à titre de dommages et intérêts- Condamner solidairement Monsieur [W] [R] et Monsieur [J] [R] au paiement de la somme de 1.000 € à Monsieur [E] à titre de dommages et intérêts- Condamner solidairement Monsieur [W] [R] et Monsieur [J] [R] au paiement de la somme de 6.000 € au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991- Condamner solidairement Monsieur [W] [R] et Monsieur [J] [R] au paiement des dépens SUR CE ; Sur les droits de [I] [N] ; Considérant que il est constant que [I] [N] n'habite pas présentement dans les lieux ; qu'elle ne peut donc demander pour elle-même un droit au maintien dans les lieux et ne le fait d'ailleurs pas ;Considérant que c'est seulement suite à un constat d'huissier constatant qu'elle n'y résidait pas qu'elle a fait valoir qu'elle n'occupait pas les lieux et que c'était en fait un certain [P] [E] qui les occupait ; qu'elle a ajouté que ce dernier était handicapé à 80% ;Considérant qu'elle demande la confirmation du jugement en ce qu'il a dit que [P] [E] bénéficiait du maintien dans les lieux ;Mais considérant que [I] [N], qui ne justifie d'aucun mandat légal pour agir en justice, et ne soutient ni être la curatrice ou la tutrice de [P] [E], et n'habite pas dans les lieux, ne peut agir au bénéfice de ce dernier ; qu'elle sera déclarée irrecevable en son appel ainsi qu'en sa demande initiale sur ce point devant le premier juge ; que le jugement sera infirmé sur ce point ;Considérant qu'elle sera ainsi déclarée irrecevable en son action; Sur les droits de [P] [E] ; Considérant que l'article 5 de la loi du 1er septembre 1948 modifiée dispose :"I. - Le bénéfice du maintien dans les lieux pour les locaux visés à l'article premier appartient, en cas d'abandon de domicile ou de décès de l'occupant de bonne foi, au conjoint ou au partenaire lié à lui par un pacte civil de solidarité, et lorsqu'ils vivaient effectivement avec lui depuis plus d'un an, aux ascendants, aux personnes handicapées visées au 2o de l'article 27 (en fait alinéa 7- 2o suite aux réformes successives) ainsi que, jusqu'à leur majorité, aux enfants mineurs.Le maintien reste acquis au conjoint, au partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou au concubin de l'occupant, lorsque cet occupant a fait l'objet d'une condamnation devenue définitive, assortie d'une obligation de résider hors du domicile ou de la résidence du couple, pour des faits de violences commis sur son conjoint, son concubin, son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou sur leurs enfants. I bis. - Nonobstant les dispositions de l'article 1742 du code civil, même en l'absence de délivrance d'un congé au locataire, le contrat de location est résilié de plein droit par le décès du locataire. Le contrat de bail est également résilié de plein droit en cas d'abandon du domicile par le locataire, même en l'absence de délivrance d'un congé.Toutefois, le bénéfice du maintien dans les lieux appartient aux personnes visées au I du présent article.II. - Nonobstant les dispositions du I ci-dessus, le maintien dans les lieux reste acquis aux personnes qui en bénéficiaient antérieurement à la publication de la présente loi.En cas d'instance en divorce ou en séparation de corps, la juridiction saisie attribue à l'un des époux l'éventuel droit au maintien dans les lieux en considération des intérêts sociaux ou familiaux en cause. Si l'époux qui en est bénéficiaire n'est pas celui au nom duquel étaient délivrées les quittances, notification de la décision devra être faite au bailleur dans le délai de trois mois de son prononcé par lettre recommandée avec avis de réception. La juridiction prévue au chapitre V reste compétente sur toute contestation du bailleur quant à l'application des conditions exigées par la présente loi. Toutefois, le bénéfice du maintien dans les lieux ne s'appliquera pas aux locaux à usage exclusivement professionnel, à moins que l'une des personnes visées aux alinéas précédents ne continue à y exercer la profession à laquelle ces locaux étaient affectés" Considérant que l'article 27 7ème alinéa 2o de ladite loi, auquel renvoie son article 5 précedemment cité dispose :" La majoration pour insuffisance d'occupation n'est pas applicable : 1o Aux personnes âgées de plus de soixante-dix ans ; 2o Aux personnes titulaires : -Soit d'une pension de grand invalide de guerre ouvrant droit au bénéfice des dispositions de l'article L. 31 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre ; -Soit d'une rente d'invalide du travail correspondant à une incapacité au moins égale à 80 p. 100. -Soit d'une allocation servie à toute personne dont l'infirmité entraîne au moins 80 p. 100 d'incapacité permanente et qui est qualifiée Grand infirme en application de l'article 169 du code de la famille et de l'aide sociale (devenu l'article L241-3 du code de l'aide sociale et de la famille)...." Considérant qu'en l'espèce le bail initial a été conclu en 1952 avec [S] [H] dans les termes de la loi du 1 er septembre 1948, puis a été poursuivi avec [K] [H] son conjoint survivant ; qu'au décès de cette dernière, c'est son petit-fils, [F] [N], se disant handicapé à 80% et héritier direct, ce dont il n'aurait jamais justifié selon les consorts [R], qui a bénéficié de ce bail ; que suite au décès de ce dernier le 11 décembre 2014, [I] [N], sa fille, indiquant avoir habité à cet endroit avec sa grand-mère [K] [H], a adressé 4 mois plus tard un courrier reproduit ci-dessus, et a revendiqué le bénéfice de la location ; Mais considérant que ce courrier n'indique cependant pas qu'elle entend reprendre le bail mais simplement qu'elle "s'acquittera du montant du loyer pour la période du 1 er octobre 2014 au 31 décembre 2014" ; qu'elle cessera de payer régulièrement le loyer, puis ne le paiera plus ; que les propriétaires encaisseront avec retard ces loyers, refusant de considérer qu'elle était locataire ;Considérant que [I] [N] ne précisera jamais à ses propriétaires la véritable situation, à savoir qu'elle n'occupe pas les lieux, et que d'autre part elle les laisse occuper pour une raison ignorée à [P] [E] ; que la situation ne sera connue que tardivement par les propriétaires ;Considérant que [P] [E] n'a jamais payé lui-même de loyer ; qu'il ne saurait être considéré pour ce motif comme locataire de bonne foi au sens du texte susvisé ; que ce n'est qu'au cours de la procédure que les propriétaires ont appris fortuitement qu'il avait occupé de façon plus ou moins régulière les lieux ;Considérant qu'il ne peut non plus aujourd'hui prétendre bénéficier d'un droit au maintien dans les lieux alors que [F] [N], au surplus lui-même bénéficiaire d'un droit au maintien dans les lieux occupés par [K] [H], elle même tenant ses droits de son mari, est décédé le [Date décès 1] 2014 ;Considérant que de plus, par courriers du 10 octobre 2014 et du 20 janvier 2016, [I] [N] indique le paiement par elle de "loyers", ce qui tend à faire croire qu'elle a la qualité de locataire, qualité confirmée par un courrier du 7 avril 2017 de son conseil qui la qualifie également de locataire ; que dans plusieurs courriers elle se domicilie d'ailleurs sur place ; qu'elle n'y a jamais fait mention de la présence de [P] [E] ; Considérant que dès lors la situation présente un caractère frauduleux ; Considérant qu'au surplus que par constat d'huissier régulièrement autorisé, il a été constaté selon procès-verbal que, malgré trois visites successives, les lieux étaient inoccupés, dans un état très médiocre et sans entretien, que les sanitaires n'étaient pas utilisés depuis longtemps et étaient asséchés ; que le seul fait que du courrier récent ait été découvert sur place et que de la nourriture ait été entreposée dans le frigo ne permet pas de considérer que les lieux sont habités au sens des textes susvisés ; que les courriers découverts sur place étaient d'ailleurs adressés à cette adresse à [P] [E] et à [I] [N], qui pourtant prétend être domiciliée ailleurs, et à [A] [T] domicilié chez un tiers à une autre adresse, ce qui tend à laisser penser que les locaux constituaient un point de passage et une boîte aux lettres occasionnels entre personnes qui se connaissaient ; que les témoins sur place ont indiqué à l'huissier que les lieux étaient en réalité inoccupés depuis environ un an ; Considérant que les dispositions de la loi du 1er septembre 1948 modifiées sont dérogatoires aux règles du droit commun du bail d'habitation et restreignent les droits du propriétaire ; que notamment les modalités du bénéfice au maintien dans les lieux, qui en l'espèce dure depuis soixante-huit ans alors que personne ne paye plus de loyer, sont de droit strict ; que la seule personne qui s'est manifestée auprès du propriétaire est [I] [N] qui n'a jamais expressément déclaré souhaiter vouloir bénéficier d'une reprise des lieux, et que l'occupant épisodique de fait serait [P] [E], qui ne s'est jamais manifesté, était absent des lieux à trois reprises ainsi qu l'a constaté l'huissier alors qu'il était pourtant handicapé à 80% et disposait d'une carte à mobilité réduite avec station debout pénible, ce qui rend en théorie son absence de son domicile exceptionnelle, n'a jamais fourni le moindre élément pour justifier de son absence, n'a jamais payé un seul loyer et n'est apparu qu'en cours de procédure actionné par les appelants ; Considérant que il convient d'infirmer le jugement entrepris et de dire que [P] [E] sera débouté de toute ses demandes ; Sur les demandes des consorts [R] ; Sur les demandes des consorts [R] formées à l'encontre de [I] [N] ; Considérant qu'il résulte du sens de la présente décision et des explications des consorts [R] seront suffisamment indemnisés par le montant des chèques de [I] [N] qu'ils ont finalement encaissés ; que leur demande de dommages-intérêts de 5000€ supplémentaires sera rejetée ; Sur la demande d'indemnité d'occupation dirigée contre [P] [E] et [I] [N] ; Considérant que il est constant que l'occupation des locaux loués par [I] [N] est niée par les appelants ; qu'elle ne saurait donc être condamnée à payer une indemnité d'occupation ;Considérant que par ailleurs le constat d'huissier dressé par les appelants ne permet pas de considérer, ainsi qu'il a été vu plus haut, que [P] [E] occupait de façon durable les locaux ; que plusieurs personnes se rendaient dans cet appartement, qui était même inoccupé selon les témoins voisins ; que les appelants seront déboutés de leur demandes ; Sur la demande d'expulsion ; Considérant que il sera fait droit à la demande ; Considérant que [I] [N] et [P] [E], compte-tenu de la situation des parties, seront condamnés solidairement à payer aux consorts [R] la somme de 1200 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; PAR CES MOTIFS - Infirme le jugement entrepris ;-Dit [I] [N] irrecevable à agir au nom de [P] [E] ;-Déboute [I] [N] et [P] [E] de toutes leurs demandes ;-Ordonne l'expulsion de corps et de biens de [P] [E] et de toutes autres personnes se trouvant dans les lieux de son chef ou à quelque titre que ce soit du local à usage d'habitation et ses annexes situé [Adresse 7] (2ème étage à droit sur l'avenue, porte de droite) appartenant à M. [W] [R] et M. [J] [R] ; dit qu'il pourra être fait appel à la Force publique et à un serrurier aux frais de [P] [E] si nécessaire ;-Ordonne la séquestration des meubles et objets mobiliers pouvant se trouver dans les lieux, dans tel garde-meubles du choix des consorts [R], aux frais risques et périls de Monsieur [P] [E], -Dit que les sommes versées par chèques aux consorts [R] et encaissées par eux leur resteront acquises à titre de dommages-intérêts ;-Rejette toutes autres ou plus amples demandes ;-Condamne [I] [N] et [P] [E] solidairement à payer aux consorts [R] la somme de 1200€ sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;-Les condamne sous la même solidarité aux dépens et dit qu'ils seront recouvrés selon les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. LE GREFFIER LE PRÉSIDENT | |||||||||
JURITEXT000047454914 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/45/49/JURITEXT000047454914.xml | ARRET | Cour d'appel de Paris, 18 septembre 2020, 18/063947 | 2020-09-18 00:00:00 | Cour d'appel de Paris | Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours | 18/063947 | G3 | PARIS | Copies exécutoires délivrées aux parties le REPUBLIQUE FRANÇAISEAU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 4 - Chambre 3 ARRÊT DU 18 SEPTEMBRE 2020 (no /2020, pages) Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 18/06394 - No Portalis 35L7-V-B7C-B5LQA Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Février 2018 -Tribunal d'Instance de PARIS 19ème - RG no 11-17-001679 APPELANTS Madame [S] [H] épouse [E]Née le [Date naissance 1] 1987 à [Localité 9][Adresse 2] [Adresse 2][Localité 7] Monsieur [J] [E]Né le [Date naissance 4] 1975 à [Localité 8] (Mali)[Adresse 2] [Adresse 2][Localité 7] Représentés par Me Jean-Pierre BERTHILIER de la SCP BERTHILIER-TAVERDIN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0282 INTIMÉE Société REGIE IMMOBILIERE DE LA VILLE DE PARISSIRET : 552 032 708 00216Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège :[Adresse 3][Localité 6] Représentée par Me Nicolas GUERRIER de la SCP NICOLAS GUERRIER ET ALAIN DE LANGLE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0208 COMPOSITION DE LA COUR : En application : - de l'article 4 de la loi no 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19;- de l'ordonnance no 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété, notamment ses articles 1er et 8 ;- de l'ordonnance no 2020-306 du 25 mars 2020 modifiée relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période ; L'affaire a été retenue selon la procédure sans audience le 19 juin 2020, les avocats y ayant consenti expressément ou ne s'y étant pas opposés dans le délai de 15 jours de la proposition qui leur a été faite de recourir à cette procédure La cour composée comme suit en a délibéré : M. Claude TERREAUX, Président de chambreM Michel CHALACHIN, Président de chambre Mme Pascale WOIRHAYE, Conseillère ARRÊT : CONTRADICTOIRE - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par M. Claude TERREAUX, Président de chambre et par Grégoire Grospellier, Greffier, présent lors de la mise à disposition. ****FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES Par acte sous seing privé à effet du 24 août 2015, la Régie Immobilière de la Ville de Paris (la Rivp) a consenti à Monsieur [J] [E] et Madame [S] [E] née [H] un bail d'habitation soumis à la réglementation Hlm portant sur un appartement sis [Adresse 2], à [Localité 11] moyennant un loyer mensuel de 537,91 € outre 180 € de provisions sur charges. A la suite d'une enquête la Rivp a été informée que les époux [E] résident habituellement au [Adresse 5] à [Localité 10] en qualité de locataires aux termes d'un bail consenti le 7 juillet 2011, par la Société immobilière d'Economie Mixte de la Ville de Paris (Siemp). Par acte d'huissier du 17 novembre 2017, la Rivp a fait assigner Monsieur [J] [E] et Madame [S] [E] née [H] devant le Tribunal d'instance de [Localité 11] afin de solliciter la nullité du contrat de bail du fait des manoeuvres dolosives ayant vicié son consentement, l'expulsion de ceux-ci et leur condamnation à lui payer une indemnité d'occupation jusqu'au départ des lieux outre des dommages et intérêts et une indemnité sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile. Par jugement réputé contradictoire assorti de l'exécution provisoire en date du 6 février 2018, le Tribunal d'Instance de [Localité 11] a prononcé la nullité du bail consenti le 24 août 2015 par la Rivp à Monsieur [J] [E] et Madame [S] [E] née [H] pour dol de ces derniers, autorisé leur expulsion, les a condamnés in solidum à payer à la Rivp une indemnité d'occupation fixée au montant du loyer et des charges contractuels, une somme de 1.000 € de dommages et intérêts et une somme de 600 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile outre les entiers dépens. La Cour est saisie de l'appel interjeté par Monsieur [J] [E] et Madame [S] [E] née [H] à l'encontre de ce jugement selon déclaration formée le 27 mars 2018, régularisée le 29 juin 2018. Au dispositif de leurs conclusions d'appel notifiées par la voie électronique le 27 juin 2018 Monsieur [J] [E] et Madame [S] [E] née [H] sollicitent de la Cour, qu'elle : - Dise et juge recevables et bien fondés Monsieur [J] [E] et Madame [S] [E] née [H] en leur appel ; - Dise et juge que les manoeuvres dolosives au sens de l'article 1116, alinéa 1er, du Code civil n'apparaissent pas caractérisées en l'espèce ; - Infirme, en conséquence, le jugement entrepris en toutes ses dispositions ; - Déboute la Sa Rivp de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ; - Condamne la Sa Rivp à payer à Monsieur [J] [E] et Madame [S] [E] née [H] la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;- Condamne la Sa Rivp aux entiers dépens, conformément aux dispositions de l'article 696 du Code de procédure civile ; Au dispositif de ses conclusions d'intimée, portant appel incident, notifiées par la voie électronique le 31 août 2018, la Rivp sollicite de la Cour, au visa des articles 1108, 1109, 1116 alinéa 1er et 1134, anciens du Code civil, L.441-1 du Code de la construction et de l'habitation, qu'elle : - Confirme le jugement du Tribunal d'instance de Paris du 6 février 2018 en ce qu'il a : * prononcé la nullité du bail à effet du 24 août 2015, * ordonné l'expulsion de Monsieur [J] [E] et Madame [S] [E] née [H] ainsi que celle de tous occupants de leur chef si besoin est avec l'assistance de la Force Publique et d'un serrurier du logement qu'ils occupent dans l'immeuble sis [Adresse 2] à [Localité 11], *autorisé la séquestration de tous les meubles garnissant les lieux occupés aux frais des locataires,* fixé à compter des présentes l'indemnité d'occupation mensuelle au montant résultant du loyer contractuel majoré de 30% et augmentée de la provision pour charges, et condamné solidairement Monsieur [J] [E] et Madame [S] [E] née [H] au paiement des sommes dues de ce chef jusqu'à la libération définitive des lieux, - Condamne solidairement Monsieur [J] [E] et Madame [S] [E] née [H] à payer à la Rivp la somme de 1.500 € au titre des dommages et intérêts ;- Déboute Monsieur [J] [E] et Madame [S] [E] née [H] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;- Condamne solidairement Monsieur [J] [E] et Madame [S] [E] née [H] à la somme de 1.500€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens de la procédure d'appel. L'ordonnance de clôture a été prononcée le 19 juin 2020. Les conseils des parties ont accepté de déposer leurs dossiers en l'application de la procédure sans audience en vertu de l'article 8 de l'ordonnance no2020-304 du 25 mars 2020. **** MOTIFS DE L'ARRÊT Sur la nullité du bail et ses suites Les appelants font grief au premier juge d'avoir mal interprété leur situation réelle au moment de la passation du bail en date du 24 août 2015 et soutiennent que les "maladresses qui ont pu être commises par Madame [E] ne signalant pas qu'elle était séparée de fait de son mari" et que "l'attestation" de ses parents "précisant que les époux [E] étaient depuis toujours domiciliés chez eux avec leurs enfants" laquelle "n'était pas tout à fait conforme à la situation du couple " n'ont pas été déterminantes dans l'attribution du nouveau logement par la RIVP, y compris au regard des critères de l'article L 441-1 du Code de la Construction et de l'Habitation. Sur ce, il résulte de l'article 1116 ancien du Code civil, applicable à la présente instance, que "le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté". Aux termes de l'article L441-1 k) du Code de la construction et de l'habitation les logements sociaux doivent être attribués prioritairement aux personnes dépourvues de logement, y compris celles qui sont hébergées par des tiers. Or, la Commission d'attribution du logement a apprécié la situation de Monsieur et Madame [E] comme étant un couple marié, avec deux enfants sans logement et vivant depuis de longue date chez Monsieur [H], le père de Madame [E] en se fondant sur les déclarations des signataires et les motifs expressément décrits comme étant : "Décohabitation, sans logement ou hébergé ou en logement temporaire, rapprochement de la famille, trop petit". Ce travestissement intentionnel de la réalité a trompé la commission et par conséquent le bailleur qui ignorait lors de la passation du bail que les appelants étaient domiciliés au [Adresse 5] à [Localité 10] où ils étaient titulaires d'un bail conventionné depuis le 7 juillet 2011, consenti par la Société immobilière d'Economie Mixte de la Ville de Paris et n'en avaient pas donné congé. C'est donc par des motifs pertinents que, tirant exactement les conséquences habituelles en la matière et que la Cour adopte, le premier juge a prononcé la nullité du contrat de bail pour vice du consentement du bailleur par dol et ordonné l'expulsion des appelants, à défaut de départ volontaire des lieux, et les a condamnés in solidum au paiement d'une indemnité d'occupation telle que fixée. Sur la demande de dommages et intérêts formulée par la Rivp A titre d'appel incident, la Rivp porte à 1.500 € sa demande de dommages et intérêts formée au titre du préjudice que lui a causé le comportement de Monsieur [J] [E] et Madame [S] [E] née [H] à avoir en court-circuité le processus d'attribution des logements sociaux. Ces derniers n'ont fait valoir aucune argumentation à cet égard. Aucun élément nouveau ne commandant cependant une augmentation au quantum en instance d'appel, cette demande est rejetée. Sur les frais irrépétibles et les dépens Monsieur [J] [E] et Madame [S] [E] née [H], qui succombent en leur appel, seront condamnés in solidum aux dépens d'appel et à verser à la Rivp la somme de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, leur propre demande du même chef étant rejetée. **** PAR CES MOTIFS La Cour statuant en dernier ressort par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, CONFIRME le jugement du tribunal d'instance de [Localité 11] en date du 6 février 2018 en toutes ses dispositions ; Y ajoutant, DÉBOUTE Monsieur [J] [E] et Madame [S] [E] née [H] de leur demande sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; CONDAMNE in solidum Monsieur [J] [E] et Madame [S] [E] née [H] à verser à la Régie Immobilière de la Ville de Paris la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; DÉBOUTE Monsieur [J] [E] et Madame [S] [E] née [H] de leur demande du même chef ; CONDAMNE in solidum Monsieur [J] [E] et Madame [S] [E] née [H] aux dépens d'appel. LE GREFFIER LE PRÉSIDENT | |||||||||
JURITEXT000047454915 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/45/49/JURITEXT000047454915.xml | ARRET | Cour d'appel de Paris, 18 septembre 2020, 19/053307 | 2020-09-18 00:00:00 | Cour d'appel de Paris | Constate ou prononce le désistement d'instance et/ou d'action | 19/053307 | G1 | PARIS | Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISEdélivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS Cour d'appel de ParisPôle 4 - chambre 1 Arrêt du 18 septembre 2020 (no /2020, pages) Numéro d'inscription au répertoire général : RG 19/05330 -Portalis 35L7-V-B7D-B7P2M Décision déférée à la cour : jugement du 19 novembre 2018 -tribunal de grande instance de Bobigny - RG 17/08998 APPELANT Monsieur [X] [P][Adresse 2][Localité 4] Représenté par Me Fabien Barbudaux-Le Feuvre de la SCP BBO, avocat au barreau de Paris, toque : R057 INTIMÉE SCI Rosiers[Adresse 1][Localité 3] Représentée par Me Jean-Louis Israël, avocat au barreau de Paris, toque : D1131 Composition de la cour : En application des dispositions de l'article 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 1 juillet 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Monique Chaulet, conseiller, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : M. Claude Creton, présidentMme Christine Barberot, conseillère Mme Monique Chaulet, conseillère Greffier, lors des débats : M. Grégoire Grospellier Arrêt :- contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.- signé par Claude Creton, Président et par Grégoire Grospellier, greffier lors de la mise à disposition. *** M. [X] [P] a interjeté appel d'un jugement rendu par le tribunal de grande instance de Bobigny le 19 novembre 2018 qui l'a débouté de ses demandes et condamné à payer à la SCI Rosiers la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles de la procédure. Par conclusions signifiées par RPVA le 11 mars 2020, M. [P] demande à la cour, au visa des dispositions des articles 400 et 401 du code de procédure civile, de lui donner acte de son désistement d'instance et d'action et de dire que chaque partie conservera ses propres dépens. Par conclusions signifiées par RPVA le 16 mars 2020, la SCI Rosiers a déclaré accepter le désistement de M. [P] et demande à la cour de dire le désistement parfait et de dire que chaque partie conservera ses propres dépens. La clôture de l'instruction a été ordonnée le 18 juin 2020. SUR CE, M. [P] a déclaré se désister de son appel et la SCI Rosiers, intimée, a déclaré l'accepter. Le désistement est donc parfait et il convient de constater le désistement d'instance et d'action de M. [P] et de dire que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens. Le désistement emporte extinction de l'instance et dessaisissement de la cour. PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, la cour, Donne acte à M. [P] de son désistement d'instance et d'action, Constate l'extinction de l'instance et le dessaisissement de la cour, Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens. Le greffier, Le président, | |||||||||
JURITEXT000047454916 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/45/49/JURITEXT000047454916.xml | ARRET | Cour d'appel de Paris, 18 septembre 2020, 18/044307 | 2020-09-18 00:00:00 | Cour d'appel de Paris | Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours | 18/044307 | G3 | PARIS | Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISEdélivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 4 - Chambre 3 ARRÊT DU 18 SEPTEMBRE 2020 (no /2020, pages) Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 18/04430 - No Portalis 35L7-V-B7C-B5FBX Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Janvier 2018 -Tribunal d'Instance de Fontainebleau - RG no 11-17-000349 APPELANTS M. [B] [X]Né le [Date naissance 2] 1950 à [Localité 11] (24)[Adresse 8][Localité 7] Mme [I] [E] épouse [X]Née le [Date naissance 5] 1951 à [Localité 10] (37)[Adresse 8][Localité 7] Représentés par Me Flavie MARIS-BONLIEU de la SCP BOUAZIZ - SERRA-AYALA - BONLIEU, avocat au barreau de FONTAINEBLEAU INTIMÉS M. [R] [F]Né le [Date naissance 1] 1946 à [Localité 9] [Adresse 3][Localité 6] Mme [U] [K] épouse [F]Née le [Date naissance 4] 1948 à [Localité 12] [Adresse 3][Localité 6] Représentés par Me Patrick COMBES de la SELARL DBCJ AVOCATS, avocat au barreau de Fontainebleau COMPOSITION DE LA COUR : En application : - de l'article 4 de la loi no 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19;- de l'ordonnance no 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété, notamment ses articles 1er et 8 ;- de l'ordonnance no 2020-306 du 25 mars 2020 modifiée relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période ; L'affaire a été retenue selon la procédure sans audience le 12 juin 2020, les avocats y ayant consenti expressément ou ne s'y étant pas opposés dans le délai de 15 jours de la proposition qui leur a été faite de recourir à cette procédure; La cour composée comme suit en a délibéré : M. Claude TERREAUX, Président de chambre M Michel CHALACHIN, Président de chambre Mme Pascale WOIRHAYE, Conseillère ARRÊT : CONTRADICTOIRE - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par M. Claude TERREAUX, Président de chambre et par Grégoire Grospellier Greffier présent lors du de la mise à disposition EXPOSÉ DU LITIGE Par acte sous seing privé du 10 septembre 2003, M. et Mme [R] [F]-[K] ont donné à bail à M. et Mme [B] [X]-[E] un logement situé [Adresse 8] à [Localité 7]. Le 8 septembre 2016, le bailleur a fait délivrer à M. [X] seul un commandement de payer la somme de 4 365,69 euros au titre des loyers et charges échus au mois de septembre 2016. Les époux [X] ont réglé la somme de 3 500 euros le 3 octobre 2016, puis celle de 999,61 euros le 26 octobre 2016. M. [F] a ensuite fait délivrer à Mme [X], le 17 février 2017, le même commandement de payer que celui délivré à son époux et portant sur la somme de 4 365,69 euros. Par acte d'huissier du 14 avril 2017, le bailleur a fait assigner les preneurs devant le tribunal d'instance de Fontainebleau afin de voir constater l'acquisition de la clause résolutoire du bail ou, subsidiairement, voir prononcer la résiliation du bail, et obtenir le paiement de l'arriéré de loyers ; Mme [F] est intervenue volontairement à l'instance. Par jugement du 19 janvier 2018, le tribunal a :- débouté les époux [F] de leur demande tendant au constat de l'acquisition de la clause résolutoire du bail,- prononcé la résiliation de celui-ci,- ordonné l'expulsion des occupants du logement,- condamné les preneurs au paiement d'une indemnité d'occupation mensuelle égale au montant du loyer et des charges qui auraient été dus si le bail s'était poursuivi, à compter de la résiliation du bail et jusqu'à la libération effective des lieux,- débouté les époux [F] de leurs autres demandes,- débouté les époux [X] de leur demande reconventionnelle d'expertise,- condamné M. et Mme [X] à payer aux époux [F] la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,- condamné M. et Mme [X] aux dépens,- ordonné l'exécution provisoire du jugement. Par déclaration reçue au greffe de la cour le 27 février 2018, M. et Mme [X] ont interjeté appel de cette décision. Par dernières conclusions notifiées le 26 mars 2020, les appelants demandent à la cour de: - confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande d'acquisition de la clause résolutoire,- l'infirmer pour le surplus,- débouter les époux [F] de leur demande de résiliation judiciaire du bail et de leur demande d'expulsion compte tenu du règlement intégral des loyers,- en tout état de cause, constater que cette demande est sans objet dès lors qu'ils ont quitté les lieux le 2 novembre 2018,- condamner les époux [F] solidairement au paiement de la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts pour trouble de jouissance et celle de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens. Par dernières conclusions notifiées le 1er avril 2020, M. et Mme [F] demandent à la cour de :- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,- condamner les appelants in solidum au paiement de la somme de 1 368,67 euros au titre du solde des loyers, - débouter M. et Mme [X] de leurs demandes,- les condamner in solidum au paiement d'une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens. Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d'autre pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions. L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 juin 2020. MOTIFS Sur la demande de résiliation du bail Dans la mesure où l'arriéré locatif de 4 365,69 euros visé dans les commandements de payer délivrés le 8 septembre 2016 à M. [X] et le 17 février 2017 à son épouse avait été réglé les 3 et 26 octobre 2016, soit dans les deux mois ayant suivi la délivrance du premier de ces actes, c'est à bon droit que le tribunal a rejeté la demande visant à voir constater l'acquisition de la clause résolutoire du bail ; le fait que des loyers postérieurs à la délivrance de ces actes soient restés impayés importe peu, dès lors que les règlements effectués en octobre 2016 s'imputaient sur les dettes les plus anciennes, en l'occurrence les loyers visés dans les commandements de payer. Le tribunal a toutefois prononcé la résiliation du bail aux torts des preneurs en raison de la multiplication des retards de paiement du loyer depuis 2009 et du montant de la dette au mois de septembre 2016. Il est vrai que le décompte produit par les bailleurs révèle que, depuis 2009, les incidents de paiement se sont multipliés ; si la dette, qui s'élevait à 4 365,69 euros au mois de septembre 2016, a été apurée en octobre 2016, des incidents de paiement sont ensuite réapparus et ont continué jusqu'en juin 2017 ; même si, lorsque le jugement a été rendu, les époux [X] étaient à jour de leurs loyers, la multiplication des manquements à leur obligation essentielle de payer les loyers à la date prévue au contrat justifiait d'être sanctionnée. Compte tenu de ces éléments, c'est à juste titre que le tribunal a estimé que les manquements imputables aux preneurs étaient suffisamment graves pour justifier la résiliation du bail. Le jugement doit donc être confirmé sur ce point. Sur la dette locative Le décompte produit par les bailleurs fait apparaître que les preneurs étaient redevables de la somme de 1 368,67 euros lorsqu'ils ont libéré les lieux le 2 novembre 2018. Cependant, cette dette a d'ores et déjà été déduite du dépôt de garantie dont la restitution a été ordonnée par le tribunal d'instance dans son jugement du 6 septembre 2019 qui n'a pas été frappé d'appel ; la cour n'a donc pas à statuer sur la demande en paiement formulée par les intimés, ceux-ci ayant été condamnés au paiement du solde du dépôt de garantie par le tribunal, soit la somme de 211,33 euros, après déduction de la dette locative susvisée. Sur la demande indemnitaire présentée par les appelants Les preneurs font état d'un dégât des eaux qui se serait produit le 3 novembre 2013 en raison d'un désordre affectant la toiture de l'immeuble ; mais, si un constat de dégât des eaux a bien été établi à cette date, aucune autre pièce ne permet de savoir quelle suite a été donnée à ce sinistre ; en particulier, les appelants ne justifient pas avoir adressé une réclamation à leurs bailleurs au sujet de ce sinistre. Les époux [X] produisent un autre constat amiable de dégât des eaux en date du 5 février 2017 ; mais les bailleurs produisent une facture en date du 13 février 2017 prouvant qu'ils ont fait procéder au remplacement d'un joint sur l'alimentation de la baignoire, ce qui démontre qu'ils ont agi avec célérité pour faire réparer la fuite dont avaient été victimes les preneurs. Les appelants se plaignent ensuite d'un défaut de conformité de la chaudière, dont le vase d'expansion ne fonctionnait plus ; mais, alors qu'ils avaient adressé aux bailleurs une réclamation à ce sujet le 29 septembre 2017, ils produisent eux-mêmes une facture relative à la vérification de la pression du vase d'expansion et à la remise en route de la chaudière en date du 10 octobre 2017 et mentionnant que ces travaux ont été réalisés le 29 septembre 2017, ce qui prouve que les bailleurs ont satisfait leur demande le jour-même ; là encore, aucun reproche ne peut donc être formulé à l'encontre des époux [F]. Les appelants évoquent également une fuite de la chaudière qui serait survenue le 5 novembre 2017 et produisent à cet égard deux lettres de réclamation en date des 21 et 30 novembre 2017 ; mais ils déclarent eux-mêmes dans leurs conclusions que la chaudière a été changée le 7 février 2018, ce qui démontre que les bailleurs ont fait le nécessaire pour mettre fin au désordre. Les époux [X] produisent par ailleurs différents devis datant de 2013, 2014 et 2017, mais ces pièces sont insuffisantes à démontrer des manquements imputables aux propriétaires quant à leur obligation de délivrance, le fait de demander des devis à des entreprises ne permettant pas de prouver que des travaux de remise en état étaient nécessaires. C'est donc à bon droit que le tribunal a refusé d'ordonner l'expertise sollicitée par les appelants. Pour les mêmes motifs, la demande indemnitaire présentée par les appelants n'est pas justifiée et doit être rejetée. Sur les dépens et les frais irrépétibles Le jugement doit être confirmé en ce qu'il a condamné les époux [X] au paiement des dépens. Les appelants étant déboutés de leurs demandes formées devant la cour, il convient de les condamner aux dépens de la procédure d'appel et de les débouter de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile. L'équité commande d'allouer aux intimés la somme supplémentaire de 1 000 euros sur le fondement de ce texte. PAR CES MOTIFS : La Cour, CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions, Y ajoutant : DÉBOUTE M. et Mme [X]-[E] de leurs demandes formées devant la cour, CONDAMNE M. et Mme [X]-[E] in solidum à payer la somme supplémentaire de 1 000 euros aux époux [F]-[K] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, CONDAMNE M. et Mme [X]-[E] aux dépens d'appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. LE GREFFIER LE PRÉSIDENT | |||||||||
JURITEXT000047454917 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/45/49/JURITEXT000047454917.xml | ARRET | Cour d'appel de Paris, 18 septembre 2020, 18/084907 | 2020-09-18 00:00:00 | Cour d'appel de Paris | Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours | 18/084907 | G3 | PARIS | Copies exécutoires délivrées aux parties le REPUBLIQUE FRANÇAISEAU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 4 - Chambre 3 ARRÊT DU 18 SEPTEMBRE 2020 (no /2020, pages) Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 18/08490 - No Portalis 35L7-V-B7C-B5SN6 Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 Janvier 2018 -Tribunal d'Instance de MEAUX - RG no 11-17-000494 APPELANTE Société N2JSIRET : 483 532 230 00016Prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège :[Adresse 2][Localité 4] Représentée par Maître Maria Isabel CALCADA de la SELARL CALCADA-TOULON-LEGENDRE, avocat au barreau de MEAUX, Ayant pour avocat plaidant Maître EZ-ZAHER Mouniz, avocat au Barreau de MEAUX INTIMÉE Madame [U] [G]Née le [Date naissance 1] 1944 à [Localité 7][Adresse 3][Localité 5] Représentée par Me Yann ROCHER, avocat au barreau de Meaux COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Juillet 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Pascale WOIRHAYE, Conseillère, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : M Claude TERREAUX, Président chambre M Michel CHALACHIN, Président chambre Mme Pascale WOIRHAYE, Conseillère Greffier, lors des débats : Mme Viviane REA ARRÊT : CONTRADICTOIRE - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par M. Claude TERREAUX, Président et par Grégoire Grospellier, Greffier, présent lors de la mise à disposition. *** Par acte sous seing privé du 28 février 2009, la Sci N2J a donné à bail à Monsieur et Madame [G] un appartement sis [Adresse 3] à [Localité 6] moyennant un loyer mensuel d'un montant initial de 700 €. Par assignation du 29 mai 2015, la Sci N2J a saisi le Tribunal d'instance de Meaux pour solliciter l'expulsion de Monsieur et Madame [G], devenus occupants sans titre à compter du 1er mars 2015 par l'effet de la notification restée sans suite de leur part d'un congé aux fins de vente le 12 juin 2014 à effet au 28 février 2015. Parallèlement à cette procédure, la Sci N2J a fait assigner le 21 avril 2016 les époux [G] devant le Tribunal d'instance de Meaux statuant en référé pour faire constater l'acquisition de la clause résolutoire, obtenir leur expulsion et leur condamnation à la somme provisionnelle de 7.987,63 € au titre d'un arriéré de loyers. Par ordonnance du 15 novembre 2016, le président du Tribunal d'instance a condamné les époux [G] au paiement d'une provision de 7.000 € au titre d'arriérés de loyer arrêtés au mois d'octobre 2016, et retenu 1'existence d'une contestation sérieuse pour le surplus. Par jugement au fond exécutoire par provision en date du 7 décembre 2016, le Tribunal d'instance de Meaux a constaté que le congé donné le 12 juin 2014 n'était pas valable en l'absence d'une offre de relogement et que le bail était reconduit tacitement, il a débouté en conséquence la Sci N2J de ses demandes d'expulsion et d'indemnité d'occupation et condamné Monsieur et Madame [G] à lui payer la somme de 12.627,13 € au titre de loyers impayés arrêtés au 4 octobre 2016, avec intérêts au taux légal, et celle de 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile outre les dépens. Par exploit d'huissier du 8 février 2017, la société N2J a fait signifier à Madame [U] [G] et Monsieur [N] [G] un commandement de payer visant la clause résolutoíre du bail pour paiement de la somme en principal de 15.003,51 €, au titre des loyers et charges arrêtés au 10 janvier 2017. Par exploit d'huissier du 5 avril 2017, la Sci N2J a fait assigner Madame [U] [G] et Monsieur [N] [G] devant le Tribunal d'instance de Meaux, aux fins de voir, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :- constater l'acquisition de la clause résolutoíre insérée dans le contrat de bail à compter du 8 décembre 2015,- constater que Madame [U] [G] et Monsieur [N] [G] sont occupants sans droit ni titre de l'appartement depuis le 8 décembre 2015,- ordonner l'expulsion de Madame [U] [G] et Monsieur [N] [G] faute d'avoir libéré les lieux sous huitaine,- condamner solidairement Madame [U] [G] et Monsieur [N] [G] à payer à la Sci N2J la somme de 2.953,72 € correspondant aux arriérés de loyers dus depuis le 1er novembre 2016 et arrêtés au 1er avril 2017, somme à parfaire jusqu'au jour du prononcé du jugement,- condamner solidairement Madame [U] [G] et Monsieur [N] [G] à payer à la SCI N2J une indemnité d'occupation mensuelle égale au loyer courant et aux charges à compter du jugement jusqu'à complet déménagement et restitution des clés,- condamner Madame [U] [G] et Monsieur [N] [G] à payer à la SCI N2J la somme de 1000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,- condamner Madame [U] [G] et Monsieur [N] [G] aux dépens, Le 21 septembre 2017, Monsieur [N] [G] est décédé. Par jugement contradictoire en date du 31 janvier 2018, le Tribunal d'instance de Meaux a déclaré irrecevable 1'action en expulsion de la Sci N2J et l'a déboutée de sa demande d'indemnité d'occupation à l'encontre de Madame [G], condamné Madame [G] à payer à la Sci N2J la somme de 10.897,10 € au titre des loyers et charges dus entre le 5 octobre 2016 et le 1er décembre 2017 (mensualité de décembre 2017 incluse), assortie des intérêts au taux légal ; accordé un délai de grâce à Madame [G] pour le paiement de cette somme en 23 mensualités de 100 € chacune et le solde la 24ème et dit qu'à défaut de paiement d'une seule mensualité à son échéance après une mise en demeure restée infructueuse durant 15 jours, l'échelonnement sera caduc et la totalité de la somme restant due deviendra immédiatement exigible. La Cour est saisie de l'appel formé par la Sci N2J à l'encontre de ce jugement selon déclaration en date du 25 avril 2018. Au dispositif de ses dernières conclusions d'appel notifiées par la voie électronique le 30 décembre 2018, la Sci N2J sollicite de la Cour, au visa des articles 1134 du code civil (ancienne rédaction), 695, 696 et 700 du code de procédure civile et 7 de la loi no 89-462 du 6 juillet 1989, qu'elle :? Déclare recevable et fondé l'appel interjeté par la Sci N2J du jugement en date du 31 janvier 2018 rendu par le Tribunal d'Instance de Meaux ;Y faisant droit,? Infirme la décision entreprise en ce qu'elle a :- déclaré irrecevable l'action en expulsion de la société N2J,- débouté la société N2J de sa demande de constat d 'acquisition de la clause résolutoire,- débouté la société N2J de sa demande tendant à voir Madame [U] [G] condamnée au paiement d 'une indemnité d 'occupation,- accordé un délai de grâce à Madame [U] [G] pour le paiement de la somme de 10 897, 20€ au titre des loyers et charges échus dus entre le 5octobre 2016 et le 1er décembre 2017 (mensualité de décembre 2017 incluse) assortie des intérêts au taux légal à compter de la présente décision,- autorisé Madame [U] [G] à s'acquítter de la dette en 23 mensualités d 'un montant minimum de 100€ chacune, en plus du loyer courant, et une 24ème mensualité correspondant au solde de la dette (due en principal, frais et intérêts), payables le 10 de chaque mois, et pour la première fois le 10 du mois suivant la signification de la présente décision,- rappelé que conformément à l 'article 1343-5 du code civil, la décision du juge suspend les procédures d 'exécution qui auraient été engagées par le créancier, les majorations d 'intérêts ou les pénalités encourues à raison du retard cessent d 'être dues pendant le délai fixé par le tribunal,- dit qu'à défaut de paiement d 'une seule mensualité à son échéance, après une mise en demeure restée infructueuse durant quinze jours, l 'échelonnement sera caduc, la totalité de la somme restant due deviendra immédiatement exigible et la clause résolutoire reprendra ses effets,- débouté la société N2J de sa demande fondée sur l 'article 700 du code de procédure civile ;Et, statuant à nouveau,? Déclare recevable l'action en expulsion de la société N2J ;? Constate que dans le délai de deux mois ayant suivi la signification du commandement de payer en date du 08 février 2017, Madame [U] [G] n'a pas réglé l'intégralité du montant des loyers et charges locatives réclamés ;En conséquence,? Constate l'acquisition de la clause résolutoire insérée dans le contrat de bail en date du 28 février 2009 au 8 avril 2017 ;? prononce l'expulsion de Madame [U] [G] des lieux qu'elle occupe sis [Adresse 3] à [Localité 6], ainsi que de tous occupants de son chef, en la forme ordinaire et avec l'assistance du commissaire de police et de la force publique si besoin est ;? Condamne Madame [U] [G] à quitter les lieux loués sous astreinte de 200 € par jour de retard à compter du prononcer de la décision à intervenir, et ce jusqu'au jour de la complète libération des lieux ;? Ordonne le transport des meubles et objets mobiliers garnissant les lieux dans un garde-meuble ou tel autre lieu au choix du bailleur, aux frais, risques et périls de la défenderesse ;? Rappelle que si la personne expulsée ne les retire pas dans le délai imparti, les meubles peuvent être vendus ou déclarés abandonnés sur autorisation du Juge de l'exécution ;? Condamne Madame [U] [G] au paiement d'une indemnité d'occupation égale au montant du loyer et des charges à compter du 8 avril 2017 jusqu'à la libération effective des lieux ;? Rejette l'ensemble des demandes, fins et prétentions de Madame [U] [G] notamment relatives à des délais de paiement;? Condamne Madame [U] [G] à payer à la Sci N2J la somme de 2000 € par application de l'article 700 du Code de procédure civile ;? Condamne Madame [U] [G] en tous les dépens ;? Dise que ceux d'appel pourront être recouvrés directement par Maître Marie Isabel Calcada, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile. Au dispositif de ses conclusions d'intimée comportant appel incident notifiées par la voie électronique le 5 septembre 2018, Madame [U] [G] sollicite de la Cour, au visa des articles 1104 nouveau du Code civil, 1231-3 nouveau du Code civil et l'article 32-1 du Code de procédure civile, qu'elle :A titre principal :? Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la Sci N2J de sa demande d'expulsion et accordé des délais de paiement à Madame [G] pour apurer sa dette locative ;? Débouter la Sci N2J de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;Y ajoutant,? Accorde à Madame [G] un délai de 36 mois pour solder la dette locative et se reloger ;? Condamne la Sci N2J à payer à Madame [G] la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 32-1 du Code de procédure civile ;? Condamne la Sci N2J à payer à Madame [G] la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 1231-3 nouveau du Code civil ;? Condamne la Sci N2J à Madame [G] la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;? Condamne la Sci N2J aux entiers dépens. L'ordonnance de clôture a été prononcée le 18 juin 2020. MOTIFS DE L'ARRÊT Sur la recevabilité de la demande de constatation de l'acquisition de la clause résolutoire du bail et les demandes qui en découlent Aux termes de l'article 24 III de la loi du 6 juillet 1989, à peine d'irrecevabilité de la demande, l'assignation aux fins de constat de la résiliation est notifiée à la diligence de l'huissier de justice au représentant de l'Etat dans le département, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, au moins deux mois avant l'audience, afin qu'il saisisse l'organisme compétent désigné par le plan départemental d'action pour le logement et l'hébergement des personnes défavorisées. La Sci N2J verse en cause d'appel en pièce 17 la copie de la lettre en date du 5 avril 2017 de dénonciation de l'assignation du 5 avril 2017 pour l'audience du 7 juin 2017 par l'huissier Selarl Acthuis comportant copie de l'avis de réception en recommandé, qu'il lui avait été reproché de ne pas produire en première instance. Néanmoins, ainsi que le souligne à juste titre Madame [U] [G], l'avis de recommandé ne fait pas mention de sa réception par la Préfecture, de sorte que la Cour n'est pas mise en mesure de vérifier le délai ; il sera ajouté que cet avis porte le même numéro (AR 1A142832 06257) que celui de l'avis de dénonciation du commandement de payer à la Ccapex afférent au courrier de la même étude du 9 février 2017 produits en pièces 18 et 20, ce qui ajoute au caractère non probant de ce document. L'appelante échoue donc à démontrer que la procédure est régulière. En conséquence, le jugement est confirmé en ce qu'il a déclaré irrecevable l'action en demande en constat de l'acquisition de la clause résolutoire et a rejeté les demandes consécutives tendant à l'expulsion et au paiement d'une indemnité d'occupation. Sur les demandes reconventionnelles de Madame [U] [G] S'agissant de la demande de délai de paiement Il n'y a pas lieu d'octroyer à Madame [U] [G] de délai supplémentaire à ceux qu'elle a obtenus en première instance et qu'elle n'a d'ailleurs pu respecter. Sa demande est rejetée. S'agissant de la demande en paiement d'une amende civile C'est à bon droit que le premier juge a rappelé que l'amende civile ne bénéficie pas à la partie qui invoque l'article 32-1 du Code de procédure civile. En l'espèce, il n'y a pas lieu de la prononcer. S'agissant de la demande de dommages et intérêts pour procédures à répétition Le fait que la Sci N2J succombe en son appel ne suffit pas à démontrer que cette voie de recours ait été exercée abusivement. Si Madame [U] [G] a pu échapper à plusieurs reprises à une mesure d'expulsion demandée contre elle à compter de 2015, c'est pour des raisons procédurales qui ne prouvent pas en elles-mêmes une intention malveillante du bailleur, lequel était fondé à recouvrer en justice les loyers que Madame [U] [G], devenue veuve, n'est plus en mesure d'acquitter, alors qu'elle n'effectue aucune démarche pour se reloger dans des conditions adaptées à ses ressources et besoins. Le jugement est confirmé en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts. Sur les frais irrépétibles et les dépens En considération de l'équité, chaque partie conservera à sa charge ses propres frais irrépétibles. En application de l'article 696 du Code de procédure civile, les dépens d'appel seront mis à la charge de la Sci N2J qui succombe en son recours, le jugement déféré étant par ailleurs confirmé quant aux dépens. PAR CES MOTIFS La Cour statuant en dernier ressort par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, CONFIRME le jugement du Tribunal d'instance de Meaux en date du 31 janvier 2018 en toutes ses dispositions ; Y ajoutant, DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ; CONDAMNE la Sci N2J aux dépens d'appel. LE GREFFIER LE PRÉSIDENT | |||||||||
JURITEXT000047454918 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/45/49/JURITEXT000047454918.xml | ARRET | Cour d'appel de Paris, 18 septembre 2020, 18/041907 | 2020-09-18 00:00:00 | Cour d'appel de Paris | Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours | 18/041907 | G3 | PARIS | Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISEdélivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 4 - Chambre 3 ARRÊT DU 18 SEPTEMBRE 2020 (no /2020, pages) Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 18/04190 - No Portalis 35L7-V-B7C-B5EJJ Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Novembre 2017 -Tribunal d'Instance de Melun - RG no 11-17-001957 APPELANT Monsieur [C] [H]Né le [Date naissance 3] 1970 à [Localité 5] (Maroc)[Adresse 2][Localité 4] Représenté par Me Nadia BORRULL, avocat au barreau de PARIS, toque : E0470(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2017/058187 du 05/02/2018 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS) INTIMÉE EPIC OPH77SIRET: 277 700 019 00015[Adresse 1][Localité 4] Représentée par Me Olivier LAURENT, avocat au barreau de MELUN COMPOSITION DE LA COUR : En application : - de l'article 4 de la loi no 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19;- de l'ordonnance no 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété, notamment ses articles 1er et 8 ;- de l'ordonnance no 2020-306 du 25 mars 2020 modifiée relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période ; L'affaire a été retenue selon la procédure sans audience le 12 juin 2020, les avocats y ayant consenti expressément ou ne s'y étant pas opposés dans le délai de 15 jours de la proposition qui leur a été faite de recourir à cette procédure; La cour composée comme suit en a délibéré : M. Claude TERREAUX, Président de chambre M Michel CHALACHIN, Président de chambre Mme Pascale WOIRHAYE, Conseillère ARRÊT : CONTRADICTOIRE - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par M. Claude Terreaux, Président de chambre et par Grégoire Grospellier, Greffier, présent lors de la mise à disposition. EXPOSÉ DU LITIGE Par acte sous seing privé du 17 mars 2016, l'office public de l'habitat de Seine-et-Marne-OPH 77 a donné à bail à M. [C] [H] un logement situé [Adresse 2]. Le 6 octobre 2016, le bailleur a fait délivrer au preneur un commandement de payer la somme de 732,48 euros et d'avoir à justifier de la souscription d'un contrat d'assurance contre les risques locatifs. Par acte d'huissier du 6 juin 2017, le bailleur a fait assigner le preneur devant le tribunal d'instance de Melun afin de voir constater l'acquisition de la clause résolutoire du bail et obtenir le paiement de l'arriéré de loyers. Par jugement du 14 novembre 2017, le tribunal a :- constaté l'acquisition de la clause résolutoire au 7 novembre 2016,- ordonné l'expulsion des occupants du logement,- condamné le preneur au paiement d'une indemnité d'occupation mensuelle égale au montant du loyer et des charges qui auraient été dus si le bail s'était poursuivi, à compter du 8 novembre 2016 et jusqu'à la libération effective des lieux, et de la somme de 3 830,84 euros au titre de l'arriéré de loyers, charges et indemnités d'occupation au 5 octobre 2017, mensualité de septembre incluse, et ce avec intérêts au taux légal à compter du 6 juin 2017 sur la somme de 3 291,86 euros et du jugement pour le surplus,- dispensé M. [H] du paiement d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,- condamné M. [H] aux dépens comprenant le coût du commandement de payer, de l'assignation, de sa dénonciation au préfet et des frais afférents aux actes requis pour l'exécution du jugement,- ordonné l'exécution provisoire du jugement. Par déclaration reçue au greffe de la cour le 23 février 2018, M. [H] a interjeté appel de cette décision. Par dernières conclusions notifiées le 16 avril 2018, l'appelant demande à la cour de :- infirmer le jugement entrepris,- dire que le bailleur sera condamné à lui délivrer un nouveau bail,- condamner le bailleur aux dépens. Par dernières conclusions notifiées le 29 mai 2018, l'OPH 77 demande à la cour de :- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,- condamner l'appelant au paiement de la somme de 472,24 euros au titre des indemnités d'occupation impayées au 23 avril 2018, sauf à parfaire, - débouter M. [H] de ses demandes,- le condamner au paiement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens. Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d'autre pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions. L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 juin 2020. MOTIFS M. [H] conteste le montant de l'arriéré locatif, soutenant que le décompte produit comporterait des anomalies ; mais le dernier décompte produit par le bailleur, purgé de tous frais de recouvrement, fait clairement apparaître que le preneur était encore redevable de la somme de 472,24 euros au 23 avril 2018 ; le jugement sera donc infirmé quant au montant de la dette locative. Concernant la résiliation du bail, l'appelant produit une attestation d'assurance couvrant la période du 11 novembre 2017 au 31 mars 2018 ; il ne justifie pas avoir assuré le bien loué dans le mois ayant suivi la délivrance du commandement du 6 octobre 2016 ; de plus, la période couverte est postérieure à l'audience qui s'est tenue devant le tribunal ; enfin, il ne justifie pas avoir assuré le bien postérieurement au 31 mars 2018. C'est donc à bon droit que le tribunal a constaté l'acquisition de la clause résolutoire du bail au 7 novembre 2016 sur le fondement de l'article 7 de la loi du 6 juillet 1989, avec toutes conséquences de droit. Pour ce qui concerne le protocole d'accord signé avec le bailleur le 30 janvier 2018, l'OPH 77 justifie l'avoir dénoncé le 30 mars 2018, en raison du non-respect de ses termes par l'appelant. Le jugement doit donc être confirmé en toutes ses dispositions, sauf à modifier le montant de la dette locative. L'équité commande d'allouer à l'intimé la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS : La Cour, CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qui concerne le montant de la dette locative, Statuant à nouveau sur ce point : CONDAMNE M. [C] [H] à payer à l'office public de l'habitat de Seine-et-Marne- OPH 77 la somme de 472,24 euros au titre des indemnités d'occupation dues au 23 avril 2018, Y ajoutant : DÉBOUTE M. [H] de toutes ses demandes formées devant la cour, Le CONDAMNE à payer à l'OPH 77 la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, CONDAMNE M. [H] aux dépens d'appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. LE GREFFIER LE PRÉSIDENT | |||||||||
JURITEXT000047454919 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/45/49/JURITEXT000047454919.xml | ARRET | Cour d'appel de Paris, 18 septembre 2020, 18/079657 | 2020-09-18 00:00:00 | Cour d'appel de Paris | Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours | 18/079657 | G3 | PARIS | Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISEdélivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D'APPEL DE PARISPôle 4 - Chambre 3 ARRÊT DU 18 SEPTEMBRE 2020 (no , pages) Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 18/07965 - No Portalis 35L7-V-B7C-B5QXI Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Septembre 2017 -Tribunal d'Instance de 19ème Arrondissement de PARIS - RG no 11-15-001943 APPELANTE Société MEAUX RENTAL INTERNATIONALSIRET : 425 103 165 00014Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège :[Adresse 1][Localité 2] Représentée par Me Bénédicte DE LAVENNE-BORREDON de la SELARL DOUCHET DE LAVENNE Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : J131 INTIMÉ Monsieur [S] [M][Adresse 1][Localité 2] Défaillant :Assignation devant la cour d'appel de Paris du 29 juin 2018, par procès verbal de recherches infructueuses, conformément à l'article 659 du code de procédure civile. COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Juillet 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Pascale WOIRHAYE, Conseillère, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : M Claude TERREAUX, Président chambre M Michel CHALACHIN, Président chambre Mme Pascale WOIRHAYE, Conseillère Greffier, lors des débats : Mme Viviane REA ARRÊT : RENDU PAR DÉFAUT - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Claude Terreaux, Président de chambre, et par Grégoire Grospellier, Greffier, présent lors de la mise à disposition. **** FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES Par acte d'huissier en date du 12 novembre 2015, Monsieur [S] [M], se prévalant d'un contrat de bail consenti par la Sci Meaux Rental International, l'a fait assigner devant le Tribunal d'instance de Paris 19ème aux fins d'obtenir avec exécution provisoire, sa condamnation à procéder à sa réintégration dans les lieux loués et ce avec le concours de la force publique et sous astreinte de 100 € par jour de retard des la signification de la décision à intervenir, ou à titre subsidiaire à le reloger sous même astreinte, et à lui verser la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel, celle de 10.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral, et une indemnité de 1.000 € en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, outre les dépens. Par jugement contradictoire exécutoire par provision en date du 15 septembre 2017, le Tribunal d'instance de Paris 19ème a condamné la Sci Meaux Rental International à réintégrer Monsieur [S] [M] dans le logement sis [Adresse 1], appartement numéro 33, 4ème étage couloir gauche, 1ère porte gauche, ou en cas d'impossibilité dûment justifiée au locataire, à le reloger dans un logement d'une superficie équivalente de 34m² avec les mêmes prestations dans le 19ème arrondissement de Paris, et ce sous astreinte de 80 €, condamné la Sci Meaux Rental International à verser à Monsieur [S] [M] la somme de 10.000 € au titre de son préjudice matériel et la somme de 2.000 € au titre de son préjudice moral, outre 1.000 € au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet1991ainsi qu'aux entiers dépens. La Cour est saisie de l'appel interjeté par la Sci Meaux Rental International à l'encontre de ce jugement par déclaration en date du 16 avril 2018, signifiée à Monsieur [S] [M] le 29 juin 2018 en application des dispositions de l'article 659 du Code de procédure civile, l'avis de réception étant revenu à l'étude avec la mention "destinataire inconnu à l'adresse". Au dispositif de ses conclusions d'appel notifiées par la voie électronique le 20 juin 2018 et signifiées à Monsieur [S] [M] le 29 juin 2018 en application des dispositions de l'article 659 du Code de procédure civile, la Sci Meaux Rental International sollicite de la Cour, au visa des articles 1240 et 1353 du Code Civil, qu'elle :- Infirme le jugement rendu le 15 septembre 2017 par le Tribunal d'instance de Paris 19ème statuant à nouveau,- Rejette toute demande de réintégration dans les lieux de Monsieur [S] [M] ; - Rejette toute demande d'indemnisation de Monsieur [S] [M] ; - Condamne Monsieur [S] [M] au paiement de la somme de 3.000 € au titre de réparation pour procédure abusive ;- Condamne Monsieur [S] [M] au paiement de la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;- Le condamne en tous les dépens par application des dispositions de l'article 696 du Code de procédure civile. L'ordonnance de clôture a été prise le 18 juin 2020. En application des dispositions de l'article 474, alinéa 2, du Code de procédure civile, l'arrêt à intervenir sera pris par défaut. **** MOTIFS DE L'ARRÊTLa Sci Meaux Rental International fait grief au premier juge d'avoir considéré que Monsieur [S] [M] avait été dépossédé de son logement alors qu'il ne démontrait pas la réalité du bail allégué, la pièce versé en tant que contrat étant illisible et l'attestation de la Caf ne pouvant constituer un justificatif de domicile. Néanmoins, la première page du bail que l'appelante produit permet à la Cour de lire en transparence qu'il concerne Monsieur [S] [M] pour la location d'un studio de 34 m² sis au 4ème étage de l'immeuble sis [Adresse 1]. Il est observé par ailleurs que la Sci Meaux Rental International ne conteste pas être propriétaire de ce studio. C'est à bon droit que le tribunal a donc considéré que le bail était établi et que faute pour la Sci Meaux Rental International de produire un congé de Monsieur [S] [M] ou une autorisation de justice permettant l'expulsion, la voie de fait commise à changer les serrures de l'appartement loué à l'insu de Monsieur [S] [M] constituait une voie de fait. Le dispositif du jugement condamnant la Sci Meaux Rental International à reloger Monsieur [S] [M] est en conséquence confirmé en ce qu'il constitue une équitable remise des choses en l'état antérieur, la relation contractuelle n'ayant pas régulièrement pris fin. La Sci Meaux Rental International conteste encore sa condamnation au paiement de dommages et intérêts et soutient que, le bail n'ayant jamais existé, c'est mensongèrement que Monsieur [S] [M] a prétendu avoir été expulsé de ses biens. Sur ce, dès lors que la réalité du bail a été démontrée et que l'appelante n'est pas en mesure de justifier, comme elle en a la charge, que Monsieur [S] [M] a quitté volontairement l'appartement avec ses biens, après avoir restitué les clés, c'est à juste titre que le premier juge en a déduit que la Sci Meaux Rental International avait porté une atteinte grave au droit de propriété du locataire, qui justifie l'allocation de la somme de 10.000 € en réparation de son préjudice matériel. Le jugement est confirmé de ce chef. La violence commise par cette expulsion sans titre a causé également à Monsieur [S] [M] un préjudice moral qui doit être compensé. Le jugement sera également confirmé en ce que l'indemnisation a été arrêtée à la somme de 2.000 € de ce chef. Monsieur [S] [M] ayant triomphé en son action, la Sci Meaux Rental International sera déboutée de sa demande pour procédure abusive, qui est sans fondement. La Sci Meaux Rental International qui succombe en son appel, sera déboutée de sa demande au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et condamnée aux dépens. **** PAR CES MOTIFS La Cour statuant en dernier ressort par arrêt prononcé par défaut mis à disposition au greffe, CONFIRME le jugement du tribunal d'instance de Paris 19ème en date du 15 septembre 2017 en toutes ses dispositions ; Y ajoutant, DÉBOUTE la Sci Meaux Rental International de sa demande de dommages et intérêts ; DÉBOUTE la Sci Meaux Rental International de sa demande sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; CONDAMNE la Sci Meaux Rental International aux dépens d'appel. LE GREFFIER LE PRÉSIDENT | |||||||||
JURITEXT000047454920 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/45/49/JURITEXT000047454920.xml | ARRET | Cour d'appel de Paris, 18 septembre 2020, 18/079707 | 2020-09-18 00:00:00 | Cour d'appel de Paris | Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours | 18/079707 | G3 | PARIS | Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISEdélivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D'APPEL DE PARISPôle 4 - Chambre 3 ARRÊT DU 18 SEPTEMBRE 2020 (no /2020, pages) Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 18/07970 - No Portalis 35L7-V-B7C-B5QXW Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Septembre 2017 -Tribunal d'Instance de 19ème Arrondissement de PARIS - RG no 11-16-000959 APPELANTE Société [Localité 3] RENTAL INTERNATIONALSIRET : 425 103 165 00014Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège :[Adresse 1][Localité 2] Représentée par Me Bénédicte DE LAVENNE-BORREDON de la SELARL DOUCHET DE LAVENNE Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : J131 INTIMÉE Madame [O] [M][Adresse 1][Localité 2] Défaillante :Assignation devant la cour d' Appel de Paris du 03/07/18 , par procès verbal de recherches infructueuses, conformément à l'article 659 du code de procédure civile. COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Juillet 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Pascale WOIRHAYE, Conseillère, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : M Claude TERREAUX, Président de chambre M Michel CHALACHIN, Président de chambre Mme Pascale WOIRHAYE, Conseillère Greffier, lors des débats : Mme Viviane REA, ARRÊT : RENDU PAR DÉFAUT - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Claude Terreaux, Président de chambre, et par Grégoire Grospellier, Greffier, présent lors de la mise à disposition. **** FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES Par acte sous seing privé en date du 1er octobre 2014, la Sci [Localité 3] Rental International a donné en location à Madame [O] [M] un logement situé [Adresse 1], bâtiment B rez-de-chaussée sur cour à droite, porte du fond à gauche, moyennant un loyer mensuel de 590 € outre 30 € de provision sur charges. Ce logement a fait l'objet d'un arrêté préfectoral d'insalubrité du 7 février 2014 portant interdiction d'habitation. Le 29 février 2016, Madame [O] [M] a quitté les lieux après avoir donné congé. Par acte d'huissier en date du 23 mai 2016, elle a fait a fait assigner la Sci [Localité 3] Rental International devant le Tribunal d'instance de Paris 19ème pour solliciter sa condamnation, avec le bénéfice de l'exécution provisoire, à lui verser la somme de 2.360 € au titre de la répétition de loyers indus, la somme de 1.500 € à titre de dommages et intérêts et celle de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile outre les dépens. Par jugement contradictoire exécutoire par provision en date du 15 septembre 2017, le Tribunal d'instance de Paris 19ème a accueilli la demande principale en son entier et condamné en outre la Sci [Localité 3] Rental International à payer à Madame [O] [M] la somme de 800 € à titre de dommages et intérêts et celle de 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile. La Cour est saisie de l'appel interjeté par la Sci [Localité 3] Rental International à l'encontre de ce jugement par déclaration en date du 16 avril 2018, signifiée à Madame [O] [M] le 3 juillet 2018 en application des dispositions de l'article 659 du Code de procédure civile, l'avis de réception étant revenu à l'étude avec la mention "destinataire inconnu à l'adresse". Au dispositif de ses conclusions d'appel notifiées par la voie électronique le 20 juin 2018 et signifiées à Madame [O] [M] le 3 juillet 2018 en application des dispositions de l'article 659 du Code de procédure civile, la Sci [Localité 3] Rental International sollicite de la Cour, au visa des articles 1240 et 1343-5 du Code Civil, qu'elle : - Infirme le jugement rendu le 15 septembre 2017 par le Tribunal d'instance de Paris 19ème statuant à nouveau,- Rejette toute demande d'indemnisation de Madame [O] [M] qui ne justifie pas de l'existence d'un préjudice ; - Accorde à la Sci [Localité 3] Rental International les plus larges délais de paiement ; - Condamne Madame [O] [M] au paiement de la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; - Condamne Madame [O] [M] en tous les dépens par application des dispositions de l'article 696 du Code de procédure civile. L'ordonnance de clôture a été prise le 1er juillet 2020 avant l'ouverture des débats. En application des dispositions de l'article 474, alinéa 2, du Code de procédure civile, l'arrêt à intervenir sera pris par défaut.**** MOTIFS DE L'ARRÊTLa Sci [Localité 3] Rental International fait grief au premier juge d'avoir considéré que le maintien dans les lieux avec paiement d'un loyer en dépit de l'arrêté d'insalubrité pris, a nécessairement occasionné un préjudice financier et moral à l'occupante, sans constater l'existence d'un préjudice moral ou financier distinct de la perte locative indemnisée par la restitution des loyers. Néanmoins, l'appelante plaide également, au soutien de sa demande de délai de paiement, l'importance de sa dette de charges, en produisant une ordonnance de référé en date du 29 janvier 2015, qui met en avant les dysfonctionnements de la gestion de la copropriété au sein de laquelle Madame [O] [M] louait son studio et le retard pris à l'exécution des travaux ayant justifié l'interdiction d'habiter du 18 juin 2014 et l'arrêté de péril du 28 octobre 2014. Cette pièce établit ainsi que l'intimée n'a pas profité d'un service normal de gestion des équipements communs et qu'elle a subi un péril en circulant dans un immeuble dont la partie supérieure n'était pas définitivement stabilisée. Son préjudice moral étant caractérisé, c'est à bon droit qu'une somme de 800 € lui a été octroyée à titre d'indemnisation de ce chef, l'appel étant rejeté. S'agissant des délais de paiement sollicités, la Cour observe qu'aucune pièce comptable n'est fournie, ni extrait Kbis pour accréditer l'impécuniosité persistante alléguée de l'appelante. Au contraire la même ordonnance de référé ci-dessus visée, révèle qu'elle est propriétaire de 20 lots dans l'immeuble et qu'elle a engagé les travaux en 2018 qui ont pu à ce jour lui permettre de relouer les appartements. Sa demande de délai est en conséquence rejetée comme non fondée, la Cour adoptant pour le surplus les motifs du premier juge stigmatisant la mauvaise foi du bailleur. La Sci [Localité 3] Rental International qui succombe en son appel, sera déboutée de sa demande sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et condamnée aux dépens. **** PAR CES MOTIFS La Cour statuant en dernier ressort par arrêt prononcé par défaut mis à disposition au greffe, CONFIRME le jugement du tribunal d'instance de Paris 19ème en date du 15 septembre 2017 en toutes ses dispositions ; Y ajoutant, DÉBOUTE la Sci [Localité 3] Rental International de sa demande formée sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; CONDAMNE la Sci [Localité 3] Rental International aux dépens d'appel. LE GREFFIER LE PRÉSIDENT | |||||||||
JURITEXT000047454921 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/45/49/JURITEXT000047454921.xml | ARRET | Cour d'appel de Paris, 18 septembre 2020, 18/038617 | 2020-09-18 00:00:00 | Cour d'appel de Paris | Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours | 18/038617 | G3 | PARIS | Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISEdélivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D'APPEL DE PARISPôle 4 - Chambre 3 ARRÊT DU 18 SEPTEMBRE 2020 (no /2020, pages) Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 18/03861 - No Portalis 35L7-V-B7C-B5C7K Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Novembre 2017 -Tribunal d'Instance de Paris 8ème - RG no 11-17-000114 APPELANTE Madame [E] [I]Née le [Date naissance 4] 1944 à [Localité 7][Adresse 2][Localité 5] Représentée par Me Florence FANNI, avocat au barreau de PARIS, toque : C0218(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2017/057775 du 05/02/2018 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS) INTIMÉ Monsieur [Z] [J]Né le [Date naissance 1] 1943 à [Localité 8][Adresse 3][Localité 6] Représenté par Me Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034 COMPOSITION DE LA COUR En application : - de l'article de la loi no2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 ;- de l'ordonnance no2020-304 du 25 mars portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété, notamment ses articles 1er et 8 ;- de l'ordonnance no2020-306 du 25 mars 2020 modifiée relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période ; L'affaire a été retenue selon la procédure sans audience, les avocats y ayant consenti expressément ou ne s'y étant pas opposés dans le délai de 15 jours de la proposition qui leur a été faite de recourir à cette procédure. La Cour composée comme suit en a délibéré :Monsieur Claude TERREAUX, président de chambreMonsieur Michel CHALACHIN, Président de chambreMadame Pascale WOIRHAYE, conseillère ARRÊT: CONTRADICTOIRE - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Claude Terreaux, Président et par Grégoire Grospellier, Greffier présent lors de la mise à disposition *** EXPOSÉ DU LITIGE Par acte sous seing privé du 22 septembre 1992, M. [Z] [J] a donné à bail à Mme [E] [I] divorcée [H] un logement situé [Adresse 2] à [Localité 5]. Le 31 mars 2016, le bailleur a fait délivrer à la locataire un congé pour reprise personnelle du bien à effet du 30 septembre 2016. Par acte d'huissier du 15 décembre 2016, le bailleur a fait assigner Mme [I] devant le tribunal d'instance de [Localité 5] afin de voir valider le congé et faire expulser la locataire. Par jugement du 20 novembre 2017, le tribunal a :- dit que le congé était valide,- dit que Mme [I] était occupante sans droit ni titre du logement depuis le 30 septembre 2016,- ordonné l'expulsion des occupants du logement,- condamné Mme [I] au paiement d'une indemnité d'occupation mensuelle égale au montant du loyer augmenté de la provision pour charges à compter du 30 septembre 2016 et jusqu'à la libération effective des lieux,- débouté M. [J] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,- condamné Mme [I] aux dépens,- ordonné l'exécution provisoire du jugement. Par déclaration reçue au greffe de la cour le 19 février 2018, Mme [I] a interjeté appel de cette décision. Par dernières conclusions notifiées le 4 avril 2018, l'appelante demande à la cour de :- infirmer le jugement entrepris,- constater que le congé ne remplit pas le formalisme prévu par l'article 15-I de la loi du 6 juillet 1989 et ne pouvait lui être délivré au regard de son âge et de ses revenus,- dire en conséquence que ce congé n'est pas valable et n'a produit aucun effet,- débouter M. [J] de ses demandes et le condamner aux dépens. Par dernières conclusions notifiées le 4 juillet 2018, M. [J] demande à la cour de :- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,- débouter Mme [I] de ses demandes,- condamner l'appelante au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens d'appel. Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d'autre pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions. L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 juin 2020. *** MOTIFS M. [J] a délivré congé à sa locataire, sur le fondement de l'article 15-I de la loi du 6 juillet 1989, afin de reprendre le logement pour y habiter personnellement. Contrairement à ce que soutient Mme [I], le congé aux fins de reprise qui lui a été délivré indiquait bien en quoi la décision de son bailleur présentait un caractère réel et sérieux, puisqu'il y était mentionné : "le caractère réel et sérieux du présent congé pour reprise est justifié par le fait que M. [Z] [J], retraité, est actuellement locataire de son logement et souhaite établir sa résidence principale dans les lieux qui vous sont loués". Cette explication était suffisante pour justifier du caractère réel et sérieux de la volonté de reprise, et n'avait pas à être complétée par des motifs d'ordre médical. Les problèmes de santé dont justifie le bailleur viennent conforter le caractère réel et sérieux de la décision de reprise, M. [J], qui souffre de douleurs dorsales, ayant besoin d'utiliser un ascenseur, alors que son logement actuel n'en dispose pas. Par ailleurs, l'appelante invoque le bénéfice des dispositions de l'article 15-III de la loi de 1989 au motif qu'elle était âgée de plus de 65 ans à la date d'échéance du contrat et qu'elle dispose de ressources très modestes ; mais ces dispositions ne sont pas applicables lorsque le bailleur est lui-même âgé de plus de 65 ans à la date d'échéance du contrat, ce qui est le cas de M. [J], né le [Date naissance 1] 1943, peu important dans ce cas le montant de ses ressources. C'est donc à bon droit que le tribunal a validé le congé délivré à Mme [I], avec toutes conséquences de droit. Dès lors, le jugement doit être confirmé en toutes ses dispositions. Mme [I], qui succombe en ses demandes, doit être condamnée aux dépens d'appel. L'équité commande de débouter l'intimé de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile. *** PAR CES MOTIFS La cour statuant publiquement, CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions, Y ajoutant : DÉBOUTE Mme [E] [I] de toutes ses demandes formées devant la cour, DÉBOUTE M. [Z] [J] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile, CONDAMNE Mme [I] aux dépens d'appel, lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. LE GREFFIER LE PRÉSIDENT | |||||||||
JURITEXT000047454922 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/45/49/JURITEXT000047454922.xml | ARRET | Cour d'appel de Paris, 18 septembre 2020, 18/079677 | 2020-09-18 00:00:00 | Cour d'appel de Paris | Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours | 18/079677 | G3 | PARIS | Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISEdélivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D'APPEL DE PARISPôle 4 - Chambre 3 ARRÊT DU 18 SEPTEMBRE 2020 (no /2020, pages) Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 18/07967 - No Portalis 35L7-V-B7C-B5QXO Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Septembre 2017 -Tribunal d'Instance de 19ème Arrondissement de PARIS - RG no 11-15-1942 APPELANTE Société MEAUX RENTAL INTERNATIONALSIRET : 425 103 165 00014Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège :[Adresse 1][Localité 2] Représentée par Me Bénédicte DE LAVENNE-BORREDON de la SELARL DOUCHET DE LAVENNE Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : J131 INTIMÉ Monsieur [J] [K][Adresse 1][Localité 2] Défaillant :Assignation devant la cour d'Appel de Paris du 03 juillet 2018, par procès verbal de recherches infructueuses, conformément à l'article 659 du code de procédure civile. COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Juillet 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Pascale WOIRHAYE, Conseillère, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : M Claude TERREAUX, Président de chambre M Michel CHALACHIN, Président de chambre Mme Pascale WOIRHAYE, Conseillère Greffier, lors des débats : Mme Viviane REA ARRÊT : RENDU PAR DÉFAUT - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Claude Terreaux, Président de chambre et par Grégoire Grospellier, Greffier, présent lors de la mise à disposition. **** FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES Par acte sous seing privé en date du 1er novembre 2012, la Sci Meaux Rental International a donné en location à Monsieur [J] [K] un logement situé au 4ème étage de l'immeuble [Adresse 1], moyennant un loyer mensuel de 600 € outre 20 € de provision sur charges. Ce logement a fait l'objet d'un arrêté de péril du 21 août 2012 portant interdiction de percevoir des loyers et Monsieur [J] [K] a quitté les lieux le 16 novembre 2014. Par acte d'huissier en date du 12 novembre 2015, il a fait assigner la Sci Meaux Rental International devant le Tribunal d'instance de Paris 19ème pour solliciter sa condamnation, avec le bénéfice de l'exécution provisoire, à lui verser la somme de 12.091,61 € au titre de la répétition de loyers indus, la somme de 1.500 € à titre de dommages et intérêts et celle de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile outre les dépens. Par jugement contradictoire exécutoire par provision en date du 15 septembre 2017, le Tribunal d'instance de Paris 19ème a accueilli la demande principale en son entier et condamné en outre la Sci Meaux Rental International à payer à Monsieur [J] [K] la somme de 800 € à titre de dommages et intérêts et celle de 500 € sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 au profit de Maître Laurent Loyer. La Cour est saisie de l'appel interjeté par la Sci Meaux Rental International à l'encontre de ce jugement par déclaration en date du 16 avril 2018, signifiée à Monsieur [J] [K] le 3 juillet 2018 en application des dispositions de l'article 659 du Code de procédure civile, l'avis de réception étant revenu à l'étude avec la mention "destinataire inconnu à l'adresse". Au dispositif de ses conclusions d'appel notifiées par la voie électronique le 20 juin 2018 et signifiées à Monsieur [J] [K] le 3 juillet 2018 en application des dispositions de l'article 659 du Code de procédure civile, la Sci Meaux Rental International sollicite de la Cour, au visa des articles 1240 et 1343-5 du Code Civil, qu'elle : - Infirme le jugement rendu le 15 septembre 2017 par le Tribunal d'instance de Paris 19ème statuant à nouveau,- Déduise la somme de 5.310,42 €, correspondant à la partie versée par la Caf au titre de l'Apl, de la condamnation au remboursement des loyers indus ; - Rejette toute demande d'indemnisation de Monsieur [J] [K] qui ne justifie pas de l'existence d'un préjudice ; - Accorde à la Sci Meaux Rental International les plus larges délais de paiement ; - Condamne Monsieur [J] [K] au paiement de la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;- Condamne Monsieur [J] [K] en tous les dépens par application des dispositions de l'article 696 du Code de procédure civile. L'ordonnance de clôture a été prise le 18 juin 2020. En application des dispositions de l'article 474, alinéa 2, du Code de procédure civile, l'arrêt à intervenir sera pris par défaut. **** MOTIFS DE L'ARRÊTLa Sci Meaux Rental International fait grief au premier juge d'avoir considéré que le locataire devait bénéficier de la restitution entre ses mains des allocations logement versées par la Caf directement au bailleur alors qu'aucun texte ne le prévoit et que par cette disposition Monsieur [J] [K] bénéficie d'un enrichissement injustifié. Néanmoins si les allocations logement constituent des prestations pour le locataire qui en remplit les conditions d'attribution et comme telles sont susceptibles d'être restituées à la Caf en cas d'indû, elles se substituent au loyer que doit verser le bénéficiaire à son bailleur et à cet égard valent paiement de ce loyer au profit de ce dernier. C'est donc à bon droit que le premier juge, considérant à juste titre que la Sci Meaux Rental International n'était pas en droit d'encaisser des loyers dès lors qu'un arrêté de péril avait été pris par l'autorité préfectorale concernant l'immeuble loué, a condamné celle-ci à restituer à Monsieur [J] [K] la totalité des sommes versées à titre de loyer, en ce compris celles obtenues directement de la Caf du chef de son locataire, lequel ne bénéficie pas de ce fait d'un enrichissement injustifié, mais récupère des prestations que seule la Caf serait en droit de lui contester. Le jugement est en conséquence confirmé. La Sci Meaux Rental International fait grief au premier juge d'avoir considéré que le maintien dans les lieux avec paiement d'un loyer en dépit de l'arrêté d'insalubrité pris, a nécessairement occasionné un préjudice financier et moral à l'occupant, sans constater l'existence d'un préjudice moral ou financier distinct de la perte locative indemnisée par la restitution des loyers. Néanmoins, l'appelante plaide également, au soutien de sa demande de délai de paiement, l'importance de sa dette de charges, en produisant une ordonnance de référé en date du 29 janvier 2015, qui met en avant les dysfonctionnements de la gestion de la copropriété au sein de laquelle Monsieur [J] [K] louait son studio et le retard pris à l'exécution des travaux ayant justifié l'interdiction d'habiter. Cette pièce établit ainsi que l'intimé n'a pas profité d'un service normal de gestion des équipements communs et qu'il a subi un péril en circulant dans un immeuble dont la partie supérieure n'était pas définitivement stabilisée. Son préjudice moral étant caractérisé, c'est à bon droit qu'une somme de 800 € lui a été octroyée à titre d'indemnisation de ce chef, l'appel étant rejeté. S'agissant des délais de paiement sollicités, la Cour observe qu'aucune pièce comptable n'est fournie, ni extrait Kbis pour accréditer l'impécuniosité persistante alléguée de l'appelante. Au contraire la même ordonnance de référé ci-dessus visée, révèle qu'elle est propriétaire de 20 lots dans l'immeuble et qu'elle a engagé les travaux en 2018 qui devaient conduire à la levée des arrêtés. Sa demande de délai est en conséquence rejetée comme non fondée, la Cour adoptant pour le surplus les motifs du premier juge stigmatisant la mauvaise foi du bailleur. La Sci Meaux Rental International qui succombe en son appel, sera déboutée de sa demande sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et condamnée aux dépens. **** PAR CES MOTIFS La Cour statuant en dernier ressort par arrêt prononcé par défaut mis à disposition au greffe, CONFIRME le jugement du tribunal d'instance de Paris 19ème en date du 15 septembre 2017 en toutes ses dispositions ; Y ajoutant, DÉBOUTE la Sci Meaux Rental International de sa demande formée sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; CONDAMNE la Sci Meaux Rental International aux dépens d'appel. LE GREFFIER LE PRÉSIDENT | |||||||||
JURITEXT000047454923 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/45/49/JURITEXT000047454923.xml | ARRET | Cour d'appel de Paris, 18 septembre 2020, 20/013087 | 2020-09-18 00:00:00 | Cour d'appel de Paris | Constate ou prononce le désistement d'instance et/ou d'action | 20/013087 | G1 | PARIS | Copies exécutoires délivrées aux parties le REPUBLIQUE FRANCAISEAU NOM DU PEUPLE FRANCAIS COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 4 - Chambre 1 ARRET DU 18 SEPTEMBRE 2020 (no /2020, pages) Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 20/01308 - No Portalis 35L7-V-B7E-CBJ4O Décision déférée à la Cour : 'rrêt rendu par la 2ème chambre civile de la Cour de cassation le 5 décembre 2019. APPELANTS Monsieur [E] [B][Adresse 6][Localité 9] Madame [J] [V] veuve [B][Adresse 4][Localité 9] Madame [S] [B][Adresse 2][Localité 9] Monsieur [O] [B][Adresse 5][Localité 8] Monsieur [N] [B][Adresse 3][Localité 7] Représentés par Me Francis RAIMON de la SCP ALLAIN, KALTENBACH, RAIMON, DOULET, BORE, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 112 INTIMEE Société BANK POLSKA KASA OPIEKI[Adresse 10][Localité 1] / Pologne Représentée par Me Gaspare DORI de l'AARPI CASTALDI PARTNERS, avocat au barreau de PARIS, toque : R237 COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 10 septembre 2020, en audience publique, devant la Cour composée de :M. Claude CRETON, PrésidentM. Frédéric ARBELLOT, ConseillerMme Monique CHAULET, Conseillère qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par M. Claude CRETON, Président dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile. Greffier, lors des débats : M. Grégoire GROSPELLIER ARRET : - contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.- signé par Claude CRETON, Président et par Grégoire GROSPELLIER, Greffier présent lors de la mise à disposition. *** Vu l'appel interjeté par les consorts [B] à l'encontre du jugement du tribunal de grande instance de Paris du 1er septembre 2015 ; Vu l'arrêt de la Cour de cassation du 5 décembre 2019 ayant cassé partiellement l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 29 juin 2018 et renvoyant l'affaire devant la même cour d'appel autrement composée ; Vu la saisine de la cour de renvoi ; Par conclusions notifiées le 9 mars 2020, les consorts [B] ont déclaré se désister de l'instance et de leur action contre la société Bank Polska Kasa Opieki, chaque partie conservant la charge de ses frais et dépens. La société Bank Polska Kasa Opieki a déclaré accepter ce désistement ; PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, Constate le désistement d'instance et d'action de M. [E] [B], Mme [J] [V], Mme [S] [B], M. [O] [B] et M. [N] [B] ; Dit que chaque partie conservera la charge de ses frais et dépens. Le greffier Le président | |||||||||
JURITEXT000047454924 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/45/49/JURITEXT000047454924.xml | ARRET | Cour d'appel de Rennes, 22 septembre 2020, 19/080181 | 2020-09-22 00:00:00 | Cour d'appel de Rennes | Ordonnance d'incident | 19/080181 | 06 | RENNES | 6ème Chambre A ORDONNANCE No 154 No RG 19/08018 - No Portalis DBVL-V-B7D-QKMH M. LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE C/ Mme [J] [M] Ordonnance d'incident / Renvoi à la mise en état Copie exécutoire délivrée le : à : RÉPUBLIQUE FRANÇAISEAU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D'APPEL DE RENNESORDONNANCE DE MISE EN ETAT DU 22 SEPTEMBRE 2020 Le vingt deux Septembre deux mille vingt, par mise à disposition au Greffe, Madame Cécile MORILLON-DEMAY, Magistrat de la mise en état de la 6ème Chambre A, assistée de Xavier LE COLLEN, faisant fonction de Greffier, Statuant dans la procédure opposant : DEMANDEUR A L'INCIDENT : LE MINISTERE PUBLICreprésenté par Monsieur Laurent FICHOT, Avocat Général, qui a pris des réquisitions écrites. INTIME à DÉFENDEUR A L'INCIDENT : Madame [J] [M]née le [Date naissance 1] 1989 à [Localité 5] (CAMEROUN)[Adresse 3][Adresse 3]Représentée par Me Christophe LHERMITTE de la SCP LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNESReprésentée par Me Xavier-Philippe GRUWEZ de la SELARL SAINT-GEORGES CONSEIL, Plaidant, avocat au barreau de PARIS APPELANTE A rendu l'ordonnance suivante : Par déclaration déposée au greffe le 13 décembre 2019, Madame [J] [M] a interjeté appel d'un jugement rendu le 25 janvier 2018 par le tribunal de grande instance de Nantes, qui a constaté que le certificat de nationalité française lui a été délivré à tort et constaté son extranéité. Par conclusions notifiées le 15 juin 2020, le Procureur Général de la Cour d'appel de Rennes a saisi le conseiller de la mise en état d'un incident visant à voir déclarer l'appel irrecevable comme étant tardif. Aux termes de ses écritures en réponse régulièrement notifiées le 5 août 2020, Madame [J] [M] s'oppose à la demande d'irrecevabilité au motif que la signification du jugement qui a été faite dans les formes de l'article 659 du code de procédure civile, l'a été à une adresse [Localité 4] où elle n'a jamais résidé, ce qui démontre que l'huissier de justice n'a pas accompli les diligences nécessaires pour signifier l'acte à son adresse effective. Aux termes de ses dernières conclusions d'incident du 3 septembre 2020, le Procureur Général a maintenu sa demande tendant à voir déclarer cet appel irrecevable. L'incident a été fixé pour plaider le 8 septembre 2020. Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est référé aux dernières écritures susvisées. SUR QUOI Au terme de l'article 538 du code de procédure civile, le délai de recours par une voie ordinaire est d'un mois en matière contentieuse, et de quinze jours en matière gracieuse. Selon l'article 528 du même code, le délai à l'expiration duquel un recours ne peut plus être exercé court à compter de la notification du jugement, à moins que ce délai n'ait commencé à courir, en vertu de la loi, dès la date du jugement. Aux termes de l'article 659 du code de procédure civile, lorsque la personne à qui l'acte doit être signifié n'a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, l'huissier de justice dresse un procès-verbal où il relate avec précision les diligences qu'il a accomplies pour rechercher le destinataire de l'acte. En l'espèce, la signification du jugement rendu le 25 janvier 2018 déféré aujourd'hui devant la cour, a été effectuée le 28 mars 2018 selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile, de sorte que le délai d'appel expirait 28 avril 2018. Madame [J] [M] prétend que son appel est recevable car, à défaut d'avoir été signifiée au dernier domicile connu, la notification n'a pas pu faire courir le délai d'appel. Il est constant qu'un procès-verbal de vaines recherches dressé selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile en un lieu autre que la dernière adresse connue ne vaut pas signification. Lorsqu'est contestée la validité d'une signification, les juges du fond doivent rechercher si le domicile auquel l'huissier de justice a signifié l'acte dans les formes de l'article 659 du code de procédure civile est bien la dernière adresse connue du destinataire de l'acte. Par déclaration déposée au greffe le 13 décembre 2019, Madame [J] [M] a interjeté appel d'un jugement rendu le 25 janvier 2018 par le tribunal de grande instance de Nantes, qui a constaté que le certificat de nationalité française lui a été délivré à tort et constaté son extranéité. Par conclusions notifiées le 15 juin 2020, le Procureur Général de la Cour d'appel de Rennes a saisi le conseiller de la mise en état d'un incident visant à voir déclarer l'appel irrecevable comme étant tardif. Aux termes de ses écritures en réponse régulièrement notifiées le 5 août 2020, Madame [J] [M] s'oppose à la demande d'irrecevabilité au motif que la signification du jugement qui a été faite dans les formes de l'article 659 du code de procédure civile, l'a été à une adresse [Localité 4] où elle n'a jamais résidé, ce qui démontre que l'huissier de justice n'a pas accompli les diligences nécessaires pour signifier l'acte à son adresse effective. Aux termes de ses dernières conclusions d'incident du 3 septembre 2020, le Procureur Général a maintenu sa demande tendant à voir déclaré cet appel irrecevable. L'incident a été fixé pour plaider le 8 septembre 2020. Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est référé aux dernières écritures susvisées. SUR QUOI Au terme de l'article 538 du code de procédure civile, le délai de recours par une voie ordinaire est d'un mois en matière contentieuse, et de quinze jours en matière gracieuse. Selon l'article 528 du même code, le délai à l'expiration duquel un recours ne peut plus être exercé court à compter de la notification du jugement, à moins que ce délai n'ait commencé à courir, en vertu de la loi, dès la date du jugement. Aux termes de l'article 659 du code de procédure civile, lorsque la personne à qui l'acte doit être signifié n'a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, l'huissier de justice dresse un procès-verbal où il relate avec précision les diligences qu'il a accomplies pour rechercher le destinataire de l'acte. En l'espèce, la signification du jugement rendu le 25 janvier 2018 déféré aujourd'hui devant la cour, a été effectuée le 28 mars 2018 selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile, de sorte que le délai d'appel expirait 28 avril 2018. Madame [J] [M] prétend que son appel est recevable car, à défaut d'avoir été signifiée au dernier domicile connu, la notification n'a pas pu faire courir le délai d'appel. Il est constant qu'un procès-verbal de vaines recherches dressé selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile en un lieu autre que la dernière adresse connue ne vaut pas signification. Lorsqu'est contestée la validité d'une signification, les juges du fond doivent rechercher si le domicile auquel l'huissier de justice a signifié l'acte dans les formes de l'article 659 du code de procédure civile est bien la dernière adresse connue du destinataire de l'acte. Dès lors que Madame [J] [M] conteste avoir jamais résidé [Localité 4] mais uniquement en région parisienne, et qu'aucune des pièces produites par le parquet ne fait état d'une adresse [Localité 4], il convient d'enjoindre à Monsieur le Procureur Général de justifier de ce que le lieu de la signification était effectivement la dernière adresse connue de l'appelante et de s'expliquer sur ce point. PAR CES MOTIFS Ordonnons à Monsieur le Procureur Général de rapporter la preuve de ce que la dernière adresse connue de Madame [J] [M] était bien [Adresse 2], et ce dans un délai d'un mois, Renvoyons l'examen de l'incident à l'audience du 27 octobre 2020, Le Greffier,Le Conseiller de la mise en état, | |||||||||
JURITEXT000047454925 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/45/49/JURITEXT000047454925.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 13 décembre 2022, 18/05683 | 2022-12-13 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 18/05683 | CT0087 | TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 3ème chambre 3ème section No RG 18/05683 - No Portalis 352J-W-B7C-CM5YY No MINUTE : Assignation du :04 Mai 2018 JUGEMENT rendu le 13 décembre 2022 DEMANDERESSE Association FEDERATION FRANCAISE DE TENNIS[Adresse 5][Localité 6] représentée par Maître Louis DE GAULLE de la SELAS DE GAULLE FLEURANCE & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #K0035 et par Maître Serge LEDERMAN de la SELAS DE GAULLE FLEURANCE & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #K0035 DÉFENDERESSES Société VIAGOGO AG[Adresse 2][Localité 3] (SUISSE) Société VIAGOGO ENTERTAINMENT INC.[Adresse 4][Localité 7] (ETATS-UNIS) représentées par Maître Annabelle RICHARD du PARTNERSHIPS PINSENT MASONS FRANCE LLP, avocat au barreau de PARIS, avocats postulant, vestiaire #R0020 et par Maîtres Diane MULLENEX et Mélina WOLMAN du PARTNERSHIPS PINSENT MASONS FRANCE LLP, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidants, vestiaire #R0020 COMPOSITION DU TRIBUNAL Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointeArthur COURILLON-HAVY, jugeLinda BOUDOUR, juge assistés de Lorine MILLE, greffière, DEBATS A l'audience du 29 Juin 2022, tenue en audience publique avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 11 Octobre 2022 et prorogé en dernier lieu au 13 décembre 2022. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffeContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DU LITIGE 1. La Fédération Française de Tennis (ci-après FFT), est une association régie par les dispositions de la loi du 1er juillet 1901. En tant que fédération sportive agréée, conformément aux dispositions du code du sport, elle a pour mission d'organiser les compétitions de tennis sur le territoire national, d'assurer et de contrôler le développement de ce sport en France. Dans ce cadre, la FFT organise annuellement, habituellement entre mai et juin, les Internationaux de France de tennis, plus communément appelés Roland Garros. 2. La FFT, en tant qu'organisatrice de la compétition, revendique la propriété des droits d'exploitation du tournoi de Roland Garros, ainsi que de plusieurs marques françaises et européennes : - La marque française semi-figurative no1630776, déposée le 3 décembre 1990 et régulièrement renouvelée le 20 octobre 2010 pour désigner notamment en classe 41 les services de " divertissement ; spectacles ; organisation de concours et de manifestation sportives": - La marque verbale française "ROLAND GARROS " no1625392, déposée le 6 novembre 1990 et régulièrement renouvelée le 21 août 2020 pour désigner notamment en classe 41 les services de " divertissements ; spectacles ". - La marque verbale française " ROLAND GARROS " no3622169 déposée le 13 janvier 2009 et valablement renouvelée le 6 novembre 2018 en classes 38 pour désigner les services de " télécommunication par voies télématiques en vue d'obtenir des informations contenues dans des banques de données " ; " communications (transmission) sur réseau informatique mondial ouvert et fermé " ; " promotion publicitaire ayant trait en particulier à des événements sportifs ". - La marque verbale de l'Union européenne " ROLAND GARROS FRENCH OPEN " no003498276, déposée le 31 octobre 2003 notamment en classe 9 pour désigner les "publications électroniques (téléchargeables) fournies en ligne à partir de bases de données informatiques ou d'Internet " et en classe 41 les " services de réservation de billets pour des événements divertissants, sportifs et culturels ". 3. La société de droit américain Viagogo Entertainment exploite le site internet acessible à l'adresse [01]; ainsi que ses extensions internationales, tandis que la société de droit suisse Viagogo AG exploite le site internet accessible à l'adresse [01];. Elles présentent le site "[01]" comme hébergeant une plateforme offrant des services de vente directe ou de mise en relation d'acheteurs et de vendeurs de billets d'accès à des manifestations sportives ou culturelles. 4. La FFT expose avoir découvert au mois de septembre 2017, que le site acessible à l'adresse [01]; commercialisait des billets pour l'édition 2018 de Roland Garros, ce qu'elle a fait constater par différents procès-verbaux les 20 septembre 2017,13 avril 2018, 1er juin 2018, 27 mars 2019, 3 avril 2019 et 5 mars 2020, l'huissier ayant constaté l'offre à la vente de billets pour les internationaux de Roland Garros sur ce site, sans qu'aucune acquisition ne lui soit possible avec une adresse IP française. 5. Aussi, la FFT a-t'elle mis en demeure les sociétés Viagogo, par une lettre du 2 novembre 2017, de cesser toute commercialisation de billets pour l'édition 2018 du tournoi de Roland Garros, de cesser d'exploiter ses marques "Roland Garros", ainsi que de lui communiquer le volume de billets vendus sur leur plateforme et la liste de leurs fournisseurs. 6. Ses demandes n'ayant pas été satisfaites, la FFT a, par actes d'huissier du 17 janvier 2018, fait assigner les sociétés Viagogo en référé devant le délégataire du président de ce tribunal, lequel, par une ordonnance du 6 avril suivant, a fait interdiction à ces sociétés de faire usage des marques "Roland Garros" et de commercialiser les billets litigieux, a ordonné la communication par les sociétés Viagogo de toutes informations de nature à permettre à la FFT de chiffrer son préjudice et notamment la quantité de billets vendus, leurs prix et la liste des fournisseurs, et les a condamnées in solidum au paiement d'une provision de 60.000 euros. 7. Par un arrêt du 7 février 2020, la Cour d'appel a confirmé la décision du juge des référés tout en portant à 80.000 euros le montant de la provision due par les sociétés Viagogo à la Fédération. 8. La FFT s'est pourvue au fond devant le tribunal de grande instance de Paris par une assignation du 4 mai 2018. 9. Par une ordonnance du 20 novembre 2020, le juge de la mise en état a liquidé l'astreinte qui assortissait la décision par laquelle il avait ordonné aux sociétés Viagogo de communiquer les pièces nécessaires à l'évaluation du préjudice de la FFT et condamné ces sociétés au paiement de la somme de 270.000 euros à ce titre. Par une ordonnance rectificative du 22 décembre suivant, il a renouvelé l'astreinte de 1 000 euros par jour de retard prononcée par le juge de la mise en état dans son ordonnance du 13 septembre 2019, cette astreinte, applicable dès la signification de l'ordonnance du 20 novembre 2020 pour une durée de 3 mois, pouvant être liquidée par le juge de la mise en état ou le tribunal selon la date à laquelle la liquidation sera sollicitée, le cas échéant. 10. Dans ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 11 février 2022, la FFT demande au tribunal de : - La Recevoir en ses demandes, fins moyens et prétentions ; Y faisant droit : - Juger que les demandes de la FFT sont recevables et bien fondées; - Rejeter l'ensemble des demandes, fins et conclusions des sociétés Viagogo Entertainment Inc. et Viagogo AG ; - Juger que la loi française est applicable à l'ensemble des faits commis sur la plateforme Viagogo, quels que soit le lieu de ka vente des billets d'accès, la nationalité ou le domicile de l'acheteur, l'accessibilité et la destination de la plateforme et de ses extensions; - Rejeter les questions préjudicielles formulées par les sociétés Viagogo Entertainment Inc. et Viagogo AG ; - Juger que les sociétés Viagogo Entertainment Inc. et Viagogo AG sont les éditeurs du site [01] et de ses différentes extensions ; - Juger que la marque " ROLAND GARROS " no3622169 a fait l'objet d'un usage sérieux pour les "services de publicité et promotion publicitaire ayant trait en particulier à des événements sportifs" en classe 35 et les "services de télécommunication par voies télématiques en vue d'obtenir des informations contenues dans des banques de données", les services de "communications par terminaux d'ordinateurs" et les services de "communications (transmission) sur réseau informatique mondial ouvert et fermé" en classe 38 ; - Juger que la marque "ROLAND GARROS FRENCH OPEN" no003498276 a fait l'objet d'un usage sérieux pour les produits consistant en des "publications électroniques (téléchargeables) fournies en ligne à partir de bases de données informatiques ou d'internet" en classe 9 ; En conséquence, - Rejeter les demandes reconventionnelles en déchéance partielle formulées par les sociétés Viagogo Entertainment Inc. et Viagogo AG à l'encontre de ces marques ; - Juger qu'en reproduisant le signe "ROLAND GARROS" sur leur site [01] et ses différentes extensions pour offrir à la vente des billets pour assister au tournoi de Roland-Garros 2018, les sociétés Viagogo Entertainment Inc. et Viagogo AG ont commis des actes constitutifs de contrefaçon des marques suivantes : "La marque verbale française "ROLAND GARROS " no3622169 déposée le 13 janvier 2009, la marque verbale française "ROLAND GARROS" no16225392 déposée le 6 novembre 1990, la marque semi-figurative française no1630776 déposée le 3 décembre 1990, la marque verbale de l'Union européenne "ROLAND GARROS FRENCH OPEN" no3498276 déposée le 31 octobre 2003 ; - Juger qu'en reproduisant le signe " ROLAND GARROS " sur la plateforme Viagogo à l'occasion de l'édition 2018 du tournoi Roland-Garros, les sociétés Viagogo Entertainment Inc. et Viagogo AG ont porté une atteinte injustifiée et retiré un bénéfice indu des marques de renommée française "ROLAND GARROS" no1625392 et no1630776 ; - Juger qu'en proposant à la vente dans le monde entier des billets pour assister aux éditions 2018, 2019 et 2020 du tournoi de Roland-Garros sans autorisation de la FFT, les sociétés Viagogo Entertainment Inc. et Viagogo AG ont violé le droit exclusif de la FFT de commercialiser la billetterie de cette compétition ; - Juger que les sociétés Viagogo Entertainment Inc. et Viagogo AG, en faisant un usage illicite des marques de la FFT à titre de marques d'appel et en tirant profit des efforts et des investissements conséquents de la FFT dans le monde entier à l'occasion des éditions 2018, 2019 et 2020 du tournoi de Roland-Garros, se sont rendues coupables d'actes de parasitisme au préjudice de la FFT ; - Juger que les sociétés Viagogo Entertainment Inc. et Viagogo AG se sont également rendue coupables d'actes de concurrence déloyale dans le monde entier à l'occasion des éditions 2018, 2019 et 2020 du tournoi de Roland-Garros : " En désorganisant le réseau de distribution mis en place par la FFT; " En violant ou à tout le moins en se rendant complices de la violation des conditions générales de vente ; " En se rendant coupables de pratiques commerciales trompeuses. En conséquence : - Interdire aux sociétés Viagogo Entertainment Inc. et Viagogo AG, à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 10 000 € par jour de retard, de reproduire et de faire usage, de quelque manière et à quelque titre que ce soit les marques françaises no3622169 ; 1625392 ; 1630776 sur le territoire français et de la marque de l'Union no3498276 sur l'ensemble du territoire de l'Union européenne ; - Condamner à titre provisionnel et in solidum les sociétés Viagogo Entertainment Inc. et Viagogo AG à verser à la FFT la somme de 500 000 €, sauf à parfaire, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral causé par les actes de contrefaçon de marques susvisés ; - Condamner à titre provisionnel et in solidum les sociétés Viagogo Entertainment Inc. et Viagogo AG à verser à la FFT la somme de 500 000 €, sauf à parfaire, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel causé par les actes de contrefaçon de marques susvisés ; - Condamner à titre provisionnel et in solidum les sociétés Viagogo Entertainment Inc. et Viagogo AG à verser à la FFT la somme de 300.000€, sauf à parfaire, à titre de dommage et intérêts en réparation du préjudice causé par les atteintes portées aux marques de renommée " ROLAND GARROS " no1625392 et no1630776; - Condamner à titre provisionnel et in solidum les sociétés Viagogo Entertainment Inc. et Viagogo AG à verser à la FFT la somme de 500.000 €, sauf à parfaire, à titre de dommages et intérêts en réparation de la violation de son droit exclusif d'exploitation ; - Condamner à titre provisionnel et in solidum les sociétés Viagogo Entertainment Inc. et Viagogo AG à verser à la FFT la somme de 250 000 €, sauf à parfaire, à titre de dommages et intérêts en réparation des actes de concurrence déloyale susvisés ; - Constater que les sociétés Viagogo AG et Viagogo Entertainment n'ont pas produit les documents et informations dont le juge de la mise en état a ordonné la communication aux termes de son ordonnance du 13 septembre 2019 ; - Liquider en conséquence l'astreinte prononcée dans l'ordonnance de liquidation d'astreinte du 20 novembre 2020, rectifiée par ordonnance du 22 décembre 2020, à hauteur de 90 000€ ; - Ordonner aux sociétés Viagogo de communiquer à la FFT, au moyen de documents comptables certifiés par des commissaires aux comptes indépendants, les informations et documents suivants : " La quantité de billets d'accès aux éditions 2018, 2019, 2020 de Roland Garros acquis par les sociétés Viagogo, ou qui lui ont été confiés dans le monde entier, en vue de leur mise en vente sur l'ensemble des extensions de la plateforme Viagogo ; " La quantité de billets d'accès aux éditions 2018, 2019, 2020 de Roland Garros vendus dans le monde entier sur l'ensemble des extensions de la plateforme Viagogo ainsi que le chiffre d'affaires brut correspondant réalisé par les sociétés Viagogo ; " La localisation territoriale ou à tout le moins l'adresse de facturation déclarée par chacun des acheteurs lors de son achat en ligne et l'ouverture de son compte ; " La liste des internautes utilisant la plateforme Viagogo pour revendre des billets d'accès aux éditions 2018, 2019 et 2020 de Roland Garros auprès desquels les sociétés Viagogo ont obtenus ces billets qui ont été revendus sur leur plateforme, le prix d'achat et de revente de ces billets, ainsi que les numéros de série desdits billets. - Prononcer à l'encontre des sociétés Viagogo AG et Viagogo Entertainment une astreinte définitive et solidaire de 10 000€ par jour de retard jusqu'à la production complète et intégrale des documents et informations visés dans l'ordonnance du 13 septembre 2019 et dans la nouvelle mesure de communication de pièces sollicitées dans les présentes, à compter de la signification du jugement à intervenir et ce, pendant une durée de 6 mois; - Se réserver la liquidation des astreintes ; - Ordonner la publication du dispositif du jugement à intervenir en tête des pages d'accueil du site [01] et de ses extensions, ou à toutes autres adresses qui leur seraient substituées, accompagné de sa traduction dans toutes les langues dans lesquelles ce site serait disponible, en caractères lisibles et noirs sur un fond blanc et sur une surface égale à au moins 30% de cette page d'accueil, pendant une durée de 3 mois dans un délai de 8 jour à compter de la signification du jugement à intervenir et ce sous astreinte de 2 000 € par jour de retard ; - Ordonner la publication du dispositif du jugement à intervenir dans 5 supports, journaux ou revues, papier ou en ligne, au choix de la FFT, dans la limite de la somme de 7 000€ par publication à la charge des sociétés Viagogo Entertainment Inc. et Viagogo AG ; - Autoriser la FFT à faire publier, pendant ce même délai, sur son propre site internet accessible à l'adresse www.fft.fr, le dispositif du jugement à intervenir en français et en anglais ; - Condamner in solidum les sociétés Viagogo Entertainment Inc.et Viagogo AG à verser à la FFT la somme de 85 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à laquelle s'ajoutera le remboursement des frais exposés pour diligenter les constats d'huissier des 20 septembre 2017 et 13 avril 2018 ; - Ordonner l'exécution provisoire de droit du jugement à intervenir en toutes ses dispositions, sans constitution de garantie et nonobstant appel ; - Condamner in solidum les sociétés Viagogo Entertainment Inc. et Viagogo AG aux entiers dépens, en ce compris les frais exposés pour la signification des actes de procédure et leur traduction dont distraction au profit de la SAS De Gaulle Fleurance et Associés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. 11. Dans leurs dernières conclusions notifiées électroniquement le 27 janvier 2022, les sociétés Viagogo Entertainment Inc. et Viagogo AG demandent au tribunal de : - Prononcer la déchéance des droits de la FFT sur : " Sa marque " Roland Garros " no3622169, pour les " services de publicité et promotion publicitaire ayant trait en particulier à des événements sporitfs " en classe 35 et les "services de télécommunication par voies télématiques en vue d'obtenir des informations contenues dans des banques de données", les services de "communications par terminaux d'ordinateurs" et les services de "communications (transmission) sur réseau informatique mondial ouvert et fermé" en classe 38, et ce à compter du 13 janvier 2014; " Sa marque " ROLAND GARROS FRENCH OPEN " no003498276, pour les produits consistant en des "publications électroniques (téléchargeables) fournies en ligne à partir de bases de données informatiques ou d'Internet" en classe 9, et ce à compter du 31 octobre 2008 ; - Saisir la Cour de justice de l'Union européenne des questions préjudicielles suivantes: " Les articles 10, paragraphe 2, a) et b), de la directive 2015/2436 sur les marques et 9, paragraphe 2, a) et b) du règlement 2017/1001 sur la marque de l'Union européenne, doivent-ils être interprétés en ce sens que l'exploitant d'un site internet offrant un service de mise en relation d'utilisateurs pour la revente de billets d'accès à divers évènements culturels ou sportifs, dont les noms usuels sont protégés par des marques appartenant à des tiers, organisateurs desdits évènements, qui utilise sur son site, toujours sous la même forme et sans l'accord des titulaires des marques, des signes identiques ou similaires à ces marques pour présenter aux acheteurs potentiels les billets proposés par la seule indication du nom de l'évènement auquel ces billets donnent accès, d'une date et le cas échéant du nom des équipes participant à un match, accomplit ce faisant des actes d'usage de ces signes à titre de marque et, dans l'affirmative, portant, ou susceptible de porter atteinte, à l'une des fonctions de la marque au sens de la jurisprudence de la Cour de justice, et en conséquence susceptibles de constituer une atteinte au droit sur les marques en cause ? " " En cas de réponse positive à la question précédente, les articles 14, paragraphe 1er, c), et paragraphe 2, de la directive 2015/2436, et 14, paragraphe 1er, c), et paragraphe 2, du règlement 2017/1001, doivent-ils être interprétés en ce sens qu'ils s'appliquent aux actes en cause ? " ; - Débouter la FFT de l'ensemble de ses demandes ; - Annuler l'ordonnance du juge de la mise en état du 13 septembre 2019 en ce qu'elle a condamné les sociétés Viagogo Entertainment Inc. et Viagogo AG à communiquer au moyen de documents comptables certifiés par des commissaires aux comptes indépendants, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard passé un délai de 20 jours à compter de la présente ordonnance des informations suivantes : " La quantité de billets d'accès à Roland Garros 2018 et Roland Garros 2019 acquise par les sociétés Viagogo, ou qui lui a été confiée, en vue de leur mise en vente sur l'ensemble des extensions du site Viagogo ; " La quantité de billets d'accès à Roland Garros 2018 et Roland Garros 2019 vendus dans le monde entier sur l'ensemble des extensions du site Viagogo ainsi que le chiffre d'affaires brut correspondant réalisé par les sociétés Viagogo ; " La localisation territoriale déclarée par chacun des acheteurs lors de son achat en ligne et l'ouverture de son compte ; " La liste des fournisseurs de billets d'accès à Roland Garros auprès desquels les sociétés Viagogo ont obtenu les billets qui ont été revendus sur les sites Viagogo, le prix d'achat de ces billets, ainsi que les numéros de série desdits billets ; - Rejeter la demande de liquidation d'astreinte ; - Rejeter la demande fixation d'une astreinte définitive ; - Rejeter la demande de publication judiciaire ; - Condamner la FFT à verser aux sociétés Viagogo Entertainment Inc. et Viagogo AG chacune la somme de 80 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile; En tout état de cause, - Condamner la FFT aux entiers dépens. 12. L'instruction a été clôturée par une ordonnance du 17 février 2022 et l'affaire plaidée à l'audience du 29 juin 2022. MOTIFS DE LA DÉCISION 1o) Sur le non-respect des droits exclusifs d'exploitation du tournoi de "Roland Garros" (qui est préalable en ce qu'il conditionne l'atteinte aux marques "Roland Garros") Moyens des parties 13. La FFT soutient qu'elle bénéficie d'un monopole d'exploitation portant sur le tournoi de Roland Garros et notamment sur la vente et la revente de billets. Elle considère que les sociétés Viagogo ont porté atteinte à son droit privatif dès lors qu'elles ont commercialisé sur leur plateforme des billets d'accès aux éditions 2018, 2019 et 2020 du tournoi de Roland Garros. Elle précise à cet égard que l'usage d'un logiciel de géo-blocage pour empêcher l'acquisition de billets par les internautes français est indifférent puisque son monopole a vocation à s'appliquer au-delà des frontières nationales et qu'il est en tout état de cause facile de contourner ce blocage. Elle considère en conséquence que les sociétés Viagogo ont empêché la réalisation des objectifs d'intérêt général qu'elle poursuit. Elle ajoute que les défenderesses ne peuvent se prévaloir d'un quelconque épuisement de droits dès lors que cette notion ne s'applique qu'aux produits. 14. Les sociétés Viagogo affirment au contraire que l'article L. 333-1 du code du sport n'a pas vocation à s'étendre au marché secondaire de billets. Elles expliquent qu'elles n'ont en tout état de cause pas porté atteinte au monopole concerné dès lors que, d'une part, elle se sont contentées de permettre la revente de billets et n'ont donc procédé à aucune captation de flux économique et que, d'autre part, le logiciel de géo-blocage mis en oeuvre sur leur plateforme empêche toute acquisition de billets depuis la France, seul pays où doit selon elles s'appliquer le monopole en cause. Elles considèrent enfin que le développement d'une plateforme de revente pour les billets d'accès au tournoi de Roland Garros est légitime en l'absence de service analogue proposé par la FFT. Appréciation du tribunal 15. Selon les articles L. 100-1 et L. 100-2 du code du sport, "Le développement du sport pour tous et le soutien aux sportifs de haut niveau et aux équipes de France dans les compétitions internationales sont d'intérêt général. L'Etat, les collectivités territoriales et leurs groupements, les associations, les fédérations sportives, les entreprises et leurs institutions sociales contribuent à la promotion et au développement des activités physiques et sportives. Ils veillent à assurer un égal accès aux pratiques sportives sur l'ensemble du territoire. Ils veillent également à prévenir et à lutter contre toutes formes de violence et de discrimination dans le cadre des activités physiques et sportives. L'Etat et les associations et fédérations sportives assurent le développement du sport de haut niveau, avec le concours des collectivités territoriales, de leurs groupements et des entreprises intéressées." Aux fins de permettre aux fédérations sportives d'assurer cette mission d'intérêt général de développement de la pratique du sport et d'égal accès aux pratiques sportives, l'article L. 333-1 alinéa 1er du même code prévoit que : "Les fédérations sportives, ainsi que les organisateurs de manifestations sportives mentionnés à l'article L. 331-5, sont propriétaires du droit d'exploitation des manifestations ou compétitions sportives qu'ils organisent." 16. Ce monopole n'est pas limité au service de billeterie. Le code pénal réprime en effet le fait de vendre de manière habituelle les billets d'accès à une manifestation sportive sans l'accord du propriétaire de cette manifestation, de même que le fait, de manière habituelle, de fournir des moyens en vue de la revente de ces billets. Ainsi l'article 313-6-2 du code pénal prévoit que: "Le fait de vendre, d'offrir à la vente ou d'exposer en vue de la vente ou de la cession ou de fournir les moyens en vue de la vente ou de la cession des titres d'accès à une manifestation sportive, culturelle ou commerciale ou à un spectacle vivant, de manière habituelle et sans l'autorisation du producteur, de l'organisateur ou du propriétaire des droits d'exploitation de cette manifestation ou de ce spectacle, est puni de 15 000 € d'amende. Cette peine est portée à 30 000 € d'amende en cas de récidive. Pour l'application du premier alinéa, est considéré comme titre d'accès tout billet, document, message ou code, quels qu'en soient la forme et le support, attestant de l'obtention auprès du producteur, de l'organisateur ou du propriétaire des droits d'exploitation du droit d'assister à la manifestation ou au spectacle." 17. Les travaux parlementaires ayant précédé l'adoption de ce texte renseignent sur l'objectif poursuivi par le législateur au moyen de ce renforcement du monopole des fédérations sportives sur les événements sportifs qu'elles organisent (et qu'elles sont, selon le code du sport, seules à pouvoir organiser) : "Depuis quelques années, les pratiques de revente massive de billets ou de titres d'accès à des manifestations tant sportives que culturelles, dans le but d'en tirer un bénéfice, ont tendance à s'amplifier. Il est fréquent que, dès les premiers jours de mise en vente de billets par un producteur ou un organisateur de spectacle ou de manifestation sportive, la pénurie soit créée : une grande partie, voire la totalité des titres d'accès à la manifestation est achetée par une poignée d'individus, qui les revendent ensuite à un prix qui leur permet d'en tirer un substantiel bénéfice. Lors des événements très courus, cette pratique est devenue? très courante. À voir le nombre de sites de revente de billets sur Internet, on est conduit à penser qu'il s'agit d'une activité des plus lucratives ! Les contentieux fleurissent entre les sociétés qui se sont spécialisées dans cette activité et les organisateurs, producteurs ou institutions proposant des spectacles, concerts, matchs et compétitions sportives, voire des expositions. (...)" 18. Il n'apparaît pas inutile en outre de rappeler que ces dispositions légales ont été validées en ces termes par le Conseil constitutionnel: "6. D'autre part, le législateur a également souhaité garantir l'accès du plus grand nombre aux manifestations sportives, culturelles, commerciales et aux spectacles vivants. En effet, l'incrimination en cause doit permettre de lutter contre l'organisation d'une augmentation artificielle des prix des titres d'accès à ces manifestations et spectacles. 7. En deuxième lieu, la vente de titres d'accès et la facilitation de la vente ou de la cession de tels titres, ne sont prohibées que si elles s'effectuent sans l'autorisation du producteur, de l'organisateur ou du propriétaire des droits d'exploitation de la manifestation ou du spectacle. 8. En dernier lieu, il résulte des travaux parlementaires qu'en ne visant que les faits commis «de manière habituelle», le législateur n'a pas inclus dans le champ de la répression les personnes ayant, même à plusieurs reprises, mais de manière occasionnelle, vendu, cédé, exposé ou fourni les moyens en vue de la vente ou de la cession des titres d'accès à une manifestation ou à un spectacle. 9. Il résulte de ce qui précède que l'infraction ainsi définie ne méconnaît ni le principe de nécessité des délits et des peines, ni celui de légalité des délits et des peines. 10. Il est loisible au législateur d'apporter aux conditions d'exercice du droit de propriété des personnes privées, protégé par l'article 2 de la Déclaration de 1789, ainsi qu'à la liberté d'entreprendre et à la liberté contractuelle, qui découlent de son article 4, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi. 11. Compte tenu, d'une part, des objectifs de valeur constitutionnelle et d'intérêt général énoncés aux paragraphes 5 et 6 et, d'autre part, de ce que le législateur a réprimé la seule revente de titres d'accès, sa facilitation et celle de la cession de tels titres, uniquement lorsqu'elles sont réalisées à titre habituel et sans l'accord préalable des organisateurs, producteurs ou propriétaires des droits d'exploitation, le législateur n'a méconnu ni la liberté d'entreprendre ni la liberté contractuelle ni le droit de propriété. 12. L'article 313-6-2 du code pénal, qui ne méconnaît aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doit être déclaré conforme à la Constitution." (Décision no 2018-754 QPC du 14 décembre 2018, Société Viagogo et autres) 19. En l'occurrence, la FFT doit être regardée comme propriétaire du droit d'exploitation portant sur les éditions 2018, 2019 et 2020 du tournoi de tennis de "Roland Garros" et notamment sur les services de billetterie y afférent. La FFT dispose donc d'un monopole sur l'exploitation de l'événement litigieux, lequel s'analyse en un droit de propriété lui permettant notamment d'interdire à toute autre personne l'exploitation des manifestations sportives en cause, tandis que le monopole d'exploitation, en raison des motifs mêmes de sa création ci-dessus rappelés, octroyé à la FFT concernant la vente de billets des tournois qu'elle organise, s'étend incontestablement au marché secondaire. 20. Il ressort en outre des différents procès-verbaux de constat versés aux débats que les sociétés Viagogo exploitent une plateforme sur laquelle ont été mis en vente des billets donnant accès aux éditions 2018, 2019 et 2020 du tournoi de Roland Garros, sans qu'aucune autorisation ne leur soit donnée par la FFT. La mise en oeuvre d'un logiciel de géo-blocage, visant exclusivement les internautes français est à cet égard indifférente, ce d'autant plus que les constatations d'huissier démontrent qu'il est relativement aisé pour un internaute français de contourner cette mesure de blocage. 21. Surtout, même si le fait générateur est ici en principe exclusivement commis à l'étranger (la revente et l'achat du billet) le dommage est entièrement subi en France s'agissant de la vente de billets d'accès à une compétition sportive ayant lieu en France, organisée par une personne morale ayant son siège en France, le monopole dont bénéficie la FFT visant, d'une part, la protection des licenciés français de tennis contre le renchérissement du coût des billets résultant de leur revente, ainsi, d'autre part, que la sécurité de l'événement par la maîtrise de l'identité de ses spectateurs. 22. La FFT démontre encore que les défenderesses, loin d'adopter un rôle neutre purement technique, sont à l'origine de l'architecture du site et notamment du classement des billets en rubriques spécifiques (les rubriques "sport" ou "tennis" en particulier), assurent la promotion du tournoi "Roland Garros" en publiant des messages, visant notamment à indiquer l'état des stocks de billets aux internautes, offrent à ces derniers la possibilité de choisir leur place et leur positionnement dans les tribunes, sont les interlocutrices uniques de l'acquéreur lors de la transaction, ne permettent pas à l'acquéreur de connaître l'identité du vendeur, assurent la délivrance du billet et garantissent son remplacement en cas de problème par un billet similaire ou plus avantageux. Ces différents éléments établissent amplement que les sociétés défenderesses ne jouent pas un rôle purement passif, ne leur conférant ni connaissance ni contrôle sur le contenu de leur plateforme marchande. Au contraire, il en résulte que les sociétés Viagogo organisent leur plateforme en toute connaissance des billets qui y sont commercialisés, optimisant la présentation de l'offre en vente et la promotion. Elles ne peuvent par conséquent se prévaloir du statut d'hébergeur tel que défini par l'article 6-I 2o de la LCEN et ne peuvent bénéficier du régime de responsabilité atténuée qui lui est associé. 23. Il en résulte qu'en proposant à la vente, dans le monde entier, des billets pour assister aux éditions 2018, 2019 et 2020 du tournoi de Roland Garros, sans autorisation de la FFT, les sociétés Viagogo ont porté atteinte au monopole d'exploitation de la FFT dans des conditions excédant le rôle de simple hébergeur d'annonces, et engagé leur responsabilité à ce titre. 2o) Sur les atteintes aux marques "Roland Garros" a - Sur les demandes de déchéance partielle des marques de la FFT Moyens des parties 24. Les sociétés Viagogo sollicitent, sur le fondement de l'article L. 714-5 du code de propriété intellectuelle, la déchéance partielle de la marque verbale française " ROLAND GARROS " no3622169 et de la marque verbale de l'Union européenne " ROLAND GARROS FRENCH OPEN " no003498276. Les défenderesses soutiennent en effet que la FFT n'a pas fait, entre le 28 septembre 2016 et le 28 septembre 2021, un usage sérieux et à titre de marque de ces deux marques relativement à certains produits et services. Plus précisément, elles relèvent l'absence d'usage adéquat par la FFT de la marque française no3622169 pour les "services de publicité et promotion publicitaire ayant trait en particulier à des événements sportifs" en classe 35, et les "services de télécommunication par voies télématiques en vue d'obtenir des informations contenues dans des banques de données", ainsi que les services de "communications par terminaux d'ordinateurs" et de "communications (transmission) sur réseau informatique mondial ouvert et fermé" en classe 38. S'agissant de la marque de l'Union européenne no003498276, elles soulignent l'absence d'usage sérieux à titre de marque en matière de "publications électroniques (téléchargeables) fournies en ligne à partir de bases de données informatiques ou d'Internet" en classe 9. 25. En particulier, les sociétés Viagogo estiment que les pièces faisant état de l'usage du signe semi-figuratif sont impropres à démontrer un usage sérieux des marques verbales visées par la demande en déchéance dès lors que ce logo présente des différences particulièrement importantes et distinctives par rapport aux marques en cause. Elles indiquent également que l'usage des signes concernés est effectué non pour désigner les produits ou services en cause mais pour identifier le tournoi Roland Garros dans son ensemble. Elles précisent s'agissant des "services de publicité et promotion publicitaire ayant trait en particulier à des événements sportifs" visés par la marque française no3622169 que les signes utilisés pour désigner ces activités de promotion de la FFT ne désignent pas des activités de promotion "ayant trait en particulier à des évènements sportifs" et ne démontrent donc pas un quelconque usage des marques en cause pour désigner ce service précis. 26. S'agissant des services de "télécommunication par voies télématiques en vue d'obtenir des informations contenues dans des banques de données", de "communications par terminaux d'ordinateurs " et " de communications (transmission) sur réseau informatique mondial ouvert et fermé ", les sociétés Viagogo soulignent qu'aucun des usages rapportés par la FFT ne correspond à la notion de service de communication tel que défini par l'article 32 du code des postes et des communications électroniques. Elles ajoutent en tout état de cause que les intitulés relatifs aux services de "communication par terminaux d'ordinateurs " et de " communication (transmission) sur réseau informatique mondial ouvert et fermé " sont trop larges, et qu'une preuve d'usage relative à ces services n'emporterait protection que pour la sous-catégorie de service précisément concernée. Les défenderesses considèrent par ailleurs que l'usage des signes en cause pour désigner une offre de Wifi est purement symbolique et ne saurait constituer un usage sérieux des marques contestées. S'agissant enfin des " publications électroniques (téléchargeables) fournies en ligne à partir de bases de données informatiques ou d'Internet " visées par la marque européenne no003498276, les sociétés Viagogo expliquent que l'usage des signes en cause pour désigner des brochures informatives ne constitue pas un usage pertinent à titre de marque dans la vie des affaires. Elles précisent en outre que les preuves d'usages présentées par la FFT n'illustrent qu'un usage sur le territoire français des signes en cause et non un usage à l'échelle européenne. 27. La FFT conteste l'absence d'usage sérieux de ses marques "ROLAND GARROS" no3622169 et " ROLAND GARROS FRENCH OPEN " no003498276 s'agissant des produits et services concernés et pendant la période allant du 28 septembre 2016 au 28 septembre 2021. 28. Elle soutient à cet égard que l'usage sérieux de ces signes est établi dès lors que le signe verbal "ROLAND GARROS" et le signe semi-figuratif sont régulièrement associés aux produits et services en cause. En particulier, la FFT affirme utiliser ces signes pour désigner ses " services de publicité et promotion publicitaire ayant trait en particulier à des événements sportifs " en les faisant figurer sur la page de son site internet listant les différents partenaires publicitaires du tournoi, en faisant figurer ces signes au sein des contrats publicitaires conclus pendant la période pertinente, en associant les signes en cause à des publicités présentes sur le site du tournoi ou parues dans des magazines et en faisant apparaître ces deux signes sur les publications publicitaires émises par le compte Instagram du tournoi. Elle ajoute que le fait que les signes verbaux et semi-figuratifs présentés soient différents des marques en cause est inopérant dès lors que l'article L. 714-5 du code de propriété intellectuelle et la jurisprudence admettent l'usage d'une marque sous une forme modifiée à condition que, comme en l'espèce, le signe exploité n'altère pas le caractère distinctif de la marque enregistrée. 29. Elle indique également avoir fait usage, pendant la période litigieuse, des signes évoqués afin de désigner ses services de " télécommunication par voies télématiques en vue d'obtenir des informations contenues dans des banques de données", de "communications par terminaux d'ordinateurs" et de "communications (transmission) sur réseau informatique mondial ouvert et fermé", dès lors qu'elle a fait figurer ces signes dans des offres de services incluant une connexion Wifi et qu'elle désigne par ces signes son offre d'application mobile ainsi que son site internet. Elle considère enfin désigner par les signes en cause son offre de " publications électroniques (téléchargeables) fournies en ligne à partir de bases de données informatiques ou d'Internet", dès lors que des communiqués de presse, des fiches de résultats, des programmes journaliers et des fiches relatives au protocole sanitaire ou au règlement sont disponibles en téléchargement sur le site internet du tournoi et sont systématiquement associés aux deux signes décrits. Appréciation du tribunal 30. Selon l'article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle : "Encourt la déchéance de ses droits le titulaire de la marque qui, sans justes motifs, n'en a pas fait un usage sérieux, pour les produits ou services pour lesquels la marque est enregistrée, pendant une période ininterrompue de cinq ans. Le point de départ de cette période est fixé au plus tôt à la date de l'enregistrement de la marque suivant les modalités précisées par un décret en Conseil d'Etat. Est assimilé à un usage au sens du premier alinéa : 1o L'usage fait avec le consentement du titulaire de la marque; 2o L'usage fait par une personne habilitée à utiliser la marque collective ou la marque de garantie ; 3o L'usage de la marque, par le titulaire ou avec son consentement, sous une forme modifiée n'en altérant pas le caractère distinctif, que la marque soit ou non enregistrée au nom du titulaire sous la forme utilisée ; 4o L'apposition de la marque sur des produits ou leur conditionnement, par le titulaire ou avec son consentement, exclusivement en vue de l'exportation." 31. De même, aux termes de l'article 58 du Règlement 2017/1001 : "1. Le titulaire de la marque de l'Union européenne est déclaré déchu de ses droits, sur demande présentée auprès de l'Office ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon: a) si, pendant une période ininterrompue de cinq ans, la marque n'a pas fait l'objet d'un usage sérieux dans l'Union pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée, et qu'il n'existe pas de justes motifs pour le non-usage; toutefois, nul ne peut faire valoir que le titulaire est déchu de ses droits si, entre l'expiration de cette période et la présentation de la demande ou de la demande reconventionnelle, la marque a fait l'objet d'un commencement ou d'une reprise d'usage sérieux; cependant, le commencement ou la reprise d'usage fait dans un délai de trois mois avant la présentation de la demande ou de la demande reconventionnelle, ce délai commençant à courir au plus tôt à l'expiration de la période ininterrompue de cinq ans de non-usage, n'est pas pris en considération lorsque des préparatifs pour le commencement ou la reprise de l'usage interviennent seulement après que le titulaire a appris que la demande ou la demande reconventionnelle pourrait être présentée;" 32. Il est constant qu'un usage sérieux s'entend d'un usage à titre de marque qui ne se limite pas à un usage sporadique et symbolique de la marque concernée. Il convient en outre de préciser que sa preuve incombe au titulaire de la marque pour chaque territoire où il se prévaut de droits privatifs sur la marque concernée et, qu'est assimilé à un usage sérieux de la marque invoquée, celui fait sous une forme modifiée n'en altérant pas le caractère distinctif. 33. Concernant les "services de publicité et promotion publicitaire ayant trait en particulier à des évènements sportifs", il résulte des pièces communiquées par la demanderesse que la marque verbale "ROLAND GARROS " (de même que le signe semi-figuratif) a fait l'objet, durant la période envisagée (2017 / 2020), d'accords de partenariat permettant à certaines sociétés d'associer leur enseigne, leur marque ou leurs produits aux marques en cause, à travers notamment des publicités publiées dans des magazines ou sur les réseaux sociaux, ainsi qu'à la compétition toute entière. Il en résulte que la FFT, par le biais de ces accords de partenariat, et vis à vis des annonceurs ayant fait le choix de s'associer à l'événement, a bien fait usage de la marque no 3622169, à titre de marque, pour leur proposer des services de publicité, en particulier ceux qu'elle propose dans le cadre de l'événement. Il n'est par ailleurs pas discuté que, pour ce public professionnel, la marque "ROLAND GARROS" désigne le tournoi de tennis organisé par la demanderesse. En conséquence, les partenariats organisés par la FFT constituent bien un usage de ses marques se rapportant à des "services de publicité et promotion publicitaire ayant trait en particulier à des évènements sportifs" pendant la période courant du 28 septembre 2016 au 28 septembre 2021. 34. Concernant les services de "télécommunication par voies télématiques en vue d'obtenir des informations contenues dans des banques de données", de "communication par terminaux d'ordinateurs" et les services de "communications (transmission) sur réseau informatique mondial ouvert et fermé", il convient de rappeler que, conformément à l'article L. 32, 6o, dernier §, du code des postes et des communications électroniques, ne constitue pas un service de communication électronique le service qui consiste à communiquer du contenu via un service de communication électronique. 35. En l'espèce, la FFT exploite une application mobile intitulée " Roland Garros Officiel " ainsi qu'un site internet. Néanmoins, les sociétés Viagogo indiquent avec raison que le simple fait de communiquer des informations via un réseau informatique ne permet pas de caractériser l'existence d'un service de communication électronique, l'utilisation de moyens de communication en ligne ne s'analysant pas en la fourniture d'un moyen de communication en ligne. Il ressort à cet égard des éléments versés aux débats que la FFT n'exploite ce site et cette application qu'afin de communiquer des informations et du contenu relatifs à son activité. Il en résulte que les services invoqués ne constituent pas des services de "communication par terminaux d'ordinateurs" ni des services de "communication (transmission) sur réseau informatique mondial ouvert et fermé" et ne démontrent pas un usage de la marque en cause pour ces services. 36. De même, dans la mesure où la FFT, bien qu'elle exploite ce site internet et cette application, ne fournit pas elle-même des services de communication en ligne, elle ne rapporte pas la preuve de l'usage de la marque "ROLAND GARROS " pour des "services de télécommunication par voies télématiques en vue d'obtenir des informations contenues dans des banques de données ". 37. S'agissant de l'usage de la marque verbale européenne " ROLAND GARROS FRENCH OPEN" no003498276 déposée en classe 9 pour désigner les "publications électroniques (téléchargeables fournies en ligne à partir de bases de données informatiques ou d'Internet", il ne ressort des pièces aucun usage du signe pour les services de "publications électroniques (téléchargeables) fournies en ligne à partir de bases de données informatiques ou d'Internet", dès lors que les usages du signes "Roland Garros" ne sont pas substituables à ceux du signe "Roland Garros French Open" aux fins de justifier de l'usage de ce dernier pour les produits et services qu'il désigne. 38. En conséquence, il sera fait droit aux demandes des sociétés Viagogo en déchéance de la marque française "Roland Garros" no3622169 en ce qu'elle désigne en classe 38 des services de "télécommunication par voies télématiques en vue d'obtenir des informations contenues dans des banques de données", de " communication par terminaux d'ordinateurs " et les services de " communications (transmission) sur réseau informatique mondial ouvert et fermé " et des " services de télécommunication par voies télématiques en vue d'obtenir des informations contenues dans des banques de données ", ainsi que de la marque de l'Union européenne "Roland Garros French Open" no003498276 en ce qu'elle désigne en classe 9 les "publications électroniques (téléchargeables) fournies en ligne à partir de bases de données informatiques ou d'Internet". b - Sur la contrefaçon de marques Moyens des parties 39. La FFT soutient que les sociétés Viagogo ont contrefait sa marque verbale française " ROLAND GARROS " no3622169 par reproduction à l'identique de ce signe pour désigner des services identiques à ceux visés par cette marque, à savoir des services de " télécommunication par voies télématiques en vue d'obtenir des informations contenues dans des banques de données " ; " de communication par terminaux d'ordinateurs ; communications (transmission) sur réseau informatique mondial ouvert et fermé " et de " publicité et promotion publicitaire ayant trait en particulier à des événements sportifs". De la même manière, la demanderesse estime que les sociétés Viagogo ont commis des actes de contrefaçon par reproduction en reprenant le signe verbal " ROLAND GARROS" protégé par la marque française no1625392 afin de désigner précisément à des services de " divertissements ; spectacles ", pourtant couverts par cette marque. Elle ajoute que les défenderesses ont en tout état de cause contrefait les quatre marques en cause par imitation. Elle considère en effet que les sociétés Viagogo ont fait usage du signe verbal " ROLAND GARROS ", identique au signe verbal protégé par les marques no1625392 et no3622169 et très similaires au signe semi-figuratif protégé par la marque française no1630776 en ce qu'il intègre le signe verbal en cause et au signe verbal " ROLAND GARROS FRENCH OPEN " protégé par la marque européenne no3498276 en ce qu'il est constitué du signe " ROLAND GARROS " associé à l'élément " FRENCH OPEN " particulièrement peu distinctif. Elle ajoute que les services proposés par les sociétés Viagogo sont extrêmement similaires aux services désignés par ces marques dès lors qu'il s'agit de services de mise en relation des internautes, de services de promotion offerts aux vendeurs, de services d'offre et de vente de billets relatifs à des événements sportifs ou culturels s'analysant en des activités de divertissement et propose du contenu téléchargeable sur internet. La demanderesse déduit de ce qui précède que l'usage, à titre de marque, du signe " ROLAND GARROS " sur la plateforme génère un risque de confusion dans l'esprit du public qui est amené à croire à une autorisation de la FFT au bénéfice des sociétés Viagogo pour qu'elles commercialisent les billets du tournoi Roland Garros. Elle précise enfin que les sociétés Viagogo ne peuvent se prévaloir d'aucune exception 40. En réponse, les sociétés Viagogo indiquent en préambule n'avoir pu contrefaire les marques françaises invoquées dès lors qu'aucune des offres de billets litigieuses n'a été réalisée en direction du public français. Elles précisent à cet égard qu'il importe peu que les offres aient été visibles par le public français dès lors qu'il est impossible de les accepter avec une adresse IP française. Les défenderesses ajoutent que les actes d'usage reprochés ne constituent pas un usage au titre de marque du signe litigieux. Elles considèrent en effet que leur usage du signe verbal " Roland Garros " ne désigne pas le service fourni mais a simplement pour objet d'identifier le tournoi auquel donnent accès les billets mis en vente. 41. Les défenderesses ajoutent que l'usage fait du signe litigieux ne porte aucune atteinte à la fonction essentielle des marques de la FFT. Elles indiquent à cet égard que la mention du signe litigieux ne trouble pas le consommateur moyen quant à l'origine du service proposé par la plateforme Viagogo et ne saurait lui laisser penser qu'existe un partenariat entre la FFT et les défenderesses. 42. Eu égard à ces deux moyens, la défenderesse demande que soit posée à la Cour de justice de l'Union européenne la question préjudicielle suivante : " Les articles 10, paragraphe 2, a) et b), de la directive 2015/2436 sur les marques et 9, paragraphe 2, a) et b) du règlement 2017/1001 sur la marque de l'Union européenne, doivent-ils être interprétés en ce sens que l'exploitant d'un site internet offrant un service de mise en relation d'utilisateurs pour la revente de billets d'accès à divers évènements culturels ou sportifs, dont les noms usuels sont protégés par des marques appartenant à des tiers, organisateurs desdits évènements, qui utilise sur son site, toujours sous la même forme et sans l'accord des titulaires des marques, des signes identiques ou similaires à ces marques pour présenter aux acheteurs potentiels les billets proposés par la seule indication du nom de l'évènement auquel ces billets donnent accès, d'une date et le cas échéant du nom des équipes participant à un match, accomplit ce faisant des actes d'usage de ces signes à titre de marque et, dans l'affirmative, portant ou susceptibles de porter atteinte à l'une des fonctions de la marque au sens de la jurisprudence de la Cour de justice, et en conséquence susceptibles de constituer une atteinte au droit sur les marques en cause ?". 43. En tout état de cause, les sociétés Viagogo affirment qu'il n'existe aucun risque de confusion entre les marques de la FFT et le signe utilisé sur leur plateforme dès lors que le signe protégé par la marque française no1630776 et le signe " ROLAND GARROS FRENCH OPEN " protégé par la marque européenne no003498276 ne sont que moyennement similaires au signe utilisé sur le site Viagogo et que les produits et services visés par les marques de la FFT sont différents de celui proposé par la plateforme Viagogo. A titre subsidiaire, elles indiquent bénéficier de l'exception de référence nécessaire dès lors qu'elles ne pouvaient désigner le tournoi de Roland Garros autrement qu'avec le signe " ROLAND GARROS " mais également de la règle de l'épuisement des droits, les billets litigieux constituant selon elle des produits ayant été commercialisés une première fois par la FFT. A ce titre, elle demande que la question suivante soit posée à la CJUE : " En cas de réponse positive à la question précédente, les articles 14, paragraphe 1er, c) et paragraphe 2, de la directive 2015/2436 et 14 paragraphe 1er c) et paragraphe 2, du règlement 2017/1001 doivent-ils être interprétés en ce sens qu'ils s'appliquent aux actes en cause ? ". Appréciation du tribunal 44. Selon l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne "La Cour de justice de l'Union européenne est compétente pour statuer, à titre préjudiciel : a) sur l'interprétation des traités, b) sur la validité et l'interprétation des actes pris par les institutions, organes ou organismes de l'Union. Lorsqu'une telle question est soulevée devant une juridiction d'un des États membres, cette juridiction peut, si elle estime qu'une décision sur ce point est nécessaire pour rendre son jugement, demander à la Cour de statuer sur cette question. Lorsqu'une telle question est soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne, cette juridiction est tenue de saisir la Cour. Si une telle question est soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction nationale concernant une personne détenue, la Cour statue dans les plus brefs délais." 45. Par un arrêt du 6 octobre 1982 (Srl CILFIT et Lanificio di Gavardo SpA contre Ministère de la santé, Aff. 283/81), la Cour de justice des Communautés Européenne a dit pour droit que : "L'article 177, alinéa 3, du traité CEE doit être interprété en ce sens qu'une juridiction dont les décisions ne sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne est tenue, lorsqu'une question de droit communautaire se pose devant elle, de déférer à son obligation de saisine, à moins qu'elle n'ait constaté que la question soulevée n'est pas pertinente ou que la disposition communautaire en cause a déjà fait l'objet d'une interprétation de la part de la Cour ou que l'application correcte du droit communautaire s'impose avec une telle évidence qu'elle ne laisse place à aucun doute raisonnable; l'existence d'une telle éventualité doit être évaluée en fonction des caractéristiques propres au droit communautaire, des difficultés particulières que présente son interprétation et du risque de divergences de jurisprudence à l'intérieur de la Communauté." 46. Il résulte en outre de l'article 1er, paragraphe 5, des Recommandations de la Cour à l'attention des juridictions nationales, relatives à l'introduction de procédures préjudicielles (2018/C 257/01) que : "5. Les juridictions des États membres peuvent saisir la Cour d'une question portant sur l'interprétation ou la validité du droit de l'Union lorsqu'elles estiment qu'une décision de la Cour sur ce point est nécessaire pour rendre leur jugement (voir l'article 267, deuxième alinéa, TFUE). Un renvoi préjudiciel peut notamment s'avérer particulièrement utile lorsqu'est soulevée, devant la juridiction nationale, une question d'interprétation nouvelle présentant un intérêt général pour l'application uniforme du droit de l'Union ou lorsque la jurisprudence existante ne paraît pas fournir l'éclairage nécessaire dans un cadre juridique ou factuel inédit." 47. Interprétant les dispositions de la directive 89/104, dont les textes de droit interne réalisent la transposition, et le règlement no 40/94, rédigé sur ce point en termes identiques au règlement 2017/1001 ici applicable, la Cour de justice de l'Union européenne a, par un arrêt du 12 juillet 2011 (C-324/09), rappelé que : "Il y a, cependant, lieu de préciser que la simple accessibilité d'un site Internet sur le territoire couvert par la marque ne suffit pas pour conclure que les offres à la vente y affichées sont destinées à des consommateurs situés sur ce territoire (voir, par analogie, arrêt du 7 décembre 2010, Pammer et Hotel Alpenhof, C-585/08 et C-144/09, non encore publié au Recueil, point 69). En effet, si l'accessibilité, sur ledit territoire, d'une place de marché en ligne suffisait pour que les annonces y affichées relèvent du champ d'application de la directive 89/104 et du règlement no 40/94, des sites et des annonces qui, tout en étant à l'évidence destinés exclusivement à des consommateurs situés dans des États tiers, sont néanmoins techniquement accessibles sur le territoire de l'Union seraient indûment soumis au droit de l'Union. Il incombe, par conséquent, aux juridictions nationales d'apprécier au cas par cas s'il existe des indices pertinents pour conclure qu'une offre à la vente, affichée sur une place de marché en ligne accessible sur le territoire couvert par la marque, est destinée à des consommateurs situés sur celui-ci. Lorsque l'offre à la vente est accompagnée de précisions quant aux zones géographiques vers lesquelles le vendeur est prêt à envoyer le produit, ce type de précision a une importance particulière dans le cadre de ladite appréciation." 48. Au cas particulier, il importe, afin d'apprécier une éventuelle atteinte aux marques, de déterminer si les offres à la vente litigieuses étaient effectivement destinées au public français (ou européen). Il ressort ici du constat d'huissier en date du 20 septembre 2017 que des offres de vente des billets d'accès au tournoi de Roland Garros ont effectivement été visibles par les internautes résidant en France et se connectant à la plateforme via une adresse IP française. Ces différents billets étaient visibles sur la version française de la plateforme Viagogo, s'accompagnant parfois de messages en langue française à caractère informatif ou promotionnel comme " Billets Roland Garros " ou " bientôt en rupture de stock - plus que quelques billets restant ". Des mesures de géo-blocage empêchaient certes les internautes français de procéder à l'achat des billets litigieux. En dépit toutefois des mesures de géo-blocage prises par les sociétés Viagogo, le site litigieux doit être considéré comme ciblant notamment les internautes francophones. Il s'ensuit que la demanderesse est fondée à se prévaloir d'une éventuelle atteinte à ses marques françaises. 49. Aux termes des articles L. 713-2 et L. 713-3 anciens du code de la propriété intellectuelle, réunis en 2019 sous l'article L. 713-2 du même code : "Est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l'usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services : 1o D'un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ; 2o D'un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s'il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d'association du signe avec la marque." 50. L'article 9 du règlement (UE) 2017/1001 du parlement européen et du conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne dispose de la même manière que : "1) L'enregistrement d'une marque de l'Union européenne confère à son titulaire un droit exclusif. 2) Sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité d'une marque de l'Union européenne, le titulaire de cette marque de l'Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe pour des produits ou services lorsque: a) ce signe est identique à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée; b) ce signe est identique ou similaire à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou services identiques ou similaires aux produits ou services pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public; le risque de confusion comprend le risque d'association entre le signe et la marque; " 51. Dit autrement, une marque française ou européenne est contrefaite par la reprise servile du signe protégé afin de désigner des produits ou services identiques à ceux visés par la marque, ainsi que par l'usage d'un signe similaire pour désigner des produits similaires, dès lors que cet usage crée un risque de confusion dans l'esprit du public. 52. L'existence d'un risque de confusion, lequel comprend un risque d'association dans l'esprit du public concerné, s'apprécie de manière globale, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce, au regard de l'impression d'ensemble produite par les signes en cause, mais également de l'identité et/ou similarité des produits et services couverts, un faible degré de similitude entre les marques opposées pouvant être compensé par un degré élevé de similitude entre les produits ou services couverts. 53. L'appréciation de la similitude visuelle, auditive et conceptuelle des signes doit être fondée sur l'impression d'ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs dominants. 54. Il résulte en l'occurrence des constats d'huissiers précités que les différentes extensions de la plateforme Viagogo ont reproduit le signe sous sa forme verbale "ROLAND GARROS" afin de désigner des billets d'accès à l'édition 2018 du tournoi et plus globalement le service de bourse de billets qu'elles proposent. 55. Le signe utilisé sur la plateforme Viagogo est donc identique à la marque verbale française "ROLAND GARROS" no1625392 (qui désigne les manifestations sportives) et force est de constater qu'il est utilisé par les sociétés défenderesses pour désigner des billets d'accès à la manifestation sportive organisée par la demanderesse. La contrefaçon est donc établie. 56. Le signe utilisé par les sociétés Viagogo imite en outre la marque semi-figurative française no1630776 dont l'élément verbal "ROLAND GARROS " est celui qui sera retenu comme principal par le public pertinent. De la même façon le signe verbal présent sur la plateforme est très similaire à la marque verbale européenne "ROLAND GARROS FRENCH OPEN" (qui désigne elle aussi en classe 41 les activités sportives et le divertissement) 57. Les sociétés Viagogo font usage de ces signes dans le cadre de leur activité de revente de billets, afin d'identifier les billets litigieux permettant d'accéder à la compétition sportive du même nom. 58. En l'occurrence, le public pertinent est constitué des amateurs de tennis intéressés par la compétition ; il est d'attention moyenne. S'il apparait ici que le public pertinent ne confondra pas la billetterie en ligne officielle de la FFT et le service de vente de billets proposé par la plateforme Viagogo, il n'en demeure pas moins que la désignation du tournoi Roland Garros par le signe verbal "ROLAND GARROS" est de nature à lui faire croire qu'il existe a minima un partenariat entre la FFT et les sociétés Viagogo permettant à cette dernière d'utiliser ce signe. Il en résulte que l'usage de ce signe par les défenderesses engendre un risque de confusion dans l'esprit du public pertinent et que la contrefaçon de marques, chacune pour le territoire qui la concerne, est établie. 59. Il ressort en outre de l'article L. 713-6, b) dans sa version antérieure au 15 décembre 2019 que le titulaire de marque ne peut prohiber l'usage de sa marque en tant que "référence nécessaire pour indiquer la destination d'un produit ou d'un service, notamment en tant qu'accessoire ou pièce détachée, à condition qu'il n'y ait pas de confusion dans leur origine ". Il résulte également de l'article 14, 1o, c) du Règlement (UE) 2017/1001 que le titulaire d'une marque européenne ne peut interdire l'usage " de la marque de l'Union européenne pour désigner ou mentionner des produits ou des services comme étant ceux du titulaire de cette marque, en particulier lorsque l'usage de cette marque est nécessaire pour indiquer la destination d'un produit ou d'un service, notamment en tant qu'accessoire ou pièce détachée ".Le deuxième paragraphe de cet article précise en outre : " Le paragraphe 1 ne s'applique que lorsque l'usage par le tiers est fait conformément aux usages honnêtes en matière industrielle ou commerciale". 60. Conformément à la jurisprudence constante de la Cour de justice de l'Union européenne, la notion d' "usages honnêtes en matière industrielle ou commerciale" s'entend en substance du respect par le tiers faisant référence à une marque protégée d'une certaine loyauté à l'égard des intérêts légitimes du titulaire de la marque (voir notamment : CJCE, 23 février 1999, C-63/97). 61. L'usage fait des marques ici par les sociétés Viagogo, aux fins de la fourniture d'un service de revente habituelle de billets, activité dont elle connaît le caractère illicite s'agissant des compétitions sportives organisées en France aux fins d'en garantir la sécurité et de prévenir l'augmentation des prix des billets, ne peut être regardé comme honnête au sens du règlement. 62. En conséquence, et sans qu'il soit nécessaire de poser à la Cour de justice de l'Union européenne une question préjudicielle, la présente affaire ne soulevant aucune question nouvelle d'interprétation du droit de l'Union, il y a lieu de rejeter le moyen des sociétés Viagogo tiré de l'usage des marques à titre de référence nécessaire. 63. S'agissant de l'épuisement des droits, il ressort en substance de l'article 15 du Règlement (UE) no2017/1001 et de l'article L. 713-4 du code de la propriété intellectuelle antérieur à la réforme que le droit conféré à un titulaire de marque ne lui permet pas de s'opposer l'usage de cette marque pour des produits mis dans le commerce au sein du marché européen et avec son consentement. 64. En l'espèce, contrairement à ce que soutiennent les sociétés Viagogo, le billet d'accès à un évènement sportif ne constitue qu'un support du contrat conclu entre l'acquéreur du billet et l'organisateur. Pris dans cette fonction, un billet ne constitue pas un produit et la notion d'extinction des droits ne peut donc lui être appliquée. Il y a donc lieu de rejeter ce moyen. c - Sur l'atteinte à la renommée des marques de la FFT Moyens des parties 65. La FFT soutient que ses marques " ROLAND GARROS " et en particulier la marque verbale française " ROLAND GARROS" no1625392 et la marque semi-figurative française no1630776 jouissent d'une importante renommée, notamment en ce qu'elles désignent des services de " divertissement " et de " spectacle " en classe 41. Afin de démonter la renommée de ses marques, la demanderesse fait notamment état d'un sondage d'opinion réalisé par l'IFOP en 2019, des nombreux partenariats ayant été conclus avec des entreprises tierces et de l'important succès télévisuel que représente l'événement. Elle déduit de cette notoriété que ses marques jouissent d'un pouvoir d'attraction propre, indépendant des services et produits qu'elles désignent et que leur reprise par les sociétés Viagogo lui causent un préjudice considérable dès lors qu'elle affaiblit leur distinctivité. 66. Les sociétés Viagogo indiquent en préambule que les demandes formulées par la FFT sur le fondement de la marque de renommée sont rigoureusement identiques à celles fondées sur l'atteinte à ses marques déposées. Elles ajoutent que la renommée des marques no1625392 et no1630776 n'est pas établie et estime au contraire que la FFT ne démontre pas la renommée de ces marques vis-à-vis des services désignés mais se contente de prouver la renommée du tournoi Roland Garros lui-même. A titre subsidiaire, elles affirment qu'aucune atteinte aux marques de renommée n'est constituée en l'espèce dès lors d'une part que les actes litigieux ne sont pas localisés en France et d'autre part que l'usage du signe " ROLAND GARROS " sur la plateforme Viagogo n'est pas un usage à titre de marque. Elles soutiennent enfin qu'en tout état de cause, la FFT ne démontre pas que l'usage en cause a porté atteinte à ses marques renommées. Appréciation du tribunal 67. L'article L. 713-5 du code de la propriété intellectuelle dispose dans sa version antérieure à 2019 que : "La reproduction ou l'imitation d'une marque jouissant d'une renommée pour des produits ou services non similaires à ceux désignés dans l'enregistrement engage la responsabilité civile de son auteur si elle est de nature à porter préjudice au propriétaire de la marque ou si cette reproduction ou imitation constitue une exploitation injustifiée de cette dernière. Les dispositions de l'alinéa précédent sont applicables à la reproduction ou l'imitation d'une marque notoirement connue au sens de l'article 6 bis de la convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle précitée. " 68. Une marque est considérée comme renommée lorsqu'elle est connue d'une partie significative du public pertinent et qu'elle exerce un pouvoir d'attraction propre, indépendant du produit ou du service qu'elle identifie, étant précisé que le public pertinent est celui concerné par la marque (CJUE, 14 septembre 1999, C-375/97, General Motors, points 24 et 26). Pour apprécier la renommée, sont notamment - mais pas exclusivement - pris en compte l'ancienneté de la marque, son succès commercial, l'importance du budget publicitaire consacré, l'étendue géographique et la durée de son usage, son référencement dans la presse ou encore l'existence de sondages (CJUE, 14 septembre 1999, C-375/97, General Motors, point 27 ; TUE, 10 mai 2007, T-47/06, Antartica c/OHMI et the Nasdaq Stock Market, points 46 et 52). 69. Afin de caractériser l'atteinte à la renommée d'une marque, il importe que le public concerné établisse un lien entre le signe et la marque, sans qu'il soit nécessaire d'établir l'existence d'un risque de confusion, étant précisé que l'intensité de la renommée de la marque peut être prise en compte pour apprécier l'existence d'un tel lien (CJUE, 23 octobre 2003, C-408-01, Adidas-Salomon AG et Adidas Benelux BV c/ Fitnessworld Trading ; CJUE, 27 novembre 2008, C-252-07, Intel Corporation c/ CPM United Kingdom, point 53). Enfin, ce lien établi entre le signe litigieux et la marque revendiquée doit porter préjudice au caractère distinctif de cette marque, ce qui suppose que le comportement économique du consommateur moyen ait été modifié par l'usage du signe. 70. Au soutien de la renommée de ses marques " ROLAND GARROS", la demanderesse verse aux débats un rapport de l'IFOP en date de 2019 démontrant que près de 94% de la population français connait le tournoi de Roland Garros. Elle démontre également que, chaque année, plusieurs partenaires commerciaux lui versent plusieurs millions d'euros pour voir leurs marques associées au signe " ROLAND GARROS " (en 2019, la BNP/Paribas a ainsi versé 10 845 784 euros à la FFT à cette fin). En outre, le tournoi de Roland Garros est largement suivi à la télévision par les amateurs de tennis français : près de 3,119 millions de personnes ont par exemple regardé la finale masculine de l'édition 2017. Enfin, le tournoi attire de nombreux spectateurs chaque année et, en particulier, 480 575 spectateurs en 2018. 71. Il en résulte que le signe "ROLAND GARROS" est connu d'une part significative du public concerné pour désigner un événement sportif. 72. L'usage qui est fait de ce signe par les sociétés défenderesses apparait comme étant de nature à créer un risque de lien entre elles et la Fédération organisatrice de l'événement dans l'esprit du public pertinent. En outre, cet usage massif et non-autorisé est de nature à affaiblir le caractère distinctif de ces marques, en conduisant le consommateur moyen à croire que le signe en cause n'est que la désignation générique du tournoi éponyme et non une marque dont l'usage est réservé à son titulaire. 73. Les sociétés Viagogo ont donc porté atteinte à la renommée des marques de la FFT. 3o) Sur les mesures de réparation Moyens des parties 74. La FFT soutient avoir subi un important préjudice du fait des agissements des sociétés Viagogo. En particulier, elle affirme que l'usage de ses marques sur la plateforme en cause et pour une durée d'au moins 8 mois lui ont causé un important préjudice d'image, en associant ses marques à une plateforme peu fiable et propice à la spéculation, préjudice qu'elle entend voir réparé par le versement de 500 000 euros à titre provisionnel. De la même manière, elle estime que compte tenu de la durée de l'usage illicite et des sommes traditionnellement versés par les partenaires de la FFT afin d'utiliser ses marques, il y a lieu de condamner les défenderesses au versement de 500 000 euros en réparation du préjudice patrimonial de la FFT. Elle estime par ailleurs que l'atteinte à ses marques de renommée justifie le versement de 300 000 euros. 75. S'agissant de l'atteinte à son monopole d'exploitation sur le tournoi de Roland Garros, la FFT expose que les agissements des sociétés Viagogo l'ont empêché de réaliser ses objectifs d'intérêt public et lui ont en outre causé un préjudice économique important. Elle sollicite à ce titre le versement de 500 000 euros par les défenderesses. 76. S'agissant des actes de contrefaçon de marques, les sociétés Viagogo rappellent que les actes litigieux n'ont été que de courte durée et ont cessé dès le 19 avril 2018. Elles ajoutent que, s'agissant du préjudice moral, la FFT ne démontre pas l'existence d'un préjudice extrapatrimonial. Elles expliquent également que la FFT ne peut prétendre avoir subi un quelconque préjudice économique du fait de l'usage de ses marques dès lors que la revente d'un billet légitimement acquis ne lui cause aucune perte. Elles exposent en outre que la FFT ne justifie pas la somme forfaitaire sollicitée, ne démontrant pas en quoi celle-ci correspondrait à la redevance qu'auraient eu à payer les sociétés Viagogo pour être autorisées à utiliser les marques en cause. S'agissant de l'atteinte aux marques renommées de la FFT, les défenderesses affirment que le préjudice invoqué repose sur des faits identiques à ceux visés au titre de la contrefaçon de marques simples. 77. Les défenderesses soutiennent par ailleurs que la FFT ne démontre aucunement l'existence de son préjudice lié à la violation de son monopole d'exploitation. Plus précisément, elles expliquent que la demanderesse n'a pu subir aucun manque à gagner ni aucune perte dès lors qu'elle avait déjà perçu le prix du billet lors de la première vente et qu'aucune vente n'a été faite en France. Appréciation du tribunal 78. En proposant un service de revente, dans le monde entier, des billets pour assister aux éditions 2018, 2019 et 2020 du tournoi de "Roland Garros", sans autorisation de la FFT, les sociétés Viagogo ont porté atteinte au monopole d'exploitation de la FFT et engagé leur responsabilité à ce titre. 79. En revanche, ainsi que le relèvent à juste titre les sociétés Viagogo, la FFT, auprès de qui les billets ont nécessairement été régulièrement acquis en raison du monopole, n'a pas subi un préjudice équivalent aux gains générés par l'activité de revente de ces billets. Il en résulte que la demande aux fins de communication de pièces aux fins de réparation d'un préjudice économique basé sur les gains générés par l'activité des sociétés Viagogo ne peut qu'être rejetée. 80. La FFT est cependant en droit, en vue d'un litige futur et sur le fondement du droit commun tel qu'il résulte des articles 132 et suivants du code de procédure civile, et en particulier de l'article 145 de ce même code, de connaître "la liste des fournisseurs des billets d'accès au tournoi (entendu comme les utilisateurs utilisant la plateforme pour revendre des billets) auprès desquels les sociétés ont obtenu illicitement ces billets revendus illégalement, le prix de revente des billet ainsi que les numéros de série". Il sera donc fait droit à cette demande de communication de pièces sous astreinte, le tribunal se réservant la liquidation de l'astreinte conformément aux dispositions de l'article L. 131-3 du code des procédures civles d'exécution. 81. La FFT a en outre subi un préjudice d'image résultant de l'augmentation artificielle des prix des titres d'accès aux Internationaux de "Roland Garros" à laquelle aboutit l'activité des sociétés défenderesses, dont le consommateur est amené à croire, à tort, qu'elle lui bénéficie. Les pièces versées aux débats établissent en effet que les prix des billets sur la plateforme "Viagogo" sont sensiblement plus élevés que ceux proposés par la FFT (à titre d'exemple le prix des billets du match du court [X] [C] du 27 mai 2018 est vendu 230 euros sur le site des défenderesses contre 110 euros selon la grille tarifaire de la demanderesse : pièces FFT no10 et 11). L'activité des sociétés défenderesses est en outre à l'origine d'un risque en terme de sécurité de l'événement également source d'un préjudice moral. Ces préjudices seront réparés par le versement de la somme de 200.000 euros non pas à titre provisionnel comme demandé par la FFT mais définitif, cette somme tenant compte de la durée de la violation des dispositions légales françaises (3 ans) et de la non exécution de l'ordonnance de référé du 25 octobre 2019 par les sociétés défenderesses. 82. En ce qui concerne la contrefaçon de marques (contrefaçon et atteinte à la renommée des marques), le préjudice est en revanche nécessairement minime. Ainsi qu'il a été vu, la FFT n'a subi ici aucune perte et la contrefaçon de marques n'est caractérisée qu'en raison de l'illicéité, en France de l'activité de revente de titres d'accès à des manifestations sportives sans l'accord de leur organisateur. L'atteinte aux marques (contrefaçon et renommée dont la réparation ne saurait en tout état de cause se cumuler) a en outre cessé à compter d'avril 2018, le tournoi de "Roland Garros" étant à compter de cette date désigné sur le site internet des sociétés défenderesses sous le signe "French Tennis Grand Slam Tournament" lequel n'est pas protégé par le droit des marques. Il est également rappelé, s'agissant des marques françaises, qu'en raison de mesures de géoblocage les internautes français n'ont pu acquérir de billet sur la bourse organisée par les sociétés défenderesses. Il en résulte que le préjudice, aussi bien moral que matériel subi par la FFT au titre des atteintes aux marques, sera, sauf à excéder le principe de réparation intégrale, réparé par le versement de la somme, également définitive et non pas provisoire, de la somme de 15.000 euros. 83. Selon l'article 794 du code de procédure civile dans sa version issue du Décret no2019-1333 du 11 décembre 2019 "Les ordonnances du juge de la mise en état n'ont pas, au principal, l'autorité de la chose jugée à l'exception de celles statuant sur les exceptions de procédure, sur les fins de non-recevoir, sur les incidents mettant fin à l'instance et sur la question de fond tranchée en application des dispositions du 6o de l'article 789." Les ordonnances ayant enjoint aux sociétés Viagogo de communiquer certaines pièces étaient, au moins partiellement justifiées. Leur annulation ne saurait donc être ordonnée, ce d'autant moins qu'elles étaient susceptibles d'appel conformément aux dispositions de l'article 795, 4o du code de procédure civile. 84. En outre, selon l''article L. 131-4 du code des procédures civiles d'exécution "Le montant de l'astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter.Le taux de l'astreinte définitive ne peut jamais être modifié lors de sa liquidation.L'astreinte provisoire ou définitive est supprimée en tout ou partie s'il est établi que l'inexécution ou le retard dans l'exécution de l'injonction du juge provient, en tout ou partie, d'une cause étrangère." Les sociétés Viagogo ne peuvent s'opposer à la communication des informations personnelles de leurs utilisateur alors que le Règlement Général pour la Protection des Données prévoit spécifiquement qu'une telle communication est autorisée lorsqu'elle résulte d'une obligation légale, ce que constitue nécessairement une ordonnance d'un magistrat judiciaire. En définitive, il ressort des moyens invoqués que les sociétés Viagogo se contentent de contester le bien-fondé de l'ordonnance en cause et ne font pas état de difficultés, au sens de l'article L. 131-4 précité, les ayant empêchées d'exécuter les mesures de communication de pièces. En conséquence, il y a lieu de prononcer la liquidation de l'astreinte de 1 000 euros ordonnée le 20 novembre 2020 pour une durée de trois mois à compter de la signification de l'ordonnance en cause. En l'occurrence, l'ordonnance a été signifiée à la société Viagogo AG le 14 janvier 2021 et à la société Viagogo Entertainment le 26 mars 2021. Les trois mois se sont donc écoulés sans que les mesures ordonnées soient exécutées. Il y a en conséquence lieu de liquider l'astreinte prononcée et de condamner les sociétés Viagogo à payer à la FFT la somme de 90.000 euros à ce titre. 85. La demande de publication sera en revanche rejetée, les autres dispositions du jugement réparant suffisamment le préjudice subi. 4o) Sur les autres demandes (parasitisme et fautes distinctes de concurrence déloyale) 86. Aux termes des articles 1240 et 1241 du code civil, "Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer." et "Chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence." 87. Au visa de ces deux textes, il est constamment jugé que la liberté du commerce autorise tout acteur économique à attirer vers lui la clientèle de son concurrent. Aussi, l'imitation d'un concurrent n'est, en tant que telle, pas fautive, à moins que ne soient utilisés des procédés illicites ou contraires aux usages loyaux du commerce. Est à cet égard fautif le fait, pour un professionnel, de s'immiscer dans le sillage d'un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire particulier (Cass. Com. 26 janvier 1999, pourvoi no96-22.457 ; Cass. Com. 10 septembre 2013, pourvoi no12-20.933), ce qui constitue un acte de parasitisme. 88. En outre, toute offre publicitaire portant sur des produits de marque dont le distributeur ne dispose pas en quantité suffisante pour satisfaire la demande de la clientèle est illicite (Cass. Com., 30 janvier 2001, pourvoi no 98-21.359, Bull. 2001, IV, no 28) ce qui correspond à la pratique dite des marques d'appel. 89. Il est par ailleurs admis que le non-respect par un opérateur économique des règles du droit de la consommation créé une distorsion dans le jeu de la concurrence constitutive, en soi, d'un acte de concurrence déloyale par désorganisation du marché de nature à ouvrir un droit à réparation sur le fondement de la responsabilité délictuelle, ce dont il résulte qu'une partie est fondée à se prévaloir de pratiques commerciales réalisées en méconnaissance de la réglementation prescrite par le code de la consommation, dès lors qu'elles lui ont causé un préjudice. 90. En l'occurrence, même en supposant que les défenderesses ont commis des actes distincts de parasitisme et de concurrence déloyale, sous la forme de pratiques commerciales trompeuses, d'une complicité de violation des conditions générales de vente de la FFT, ou encore de pratiques illicites de marques d'appel, il n'est en l'occurrence justifié d'aucun préjudice distinct de celui résultant de l'atteinte au monopole d'exploitation de la compétition sportive objet du présent litige, déjà indémnisé, de sorte que les demandes de ces chefs seront toutes rejetées. 91. Parties perdantes au sens de l'article 696 du code de procédure civile, les sociétés Viagogo seront condamnées in solidum aux dépens, ainsi qu'à payer à la FFT, sous la même solidarité imparfaite, la somme de 70.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile (cette somme incluant le remboursement des nombreux frais de constats par huissier de justice). 92. Aucune circonstance ne justifie ici d'écarter l'exécution provisoire de plein droit dont bénéficie la présente décision en application de l'article 514 du code de procédure civile, sauf en ce qui concerne l'inscription de la déchéance au Registre des marques compte tenu des effets irrémédiables d'une telle inscription. PAR CES MOTIFS Le tribunal, PRONONCE la déchéance partielle de la marque française "Roland Garros" no3622169 en ce qu'elle désigne en classe 38 des services de "télécommunication par voies télématiques en vue d'obtenir des informations contenues dans des banques de données", de "communication par terminaux d'ordinateurs", les services de "communications (transmission) sur réseau informatique mondial ouvert et fermé" ainsi que les "services de télécommunication par voies télématiques en vue d'obtenir des informations contenues dans des banques de données " ; PRONONCE la déchéance partielle de la marque de l'Union européenne "Roland Garros French Open" no003498276 en ce qu'elle désigne en classe 9 les "publications électroniques téléchargeables fournies en ligne à partir de bases de données informatiques ou d'Internet" ; DIT que la présente décision une fois passée en force de chose jugée sera transmise à l'INPI à l'initiative de la partie la plus diligente aux fins d'inscription au Registre national des marques ; CONDAMNE in solidum les sociétés Viagogo Entertainment Inc et Viagogo Ag à payer à la Fédération française de tennis la somme de 200.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par l'atteinte portée à son monopole d'exploitation sur la vente de billets d'accès aux manifestations sportives qu'elle organise, en l'occurrence les éditions 2018, 2019 et 2020 du tournoi de "Roland Garros", son monopole s'étendant à la revente à titre habituel de ces billets d'accès à des internautes ne résidant pas en France; LIQUIDE l'astreinte prononcée par l'ordonnance du 22 décembre 2020 à la somme de 90.000 euros et condamne in solidum les sociétés Viagogo Entertainment Inc et Viagogo Ag au paiement de cette somme à la Fédération française de tennis ; ORDONNE aux sociétés Viagogo AG et Viagogo Entertainment de communiquer à la Fédération française de tennis, la liste des fournisseurs auprès desquels elles ont obtenu les billets d'accès aux éditions 2018, 2019 et 2020 du tournoi de "Roland Garros" offerts à la vente sur leur site, ainsi que les numéros de série de ces billets, et ce, sous astreinte provisoire de 1.000 euros par jour de retard à exécuter la présente décision, courant à l'expiration d'une délai de 30 jours suivant la signification du présent jugement, et pendant 180 jours ; SE RESERVE la liquidation de cette astreinte ; CONDAMNE in solidum les sociétés Viagogo Entertainment Inc et Viagogo Ag à payer à la Fédération française de tennis la somme de 15.000 euros à titre de dommages-intérêts réparant le préjudice moral et matériel causé par les atteintes à ses marques (contrefaçon et atteinte à la renommée) constatées jusqu'en avril 2018 ; FAIT DÉFENSE aux sociétés Viagogo Entertainment Inc et Viagogo Ag de reproduire et de faire usage, des marques françaises no3622169, no1625392 , no1630776 sur le territoire français et de la marque de l'Union européenne no3498276 sur l'ensemble du territoire de l'Union européenne, pour désigner l'activité de revente habituelle et non autorisée de billets d'accès au tournoi de "Roland Garros", et ce, sous astreinte de 1.000 euros par infraction constatée, courant à l'expiration d'un délai de 15 jours suivant la signification de la présente décision et pendant 180 jours ; REJETTE toutes les autres demandes de la Fédération française de tennis (publication de la décision, concurrence déloyale et parasitaire) et des sociétés Viagogo (transmission d'une question préjudicielle, annulation de l'ordonnance du juge de la mise en état du 13 septembre 2019) ; CONDAMNE in solidum les société Viagogo AG et Viagogo Entertainment Inc aux dépens et autorise la SAS De Gaulle Fleurance et Associés à recouvrer directement ceux dont elle aurait fait l'avance sans avoir reçu provision conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ; CONDAMNE in solidum les société Viagogo AG et Viagogo Entertainment Inc à payer à la Fédération française de tennis la somme de 70.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile (cette somme incluant le remboursement des frais de constats par huissier de justice); RAPPELLE que la présente décision est de plein droit assortie de l'exécution provisoire sauf en ce qui concerne l'inscription au registre des marques de la déchéance partielle prononcée. Fait et jugé à Paris le 13 décembre 2022. La Greffière La Présidente | x |
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JURITEXT000047454926 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/45/49/JURITEXT000047454926.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 15 décembre 2022, 22/56212 | 2022-12-15 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 22/56212 | CT0760 | TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS No RG 22/56212 - No Portalis 352J-W-B7G-CW5EJ No : 2/MM Assignation du :03 Juin 2022 ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ rendue le 15 décembre 2022 par Jean-Christophe GAYET, Premier Vice-Président adjoint au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal, Assisté de Minas MAKRIS, Faisant fonction de Greffier. DEMANDERESSE Société BLAST PRODUCTION[Adresse 2][Localité 4] représentée par Me Pauline PENNERET, avocat au barreau de PARIS - #E 2014 DEFENDERESSE Société BLAST - LE SOUFFLE DE L'INFO[Adresse 1][Localité 3] représentée par Maître Romain WAÏSS-MOREAU de la SELARL LWM, avocats au barreau de PARIS - #C0208 DÉBATS A l'audience du 15 Novembre 2022, tenue publiquement, présidée par Jean-Christophe GAYET, Premier Vice-Président adjoint, assisté de Minas MAKRIS, Faisant fonction de Greffier, Nous, Président, Après avoir entendu les conseils des parties, Vu l'assignation en référé introductive d'instance, délivrée le 03 juin 2022, et les motifs y énoncés, EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE La société à responsabilité limitée (ci-après SARL) BLAST PRODUCTION, immatriculée au registre du commerce et des société (RCS) de Paris le 9 décembre 2011, se présente comme ayant pour activité la production, la post-production et la distribution de films, programmes pour la télévision, photographies, le négoce de tous produits audiovisuels et multimédia, l'acquisition, l'exploitation, l'exécution, la diffusion par tout procédé des oeuvres littéraires, dramatiques, musicales, théâtrales, l'exploitation, l'édition musicale pour toutes les réalisations.La société par actions simplifiée (ci-après SAS) BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO, immatriculée au RCS de Paris, se présente comme un organe de presse en ligne diffusant des contenus journalistiques ou ayant vocation à informer le public.La SARL BLAST PRODUCTION a déposé le 21 août 2015 à l'institut national de la propriété industrielle (INPI) une marque française semi-figurative no4204595 dans les classes 35, 38 et 41 se présentant comme suit : La SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO a déposé le 24 novembre 2020 à l'INPI une marque française semi-figurative no4705209 dans les classes 16, 25, 35, 38 et 41 se présentant comme suit : La SARL BLAST PRODUCTION a formé opposition le 17 février 2021 à l'enregistrement de cette dernière marque que le directeur de l'INPI a reconnu partiellement justifiée par décision du 17 janvier 2022. Cette décision a été contestée par la SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO le 7 février 2022 dont l'instance est pendante devant la cour d'appel de Paris.Par acte d'huissier du 3 juin 2022, la SARL BLAST PRODUCTION a fait assigner la SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO à l'audience du 20 septembre 2022 du juge des référés de ce tribunal principalement en retrait et interdiction d'usage de sa marque.À l'audience du 15 novembre 2022 à laquelle l'affaire a été renvoyée à la demande des parties, la SARL BLAST PRODUCTION a maintenu oralement ses demandes, se référant expressément à ses conclusions écrites notifiées le 28 octobre 2022.La SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO s'est opposée aux demandes, se référant expressément à ses conclusions écrites.Au terme des débats la décision a été mise en délibéré au 15 décembre 2022. PRÉTENTIONS DES PARTIES La SARL BLAST PRODUCTION a demandé, au visa des articles 8 de la Convention d'Union de Paris pour la protection de la propriété industrielle du 20 mars 1883, L.713-1, L.713-2, L.716-4, L.716-4-6 et L.716-4-7, L.716-4-10 du code de la propriété intellectuelle, et 1240 du code civil, de :- à titre liminaire, débouter la société BLAST LE SOUFFLE DE L'INFO de sa demande de sursis à statuer dans l'attente de la décision de la cour d'appel de Paris dans l'affaire enregistrée sous le RG 22/03147 appelée à statuer sur appel de la société BLAST LE SOUFFLE DE L'INFO et appel incident de la société BLAST PRODUCTION à l'audience du 23 février 2023,- à titre principal,> la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes> ordonner à la société BLAST LE SOUFFLE DE L'INFO de procéder au retrait de sa marque pour les services suivants : « Publicité, publicité notamment par le moyen de publi-rédactionnels pour le compte de tiers, par le moyen d'opérations de partenariat commercial, par la vente et/ou la location de présentoirs, écriteaux et supports promotionnels imprimés et/ou électroniques ; diffusion d'annonces publicitaires ; location d'espaces publicitaires ; publication de textes publicitaires ; préparation, production et présentation de productions audiovisuelles à des fins publicitaires ; courrier publicitaire ; couplage publicitaire ; publipostage ; publicité en ligne sur un réseau informatique ; location de temps publicitaire sur tout moyen de communication ; conseils en stratégie commerciale, conseils en communication [publicité]; services dans le domaine de l'identité d'entreprise ; promotion des ventes pour des tiers ; services liés à une activité de promotion commerciale sous toutes ses formes à savoir services de recommandation, de parrainage, de mécénat, d'opérations de partenariat commercial et campagnes d'informations promotionnelles ; organisation d'expositions à but commercial ou publicitaire ; exploitation de banques de données et bases de données commerciales, administratives ou publicitaires ; émissions télévisées ; services de transmission d'informations destinées à l'information du public par tout vecteur de télécommunications ; transmission, diffusion et téléchargement de textes, d'articles de presse, de photographies, de dépêches, d'images, de messages, de données, de sons, de musique, d'informations par terminaux d'ordinateurs, par réseau Internet, par téléphones portables et au moyen de tout autre vecteur de télécommunications ; services d'enregistrement et de traitement de sons et de supports multimédia (studios d'enregistrement) ; production, montage diffusion et publication de programmes radiophoniques et/ou télévisés, de programmes audiovisuels », sous astreinte de mille euros (1000 €) par infraction constatée, passé un délai de huit (8) jours à compter de la signification de la décision à intervenir,> interdire à la société BLAST LE SOUFFLE DE l'INFO l'usage des dénominations « BLAST LE SOUFFLE DE L'INFO » et « BLAST » à quelque titre que ce soit, et sous quelque forme que ce soit, sous astreinte de mille euros (1000 €) par infraction constatée, passé un délai de huit (8) jours à compter de la signification de la décision à intervenir,> ordonner à la société BLAST LE SOUFFLE DE L'INFO de procéder à ses frais à la suppression de la page Facebook « Blast, le souffle de l'info », sous astreinte de cinq cents euros (500 €) par jour de retard, passé un délai de huit (8) jours à compter de la signification de la décision à intervenir,> ordonner à la société BLAST LE SOUFFLE DE L'INFO de procéder à la suppression de la page Instagram @Blastofficiel à compter de l'expiration d'un délai de huit (8) jours à compter de la signification de la décision à intervenir,> condamner la société BLAST LE SOUFFLE DE L'INFO à verser à la société BLAST PRODUCTION la somme de trente mille euros (30 000 €), sauf à parfaire, à titre de provision de réparation du préjudice subi,> déclarer la société BLAST LE SOUFFLE DE L'INFO irrecevable en sa demande reconventionnelle en déchéance, dire qu'il n'y a pas lieu à référé et l'inviter à mieux se pourvoir au fond,- à titre subsidiaire, débouter la société BLAST LE SOUFFLE DE L'INFO de sa demande reconventionnelle de déchéance partielle de la marque no4204595 pour les activités de : publicité ; publicité en ligne sur un réseau informatique ; télécommunications ; émissions télévisées ; émissions radiophoniques ; divertissement; production de films cinématographiques ; location de films cinématographiques ; montage de bandes vidéo,- en toutes hypothèses,> débouter la société BLAST LE SOUFFLE DE L'INFO pour sa demande reconventionnelle au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,> condamner la société BLAST LE SOUFFLE DE L'INFO à verser à la société BLAST PRODUCTION la somme de six mille euros (6000 €), au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,> se réserver la liquidation de l'astreinte,> condamner la société BLAST LE SOUFFLE DE L'INFO aux entiers dépens, en ce compris les frais d'huissier engagés.La SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO a conclu, au visa des articles L.713-3, L.714-5, L.714-5, L.716-4, L.716-5, L.716-6 du code de la propriété intellectuelle, 9 du code de procédure civile et 1240 du code civil, à :- à titre principal, surseoir a statuer dans l'attente de la décision de la Cour d'appel de Paris dans l'affaire enregistrée sous le RG 22/03147 appelée à statuer sur appel de la société BLAST LE SOUFFLE DE L'INFO et appel incident de la société BLATS PRODUCTION a l'audience du 23 février 2023,- à titre subsidiaire,> débouter la société BLAST PRODUCTION de toutes ses demandes, fins, conclusions aux termes de l'assignation du 3 juin 2022 au titre de la contrefaçon de la marque no4204595,> débouter la société BLAST PRODUCTION de toutes ses demandes, fins, conclusions aux termes de l'assignation du 3 juin 2022 au titre de la concurrence déloyale, - à titre reconventionnel,> prononcer provisoirement la déchéance partielle de la marque no4204595 pour les activités Publicité ; publicité en ligne sur un réseau informatique ; location de publicitaire sur tout moyen de communication ; Télécommunications ; émissions radiophoniques ou te le vise es ; services de te le confe rences ou de visioconférences ; Formation, divertissement, location de films cinématographiques, à compter du 22 août 2020,> condamner la société BLAST PRODUCTION au paiement de la somme de 5000 euros au titre des frais irrépétibles par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.MOTIFS DE LA DÉCISIONSur le sursis à statuerMoyens des partiesLa SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO conclut reconventionnellement au prononcé d'un sursis à statuer impératif dans l'attente de l'arrêt de la cour d'appel de Paris devant juger de la validité de la décision du directeur de l'INPI qui a enregistré sa marque en imposant des restrictions sur les classes 35 et 38 qu'elle conteste, dans la mesure où la demanderesse fonde ses prétentions sur cette même marque. Elle ajoute que ce sursis à statuer relève également d'une bonne administration de la justice dès lors qu'il existe un risque de contradiction entre les décisions à intervenir. La SARL BLAST PRODUCTION s'oppose à cette demande, estimant que la présente décision à intervenir ne relève en rien de la compétence exclusive d'une autre juridiction et revêt un caractère provisoire permettant à la juridiction de statuer sans attendre l'arrêt de la cour d'appel de Paris.Appréciation du juge des référésSelon l'article 49 alinéa 1 du code de procédure civile, « toute juridiction saisie d'une demande de sa compétence connaît, même s'ils exigent l'interprétation d'un contrat, de tous les moyens de défense à l'exception de ceux qui soulèvent une question relevant de la compétence exclusive d'une autre juridiction ».L'article 378 du code de procédure civile prévoit que « la décision de sursis suspend le cours de l'instance pour le temps ou jusqu'à la survenance de l'événement qu'elle détermine. »Hors les cas où cette mesure est prévue par la loi, les juges du fond apprécient discrétionnairement l'opportunité du sursis à statuer (voir en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 11 juin 1991, no89-15.216).En l'espèce, il est constant que la cour d'appel de Paris est saisie d'un recours contre la décision du directeur de l'INPI du 17 janvier 2022 ayant partiellement accueilli l'opposition formée par la SARL BLAST PRODUCTION contre la demande d'enregistrement de la marque semi-figurative déposée par la SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO. Si cette juridiction est, de ce fait, saisie de l'interprétation des activités qui seraient communes aux deux sociétés au regard du libellé de chaque marque, elle n'est, toutefois, pas saisie des prétentions et moyens visant la contrefaçon alléguée, en sorte que sa compétence à l'égard de cette interprétation n'est pas exclusive.Par ailleurs, la circonstance que les mesures réclamées par la SARL BLAST PRODUCTION soient par nature provisoire dans la mesure où les décisions du juge des référés ne sont pas revêtues de l'autorité de la chose jugée au principal s'opposent au prononcé d'un sursis à statuer.La SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO sera déboutée de sa demande à ce titre.Sur la demande reconventionnelle au titre de la déchéance provisoire partielle de la marqueMoyens des partiesLa SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO invoque la déchéance partielle de la marque déposée par la demanderesse pour les activités de publicité, publicité en ligne sur un réseau informatique, location de temps publicitaire sur tout moyen de communication, également de télécommunications, émissions radiophoniques ou télévisées et services de téléconférences ou de visioconférences, en ce que ces activités doivent être circonscrites à la réalisation ou la production de films publicitaires ou destinés aux diffuseurs. Elle ajoute que la marque de la demanderesse encourt la déchéance provisoire pour les activités de formation, divertissement et locations de films cinématographiques, dans la mesure où elle n'en justifie aucun usage sérieux dans les cinq ans précédant l'enregistrement de sa propre marque le 22 août 2020.La SARL BLAST PRODUCTION objecte qu'elle verse des preuves d'usage pendant la période pertinente sur le territoire français et pour les services visés, lesquelles ont d'ailleurs été reconnues par le directeur de l'INPI.Appréciation du juge des référésSelon l'article L.714-5 du code de la propriété intellectuelle, « encourt la déchéance de ses droits le titulaire de la marque qui, sans justes motifs, n'en a pas fait un usage sérieux, pour les produits ou services pour lesquels la marque est enregistrée, pendant une période ininterrompue de cinq ans. Le point de départ de cette période est fixé au plus tôt à la date de l'enregistrement de la marque suivant les modalités précisées par un décret en Conseil d'État.Est assimilé à un usage au sens du premier alinéa :1o L'usage fait avec le consentement du titulaire de la marque ;2o L'usage fait par une personne habilitée à utiliser la marque collective ou la marque de garantie ;3o L'usage de la marque, par le titulaire ou avec son consentement, sous une forme modifiée n'en altérant pas le caractère distinctif, que la marque soit ou non enregistrée au nom du titulaire sous la forme utilisée ;4o L'apposition de la marque sur des produits ou leur conditionnement, par le titulaire ou avec son consentement, exclusivement en vue de l'exportation. » En application de l'article L.716-4-6 du code de la propriété intellectuelle « toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon peut saisir en référé la juridiction civile compétente afin de voir ordonner, au besoin sous astreinte, à l'encontre du prétendu contrefacteur ou des intermédiaires dont il utilise les services, toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d'actes argués de contrefaçon. La juridiction civile compétente peut également ordonner toutes mesures urgentes sur requête lorsque les circonstances exigent que ces mesures ne soient pas prises contradictoirement, notamment lorsque tout retard serait de nature à causer un préjudice irréparable au demandeur. Saisie en référé ou sur requête, la juridiction ne peut ordonner les mesures demandées que si les éléments de preuve, raisonnablement accessibles au demandeur, rendent vraisemblable qu'il est porté atteinte à ses droits ou qu'une telle atteinte est imminente.La juridiction peut interdire la poursuite des actes argués de contrefaçon, la subordonner à la constitution de garanties destinées à assurer l'indemnisation éventuelle du demandeur ou ordonner la saisie ou la remise entre les mains d'un tiers des produits soupçonnés de porter atteinte aux droits conférés par le titre, pour empêcher leur introduction ou leur circulation dans les circuits commerciaux. Si le demandeur justifie de circonstances de nature à compromettre le recouvrement des dommages et intérêts, la juridiction peut ordonner la saisie conservatoire des biens mobiliers et immobiliers du prétendu contrefacteur, y compris le blocage de ses comptes bancaires et autres avoirs, conformément au droit commun. Pour déterminer les biens susceptibles de faire l'objet de la saisie, elle peut ordonner la communication des documents bancaires, financiers, comptables ou commerciaux ou l'accès aux informations pertinentes.Elle peut également accorder au demandeur une provision lorsque l'existence de son préjudice n'est pas sérieusement contestable.Saisie en référé ou sur requête, la juridiction peut subordonner l'exécution des mesures qu'elle ordonne à la constitution par le demandeur de garanties destinées à assurer l'indemnisation éventuelle du défendeur si l'action en contrefaçon est ultérieurement jugée non fondée ou les mesures annulées.Lorsque les mesures prises pour faire cesser une atteinte aux droits sont ordonnées avant l'engagement d'une action au fond, le demandeur doit, dans un délai fixé par voie réglementaire, soit se pourvoir par la voie civile ou pénale, soit déposer une plainte auprès du procureur de la République. À défaut, sur demande du défendeur et sans que celui-ci ait à motiver sa demande, les mesures ordonnées sont annulées, sans préjudice des dommages et intérêts qui peuvent être réclamés. »Une marque fait l'objet d'un usage sérieux lorsqu'elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l'identité d'origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et services, à l'exclusion d'usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque (CJCE 11 mars 2003 C-40/01 Ansul §43).La Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit (CJUE 19 juin 2012 C-307/10 Chartered Institute of Patent Attorneys v Registrar of Trade Marks §64) que la directive 2008/95 exige que les produits ou les services pour lesquels la protection par la marque est demandée soient identifiés par le demandeur avec suffisamment de clarté et de précision pour permettre aux autorités compétentes et aux opérateurs économiques, sur cette seule base, de déterminer l'étendue de la protection demandée ; cette directive doit être interprétée en ce sens qu'elle ne s'oppose pas à l'utilisation des indications générales des intitulés de classes de la classification de [Localité 5] afin d'identifier les produits et les services pour lesquels la protection par la marque est demandée pour autant qu'une telle identification soit suffisamment claire et précise et le demandeur d'une marque nationale qui utilise toutes les indications générales de l'intitulé d'une classe particulière de la classification de [Localité 5] pour identifier les produits ou les services pour lesquels la protection de la marque est demandée doit préciser si sa demande vise l'ensemble des produits ou des services répertoriés dans la liste alphabétique de cette classe ou seulement certains de ces produits ou services. Au cas où la demande porterait uniquement sur certains desdits produits ou services, le demandeur est obligé de préciser quels produits ou services relevant de ladite classe sont visés.Le caractère vraisemblable de l'atteinte alléguée dépend, pour une part, de l'apparente validité des titres sur lesquels se fonde l'action. Ainsi, s'il n'appartient pas au juge des référés de statuer sur la validité des marques en cause, il demeure de son office d'examiner si les moyens susceptibles d'être soulevés à cet égard devant le juge du fond sont de nature à établir que l'atteinte alléguée par le titulaire de la marque est ou non vraisemblable (en ce sens cour d'appel de Paris, pôle 5 chambre 1, 8 juin 2022, RG no21/13053).S'agissant de la validité apparente de la marque de la SARL BLAST PRODUCTION, la SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO ne conteste pas qu'une protection de la marque semi-figurative « blast production » a été octroyée par l'INPI et publiée le 11 septembre 2015 sous le numéro 4204595 en classes 35, 38 et 41 (pièce no3 de la SARL BLAST PRODUCTION).Pour justifier d'un usage sérieux de sa marque la SARL BLAST PRODUCTION s'appuie, au titre de sa revendication relative à la publicité et la publicité en ligne de la classe 35, sur neuf factures et trois devis établis entre le 30 mai 2016 et le 2 avril 2019, dont elle démontre également que plusieurs de ses réalisations ont été diffusées sur internet et sont accessibles depuis la France (ses pièces no0A et les liens internet pages 72 et 73 de ses conclusions).La publicité est définie comme « toute forme de communication faite dans le cadre d'une activité commerciale industrielle, artisanale ou libérale dans le but de promouvoir la fourniture de biens ou services, y compris les biens immeubles, les droits et les obligations » (directive 84/450/CEE du 10 septembre 1984, article 2). Les activités facturées par la SARL BLAST PRODUCTION en ressortissent dans la mesure où, d'une part, elle participe à la réalisation de films publicitaires pour des marques tierces, d'autre part, son nom est également cité, généralement en fin de film, lui assurant ainsi sa propre promotion vis-à-vis de clients potentiels et, plus globalement, du public.Ses activités de conseils en communication et en publicité ne sont pas contestées par la SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO.Á l'inverse, la SARL BLAST PRODUCTION ne produit aucune pièce au soutien de l'activité de location de temps publicitaire, critiquée par la défenderesse. La SARL BLAST PRODUCTION oppose, en conséquence, à bon droit, sa marque pour les services de publicité, publicité en ligne et conseils en communication et publicité en classe 35.Au titre de ses activités de télécommunications, d'émissions radiophoniques et d'émissions télévisées en classe 38, la SARL BLAST PRODUCTION produit divers pièces et liens internet portant sur des publications d'articles sur internet et des dossiers de films documentaires, entre le juillet 2016 et le 26 mars 2020 (ses pièces no0B à 0H et les liens internet de ses conclusions page 75).Nonobstant les critiques de la SAS BLAST –LE SOUFFLE DE L'INFO s'agissant du contenu de la classe 38, celle-ci comprend les émissions télévisées ou radiophoniques, en tant que contenu audiovisuel.Ces pièces établissent suffisamment le caractère sérieux des activités de la demanderesse relativement aux services d'émissions télévisées qu'elle revendique, agissant notamment de documentaires.En revanche, ces mêmes pièces ne démontrent pas l'existence d'activités de télécommunication, non plus que celles d'émissions radiophoniques, de te le confe rences ou de visioconfe rences opérées par elle.La SARL BLAST PRODUCTION oppose, en conséquence, à bon droit, sa marque pour les services d'émissions télévisées en classe 38.Au titre de ses activités de formation, divertissement, location de films cinématographiques en classe 41, la SARL BLAST PRODUCTION se réfère à ces pièces produites au soutien de ses preuves d'activité en classe 38, outre la production de films cinématographiques et de clips vidéo (ses pièces no0K), l'ensemble entre le 5 juillet 2016 et le 11 juin 2021.Toutefois, la SARL BLAST PRODUCTION ne démontre pas le caractère sérieux de son activité pour les services de divertissement, le caractère hypothétique du projet d'émission de divertissement invoqué ne permettant pas de le considérer comme tel (sa pièce no0E et le lien internet de ses conclusions page 76).Par ailleurs, elle ne produit aucune pièce relative aux services de formation et location de films cinématographiques, critiqués par la défenderesse.La SARL BLAST PRODUCTION oppose, en conséquence, à bon droit, sa marque pour les services de production de films cinématographiques, comprenant les documentaires, et de montage de bandes vidéo en classe 41.Il résulte de l'ensemble que la SARL BLAST PRODUCTION ne démontre pas qu'elle a effectivement exercé des activités pour les services visés dans les classes 35, location de temps publicitaire sur tout moyen de communication, 38, services de télécommunications, de te le confe rences ou de visioconfe rences, émissions radiophoniques, et 41, formation, divertissement et location de films cinématographiques.Dès lors, la SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO oppose des contestations sérieuses de nature à écarter que l'atteinte alléguée par la SARL BLAST PRODUCTION soit vraisemblable dans les services susvisés, sans qu'il entre dans les pouvoirs du juge des référés d'ordonner la déchéance d'une marque, fût-ce à titre provisoire.En revanche, compte tenu des preuves d'usage sérieux produites par la SARL BLAST PRODUCTION dans les services restant des classes 35, 38 et 41, la vraisemblance de l'atteinte à sa marque doit être analysée.La SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO sera, en conséquence, déboutée de sa demande de déchéance provisoire.Sur la vraisemblance des atteintes à la marque antérieureMoyens des partiesLa SARL BLAST PRODUCTION fait grief à la défenderesse d'avoir déposé et d'exploiter une marque générant un risque de confusion pour le consommateur avec sa propre marque antérieure, en raison de l'identité et de la similarité d'une partie des services en présence et de la similitude des signes.LA SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO conteste tant la similitude des signes enregistrés que la similarité des produits et services pour lesquels ils sont employés et en déduit l'absence de confusion possible des signes distinctifs dans l'esprit du public.Appréciation du juge des référésL'article L.713-2 du code de la propriété intellectuelle dispose qu'est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l'usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services :1o D'un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée;2o D'un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s'il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d'association du signe avec la marque.Aux termes de l'article L.716-4 du code de la propriété intellectuelle, l'atteinte portée au droit du titulaire de la marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur. Constitue une atteinte aux droits attachés à la marque la violation des interdictions prévues aux articles L.713-2 à L.713-3-3 et au deuxième alinéa de l'article L.713-4.En application de l'article L.716-4-6 alinéa 1 du code de la propriété intellectuelle, « toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon peut saisir en référé la juridiction civile compétente afin de voir ordonner, au besoin sous astreinte, à l'encontre du prétendu contrefacteur ou des intermédiaires dont il utilise les services, toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d'actes argués de contrefaçon. La juridiction civile compétente peut également ordonner toutes mesures urgentes sur requête lorsque les circonstances exigent que ces mesures ne soient pas prises contradictoirement, notamment lorsque tout retard serait de nature à causer un préjudice irréparable au demandeur. Saisie en référé ou sur requête, la juridiction ne peut ordonner les mesures demandées que si les éléments de preuve, raisonnablement accessibles au demandeur, rendent vraisemblable qu'il est porté atteinte à ses droits ou qu'une telle atteinte est imminente. »Le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l'espèce, notamment de l'interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés.Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou services en cause peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les signes et inversement (CJCE, 29 septembre 1998, Canon Kabushiki-Kaisha c. Metro-Goldwyn-Mayer, C-39/97). Cette notion de similitude doit, de façon générale, être interprétée à la lumière du risque de confusion, qui est la condition spécifique de la protection. Il est, ainsi, nécessaire, même dans l'hypothèse où existe une identité avec une marque dont le caractère distinctif est particulièrement fort, d'apporter la preuve de la présence d'une similitude entre les produits ou les services désignés (CJCE, 7 mai 2009, Waterford Wedgwood, C-398/07, point 34).L'appréciation de la similitude visuelle, auditive et conceptuelle des signes doit être fondée sur l'impression d'ensemble produite par ceux-ci en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (CJUE, 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C-334/05 P).En l'espèce, il est constant que le signe « Blast le souffle de l'info » est utilisé par la SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO dans la vie des affaires.Le consommateur moyen se définit, en l'occurrence, comme le consommateur d'articles et de vidéos d'information et de divertissement sur internet. Son degré d'attention est, de ce fait, faible.S'agissant des services proposés, il ressort de l'extrait de la base des marques enregistrées à l'INPI que celle déposée par la SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO vise, au 29 avril 2022, après la décision du directeur de l'INPI du 17 janvier 2022 ayant partiellement accueilli l'opposition de la demanderesse les produits et services suivants : en classe 16 les produits de l'imprimerie, imprimés, journaux et périodiques, magazines, revues, livres, prospectus, brochures, photographies, dessins, en classe 25 vêtements, en classe 35 informations statistiques, abonnements à tous supports d'informations, de textes, de sons et d'images, et notamment abonnements à des journaux, revues et publications électroniques disponibles et consultables par et sur internet, sondages d'opinion, en classe 38 agence de presse, agence d'information (nouvelles), émissions radiophoniques, services de communication au public par voie électronique, fourniture de forums de discussion sur internet et de messagerie instantanée, et en classe 41 les services d'édition et publication de revues, de journaux, de livres, de périodiques à usage interactif ou non, de micro-édition, de photographie (reportages), d'organisation de spectacles, de soirées et d'opérations événementielles à buts éducatifs ou de divertissement (pièce no5 de la SARL BLAST PRODUCTION). La SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO a, par ailleurs, indiqué renoncer à exploiter l'activité de production audiovisuelle visée en classe 41 (ses conclusions page 19).La SARL BLAST PRODUCTION produit deux constats d'huissier du 25 avril 2022 (sa pièce no6) desquels il résulte que la SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO édite un site internet à l'adresse « www.blastinfo.fr » sur lequel elle diffuse des photographies, des articles et des vidéos d'information ou de divertissement, fait la promotion de livres (constat C10526 1/2 page 16) et diffuse des vidéos d'information ou de divertissement via le site « www.youtube.com », ou via les réseaux sociaux numériques Facebook, Instagram et Twitter. Il en ressort également que plusieurs pages du site internet « www.blastinfo.fr » et plusieurs vidéos diffusées sur le site « www.youtube.com » mentionnent le signe « blast » de manière figurative ou verbale, sans le complément « le souffle de l'info ».À l'inverse, aucune des pièces produites ne démontre que la défenderesse exercerait des activités dans les services suivants : publicité, publicité notamment par le moyen de publi-rédactionnels pour le compte de tiers, par le moyen d'opérations de partenariat commercial, par la vente ou la location de présentoirs, écriteaux et supports promotionnels imprimés ou électroniques ; diffusion d'annonces publicitaires ; location d'espaces publicitaires ; publication de textes publicitaires ; préparation, production et présentation de productions audiovisuelles à des fins publicitaires ; courrier publicitaire ; couplage publicitaire ; publipostage ; publicité en ligne sur un réseau informatique ; location de temps publicitaire sur tout moyen de communication ; conseils en stratégie commerciale, conseils en communication [publicité] ; services dans le domaine de l'identité d'entreprise ; organisation d'expositions à but commercial ou publicitaire ; exploitation de banques de données et bases de données commerciales, administratives ou publicitaires ; services d'enregistrement et de traitement de sons et de supports multimédia (studios d'enregistrement) ; production, montage diffusion et publication de programmes radiophoniques.De même, la SARL BLAST PRODUCTION ne saurait valablement opposer à la SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO les services de transmission d'informations destinées à l'information du public par tout vecteur de télécommunications ou de transmission, diffusion et téléchargement de musique, dans lesquels elle n'exerce pas.En effet, les pièces produites par la demanderesse au soutien de ses preuves d'activité dans les services critiqués par la défenderesse (ses pièces 0A à 0M) établissent qu'elle exerce la réalisation de films publicitaires, la production de films cinématographiques et de clips vidéo et qu'elle a produit ou réalisé des publications d'articles sur internet pour des tiers, des émissions télévisées et des films documentaires, la plupart étant destiné à une diffusion en français, en France ou accessibles depuis la France.Ainsi, les services proposés par la SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO sont similaires à ceux de la SARL BLAST PRODUCTION pour les services suivants : promotion des ventes pour des tiers, services liés à une activité de promotion commerciale sous toutes ses formes ou services de recommandation, de parrainage, de mécénat, d'opérations de partenariat commercial et campagnes d'informations promotionnelles émissions télévisées, de transmission, diffusion et téléchargement de textes, d'articles de presse, de photographies, de dépêches, d'images, de messages, de données, de sons, d'informations par terminaux d'ordinateurs, par réseau Internet, par téléphones portables et au moyen de tout autre vecteur de télécommunications.Les pièces produites établissent que la SARL BLAST PRODUCTION s'adresse à des clients professionnels, tandis que la SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO s'adresse au grand public. Néanmoins, leurs activités sont complémentaires, voire en concurrence directe pour certains services comme les émissions télévisées, les articles de presse ou les films documentaires, ces services étant proposés sur internet par les deux sociétés.S'agissant de l'appréciation de la similitude des signes, sur le plan visuel, la marque semi-figurative « Blast production » de la demanderesse propose, se lisant de gauche à droite dans les pays européens, une attaque par le mot « blast », absent de la langue française, donc fortement distinctif. Cette distinctivité est soulignée par l'usage de capitales s'amenuisant de gauche à droite pour le seul mot « blast », tandis que le mot « production » orne, dans une taille de police plus petite, le coin supérieur droit du ‘'T'' de « blast » suivant la ligne d'un quart de cercle qu'il surmonte. L'ensemble du signe est surligné d'un trait noir épais orienté en hauteur, marquant ainsi une montée, laquelle suit l'amenuisement de la taille de la police des lettres du mot « blast », dont la ligne supérieure est rectiligne. L'ensemble du signe est en noir sur fond blanc.La marque semi-figurative « blast le souffle de l'info » de la défenderesse propose une attaque par le même mot « blast », ce dernier inscrit en lettres minuscules blanches sur fond noir, les mots « le souffle de l'info » en minuscules bleues sur fond blanc s'inscrivant dans la même police, mais dans une taille plus petite entre les lettres ‘'l'' et ‘'t'' du mot « blast », l'ensemble en italique. Le fond noir du signe qui en occupe la majeure partie est rectiligne dans sa ligne basse et celle de droite, tandis que les bordures gauche et supérieure sont irrégulières, évoquant un papier déchiré.Les caractéristiques visuelles sont donc moyennement similaires compte tenu de l'importance que revêt le mot « blast » dans les deux signes, malgré leurs différences.Sur le plan phonétique le mot « blast » est fortement distinctif dans les deux signes, d'une part en ce qu'il n'appartient pas à la langue française, d'autre part, dans sa prononciation comme dans le fait qu'il soit situé en attaque du signe. Le signe « blast le souffle de l'info » se distingue, toutefois, du signe « blast production » par la présence de trois syllabes supplémentaires.Les caractéristiques phonétiques apparaissent fortement similaires eu égard à l'importance du mot « blast » dans les deux signes.Sur la plan conceptuel, le terme « blast » emprunté à l'anglais, renvoie au concept d'explosion que souligne le slogan « le souffle de l'info », renvoyant pour sa part à l'activité principale de la SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO, de même que le mot « production » pour la SARL BLAST PRODUCTION.Si les activités auxquelles renvoient les éléments différents des deux signes sont bien distinctes, l'usage du même mot « blast » renvoie à un concept fortement similaire.Compte tenu de l'importance du signe « blast », comportant une distinctivité forte au sein des signes comparés et de son positionnement en accroche des signes comparés, le consommateur attachant normalement plus d'importance à la partie initiale des mots (voir en ce sens Tribunal de l'Union européenne, 17 mars 2004, El Corte Inglès c OHMI, §81), leur similarité est forte.Il résulte de l'ensemble que le consommateur moyen, tel que précédemment défini, est confronté à un risque de confusion entre les marques des deux sociétés.En conséquence, la SARL BLAST PRODUCTION est partiellement bien fondée à opposer à la SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO le caractère vraisemblable de l'atteinte portée à ses droits.Sur la demande au titre de la concurrence déloyaleMoyens des partiesLa SARL BLAST PRODUCTION considère que la défenderesse a commis des actes de concurrence déloyale consistant dans l'usage du signe « blast » accompagnant sa présentation et ses communications, en fraude de ses droits antérieurs sur sa dénomination sociale, son nom commercial et son nom de domaine.La SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO rétorque que la demanderesse ne démontre aucun préjudice, non plus qu'aucun lien de causalité avec une faute éventuelle, compte tenu de l'absence de confusion entre les deux sociétés.Appréciation du juge des référésL'article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.Aux termes de l'article 1241 du code civil, chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.Selon l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.La concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce, ce qui implique qu'un signe ou un produit qui ne fait pas l'objet de droits de propriété intellectuelle puisse être librement reproduit sous certaines conditions tenant à l'absence de faute, laquelle peut être constituée par la création d'un risque de confusion sur l'origine du produit dans l'esprit de la clientèle, circonstance attentatoire à l'exercice paisible et loyal du commerce.L'appréciation de cette faute au regard du risque de confusion doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l'imitation, l'ancienneté de l'usage, l'originalité et la notoriété de la prestation copiée.La concurrence déloyale exige la preuve d'une faute relevant de faits distincts de ceux allégués au titre de la contrefaçon.À cet égard, la SARL BLAST PRODUCTION n'invoque que l'usage du signe « blast » sur internet et les réseaux sociaux par la SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO.Ainsi, elle ne caractérise aucun fait distinct de ceux sanctionnés au titre de la contrefaçon.Sa demande à ce titre sera, en conséquence, rejetée.Sur les mesures provisoires sollicitéesMoyens des partiesLa SARL BLAST PRODUCTION réclame l'indemnisation de ses préjudices tirés de la contrefaçon et de la concurrence déloyale, outre des mesures d'interdiction et de retrait provisoire de la marque de la défenderesse compte tenu de la confusion entre les marques subies par de nombreux clients.La SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO se réfère à la liberté d'opinion considérant que les demandes d'interdiction et de retrait de sa marque n'ont pour motif que ses prises de position politiques. Elle ajoute qu'aucun préjudice n'est établi.Appréciation du juge des référésEn application de l'article L.716-4-6 alinéa 2 à 4 du code de la propriété intellectuelle, « la juridiction peut interdire la poursuite des actes argués de contrefaçon, la subordonner à la constitution de garanties destinées à assurer l'indemnisation éventuelle du demandeur ou ordonner la saisie ou la remise entre les mains d'un tiers des produits soupçonnés de porter atteinte aux droits conférés par le titre, pour empêcher leur introduction ou leur circulation dans les circuits commerciaux. Si le demandeur justifie de circonstances de nature à compromettre le recouvrement des dommages et intérêts, la juridiction peut ordonner la saisie conservatoire des biens mobiliers et immobiliers du prétendu contrefacteur, y compris le blocage de ses comptes bancaires et autres avoirs, conformément au droit commun. Pour déterminer les biens susceptibles de faire l'objet de la saisie, elle peut ordonner la communication des documents bancaires, financiers, comptables ou commerciaux ou l'accès aux informations pertinentes.Elle peut également accorder au demandeur une provision lorsque l'existence de son préjudice n'est pas sérieusement contestable.Saisie en référé ou sur requête, la juridiction peut subordonner l'exécution des mesures qu'elle ordonne à la constitution par le demandeur de garanties destinées à assurer l'indemnisation éventuelle du défendeur si l'action en contrefaçon est ultérieurement jugée non fondée ou les mesures annulées.Lorsque les mesures prises pour faire cesser une atteinte aux droits sont ordonnées avant l'engagement d'une action au fond, le demandeur doit, dans un délai fixé par voie réglementaire, soit se pourvoir par la voie civile ou pénale, soit déposer une plainte auprès du procureur de la République. À défaut, sur demande du défendeur et sans que celui-ci ait à motiver sa demande, les mesures ordonnées sont annulées, sans préjudice des dommages et intérêts qui peuvent être réclamés. »Au soutien de la preuve des préjudices subis, la SARL BLAST PRODUCTION produit un échange de messages téléphoniques (SMS) du 5 février 2021, dont l'authenticité n'est pas contestée, mentionnant que Madame [I] [G], a confondu la demanderesse avec la défenderesse à l'occasion d'un festival de films cinématographiques et un courriel adressé le 29 janvier 2021 à Monsieur [O] [P], dont le lien avec la demanderesse n'est pas contesté, lui transmettant une annonce de la création de la défenderesse avec ce commentaire : « il me semble que cela ressemble fortement au nom de ta société » (sa pièce no12).Il en résulte que la SARL BLAST PRODUCTION est bien fondée à solliciter une indemnité provisionnelle au titre du préjudice non sérieusement contestable, mais partiel, tiré de la contrefaçon de sa marque semi-figurative no4204595 qui sera, en conséquence, fixée à 2000 € à titre provisionnel.La contrefaçon vraisemblable de cette marque justifie également une mesure d'interdiction du signe « blast » par la SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO pour les services similaires à ceux de la demanderesse, ainsi qu'une suppression de ce signe de l'adresse des réseaux sociaux Facebook et Instagram qu'elle exploite, dans les trois mois suivant la décision et sous astreinte ensuite, dans les termes du dispositif.Sur les dépens et les frais irrépétiblesLa SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO, partie perdante, sera condamnée aux dépens, par application des articles 491 et 696 du code de procédure civile.Elle sera, également, condamnée à payer 4000 € à la SARL BLAST PRODUCTION au titre de l'article 700 du code de procédure civile.PAR CES MOTIFSLe juge des référés, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par ordonnance contradictoire en premier ressort,REJETTE la demande de sursis à statuer de la SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO ;ORDONNE à la société BLAST LE SOUFFLE DE L'INFO de procéder au retrait de sa marque pour les services suivants : en classe 35, publicité, publicité en ligne et conseils en communication et publicité, en classe 38, émissions télévisées, en classe 41, production de films cinématographiques, y compris les documentaires, et montage de bandes vidéo, dans le délai de trois mois à compter de la signification de la décision, sous astreinte de deux cents euros (200 €) par infraction constatée qui courra pendant cent quatre-vingt (180) jours, passé ce délai ;FAIT INTERDICTION à la société BLAST LE SOUFFLE DE l'INFO d'user du signe « blast » à quelque titre que ce soit, et sous quelque forme que ce soit, dans le délai de trois mois à compter de la signification de la décision, sous astreinte de deux cents euros (200 €) par infraction constatée qui courra pendant cent quatre-vingt (180) jours, passé ce délai ;ORDONNE à la société BLAST LE SOUFFLE DE L'INFO de procéder à ses frais à la suppression du signe « blast » de la page Facebook « Blast, le souffle de l'info », dans le délai de trois mois à compter de la signification de la décision, sous astreinte de deux cents euros (200 €) par infraction constatée qui courra pendant cent quatre-vingt (180) jours, passé ce délai ; ORDONNE à la société BLAST LE SOUFFLE DE L'INFO de procéder à la suppression du signe « blast » de la page Instagram @Blastofficiel, dans le délai de trois mois à compter de la signification de la décision, sous astreinte de deux cents euros (200 €) par infraction constatée qui courra pendant cent quatre-vingt (180) jours, passé ce délai ;CONDAMNE, à titre provisionnel, la SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO à payer deux mille euros (2000 €) à la SARL BLAST PRODUCTION, au titre du préjudice non sérieusement contestable tiré de la contrefaçon vraisemblable de sa marque française semi-figurative no4204596 ;DÉBOUTE la SARL BLAST PRODUCTION du surplus de ses demandes ;DÉBOUTE la SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO de sa demande reconventionnelle en prononcé de la déchéance provisoire partielle de la marque française semi-figurative no4204596 ;CONDAMNE la SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO aux dépens ;CONDAMNE la SAS BLAST – LE SOUFFLE DE L'INFO à payer quatre mille euros (4000 €) à la SARL BLAST PRODUCTION en application de l'article 700 du code de procédure civile.Fait à Paris le 15 décembre 2022Le Greffier, Le Président, Minas MAKRIS Jean-Christophe GAYET | x |
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JURITEXT000047454927 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/45/49/JURITEXT000047454927.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 15 décembre 2022, 22/56669 | 2022-12-15 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 22/56669 | CT0760 | TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS No RG 22/56669 - No Portalis 352J-W-B7G-CXOHZ FMNo : 1 Assignation du :10 août 2022 ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ rendue le 15 décembre 2022 par Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal, Assistée de Flore MARIGNY, Faisant fonction de Greffier. DEMANDEUR Monsieur [M] [D][Adresse 3][Adresse 3] représenté par Maître Caroline CASALONGA de CASALONGA, avocats au barreau de PARIS - #K0177 DEFENDERESSES S.A.S. AIRNESS [Localité 4][Adresse 2][Adresse 2] représentée par Me Johanna PREVOST, avocat postulant au barreau de PARIS - #B0258, Me Davide PADULA, avocat plaidant au barreau de PARIS - G0219 Société P4F[Adresse 1][Adresse 1][Adresse 1] représentée par Me Johanna PREVOST, avocat postulant au barreau de PARIS - #B0258, Me Davide PADULA, avocat plaidant au barreau de PARIS - G0219 DÉBATS A l'audience du 07 Novembre 2022, tenue publiquement, présidée par Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe, assistée de Flore MARIGNY, Faisant fonction de Greffier, Nous, Président, Après avoir entendu les conseils des parties, EXPOSÉ DU LITIGE : 1. M. [M] [D] est un chef d'entreprise malien exerçant en France, fondateur et titulaire de la marque "Airness", déposée à partir de 2002, pour désigner différents produits et service et en particulier les vêtements et chaussures de sport, ainsi désignée en hommage au joueur professionnel de basket américain [R] [F] surnommé "Air [F]" en raison de sa capacité de saut. 2. M. [D] est en particulier titulaire des marques suivantes: - la marque verbale française "Airness" no319627 enregistrée le 4 décembre 2002 pour désigner en classes 3, 9, 14, 16, 18, 25, 28, 36, 38 et 41 les "Parfums et produits cosmétiques. Lunettes, lunettes de soleil et lunettes de protection pour sportifs; publications électroniques (téléchargeables) . Joaillerie, bijouterie; horlogerie et instruments chronométriques ; montres. Papier et carton (bruts, mi-ouvrés ou pour la papeterie ou l'imprimerie) ; produits de l'imprimerie ; photographies ; papeterie ; matériel d'instruction ou d'enseignement (à l'exception des appareils) ; journaux et magazines sportifs ; catalogues de présentation de vêtements et d'articles de sport ; catalogues de vente de vêtements et d'articles de sports ; papier d'emballage ; sacs et sachets (enveloppes, pochettes) pour l'emballage (en papier ou en matières plastiques); cartonnages. Cuir et imitations du cuir; articles de maroquinerie en cuir ou imitations du cuir (à l'exception des étuis adaptés aux produits qu'ils sont destinés à contenir, des gants et des ceintures) ; peaux d'animaux ; malles et valises ; parapluies, parasols et cannes ; fouets et sellerie ; sacs de sport, sacs à dos et sacs de voyage ; sacs à main, sacs d'écoliers, sacs à roulettes, sacs (enveloppes, pochettes) pour l'emballage (en cuir). Vêtements notamment vêtements de sport, chaussures notamment chaussures de sport ; chapellerie. Jeux, jouets ; articles de gymnastique et de sport (autres que les vêtements, chaussures et tapis) et notamment balles et ballons de sport, raquettes et battes de sport; cartes à jouer. Parrainage financier d'évènements sportifs et de sportifs de haut niveau. Agences de presse ; communications radiophoniques, télégraphiques ou téléphoniques; transmission de messages, de télégrammes et de télécopies ; diffusion de programmes de télévision et de programmes radiophoniques ; communications (transmission) par terminaux d'ordinateurs ; transmission de messages et d'images assistée par ordinateur; services de transmission d'informations par voie télématique ; messagerie électronique; communications par réseau informatique mondial; communications par réseau de fibres optiques ; transmission par satellite ; fourniture d'accès à un réseau informatique mondial ; raccordement par télécommunications à un réseau informatique mondial ; services d'affichage électronique (télécommunications) ; informations en matière de télécommunications. Education et formation ; publication de livres et de périodiques ; publication électronique de livres et de périodiques en ligne ; divertissement notamment production de spectacles et de films relatifs au sport ; organisation de concours en matière d'éducation ou de divertissement et de sport ; organisation et conduite de séminaires, colloques, conférences, congrès ; organisation d'expositions à buts culturels ou éducatifs ; organisation de loteries ; activités sportives et culturelles ; services de jeux sportifs proposés en ligne (à partir d'un réseau informatique) ; organisation d'évènements sportifs et de compétitions sportives" ; - la marque verbale de l'Union européenne "Airness" no003978855 enregistrée le 2 décembre 2005 pour désigner en classe 3 les "Parfums et produits cosmétiques", en classe 9 les "Lunettes, lunettes de soleil et lunettes de protection pour sportifs; publications électroniques (téléchargeables)", en classe 14 la "Joaillerie, bijouterie; horlogerie et instruments chronométriques; montres", en classe 16 le "Papier et carton (bruts, mi-ouvré ou pour la papeterie ou l'imprimerie); produits de l'imprimerie; photographies; papeterie; matériel d'instruction ou d'enseignement (à l'exception des appareils); journaux et magazines sportifs; catalogues de présentation de vêtements et d'articles de sport; catalogues de vente de vêtements et d'articles de sport; papier d'emballage; sacs et sachets (enveloppes, pochettes) pour l'emballage (en papier ou en matières plastiques); cartonnages", en classe 18 le "Cuir et imitations du cuir; articles de maroquinerie en cuir ou imitations du cuir (à l'exception des étuis adaptés aux produits qu'ils sont destinés à contenir, des gants et des ceintures); peaux d'animaux; malles et valises; parapluies, parasols et cannes; fouets et sellerie; sacs de sport, sacs à dos et sacs de voyage; sacs à main, sacs d'écoliers, sacs à roulettes, sacs (enveloppes, pochettes) pour l'emballage (en cuir)", en classe 25 les "Vêtements notamment vêtements de sport, chaussures notamment chaussures de sport; chapellerie", en classe 28 les "Jeux, jouets; articles de gymnastique et de sport (autres que les vêtements, chaussures et tapis) et notamment balles et ballons de sport, raquettes et battes de sport; cartes à jouer", en classe 36 le "Parrainage financier d'évènements sportifs et de sportifs de haut niveau", en classe 38 les "Agences de presse et d'informations; communications radiophoniques, télégraphiques ou téléphoniques; transmission de messages, de télégrammes et de télécopies; diffusion de programmes de télévision et de programmes radiophoniques; communications (transmission) par terminaux d'ordinateurs; transmission de messages et d'images assistée par ordinateur; services de transmission d'informations par voie télématique; messagerie électronique; communications par réseau informatique mondial; communications par réseau de fibres optiques; transmission par satellite; fourniture d'accès à un réseau informatique mondial; raccordement par télécommunications à un réseau informatique mondial; services d'affichage électronique (télécommunications); informations en matière de télécommunications", en classe 41 les services d' "Education et formation; publication de livres et de périodiques; publication électronique de livres et de périodiques en ligne; divertissement notamment production de spectacles et de films relatifs au sport; organisation de concours en matière d'éducation ou de divertissement et de sport; organisation et conduite de séminaires, colloques, conférences, congrès; organisation d'expositions à buts culturels ou éducatifs; organisation de loteries; activités sportives et culturelles; services de jeux sportifs proposés en ligne (à partir d'un réseau informatique); organisation et conduite de compétitions et d'évènements sportifs"; - la marque verbale française "Airness" enregistrée le 14 février 2004 sous le no3409923 pour désigner en classes 7, 9 et 35 les "Appareils téléphoniques ; téléphones portables; appareils et instruments scientifiques (autres qu'à usage médical), nautiques, géodésiques, photographiques, cinématographiques, optiques, de pesage, de mesurage, de signalisation, de contrôle (inspection), de secours (sauvetage) et d'enseignement ; appareils et instruments pour la conduite, la distribution ; la transformation, l'accumulation, le réglage ou la commande du courant électrique ; appareils pour l'enregistrement, la transmission, la reproduction du son ou des images ; supports d'enregistrement magnétiques, disques acoustiques ou optiques, disquettes souples ; distributeurs automatiques et mécanismes pour appareils à prépaiement ; caisses enregistreuses, machines à calculer, équipement pour le traitement de l'information et les ordinateurs, programmes d'ordinateurs enregistrés ; logiciels de jeux ; logiciels (programmes enregistrés) ; périphériques d'ordinateurs ; extincteurs ; batteries électriques, détecteurs ; fils électriques ; relais électriques; combinaisons, costumes, gants ou masques de plongée ; vêtements de protection contre les accidents, les irradiations et le feu ; dispositifs de protection personnelle contre les accidents ; bâches de sauvetage ; appareils pour le diagnostic non à usage médical ; articles de lunetterie; étuis à lunettes ; ordinateurs ; cartes à mémoire ou à microprocesseur. Publicité notamment courrier publicitaire, diffusion de matériel publicitaire (tracts, prospectus, imprimés, échantillons), promotion des ventes (pour des tiers), publication de textes publicitaires, publicité en ligne sur un réseau informatique, location de temps publicitaire sur tout moyen de communication, location de matériel publicitaire, location d'espaces publicitaires, diffusion d'annonces publicitaires ; organisation d'expositions à buts commerciaux ou de publicité; gestion administrative de lieux d'expositions ; services d'abonnement à des journaux pour des tiers ; gestion des affaires commerciales et administration commerciale notamment aide dans l'exploitation ou la direction d'une entreprise commerciale, aide à la direction des affaires ou des fonctions commerciales d'une entreprise industrielle ou commerciale ; conseils en organisation et direction des affaires; informations ou renseignements d'affaires ; relations publiques; travaux de bureau notamment travaux statistiques, mécanographiques, de sténotypie ; comptabilité; reproduction de documents ; bureaux de placement; gestion de fichiers informatiques; recherche d'informations dans des fichiers informatiques (pour des tiers) ; location de machines à écrire et de matériel de bureau (à l'exception de la location d'appareils de télécommunication, d'ordinateurs et de meubles); services de vente au détail de : parfums et cosmétiques, lunettes (optique), lunettes de soleil et lunettes de protection pour sportifs, publications électroniques (téléchargeables), appareils pour l'enregistrement, la transmission, la reproduction du son ou des images, supports d'enregistrement magnétiques, disques acoustiques ou optiques, disquettes souples, programmes d'ordinateurs enregistrés, logiciels de jeux, logiciels (programmes enregistrés), articles de lunetterie, étuis à lunettes, appareils téléphoniques, téléphones portables, cartes à mémoire ou à microprocesseur, joaillerie, bijouterie, horlogerie et instruments chronométriques, montres, produits de l'imprimerie, photographies, papeterie, journaux et magazines sportifs, catalogues de présentation de vêtements et d'articles de sport, catalogues de vente de vêtements et d'articles de sport ; articles de maroquinerie en cuir ou imitations du cuir ; sacs et notamment sacs de sport, vêtements et notamment vêtements de sport, chaussures et notamment chaussures de sport, chapellerie, jeux, jouets ; articles de gymnastique et de sport".3. M. [D] expose avoir découvert le dépôt par la société P4F (Play 4 Fun) de la marque semi-figurative de l'Union euroépenne "Airness", enregistrée le 14 octobre 2017 sous le no017298944, pour désigner en classe 25 les "Vêtements de sport; chaussures; combinaisons de gymnastique; chaussures d'entraînement" et en classe 35 les services de "vente au détail d'articles de sport; services de détail en relation avec accessoires de mode; les services de vente au détail en relation avec les accessoires vestimentaires; vente au détail en ligne les services de magasin relatifs aux vêtements; services de magasins de détail dans le domaine de l'habillement; vente au détail les services liés à la vente de vêtements et d'accessoires vestimentaires; vente au détail en ligne les services relatifs à l'habillement ; Gestion commerciale de points de vente au détail; Services de marketing; Marketing sur internet" : 4. M. [D] a formé opposition à cet enregistrement le 17 janvier 2018 sur le fondement de sa marque "Airness" no003978855. Par une décision du 13 décembre 2018, l'Office européen de la propriété intellectuelle a partiellement accueilli l'opposition, la marque no017298944 ne subsistant que pour désigner en classe 35 les services de "Gestion commerciale de points de vente au détail; Services de marketing; Marketing sur internet". 5. La société P4F exploite également un site internet à l'adresse <www.airness.eu>, tandis que le 28 juin 2021, a également été immatriculée une société Airness [Localité 4] laquelle exploite un magasin à l'enseigne Airness dans lequel elle vend, depuis le 4 juin 2022, des vêtements et des chaussures de sport, le signe Airness étant reproduit sur des vêtements, les tickets de caisse et des sacs en papier, tous faits que M. [D] a fait constater par un huissier de justice le 14 juin 2022. 6. Après les avoir vainement mises en demeure de cesser ces agissements, M. [D] a, par acte d'huissier du 10 août 2022 fait assigner en référé les sociétés P4F et Airness [Localité 4] devant le délégataire du président de ce tribunal, afin d'obtenir des mesures d'interdiction d'usage du signe "Airness" par ces sociétés, ainsi que leur condamnation au paiement de diverses sommes à titre provisionnel. 7. Après un renvoi, l'affaire a été plaidée à l'audience du 7 novembre 2022. M. [D] a développé oralement les termes de ses conclusions par lesquelles il demande des mesures d'interdiction d'usage des noms de domaine conduisant au site "airness" des défenderesses, de l'enseigne, du nom commercial et de la dénomination sociale "Airness", ainsi qu'à titre de marque, des mesures de communication de documents comptables, et de condamnation solidaire de ces sociétés à lui payer une provision de 80.000 euros à valoir sur l'indemnisation du préjudice résultant de la contrefaçon, de 50.000 euros à valoir sur l'atteinte à la renommée des marques, de 50.000 euros au titre des faits distincts de concurrence déloyale et parasitaire. Subsidiairement, M. [D] formule des demandes similaires sur le fondement de la concurrence déloyale et parasitaire et, en tout état de cause, la condamnation solidaire des sociétés défenderesses à lui payer la somme de 30.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. 8. Les sociétés P4F et Airness [Localité 4] demandent quant à elle au juge des référés de rejeter les demandes de M. [D], et, en tout état de cause de limiter leur effet à la France et de les subordonner au paiement d'une garantie de 3.000.000 euros. Elles sollicitent la condamnation de M. [D] à leur payer la somme de 12.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. MOTIFS DE LA DÉCISION 1o) Sur la contrefaçon de marques Moyens des parties 9. M. [D] soutient établir la contrefaçon de ses marques par reproduction et imitation pour désigner des services identiques à ceux visés aux enregistrements, dans des conditions de nature à créer un risque de confusion. En particulier, M. [D] soutient que les signes sont utilisés pour désigner les services de vente au détail (pour lesquels l'opposition a été accueillie) par l'usage du signe "Airness" comme enseigne du magasin dédié au basket de [Localité 4], par la reproduction du signe sur des sacs et tickets de caisse, par la réservation de différents noms de domaine. Il soutient encore que le signe est utilisé pour désigner des vêtements par reproduction de la marque sur des tee-shirts. M. [D] conteste l'exploitation du signe ici pour simplement désigner des services de "Gestion commerciale de points de vente au détail; marketing; Marketing sur internet", ainsi que le soutiennent les défenderesses et conclut à la complémentarité des services de vente au détail de vêtements et chaussures de sport avec les vêtements et chaussures de sport. 10. Les sociétés P4F et Airness [Localité 4] font quant à elles valoir que la vraisemblance de la contrefaçon n'est pas établie, soutenant en premier lieu qu'elles exploitent leur marque "Airness" pour les services de "Gestion commerciale de points de vente au détail; marketing; Marketing sur internet", et ainsi, ne plus mettre en vente aucun vêtement reproduisant la marque, laquelle ne figure que sur les vêtements du personnel et des basketeurs professionnels partenaires, non destinés à la vente. Elles précisent proposer à la vente dans leurs boutiques exclusivement des produits de leurs partenaires tels que les sociétés Nike et Adidas. Elles ajoutent que le demandeur exploite principalement la version semi-figurative de sa marque, laquelle représente un panthère noire, que le public pertinent ne peut en aucun cas confondre avec sa propre marque, qui n'est de toute façon pas exploitée pour les mêmes produits ou services. Appréciation du juge des référés 11. Aux termes de l'article L.716-4-6 du code de la propriété intellectuelle, "Toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon peut saisir en référé la juridiction civile compétente afin de voir ordonner, au besoin sous astreinte, à l'encontre du prétendu contrefacteur ou des intermédiaires dont il utilise les services, toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d'actes argués de contrefaçon. (...) Saisie en référé ou sur requête, la juridiction ne peut ordonner les mesures demandées que si les éléments de preuve, raisonnablement accessibles au demandeur, rendent vraisemblable qu'il est porté atteinte à ses droits ou qu'une telle atteinte est imminente. La juridiction peut interdire la poursuite des actes argués de contrefaçon, la subordonner à la constitution de garanties destinées à assurer l'indemnisation éventuelle du demandeur ou ordonner la saisie ou la remise entre les mains d'un tiers des produits soupçonnés de porter atteinte aux droits conférés par le titre, pour empêcher leur introduction ou leur circulation dans les circuits commerciaux. (...) Elle peut également accorder au demandeur une provision lorsque l'existence de son préjudice n'est pas sérieusement contestable. (...)" 12. En outre, selon le 22ème considérant de la directive no2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle, dont les dispositions précitées constituent la transposition en droit interne, "Il est également indispensable de prévoir des mesures provisoires permettant de faire cesser immédiatement l'atteinte sans attendre une décision au fond, dans le respect des droits de la défense, en veillant à la proportionnalité des mesures provisoires en fonction des spécificités de chaque cas d'espèce, et en prévoyant les garanties nécessaires pour couvrir les frais et dommages occasionnés à la partie défenderesse par une demande injustifiée. Ces mesures sont notamment justifiées lorsque tout retard serait de nature à causer un préjudice irréparable au titulaire d'un droit de propriété intellectuelle." 13. Aux termes de l'article 9 du règlement : « 1. L'enregistrement d'une marque de l'Union européenne confère à son titulaire un droit exclusif. « 2. Sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité d'une marque de l'Union européenne, le titulaire de cette marque de l'Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe pour des produits ou services lorsque : a)ce signe est identique à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée; b) ce signe est identique ou similaire à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou services identiques ou similaires aux produits ou services pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public; le risque de confusion comprend le risque d'association entre le signe et la marque; (...)" 14. De la même manière, selon l'article L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle, "Sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public : a) La reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque, ainsi que l'usage d'une marque reproduite, pour des produits ou services similaires à ceux désignés dans l'enregistrement ; b) L'imitation d'une marque et l'usage d'une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement." 15. Interprétant les dispositions de l'article 5 § 1 de la première Directive du Conseil du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des États membres sur les marques (89/104/CEE), rédigées en termes identiques à ceux du règlement précité et dont les dispositions précitées du droit interne français réalisent la transposition, la Cour de Justice des Communautés européennes a dit pour doit que, constitue un risque de confusion au sens de ce texte, le risque que le public puisse croire que les produits ou services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d'entreprises liées économiquement (voir arrêt Canon, C-39/97, point 29 ; arrêt Lloyd Schuhfabrik, C-342/97). Selon cette même jurisprudence, l'existence d'un risque de confusion dans l'esprit du public doit être appréciée globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce (voir, arrêt SABEL, C-251/95, point 22), cette appréciation globale impliquant une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte (voir arrêt Canon, point 17). 16. Afin d'apprécier le degré de similitude existant entre les marques concernées, la juridiction nationale doit déterminer leur degré de similitude visuelle, auditive et conceptuelle, en tenant compte en particulier de leurs éléments distinctifs et dominants et, le cas échéant, évaluer l'importance qu'il convient d'attacher à ces différents éléments, en tenant compte de la catégorie de produits ou services en cause et des conditions dans lesquelles ils sont commercialisés (voir arrêt Lloyd Schuhfabrik, C-342/97). 17. Il est encore observé que, pour apprécier la similitude entre des produits ou des services, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre ces produits ou ces services ; ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire (CJCE, 29 septembre 1998, Canon, C-39/97, point 23). Parmi les facteurs pertinents, le caractère complémentaire des produits ou services est un critère autonome, susceptible de fonder, à lui seul, l'existence d'une similitude (CJUE, 21 janvier 2016, Hesse / OHMI, Porsche (Carrera), C-50/15, point 21). Pour appliquer ce critère, le Tribunal de l'Union européenne a développé une jurisprudence selon laquelle les produits ou les services complémentaires sont ceux entre lesquels existe un lien étroit, en ce sens que l'un est indispensable ou important pour l'usage de l'autre, de sorte que les consommateurs peuvent penser que la responsabilité de la fabrication de ces produits ou de la fourniture de ces services incombe à la même entreprise (TPICE, 1er mars 2005, Sergio Rossi, T-169/03, point 60 ; pour une application récente, TUE, 22 septembre 2021, Sociedade da agua de Monchique, T-195/20, point 46). 18. Force est en l'occurrence de constater que le signe "Airness" n'est pas exploité par les sociétés défenderesses pour les services de "Gestion commerciale de points de vente au détail; marketing; Marketing sur internet", comme elles l'affirment, mais pour désigner les services de vente au détail de vêtements et chaussures de sport visés à l'enregistrement de la marque verbale française opposée "Airness" no3409923 ; l'usage du signe pour désigner des produits, en l'occurrence des chaussures et des vêtements de sport n'est pas démontré. 19. Il est encore observé qu'aucune marque du demandeur, autre que la marque "Airness" no3409923, y compris semi-figurative, ne désigne les services de vente au détail de vêtements et de chaussures de sport, dont la nécessaire complémentarité avec les vêtements et chaussures de sport est ici affirmée et non caractérisée avec l'évidence requise en référé ; en effet, le public pertinent est notamment habitué à ce que les vêtements et chaussures de sport ne soient pas commercialisés par leur concepteur ou fabriquant (cf les décisions citées ci-dessus). 20. La vraisemblance de la contrefaçon ne peut donc qu'être examinée en fonction de cette marque française "Airness" no3409923. 21. Ainsi, utilisée sous sa forme purement verbale, comme par exemple à titre de nom de domaine pour donner accès à leur site marchand, par les sociétés défenderesses, le signe reproduit la marque verbale française précitée pour désigner les services de vente au détail de vêtements et chaussures de sport figurant à l'enregistrement. La vraisemblance de la contrefaçon est donc établie sans qu'il soit besoin de caractériser un risque de confusion. 22. Sous sa forme semi-figurative, le signe des sociétés défenderesses imite la marque verbale française no3409923. 23. Les signes "Airness" et sont visuellement faiblement similaires. Ils se prononcent en revanche de la même manière. Ils évoquent l'un et l'autre le surnom du joueur de basket américain [R] [F] ("Air"). Ils sont donc conceptuellement fortement similaires voire identiques. 24. Le public pertinent est ici constitué des acheteurs de vêtements et chaussures de sport ; son degré d'attention est moyen à élevé selon le prix des produits. 25. Confronté à ces signes conceptuellement identiques, pour désigner des produits et services identiques, même d'attention moyenne à élevée, le public pertinent apparaît susceptible d'attribuer une origine commune aux produits et services et, en particulier, de penser que le second est une évolution ou une déclinaison du premier. 26. La contrefaçon apparaît donc vraisemblable. Aussi, il sera fait droit aux demandes d'interdiction et de communication de pièces selon les modalités visées au dispositif de la présente décision, qui ne pourront concerner que le territoire français en l'état de la contrefaçon vraisemblable établie. Aucune circonstance ne justifie ici d'assortir la décision d'une mesure de garantie, les défenderesses ayant fait le choix assumé d'engager leur activité sur le territoire français en parfaite connaissance des titres du demandeur. 27. Les sociétés défenderesses seront condamnées in solidum à verser à M. [D] la somme forfaitaire et provisionnelle de 10.000 euros à valoir sur l'indemnisation du préjudice issu des faits de contrefaçon. 28. La demande de transfert de nom de domaine excède en revanche la compétence du juge des référés. Il n'y aura donc pas lieu à référé de ce chef. 2o) Sur l'atteinte à la renommée des marques 29. Selon l'article 9 du règlement "2. Sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité d'une marque de l'Union européenne, le titulaire de cette marque de l'Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe pour des produits ou services lorsque: (...) c) ce signe est identique ou similaire à la marque de l'Union européenne, indépendamment du fait que les produits ou services pour lesquels il est utilisé soient identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée, lorsque celle-ci jouit d'une renommée dans l'Union et que l'usage de ce signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque de l'Union européenne ou leur porte préjudice." 30. Une marque est considérée comme renommée lorsqu'elle est connue d'une partie significative du public pertinent et qu'elle exerce un pouvoir d'attraction propre, indépendant du produit ou du service qu'elle identifie, étant précisé que le public pertinent est celui concerné par la marque (CJUE, 14 septembre 1999, C-375/97, General Motors, points 24 et 26). Pour apprécier la renommée, sont notamment - mais pas exclusivement - pris en compte l'ancienneté de la marque, son succès commercial, l'importance du budget publicitaire consacré, l'étendue géographique et la durée de son usage, son référencement dans la presse ou encore l'existence de sondages (CJUE, 14 septembre 1999, C-375/97, General Motors, point 27; TUE, 10 mai 2007, T-47/06, Antartica c/OHMI et the Nasdaq Stock Market, points 46 et 52). 31. Afin de caractériser l'atteinte à la renommée d'une marque, il importe que le public concerné établisse un lien entre le signe et la marque, sans qu'il soit nécessaire d'établir l'existence d'un risque de confusion, étant précisé que l'intensité de la renommée de la marque peut être prise en compte pour apprécier l'existence d'un tel lien (CJUE, 23 octobre 2003, C-408-01, Adidas-Salomon AG et Adidas Benelux BV c/ Fitnessworld Trading ; CJUE, 27 novembre 2008, C-252-07, Intel Corporation c/ CPM United Kingdom, point 53). Enfin, ce lien établi entre le signe litigieux et la marque revendiquée doit porter préjudice au caractère distinctif de cette marque, ce qui suppose que le comportement économique du consommateur moyen ait été modifié par l'usage du signe. 32. M. [D] verse aux débats cinq articles de presse, des catalogues et des captures d'écran. Ces éléments démontrent l'exploitation des marques en France depuis de début et le milieu des années 2000, mais pas que cette marque est connue d'une partie significative du public pertinent. Il doit donc être dit n'y avoir lieu à référé sur l'atteinte à la renommée des marques "Airness" du demandeur. 3o) Sur la concurrence déloyale et parasitaire 33. M. [D] fonde ses demandes à ce titre sur le nom de domaine dont il est titulaire. Il ne justifie ce faisant d'aucun fait distinct de la contrefaçon de marque déjà retenue, non plus qu'aucun préjudice distinct. Il n'y aura donc pas lieu à référé de ce chef. 34. Parties perdantes au sens de l'article 696 du code de procédure civile, les sociétés P4F et Airness [Localité 4] seront condamnées in solidum aux dépens, ainsi qu'à payer à M. [D], sous la même solidarité imparfaite, la somme de 10.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS, Le juge des référés, FAIT DÉFENSE aux sociétés P4F et Airness [Localité 4] d'utiliser dans la vie des affaires, en France, le signe "Airness" pour désigner des services de vente au détail de chaussures et vêtements de sport, et, en particulier, à titre d'enseigne, y compris lorsqu'elle est reproduite sur des sacs et des produits publicitaires, pour désigner un magasin de vente d'articles de sport et de nom de domaine accessible aux internautes situés en France pour acheter des chaussures et vêtements de sport, et ce, sous astreinte de 1.000 euros par infraction constatée, courant à l'expiration d'un délai de 30 jours suivant la signification de la présente ordonnance et pendant 180 jours ; ENJOINT aux sociétés P4F et Airness [Localité 4] de communiquer à M. [M] [D] tous documents certifiés et propres à établir le chiffres d'affaires résultant des ventes réalisées par elles en France sous le signe "Airness" et ce, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à exécuter la présente décision courant à l'expiration d'un délai de 30 jours suivant la signification de la présente décision et pendant 180 jours ; SE RÉSERVE la liquidation des astreintes prononcées ; CONDAMNE in solidum les sociétés P4F et Airness [Localité 4] à payer à M. [M] [D] la somme provisionnelle de 10.000 euros en réparation des actes de contrefaçon vraisemblable commis ; DIT n'y avoir lieu à référé sur le surplus des demandes ; CONDAMNE in solidum les sociétés P4F et Airness [Localité 4] aux dépens; CONDAMNE in solidum les sociétés P4F et Airness [Localité 4] à payer à M. [M] [D] la somme de 10.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de plein droit à titre provisoire. Fait à [Localité 4] le 15 décembre 2022. Le Greffier, Le Président, Flore MARIGNY Nathalie SABOTIER | x |
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JURITEXT000047454928 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/45/49/JURITEXT000047454928.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 15 décembre 2022, 19/07749 | 2022-12-15 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 19/07749 | CT0087 | TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 3ème chambre 1ère section No RG 19/07749 No Portalis 352J-W-B7D-CQGEX No MINUTE : Assignation du :26 juin 2019 JUGEMENT rendu le 15 décembre 2022 DEMANDERESSE S.A.S.U. E REMY MARTIN ET Co[Adresse 3][Localité 1] représentée par Me Christian HOLLIER-LAROUSSE de l'ASSOCIATION HOLLIER-LAROUSSE & Associés, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0362 DÉFENDERESSES S.A.R.L ELS[Adresse 4][Localité 6] représentée par Me Gérard HAAS de la SELARL HAAS SOCIETE D'AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #K0059 & Me Caroline PECHIER de la SELARL JURICA, avocat au barreau de la CHARENTE, avocat plaidant S.A.R.L. BACCHUS BOLLEE[Adresse 5][Localité 9] représentée par Me Pierre MASSOT de la SELARL ARENAIRE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #G0252 S.A.R.L. COGNAC EMBOUTEILLAGE[Adresse 13][Localité 2] représentée par Me Thibault LACHACINSKI, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #E0730 & Me Marie CHAMFEUIL, avocat au barreau de BORDEAUX COMPOSITION DU TRIBUNAL Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointeElodie GUENNEC, Vice-présidenteMalik CHAPUIS, Juge, assistés de Caroline REBOUL, Greffière DEBATS A l'audience du 19 septembre 2022 tenue en audience publique, avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu le 17 novembre 2022. Le délibéré a été prorogé au 15 décembre 2022. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffeContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DU LITIGE : 1. La socie te E. [S] Martin & Co se pre sente comme l'une des plus anciennes maisons de cognac et indique bénéficier d'une réputation mondiale. 2. Elle est titulaire des marques suivantes : -la marque verbale française « LOUIS XIII DE RE MY MARTIN » no 94 529 471, de pose e le 19 juillet 1994 dans la classe 33 pour de signer les « boissons alcoolisées, à l'exception des bie res », -la marque verbale de l'Union Europe enne « LOUIS XIII » no 12 035 747, de pose e le 1er aou t 2013 dans les classes 33, 41 et 43 pour de signer notamment les « boissons alcoolise es (a l'exception des bie res), a savoir cognac, brandy, eaux de vie...boissons spiritueuses...ape ritifs, digestifs... ». 3.La société Bacchus Bollee se présente comme une entreprise spécialisée dans le négoce de vins et spiritueux et la fabrication de boissons alcoolisées, notamment du brandy. 4. La socie te Cognac Embouteillage se présente comme ayant pour activité principale est le conditionnement de vins et spiritueux. 5. La société ELS se présente comme spécialisée dans l'embouteillage et le conditionnement des vins et spiritueux. 6. Le 4 juin 2019, la Direction ge ne rale des douanes et droits indirects a mis en retenue au sein de ses locaux un certain nombre de marchandises, essentiellement des bouteilles de brandy, qu'elle soupc onnait d'e tre des produits contrefaisants. 7. Parmi ces marchandises, des bouteilles conditionnées par les sociétés Cognac Embouteillage et ELS, notamment pour la société Uni-Harmonac, aujourd'hui Bacchus Bollee. 8. Par acte du 26 juin 2019, la société E. [S] Martin & Co a assigné en justice, les sociétés Bacchus Bollee, ELS et Cognac Embouteillage devant le tribunal judiciaire de Paris, en contrefaçon des marques verbales française et de l'Union europe enne estimant que l'objet de la retenue, en particulier la désignation "PRINCE LOUIS" porte atteinte à ses droits. 9. Par des conclusions d'incident signifie es par la voie e lectronique le 3 novembre 2020, la socie te Bacchus Bollee a sollicité du juge de la mise en e tat qu'il dise le tribunal de Paris partiellement incompétent pour connaître des demandes. 10. Par une ordonnance du 18 décembre 2020, le juge de la mise en état a rejeté l'incident formé par la socie te Bacchus Bollee et condamné cette dernière a payer a la socie te E. RE MY MARTIN & Co, la somme de 1000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de proce dure civile, réservant les dépens. 11. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 17 décembre 2021, la société E. [S] Martin & Co demande au tribunal de : En application des dispositions du Règlement (UE) no 2017/2001 du 14 juin 2017 sur la Marque de l'Union Européenne, et des articles1240 du Code civil et L. 711-1 et suivants du Code de la Propriété Intellectuelle, et de l'article 1240 du Code Civil, -la dire propriétaire des marques suivantes :*la marque dénominative « LOUIS XIII DE [Localité 11] MARTIN » no94 529 471 pour désigner des « Boissons alcooliques (à l'exception des bières) »,*la marque de l'Union Européenne « LOUIS XIII » no 12 035 747, déposée le 1er aout 2013 pour désigner notamment les « boissons alcoolisées (à l'exception des bières), à savoir cognac, brandy, eaux de vie...boissons spiritueuses...liqueurs...apéritifs, digestifs... »,-rejeter les demandes présentées par les défenderesses,-dire qu'en conditionnant et commercialisant du brandy sous la dénomination PRINCE LOUIS, la Société Cognac Embouteillage, la société ELS et la société Bacchus Bollee se sont rendues coupables de contrefaçon de la marque dénominative LOUIS XIII DE [Localité 11] MARTIN no 94 529 471, et de la marque de l'Union Européenne « LOUIS XIII » no 12 035 747,-interdire à la Société Cognac Embouteillage, à la société ELS et à la société Bacchus Bollee de conditionner et de commercialiser des alcools sous la dénomination PRINCE LOUIS, ainsi que toute dénomination comportant le terme « LOUIS », et ce sous astreinte définitive de 1.000 euros par infraction constatée à compter du délai d'un mois suivant la signification du jugement à intervenir.-condamner in solidum la Société Cognac Embouteillage, la société ELS et la société Bacchus Bollee à verser à la Société E. Remy Martin & Co la somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts, quitte à parfaire.-à titre subsidiaire, ordonner aux sociétés défenderesses de communiquer à la société E. Remy Martin & Co tous les documents commerciaux relatifs au conditionnement et à l'embouteillage et à la commercialisation de brandy sous la dénomination « PRINCE LOUIS », pendant la période non prescrite (postérieure au 26 juin 2014), pour lui permettre d'évaluer le préjudice subi du fait de la contrefaçon.-autoriser la Société E. Remy Martin & Co à faire procéder à la publication du jugement à intervenir dans 5 journaux ou revues de son choix, aux frais in solidum de la Société Cognac Embouteillage, de la société ELS et de la société Bacchus Bollee dans la limite de 30.000 euros (H.T.).-condamner in solidum la Société Cognac Embouteillage, la société ELS et la société Bacchus Bollee à verser à la Société E. Remy Martin & Co la somme de 50.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.-condamner in solidum la Société Cognac Embouteillage, la société ELS et à la société Bacchus Bollee en tous les dépens, dont distraction au profit de Maître Christian HOLLIER-LAROUSSE, avocat. 12. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 9 novembre 2021, la société Cognac Embouteillage demande au tribunal de : Vu les articles 1240 du Code civil, L713-1 et suivants et L. 716-1 du Code de la proprie te intellectuelle, A titre principal :-de bouter la socie te E. Remy Martin & Co de l'ensemble de ses demandes,-subsidiairement, réduire le montant des dommages et intérêts à la somme de 1 euro symbolique,-condamner la société Bacchus Bollee a garantir et relever indemne la socie te Cognac Embouteillage de toutes condamnations qui pourraient être prononce es a son encontre,-condamner la socie te E. REMY MARTIN & Co a payer a la socie te Cognac Embouteillage une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de proce dure civile,-condamner la socie te E. REMY MARTIN & Co aux entiers de pens de l'instance. 13. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 10 novembre 2021, la société ELS demande au tribunal de : Vu l'article 9.2 b du Re glement (UE) 2017/1001 du Parlement europe en et du Conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union europe enne, Vu les articles L. 713-3 et L. 714-5 du Code de la proprie te intellectuelle et l'article 32-1 du code de procédure civile,-prononcer la de che ance partielle, sur le fondement de l'article L. 714-5 du CPI, de la marque verbale franc aise « LOUIS XIII DE [Localité 11] MARTIN » no94 529 471 pour tous les produits couverts a l'exception des « eaux-de-vie de vin be ne ficiant de l'appellation d'origine contrôle e Cognac », a compter du 23 de cembre 1999, en raison du de faut d'usage se rieux de cette marque,-débouter la socie te E.REMY MARTIN & CO de l'ensemble de ses demandes, fins et pre tentions,-subsidiairement, si le tribunal « venait a constater l'existence d'acte de contrefaçon », condamner la socie te ELS a la garantir et relever indemne de toutes les condamnations qui pourraient e tre prononce es a son encontre au profit de la socie te E. REMY MARTIN & CO,-condamner la socie te E. Remy Martin & Co a payer a la socie te ELS la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de proce dure civile, ainsi qu'aux entiers de pens dont distraction est sollicite e au profit de Mai tre Ge rard Haas conforme ment aux dispositions de l'article 699 du code de proce dure civile ; 14. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 4 février 2022, la société Bacchus Bollee demande au tribunal de : Vu l'article 267 du Traite sur le fonctionnement de l'Union europe enne, les dispositions du Re glement (UE) no 2017/1001 du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union Europe enne, et les articles L.711-1 et suivants, L.716-3, L.714-4 L.714-5, du code de -la dire recevable en ses demandes de déchéance partielle et de nullité,-prononcer la de che ance des droits de la socie te E. Remy Martin & Co sur les marques suivantes pour de faut d'exploitation se rieuse la marque franc aise « LOUIS XIII DE [Localité 11] MARTIN » no94529471 pour tous les produits de la classe 33, a l'exception de la sous-cate gorie des eaux- de-vie de vin be ne ficiant de l`AOC Cognac a compter du 19 de cembre 1999 ;-prononcer la nullite pour de po t frauduleux de la marque « LOUIS XIII » no12035747, pour tous les produits de la classe 33, a l'exception de la sous-cate gorie des eaux-de-vie de vin be ne ficiant de l'AOC Cognac.-ordonner que la de cision une fois de finitive soit transmise a l'INPI et a l'Office de l'Union europe enne pour la proprie te intellectuelle par le greffe ou a l'initiative de la partie la plus diligente pour inscription aux registres national et europe en des marques.-débouter la société E. Remy Martin & Co de ses demandes,-condamner la socie te E. Remy Martin & Co a verser a la socie te Bacchus Bollee la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de proce dure civile ;-condamner la socie te E. Remy Martin & Coaux entiers de pens, dont distraction au profit de la SELARL Arenaire epre sente e par Mai tre Pierre Massot, avocat, conforme ment aux dispositions de l'article 699 du Code de proce dure civile. 15. Il est renvoyé aux dernières écritures des parties pour plus ample exposé des faits, moyens et prétentions qui y sont contenus. 16. L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 février 2022, l'affaire plaidée le 19 septembre 2022 et la décision mise en délibéré au 17 novembre 2022 et prorogée au 15 décembre 2022. SUR CE 1. Sur la déchéance de la marque française « Louis XIII de [S] Martin » Moyens des parties 17. La société E. Remy Martin & Co soutient que sa marque est exploitée au sens de l'article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle et ne peut encourir la déchéance. Elle se prévaut du libellé de la classe 33 « boissons alcoolisées à l'exception des bières » pour dire que le Cognac est bien une boisson alcoolisée au sens de ce texte. Selon son argument, le Cognac relève d'une « catégorie de produits ou services définis de façon tellement précise et circonscrite » qu'il n'est pas possible d'opérer de divisions significatives en son sein. La société E. Remy Martin & Co ne conclut pas sur l'existence d'une sous-catégorie autonome constituée des eaux-de-vie de vin bénéficiant de l'appellation d'origine contrôlée « Cognac ». Elle estime l'enregistrement de sa marque valable selon les critères du e. de l'article 2 du décret du 31 janvier 1992. Elle rappelle un précédent ([Localité 8], 21 novembre 2017 no16/09255) ayant jugé, selon sa lecture, que le Champagne est une boisson alcoolisée et un « vin mousseux » ne pouvant donc justifier la déchéance d'une marque pour les vins qui ne bénéficieraient pas de l'AOC « Champagne ». Elle précise que sa marque désigne des produits qui ne sont pas essentiellement différents car alcoolisés, incluent des produits visés par la demande de marque, des boissons alcoolisées, et que « le brandy constitue un produit identique aux « boissons alcoolisées » désignées par [ses] marques ». 18. La société SARL Bacchus Bollee soutient que l'article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle prévoit la déchéance du droit du titulaire qu'une marque qui n'en a pas fait un usage sérieux pendant une période de cinq ans. Elle rappelle que la Cour de justice de l'Union européenne distingue pour les catégories de produits ou de services « suffisamment larges » leurs différentes « sous-catégories autonomes ». Selon son argument il convient d'appliquer le critère du non usage à chaque sous-catégorie autonome. La société SARL Bacchus Bollee estime ainsi que la marque nationale « LOUIS XIII DE [Localité 11] MARTIN », déposée en classe 33, n'est utilisée que pour du Cognac et qu'en conséquence la déchéance est encourue pour toute ladite catégorie à l'exception de la sous-catégorie « eau-de-vie de vin bénéficiant de l'AOC Cognac » qu'elle qualifie de « parfaitement identifiable ». 19. La société SARL ELS soutient également que la déchéance de la marque litigieuse est encourue pour tous les produits couverts à l'exception des « eaux-de-vie de vin bénéficiant de l'appellation d'origine contrôlée Cognac ». Elle rappelle que la protection ne couvre pour les catégories de produits ou de services « suffisamment larges » les « sous-catégories autonomes » dont relèvent les produits ou services pour lesquels la marqué a été effectivement utilisée. Elle estime que les « Cognac » se distinguent des « brandy » en raison du cahier des charges de l'appellation d'origine contrôlée « Cognac » ou « Eaux-de-vie de Cognac » ou « Eaux-de-vie des Charentes », homologué par le décret no2015-10 du 7 janvier 2015, modifié par arrêté du 8 novembre 2018. 20. La société SARL Cognac Embouteillage ne conclut pas sur ce point. Appréciation du tribunal 21. Aux termes de l'article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle « encourt la déchéance de ses droits le titulaire de la marque qui, sans justes motifs, n'en a pas fait un usage sérieux, pour les produits ou services pour lesquels la marque est enregistrée, pendant une période ininterrompue de cinq ans. Le point de départ de cette période est fixé au plus tôt à la date de l'enregistrement de la marque suivant les modalités précisées par un décret en Conseil d'Etat. / Est assimilé à un usage au sens du premier alinéa :1o L'usage fait avec le consentement du titulaire de la marque ;2o L'usage fait par une personne habilitée à utiliser la marque collective ou la marque de garantie ;3o L'usage de la marque, par le titulaire ou avec son consentement, sous une forme modifiée n'en altérant pas le caractère distinctif, que la marque soit ou non enregistrée au nom du titulaire sous la forme utilisée ;4o L'apposition de la marque sur des produits ou leur conditionnement, par le titulaire ou avec son consentement, exclusivement en vue de l'exportation ». 22. La Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit dans sa décision Ansul BV du 11 mars 2003 (C-40/01) que : « l'article 12, paragraphe 1, de la directive doit être interprété en ce sens qu'une marque fait l'objet d'un «usage sérieux» lorsqu'elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l'identité d'origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et services, à l'exclusion d'usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque. L'appréciation du caractère sérieux de l'usage de la marque doit reposer sur l'ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l'exploitation commerciale de celle-ci, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l'étendue et la fréquence de l'usage de la marque. La circonstance que l'usage de la marque ne concerne pas des produits nouvellement offerts sur le marché mais des produits déjà commercialisés n'est pas de nature à priver cet usage de son caractère sérieux, si la même marque est effectivement utilisée par son titulaire pour des pièces détachées entrant dans la composition ou la structure de ces produits ou pour des produits ou des services qui se rapportent directement aux produits déjà commercialisés et qui visent à satisfaire les besoins de la clientèle de ceux-ci ». 23. La Cour de justice de l'Union européenne rappelle par sa décision Ferrari SpA du 22 octobre 2020 (C-720/18 et C-721/18) que : « 33. L'appréciation du caractère sérieux de l'usage de la marque doit reposer sur l'ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l'exploitation commerciale de celle-ci, en particulier les usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque, la nature de ces produits ou de ces services, les caractéristiques du marché, l'étendue et la fréquence de l'usage de la marque (arrêt du 11 mars 2003, Ansul, C-40/01, EU:C:2003:145, point 43). (...) 36. Il ressort de l'article 13 de la directive 2008/95 que, si un motif de déchéance, tel que celui prévu à l'article 12, paragraphe 1, de cette directive, n'existe que pour une partie des produits ou des services pour lesquels cette marque est déposée ou enregistrée, la déchéance ne s'étend qu'aux produits ou aux services concernés. 37.S'agissant de la notion de « partie des produits ou services » visée à l'article 13 de la directive 2008/95, il y a lieu de relever que le consommateur désireux d'acquérir un produit ou un service relevant d'une catégorie de produits ou de services ayant été définie de façon particulièrement précise et circonscrite, mais à l'intérieur de laquelle il n'est pas possible d'opérer des divisions significatives, associera à une marque enregistrée pour cette catégorie de produits ou de services l'ensemble des produits ou des services appartenant à celle-ci, de telle sorte que cette marque remplira sa fonction essentielle de garantir l'origine pour ces produits ou ces services. Dans ces circonstances, il est suffisant d'exiger du titulaire d'une telle marque d'apporter la preuve de l'usage sérieux de sa marque pour une partie des produits ou des services relevant de cette catégorie homogène (voir, par analogie, arrêt du 16 juillet 2020, ACTC/EUIPO, C-714/18 P, EU:C:2020:573, point 42). 38. En revanche, en ce qui concerne des produits ou des services rassemblés au sein d'une catégorie large, susceptible d'être subdivisée en plusieurs sous-catégories autonomes, il est nécessaire d'exiger du titulaire d'une marque enregistrée pour cette catégorie de produits ou de services d'apporter la preuve de l'usage sérieux de sa marque pour chacune de ces sous-catégories autonomes, à défaut de quoi il sera susceptible d'être déchu de ses droits à la marque pour les sous-catégories autonomes pour lesquelles il n'a pas apporté une telle preuve (voir, par analogie, arrêt du 16 juillet 2020, ACTC/EUIPO, C-714/18 P, EU:C:2020:573, point 43). 39. En effet, si le titulaire d'une marque a enregistré sa marque pour une large gamme de produits ou de services qu'il pourrait éventuellement commercialiser, mais qu'il ne l'a pas fait pendant une période ininterrompue de cinq ans, son intérêt à bénéficier de la protection de sa marque pour ces produits ou services ne saurait prévaloir sur l'intérêt des concurrents à utiliser un signe identique ou similaire pour lesdits produits ou services, voire de demander l'enregistrement de ce signe en tant que marque (voir, par analogie, arrêt du 16 juillet 2020, ACTC/EUIPO, C-714/18 P, EU:C:2020:573, point 43). 40. En ce qui concerne le critère pertinent ou les critères pertinents à appliquer aux fins de l'identification d'une sous-catégorie cohérente de produits ou de services susceptible d'être envisagée de manière autonome, le critère de la finalité et de la destination des produits ou des services en cause constitue le critère essentiel aux fins de la définition d'une sous-catégorie autonome de produits (voir, par analogie, arrêt du 16 juillet 2020, ACTC/EUIPO, C-714/18 P, EU:C:2020:573, point 44) ». 24. Par cette même décision Ferrari SpA (C-720/18 et C-721/18) la Cour de justice précise que « la finalité et la destination des produits ou des services » en cause constitue le critère essentiel aux fins de la définition d'une sous-catégorie autonome de produits ou de services (§41 et C-714/18 §46), ce qui suppose une analyse « concrète » des produits ou des services pour lesquels la preuve de l'usage de la marque est rapportée (§42 et C-714/18 §46). 25. Ainsi, « seule importe, à cet égard, la question de savoir si le consommateur désireux d'acquérir un produit ou un service relevant de la catégorie de produits ou de services visée par la marque en cause associera à cette marque l'ensemble des produits ou des services appartenant à cette catégorie » (§43), à l'exclusion de la notion de « segment spécifique du marché » (§42). 26. Ne peuvent à ce titre suffire à caractériser « la finalité et de la destination des produits ou des services » un prix particulièrement élevé, la notion de « luxe » auquel revoie le produit ou les différentes finalités que ces produits peuvent avoir (§45-48). 27. Il appartient ainsi au tribunal saisi d'une demande de déchéance fondée sur l'article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle de réaliser un contrôle eu égard à la nature du produit et aux caractéristiques du marché considéré tenant, d'une part, au caractère restreint ou large de la catégorie considérée puis, d'autre part lorsque la catégorie est large, au champ d'application d'une ou plusieurs sous-catégories autonomes au regard des critères de leur finalité et de leur destination. 28. La démonstration du caractère particulièrement précis et circonscrit, ou bien large, de la catégorie, repose sur le titulaire de la marque qui doit justifier de son « usage sérieux » conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l'identité d'origine des produits ou des services. 29. S'il est établi que la catégorie du produit est large, il appartient alors au titulaire qui se voit opposer l'absence d'usage sérieux de sa marque de prouver, d'une part, l'existence d'une ou plusieurs sous-catégories autonomes, dont il peut seul se prévaloir afin de préserver la protection que lui confère sa marque et, d'autre part, l'usage sérieux du produit ou l'existence d'un juste motif, au sein de cette sous-catégorie. 30. Ce contrôle n'est pas abstrait et objectif mais concret, et spécifique aux seuls éléments soumis à la juridiction. Il varie selon la nécessité de concilier les droits du titulaire à créer ou conserver un débouché pour ces produits et services, avec l'intérêt des concurrents à utiliser un signe identique ou similaire pour lesdits produits ou services, voire de demander l'enregistrement de ce signe en tant que marque. 31. En l'espèce, il appartient à la société E. Remy Martin & Co de démontrer l'usage sérieux de sa marque verbale franc aise « LOUIS XIII DE RE MY MARTIN » no 94 529 471 pendant une période ininterrompue de cinq ou d'un juste motif de nature à écarter la déchéance, au sens de l'article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle. 32. La demande de déchéance porte sur « tous les produits de la classe 33, a l'exception de la sous-cate gorie des eaux-de-vie de vin be ne ficiant de l`AOC Cognac a compter du 19 de cembre 1999 ». 33. La classe 33 prévue par l'arrangement de [Localité 7] du 15 juin 1957 est ainsi libellée « boissons alcoolisées à l'exception des bières ; préparations alcoolisées pour faire des boissons ». 34. Il est établi que le Cognac est bien une boisson alcoolisée, et relève donc de cette catégorie. 35. Il n'est pas contesté par les parties que la société E. Remy Martin & Co justifie de l'usage sérieux depuis le dépôt de sa marque, s'agissant de la seule eau-de-vie de vin bénéficiant de l'AOC Cognac, qu'elle commercialise, et pour laquelle elle dispose d'un savoir-faire dont conviennent les sociétés défenderesses. Ce produit est donc protégé par la marque verbale en litige.. 36. La déchéance n'est donc pas encourue pour la catégorie des « boissons alcoolisées à l'exception des bières ; préparations alcoolisées pour faire des boissons » si celle-ci est qualifiée de catégorie « particulièrement précise et circonscrite (...) à l'intérieur de laquelle il n'est pas possible d'opérer des divisions significatives » au sens de la jurisprudence qui précède. 37. La déchéance peut, en revanche, être partiellement encourue si la marque verbale en litige est déposée au sein d'une « catégorie large, susceptible d'être subdivisée en plusieurs sous-catégories autonomes ». 38. Est donc débattu le caractère précis et circonscrit, ou large, de la catégorie 33, boissons alcoolisées à l'exception des bières et préparations alcoolisées pour faire des boissons. 39. La jurisprudence de la cour d'appel de Paris, citée en demande (Paris, 21 novembre 2017 no16/09255), identifie au contraire le Champagne, alors en litige et par comparaison, comme faisant partie, dans les circonstances de cette affaire, d'une « catégorie générique » des « vins mousseux ». 40. Le Tribunal de l'Union européenne dans une affaire [M] [H], SA du 29 avril 2009 (T-430/07) s'est fondé sur un faisceau d'indices (§29-37) pour dire que la classe 33 est une catégorie large. Étaient ainsi pris en compte par le Tribunal de l'Union européenne pour comparer deux produits alcoolisés en litige : leur nature tenant à leurs ingrédients méthodes de production au goût au parfum et à la couleur du produit, leur provenance géographique, l'utilisation en particulier pendant les repas ou non, le degrés d'alcool des produits, leurs canaux de distribution la complémentarité éventuelle et la circonstance qu'ils soient ou non concurrents. 41. Les critères définis par la Cour de justice pour identifier l'existence de sous-catégories autonomes et, par voie de conséquence, le caractère « large » de la classe litigieuse sont celui de la finalité et celui de la destination. 42. Les parties communiquent peu d'éléments permettant d'apprécier ces critères. La principale source écrite permettant de décrire le produit en litige est le cahier des charges de l'AOC Cognac versé aux débats. 43. S'agissant de la destination, le Cognac est une « eau-de-vie produite à partie de vins récoltés et distillés », pouvant être également appelée « brandy », nom provenant du néerlandais « brandwijn » signifiant « vin brûlé » en référence au procédé de distillation. 44. L'origine géographique du Cognac est protégée comme devant provenir de vins de la région de Cognac ou plus largement des Charentes, disposant d'un climat tempéré et homogène et d'une alimentation hydrique régulière. Cet espace est étendu pourvu que les procédés de vinification, de distillation et de vieillissement soient maintenus dans la région des Charentes. 45. Son procédé de fabrication repose sur une double distillation immédiatement après leur récolte de vins faiblement alcoolisés (7 à 12%), acides, et récoltés annuellement sur des vignes à maturité tardives disposant d'une densité et d'un écartement spécifique. 46. Le Cognac suppose l'utilisation d'un alambic aux caractéristiques spéciales à l'exclusion de certaines méthodes de production : industrielle, par pompes de centrifuge ou par palettes ou presse continue. Le produit est ensuite vieilli en fût exclusivement composé de bois de chêne pendant au minimum deux ans, son vieillissement modifiant son arôme et sa qualité. 47. S'agissant de la finalité, le Cognac est un alcool fort présentant un titre alcoométrique volumique compris entre 40% et 72%. 48. Sa fréquence de consommation n'est pas décrite par les pièces produites à l'exception de suggestions publicitaires qui font référence à un « digestif » en fin de repas, à un accompagnement avec des produits de consommation luxueuse ou occasionnelle. 49. Sa couleur varie selon son vieillissement mais doit comporter une absorbance minimale. Un Cognac jeune évolue du jaune pâle vers le jaune d'or. Vieilli, il prend des teintes ambrées devenant de couleur acajou pour les plus vieux. 50. Son goût est caractérisé par sa finesse aromatique et sa complexité. Il est décrit comme floral et fruité, évoluant par vieillissement vers la rondeur, par des notes de vanille, de noix de coco, de fruits secs ou confits, de tabacs, ou des caractères de torréfaction. 51. Le Cognac est historiquement un produit d'exportation majoritairement consommé hors de France, à 95% selon le cahier des charges de l'AOC précitée. Aucune pièce ne permet de déterminer ses canaux de distribution. 52. Les parties conviennent que certains Cognac peuvent constituer des produits de luxe et d'exception alors que d'autres peuvent avoir une qualité moyenne. 53. S'agissant de la garantie de l'identité d'origine des produits ou des services visés par la marque, il résulte de ce qui précède que le Cognac est une eau-de-vie de vin d'une grande qualité disposant d'outils de production spécifiques et d'une origine géographique protégés, ainsi que d'un goût et d'un aspect caractéristiques permettant de le distinguer d'autres eaux-de-vie. 54. Cette seule qualité permet de le distinguer des autres eaux-de-vie et l'inscrit dans un segment spécifique de marché ; notion indifférente à l'identification d'une sous-catégorie autonome ainsi qu'il a été exposé plus avant. 55. Ces différences permettent aux producteurs de Cognac de créer ou de conserver des débouchés par comparaison avec d'autres eaux-de-vie de vin distillées 56. Une sous-catégorie autonome « eau-de-vie de vin bénéficiant de l'AOC Cognac » aurait, au contraire, pour effet de rendre communes ces caractéristiques à tous les producteurs portant atteinte à la garantie de l'identité d'origine des produits en cause. 57.La destination et la finalité du Cognac permettent, ces éléments déduits, de constater qu'il est produit à base de vin par un procédé de distillation qui marque sa cohérence, et permet sa comparaison avec des autres eaux-de-vie de vin de qualité moindre, équivalente ou supérieure. 58. Il n'est pas démontré par le titulaire de la marque qu'il en serait de même avec l'ensemble des alcools, hors bières, visés par la classe 33. 59. En l'absence d'une argumentation développée du titulaire de la marque sur la délimitation d'une sous-catégorie autonome plus large, il sera donc relevé que les eaux-de-vie de vin, autrement appelées brandy, constituent une sous-catégorie autonome pertinente au cas d'espèce. 60. L'usage sérieux d'une eau-de-vie de vin étant établie de manière constante depuis le dépôt de la marque, la société E. Remy Martin & Co ne saurait en être déchue au sein de cette sous-catégorie autonome. 61. L'usage sérieux n'est en revanche pas démontré pour d'autres alcools hors bière au sens de la classe 33 en litige pour laquelle la marque est déposée. 62. Il convient donc de faire droit à la demande de déchéance pour l'ensemble de la classe 33 à l'exception des eaux-de-vie de vin, autrement appelées brandy. 2. Sur la demande de nullité de la marque de l'Union européenne « LOUIS XIII » 63. La société E. Remy Martin & Co estime que sa marque verbale de l'Union européenne « LOUIS XIII » est régulière. Elle rappelle que la marque nationale LOUIS XIII DE [Localité 11] MARTIN et celle-ci n'ont ni le même signe ni le même territoire ce qui, selon elle, exclut la fraude. Elle rappelle n'être pas tenue de connaître avec précision l'usage qu'elle fera de sa marque au moment de son dépôt ; que rien ne démontre qu'elle n'avait pas l'intention d'utiliser sa marque pour des boissons alcoolisées. Elle ajoute que le seul fait de ne pas avoir exploité certains produits utilisés ne démontre pas la fraude ; qu'elle fait partie d'un groupe [Localité 11] Cointreau qui commercialise d'autres boissons que le Cognac. Elle dénonce la demande de nullité comme ce qu'elle qualifie de « chantage » pour la faire renoncer à son action, rejette l'idée de monopole mais dit souhaiter pouvoir s'opposer à une imitation du signe pour d'autres boissons alcoolisées que le Cognac. 64. La société SARL Bacchus Bollee expose que le dépôt d'une marque sans intention de l'utiliser constitue un acte de mauvaise foi au sens de l'article 59 du règlement 2017/1001 du 14 juin 2017 et par application de l'adage fraus omnia corrumpit. Elle rappelle des décisions du présent tribunal ayant retenu cette qualification pour des dépôts successifs, selon sa lecture, en tenant compte d'une volonté de contourner le risque de déchéance et de maintenir un monopole sur un vocable prisé pour sa dimension symbolique. Elle précise que la société E. Remy Martin & Co n'a jamais utilisé le signe « LOUIS XIII » que pour des Cognacs et a donc, selon son moyen, par fraude, mentionné d'autres catégories d'alcool. Elle mentionne le dépôt le 17 juin 2021 d'une marque « LOUIS XIII THE DROP » pour les seules eaux de vie bénéficiant de l'AOP Cognac comme démontrant son argument. 65. La société SARL ELS ne conclut pas sur ce point. 66. La société SARL Cognac Embouteillage ne conclut pas sur ce point. Appréciation du tribunal 67. Selon l'article 52, « causes de nullité absolue », du règlement 207/2009 du 26 février 2009, applicable, au regard de la date de dépôt fixée au 1er août 2013, en application de l'article 167 du même règlement : « 1. La nullité de la marque communautaire est déclarée, sur demande présentée auprès de l'Office ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon:a) lorsque la marque communautaire a été enregistrée contrairement aux dispositions de l'articleb) lorsque le demandeur était de mauvaise foi lors du dépôt de la demande de marque.2. Lorsque la marque communautaire a été enregistrée contrairement à l'article 7, paragraphe 1, point b), c) ou d), elle ne peut toutefois être déclarée nulle si, par l'usage qui en a été fait, elle a acquis après son enregistrement un caractère distinctif pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée.3. Si la cause de nullité n'existe que pour une partie des produits ou des services pour lesquels la marque communautaire est enregistrée, la nullité de la marque ne peut être déclarée que pour les produits ou les services concernés ». 68. La Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit par son arrêt du 29 janvier 2020, Sky plc et alii aff. C-371/18 que « 1) Les articles 7 et 51 du règlement (CE) no40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire, tel que modifié par le règlement (CE) no1891/2006 du Conseil, du 18 décembre 2006, ainsi que l'article 3 de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques, doivent être interprétés en ce sens qu'une marque communautaire ou une marque nationale ne peut pas être déclarée totalement ou partiellement nulle au motif que des termes employés pour désigner les produits et les services pour lesquels cette marque a été enregistrée manquent de clarté et de précision. 2) L'article 51, paragraphe 1, sous b), du règlement no 40/94, tel que modifié par le règlement no1891/2006, et l'article 3, paragraphe 2, sous d), de la première directive 89/104 doivent être interprétés en ce sens qu'une demande de marque sans aucune intention de l'utiliser pour les produits et les services visés par l'enregistrement constitue un acte de mauvaise foi, au sens de ces dispositions, si le demandeur de cette marque avait l'intention soit de porter atteinte aux intérêts de tiers d'une manière non conforme aux usages honnêtes, soit d'obtenir, sans même viser un tiers en particulier, un droit exclusif à des fins autres que celles relevant des fonctions d'une marque. Lorsque l'absence d'intention d'utiliser la marque conformément aux fonctions essentielles d'une marque ne concerne que certains produits ou services visés par la demande de marque, cette demande ne constitue un acte de mauvaise foi que pour autant qu'elle vise ces produits ou services ». 69. Par cette même décision, la Cour de justice rappelle que : « 73. (?) ni ce règlement ni cette directive [no89/104] ne fournissent de définition de la notion de « mauvaise foi ». Il y a toutefois lieu d'observer que cette notion est une notion autonome du droit de l'Union et que, eu égard à la nécessité d'une application cohérente des régimes des marques nationaux et de l'Union, ladite notion doit être interprétée de la même manière tant dans le contexte de la première directive 89/104 que dans celui du règlement no40/94 (voir, par analogie, arrêt du 27 juin 2013, Malaysia Dairy Industries, C-320/12, EU:C:2013:435, points 34 et 35). 74. La Cour a eu l'occasion de juger que, outre le fait que, conformément à son sens habituel dans le langage courant, la notion de « mauvaise foi » suppose la présence d'un état d'esprit ou d'une intention malhonnête, il convient, aux fins de son interprétation, de prendre en considération le contexte particulier du droit des marques, qui est celui de la vie des affaires. À ce titre, les règles de l'Union en matière de marques visent, en particulier, à contribuer au système de concurrence non faussée dans l'Union, dans lequel chaque entreprise doit, afin de s'attacher la clientèle par la qualité de ses produits ou de ses services, être en mesure de faire enregistrer en tant que marques des signes permettant au consommateur de distinguer sans confusion possible ces produits ou ces services de ceux qui ont une autre provenance (arrêt du 12 septembre 2019, Koton Ma azacilik Tekstil Sanayi ve Ticaret/EUIPO, C-104/18 P, EU:C:2019:724, point 45 et jurisprudence citée). (?) 76. Certes, le demandeur d'une marque n'est pas tenu d'indiquer, ni même de connaître, avec précision, à la date du dépôt de sa demande d'enregistrement ou de l'examen de celle-ci, l'usage qu'il fera de la marque demandée et il dispose d'un délai de cinq ans pour entamer un usage effectif conforme à la fonction essentielle de cette marque [voir, en ce sens, arrêt du 12 septembre 2019, Deutsches Patent- und Markenamt (#darferdas?), C-541/18, EU:C:2019:725, point 22]. 77. Toutefois, (...) l'enregistrement d'une marque sans que le demandeur ait aucune intention de l'utiliser pour les produits et les services visés par cet enregistrement est susceptible d'être constitutif de mauvaise foi, dès lors que la demande de marque est privée de justification au regard des objectifs visés par le règlement no40/94 et la première directive 89/104. Une telle mauvaise foi ne peut cependant être caractérisée que s'il existe des indices objectifs pertinents et concordants tendant à démontrer que, à la date du dépôt de la demande d'enregistrement de la marque considérée, le demandeur de celle-ci avait l'intention soit de porter atteinte aux intérêts de tiers d'une manière non conforme aux usages honnêtes, soit d'obtenir, sans même viser un tiers en particulier, un droit exclusif à des fins autres que celles relevant des fonctions d'une marque ». 70. En l'espèce, selon certificat de dépôt du 1er août 2013, la société E. Remy Martin & Co a déposé la marque de l'Union européenne « LOUIS XIII » dans les classes 33, 41 et 43 prévues par l'arrangement de [Localité 7] du 15 juin 1957. 71. L'argumentation des parties ne portant que sur la classe 33 qui précède, la juridiction n'est donc saisie que d'une demande de nullité portant sur cette catégorie par application de l'article 4 du code de procédure civile. 72. Le certificat de dépôt mentionne au titre de cette classe 33 « à savoir cognac, brandy, eaux-de-vie, rhum, whisky, boissons spiritueuses, alcool de riz, vodka, gin, saké, tequila , aquavit, liqueurs, vins tranquilles, extraits alcooliques, essences alcooliques, apéritifs, digestifs, cidres et cocktails alcoolisés ». 73. La démonstration du caractère frauduleux du dépôt repose sur la société SARL Bacchus Bollee, demanderesse reconventionnelle à la nullité, qui s'en prévaut. 74. Elle se fonde sur la circonstance que la marque de l'Union européenne «LOUIS XIII » n'est utilisée que pour la commercialisation d'une boisson particulière, le Cognac, à l'exclusion des autres boissons alcoolisées visées au justificatif de dépôt. 75. Il est admis par la société E. Remy Martin & Co que le dépôt de la marque de l'Union européenne « LOUIS XIII » a pour objet de la protéger sur l'ensemble du territoire de l'Union et d'empêcher son utilisation par un concurrent potentiel, y compris pour désigner d'autres boissons alcoolisées que le Cognac. 76. Il ressort des éléments de la cause que le dépôt de la marque « LOUIS XIII » dans la classe 33 est réalisé aux fins d'en obtenir un usage exclusif pour un produit particulier, le Cognac, qui est une boisson alcoolisée. 77. Il est tenu compte du contexte particulier du droit des marques, qui est celui de la vie des affaires. Le tribunal relève à ce titre que la protection, par le dépôt, de la marque verbale en cause, permet au consommateur de distinguer, sans confusion possible, le produit litigieux d'autres produits alcoolisés par sa qualité ; condition d'une concurrence non faussée entre les opérateurs économiques sur ce marché. 78. Au surplus, le déposant n'est pas tenu d'indiquer l'usage qu'il fera de la marque demandée ni à une particulière clarté ou précision dans les termes employés. 79. La circonstance que d'autres produits alcoolisés aient été mentionnés au dépôt n'est donc pas, en elle-même, de nature à démontrer la présence d'un état d'esprit ou d'une intention malhonnête. 80. Il n'est pas justifié par la société SARL Bacchus Bollee, au moment du dépôt, des indices objectifs pertinents permettant d'établir que la déposante était mue par une intention de porter atteinte aux droit des tiers ni qu'elle était contraire aux usages honnêtes. Elle ne prouve pas que l'usage exclusif obtenu l'est à des fins autres que celles relevant des fonctions d'une marque. 81. En outre, en réponse à l'argument de la société SARL Bacchus Bollee, la juridiction relève que la société E. Remy Martin & Co, selon faits non contestés, produisait et commercialisait déjà au jour du dépôt de la marque litigieuse un Cognac de grande qualité sous la marque nationale « LOUIS XIII DE [Localité 11] MARTIN ». Il sera dit que cette seule circonstance ne permet pas de démontrer d'intention frauduleuse. 82. Le moyen est écarté. La demande de nullité de la marque est rejeté. 3. Sur la contrefaçon Moyens des parties 83. La société E. Remy Martin & Co soutient que la dénomination litigieuse PRINCE LOUIS est exploitée par les Sociétés Bacchus Bollee, ELS et Cognac Embouteillage pour commercialiser du brandy et du cognac. Elle soutient que le public pertinent est celui ayant une « attention normale » au regard du faible prix des produits ; que les produits sont identiques ou quasi-identiques, le Cognac étant un Brandy, c'est à dire une eau-de-vie à base de vin ; que la différence de prix des produits, respectivement 20 euros et 2 500 euros, n'est pas pertinente pour écarter la confusion mais aggravent son préjudice ; que, selon son argument, ses droits s'appréciant par rapport au dépôt alors que la contrefaçon dépend des conditions dans lesquelles les bouteilles sont commercialisées. Elle expose que les produits en litige présentent des similitudes visuelles, phonétiques et intellectuelles ; que Louis XIII est un roi de France du XVIIème siècle et Prince Louis désigne le titre de noblesse le plus élevé évoquant le fils du roi ainsi que la royauté et la souveraineté française. Elle se prévaut du caractère distinctif particulier de sa marque dans la catégorie discutée et écarte les arguments tirés de l'existence de nombreuses marques mentionnant le prénom Louis comme ayant fait l'objet d'autres procédures ou accords de coéxistence. Elle ajoute que sa marque bénéficie d'une grande renommée au sens de la jurisprudence de la Cour de justice en raison, selon son argument, d'un caractère fortement distinctif. 84. La société SARL Bacchus Bollee soutient que le niveau d'attention du consommateur de produits alcoolisés est un niveau moyen ; qu'il peut toutefois être considéré comme disposant d'un niveau d'attention élevé en raison du prix élevé des produits en cause, des circonstances de consommation, de l'habitude du consommateur de comparer les marques entre elles ; qu'il en est ainsi dans le secteur intéressé selon son argument. Elle précise que le public pertinent consommant du Cognac sous les marques « LOUIS XIII » et « LOUIS XIII DE [Localité 11] MARTIN » est constitué de consommateurs particulièrement riches, voir de collectionneurs ; que ce produit n'est pas commercialisé dans la grande distribution mais selon des réseaux supposant une sélection restreinte de points de ventes ; que, selon sa lecture, le site internet de la demanderesse le rappelle. Elle estime que le risque d'association ne suffit pas à caractériser le risque de confusion ; que plusieurs exemples en jurisprudence ont, selon elle, présenté des situation similaires excluant le risque de confusion ; qu'enfin l'INPI a rejeté l'opposition formée contre la demande d'enregistrement de la marque « PRINCE LOUIS » ainsi que d'autres marques incluant le prénom « Louis ». 85. La société SARL ELS estime qu'il n'existe aucun risque de confusion entre les produits litigieux et les marques LOUIS XIII et LOUIS XIII DE [Localité 11] MARTIN. Elle débat des décisions de l'INPI ayant rejeté des oppositions contre des marques de produits alcoolisés comportant le prénom Louis ou faisant référence à des rois de France, en particulier de l'une d'elle ayant déjà connu du signe « PRINCE LOUIS ». Elle analyse le risque de confusion en se référant à un consommateur d'attention moyenne et qualifie de ténu le caractère distinctif de l'utilisation du prénom LOUIS dont elle dénonce une appropriation par la demanderesse comme méconnaissant la liberté du commerce et de l'industrie. Elle rappelle que l'usage du prénom Louis est courant dans le domaine vitivinicole et dénombre 600 marques en vigueur en France le comportant en classe 33. Elle qualifie donc ledit prénom de banal et rappelle que le consommateur sur ce marché est habitué à distinguer des marques comportant les mêmes termes. Elle considère visuellement que l'architecture des deux marques diffère par leur attaque et la présence du chiffre romain XIII ; que phonétiquement le rythme et les sonorités diffères tant d'attaque que finale ; que conceptuellement, LOUIS XIII est un ensemble indivisible faisant référence à un roi de France particulier pour exclure, selon son argument, tout risque de confusion ou d'association. Elle conclut enfin à l'absence d'usage dans la vie des affaires ayant rempli des bouteilles reçues d'un tiers pour effectuer leur remplissage excluant son comportement actif et une maîtrise de l'acte constituant un usage au sens de jurisprudences de la Cour de justice rendue dans les affaires C-119/10, C-379/14 et C-567/18. Elle conteste l'usage dans la vie des affaires alors qu'elle estime n'avoir fait qu'exécuter une partie technique du processus de production sur commande et instructions de la société Bacchus Bollee, qui lui a fourni les produits déjà pourvus du signe contrefaisant. 86. La société SARL Cognac Embouteillage soutient que la preuve de la contrefaçon n'est pas rapportée. Elle estime que les opérations de retenue douanière sont irrégulières et que le constat d'huissier ne démontre pas de contrefaçon de sa part. Elle considère le prénom Louis comme courant dans la langue française et ne peut suffire à caractériser la contrefaçon. Par une argumentation subsidiaire, elle expose que le risque de confusion exigé par l'article L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle n'est pas démontré en l'absence de similitudes visuelles, phonétiques ou conceptuelles et décrit ces dissemblances. Elle rappelle que 27 mars sont déposées auprès de l'INPI pour du Cognac en mentionnant le prénom Louis qui est largement utilisé dans le secteur des boissons alcoolisées ; que les flacons ne sont pas protégés comme dessins ou modèles. Elle estime les produits différents et dit que « même si le cognac est également une eau de vie de vins ses cépages et les conditions de sa distillation puis de son vieillissement le distinguent nettement du brandy qui n'est pas soumis à un cahier des charges aussi strict ». Il est renvoyé aux écritures des parties s'agissant de leur argumentation portant sur le préjudice. Appréciation du tribunal 87. S'agissant de la marque de l'Union européenne « LOUIS XIII », l'article 9, paragraphe 1, du règlement 1001/2017/UE du 14 juin 2017 dispose que « 1. L'enregistrement d'une marque de l'Union européenne confère à son titulaire un droit exclusif. / 2. Sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité d'une marque de l'Union européenne, le titulaire de cette marque de l'Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe pour des produits ou services lorsque :a) ce signe est identique à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée;b) ce signe est identique ou similaire à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou services identiques ou similaires aux produits ou services pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public ; le risque de confusion comprend le risque d'association entre le signe et la marque (...)». 88. La Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit dans son arrêt du 15 décembre 2011 C-119-10 Frisdranken Industrie Winters – Red Bull Gmbh que « L'article 5, paragraphe 1, sous b), de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques, doit être interprété en ce sens qu'un prestataire de service qui, sur commande et sur les instructions d'un tiers, remplit des conditionnements qui lui ont été fournis par ce tiers, lequel y a fait apposer préalablement un signe identique ou similaire à un signe protégé en tant que marque, ne fait pas lui-même un usage de ce signe susceptible d'être interdit en vertu de cette disposition » et en ce qui concerne l'entreposage, que (arrêt du 02 avril 2020 C-567-18 Coty-Amazon) « L'article 9, paragraphe 2, sous b), du règlement (CE) no207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque [de l'Union européenne], et l'article 9, paragraphe 3, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l'Union européenne, doivent être interprétés en ce sens qu'une personne qui entrepose pour un tiers des produits portant atteinte à un droit de marque, sans avoir connaissance de cette atteinte, doit être considérée comme ne détenant pas ces produits aux fins de leur offre ou de leur mise dans le commerce au sens de ces dispositions si cette personne ne poursuit pas elle-même ces finalités ». 89. S'agissant de la marque nationale « LOUIS XIII DE [Localité 11] MARTIN », l'article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle énonce que : « est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l'usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services :1o D'un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ;2o D'un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s'il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d'association du signe avec la marque ». 90. Pour caractériser la contrefaçon, il y a lieu de rechercher si, au regard d'une appréciation globale des degrés de similitude entre les signes et entre les produits désignés, il existe un risque de confusion dans l'esprit du public concerné, ce risque de confusion devant être apprécié en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce qui incluent en particulier leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire. 91. L'appréciation de la similitude visuelle, auditive et conceptuelle des signes doit être fondée sur l'impression d'ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. 92. Au cas présent, les éléments suivants permettent d'établir les faits objets des débats : 93. Selon pièce annexée au procès-verbal de retenue douanière du 18 juin 2019 (pièce demandeur 8.1bis) est constatée la retenue par le conditionneur Cognac Embouteillage à [Adresse 12]) de plusieurs biens et en particulier : « deux bouteilles de brandy portant la dénomination commerciale PRINCE LOUIS, le numéro de lot 2017/04/05 et une date de production gravée sur la bouteille no2017/04/05 ». Une photographie d'un flacon figure pièce 8.1.f. Indiquant PRINCE LOUIS XO » en caractères de grande taille. 94. Selon pièce annexée au procès-verbal de retenue douanière du 18 juin 2019 (pièce demandeur 8.1bis) est constatée la retenue par le conditionneur SARL ELS à [Localité 6] ([Localité 6]) de plusieurs biens et en particulier : « une carafe de brandy pleine portant la mention Prince Louis XO 70cl ». Une photographie d'un flacon figure pièce 8.2.k Indiquant « PRINCE LOUIS XO » en caractères de grande taille identique à la photographie figurant pièce 8.1.f. 95. Une autre photographie communiquée (pièce 9.1.f.) présente la même carafe et une étiquette sur le revers de la bouteille indiquant « PRINCE LOUIS » et comportant des mentions en langue chinoise. 96. Un courrier de l'inspecteur des douanes adressé à une société T Mark Conseils le 14 novembre 2019 indique qu'est en retenue « un rouleau d'étiquettes rouges portant la mention suivante « PRINCE LOUIS » et « deux bouteilles de 70cl de brandy dénommées PRINCE LOUIS » parmi d'autres éléments de même nature. 97. Un autre courrier du 21 novembre 2019 de l'inspecteur des douanes adressé à cette même société précise que sont retenus au sein des locaux de la société Bacchus Bollee à [Localité 9] ([Localité 9]) « un rouleau de contre étiquettes portant la mention suivante : PRINCE LOUIS (...) 122 bouteilles vides avec bouchons et étiquettes PRINCE LOUIS d'une contenance de 70cl, deux bouteilles de 70cl de brandy dénommées PRINCE LOUIS », parmi d'autres rouleaux d'étiquettes et contenants mentionnant d'autres marques. Sont également retenues 859 bouteilles vides d'une contenance de 70cl et 320 bouteilles vides d'une contenance de 100cl. 98. Selon procès-verbal de saisie-contrefaçon réalisée par Me [K], huissier de justice, le 31 janvier 2020 au sein des locaux de la société Bacchus Bollee à [Adresse 10]) il est constaté :-la présence de bouteilles étiquetées sous diverses appellations contenant le prénom Louis.-le résultat d'une recherche informatique par mots-clef, notamment la combinaison de mots « Prince Louis » qui indique « 1 classeur portant plusieurs mentions dont « PRINCE LOUIS » sans aucun document PRINCE LOUIS » un salarié indique « qu'il n'y en a pas ». 99. S'agissant de la régularité de la retenue douanière, la société Cognac Embouteillage rappelle qu'une opération de transit au sens de l'article 30 du Traité sur l'Union européenne empêche la mise en oeuvre d'une procédure de retenue comparable à celle de l'article L. 716-8 du code de la propriété intellectuelle (v. CJUE 23 octobre 2003, Rioglass SA, C-115/02). 100. Or, il n'est pas démontré par la société Cognac Embouteillage que les éléments qui précèdent, objets de la retenue douanière, provenaient d'un autre Etat membre que la France, même s'il est probable qu'ils étaient destinés à l'export. La qualification de bien de transit n'est donc pas démontrée. 101. Il n'est donc pas justifié d'écarter les procès-verbaux et courriers précités issus des retenues douanières. 102. S'agissant de la renommée, les marques de la société [S] Martin, disposent d'une renommée particulièrement importante alors que celles-ci sont mentionnées dans plusieurs classements internationaux de marque de luxe et reprises dans de nombreux articles de presse spécialisée. 103. Les marques bénéficient également d'une histoire liée à des évènements passés rappelés par la société demanderesse qui n'est pas contredite sur ce point. Enfin, la fiche technique de l'AOC Cognac mentionne [S] Martin comme un producteur historique de la région. 104. A l'inverse, il n'est démontré par aucune pièce que la marque Prince Louis bénéficie d'une renommée spécifique étant vraisemblablement destinée au marché chinois parmi d'autres marques comportant le plus souvent le prénom Louis dans leur nom. 105. S'agissant de l'identité des signes. Il est relevé visuellement que la marque PRINCE LOUIS comporte deux mots, dont le prénom LOUIS, ce qui la rapproche des marques de la société [S] Martin. Il est toutefois tenu compte de ce que n'y figure aucun chiffre et, s'agissant de la marque nationale, qu'elle ne comporte pas les mots « DE [Localité 11] MARTIN ». 106. Il est relevé phonétiquement la présence de quatre syllabes au prononcé de la marque PRINCE LOUIS ce qui la distingue de la marque LOUIS XIII DE [Localité 11] MARTIN. Il est noté que l'attaque « LOUIS » diffère s'agissant des marques en litige. 107. Il est relevé conceptuellement que la marque PRINCE LOUIS, comme la marque LOUIS XIII ou la marque LOUIS XIII DE [Localité 11] MARTIN associent ce prénom à un personnage historique de la monarchie. Seul diffère à ce titre l'utilisation d'un chiffre ou du titre de « prince » qui peut renvoyer tant à un noble de haut lignage qu'au fils du roi. L'association du prénom Louis et de la royauté induit directement un lien avec la culture française, en particulier l'histoire de France. 108. S'agissant du niveau d'attention du consommateur, il y a lieu de retenir que son attention porte à la fois sur la connaissance des marques en cause mais également sur sa capacité à les différencier. 109. A ce titre, le prix élevé de ces alcools et la coexistence de produits de grande qualité ou exceptionnels avec des produits de qualité ordinaire invite le consommateur à être particulièrement vigilant sur leurs différences. Le consommateur cherchera ainsi à les distinguer, afin de s'assurer que sa dépense correspond à la valeur réelle du produit. 110. L'existence de nombreux alcools comportant le prénom « Louis » dans le libellé de leur marque l'invite de même à un degré d'attention élevé pour ne pas les confondre. Un degré d'attention élevé est donc retenu. 111. Il résulte de ces éléments de fait que la marque PRINCE LOUIS associe un prénom identifié à un titre nobiliaire, à l'histoire de la France et à l'Ancien régime. 112. Un consommateur, même d'attention élevée, pourra ainsi raisonnablement estimer, en raison de l'identité des produits et en l'état de la forte similitude conceptuelle des signes, que les marques LOUIS XIII DE [Localité 11] MARTIN, LOUIS XIII et PRINCE LOUIS renvoient à un même alcool, produit par un même producteur. Le risque de confusion est donc établi. 113. S'agissant de l'usage dans la vie des affaires, il ressort des différents procès-verbaux précités que l'administration des douanes a retenu des bouteilles et des étiquettes comportant la mention PRINCE LOUIS en nombre important. 114. Des bouteilles pleines sont ponctuellement retenues démontrant que ces bouteilles vides et étiquettes non apposées ont pour objet de contenir de l'eau-de-vie de vin. 115. En réponse au moyen de la société ELS qui se fonde sur les jurisprudences précitées de la Cour de Justice de l'Union européenne, il sera la présence d'une carafe étiquetée. La même circonstance est relevée s'agissant de la société Cognac Embouteillage 116. Cela peut constituer un indice indiquant qu'elle ne se contente pas de remplir les flacons qui lui sont fournis mais qu'elle y appose elle-même les marques litigieuses. Cet état de fait n'est toutefois pas démontré. 117. La présence d'étiquettes en rouleau, de bouteilles vides, et d'autre étiquetées en grand nombre dans un local de la société Bacchus Bollee démontre que celle-ci produit, conditionne et commercialise des bouteilles d'eau-de-vie de vin de marque PRINCE LOUIS. 118. L'usage dans la vie des affaires est donc établi pour toutes les parties. 119. Il résulte de ces circonstances que les conditions, respectivement, de l'article 9, paragraphe 1, du règlement 1001/2017/UE du 14 juin 2017 et de l'article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle sont démontrées. 120. La contrefaçon est établie. 3. Sur les mesures de réparation 121. Aux termes de l'article L. 716-4-10 du code de la propriété intellectuelle « pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :1o Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;2o Le préjudice moral causé à cette dernière ;3o Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels,matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon (...) ». 122. Il est rappelé que l'article L. 716-10 du même code réprime le fait de « détenir sans motif légitime, d'importer ou d'exporter des marchandises présentées sous une marque contrefaisante (...) ». 123. En l'espèce, il n'est retrouvé au sein des locaux de la société ELS et Cognac Embouteillage que deux bouteilles de Cognac pleines. Les conséquences économiques négatives et les bénéfices réalisés par les contrefacteurs apparaissent donc devoir être indemnisés de manière symbolique. 124. La seule circonstance que des produits contrefaisants soient présents au sein de sociétés ayant pour métier de conditionner les produits afin de les exporter et de les commercialiser cause un préjudice moral à la société demanderesse dont il convient de tenir compte. 125. Il résulte de ces circonstances que ces deux sociétés ont chacune causé un préjudice qu'il convient d'indemniser à hauteur de 3 000 euros pour chacun de ces faits. 126. Elles seront chacune condamnées in solidum avec la société Bacchus Bollee dont il est démontré qu'elle est leur commanditaire, et qui commercialise les produits ainsi conditionnés. 127. En revanche, il n'est pas justifié de condamner cette société à les relever et garantir de leurs condamnations alors que la société E. Remy Martin & Co et ses marques bénéficient d'une grande notoriété dans leur région d'activité et qu'elles n'ont pu ignorer la contrefaçon commise et ne peuvent l'imputer à un manquement de la société Bacchus Bollee. 128. S'agissant de la société Bacchus Bollee, sont retrouvées dans ses locaux 1 303 bouteilles dont 2 étiquetées avec la marque PRINCE LOUIS et pleines, 122 étiquetées avec la marque PRINCE LOUIS et 859 vides et non étiquetées. 129. Il n'est pas possible de dire que l'intégralité des 859 bouteilles vides sont destinées à la commercialisation. La présence de contre étiquettes peut indiquer qu'elles ont vocation à être apposées sur les bouteilles vides ou les 122 bouteilles pleines s'agissant de « contre-étiquettes » sans autre précision. 130. Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon apparaissent dès lors devoir être multipliées au regard du nombre important de bouteilles présentes. Il est toutefois à relativiser alors que les contrefaçons, ainsi que le rappelle la société demanderesse, concernent des produites d'une qualité infiniment moindre que son Cognac commercialisé sous les marques LOUIS XIII en litige en présence de consommateurs dotés d'une vigilance élevée. 131. Les bénéfices réalisés par le contrefacteur doivent tenir compte de la grande renommée des marques LOUIS XIII en litige, lui permettant de bénéficier d'économies promotionnelles et renforçant la réputation de ses produits, partant de sa qualité. Ces économies et bénéfices doivent être évalués au regard du nombre important de bouteilles et d'étiquettes saisies. 132. S'agissant du préjudice moral, la banalisation du produit que constitue une eau-de-vie de vin bénéficiant d'une grande renommée avec des produits de moindre qualité cause un préjudice. Ce préjudice est accentué par la circonstance que l'eau-de-vie de vin, et particulièrement le Cognac, sont largement exportés et ce qui aggrave la banalisation de la marque. 133. Il convient, par voie de conséquence, d'indemniser la société E. Remy Martin & Co à hauteur de 30 000 euros en réparation de son préjudice. 134. Il n'est pas démontré que les deux autres défenderesses ont participé aux actes de contrefaçon constatés dans les locaux de la société Bacchus Bollee. La société Bacchus Bollee est donc condamnée à payer cette somme. La demande dirigée contre les sociétés ELS et Cognac Embouteillage est rejetée. 135. Il convient, à titre de mesure de réparation, d'interdire aux trois défenderesses d'utiliser la dénomination PRINCE LOUIS, dans les conditions du dispositif. En revanche, la demande d'interdiction portant sur le prénom Louis est rejetée, la société E. Remy Martin & Co ne justifiant d'aucun droit sur ce seul prénom. 136. Il n'apparaît pas justifié d'ordonner la publication de la décision à intervenir. 137. La demande de communication de pièces étant présentée subsidiairement à la demande de condamnation en paiement, il n'y a pas lieu de statuer de ce fait. 4. Les demandes accessoires 138. Les défenderesses, parties perdantes, sont condamnées aux dépens et à payer à la société demanderesse la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; somme appréciée en équité en l'absence de justificatif ou d'accord des parties sur le montant des frais devant être payés par la partie perdante ou condamnée aux dépens. PAR CES MOTIFSLE TRIBUNAL Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en premier ressort, PRONONCE la déchéance partielle de la marque nationale « LOUIS XIII DE [Localité 11] MARTIN »no 94 529 471, pour l'intégralité de la catégorie correspondant à la classe 33 définie par l'arrangement de [Localité 7] du 15 juin 1957 dans laquelle celle-ci est enregistrée à l'exception de la sous-catégorie autonome « eaux-de-vie de vin, autrement appelées brandy » identifiée au cas présent, DIT que la présente décision, une fois passée en force de chose jugée, sera transmise à l'INPI à l'initiative de la partie la plus diligente aux fins d'inscription au registre des marques, REJETTE le surplus de la demande de déchéance partielle, REJETTE la demande de nullité de la marque de l'Union européenne « LOUIS XIII » no 12 035 747, CONDAMNE la société SARL Bacchus Bollee à payer à la société E. Remy Martin & Co la somme de 30 000 euros en réparation de son préjudice commercial et moral résultant des actes de contrefaçon de sa marque nationale « LOUIS XIII DE [Localité 11] MARTIN » no 94 529 471, et de sa marque de l'Union européenne « LOUIS XIII » no 12 035 747, par l'utilisation, pour le conditionnement et la commercialisation, de bouteilles d'eau-de-vie de vin portant la marque « PRINCE LOUIS », CONDAMNE in solidum, la société SARL ELS et la société SARL Bacchus Bollee à payer à la société E. Remy Martin & Co la somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice commercial et moral résultant des actes de contrefaçon de sa marque nationale « LOUIS XIII DE [Localité 11] MARTIN » no 94 529 471 et de sa marque de l'Union européenne « LOUIS XIII » no 12 035 747, par l'utilisation, pour le conditionnement et la commercialisation de bouteilles d'eau-de-vie de vin portant la marque « PRINCE LOUIS », CONDAMNE in solidum, la société SARL Cognac Embouteillage et la société SARL Bacchus Bollee à payer à la société E. Remy Martin & Co la somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice commercial et moral résultant des actes de contrefaçon de sa marque nationale « LOUIS XIII DE [Localité 11] MARTIN » no 94 529 471, et de sa marque de l'Union européenne « LOUIS XIII » no 12 035 747, par l'utilisation, pour le conditionnement et la commercialisation, de bouteilles d'eau-de-vie de vin portant la marque « PRINCE LOUIS », INTERDIT à la société SARL Bacchus Bollee, à la société SARL ELS et à la société SARL Cognac Embouteillage de conditionner et de commercialiser des alcools sous la dénomination « PRINCE LOUIS », et ce, sous astreinte de 500 euros par infraction constatée courant à l'expiration d'un délai de 30 jours suivant la signification de la présente décision et pendant 180 jours, DIT n'y avoir lieu à statuer sur la demande de communication de pièces comptables, REJETTE le surplus, CONDAMNE in solidum la société SARL Bacchus Bollee, à la société SARL ELS et à la société SARL Cognac Embouteillage à payer à la société E. Remy Martin & Co la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, CONDAMNE in solidum la société SARL Bacchus Bollee, à la société SARL ELS et à la société SARL Cognac Embouteillage au paiement des dépens, dont distraction au profit de Maître Christian Hollier-Larousse, avocat, RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de plein droit, sauf en ce qui concerne l'inscription au registre des marques.Fait et jugé à Paris le 15 décembre 2022. LA GREFFIERE LA PRESIDENTE | x |
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JURITEXT000047454929 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/45/49/JURITEXT000047454929.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 16 décembre 2022, 20/09203 | 2022-12-16 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 20/09203 | CT0087 | TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 3ème chambre 2ème section No RG 20/09203 - No Portalis 352J-W-B7E-CS2OI No MINUTE : Assignation du :16 septembre 2020 JUGEMENT rendu le 16 décembre 2022 DEMANDERESSE S.A.S. CLUB MONTMARTRE[Adresse 1][Adresse 1] représentée par Maître Olivier D'ABO de la SELAS LEXINGTON AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #B0485 et par Maître Matthieu BARANDAS de la SELARL TGB, avcat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant DÉFENDERESSE S.A.S. IN GAME FACTORY[Adresse 2][Adresse 2] représentée par Maître Quentin RENAUD, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #D1307 COMPOSITION DU TRIBUNAL Irène BENAC, vice-présidente,Arthur COURILLON-HAVY, juge,Elodie GUENNEC, vice-présidente, assistés de Quentin Curabet, greffier lors des débats et de Lorine MILLE, greffière lors de la mise à disposition. DEBATS A l'audience du 13 octobre 2022, tenue en audience publique devant Irène BENAC, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l'audience, et, après avoir donné lecture du rapport et entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux avocats que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 16 décembre 2022. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffeContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE 1. La société Club Montmartre, ayant pour activité l'exploitation de clubs de jeux, de casinos et toutes activités de restauration, reproche à la société In Game Factory, qui a, elle, pour activité le développement et la distribution de logiciels destinés à être utilisés dans le cadre de la gestion de casinos et établissements de jeu et l'organisation d'événements, d'avoir déposé la marque « Wonder8 » en fraude de ses droits et en revendique en conséquence la propriété. 2. La société Club Montmartre a acquis la propriété, par substitution à la société Socofinance, du fonds de commerce de l'association [4] Billard Club (ci-après, « l'association [4] »), laquelle était un cercle de jeux dont l'activité était centrée sur le poker. Deux tournois de poker ont notamment été organisés par cette association sous le nom « Wonder8 ». 3. S'étant aperçu du dépôt, le 26 février 2019, de la marque française semi-figurative « Wonder8 », no 4528818 en classes 9, 28, 38 et 41 par la société In Game Factory, créée par deux anciens salariés de l'association [4] puis de la société Club Montmartre ([V] [Z] et [F] [B]), et qu'elle considère porter atteinte à ses droits, la société Club Montmartre a mis la société In Game Factory en demeure de renoncer à ce dépôt. 4. Face au refus de la société In Game Factory, la société Club Montmartre a fait assigner cette dernière le 16 septembre 2020 en revendication de la marque « Wonder8 ». 5. Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 30 mars 2022, la société Club Montmartre demande au tribunal, au visa de l'article L. 712-6 du code de la propriété intellectuelle, de :- déclarer frauduleux le dépôt, le 26 février 2019 par la société In Game Factory, de la demande d'enregistrement de la marque « Wonder8 » no 4528818 en classes 9, 28, 38 et 41,- ordonner le transfert rétroactif de la marque « Wonder8 » à son profit,- interdire à la société In Game Factory l'usage de la marque « Wonder8 » sous astreinte,- condamner la société In Game Factory à lui payer : - 100.000 euros en réparation de son préjudice patrimonial tiré des investissements réalisés et du dépôt frauduleux de la marque « Wonder8 », - 736.731 euros en réparation de son préjudice matériel subi du fait des pertes d'exploitation liées au dépôt frauduleux de la marque « Wonder8 », - 100.000 euros en réparation de son préjudice moral,- ordonner l'exécution provisoire,- condamner la société In Game Factory à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens. 6. Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 29 avril 2022, la société In Game Factory demande au tribunal, au visa des articles L. 714-1, L. 712-6, L. 111-1 alinéa 3, L. 113-1, L. 113-2, L. 113-5, L. 113-9, L. 131-2, L. 131-3 et L. 131-4 du code de la propriété intellectuelle, et 1240 du code civil, de :- débouter la société Club Montmartre de l'ensemble de ses demandes, - condamner la société Club Montmartre à lui payer la somme de 50.000 euros en réparation de son préjudice pour procédure abusive,- condamner la société Club Montmartre à lui payer la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens. 7. La procédure a été close par ordonnance du 12 mai 2022 et l'affaire plaidée le 13 octobre 2022. MOTIVATION I. Sur la demande en revendication de marque Moyens des parties 8. La société Club Montmartre soutient que l'association [4] exploitait antérieurement le signe « Wonder8 » en ce qu'elle a réservé, le 30 mai 2017, le nom de domaine <wonder8.com>, qu'elle a créé le tournoi Wonder8 en finançant tout son développement et qu'elle a utilisé ce signe auprès du public. Elle ajoute que le contrat de cession de fonds de commerce du 10 décembre 2018 a entraîné la cession de tous les actifs corporels ou incorporels de l'association, dont notamment le savoir-faire de l'association ainsi que les logiciels, programmes, fichiers informatiques et programmes sources, la data room préparée par l'administratrice provisoire de l'association [4] mentionnant également les marques de tournoi. Or, elle considère que le tournoi Wonder8 est composé d'un savoir-faire créé et développé au sein de l'association [4], et que des logiciels d'application en lien avec ce tournoi ont été réalisés sous la directive de l'association, logiciels sur lesquels les anciens salariés de cette association, associés fondateurs de la société In Game Factory, ne peuvent revendiquer aucun droit. Elle expose que le succès de ce tournoi a constitué un élément déterminant dans l'achat du fonds de commerce, et fait valoir qu'aucune convention ne lui est opposable, la défenderesse invoquant une licence dont elle ne rapporte pas la preuve. 9. Selon elle, la société In Game Factory n'ignorait pas les droits dont elle disposait sur le signe « Wonder8 » depuis l'acquisition du fonds de commerce de l'association [4], dès lors que ses associés fondateurs étaient d'anciens salariés de l'association puis de la demanderesse et ont participé à la création et au développement du tournoi Wonder8 pour le compte de l'association en qualité de directeur de développement marketing pour l'un et directeur poker puis directeur général pour l'autre. 10. En conséquence, elle sollicite que soit déclaré frauduleux le dépôt de la marque « Wonder8 » no 4528818, que soit ordonné le transfert de celle-ci à son profit et qu'il soit fait interdiction à la société In Game Factory d'utiliser le signe « Wonder8 ». 11. La société In Game Factory réplique tout d'abord que la demanderesse n'est pas fondée à revendiquer la marque « Wonder8 ». Elle soutient en effet que ce signe n'était pas inclus dans les actifs repris, car il n'est pas mentionné expressément dans l'acte de cession et que la société Club Montmartre ne démontre pas le caractère déterminant de ce tournoi dans l'acquisition du fonds de commerce de l'association [4] ; que le tournoi Wonder8 ne peut être considéré comme un savoir-faire ; que la dénomination « Wonder8 », qui a été créée par MM. [Z] et [B], est une création originale qui revêt l'empreinte de leur personnalité et dont ils ont seuls les droits ; et qu'aucun logiciel n'a été conçu dans le cadre des fonctions de MM. [Z] et [B] en lien avec le tournoi en cause. La société défenderesse fait ensuite valoir que le dépôt de la marque en cause n'a pas été frauduleux car tout suggérait que la société Club Montmartre n'entendait pas reprendre à son compte le tournoi, mais également que le nom de domaine ne faisait pas obstacle au dépôt de la marque dès lors que la réservation n'était plus effective au jour du dépôt, et enfin que la société In Game Factory utilisait déjà le signe pour son propre compte avant le dépôt de la marque et qu'aucun litige n'opposait les parties à cette date. Réponse du tribunal 12. En application de l'article L. 712-6 alinéa 1er du code de la propriété intellectuelle, « Si un enregistrement a été demandé soit en fraude des droits d'un tiers, soit en violation d'une obligation légale ou conventionnelle, la personne qui estime avoir un droit sur la marque peut revendiquer sa propriété en justice ». 13. Le dépôt d'une marque est susceptible d'être qualifié de frauduleux lorsqu'il a été effectué dans l'intention de priver autrui d'un signe nécessaire à son activité. Le caractère frauduleux du dépôt s'apprécie au jour du dépôt et ne se présume pas, la charge de la preuve incombant à celui qui l'allègue. 14. L'existence de la mauvaise foi du déposant doit être appréciée globalement, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce, au moment du dépôt de la demande d'enregistrement. Sont notamment retenus comme facteurs pertinents le fait que le demandeur au dépôt savait ou aurait dû savoir que le tiers utilisait un signe identique ou similaire pour des produits identiques ou similaires à ceux couverts par la marque, l'intention du demandeur au dépôt d'empêcher le tiers de continuer un tel usage et le degré de protection dont jouissent le signe du tiers et le signe déposé (CJUE, 11 juin 2009, C-529/07, Chocoladefrabriken Lindt & Sprüngli). 1. Sur l'existence de l'utilisation antérieure légitime du signe « Wonder8 » par la société Club Montmartre 15. En l'espèce, il ressort des pièces versées que l'association [4] a établi en interne un plan d'élaboration d'un tournoi de poker « Wonder8 », indiquant que « dans le cadre de son développement [elle] souhaite lancer un nouveau tournoi d'envergure et préempter un nouveau format de table à 8 joueurs, en créant le " Wonder8" », que le nom « Wonder8 » fait référence à l'émerveillement, au miracle, à la merveille et au nombre de joueurs, et que les objectifs sont notamment de « créer un tournoi qui portera haut les couleurs [de l'association [4]], tant en notoriété qu'en savoir-faire poker et qui positionne [l'association] comme un créateur / initiateur / novateur dans l'univers du poker » (pièce demanderesse no 7). Par ailleurs, si le nom mentionné sur la confirmation d'achat du nom de domaine <wonder8.com> est celui de M. [Z], l'adresse de facturation est celle de l'association et la page de confirmation débute par « Hello, Cercle [4] » (pièce demanderesse no 4). 16. Sont également versées des factures de la société Chat Star Productions portant sur la « prestation de livestreaming Festival Wonder8 » du 10 juillet 2018, de la société Iconographic portant sur la campagne de lancement du tournoi Wonder8 du 9 juillet 2017, de la société Kjay portant sur des jetons et racks du 23 juin 2016, et de M. [Y] en tant que « Community Manager Wonder8 » du 26 juin 2017, qui sont toutes adressées à l'association [4] et réglées par elle (pièces demanderesse no 12 et 15). 17. Il ressort en outre des archives du site internet de l'association [4], « pokerccm.com », de nombreux articles portant sur le tournoi Wonder8 (pièces demanderesse no 24 et 26). Est aussi produit le programme du tournoi sur lequel figure de manière très visible le logo de l'association [4] aux côtés du signe « Wonder8 » (pièce demanderesse no 32). 18. Différents articles de presse parus sur les sites « pokerpro.fr » et « livepoker.fr » en 2017 associent de même le festival Wonder8 à l'association [4], mentionnant ainsi que « le festival événement du Cercle [4] bat son plein : le Wonder8 attire les foules [...] » ou encore que « après la nette réussite de sa première édition du Wonder8, le Cercle Clichy-Montmartre remet ça du 15 au 24 juin » (pièces demanderesse no 21, 30 et 31). 19. Si d'autres articles de presse mentionnent spécifiquement MM. [Z] et [B] comme à l'origine du développement du tournoi Wonder8, et que les factures sus-mentionnées sont pour certaines adressées à M. [B], cela ne saurait suffire à faire d'eux les seuls créateurs de ce tournoi, ni à démontrer qu'ils auraient créé ce tournoi en dehors de leurs fonctions. En effet, la création du tournoi s'est faite alors que MM. [Z] et [B] étaient salariés de l'association [4], M. [Z] étant employé comme directeur poker (pièce demanderesse no 18) et M. [B] comme directeur développement marketing (pièce demanderesse no 17). Ce dernier avait plus précisément pour fonction le développement de la stratégie marketing et communication de l'association [4], devant apporter « une collaboration efficace et permanente au fonctionnement et au développement » de l'association, et suivre un plan marketing défini, incluant notamment la définition d'un moyen de fidélisation de la clientèle actuelle sur le long terme, la définition d'une stratégie pour attirer de nouveaux clients, la promotion de l'image de l'association et l'accompagnement à la définition du nouveau modèle économique (pièce défenderesse no 19). Ainsi, le travail de MM. [Z] et [B] pour le développement du tournoi Wonder8 s'inscrivait strictement dans le cadre de leurs fonctions. 20. En outre, l'article 3 du contrat de cession de fonds de commerce du 10 décembre 2018 stipule que « le Cédant cède [...] au Cessionnaire [...] le fonds de commerce ci-après désigné : un fonds de commerce de cercle de jeux, de café et de bar connu sous l'enseigne [4] et sis [Adresse 3], ledit fonds ayant été créé en 1946 par le Cédant ». Ce même article stipule que « la présente cession comprend : les éléments incorporels suivants : - la clientèle, ainsi que les fichiers clients actifs et inactifs, fichiers abonnés actifs et inactifs, fichiers fournisseurs et fichiers prospect abonnement ; - la clientèle, les prospects, ainsi que le droit de se dire successeur, en ce inclus le droit de présentation à l'égard des clients ;- le savoir-faire ;- les logiciels et programmes, fichiers informatiques et programmes sources, que ces derniers aient été développés en interne ou en externe et toutes les licences informatiques nécessaires à l'exploitation des activités reprises, sous réserve de leur cessibilité ;- l'enseigne et les marques [4] et CM [4] ;- la licence IV ;- l'application mobile ios / android Cercle [4] ;- le nom de domaine pokerccm.com, sous réserve de l'accord et des obligations imposées par les opérateurs concernés (hébergeur notamment), les frais de transfert étant à la charge du Cessionnaire ;- le site internet http://pokerccm.com ;- le droit au transfert de la ligne téléphonique [...] ;- les droits aux baux consentis à l'Association [4] » (pièce demanderesse no 3). 21. La défenderesse verse par ailleurs aux débats un document intitulé « dossier de reprise », dans lequel le tournoi Wonder8 n'est pas mentionné. Toutefois, ce document n'est pas daté et ne comporte aucune source, de sorte qu'il ne saurait démontrer en lui-même la limitation de la cession (pièce défenderesse no 2). 22. Si l'article 3 du contrat de cession de fonds de commerce précité ne mentionne pas spécifiquement le nom de domaine <wonder8.com>, il est fait usage du terme « comprend » qui n'est pas limitatif. En tout état de cause, la cession d'un fonds de commerce comprend nécessairement celle de la clientèle, ce qui est au demeurant précisé. Or, le tournoi Wonder8 avait notamment pour but d'attirer ou de conserver une clientèle de sorte que la cession du fonds de commerce de l'association [4] comprenait nécessairement la cession de la clientèle attachée au tournoi Wonder8. 23. Enfin, l'article 17 du même contrat stipule que « le Cessionnaire s'engage à faire ses meilleurs efforts [...] pour assurer la poursuite de l'activité de l'Association [4] », là encore sans précision, incluant l'ensemble de l'activité de l'association, en ce compris l'organisation du tournoi Wonder8. 24. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que le tournoi Wonder8, y compris son nom, a été développé par l'association [4] et a été implicitement repris par la société Club Montmartre par contrat de cession du fonds de commerce du 10 décembre 2018. La société Club Montmartre peut donc se prévaloir, au jour du dépôt de la marque litigieuse le 26 février 2019, d'un usage antérieur du signe « Wonder8 ». 2. Sur la mauvaise foi du déposant 25. Il est établi que MM. [B] et [Z], associés fondateurs de la société In Game Factory qui est titulaire de la marque litigieuse, ont activement participé au développement du tournoi Wonder8 en tant que salariés de l'association [4] et plus précisément comme directeur du développement marketing pour le premier, et directeur poker pour le second (pièces demanderesse no 17 et 18). Leurs contrats de travail ont été repris par la société Club Montmartre au moment de la cession du fonds de commerce (pièce demanderesse no 3). La défenderesse soutient par ailleurs que M. [B] a été licencié en juin 2019 et que M. [Z] a été licencié en octobre 2019 (conclusions défenderesse page 4). Dès lors, au jour du dépôt de la marque litigieuse, le 26 février 2019, les associés fondateurs de la société In Game Factory avaient connaissance de l'usage antérieur par la société Club Montmartre du signe « Wonder8 ». 26. Par ailleurs, MM. [Z] et [B], respectivement président et directeur général de la société In Game Factory (pièce demanderesse no 16), étaient toujours salariés de la société Club Montmartre au jour du dépôt. La marque litigieuse a en outre été déposée en classes 9, 28, 38 et 41 pour désigner les produits et services suivants : « Logiciels de jeux. Jeux ; jeux de cartes ; jeux de table. Communications par terminaux d'ordinateurs. Divertissement ; activités sportives et culturelles ; mise à disposition d'installations de loisirs ; services de jeu proposés en ligne à partir d'un réseau informatique ; services de jeux d'argent », soit des produits et services identiques ou du moins fortement similaires à l'activité de l'association [4] que la société Club Montmartre s'est engagée par contrat à poursuivre. Et enfin, la société In Game Factory se présente comme ayant notamment pour activité l'organisation d'événements et notamment de tournois de poker au sein d'établissements tiers. Ainsi, le dépôt de la marque « Wonder8 » par cette dernière, représentée par des salariés de la société Club Montmartre agissant de façon déloyale à l'égard de celle-ci, doit être considéré comme ayant été fait dans l'intention de priver la société Club Montmartre d'un signe nécessaire à son activité. 27. En conséquence, le dépôt de la marque « Wonder8 » no 4528818 est frauduleux et la demande en revendication de la société Club Montmartre sera accueillie. Il sera également fait droit à la mesure d'interdiction, selon les modalités fixées au dispositif. II. Sur les mesures réparatrices Moyens des parties 28. La société Club Montmartre fait valoir que le dépôt de la marque « Wonder8 » par la société In Game Factory lui a causé un préjudice. Elle soutient tout d'abord qu'elle n'a pu bénéficier du savoir-faire développé par l'association [4] dont elle a acquis le fonds de commerce alors que cette acquisition était motivée par la possibilité de poursuivre les activités de cette dernière, de sorte que la société In Game Factory a frauduleusement profité des investissements réalisés par l'association [4]. La demanderesse demande à ce titre la somme de 100.000 euros. Elle ajoute que ce dépôt a entraîné des pertes d'exploitation liées au tournoi et évalue son préjudice total à la somme de 736.731 euros, correspondant aux gains manqués sur les revenus générés par l'inscription au tournoi, sur la partie restauration pendant le tournoi, sur les autres jeux proposés pendant le tournoi et sur l'attrait de nouveaux membres. Elle invoque également un préjudice moral et sollicite à ce titre la somme de 100.000 euros. 29. La société In Game Factory répond que la demanderesse ne rapporte pas la preuve d'investissements qu'elle aurait effectués en vue de développer des services sous le signe « Wonder8 », qu'elle ne justifie pas des gains manqués qu'elle invoque, et qu'elle ne rapporte pas la preuve de la réalité de la perte d'exploitation invoquée du fait du dépôt de la marque en cause. Elle conteste également le préjudice moral invoqué qui est, selon elle, également injustifié. Réponse du tribunal 30. S'agissant du préjudice économique tout d'abord, la société Club Montmartre soutient n'avoir pu bénéficier des investissements réalisés par l'association [4] car c'est la société In Game Factory qui a exploité pendant plus d'un an le signe « Wonder8 » en organisant des tournois de poker. Toutefois, elle ne démontre pas avoir été empêchée d'organiser un tournoi Wonder8, ni tout autre tournoi de poker (pièce défenderesse no 29). 31. Par ailleurs, la société Club Montmartre ne saurait revendiquer un préjudice financier tiré des pertes d'exploitation liées au tournoi Wonder8 alors que l'organisation de tels tournois en mars, juin et octobre 2019 a été faite sans aucune contestation de sa part, qu'elle avait connaissance de l'existence de la société In Game Factory et de son activité (pièce défenderesse no 5) et qu'elle ne démontre pas avoir voulu organiser un tournoi Wonder8 et en avoir été empêchée du fait de l'exploitation de ce signe et de l'organisation d'un tel tournoi par la défenderesse. Elle ne saurait dès lors revendiquer les bénéfices perçus par la société In Game Factory pour l'organisation de ces trois tournois. 32. S'agissant ensuite du préjudice moral, la société Club Montmartre ne peut, là encore, pas faire état d'un préjudice d'image résultant du fait qu'elle n'a pu bénéficier de la publicité attachée à l'organisation des tournois Wonder8 par la société In Game Factory dès lors qu'elle ne démontre pas, d'une part, avoir eu l'intention et avoir été empêchée d'organiser de tels tournois, et d'autre part que l'organisation de ces tournois par la société In Game Factory – qui n'est au demeurant jamais mentionnée dans les programmes et les articles de presse (pièces défenderesse no 8 à 10) – a porté atteinte à son image. 33. En revanche, le dépôt frauduleux de la marque « Wonder8 » par la société In Game Factory dont les associés fondateurs étaient à cette date encore salariés de la société Club Montmartre, a causé à cette dernière un préjudice moral qui peut être évalué à la somme de 2.000 euros. III. Sur la demande pour procédure abusive Moyens des parties 34. La société In Game Factory soutient que la demanderesse a commencé à revendiquer des droits sur le signe « Wonder8 » plus d'un an après avoir acquis le fonds de commerce de l'association [4], moment qui coïncide avec le départ de MM. [Z] et [B] de la société Club Montmartre et le développement de la société In Game Factory dans le domaine du poker. Elle ajoute que depuis 2020, la demanderesse mène contre elle une entreprise de dénigrement et de déstabilisation, dans laquelle s'inscrit cette action. Elle expose que la mauvaise foi de la demanderesse ressort notamment de ce qu'elle vend le matériel de jeu fabriqué pour le tournoi Wonder8. Elle considère en conséquence que la présente procédure est abusive et sollicite la somme de 50.000 euros en réparation de son préjudice. 35. La société Club Montmartre ne répond pas sur ce point. Réponse du tribunal 36. L'action en justice, même dénuée de fondement, ne dégénère en abus susceptible d'ouvrir droit à une créance de dommages et intérêts qu'en cas de faute du plaideur, de preuve d'un préjudice pour celui qui l'invoque et de l'existence d'un lien de causalité. 37. En l'espèce, les prétentions de la société Club Montmartre ayant été admises pour la plupart d'entre elles, la procédure ne peut être qualifiée d'abusive, de telle sorte que la réclamation des défendeurs à ce titre ne peut qu'être rejetée. 38. En tout état de cause, la société In Game Factory ne saurait soutenir que la présente instance a été introduite au moment où elle commençait à développer son activité dans le domaine du poker, alors que les tournois Wonder8 qu'elle dit avoir organisés l'ont été près d'un an avant l'introduction de l'instance. Elle ne démontre par ailleurs pas l'organisation par la société Club Montmartre d'une quelconque entreprise de dénigrement et de déstabilisation. IV. Sur les autres demandes 39. La société In Game Factory, qui succombe, supportera les dépens et ses propres frais. 40. En application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la partie tenue aux dépens ou à défaut, la partie perdante, est condamnée au paiement d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, en tenant compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. 41. La société In Game Factory sera condamné à payer à la société Club Montmartre la somme de 3.000 euros au titre des frais irrépétibles. 42. L'exécution provisoire est de droit et rien ne justifie de l'écarter au cas présent. PAR CES MOTIFS Le tribunal, Ordonne le transfert rétroactif de la marque française semi-figurative « Wonder8 » no 4528818 au profit de la société Club Montmartre, Dit que la décision, une fois définitive, sera transmise à l'Institut national de la propriété industrielle par la partie la plus diligente aux fins d'inscription au Registre national des marques, Fait interdiction à la société In Game Factory de faire usage dans la vie des affaires, sur le territoire français et sous quelque forme que ce soit, du signe « Wonder8 » en lien avec des activités d'exploitation et d'organisation de casinos ou de jeux d'argent, sous astreinte de 150 euros par jour de retard passé un délai d'un mois à compter de la signification du présent jugement, l'astreinte courant sur trois mois, Condamne la société In Game Factory à payer à la société Club Montmartre la somme de 2.000 euros en réparation de son préjudice moral résultant du dépôt frauduleux, Déboute la société Club Montmartre de sa demande de dommages et intérêts en réparation de son préjudice économique résultant du dépôt frauduleux, Déboute la société In Game Factory de sa demande reconventionnelle en procédure abusive, Condamne la société In Game Factory aux dépens, Condamne la société In Game Factory à payer à la société Club Montmartre la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Fait et jugé à Paris le 16 décembre 2022 La Greffière La Présidente | x |
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JURITEXT000047454930 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/45/49/JURITEXT000047454930.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 16 décembre 2022, 21/06076 | 2022-12-16 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 21/06076 | CT0196 | TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 3ème chambre 2ème section No RG 21/06076 - No Portalis 352J-W-B7F-CUKYV No MINUTE : Assignation du :23 et 27 avril 2021, 10 décembre 2021 JUGEMENT rendu le 16 Décembre 2022 DEMANDERESSE Madame [I] [C][Adresse 4][Adresse 4] représentée par Maître Alexandre BLONDIEAU, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D1517 DÉFENDEURS Monsieur [Y] [P][Adresse 2][Localité 5] Madame [T] [U][Adresse 1][Adresse 1] S.A.R.L. ASTERIOS SPECTACLESintervenante forcée[Adresse 3][Localité 5] représentés par Maître Gilles BERRIH, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E2052 COMPOSITION DU TRIBUNAL Irène BENAC, vice-présidente,Arthur COURILLON-HAVY, juge,Elodie GUENNEC, vice-présidente, assistés de Quentin CURABET, greffier lors des débats et Lorine MILLE, greffière lors de la mise à disposition. DEBATS A l'audience du 20 octobre 2022 tenue en audience publique devant Irène BENAC et Arthur COURILLON-HAVY, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seuls l'audience, et, après avoir donné lecture du raport, puis entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux avocats que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 16 décembre 2022. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffeContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE 1. Mme [I] [C], qui se présente comme directrice de projets culturels, reproche à Mme [T] [U], M. [Y] [P] et la société Asterios Spectacles d'avoir produit un spectacle en contrefaçon de ses droits d'auteur. 2. Mme [C] a été engagée, en 2016, par la fondation suisse Jan Michalski pour l'organisation d'une exposition sur l'oeuvre graphique de [K] [X]. Elle a fait appel à Mme [U], qui se présente comme comédienne et réalisatrice belge, et à M. [P], qui se présente comme auteur-compositeur et artiste-interprète, pour intervenir dans le cadre d'une performance de lecture en musique des textes de [K] [X]. Le concert a eu lieu le 31 mars 2017. 3. Considérant que Mme [U] et M. [P] avaient repris, avec la société de production Asterios Spectacles, le concert en fraude de ses droits de metteur en scène, Mme [C] les a mis en demeure, les 1er mai 2019, 13 novembre et 14 décembre 2020, de la rétablir dans ses droits. 4. Insatisfaite de la réponse apportée, Mme [C] a fait assigner Mme [U] et M. [P] les 23 et 27 avril 2021, en contrefaçon de droits d'auteur et subsidiairement parasitisme. 5. Elle a ensuite fait assigner en intervention forcée la société Asterios Spectacles le10 décembre 2021. Les affaires ont été jointes le 13 janvier 2022. 6. L'instruction a été close à l'audience de plaidoiries le 20 octobre 2022, après rabat de l'ordonnance de clôture du 19 mai 2022 à la demande de Mme [C] pour déposer ses dernières conclusions, corrigeant des erreurs matérielles. 7. Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 20 octobre 2022, Mme [I] [C] demande :? invoquant une contrefaçon de droits d'auteur, d'ordonner la cessation des représentations du spectacle, d'interdire toute nouvelle représentation sans son autorisation et de condamner « solidairement » Mme [U], M. [P] et la société Asterios Spectacles à lui payer: ? 10 000 euros en réparation de son préjudice subi du fait de la violation de son droit moral d'auteur, ? 40 000 euros en réparation de son préjudice subi du fait de la violation de son droit patrimonial d'auteur, ? 10 000 euros du fait de la perte de chance de voir son nom associé à la nomination du spectacle aux Molières 2019,? subsidiairement, de condamner « solidairement » Mme [U], M. [P] et la société Asterios Spectacles à lui payer 40 000 euros de dommages et intérêts pour parasitisme,? en tout état de cause, d'ordonner l'exécution provisoire et de condamner « solidairement » Mme [U], M. [P] et la société Asterios Spectacles à lui payer 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens. 8. Dans leurs dernières conclusions signifiées par voie électronique le 14 avril 2022, Mme [T] [U], M. [Y] [P] et la société Asterios Spectacles résistent aux demandes et sollicitent eux-mêmes :? invoquant à titre reconventionnel la violation du droit à la paternité de Mme [U] et M. [P], de condamner Mme [C] à leur verser à chacun 3 000 euros en réparation de leur préjudice,? de condamner Mme [C] à leur verser 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens. MOTIVATION I. Demande en contrefaçon de droits d'auteur Moyens des parties 9. Les défendeurs contestent la qualité de metteur en scène de Mme [C] au motif, tout d'abord, que la mention « sur une idée originale de [I] [C] » ne saurait constituer une présomption de la qualité d'auteur, une idée n'étant pas protégeable et la demanderesse ne pouvant revendiquer un monopole sur la mise en musique des textes de [K] [X]. Ils font valoir ensuite que la mention de Mme [C] en tant que co-metteur en scène ne figure au générique de début de la captation audiovisuelle du concert que parce qu'elle a elle-même ajouté son nom sans validation des auteurs. Ils ajoutent enfin que le travail de la demanderesse dans l'organisation de la représentation du 31 mars 2017 a uniquement consisté à faire appel à Mme [U] et M. [P] pour qu'ils interviennent dans le cadre du concert, les musiciens ayant quant à eux été choisis et embauchés par M. [P] lui-même, et à organiser la venue et les séances de travail de Mme [U] et de M. [P], ce qui correspond à un travail technique qui s'inscrit dans le cadre de la mission confiée à Mme [C] par la fondation Jan Michalski. 10. Mme [C] réplique que le spectacle a été divulgué sous son nom comme co-auteur dès lors qu'elle a été créditée en tant que metteur en scène dans le générique de début du concert littéraire. Selon elle, cette présomption de titularité est corroborée par le fait qu'elle a elle-même fait appel aux défendeurs en tant qu'artistes pour le projet – le choix des artistes faisant partie des missions du metteur en scène – et qu'elle a choisi la durée du spectacle, le nombre d'intervenants sur scène, les décors, les textes et l'alternance entre les textes chantés et parlés, ce qui est un travail artistique et non un travail technique. Elle ajoute que le fait que la création du spectacle s'inscrivait dans la mission confiée par la fondation Jan Michalski ne la prive pas de ses droits d'auteurs sur l'oeuvre créée et que des tiers lui reconnaissent la qualité d'auteur. Réponse du tribunal 11. En application de l'article L. 113-1 du code de la propriété intellectuelle, « La qualité d'auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l'oeuvre est divulguée ». 12. Le metteur en scène d'une oeuvre théâtrale peut se voir reconnaître la qualité d'auteur par les choix qu'il effectue sur la composition et l'organisation des différentes scènes, la nature des décors, les costumes et les éléments techniques comme le son et la lumière, mais aussi sur le travail des interprètes, qu'il s'agisse de la façon de prononcer les textes comme des différents déplacements sur scène. 13. En l'espèce, Mme [C] revendique la qualité de metteuse en scène du concert littéraire intitulé [X] en mots et en musique, produit à la fondation Jan Michalski le 31 mars 2017. Elle produit à ce titre la captation audiovisuelle de ce concert, dans laquelle elle apparaît comme metteuse en scène au sein du générique, ainsi que des courriels adressés à Mme [U] pour l'organisation de ce concert. 14. Toutefois, si Mme [C] figure bien au générique de la captation audiovisuelle du concert littéraire, d'une part il n'est pas démontré que cette captation a été effectivement diffusée au public, de sorte que Mme [C] ne saurait s'appuyer sur cette mention pour bénéficier de la présomption de titularité, et d'autre part le programme de l'exposition « [K] [X] Images » organisé par la fondation Jan Michalski mentionne le spectacle en cause comme le « Concert littéraire [X] en mots et en musique par [T] [U] et [Y] [P] » sans référence à Mme [C], celle-ci étant seulement mentionnée comme ayant participé plus largement à l'organisation de l'exposition et des différents événements l'accompagnant (pièce défendeurs no 9). 15. Par ailleurs, s'il ressort des courriels envoyés par Mme [C] à Mme [U] que la première a contacté la seconde ainsi que M. [P] pour interpréter les textes de [K] [X] dans le concert littéraire, il n'est pas établi que celle-ci a effectivement participé à la mise en scène. Ainsi, s'il apparaît que Mme [C] a participé au choix des textes de [K] [X] ainsi qu'à l'ordre dans lequel ils seraient repris, il ressort aussi des courriels qu'elle a laissé une grande latitude aux interprètes pour ajouter d'autres textes, et il n'est pas établi qu'elle soit intervenue dans la façon dont Mme [U] et M. [P] ont effectivement interprété ces textes. En outre, le fait pour Mme [C] d'indiquer dans un courriel du 7 janvier 2017 que la durée du spectacle serait de maximum 1h30, que les autres intervenants seraient un guitariste, un accordéoniste et peut-être un pianiste, que les textes seraient chantés et parlés, que le décor serait minimal mais que les sièges seraient confortables, et que les micros seraient hypersensibles, ne saurait établir sa qualité de metteur en scène, ces éléments apparaissant davantage comme des contraintes techniques que comme des choix précis et personnels sur la représentation de l'oeuvre (pièce demanderesse no 7). Enfin, s'il n'est pas contesté qu'elle a assisté à des répétitions, il n'est pas démontré qu'elle y a pris une part active, intervenant par exemple sur l'entrée des interprètes, les alternances entre les textes chantés et parlés, la musique ou encore la lumière. Mme [C] semble dès lors être intervenue davantage dans l'apport de l'idée du concert et dans son organisation technique plutôt que dans sa réalisation artistique concrète. 16. Faute pour Mme [C] d'établir sa qualité de metteuse en scène du concert littéraire [X] en mots et en musique, ses demandes au titre de l'atteinte à son droit moral d'auteur seront rejetées. II. Demande en parasitisme à titre subsidiaire Moyens des parties 17. Mme [C] fait valoir que les défendeurs ont repris l'intégralité des éléments distinctifs du spectacle qu'elle a créé, sans investir le moindre effort créatif supplémentaire, profitant ainsi indûment de son savoir-faire et de son inventivité. Elle sollicite, en réparation de son préjudice, la somme de 40 000 euros. 18. En réponse, les défendeurs soutiennent que Mme [C] ne peut revendiquer la qualité de metteuse en scène pour avoir organisé des séances de travail et assisté à quelques répétitions sans jamais intervenir sur la mise en scène créée par Mme [U] et M. [P]. En tout état de cause, ils considèrent que le second spectacle ne reprend pas les caractéristiques du premier, et que la demanderesse ne prouve pas d'appropriation à des fins lucratives d'un savoir-faire, d'une notoriété ou d'un investissement quelconque. Réponse du tribunal 19. Sont sanctionnés au titre de la concurrence déloyale, sur le fondement de 1240 du code civil, les comportements fautifs car contraires aux usages dans la vie des affaires, tels que ceux, parasitaires, qui tirent profit sans bourse délier d'une valeur économique d'autrui procurant à leur auteur un avantage concurrentiel injustifié, fruit d'un savoir-faire, d'un travail intellectuel et d'investissements. 20. Mme [C] affirme que les défendeurs ont profité de son savoir-faire et de son inventivité, sans toutefois rapporter la preuve d'investissements autres que l'organisation technique d'un concert fondé sur une idée qu'elle a eue pour accompagner l'exposition sur [K] [X], pour lequel elle a été rémunérée par la fondation Jan Michalski. Elle ne démontre pas non plus que les investissements qu'elle allègue auraient fait du concert [X] en mots et en musique une valeur économique individualisée dont les défendeurs auraient indûment profité. Sa demande au titre du parasitisme sera en conséquence rejetée. III. Demande en violation du droit moral d'auteur à titre reconventionnel Moyens des parties 21. A titre reconventionnel, les défendeurs font valoir que Mme [C] a fait figurer de manière mensongère son nom aux côtés de ceux de M. [P] comme co-metteur en scène et au mépris des droits de Mme [U], portant atteinte à leur droit à la paternité. Ils sollicitent en conséquence la somme de 3 000 euros chacun en réparation de leur préjudice. 22. La demanderesse ne répond pas sur ce point. Réponse du tribunal 23. L'article L. 121-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que « L'auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son oeuvre ». 24. Mme [U] soutient être co-metteur en scène sans toutefois en rapporter la preuve. Ainsi, au contraire, les différents courriels versés aux débats indiquent que seul M. [P] aurait effectivement participé à la sélection des textes et à leur organisation (pièce demanderesse no 7). De même, M. [P] a été rémunéré par la fondation Jan Michalski à hauteur de 6 500 euros pour « le spectacle et les répétitions », quand Mme [U] a, elle, été rémunérée à hauteur de 3 000 euros « au titre d'honoraires » (pièce défendeurs no 7). Enfin, il apparaît que M. [P] était seul en charge des musiciens qui ont participé au concert (pièce défendeurs no 7). Il ressort de l'ensemble de ces éléments que seul M. [P] apporte des éléments de preuve quant à sa participation à la mise en scène du concert en cause. 25. Faute pour Mme [U] d'établir sa qualité d'auteur, sa demande au titre du préjudice moral sera rejetée. 26. De son côté, M. [P] ayant été crédité comme metteur en scène, il ne saurait revendiquer une quelconque atteinte à son droit moral d'auteur, la mention du nom de Mme [C] à ses côtés ne diminuant en rien sa qualité de metteur en scène. IV. Dispositions finales 27. Mme [C], Mme [U] et M. [P], succombant tous en leurs demandes, supporteront chacun les dépens par eux engagés. 28. En application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la partie tenue aux dépens ou à défaut, la partie perdante, est condamnée au paiement d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, en tenant compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. 29. Mme [C] sera condamnée à payer à la société Asterios Spectacles, intervenante forcée et qui n'a formulé aucune demande reconventionnelle, la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles. 30. L'exécution provisoire est de droit et rien ne justifie de l'écarter au cas présent. PAR CES MOTIFS Le tribunal, Revoque l'ordonnance de clôture du 19 mai 2022, reçoit les dernières conclusions de Mme [I] [C], corrigeant des erreurs matérielles et ordonne la clôture de l'instruction à l'audience du 20 octobre 2022, Rejette les demandes de Mme [I] [C] en contrefaçon de droit d'auteur, Rejette la demande de Mme [I] [C] en parasitisme, Déboute Mme [T] [U] et M. [Y] [P] de leurs demandes reconventionnelles pour atteinte à leur droit moral d'auteur, Condamne Mme [I] [C], Mme [T] [U] et M.[Y] [P] à supporter leurs propres dépens, Condamne Mme [I] [C] à payer à la société Asterios Spectacles la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. Fait et jugé à Paris le 16 décembre 2022 La Greffière La Présidente | x |
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JURITEXT000047454931 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/45/49/JURITEXT000047454931.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 16 décembre 2022, 21/08452 | 2022-12-16 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 21/08452 | CT0196 | TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 3ème chambre 2ème section No RG 21/08452 - No Portalis 352J-W-B7F-CUVPD No MINUTE : Assignation du :21 juin 2021 JUGEMENT rendu le 16 décembre 2022 DEMANDEURS S.A.R.L. PARENTHESES URBAINES[Adresse 1][Localité 3] Madame [P] [D][Adresse 1][Localité 3] Monsieur [C] [W][Adresse 1][Localité 3] représentés par Maître Camille LENOBLE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C1090 DÉFENDERESSE S.A.R.L. FREEWAY PROD SARL[Adresse 4][Localité 2] représentée par Maître Olivier ROUX de l'AARPI TESLA avocats au barreau de PARIS, vestiaire #C0210 COMPOSITION DU TRIBUNAL Irène BENAC, vice-présidente,Arthur COURILLON-HAVY, juge,Elodie GUENNEC, vice-présidente, assistés de Quentin CURABET, greffier lors des débats et Lorine MILLE, greffière lors de la mise à disposition. DEBATS A l'audience du 13 octobre 2022 tenue en audience publique devant Irène BENAC , juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l'audience, et, après avoir donné lecture du rapport et entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile Avis a été donné aux avocats que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 16 décembre 2022. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffeContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE La SARL Parenthèses Urbaines, co-gérée par Mme [P] [D], architecte urbaniste, et par M. [C] [W], urbaniste "géomaticien", a pour activités principales "ingénierie, études, urbanisme, prestations imagerie aérienne". La SARL Freeway Prod, immatriculée le 25 juin 2009, a pour objet social "la production audiovisuelle, réalisation de documentaires et de films institutionnels, les formations professionnelles de pilotages cadrages en drones" et se présente comme l'une des premières à utiliser le drone en France. En avril 2020, la société Freeway Prod a confié à la société Parenthèses Urbaines un drone lui appartenant et l'exécution d'une mission de pilotage de celui-ci pour la réalisation de prises de vues de monuments de [Localité 6] (tour Eiffel, [Adresse 5]) par l'un de ses clients, la société Timelab. Le contrat n'a pas été formalisé par écrit. Le tournage a eu lieu du 25 au 31 mai 2020. Mme [P] [D] a réalisé à ces dates des photographies du drone en vol, piloté à proximité des monuments précités par M. [C] [W], ainsi que de ce dernier au travail. Ces photographies ayant été affichées sur le site internet et la page Facebook de la société Freeway Prod, par acte du 21 juin 2021, la société Parenthèses Urbaines, M. [C] [W] et Mme [P] [D] l'ont assignée devant le tribunal judiciaire de Paris en contrefaçon du droit d'auteur sur les photographies, parasitisme et violation du droit à l'image. Dans leurs dernières conclusions signifiées le 30 mars 2022, la société Parenthèses Urbaines, M. [W] et Mme [D] demandent au tribunal, au visa des articles L. 111-1, L. 113-1, L. 113-2, L. 112-2, L. 121-1, L. 121-2, L. 122-2, L.122-4, L. 131-3, L. 331-1-3, L. 335-3 du code de la propriété intellectuelle, 9, 1240, 1241 et 1626 du code civil et 8 de la CESDH, de : A titre liminaire : - se déclarer compétent pour connaître de la présente action, exception faite de la question de la qualité à agir de Mme [D] qui relève de la compétence du juge de la mise en état, Sur les photographies prises au sol des drones en vol : A titre principal : - juger que la société Freeway Prod a commis des actes de contrefaçon de photographies à l'encontre de la société Parenthèses Urbaines et de Mme [P] [D] et la condamner à les indemniser à hauteur de 10.000 euros en réparation du préjudice patrimonial subi ; - condamner la société Freeway Prod à indemniser Mme [P] [D] à hauteur de 18.000 euros en réparation du préjudice pour atteinte à son droit moral (6.000 euros au titre de la violation du droit à la paternité, 6.000 euros au titre de la violation du droit de divulgation, 6.000 euros au titre de la violation du droit au respect de l'oeuvre) ; A titre subsidiaire : - juger que la société Freeway Prod a commis des actes de parasitisme à l'encontre de la société Parenthèses Urbaines et de Mme [P] [D] ; - condamner la société Freeway Prod à indemniser la société Parenthèses Urbaines à hauteur de 3.000 euros en réparation du préjudice subi ; - condamner la société Freeway Prod à indemniser Mme [P] [D] à hauteur de 7.830 euros en réparation du préjudice subi. Sur les autres photographies (photographies ne représentant pas les drones en vol) : - juger que la société Freeway Prod a commis des actes de parasitisme à l'encontre de la société Parenthèses Urbaines et de Mme [P] [D] ; - condamner la société Freeway Prod à indemniser la société Parenthèses Urbaines à hauteur de 3.000 euros en réparation du préjudice subi ; - condamner la société Freeway Prod à indemniser Mme [P] [D] à hauteur de 7.000 euros en réparation du préjudice subi. Sur les photographies représentant M. [W] : - condamner la société Freeway Prod à verser à M. [C] [W] la somme de 2.000 euros en réparation de la violation de son droit à l'image. En tout état de cause : - débouter la société Freeway Prod de ses demandes reconventionnelles ; - faire défense à la société Freeway Prod de diffuser, faire ou laisser faire diffuser, à peine d'une astreinte de 1.000 euros par jour de retard, les photographies litigieuses ; - condamner la société Freeway Prod aux dépens, en ce compris les frais de constats d'huissier et à leur payer 5.000 euros à la société Parenthèses Urbaines, 4.000 euros à Mme [D] et 1.000 euros à M. [W] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;sous le bénéfice de l'exécution provisoire du jugement. Dans ses dernières conclusions signifiées le 5 janvier 2022, la société Freeway Prod demande au tribunal, au visa des articles 1240 et 1626 du code civil, L. 113-2, L.131-3 du code de la propriété intellectuelle et 31, 514, 699,700 et 789 du code de procédure civile, de : A titre principal : - déclarer Mme [D] et la société Parenthèses Urbaines irrecevables au titre de la contrefaçon de droits d'auteur, - débouter la société Parenthèses Urbaines, Mme [D] et M. [W] de l'intégralité de leurs demandes, A titre reconventionnel :- condamner la société Parenthèses Urbaines, sous astreinte provisoire de 500 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir, à lui remettre l'intégralité des clichés et vidéos pris par le drone lors de la mission confiée et réalisée en mai 2020, - se réserver la liquidation de l'astreinte, - condamner la société Parenthèses Urbaines à la garantir de toute condamnation que le tribunal pourrait prononcer à son encontre au profit de Mme [D] et de M. [W], - condamner solidairement la société Parenthèses Urbaines, Mme [D] et M. [W] à payer à la société Freeway Prod la somme de 20.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, - condamner solidairement la société Parenthèses Urbaines, Mme [D] et M. [W] à lui payer la somme de 20.000 euros à titre de dommages-intérêts pour concurrence déloyale et parasitaire, - condamner solidairement la société Parenthèses Urbaines, Mme [D] et M. [W] aux dépens et à lui payer la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,- ne pas ordonner l'exécution provisoire en cas de condamnation à son encontre. Pour un exposé de l'argumentation des parties il est renvoyé à leurs dernières conclusions précitées, conformément à l'article 455 du code de procédure civile. L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 mai 2022. MOTIVATION 1 - Sur la compétence territoriale du tribunal judiciaire de Paris Les demanderesses demandent au tribunal de se déclarer territorialement compétent pour connaître de la présente action. Aucune exception d'incompétence territoriale n'étant soulevée, il n'y a pas lieu d'examiner cette demande. 2 - Sur la qualité à agir en contrefaçon de droit d'auteur de Mme [D] La société Freeway Prod soutient que :- les photographies sur lesquelles Mme [D] revendique un droit d'auteur sont des oeuvres collectives réalisées dans le cadre de la mission lui appartenant, de sorte que Mme [D] est dépourvue de qualité à agir en contrefaçon de son droit d'auteur,- s'il ne s'agissait pas d'oeuvres collectives, Mme [D] n'est pas investie de droits car la société Parenthèses Urbaines en est seule titulaire et lui a cédé les droits de reproduction et de représentation en lui envoyant les clichés et en ayant mis un like sur sa page Facebook affichant ces photographies. Mme [D] soutient que la société Freeway Prod n'est pas à l'initiative et n'est pas intervenue dans la réalisation des photographies, de sorte qu'il ne s'agit pas d'une oeuvre collective. L'article 32 du code de procédure civile dispose : "Est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir." Comme la société Freeway Prod le soutient elle-même, la question de la titularité des droits d'auteur sur une oeuvre (de même que la qualification de celle-ci) est un moyen de défense au fond opposé à une l'action en contrefaçon et non une fin de non recevoir tirée du défaut de qualité à agir. Ce moyen sera donc examiné, le cas échéant, dans le cadre des demandes principales. 3 - Sur les demandes principales 3.1 - Sur la protection au titre du droit d'auteur des photographies du drone en vol Moyens des parties Les demandeurs font valoir que :- le travail de Mme [D] est allé au-delà d'un simple savoir-faire technique tant avant, pendant, qu'après la réalisation des photographies, et chacune des six photographies exprime la personnalité de son auteur ;- l'originalité de la photo "flèche tour Eiffel et drone" résulte des choix esthétiques suivants : avant, dans la mise en scène entre un élément petit et léger et un élément massif afin de mettre en exergue la hauteur du drone en vol, pendant, par l'utilisation des traces du ciel pour donner du floutage et encadrer le drone entre la mise au point faite sur la tour Eiffel et les traces blanches et, après, par l'accentuation du contraste, de la luminosité et des tons jaune pour faire ressortir le métal de la tour Eiffel ;- l'originalité de la photo "deuxième étage tour Eiffel et drone" résulte des choix esthétiques suivants : avant, dans la mise en scène entre un élément petit et léger et un élément massif et en captant le drone très proche de la tour et à peine perceptible, pendant, par le cadrage d'une partie de la tour pour mettre en valeur l'aspect technique de l'architecture du monument et, après, par l'accentuation du contraste, de la luminosité des tons jaune et rouge et des ombres ;- l'originalité de la photo "tour Eiffel plein (sic) pied et drone" résulte des choix esthétiques suivants : avant, par le travail sur la symétrie et les contours des objets, l'utilisation des couleurs naturelles (bleu, blanc, rouge) et l'association de ces symboles français avec la technologie du drone, pendant, par le cadrage du drone au premier plan, comme une vignette, une broche ou un bijou, en conservant une ligne de fond et en coupant la flèche pour accentuer la symétrie et, après, par l'accentuation du contraste, de la luminosité et des ombres ;- l'originalité de la photo "jardins du Trocadéro et drone" résulte des choix esthétiques suivants : avant, l'utilisation du décollage naturel du drone sur un sol de poussières pour le mettre en valeur, pendant, par le cadrage d'une partie minérale et d'une partie végétale sans centrer le drone et, après, par l'accentuation du contraste, de la luminosité et des tons verts, l'utilisation d'un filtre de couleurs, d'un filtre de floutage et d'un halo de lumière ;- l'originalité de la photo "palais de Chaillot et drone" résulte des choix esthétiques suivants : avant, dans la recherche d'un cadrage spécifique sur la façade du palais, pendant, par l'inscription du drone au premier plan et l'utilisation de façade du palais comme une toile de fond et, après, par l'accentuation du contraste, de la luminosité et des tons jaune et l'utilisation d'un filtre de netteté ;- l'originalité de la photo "Grand palais et drone" résulte des choix esthétiques suivants : avant, la recherche de trois plans (sol, arbres, ciel) et l'inscription du drone dans le ciel pour une meilleure perception, pendant, par le cadrage du drone non centré, évoquant un triptyque imaginaire et comme accroché aux traînées de condensation dans le ciel et, après, par l'accentuation du contraste, de la luminosité, des ombres et des tons verts, et l'utilisation d'un filtre de netteté. La société Freeway Prod soutient que :- comme cela est reconnu dans l'assignation, le choix des objets photographiés était imposé, de même que le contexte puisqu'il s'agissait de photographier le drone aux côtés de monuments parisiens ;- Mme [D] n'est pas photographe mais architecte urbaniste ;- le traitement qu'aurait fait Mme [D] des clichés est particulièrement pauvre, comme cela est visible sur sa pièce no15 : elle s'est contentée d'utiliser des fonctions basiques telles que le renforcement de contraste ou l'augmentation de la luminosité ou l'utilisation d'un filtre, accessibles sur tout smartphone ;- il n'existe aucune mise en scène, aucun choix du moment des photos et aucun traitement élaboré : l'envoi des photographies, simultanées et sur le terrain, prouve bien qu'il n'y a pas eu de réel travail de retouche ;- un autre photographe placé dans les mêmes conditions aurait obtenu un résultat similaire. Réponse du tribunal Les dispositions de l'article L.112-1 du code de la propriété intellectuelle protègent par les droits d'auteur toutes les oeuvres de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination, pourvu qu'elles soient des créations originales. Aux termes de l'article L. 112-2, 9o de ce code, sont considérées comme des oeuvres de l'esprit notamment "les oeuvres photographiques". L'originalité de l'oeuvre ressort des choix libres (qui ne sont imposés par la technique, par le sujet ou par un tiers) et créatifs du photographe qui lui donnent une forme propre, de sorte qu'elle porte l'empreinte de la personnalité de son auteur. Il est indifférent que le photographe soit ou non un professionnel. Les demandeurs indiquent que Mme [D] se trouvait sur place pour sécuriser la zone survolée par le drone pendant les prises de vue et qu'elle a réalisé, à cette occasion, des photographies au sol des monuments et du drone en vol piloté par M. [W] afin d'informer la société Freeway Prod de l'avancement et du bon déroulement de la mission. Sur les six photos en litige, Mme [D] a saisi l'image du drone à proximité des monuments prédéfinis dans la mission. Elle n'a choisi :- ni l'heure des prises de vue, fixée par les autorisations de survol (de 6h à 8h et de 20h à 21h20), et donc de la lumière, comme en témoignent la faible luminosité et les contre-jours,- ni le mouvement de l'engin, conduit par M. [W] pour le tiers client dans les limites de l'autorisation de survol,- ni son propre point de vue, n'ayant pas de liberté de mouvement puisqu'elle surveillait la zone survolée à des fins de sécurité. Après la prise de vue, il n'y a eu qu'un travail rapide de retouche par Photoshop (filtres, netteté) et de recadrage, ainsi qu'il résulte de la pièce no21 des demandeurs et du bref délai entre les prises de vue (25 mai entre 6h04 et 8h10) de l'envoi à la société Freeway Prod le jour-même à 10h46.Il n'y a pas eu de tirage des photographies, et donc de choix esthétique lié aux différentes techniques possibles à cette fin. S'agissant de la photographie "flèche tour Eiffel et drone", la présence sur la photographie de la tour Eiffel et du drone, le contraste entre la taille respective de ces deux objets et la présence de traces blanches dans le ciel ne sont pas le produit d'une mise en scène, Mme [D] n'ayant aucune maîtrise du mouvement du drone ni de son propre placement. Elle a su capter cette image et y a apporté de légères retouches (augmentation de la lumière et netteté), ce qui relèvent de la technique et la photographie n'apparaît pas différente de celle qu'aurait pris tout photographe placé dans la même situation. S'agissant de la photographie "deuxième étage tour Eiffel et drone", les éléments d'originalité revendiqués ne sont pas différents de ceux évoqués pour la première photographie. Or, il n'y a pas plus de mise en scène, ni de travail de retouche. S'agissant de la photographie "tour Eiffel plein (sic) pied et drone", la symétrie, les contours des objets et les couleurs naturelles du ciel donnant un effet de bleu, blanc, rouge ne résultent pas d'un choix créatif de Mme [D] mais de l'heure matinale à laquelle le tournage a eu lieu. Le recadrage ayant placé la tour Effel au centre et l'ajout d'un filtre accentuant les couleurs relève de la technique basique de photographie et ne caractérisent pas des partis pris esthétiques de la part de Mme [D]. S'agissant de la photographie "jardins du Trocadéro et drone", il résulte de la pièce no21 des demandeurs que la version retouchée par Mme [D] de cette photographie (recadrage, filtre, effacement d'un panneau jaune au sol) n'a pas été transmise à la société Freeway Prod. C'est donc l'originalité de la photographie d'origine, représentant le drone en vol au-dessus d'un nuage de poussière, qui doit être examinée. Or, ici encore, Mme [D] a photographié un effet qu'elle n'a pas provoqué et elle n'a même pas procédé à des retouches améliorant la qualité du rendu. S'agissant de la photographie "palais de Chaillot et drone", Mme [D] a photographié le drone devant la façade du palais. Elle a ensuite réduit le cadre pour le centrer sur le drone formant un groupe serré avec des sculptures appartenant au palais de Chaillot.Comme déjà indiqué, Mme [D] n'avait aucune maîtrise de la trajectoire du drone. De plus, les retouches apportées sont encore l'application de fonctions classiques de retouche, au service de la qualité technique du cliché et non de l'expression de la personnalité de la photographe. S'agissant de la photographie "Grand palais et drone", Mme [D] a photographié le drone alors qu'il dépassait la cime des arbres en dessous de deux traînées de condensation dans le ciel, puis a légèrement recadré l'image et accentué les contrastes.Là encore, il ne s'est exprimé aucun choix créatif : les effets de structures revendiqués (trois plans horizontaux sol- arbres- ciel et un triptyque vertical imaginaire) ne sont pas des partis pris esthétiques mais décrivent l'aspect général du site. Dès lors, Mme [D] ne démontre de sa part des choix libres et créatifs dans aucun de ces clichés. Il y a donc lieu de rejeter l'ensemble des demandes de Mme [D] et de la société Parenthèses Urbaines fondées sur la violation des droits d'auteur, tant patrimoniaux que moral, attaché à ces clichés. 3.2 - Sur le parasitisme par l'utilisation des photographies Moyens des parties Les demandeurs font valoir que :- les six photographies examinées supra constituent une valeur économique, dont la société Freeway Prod a tiré profit sans aucun investissement et en s'économisant la rémunération d'un photographe;- il s'agit de photographies rares constituant une plus-value commerciale en ce qu'elles incitent les clients de la société Freeway Prod à faire appel à ses services et sont apparues sur l'intégralité de ses outils marketing ; - en publiant les photographies de la mission de pilotage réalisée par la société Parenthèses Urbaines sur ses supports de communication, la société Freeway Prod a accaparé son savoir-faire;- le préjudice en résultant est constituée par la perte de bénéfices et de rémunération pour ces clichés ;- la société Freeway Prod a exploité sur son site cinq autres photographies représentant M. [W] avec des services de police et M. [R], le drone posé au sol et la console de commande de ce dernier, sans les rémunérer ;- la valeur des photographies sur lesquelles figurent des policiers illustre les contrôles réalisés par les services de police concernant les autorisations nécessaires pour le survol en drone de la ville de [Localité 6] et les trois autres laissent entendre faussement que la société Freeway Prod aurait été présente à [Localité 6] pour réaliser la mission. La société Freeway Prod soutient que :- la réalisation des photographies et leur envoi à la société Freeway Prod pour leur usage à titre de communication étaient prévus entre les parties ;- les critères jurisprudentiels du parasitisme ne sont pas remplis. Réponse du tribunal L'article 1240 du code civil dispose que "Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer."Le parasitisme est caractérisé lorsqu'une personne physique ou morale, à titre lucratif et de façon injustifiée, copie ou imite une valeur économique d'autrui, individualisée, apportant une valeur ajoutée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d'un effort intellectuel et d'investissementset à se placer ainsi dans son sillage pour tirer indûment parti des investissements consentis ou de la notoriété acquise. Il est démontré, - par procès-verbal de constat du 17 juin 2020, que la société Freeway Prod a fait figurer sur son site internet, sous l'onglet "actualités" puis, sur la page "Tournage [Localité 6] en drone" quatre photos prises pendant la mission de la société Parenthèses Urbaines et sur la page "Tournage à [Localité 6] drone" sept photos prises pendant cette même mission,- par procès-verbal de constat du 18 juin 2020, que M. [E] [H] a édité sur sa page Facebook, les 25 et 28 mai 2020, plusieurs photos prises pendant la mission de la société Parenthèses Urbaines et sur la page "Tournage à [Localité 6] drone" sept photos prises pendant cette même mission. Ces onze photographies ont été prises à des fins utilitaires dans le cadre de la mission confiée la société Freeway Prod et n'avaient pas vocation à être exploitées commercialement par Mme [D], qui est architecte, ou la société Parenthèses Urbaines, qui est une agence d'ingénierie et d'urbanisme. Si ces photographies illustrent aussi bien l'activité de la société Parenthèses Urbaines, en tant qu'elle porte sur l'imagerie aérienne, que de la société Freeway Prod, il n'est ni allégué, ni démontré qu'elles constituent une valeur commerciale leur apportant une valeur ajoutée et leur procurant un avantage concurrentiel dans un quelconque domaine, de sorte que la société Freeway Prod n'a pu les accaparer à son profit. En toute hypothèse, il n'est pas plus établi l'existence d'investissements spécifiques, les prises de vues ayant été réalisées à l'occasion de l'exécution de la mission de pilotage du drone. Il y a donc lieu de rejeter les demandes au titre du parasitisme. 3.3 - Sur la violation du droit à l'image de M. [W] Moyens des parties M. [W] fait valoir que :- la diffusion de quatre photographies le représentant sur les supports de communication de la société Freeway Prod, sans son autorisation, a porté atteinte au droit à l'image ;- le fait d'être présenté deux fois entouré de policiers peut nuire à sa réputation. La société Freeway Prod soutient que M. [W] ne saurait invoquer son droit à l'image alors qu'il se trouvait dans un lieu public, qu'il avait accepté d'être photographié, qu'il a lui-même mis en ligne et qu'il n'est même pas identifiable sur les quatre photos diffusées. Réponse du tribunal L'article 9 du code civil prévoit : "Chacun a droit au respect de sa vie privée", en vertu duquel chacun a le droit de s'opposer à la reproduction de son image. Toute personne a sur son image un droit exclusif et absolu et peut s'opposer à sa fixation à sa reproduction ou à son utilisation sans autorisation préalable.Il appartient à celui qui publie la photographie d'une personne de rapporter la preuve du consentement de l'intéressé. Parmi les photographies évoquées supra et ayant été mises en ligne sur le site internet de la société Freeway Prod, quatre font apparaître M. [W] (dont une sur laquelle il est parfaitement identifiable, de sorte qu'il l'est également sur les autres par son vêtement) durant la mission effectuée en mai 2020 et malgré l'interdiction expresse découlant du courriel de M. [W] du 3 juin 2009 (pièce no9 des demandeurs). Le fait que la société Parenthèses Urbaines et Mme [D] aient publié les photographies de M. [W] dans la réalisation de la mission de pilotage du drone n'est pas de nature à autoriser la société Freeway Prod à le faire. C'est donc en violation délibérée du droit à la reproduction de son image que la société Freeway Prod a maintenu sur son site les quatre photographies précitées pendant 14 mois. Il y a donc lieu de faire droit à la demande de dommages et intérêts formée à ce titre à hauteur de la somme de 1.400 euros et de condamner la société Freeway Prod à payer cette somme à M. [W]. 4 - Sur les demandes reconventionnelles 4.1 - Sur la demande de dommages et intérêts pour parasitisme Moyens des parties La société Freeway Prod fait grief à la société Parenthèses Urbaines, à M. [W] et à Mme [D] d'exploiter sur leurs pages Facebook des images prises à l'occasion de la mission de mai 2020 avec son matériel et sans son autorisation et de présenter la société Timelab comme leur client. Les demandeurs répliquent que la publication de photographies de Mme [D] ou de M. [R] sur les réseaux sociaux ne discréditent aucunement la société Freeway Prod, que la société Timelab n'est pas présentée comme leur client, que M. [R] les a expressément autorisés à publier les photos prises par sa caméra et que la société Freeway Prod ne démontre aucunement ses droits sur celles-ci. Réponse du tribunal La société Freeway Prod ne caractérise aucunement la valeur commerciale que les défendeurs auraient imitée ou usurpée en publiant sur les réseaux sociaux les photographies prises durant la mission. Elle ne justifie d'ailleurs pas de ses droits sur ces images, ni d'un droit exclusif de représenter ses drones.Enfin, les demandeurs ne se sont jamais présentés comme ayant la clientèle de la société Timelab et il n'est aucunement établi que cette prétendue clientèle leur aurait procuré un quelconque avantage concurrentiel. Le parasitisme n'est donc pas étayé et la demande est rejetée. 4.2 - Sur la demande de restitution des images prises par le drone sous astreinte Moyens des parties La société Freeway Prod demande la condamnation de la société Parenthèses Urbaines à lui remettre, sous astreinte, les rushes du tournage de mai 2020. Les demandeurs indiquent ne détenir aucune de ces images, la société Timelab ayant conservé sa caméra et les images. Réponse du tribunal La société Freeway Prod ne formule aucun fondement juridique à sa demande. Les parties étant liées par un contrat, elle est en droit d'exiger l'exécution des obligations contractées. Or, elle n'allègue ni ne démontre qu'il entrait dans les obligations de la société Parenthèses Urbaines de conserver et remettre à la société Freeway Prod les images réalisées avec le drone. Il y a donc lieu de rejeter la demande. 4.3 - Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive Bien que les demandeurs échouent dans leurs demandes, ils ont pu légitimement se méprendre sur l'étendue de leurs droit.Il n'est aucunement démontré que leur action ait été menée fautivement dans l'intention de nuire et il n'est pas contesté que les photographies litigieuses n'ont été retirées du site de la société Freeway Prod qu'en juillet 2021. Il y a donc lieu de rejeter la demande. 4.4 - Sur la garantie de la société Parenthèses Urbaines Moyens des parties La société Freeway Prod demande la condamnation de la société Parenthèses Urbaines à la garantir de la condamnation prononcée à l'encontre de M. [W] au motif que, lui ayant consenti l'utilisation des photographies, elle lui doit la garantie prévue à l'article 1626 du code civil. Les demandeurs font valoir que la prise de photographies n'a jamais fait partie du contrat. Réponse du tribunal Le texte précité dispose : "Quoique lors de la vente il n'ait été fait aucune stipulation sur la garantie, le vendeur est obligé de droit à garantir l'acquéreur de l'éviction qu'il souffre dans la totalité ou partie de l'objet vendu, ou des charges prétendues sur cet objet, et non déclarées lors de la vente." La société Freeway Prod, qui n'a conclu aucun contrat de vente avec la société Parenthèses Urbaines , ne saurait donc invoquer la garantie d'éviction édictée par ce texte. En toute hypothèse, la société Freeway Prod n'établit aucunement que la société Parenthèses Urbaines lui aurait donné l'autorisation de diffuser l'image de M. [W], dont elle ne pouvait disposer s'agissant d'un droit de la personnalité. Il y a donc lieu de rejeter la demande. 5 - Sur les autres demandes La société Parenthèses Urbaines, Mme [D] et la société Freeway Prod, qui succombent, sont condamnés aux dépens de l'instance, qui seront supportés pour moitié par la société Parenthèses Urbaines et Mme [D] et pour moitié par la société Freeway Prod, et leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile sont rejetées. L'équité justifie de condamner la société Freeway Prod à payer à M. [W] la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Aucune circonstance ne justifie d'écarter l'exécution provisoire du présent jugement. PAR CES MOTIFS Le tribunal, DÉBOUTE la SARL Parenthèses Urbaines et Mme [P] [D] de leurs demandes fondées sur la contrefaçon de leurs droits d'auteur; DÉBOUTE la SARL Parenthèses Urbaines et Mme [P] [D] de leurs demandes fondées sur les agissements parasitaires ; DÉBOUTE la SARL Freeway Prod de toutes ses demandes reconventionnelles ; CONDAMNE la SARL Freeway Prod à payer à M. [C] [W] la somme de 1.400 euros à titre de dommages et intérêts ; CONDAMNE la SARL Freeway Prod, d'une part, et la SARL Parenthèses Urbaines et Mme [P] [D], d'autre part, à supporter chacune la moitié des dépens de l'instance ; CONDAMNE la SARL Freeway Prod à payer à M. [C] [W] la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; DIT n'y avoir lieu d'écarter l'exécution provisoire du présent jugement. Fait et jugé à [Localité 6] le 16 décembre 2022 La Greffière La Présidente | x |
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JURITEXT000047454932 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/45/49/JURITEXT000047454932.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 23 décembre 2022, 20/10481 | 2022-12-23 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 20/10481 | CT0196 | TRIBUNALJUDICIAIREDE [Localité 15] 3ème chambre2ème section No RG 20/10481No Portalis 352J-W-B7E-CTBZM No MINUTE : Assignation du :21 Octobre 2020 JUGEMENT rendu le 23 Décembre 2022 DEMANDEURS S.A.R.L. ENTREPRISE SOCIETALE D'ENTREPRENARIAT[Adresse 11][Localité 15] Madame [P] [X][Adresse 12][Localité 15] Monsieur [L] [BY][Adresse 2][Localité 15] Monsieur [R] [N][Adresse 10][Localité 15] Monsieur [Z] [T][Adresse 7][Localité 15] Monsieur [V] [O][Adresse 9][Localité 13] représenté par Maître Jean AITTOUARES de la SELARL OX, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0966 DÉFENDEURS S.A. BETC[Adresse 3][Localité 14] S.A.S. BETC DIGITAL - intervenante volontaire[Adresse 1][Localité 14] représentées par Maître Jean-marie GUILLOUX, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #G0818 S.A.S. [Localité 16] BOBOIS INTERNATIONAL[Adresse 5][Localité 15] représentée par Maître Garance MATHIAS, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #C2332 et par Maître Anne SENDRA, de la société ERNST & YOUNG, avocat au barreau de MARSEILLE, avocat plaidant, S.A.R.L. SCHMOOZE[Adresse 8][Localité 15] représentée par Maître Isabelle WEKSTEIN-STEG de l'AARPI WAN Avocats, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R0058 S.A.S. GRAND MUSIQUE MANAGEMENT- intervenante volontaire[Adresse 4][Localité 15] Monsieur [F] [C] dit «Tepr» - intervenant volontaire[Adresse 6][Localité 15] représentés par Maître Michael MAJSTER de l'AARPI Majster & Nehmé Avocats, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R0139 COMPOSITION DU TRIBUNAL Madame Irène BENAC, Vice-PrésidenteMadame Elodie GUENNEC, Vice-présidenteMonsieur [L] [K], Juge assisté de Monsieur Quentin CURABET, Greffier DÉBATS A l'audience du 20 Octobre 2022 tenue en audience publique devant Irène BENAC et [L] COURILLON-HAVY, juges rapporteurs, qui sans opposition des avocats ont tenu seuls l'audience, et après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile. Avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 16 Décembre 2022 puis prorogé au 23 Décembre 2022. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe ContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE 1. Le groupe musical Bagarre a composé et interprété une chanson intitulée « Claque-le ». Cette composition a été produite et éditée par la société Entreprise Sociétale d'Entreprenariat, et diffusée à partir du 10 juillet 2015. 2. A une date non précisée, la société [Localité 16] Bobois International, dont l'activité est la vente de meubles, a confié à la SA BETC et/ou à la SAS BETC Digital, dont l'activité principale est la publicité et la communication, la conception d'un film publicitaire. 3. La SAS BETC Digital indique avoir conçu un film intitulé « Goûtez au French Art de vivre » et avoir sous-traité :- la production de la bande-son à la SARL Schmooze, spécialisée dans la production et l'édition d'oeuvres et d'enregistrements musicaux notamment dans le domaine publicitaire, et - la production audiovisuelle à la société de production de films publicitaires Superette. 4. Par e-mail du 29 mai 2019, la société Superette a contacté le manager du groupe Bagarre pour faire savoir que le titre Claque-le était pressenti pour une synchronisation dans un film publicitaire en cours de production.Le 3 juin 2019, la SARL Schmooze a demandé à la société Sony Music Entertainment France, en qualité de producteur du phonogramme Claque-le, de lui faire une estimation pour les droits sur la synchronisation de ce titre « pour 1 campagne [Localité 16] Bobois tous formats / tous Médias / Monde / 1 an (+renouvellement optionnel annuel @+10%) + clause archive pour la durée de la PI(Rétrospectives, Sites Marque et Agence + conservation en ligne des contenus là où ils ont été postés avant l'expiration du terme (no Push / No Post) ».Le même jour, la société [Localité 16] Bobois International a indiqué qu'elle ne souhaitait pas que ce titre soit associé à sa campagne de publicité. 5. La SARL Schmooze a alors confié à la SAS Grand Musique Management, producteur et éditeur de musique, et à M. [F] [C], auteur compositeur de musique électronique, la composition et l'enregistrement d'une oeuvre musicale pour les besoins de l'illustration sonore de cette campagne de publicité pour le compte de l'annonceur [Localité 16] Bobois. Cette oeuvre, nommée « [D] », lui a été remise le 31 juillet 2019. 6. La commande de cette musique et des droits « tous formats / tous Médias / Monde / 1 an » a été faite par la société [Localité 16] Bobois International à la société BETC Digital selon devis no30237 du 7 août 2019, accepté le 20 août, au prix hors taxes de 40.483 euros. Le 7 août 2019, la société BETC Digital a répercuté cette commande à la société Schmooze, qui l'a facturée au même prix le 23 août suivant. Les accords entre la SARL Schmooze, la SAS Grand Musique Management et M. [C] ont été formalisés par contrat de commande et de cession de droits signé le 1er octobre 2019. 7. Fin octobre 2019, le film publicitaire de [Localité 16] Bobois a été diffusé et sonorisé avec une bande son dont les membres du groupe Bagarre et la société Entreprise Sociétale d'Entreprenariat estiment qu'elle reprend toutes les caractéristiques originales de l'oeuvre Claque-le. 8. Après plusieurs mois de contacts infructueux entre les parties, les cinq membres du groupe Bagarre (Mme [P] [X], M. [L] [BY], M. [R] [N], M. [Z] [T] et M. [V] [O]) et la société Entreprise Sociétale d'Entreprenariat ont fait assigner devant le tribunal judiciaire de Paris la société [Localité 16] Bobois International, la société BETC et la société Schmooze en contrefaçon de leurs droits d'auteurs et droits voisins du droit d'auteur par actes du 21 octobre 2020. 9. Le juge de la mise en état a rejeté deux incidents soulevés par les sociétés BETC et Schmooze et une demande de communication de pièces des demandeurs par ordonnances du 13 août 2021. 10. La société BETC Digital est intervenue volontairement à l'instance par conclusions du 20 octobre 2021. La société Grand Musique Management et M. [F] [C] sont intervenus volontairement à l'instance par conclusions du 3 février 2022. 11. Dans leurs dernières conclusions signifiées le 24 avril 2022, les demandeurs demandent au tribunal de : à titre principal :- débouter les sociétés Schmooze, BETC et BETC Digital de leur demande de rejet de pièces,- débouter les sociétés BETC et [Localité 16] Bobois International de leurs demandes de mise hors de cause,- ordonner l'interdiction d'exploitation de l'oeuvre musicale synchronisée dans les films publicitaires intitulés « Goûtez au French art de vivre », sous astreinte de 500 euros par jour de retard, l'interdiction du dépôt de cette oeuvre auprès de quelque organisme de gestion collective que ce soit et sa suppression des registres de tout organisme de gestion collective auprès duquel elle aurait été déposée,- ordonner la production, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, par les sociétés [Localité 16] Bobois International, BETC et BETC Digital des contrats signés pour la production de ces films publicitaires, de l'intégralité des factures correspondant à leur production dans toutes leurs versions et de l'historique complet de leurs diffusions,- ordonner la production, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, par les sociétés Schmooze, BETC et BETC Digital du contrat de production de la musique sonorisant ces films publicitaires et de l'intégralité des factures correspondantes,- ordonner la production, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, par la société [Localité 16] Bobois International de l'intégralité des factures d'achat d'espace liées à cette campagne publicitaire,- ordonner la production, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, par la société Grand Musique Management et M. [F] [C] de toutes redditions de comptes qu'ils auraient reçues de tout organisme de gestion collective, portant sur l'exploitation de toutes versions de la musique sonorisant les films publicitaires de cette campagne,- ordonner aux défendeurs, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, la communication de l'intégralité des correspondances intervenues entre eux, relatives à la production de la musique sonorisant ces films publicitaires,- condamner in solidum les sociétés BETC, BETC Digital, [Localité 16] Bobois International, Schmooze, Grand Musique Management et M. [F] [C] à payer :- à l'ensemble des demandeurs, une provision de 125.000 euros à valoir sur leur préjudice au titre de la perte subie et du manque à gagner et une somme de 30.000 euros en réparation de leur préjudice moral commun,- aux auteurs, la somme de 75.000 euros en réparation du préjudice résultant de la violation de leur droit moral,- condamner la société [Localité 16] Bobois International à leur verser une provision de 15.000 euros au titre des bénéfices injustement réalisés,- condamner les sociétés BETC et BETC Digital in solidum à leur verser une provision de 15.000 euros au titre des bénéfices injustement réalisés,- condamner la société Schmooze à leur verser une provision de 30.084 euros au titre des bénéfices injustement réalisés,- condamner la société Grand Musique Management et M. [F] [C] in solidum à leur payer la somme de 60.000 euros dont une provision de 50.000 euros au titre des bénéfices injustement réalisés,- ordonner la publication du dispositif du jugement à intervenir ; à titre subsidiaire :- désigner un expert judiciaire ayant pour mission de procéder à l'analyse comparative des oeuvres en vue de déterminer leurs similitudes et leurs différentes sur les plans mélodique, rythmique et harmonique, ainsi que sur le plan du son ; en tout état cause :- condamner in solidum les sociétés BETC, BETC Digital, [Localité 16] Bobois International, Schmooze, Grand Musique Management et M. [F] [C] aux dépens, dont distraction au profit de Me Jean Aittouares, conformément à l'article 699 du code de procédure civile et à payer à la société Entreprise Sociétale d'Entreprenariat la somme de 56.426,38 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à charge pour elle de se répartir cette somme avec les auteurs, conformément à leurs accords. 12. Dans ses dernières conclusions signifiées le 5 mai 2022, la société [Localité 16] Bobois International demande au tribunal de:- la mettre hors de cause;- débouter les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes en ce que les caractéristiques musicales du titre Claque-le appartiennent au fonds commun et ne sont donc pas protégeables par le droit d'auteur; à titre subsidiaire,- débouter les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes en ce qu'elle n'a pas commis d'acte de contrefaçon ; à titre plus subsidiaire, - débouter les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes en ce que les éventuelles sonorités communes entre les deux oeuvres procèdent d'une rencontre fortuite et d'une source d'inspiration commune; à titre infiniment plus subsidiaire,- réduire les demandes indemnitaires à l'euro symbolique,- rejeter la demande d'expertise judiciaire comme inutile et tardive et, subsidiairement, modifier la mission et en mettre les frais à la charge des demandeurs,- déclarer la demande d'interdiction sans objet; en tout état de cause - condamner les sociétés BETC et/ou BETC Digital à la garantir de toute condamnation à son encontre,- condamner les demandeurs aux dépens et à lui payer la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 13. Dans leurs dernières conclusions signifiées le 9 mai 2022, les sociétés BETC et BETC Digital demandent au tribunal de:- mettre la société BETC hors de cause et déclarer recevable l'intervention volontaire de la société BETC Digital,- rejeter les pièces no7.2, 7.3, et 46 versées aux débats par les demandeurs,- débouter les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes en ce que les caractéristiques musicales de l'oeuvre Claque-le sont dépourvues d'originalité, relèvent de l'appartenance à un genre, et ne sont donc pas protégeables par le droit d'auteur,- rejeter la demande d'expertise judiciaire comme inutile et tardive; à titre subsidiaire,- réduire les demandes indemnitaires à de plus justes proportions,- déclarer la demande d'interdiction sans objet,- rejeter les demandes de publication et de communication de pièces ; en tout état de cause, - condamner la société Schmooze à garantir la société BETC Digital de toute condamnation à son encontre,- condamner les demandeurs aux dépens et à leur payer, à chacune, la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 14. Dans ses dernières conclusions signifiées le 6 mai 2022, la SARL Schmooze demande au tribunal de :- rejeter les pièces no7.2, 7.3, 23 et 46 versées aux débats par les demandeurs,- débouter les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes en ce que les caractéristiques musicales de l'oeuvre Claque-le appartiennent au fonds commun et ne sont donc pas protégeables par le droit d'auteur,- rejeter la demande d'expertise judiciaire ; à titre subsidiaire,- réduire les demandes indemnitaires à 1.380 euros au titre de la perte subie, à 441,49 euros au titre des bénéfices injustement réalisés et rejeter les autres demandes,- déclarer la demande d'interdiction sans objet,- rejeter les demandes de publication et de communication de pièces,- ordonner la communication sous astreinte du contrat conclu entre la société Entreprise Sociétale d'Entreprenariat et la société Universal Music Publishing pour 2019 ; à titre plus subsidiaire, - dire que l'expert judiciaire ne pourra prendre appui que sur l'oeuvre Claque-le telle qu'exploitée, et non sa version instrumentale ; en tout état de cause, - condamner les demandeurs aux dépens et à lui payer la somme de 30.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 15. Dans leurs dernières conclusions signifiées le 6 mai 2022, la société Grand Musique Management et M. [F] [C] demandent au tribunal de débouter les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes et de les condamner aux dépens et à leur payer à chacun la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 16. L'ordonnance de clôture a été rendue le 12 mai 2022. MOTIVATION I. Sur la mise hors de cause de la société [Localité 16] Bobois International 17. La société [Localité 16] Bobois International fait valoir qu'elle n'est pas à l'initiative de la composition de la musique du film publicitaire qu'elle a confié à la société BETC Digital, et qu'elle n'a eu aucun échange avec les demandeurs dont elle a écarté le titre pour sa campagne publicitaire. 18. Les demandeurs soulignent que la société [Localité 16] Bobois International a exploité l'oeuvre arguée de contrefaçon et ne saurait être mise hors de cause. Sur ce, 19. La société [Localité 16] Bobois International diffusant ou ayant diffusé la bande son litigieuse pour les besoins de sa communication, le grief de contrefaçon peut lui être fait et il n'y a pas lieu de la mettre hors de cause. II. Sur la mise hors de cause de la SA BETC 20. La société BETC fait valoir qu'elle n'a jamais pris part à la réalisation de la campagne publicitaire, comme le démontre le bon de commande du 7 août 2019 et les documents relatifs à la création et que l'utilisation du nom BETC par la société BETC Digital et par la société [Localité 16] Bobois dans les échanges est un raccourci, utilisé par souci de rapidité ou de simplicité. 21. Les demandeurs soulignent que, jusqu'à la présente instance, les éléments portés à sa connaissance faisaient référence à la société BETC et que la confusion était entretenue entre les deux personnes morales. Ils ajoutent qu'il n'est aucunement démontré que la SA BETC n'a pas été chargée de la campagne publicitaire alors qu'elle apparaît comme son auteur aux yeux des tiers. Sur ce, 22. Le juge de la mise en état a été saisi de la même demande en 2021 sur le fondement des articles 31 et 32 du code de procédure civile. 23. Dans son ordonnance du 13 août 2021, il a rejeté la fin de non recevoir, considérant que le moyen relevait de l'examen de l'affaire au fond dès lors que « dans le cas d'espèce s'il est vérifié que c'est bien la société BETC Digital qui a répondu aux réclamations formulées, établi le devis du 7 août 2019, pour «une production musique» et enfin adressé à la société Schmooze une commande qui lui a été facturée le 23 août suivant (pièces RB2 et BETC 2, OX 28 et 32), il ne peut s'en déduire que la société BETC SA serait pour autant complètement étrangère aux actes litigieux alors que dans un courrier daté du 14 novembre 2019 conjointement établi avec la société Schmooze, elle indique elle-même avoir « consacré des budgets non négligeables pour la production de l'enregistrement de l'oeuvre fin de page 9 de l'ordonnance ». Ce dernier courrier était une lettre recommandée avec accusé de réception adressée à la société Sony Music par la société Schmooze et la société BETC, clairement identifiée par son numéro de RCS et signé de sa directrice juridique, peu susceptible de faire erreur sur la personne. 24. Or, malgré cette motivation et malgré les demandes de précision des demandeurs sur ce point, ni la SA BETC, ni la société BETC Digital, ni la société [Localité 16] Bobois International n'ont produit de pièce permettant de déterminer à qui la société [Localité 16] Bobois International a confié le contrat publicitaire, et laquelle des deux a réalisé le film publicitaire litigieux.Au surplus, comme le soulignent les demandeurs, jusqu'au 21 octobre 2021, la société [Localité 16] Bobois International ne désignait son co-contractant dans la présente instance que comme la société BETC. Dans ces conditions, les pièces du dossier démontrent la participation tant de la société BETC que de la société BETC Digital à la campagne publicitaire incluant la contrefaçon alléguée. 25. Il n'y a donc pas lieu de mettre la société BETC hors de cause. III. Sur les interventions volontaires de la société BETC Digital, de M. [F] [C] et de la société Grand Musique Management 26. La société BETC Digital a commandé à la société Schmooze, le 7 août 2019, la musique arguée de contrefaçon pour le film publicitaire. Son intérêt à défendre justifie que son intervention volontaire soit déclarée recevable. 27. M. [F] [C] et la société Grand Musique Management ont respectivement composé, interprété et produit la musique arguée de contrefaçon.Leur intérêt à défendre justifie que leur intervention volontaire soient déclarées recevables. IV . Sur le rejet de pièces 28. Les sociétés Schmooze, BETC et BETC Digital demandent le rejet des pièces suivantes versées aux débats par les demandeurs : la pièce no7.2 (partie instrumentale de l'oeuvre Claque-le), la pièce no7.3 (partie instrumentale du refrain de l'oeuvre Claque-le et partie principale de l'oeuvre seconde) et la pièce no46 (rapport d'expertise de Mme [M] [Y] du 9 décembre 2019) pour défaut de force probante en ce que la version instrumentale n'est pas l'oeuvre exploitée - et n'est donc pas comparable à [D] - et que le rapport de Mme [Y] du 9 décembre 2019, qui compare cette version instrumentale avec [D], est donc vicié. 29. La société Schmooze sollicite également le rejet de leur pièce no23 (procès-verbal de constat du 23 octobre 2019 et CD-[Localité 17] annexé) en ce que, d'une part, l'huissier n'a pas expliqué la provenance du lien URL qu'il a suivi en premier et, d'autre part, parce qu'il n'a pas vidé la mémoire cache de son ordinateur lorsqu'il a ouvert une deuxième page web. 30. Les demandeurs soutiennent que le défaut de force probante n'est pas un motif de rejet d'une pièce du dossier et que la seule circonstance que l'huissier n'ait pas vidé la mémoire cache de son ordinateur entre le constat du lien WeTransfer et le constat d'une exploitation du film litigieux sur YouTube, n'est pas de nature à vicier ses premières constatations, ni mêmes les secondes. Sur ce, 31. Les parties sont libres dans l'administration de la preuve des faits à l'appui de leurs demandes dans les limites des principes de loyauté et licéité. 32. Les pièces 7.2 et 7.3 des demandeurs sont respectivement la version instrumentale de Claque-le et les enregistrements successifs de la partie instrumentale du premier refrain de ce titre et de [D], destinées à mettre en évidence les similitudes entre ces compositions. Elles ne sont ni trompeuses, ni dénaturées, ni déloyales, de sorte qu'il n'y a pas lieu de les écarter des débats.La pièce 46 est le rapport de Mme [Y] du 9 décembre 2019 qui ne confond pas le titre Claque-le avec son refrain ni, à plus forte raison, avec son refrain en version instrumentale. Il n'y a donc pas lieu de l'écarter des débats. 33. Pour l'établissement de procès-verbaux de constat sur internet, les commissaires de justice doivent respecter un protocole prétorien qui vise à créer un environnement neutre et sûr aux constatations ; ils suivent majoritairement la norme AFNOR NF Z67-147 du 11 septembre 2010, recueil de bonnes pratiques, qui n'est cependant pas obligatoire, cette norme n'étant pas consultable gratuitement sur le site de l'AFNOR. 34. Pour l'établissement du constat du 23 octobre 2019, Me [J] [B] a décrit l'exécution du protocole précité et notamment la suppression des historiques de navigation et le vidage de la mémoire cache. 35. La société Schmooze ne précise pas en quoi sont critiquables les constatations faire à partir d'une adresse URL figurant sur un courriel versé aux débats (pièce no17 des demandeurs), ni en quoi la validité du procès-verbal serait affectée par la consultation de deux sites web successivement.Il n'y a donc pas lieu d'écarter cette pièce des débats. V. Sur l'originalité de Claque-le 36. Les demandeurs font valoir que :- l'originalité de l'oeuvre Claque-le réside dans la combinaison des éléments suivants :« - une instrumentation délibérément axée sur le rythme, consistant en trois synthétiseurs mêlés à des percussions aux sonorités sèches (caisses claires, shakers, claquements de doigts et battements de mains) ;- des roulements de batterie très fréquents, introduisant le morceau et chacun des refrains ;- une voix féminine répétant la même note de manière hachée, en synchronisation avec ces roulements ;- un couplet faiblement mélodique et composé presque uniquement d'éléments rythmiques ;- un refrain au rythme syncopé et haché d'inspiration latine, typique du Son cubain ;- une progression d'accords parfaitement arbitraire au sein de ce refrain ;- l'ajout, à la gamme de sol mineur, de la note de mi bécarre, légèrement dissonante et faisant passer cette gamme en mode dorien, qui est une couleur modale particulière» ;- la partie instrumentale de Claque-le est originale ;- le logiciel de composition est un outil pour le créateur, au même titre que les méthodes traditionnelles, il ne crée pas le morceau de musique ;- l'expert missionné par la société Schmooze a jugé banales de nombreuses caractéristiques de l'oeuvre Claque-le mais n'a trouvé aucune oeuvre antérieure réunissant ces caractéristiques, ce qui constitue un indice de son originalité;- les 7 enregistrements communiqués par société Grand Musique Management et M. [F] [C] ont au maximum deux caractéristiques communes avec Claque-le ;- les antériorités alléguées par les sociétés Schmoozeet BETC ne sont pas versées au dossier. 37. La société [Localité 16] Bobois International soutient que :- l'ensemble des caractéristiques prétendument originales (roulements de batterie, musique essentiellement rythmique, tonalité en sol mineur, mode dorien, etc.) appartiennent au fonds commun, comme le retiennent les deux rapports d'expertise;- cet ensemble de caractéristiques occulte le caractère prédominant de la partie chantée sur l'ensemble du titre Claque-le. 38. Les sociétés BETC et BETC Digital font valoir que :- la version instrumentale de Claque-le, et plus particulièrement de son refrain, fonde les prétentions des demandeurs;- les éléments de Claque-le que les demandeurs invoquent comme ayant été repris par [D] (style electro, tempo, tonalité, instrumentation et motif rythmique) sont « des éléments du fonds commun qui ne sauraient faire l'objet d'aucun monopole», seules les paroles étant originales dans l'oeuvre première;- les deux oeuvres sont constituées de programmations, de libre parcours, incompatible avec l'idée de création individuelle propre, d'expression de la personnalité et d'originalité. La société Schmooze s'associe aux observations sur ces points des sociétés BETC et BETC Digital et soutient que la prédominance des voix et des paroles de la chanson est la caractéristique exclusive de Claque-le. 39. La société Grand Musique Management et M. [F] [C] ne contestent pas l'originalité. Sur ce, 40. Les dispositions de l'article L.112-1 du code de la propriété intellectuelle protègent par les droits d'auteur toutes les oeuvres de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination, pourvu qu'elles soient des créations originales. Sont ainsi considérées, aux termes de l'article L. 112-2, 5o de ce code, comme des oeuvres de l'esprit "les compositions musicales avec ou sans paroles".L'originalité de l' oeuvre ressort notamment de partis pris esthétiques et de choix arbitraires qui lui donnent une forme propre de sorte qu'elle porte ainsi l'empreinte de la personnalité de son auteur. 41. Les caractéristiques de la chanson Claque-le, ci-dessus énumérées, revendiquées par les défendeurs au titre de l'originalité, créent une combinaison singulière, qui exprime des choix esthétiques arbitraires exprimant la personnalité et les efforts créatifs de leurs auteurs.Il est indifférent que certaines de ces caractéristiques, prises isolément, soient banales ou appartiennent au fonds commun des musiques actuelles. Au demeurant, les défendeurs échouent à citer des oeuvres antérieures présentant plus de deux de ces caractéristiques combinées, ce qui témoigne de la recherche créative réalisée. 42. Les sociétés BETC et BETC Digital ne sauraient être suivies lorsqu'elles soutiennent que la composition par ordinateur est incompatible avec l'idée de création individuelle propre, d'expression de la personnalité et d'originalité, dès lors qu'il ne s'agit que d'un outil au service de la créativité des auteurs. 43. C'est, en revanche, à juste titre que les défendeurs font valoir que l'originalité du titre Claque-le résulte également des paroles et du chant (ou plutôt de l'articulation, s'agissant de paroles plus scandées que chantées) mais les seules caractéristiques invoquées par les demandeurs suffisent à caractériser l'originalité de cette chanson, qui est donc protégeable par le droit d'auteur. VI. Sur la contrefaçon de Claque-le par [D] 44. Les demandeurs font valoir que :- l'oeuvre [D] comporte les éléments harmoniques (tonalité sol mineur avec un mi bécarre), rythmiques (tempo de 104 battements par minute, mesure à 4 temps, rythme cubain nommé son, joués par caisse claire et grosse caisse secs et souvent en roulements rapides) et mélodiques (musique électronique plus rythmique que mélodique, instrumentation - par synthétiseurs, nappes de voix, toms, claquements de mains et de doigts et shakers - identique) de l'oeuvre Claque-le ainsi que le démontrent la simple écoute des deux morceaux et l'analyse des rapports d'expertise non contradictoires versés au dossier ;- elle reprend la même introduction (un roulement rythmique saccadé à la caisse claire, renforcé par une partie vocale hachée, sur une mesure), le refrain (8 mesures de 4 temps d'une durée totale de 19 secondes) et se conclut par l'introduction de Claque-le ;- ces ressemblances excluent une ressemblance fortuite, de même que les échanges entre les parties avant que la composition soit confiée à M. [C] ;- les différences sont inopérantes pour caractériser la contrefaçon et celles invoquées en défense sont, en toute hypothèse, illusoires ;- dès le 29 mai 2019, la synchronisation réalisée par la société Superette pour le film publicitaire en réalisation durait 26 secondes, et reprenait déjà l'introduction et le refrain de la chanson, comme [D] ;- la société [Localité 16] Bobois International a diffusé les films incorporant la musique contrefaisante, qui ont précisément pour objet sa promotion ;- la société BETC Digital a commandé l'oeuvre litigieuse à la société Schmooze et l'a facturée sa cliente ;- la société BETC a participé à la production comme en témoignent son propore profil Facebook, les demandes formées à son encontre par la société [Localité 16] Bobois International jusqu'en octobre 2021 et deux sites spécialisés qui la présentent comme auteure de cette campagne publicitaire ;- la société Schmooze était responsable de la production et de la composition de l'oeuvre d'après sa facture no19345 du 23 août 2019 ;- la SAS Grand Musique Management et M. [F] [C] ont reproduit et représenté Claque-le ;- si le Tribunal ne s'estimait pas suffisamment éclairé, il pourrait ordonner une mesure d'expertise. 45. La société Grand Musique Management et M. [F] [C] soutiennent que :- la société Schmooze leur avait donné la référence des atmosphères et sonorités des artistes Flume et Ratatat et de la rythmique d'une oeuvre de Snoop Dog et Pharell Williams et aucunement de l'oeuvre Claque-le ;- les deux oeuvres ont en commun la tonalité, le tempo et le style de musique, caractéristiques banales, et diffèrent dans leur durée, le fait que l'une est instrumentale et l'autre vocale, les mélodies et les structures;- les boucles harmoniques et le motif rythmique sont différents, comme le démontre la comparaison des partitions midi (la partition de Claque-le ayant été reconstituée par M. [C]), de sorte que chaque oeuvre garde une identité propre sans risque de confusion ;- les éléments communs aux deux oeuvres, comme la partie rythmique commune aux synthétiseurs et à la batterie (clave 3-2 très habituelle en musique cubaine, en musique électro et dans la musique brésilienne de style Baile funk) et comme le roulement de caisses claires en fin de séquence, sont des éléments banals qui appartiennent au fonds commun et ne sont pas protégeables par le droit d'auteur. 46. La société Schmooze soutient que :- [D] est une oeuvre instrumentale de musique électronique, prenant en référence les codes de Ratatat ;- les ressemblances alléguées par les demandeurs ne portent pas sur la mélodie, différente, ni sur les harmonies, différentes, mais sur la rythmique des deux morceaux, or cette rythmique est banale et antérieure de sorte que les différences mélodiques et harmoniques revêtent d'autant plus d'importance et montrent que les oeuvres sont sans rapport ;- aucune des caractéristiques revendiquées comme originales (style électro, tempo, tonalité et instrumentation) ne le sont, elles sont au contraire très courantes dans les musiques actuelles ;- Claque-le ne commence pas par un break d'introduction, comme [D], ce break intervient seulement à la 21ème seconde et sur une autre note, tandis que les voix superposées prononcent un son différent ;- le refrain de 19 secondes, repris 4 fois de façon variée dans Claque-le, comporte des voix et des boucles harmoniques différentes même si les accords de début et fin de cycle sont identiques dans la boucle harmonique principale mais non dans la boucle harmonique alternative et les deux accords des 2ème et 3ème mesures sont bien différents même si une seule note diffère car c'est la note fondamentale ;- la partie rythmique du synthétiseur et de la batterie identique des deux oeuvres (la clave 3-2 doublée) est très habituelle en musique latine ;- il n'existe aucune ressemblance mélodique ;- une mesure d'expertise judiciaire serait redondante et de nature a alourdir les frais et la durée de la procédure. 47. Les sociétés BETC et BETC Digital font valoir que :- en cas de contrefaçon par imitation, la comparaison entre l'oeuvre première et l'oeuvre seconde doit avoir lieu au regard des versions des oeuvres telles qu'elles sont effectivement exploitées, de sorte que la démonstration des demandeurs qui se fonde sur la version instrumentale de Claque-le et plus particulièrement de son refrain est inopérante ;- l'oeuvre seconde ne reprend pas les caractéristiques de l'oeuvre première en l'absence des voix et des paroles chantées et en présence de mélodies différentes et en ce que l'impression d'ensemble produite est différente ;- l'utilisation d'outils de programmation et d'instruments virtuels pour la composition et l'interprétation mène à une uniformisation des sons, ce qui explique les sons similaires et la rythmique issue de la musique cubaine Son retrouvés dans les deux oeuvres; - au contraire, il existe de multiples différences entre les deux oeuvres musicales: leur durée, l'élément mélodique du refrain, l'élément rythmique du couplet, les séquences de notes et les figures rythmiques, les parties vocales, la partie de basse, la qualité sonore des toms et la note répétée dans le break d'introduction, de sorte qu'aucune confusion n'est possible ;- dans son courrier du 7 novembre 2019, la société Sony Music Entertainment France n'invoquait que des agissements parasitaires ;- l'imitation est exclue au vu de la volonté expresse de l'annonceur [Localité 16] Bobois de ne pas utiliser Claque-le pour sa campagne ;- la demande d'expertise judiciaire est tardive et inutile, deux des trois experts inscrits auprès de la cour d'appel de Paris ayant déjà donné leur avis aux parties. 48. La société [Localité 16] Bobois International s'associe à l'analyse des sociétés Schmooze et BETC en insistant sur le caractère biaisé du rapport de Mme [Y] qui est basé sur la version instrumentale du refrain, et non l'oeuvre complète Claque-le, faisant abstraction du texte chanté, pourtant omniprésent et lui conférant toute sa singularité, sur le fait que certaines similarités ne résultent pas d'une reprise des caractéristiques du titre Claque-le par l'oeuvre [D] mais simplement de l'usage d'un même procédé de composition et sur l'impression différente produite par les deux oeuvres en l'absence de paroles, de reprise des éléments mélodiques, des différences d'instrumentation et sur les différences entre les deux oeuvres.Elle ajoute qu'elle est respectueuse des droits des auteurs et qu'elle n'avait pas souhaité collaborer avec le groupe Bagarre, de sorte que les éventuelles similitudes entre les oeuvres ne peuvent résulter que d'une rencontre fortuite résultant d'une source d'inspiration commune. Sur ce, 49. Aux termes de l'article L. 121-1 du code de la propriété intellectuelle l'auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son oeuvre.En application des dispositions des articles L122-1 et L122-4 du code de la propriété intellectuelle le droit d'exploitation appartenant à l'auteur comprend le droit de représentation et le droit de reproduction, et toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite.Il en est de même pour la traduction, l'adaptation ou la transformation, l'arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque. 50. La contrefaçon d'une oeuvre protégée par le droit d'auteur, voire de certains de ses éléments, consiste dans la reprise de ses caractéristiques reconnues comme étant constitutives de son originalité.La contrefaçon s'apprécie selon les ressemblances et non d'après les différences. Elle ne peut toutefois être retenue lorsque les ressemblances relèvent de la reprise d'un genre ou d'éléments banals qui appartiennent à un fonds commun de la création musicale, et non de la reproduction de caractéristiques spécifiques de l'oeuvre première. 51. Trois experts ont comparé les deux pièces à la demande des parties : M. [S] [H] le 24 octobre 2019 et M . [G] [W] le 6 octobre 2021 à l'initiative de la société Schmooze et Mme [M] [Y] le 9 décembre 2019 et le 19 novembre 2021 à l'initiative de la société Entreprise Sociétale d'Entreprenariat.Le rapport de M. [H] n'apparaît guère probant en ce qu'il est particulièrement bref et donc peu étayé et que sa rigueur est sujette à caution au regard notamment de son avis sur la tonalité de [D], qui contredit celle des autres experts et des parties.M . [G] [W] et Mme [M] [Y] sont inscrits sur la liste des experts de la cour d'appel de Paris dans la spécialité musique. Leurs analyses sont suffisamment précises pour qu'une expertise judiciaire ne soit pas ordonnée. 52. Claque-le est une chanson d'une durée de 3 minutes et 43 secondes, comportant une introduction, un refrain d'une durée de 19 secondes, répété quatre fois et comportant trois couplets tandis que [D] est une composition instrumentale d'une durée de 26 secondes.Comme le soutiennent les demandeurs, l'examen de la contrefaçon ne saurait être basé sur une comparaison de la version instrumentale de Claque-le et seules les analyses des oeuvres telles qu'exploitées seront prises en compte par le tribunal. 53. M. [W] et Mme [Y] constatent tous deux l'identité de style (électro), de tonalité (sol mineur avec introduction du mi bécarre faisant passer celui-ci en mode dorien), de mesure (4 temps par mesure), de construction sur un cycle harmonique de 4 mesures qui se répète et de tempo (104 battement par minute) entre les deux oeuvres. Ils relèvent également une instrumentation commune (synthétiseurs, batterie électronique, claviers électroniques, sons de percussions électroniques, samples et effets) mais Claque-le utilise une voix féminine, des choeurs mixtes et des claquements de mains et de doigts tandis que [D] utilise juste une voix de synthèse. 54. La contrefaçon alléguée porte plus particulièrement sur le refrain de Claque-le, qui comporte la combinaison précitée des caractéristiques originales de l'oeuvre que sont : - l'instrumentation délibérément axée sur le rythme, consistant en trois synthétiseurs mêlés à des percussions aux sonorités sèches (caisses claires, shakers, claquements de doigts et battements de mains) ; - les roulements de batterie à la caisse claire ; - une voix féminine répétant la même note de manière hachée, en synchronisation avec ces roulements ; - un rythme syncopé et haché d'inspiration latine, typique du Son cubain ; - une progression d'accords parfaitement arbitraire au sein de ce refrain ; - l'ajout, à la gamme de sol mineur, de la note de mi bécarre, légèrement dissonante et faisant passer cette gamme en mode dorien, qui est une couleur modale particulière,et qui ne relève pas d'un genre ni du fonds commun de la création musicale. 55. Ce refrain, d'une durée de 19 secondes, est introduit par un roulement de caisse claire et comporte 2 cycles de 4 mesures sur un rythme syncopé enchaînant harmoniquement les accords suivants : G-, G-/F, C/E- et Eb (M. [W] identifie une boucle alternative mais ne la situe pas et indique qu'elle est rarement utilisée dans l'oeuvre). 56. [D] est une composition instrumentale d'une durée de 26 secondes, constituée d'une introduction de 3 secondes composée d'un roulement de caisse claire allant en s'accélérant, sur laquelle une voix de synthèse répète le son « è » la même note sur le même rythme suivi d'un silence, d'une partie principale de 19 secondes durant lesquelles sont jouées deux boucles de 4 mesures à 4 temps, séparées par un roulement de caisse claire, sur un rythme syncopé enchaînant harmoniquement les accords suivants : G-, D-, E- et Eb et d'une reprise avec diminution du volume pendant 4 secondes. 57. De l'analyse faite par les deux experts, il s'infère que [D] emprunte au refrain de Claque-le le roulement de caisse claire avec une voix à l'unisson rythmique en attaque, une instrumentation similaire (synthétiseurs, nappes, voix transformées et sons de batterie), le motif rythmique caractéristique de clave 3-2 doublée, la structure (deux boucles de 4 mesures), la tonalité ainsi que le premier et le dernier accord de la boucle harmonique qui en comporte 4, c'est-à-dire l'ensemble des caractéristiques qui ont l'originalité de l'oeuvre première.Quand bien même elles seraient, chacune, usitées dans le genre électro ou de musique cubaine ou relevant du fonds commun de la création musicale - ce qui n'est d'ailleurs contesté par personne et admis par tous les experts - leur combinaison constitue l'originalité de l'oeuvre. 58. Il existe une différence harmonique sur deux accords par boucle harmonique. Celle-ci est discrète en ce qu'une tierce reste commune entre les accords différents d'une oeuvre à l'autre.De plus, la ligne mélodique de la basse est différente mais son rythme est identique dans les deux pièces, dont il est souligné par les experts qu'elles sont majoritairement rythmiques et faiblement mélodiques.Ces différences n'effacent pas l'impression de similarité qui se dégage de la comparaison. 59. Enfin, les pièces versées à titre d'antériorités par les défendeurs (pièces 11à18 de M. [C]) ne présentent pas, à l'écoute, la moindre ressemblance d'ensemble avec les deux oeuvres litigieuses, pas plus que les inspirations évoquées par M. [C] (atmosphères et sonorités de Flume et Ratatat et rythmique de Drop it like it's hot de Snoop Dog et Pharell Williams), de sorte que les ressemblances entre les deux oeuvres ne sont rattachables à aucune inspiration commune. Quant à l'éventualité d'une rencontre fortuite, elle est totalement écartée par le contexte de la création rappelé dans le rappel des faits qui montre que toutes parties avaient eu accès à Claque-le avant la commande de [D].. 60. Il y a donc lieu de retenir que [D] constitue une contrefaçon de Claque-le. VII. Sur les mesures de réparation 1. Sur les dommages et intérêts et le droit d'information 61. Les demandeurs font valoir que :- la réticence des défendeurs à fournir des pièces justifie leur condamnation, sous astreinte, à produire les éléments contractuels et comptables de la campagne publicitaire depuis 2020, ainsi que des correspondances nécessaires à l'identification du rôle de chacune des défenderesses, à la détermination de l'étendue de la contrefaçon et à l'évaluation des préjudices subis par les demandeurs ;- les correspondances versées aux débats selon lesquelles la société [Localité 16] Bobois International, après s'être vue proposer une reprise dans le même style que Claque-le et avoir demandé une oeuvre « nettement différente » sont incompatibles avec l'acceptation d'une oeuvre très semblable ;- les défenderesses évoquent le secret des affaires sans jamais expliquer en quoi la demande de production formée par les demandeurs y porterait concrètement atteinte :- la synchronisation, c'est-à-dire l'inclusion des oeuvres musicales dans des oeuvres secondes, souvent audiovisuelles, compte aujourd'hui parmi les sources les plus importantes de revenus pour les acteurs du secteur ;- en synchronisant une oeuvre ressemblant en tous points à Claque-le, qui est l'oeuvre la plus célèbre du groupe Bagarre et du catalogue de la société Entreprise Sociétale d'Entreprenariat, dans une campagne publicitaire d'envergure mondiale, pour un annonceur célèbre, les contrefacteurs les ont privés non seulement de la rémunération qu'ils auraient pu percevoir au titre de cette synchronisation mais aussi de la possibilité de voir leur oeuvre synchronisée pour une autre campagne publicitaire ;- au contraire, les défenderesses ont fait des bénéfices en accaparant la rémunération des auteurs et en bénéficiant des retombées économiques du film publicitaire ;- la contrefaçon puis le comportement des défenderesses dans les pourparlers puis la procédure sont à l'origine d'un préjudice moral considérable ;- il a été porté atteinte à leur droit au respect de l'oeuvre, qui a été altérée pour dissimuler la contrefaçon, et à leur droit à la paternité par absence de mention. 62. La société Grand Musique Management et M. [F] [C] soutiennent que :- les demandes à titre de dommages et intérêts sont exorbitantes ;- [D] n'a pas été déposé à la SACEM « à leur connaissance », ils ne disposent donc d'aucune reddition de compte et n'ont perçu aucune redevance d'exploitation. 63. Les sociétés BETC et BETC Digital font valoir que :- les demandes à titre de dommages et intérêts sont exorbitantes ;- la notoriété de Claque-le est faible, de sorte que le coût de la synchronisation l'aurait été aussi ;- le budget de 40.000 euros serait revenu pour moitié au producteur du phonogramme, la société Sony Music Entertainment France, pour 10 % au gestionnaire éditorial, la société Universal Music Publishing, et seulement le solde aux demandeurs et aucun renouvellement n'aurait eu lieu vu l'arrêt de l'exploitation ;- la perte de chance et le préjudice moral ne sont pas démontrés ;- les bénéfices injustement réalisés doivent tenir compte de ce que l'oeuvre seconde reprend 11,5 % de Claque-le ;- les atteintes au droit moral sont injustifiées puisque les demandeurs étaient d'accord pour la synchronisation et qu'il n'est pas usuel de citer les auteurs dans les films publicitaires ;- seul le préjudice subi sur le territoire français peut être demandé;- les relations entre les sociétés BETC Digital et [Localité 16] Bobois n'ont pas été formalisées par un contrat spécifique, excepté le devis du 7 août 2019, de même que celles avec la société Schmooze et il n'existe pas d'autre facture que celles versées aux débats. 64. La société Schmooze formule les mêmes observations que les sociétés BETC et BETC Digital, précisant que ses bénéfices sont d'un montant total de 3.839 euros et qu'elle n'a reçu aucune redevance proportionnelle à l'exploitation. Elle demande la production du contrat conclu avec la société Universal Music Publishing pour connaître la commission de celle-ci. 65. La société [Localité 16] Bobois International développe les mêmes arguments que les sociétés BETC, BETC Digital et Schmooze sur les dommages et intérêts sollicités à titre provisionnel ou définitif.Elle soutient qu'elle n'a pas formalisé de contrat avec l'agence BETC Digital, à l'exception du devis du août 2019 précité et que toutes les factures ont été communiquées. Sur ce, 66. Selon l'article L. 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle, « Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :1o Les conséquences économiques négatives de l'atteinte aux droits, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;2o Le préjudice moral causé à cette dernière ;3o Et les bénéfices réalisés par l'auteur de l'atteinte aux droits, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de l'atteinte aux droits.Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si l'auteur de l'atteinte avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée ». 67. Ces dispositions, issues de la transposition de la directive 2004/48 du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle (considérant 26 et article 13), visent à ce que la détermination du dommage tienne compte de ces différents aspects économiques, qui ne constituent pas des chefs de préjudices cumulables. En particulier, les bénéfices réalisés par les auteurs des atteintes n'ont pas vocation à être captés par la partie lésée mais sont destinés à évaluer objectivement son préjudice réel. 68. L'article L.331-1-2 du code de la propriété intellectuelle prévoit : « Si la demande lui est faite, la juridiction saisie au fond ou en référé d'une procédure civile prévue aux livres Ier, II et III de la première partie peut ordonner, au besoin sous astreinte, afin de déterminer l'origine et les réseaux de distribution des marchandises et services qui portent prétendument atteinte aux droits du demandeur, la production de tous documents ou informations détenus par le défendeur ou par toute personne qui a été trouvée en possession de telles marchandises ou fournissant de tels services ou a été signalée comme intervenant dans la production, la fabrication ou la distribution de ces marchandises ou la fourniture de ces services.La production de documents ou d'informations peut être ordonnée s'il n'existe pas d'empêchement légitime.». 69. S'agissant de leur manque à gagner, les demandeurs invoquent la rémunération qu'ils auraient pu percevoir à l'occasion de la synchronisation de leur oeuvre, de ses éventuels renouvellements, la rémunération proportionnelle pour la reproduction mécanique et les exécution publiques et la possibilité de voir leur oeuvre synchronisée pour une autre campagne. 70. Le calcul de la rémunération manquée peut être fait sur la base des pièces versées au dossier qui indiquent le budget musique de l'annonceur et la facturation conforme à ce budget de M. [C] et la société Grand Musique Management, la société Schmooze et la société BETC.Ce budget s'élève à 40.000 euros hors taxes et aucune circonstance ne permet de supposer que ce budget aurait pu être négocié à la hausse. En effet, la notoriété de Claque-le et l'absence de tout autre contrat antérieur de synchronisation de leurs oeuvres pour le groupe Bagarre le dément.Aucun renouvellement n'a eu lieu pour l'oeuvre [D] du fait de la présente instance et l'éventualité en est hypothétique, de sorte qu'il en sera tenu compte à hauteur de 4.000 euros. 71. Il n'est pas discuté que la moitié de ce montant devait revenir au producteur de phonogramme et 10 % au gestionnaire éditorial ; en revanche, l'abattement de 25% pour la reprise du seul refrain, auquel prétend les sociétés Schmooze, BETC et BETC Digital n'est aucunement justifié. Le manque à gagner s'élève donc à 17.600 euros (40 % de 44.000 euros) pour l'ensemble des demandeurs, producteur et auteurs. 72. La réparation du préjudice relatif au gain manqué pour la synchronisation de l'oeuvre dans le cadre de la campagne de la société [Localité 16] Bobois International et ses renouvellements ne saurait se cumuler avec la perte de chance de voir l'oeuvre synchronisée pour une autre campagne, à supposer que soit démontrée la réalité de cette perte de chance. 73. M. [C] et la société Grand Musique Management indiquent n'avoir effectué aucun dépôt et, le répertoire de la SACEM étant public, il ne saurait être exigé d'eux la preuve négative de l'absence de dépôt, de même qu'aucune injonction de communiquer ne saurait leur être faite. 74. Les circonstances de l'espèce rappelées supra montrent de la part des sociétés défenderesses une détermination à conserver le bénéfice de l'oeuvre Claque-le pour le film sans y associer les titulaires de droits.Il en résulte l'existence d'un préjudice moral des parties lésées. 75. S'agissant des bénéfices injustement réalisés, il s'évince du budget et des factures versés aux débats que :- la société Grand Musique Management et M. [C] ont perçu, ensemble, une rémunération de 10.000 euros,- la société Schmooze a perçu une rémunération de 30.084 euros et fait un bénéfice de 3.839 euros sur la composition litigieuse, BETC et BETC Digital n'ont pas fait de bénéfice sur la sonorisation du film. Il est inutile d'avoir recours aux autres pièces contractuelles relatives à la campagne publicitaire pour la solution du présent litige.La société [Localité 16] Bobois International recourt en permanence à de nombreuses publicités sur de nombreux supports, y compris audiovisuels. Si elle ne divulgue pas le budget total consacré aux deux films publicitaires en cause, le bénéfice réalisé ne saurait, en toute hypothèse, être évalué à partir de ce montant. De plus, la sonorisation est un élément secondaire de l'effet produit, l'expert [W] l'ayant en l'espèce qualifiée "de musique d'habillage". Par conséquent, quand bien même il serait fait droit à la demande de production de "l'historique complet de leurs diffusions" et de "l'intégralité des factures d'achat d'espace liées à cette campagne publicitaire", le calcul du gain illicite issu de l'exploitations des deux films publicitaires dont la bande son est l'oeuvre contrefaisante n'est pas possible et apparaît, en toute hypothèse, dérisoire. 76. La prise en considération de l'ensemble de ces éléments permet de fixer les dommages et intérêts en réparation de la contrefaçon à la somme de 25.000 euros pour l'ensemble des demandeurs, ainsi qu'il est demandé. Pour les motifs précités (point 67), l'ensemble des demandes dirigées contre les défendeurs en restitution des bénéfices injustement réalisés sont rejetées. 77. S'agissant de l'atteinte au droit moral des auteurs, il n'est pas discuté qu'il n'est pas d'usage de citer les noms des auteurs des films publicitaires eu égard à leur brièveté et l'absence de générique, de sorte que le droit à la paternité des demandeurs n'est pas affecté.L'oeuvre contrefaisante présente avec le titre Claque-le des différences d'orchestration et d'harmonie, ci-dessus décrites, qui, sans effacer la similarité entre elle en ont altéré le caractère et la singularité, portant atteinte au droit à l'intégrité de l'oeuvre. 78. Ce poste de préjudice est fixé à la somme de 1.500 euros par auteur et ne saurait être attribué à la société Entreprise Sociétale d'Entreprenariat qui n'est pas titulaire de droit moraux sur l'oeuvre. 79. La société Grand Musique Management et M. [F] [C] sont à l'origine de la contrefaçon.Il résulte des circonstances de l'espèce rapportées supra que les sociétés [Localité 16] Bobois International, BETC, BETC Digital et Schmooze connaissaient l'oeuvre Claque-le, pour l'avoir proposée à la synchronisation ou, pour la première, l'avoir expressément refusée ; dès lors, il ne pouvait leur échapper que l'oeuvre [D], commandée pour la circonstance, en constituait la contrefaçon.Il y a donc lieu de les condamner in solidum à payer les dommages et intérêts réparant l'atteinte aux droits patrimoniaux et au droit moral des auteurs. 80. La demande de communication de l'ensemble des correspondances échangées par les parties et des autres pièces citées, outre qu'elle n'est pas assez précise pour faire l'objet d'une injonction sous astreinte, est inutile à la solution du litige dès lors que l'intention est indifférente en matière de contrefaçon. Elle est rejetée, de même que la demande de la société Schmooze de voir ordonner la communication du contrat conclu par la société Entreprise Sociétale d'Entreprenariat avec la société Universal Music Publishing. 2. Sur les mesures d'interdiction et de publication 81. Les demandeurs font valoir que :- l'oeuvre musicale contrefaisante a continué à être exploitée après septembre 2020, contrairement aux affirmations de la société [Localité 16] Bobois International et de la société Schmooze, et l'a même été de manière massive, ce qui justifie des mesures d'interdiction sous astreinte ;- la diffusion extrêmement large de la musique contrefaisante aggrave leurs préjudices en ce que de nombreux consommateurs ont cru que l'oeuvre litigieuse était une composition originale, de sorte que seule une mesure de publication permettra de les rétablir dans leurs droits. 82. Les sociétés BETC et BETC Digital font valoir que [D] n'est plus exploitée depuis le 31 août 2021, ou seulement par « quelques liens résiduels » et que rien ne justifie une mesure de publication. 83. La société [Localité 16] Bobois International s'oppose aux mesures d'interdiction, précisant que le film n'est plus diffusé avec la musique litigieuse depuis septembre 2020. Quant aux mesures de publication, elle les estime disproportionnées. Sur ce, 84. L'article L. 331-1-4 du code de la propriété intellectuelle dispose notamment : « En cas de condamnation civile pour contrefaçon, atteinte à un droit voisin du droit d'auteur ou aux droits du producteur de bases de données, la juridiction peut ordonner, à la demande de la partie lésée, que les objets réalisés ou fabriqués portant atteinte à ces droits, les supports utilisés pour recueillir les données extraites illégalement de la base de données et les matériaux ou instruments ayant principalement servi à leur réalisation ou fabrication soient rappelés des circuits commerciaux, écartés définitivement de ces circuits, détruits ou confisqués au profit de la partie lésée.La juridiction peut aussi ordonner toute mesure appropriée de publicité du jugement, notamment son affichage ou sa publication intégrale ou par extraits dans les journaux ou sur les services de communication au public en ligne qu'elle désigne, selon les modalités qu'elle précise.Les mesures mentionnées aux deux premiers alinéas sont ordonnées aux frais de l'auteur de l'atteinte aux droits. » 85. La contrefaçon étant caractérisée, les demandeurs sont bien fondés à demander l'interdiction de toute diffusion ou exploitation de l"oeuvre contrefaisante. 86. Il y a donc lieu de faire droit aux demandes d'interdiction d'exploitation de l'oeuvre musicale synchronisée dans les films publicitaires intitulés « Goûtez au French art de vivre », sous astreinte de 500 euros par infraction constatée, et d'interdiction du dépôt de cette oeuvre auprès de quelque organisme de gestion collective que ce soit. 87. Les affirmations répétées des défendeurs selon lesquelles l'exploitation du film ainsi sonorisé a cessé à partir du 1er septembre 2020 sont contredites par les constats d'huissier du 12 avril 2021 qui démontrent qu'à cette date deux films publicitaires comportant la bande son litigieuse étaient diffusés :- sur les sites spécialisés en publicité lareclame.fr et adforum.com, sous l'onglet BETC,- sur la page facebook de BETC- sur facebook .com vidéos,- sur 31 pages Facebook de magasins [Localité 16] Bobois en France et dans plusieurs pays étrangers,ce qui ne saurait être ramené à "des liens résiduels". 88. Il appartient aux défendeurs de prendre toutes les dispositions nécessaires à la cessation de la diffusion de l'oeuvre, quand bien même il s'agirait de « quelques liens résiduels ».Il est donc justifié lieu d'assortir l'interdiction d'une astreinte telle que figurant au dispositif. 89. En revanche, aucune circonstance ne justifie d'ordonner une mesure de publication judiciaire. VIII. Sur l'appel en garantie des sociétés BETC et BETC Digital contre la société Schmooze 90. Les sociétés BETC et BETC Digital font valoir que :- le bon de commande du 7 août 2019 s'analyse comme un contrat de louage d'ouvrage avec cession des droits patrimoniaux sur l'oeuvre musicale de la société Schmooze à la société BETC Digital ;- la société Schmooze lui doit donc la jouissance paisible des droits cédés et sa garantie. 91. La société Schmooze ne conclut pas sur cette demande. Sur ce, 92. L'article 1626 du code civil prévoit : « Quoique lors de la vente il n'ait été fait aucune stipulation sur la garantie, le vendeur est obligé de droit à garantir l'acquéreur de l'éviction qu'il souffre dans la totalité ou partie de l'objet vendu, ou des charges prétendues sur cet objet, et non déclarées lors de la vente. » 93. La société Schmooze a facturé à la société BETC Digital la production de la musique litigieuse et les droits d'exploitation. Les sociétés BETC et BETC Digital ayant été reconnues coupables de contrefaçon et la société Schmooze n'élevant aucune objection à l'appel en garantie, elles sont bien fondée à obtenir la garantie de leur vendeur pour les condamnations prononcées sur le fond. IX. Sur l'appel en garantie de la société [Localité 16] Bobois International contre les sociétés BETC et/ou BETC Digital 94. La société [Localité 16] Bobois International soutient que :- le devis de BETC Digital du 7 août 2019 indique qu'elle devait lui fournir les droits sur une musique originale composée pour l'occasion ;- elle lui doit garantie conformément au devis précité et aux stipulations du contrat-type établi par l'arrêté du 19 septembre 1961 régissant les rapports entre annonceurs et agents de publicité et au titre de la garantie d'éviction prévue à l'article 1626 du code civil précité. 95. Les sociétés BETC et BETC Digital ne concluent pas sur cette demande. Sur ce, 96. Les sociétés BETC et BETC Digital ont facturé à la société [Localité 16] Bobois International la production de la musique litigieuse et les droits d'exploitation. La société [Localité 16] Bobois International ayant été reconnue coupable de contrefaçon et les sociétés BETC et BETC Digital n'élevant aucune objection à l'appel en garantie, elle est bien fondée à obtenir la garantie de son vendeur pour les condamnations prononcées sur le fond. X . Sur les autres demandes 97. M. [F] [C] et les sociétés Grand Musique Management, [Localité 16] Bobois International, BETC, BETC Digital et Schmooze qui succombent sont condamnés aux dépens de l'instance. 98. Les demandeurs démontrent avoir exposé la somme totale de 56.426,38 euros (en frais d'expert musical, de constats d'huissier et d'avocat) pour établir la preuve et faire valoir leurs droits après de vaines tentatives de résolution amiable. L'équité justifie de condamner l'ensemble des défendeurs, in solidum et indépendamment des appels en garantie, à leur payer cette somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de rejeter les demandes des autres parties au même titre. L'exécution provisoire du présent jugement est de droit. PAR CES MOTIFS Rejette la demande de mise hors de cause de la SA BETC ; Rejette la demande de mise hors de cause de la société [Localité 16] Bobois International ; Dit n'y avoir lieu d'écarter des débats les pièces no 7.2, 7.3, 23 et 46 des demandeurs ; Déclare recevables les interventions volontaires de la SAS BETC Digital, de la société Grand Musique Management et de M. [F] [C] ; Ordonne l'interdiction d'exploitation de l'oeuvre musicale synchronisée dans les films publicitaires intitulés « Goûtez au French art de vivre », sous astreinte provisoire de 500 euros par infraction constatée pendant 6 six mois à compter d'un délai de 21 jours à compter de la signification du présent jugement ; Ordonne l'interdiction du dépôt de l'oeuvre [D] auprès de quelque organisme de gestion collective que ce soit et sa suppression des registres de tout organisme de gestion collective auprès duquel elle aurait été déposée ; Rejette les demandes formées au titre du droit d'information ; Rejette les demandes de publication du jugement ; Condamne in solidum M. [F] [C] et les sociétés Grand Musique Management, [Localité 16] Bobois International, BETC, BETC Digital et Schmooze à payer à la société Entreprise Sociétale d'Entreprenariat, Mme [P] [X], M. [L] [BY], M. [R] [N], M. [Z] [T] et M. [V] [O], ensemble, la somme de 25.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de la contrefaçon de l'oeuvre Claque-le ; Condamne in solidum M. [F] [C] et les sociétés Grand Musique Management, [Localité 16] Bobois International, BETC, BETC Digital et Schmooze à payer à Mme [P] [X] la somme de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts ; Condamne in solidum M. [F] [C] et les sociétés Grand Musique Management, [Localité 16] Bobois International, BETC, BETC Digital et Schmooze à payer à M. [L] [BY] la somme de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts ; Condamne in solidum M. [F] [C] et les sociétés Grand Musique Management, [Localité 16] Bobois International, BETC, BETC Digital et Schmooze à payer à M. [R] [N] la somme de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts ; Condamne in solidum M. [F] [C] et les sociétés Grand Musique Management, [Localité 16] Bobois International, BETC, BETC Digital et Schmooze à payer à M. [Z] [T] la somme de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts ; Condamne in solidum M. [F] [C] et les sociétés Grand Musique Management, [Localité 16] Bobois International, BETC, BETC Digital et Schmooze à payer à M. [V] [O] la somme de 1.500 euros à titre de dommages et intérêts; Condamne les sociétés BETC et BETC Digital à garantir la société [Localité 16] Bobois International des condamnations ci-dessus prononcées à son encontre ; Condamne la société Schmooze à garantir les sociétés BETC et BETC Digital des condamnations ci-dessus prononcées à leur encontre ; Condamne in solidum M. [F] [C] et les sociétés Grand Musique Management, [Localité 16] Bobois International, BETC, BETC Digital et Schmooze aux dépens de l'instance, qui pourront être recouvrés directement par Me Jean Aittouares, conformément à l'article 699 du code de procédure civile ; Condamne in solidum les sociétés [Localité 16] Bobois International, BETC, BETC Digital et Schmooze à payer à Mme [P] [X], M. [L] [BY], M. [R] [N], M. [Z] [T] et M. [V] [O] la somme de 56.426,38 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Fait et jugé à [Localité 15] le 23 Décembre 2022 Le Greffier La Présidente[I] [A] [E] [U] | x |
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JURITEXT000047454933 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/45/49/JURITEXT000047454933.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 6 janvier 2023, 21/14160 | 2023-01-06 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 21/14160 | CT0196 | TRIBUNALJUDICIAIREDE PARIS 3ème chambre2ème section No RG 21/14160No Portalis 352J-W-B7F-CVRX4 No MINUTE : Assignation du :13 Septembre 2021 INCIDENT ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETATrendue le 06 Janvier 2023 DEMANDERESSE Madame [R] [N][Adresse 2][Localité 4] représentée par Maître Véronique TRUONG, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0437 DÉFENDERESSE S.A. GROUPE L'EXPRESS[Adresse 1][Localité 3] représentée par Maître Charles-emmanuel SOUSSEN de la SCP JEAN-PAUL LEVY ET CHARLES-EMMANUEL SOUSSEN - AVOCATS ASSOCIE S, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #W0017 MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT Monsieur Arthur COURILLON-HAVY, Jugeassisté de Monsieur Quentin CURABET, Greffier DÉBATS A l'audience du 04 Novembre 2022, avis a été donné aux avocats que l'ordonnance serait rendue en dernier lieu le 06 Janvier 2023. ORDONNANCE Prononcée publiquement par mise à disposition au greffe ContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE 1. Mme [R] [N], photographe, reprochant à la société Groupe l'express d'avoir exploité un certain nombre de ses oeuvres, l'avait assignée en contrefaçon de droit d'auteur devant ce tribunal le 29 décembre 2017, mais celui-ci a déclaré ses demandes irrecevables et l'a « par conséquent » déboutée de ses demandes indemnitaires, par jugement du 13 mars 2020. 2. Elle a à nouveau assigné la même société le 13 septembre 2021, en contrefaçon de ses droits d'auteurs sur un certain nombre de photographies. La défenderesse a, à partir du 19 avril 2022, formé un incident, soulevant la nullité de l'assignation et l'irrecevabilité des demandes pour autorité de la chose jugée, subsidiairement pour prescription sur une partie des faits, ce qu'elle maintient dans ses dernières conclusions d'incident du 27 octobre 2022, résistant en outre aux demandes provisoires et réclamant 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et la distraction des dépens. 3. Dans ses dernières conclusions d'incident du 17 octobre 2022, Mme [R] [N], qui résiste aux moyens de défense, demande elle-même une provision de 50 000 euros, la reddition des comptes sous astreinte, outre 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, 1 362 et 500 euros de frais de constats d'huissier et de médiation. 4. L'incident a été entendu le 4 novembre et la décision mise en délibéré. Moyens des parties pour l'incident 5. Sur la nullité de l'assignation, la société Groupe l'express soutient qu'est exigé du demandeur en contrefaçon de droit d'auteur qu'il désigne précisément les oeuvres invoquées et en caractérise l'originalité, ce qui ne serait pas le cas ici. La demanderesse répond d'abord que la contestation ne serait pas recevable faute de figurer de façon détaillée au dispositif des conclusions d'incident ; ensuite, que les oeuvres invoquées sont individualisées, « sériées par date, contenu et exploitation, et différenciées selon l'existence ou non d'un bon de commande » ; que les nombreuses réutilisations de ses images en établiraient l'originalité, au regard également de leur « efficacité esthétique, désarrimée des codes visuels ponctuels », inscrite dans la durée, « par une volonté de suspendre au delà du temps et des contingences rédactionnelles la restitution des lieux », ainsi que de leur modification après la prise, du choix des lieux et leur mise en valeur en amont ; plus généralement, que la valeur de création d'une photographie devrait s'apprécier au regard de sa valeur marchande. 6. Sur l'autorité de la chose jugée, la société Groupe l'express, invoquant l'article 1355 du code civil, estime que Mme [N] lui demande à nouveau la même chose, en invoquant la contrefaçon des mêmes photographies sur la base des mêmes constats, et que cette nouvelle affaire a la même cause que la précédente, en ce que les faits et moyens juridiques invoqués sont les mêmes ; et que le jugement du 13 mars 2020 a non seulement déclaré les demandes irrecevables mais également, à titre surabondant, débouté la demanderesse. Mme [N] estime quant à elle que « l'ordonnance du 12 mars 2020 [sic] n'a statué que sur la recevabilité des demandes à savoir l'imprécision de l'individualisation des images et l'absence d'explications sur l'originalité » ; que la « situation » ainsi jugée était « sans individualisation des oeuvres », alors qu'elle présente aujourd'hui une demande où les oeuvres sont individualisées ; outre que la nouvelle instance est aussi fondée sur la concurrence déloyale et non plus seulement sur la contrefaçon, ce à quoi la défenderesse répond en invoquant le principe de concentration des moyens. 7. Sur la prescription, la société Groupe l'express fait valoir que les faits antérieurs au 13 septembre 2016 sont antérieurs de plus de cinq ans à l'assignation du 13 septembre 2021, et que la précédente instance a perdu son effet interruptif en raison de l'irrecevabilité des demandes. Mme [N] répond d'une part que ce moyen aurait dû être soulevé « avant les fins de non-recevoir », d'autre part que la précédente instance a interrompu la prescription. MOTIVATION I . Exception de nullité de l'assignation 8. Aux termes de l'article 56 du code de procédure civile, l'assignation contient notamment, à peine de nullité, un exposé des moyens en fait et en droit fondant la demande. Il en est déduit par la jurisprudence qu'en matière de contrefaçon de droits d'auteur, l'assignation doit identifier la ou les oeuvres sur lesquelles les droits sont revendiqués, leur originalité, et les actes de contrefaçon allégués. Le défendeur ne peut en effet utilement se défendre que s'il lui est permis d'identifier les droits privatifs qui lui sont opposés ainsi que les actes litigieux dont il serait responsable. 9. L'article 114 du code de procédure civile dispose que s'agissant des irrégularités de forme, la nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité. 10. L'assignation de Mme [N] évoque en différents endroits un grand nombres de photographies, d'une façon qui rend certes la compréhension malaisée, voire parfois franchement ardue pour le lecteur. Toutefois, en se limitant à la partie « Discussion » de l'assignation, qui, en vertu de l'article 768, 2e alinéa, du code de procédure civile, lu avec l'article 757, dernier alinéa, doit seule contenir les moyens de fait et de droit soutenant la demande, la compréhension est possible malgré l'organisation peu claire de cette partie « Discussion ». 11. Cette présentation des oeuvres est faite par regroupement, ce qui est heureux au regard de leur grand nombre ; ce regroupement se fait selon la parution de chacune de ces oeuvres : elles sont ainsi rassemblées selon l'article dans lequel elles ont été publiées, et ces articles, ou reportages, sont eux-mêmes rassemblés selon qu'ils ont fait l'objet ou non d'un bon de commande ; ce qui n'est pas incohérent, et s'avère simple à saisir une fois le système compris. 12. Ainsi, la demanderesse invoque un certain nombre de photographies publiées dans 21 reportages photographiques (assignation pp. 17-20) ; puis les photographies publiées dans 13 autres reportages (pp. 21-23) ; enfin, elle invoque des photographies issues d'un dernier reportage (p. 23) ; soit, au total, 35 reportages. Ces reportages sont identifiés par leur titre, et les date et numéro de parution du magazine dans lequel ils ont été publiés. Certes, aucune photographie n'est individuellement identifiée dans le corps de l'assignation, et moins encore reproduite ; mais l'assignation renvoie expressément, pour chaque reportage, à un tableau communiqué parmi les pièces, ce qui est possible, et même sans doute heureux, au regard du grand nombre d'oeuvres en litige. Ces tableaux indiquent, pour chacun des 35 reportages, les oeuvres invoquées, et en donnent une reproduction, certes de petite taille, mais qui est d'assez bonne résolution dans la version informatique des pièces, et la photo est par ailleurs reproduite en plus grand format avec la reproduction du reportage lui-même, qui accompagne le tableau. Les oeuvres invoquées sont donc identifiées. 13. La demanderesse expose en quoi, selon elle, les oeuvres qu'elle invoque sont originales, par une argumentation qui est rappelée ci-dessus au point 5. Que ces allégations soient, ou non, de nature à caractériser l'originalité des oeuvres relève du débat au fond. Le demandeur, qui est libre de soutenir ses demandes comme il l'entend, n'est nullement tenu d'alléguer des caractéristiques différentes pour chacune de ses oeuvres, et il peut former des allégations générales censées caractériser l'originalité de toutes ses oeuvres. Que cela soit fondé est, là encore, l'objet du litige, et non une condition de validité de l'acte introduisant l'instance. 14. S'agissant des faits reprochés à la défenderesse, ils sont allégués en même temps que la présentation des oeuvres, regroupés de la même manière selon les reportages où ces oeuvres ont été reproduites pour la première fois. Et de la même manière, ils sont allégués de façon indirecte dans l'assignation, en renvoyant aux tableaux figurant en pièce 1, qui, eux, explicitent de façon claire les réutilisations litigieuses pour chaque photo, et identifient la preuve censée le démontrer. Les faits litigieux sont donc également allégués. 15. Ainsi, contrairement à ce que soutient la défenderesse, l'assignation contient un exposé des moyens au sens de l'article 56 du code de procédure civile. Par conséquent, l'exception de nullité, qui manque en fait, est écartée. II . Fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée 16. En vertu de l'article 122 du code de procédure civile, la chose jugée est un des motifs du défaut de droit d'agir, constituant une fin de non-recevoir, qui peut être soulevée en tout état de cause (article 123). Le domaine de l'autorité de la chose jugée est déterminé négativement par l'article 1355 du code civil, qui prévoit qu'elle « n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formées par elles et contre elles en la même qualité ». 17. L'article 480 du code de procédure civile prévoit que le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident a, dès sont prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche. 18. Attachée au seul dispositif de la décision, l'autorité de la chose jugée ne peut être opposée lorsque des évènements, postérieurs sont venus modifier la situation antérieurement reconnue en justice (par exemple, Cass. 2e Civ., 10 décembre 2020, no19-12.140). Mais le caractère nouveau de l'évènement ne peut résulter de ce que la partie qui l'invoque avait négligé d'accomplir une diligence en temps utile (Cass. 1re Civ., 19 septembre 2018, no17-22.678). 19. Au cas présent, le jugement du 13 mars 2020 a déclaré Mme [N] irrecevable en ses demandes formées « au titre de la contrefaçon du droit d'auteur », au motif, en substance, qu'elle n'identifiait qu'environ 300 photographies sur les 884 qu'elle invoquait, au demeurant sans qu'elles soient « précisément listées et désignées », de sorte qu'elle ne procédait pas à une identification précise de chacune, ce qui ne permettait pas de déterminer le périmètre exact de la protection revendiquée, et ainsi ne mettait « pas le tribunal en mesure d'apprécier l'existence des atteintes alléguées ». Autrement formulé, le tribunal a jugé Mme [N] dépourvue du droit d'agir au motif qu'elle n'établissait pas la réalité de ses allégations. Bien qu'un tel motif paraisse relever de l'examen du fond du droit, plus que du droit d'agir à proprement parler, le jugement a bien autorité de la chose jugée quant à l'absence de droit d'agir de Mme [N] relativement à la contestation qui lui était soumise. Il faut alors déterminer l'objet et la cause de cette contestation. 20. Le nouveau litige a pour objet, tel que déterminé par la demande, la réparation du préjudice subi du fait de l'exploitation des photographies de Mme [N] depuis 2013 sur les sites internet cotemaison.fr, expressroulartaimages.com (dont la nouvelle URL est images.cotemaison.fr/fotoweb) et interiorachive.com ; et l'interdiction de toute exploitation. Le premier litige avait déjà pour objet l'interdiction de toute exploitation, et la réparation du préjudice subi du fait de l'exploitation des photographies, sur les mêmes sites internet, mais seulement à compter du 29 juin 2015. L'objet est donc le même, sauf pour les faits antérieurs au 29 mai 2015, qui ne faisaient pas l'objet d'une demande en réparation. 21. La contestation avait pour cause l'exploitation d'un certain nombre de photographies revendiquées par Mme [N] et réutilisées par la société Groupe l'Express sans son accord, et la demanderesse ne conteste pas que les photographies invoquées au soutien de la nouvelle action étaient déjà invoquées au soutien de la première. La cause du nouveau litige est donc bien la même. Il est enfin constant que les parties sont les mêmes. 22. Comme le souligne la défenderesse, le fondement juridique des demandes est indifférent pour apprécier l'autorité de la chose jugée : en vertu d'un principe dit de « concentration des moyens », il incombe au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci (Cass. Ass. plén., 7 juillet 2006, 04-10.672, Cesareo, réaffirmé depuis, par exemple Cass. 1re Civ., 9 janvier 2019, no18-11.734, cité par la défenderesse). Mme [N] ne peut donc échapper à l'autorité de la chose jugée en invoquant un nouveau moyen, ici la concurrence déloyale, pour fonder ses demandes indemnitaires et en interdiction portant sur l'usage de ses photographies ayant déjà fait l'objet du premier procès. 23. Enfin, le fait que Mme [N] présente ses demandes autrement (en identifiant plus précisément, explique-t-elle, les oeuvres qu'elle invoque) n'est en rien un évènement nouveau venant modifier la situation antérieurement reconnue en justice au sens de la jurisprudence citée ci-dessus au point 18 : il ne s'agit que d'une nouvelle tentative, présentée différemment, de faire juger la situation qu'un tribunal a déjà jugée. Contrairement à ce qu'allègue Mme [N], il ne s'agit pas là de « vider de son sens la notion même d'autorité de la chose jugée » ; il s'agit au contraire précisément de ce que cette notion vise à empêcher. 24. Par conséquent, les demandes, qui se heurtent toutes à l'autorité de la chose jugée sauf pour la demande indemnitaire au titre de la période antérieure au 29 mai 2015, sont irrecevables sauf pour cette période. III . Fin de non-recevoir pour prescription 25. En application de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. Si les actions en justice interrompent la prescription, l'article 2243 précise toutefois que l'interruption est non avenue si le demandeur se désiste de sa demande ou laisse périmer l'instance, ou si sa demande est définitivement rejetée. La jurisprudence a précisé que cela incluait l'irrecevabilité (voir, en ce sens, Cass. 2e Civ., 21 mars 2019, no17-10.663). 26. Ainsi, les demandes ayant donné lieu au jugement du 13 mars 2020 ayant été déclarées irrecevables, l'interruption de la prescription du fait de cette action est non avenue. Aucune autre interruption ou suspension n'est invoquée. Et Mme [N] n'allègue pas qu'elle n'aurait pas été en mesure d'exercer son action dès la commission des faits. Ses demandes portant sur des faits antérieurs au 13 septembre 2016, 5 ans avant l'assignation, sont, par conséquent, prescrites. IV . Dispositions finales 27. L'ensemble des demandes de Mme [N] étant irrecevables, l'instance est éteinte sans qu'il y ait lieu d'examiner sa demande de provision. 28. Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. L'article 700 du même code permet au juge de condamner en outre la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre, pour les frais exposés mais non compris dans les dépens, une somme qu'il détermine, en tenant compte de l'équité et de la situation économique de cette partie. 29. Mme [N], qui perd le procès, est tenue aux dépens, et doit indemniser la défenderesse de l'ensemble de ses frais, qui peuvent être estimés à 4 000 euros, ce qui tient compte du temps supplémentaire d'analyse imposé par l'ampleur ainsi que le manque de clarté et de cohérence de ses demandes. PAR CES MOTIFS Le juge de la mise en état : Déclare irrecevables l'ensemble des demandes de Mme [N] ; Condamne Mme [N] aux dépens, qui pourront être directement recouvrés par l'avocat de la société Groupe l'express pour ceux dont il aurait fait l'avance sans en recevoir provision, ainsi qu'à payer 4 000 euros à la société Groupe l'express au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Faite et rendue à Paris le 06 Janvier 2023 Le Greffier Le Juge de la mise en étatQuentin CURABET Arthur COURILLON-HAVY | x |
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JURITEXT000047454934 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/45/49/JURITEXT000047454934.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 10 janvier 2023, 22/54211 | 2023-01-10 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 22/54211 | CT0760 | TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS No RG 22/54211 - No Portalis 352J-W-B7G-CWQTZ No : 2/FF Assignation du :28 Mars 2022ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ rendue le 10 janvier 2023 par Irène BENAC, Vice-Président au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal, Assistée de Fabienne FELIX, Faisant fonction de greffier. DEMANDERESSE S.A.S. RICHEZ ASSOCIES[Adresse 2][Localité 4] représentée par Maître Jérôme MARTIN de la SELARL SELARL D'AVOCATS MARTIN ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS - #P0158 DEFENDERESSES Société LUMINARE INVEST MANAGEMENT[Adresse 1] [Localité 7] représentée par Maître Diane DELUME de l'AARPI 186 Avocats, avocats au barreau de PARIS - #D0010 Société EQUIPAGE ARCHITECTURE[Adresse 3][Localité 5] représentée par Me Ophélie BOULOS, avocat au barreau de PARIS - #J0128 DÉBATS A l'audience du 22 Novembre 2022, tenue publiquement, présidée par Irène BENAC, Vice-Président, assistée de Fabienne FELIX, Faisant fonction de greffier, Exposé des faits et de la procédure La société de droit luxembourgeois Luminare Invest Management (ci-après "la société LIM") a remporté un appel d'offres de la ville de Caen pour le montage d'un projet de reconversion de l'ancien palais de justice en hôtel et centre de congrès. Le 4 mai 2021, la société LIM a confié à la SARL Equipage Architecture et à la SAS Richez associés - sociétés ayant toutes deux pour activité l'architecture - une mission de maîtrise d'oeuvre pour la conception et le suivi de l'exécution de ce projet jusqu'à la fin de l'année de parfait achèvement suivant la réception des travaux. Bien que la société LIM n'ait réglé aucune des prestations réalisées, la SARL Equipage Architecture a déposé la demande de permis de construire le 29 octobre 2021.Celle-ci a été rejetée par arrêté du maire de la ville de [Localité 6] le 30 mars 2022. Par actes des 28 et 29 mars 2022, la SAS Richez associés a assigné la société LIM et la SARL Equipage Architecture devant le président du tribunal judiciaire de Paris statuant en référé pour faire interdire à la société LIM de représenter les plans, esquisses et pièces graphiques dont elle est l'auteur et la condamner à lui payer la somme de 50.000 euros ainsi que les dépens et 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en présence de la SARL Equipage Architecture. L'affaire a été appelée à l'audience du 27 septembre 2022, renvoyée au 22 novembre 2022, date à laquelle elle a été plaidée et la décision a été mise en délibéré au 10 janvier 2023. Dans ses dernières conclusions signifiées le 18 novembre 2022, la SAS Richez associés maintient ses demandes initiales. Dans ses dernières conclusions signifiées le 21 novembre 2022, la société LIM soulève la nullité de l'assignation faute d'exposé des moyens de fait et de droit.A titre subsidiaire, elle soulève une fin de non recevoir tirée du défaut de qualité à agir de la SAS Richez associés faute de titularité du droit d'auteur sur le permis de construire.A titre infiniment subsidiaire, elle demande le débouté en présence d'une contestation sérieuse.A titre reconventionnel, elle demande la condamnation de la SAS Richez associés à lui payer la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, aux dépens et à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Dans ses dernières conclusions signifiées le 16 novembre 2022, la SARL Equipage Architecture soulève la nullité de l'assignation et, subsidiairement, l'irrecevabilité de la demande faute de saisine préalable de l'Ordre des architectes.A titre infiniment subsidiaire, elle demande le débouté en présence d'une contestation sérieuse.En tout état de cause, elle demande la condamnation de la SAS Richez associés aux dépens et à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Motivation L'article 56, 2o, du code de procédure civile dispose, dans sa version issue du décret no2020-1452 du 27 novembre 2020, que l'assignation contient à peine de nullité, « outre les mentions prescrites pour les actes d'huissier de justice et celles énoncées à l'article 54 (?) un exposé des moyens en fait et en droit ».Ces dispositions visent à assurer le respect du principe du contradictoire en permettant à la partie assignée de présenter en temps utile ses moyens de défense. Selon les articles 114 et 115 du code de procédure civile, « Aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public.La nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public.La nullité est couverte par la régularisation ultérieure de l'acte si aucune forclusion n'est intervenue et si la régularisation ne laisse subsister aucun grief ». En matière de propriété intellectuelle, l'assignation doit indiquer clairement et précisément les éléments sur lesquels des droits sont revendiqués, ainsi que les éléments qu'ils considèrent comme ayant été reproduits au mépris de ces droits. Sur ce, L'assignation des 28 et 29 mars 2022 vise les articles 835 du code de procédure civile, relatif à la compétence du juge des référés en matière de trouble manifestement illicite, et les articles L. 111.1, L. 112-2, 12o, L. 121-1, L. 122-2 et L. 131-1 du code de la propriété intellectuelle, relatifs au droit d'auteur et à la contrefaçon, et la demanderesse soutient que le permis de construire incluait des plans de sa conception, constituant une oeuvre protégée. Les dernières conclusions de la demanderesse précisent qu'elle demande à mettre fin au trouble manifestement illicite produit pas la contrefaçon de son oeuvre architecturale « à savoir un projet de restructuration et construction d'un palais de justice du XVIIIème siècle désaffecté assorti de la restructuration d'un bâtiment adjacent datant de l'après-guerre, ainsi que l'ajout d'un bâtiment». Les pièces graphiques qu'elle verse à l'appui de sa demande consistent dans des relevés de l'état actuel des bâtiments à réhabiliter et le règlement de l'appel à projet de mai 2018 de la ville de [Localité 6], un cahier d'images de synthèse, de plans et de coupes datés du 30/10/2018 ne mentionnant aucun auteur, et qui ont été établis avant son intervention. La seule pièce (no9.9) mentionnant son nom, associé à Equipage architecture, et qui, selon elle, « rapporte la preuve de sa participation effective dans la création de l'oeuvre litigieuse » est un fascicule intitulé « le palais Fondette une nouvelle urbanité » reproduisant les pièces ci-dessus énumérées, avec des zones coloriées différemment selon qu'elles sont destinées à recevoir un hôtel, une brasserie, ou un centre de congrès. Or, elle ne prétend pas avoir réalisé ce fascicule ni les plans qu'il contient. Il y a donc lieu de constater que, quoiqu'interpellée sur ce point par les trois jeux d'écritures de la société LIM, la SAS Richez associés ne décrit ni n'identifie les éléments susceptibles d'être le support de l'oeuvre architecturale qu'elle revendique sous les termes imprécis évoqués ci-dessus et pour lesquels elle revendique la protection par le droit d'auteur.Ce faisant elle ne permet pas à la société LIM de présenter utilement sa défense, ce qui lui fait nécessairement grief. Par ailleurs, aucune demande de fond n'est formée à l'encontre de la SARL Equipage Architecture. Il y a donc lieu de prononcer la nullité de l'assignation faute d'exposé suffisant des moyens de fait et de droit. La société LIM ne démontre pas une quelconque intention de nuire de la SAS Richez associés, qui a pu se méprendre sur l'étendue de ses droits. Il y a donc lieu de rejeter sa demande reconventionnelle à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive. La SAS Richez associés, qui succombe est condamnée aux dépens et à payer à la société LIM la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à la SARL Equipage Architecture la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Par ces motifs Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par ordonnance contradictoire et en premier ressort, Disons que l'assignation délivrée par la SAS Richez associés les 28 et 29 mars 2022 est nulle ; Déboutons la société de droit luxembourgeois Luminare Invest Management de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts ; Condamnons la SAS Richez associés aux dépens ; Condamnons la SAS Richez associés à payer à la société de droit luxembourgeois Luminare Invest Management la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile; Condamnons la SAS Richez associés à payer à la SARL Equipage Architecture la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Fait à Paris le 10 janvier 2023 Le Greffier, Le Président, Fabienne FELIX Irène BENAC | x |
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JURITEXT000047454935 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/45/49/JURITEXT000047454935.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 10 janvier 2023, 22/56366 | 2023-01-10 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 22/56366 | CT0760 | TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS No RG 22/56366 - No Portalis 352J-W-B7G-CW72T No : 1/FF Assignation du :15 Juin 2022 ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ rendue le 10 janvier 2023 par Irène BENAC, Vice-Président au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal, Assistée de Fabienne FELIX, Faisant fonction de greffier. DEMANDERESSE Madame [G] [W][Adresse 2][Localité 4] représenté par Me Cyrille MORVAN, avocat au barreau de PARIS - #B1210 DÉFENDERESSE S.A.S. BRING FRANCE HOME[Adresse 1][Localité 5] représentée par Maître Michael MAJSTER de l'AARPI Majster & Nehmé Avocats, avocats au barreau de PARIS - #R0139 DÉBATS A l'audience du 22 Novembre 2022, tenue publiquement, présidée par Irène BENAC, Vice-Président, assistée de Fabienne FELIX, Faisant fonction de greffier, Exposé des faits et de la procédure 1. Mme [G] [W], rédactrice en chef du magazine Marie-Claire Idées, a créé en septembre 2010 une illustration intitulée "la femme croissant", dont elle a cédé les droits d'exploitation sous forme de cartes postales à la société Alibabette Editions par contrat du 1er juin 2019. 2. La société Bring France Home a pour activité la sélection, l'achat, la distribution et la promotion de produits qui représentent le patrimoine gourmand et/ou le savoir-faire artisanal français. Après avoir racheté en 2017 des stocks de produits, parmi lesquels des cartes postales et carnets ornés de "la femme croissant", elle a fait créer deux illustrations par M. [S] , en mai 2019, dont une intitulée "la plus belle", et en acquis les droits de reproduction. 3. Le 17 septembre 2021, Mme [W] a fait constater par huissier de justice que la société Bring France Home vendait sur son site internet des plateaux ornés du motif "la plus belle" contrefaisant, selon elle, son illustration précitée.Le même jour, elle a fait réaliser un constat d'achat dans la boutique de la société Bring France Home [Adresse 3] à [Localité 6], d'un set de table, d'un plateau, d'un carnet à spirale et d'un miroir de poche comportant la même illustration. 4. Par acte du 15 juin 2022, Mme [W] a fait assigner la société Bring France Home devant le président du tribunal judiciaire de Paris statuant en référé pour :- lui faire interdire de reproduire sous quelque forme que ce soit "la femme croissant" sous astreinte, - détruire les stocks de produits contrefaisants et en justifier sous astreinte, - la condamner à communiquer la liste des produits contrefaisants, l'état des ventes depuis leur première commercialisation et l'état des stocks et à lui payer des provisions à valoir sur l'indemnisation de son préjudice résultant de l'atteinte à ses droits patrimoniaux et de l'atteinte à son droit moral d'auteur. 5. Dans ses dernières conclusions du 22 novembre 2022, elle demande le rejet de la fin de non-recevoir, maintient ses demandes et sollicite la condamnation de la société Bring France Home aux dépens et à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 6. Dans ses dernières conclusions signifiées le 23 septembre 2022, la société Bring France Home soulève une fin de non recevoir tirée de l'absence de mise en cause du co-auteur de l'oeuvre de collaboration que constitue le visuel de "la femme au croissant";Sur le fond, elle demande le débouté au motif de contestations sérieuses et, subsidiairement, la réduction des demandes de provision sur préjudice et le débouté des demandes de production de documents et de destruction sous astreinte.En tout état de cause, elle demande la condamnation de Mme [W] aux dépens et à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 7. L'affaire a été appelée à l'audience du 27 septembre 2022, renvoyée au 22 novembre 2022, date à laquelle elle a été plaidée et la décision a été mise en délibéré au 10 janvier 2023. Motivation Sur la fin de non recevoir 8. La société Bring France Home soutient que "la femme croissant" est une oeuvre de collaboration dont Mme [W] et M. [O] sont co-auteurs ainsi qu'il résulte des termes du contrat de cession des droits de reproduction à la société Alibabette Editions précité, des mentions du compte Instagram de Mme [W] et de son site internet camillesouleyrol.com, de sorte qu'elle est irrecevable à agir seule en contrefaçon. 9. Mme [W] fait valoir que le visuel dont elle revendique la protection est son oeuvre individuelle et que M. [O] en a assuré la prise de vue technique, sans aucune contribution personnelle à la création. Sur ce, 10. L'article L. 113-2 du code de la propriété intellectuelle prévoit que l'oeuvre à la création de laquelle ont concouru plusieurs personnes physiques est une oeuvre de collaboration. 11. Sur les différentes pièces invoquées par la défenderesses, M. [R] [O] est mentionné comme photographe des illustrations dont les droits de reproduction sont cédés et aucune ne présente l'illustration elle-même comme le fruit de leur collaboration. 12. Il y a donc lieu de rejeter la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir. Sur le trouble manifestement illicite tiré de la violation de droits d'auteur 13. Mme [W] fait valoir que son dessin est original en ce qu'il combine :- l'évocation de la Révolution française - les couleurs bleu-blanc-rouge- la perruque et la mouche évoquant les dames du XVIIIème siècle- le choix du croissant (en photographie et non dessiné) comme perruque - les boucles d'oreille pendantes bleues- le petit nez pointu conférant au personnage un aspect mutin- le portrait coupé au niveau de clavicule.Elle ajoute que "la plus belle" reprend exactement la combinaison originale qu'elle revendique tandis que les légères différences sont inopérantes et dégradent le modèle ; la ressemblance n'est pas fortuite car la société Bring France Home avait auparavant commercialisé des carnets représentant "la femme croissant" en 2017. 14. Société Bring France Home soutient que :- il existe des contestations sérieuses concernant l'originalité de "la femme croissant", l'association de dessins avec des photographies d'aliments, notamment des croissants, étant banale, de même que la reprise des codes évoquant les portraits du XVIIIème siècle ;- si les deux dessins ont en commun l'association d'un croissant à un personnage féminin, ils ont des caractères différents (feutre et non crayons de couleurs, traits du visage et accessoires différents), de sorte qu'il s'agit seulement de la reprise d'une idée non appropriable. Sur ce, 15. Selon l'article 835, alinéa 1, anciennement 809, du code de procédure civile, "Le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite."Aux termes de l'article L.335-3 du code de la propriété intellectuelle constitue "un délit de contrefaçon toute reproduction, représentation ou diffusion, par quelque moyen que ce soit, d'une oeuvre de l'esprit en violation des droits de l'auteur, tels qu'ils sont définis et réglementés par la loi." 16. L'originalité de la combinaison des sept caractéristiques énumérées supra et revendiquées par Mme [W] est sérieusement contestée dans sa dimension créative par les divers exemples de combinaisons de dessins et de croissants photographiés versés aux débats par la défenderesse.De plus, le dessin exploité par la société Bring France Home ne comporte que trois des sept caractéristiques revendiquées : un portrait coupé au niveau de la clavicule, tricolore bleu-blanc-rouge avec la photographie d'un croissant en guise de perruque, dès lors qu'il n'évoque ni la Révolution française, ni le XVIIIème siècle et que les traits du personnage sont différents de même que le graphisme. 17. Au regard de ces éléments, il existe une contestation sérieuse sur la contrefaçon de droit d'auteur et l'existence du trouble manifestement illicite n'est pas suffisamment établie. 18. Les demandes fondées sur le droit d'auteur seront en conséquence rejetées. 19. Mme [G] [W], qui succombe, supportera les dépens de l'instance et l'équité justifie de la condamner à payer à la société Bring France Home la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par ordonnance contradictoire et en premier ressort , Rejetons les demandes de Mme [G] [W] fondées sur le droit d'auteur ; Condamnons Mme [G] [W] aux dépens ; Condamnons Mme [G] [W] à payer à la société Bring France Home la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Fait à Paris le 10 janvier 2023 Le Greffier, Le Président, Fabienne FELIX Irène BENAC | x |
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JURITEXT000047454936 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/45/49/JURITEXT000047454936.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 11 janvier 2023, 22/02829 | 2023-01-11 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 22/02829 | CT0196 | TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 3ème chambre 3ème section No RG 22/02829 - No Portalis 352J-W-B7G-CWDUT No MINUTE : Assignation du :14 février 2022 incident ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETATrendue le 11 janvier 2023 DEMANDERESSE AU PRINCIPALDEFENDERESSE A L'INCIDENT Société T.I.M.E. SERVICE CATALYST HANDLING GMBH[Adresse 4][Localité 2] (ALLEMAGNE) représentée par Maître Isabelle SETTON BOUHANNA, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #A0152 DEFENDERESSE AU PRINCIPALDEMANDERESSE A L'INCIDENT S.A.S. CREALYST-GROUP[Adresse 3][Localité 1] représentée par Maître Gaëlle BLORET-PUCCI de l'AARPI BCTG AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #T0001 MAGISTRAT DE LA MISE EN ÉTAT Jean-Christophe GAYET, premier vice-président adjointassisté de Lorine MILLE, greffière DÉBATS A l'audience du 17 novembre 2022, avis a été donné aux avocats que l'ordonnance serait rendue le 11 janvier 2023. ORDONNANCE Prononcée publiquement par mise à disposition au greffeContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE 1 La société de droit allemand T.I.M.E. Service Catalyst Handling GmbH (ci-après TIME SERVICE) se présente comme spécialisée dans la manipulation des catalyseurs des réacteurs dans les raffineries et les usines de production pétrochimique.2 La société par actions simplifiée (ci-après SAS) CREALYST-GROUP se présente comme spécialisée dans le remplissage dense de récipients verticaux cylindriques, notamment les réacteurs des usines pétrochimiques.3 La SAS CREALYST-GROUP est titulaire des brevets européen EP1687223 (ci-après EP223), déposé le 24 novembre 2004 et délivré le 14 mai 2008, et français FR3083526 (ci-après FR526) déposé le 4 juillet 2018 et publié le 31 juillet 2020. Les technologies brevetées et son savoir-faire ont été développés par cette société sous l'appellation Calydens.4 Les sociétés TIME SERVICE et CREALYST ont conclu plusieurs contrats autorisant la société TIME SERVICE à utiliser la machine Calydens de la SAS CREALYST-GROUP pour des prestations de chargement dense.5 La société TIME SERVICE a déposé le 31 mars 2017, un brevet européen EP3436187 (ci-après EP187), sous priorité d'un brevet européen EP16163229 déposé le 31 mars 2016, qui fait l'objet d'une opposition de la SAS CREALYST-GROUP devant l'office européen des brevets, actuellement en cours.6 Parallèlement, estimant que la machine dénommée Prodense développée par la société TIME SERVICE reprenait des éléments du savoir-faire qu'elle lui avait transmis dans le cadre de leurs relations contractuelles, la SAS CREALYST-GROUP l'a attraite le 16 mars 2021 devant le tribunal de commerce de Paris lui reprochant des manquements contractuels et des fautes délictuelles.7 Par acte d'huissier du 14 février 2022 la société TIME SERVICE a fait assigner la SAS CREALYST-GROUP à l'audience du 12 mai 2022 de ce tribunal en nullité des brevets EP223 et FR526.8 À cette audience, le juge de la mise en état a été saisi de l'instruction de l'affaire.9 Par conclusions du 14 mai 2022, la SAS CREALYST-GROUP a saisi le juge de la mise en état d'un incident visant à déclarer la demanderesse irrecevable en ses demandes faute d'intérêt à agir et, subsidiairement, à déclarer l'action prescrite.10 L'incident a été plaidé à l'audience du 17 novembre 2022 du juge de la mise en état au terme de laquelle elle a été mise en délibéré au 11 janvier 2023. PRÉTENTIONS DES PARTIES11 La SAS CREALYST-GROUP, se référant expressément à ses conclusions écrites notifiées par RPVA le 17 novembre 2022, a demandé au juge de la mise en état de :- Dire et juger que la société TIME SERVICE est dépourvue d'intérêt à agir en nullité des brevets EP223 et FR526- En conséquence, juger la société TIME SERVICE irrecevable en ses demandes formées à l'encontre des brevets EP223 et FR526- Subsidiairement, dire et juger que l'action en annulation de la société TIME SERVICE, en ce qu'elle est dirigée à l'encontre du brevet EP223, est prescrite- En conséquence, juger la société TIME SERVICE irrecevable en ses demandes formées à l'encontre du brevet EP223- En tout état de cause, condamner la société TIME SERVICE à lui payer 10 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre aux dépens de l'incident. 12 La société TIME SERVICE, se référant expressément à ses conclusions écrites notifiées par RPVA le 15 novembre 2022 a conclu à :- Juger qu'elle justifie d'un intérêt à agir en nullité à l'encontre de la partie française du brevet européen EP223 et du brevet français FR526 dont la SAS CREALYST-GROUP est titulaire,- Juger que son action en annulation à l'encontre de la partie française du brevet européen EP223 n'est pas prescrite,- En conséquence, juger qu'elle est recevable en ses demandes formées à l'encontre de la partie française du brevet européen EP223 et du brevet français FR526- En tout état de cause, condamner la SAS CREALYST-GROUP à lui payer 10 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'incident. MOTIFS DE LA DÉCISIONSur l'intérêt à agirMoyens des parties13 La SAS CREALYST-GROUP fait valoir que si la société TIME SERVICE peut se trouver en situation de concurrence avec elle, les brevets EP223 et FR526 dont elle est titulaire ne viennent en aucun cas entraver le développement de l'activité de la demanderesse, la privant d'intérêt à agir. Elle ajoute que, par son action en nullité, la société TIME SERVICE prétend sécuriser une exploitation paisible de sa technologie, laquelle aurait été mise à mal par l'action parallèle initiée devant le tribunal de commerce, alors que les brevets dont elle est titulaire ne sont pas opposés à la demanderesse dans le cadre de cette autre action. Selon elle, une éventuelle annulation des brevets EP223 et FR526 serait également sans incidence sur la procédure d'opposition en cours du brevet EP187, tout brevet, même annulé, constituant un document technique divulgué pouvant être invoqué à l'encontre d'un brevet postérieur.14 La société TIME SERVICE oppose que se trouvant en situation de concurrence avec la défenderesse, son intérêt à agir doit être interprété plus souplement et que l'annulation des brevets litigieux aura un impact, d'une part, sur les actions intentées par la défenderesse, d'autre part, sur ses possibilités de développement et sur l'évolution de sa machine ProdenseAppréciation du juge de la mise en état15 Selon l'article 31 du code de procédure civile, « l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé ».16 L'article 32 du même code précise qu'est « irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir ».17 Aux termes de l'article 122 du même code, « constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée ».18 En application de l'article 789 du même code, « lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour (?) 6o Statuer sur les fins de non-recevoir ».19 En l'absence de toute disposition contraire, l'intérêt à agir à titre principal en nullité de brevet doit être personnel, direct, légitime, né et actuel, et doit s'appréhender au regard du monopole avantageux octroyé au titulaire du brevet admissible dans un contexte de libre concurrence et libre innovation à la condition qu'il soit valide. Ainsi, l'intérêt à agir doit être apprécié "in concreto" et reconnu à toute personne qui, à titre personnel, voit l'activité économique qu'elle exerce dans le domaine de l'invention entravée effectivement ou potentiellement, mais certainement, par les revendications dont elle sollicite l'annulation.20 Le demandeur à l'action doit ainsi établir l'existence d'un projet réel et sérieux d'activité susceptible d'être gêné par le titre.21 Au cas particulier, il est constant que les sociétés TIME SERVICE et CREALYST-GROUP se trouvent, au moins partiellement, en situation de concurrence.22 Le brevet EP223 est intitulé « appareil destiné au remplissage d'un récipient avec des particules solides » et comporte dix revendications. Le brevet FR526 est intitulé « système de remplissage perfectionné » et comporte sept revendications.23 Or, si la société TIME SERVICE affirme que l'annulation de ces deux brevets aura un impact d'une part, sur les actions intentées par la défenderesse, d'autre part, sur ses possibilités de développement et sur l'évolution de sa machine Prodense, elle ne documente aucun projet d'activité susceptible d'être gêné par les brevets litigieux.24 En effet, s'agissant du litige pendant entre les deux sociétés devant le tribunal de commerce de Paris, la validité de ces deux brevets est indifférente, dès lors qu'il résulte du jugement de ce tribunal du 9 juin 2022 (pièce noA.4 de la SAS CREALYST-GROUP) et de l'assignation à jour fixe de la société TIME SERVICE délivrée le 8 juillet 2022 (sa pièce noi1b) que l'action entreprise par la SAS CREALYST-GROUP se fonde sur des imputations de concurrence déloyale, de parasitisme, de même que sur des fautes contractuelles de la société TIME SERVICE.25 S'agissant de l'entrave que ces deux brevets constitueraient pour le développement de sa machine Prodense, la société TIME SERVICE invoque la procédure d'opposition au brevet EP187 initiée par la SAS CREALYST-GROUP devant l'office européen des brevets, au cours de laquelle le brevet EP223 lui est opposé au titre de l'art antérieur.26 Toutefois, la SAS CREALYST-GROUP oppose à bon droit que quand bien même le brevet EP223 serait dépourvu de validité, il resterait une référence au titre de l'art antérieur, dans la mesure où il constitue une information pertinente diffusée pour le problème technique en cause.27 Il résulte de l'ensemble que la société TIME SERVICE ne caractérise aucun intérêt né et actuel à son action en annulation des brevets EP223 et FR526.Sur les dépens et les frais irrépétibles28 La décision mettant fin à l'instance, la société TIME SERVICE, partie perdante, sera condamnée aux dépens, par application des articles 696 et 790 du code de procédure civile.29 Par suite, elle sera condamnée à payer 5000 € à la SAS CREALYST-GROUP au titre des frais non compris dans les dépens, par application des articles 700 et 790 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFSLe juge de la mise en état,DÉCLARE les demandes de la société TIME SERVICE CATALYST HANDLING GMBH en annulation des brevets européen EP1687223 et français FR3083526 irrecevables, faute d'intérêt à agir ;CONDAMNE la société TIME SERVICE CATALYST HANDLING GMBH aux dépens ;CONDAMNE la société TIME SERVICE CATALYST HANDLING GMBH à payer cinq mille euros (5000 €) à la SAS CREALYST-GROUP en application de l'article 700 du code de procédure civile. Faite et rendue à Paris le 11 janvier 2023 La Greffière Le Juge de la mise en état | x |
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JURITEXT000047454937 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/45/49/JURITEXT000047454937.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 12 janvier 2023, 22/02801 | 2023-01-12 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 22/02801 | CT0196 | TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 3ème chambre 1ère section No RG 22/02801 No Portalis 352J-W-B7F-CVZ3F No MINUTE : Assignation du :24 décembre 2021 JUGEMENT rendu le 12 janvier 2023 DEMANDERESSES Société OVB HOLDING AG[Adresse 3] [Adresse 3] (ALLEMAGNE) S.A.R.L. OVB CONSEILS EN PATRIMOINE FRANCE[Adresse 1][Adresse 1] représentées par Me Caroline HILTGEN LEBOUVIER de l'AARPI EKV, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B0777 DÉFENDERESSE Société OVB ASSURANCE SAS[Adresse 2][Adresse 2] Défaillante COMPOSITION DU TRIBUNAL Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointeElodie GUENNEC, Vice-présidenteMalik CHAPUIS, Juge, assistés de Quentin CURABET, Greffier lors des débats et de Caroline REBOUL, Greffière lors de la mise à disposition. DÉBATS A l'audience du 27 septembre 2022 tenue en audience publique devant Nathalie SABOTIER et Malik CHAPUIS, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seuls l'audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile.Avis a été donné à l'avocat que la décision serait rendue le 1er décembre 2022. Le délibéré a été prorogé au 12 janvier 2023. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffeRéputé contradictoireEn premier ressort EXPOSE DU LITIGE : 1. La société de droit allemand OVB Holding AG initialement dénommée OVB Vermögensberatung AG, se présente comme proposant, depuis sa création en Allemagne en 1970, une gamme étendue de services en matière d'assurance, de prévoyance, de gestion de patrimoine, d'investissements et de financement, sous le signe "OVB". Elle expose être titulaire des marques suivantes : - La marque verbale internationale désignant la France "OVB" no757174, enregistrée le 21 mars 2001 en classe 36 pour désigner notamment les services suivants : "Investissements de capitaux, investissements immobiliers, contrats d'assurance ; conseils en matière d'investissements". - Les marques semi-figuratives internationales désignant la France no777429, déposée le 13 mars 2022 en classe 36 visant notamment les services d' "Investissements de capitaux, contrats d'assurance; conseils en matière d'investissements" et désignant l'Union européenne no1409980, déposée le 14 mars 2018 en classe 36 et 41, pour désigner notamment les services suivants (classe 36) : "Services de souscription ; services financiers; services de conseillers en assurances; services d'investissement de capitaux, investissements immobiliers et contrats d'assurance; analyses financières; services de conseillers financiers" : 2. Ces marques sont exploitées, en France, par la société OVB Conseils en patrimoine France (ci-après "OVB France") en sa qualité de licenciée. Cette société, créée en 2003, exerce les activités d'agent et de courtier d'assurances et propose à sa clientèle une offre globale de conseils en patrimoine avec des solutions financières dans les domaines de la santé, la prévoyance, l'épargne, la protection des biens et le financement pour l'accès à la propriété. Dans ce cadre, elle développe son activité sur les réseaux sociaux et sur son site internet accessible à l'adresse <www.ovb.fr> qu'elle exploite depuis 2007 et qui a pour objet la présentation de la société, de son réseau et des services OVB qu'elle propose. En outre, elle dispose de bureaux mandataires notamment dans la région [Localité 4] et près de [Localité 5]. 3. La société OVB Holding expose avoir constaté qu'une société OVB Assurance avait été immatriculée au RCS de Nice le 05 juillet 2016 avec pour activité déclarée les "activités des agents et courtiers d'assurances", et qu'elle faisait usage du signe "OVB Assurance" à titre de dénomination sociale, de nom commercial et de nom de domaine (<ovb-assurances.com>), ainsi que sous la forme des logos suivants : 4. La société OVB Holding précise également que la société OVB Assurance offre ses services sous les signes OVB et OVB Assurance, sur les réseaux sociaux, et notamment sur ses comptes Facebook, Instagram et LinkedIn. 5. Afin de faire cesser ce qu'elle considère comme une atteinte à ses droits, la société OVB Holding a mis en demeure, par une lettre du 02 mai 2018, la société OVB Assurance de cesser tout usage du signe "OVB". Cette dernière a répondu, par l'intermédiaire de son conseil, qu'elle refusait de donner une suite favorable à cette mise en demeure tout en précisant ne pas être opposée à une résolution amiable du litige. 6. La société OVB Holding a fait constater par huissier de justice les faits reprochés à la société OVB Assurance sur sa page Facebook et son site internet. Puis, ayant découvert qu'un nouveau nom de domaine avait été réservé par la défenderesse le 23 juillet 2018, la société OVB Holding a fait dresser un second constat le 14 novembre 2019 sur le site accessible par le nom de domaine <ovbassurances-sas06.fr>. 7. C'est dans ce contexte que par acte d'huissier du 24 décembre 2021, les sociétés OVB Holding et OVB France ont fait assigner la société OVB Assurance devant le tribunal judiciaire de Paris en contrefaçon de marques. 8. Aux termes de leur assignation, les sociétés OVB Holding et OVB France demandent au tribunal, au visa des articles 9 du règlement (UE) 2017/1001 sur la marque de l'Union européenne, L. 713-2, L. 716-4, L. 716-4-2 alinéa 4 et L. 717-1 du code de la propriété intellectuelle et 1240 du code civil, de : ? Faire interdiction à la société OVB Assurance , sous astreinte de 500 € par infraction constatée passé un délai de 15 jours à compter de la signification de la présente décision ; de faire usage ? des dénominations OVB et OVB Assurance, seules ou accompagnées, sous quelque forme que ce soit, sur quelque support que ce soit, notamment sur un site internet et les réseaux sociaux et à quelque titre que ce soit, et notamment à titre de dénomination sociale, de nom commercial, d'enseigne, de nom de domaine pour des services de conseiller en assurance et de courtage en assurances et les services similaires ; ? des hashtags #ovb et #ovbassurance et de toute déclinaison #ovb pour des activités de conseil en assurance et de courtage en assurance ; Ordonner à la société OVB Assurance de procéder au transfert du nom de domaine <ovb-assurances.com> au profit de la société OVB Holding sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé un délai de 8 jours à compter de la signification du jugement à intervenir ; ? Ordonner à la société OVB Assurance, en tant que besoin, de procéder à la radiation du nom de domaine ovbassurance-sas06.fr si elle devait à nouveau le réserver, sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé un délai de 8 jours à compter de la signification du jugement à intervenir;? Ordonner, sous contrôle d'huissier et aux frais de la société OVB Assurance, la suppression de ses comptes sur les réseaux sociaux dont Instagram et Facebook des dénominations OVB et OVB Assurance, seule ou accompagnées et la destruction de tous éléments détenus directement ou indirectement par elle (tels qu'enseigne, papier-à-entête, brochures, documents commerciaux, supports publicitaires, ...) reproduisant les signes "OVB" ou "OVB Assurance" ; ? Condamner la société OVB Assurance à payer à la société OVB Holding la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'atteinte portée à ses marques internationales verbale OVB no757174 désignant la France, semi-figuratives OVB no777429 désignant la France et no1409980 désignant l'Union européenne ; ? Condamner la société OVB Assurance à payer à la société OVB Conseils en patrimoine France, la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi en sa qualité de licenciée des marques OVB ; ? Condamner la société OVB Assurance à payer à la société OVB Conseils en patrimoine France la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l'atteinte à sa dénomination sociale et à ses noms commerciaux;? Condamner la société OVB Assurance à payer à la société OBV Conseils en patrimoine France la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêt en réparation du préjudice subi du fait de l'enregistrement et de l'exploitations des noms de domaine <ovb-assurances.com> et <ovb-assurance-sas06>, ainsi que de l'usage récurrent des hashtags #ovb et #ovbassurance sur les réseaux sociaux ; ? Ordonner la publication dans 3 journaux ou revues, au choix des sociétés OVB Holding et OVB Conseils en patrimoine France, et aux frais de la société OVB Assurance dans la limite de 5 000 euros hors taxe par insertion, du jugement à intervenir, en totalité ou par extraits ; ? Se réserver la liquidation des astreintes ordonnées ; ? Condamner la société OVB Assurance à payer aux sociétés OVB Holding et OVB Conseils en patrimoine France la somme de 12 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;? Condamner la société OVB Assurance aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de Maître Caroline Hiltgen-Lebouvier, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile. 9. Bien que régulièrement citée, à son siège [Adresse 2], par remise de l'acte à M. [D] [S], employé s'étant déclaré habilité à recevoir l'acte, la société OVB Assurance n'a pas constitué avocat. 10. L'instruction a été close par une ordonnance du 14 avril 2022 et l'affaire a été plaidée à l'audience du 27 septembre 2022. MOTIFS DE LA DÉCISION 11. En application de l'article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée. 12. Les demanderesses soutiennent que la contrefaçon des marques internationales verbale OVB no757174 désignant la France et semi-figuratives OVB no777429 désignant la France et no1409980 désignant l'Union européenne est caractérisée dès lors que les signes OVB et OVB Assurance utilisés par la défenderesse comme dénomination sociale, nom commercial, nom de domaine et logo, sont fortement similaires à celui constituant les marques enregistrées. Elles ajoutent qu'ils sont utilisés dans la vie des affaires pour des services identiques, et à tout le moins similaires, à ceux visés par les enregistrements ce dont il résulte selon elles un risque de confusion dans l'esprit du public concerné. Elles sollicitent en réparation de leur préjudice l'allocation de dommages et intérêts à hauteur de 20 000 euros pour le préjudice subi par la société OVB Holding et de 15 000 euros pour la société OVB France, licenciée. 13. La société OVB France soutient également que par l'enregistrement et l'exploitation des noms de domaine <ovb-assurances.com> et <ovb-assurance-sas06>, ainsi que l'usage récurrent des hashtags #ovb et #ovbassurance sur les réseaux sociaux, la défenderesse porte atteinte à la dénomination sociale et aux noms commerciaux "OVB", ainsi qu' au nom de domaine <ovb.fr>, et que le préjudice qui en résulte doit être réparé par le versement d'une somme de 15 000 euros au titre de la concurrence déloyale et parasitaire. Appréciation du tribunal 14. Selon l'article 4 "Effets de l'enregistrement international" de l'Arrangement de Madrid concernant l'enregistrement international des marques du 14 avril 1891, modifié le 28 septembre 1979, "1) À partir de l'enregistrement ainsi fait au Bureau international selon les dispositions des articles 3 et 3ter, la protection de la marque dans chacun des pays contractants intéressés sera la même que si cette marque y avait été directement déposée. (...)" Il résulte corrélativement de l'article 189 du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne que tout enregistrement international désignant l'Union produit, à compter de la date d'enregistrement, les mêmes effets qu'une demande de marque de l'Union européenne. 15. Conformément à l'article 9-2 de ce même règlement, "sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité d'une marque de l'Union européenne, le titulaire de cette marque de l'Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe pour des produits ou services lorsque:a) ce signe est identique à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée;b) ce signe est identique ou similaire à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou services identiques ou similaires aux produits ou services pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public ; le risque de confusion comprend le risque d'association entre le signe et la marque." 16. Selon l'article L. 717-1 du code de la propriété intellectuelle, constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur la violation des interdictions prévues aux articles 9, 10, 13 et 15 du règlement (UE) 2017/1001. 17. Il résulte encore de l'article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle qu' "Est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l'usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services :1o D'un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ;2o D'un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s'il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d'association du signe avec la marque." 18. Interprétant les dispositions identiques au règlement de l'article 5 § 1 de la première Directive du Conseil du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des États membres sur les marques (89/104/CEE), la Cour de Justice de l'Union européenne a dit pour doit que, constitue un risque de confusion au sens de ce texte, le risque que le public puisse croire que les produits ou services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d'entreprises liées économiquement (voir arrêt Canon, C-39/97, point 29 ; arrêt Lloyd Schuhfabrik, C-342/97). Selon cette même jurisprudence, l'existence d'un risque de confusion dans l'esprit du public doit être appréciée globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce (voir, arrêt SABEL, C-251/95, point 22), cette appréciation globale impliquant une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte (voir arrêt Canon, point 17). 19. En outre, l'appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l'impression d'ensemble produite par celles-ci, en tenant compte en particulier de leurs éléments distinctifs et dominants. Aux fins de cette appréciation globale, le consommateur moyen de la catégorie de produits concernée est censé être normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (voir, arrêt Gut Springenheide et Tusky, C-210/96, point 31 ; arrêt Lloyd Schuhfabrik, C-342/97, point 26). 20. Afin d'apprécier le degré de similitude existant entre les marques concernées, la juridiction nationale doit déterminer leur degré de similitude visuelle, auditive et conceptuelle et, le cas échéant, évaluer l'importance qu'il convient d'attacher à ces différents éléments, en tenant compte de la catégorie de produits ou services en cause et des conditions dans lesquelles ils sont commercialisés (voir arrêt Lloyd Schuhfabrik, C-342/97 ). Enfin, pour apprécier la similitude entre des produits ou des services, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre ces produits ou ces services ; ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire (voir arrêt Canon, C-39/97, point 23). 21. L'appréciation de la similitude entre deux marques ne peut se limiter à prendre en considération uniquement un composant d'une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d'opérer la comparaison en examinant les marques en cause considérées chacune dans son ensemble (arrêt OHMI/Shaker, point 41). 22. L'impression d'ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe peut, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants. Toutefois, ce n'est que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l'appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l'élément dominant (arrêts OHMI/Shaker, points 41 et 42, ainsi que Nestlé/OHMI, points 42 et 43). 23. À cet égard, la Cour a précisé qu'il n'est pas exclu qu'une marque antérieure, utilisée par un tiers dans un signe composé comprenant la dénomination de l'entreprise de ce tiers, conserve une position distinctive autonome dans le signe composé. Dès lors, aux fins de la constatation d'un risque de confusion, il suffit que, en raison de la position distinctive autonome conservée par la marque antérieure, le public attribue également au titulaire de cette marque l'origine des produits ou des services couverts par le signe composé (arrêt Medion, C-120/04, points 30 et 36). 24. Cependant, un élément d'un signe composé ne conserve pas une telle position distinctive autonome si cet élément forme avec le ou les autres éléments du signe, pris ensemble, une unité ayant un sens différent par rapport au sens desdits éléments pris séparément (voir, en ce sens, ordonnance ecoblue/OHMI et Banco Bilbao Vizcaya Argentaria, C-23/09 P, point 47; arrêt Becker/Harman International Industries, points 37 et 38 ; ordonnance Perfetti Van Melle/OHMI, points 36 et 37 ; arrêt Bimbo Sa c/ OHMI et Panrico, C-591/12 P, points 26 à 29).25. En l'occurrence, la marque verbale no757174 désigne en classe 36 les services d'"Investissements de capitaux, investissements immobiliers, contrats d'assurance ; conseils en matière d'investissements". La marque semi-figurative no777429 vise, quant à elle, les services d' "Investissements de capitaux, contrats d'assurance; conseils en matière d'investissements", également en classe 36. Enfin, la marque semi-figurative no1409980 désigne, toujours en classe 36, les "Services de souscription ; services financiers; services de conseillers en assurances; services d'investissement de capitaux, investissements immobiliers et contrats d'assurance; analyses financières; services de conseillers financiers" (pièces demanderesses no3 et 4). 26. Selon ses statuts et l'extrait de son immatriculation, la société OVB Assurance a pour objet déclaré "le courtage en assurance, le courtage et toutes prestations de services dans les domaines des voyages et des multimédias" (pièces demanderesses no12-1 et 12-2). Les procès-verbaux dressés les 30 août 2018 et 14 novembre 2019 font également apparaître que la défenderesse utilise la dénomination sociale et le nom commercial OVB Assurance pour proposer des services de conseils et de courtage en assurance (habitation, automobile, santé, professionnelle, voyage, etc.), notamment sur ses sites internet et réseaux sociaux (pièces demanderesses 19, 21 et 14). La société OVB assurance propose ainsi de négocier des contrats d'assurance à l'attention des professionnels et des particuliers afin de leur permettre de trouver l'assurance la moins chère avec les meilleures garanties. 27. Les services de courtage en assurance sont similaires aux services de conseils en assurance visés en classe 36 par la marque no1409980. Ils sont complémentaires voire concurrents des "contrats d'assurance" visés par tous les dépôts des demanderesses. 28. En outre, visuellement et phonétiquement, les signes "OVB", d'une part, et "OVB Assurance", d'autre part, ne se distinguent que par l'ajout du mot "Assurance", dont le tribunal ne peut que constater qu'il est descriptif de tout ou partie de l'activité aussi bien des demanderesses que de la défenderesse. 29. Le terme "OVB", placé en première position du signe complexe argué de contrefaçon, n'a par ailleurs aucune signification particulière, en lui-même ou comme les initiales d'un autre signe complexe. Il apparaît à cet égard fortement distinctif pour désigner des services d'assurance, de produits financiers et de conseils dans ces domaines. 30. Il en résulte que le signe "OVB" a conservé sa position distinctive autonome aussi bien dans le signe complexe "OVB Assurance" que dans les signes figuratifs utilisés par la défenderesse, la partie graphique des signes complexes argués de contrefaçon apparaissant faiblement distinctive étant constituée d'un avion à l'intérieur d'un blason pour désigner les services de courtage en assurance de voyage (cf ci-dessous la reproduction de ces signes) : 31. Eu égard à la nature des services concernés, le public pertinent apparaît d'attention élevée. 32. Il en résulte que le signe OVB ayant conservé sa position distinctive autonome dans les signes complexes argués de contrefaçon, et en raison de la très forte similitude entre les produits et services concernés, le public pertinent, même d'attention élevée, apparaît susceptible d'attribuer aux services proposés par les sociétés OVB et OVB Assurance une origine commune et, en particulier, apparaît amené à penser que ceux de la seconde sont une diversification de la gamme de services de la première. Il en résulte une atteinte à la fonction essentielle de la marque et, partant, des actes de contrefaçon par l'usage établi des signes OVB et OVB Assurance par la société OVB Asurance, que ce soit à titre de nom commercial, de dénomination sociale, de noms de domaine ou sous la forme de logos. 33. Il sera fait droit aux demandes d'interdiction selon les modalités précisées au dispositif de la présente décision, à l'exclusion de la mesure de destruction sous astreinte et sous le contrôle d'un huissier, qui apparaît disproportionnée ici. 34. Il sera également fait droit aux demandes de suppression et de transfert des noms de domaine conformément aux dispositions des articles L.45-2 et R.20-44-46 du code des postes et communications électroniques, en raison de la confusion recherchée, et précédemment retenue, par l'utilisation du signe "OVB" pour désigner des services de courtage d'assurance, qui n'apparaît pas, en l'état des éléments soumis à l'appréciation du tribunal, comme étant le fruit du hasard le terme "OVB" n'ayant aucune signification. 35. Aux termes de l'article L. 716-4-10 du code de la propriété intellectuelle : "Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :1o Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;2o Le préjudice moral causé à cette dernière ;3o Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon.Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée." 36. En l'espèce, la société OVB Holding sollicite l'allocation d'une somme forfaitaire, n'apportant néanmoins aucun élément sur le montant des redevances qu'elle perçoit, le tribunal observant au surplus que les sociétés n'interviennent pas sur le même secteur géographique. Il doit donc être retenu un préjudice relativement minime constitué par la dilution de la marque et qui sera ici réparé par le versement de la somme de 3.000 euros. 37. La même somme sera allouée à la société OVB Conseils en patrimoine France en réparation du préjudice propre que lui ont causés les actes contrefaisants. 38. Concernant les demandes formulées au titre de la concurrence déloyale et parasitaire, les sociétés OVB Holding et OVB Conseils en patrimoine France ne démontrent pas l'existence de faits distincts des actes de contrefaçon de marques non plus qu'aucun préjudice distinct de celui déjà réparé au titre de la contrefaçon. En conséquence, les demandes de ce chef doivent être rejetées. 39. Le préjudice apparaissant suffisamment réparé par les dispositions qui précèdent la demande de publication de la présente décision sera rejetée. 40. Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, la société OVB Assurance sera condamnée aux dépens, ainsi qu'à payer aux sociétés OVB Holding et OVB Conseils en patrimoine France la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. 41. Il n'y a pas de motif au cas présent pour écarter l'exécution provisoire, qui est de droit conformément aux dispositions de l'article 514 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS LE TRIBUNAL, FAIT DÉFENSE à la société OVB Assurance de faire usage des signes "OVB" ou "OVB Assurance", sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, et ce sous astreinte de 500 euros par infraction constatée (c'est à dire par usage du signe "OVB") courant à l'expiration d'un délai de 30 jours suivant la signification de la présente décision et pendant 180 jours ; ORDONNE à la société OVB Assurance de procéder au transfert du nom de domaine <www.ovb-assurances.com> au profit de la société OVB Holding et la suppression du nom de domaine <www.ovbassurance-sas06.fr>, en justifiant auprès d'elle de l'effectivité de ses démarches auprès des personnes concernées, et ce dans un délai de 30 jours à compter de la signification du jugement, puis sous astreinte de 500 euros par jour et par nom de domaine, qui courra pendant au maximum 180 jours ; ce délai de 30 jours étant le délai total pour que le transfert soit effectif, et non le délai pour engager les démarches nécessaires ; CONDAMNE la société OVB Assurance à payer à la société OVB Holding la somme de 3.000 euros en réparation de son préjudice causé par la contrefaçon de ses marques internationales no757174 désignant la France, semi-figuratives OVB no777429 désignant la France et no1409980 désignant l'Union européenne ; CONDAMNE la société OVB Assurance à payer à la société OVB Conseils en patrimoine France la somme de 3.000 euros en réparation de son préjudice propre causé par les mêmes faits de contrefaçon des marques; REJETTE les demandes de destruction et de publication de la présente décision ; CONDAMNE la société OVB Assurance aux dépens et autorise Maître Caroline Hiltgen-Lebouvier à recouvrer directement ceux dont elle aurait fait l'avance sans avoir reçu provision; CONDAMNE la société OVB Assurance à payer aux sociétés OVB Holding et OVB Conseils en patrimoine France la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; RAPPELLE que la présente décision est de plein droit exécutoire par provision. Fait et jugé à Paris le 12 janvier 2023. LA GREFFIERE LA PRESIDENTE | x |
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JURITEXT000047454938 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/45/49/JURITEXT000047454938.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 12 janvier 2023, 18/09313 | 2023-01-12 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 18/09313 | CT0196 | TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 3ème chambre 1ère section No RG 18/09313 No Portalis 352J-W-B7C-CNOFG No MINUTE : Assignation du :09 juillet 2018 JUGEMENT rendu le 12 janvier 2023 DEMANDERESSE S.A.S. UTILIS[Adresse 8][Adresse 8][Localité 2] représentée par Me Guillaume DAUCHEL de la SELARL CABINET SEVELLEC DAUCHEL, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #W0009 & Me Myriam JEAN de la SELARL JEAN LOUVEL SAOUDI, avocat au barreau de METZ, avocat plaidant DÉFENDERESSES S.A.S. I-4S FRANCE (anciennement BECHER SARL)[Adresse 9][Adresse 9][Localité 4] représentée par Me Frédéric MASSELIN de la SELARL SCHERMANN MASSELIN ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #R0142 & Me Coralie COLLIGNON-PIAULT de la SELARL JUROPE, avocat au barreau de METZ, avocat plaidant [Adresse 3][Adresse 3][Localité 4] S.A.R.L. INNOVATION FOR SHELTER INTERNATIONALI-4S[Adresse 1][Localité 5] (LUXEMBOURG) représentée par Me Pierre HERNÉ, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #B0835 & Me Jean-Marie HEMZELLEC de la SCP HEMZELLEC-DAVIDSON, avocat au barreau de METZ, avocat plaidant COMPOSITION DU TRIBUNAL Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointeElodie GUENNEC, Vice-présidenteMalik CHAPUIS, Juge, assistés de Caroline REBOUL, Greffière DEBATS A l'audience du 18 octobre 2022 tenue en audience publique, avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2022.Le délibéré a été prorogé au 12 janvier 2023. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffeContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DU LITIGE : 1. La société Utilis est spécialisée dans la conception, la fabrication et la commercialisation de tentes à montage rapide, destinées à des utilisations spécifiques telles des campements militaires, hôpitaux de campagne, unités de décontamination sous tentes ou en containers, ou protections NRBC (Nucléaires, Radiologiques, Biologiques, Chimiques). Elle est titulaire, dans ce cadre, d'un brevet européen désignant la France no EP 1 493 886, ayant pour titre "Structure modulable pliable pour tente ou analogue à montage rapide", déposé le 1er juillet 2003 et délivré le 1er mars 2006. 2. Elle est également titulaire de modèles communautaires enregistrés le 23 mars 2009 sous les no 001110787-0001, 001110787-0002 et 001110787-0003, intitulés "tentes", protégeant la configuration d'une gamme de ses tentes à montage rapide. 3. La société Becher (dénommée désormais I-4S France) est de la même manière spécialisée dans la fabrication et confection de toiles industrielles, d'armatures de tentes, de stores et de bâches. 4. À partir de 1997, les sociétés Utilis et Becher ont été en relation d'affaires en raison de l'expertise de la seconde dans la réalisation de profilés en aluminium. Leurs relations se sont dégradées en 2013 époque à laquelle la société Becher a obtenu la condamnation en référé de la socité Utilis à lui payer le solde de ses factures impayées tandis que la société Utilis a assigné la société Becher devant la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Metz en concurrence déloyale et parasitaire, action dont elle a été déboutée par un jugement (frappé d'appel) du 23 décembre 2021. 5. La société de droit luxembourgeois I-4S Innovation for Shelter International, créée en 2012 par deux anciens salariés de la société Utilis, a pour objet l'achat et la vente de produits industriels. Le groupement européen d'intérêt économique I-4S a été créé en 2013 par la société Becher et la société I-4S Innovation for Shelter International. Il a pour activité le développement et la commercialisation d'abris métallo textiles, d'équipements miliaires projectables destinés à la décontamination et la protection NRBC. 6. Reprochant aux sociétés Becher et I-4S Innovation for Shelter International de fabriquer et commercialiser des structures de tentes et des tentes reproduisant les revendications de son brevet et les caractéristiques de ses modèles communautaires, ainsi que d'utiliser des éléments de sa documentation (schémas, croquis, plans), ce qu'elle a fait constater par un huissier, la société Utilis a sollicité et obtenu, par deux ordonnances du 8 juin 2018, l'autorisation de faire pratiquer des opérations de saisies-contrefaçon au siège du GEIE I-4S et de la société Becher à [Localité 4], ainsi que sur le stand occupé par le GEIE I-4S au salon Eurosatory, organisé à [Localité 10] du 11 au 15 juin 2018. 7. C'est dans ce contexte que la société Utilis a, par actes d'huissier du 9 juillet 2018, fait assigner les sociétés I-4S France et Innovation for Shelter International, ainsi que le GEIE I-4S devant ce tribunal, en contrefaçon de brevet, de modèles communautaires et de droits d'auteur. 8. Par une ordonnance de référé du 5 octobre 2018, confirmée par un arrêt du 17 septembre 2019, la demande de rétractation de l'ordonnance ayant autorisé sur requête la saisie-contrefaçon à [Localité 4], a été accueillie en raison de la déloyauté de la société Utilis qui avait tu au juge des requêtes l'instance en cours devant le tribunal de Metz. 9. Le 20 novembre 2020, la société I-4S France a déposé devant l'EUIPO trois demandes en annulation des modèles communautaires précités qui lui sont présentement opposés par la société Utilis et dont l'examen par l'office est suspendu en raison du présent litige. 10. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 20 janvier 2022, la société Utilis demande au tribunal de : - DIRE que les pièces 34 et 43 telles que numérotées dans le bordereau annexé de la société Becher seront écartées des débats en raison de la production tardive, de leur faux intitulé et des moyens dilatoires utilisés pour les obtenir, - CONSTATER que la société Utilis a retiré de son bordereau initial les pièces 21A, 27, 29 et 31, - DIRE les demandes de la société Utilis à l'encontre des défendeurs recevables et bien fondées, - DIRE les exceptions et demandes reconventionnelles des défendeurs irrecevables en tous les cas non fondées, - DÉCLARER irrecevable, subsidiairement mal fondées les demandes des défendeurs en annulation du brevet EP 1 493 886 B1, - DÉCLARER irrecevable, subsidiairement mal fondées les demandes des défendeurs en annulation des modèles communautaires 001110787-0001, 001110787-0002 et 001110787-0003, - DÉBOUTER les sociétés défenderesse de leurs demandes en annulation des modèles communautaires no 001110787-0001, 001110787-0002 et 001110787-0003, - DÉBOUTER les sociétés défenderesse de leurs demandes en annulation du brevet EP 1 493 886 B1, - CONFIRMER la validité du brevet EP 1 493 886 B1, - CONFIRMER la validité des modèles communautaires no001110787-0001, 001110787-0002 et 001110787-0003, - DIRE que la fabrication, l'offre en vente et la vente par les entreprises sociétés I-4S France anciennement dénommée Becher, GEIE I-4S et Innovation for Shelter Internationale I-4S, de tentes reproduisant les revendications 1, 2, 5, 6 et 7 du brevet européen EP 1 493 886 B1 constituent des actes de contrefaçon de ce brevet, - DIRE que la fabrication, l'offre en vente et la vente par les sociétés I-4S France anciennement dénommée Becher, GEIE I-4S et Innovation For Shelter Internationale de tentes de la gamme GV reproduisant les caractéristiques des modèles européens enregistrés sous les no 001110787-0001, 001110787-0002 et 001110787-0003 constituent des actes de contrefaçon de modèles, et de droit d'auteur, - DIRE que la reproduction par les sociétés I-4S France, anciennement dénommée Becher, GEIE I-4S et Innovation for Shelter Internationale I-4S des éléments de documentation, schémas, croquis, plans et photographies appartenant à la société UTILIS constituent des actes de contrefaçon de droit d'auteur, En conséquence, - INTERDIRE aux sociétés I-4S France, GEIE I-4S et Innovation for Shelter Internationale I-4S la poursuite des actes poursuivis, et ce sous astreinte définitive de 50 000 € par infraction constatée et par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir, - DIRE que ces astreintes seront liquidées par le tribunal judiciaire de Paris, - ORDONNER la confiscation des produits contrefaisants et de tous supports comportant la reproduction de ces produits aux fins de leur destruction par la société Utilis, aux frais des sociétés I-4S France, GEIE I-4S et Innovation for Shelter Internationale I-4S, - ORDONNER la publication du jugement à intervenir dans quatre périodiques au choix de la société Utilis et aux frais des sociétés défenderesse, pour un montant total maximal de 20.000 €, - AUTORISER la publication du jugement à intervenir sur le site internet de la société UTILIS pendant une période d'un an à compter de la signification du jugement à intervenir, - ORDONNER la publication du jugement à intervenir sur le site internet des sociétés I-4S France, GEIE I-4S et Innovation for Shelter Internationale I-4S pendant une période d'un an, sous astreinte de 5.000 € par jour de retard à compter de 15 jours suivant la signification de la décision à intervenir, - CONDAMNER solidairement les sociétés I-4S France, GEIE I-4S et Innovation for Shelter Internationale I-4S à verser à la société Utilis une somme de 1.000.000 €, à titre de provision à valoir sur les dommages et intérêts en réparation du préjudice économique consécutif aux agissements de contrefaçon de brevet, de modèles et de droits d'auteur, - CONDAMNER solidairement les défendeurs à verser à la société Utilis à titre de provision une somme de 500.000 € à valoir sur les dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral et d'image consécutif aux agissements de contrefaçon de brevet, de modèles et de droits d'auteur, Et, avant dire droit sur le préjudice subi du fait des actes de contrefaçon, - ORDONNER une expertise comptable pour le surplus afin de donner tous éléments au tribunal et notamment la masse contrefaisante et les gains manqués et pertes subies par la société Utilis jusqu'au jour du jugement du fait des actes de contrefaçon sur le territoire français pour la contrefaçon de brevet et sur le territoire de l'Union européenne pour les actes de contrefaçon des dessins ou modèles communautaires et de droit d'auteur et nommer à cette fin tout expert agréé que le tribunal choisira avec mission de : * convoquer les parties dans le respect du contradictoire ; * se faire communiquer tous documents et pièces nécessaires à l'accomplissement de sa mission, à charge pour l'expert d'opérer un tri parmi ces documents pour en extraire seulement ceux qui se révéleront pertinents à l'accomplissement de sa mission, au besoin en occultant toute donnée ou information non pertinente et susceptible de relever du secret des affaires des personnes concernées ; * donner tous éléments permettant de déterminer le montant du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon de brevet et de modèles et droits d'auteur, et en proposer le chiffrage; * du tout dresser rapport. - DIRE que l'expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile et qu'il déposera l'original de son rapport au greffe du tribunal judiciaire de Paris (au contrôle des expertises) avant une date qu'il plaira au tribunal de fixer, sauf prorogation de ce délai dûment sollicité en temps utile après du juge du contrôle de l'expertise de la présente section de la 3ème chambre du tribunal, - DIRE qu'en cas de difficultés sur l'une des dispositions qui précèdent, il en sera référé au magistrat chargé du contrôle de l'expertise de la présente section de la 3ème chambre du tribunal, - FIXER la provision à valoir sur la rémunération de l'expert et qui devra être consignée par la société Utilis à la régie du tribunal avant la date qu'il plaira au tribunal de fixer, - DIRE que faute de consignation dans ce délai impératif, la désignation de l'expert serait caduque et privée d'effet, - RENVOYER l'affaire à une audience du juge de la mise en état qu'il plaira au Tribunal de fixer pour vérification de la consignation avant le suivi de l'expertise, - CONDAMNER solidairement le GEIE I-4S la SARL Innovation for Shelter Internationale I-4S et la société BECHER désormais dénommée I-4S France, à payer à la société UTILIS la somme de 60.000 € à titre de remboursement des peines et soins du procès en application de l'article 700 du code de procédure civile. - RAPPELER que le jugement à intervenir est exécutoire de plein droit, nonobstant appel et sans caution, - CONDAMNER solidairement les défendeurs aux entiers frais et dépens de l'instance, en ce y compris les frais de la saisie contrefaçon qui ont été supportés par la société Utilis. 11. Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 25 octobre 2021, la société Innovation for Shelter International I-4S et le GEIE I-4S demandent au tribunal de : A titre principal, - Dire que le brevet européen EPI 493 886 B1 est nul et de nul effet, - Dire que les dessins et modèles communautaires 001110787-0001, 001110787-0002 et 001110787-0003 sont nuls et de nul effet, - Rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande d'annulation du brevet européen et des dessins et modèles communautaires soulevée par la société Utilis, - Dire que la saisie-contrefaçon opérée à [Localité 4] est nulle et de nul effet, - Déclarer les demandes de la société Utilis irrecevables ou à tout le moins, mal fondées, En conséquence, - Débouter la société Utilis de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions émises à l'encontre de la société I-4S, A titre subsidiaire, - Dire que les pièces 21A, 23, 25, 27, 29 et 31 telles que numérotées dans son bordereau annexé à son assignation seront écartées des débats en raison de l'ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal de Paris le 5 octobre 2018, - Dire que la société I-4S n'a commis aucun acte de contrefaçon des produits du brevet EPI 493 886 B1 et des dessins et modèles communautaires enregistrés par la société Utilis sous les numéros 001110787-0001, 001110787-0002 et 001110787-0003, - Dire que la société I-4S n'a commis aucun acte de contrefaçon de droit d'auteur, A titre reconventionnel, - Condamner la société Utilis à payer à la société I-4S et GEIE I-4S la somme de 500 000 € en réparation du préjudice moral subi du fait de l'acharnement judiciaire de la société Utilis, En tout état de cause, - Condamner la société Utilis à payer à la société I-4S la somme de 50 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, - Condamner la société Utilis aux entiers frais et dépens de la présente instance et à ceux relatifs à la procédure liée aux saisies-contrefaçons réalisées le 12 juin 2018. 12. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 9 février 2022, I-4S France (anciennement Becher) demande au tribunal de : A titre liminaire, - Annuler le brevet le brevet européen EPI 493 886 B1, - Débouter la société Utilis de sa fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'exception de nullité du brevet - Annuler en conséquence la saisie-contrefaçon opérée au sein des locaux de la société Becher le 12 juin 2018 sur requête de la société Utilis, - Débouter en conséquence la société Utilis de l'ensemble des demandes formulées par elle au titre de son brevet, - Annuler les dessins et modèles communautaires enregistrés sous les no 001110787-0001, 001110787-0002, 001110787-0003, - Débouter en conséquence la société Utilis de l'ensemble des demandes formulées par elle au titre de ces dessins et modèles communautaires A titre subsidiaire et au fond, - Annuler le brevet le brevet européen EP 1 493 886 B1, - Débouter la société Utilis de sa fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande reconventionnelle de nullité du brevet - Annuler en conséquence la saisie-contrefaçon opérée au sein des locaux de la société Becher le 12 juin 2018 sur requête de la société Utilis, - Débouter en conséquence la société Utilis de l'ensemble des demandes formulées par elle au titre de son brevet - Annuler les dessins et modèles communautaires enregistrés par la société Utilis sous les no 001110787-0001, 001110787-0002, 001110787-0003, - Débouter en conséquence la société Utilis de l'ensemble des demandes formulées par elle au titre de ces dessins et modèles communautaires - Annuler les constats d'huissier datés respectivement du 07 février 2017, pièce figurant au bordereau de la société Utilis sous le numéro 22, et du 12 août 2015, pièce figurant au bordereau de la société Utilis à défaut pour l'huissier d'avoir observé les formalités requises pour un tel constat, En conséquence, - Ordonner la mise à l'écart des débats et le rejet de cette pièce et interdire à la société Utilis de faire la moindre référence à cette pièce et à son contenu, - Ordonner la mise à l'écart des débats et le rejet des pièces d'Utilis: * no21A:tableau comparatif brevets et saisies ; * no23: requêtes aux fins de saisie-contrefaçon de brevet à [Localité 4] ; * no 25:ordonnance du 8 juin 2018 de saisie-contrefaçon à [Localité 4] ; * no27: PV de saisie contrefaçon à [Localité 4] et son tapuscrit ; * no29: signification du PV de [Localité 4] à la société Becher ; * et no31: photographies prises au cours de la saisie-contrefaçon à [Localité 4] ; - Interdire à la société Utilis de faire la moindre référence à ces pièces et à leur contenu, conformément à l'Ordonnance sur référé-rétractation rendue le 05.10.2018 par le juge des référés prés le tribunal de Paris, - Débouter la société Utilis de ses demandes en contrefaçon par la société Becher (devenue I-4S France), des produits, du brevet EPI 493 886 B1 et des dessins et modèles communautaires enregistrés sous les numéros 001110787-0001, 001110787-0002 et 001110787-0003, - Débouter la société Utilis de l'ensemble de ses demandes, moyens, fins et prétentions En tout état de cause, - Condamner la société Utilis à verser à la société I-4S France, une somme de 500 000 euros venant en réparation du préjudice subi par celle-ci, - Condamner la société Utilis à verser à I-4S France, une somme de 50 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers frais et dépens toutes taxes comprises, en ce compris ceux liés à la saisie-contrefaçon opérée le 12 juin 2018 sur requête de la société Utilis. 13. L'instruction a été close par une ordonnance du 17 février 2022 et l'affaire plaidée à l'audience du 18 octobre 2022 MOTIFS DE LA DÉCISION 1o) Sur la validité du brevet EP 1 493 886 contestée en défense Moyens des parties 14. Les sociétés défenderesses contestent la prescription qui leur est opposée par la société Utilis concernant leur demande de nullité du brevet. Elles rappellent que la demande de nullité invoquée par voie d'exception est imprescritible tandis qu'en tout état de cause la loi Pacte a expressément prévu la rétroactivité de ses dispositions prévoyant l'imprescriptibilité de la demande en nullité d'un brevet. 15. Sur le fond, ces sociétés font valoir que le brevet est nul pour défaut de nouveauté et d'activité inventive. Sur le premier point, elles soutiennent que l'invention protégée par le brevet correspond au modèle de tente TM36 laquelle a été divulguée bien avant le dépôt du brevet, lors de présentations publiques dont certaines ont été photographiées et même filmées et fixées sur un CD-Rom commercial qu'elles versent aux débats. S'agissant du défaut d'activité inventive, les sociétés défenderesses font valoir que, par la combinaison des documents de l'art antérieur D1 (qui est un brevet européen EP 777 022 publié le 4 juin 1997) et D2 (un brevet US no 2,723,673 publié le 15 novembre 1955), ou encore, par la combinaison de D1 et D3 (un brevet européen EP 534 843 publié le 23 septembre 1992), l'homme du métier serait parvenu à l'invention revendiquée pour l'ensemble des revendications opposées. Les défenderesses précisent que l'ensemble de ces documents se rapportent à des structures modulaires pour tentes. 16. La société Utilis fait quant à elle valoir que la demande de nullité du brevet est prescrite. Elle rappelle d'abord que les défenderesses ont connaissance du brevet depuis à tout le moins le 4 septembre 2013 et précise ensuite que la prescription quinquénale, seule applicable, était acquise avant le 4 septembre 2018 soit avant l'entrée en vigueur de la loi Pacte. La société Utilis ajoute que la demande en nullité des défenderesses ne saurait être qualifiée d' "exception de procédure", tandis que le nouvel article L.615-8-1 du code de la propriété intellectuelle entrera en vigueur en même temps que la juridiction unifiée du brevet conformément selon elle à l'article 23 de l'ordonnance no2018-341 du 9 mai 2018. 17. Sur la validité du brevet EP 1 493 886, elle rappelle que l'examen de ce brevet par l'office a été très rapide et que les trois documents de l'art antérieur invoqués par les défenderesses au soutien de leurs moyens de nullité ont tous été pris en compte par l'examinateur qui a néanmoins décidé de délivrer le brevet. Elle en déduit que l'invention n'était pas évidente tandis qu'aucune antériorité valable n'en détruit la nouveauté. Elle soutient en particulier qu'aucun des visuels produits n'a date certaine s'agissant de photographies et d'un film dont la date est aisément falsifiable et qui, en tout état de cause, ne divulguent pas l'invention. Appréciation du tribunal a - Sur la prescription de la demande de nullité du brevet invoquée par voie d'exception : 18. Il est constamment jugé que l'exception de nullité est perpétuelle : Cass. Com., 28 septembre 2022, pourvoi no 20-16.874 (premier moyen du pourvoi principal) ; Cass. Civ. 1ère, 25 octobre 2017, pourvoi no 16-24.766, Bull. 2017, I, no 228 ; Cass. Civ. 1ère, 14 janvier 2015, pourvoi no 13-26.279, Bull. 2015, I, no 4 ; Cass. Civ. 3ème, 4 mars 2009, pourvoi no 07-17.991, Bull. 2009 III, no 57 ; Cass. Civ. 1ère, 23 janvier 1996, pourvoi no 93-21.442, Bull. 1996 I no 34 ; Cass. Civ. 1ère, 19 décembre 1995, pourvoi no 94-10.812, Bull. 1995 I no 477 ; Cass. Com., 20 novembre 1990, pourvoi no 89-18.156, Bull. 1990 IV no 295 ; Cass. Civ. 1ère, 21 juin 1989, pourvoi no 87-10.941, Bull. 1989 I no 246. 19. Il en résulte que l'exception de nullité d'un acte ne se prescrit pas à moins qu'elle se rapporte à un contrat qui a reçu exécution (article 1185 du code civil dans sa rédaction issue de l'ordonnance no2016-131 du 10 février 2016), ce régime juridique ne s'appliquant évidemment nullement aux actes de procédures soumis à un régime spécifique par le code de procédure civile. 20. La demande de nullité du brevet EP 1 493 886 opposée par les sociétés défenderesses pour faire échec à l'action en contrefaçon engagée par la société Utilis est donc recevable. Elle est en outre préalable. b - Présentation du brevet EP 1 493 886 21. Selon les paragraphes [0001], [0002] et [0003] de la partie descriptive du fascicule de brevet, l'invention concerne une structure modulaire pliable pour tente à montage rapide, en particulier les tentes adaptées aux situations d'urgence, et à un usage militaire, en ce qu'elles sont de relativement faible volume démontées, tandis qu'elles peuvent être montées et déployées rapidement tout en offrant un abri d'une grande résistance aux conditions météorologiques. Ces tentes sont en général constituées d'une structure démontable supportant une toile, ladite structure étant elle-même constituée, pour être démontable, d'un assemblage par emboîtement de profilés de type tubulaire. 22. Les paragraphes [0005] et [0006] enseignent que l'art antérieur connaît des structures formées de tiges articulées permettant de replier la structure, comme décrite par exemple dans le document EP0777022, mais que ce type de structure présente des inconvénients du point de vue de la stabilité et notamment de repliement intempestif en cas d'exposition à des conditions météorologques difficiles, à moins de les équiper de systèmes complexes et coûteux de verrouillage. 23. Aussi, afin de remédier à ces inconvénients, l'invention propose une structure modulaire pliable à montage rapide, permettant de remédier de manière simple à l'inconvénient précité de risque de repliement intempestif des tiges articulées.[0007] 24. Selon les paragraphes [0025] à [0031], cet objectif est atteint au moyen de profilés articulés agencés autour d'une panne faitière (pièce horizontale située au sommet de la structure) constituée de deux profilés de forme rectangulaire (éléments 40 et 41 de la figure 1a du brevet reproduite ci-après) et conçus pour être bloqués en position à angle droit dans une pièce de jonction avec le reste de la structure (pièce faîtière correspondant aux figures 2 et 3 également reproduite ci-après ainsi qu'aux éléments 3 et 42 de la figure 1a) grâce à un moyen de blocage réversible. 25. Le fascicule enseigne ensuite aux paragraphes [0032] à [0034] que le blocage réversible est obtenu par une empreinte usinée dans la pièce faîtière (élément 33 de la figure 3 du brevet reproduite ci-dessous) définissant deux positions angulaires extrêmes du profilé. Dans l'une, le profilé rectangulaire se trouve en position horizontale ce qui permet alors son repliement (dans la figure 2 ci-dessous le profilé est en position horizontale). Dans l'autre, il est en position verticale et ne peut plus être replié. Le profilé est alors relié par emboîtement (ou aboutement selon les termes du brevet) à un autre profilé (40 et 41 de la figure 1a) lui-même relié à une autre pièce faîtière comprenant la même empreinte mais positionnée de manière inverse de sorte qu'est atteint par cet agencement un effet d'auto-blocage de la panne faîtière et de l'ensemble de la structure qui en assure la rigidité de manière très simple. 26. Aux fins de l'invention, le brevet se compose de 7 revendications, ci dessous reproduites, toutes opposées à l'exception de la revendication 3 : 27. 1. Structure modulaire pliable pour tente ou analogue à montage rapide, du type constitué de l'assemblage de profilés de type tubulaire, et destinée à supporter une toile, lesdits profilés permettant notamment de former au moins deux arches (1, 2) en vis-à-vis re liées par au moins deux pannes (4, 5, 6) dont une faîtière (4), ladite panne faîtière (4) est constituée de l'aboutement de deux profilés (40, 41), solidarisés chacun par leur autre extrémité à une pièce faîtière (3) que comporte chacune desdites arches (1, 2), caractérisée en ce que ladite extrémité comportant d'une part des moyens de pivotement (43) lui permettant de pivoter sur ladite pièce faîtière (3) selon un axe (X) perpendiculaire au plan de l'arche (1, 2), alors que des moyens d'indexage (44, 33) limitent angulairement ledit pivotement ; et d'autre part des moyens de pivotement (45) permettant l'articulation de ladite extrémité selon un axe transversal (Y), parallèle au plan de l'arche (1, 2) afin de permettre le repliement dudit profilé (40, 41) parallèlement à la dite arche (1, 2), tandis que l'aboutement des deux profilés (40, 41) de la panne faîtière (4) est réalisé par l'intermédiaire de moyens d'emboîtement aptes à assurer l'immobilisation en pivotement axial d'un profilé (40, 41) par rapport à l'autre selon des positions angulaires de ceux-ci définies par lesdits moyens d'indexage (44, 33). 28. 2. Structure selon la revendication 1, caractérisée en ce que la liaison de la panne faîtière (4) à une arche (1, 2) est réalisée au travers d'une articulation (42) comprenant une pièce intermédiaire (44) portant deux pivots (43, 45) d'axes (X, Y) perpendiculaires l'un par rapport à l'autre, l'un assurant la liaison avec la pièce faîtière (3) perpendiculairement au plan de ladite arche (1, 2), tandis que l'autre assure la liaison avec ladite panne faîtière (4). 29. 4. Dispositif selon la revendication 2, caractérisé en ce que le contrôle de l'orientation angulaire de chacun des profilés (40, 41) de la panne faîtière (4) est réalisé par l'intermédiaire d'éléments faisant saillie de là pièce faîtière (3) et avec lesquels coopère la pièce intermédiaire (44), les emplacements de ces éléments permettant de limiter angulairement le dé placement en pivotement. 30. 5. Structure selon l'une quelconque des revendications précédentes, caractérisé en ce que la ou les pannes (5, 6) qui relient deux arches (1, 2), autres que la panne faîtière (4); sont constituées de deux profilés (50, 51, 60, 61) articulés en pivotement d'une part l'un à l'autre, et d'autre part à leur arche respective (1, 2) en sorte de permettre le repliement de l'un sur l'autre et donc le rapprochement de deux arches voisinés (1, 2). 31. 6. Structure selon la revendication 5, caractérisée en ce que l'articulation (52, 62) reliant les deux profilés (50, 51, 60, 61) constituant une panne (5, 6), comporte des moyens de blocage réversible permettant de maintenir lesdits deux profilés (50, 51, 60, 61) alignés, après déploiement. 32. 7. Structure selon l'une quelconque des revendications précédentes, caractérisée en ce que chacune des arches (1, 2) est constituée d'une pièce faîtière (3) et de deux chevrons (10, 11, 20, 21), lesquels sont articulés sur ladite pièce faîtière (3) selon des axes distincts et perpendiculaires au plan de l'arche (1, 2). c - Sur le défaut de nouveauté 33. Aux termes de l'article L.614-12 du code de la propriété intellectuelle, "la nullité du brevet européen est prononcée en ce qui concerne la France par décision de justice pour l'un quelconque des motifs visés à l'article 138, paragraphe 1, de la Convention de Munich." 34. Selon l'article 138 § 1 de cette Convention, "Sous réserve de l'article 139, le brevet européen ne peut être déclaré nul, avec effet pour un Etat contractant, que si : a) l'objet du brevet européen n'est pas brevetable en vertu des articles 52 à 57 ;". 35. Il résulte en outre de l'article 54 "Nouveauté" de la Convention sur le brevet européen que : "(1)Une invention est considérée comme nouvelle si elle n'est pas comprise dans l'état de la technique. (2) L'état de la technique est constitué par tout ce qui a été rendu accessible au public avant la date de dépôt de la demande de brevet européen par une description écrite ou orale, un usage ou tout autre moyen. Une invention est considérée comme nouvelle si elle n'est pas comprise dans l'état de la technique." 36. Les sociétés défenderesses versent aux débats de très nombreuses pièces qui établissent la présentation au public et la commercialisation par la société Utilis, dès le mois de mai 2002, soit plus d'un an avant la date de dépôt, d'une tente référencée TM36. 37. Le tribunal ne peut que constater que cette référence de tente commercialisée par la société Utilis reproduit intégralement l'ensemble des revendications opposées du brevet, ce qui résulte en particulier des photographies prises lors des présentations publiques de cette tente qui en révèlent de très nombreuses caractéristiques et, en particulier, le détail de l'usinage de la pièce faîtière qui, avec la rotation à 90o des deux éléments de la panne faîtière permet d'atteindre l'effet auto-bloquant de la structure (voir notamment pièces I-4S France no27 a et c qui sont une facture de la société Becher à la société Utilis portant notamment sur la vente d'une tente référencée TM 36 "avec inscription Bomberos Unidos" datée du 30 septembre 2002, ainsi qu'une photographie - dont les métadonnées montrent qu'elle a été prise le 21 novembre 2002 - d'une tente montée portant l'inscription "Bomberos Unidos" sur laquelle est nettement visible l'empreinte de la pièce faîtière). 38. En outre, la société I-4S France verse aux débats en pièce no36 un coffret réalisé à des fins promotionnelles par la société Utilis et comportant un "compact disc" ainsi qu'un DVD. Ce second support contient notamment une vidéo de présentation de la tente TM36. Cette vidéo met en évidence, à la 28ème seconde de la démonstration chronométrée du montage de cette tente, la légère rotation des deux profilés constituant la panne faîtière dans la pièce faîtière, d'un côté, et leur emboîtement, de l'autre côté, ce qui confère alors à la structure sa rigidité, et qui constitue le coeur de l'invention. Ce film de présentation figure sur un DVD, certes daté de 2009, mais il fait expressément référence au modèle de tente TM 36 figurant sur les factures versées aux débats (pièces I-4S France no 40 et 53 : 17 factures de la société Becher à la société Utilis portant sur des tentes référencées TM 36 pour différents clients tels que la protection civile espagnole, les Bomberos Unidos, les marins pompiers de [Localité 6], la Croix Rouge d'[Localité 7], datées de mai 2002 à avril 2003). Il n'est pas allégué, et encore moins démontré, que cette référence de produit TM 36 concernerait des modèles de tentes en réalité différents, ce qui serait au demeurant contredit par les photographies versées aux débats. 39. Le compact disc figurant dans le coffret produit en pièce no36 contient quant à lui de nombreuses photographies faisant expressément référence au modèle TM 36 de la société Utilis et montrant ce modèle présenté sur des places publiques, en particulier le modèle TM 36 réalisé pour les "Bomberos Unidos", les métadonnées des photographies établissant qu'elles ont été prises le 3 janvier 2003. 40. La société Utilis, qui se borne à affirmer la possibilité de falsifier les métadonnées d'une photographie, ne la démontre pas, par exemple par la production du coffret promotionnel "authentique" ce qui permettrait de vérifier l'intégrité des photographies présentes sur ce support. Cela serait d'autant plus nécessaire ici que les dates des photographies sont corroborrées par d'autres éléments. 41. La société I-4S France a certes obtenu l'ensemble des ces éléments en raison de sa qualité de sous-traitant de la société Utilis, mais, ainsi que le rappelle à juste titre la première, l'obligation de confidentialité, étant d'interprétation stricte, une telle obligation ne saurait résulter implicitement de l'existence de relations commerciales et que, même si un écrit n'est pas nécessaire pour parvenir à un accord de confidentialité, la preuve d'entretiens ou de contacts verbaux qui auraient eu un tel objet n'est pas fournie (Cass. Com., 17 mars 2015, pourvoi no 13-15.862). 42. De tout ces éléments il résulte que la société Utilis commercialise le modèle de tente référencé TM 36, lequel reproduit l'ensemble des caractéristiques du brevet EP 1 493 886 depuis le mois de mai 2002 au moins, ce dont il résulte que l'invention a été rendue accessible au publique bien avant la date de dépôt (1er juillet 2003). Le brevet se trouve donc dépourvu de nouveauté. Il y a donc lieu de faire droit à la demande d'annulation de ce brevet. 43. Les demandes fondées sur la contrefaçon de ce brevet seront toutes rejetées (interdiction sous astreinte, confiscation, publication, paiement de dommages-intérêts provisionnels, expertise). 44. Il est en outre rappelé que "la procédure de saisie-contrefaçon étant dérogatoire au droit commun, l'annulation du titre sur lequel elle était fondée entraîne l'annulation du procès-verbal de saisie et ne laisse rien subsister de celui-ci". (Cass. Com., 28 septembre 2022, pourvoi no 20-16.874) Les procès-verbaux de saisie-contrefaçon dressés le 12 juin 2018 à la requête de la société Utilis sur le fondement de ce brevet doivent donc être annulés. 2o) Sur la validité des modèles contestée en défense Moyens des parties 45. Les sociétés défenderesses invoquent en substance les mêmes pièces, contenant de la même manière selon elles des antériorités destructrices de la nouveauté comme du caractère individuel des modèles. Elles font également valoir que l'apparence des modèles est imposée par leurs fonctions techniques en violation des dispositions de l'article 8 du Règlement 6/ 2002. Elles rappellent en tout état de cause l'imprescriptibilité de leur demande d'annulation présentée par voie d'exception. Les sociétés défenderesses concluent subsidiairement à l'absence de reproduction des modèles par sa gamme de tentes GV qui, notamment, ne comportent aucun croisillon. 46. La société Utilis soutient que la demande aux fins d'annulation de ses modèles est prescrite. Elle réfute quoi qu'il en soit les arguments de nullité de ses modèles en raison d'une part du défaut de force probante des éléments produits par les sociétés défenderesses, et en raison d'autre part de l'indéniable selon elle aspect nouveau, individuel et non contraint par leur fonction technique, des ses trois modèles. Appréciation du tribunal 47. Aux termes de l'article 24 du Règlement no 6/2002 du conseil du 12 décembre 2001 sur les dessins ou modèles communautaires, "Un dessin ou modèle communautaire enregistré est déclaré nul sur demande introduite auprès de l'Office, confor mément à la procédure prévue aux titres VI et VII, ou par un tribunal des dessins ou modèles communautaires à la suite d'une demande reconventionnelle dans le cadre d'une action en contrefaçon." L'article 25 précise qu' "Un dessin ou modèle communautaire ne peut être déclaré nul que : (...) b) s'il ne remplit pas les conditions fixées aux articles 4 à 9". 48. Selon l'article 5 "Nouveauté" du Règlement no 6/2002 du 12 décembre 2001 sur les dessins ou modèles communautaires "1. Un dessin ou modèle est considéré comme nouveau si aucun dessin ou modèle identique n'a été divulgué au public: (...) b) dans le cas d'un dessin ou modèle communautaire enre gistré, avant la date de dépôt de la demande d'enregistre ment du dessin ou modèle pour lequel la protection est demandée ou, si une priorité est revendiquée, la date de priorité. 2. Des dessins ou modèles sont considérés comme identiques lorsque leurs caractéristiques ne diffèrent que par des détails insignifiants." 49. Selon l'article 6 "Caractère individuel" du Règlement no 6/2002, "1. Un dessin ou modèle est considéré comme présentant un caractère individuel si l'impression globale qu'il produit sur l'utilisateur averti diffère de celle que produit sur un tel utilisateur tout dessin ou modèle qui a été divulgué au public: (...) b) dans le cas d'un dessin ou modèle communautaire enregistré, avant la date de dépôt de la demande d'enregistrement ou, si une priorité est revendiquée, avant la date de priorité. 2. Pour apprécier le caractère individuel, il est tenu compte du degré de liberté du créateur dans l'élaboration du dessin ou modèle." 50. Selon l'article 7 "Divulgation" du même Règlement, "2. Aux fins des articles 5 et 6, il n'est pas tenu compte d'une divulgation si un dessin ou modèle pour lequel la protection est revendiquée au titre de dessin ou modèle communautaire enre gistré a été divulgué au public: a) par le créateur ou son ayant droit ou par un tiers sur la base d'informations fournies ou d'actes accomplis par le créateur ou son ayant droit, et ce, b) pendant la période de douze mois précédant la date de dépôt de la demande d'enregistrement ou la date de priorité, si une priorité est revendiquée." 51. Il résulte de la jurisprudence que la notion d'utilisateur averti doit être comprise comme une notion intermédiaire entre celle de consommateur moyen, applicable en matière de marques, auquel il n'est demandé aucune connaissance spécifique et qui, en général, n'effectue pas de rapprochement direct entre les marques en conflit, et celle d'homme de l'art, expert doté de compétences techniques approfondies (Cour de justice de l'Union européenne du 20 octobre 2011, PepsiCo/Grupo Promer Mon Graphic, C-281/10 P, point 53). Ainsi, si l'utilisateur averti n'est pas le consommateur moyen normalement informé et raisonnablement attentif et avisé qui perçoit habituellement un dessin ou un modèle comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails, il n'est pas non plus l'expert ou l'homme de l'art capable d'observer dans le détail les différences minimes susceptibles d'exister entre les dessins ou modèles en conflit (même arrêt point 100). La qualité d'« utilisateur » implique que la personne concernée utilise le produit dans lequel est incorporé le dessin ou modèle en conformité avec la finalité à laquelle ce même produit est destiné. Le qualificatif « averti » suggère en outre que, sans être un concepteur ou un expert technique, l'utilisateur connaît les différents dessins ou modèles existant dans le secteur concerné, dispose d'un certain degré de connaissances quant aux éléments que ces dessins ou modèles comportent normalement, et, du fait de son intérêt pour les produits concernés, fait preuve d'un degré d'attention relativement élevé lorsqu'il les utilise (arrêt du Tribunal du 22 juin 2010, Shenzen Taiden/OHMI - Bosch Security Systems (Équipement de communication), T-153/08, point 98). Ainsi, la notion d'utilisateur averti peut s'entendre comme désignant un utilisateur doté non d'une attention moyenne, mais d'une vigilance particulière, que ce soit en raison de son expérience personnelle ou de sa connaissance étendue du secteur considéré (arrêt PepsiCo/Grupo Promer Mon Graphic, point 100). 52. La demande de nullité des modèles opposée par les sociétés défenderesses pour faire échec à l'action en contrefaçon engagée par la société Utilis n'est nullement prescrite pour les mêmes motifs que ceux déjà exposés s'agissant de la demande d'annulation des revendications opposées du brevet. 53. Ainsi, il résulte ici des pièces produites que les modèles opposés correspondent aux tentes référencées TL et TXL de la société Utilis (pièce I-4S no44) constituées d'au moins deux arceaux en forme de demi-dodécagone constituant une structure apparente retenant une toile. 54. Il résulte encore des pièces produites que ces références de tentes Utilis ont fait l'objet de multiples divulgations plus d'un an avant le dépôt, ainsi qu'il résulte du compact disc versé aux débats en pièce no36, lequel comprend diverses photographies montrant les différentes tentes exposées montées. Les photographies 1 à 3 de cette pièce montrent ainsi que le modèle no 001110787-0001 a été présenté au public, l'événement ayant été photographié le 2 octobre 2007. Les photographies présentes sur ce support et antérieures au 23 mars 2008 révèlent toutes les caractéristiques du modèle no 001110787-0001 (forme de demi-dodécagone, croisillons sur certains pans, deux fermetures voilées dans le prolongement du demi-dodécagone, y compris la couleur kaki), n'en diffèrant que par le choix de l'emplacement des "croisillons" présents sur certains pans. 55. Cette différence d'emplacement des croisillons n'apparaît cependant pas susceptible de produire sur l'utilisateur averti une impression visuelle d'ensemble différente de celle que produira sur lui le dépôt, le tribunal observant au surplus que les modèles dont la société Utilis estime qu'ils constituent une contrefaçon ne comportent pas de croisillons (cf. les reproductions de la gamme GV en page 146 de ses conclusions). Ce modèle apparaît donc dépourvu de caractère individuel. 56. Il en va de même du modèle no 001110787-0002, correspondant à la tente TL / TXL constituée de 4 arceaux (selon une forme de demi-dodécagone avec des croisillons positionnés sur différents pans afin de rigidifier la structure), photographiée montée le 2 octobre 2007, soit plus d'un an avant le dépôt, à proximité de ce qui paraît être une base aéroportuaire, accessible au public très spécialisé auquel s'adresse ce produit (photos no12 à 16 du CD Utilis édité en 2009). Là encore, les photographies présentes sur ce support et antérieures au 23 mars 2008 révèlent toutes les caractéristiques du modèle no 001110787-0002, à savoir la forme de demi-dodécagone et la présence de croisillons, n'en diffèrant que par le choix de l'emplacement des croisillons présents sur certains pans. Comme précédemment, cette différence d'emplacement des croisillons n'apparaît pas susceptible de produire sur l'utilisateur averti une impression visuelle d'ensemble différente de celle que produira sur lui le dépôt. L'utilisateur averti remarquera que le positionnement et le nombre des croisillons dépend de l'usage envisagé de la tente (cf. photographie no8 du CD Utilis). Ce modèle apparaît donc lui aussi dépourvu de caractère individuel. 57. Le modèle no 001110787-0003 correspond quant à lui à la tente TL/TXL constituée de 6 arceaux en forme de demi-dodécagone avec des croisillons sur certains pans. Il n'est pas établi qu'il ait fait l'objet d'une divulgation, que ce soit par un produit identique ou ne produisant pas une impression d'ensemble différente, dans le délai de l'article 7 du Règlement. Il n'est pas davantage établi que son apparence soit entièrement dictée par ses caractèristiques techniques. Ce modèle doit donc être déclaré valable. 3o) Sur la contrefaçon du modèle no 001110787-0003 58. Selon l'article 10 "Étendue de la protection" du Règlement no 6/2002 du conseil du 12 décembre 2001 sur les dessins ou modèles communautaires, "1. La protection conférée par le dessin ou modèle communautaire s'étend à tout dessin ou modèle qui ne produit pas sur l'utilisateur averti une impression visuelle globale différente." 59. Le tribunal constate que, si la tente GV 6 de la société I-4S France reproduit une tente à structure apparente en forme de demi-dodécagone et constituée de six arceaux, cette tente, outre qu'elle est dotée de nombreuses ouvertures extérieures latérales, ne comporte aucun croisillon (cf. ci-dessous de gauche à droite la tente GV6 et l'une des représentation du dépôt ) : 60. Il en résulte que la tente GV 6 de la société I-4S France produit sur l'utilisateur averti, dont il est rappelé qu'il a une connaissance étendue des différents modèles du secteur, une impression visuelle globale différente de celle que produit sur lui le modèle no 001110787-0003, de sorte que la demande fondée sur la contrefaçon de ce modèle ne peut qu'être rejetée. 4o) Sur la contrefaçon de droit d'auteur 61. Conformément à l'article L.111-1 du code de la propriété intellectuelle, l'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous comportant des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial. En application de l'article L.112-1 du même code, ce droit appartient à l'auteur de toute oeuvre de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination. 62. La protection d'une oeuvre de l'esprit est acquise à son auteur sans formalité et du seul fait de la création d'une forme originale en ce sens qu'elle porte l'empreinte de la personnalité de son auteur et n'est pas la banale reprise d'un fonds commun non appropriable. Dans ce cadre toutefois, il appartient à celui qui se prévaut d'un droit d'auteur de définir et d'expliciter les contours de l'originalité qu'il allègue. En effet, seul l'auteur, dont le juge ne peut suppléer la carence, est en mesure d'identifier les éléments traduisant sa personnalité et qui justifient son monopole. 63. La société Utilis sollicite la protection de ce chef de plans de ses tentes. Elle n'offre toutefois pas de caractériser en quoi ces plans portent l'empreinte de la personnalité d'un auteur, non plus que leur divulgation antérieure sous son nom. 64. La demande de protection de ces plans par le droit d'auteur ne peut donc qu'être rejetée. 5o) Sur les autres mesures 65. Les sociétés défenderesses qui ne caractèrisent pas autre chose qu'une mauvaise appréciation de ses droits par la société Utilis, non plus qu'aucun préjudice distinct de celui d'assurer leur défense, seront déboutées de leurs demandes de dommages-intérêts pour procédure abusive. 66. En revanche, partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, la société Utilis sera condamnée aux dépens, ainsi qu'à payer aux sociétés défenderesses la somme de 40.000 euros à la société I-4S France d'une part, ainsi que la même somme à la société Innovation for shelter international I-4S et au GEIE I-4S d'autre part, par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. 67. Nécessaire et compatible avec la nature de la présente décision, l'exécution provisoire sera ordonnée sauf en ce qui concerne la transmission aux offices. PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL, ANNULE les revendications 1, 2, 4, 5, 6 et 7 de la partie française du brevet EP 1 493 886 appartenant à la société Utilis ; DIT que la présente décision, une fois passée en force de chose jugée, sera transmise à l'INPI à l'initiative de la partie la plus diligente aux fins d'inscription au registre national des brevets ; REJETTE par conséquent l'ensemble des demandes de la société Utilis fondées sur la contrefaçon de ce brevet ; DÉCLARE NULS les procès-verbaux de saisie-contrefaçon dressés le 12 juin 2018 à la requête de la société Utilis ; DÉCLARE NULS les modèles communautaires no 001110787-0001, 001110787-0002 appartenant à la société Utilis ; DIT qu'une fois passée en force de chose jugée la présente décision sera transmise à l'Office européen de la propriété intellectuelle, à l'initiative de la partie la plus diligente, pour inscription au registre des dessins ou modèles communautaires conformément aux dispositions de l'article 86 point 4 du Règlement no 6/2002 du 12 décembre 2001 ; REJETTE par conséquent l'ensemble des demandes de la société Utilis fondées sur la contrefaçon de ces modèles communautaires ; REJETTE la demande d'annulation du modèle communautaire 001110787-0003 appartenant à la société Utilis ; REJETTE les demandes fondées sur la contrefaçon de ce modèle communautaire ; REJETTE la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive présentée par les sociétés I-4S France, Innovation for shelter international I-4S et le GEIE I-4S ; CONDAMNE la société Utilis aux dépens ; CONDAMNE la société Utilis à payer à la société I-4S France la somme de 40.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; CONDAMNE la société Utilis à payer à la société Innovation for shelter international I-4S ainsi qu'au GEIE I-4S la somme de 40.000 euros (20.000 euros chacun) par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; ORDONNE l'exécution provisoire de la présente décision sauf en ce qui concerne la transcription du jugement sur les registres. Fait et jugé à Paris le 12 janvier 2023. LA GREFFIERE LA PRESIDENTE | x |
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JURITEXT000047454939 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/45/49/JURITEXT000047454939.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 12 janvier 2023, 20/06429 | 2023-01-12 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 20/06429 | CT0196 | TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 3ème chambre 1ère section No RG 20/06429 No Portalis 352J-W-B7E-CSMR3 No MINUTE : Assignation du :10 juillet 2020 JUGEMENT rendu le 12 janvier 2023 DEMANDERESSE S.A.S. PERARD[Adresse 5][Adresse 5][Localité 2] représentée par Me Elsa CROZATIER, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #E1873 & Me Jonathan SAVOURET de la SCP ILLIADE AVOCATS, avocat au barreau de METZ DÉFENDERESSE S.A.S. CONSTRUCTIONS METALLIQUES ROYER SERGE ET FILS[Adresse 3][Localité 1] représentée par Me Olivier LEDRU, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B0609 COMPOSITION DU TRIBUNAL Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointeElodie GUENNEC, Vice-présidenteMalik CHAPUIS, Juge, assistés de Quentin CURABET, Greffier lors des débats et de Caroline REBOUL, Greffière lors de la mise à disposition. DÉBATS A l'audience du 27 septembre 2022 tenue en audience publique devant Nathalie SABOTIER et Malik CHAPUIS, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seuls l'audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue le 1er décembre 2022. Le délibéré a été prorogé au 12 janvier 2023. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffeContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DU LITIGE : 1. La société Perard est spécialisée dans la conception et la fabrication de machines agricoles. Dans ce cadre, elle expose avoir procédé, le 9 janvier 2002, au dépôt d'une demande de brevet français no FR 0 200 180 portant une remorque à plateau abaissable destinée notamment au transport de matériel agricole. 2. Le 22 août 2002, la société Perard a procédé au dépôt d'une demande de brevet européen portant sur la même invention et revendiquant la priorité de la demande française no FR 0 200 180. Ce brevet, délivré le 3 novembre 2004 sous le no EP 1 285 846, s'est substitué au brevet français le 3 août 2005 lequel a cessé de produire ses effets conformément aux dispositions de l'article L. 614-13 du code de la propriété intellectuelle. 3. La société Constructions Metalliques Royer Serge et Fils (ci-après Royer) exerce la même activité de conception et fabrication de machines agricoles. 4. Les parties s'opposent depuis 2014 sur la reproduction non autorisée des revendications du brevet portant sur les remorques à plateau abaissable commercialisées par la société Royer. C'est ainsi que, par une requête enregistrée au greffe le 28 mai 2020, la société Perard a sollicité et obtenu, le 29 mai 2020, l'autorisation de faire pratiquer une saisie-contrefaçon au siège de la société Royer. Les opérations se sont déroulées le 23 juin 2020 et, par acte d'huissier du 10 juillet 2020, la société Pérard a fait assigner la société Royer devant ce tribunal, en contrefaçon de brevet et subsidiairement en concurrence déloyale. 5. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 23 février 2022, la société Perard demande au tribunal de : - Déclarer l'action diligentée par la Sas Perard recevable et sa demande bien fondée, Avant dire droit, - Enjoindre à la Sas Constructions Metalliques Royer Serge et Fils d'avoir à produire tout document comptable afférents à la vente des produits argués de contrefaçon et permettant d'établir la réalité des bénéfices générés par ces actes ce, sous astreinte de 150,00 € par jour de retard, Au principal, - Dire que la Sas Constructions Metalliques Royer Serge et Fils engage sa responsabilité au regard de l'article L615-1 du code de la propriété intellectuelle, En conséquence, - Condamner la Sas Constructions Metalliques Royer Serge et Fils à payer à la Sas Perard la somme de 429.473,00 € à titre de dommages et intérêts ce, en raison des préjudices économiques subis ainsi que des bénéfices réalisés par la défenderesse au détriment du propriétaire du brevet, cette somme étant à parfaire, - Condamner la Sas Constructions Metalliques Royer Serge et Fils à payer à la Sas Perard la somme de 25.000,00 € à titre de dommages et intérêts et ce, en réparation du préjudice moral subi, Subsidiairement, - Dire que les importantes similitudes entre la remorque breveté et celles commercialisés par la Sas Constructions Metalliques Royer Serge et Fils sont de nature à induire une confusion auprès des tiers, ces faits caractérisant une pratique commerciale déloyale, - Dire que la Sas Constructions Metalliques Royer Serge et Fils engage sa responsabilité, En conséquence, - Condamner la Sas Constructions Metalliques Royer Serge et Fils à payer à la Sas Perard la somme de 429.473,00 € à titre de dommages et intérêts ce, en raison des préjudices économiques subis ainsi que des bénéfices réalisés par la défenderesse au détriment du propriétaire du brevet, cette somme étant à parfaire, - Condamner la Sas Constructions Metalliques Royer Serge et Fils à payer à la Sas Perard la somme de 25.000,00 € à titre de dommages et intérêts et ce, en réparation du préjudice moral subi, Très subsidiairement, - Ordonner une expertise judiciaire, - Désigner tel expert qu'il plaira à la juridiction de Céans avec pour mission de : - Se rendre sur place sis [Adresse 3] à [Localité 1], siège de la Sas Constructions Metalliques Royer Serge et Fils et ce, afin d'analyser les procédés techniques employés par cette dernière dans le cadre de la fabrication et de la commercialisation des remorques agricoles à plateau abaissable, - Se faire remettre tout plan et documentations techniques et commerciales afférentes aux remorques agricoles litigieuses, antérieur à 2014, mais également postérieur à 2016, - A partir de ces plans et des procédés techniques y étant décrit, analyser leur fonction et les moyens mis en oeuvre par la Sas Constructions Metalliques Royer Serge et Fils, afin de déterminer si ces moyens ont pour but d'exercer une fonction identique, et notamment analyser le remplacement des galets brevetés par la SAS PERARD par les glissières et vérins et ce, afin de déterminer si cette modification du moyen d'abaissement du plateau remplie la même fonction et la même finalités que le procédé breveté, - Apprécier, au regard des revendications issues du brevet en date du 09 janvier 2002, si les moyens techniques employés par la Sas Constructions Metalliques Royer Serge et Fils constituent une contrefaçon, - Dire, après analyse des remorques agricoles fabriquées et commercialisées par la Sas Constructions Metalliques Royer Serge et Fils si ces dernières reproduisent les procédés ou moyens techniques contenu dans chacune des revendications contenues dans le brevet en date du 09 janvier 2002, - Dire au regard de chaque revendication issue du brevet en date du 09 janvier 2002, si les moyens mis en oeuvre par la Sas Constructions Metalliques Royer Serge et Fils poursuivent les mêmes finalités et fonction que ceux mis en oeuvre par la Sas Perard, - Évaluer le préjudice subi par la Sas Perard du fait des actes de contrefaçon constatés, - Répondre aux dires des parties, lesquels seront annexés au pré-rapport de manières précises et, si nécessaires, documentées. - Statuer ce que de droit quant à la consignation des frais d'expertise, En tout état de cause, - Débouter la Sas Constructions Metalliques Royer Serge et Fils de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions, - Condamner la Sas Constructions Metalliques Royer Serge et Fils à payer à la Sas Perard la somme de 7.500,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, - Condamner la Sas Constructions Metalliques Royer Serge et Fils aux entiers frais et dépens, - Dire n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de la décision à intervenir. 6. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 28 janvier 2022, la société Constructions Métalliques Royer Serge et Fils demande au tribunal de : - Constater la nullité du constat de saisie contrefaçon en date du 23 juin 2020 et en conséquence l'écarter des débats ; - Débouter la société Sas Perard de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions; - Condamner la Sas Perard à payer à la société Constructions Metalliques Royer et Fils la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ; A titre subsidiaire - Dire qu'une éventuelle expertise ne pourrait qu'être à la charge exclusive de la Sas Perard et ajouter à la mission de l'expertise une analyse de tous les procédés similaires au dépôt du brevet Perard et antérieurs à celui-ci. En tout état de cause, - Condamner la Sas Perard à Payer à la société Constructions Métalliques Royer Serge et Fils la somme de 15.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; - La condamner aux entiers dépens. 7. L'instruction a été close par une ordonnance du 22 mars 2022 et l'affaire plaidée à l'audience du 27 septembre 2022. MOTIFS DE LA DÉCISION 1o) Sur la nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon Moyens des parties 8. La société Royer soutient que la requête n'identifie pas clairement le brevet sur lequel elle est fondée, ne contenant aucun élément d'identification de ce brevet (titre, numéro,...) et alors que la date de dépôt mentionnée est erronée, ainsi que le reconnaît elle-même la demanderesse, ce qui constitue selon elle un premier moyen de nullité. La société Royer ajoute que la saisie était apparemment fondée sur la demande de brevet français alors que ce titre était déchu à la date de présentation de la requête et ne pouvait en aucun cas servir de fondement à la demande de saisie, ainsi que l'a jugé à plusieurs reprises la Cour de cassation. 9. La société Perard soutient quant à elle que la saisie est parfaitement valable, la société Royer ne démontrant pas le grief que lui cause l'erreur matérielle affectant la date de dépôt du brevet mentionnée dans la requête. Elle confirme que le brevet présenté au juge ayant autorisé la requête était le brevet français no FR 0 200 180 dont la date de dépôt est le 9 janvier 2002 et soutient à cet égard, pour s'opposer au moyen de nullité de la saisie de la société Royer, qu'elle était en droit d'invoquer ce brevet pour obtenir la preuve de faits de contrefaçon non encore prescrits. Appréciation du tribunal 10. L'article L. 615-5 du code de la propriété intellectelle réserve la possibilité de solliciter une mesure de saisie-contrefaçon à la personne ayant qualité pour agir en contrefaçon. Selon l'article L. 615-2 de ce même code, l'action en contrefaçon est exercée par le propriétaire du brevet. La Haute juridiction a constamment déduit de ces dispositions que le requérant devait justifier, non seulement de l'existence du titre sur lequel il se fonde, mais également de ce que celui-ci est toujours en vigueur à la date de présentation de la requête. (Cass. Com., 29 janvier 2008, pourvoi no 07-14.709, Bull. 2008, IV, no 18 ; Com., 14 décembre 2010, pourvoi no 09-72.946, Bull. 2010, IV, no 196) 11. Il résulte en outre de l'article L. 614-13 du code de la propriété intellectuelle que "Dans la mesure où un brevet français couvre une invention pour laquelle un brevet européen a été délivré au même inventeur ou à son ayant cause avec la même date de dépôt ou de priorité, le brevet français cesse de produire ses effets soit à la date à laquelle le délai prévu pour la formation de l'opposition au brevet européen est expiré sans qu'une opposition ait été formée, soit à la date à laquelle la procédure d'opposition est close, le brevet européen ayant été maintenu." 12. Il est enfin rappelé que le juge du fond, appréciant la régularité des éléments de preuve qui lui sont soumis, peut annuler un procès-verbal de saisie-contrefaçon pour des motifs tirés des conditions de délivrance de l'ordonnance ayant autorisé la saisie-contrefaçon. (Cass. Com., 17 mars 2015, pourvoi no 13-15.862 ; Cass. Civ. 1ère, 6 mai 2010, pourvoi no 08-15.897, Bull. 2010, I, no 104) 13. En l'absence d'opposition formée après la délivrance du brevet EP 1 285 846 le 3 novembre 2004, le brevet FR no 0 200 180 a cessé de produire ses effets 9 mois après cette date soit le 3 août 2005. Il ne pouvait donc servir de fondement à la requête afin de saisie contrefaçon présentée (par un avocat au barreau de Metz) le 28 mai 2020. 14. Il y a donc lieu de déclarer nul le procès-verbal de saisie-contrefaçon dressé le 23 juin 2020 par Maître [B], huissier de justice associé à [Localité 4], à la requête de la société Perard. 2o) Sur la contrefaçon de brevet Moyens des parties 15. La société Perard fait pour l'essentiel valoir que la contrefaçon littérale a été reconnue par la société Royer. A défaut de contrefaçon littérale, elle conclut à une contrefaçon par équivalence dès lors que la remorque Royer litigieuse comprend un chassis et un train d'essieu coulissant sous la remorque pour permettre son abaissement total. 16. La société Royer soutient quant à elle qu'en l'absence de la moindre description de l'invention par la demanderesse, il lui est difficile de savoir en quoi ses remorques seraient contrefaisantes. Elle précise avoir déjà en 2014 accepté de modifier un modèle de remorque afin d'éviter un contentieux ce dont il ne peut être déduit aucune preuve de contrefaçon. Elle ajoute, dans l'ignorance de ce qui lui est précisément reproché, avoir sollicité un expert afin qu'il compare le brevet à la remorque arguée de contrefaçon et, que ce denrier a conclu à l'absence de contrefaçon du brevet Perard. Appréciation du tribunal a - Présentation du brevet EP 1 285 846 17. Les paragraphes [0001] à [0005] de la partie descriptive du fascicule de brevet exposent qu'il existe un besoin de remorques dont le plateau est entièrement abaissable au sol. Les paragraphes [0006] et [0007] enseignent que l'art antérieur connaît différents types de remorques à plateau abaissable. Le premier fonctionne au moyen d'un plateau situé entre les roues de la remorque, son abaissement et sa remontée étant actionnée par un verin hydraulique. Ce système simple présente l'inconvénient que la charge n'est pas supportée par les roues pendant le transport ce qui peut être un problème pour les remorques de grande longueur. Dans le second système, les roues se trouvent sous le plateau de la remorque pendant le transport, mais peuvent se déplacer en coulissant dans des rails qui se prolongent au-delà du plateau, puis pivoter afin de laisser l'espace libre permettant alors au plateau de s'abaisser. Ce système est plus efficace et stable que le précédent mais complexe et coûteux à fabriquer. 18. Aussi, l'invention propose un système simple et moins coûteux d'abaissement de plateau d'une remorque dont les roues sont coulissantes, mais sans rails pivotants, ce système étant remplacé par système de galets complémentaires situés à l'arrière de la remorque (élément 31 de la figure 2 du brevet reproduite ci-dessous) combinés à un vérin de commande et coopérant avec les longerons (élément 21 de la même figure 2) de forme incurvée pour permettre ensuite la descente. (Paragraphes [0010] in fne, [0014] et [0024] et suivants de la partie descriptive). b - La contrefaçon 19. Comme le relève à juste titre la société Royer et comme le mentionne au demeurant le brevet lui-même dans sa partie descriptive, les systèmes de remorques munies d'un essieu coulissant jusqu'à l'arrière aux fins de permettre son abaissement total au sol étaient connus à la date de dépôt du brevet Perard qui ne peut donc invoquer ici aucune contrefaçon par équivalence par l'effet du seul coulissement des roues sous le plateau. 20. Force est en outre de constater qu'aucun autre élément ne permet d'établir une quelconque contrefaçon, laquelle est au demeurant contredite par l'examen de la remorque arguée de conterfaçon par M. [E], expert. Ce dernier a en effet mis en évidence que la remorque Royer était en réalité constituée de deux chariots distincts, l'un solidaire des trains d'essieu et commandé par des verins propres pour accompagner leur mouvement sur un axe horizontal, l'autre solidaire du plateau et commandé par d'autres verins pour accompagner son mouvement vertical. Il n'a relevé aucun système de galets complémentaires situés à l'arrière de la remorque non plus qu'aucun longeron de forme incurvée.21. Les demandes fondées sur la contrefaçon du brevet EP 1 285 846 ne peuvent donc qu'être toutes rejetées (communication de pièces et paiement de dommages-intérêts provisionnels) sans qu'il y ait lieu d'ordonner une expertise, laquelle ne saurait avoir pour objet de palier la carence de la société Perard dans la preuve qui lui incombe de l'existence d'une contrefaçon (article 146 du code de procédure civile). 3o) Sur la concurrence déloyale 22. Selon les articles 1240 et 1241 du code civil « Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence. » 23. La concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce et de l'industrie, qui implique qu'un signe ou un produit qui ne fait pas l'objet de droits de propriété intellectuelle puisse être librement reproduit sous certaines conditions tenant à l'absence de faute, laquelle peut être constituée par la création d'un risque de confusion. 24. L'appréciation de cette faute doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l'imitation, l'ancienneté de l'usage, l'originalité et la notoriété du produit copié. 25. Force est en l'occurrence de constater que la société Perard n'offre pas de caractériser en quoi les remorques abaissables à essieu coulissant de la société Royer créeraient un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle par rapport aux siennes, dont il a été relevé qu'elles ne mettent pas en oeuvre le même procédé, la demanderesse ne pouvant revendiquer aucun monopole sur ce type de remorques. Sa demande de ce chef sera par conséquent rejetée. 4o) Sur les autres mesures 26. Le droit d'agir en justice dégénère en abus constitutif d'une faute au sens de l'article 1240 du code civil lorsqu'il est exercé en connaissance de l'absence totale de mérite de l'action engagée, ou par une légèreté inexcusable, obligeant le défendeur à se défendre contre une action que rien ne justifie sinon la volonté d'obtenir ce que l'on sait indu, une intention de nuire, ou une indifférence totale aux conséquences de sa légèreté. 27. L'action, ici initialement engagée sur la base d'un brevet déchu 15 années auparavant, poursuivie sans aucune analyse du brevet lui servant de base, ni d'ailleurs du produit argué de contrefaçon, et à l'évidence dans le seul but de nuire à un concurrent sérieux, justifie de faire droit à la demande à ce titre de la société Royer, qui a subi un préjudice distinct de celui de la seule nécessité de se défendre, et de condamner la société Perard à lui payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive. 28. Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, la société Perard sera condamnée aux dépens, ainsi qu'à payer à la société Royer la somme de 15.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. 29. Aucune circonstance ne justifie d'écarter l'exécution provisoire de droit dont est assortie la présente décision conformément aux dispositions de l'article 514 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL, DÉCLARE NUL le le procès-verbal de saisie-contrefaçon dressé le 23 juin 2020 par Maître [B], huissier de justice associé à [Localité 4] à la requête de la société Perard ; REJETTE toutes les demandes de la société Perard fondées sur la contrefaçon du brevet EP 1 285 846 ; REJETTE ses demandes d'expertise et celles fondées sur la concurrence déloyale ; CONDAMNE la société Perard à payer à la société Constructions Metalliques Royer Serge et Fils la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi résultant du présent abus de procédure ; CONDAMNE la société Perard aux dépens ; CONDAMNE la société Perard à payer à la société Constructions Metalliques Royer Serge et Fils la somme de 15.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; RAPPELLE que la présente décision est de plein droit exécutoire. Fait et jugé à Paris le 12 janvier 2023. LA GREFFIERE LA PRESIDENTE | x |
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JURITEXT000047454940 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/45/49/JURITEXT000047454940.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 12 janvier 2023, 19/13203 | 2023-01-12 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 19/13203 | CT0196 | TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 3ème chambre 1ère section No RG 19/13203 No Portalis 352J-W-B7D-CRDQF No MINUTE : Assignation du :13 novembre 2019 JUGEMENT rendu le 12 janvier 2023 DEMANDERESSE S.A.S. [Z] JM "LA FERME SAINT- SIMEON"[Adresse 4][Localité 2] représentée par Me Annette SION, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0362 DÉFENDERESSE S.A.R.L. LE MANOIR DES IMPRESSIONNISTES[Adresse 3][Localité 1] représentée par Me Cyril BONAN de l'AARPI DARROIS VILLEY MAILLOT BROCHIER, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #R0170 & Me Nadège LEMARCHAND, de la société d'avocats FIDAL, avocat au barreau de CAEN, avocat plaidant COMPOSITION DU TRIBUNAL Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointeElodie GUENNEC, Vice-présidenteMalik CHAPUIS, Juge, assistés de Caroline REBOUL, Greffière, DÉBATS A l'audience du 26 septembre 2022 tenue en audience publique devant Nathalie SABOTIER et Malik CHAPUIS juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seuls l'audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile.Avis a été donné aux avocats que la décision seraient rendue le 1er décembre 2022. Le délibéré a été prorogé au 12 janvier 2023. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffeContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DU LITIGE : 1. Le Manoir des impressionnistes, ainsi dénommé depuis 2011 et précédemment le Manoir du Butin, est un hôtel 5 étoiles situé à [Localité 2] (14), doté d'un restaurant gastronomique et d'un spa, propriété de la famille [Z] depuis 1980. Cet hôtel est exploité par la société Le Manoir des impressionnistes dont le siège social est situé à [Localité 1] (14). Aux fins de protéger cette dénomination, la société Le Manoir des impressionnistes a déposé la marque verbale française "Le manoir des impressionnistes", enregistrée le 6 janvier 2011, sous le no3795571, pour désigner différents services en classes 33, 37, 39 et 43. 2. La société [Z] JM la Ferme Saint Simeon exploite quand à elle à [Localité 2] (14) depuis 1989 un hôtel 5 étoiles à l'enseigne "La Ferme Saint Siméon", doté d'un restaurant gastronomique dénommé "Les impressionnistes", depuis 2019. 3. Par une lettre du 8 août 2019, le conseil de la société Le Manoir des impressionnistes a mis en demeure la société [Z] JM la Ferme Saint Simeon de modifier la dénomination de son restaurant. Par une lettre du 23 Octobre 2019, le conseil de la société [Z] JM la Ferme Saint Simeon a répondu que sa cliente n'entendait pas déférer à cette mise en demeure. 4. C'est en cet état que la société [Z] JM La Ferme Saint Simeon, invoquant son lien "historique" avec le mouvement impressionniste, a, par acte d'huissier du 13 novembre 2019, fait assigner la société Le Manoir des impressionnistes devant le tribunal de grande instance de Paris (devenu le 1er janvier 2020 le tribunal judiciaire de Paris) afin d'obtenir, à titre principal, le transfert à son profit de la marque française "Le manoir des impressionnistes", déposée selon elle en fraude de ses droits et de ceux des opérateurs économiques qui souhaiteraient, comme elle, utiliser ce terme appartenant selon elle au domaine public. Subsidiairement, la société [Z] JM La Ferme Saint Simeon sollicite l'annulation de la marque no3795571. 5. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 20 juillet 2021, la société [Z] JM La Ferme Saint-Simeon demande au tribunal de: - Débouter la société Le Manoir des Impressionistes de l'intégralité de ses demandes reconventionnelles, de sa demande tendant au rejet des pièces no3-10 à 3 -18, 3-20 à 3-23, 3-3, 3-5 à 3-9, 4-10, 4-3 et 4-4, et en nullité du PV de constat dressé le 24 octobre 2019 par la Scp Adam-belmudes-cenes, En application des dispositions des articles L711-1 et suivants, de l'article L 711-2 8ème et 11ème alinéa du code de la propriété intellectuelle, et de l'article 1240 du code civil, - Juger frauduleux et de mauvaise foi le dépôt de la marque "Le Manoir des Impressionnistes" no3795571 en ce qu'il a été effectué dans le but de nuire à la société [Z] Jm "la Ferme Saint Simeon" SAS, la société Le Manoir des Impressionnistes cherchant à s'approprier abusivement un droit privatif sur le terme " impressionniste " qui appartient au domaine public, et qui est notoirement associé à la Ferme Saint Siméon depuis le milieu du XIXème siècle, - Prononcer la nullité de la marque "Le Manoir des Impressionnistes" no3795571 pour l'intégralité des produits et services visés au dépôt, en application des dispositions des articles L711-2-b devenu L 711-2 8ème et 11ème alinéa, de l'article L 712-6 du code de la propriété intellectuelle, - Dire que la demande en nullité de la marque "Le Manoir des Impressionnistes " no3795571 n'est pas prescrite, - Ordonner la publication du jugement à intervenir, sur le Registre National de Marques, à l'INPI, sur réquisition du greffier ; Vu les dispositions de l'article L 121-1 du code de la consommation, - Juger que la dénomination sociale "Le Manoir des Impressionnistes", et les noms commerciaux "Le Manoir des Impressionnistes" et "la Table des Impressionnistes", présentent un caractère trompeur, les consommateurs étant conduits à considérer que les services d'hôtellerie et de restauration fournis sous ces noms commerciaux sont offerts dans un lieu particulier associé aux impressionnistes, alors qu'il n'en est rien. - Juger que la dénomination sociale "Le Manoir des Impressionnistes", et les noms commerciaux "Le Manoir des Impressionnistes" et "la Table des Impressionnistes" présentent un caractère parasitaire au préjudice de la société [Z] Jm "la Ferme Saint Simeon", - Juger qu'en dénommant "Manoir des Impressionnistes" la bâtisse précédemment dénommée " Manoir du Butin ", et en faisant croire sur son site Internet qu'il s'agirait du lieu où se réunissaient les Impressionnistes, la société Le Manoir des Impressionnistes s'est rendue coupable d'agissements parasitaires au préjudice de la société [Z] Jm "la Ferme Saint Simeon", - Interdire à la société la société Le Manoir des Impressionnistes de faire usage, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit des noms commerciaux "Le Manoir des Impressionnistes" et "la Table des Impressionnistes" et ce sous astreinte définitive de 1000 € par jour de retard à compter du délai de trois mois suivant la signification du jugement à intervenir, et ce sous astreinte définitive de 1000 € par jour de retard. - Interdire à la société la société Le Manoir des Impressionnistes de faire usage du nom de domaine http://www.manoirdesimpressionnistes.com pour désigner un site Internet d'hôtellerie et de restauration, et ce sous astreinte définitive de 1000 € par jour de retard à compter du délai de trois mois suivant la signification du jugement à intervenir, et ce sous astreinte définitive de 1000 € par jour de retard. - Interdire à la société la société Le Manoir des Impressionnistes de faire usage de la dénomination "Le Manoir des Impressionnistes" pour désigner la bâtisse précédemment dénommée "Le Manoir du Butin", et de faire croire sur son site Internet et dans sa communication promotionnelle qu'il s'agirait du lieu où se réunissaient les Impressionnistes , et ce sous astreinte définitive de 1000 € par jour de retard à compter du délai de trois mois suivant la signification du jugement à intervenir. - Condamner la société la société Le Manoir des Impressionnistes à procéder au changement de sa dénomination sociale dans le délai de deux mois suivant la signification du jugement à intervenir, et à procéder à l'inscription du changement de sa dénomination sociale au Registre du commerce dans le délai de trois mois suivant la signification du jugement à intervenir, et ce sous astreinte définitive de 1000€ par jour de retard. - Juger que la lettre de mise en demeure adressée le 8 août 2019 par la société Le Manoir des Impressionnistes à la société [Z] Jm "la Ferme Saint Simeon", et ses demandes reconventionnelles en contrefaçon et concurrence déloyale sont non fondées, et présentent un caractère abusif. - Débouter la société Le Manoir des Impressionnistes de l'intégralité de ses demandes reconventionnelles sur le fondement de la contrefaçon au titre de la concurrence déloyale. En réparation du préjudice subi du fait de ses agissements parasitaires, - Condamner la société Le Manoir des Impressionnistes à verser à la société [Z] Jm "la Ferme Saint Simeon" la somme de 20.000 €, quitte à parfaire, - Autoriser la société [Z] Jm "la Ferme Saint Simeon" à faire procéder à la publication du dispositif du jugement à intervenir, dans 10 journaux ou revue de son choix, aux frais de la société Le Manoir des Impressionnistes, le coût global des publications mis à la charge de la société Le Manoir des Impressionnistes ne pouvant excéder 50.000 € (H.T). - Ordonner la publication du jugement à intervenir sur la page d'accueil du site Internet exploité par la société Le Manoir des Impressionnistes pendant une durée ininterrompue de 6 mois à compter du délai de deux mois suivant la signification du jugement à intervenir, aux frais de la société Le Manoir des Impressionnistes et ce sous astreinte définitive de 1.000 € par jour de retard. - Condamner la Société Le Manoir des Impressionnistes à verser à la société [Z] Jm " la Ferme Saint Simeon " la somme de 20.000 €, en application de l'article 700 du code de procédure civile, - Condamner la société Le Manoir des Impressionnistes en tous les dépens, dont distraction au profit de Maître Hollier-larousse, avocat aux offres de droit. 6. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 14 février 2022, la société Le Manoir des Impressionnistes demande au tribunal de : In limine litis, sur les pièces adverses : - Déclarer nul le constat d'huissier sur internet, - Ecarter des débats les pièces 3.10 à 3.18, 3.20 à 3.23, 3.3, 3.5 à 3.9, dès lors qu'elles ne présentent aucune garantie quant à leur intégrité et leur date; Vu les articles L.714-3, L.711-2 et 712-3 du code de la propriété intellectuelle, A titre principal, Vu l'article L.714-3 du code de la propriété intellectuelle, - JUGER que la société Le Manoir des Impressionnistes a déposé la demande de marque Le Manoir des Impressionnistes en toute bonne foi, - JUGER que la marque française Le Manoir des Impressionnistes en date du 6 Janvier 2011 est valide, - JUGER que la société [Z] JM La Ferme Saint Simeon a toléré pendant plus de 5 années consécutive l'usage de la marque Le Manoir des Impressssionnistes par la société Le Manoir des Impressionnistes, et en déduire que la société [Z] JM La Ferme Saint Simeon n'est plus recevable à demander la nullité de la marque postérieure "Le Manoir des Impressionnistes " sur les fondements des articles L.714-3 du code de la propriété intellectuelle. - Débouter la société [Z] JM La Ferme Saint Simeon de toutes ses demandes, - JUGER que l'action en revendication de la société [Z] JM La Ferme Saint Simeon sur la marque Le Manoir des Impressionnistes est prescrite depuis le 28 mai 2016, - Débouter la société [Z] JM La Ferme Saint Simeon de toutes ses demandes à ce titre. A titre subsidiaire,Vu les articles L. 711-2 et L. 712-6 du code de la propriété intellectuelle et 2274 du code civil, - CONSTATER la bonne foi de la société Le Manoir des Impressionnistes et son absence d'intention de nuire à l'encontre de la société [Z] JM La Ferme Saint Simeon au moment du dépôt de la demande de marque française Le Manoir des Impressionnistes en janvier 2011, - CONSTATER l'absence de caractère déceptif ou trompeur de la marque française Le Manoir des Impressionnistes et EN DEDUIRE que la marque française Le Manoir des impressionnistes enregistrée sous le numéro 3795571 est valide. - Débouter en conséquence la société [Z] JM La Ferme Saint Simeon de l'intégralité de ses demandes à ce titre ; - Débouter la société [Z] JM La Ferme Saint Simeon de toutes ses demandes, Vu les articles 1240 du code civil et L. 121-1 et L. 121-2 du code de la consommation - Constater l'absence de caractère déloyal ou trompeur des dénominations et noms commerciaux Le Manoir des Impressionnistes et la Table des Impressionnistes, - Constater que la société Le Manoir des Impressionnistes n'a pas commis d'actes de concurrence déloyale à l'encontre de la société [Z] JM La Ferme Saint Simeon et écarter toute réparation à ce titre, - Constater l'absence de préjudice de la société [Z] JM La Ferme Saint Simeon, - Ecarter tout caractère abusif de la mise en demeure du 8 août 2019, - Juger que la société Le Manoir des Impressionnistes peut poursuivre l'exploitation de des dénominations et noms commerciaux, de même que son site web et son nom de domaine lemanoiredesimpressionnistes.com ; - Débouter la société [Z] JM La Ferme Saint Simeon de toutes ses demandes à ces différents titres. A titre reconventionnel,Vu l'article L.716-14 du code de la propriété intellectuelle, - Constater la contrefaçon de la marque Le Manoir des Impressionnistes par la société [Z] JM La Ferme Saint Simeon par l'utilisation de la dénomination les Impressionnistes pour enseigne de son restaurant ; - Prononcer l'interdiction à la société [Z] JM La Ferme Saint Simeon d'exploiter la dénomination les Impressionnistes pour enseigne de son restaurant et à quelque titre que ce soit de signe distinctif dans la vie des affaires pour les services relevant de la classe 43,Enjoindre la société Jm [Z] " la Ferme Saint Simeon " à cesser sous 48H à compter de la signification du jugement à venir tout usage de la dénomination les Impressionnistes pour enseigne de son restaurant et à quelque titre que ce soit à titre de marque pour les services relevant de la classe 43, et sur toutes ses communications y afférentes, sous astreinte de 500 euros par jour, - Prononcer que la société [Z] JM La Ferme Saint Simeon versera à la Société Le Manoir des Imressionnistes la somme de 1 Euro au titre de la réparation de son préjudice économique et 5 000 euros au titre de son préjudice moral de contrefaçon, Vu l'article 1240 du code civil, - Constater les agissements parasitaires de la société [Z] JM La Ferme Saint Simeon exploitant la dénomination les Impressionnistes pour enseigne de son restaurant situé à [Localité 2] et s'immisçant ainsi dans le sillage de la Société Le Manoir des Impressionnistes situé à quelques centaines de mètres, - Constater le préjudice subi par la société Le Manoir des Impressionnistes du fait de ces agissements de la société [Z] JM La Ferme Saint Simeon, - Prononcer l'interdiction à la société [Z] JM La Ferme Saint Simeon d'exploiter la dénomination les Impressionnistes à titre d'enseigne de son restaurant et à quelque titre que ce soit d'identifier commercialement des services d'hôtellerie et de restauration par le vocable les Impressionnistes, - Enjoindre la société [Z] JM La Ferme Saint Simeon à cesser sous 48H à compter de la signification du jugement à venir tout usage de la dénomination les Impressionnistes, à titre d'enseigne de son restaurant et à quelque titre que ce soit d'identifier commercialement des services d'hôtellerie et de restauration par le vocale les Impressionnistes, ainsi que sur toutes ses communications y afférentes, sous astreinte de 500 euros par jour, - Prononcer que la société [Z] JM La Ferme Saint Simeon versera à la société Le Manoir des Imressionnistes la somme de 1 Euro au titre de la réparation de son préjudice économique subi et 5 000 euros au titre de son préjudice moral, - Interdire à la société [Z] JM La Ferme Saint Simeon d'utiliser les termes "les Impressionnistes" à titre d'enseigne de son restaurant, ou de l'un quelconque de ses établissements dans le domaine de l'hôtellerie et de la restauration, de quelque manière et à quelque titre que ce soit, directement ou indirectement, par toute personne morale ou physique interposée, et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir, - Ordonner la modification de son enseigne et de ses éléments de communication, de tout document, papier commercial, publicité, etc. portant une reproduction des signes incriminés en tant qu'enseigne ou une référence à ceux-ci dans les 48 heures de la signification du jugement à intervenir et ce, sous astreinte de 500 euros par jour de retard et leur destruction sous contrôle d'huissier et aux frais de la société [Z] JM La Ferme Saint Simeon, - Ordonner le retrait de toutes références et images reproduisant les signes incriminés en tant qu'enseigne sur tout site Internet et compte de réseau social détenu ou contrôlé par la société [Z] JM La Ferme Saint Simeon, et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard, dans les 48 heures de la signification du jugement à intervenir, Vu les articles 696 et 700 du code de procédure civile - Condamner la société [Z] JM La Ferme Saint Simeon à payer 15 000 euros au profit de la société Le Manoir des Impressionnistes ; - Condamner la société [Z] JM La Ferme Saint Simeon aux entiers dépens de la procédure. 7. L'instruction a été close par une ordonnance du 22 mars 2022 et l'affaire a été plaidée à l'audience du 26 septembre 2022. MOTIFS DE LA DÉCISION 1o) Sur les demandes liminaires de la société Le Manoir des impressionnistes Moyens des parties 8. La société défenderesse conclut à la nullité du procès-verbal de constat versé en pièce no10. Elle soutient en effet que l'huissier n'a pas réalisé de paramétrage du navigateur, ni réalisé aucune analyse virale ou de logiciel anti-espion. Elle ajoute que l'huissier n'a pas identifié l'adresse IP de la cible, ni recherché les informations relatives auprès du domaine cible (whois). La société défenderesse soutient encore que les pièces 3.10 à 3.18, 3.20 à 3.23, 3.3, 3.5 à 3.9, non datées, doivent être écartées des débats. 9. La société [Z] conclut quant à elle à la validité du procès-verbal de constat. Elle fait en effet valoir que la norme NF Z67-147 du 11 septembre 2010 invoquée par la société Le Manoir des impressionnistes n'a pas de caractère obligatoire et ne constitue qu'un recueil de bonnes pratiques, tandis que les vérifications omises ne sont pas selon elle de celles qui confèrent une garantie sur la sincérité des opérations. S'agissant des menus produits en pièces 3.10 à 3.18, 3.20 à 3.23, 3.3, 3.5 à 3.9 ils ne sont pas soutient-elle en eux-mêmes nuls, dès lors que leurs dates sont corroborées par d'autres éléments. Appréciation du tribunal 10. En l'occurrence, le tribunal constate que l'huissier a décrit le matériel informatique et le navigateur utilisé, vidé le cache du navigateur, supprimé les données de navigation, vérifié que la connexion à partir d'un serveur Proxy était désactivée, vidé la corbeille et synchronisé l'horloge. Ces éléments permettent de garantir l'intégrité des contenus numériques téléchargés par l'huissier lors de ses opérations, tandis que la société défenderesse n'offre pas de caractériser en quoi les vérifications manquantes pourraient apparaître comme ayant été de nature à vicier ses opérations. 11. Il n'y a donc pas lieu d'écarter des débats le de procès-verbal constat d'huissier, non plus que les pièces 3.10 à 3.18, 3.20 à 3.23, 3.3, 3.5 à 3.9 dont le tribunal appréciera la force probante. 2o) Sur la recevabilité des demandes contestée en défense (forclusion et prescription) Moyens des parties 12. La société Le Manoir des impressionnistes invoque tout à la fois la forclusion des demandes ainsi que leur prescription. Elle rappelle avoir déposé la marque Le Manoir des impressionnistes en 2011 soit près de neuf ans avant l'engagement de la présente action. Elle ajoute avoir publiquement exploité ce signe depuis la même époque, ce que la société [Z] sait parfaitement pour exploiter un établissement similaire à quelques centaines de mètres. Elle soutient donc que la société [Z] a connu et toléré l'usage du signe pendant plus de cinq ans et que la demande de nullité est, non seulement prescrite conformément au droit commun applicable ici, mais encore atteinte de forclusion. 13. La société [Z] demande quant à elle au tribunal d'écarter les fins de non-recevoir tirées de la forclusion et de la prescription soulevées par la société défenderesse. Elle rappelle solliciter la nullité du dépôt pour fraude, tandis que la forclusion par tolérance et la prescription de l'action en transfert et en nullité fondées sur la fraude, ne sont pas applicables en cas de mauvaise foi, laquelle est selon elle incontestablement établie ici. Subsidiairement, la société [Z] indique soulever la nullité de la marque opposée par voie d'exception, comme moyen de défense à la demande reconventionnelle en contrefaçon présentée par la société Le Manoir des impressionnistes, et que cette demande est imprescriptible. Appréciation du tribunal 14. Selon l'article L. 716-2-6 du code de la propriété intellectuelle "Sous réserve des articles L. 716-2-7 et L. 716-2-8, l'action ou la demande en nullité d'une marque n'est soumise à aucun délai de prescription." Cette disposition, issue de la loi no 2019-486 du 22 mai 2019, s'applique aux titres en vigueur, pour lesquels toutefois le délai de prescription ne serait pas encore arrivé à expiration. En effet, selon l'article 2222 du code civil, "La loi qui allonge la durée d'une prescription ou d'un délai de forclusion est sans effet sur une prescription ou une forclusion acquise. Elle s'applique lorsque le délai de prescription ou le délai de forclusion n'était pas expiré à la date de son entrée en vigueur." 15. La loi du 13 mai 2019 a incontestablement allongé le délai de prescription de l'action en nullité de marque puisque, avant son entrée en vigueur, le code de la propriété intellectuelle ne prévoyait aucune disposition concernant la prescription des actions en nullité de sorte que la jurisprudence appliquait les dispositions de droit commun (Cass. Com., 8 juin 2017, pourvoi no 15-21.357, Bull. 2017, IV, no 81) et en dernier lieu celles de l'article 2224 du code civil aux termes duquel les actions se préscrivent par 5 ans « à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ». 16. Selon l'article L. 716-2-8 du code de la propriété intellectuelle "Le titulaire d'un droit antérieur qui a toléré pendant une période de cinq années consécutives l'usage d'une marque postérieure enregistrée en connaissance de cet usage n'est plus recevable à demander la nullité de la marque postérieure sur le fondement de l'article L. 711-3, pour les produits ou les services pour lesquels l'usage de la marque a été toléré, à moins que l'enregistrement de celle-ci ait été demandé de mauvaise foi." 17. De la même manière, aux termes de l'article L. 712-6 du code de la propriété intellectuelle, "Si un enregistrement a été demandé soit en fraude des droits d'un tiers, soit en violation d'une obligation légale ou conventionnelle, la personne qui estime avoir un droit sur la marque peut revendiquer sa propriété en justice. A moins que le déposant ne soit de mauvaise foi, l'action en revendication se prescrit par cinq ans à compter de la publication de la demande d'enregistrement." 18. De tout ce qui précède il résulte que l'examen de la recevabilité de la demande implique d'apprécier au préalable la bonne ou la mauvaise foi de la société Le Manoir des Impressionnistes dans le cadre du dépôt de la marque. 3o) Sur le dépôt frauduleux de la marque Le Manoir des impressionnistes Moyens des parties 19. La société [Z] rappelle que son établissement est situé dans un bâtiment dénommé "La Ferme Saint-Siméon" et auparavant "La Ferme Toutain", exploitée comme une auberge au 19ème siècle lorsque s'est développé le mouvement des impressionnistes et que ses principaux peintres se retrouvaient dans cet établissement, ce qui est selon elle documenté et notoirement connu. Elle ajoute que La Ferme Saint-Siméon a d'ailleurs été peinte dans de nombreuses oeuvres d'artistes majeurs tels que [J] [K], [F] [V] ou encore [X] [I]. La demanderesse ajoute que, du fait de ce lien historique avec les impressionnistes, elle a fait usage de ce signe pour l'exploitation de son étabissement bien avant le dépôt. Elle précise justifier de cet usage pour désigner des menus et des offres à partir de 2003, les menus non datés qu'elle produit étant corroborés par des articles contemporain dans la presse, qu'elle soit généraliste ou spécialisée. 20. A l'inverse, la société [Z] fait valoir que le Manoir du Butin devenu le Manoir des impressionnistes est un batiment moderne n'ayant jamais eu aucun lien avec le mouvement impressionniste. 21. La société [Z] ajoute que le dépôt n'a été fait que dans le but de la priver, elle-même comme les autres opérateurs économiques, de la possibilité de faire usage de ce signe qui appartient à tous et qu'elle ne saurait s'approprier. Cette intention est révélée d'après elle par la lettre de mise en demeure qu'elle lui a adressée le 8 août 2019. Elle soutient que l'objetif de la société Le Manoir des impressionnistes est d'usurper l'histoire de la Ferme Saint-Siméon ce que démontre selon elle la manière dont elle présente son établissement sur son site internet relatant "une histoire datant des impressionnistes" ce qu'elle appuie par la reproduction de visuels de tableaux représentant ce mouvement pictural. 22. La société Le Manoir des impressionnistes conclut quant à elle à la validité de sa marque. Elle fait à cet égard valoir qu'elle n'a pu "sciemment" méconnaître aucun droit de la société [Z], n'en n'ayant pas eu connaissance, celle-ci invoquant des usages pour des noms de menus, et qui ne portaient en tout état de cause pas sur l'identification de l'établissement.Elle rappelle d'ailleurs que la mauvaise foi doit s'apprécier au moment du dépôt, de sorte que la mise en demeure du 8 août 2019 ne saurait caractériser selon elle aucune mauvaise foi. La société Le Manoir des Impressionnistes précise n'avoir recherché au moment du dépôt qu'à protéger son nouvel identifiant commercial et avoir ainsi agi dans un but parfaitement légitime selon elle ainsi qu'en toute bonne foi. Appréciation du tribunal 23. Selon l'article L. 712-6, alinéa 1, du code de la propriété intellectuelle, « Si un enregistrement a été demandé soit en fraude des droits d'un tiers, soit en violation d'une obligation légale ou conventionnelle, la personne qui estime avoir un droit sur la marque peut en revendiquer sa propriété en justice. ». 24. S'il résulte de cette disposition que le code de la propriété intellectuelle n'envisage la fraude que dans le cadre de l'action en revendication, sans d'ailleurs la définir en tant que telle, en vertu toutefois de l'adage selon lequel "la fraude corrompt tout", l'enregistrement frauduleux d'une marque peut être annulé. 25. Il est à cet égard constamment jugé « qu'un dépôt de marque est entaché de fraude lorsqu'il est effectué dans l'intention de priver autrui d'un signe nécessaire à son activité » (Cass. Com., 25 avril 2006, pourvoi no 04-15.641). 26. Par un arrêt rendu le 11 juin 2009 (Aff. C- 529/07, Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli), la Cour de justice de l'Union Européenne a dit pour droit que « l'existence de la mauvaise foi du demandeur, au sens de (cet) article, doit être appréciée globalement, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce » (point 37) et que « l'intention du demandeur au moment pertinent est un élément subjectif qui doit être déterminé par référence aux circonstances objectives du cas d'espèce » (point 42). Il s'en déduit que « l'intention du déposant au moment du dépôt des demandes d'enregistrement est un élément subjectif qui doit être déterminé par référence à l'ensemble des facteurs pertinents propres au cas d'espèce, lesquels peuvent être postérieurs au dépôt » (Cass. Com., 3 février 2015, no13-18.025). 27. En l'occurrence, la société [Z] établit le lien entre son établissement et le mouvement impressionniste et, en particulier, le fait que l'établissement qu'elle exploite est depuis 1825 une auberge jouissant d'un environnement pittoresque, ayant de ce fait accueilli de nombreux artistes et en particulier des peintres impressionnistes très réputés. L'établissement est qualifié à ce titre de "berceau de l'impressionnisme" (pièce [Z] no 2.4 : recueil de textes par [D] [U] intitulé L'Hostellerie Saint-Siméon, Berceau de l'impressionnisme, juillet 1986 : "Ainsi [Localité 2] et son hostellerie de Saint-Siméon furent-ils durant près d'un demi-siècle le creuset où s'épanouit peu à peu ce que l'on peut nommer le pré-impressionnisme puis l'Impressionnisme."). 28. La société [Z] fait référence à cette histoire de son établissement dans sa communication, ce qu'elle démontre par des pièces antérieures et contemporaines du dépôt. Elle produit ainsi en pièce no4.7 un article de la revue Télé7jours intitulé Sur les traces des impressionnistes daté du 11 juin 2010 évoquant le passé de l'établissement "Découvrez les lieux d'inspiration de peintres comme [X] [I], [F] [V] ou [C] [S] (..) Cette incroyable demeure de la chaîne Relais & Chateaux, face à l'estuaire de la Seine, fut au XIXème siècle l'auberge de la mère Toutain qui accueillait aussi bien [V], [R], [A] que [S]... [I] y termina même son célèbre Déjeuner sur l'herbe. (...) A découvrir le forfait Impressionnistes sur la base de 2 nuits en demi-pension, dîners, petits-déjeuners, coupe de champagne et gourmandises à l'arrivée avec deux pass entrée au musée Eugène Boudin". La société [Z] verse également aux débats en pièce 4.6 un article de la revue Valeurs actuelles du 14 juillet 2010 intitulé Ferme Saint-Siméon, Auberge cosy et cossue ("Dans cette demeure du XVIIème sièce tout rappelle la période impressionniste, on est immédiatement saisi par le charme. (...) Au dîner on se doit de choisir le menu Impressionnistes à 129 euros"). Les pièces produites établissent encore que le menu Sur la trace des Impressionnistes est le menu "signature" de son chef [T] [E] depuis au moins février 2011. Les captures d'écran issues du site archive.org démontrent encore la communication sur l'histoire de l'établissement accessible à l'adresse <www.fermesaintsimeon.fr> depuis au moins 2004. 29. Les dirigeants de la société Le Manoir des impressionnistes ne peuvent ignorer, ni l'histoire de la Ferme Saint-Siméon, ni cette communication, leur propre établissement étant situé à 600 mètres de celui de la société [Z], tandis que les deux établissements sont exploités par les membres de la même famille. 30. Le tribunal constate en outre que la mise en demeure adressée le 8 août 2019 (pièce [Z] no11) par le conseil de la société Le Manoir des impressionnistes enjoignait à la société [Z] de cesser d'utiliser le signe "Les impressionnistes" sur son site internet "à quel que titre que ce soit', lui rappelant son monopole sur ce signe, et invoquant la confusion entre leurs restaurants, le sien étant dénommé "La table des impressionnistes". 31. Le tribunal constate encore que le procès-verbal de constat réalisé le 24 octobre 2019 sur le site internet de la société Le Manoir des impressionnistes, que ce site comporte une communication donnant à penser que l'établissement qu'elle exploite a un lien avec le mouvement impressionniste : "Séjournez dans une de nos chambres confort et vous connaîtrez les fameuses lumières qui ont attiré les Impressionnistes" ou "En décembre 2010, sous la direction de la famille [L] [Z], le manoir est rebaptisé Le Manoir des Impressionnistes en hommage aux peintres impressionnistes qui ont tous planté leur chevalet à proximité de la batisse." 32. L'ensemble des ces éléments démontre que le dépôt a pour but, pour la société Le Manoir des impressionnistes de s'approprier le signe "Les impressionnistes" dans le but, notamment, d'empêcher la société [Z] de faire usage de l'histoire de l'établissement qu'elle exploite pour désigner les services qu'elle propose, et ce, alors même que le lien réel de cet établissement avec les peintres impressionnistes est démontré. 33. Il en résulte que la fraude et la mauvaise foi sont établies ce dont il se déduit que l'action n'est ni prescrite ni forclose et qu'il convient de faire droit à la demande d'annulation de la marque verbale française "Le manoir des impressionnistes", de la société Le Manoir des Impressionnistes enregistrée le 6 janvier 2011, sous le no3795571, pour désigner tous les services visés en classes 33, 37, 39 et 43. 34. L'annulation de la marque entraînera le rejet de la demande reconventionnelle en contrefaçon de marque présentée par la société Le Manoir des impressionnistes. 35. Le lien (réel) entre la Ferme Saint-Siméon et les peintres impressionnistes et l'exploitation connue de ce lien ne permet pas de retenir une déloyauté dans l'usage de ce signe par la société Bolen. La demande reconventionnelle fondée sur la concurrence déloyale présentée par la société Le Manoir des Impressionnistes sera donc également rejetée. 4o) Sur les autres demandes Moyens des parties 36. La société [Z] soutient que, par l'usage du signe Le Manoir des Impressionnistes, cette société se montre déloyale et trompe sur l'origine et les qualités des services qu'elle propose, faisant croire au consommateur qu'elle était le lieu de réunion des impressionnistes, alors qu'il s'agit de la Ferme Saint-Siméon, ce qui caractérise selon elle tout à la fois des pratiques commerciales trompeuses et un parasitisme. Elle soutient encore que l'envoi de la mise en demeure du 8 août 2019, alors qu'elle avait bénéficié de sa part d'une grande tolérance en raison des liens familiaux unissant leurs dirigeants, caractérise un abus de la part de la société Le Manoir des impressionnistes. 37. La société Le Manoir des Impressionnistes conclut quant à elle au rejet des demandes de ce chef, rappelant que toute la Normandie et en particulier la région de [Localité 2] pourraient revendiquer le titre de "berceau des impressionnistes", tandis que la qualité des prestations qu'elle offre est le critère essentiel déterminant les consommateurs à acquérir les services qu'elle propose, et non son lien supposé ou réel avec un mouvement pictural. Elle ajoute que c'est la société [Z] qui a fait le choix d'agir en justice et qu'elle ne peut se plaindre dès lors d'aucun abus. Appréciation du tribunal 38. A - Selon l'article L. 121-1 du code de la consommation "Les pratiques commerciales déloyales sont interdites. Une pratique commerciale est déloyale lorsqu'elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu'elle altère ou est susceptible d'altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l'égard d'un bien ou d'un service. Le caractère déloyal d'une pratique commerciale visant une catégorie particulière de consommateurs ou un groupe de consommateurs vulnérables en raison d'une infirmité mentale ou physique, de leur âge ou de leur crédulité s'apprécie au regard de la capacité moyenne de discernement de la catégorie ou du groupe. Constituent, en particulier, des pratiques commerciales déloyales les pratiques commerciales trompeuses définies aux articles L. 121-2 à L. 121-4 et les pratiques commerciales agressives définies aux articles L. 121-6 et L. 121-7." 39. Ainsi que le relève à juste titre la société défenderesse, le lien réel ou supposé du Manoir des Impressionnistes avec le mouvement pictural du même nom n'apparaît pas comme susceptible d'altérer "de manière substantielle" le comportement économique du consommateur. Aucune pratique commerciale déloyale ou trompeuse au sens du code de la consommation n'est donc établie ici en lien avec l'usage du signe Le Manoir des Impressionnistes. 40. B - Selon les articles 1240 et 1241 du code civil « Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence. » 41. Le parasitisme (qui n'exige pas de risque de confusion) consiste dans le fait pour une personne physique ou morale de profiter volontairement et sans bourse délier des investissements, d'un savoir-faire ou d'un travail, produisant une valeur économique individualisée et générant un avantage concurrentiel. Il incombe à celui qui allègue de parasitisme d'établir le savoir-faire ainsi que les efforts humains et financiers consentis par lui, ayant permis la création d'une valeur économique individualisée. 42. Force est en l'occurrence de constater que la société [Z] ne rapporte pas la preuve des investissements qu'elle allègue et que le concept de parasitisme a pour objet de protéger. La demande de ce chef sera donc également rejetée. 43. La société [Z], enfin, qui ne caractérise pas autre chose qu'une mauvaise appréciation de ses droits par la société Le Manoir des Impressionnistes sera déboutée de sa demande fondée sur un "abus".* 44. Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, la société Le Manoir des Impressionnistes sera condamnée aux dépens ainsi qu'à payer à la société [Z] la somme de 15.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, cette somme tenant compte de la longueur de la procédure. 45. Nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire l'exécution provisoire de la présente décision sera ordonnée sauf en ce qui concerne la transcription du jugement au registre des marques compte tenu des effets irréversibles d'une telle inscription. PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL, REJETTE la demande d'annulation du procès-verbal de constat dressé le 24 octobre 2019 par la Scp Adam- Belmudes-Cenes ainsi que celle aux fins d'écarter certaines pièces des débats; DIT RECEVABLE la demande d'annulation de la marque "Le manoir des impressionnistes" no3795571 pour fraude ; DÉCLARE NULLE la marque verbale française "Le manoir des impressionnistes", de la société Le Manoir des Impressionnistes, enregistrée le 6 janvier 2011, sous le no3795571, pour toutes les classes de services désignées à l'enregistrement ; DIT que la présente décision, une fois passée en force de chose jugée, sera transmise à l'INPI à l'initiative de la partie la plus diligente aux fins d'inscription au registre national des marques; REJETTE toutes les autres demandes de la société [Z] ; REJETTE les demandes reconventionnelles de la société Le Manoir des Impressionnistes ; CONDAMNE la société Le Manoir des impressionnistes aux dépens ; CONDAMNE la société Le Manoir des impressionnistes à payer à la société [Z] la somme de 15.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; ORDONNE l'exécution provisoire de la présente décision sauf en ce qui concerne sa transcription au registre national des marques. Fait et jugé à Paris le 12 janvier 2023. LA GREFFIERE LA PRESIDENTE | x |
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JURITEXT000047454941 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/45/49/JURITEXT000047454941.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 13 janvier 2023, 19/06190 | 2023-01-13 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 19/06190 | CT0196 | TRIBUNALJUDICIAIREDE PARIS 3ème chambre2ème section No RG 19/06190No Portalis 352J-W-B7D-CP6EE No MINUTE : Assignation du :21 Mai 2019 INCIDENT ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETATrendue le 13 Janvier 2023DEMANDEURS Monsieur [C] [I][Adresse 2][Localité 9] La société AB CUBE S.A.R.L.[Adresse 6][Localité 5] représentés par Maître Alain BENSOUSSAN de la SELAS ALAIN BENSOUSSAN SELAS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E0241 DÉFENDEURS S.A.S. EVEDRUG[Adresse 4][Localité 8] Monsieur [G], [N] [U][Adresse 1][Localité 7] Monsieur [W] [L][Adresse 3][Localité 8] représentés par Maître Guy LAMBOT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B0733 MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT Monsieur Arthur COURILLON-HAVY, Jugeassisté de Monsieur Quentin CURABET, Greffier DÉBATS A l'audience du 20 octobre 2022, avis a été donné aux avocats que l'ordonnance serait rendue en dernier lieu le 13 Janvier 2023. ORDONNANCE Prononcée publiquement par mise à disposition au greffe ContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE Origine du litige et procédure 1. M. [C] [I] et M. [W] [L] ont fondé en 2006, avec un troisième associé, la société AB cube, dont ils étaient tous deux codirigeants, afin d'exploiter un logiciel de pharmacovigilance intitulé ‘SafetyEasy' et développé par M. [I]. Pour des raisons sur lesquelles les parties s'opposent, M. [L] a créé le 1er avril 2013 avec trois associés une société concurrente, Evedrug, qui commercialise une suite logicielle dénommée ‘eVeReport', développée par M. [N] [U], devenu depuis salarié et associé de la société Evedrug. Pour sa part, M. [I] est devenu le seul dirigeant et le seul associé de la société AB cube en 2014. 2. Affirmant avoir découvert en 2017, à partir d'informations remises par un client potentiel, que le logiciel eVeReport reproduisait illégalement des éléments de son logiciel SafetyEasy, M. [I] et sa société ont pratiqué une saisie-contrefaçon au domicile de M. [U] le 14 mai 2019 (et tenté d'en pratiquer une le même jour à celui de M. [L], sans succès), puis ont assigné la société Evedrug, M. [L] et M. [U] en contrefaçon de droits d'auteur le 21 mai 2019. 3. Lors de la saisie-contrefaçon du 14 mai 2019 chez M. [U] ont été copiés, d'une part, le code source du logiciel eVeReport et la structure de la base de donnée (« structure BDD la plus récente »), qui ont été placés sous séquestre, d'autre part divers documents qui ont été annexés au procès-verbal de saisie, dont des courriels répondant à certains mots-clés. Alors que le juge de la mise en état avait ordonné une expertise pour comparer le logiciel saisi avec le logiciel SafetyEasy, et que la saisie avait été maintenue par le délégué du président en la cantonnant seulement à des mots-clés plus restrictifs, la cour d'appel de Paris, le 6 novembre 2020, en a ordonné la mainlevée totale, et la restitution des copies informatiques, au motif que l'oeuvre invoquée n'était pas identifiée, ni ce qui en faisait prétendument l'originalité. La demande de M. [I] et de sa société de modifier la mission de l'expert pour lui soumettre des « dumps » qu'ils détenaient à la place des éléments saisis a ensuite été rejetée par le juge de la mise en état le 6 juillet 2021 au motif que ces éléments n'étaient pas un point de comparaison fiable ni complet. 4. Parallèlement, les défendeurs ont obtenu sur requête le 3 juin 2020 la communication, par l'Agence de protection des programmes, des dépôts faits par une société Cetonia, ancien employeur de M. [I], liquidée à partir de 2008, et dont l'ancien dirigeant avait attesté que le logiciel SafetyEasy était en fait une copie du sien ; et ils ont demandé au juge de la mise en état d'étendre l'expertise à la comparaison de ces deux logiciels. Le juge de la mise en état, qui avait repoussé sa décision en raison de l'arrêt rendu sur la saisie-contrefaçon, n'a jamais statué à ce sujet, qu'il a considéré dans son ordonnance du 6 juillet 2021 comme relevant « d'un incident distinct ». Depuis, l'expertise a été suspendue, puis a pris fin, et la rémunération de l'expert a été taxée le 14 décembre 2021, de sorte que la demande en extension de mission n'a plus d'objet. Nouveaux incidents 5. C'est en cet état que les demandeurs au principal, M. [I] et la société AB cube, ont obtenu le 20 mai 2022 du juge de la mise en état l'autorisation de pratiquer une nouvelle saisie-contrefaçon, cette fois au sein d'une société Claranet, hébergeur du logiciel eVeReport, saisie-contrefaçon qui a été pratiquée le 18 juillet. La société Evedrug, M. [U] et M. [L] ont assigné M. [I] et la société AB cube en mainlevée de cette mesure le 4 aout 2022. C'est la nouvelle procédure en « référé mainlevée ». 6. Par ailleurs, reprochant aux mêmes M. [I] et société AB cube de produire dans la procédure principale un courriel du 20 juillet 2017, avec ses pièces-jointes, qui aurait été obtenu par la première saisie-contrefaçon, la société Evedrug et MM. [U] et [L] ont formé un nouvel incident le 25 mai 2022 pour voir écarter ces pièces des débats. C'est l'incident en rejet de pièces. 7. Enfin, par des conclusions d'incident distinctes, M. [I] et la société AB cube ont demandé le 22 juillet 2022 au juge de la mise en état la levée du scellé des pièces saisies le 18 juillet lors de la 2e saisie-contrefaçon, et de désigner un nouvel expert pour comparer les logiciels. C'est la nouvelle demande d'expertise. 8. La nouvelle procédure en référé mainlevée et l'incident en rejet de pièces, soumis au même juge (pour la première, en tant que juge de la mainlevée, pour le second, en tant que juge de la mise en état), ont été entendus ensemble le 20 octobre 2022. La nouvelle demande d'expertise n'a pas encore été audiencée. La présente décision concerne l'incident en rejet de pièces. Prétentions des parties sur le rejet de pièces 9. La société Evedrug et MM. [U] et [L], dans leurs dernières conclusions du 17 octobre 2022, demandent de rejeter des débats les pièces no65 à 68 des demandeurs, de leur ordonner de signifier sous 8 jours des conclusions ne comportant aucune insertion d'images de ces pièces, et aucune allégation y afférente, et de les condamner solidairement à leur payer 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 10. M. [I] et la société AB cube, dans leurs dernières conclusions du 12 octobre 2022, résistent aux demandes et réclament eux-mêmes 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Moyens des parties sur le rejet de pièces 11. La société Evedrug et MM. [U] et [L] soutiennent en substance que le courriel litigieux et ses pièces-jointes, dont les demandeurs avaient bien reçu copie ne serait-ce que par leur annexion au procès-verbal de saisie, ne peuvent plus être utilisés car, d'une part, l'ordonnance de mainlevée en a ordonné la restitution, ce qui inclurait toutes les copies, et elle ne pourrait être valablement exécutée tant que ces pièces sont utilisées dans l'instance ; et car, d'autre part, l'invalidation de la saisie rendrait déloyal l'usage des information dont on a eu connaissance dans le cadre de cette opération illicite, comme cela a été jugé dans le cas d'une rétractation (10-28.718), et l'obtention ultérieure des mêmes pièces par un autre moyen constituerait un stratagème. À cet égard, ils contestent que les demandeurs aient pu avoir connaissance des courriels litigieux avant la saisie, et estiment que si tel avait été le cas, ils auraient dû les communiquer au soutient de leur requête. 12. M. [I] et la société AB cube répondent notamment, en substance (mais dans un ordre différent), en premier lieu, que la mainlevée, contrairement à la rétractation ou la nullité, n'a d'effet que pour l'avenir, n'anéantit pas la saisie-contrefaçon et son procès-verbal, et n'obligerait donc pas les parties à se replacer avant la saisie en faisant semblant d'ignorer les nouvelles informations révélées au cours de celle-ci ; qu'au contraire, il serait possible de produire à nouveau les éléments révélés par la saisie, laquelle n'a d'ailleurs pas été déclarée illicite, s'ils sont obtenus par d'autres moyens, loyalement ; et qu'au demeurant, le procès-verbal de la saisie dont la mainlevée a été ordonnée pourrait lui-même être communiqué dans l'instance au fond ; qu'ainsi, ayant valablement exécuté l'arrêt de mainlevée par la restitution de la clé USB contenant l'ensemble des éléments appréhendés, ils pouvaient obtenir à nouveau le courriel litigieux et ses pièces-jointes de la part de son destinataire originel, qui le leur a volontairement transféré ; en deuxième lieu, qu'ils connaissaient déjà l'existence de ce courriel et plus généralement l'existence du démarchage et du dénigrement que ce courriel démontre selon eux ; et en troisième lieu, que le courriel qu'ils communiquent n'est pas le même document que celui que l'huissier avait annexé à son procès-verbal, et que la première des deux pièces-jointes (la pièce 67 litigieuse) n'apparait même pas dans les annexes du procès-verbal de saisie. MOTIVATION 13. Ainsi que l'a jugé la Cour de cassation, la demande de mainlevée ne tend ni à la rétractation ni à l'annulation de l'autorisation de pratiquer une saisie-contrefaçon, mais à la cessation pour l'avenir des effets de la saisie effectuée en vertu de cette autorisation ; la mainlevée n'entraine pas l'annulation de la requête aux fins de saisie-contrefaçon, de l'ordonnance accueillant cette requête ou des actes accomplis en vertu de cette ordonnance (Cass. Com., 7 juillet 2021, no20-22.048, points 5 et 10). 14. Il en résulte qu'en cas de mainlevée, si les pièces appréhendées lors de la saisie-contrefaçon doivent être restituées, comme l'a ordonné la cour d'appel au cas présent, le procès-verbal des opérations, lui, demeure, et rien n'interdit aux parties d'utiliser les informations qu'il contient, y-compris dans ses annexes. 15. Ainsi, la société AB cube et M. [I] pouvaient demander au destinataire du courriel litigieux de leur transférer celui-ci et ses pièces-jointes, même à supposer que ce fût grâce à la saisie-contrefaçon qu'ils ont connu l'existence de courriel. Et il n'est pas allégué que ce destinataire lui-même n'eût pas le droit de le transférer. 16. Ainsi, fondée d'une part sur un moyen erroné en droit, selon lequel la mainlevée de la saisie-contrefaçon interdirait d'utiliser les informations obtenues grâce à elle, et d'autre part sur un moyen infondé en fait, selon lequel la saisie aurait été invalidée, alors qu'elle n'a été que levée, la demande en rejet de pièces doit être rejetée. 17. Perdant le procès incident, les défendeurs au principal doivent indemniser les demandeurs des frais qu'ils ont spécialement exposés à cette occasion, et qui peuvent être estimés, au regard de l'ampleur particulière de la contestation à laquelle les demandeurs ont dû répondre, mais aussi compte tenu de ce qu'une partie du débat est commun avec la nouvelle procédure en référé mainlevée, à 3 500 euros. PAR CES MOTIFS Le juge de la mise en état, Rejette la demande tendant à écarter les pièces de la société AB cube et M. [I] numérotées 65 à 68 ; Condamne in solidum la société Evedrug et MM. [U] et [L] à payer 3 500 euros à la société AB cube et M. [I] au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Faite et rendue à Paris le 13 Janvier 2023 Le Greffier Le Juge de la mise en étatQuentin CURABET Arthur COURILLON-HAVY | x |
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JURITEXT000047454942 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/45/49/JURITEXT000047454942.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 13 janvier 2023, 21/07290 | 2023-01-13 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 21/07290 | CT0196 | TRIBUNALJUDICIAIREDE PARIS 3ème chambre2ème section No RG 21/07290No Portalis 352J-W-B7F-CUQHX No MINUTE : Assignation du :25 Mai 2021 JUGEMENT rendu le 13 Janvier 2023 DEMANDERESSES Etablissement public L'[10][Adresse 2][Adresse 11][Localité 6] CONSEIL INTERPROFESSIONNEL DU VIN DE [Localité 8][Adresse 1][Localité 5] représentée par Maître Michel-paul ESCANDE de la SELARL M-P ESCANDE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R266 DÉFENDERESSE S.A.S. CITYART EDITION[Adresse 3][Localité 4] représentée par Maître Nathalie SALTEL, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant,vestiaire #R175 et par Maître Vincent MAURIAC, de la SELARL MAURIAC AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX COMPOSITION DU TRIBUNAL Madame Irène BENAC, Vice-présidenteMadame Elodie GUENNEC, Vice-présidenteMonsieur Arthur COURILLON-HAVY, Juge assisté de Monsieur Quentin CURABET, Greffier DÉBATS A l'audience du 03 Novembre 2022 tenue en audience publique devant Irène BENAC et Arthur COURILLON-HAVY, juges rapporteurs, qui sans opposition des avocats ont tenu seuls l'audience, et après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 13 Janvier 2023. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe ContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE 1. L'[10] (ci-après « l'[9] ») est un établissement public administratif qui a notamment pour mission de reconnaître, contrôler, promouvoir et défendre les appellations d'origine, et le Conseil interprofessionnel du vin de [Localité 7] (ci-après « le CIVB ») représente les professionnels de la viticulture, du négoce et du courtage des vins de Bordeaux. Ils reprochent à la société Cityart Edition, spécialisée dans la conception, la fabrication, la commercialisation et la distribution de produits souvenirs liés à la ville de [Localité 7], d'avoir fait un usage commercial et des évocations illicites des appellations d'origine « [Localité 7] », « Margaux », « Saint-Emilion » et « Sauternes », protégées depuis 1954 s'agissant de l'appellation « Margaux » et depuis 1936 s'agissant des autres. 2. L'INAO et le CIVB ont appris que la société Cityart Edition commercialisait, depuis fin 2017, une gamme de thé sous le signe « Grappe de thé », dont les dénominations reprenaient, selon eux, les appellations d'origine et dont la présentation faisait référence aux vins du bordelais, et l'ont donc mis en demeure, les 3 avril et 27 juin 2019, de cesser cet usage. 3. La société Cityart Edition, bien que considérant que la seule référence à des villes de la région bordelaise ne portait pas atteinte aux appellations d'origine, a modifié la présentation de certains de ses produits, a supprimé des mentions et a changé la dénomination de certains de ses thés. 4. Estimant que la société Cityart Edition n'avait pas cessé toute référence aux appellations d'origine sur l'étiquetage et la présentation des thés de la gamme « Grappe de thé », l'INAO et le CIVB l'ont fait assigner devant ce tribunal le 25 mai 2021, pour usage commercial et évocation illicites des appellations d'origine protégées. 5. L'instruction a été close le 19 mai 2022 et l'affaire plaidée le 3 novembre 2022. 6. Dans leurs dernières conclusions signifiées par voie électronique le 17 mars 2022, l'[10] et le Conseil interprofessionnel du vin de [Localité 7] demandent, invoquant un usage commercial illicite et à tout le moins une évocation illicite d'appellations d'origines protégées :? de condamner la société Cityart Edition à leur payer à chacun la somme de 15 000 euros en réparation de leur préjudice,? des mesures d'interdiction, de rappel des circuits commerciaux et de destruction sous astreinte,? des mesures de publication sous astreinte,? de condamner la société Cityart Edition à leur payer à chacun la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens comprenant les frais de constat d'huissier. 7. L'INAO et le CIVB font tout d'abord valoir que la société Cityart Edition fait un usage commercial illicite des appellations d'origine « [Localité 7] », « Margaux », « Saint-Emilion » et « Sauternes » en ce qu'elle reprend ces appellations pour désigner six de ses neufs thés, ce qui conduit nécessairement le consommateur à faire un lien avec les vins qui bénéficient de ces appellations. Ils soutiennent, en réponse à la défenderesse, que la référence faite aux villes ne prive pas les usages des appellations d'origine de caractère fautif, la dénomination « Margaux » ne désignant d'ailleurs plus une entité administrative mais seulement les vins qui bénéficient de l'appellation d'origine depuis le changement de nom de la commune en Margaux-Cantenac. Ils ajoutent que les expressions « nuit tranquille », « noël », « printemps », « amoureux » et « étoile » sont banales pour désigner des thés, de sorte que les appellations d'origine constituent les seuls éléments distinctifs de ces dénominations. Ils considèrent en conséquence que l'usage commercial est caractérisé, et que celui-ci exploite la réputation découlant de la qualité des vins que les appellations d'origine en cause désignent. 8. Ils soutiennent par ailleurs que la société Cityart Edition évoque de manière illicite les appellations d'origine en cause par l'usage cumulatif :- du signe semi-figuratif « Grappe de thé », la grappe faisant référence au vin, et l'élément figuratif représentant un vendangeur ;- du vocabulaire qu'elle utilise se référant aux appellations d'origine bordelaises au sein de ses catalogues, sur ses sites internet et sur ses réseaux sociaux ;- de la communication faite autour des points de vente qui sont majoritairement constitués de châteaux. 9. Selon les demandeurs, ces évocations conduisent le consommateur à établir un lien entre les thés litigieux et les appellations d'origine. 10. L'INAO et le CIVB exposent que cette exploitation de la réputation des appellations d'origine pour un autre produit et la multiplication des évocations emportent un risque de banalisation et de dilution des appellations, ainsi qu'un risque de perte du pouvoir attractif et d'identification leur causant un préjudice. Outre des mesures d'interdiction sous astreinte et de publication, ils font valoir que ces actes leur causent un préjudice moral et sollicitent, chacun, la somme de 15 000 euros. 11. Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 9 février 2022, la société Cityart Edition résiste aux demandes et sollicite elle-même la condamnation « solidairement » de l'INAO et du CIVB à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens. 12. La société Cityart Edition réfute tout usage commercial illicite, faisant valoir que les demandeurs ne rapportent pas la preuve de ce que l'utilisation litigieuse est susceptible de détourner et exploiter la notoriété des appellations d'origine en profitant indûment de leur réputation, preuve qui leur incombe dès lors que les produits en cause ne sont pas comparables. Elle considère au contraire que ses thés font uniquement référence aux villes et non aux appellations d'origine, les prépositions « de » et « à » permettant de faire le lien avec ces villes. 13. S'agissant de l'évocation, elle répond qu'il n'est pas démontré que le consommateur établirait un lien avec les appellations d'origine. Elle soutient que le terme « thé » au sein de sa marque semi-figurative est écrit dans une taille plus grande que les termes « grappe de » et que l'élément figuratif représente un arbre à thé et un ouvrier agricole récoltant du thé. Elle ajoute que la composition de ses étiquettes exclut tout lien avec le vin, et que l'absence de lien avec les appellations d'origine est d'autant plus patente que les thés font partie d'une gamme plus large utilisant des dénominations sans aucune référence géographique. Elle expose enfin que les produits se distinguent dans leur composition, leur mode de consommation et leurs réseaux et méthodes de distribution pour exclure tout risque d'association. MOTIVATION I. Demandes en usage illicite d'appellations d'origine protégées 1. Atteinte aux appellations d'origine protégées « [Localité 7] », « Sauternes », « Margaux » et « Saint-Emilion » 14. En application de l'article 103, paragraphe 2, a) et b), du règlement (UE) no 1308/2013 du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles :« 2. Une appellation d'origine protégée et une indication géographique protégée, ainsi que le vin qui fait usage de cette dénomination protégée en respectant le cahier des charges correspondant, sont protégés contre : a) toute utilisation commerciale directe ou indirecte de cette dénomination protégée : i) pour des produits comparables ne respectant pas le cahier des charges lié à la dénomination protégée ; ou ii) dans la mesure où ladite utilisation exploite la réputation d'une appellation d'origine ou indication géographique ; b) toute usurpation, imitation ou évocation, même si l'origine véritable du produit ou du service est indiquée ou si la dénomination protégée est traduite, transcrite, translittérée ou accompagnée d'une expression telle que "genre", "type", "méthode", "façon", "imitation", "goût", "manière" ou d'une expression similaire ; (...) ». 15. La Cour de justice de l'Union européenne a considéré que les situations pouvant être couvertes par l'article 16, sous a), du règlement no110/2008 du 15 janvier 2008 portant sur les boissons spiritueuses et rédigé dans les mêmes termes que l'article précité « doivent répondre à l'exigence d'un usage, par le signe litigieux, de l'indication géographique enregistrée à l'identique ou, à tout le moins, de façon fortement similaire, d'un point de vue phonétique et/ou visuel », cette disposition devant être différenciée de celle couverte par le point b), « lequel vise "toute usurpation, imitation ou évocation", c'est-à-dire des situations dans lesquelles le signe litigieux n'emploie pas l'indication géographique en tant que telle, mais la suggère d'une manière telle que le consommateur est amené à établir un lien suffisant de proximité entre ce signe et l'indication géographique enregistrée » (CJUE, 7 juin 2018, Scotch Whisky Association c/ Michael Klotz, C-44/17, points 31 et 32). 16. Dans le cadre d'une utilisation directe ou indirecte de la dénomination protégée, si les produits ne sont pas comparables, outre la preuve de la notoriété de la dénomination protégée, il convient de démontrer l'exploitation de la réputation de cette dénomination. 17. La Cour de justice a par ailleurs dit pour droit que « l'évocation » visée à l'article 103, paragraphe 2, sous b), du règlement no 1308/2013 « n'exige pas, à titre de condition préalable, que le produit bénéficiant d'une AOP et le produit ou le service couvert par le signe litigieux soient identiques ou similaires » (CJUE, 9 septembre 2021, Comité Interprofessionnel des Vins de Champagne c/ GB, C-783/19). Elle ajoute que « le critère déterminant est de savoir si le consommateur, en présence d'une dénomination litigieuse, est amené à avoir directement à l'esprit, comme image de référence, la marchandise couverte par l'AOP », précisant que « ce lien doit être suffisamment direct et univoque » (points 58 et 59). En revanche, il n'est pas nécessaire que l'évocation entraîne un risque de confusion (CJUE, 21 janvier 2016, Viiniverla Oy, C-75/15). 18. En l'occurrence, les appellations « [Localité 7] », « Margaux », « Saint-Emilion » et « Sauternes » bénéficient de la protection européenne des appellations d'origine protégées depuis 1973 (pièce demandeurs no 4-2). Il est par ailleurs démontré et non contesté que ces appellations d'origine bénéficient d'une forte notoriété, les appellations « Margaux » et « Sauternes » faisant partie de la classification officielle des vins de [Localité 7] (pièce demandeurs no 5-1), le vignoble de Saint-Emilion ayant été inscrit au patrimoine mondial de l'humanité par l'UNESCO en 1999 (pièce demandeurs no 5-3) et [Localité 7] constituant le vignoble le plus étendu (pièce demandeurs no 5-8). 19. La société Cityart Edition commercialise depuis fin 2017 une gamme de thés sous la marque « Grappe de thé », au sein de laquelle figurent les thés « Nuit tranquille à Saint-Emilion », « C?ur de Sauternes » devenu « C?ur perdu à Sauternes », « Les étoiles de [Localité 7] blanc » devenu « Les étoiles blanches de [Localité 7] », « Printemps à [Localité 7] », « Noël à [Localité 7] » et « Amoureux de Margaux ». 20. Or, il ressort des pièces versées aux débats que la marque « Grappe de thé » est présentée par la société Cityart Edition sur les réseaux sociaux comme une marque de thé « sur le modèle des cépages bordelais » (pièce demandeurs no 11-2) ou encore comme la « première marque de thé dédiée aux vignobles de la région » (pièces demandeurs no 11-1). De plus, de nombreuses références aux vins sont faites sur les comptes Facebook « Grappe de thé », « Cityart Edition » et « [Localité 7] Shop » (un des points de vente des produits de la défenderesse) pour présenter les thés litigieux. Ainsi par exemple, les thés « Amoureux de Margaux » et « C?ur perdu à Sauternes » sont décrits comme embaumant « les arômes de ces grands vins de [Localité 7] » (pièce demandeurs no 11-2, page 8). Dans d'autres cas, les publications présentant les thés litigieux sont accompagnés des hashtags (ou mots-dièse) suivants : vin de Saint-Emilion, médoc, vin de [Localité 7], ou encore vignobles bordelais (pièce demandeurs no 11-2, par exemple pages 14, 17 et 20). Or, les hashtags permettent de référencer une publication au sein d'un réseau social, de sorte que les publications portant sur les thés « Grappe de thé » pourront apparaître aux côtés d'autres publications référencées sous les hashtags susmentionnés et portant sur des vins. Des photographies de raisin sont par ailleurs également visibles sur les comptes Facebook précités, entre des publications présentant les thés litigieux, faisant là encore référence au vin. En outre, des coffrets souvenirs sont offerts à la vente sur le site www.cityart-edition.com, comportant à la fois des bouteilles de vin et des thés de la marque « Grappe de thé », ce qui renforce l'association entre les deux (pièce demandeurs no 11-2, page 52). 21. Si la marque « Grappe de thé » est composée de plusieurs éléments verbaux et figuratifs, le terme « grappe » fait immédiatement penser au raisin, notamment lorsqu'il est associé à des noms connus pour le vin. De plus, si l'arbre représenté est un arbre à thé comme le soutient la défenderesse, cette représentation à côté du terme « Grappe » conduit le consommateur à penser d'abord à une vigne. A cela s'ajoute que les thés litigieux reprenant les termes « [Localité 7] », « Margaux », « Saint-Emilion » et « Sauternes » font partie d'une gamme plus large au sein de laquelle sont également vendus les thés « Le mélange des vignerons » et « Après les vendanges » (pièce demandeurs no 11-2, pages 79 et suivantes). 22. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que si les termes « [Localité 7] », « Margaux », « Saint-Emilion » et « Sauternes » sont des noms de ville, et que le site internet www.grappedethe.com ne fait dorénavant référence qu'aux seules villes pour présenter les thés en cause, non seulement les villes de Margaux-Cantenac, Saint-Emilion et Sauternes sont essentiellement associées, dans l'esprit du public, aux vignobles du bordelais (pièces demandeurs no 13-2 à 13-4), mais en plus la société Cityart Edition a multiplié les références aux vins du bordelais pour promouvoir ses produits sur ses sites et ses réseaux sociaux et a ainsi exploité la réputation des appellations d'origine correspondantes pour le bénéfice de son commerce. 23. L'utilisation commerciale illicite des appellations d'origine protégées est donc constituée. 2. Mesures réparatrices 24. Selon l'article L. 722-6 du code de la propriété intellectuelle, « Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération, distinctement :1o Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;2o Le préjudice moral causé à cette dernière ;3o Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon.Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée ». 25. L'INAO et le CIVB invoquent un préjudice matériel fondé sur leurs efforts consacrés à la défense des appellations d'origine (sans, au demeurant, individualiser les appellations en cause) et à la communication qu'elles déploient pour sensibiliser le public sur cette question, sans les justifier ni quantifier ledit préjudice. 26. En revanche, l'utilisation illicite des appellations d'origine, lesquelles ont pour objet de protéger tant les producteurs eux-mêmes que les zones géographiques qui en bénéficient, porte atteinte non seulement à cette fonction, mais également à la réputation des appellations « [Localité 7] », « Margaux », « Saint-Emilion » et « Sauternes » et cause à l'INAO et au CIVB, dont la mission est de défendre et de promouvoir lesdites appellations en France et à l'étranger, un préjudice moral qui sera évalué à 10 000 euros. 27. Il sera par ailleurs fait droit aux mesures d'interdiction concernant les appellations « Margaux », « Saint-Emilion » et « Sauternes » qui, comme jugé précédemment, si elles font référence à des villes, sont essentiellement associées dans l'esprit du public aux vignobles bordelais. Ainsi, malgré la modification des noms de certains des thés, leur association avec la marque « Grappe de thé » continue à évoquer de manière illicite, dans l'esprit du public, les appellations d'origine. En revanche, la ville de [Localité 7] est une grande ville qui renvoie, pour le grand public, à de nombreux éléments autres que le vin de sorte que la modification des noms des thés litigieux ainsi que de leur description suffit à exclure toute évocation de l'appellation d'origine « [Localité 7] ». 28. Il sera par ailleurs fait droit aux mesures de rappel et de destruction des produits litigieux, à savoir les produits revêtus des termes « Margaux », « Saint-Emilion » et « Sauternes », ainsi que les produis revêtus de l'ancienne dénomination « Les étoiles de [Localité 7] blanc ». En revanche, il ne sera pas fait droit à la mesure de publication, le préjudice de l'INAO et du CIVB étant suffisamment réparé par l'octroi de dommages et intérêts. II. Dispositions finales 29. La société Cityart Edition, qui succombe, supportera les dépens et ses propres frais. 30. En application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la partie tenue aux dépens ou à défaut, la partie perdante, est condamnée au paiement d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, en tenant compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. 31. La société Cityart Edition sera condamné à payer à l'INAO et au CIVB, ensemble, la somme de 6 000 euros au titre des frais irrépétibles. 32. En vertu de l'article 514 du code de procédure civile, le présent jugement est de droit assorti de l'exécution provisoire sans qu'il soit besoin que le tribunal la prononce, et rien ne justifie de l'écarter au cas présent. PAR CES MOTIFS Le tribunal : Condamne la société Cityart Edition à payer à l'[10] et au Conseil interprofessionnel du vin de [Localité 7], ensemble, la somme de 10 000 euros en réparation de leur préjudice résultant de l'utilisation illicite des appellations d'origine protégées « Bordeaux », « Margaux », « Saint-Emilion » et « Sauternes », Fait interdiction à la société Cityart Edition de faire usage des signes « Margaux », « Saint-Emilion » et « Sauternes » à quel que titre que ce soit, sous astreinte de 150 euros par infraction constatée, passé un délai de trente jours à compter de la signification du présent jugement, l'astreinte courant sur six mois, Fait interdiction à la société Cityart Edition de faire usage du signe « [Localité 7] » en association avec du vin et le vignoble bordelais, sous astreinte de 150 euros par infraction constatée, passé un délai de trente jours à compter de la signification du présent jugement, l'astreinte courant sur six mois, Ordonne le rappel et la destruction, aux frais de la société Cityart Edition, des thés de la marque « Grappe de thé », intitulés « C?ur de Sauternes », « C?ur perdu à Sauternes », « Les étoiles de [Localité 7] blanc », « Amoureux de Margaux » et « Nuit tranquille à Saint-Emilion », sous astreinte de 150 euros par jour de retard, passé un délai de trente jours à compter de la signification du présent jugement, l'astreinte courant sur six mois, Dit que le tribunal se réserve la liquidation des astreintes, Rejette la demande de publication de l'[10] et du Conseil interprofessionnel du vin de [Localité 7], Condamne la société Cityart Edition à payer à l'[10] et au Conseil interprofessionnel du vin de [Localité 7], ensemble, la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, Condamne la société Cityart Edition aux dépens, dont distraction au profit de la SELARL M-P Escande, en application de l'article 699 du code de procédure civile. Fait et jugé à Paris le 13 Janvier 2023 Le Greffier Le PrésidentQuentin CURABET Irène BENAC | x |
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JURITEXT000047454943 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/45/49/JURITEXT000047454943.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 19 janvier 2023, 20/01312 | 2023-01-19 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 20/01312 | CT0196 | TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 3ème chambre 1ère section No RG 20/01312 No Portalis 352J-W-B7E-CRTSK No MINUTE : Assignation du :27 décembre 2019 JUGEMENT rendu le 19 janvier 2023 DEMANDEUR Monsieur [P] [N][Adresse 8][Adresse 8] (TUNISIE) représenté par Me Emmanuel DE MARCELLUS de la SELARL DE MARCELLUS & DISSER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0341 DÉFENDERESSES Société APPLE FRANCE[Adresse 3][Adresse 3] Société APPLE RETAIL FRANCE[Adresse 2][Localité 4] Société APPLE DISTRIBUTION INTERNATIONAL LIMITED[Adresse 6][Adresse 6] (IRLANDE) Société APPLE INC[Adresse 7][Adresse 7] (ETATS -UNIS) représentées par Me Loïc LEMERCIER de l'AARPI DENTONS EUROPE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P372 Société GOOGLE FRANCE[Adresse 5][Localité 4] Société GOOGLE LLC[Adresse 1][Adresse 1] (ETATS- UNIS) représentées par Me David POR du LLP ALLEN & OVERY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #J0022 COMPOSITION DU TRIBUNAL Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointeJean-Christophe GAYET, 1er vice-pésident adjointMalik CHAPUIS, Juge, assistés de Caroline REBOUL, Greffière DEBATS A l'audience du 04 octobre 2022 tenue en audience publique, avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue le 19 janvier 2023. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffeContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DU LITIGE : 1. M. [P] [N] est un dirigeant de sociétés spécialisées dans le domaine de l'informatique aujourd'hui retraité. Le 30 décembre 1999, M. [N] a déposé une demande de brevet français ayant pour titre "Procédé et dispositif pour accéder à des sources d'information et services sur le web". Ce brevet a été délivré le 17 septembre 2004 sous le no FR 2 803 929. Il a expiré le 30 décembre 2019. 2. Revendiquant la priorité de cette demande de brevet français, M. [N] a déposé une demande PCT no WO2000FR03759. Un brevet US a notamment été délivré le 18 septembre 2012 sous le no US 8 271 877. En revanche, l'OEB a refusé de délivrer le brevet EP 1 247 212 correspondant à cette invention. 3. Les sociétés Apple Inc. et Google Llc sont des entreprises technologiques nord-américaines. Les sociétés Apple Distribution International Ltd , Apple France, Apple Retail France et Google France sont leurs filiales en charge de la commercialisation de leurs produits dans le monde et en France. 4. Convaincu que les systèmes d'exploitation iOs de la première et Android de la seconde mettaient en oeuvre les enseignements de son brevet, M. [N] a contacté la société Apple afin de l'informer de ses droits sur le brevet US 8 271 877 délivré en septembre 2012, sans que les échanges qui ont suivis ne permettent de parvenir à une solution satisfaisante pour M. [N]. 5. C'est dans ce contexte que M. [N] a, par actes d'huissier du 27 décembre 2019, fait assigner les sociétés Apple et Google devant ce tribunal en contrefaçon de brevet. 6. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 20 décembre 2021, M. [P] [N] demande au tribunal de : - Le DIRE recevable et bien-fondé dans ses demandes ; - JUGER qu'qu'en proposant un système d'exploitation permettant l'utilisation des icônes, les sociétés Apple Inc, Apple Distribution International, Apple France et Apple Retail France d'une Part, et les sociétés Google Llc et Google France d'autre part, ont fourni à l'utilisateur et aux fabricants des dispositifs le moyen de contrefaire les revendications 1 à 7 du brevet FR 2 803 929 de M. [P] [N] et se sont rendues coupables de contrefaçon du brevet précité ; - JUGER qu'en fabricant, en offrant, mettant dans le commerce, en important et en exportant des dispositifs de communication permettant de fournir des informations et des services par le biais d'icônes, les sociétés Apple Inc, Apple Distribution International, Apple France et Apple Retail France d'une Part, et les sociétés Google Llc et Google France d'autre part, se sont rendues coupables de contrefaçon de la revendication 8 de dispositif du brevet 2 803 929 de M. [P] [N] ; - ORDONNER aux sociétés Apple Inc, Apple Distribution International, Apple France et Apple Retail France et aux sociétés Google Llc et Google France d'avoir à communiquer, sous astreinte de dix mille euros par jour de retard passé le délai de 30 jours suivant signification du jugement à intervenir, une attestation de leurs commissaires aux comptes précisant (au besoin dans le cadre d'un régime de confidentialité à déterminer) : * les quantités de support de communication (smartphone, tablette, montre connectée) contenant les systèmes d'exploitation fabriquées et/ou importées, vendues, fournies en France au cours de la période allant de 2007 pour les sociétés Apple et 2008 pour les sociétés Google à la date d'expiration du brevet, soit le 30 décembre 2019 ; * le chiffre d'affaires et la marge brute sur coûts directs réalisé du fait de la fabrication et/ou importation, vente, distribution en France des dispositifs contrefaisants, * les revenus générés par leurs systèmes d'exploitation respectifs (équipant diverses marques de dispositifs de communication en ce qui concerne les sociétés Google), leurs plateformes et l'exploitation et la commercialisation des données collectées. - SE RÉSERVER la liquidation des astreintes ordonnées conformément aux dispositions de l'article L. 131-3 du code des procédures civiles d'exécution, - CONDAMNER solidairement et conjointement les sociétés Apple Inc, Apple Distribution International, Apple France et Apple Retail France, à réparer le préjudice subi par M. [P] [N] du fait des actes de contrefaçon, dont l'étendue sera fixée après communication par ces sociétés des informations relatives à la masse contrefaisante et aux bénéfices réalisés, et dès à présent à lui verser, à titre de provision la somme de trente millions d'euros ; - CONDAMNER solidairement et conjointement les sociétés Google Llc et Google France, à réparer le préjudice subi par M. [P] [N] du fait des actes de contrefaçon, dont l'étendue sera fixée après communication par ces sociétés des informations relatives à la masse contrefaisante et aux bénéfices réalisés, et dès à présent à lui verser, à titre de provision la somme de trente millions d'euros ; - CONDAMNER les sociétés Apple Inc, Apple Distribution International, Apple France et Apple Retail France d'une part, et les sociétés Google Llc et Google France, d'autre part, à payer à M. [P] [N] la somme de un million d'euros chacune en réparation du préjudice lié à l'atteinte à son brevet ; - JUGER que les demandes de M. [P] [N] pour les faits antérieurs au 27 décembre 2014 sont recevables ; - DÉBOUTER les sociétés Apple Distribution International, Apple France, Apple Retail France, Google Llc et Google France de leur demande de nullité du brevet FR 2 803 929; - DÉBOUTER les sociétés Apple Distribution International, Apple France et Apple Retail France de leur demande de mise hors de cause ; - JUGER que les demandes de M. [P] [N] à l'encontre des sociétés Apple Distribution International, Apple France et Apple Retail France sont recevables et fondées ; - JUGER que le constat d'huissier Internet (Pièce no 25) est valide; - DÉCLARER recevables les copies écran et le constat d'achat réalisé par huissier (Pièce no 23); - DÉBOUTER les sociétés Apple Inc, Apple Distribution International, Apple France, Apple Retail France, Google Llc et Google France de leurs demandes ; - CONDAMNER les sociétés Apple Inc, Apple Distribution International, Apple France et Apple Retail France d'une Part, et les sociétés Google Llc et Google France, d'autre part, à payer à M. [N] la somme de cent trente mille euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; - JUGER que l'exécution provisoire du jugement à intervenir est compatible avec la nature de l'affaire et la prononcer ; - CONDAMNER les sociétés Apple Inc, Apple Distribution International, Apple France et Apple Retail France, et les sociétés Google Llc et Google France aux entiers dépens, d'autre part, en ce compris les frais de saisie-contrefaçon et d'expertise, dont distraction au profit de la Selarl de Marcellus & Disser, représentée par Maître Emmanuel de Marcellus, avocat au barreau de Paris, par application de l'article 699 du code de procédure civile. 7. Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 15 novembre 2021, les sociétés Google Llc et Google France demandent au tribunal de: - PRONONCER la nullité des revendications 1 à 8 du brevet français no 2 803 929; - ORDONNER la transmission du jugement à intervenir, une fois définitif, à l'Institut National de la Propriété Industrielle pour être retranscrit au Registre National des Brevets; - DIRE que les revendications 1 à 8 du brevet français no 2 803 929 n'ont pas été contrefaites ; En tout état de cause, - DÉBOUTER M. [P] [N] de toutes ses demandes, fins et conclusions ; - CONDAMNER M. [P] [N] à payer aux sociétés Google Llc et Google France la somme de 100.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; - CONDAMNER M. [P] [N] aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me David Por, Avocat, dans les conditions prévues à l'article 699 du code de procédure civile. 8. Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 15 février 2022, les sociétés Apple Inc, Apple Distribution International, Apple France et Apple Retail France demandent au tribunal de : - Juger que les sociétés Apple Inc, Apple Distribution International Limited, Apple France et Apple Retail France sont recevables et bien fondées dans leurs demandes ; À titre principal, - Juger que les revendications 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7 et 8, du brevet français FR 2 803 929 sont dépourvues de nouveauté ; - Annuler les revendications 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7 et 8 du brevet français FR 2 803 929 et juger qu'elles sont de nul effet ; - Ordonner la transcription du jugement d'annulation au Registre National des Brevets dans le mois suivant la date où il sera définitif, à la requête de Monsieur le Greffier en chef du Tribunal ou de la partie la plus diligente ; - Débouter M. [N] de l'ensemble de ses demandes ; À titre subsidiaire, - Juger que les revendications 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7 et 8, du brevet français FR 2 803 929 sont dépourvues d'activité inventive ; - Annuler les revendications 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7 et 8 du brevet français FR 2 803 929 et juger qu'elles sont de nul effet ; - Ordonner la transcription du jugement d'annulation au Registre National des Brevets dans le mois suivant la date où il sera définitif, à la requête de Monsieur le Greffier en chef du Tribunal ou de la partie la plus diligente ; - Débouter M. [N] de l'ensemble de ses demandes ; À titre très subsidiaire, - Prononcer la nullité du constat d'huissier Internet (pièce adverse no25) en ce qu'il s'analyse en une saisie déguisée ; - Déclarer irrecevables les copies d'écran et le constat d'achat réalisé par huissier (pièce adverse no23) dès lors qu'ils n'ont aucune force probante ; - Juger que les revendications de M. [N] sont infondées puisque le brevet français FR 2 803 929 est désormais expiré ; - Débouter M. [N] de l'ensemble de ses demandes ; À titre infiniment subsidiaire, - Juger que les demandes en condamnation pour contrefaçon visant des faits antérieurs au 27 décembre 2014 sont irrecevables car prescrites ; - Juger que la société Apple Inc., et, le cas échéant, les sociétés Apple Distribution International Limited, Apple France et Apple Retail France n'ont pas reproduit les revendications 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7 et 8 du brevet français FR 2 803 929 ; - Mettre hors de cause les sociétés Apple Distribution International, Apple France et Apple Retail France ; - Juger que M. [N] ne justifie ni ne démontre l'existence d'aucun préjudice ; - Débouter M. [N] de sa demande de communication sous astreinte ; - Débouter M. [N] de ses demandes infondées de dommages-intérêts ; - Débouter M. [N] de sa demande de paiement par les sociétés Apple Inc., Apple Distribution International Limited, Apple France et Apple Retail France de la somme de 1.000.000 euros ; En toute hypothèse, - Mettre hors de cause les sociétés Apple Distribution International, Apple France et Apple Retail France ; - Débouter M. [N] de sa demande de paiement par les sociétés Apple Inc., Apple Distribution International Limited, Apple France et Apple Retail France de la somme provisionnelle de 30.000.000 euros ; - Juger irrecevable et mal fondé M. [N] en toutes ses demandes et l'en Débouter, notamment s'agissant de la mesure d'exécution provisoire du jugement à intervenir ; - Condamner M. [N] à verser aux sociétés Apple Inc., Apple Distribution International Limited, Apple France et Apple Retail France la somme de 250.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; - Condamner M. [N] aux entiers dépens qui seront recouvrés par Maître Loïc Lemercier de l'Aarpi Dentons Europe conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. - Prononcer l'exécution provisoire du jugement à intervenir en ce qui concerne les demandes formulées par les sociétés Apple Inc., Apple Distribution International Limited, Apple France et Apple Retail France. 9. L'instruction a été close par une ordonnance du 1er mars 2022 et l'affaire plaidée à l'audience du 4 octobre 2022. MOTIFS DE LA DÉCISION 1o) Présentation du brevet FR 2 803 929 10. L'invention concerne un procédé pour accéder à des sources d'information et à des services sur le Web, ainsi qu'un dispositif pour la mise en oeuvre de ce procédé (description page 1, lignes 4 à 8). 11. Les lignes 9 à 32 suivantes de la page 1 de la partie descriptive enseignent que, pour accéder aux sites proposant des informations et/ ou des services, des logiciels de navigation existent tels qu' "Internet Explorer" ou "Navigator" lesquels équipent désormais tous les ordinateurs personnels et postes de travail connectés à Internet. Ils permettent d'accéder à des sites fournissant des moteurs de recherche tels que Yahoo!TM ou VoilaTM qui eux-mêmes permettent d'émettre des requêtes en langage naturel et de recevoir en retour un ensemble de sites classés par ordre de pertinence. Par ailleurs, se développent des sites "portail", dont la fonction est de proposer à l'utilisateur des accès directs à certains sites présélectionnés ainsi que des accès à des rubriques. Les choix de sites ou de rubriques sont représentés, soit par une désignation, soit par une icône ou une image fixe ou animée. Un pointage et un cliquage au moyen d'une souris sur la zone active correspondante provoque la génération, par le logiciel de navigation, d'une adresse Web sur Internet permettant d'accéder à un site sélectionné, et au sein de ce site, a un document ou à un ensemble de documents recherchés. 12. Concrètement, en réponse à sa requête, l'utilisateur peut recevoir, soit directement un document, soit le plus souvent une nouvelle page HTML contenant elle-même un nombre plus ou moins élevé de liens parmi lesquels l'utilisateur devra encore effectuer un nouveau choix. (description page 2, lignes 1 à 5) 13. Les lignes 6 à 21 suivantes exposent les inconvénients liés à une telle utilisation de ces pages reliées entre elles par des hyperliens (web). Ainsi, à chaque étape requête / réponse correspond un délai, de durée de variable, conditionnée par des paramètres non maîtrisables tels que le trafic sur le réseau, l'encombrement et la puissance des serveurs des sites consultés ou encore la taille mémoire des pages reçues. Il en résulte un réel inconfort ressenti par de nombreux internautes, pouvant aller jusqu'à en dissuader certains de se lancer dans une recherche d'informations qui pourrait s'avérer longue, fastidieuse, et aléatoire. Outre le problème de temps de réponse et de durée de la recherche, se pose également la question de fournir à des utilisateurs non familiarisés avec les outils informatiques et Internet un accès rapide et aisé à des sources d'information et à des services, ce que les portails généralistes actuellement disponibles sur le Web ne fournissent pas de façon satisfaisante. 14. L'invention propose de remédier à ces inconvénients au moyen d'un procédé permettant d'accéder à des sources d'information et à des services sur le Web, qui soit plus rapide et d'utilisation plus aisée que les procédés actuels, notamment dans un objectif d'intégration dans des bornes interactives et des appareils de communication et de bureautique. (page 2, lignes 22 à 29)15. Les lignes 30 et suivantes page 2, et 1 à 15 page 3, enseignent que cet objectif est atteint avec un procédé pour accéder à des sources d'information et à des services sur le Web, à partir d'un dispositif de communication connecté à Internet, comprenant: ? une ou plusieurs étapes de visualisation d'une page de sélection parmi une pluralité de pages de sélection organisées en arborescence et préalablement stockées localement au sein dudit dispositif de communication, chaque page de sélection comprenant un ensemble d'éléments graphiques représentant ce vers quoi ils dirigent, ou icônes, comportant une ou plusieurs icônes d'accès direct à des sources d'information, et une ou plusieurs icônes de sélection pour accéder à une autre page de sélection, et ? une étape pour émettre sur le réseau de communication, en réponse à une sélection d'une icône d'accès direct dans une page de sélection en cours de visualisation, l'adresse de la source d'information correspondant à ladite icône d'accès direct sélectionnée. 16. Ainsi, en procédant localement à des étapes préliminaires de sélection dans des pages organisées de manière arborescente et opérant comme des menus déroulants, et en n'émettant finalement sur Internet qu'une adresse complète d'accès à une source d'informations bien ciblée, on réduit de manière significative le temps moyen observé pour accéder à des informations recherchées. Par ailleurs, ce procédé offre aux utilisateurs peu familiarisés avec les outils informatiques, et a fortiori avec les outils de navigation et les moteurs de recherche, un guidage efficace vers la plupart des sources d'information utiles ou les plus fréquemment consultées. (page 3 lignes 16 à 28) 17. Des adresses de sources d'information correspondant à des icônes d'accès direct peuvent être préalablement stockées localement dans une table ou base d'adresses, ou bien encore construites au fur et à mesure des étapes de visualisation et de sélection. Ces icônes d'accès direct peuvent avantageusement comprendre des icônes d'accès à des sites marchands et reproduire le logotype de ce site. (page 3 lignes 29 à 33 et page 4 lignes 1 à 8) 18. Les icônes de sélection incluent quant à elles de préférence un item ou intitulé thématique ouvrant l'accès à une page dédiée à une activité ou un thème donné, et présentent des caractéristiques graphiques distinctes de celles des icônes d'accès direct. L'utilisateur est ainsi averti sur la nature de l'étape qui suivra sa sélection. S'il s'agit d'une icône de forme à icone d'accès direct, la prochaine étape sera une étape d'émission d'adresse a destination d'un site Web. A l'inverse, s'il s'agit d'une icone de forme à icône de sélection, la prochaine étape sera une nouvelle étape de sélection dans une page de sélection. (page 4 lignes 9 à 20) 19. Ces différentes étapes sont illustrées par la figure 1 ci-dessous reproduite du brevet qui est un schéma synoptique illustrant les étapes essentielles du procédé, dans laquelle P0 est une première page d'icônes, TH1 est par exemple une icône représentant le thème générique du sport, ST11, une autre sous-rubrique de sport et AD12 de la page "n", l'icône d'accès direct à la page du site de la fédération de football présentant le calendrier hebdomadaire des matchs de 1ère division : 20. La description enseigne ensuite la possibilité de prévoir que le procédé d'accès selon l'invention comprenne en outre une mise à jour de la pluralité de pages de sélection stockées localement. Cette mise à jour peut être réalisée par téléchargement à partir d'un serveur de gestion programme pour réaliser cette opération sur un ensemble de dispositifs ou terminaux d'accès mettant en oeuvre ce procédé. (page 4, lignes 21 à 28) 21. Le brevet comporte 11 revendications, seules étant opposées les revendications 1 à 7 de procédé, et 8 de dispositif, ci-dessous reproduites : 1. Procédé pour accéder à des sources d'information et à des services sur le Web, à partir d'un dispositif de communication connecté via un réseau de communication au réseau Internet, comprenant : - une ou plusieurs étapes de visualisation d'une page de sélection parmi une pluralité de pages de sélection organisées au sein d'une structure de menu en arborescence et préalablement stockées localement au sein dudit dispositif de communication, chaque page de sélection comprenant un ensemble d'icônes et, - une étape pour émettre sur le réseau de communication, en réponse à une sélection d'une icône dans une page de sélection en cours de visualisation, l'adresse d'une source d'information correspondant à ladite icône sélectionnée, caractérisé en ce que, pour chaque page de sélection, l'ensemble d'icônes comporte une ou plusieurs icônes d'accès direct à des sources distantes d'information et/ou une ou plusieurs icônes de sélection pour accéder localement à une autre page de sélection au sein de ladite structure de menu en arborescence, lesdites adresses de sources d'information correspondant à des icônes d'accès direct étant préalablement stockées localement dans une table ou base d'adresses ou générées localement au fur et à mesure des étapes de visualisation et de sélection. 2. Procédé selon la revendication 1, caractérisé en ce que les icônes d'accès direct comprennent des icônes d'accès à des sites marchands. 3. Procédé selon la revendication 2, caractérisé en ce qu'un icône d'accès direct un site marchand inclut le logotype dudit site marchand. 4. Procédé selon l'une quelconque des revendications précédentes, caractérisé en ce qu'un icône d'accès à une page de sélection inclut un intitulé thématique. 5. Procédé selon l'une quelconque des revendications précédentes, caractérisé en ce que, dans chaque page de sélection, les icônes d'accès direct présentent des caractéristiques graphiques distinctives de celles des icônes de sélection. 6. Procédé selon l'une quelconque des revendications précédentes, caractérisé en ce qu'il comprend en outre une mise à jour de la pluralité de pages de sélection stockées localement. 7. Procédé selon la revendication 6, caractérisé en ce que cette mise à jour est réalisée par téléchargement à partir d'un serveur de gestion. 8. Dispositif pour accéder à des sources d'information et à des services sur le Web, comprenant des moyens pour communiquer via un réseau de communication sur Internet, des moyens de contrôle et de traitement, des moyens de stockage de données, des moyens de visualisation, des moyens de saisie, et des moyens de pointage et de sélection, lesdits moyens de stockage contenant une pluralité de pages de sélection comprenant chacune un ensemble d'icônes, caractérisé en ce que, pour chaque page de sélection, l'ensemble d'icônes comporte une ou plusieurs icônes d'accès direct à des sources distantes d'information et/ou une ou plusieurs icônes de sélection pour accéder localement à une autre page de sélection au sein de la ladite structure de menu en arborescence, et en ce que les moyens de contrôle et de traitement sont programmés pour : - commander la visualisation par lesdits moyens de visualisation d'une page de sélection en réponse à une activation d'une icône de sélection prévue pour accéder localement à une autre page de sélection au sein de ladite structure de menu en arborescence, et - émettre sur le réseau de communication, en réponse à une sélection d'une icône d'accès direct dans une page de sélection en cours de visualisation, une adresse de la source d'information correspondant à ladite d'accès direct sélectionnée, lesdites adresses de sources d'information correspondant à des icônes d'accès direct tant préalablement stockées localement dans une table ou base d'adresses ou générées localement au fur et à mesure des étapes de visualisation et de sélection. 2o) Sur la validité du brevet contestée en défense Sur le défaut de nouveauté Moyens des parties 22. Les sociétés Google concluent à la nullité du brevet FR 929 pour défaut de nouveauté en invoquant différents documents de l'art antérieur et en particulier le brevet EP 0 847 019 (document Schagen), déposé le 4 décembre 1996, sur lequel la chambre de recours de l'OEB a fondé sa décision de confirmation du refus de délivrance du brevet EP 1 247 212. Ces sociétés soutiennent que, ainsi que l'ont retenu aussi bien la division d'examen que la chambre des recours, le brevet Schagen divulgue l'ensemble des enseignements du brevet FR 929. Elles exposent en particulier que le brevet Schagen se rapporte au même domaine technique, qu'il poursuit le même objectif (faciliter les recherches dans des ensembles d'informations organisées), et propose à cette fin une structure de menu en arborescence stockée localement, et une autre structure qui elle permet d'accéder à un sous-ensemble d'informations distantes (sur Internet). Les sociétés Google précisent que, même implicitement, le brevet Schagen divulgue nécessairement, après navigation de l'utilisateur dans des données stockées localement, un bouton cliquable générant l'émission d'une requête vers une adresse html du type http://site.com/- - / - - / - -.htm, dirigeant l'utilisateur sur Internet. 23. Les sociétés Apple concluent de la même manière à la nullité du brevet FR 929 et en particulier à son défaut de nouveauté au regard de l'antériorité Kannô laquelle divulgue selon elles l'ensemble des caractéristiques de la la revendication principale no1, mais aussi des revendications dépendantes suivantes, ainsi que la revendication de dispositif. Elles précisent qu'il s'agit d'une demande internationale WO 99/17 229 revendiquant la priorité d'une demande de brevet japonais JP 9/264 478 du 29 septembre 1997. Elle soulignent que ce brevet propose un procédé d'organisation et de présentation de signets, lesquels sont en général longs et illisibles, en les remplaçant par des images, organisées dans des fichiers selon une structure en arborescence stockée localement, chaque image contenant un raccourcis d'accès direct à une adresse html dirigeant l'utilisateur sur Internet, vers une page ou un site cible. 24. M. [N] conclut pour sa part à la validité du brevet. Il soutient en premier lieu que le brevet Kannô a pour seul objet d'améliorer la gestion des signets et ne propose en aucun cas une solution équivalente à celle du brevet FR 929. En particulier, M. [N] fait valoir que le document Kannô poursuit un objectif distinct de l'objet poursuivi par le brevet FR 929. Il ajoute que ce document ne décrit pas des pages de sélection, ni une structure de menu sans affichage de l'arborescence, mais une arborescence de dossiers visible. Il en déduit que ce brevet n'est pas destructeur de la nouveauté de son brevet. S'agissant en second lieu du brevet Schagen, M. [N] rappelle qu'il enseigne un procédé d'actualisation des données stockées dans un CD au moyen d'un accès à un serveur distant dans lequel les arborescences, locale et distante, sont nécessairement le miroir l'une de l'autre, de sorte que les inventions n'ont pas le même objet. Il ajoute que l'icône "connexion option" n'est pas une icône d'accès direct au sens du brevet puisque cette action nécessite deux étapes, tandis que ce brevet n'enseigne aucune page d'icônes de sélection. Appréciation du tribunal 25. Selon l'article L. 611-10 du code de la propriété intellectuelle, "1. Sont brevetables, dans tous les domaines technologiques, les inventions nouvelles impliquant une activité inventive et susceptibles d'application industrielle." L'article L. 611-11 de ce même code précise que "Une invention est considérée comme nouvelle si elle n'est pas comprise dans l'état de la technique. L'état de la technique est constitué par tout ce qui a été rendu accessible au public avant la date de dépôt de la demande de brevet par une description écrite ou orale, un usage ou tout autre moyen. Est également considéré comme compris dans l'état de la technique le contenu de demandes de brevet français et de demandes de brevet européen ou international désignant la France, telles qu'elles ont été déposées, qui ont une date de dépôt antérieure à celle mentionnée au second alinéa du présent article et qui n'ont été publiées qu'à cette date ou qu'à une date postérieure." 26. Aux termes de l'article L. 613-25 enfin, "Le brevet est déclaré nul par décision de justice: a) Si son objet n'est pas brevetable aux termes des articles L. 611-10, L. 611-11 et L. 611-13 à L. 611-19 ; (...)". 27. L'élément de l'art antérieur n'est destructeur de nouveauté que s'il renferme tous les moyens techniques essentiels de l'invention dans la même forme, le même agencement et le même fonctionnement en vue du même résultat technique : l'antériorité, qui est un fait juridique dont l'existence, la date et le contenu doivent être prouvés par tous moyens par celui qui l'invoque, doit être unique et être révélée dans un document unique dont la portée est appréciée globalement. 28. Le tribunal ne peut que constater ici que l'antériorité Kannô, qui est un brevet international désignant la France, renferme les moyens essentiels de l'invention, dans la même forme, en vue du même résultat technique, à savoir ici simplifier les recherches courantes sur Internet, notamment pour les utilisateurs peu familiers des nouvelles technologies. 29. Le brevet Kannô, qui a pour titre "système de signet avec affichage d'image", enseigne en effet un système d'affichage de signets, c'est à dire des adresses de pages ou de sites web choisies par un utilisateur et mémorisées par son navigateur, lesquels sont enregistrés et organisés sous la forme d'images, de façon à pouvoir sélectionner ultérieurement ces pages efficacement (description traduite, page 1, présentation du domaine technique). Ainsi, en cliquant sur l'image, l'utilisateur va alors permuter de l'image vers l'adresse web de destination (description, page 2, in fine). L'invention permet ainsi à l'utilisateur d'accéder à la page de destination sans avoir à en saisir l'adresse complète dans son navigateur, ni même devoir la reconnaître, ce qui peut s'avérer long et fastidieux s'agissant le plus souvent d'une longue chaîne de caractères, quelques fois dans une langue étrangère à l'utilisateur, tandis que leur affichage sous la forme d'une image permet leur identification rapide au sein d'une même page, par exemple par un enfant ou une personne âgée (description, page 6). 30. Aussi, pour remédier à la difficulté d'identifier des signets pertinents parmi une multitude de signets pour sa recherche, au sein d'une même page de sélection de signets, le brevet Kannô propose une fonction d'enregistrement d'un signet sous la forme d'une image, une fonction permettant l'affichage d'une liste d'icônes (images) permettant de sélectionner un signet et d'accéder aux informations d'adresse dans le réseau que comporte l'icône, et une fonction de veille automatique des pages enregistrées récupérant et répercutant les informations les plus récentes concernant cette adresse enregistrée. (description page 8) 31. La description (pages 21 et 22) enseigne ensuite que l'écran d'affichage de signet se compose d'une partie menu, d'une partie "affichage de dossier" (élément 210 de la figure 3A reproduite ci-dessous) et d'une partie "affichage d'image" (220). Lorsque l'utilisateur clique sur "fichier" à l'aide de la souris, une liste des opérations disponibles apparaît sous la forme d'un menu déroulant. Plusieurs dossiers s'affichent dans la partie "affichage de dossiers", chaque dossier comportant plusieurs signets, correspondant le plus souvent à une catégorie prédéfinie. Les images des pages correspondant aux signets s'affichent alors dans la partie "affichage d'images". La description donne ensuite l'exemple d'un dossier intitulé "défaut" lequel contient 5 signets et deux dossiers intitulés "recherche" et "magasin d'ordinateur" (211). Lorsque l'utilisateur clique sur un des sous-dossier dans la partie "affichage de dossier" (210), les images correspondant aux signets enregistrés dans ce sous-dossier s'affichent alors dans la partie "affichage d'image" (220) et, lorsque l'utilisateur clique sur l'image (221) dans la partie "affichage d'image", le navigateur accède par Internet au site web auquel renvoie l'adresse de l'url correspondant à l'image. Voir ci-dessous figure 3A du brevet Kannô : 32. L'ensemble des caractéristiques des revendications de procédé et de dispositif 1 et 8 du brevet FR 929 opposées sont divulguées par le brevet Kannô qui enseigne bien l'accès à des sources d'information et à des services sur le Web, a partir d'un dispositif de communication connecté à Internet, comprenant : - une ou plusieurs étapes de visualisation d'une page de sélection parmi une pluralité de pages de sélection organisées au sein d'une structure de menu en arborescence et préalablement stockées localement au sein dudit dispositif de communication, chaque page de sélection comprenant un ensemble d'icônes (il s'agit ici de la partie 210 de la figure extraite du brevet Kannô ci-dessus qui permet à l'utilisateur, au fur et à mesure de ses choix, de visualiser les différentes icônes de sélection) ; - puis une étape pour émettre sur le réseau de communication, en réponse à une sélection d'une icône dans une page de sélection en cours de visualisation, l'adresse d'une source d'information correspondant à ladite icône sélectionnée (description du brevet Kannô, page 22 : "lorsque l'utilisateur clique avec la souris ou un autre moyen sur l'image (221) dans la partie "affichage d'image" (220) le navigateur web accède via internet au site web de l'url du signet correspondant à l'image"), - caractérisé en ce que, pour chaque page de sélection, l'ensemble d'icônes comporte une ou plusieurs icônes d'accès direct à des sources distantes d'information (élément 221 de la figure 3A du brevet Kannô) et/ou une ou plusieurs icônes de sélection (représentation du dossier "Défaut" de la même figure 3A) pour accéder localement à une autre page de sélection au sein de ladite structure de menu en arborescence, lesdites adresses de sources d'information correspondant à des icônes d'accès direct étant préalablement stockées localement dans une table ou base d'adresses ou générées localement au fur et à mesure des étapes de visualisation et de sélection. 33. Le brevet Kannô prévoit en outre expressément la mise à jour des pages de sélection stockées localement à partir d'un serveur de gestion enseignée par les revendications 6 et 7 du brevet FR 929. Il prévoit de la même manière l'intitulé thématique des icônes de sélection prévue à la revendication 4 du brevet FR 929 et des caractéristiques graphiques "distinctives" des icônes d'accès direct (il s'agit même de l'objectif principal de ce brevet japonais) qui correspond à la revendication 5 du brevet FR 929. Le brevet Kannô enseigne également une icône d'accès direct à un site marchand (cf description pages 22 et 43 "Tout format de fichier d'image disponible peut être utilisé" et figure 3A du brevet Kannô qui comprend une rubrique "magasin d'ordinateur") et la possibilité de le représenter graphiquement par le logotype de ce site marchand, caractéristiques enseignées par les revendications 2 et 3 du brevet FR 929. 34. Le tribunal observe en outre que les inventions ne peuvent différer au seul motif de l'usage, par le brevet Kannô du terme "signet", qui désigne (dans ce brevet) une adresse de page ou de site web mémorisée par un navigateur, ce terme désignant, comme le brevet FR 929, des "sources d'information utiles ou les plus fréquemment consultée" auxquelles correspondent des adresses html (page 4 de la description du brevet Kannô), ce dont il résulte que les deux brevets visent un "guidage efficace des utilisateurs vers ces adresses" (brevet FR 929, page 3 de la description, ligne 27). 35. En outre, contrairement à ce que soutient M. [N], l'invisibilité de l'arborescence qui distinguerait les deux brevets, n'est ni décrite ni revendiquée par le brevet FR 929. Elle ne résulte que de la figure 1 dont le fascicule indique expressément que ces figures ne sont représentées qu'à titre d'exemples non limitatifs. 36. Il y a donc lieu de déclarer nulles les revendications opposées no1 à 8 du brevet FR 2 803 929 celles-ci apparaissant dépourvues de nouveauté au regard des enseignements identiques, selon la même forme, et en vue du même résultat technique, du brevet Kannô (demande internationale WO 99/17 229 revendiquant la priorité d'une demande de brevet japonais JP 9/264 478 du 29 septembre 1997). 3o) Sur les autres demandes 37. Toutes les demandes de M. [P] [N] fondées sur la contrefaçon de ce brevet ne peuvent qu'être rejetées (communication forcée de pièces, paiement de provisions), tandis que les demandes subsidiaires des sociétés Apple sont désormais sans objet. 38. Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, M. [N] sera condamné aux dépens, ainsi qu'à payer à chacune des sociétés défenderesses la somme de 15.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile soit la somme globale de 90.000 euros. 39. Nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire, l'exécution provisoire sera ordonnée, sauf en ce qui concerne la transcription du jugement au registre national des brevets, compte tenu des effets irréversibles d'une telle mesure. PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL, DÉCLARE NULLES les revendications 1 à 8 du brevet FR 2 803 929 dont est titulaire M. [P] [N] ; DIT que le présent jugement, une fois passé en force de chose jugée, sera transmis à l'INPI à l'initiative de la partie la plus diligente aux fins de transcription au registre national des brevets; REJETTE toutes les demandes de M. [P] [N] fondées sur la contrefaçon de ce brevet (communication forcée de pièces, paiement de provisions) ; CONDAMNE M. [P] [N] aux dépens, et autorise Maître Loïc Lemercier et Maître David Por à recouvrer directement ceux dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ; CONDAMNE M. [P] [N] à payer aux sociétés Apple Inc., Apple Distribution International Ltd, Apple France, Apple Retail France, Google Llc et Google France, la somme de 15.000 euros à chacune (soit la somme totale de 90.000 euros) par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; ORDONNE l'exécution provisoire de la présente décision sauf en ce qui concerne la transcription du jugement au registre national des brevets. Fait et jugé à Paris le 19 janvier 2023. LA GREFFIERE LA PRESIDENTE | x |
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JURITEXT000047454944 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/45/49/JURITEXT000047454944.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 19 janvier 2023, 21/09683 | 2023-01-19 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 21/09683 | CT0196 | TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 3ème chambre 1ère section No RG 21/09683 No Portalis 352J-W-B7F-CU2FB No MINUTE : Assignation du :20 juillet 2021 Incident ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETATrendue le 19 janvier 2023DEMANDEURS Société INDUSTRIAS TECNOLÓGICAS DE MECANIZACIÓN Y AUTOMATIZACIÓN SA[Adresse 3][Localité 1] (ESPAGNE) Monsieur [H] [F] C/ [Adresse 4][Localité 1] (ESPAGNE) Monsieur [B] [M] C/ [Adresse 5][Adresse 5] (ESPAGNE) représentés par Me Stanislas ROUX-VAILLARD du PARTNERSHIPS HOGAN LOVELLS (PARIS) LLP, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #J0033 DEFENDERESSE S.A.S. SYNERLINK [Adresse 2][Adresse 2] représentée par Me Sabine AGE de la SAS HOYNG ROKH MONEGIER, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant et postulant vestiaire #P0512 & Me Marta MENDES de la SAS HOYNG ROKH MONEGIER, avocat paidant MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT Malik CHAPUIS, Juge,assisté de Caroline REBOUL, Greffière DEBATS A l'audience du 15 novembre 2022, avis a été donné aux avocats que l'ordonnance serait rendue le 26 janvier 2023. Le délibéré a été avancé au 19 janvier 2023. ORDONNANCE Prononcée publiquement par mise à disposition au greffeContradictoireEn premier ressort 1. Par acte du 20 juillet 2021, la société de droit espagnol Industrias Tecnologicas de Mecanizacion y Automatizacion SA, Monsieur [H] [F] et Monsieur [B] [M] ont assigné la société SA Synerlink devant le tribunal judiciaire de Paris en revendication et transfert d'un brevet français FR 19 08090 et d'un brevet européen EP 3 766 799, en paiement de dommages et intérêts du fait de la soustraction et d'un préjudice moral, et en transfert des pièces relatives aux brevets et en communication de documents comptables aux fin d'évaluation définitive du préjudice moral. 2. Par conclusions au fond transmises par voie électronique le 2 mars 2022, la société SA Synerlink sollicite le débouté des demandes principales et présente des demandes reconventionnelles portant transfert d'une demande brevet européen no 3 566 832 et de sa priorité, la demande de brevet espagnol no201830445 déposées par la société Industrias Tecnologicas de Mecanizacion y Automatizacion SA. 3. Par conclusions transmises par voie électronique le 9 mai 2022, la société de droit espagnol Industrias Tecnologicas de Mecanizacion y Automatizacion SA, Monsieur [H] [F] et Monsieur [B] [M] ont saisi le juge de la mise en état d'un incident. 4. Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 14 novembre 2022, la société de droit espagnol Industrias Tecnologicas de Mecanizacion Automatizacion SA, Monsieur [H] [F] et Monsieur [B] [M] demandent au juge de la mise en état de : « -dire que le Protocole sur la compétence judiciaire et la reconnaissance de décisions portant sur le droit à l'obtention du brevet européen du 5 octobre 1973 est applicable au présent litige ;-constater que la demande reconventionnelle ne dérive pas des faits sur lesquels se fonde la demande originaire ;-dire et juger que le Tribunal judiciaire de Paris est incompétent pour connaître de la demande reconventionnelle en revendication de propriété formée par la société Synerlink à l'encontre de la demande de brevet européen EP 832 et de sa priorité espagnole ES 445 ;-renvoyer la société Synerlink à mieux se pourvoir devant les juridictions espagnoles ; subsidiairement :-constater l'absence de lien suffisant entre la demande originaire et la demande reconventionnelle en revendication de propriété de la demande de brevet européen EP 832 et de sa priorité espagnole ES 445 formée par la société Synerlink ;-dire et juger irrecevable la demande reconventionnelle en revendication de propriété de la demande de brevet européen EP 832 et de sa priorité espagnole ES 445 formée par la société Synerlink ;-rejeter la demande reconventionnelle en revendication de propriété de la demande de brevet européen EP 832 et de sa priorité espagnole ES 445 formée par la société Synerlink ;-en tout état de cause, réserver les frais et les dépens à la poursuite de la procédure au fond ; » 5. Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées le 11 novembre 2022, la société SA Synerlink demande au juge de la mise en état de : -débouter les demandeurs de leurs exception d'incompétence et fin de non-recevoir,-« déclarer le tribunal compétent pour juger de la demande reconventionnelle en revendication de propriété de la demande de brevet européen no3 566 832 et de sa priorité, la demande de brevet espagnol no201830445 formée par la société Synerlink »,-juger recevable cette demande reconventionnelle,-condamner la société demanderesse à lui payer la somme de 30 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. 6. Il est renvoyé aux dernières écritures des parties et à leurs observations à l'audience pour plus ample exposé des faits, moyens et prétentions qui y sont contenus. 7. Mise en délibéré, la décision a été mise à disposition le 19 janvier 2023. SUR CE Sur l'exception d'incompétence territoriale Moyens des parties 8. Les demanderesses à l'incident exposent que le droit de l'Union européenne, en particulier l'article 71 du règlement Bruxelles I bis et la jurisprudence de la Cour de justice, prévoit que les règles de compétence prévues par d'autres conventions doivent disposer d'un haut degrés de prévisibilité, faciliter une bonne administration de la justice, et permettre de réduire au maximum le risque de procédures concurrentes. Elles estiment, au regard de ces critères, que la demande reconventionnelle ne peut être présentée devant la présente juridiction alors que les articles 1er et 2 du protocole sur la reconnaissance prévu par la Convention de Munich du 5 octobre 1973 désignent comme territorialement compétente la juridiction du domicile du titulaire du brevet, ici les juridictions espagnoles. 9. La société Synerlink soutient que le principe de primauté du droit de l'Union européenne implique que les conventions prévoyant des règles de compétence spéciales ne s'appliquent qu'à la condition de respecter les objectifs du règlement Bruxelles I bis. Elle estime que l'invention en litige est la même quoiqu'elle soit l'objet de deux brevets différents, celui de la demande principale, et celui de la demande reconventionnelle. Elle considère que, dans une telle situation d'identité de fait, accueillir l'exception méconnaîtrait les critères prévus par le règlement Bruxelles I bis et la jurisprudence de la Cour de justice, en particulier la recherche d'une bonne administration de la justice et l'économie de procédure concurrente et inconciliables. Elle estime donc les juridictions françaises compétentes pour connaître de la demande reconventionnelle. Appréciation de la juridiction 10. Les articles 1er et 2 du protocole sur la compétence judiciaire et la reconnaissance de décisions portant sur le droit à l'obtention du brevet européen du 5 octobre 1973, partie intégrante de la convention sur le brevet européen conclue à Munich le 5 octobre 1973 selon l'article 164 de ladite convention, disent que « article premier : (1) Pour les actions intentées contre le titulaire d'une demande de brevet européen visant à faire valoir le droit à l'obtention du brevet européen pour un ou plusieurs des États contractants désignés dans la demande de brevet européen, la compétence des tribunaux des États contractants est déterminée conformément aux articles 2 à 6. (?) article 2 Sous réserve des articles 4 et 5, le titulaire d'une demande de brevet européen ayant son domicile ou son siège dans l'un des États contractants est attrait devant les juridictions dudit État contractant ». 11. Les articles 4, 7 et 8 du règlement no1215/2012 du 12 décembre 2021 dit « Bruxelles I bis » disposent que : « article 4, 1. Sous réserve du présent règlement, les personnes domiciliées sur le territoire d'un État membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet État membre. (...) Article 7 une personne domiciliée sur le territoire d'un État membre peut être attraite dans un autre État membre: (...). Article 8 « une personne domiciliée sur le territoire d'un État membre peut aussi être attraite: 1) s'il y a plusieurs défendeurs, devant la juridiction du domicile de l'un d'eux, à condition que les demandes soient liées entre elles par un rapport si étroit qu'il y a intérêt à les instruire et à les juger en même temps afin d'éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément ; (...) 3) s'il s'agit d'une demande reconventionnelle qui dérive du contrat ou du fait sur lequel est fondée la demande originaire, devant la juridiction saisie de celle-ci (?) ». 12. L'article 71 du règlement no1215/2012 du 12 décembre 2021 dit que « 1. le présent règlement n'affecte pas les conventions auxquelles les États membres sont parties et qui, dans des matières particulières, règlent la compétence judiciaire, la reconnaissance ou l'exécution des décisions. / 2. En vue d'assurer son interprétation uniforme, le paragraphe 1 est appliqué de la manière suivante: a) le présent règlement ne fait pas obstacle à ce qu'une juridiction d'un État membre partie à une convention relative à une matière particulière puisse fonder sa compétence sur une telle convention, même si le défendeur est domicilié sur le territoire d'un autre État membre non partie à une telle convention. La juridiction saisie applique, en tout cas, l'article 28 du présent règlement ; b) les décisions rendues dans un État membre par une juridiction ayant fondé sa compétence sur une convention relative à une matière particulière sont reconnues et exécutées dans les autres États membres conformément au présent règlement. / Si une convention relative à une matière particulière et à laquelle sont parties l'État membre d'origine et l'État membre requis détermine les conditions de reconnaissance et d'exécution des décisions, il est fait application de ces conditions. Il peut, en tout cas, être fait application des dispositions du présent règlement relatives à la reconnaissance et à l'exécution des décisions ». 13. La Cour de justice de l'Union européenne, rappelle que la règle de l'article 71 précitée n'est pas applicable aux domaines exclus du champ d'application dudit règlement mentionnés à son article 1er (v. CJUE, 13 mai 2015 «Gazprom» OAO, C-536/13, §42-43) 14. La Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit, par son arrêt TNT Express Nederland BV du 4 mai 2010, dans l'affaire C-533/08 que « l'article 71 du règlement (CE) no 44/2001 du Conseil, du 22 décembre 2000, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, doit être interprété en ce sens que, dans une affaire telle que celle au principal, les règles de compétence judiciaire, de reconnaissance et d'exécution prévues par une convention relative à une matière particulière, (?) s'appliquent, à condition qu'elles présentent un haut degré de prévisibilité, facilitent une bonne administration de la justice et permettent de réduire au maximum le risque de procédures concurrentes, et qu'elles assurent, dans des conditions au moins aussi favorables que celles prévues par ledit règlement, la libre circulation des décisions en matière civile et commerciale et la confiance réciproque dans la justice au sein de l'Union (favor executionis) » (v. également en ce sens, CJUE, 20 juin 2022, London Steam-Ship Owners' Mutual Insurance Association Limited, C-700/20, §56) . 15. La Cour de justice a pu rappeler que selon l'article 71 précité « les règles relatives à la compétence judiciaire, à la reconnaissance ou à l'exécution des décisions prévues par les conventions spéciales auxquelles les États membres étaient déjà parties au moment de l'entrée en vigueur de ce règlement ont, en principe, pour effet d'écarter l'application des dispositions de ce règlement portant sur la même question » (CJUE, 4 septembre 2014, Nickel & Goeldner Spedition GmbH, C-157/13, §37). En outre, elle rappelle qu'« une disposition de l'Union (...) qui accorde la priorité à l'application d'une convention bilatérale ne saurait avoir une portée qui soit en conflit avec les principes sous-tendant la législation dont elle fait partie » (CJUE, 16 mai 2013, Janina Wencel, C-589/10, §37-39). 16. Il sera rappelé que méconnaît l'article 8, paragraphe 1, du règlement no1215/2012 du 12 décembre 2021 la juridiction qui se déclare incompétente pour statuer sur des atteintes invoquées à des parties nationales d'un brevet européen sans rechercher si le fait de juger séparément les actions n'était pas susceptible de conduire à des solutions inconciliables. 17. Il résulte de l'article 14 du Code civil que le demandeur français, dès lors qu'aucun critère ordinaire de compétence n'est réalisé en France, peut valablement saisir le tribunal français qu'il choisit en raison d'un lien de rattachement de l'instance au territoire français, ou, à défaut, selon les exigences d'une bonne administration de la justice. 18. Les rappels de droit précités aux points 16. et 17., repris par la présente juridiction, sont issus de la jurisprudence de la Cour de cassation, en particulier de l'arrêt de la première chambre civile du 29 juin 2022, (pourvoi no 21-11.085). 19. En l'espèce, à titre liminaire, il est rappelé que l'action des trois demandeurs a pour objet la revendication et le transfert d'un brevet français d'une part, et d'un brevet européen d'autre part. Elle relève donc de la compétence de la juridiction française par application des articles 1er et 2 du protocole sur la reconnaissance de décisions portant sur le droit à l'obtention du brevet européen du 5 octobre 1973 précité. 20. L'exception d'incompétence, soulevée devant la présente juridiction, ne vise que la demande reconventionnelle de la société SA Synerlink en revendication de la demande de brevet européen no 3 566 832 et de sa priorité, la demande de brevet espagnol no201830445. 21. Il n'est pas contesté que la demande brevet européen no 3 566 832 et sa priorité, la demande de brevet espagnol no201830445, sont déposés par la société Industrias Tecnologicas de Mecanizacion y Automatizacion. 22. Les parties débattent du droit applicable, opposant réciproquement la règle du domicile du titulaire de la demande de brevet européen issue du protocole sur la reconnaissance, et la règle spéciale prévoyant qu'une demande reconventionnelle, dérivant du fait sur lequel est fondé la demande originaire, peut être présentée devant la juridiction saisie de celle-ci en application de l'article 8, paragraphe 3), du règlement Bruxelles I bis. 23. Les brevets d'invention ne sont pas mentionnés parmi les matières exclues à l'article 1er du règlement Bruxelles I bis qui s'applique donc. 24. Comme le relèvent les demandeurs, la règle du domicile du titulaire de la demande de brevet européen issue du protocole sur la reconnaissance est une règle de compétence judiciaire, de reconnaissance et d'exécution prévues par une convention relative à une matière particulière au sens de l'article 71 du règlement Bruxelles I bis. 25. Le domicile du titulaire de la demande des brevets objet de la demande reconventionnelle est l'Espagne, ce qui entraîne, par principe, la compétence du juge espagnol. Cette règle de principe ne peut être écartée qu'à la condition que les critères fixés par l'arrêt TNT Express Nederland BV du 4 mai 2010 soient, en tout ou partie, méconnus. 1. Le haut degrés de prévisibilité 26. Il est d'abord constaté que la règle de compétence prévue par le protocole sur la reconnaissance présente un haut degré de prévisibilité puisqu'elle s'articule autour de la compétence conférée à la juridiction du domicile ou du siège du titulaire d'une demande de brevet européen lorsque celui-ci a son domicile ou son siège dans l'un des États contractants, lequel présente un lien étroit avec l'objet du litige qui porte sur le droit l'obtention du brevet européen. 27. Ce critère étant démontré, il ne peut donc justifier d'écarter l'application de la règle de compétence prévue par le protocole sur la reconnaissance au profit du règlement Bruxelles I bis. 2. La préservation de la libre circulation des décisions en matière civile et commerciale et de la confiance réciproque dans la justice 28. La décision à intervenir au fond, devant appliquer le droit espagnol, est susceptible de produire ses effets par application du principe de reconnaissance mutuelle des décision judiciaires garantissant ainsi la libre circulation des décisions en matière civile et commerciale dans des conditions aussi favorables que le règlement Bruxelles I bis et la confiance réciproque dans la justice. 29. Il en irait toutefois de même d'une décision d'une juridiction espagnole désignée en application des règles définies par le protocole sur la reconnaissance. 30. Ces critères ne peuvent donc justifier d'écarter l'application de la règle de compétence prévue par le protocole sur la reconnaissance au profit du règlement Bruxelles I bis. 3. La bonne administration de la justice et la réduction du risque de procédures concurrentes 31. Il y a lieu de relever que les brevets ou demandes de brevets en litige ont pour objet un procédé de prédécoupe de pots en plastique reposant sur un positionnement particulier de lames se faisant face, ou légèrement décalée, devant permettre de recourir à de nouveaux matériaux plastiques plus souples et plus efficients, à l'exclusion d'anciens matériaux plastiques plus rigides. Cette circonstance est démontrée par les arguments respectifs des parties qui indiquent que leur adversaire a eu connaissance du procédé à l'occasion soit d'une négociation entre elles, soit du départ d'un salarié ayant rejoint sa concurrente. 32. Les parties revendiquent ainsi des technologies ayant le même objet et dénoncent les dépôts de brevets adverses comme faits en fraude de leurs droits. 33. La demande reconventionnelle relève ainsi d'une même situation de fait que celle ayant initié la demande principale. 34. Il ressort en outre clairement des articles 2, paragraphe 2, et 64 de la convention du 5 octobre 1973 qu'un brevet européen est régi par la réglementation nationale de chacun des Etats contractants pour lesquels il a été délivré. 35. La demande reconventionnelle relève ainsi d'une même situation de droit que celle ayant initié la demande principale. 36. Il est constaté qu'au jour de la saisine du tribunal en état de la demande reconventionnelle en litige, le juge espagnol n'était pas saisi d'une demande similaire. 37. Relevant d'une même situation de fait et de droit que la demande principale, en l'absence de saisine d'une juridiction d'un autre Etat, l'extension du litige au brevet à la demande brevet européen no 3 566 832 et sa priorité, la demande de brevet espagnol no201830445 réduit le risque de procédures concurrentes. 38. A l'inverse, au cas présent, la coéxistence de deux procédures distinctes devant les juridictions de deux Etats différents peut aboutir à ce qu'il ne soit pas tenu compte du lien étroit entre les technologies en litige et à ce que deux solutions inconciliables soient prises. 39. Juger des demandes à l'occasion d'une même instance, devant une juridiction déjà saisie de faits comparables au principal, relève ainsi d'une bonne administration de la justice afin de ne pas multiplier les tribunaux connaissant de mêmes faits et permet de réduire le risque de procédures concurrentes ou décisions inconciliables. 40. L'application des critères de bonne administration de la justice et de réduction du risque de procédures concurrentes justifie donc d'écarter la règle de compétence prévue par le protocole sur la reconnaissance au profit du règlement Bruxelles I bis, en particulier de son article 8, paragraphe 3). 41. En outre, il sera relevé que la convention sur la délivrance des brevets européens du 5 octobre 1973, ainsi que l'énonce son article 1er, organise un « droit commun aux États contractants en matière de délivrance de brevets d'invention ». Parmi ses objectifs figure la normalisation des règles relatives à la durée du brevet, à la notion d'invention et aux exigences en matière de brevetabilité. 42. La compétence de la présente juridiction pour statuer sur la demande reconventionnelle ne méconnaît donc pas les principes qui sous-tendent la convention du 5 octobre 1973. 43. Les juridictions françaises sont donc compétentes pour connaître de la demande reconventionnelle. 44. L'exception d'incompétence territoriale est rejetée. Sur la fin de non-recevoir Moyens des parties 45. Les sociétés demanderesses à l'incident exposent que la demande est irrecevable sur le fondement des articles 70, 122 et 124 du code de procédure civile en l'absence d'un lien suffisant de la demande reconventionnelle avec les prétentions de la demande principale. 46. La société Synerlink explique, sur le fondement de l'article 70 du code de procédure civile, qu'un lien suffisant existe entre sa demande reconventionnelle et la demande principale alors que, selon son argument, les demandes ont pour origine les mêmes faits. Appréciation de la juridiction 47. Aux termes de l'article 70 du code de procédure civile, « les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant. / Toutefois, la demande en compensation est recevable même en l'absence d'un tel lien, sauf au juge à la disjoindre si elle risque de retarder à l'excès le jugement sur le tout ». 48. En l'espèce, ainsi qu'il précède, la demande reconventionnelle et la demande principale portent sur des brevets différents mais qui concernent sur des technologies ayant le même objet et comparables. 49. En réponse au moyen des demanderesses à l'incident, il sera précisé que les différents arguments qu'elles avancent pour souligner les différences entre les brevets d'une part, et entre les brevets déposés par la société Synerlink et l'enveloppe Soleau d'autre part, ne démontrent pas l'absence de lien suffisant entre la demande principale et la demande reconventionnelle. 50. Au contraire, ces arguments relèvent d'une discussion au fond démontrant la proximité des technologies en litige. 51. Il convient, par voie de conséquence, d'écarter la fin de non-recevoir. Sur les demandes accessoires 52. Le litige demeurant pendant devant le tribunal judiciaire, il convient de réserver la demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS Le juge de la mise en état, statuant par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire et en premier ressort : REJETTE l'exception d'incompétence territoriale portant sur la demande reconventionnelle en revendication de propriété formée par la société Synerlink à l'encontre de la demande de brevet européen EP 832 et de sa priorité espagnole ES 445, REJETTE la fin de non-recevoir tirée de l'absence de lien suffisant de la demande reconventionnelle en revendication de propriété formée par la société Synerlink à l'encontre de la demande de brevet européen EP 832 et de sa priorité espagnole ES 445, avec la demande principale, RÉSERVE la demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile. RENVOIE l'affaire à la mise en état dématérialisée du 14 février 2023 à 10h00 pour organisation d'un calendrier de procédure au fond. Faite et rendue à Paris, le 19 janvier 2023. LA GREFFIÈRE LE JUGE DE LA MISE EN ETAT | x |
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JURITEXT000047454945 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/45/49/JURITEXT000047454945.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 20 janvier 2023, 22/09365 | 2023-01-20 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 22/09365 | CT0196 | TRIBUNAL JUDICIAIREDE PARIS 3ème chambre2ème section No RG 22/09365No Portalis 352J-W-B7G-CXTZG No MINUTE : Assignation du :04 Août 2022 ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ MAINLEVÉErendue le 20 Janvier 2023 DEMANDEURS S.A.S. EVERDRUG[Adresse 5][Localité 8] Monsieur [Z], [D] [I][Adresse 1][Localité 7] Monsieur [L] [A][Adresse 4][Localité 8] représentés par Maître Guy LAMBOT de la SELEURL LAMBOT AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B0733 DÉFENDEURS Monsieur [P] [E][Adresse 2][Localité 9] S.A.S.U. AB CUBE[Adresse 3][Localité 6] représentés par Maître Alain BENSOUSSAN de la SELAS ALAIN BENSOUSSAN SELAS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E0241 COMPOSITION Monsieur Arthur COURILLON-HAVY, Jugeassisté de Monsieur Quentin CURABET, Greffier, DÉBATS A l'audience du 20 Octobre 2022, avis a été donné aux avocats que l'ordonnance serait rendue, en dernier lieu, le 20 Janvier 2023 ORDONNANCE Rendue publiquement par mise à disposition au greffeContradictoireEn premier ressort_________________________ EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE Origine du litige et procédure 1. M. [P] [E] et M. [L] [A] ont fondé en 2006, avec un troisième associé, la société AB cube, dont ils étaient tous deux codirigeants, afin d'exploiter un logiciel de pharmacovigilance intitulé ‘SafetyEasy' et développé par M. [E]. Pour des raisons sur lesquelles les parties s'opposent, M. [A] a créé le 1er avril 2013 avec trois associés une société concurrente, Evedrug, qui commercialise une suite logicielle dénommée ‘eVeReport', développée par M. [D] [I], devenu depuis salarié et associé de la société Evedrug. Pour sa part, M. [E] est devenu le seul dirigeant et le seul associé de la société AB cube en 2014. 2. Affirmant avoir découvert en 2017, à partir d'informations remises par un client potentiel, que le logiciel eVeReport reproduisait illégalement des éléments de son logiciel SafetyEasy, M. [E] et sa société ont pratiqué une saisie-contrefaçon au domicile de M. [I] le 14 mai 2019 (et tenté d'en pratiquer une le même jour à celui de M. [A], sans succès), puis ont assigné la société Evedrug, M. [A] et M. [I] en contrefaçon de droits d'auteur le 21 mai 2019. 3. Lors de la saisie-contrefaçon du 14 mai 2019 chez M. [I] ont été copiés, d'une part, le code source du logiciel eVeReport et la structure de la base de donnée (« structure BDD la plus récente »), qui ont été placés sous séquestre, d'autre part divers documents qui ont été annexés au procès-verbal de saisie, dont des courriels répondant à certains mots-clés. Alors que le juge de la mise en état avait ordonné une expertise pour comparer le logiciel saisi avec le logiciel SafetyEasy, et que la saisie avait été maintenue par le délégué du président en la cantonnant seulement à des mots-clés plus restrictifs, la cour d'appel de Paris, le 6 novembre 2020, en a ordonné la mainlevée totale, et la restitution des copies informatiques, au motif que l'oeuvre invoquée n'était pas identifiée, ni ce qui en faisait prétendument l'originalité. La demande de M. [E] et de sa société de modifier la mission de l'expert pour lui soumettre des « dumps » qu'ils détenaient à la place des éléments saisis a ensuite été rejetée par le juge de la mise en état le 6 juillet 2021 au motif que ces éléments n'étaient pas un point de comparaison fiable ni complet. 4. Parallèlement, les défendeurs ont obtenu sur requête le 3 juin 2020 la communication, par l'Agence de protection des programmes, des dépôts faits par une société Cetonia, ancien employeur de M. [E], liquidée à partir de 2008, et dont l'ancien dirigeant avait attesté que le logiciel SafetyEasy était en fait une copie du sien ; et ils ont demandé au juge de la mise en état d'étendre l'expertise à la comparaison de ces deux logiciels. Le juge de la mise en état, qui avait repoussé sa décision en raison de l'arrêt rendu sur la saisie-contrefaçon, n'a jamais statué à ce sujet, qu'il a considéré dans son ordonnance du 6 juillet 2021 comme relevant « d'un incident distinct ». Depuis, l'expertise a été suspendue, puis a pris fin, et la rémunération de l'expert a été taxée le 14 décembre 2021, de sorte que la demande en extension de mission n'a plus d'objet. Nouveaux incidents 5. C'est en cet état que les demandeurs au principal, M. [E] et la société AB cube, ont obtenu le 20 mai 2022 du juge de la mise en état l'autorisation de pratiquer une nouvelle saisie-contrefaçon, cette fois au sein d'une société Claranet, hébergeur du logiciel eVeReport, saisie-contrefaçon qui a été pratiquée le 18 juillet. La société Evedrug, M. [I] et M. [A] (les défendeurs au principal) ont assigné M. [E] et la société AB cube en mainlevée de cette mesure le 4 aout 2022. C'est la nouvelle procédure en « référé mainlevée ». 6. Par ailleurs, reprochant aux mêmes M. [E] et société AB cube de produire dans la procédure principale un courriel du 20 juillet 2017, avec ses pièces-jointes, qui aurait été obtenu par la première saisie-contrefaçon, la société Evedrug et MM. [I] et [A] ont formé un nouvel incident le 25 mai 2022 pour voir écarter ces pièces des débats. C'est l'incident en rejet de pièces. 7. Enfin, par des conclusions d'incident distinctes, M. [E] et la société AB cube ont demandé le 22 juillet 2022 au juge de la mise en état la levée du scellé des pièces saisies le 18 juillet lors de la 2e saisie-contrefaçon, et de désigner un nouvel expert pour comparer les logiciels. C'est la nouvelle demande d'expertise. 8. La nouvelle procédure en référé mainlevée et l'incident en rejet de pièces, soumis au même juge (pour la première, en tant que juge de la mainlevée, pour le second, en tant que juge de la mise en état), ont été entendus ensemble le 20 octobre 2022. La nouvelle demande d'expertise n'a pas encore été audiencée. La présente décision concerne la mainlevée. Prétentions des parties sur la saisie-contrefaçon du 18 juillet 2022 9. La société Evedrug et MM. [I] et [A], dans leurs dernières conclusions du 19 octobre 2022, demandent la mainlevée de la saisie et la restitution à M. [A] ou la destruction des copies réalisées à cette occasion, sous astreinte, et le paiement de 2 000 euros à chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 10. M. [E] et la société AB cube, dans leurs dernières conclusions du 19 octobre 2022, résistent aux demandes, contestent la qualité de la société Evedrug et MM. [I] et [A] à agir en mainlevée d'une saisie pratiquée chez un tiers, et réclament eux-mêmes 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et la distraction des dépens au profit de leur avocat. Moyens des parties pour la saisie-contrefaçon 11. Sur le droit d'agir en mainlevée, M. [E] et la société AB cube soutiennent que la saisie ayant été directement pratiquée chez la personne désignée dans l'ordonnance, à savoir la société Claranet, ni M. [A] ou M. [I] ni la société Evedrug n'a qualité de saisi ou de tiers saisi, seul à être autorisé par l'article L. 332-2 du code de la propriété intellectuelle à agir en mainlevée. Ceux-ci répondent que les données ont précisément été saisies chez un tiers qui les détenait pour leur compte, et qu'en tout état de cause étant visés dans la requête et dans la procédure principale, ils ont un intérêt certain à solliciter la mainlevée. 12. Sur le fond de la demande en mainlevée, la société Evedrug et MM. [A] et [I] soutiennent en substance, en premier lieu, que la requête était déloyale en ce qu'elle aurait occulté deux éléments remettant en cause la titularité des droits d'auteur ainsi que deux éléments remettant en cause l'existence d'une contrefaçon : sur la titularité, elle aurait occulté d'une part la demande formée par les défendeurs au principal de comparer le logiciel Safety easy avec le logiciel antérieur de la société Cetonia, et d'autre part l'existence, ou non, d'une cession des droits d'auteur sur le logiciel à l'occasion de la cession de la totalité du capital de la société AB cube à une société tierce, M. [E] n'étant resté que le dirigeant d'AB cube, alors qu'il serait logique que le cessionnaire de la société ou une société de son groupe se soit aussi fait céder les droits sur le logiciel. Sur la contrefaçon, elle aurait occulté d'une part le fait que les conclusions du 19 janvier 2022, produites au soutien de la requête, contenaient un courriel et ses pièces-jointes obtenus lors de la première saisie-contrefaçon dont la mainlevée a été ordonnée, pièces dont ils « savaient » qu'elles allaient faire l'objet d'une contestation de ce fait ; et d'autre part que l'expertise comparative privée dont elle se prévaut est fondée sur le même dump que le juge de la mise en état a estimé dépourvu de valeur probante. 13. La société Evedrug et MM. [I] et [A] soutiennent, en deuxième lieu, que les requérants ont violé le principe de la contradiction, d'une part en annexant leurs conclusions de fond à la requête, ce qui aurait rendu flou le contour des motivations de celle-ci, d'autant plus que la saisie a eu lieu l'été et en retardant délibérément de 7 jours la notification de la saisie à leur égard, ce qui aurait diminué leur délai pour analyser les motifs de l'ordonnance et former leur recours ; et d'autre part en ce que ces conclusions au fond contenaient la reproduction des pièces qui allaient faire l'objet d'une contestation, ce qui reviendrait à s'affranchir du débat contradictoire à ce sujet. 14. En troisième lieu, à titre principal, il exposent que, selon l'article 789 du code de procédure civile dans sa rédaction en vigueur lors de l'introduction de l'instance au principal, seul le tribunal est compétent pour trancher les fins de non-recevoir, de sorte que le juge des requêtes, qui ne pourrait pas apprécier la qualité à agir des requérants, ne pourrait dès lors pas autoriser la saisie-contrefaçon. Et, à titre subsidiaire, ils exposent qu'en toute hypothèse les requérants ne démontrent toujours pas leur droit d'agir, en ce qu'ils n'identifieraient pas l'oeuvre invoquée, ni la titularité des droits qu'ils invoquent à son égard, ni son originalité. 15. En particulier, sur la titularité et l'identification de l'oeuvre, ils avancent que si une version précise du logiciel est invoquée par le requérants, les développements relatifs à la titularité ne correspondraient pas à cette version, notamment au regard de sa date ; que la société AB cube et M. [E] ne pourraient se dire tous les deux titulaires de la totalité des droits sur la même oeuvre ; que le dépôt à l'APP invoqué par le second n'est pas une preuve de la qualité d'auteur ; que la présomption de commercialisation ne serait pas constituée, en l'absence des caractéristiques du logiciels et de date du début de la commercialisation ; et que cette présomption serait au demeurant inopérante car le logiciel serait revendiqué par un tiers, l'ancien dirigeant de la société Cetonia. 16. Et, contre les faits de contrefaçon allégués, ils font valoir les éléments déjà cités au sujet de la dissimulation déloyale, et contestent plus généralement les allégations des demandeurs au principal, les estimant en substance non prouvées, non pertinentes, ou insuffisantes. 17. En réponse, la société AB cube et M. [E] contestent avoir rien occulté ; estiment qu'ils pouvaient joindre à leur requête les conclusions des parties dans l'instance principale, et qu'on leur aurait même reproché de ne pas le faire ; et qu'à la date de leur requête, aucune contestation n'était née sur les pièces qui y étaient mentionnées. 18. Sur la titularité des droits invoqués, ils exposent notamment que la société AB cube exploite le logiciel et qu'en vertu de l'article L. 131-9 du code de la propriété intellectuelle les droits sur les logiciens créés par ses salariés lui sont dévolus. Sur l'originalité, ils soutiennent qu'elle n'a pas à être justifiée au stade de la requête, et exposent subsidiairement en quoi, selon eux, elle est en toute hypothèse caractérisée. 19. Sur la preuve de la contrefaçon alléguée, enfin, ils expliquent avoir obtenu à 3 reprises, de la part de clients souhaitant remplacer le logiciel eVeReport par SafetyEasy, des « dumps », c'est-à-dire des extraits contenant leurs données, qui révèleraient que celles-ci, issues de eVeReport, étaient structurées et organisées de la même façon que dans la version 3.136.175 de SafetyEasy, avec en particulier le même « moteur » (ou « socle technique ») inhabituel, une même « erreur » tenant à l'absence de « convention de nommage », une similitude inhabituelle des noms des champs de la base de donnée, allant jusqu'à des erreurs identiques de langue anglaise ou de méthode de nommage. Une comparaison réalisée ensuite spécifiquement sur la partie de ces dumps en langage XML montrerait également des identités. Les interfaces des deux logiciels seraient également similaires, bien au-delà du nécessaire. Enfin la contrefaçon ressortirait de ce que le concepteur du logiciel eVeReport aurait précédemment eu accès au code source de SafetyEasy dans son précédent emploi chez un prestataire ayant effectué une mission chez AB cube. MOTIVATION I . Demande en mainlevée de la saisie-contrefaçon 20. La saisie-contrefaçon en matière de logiciel est prévue par l'article L. 332-4 du code de la propriété intellectuelle, qui prévoit notamment que toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon est en droit de faire procéder en tout lieu et par tous huissiers, le cas échéant assistés d'experts désignés par le demandeur, en vertu d'une ordonnance rendue sur requête par la juridiction civile compétente, soit à la description détaillée, avec ou sans prélèvement d'échantillons, soit à la saisie réelle du logiciel ou de la base de données prétendument contrefaisants ainsi que de tout document s'y rapportant ; et que la saisie-description peut se concrétiser par une copie des logiciels ou des bases de données prétendument contrefaisants. 21. L'article L. 332-2 du même code, applicable à la saisie-contrefaçon de logiciels (Cass. 1re Civ., 19 mai 1998, no96-19.225), prévoit que dans un délai fixé par voie réglementaire, le saisi ou le tiers saisi peuvent demander au président du tribunal judiciaire de prononcer la mainlevée de la saisie ou d'en cantonner les effets. 1 . Qualité à agir en mainlevée 22. La saisie a eu lieu chez un tiers, la société Claranet, pour obtenir des preuves contre la société Evedrug et MM. [I] et [A], en saisissant des données informatiques leur appartenant. Ils ont donc manifestement la qualité de saisi, tandis que la société Claranet a celle de tiers saisi. La fin de non-recevoir est donc écartée. 2 . Bienfondé de la demande en mainlevée de la saisie-contrefaçon a. Indifférence de l'originalité de l'oeuvre invoquée 23. La Cour de cassation estime que « L'auteur, ses ayants droit ou ses ayants cause ont qualité pour agir en contrefaçon et solliciter à cet effet l'autorisation, par ordonnance rendue sur requête, de faire procéder à des opérations de saisie-contrefaçon, sans avoir à justifier, au préalable, de l'originalité de l'oeuvre sur laquelle ils déclarent être investis des droits d'auteur », et elle interdit au juge du fond d'apprécier l'originalité à ce stade (Cass. 1re Civ., 6 avril 2022, no20-19.034, points 20 à 22). 24. Les moyens tenant à l'originalité sont donc inopérants, et le juge de la saisie-contrefaçon doit tenir pour acquis l'existence de droits d'auteur sur l'objet invoqué, quel qu'il soit, afin d'analyser si le requérant est titulaire de ces droits et si ceux-ci sont susceptibles d'être enfreints par la personne visée par la saisie-contrefaçon. b. Possibilité pour le juge de la requête et de la mainlevée d'apprécier l'ensemble des éléments pertinents 25. Le juge de la requête en saisie-contrefaçon et de la mainlevée de cette mesure doit, évidemment, apprécier l'ensemble des éléments du litige susceptibles de la justifier. Que certains de ces éléments relèvent du droit d'agir des demandeurs au principal, et que, dans l'instance au principal, les fin de non-recevoir ne relèvent pas du pouvoir du juge de la mise en état, est à l'évidence indifférent, et le moyen soulevé à cet égard par la société Evedrug et MM. [A] et [I] est dépourvu de sérieux. c. Identification de l'oeuvre et titularité des droits à son égard 26. La société AB cube et M. [E] justifient que celui-ci a déposé à l'Agence de protection des programmes, à son nom, plusieurs version du logiciel SafetyEasy, dont en 2014 la version 3.136.175 sur laquelle ils fondent leur action en contrefaçon (leurs pièces no1, no2 et no3). Ils démontrent également que la société AB cube exploite commercialement différentes versions d'un logiciel dénommé SafetyEasy sous son nom, depuis 2006 (pièces no16, no18). Il existe certes une confusion importante quant au détail des versions exploitées au fur et à mesure, et aucune pièce ne concerne précisément l'exploitation par la société AB cube de la version 3.136.175 ; mais l'ancienneté et la continuité de l'exploitation, par la même société, d'un logiciel toujours dénommé de la même manière, sans que soit allégué et moins encore démontré qu'à un quelconque moment ce logiciel ou une de ses déclinaisons ait pu être exploité par une autre entreprise, suffisent à caractériser, a minima pour les besoins d'une saisie-contrefaçon, la présomption d'exploitation, au profit de la société AB cube, de l'ensemble des versions du logiciel SafetyEasy, y-compris donc la version 3.136.175. 27. Quant à l'affirmation de l'ancien dirigeant de la société Cetonia selon laquelle M. [E] aurait lui-même copié le logiciel de celle-ci, elle exprime la revendication, par ce tiers, de la création d'un autre logiciel, dénommé DragonFly, et non du logiciel SafetyEasy ; que le second soit une reproduction du premier peut certes le priver d'originalité s'il ne contient pas par ailleurs d'autres caractéristiques originales, mais cela ne concerne pas l'identité de son créateur : qu'il soit une oeuvre ou non, et qu'il soit distinct ou non d'un logiciel précédent, l'objet particulier qu'est le logiciel dénommé SafetyEasy a été créé par M. [E], et ses versions ultérieures par la société AB cube. Il est dès lors indifférent, pour déterminer le titulaire des droits d'auteurs sur le logiciel SafetyEasy, que ce logiciel soit lui-même la copie d'une oeuvre antérieure ; ce débat n'intéresse que l'originalité (qui certes conditionne théoriquement l'existence même des droits d'auteurs et donc la possibilité d'en être titulaire, mais dans le cas particulier de la saisie-contrefaçon, l'originalité doit être tenue pour acquise, cf ci-dessus partie a. ). 28. Ainsi, pour apprécier la possibilité de maintenir la saisie-contrefaçon, la société AB cube peut être considérée comme titulaire des droits d'auteurs de la version 3.136.175 du logiciel SafetyEasy. d. Preuves raisonnablement accessibles de la contrefaçon et proportionnalité de la mesure 29. La directive 2004/48 sur la protection des droits de propriété intellectuelle, qui vise à atteindre dans l'Union européenne un niveau élevé de protection, impose aux États membres de veiller à ce qu'à la demande d'une partie qui a présenté des éléments de preuve raisonnablement accessibles et suffisants pour étayer ses allégations et précisé les éléments de preuve à l'appui de ses allégations qui se trouvent sous le contrôle de la partie adverse, les autorités judiciaires compétentes puissent ordonner que ces éléments de preuve soient produits par la partie adverse, sous réserve que la protection des renseignements confidentiels soit assurée (article 6 de la directive). Par ailleurs, l'article 3, paragraphe 2, de la directive impose que les mesures, procédures et réparations soient notamment effectives et proportionnées. 30. Or les seules déclarations du requérant, fussent-elles détaillées, ne permettent pas de contrôler la proportionnalité de la mesure envisagée ; des preuves raisonnablement accessibles sont donc nécessaires quand bien même le texte national ne le mentionne pas expressément, et l'article L. 332-4 du code de la propriété intellectuelle doit donc être interprété en ce sens. Mais, pour permettre l'effectivité d'une mesure dont l'objet est précisément la recherche de preuves, le niveau d'exigence probatoire doit être aussi limité que possible, et adapté à la situation des parties dans chaque espèce. 31. Au cas présent, les demandeurs au principal justifient notamment la saisie-contrefaçon par des ressemblances entre la structure des bases de données issues respectivement de leur logiciel et du logiciel eVeReport de leur concurrente. Ces ressemblances ont été constatées et expliquées par un certain [Y] [J], dans un rapport du 12 janvier 2022 (pièce AB cube no23). Si la qualité de ce M. [J] n'est pas démontrée, ce qui ne permet pas de donner du crédit à ses affirmations techniques qui excèdent les connaissances générales de la juridiction, il réalise toutefois un certain nombres de comparaisons objectives, non seulement entre les deux logiciels en cause, mais également avec deux autres logiciels concurrents. Ainsi, les bases de données issues des logiciels SafetyEasy et eVeReport fonctionnent avec le « moteur » MySQL et sont doublées par des fichiers XML, ce qui n'est pas le cas des autres moteurs ; leurs « champs » (les différentes catégories de données) ont le même nom pour un tiers d'entre eux, alors que ce n'est le cas qu'à hauteur de 8% avec les deux autres logiciels examinés ; ces noms contiennent également quelques anomalies ou incongruités identiques, telles que l'omission (ou l'oubli) d'un ‘n' dans « reportergivename » (au lieu de reportergivenname). 32. Ces ressemblances dans les bases de données issues des logiciels, non imposées par la fonction, le domaine ou la règlementation, ne suffiraient évidemment pas à caractériser une contrefaçon, ne serait-ce que parce qu'elles ne portent en elles-mêmes sur aucune caractéristique originale ; mais elles forment des indices d'une reprise potentiellement plus large de la version concernée du logiciel SafetyEasy. 33. Ces indices ont été observés dans des exports de bases de données obtenues par des clients ; des sauvegardes, ou dumps, dont l'authenticité est contestée par les défendeurs au principal, qui estiment ces fichiers modifiables. Toutefois, M. [J] explique de façon pertinente, dans un complément à son rapport (pièce AB cube no42, p. 3), que le dump sur lequel il s'est fondé a été obtenu sur un espace de stockage partagé en ligne (cloud) appartenant à la société Microsoft, et qui indique, d'une façon échappant au contrôle de la société AB cube, que la dernière modification de ce dump remonte au 29 octobre 2019. Cette date est postérieure à l'ordonnance ayant maintenu la première saisie-contrefaçon (17 octobre 2019), et antérieure à l'appel formé contre cette ordonnance par M. [I] (5 décembre 2019). Les demandeurs au principal n'avaient alors aucune raison d'anticiper le besoin de recourir un jour à ce dump en remplacement du code source dont ils disposaient encore. Si, comme l'a déjà indiqué le juge de la mise en état dans une précédente ordonnance, la fiabilité de ce fichier reste trop faible pour fonder une condamnation au fond, il peut néanmoins en être déduit qu'il ne s'agit pas d'une preuve pré-constituée, mais bien d'un élément externe produit par un client, suffisamment crédible pour justifier les allégations de contrefaçon pour les besoins de la saisie-contrefaçon. 34. Toutefois, la comparaison justifiant ces allégations s'est fondée sur une version 5 du logiciel SafetyEasy, et non sur la version 3.136.175. Or, d'une part, il ne peut être présumé que la version antérieure contenait les mêmes caractéristiques communes au logiciel litigieux que la version étudiée par M. [J] ; et, d'autre part, il n'est pas établi que cette version 5 soit antérieure à la version du logiciel eVeReport ayant produit le dump étudié par M. [J]. Cette comparaison est dès lors insuffisante en elle-même à justifier des allégations de contrefaçon, tant parce qu'elle s'appuie sur des caractéristiques dont il n'est pas établi qu'elles se trouvent dans la version antérieure 3.136.175, que parce qu'elle s'appuie sur une version dont en tout état de cause l'antériorité n'est pas démontrée. 35. Il faut alors tenir compte du contexte de développement de chacun des logiciels en cause, pour déterminer si les ressemblances ultérieures entre eux sont susceptibles de s'expliquer par une copie antérieure de l'un par l'autre. À cet égard, il est constant que le président de la société Evedrug est l'ancien co-dirigeant de la société AB cube, et que plusieurs anciens salariés de la société AB cube ont travaillé ensuite pour la société Evedrug (Mmes [G] et [M], cf conclusions Evedrug p. 56) ; il est ainsi possible que l'information relative au logiciel SafetyEasy soit passée de la société AB cube à la société Evedrug, et ait été intégrée dans le locigiel de celle-ci. Tandis que réciproquement, aucune circonstance n'est alléguée qui pourrait, même indirectement, indiquer un passage d'informations de la société Evedrug vers la société AB cube. Ce contexte, évidemment très insuffisant à prouver une contrefaçon, permet en revanche de corroborer la comparaison des versions ultérieures de ces logiciels, qui a montré des similitudes que les défendeurs au principal n'expliquent pas, tandis qu'elles sont susceptibles de s'expliquer par une copie illicite. 36. Ces éléments de preuve aisément accessibles, au sens de la directive 2004/48 (cf ci-dessus point 30) sont certes minces mais ils suffisent à justifier une mesure probatoire dès lors d'une part qu'aucune autre preuve n'est accessible aux demandeurs au principal, et d'autre part que la mesure accomplie ne cause elle-même qu'une atteinte minimale aux intérêts des défendeurs. Tel est le cas ici, la saisie-contrefaçon n'ayant entrainé aucune divulgation de leur secret des affaires (les éléments sensibles ayant été placés sous scellé), tandis que l'analyse du code source de leur logiciel pourra se faire par l'intermédiaire d'un technicien seul habilité à en prendre connaissance. Dans cette stricte mesure, la saisie-contrefaçon en cause, qui est nécessaire afin de rendre effective la recherche de preuve, est proportionnée. e. Déloyauté dans la présentation des faits 37. Les requérants auraient d'abord occulté l'existence d'un logiciel antérieur susceptible de remettre en cause la titularité des droits sur le logiciel invoqué. Mais ainsi qu'il a été dit ci-dessus au point 27, ce logiciel antérieur est seulement susceptible d'affecter l'originalité de l'oeuvre invoquée par les requérants, et comme rappelé ci-dessus aux points 23 et 24, l'originalité est indifférente pour la saisie-contrefaçon. 38. Ils auraient également occulté l'éventuelle incidence de la cession de la société AB cube sur la cession des droits d'auteur sur le logiciel ; mais ils n'avaient pas à supposer eux-mêmes l'allégation d'un tel fait, et en toute hypothèse, il a été établi ci-dessus que les droits sur la version 3.136.175 appartenaient à la société AB cube elle-même, pour l'avoir exploitée après un développement qui a été fait par des développeurs internes. 39. Ils auraient occulté encore le fait que des pièces reproduites au sein des conclusions elles-mêmes produites au soutien de la requête feraient l'objet d'une contestation. Mais, outre que cette contestation n'était pas née à la date de la requête et qu'il ne pouvait être exigé des requérants qu'ils la devinent, elle était infondée (cf ordonnance du juge de la mise en état du 13 janvier 2023, sur l'incident en rejet de pièces). 40. Ils auraient enfin occulté le fait que l'expertise privée fondant la requête utiliserait les mêmes dumps que ceux qui avaient été jugés insuffisamment probants par le juge de la mise en état. Mais, outre que l'identité de ces éléments est assez évidente, leur faible force probante, assurément insusceptible de fonder une condamnation au fond, a toutefois été reconnue suffisante pour autoriser une mesure probatoire (cf ci-dessus point 33). Cette éventuelle dissimulation est donc elle aussi indifférente. f. Respect du principe de la contradiction 41. Il ne peut être vu une violation du principe de la contradiction dans la communication, au soutien d'une requête, des conclusions au fond de l'ensemble des parties. Et il n'en résulte aucune confusion, les motifs de l'ordonnance étant ceux de la requête elle-même, et non l'entier argumentaire des conclusions de fond. Quant à la date de la saisie, il n'était pas interdit aux requérants de la faire pratiquer le 18 juillet. g. Conclusion 42. La saisie, qui est suffisamment justifiée par des éléments de preuve aisément accessibles au regard de l'objectif d'effectivité des mesures probatoires, a causé aux défendeurs une atteinte proportionnée au regard de ces éléments de preuve, et n'encourt aucun des autres griefs soulevés par les saisis, peut être maintenue. La demande en mainlevée est par conséquent rejetée. II . Dispositions finales 43. Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. L'article 700 du même code permet au juge de condamner en outre la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre, pour les frais exposés mais non compris dans les dépens, une somme qu'il détermine, en tenant compte de l'équité et de la situation économique de cette partie. 44. La société Evedrug et MM. [A] et [I] perdent le procès, et sont donc tenus aux dépens. Ils doivent également indemniser les gagnants de leurs frais, qui peuvent être estimés, au regard de l'ampleur exceptionnelle des moyens et arguments soulevés, à 6 000 euros. PAR CES MOTIFS Le juge déjà saisi de l'affaire au principal : Rejette la demande en mainlevée de la saisie-contrefaçon, destruction et restitution ; Condamne in solidum la société Evedrug et MM. [A] et [I] aux dépens (qui pourront être recouvrés par l'avocat de la société AB cube et de M. [E] pour ceux dont il aurait fait l'avance sans en recevoir provision) ainsi qu'à payer 6 000 euros à la société AB cube et M. [E] au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Fait et jugé à Paris le 20 Janvier 2023 Le Greffier Le Président | x |
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JURITEXT000047454946 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/45/49/JURITEXT000047454946.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 19 janvier 2023, 22/13473 | 2023-01-19 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 22/13473 | CT0196 | TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 3ème chambre 1ère section No RG 22/13473 No Portalis 352J-W-B7G-CYKLB No MINUTE : Assignation du :08 novembre 2022 JUGEMENT SELON LA PROCEDURE ACCELEREE AU FONDrendu le 19 janvier 2023 DEMANDERESSES FEDERATION NATIONALE DES EDITEURS DE FILMS (FNEF)[Adresse 9][Localité 14] SYNDICAT DE L'EDITION VIDEO NUMERIQUE (SEVN)[Adresse 9][Localité 14] ASSOCIATION DES PRODUCTEURS INDEPENDANTS (API)[Adresse 3][Localité 11] UNION DES PRODUCTEURS DE CINEMA (UPC)[Adresse 6][Localité 10] SYNDICAT DES PRODUCTEURS INDEPENDANTS (SPI)[Adresse 8][Localité 12] CENTRE NATIONAL DU CINEMA ET DE L'IMAGE ANIMEE (CNC) - Intervenant volontaire accessoire[Adresse 5][Localité 15] représentés par Me Christian SOULIE de la SCP SOULIE - COSTE-FLORET & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0267 DÉFENDERESSES S.A.S.U. SFR FIBRE[Adresse 1][Localité 16] S.A. SOCIETE FRANCAISE DU RADIOTELEPHONE -SFR[Adresse 4][Localité 13] représentées par Me Pierre-Olivier CHARTIER de l'ASSOCIATION CBR & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R0139 S.A. BOUYGUES TELECOM[Adresse 7][Localité 14] représentée par Me François DUPUY de la SCP HADENGUE et ASSOCIÉS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B0873 S.A.S. FREE[Adresse 17][Localité 11] représentée par Me Yves COURSIN de l'AARPI COURSIN CHARLIER AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C2186 S.A. ORANGE[Adresse 2][Localité 18] représentée par Me Christophe CARON de l'AARPI CABINET CHRISTOPHE CARON, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C0500 MAGISTRAT Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointeassistée de Caroline REBOUL, Greffière, DÉBATS A l'audience du 05 décembre 2022 tenue en audience publique, avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue le 19 janvier 2023. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffeContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DU LITIGE : La FEDERATION NATIONALE DES EDITEURS DE FILMS (ci-après « FNEF »), le SYNDICAT DE L'EDITION VIDEO NUMERIQUE (ci-après « SEVN »), L'ASSOCIATION DES PRODUCTEURS INDEPENDANTS (ci-après « API »), L'UNION DES PRODUCTEURS DE CINEMA (ci-après « UPC ») et le SYNDICAT DES PRODUCTEURS INDEPENDANTS (ci-après « SPI ») sont des organismes professionnels ayant vocation à défendre les membres de leur secteur professionnel respectif (audiovisuel et cinéma). Le CENTRE NATIONAL DU CINEMA ET DE L'IMAGE ANIMEE (ci-après « CNC ») est un établissement public administratif placé sous la tutelle du ministre de la culture et destiné notamment à contribuer, dans un but d'intérêt général, au financement et au développement du cinéma et de l'industrie de l'image animée ainsi qu'à la lutte contre la contrefaçon des oeuvres cinématographiques, audiovisuelles et multimédia. Les sociétés BOUYGUES TELECOM, FREE, SFR FIBRE, ORANGE et SFR sont des opérateurs de communications électroniques qui commercialisent notamment des offres de téléphonie et d'accès à internet sur le territoire français. La FNEF, le SEVN, l'API, l'UPC et le SPI exposent que les agents assermentés de l'ALPA ont établi, par différents procès-verbaux de constat, que les 4 sites suivants : « FEMBED (ID P1) » ; « UPVID (ID P2) » ; « UQLOAD (ID P3) » ; « VUDEO (ID P4) », qui sont accessibles par différents noms de domaine mettent, sans autorisation, à la disposition du public de très nombreuses oeuvres de leurs répertoires en continu ou au moyen de liens de téléchargement. Elles précisent que ces sites sont des plateformes d'hébergement et de partage de contenus numériques (dites "cyberlockers") permettant à différents utilisateurs de téléverser et stocker, notamment des vidéos, et de partager les liens d'accès à ces vidéos, en particulier par transclusion de sorte que l'accès à ce lien se réalise depuis un site d'indexation de liens, distinct de la plateforme, sans changement d'interface. Aux fins de faire cesser les atteintes constatées aux droits de leurs membres, la FNEF, le SEVN, l'API, l'UPC et le SPI ont, par actes d'huissier des 8 et 9 novembre 2022, fait assigner les sociétés ORANGE, FREE, SFR, SFR FIBRE ET BOUYGUES TELECOM, devant le tribunal judiciaire de Paris, selon la procédure accélérée au fond pour l'audience du 5 décembre 2022. Le CNC a, le 1er décembre 2022, notifié des conclusions d'intervention volontaire accessoire. Aux termes de leurs conclusions notifiées par voie électronique le 1er décembre 2022, la FNEF, le SEVN, l'API, l'UPC, la SPI, ainsi que le CNC demandent au tribunal, au visa de l'article 481-1 du Code de procédure civile et L. 336-2 du Code de la propriété intellectuelle, de : 1. Dire recevables la FNEF, le SEVN, l'UPC, l'API et le SPI en leur action.2. Dire recevable et bien fonde le CNC en son intervention volontaire accessoire ;3. Dire que la FNEF, le SEVN, l'UPC et l'API et le SPI demontrent suffisamment que les sitesweb « FEMBED (ID P1) » ; « UPVID (ID P2) » ; « UQLOAD (ID P3) » ; « VUDEO (ID P4) » sont respectivement quasi entierement dédié à la reproduction et à la representation d'oeuvres audiovisuelles / cinematographiques et de videogrammes par leur mise a disposition du public sans le consentement des auteurs et des producteurs, ce qui constitue une atteinte aux droits d'auteur et aux droits voisins telle que prevue a l'article L.336-2 du code de la propriété intellectuelle. EN CONSEQUENCE :4. Enjoindre sans delai et au plus tard dans les quinze jours a compter de la signification de la presente decision et pendant une duree de dix-huit mois a compter de la decision a intervenir aux societes BOUYGUES TELECOM, FREE, ORANGE, SOCIETE FRANCAISE DE RADIOTELEPHONE - SFR et SFR FIBRE SAS, de mettre en oeuvre et/ou faire mettre en oeuvre, selon les termes precises ci-apres, toutes mesures propres a empecher l'acces aux sites web « FEMBED (ID P1) » ; « UPVID (ID P2) » ; « UQLOAD (ID P3) » ; « VUDEO (ID P4) » à partir du territoire francais, y compris dans les départements ou régions d'outre-mer et collectivités uniques ainsi que dans les îles Wallis et Futuna, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques francaises, et/ou par leurs abonnés ainsi que par les abonnés des societes qui utilisent leur reseau à raison d'un contrat souscrit sur ce territoire, par tout moyen conforme au degré d'efficacité requis par la Directive 2001/29/CE, et notamment par le blocage des noms de domaine et par voie de consequence de tous les sousdomaines associés :1. « fembed.com », « fembed.net », « fembed.one », « vcdn.io », « vanfem.com », « ff-01.com », « ff-02.com », « ff-03.com », « ff-04.com », « ff-05.com » et « fvs.io »;2. « upvid.co », « upvid.biz », « upvid.pro », « upvid.live » , « upvid.host » , « upvid.cloud », « upvid.net » et « upvid.org » ;3. « uqload.com » et « uqload.org »;4. « vudeo.net » et « vudeo.io » ;5. Dire que les défendeurs mettront en oeuvre les mesures ordonnées visant à empêcher l'accès aux sites web précités en recourant à la liste des chemins d'accès telle que reprise dans les tableaux figurant dans la Pièce no 13 et dans les conditions précisées à cette même pièce.6. Dire que les défendeurs informeront sans délai les demandeurs de la survenance de toute difficulte portée à leur connaissance concernant un éventuel sur blocage, afin de leur permettre de leur confirmer, le cas écheant, qu'il y a lieu de lever les mesures prises en application des alinéas précédents.7. Dire qu'en cas de réactivation d'un nom de domaine pour lequel les fournisseurs d'accès à internet auraient levé les mesures de blocage a la suite d'une notification adressée par les demandeurs conformement au dispositif du jugement à intervenir dans la presente procedure, les défenderesses devront retablir les mesures propres à empêcher l'acces, à partir du territoire francais et/ou par leurs abonnés à raison d'un contrat souscrit sur ce territoire, au nom de domaine concerne et par voie de consequence de tous les sous-domaines associes, sans délai et au plus tard dans les 15 jours calendaires à compter de la reception d'une notification adressée par les sociétés demanderesses, pour la durée restant à courir en application du jugement à intervenir dans la presente procédure.8. Prononcer l'execution provisoire de la decision à intervenir, et sans constitution de garantie.9. Dire que chacune des parties conservera la charge de ses frais irrépétibles et ses dépens à sacharge.10. Ecarter toutes les demandes, fins et moyens contraires des conclusions des defenderesses. Aux termes de ses conclusions signifiées le 2 décembre 2022, les sociétés SFR et SFR Fibre demande au tribunal, au visa de l'article L. 336-2 du code de la propriété intellectuelle, de: - APPRECIER si la FNEF et autres ont qualité à agir et si l'atteinte qu'ils invoquent est constituée ;- APPRECIER s'il est proportionné et strictement nécessaire à la protection des droits en cause, au regard notamment (i) des risques d'atteinte au principe de la liberté d'expression et de communication (risques d'atteintes à des contenus licites et au bon fonctionnement des réseaux) (ii) de l'importance du dommage allégué, (iii) des risques d'atteinte à la liberté d'entreprendre des FAI, et (iv) du principe d'efficacité, d'ordonner aux FAI, dont SFR et SFR FIBRE, la mise en oeuvre des mesures de blocage sollicitées ; Si le Président considère qu'il est proportionné et strictement nécessaire à la protection des droits en cause d'ordonner la mise en oeuvre par les FAI, dont SFR et SFR FIBRE, de mesures de blocage des sites, il lui est demandé de :- ENJOINDRE à SFR et SFR FIBRE de mettre en oeuvre, dans un délai de quinze jours à compter de la signification de la décision à intervenir et pendant une durée de dix-huit mois à compter de la décision à intervenir, des mesures propres à prévenir l'accès de leurs abonnés situés sur le territoire français, aux noms de domaine suivants :1. « fembed.com », « fembed.net », « fembed.one », « vcdn.io », « vanfem.com », « ff-01.com », « ff-02.com », « ff-03.com », « ff-04.com », « ff-05.com » et « fvs.io »;2. « upvid.co », « upvid.biz », « upvid.pro », « upvid.live » , « upvid.host » , « upvid.cloud », « upvid.net » et « upvid.org » ;3. « uqload.com » et « uqload.org »;4. « vudeo.net » et « vudeo.io » ;- DIRE que les mesures de blocage mises en oeuvre par les FAI, dont SFR et SFR FIBRE, seront limitées à une durée de dix-huit mois à compter de la décision à intervenir ;- DIRE que les parties pourront saisir la présente juridiction en cas de difficultés ou d'évolution du litige ;- DIRE que les dépens seront laissés à la charge de FNEF et autres. Aux termes de ses conclusions signifiées le 2 décembre 2022, la société FREE demande au tribunal, au visa de l'article L. 336-2 du code de la propriété intellectuelle, de : - Juger que toutes éventuelles mesures initiales de blocage de noms de domaine ne pourront être prises que sous le contrôle de l'autorité judiciaire et vis-à-vis des seuls vingt-trois (23) noms de domaine litigieux précisément mentionnés par les demandeurs, et actifs, au jour où vous statuerez; - Juger que, pour l'identification des noms de domaine concernés, la décision à intervenir renverra expressément, au fichier Excel communiqué par les demandeurs (leur pièce no 13) ; - Autoriser, et, en tant que de besoin, juger, que pour l'exécution de la décision, la société FREE pourra utiliser directement le support numérique constitué par le fichier Excel communiqué par les demandeurs (leur pièce no 13) ; - Juger que d'éventuelles mesures de blocage de noms de domaine ne pourront être mises en oeuvre que dans un délai de quinze jours à compter de la signification, et selon les modalités que la société FREE estimera les plus adaptées à l'objectif à remplir en fonction, notamment, des contingences de son réseau et des difficultés éventuellement exceptionnelles auxquelles elle pourra être confrontée ; - Juger que toutes éventuelles mesures de blocage des noms de domaine ne pourront être prises que pour une durée de dix-huit mois à compter de la décision à intervenir ; - Juger que la FÉDÉRATION NATIONALE DES ÉDITEURS DE FILMS (FNEF), le SYNDICAT DE L'ÉDITION VIDÉO NUMÉRIQUE (SEVN), L'ASSOCIATION DES PRODUCTEURS INDÉPENDANTS (API), L'UNION DES PRODUCTEURS DE CINEMA (UPC), le SYNDICAT DES PRODUCTEURS INDEPENDANTS (SPI), et le CENTRE NATIONAL DU CINÉMA ET DE L'IMAGE ANIMÉE (CNC) devront avertir officiellement la société FREE dans l'hypothèse où le(s) noms de domaine(s) dont elles auraient obtenu le blocage deviendrai(en)t inactif(s) ou, si les sites concernés ne posaient plus problème ; - Statuer ce que de droit quant aux dépens. Aux termes de ses conclusions signifiées le 5 décembre 2022, la société BOUYGUES TELECOM demande au tribunal, au visa de l'article L. 336-2 du code de la propriété intellectuelle, de : - Apprécier si la FNEF, le SEVN, l'API, l'UPC, le SPI et le CNC ont qualité à agir,- Apprécier l'atteinte aux droits d'auteur et aux droits voisins invoquée par la FNEF, le SEVN, l'API, l'UPC, le SPI et le CNC,- Apprécier si les demandes de la FNEF, le SEVN, l'API, l'UPC, le SPI et le CNC respectent le principe de proportionnalité, En tout état de cause, dans l'hypothèse où la demande de blocage serait jugée fondée,- Enjoindre à la société BOUYGUES TELECOM de mettre en oeuvre les mesures propres à empêcher l'accès de ses abonnés ainsi que des abonnés des sociétés qui utilisent son réseau, situés sur le territoire français, aux seuls noms de domaines précisément visés dans la pièce no13 des demandeurs dans un délai de 15 jours à compter de la signification de la décision à intervenir, et pour une durée de 18 mois,- Dire que la FNEF, le SEVN, l'API, l'UPC, le SPI, les sociétés GAUMONT et DISNEY ENTERPRISES INC. et le CNC devront indiquer aux Conseils des fournisseurs d'accès à internet, dont la société BOUYGUES TELECOM, si les noms de domaines visés dans leurs écritures et dans leur pièce no13 ne sont plus actifs afin que les mesures de blocage ordonnées les concernant puissent être levées,- Laisser à la charge de la FNEF, le SEVN, l'API, l'UPC, le SPI et le CNC le paiement des entiers dépens de l'instance. Aux termes de ses conclusions signifiées le 2 Décembre 2022, la société ORANGE demande au tribunal, au visa de l'article L. 336-2 du code de la propriété intellectuelle, de : - APPRECIER si la FNEF, le SEVN, l'API, l'UPC, le SPI et le CNC ont qualité à agir. - DONNER ACTE que la société ORANGE ne s'oppose pas à la mesure de blocage sollicitée par les demandeurs dès lors qu'elle réunit les conditions cumulatives, exigées par le droit positif, que sont : la preuve de l'atteinte au droit d'auteur, le caractère judiciaire préalable et impératif de la mesure dans son principe, son étendue et ses modalités, y compris pour son actualisation; la liberté de choix de la technique à utiliser pour réaliser le blocage ; la durée limitée de la mesure. En tout état de cause, dans l'hypothèse où la demande de blocage serait jugée fondée, de : - DECLARER que, dans un délai de quinze jours à compter de la signification de la décision à intervenir, la société ORANGE ne peut être enjointe que de bloquer l'accès aux seuls noms de domaine précisément mentionnés dans le dispositif des conclusions des demandeurs et qui portent atteinte à un droit d'auteur ou à un droit voisin. - DECLARER que la société ORANGE procédera au blocage des sous-domaines associés aux noms de domaine visés si un tel blocage lui est expressément ordonné dans la décision à venir. - DECLARER que la société ORANGE procédera au blocage des noms de domaine et sous-domaines associés en recourant à la liste figurant dans le tableau Excel communiqué par les demandeurs tel qu'annexé au jugement et faisant partie de la minute. - DECLARER que la société ORANGE pourra, en cas de difficultés notamment liées à des sur-blocages, en référer au Président du Tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond ou au juge des référés afin d'être autorisée à lever la mesure de blocage. - DECLARER que les demandeurs doivent indiquer au Conseil de la société ORANGE si les noms de domaine visés dans la décision ne sont plus actifs, en parallèle de la signification de la décision à venir et par lettre officielle, afin de préciser qu'il n'est plus nécessaire de procéder à leur blocage. - DECLARER que les demandeurs doivent indiquer au Conseil de la société ORANGE, postérieurement à la décision, toute fermeture du site auquel renvoient les noms de domaine visés par la décision à venir, et dont ils auraient connaissance, afin que les mesures de blocage afférentes puissent être levées. - DIRE que chaque partie conservera à sa charge ses frais et dépens. MOTIFS DE LA DÉCISION I. Sur la qualité à agir Aux termes de l'article L.122-1 du code de la propriété intellectuelle, « Le droit d'exploitation appartenant à l'auteur comprend le droit de représentation et le droit de reproduction. » L'article L.122-2 du même code précise que « La représentation consiste dans la communication de l'oeuvre au public par un procédé quelconque, et notamment : 2o Par télédiffusion. La télédiffusion s'entend de la diffusion par tout procédé de télécommunication de sons, d'images, de documents, de données et de messages de toute nature. » et l'article L.122-3 que « La reproduction consiste dans la fixation matérielle de l'oeuvre par tous procédés qui permettent de la communiquer au public d'une manière indirecte. » Selon l'article L.122-4 de ce même code, « Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. » De la même manière, en application de l'article L.215-1 du code de la propriété intellectuelle, l'autorisation du producteur de tout enregistrement audiovisuel (vidéogramme) est requise avant toute reproduction, mise à la disposition du public par la vente, l'échange ou le louage, ou communication au public de son vidéogramme. Enfin, il résulte de l'article L.336-2 de ce même code qu' « En présence d'une atteinte à un droit d'auteur ou à un droit voisin occasionnée par le contenu d'un service de communication au public en ligne, le président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond peut ordonner à la demande des titulaires de droits sur les oeuvres et objets protégés, de leurs ayants droit, des organismes de gestion collective régis par le titre II du livre III ou des organismes de défense professionnelle visés à l'article L. 331-1, toutes mesures propres à prévenir ou à faire cesser une telle atteinte à un droit d'auteur ou un droit voisin, à l'encontre de toute personne susceptible de contribuer à y remédier. La demande peut également être effectuée par le Centre national du cinéma et de l'image animée. » La FNEF, le SEVN, l'API, l'UPC, le CNC, le SPI ont par leurs statuts le pouvoir d'agir en justice aux fins de défendre les intérêts professionnels des auteurs, producteurs et distributeurs d'oeuvres audiovisuelles, notamment cinématographiques, et de vidéogrammes. En conséquence, la FNEF, le SEVN, l'API, l'UPC et le SPI sont recevables en leurs demandes et le CNC recevable en son intervention volontaire. II. Sur l'atteinte aux droits d'auteur ou aux droits voisins La mesure de blocage, que seule l'autorité judiciaire peut prononcer, suppose que soit caractérisée préalablement, une atteinte à des droits d'auteur ou à des droits voisins. Il est à cet égard rappelé que par un arrêt du 22 juin 2021 (affaires jointes C-682/18 et C-683/18) , la Cour de justice de l'Union Européenne, interprétant les dispositions de la directive 2001/29/CE dont l'article L336-2 ci-dessus réalise la transposition en droit interne, a dit pour droit que : "L'article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2001, sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information, doit être interprété en ce sens que l'exploitant d'une plateforme de partage de vidéos ou d'une plateforme d'hébergement et de partage de fichiers, sur laquelle des utilisateurs peuvent mettre illégalement à la disposition du public des contenus protégés, n'effectue pas une « communication au public » de ceux-ci, au sens de cette disposition, à moins qu'il ne contribue, au-delà de la simple mise à disposition de la plateforme, à donner au public accès à de tels contenus en violation du droit d'auteur. Tel est notamment lorsque cet exploitant a concrètement connaissance de la mise à disposition illicite d'un contenu protégé sur sa plateforme et s'abstient de l'effacer ou d'en bloquer l'accès promptement, ou lorsque ledit exploitant, alors même qu'il sait ou devrait savoir que, d'une manière générale, des contenus protégés sont illégalement mis à la disposition du public par l'intermédiaire de sa plateforme par des utilisateurs de celle-ci, s'abstient de mettre en oeuvre les mesures techniques appropriées qu'il est permis d'attendre d'un opérateur normalement diligent dans sa situation pour contrer de manière crédible et efficace des violations du droit d'auteur sur cette plateforme, ou encore lorsqu'il participe à la sélection de contenus protégés communiqués illégalement au public, fournit sur sa plateforme des outils destinés specifiquement au partage illicite de tels contenus ou promeut scienmment de tels partages, ce dont est susceptible de témoigner la circonstance que l'exploitant à adopté un modèle économique incitant les utlisateurs de sa plateforme à procéder illégalement à la communication au public de contus protégés sur celle-ci.". En l'occurrence, chacun des sites litigieux suivants a fait l'objet de procès-verbaux d'agents assermentés de l'Association de la Lutte contre la Piraterie Audiovisuelle (ci-après « ALPA »). 1. Ainsi, pour la plateforme d'hébergement et de partage de fichiers et/ou de vidéos « FEMBED » (ID P1) un total de 11609 liens sont mis à disposition, dont la grande majorité permet l'accès sans autorisation à des oeuvres audiovisuelles protégées. Selon la vérification manuelle opérée par l'agent assermenté de l'ALPA sur un échantillon de titres aléatoirement sélectionnés, 53 liens sur 100 renvoyaient vers des oeuvres contrefaisantes. L'application de la méthodologie statistique permet aux agents assermentés de l'ALPA d'établir que le pourcentage de mise à disposition d'oeuvres contrefaisantes était de 53% avec une marge d'erreur de l'ordre de 9.78%. Les agents assermentés ont également constaté la mise à dispostion du public de contenu protégé et notamment les oeuvres suivantes : BULLET TRAIN, PREY, BUZZ L'ECLAIR, EN CORPS,. Les utilisateurs qui publient les liens qui leur sont communiqués par la plateforme « FEMBED » sont en l'occurrence des sites de collection de liens tels que "CINEFLIX", "BLACKSTREAMING", "PAPYSTREAMING" et "FRENCHSTREAM", qui ont tous fait l'objet de mesures de blocage judicaire par des jugements des 12 mai 2022 et 21 juillet 2022 enregistrés respectivement sous les RG no22/04178 et no22/06148. La plateforme permet à ses utilisateurs de téléverser les fichiers contrefaisants via son propre ordinateur ou par un système de clonage d'une vidéo mise en ligne sur la même plateforme par exemple. Par ailleurs la plateforme a mis en place un système de monétisation qui rémunère aussi bien elle-même que ses utilisateurs en fonction du taux de fréquentation de leur vidéo et des publicités qui ont été visionnées. La plateforme à également mis en place un système d'abonnement payant qui autorisent les utilisateurs à remplacer les publicités préexistantes par leurs propres publicités et ainsi de récupérer l'intégralité des recettes publicitaires générées par le visionnage d'une vidéo. Les constats ont également mis en évidence qu'aucun retrait de contenu n'avait été opéré en dépit de la notification du 12 août 2022 faite par les agents assermentés de l'ALPA. Les agents assermentés de l'ALPA ont enfin constaté que la plateforme "FEMBED" utilise les noms de domaine suivants : ? fembed.com? fembed.net? fembed.one? vcdn.io? vanfem.com? ff-01.com? ff-02.com? ff-03.com? ff-04.com? ff-05.com? fvs.io 2. S'agissant de la plateforme d'hébergement et de partage de fichiers et/ou de vidéos « UPVID » (ID P2) un total de 1590 liens sont mis à disposition, dont la grande majorité permet l'accès sans autorisation à des oeuvres audiovisuelles protégées. Selon la vérification manuelle opérée par l'agent assermenté de l'ALPA sur un échantillon de titres aléatoirement sélectionnés, 85 liens sur 100 renvoyaient vers des oeuvres contrefaisantes. L'application de la méthodologie statistique permet aux agents assermentés de l'ALPA d'établir que le pourcentage de mise à disposition d'oeuvres contrefaisantes était de 85% avec une marge d'erreur de l'ordre de 6.80%. Les agents assermentés ont également constaté la mise à dispostion du public de contenu protégé et notamment les oeuvres suivantes : ELVIS, DOWNTON ABBEY 2 : UNE NOUVELLE ERE, TOP GUN : MAVERICK, et THE BATMAN. Les utilisateurs qui publient les liens qui leur sont communiqués par la plateforme « UPVID » sont en l'occurrence des sites de collection de liens tels que "TOPSERIESTREAMING", "SERIE-STREAMING1", "CPASMIEUX" et "DUCINE" qui ont tous fait l'objet de mesures de blocage judicaire par des jugements des 2 décembre 2021, 17 février 2022 et 21 juillet 2022 enregistrés respectivement sous les RG no21/12864, 21/15378 et no22/06148. La plateforme permet à ses utilisateurs de téléverser les fichiers contrefaisant via son propre ordinateur ou par un système de clonage d'une vidéo mise en ligne sur la même plateforme par exemple. Par ailleurs le site à mis en place un système de monétisation lié à la publicité, possiblement pornographique, qui rémunère aussi bien elle-même que ses utilisateurs en fonction du taux de fréquentation de leur vidéo. Lors du constat de l'ALPA, aucun retrait de contenu n'a été opéré à la suite de la notification du 10 août 2022 faite par les agents assermentés de l'ALPA. Les agents assermentés de l'ALPA ont enfin constaté que la plateforme "UPVID" utilise les noms de domaine suivants : ? upvid.co? upvid.biz? upvid.pro? upvid.live? upvid.host? upvid.cloud? upvid.net? upvid.org Il est également observé que la plateforme présente un identifiant alphanumérique de type « Google Tag Manager » : UA-110473520-1. 3. En ce qui concerne la plateforme d'hébergement et de partage de fichiers et/ou de vidéos « UQLOAD » (ID P3) un total de 210060 liens sont mis à disposition, dont la grande majorité permet l'accès sans autorisation à des oeuvres audiovisuelles protégées. Selon la vérification manuelle opérée par l'agent assermenté de l'ALPA sur un échantillon de titres aléatoirement sélectionnés, 88 liens sur 100 renvoyaient vers des oeuvres contrefaisantes. L'application de la méthodologie statistique permet aux agents assermentés de l'ALPA d'établir que le pourcentage de mise à disposition d'oeuvres contrefaisantes était de 88% avec une marge d'erreur de l'ordre de 6.39%. Les agents assermentés ont également constaté la mise à dispostion du public de contenu protégé, les oeuvres suivantes à titre d'exemple : BULLET TRAIN, EN CORPS, JURASSIC WORLD : LE MONDE D'APRES, MURDER PARTY. Les utilisateurs qui publient les liens qui leur sont communiqués par la plateforme « UQLOAD » sont en l'occurrence des sites de collection de liens tels que "EMULE-ISLAND", "WIFLIX", "CPASMIEUX" et "FRENCH-STREAM" qui ont fait l'objet de mesures de blocage judicaire par des jugements des 23 septembre 2021, 2 décembre 2021 et 15 mai 2022 enregistrés respectivement sous les RG no21/08733, no21/12864 et no22/04178. La plateforme permet à ses utilisateurs de téléverser les fichiers contrefaisant via son propre ordinateur ou par un système de clonage d'une vidéo mise en ligne sur la même plateforme par exemple. Par ailleurs le site a mis en place un système de monétisation lié à la publicité, qui rémunère aussi bien elle-même que ses utilisateurs en fonction du taux de fréquentation de leur vidéo. Lors du constat de l'ALPA, aucun retrait de contenu n'a été opéré à la suite des notifications des 5 et 17 août 2022 faites par les agents assermentés de l'ALPA. Les agents assermentés de l'ALPA ont enfin constaté que la plateforme "UQLOAD" utilise les noms de domaine suivants : ? uqload.org? uqload.com Il est également observé que la plateforme présente un identifiant alphanumérique de type « Google Tag Manager » : UA-106482009-1. 4. S'agissant de la plateforme d'hébergement et de partage de fichiers et/ou de vidéos « VUDEO » (ID P4) un total de 78135 liens sont mis à disposition, dont la grande majorité permet l'accès sans autorisation à des oeuvres audiovisuelles protégées. Selon la vérification manuelle opérée par l'agent assermenté de l'ALPA sur un échantillon de titres aléatoirement sélectionnés, 63 liens sur 100 renvoyaient vers des oeuvres contrefaisantes. L'application de la méthodologie statistique permet aux agents assermentés de l'ALPA d'établir que le pourcentage de mise à disposition d'oeuvres contrefaisantes était de 63% avec une marge d'erreur de l'ordre de 9.50%. Les agents assermentés ont également constaté la mise à dispostion du public de contenu protégé, les oeuvres suivantes à titre d'exemple : BULLET TRAIN, PREY, JACKASS FOREVER, EN CORPS. Les utilisateurs qui publient les liens qui leur sont communiqués par la plateforme « VUDEO » sont en l'occurrence des sites de collection de liens tels que "33STREAMING", "VOIRSERIESTREAMING", "FILMGRATUIT" et "STREAMCOMPLET+" qui ont fait l'objet de mesures de blocage judicaire par des jugements des 12 mai 2022 et 21 juillet 2022 enregistrés respectivement sous les RG no22/04178 et no22/06148. La plateforme permet à ses utilisateurs de téléverser les fichiers contrefaisant via son propre ordinateur ou par un système de clonage d'une vidéo mise en ligne sur la même plateforme par exemple. Par ailleurs le site à mis en place un système de monétisation lié à la publicité, qui rémunère aussi bien la plateforme elle-même que ses utilisateurs en fonction du taux de fréquentation de leur vidéo. Les agents de l'ALPA ont également constaté qu'aucun des dispositifs mis en place sur la plateforme n'est fonctionnel de sorte qu' aucune notification n'a pu être faite par les agents assermentés pour le compte des titulaires de droits. Les agents assermentés de l'ALPA ont constaté que la plateforme "UQLOAD" utilise les noms de domaine suivants : ? vudeo.net? vudeo.io Il est également observé que la plateforme présente un identifiant alphanumérique de type « Google Tag Manager » : UA-156497173-1. *** Il ressort de l'ensemble de ces constatations que la FNEF, le SEVN, l'API, l'UPC, le SPI ainsi que le CNC établissent de manière suffisamment probante que les sites litigieux réalisent une communication au public au sens de l'article 3§1 de la directive 2001/29. En particulier, les constatations des agents assermentés de l'ALPA, ont mis en évidence que les exploitants des plateformes d'hébergement et de partage de contenus numériques précités devraient en l'occurrence savoir que des contenus protégés sont massivement et illégalement mis à la disposition du public par leur intermédiaire. Au demeurant, elles s'abstiennent de mettre en oeuvre des mesures techniques qui leur permettraient de contrer, avec la diligence attendue de leur part, de manière crédible et efficace les violations des droits d'auteur qui sont faites part leur intermédiaire. Il est enfin établi ici qu'elles incitent à la violation du droit d'auteur et des droits voisins par la mise en place d'outils spécifiquement destinés au partage de masse et illicite de contenus protégés, en promouvant scienmment ces partages, notamment par le biais d'un modèle économique qui laisse présumer que les exploitants de ces plateformes jouent un rôle actif dans le partage des fichiers contrefaisants. L'ensemble des éléments précités réunis permettent de caractériser une atteinte aux droits d'auteur ou aux droits voisins. La FNEF, le SEVN, l'API, l'UPC, le SPI ainsi que le CNC sont donc fondés à solliciter la prescription de mesures propres à faire cesser la violation de leurs droits. Les procès-verbaux produits aux débats ont mis en évidence l'anonymisation intégrale de ces sites. Ainsi, aucun d'eux ne comprend les mentions légales exigées par les articles 6 III.1 et 2 de la loi no2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, dite "LCEN". L'hébergeur des sites est le plus souvent CLOUDFLARE, INC, et les propriétaires des nom de domaine n'est pas communiqué. III. Sur les mesures sollicitées L'article L. 336-2 du code de la propriété intellectuelle réalise la transposition de l'article 8 §3, de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001, sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information, aux termes duquel : "Les États membres veillent à ce que les titulaires de droits puissent demander qu'une ordonnance sur requête soit rendue à l'encontre des intermédiaires dont les services sont utilisés par un tiers pour porter atteinte à un droit d'auteur ou à un droit voisin". Le seizième considérant de cette directive rappelle que les règles qu'elle édicte doivent s'articuler avec celles issues de la directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000, relative à certains aspects juridiques des services de la société de l'information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur (dite « directive sur le commerce électronique »). La Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit dans l'arrêt Scarlet Extended c/ Sabam (C-70/10) du 24 novembre 2011 qu' « ainsi qu'il découle des points 62 à 68 de l'arrêt du 29 janvier 2008, Promusicae (C-275/06, Rec. p. I-271), la protection du droit fondamental de propriété, dont font partie les droits liés à la propriété intellectuelle, doit être mise en balance avec celle d'autres droits fondamentaux. 45 Plus précisément, il ressort du point 68 dudit arrêt qu'il incombe aux autorités et aux juridictions nationales, dans le cadre des mesures adoptées pour protéger les titulaires de droits d'auteur, d'assurer un juste équilibre entre la protection de ce droit et celle des droits fondamentaux de personnes qui sont affectées par de telles mesures. 46 Ainsi, dans des circonstances telles que celles de l'affaire au principal, les autorités et les juridictions nationales doivent notamment assurer un juste équilibre entre la protection du droit de propriété intellectuelle, dont jouissent les titulaires de droits d'auteur, et celle de la liberté d'entreprise dont bénéficient les opérateurs tels que les FAI en vertu de l'article 16 de la charte.(...) 52 D'autre part, ladite injonction risquerait de porter atteinte à la liberté d'information puisque ce système risquerait de ne pas suffisamment distinguer entre un contenu illicite et un contenu licite, de sorte que son déploiement pourrait avoir pour effet d'entraîner le blocage de communications à contenu licite. En effet, il n'est pas contesté que la réponse à la question de la licéité d'une transmission dépende également de l'application d'exceptions légales au droit d'auteur qui varient d'un État membre à l'autre. En outre, certaines oeuvres peuvent relever, dans certains États membres, du domaine public ou elles peuvent faire l'objet d'une mise en ligne à titre gratuit de la part des auteurs concernés. » Il s'en déduit qu'un juste équilibre doit être recherché entre la protection du droit de propriété intellectuelle, d'une part, et la liberté d'entreprise des fournisseurs d'accès à internet, et les droits fondamentaux des clients des fournisseurs d'accès à internet, en particulier leur droit à la protection des données à caractère personnel et leur liberté de recevoir et de communiquer des informations, d'autre part. La recherche de cet équilibre implique d'écarter toute mesure prévoyant un contrôle absolu, systématique et sans limitation dans le temps, de même que les mesures ne doivent pas porter atteinte à la "substance même du droit à la liberté d'entreprendre" des fournisseurs d'accès à internet, lesquels doivent conserver le choix des mesures à mettre en oeuvre. Aussi, conformément aux dispositions de l'article L.336-2 du code de la propriété intellectuelle, il sera enjoint aux sociétés ORANGE, BOUYGUES TELECOM, FREE, SFR et SFR FIBRE de mettre en oeuvre et/ou faire mettre en oeuvre, toutes mesures propres à empêcher l'accès aux sites « FEMBED (ID P1) » ; « UPVID (ID P2) » ; « UQLOAD (ID P3) » ; « VUDEO (ID P4) » , à partir du territoire français par leurs abonnés, à raison d'un contrat souscrit sur ce territoire, par tout moyen efficace de leur choix. Les mesures de blocage concerneront les noms de domaine mentionnés au tableau annexé à la présente décision, et permettant l'accès aux sites litigieux, dont le caractère entièrement ou essentiellement illicite a été établi. Compte tenu de leur nécessaire subordination à un nom de domaine, les mesures s'étendront à tous les sous domaines associés au nom de domaine figurant dans le tableau. Ces mesures devront être mises en oeuvre sans délai, et au plus tard à l'expiration d'un délai de 15 jours suivant la signification de la présente décision, et pendant une durée de 18 mois, ce délai prenant tout à la fois en compte l'augmentation de la constatation des atteintes et l'efficacité des mesures d'ores et déjà ordonnées qui font qu'une mesure de blocage est rarement sollicitée consécutivement pour un même nom de domaine. Les fournisseurs d'accès à internet devront informer la FNEF, le SEVN, l'API, l'UPC, le SPI ainsi que le CNC des mesures mises en oeuvre sans délai. Le coût des mesures de blocage sera à la charge des fournisseurs d'accès internet. Il est rappelé que l'actualisation des mesures ordonnées en cas d'évolution du litige en raison de la mise en oeuvre de moyens de contournement du blocage, pourra être envisagée par le tribunal statuant selon la procédure accélérée au fond, mais également, sous réserve que soit caractérisée l'existence d'un trouble manifestement illicite, par le juge des référés. En outre, la société ORANGE pourra en cas de difficultés notamment liées à des sur-blocages, en référer au président du tribunal statuant selon la procédure accélérée au fond ou au juge des référés afin d'être autorisée à lever la mesure de blocage, ce à quoi les demandeurs ne s'opposent pas. Chaque partie conservera la charge de ses frais irrépétibles et de ses dépens. PAR CES MOTIFS LE TRIBUNAL, ORDONNE aux sociétés ORANGE, BOUYGUES TELECOM, FREE, SFR et SFR FIBRE de mettre en oeuvre et/ou faire mettre en oeuvre, toutes mesures propres à empêcher l'accès aux sites « FEMBED (ID P1) » ; « UPVID (ID P2) » ; « UQLOAD (ID P3) » ; « VUDEO (ID P4) » , à partir du territoire français, y compris dans les départements ou régions d'outre-mer et collectivités uniques ainsi que dans les îles Wallis et Futuna, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises, par leurs abonnés à raison d'un contrat souscrit sur ce territoire, par tout moyen efficace, et notamment par le blocage des noms de domaine et sous-domaines associés, aux sites accessibles via les noms de domaine figurant dans le tableau annexé au présent jugement et faisant partie de la minute, au plus tard dans un délai de 15 jours suivant de la signification du présent jugement et pendant une durée de 18 mois à compter de la mise en oeuvre des mesures ordonnées ; DIT que le coût de la mise en oeuvre des mesures ordonnées restera à la charge des sociétés ORANGE, BOUYGUES TELECOM, FREE, SFR et SFR FIBRE ; DIT que les fournisseurs d'accès à internet devront informer la FÉDÉRATION NATIONALE DES ÉDITEURS DE FILMS, le SYNDICAT DE L'ÉDITION VIDÉO NUMÉRIQUE, l'ASSOCIATION DES PRODUCTEURS INDÉPENDANTS, l'UNION DES PRODUCTEURS DE CINÉMA, le SYNDICAT DES PRODUCTEURS INDEPENDANTS ainsi que le CENTRE NATIONAL DU CINEMA ET DE L'IMAGE ANIMEE de la mise en oeuvre de ces mesures en précisant éventuellement les difficultés qu'ils rencontreraient ; DIT que la FÉDÉRATION NATIONALE DES ÉDITEURS DE FILMS, le SYNDICAT DE L'ÉDITION VIDÉO NUMÉRIQUE, l'ASSOCIATION DES PRODUCTEURS INDÉPENDANTS, l'UNION DES PRODUCTEURS DE CINÉMA, le SYNDICAT DES PRODUCTEURS INDEPENDANTS ainsi que le CENTRE NATIONAL DU CINEMA ET DE L'IMAGE ANIMEE devront dans ce cadre indiquer aux fournisseurs d'accès à internet, les noms de domaine dont ils auraient appris qu'ils ne sont plus actifs, afin d'éviter des coûts de blocage inutiles ; DIT qu'en cas d'évolution du litige notamment par la modification des noms de domaines ou chemins d'accès, la FÉDÉRATION NATIONALE DES ÉDITEURS DE FILMS, le SYNDICAT DE L'ÉDITION VIDÉO NUMÉRIQUE, l'ASSOCIATION DES PRODUCTEURS INDÉPENDANTS, l'UNION DES PRODUCTEURS DE CINÉMA, le SYNDICAT DES PRODUCTEURS INDEPENDANTS ainsi que le CENTRE NATIONAL DU CINEMA ET DE L'IMAGE ANIMEE pourront en référer à la présente juridiction selon la procédure accélérée au fond ou en saisissant le juge des référés, en mettant en cause par voie d'assignation les parties présentes à cette instance ou certaines d'entre elles, afin que l'actualisation des mesures soit ordonnée ; DONNE ACTE à la FÉDÉRATION NATIONALE DES EDITEURS DE FILMS, au SYNDICAT DE L'ÉDITION VIDÉO NUMÉRIQUE, à l'ASSOCIATION DES PRODUCTEURS INDÉPENDANTS, à l'UNION DES PRODUCTEURS DE CINÉMA, au SYNDICAT DES PRODUCTEURS INDEPENDANTS ainsi qu'au CENTRE NATIONAL DU CINÉMA ET DE L'IMAGE ANIMÉE de ce que ils ne s'opposent pas à ce que la société ORANGE sollicite judiciairement la mainlevée des mesures de blocage pour le cas où celles-ci conduiraient à des sur-blocages, dès lors qu'elle s'est préalablement et vainement rapprochée des demandeurs ; RAPPELLE que le présent jugement est exécutoire par provision ; LAISSE à chacune des parties la charge de ses propres dépens. Fait et jugé à Paris le 19 janvier 2023. LA GREFFIERE LA PRESIDENTE | x |
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JURITEXT000047454947 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/45/49/JURITEXT000047454947.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 3 février 2023, 21/14105 | 2023-02-03 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 21/14105 | CT0196 | TRIBUNALJUDICIAIREDE PARIS 3ème chambre2ème section No RG 21/14105No Portalis 352J-W-B7F-CVNUW No MINUTE : Assignation du :05 et 10 Novembre 2021 ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETATrendue le 03 Février 2023DEMANDERESSES Madame [A] [N][Adresse 13][Localité 1] Madame [L] [N][Adresse 9][Localité 2] représentées par Maître Pierre LAUTIER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B0925 DEFENDEURS S.A.S.U. EDITIONS BEUSCHER ARPEGE[Adresse 6][Localité 10] représentée par Maître Michael MAJSTER de l'AARPI Majster & Nehmé Avocats, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R0139 S.C. La Société des Auteurs, Compositeurs et Editeurs de Musique[Adresse 5][Localité 14] représentée par Maître Anne BOISSARD de l'AARPI ARTLAW, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0327 Madame [C] [F] née [S] - intervenante volontaire[Adresse 16][Localité 11] Madame [J] [O] née [S] - intervenante volontaire[Adresse 3][Localité 15] (ETATS-UNIS) représentées par Maître André SCHMIDT de l'AARPI A. SCHMIDT - L. GOLDGRAB, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0391 Madame [P] [D] [R] [K] - Intervenante volontaire[Adresse 12][Localité 8] Monsieur [H] [B] [K] - intervenant volontaire[Adresse 4][Localité 7] représentés par Maître Christine AUBERT- MAGUERO de l'AARPI DAM AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #G439 MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT Monsieur Arthur COURILLON-HAVY, Jugeassisté de Monsieur Quentin CURABET, Greffier DEBATS A l'audience du 20 Octobre 2022, avis a été donné aux avocats que l'ordonnance serait rendue en dernier lieu le 03 Février 2023. ORDONNANCE Prononcée publiquement pa rmise à dipsosition au greffe ContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE Synthèse de l'objet de l'incident 1. Mmes [N] agissent en contrefaçon de droits d'auteur au titre d'une chanson composée par leur grand-père, contre une célèbre chanson postérieure exploitée depuis 1946 dont le refrain en aurait repris la mélodie et les harmonies. Les défendeurs estiment que leur action est prescrite, en totalité ou subsidiairement pour les faits antérieurs de plus de cinq ans à l'assignation ; qu'elles n'ont pas hérité des droits dont elles se prévalent, ou du moins pas seules ; qu'elles auraient dû mettre en cause l'auteur des paroles de la chanson invoquée ; et qu'elles ne peuvent pas demander réparation des faits commis hors de France ; l'ensemble de ces moyens étant qualifiés de fin de non-recevoir. Naissance du litige, procédure 2. Mmes [A] et [L] [N], qui exposent avoir découvert dans les documents de leur père décédé en 2020 la partition d'une chanson intitulée Les Hommes ne sont pas sérieux, dont la musique a été composée en 1924 par leur grand-père [V] [N], décédé en 1962, estiment que cette oeuvre est contrefaite par la chanson intitulée La Vie en rose, divulguée en 1946, dont les paroles ont été écrites par [D] [M], la musique composée par [G] [K] dit [W], et qui est éditée par la société Éditions beuscher arpège (la société Beuscher). 3. Elles ont assigné l'éditeur et la Sacem, respectivement les 5 et 10 novembre 2021 (mais seulement « le 7 décembre 2021 » selon les conclusions des parties) recherchant ? d'une part les coordonnées des ayants droits des auteurs de La Vie en rose, et ? d'autre part la réparation de leur préjudice, à hauteur de : ? une provision de 3 000 000 d'euros contre les ayants droits du compositeur seuls, « pour les atteintes au droit patrimonial pendant les cinq dernières années d'exploitation » de La Vie en rose, ? une provision de 2 000 000 d'euros contre l'éditeur et les ayants droits du compositeur « au titre du préjudice moral pour l'atteinte depuis la parution » de La Vie en rose en 1947 ; outre ? contre l'éditeur seul, 30 000 euros pour préjudice moral et 30 000 euros pour préjudice patrimonial au titre de l'exploitation mondiale des partitions. 4. Les ayants droits d'[D] [M] (Mmes [S]) et de [W] (les consorts [K]) sont intervenus volontairement à l'instance respectivement les 15 et 17 mars 2022. Les demanderesses avaient entre temps formé un incident pour demander la communication forcée de leurs coordonnées mais aussi celles de l'auteur des paroles de la chanson Les hommes ne sont pas sérieux. L'ensemble des défendeurs hormis la Sacem ont alors contesté, par des conclusions d'incident, la recevabilité des demandes. Objet de l'incident 5. Dans ses dernières conclusions d'incident (du 11 octobre 2022), la société Beuscher soulève deux fins de non-recevoir, tirées respectivement de l'absence de mise en cause des ayants droits de l'auteur des paroles, et de la prescription, totale ou à tout le moins acquise pour les faits antérieurs au 7 décembre 2016 ; et réclame 5 000 euros aux demanderesses au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 6. Dans leurs dernières conclusions d'incident (du 5 octobre 2022), les consorts [K] soulèvent les mêmes fins de non-recevoir, ainsi qu'une troisième tirée du défaut de qualité à agir ; et réclament 5 000 euros des demanderesses au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 7. Dans leurs dernières conclusions d'incident (du 5 octobre 2022), Mmes [S] soulèvent les mêmes trois fins de non-recevoir, ainsi qu'une quatrième visant les demandes en ce qu'elles concernent les recettes hors de France ; et réclament aux demanderesses 5 000 euros pour chacune pour procédure abusive, et la même somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; 8. Dans ses dernières conclusions d'incident (du 14 avril 2022), la Sacem s'en rapporte à justice. 9. Dans leurs dernières conclusions d'incident (du 18 octobre 2022), Mmes [N] résistent aux fins de non-recevoir, demandent spécialement d'écarter les conclusions selon elle tardives des défendeurs, subsidiairement de « rejeter » les demandes de Mmes [S] tendant à limiter le litige aux seules recettes françaises ; et réclament à tous les défendereurs sauf la Sacem de « verser chacune à [Mmes [N]] 5 000 euros à chacune » au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 10. À l'audience, le 20 octobre 2022, les parties ont été autorisées à produire des notes en délibéré d'une part sur un éventuel droit à la prescription tiré de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme, susceptible de s'appliquer à l'ensemble des faits litigieux, même ceux commis moins de 5 ans avant l'assignation, dès lors qu'ils ne sont que la poursuite de l'exploitation d'un même objet débutée plusieurs décennies auparavant ; d'autre part sur l'acte de partage de la succession du père des demanderesses, acte que celles-ci ont été invitées à communiquer. 11. Mmes [N] ont signifié l'acte de partage et une note à son sujet le 24 octobre 2022, puis une note sur la prescription le 26 ; l'ensemble des défendeurs (hormis la Sacem) ont signifié des notes en délibéré le 1er décembre, la société Beuscher estimant à cette occasion que les demanderesses étaient également irrecevables faute d'avoir mis en cause la légataire universelle de leur père. Moyens pour l'incident Sur les conclusions et pièces tardives et l'incompétence du juge de la mise en état 12. Les demanderesses demandent le rejet des conclusions signifiées le 5 octobre, soit peu de temps avant la « clôture » fixée par le juge de la mise en état au 6 octobre 2022 ; des conclusions de la société Beuscher signifiées le 11 octobre ; ainsi que d'une pièce no10 des consorts [K], qui aurait été communiquée elle aussi après le 6 octobre. 13. Elles estiment subsidiairement que sont des défenses au fond, relevant du tribunal, et non des fins de non-recevoir relevant du juge de la mise en état, les moyens de Mmes [S] tenant à l'existence d'un contrat d'édition, à une oeuvre posthume, et à la durée des droits dans le monde. Prescription 14. Sur la prescription, aux défendeurs qui font valoir que la chanson La Vie en rose est exploitée massivement depuis 1947, les demanderesses exposent, en premier lieu, que leur grand-père, qui vivait seul avec son fils, isolé, dans le contexte difficile de l'après-guerre, étant même devenu agriculteur et se désintéressant de la gestion du droit d'auteur, notion qui d'ailleurs « n'était pas aussi développé[e] à l'époque », n'a découvert l'existence de cette chanson qu'en 1959, alors qu'il était malade, et est mort dès 1962, laissant les droits à leur père qui aurait été dans l'incapacité absolue d'agir, jusqu'à sa mort en 2020, en raison de son « insanité d'esprit », de sorte que la prescription aurait été interrompue et n'aurait recommencé à courir qu'à cette date. 15. Pour démontrer l'état de leur père, elles invoquent deux attestations de psychiatres de 1970 et 1971, selon lesquelles [I] [N] était « incapable de vivre normalement autant physiquement qu'intellectuellement » ; des extraits de ses journaux intimes qui illustreraient des préoccupations quotidiennes « très loin de concerner sa famille, le travail de son père et encore moins le domaine de la musique », comme par exemple la mauvaise orthographie du nom de ses filles, l'usage d'un réfrigérateur pour déposer les vêtements arrivant ou quittant sa maison après avoir été lavés, le besoin d'essuyer un radio-réveil parce qu'une coccinelle s'est posée dessus, le besoin fréquent de se laver suite à des contacts extérieurs, l'achat de médicaments utilisés dans le traitement des troubles bipolaires ; état psychologique dont auraient attesté plusieurs personnes l'ayant côtoyé. Elles allèguent encore le fait que leur père les a abandonnées à leur naissance. 16. En second lieu, les demanderesses précisent que la prescription de l'action en contrefaçon peut s'apprécier de trois façons différentes : soit le délai court « à partir de la commission de la contrefaçon ou du jour où le titulaire en a eu connaissance », soit « elle s'étire dans le temps, et chaque acte illicite fait courir un délai », soit elle est « appréhendée ‘d'un bloc' et le délai court [seulement] à sa cessation spontanée » ; elles font valoir que le législateur a choisi cette troisième approche pour la propriété industrielle et qu'il faudrait la retenir par analogie pour la propriété littéraire et artistique, comme le recommandent également certains auteurs. Enfin, selon elles, la prescription n'est qu'une exception au droit fondamental qu'est l'accès au juge, et à l'égard du défendeur, la Convention européenne des droits de l'Homme exigerait seulement une règle claire sur le point de départ de la prescription, tandis que le droit d'auteur est aussi un droit de propriété, donc un droit fondamental, ce qui ferait pencher encore plus nettement en leur faveur la balance des intérêts. Subsidiairement, elles estiment pouvoir agir à tout le moins au titre des faits commis moins de 5 ans avant l'assignation. 17. Les consorts [K] estiment que « les faits de l'espèce sont la découverte en 1946 » de l'oeuvre La Vie en rose, autrement dit que la présente action porte sur « le contenu potentiellement contrefaisant » de cette oeuvre, et non sur ses actes d'exploitation, et qu'ainsi l'action est entièrement prescrite ; que tant le droit interne que la Cour européenne des droits de l'homme et la Cour de justice de l'Union européenne tiennent pour principe que la prescription court à compter du jour où la victime a eu connaissance du dommage ; qu'ici [V] [N] a pu débattre de la possibilité d'engager une action en contrefaçon au plus tard en 1959. S'agissant en particulier du droit moral, elles rappellent que les héritiers ne peuvent l'exercer que dans le respect de la volonté de l'auteur, qui, ici, n'a pas agi de son vivant. Elles ajoutent qu'il faut également tenir compte de ce que la présente action a été intentée non par l'auteur lui-même mais par ses héritiers, et que si le droit d'auteur est un droit de propriété, l'atteinte qui y est portée n'est « pas aussi sensible qu'en matière immobilière, dans la mesure où le propriétaire n'est pas privé de l'exploitation de son oeuvre. » 18. La société Beuscher estime qu'il n'existe pas de prescription acquisitive en droit d'auteur ; mais qu'en revanche, si le droit moral est imprescriptible, l'action en contrefaçon est soumise à la prescription de droit commun ; que la conformité à la CEDH de ce dispositif lorsque plusieurs oeuvres concurrentes sont en cause dépend de l'équilibre entre les intérêts des auteurs concernés ; que la CJUE a par ailleurs estimé, dans le cas des obtentions végétales, qu'il n'était pas possible de fixer le point de départ de la prescription pour l'ensemble des actes de contrefaçon à la date la cessation du dernier de ces actes. Au cas particulier, elle estime que la prescription n'a jamais été interrompue, depuis 1946, date de divulgation de La Vie en rose, faisant valoir que seule une impossibilité totale, telle qu'une mise sous tutelle, aurait pu avoir cet effet. S'agissant spécialement du droit moral, elle fait valoir qu'il doit être exercé dans le respect de la volonté de l'auteur, et en déduit que, [V] [N] n'ayant pas agi de son vivant, en connaissance de cause, ses héritières (à supposer qu'elles le soient) sont irrecevables à invoquer son droit moral. 19. Mmes [S] font valoir que [V] [N] a lui-même écrit à l'éditeur de la chanson Les Hommes ne sont pas sérieux, comme le révèle la lettre en réponse de celui-ci en 1959, communiquée par les demanderesses, et a décidé de ne pas agir, tout comme au demeurant l'éditeur lui-même, ni, ensuite, le fils de l'auteur. Mise en cause du coauteur 20. Sur la mise en cause des ayants droits de l'auteur des paroles, les parties s'accordent sur le fait que les droits sur une oeuvre de collaboration s'exercent en commun, ce qui impose de mettre en cause l'ensemble des auteurs, sauf à ce que l'apport de chacun soit dissociable ; elles s'opposent quant au caractère dissociable des paroles et de la musique d'une chanson, les défenderesses faisant valoir qu'il s'agit d'un même genre (la musique), tandis que les demanderesses estiment que les paroles relèvent du genre littéraire. Les demanderesses ajoutent qu'en toute hypothèse, ayant demandé la communication des coordonnées des ayants droit du coauteur, elles ne peuvent se voir déclarer irrecevables à ce titre. Qualité à agir (au regard de la transmission des droits invoqués) 21. Les défendeurs estiment que les demanderesses n'ont pas qualité à agir faute de prouver, selon eux, avoir hérité des droits qu'elles invoquent ; ils estiment au demeurant que l'acte de partage finalement communiqué institue un légataire universel en la personne de Mme [E] [X], qui serait donc la titulaire des droits moraux, ainsi que d'une partie des droits patrimoniaux. 22. Les demanderesses répondent que l'auteur, [V] [N], avait pour unique héritier leur père [I] [N] qui, comme l'a attesté le notaire de sa succession par un acte faisant foi jusqu'à inscription de faux, n'a pas institué de légataire de ses droits moraux et patrimoniaux, de sorte que ces droits seraient exercés par elles, ses seules descendantes. Elles ajoutent, sur les droits de paternité et au respect de l'oeuvre, que leur père demeurait « dans un état habituel d'insanité » et n'avait pas pris « la mesure de l'héritage musical » de son père, ce qui serait démontré par les deux attestations de psychiatres précitées, selon lesquelles il souffrait de « troubles obsessionnels du comportement » ainsi que par les extraits de ses journaux intimes, qui seraient incohérents ; que pour cette raison, il faudrait interpréter son testament en faveur de ses descendantes naturelles. Et, sur les droits patrimoniaux, elles soutiennent que le testament ne mentionne pas les droits d'auteur, ni même de leg universel en réalité, et que Mme [X] elle-même ne s'estime pas titulaire des droits. « exploitation mondiale » 23. Mmes [S] font valoir que les demanderesses n'invoquent que les lois françaises sur le droit d'auteur, sans « apporter, pays par pays, la preuve du caractère litigieux des ressemblances constatées », de sorte que seules les recettes françaises pourraient être prises en compte ; outre que dans un certain nombre de territoire, les droits auraient expiré. Procédure abusive 24. Mmes [S] estiment enfin l'action abusive, au regard de la réputation d'[D] [M], et de la recherche « patente » d'un avantage financier. MOTIVATION I . Demande en rejet des conclusions 25. S'agissant des conclusions signifiées le 5 octobre, aucun motif ne permet de les écarter, le juge de la mise en état ayant laissé aux parties jusqu'au 6 inclus par son message disant « pas de conclusions d'incident après le 6 octobre ». 26. Les seules conclusions litigieuses signifiées après le 6 octobre sont celles de la société Beuscher, le 11 octobre. Leur seule modification par rapport aux conclusions antérieures tient à la précision que les droits patrimoniaux sont des biens meubles et qu'ainsi ils ont pu être dévolus à Mme [X], légataire universelle de [I] [N]. Outre que cette précision relève d'un rappel juridique évident à propos des faits déjà dans le débat (un bien est soit meuble, soit immeuble, et à l'évidence les droits d'auteur ne sont pas immeubles), les demanderesses ont, en toute hypothèse, pu y répondre, une note en délibéré accompagnée de l'acte de partage ayant été admise précisément pour clarifier la situation successorale. Il n'y a donc pas lieu d'écarter ces conclusions du 11 octobre 2022. 27. Enfin, la pièce no10 communiquée par Mmes [S] le 13 octobre 2022 n'est pas visée dans leurs conclusions, ce qui limite beaucoup son utilité pour l'incident ; par ailleurs, les demanderesses n'exposent pas en quoi cette pièce, qui ne consiste que dans l'impression d'une page Wikipedia sur la durée de protection des droits d'auteur dans le monde, nécessitait pour elles une réponse, ni, à supposer que ce fût le cas, en quoi elles n'auraient pu apporter cette réponse par une modification marginale de leurs conclusions dans les quelques jours précédant l'audience du 20 octobre 2022, modification qui aurait pu être autorisée si elle avait été expliquée. Il n'y a donc pas lieu d'écarter cette pièce. II . Prescription Point de départ de la prescription 28. Depuis le 19 juin 2008, en application de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. 29. Avant 2008, et depuis 1985, les actions en responsabilité civile extracontractuelles se prescrivaient par 10 ans à compter de la manifestation du dommage (ancien article 2270-1). Jusqu'en 1985, ces actions relevaient de la prescription trentenaire de droit commun. L'article 2222, 2e alinéa, dispose qu'en cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion, ce nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. 30. Mmes [N] exercent une action indemnitaire, c'est-à-dire une action personnelle (et mobilière), du fait de la création puis de l'exploitation de la chanson La Vie en rose qui porteraient atteinte aux droits patrimoniaux et moraux de l'auteur de l'oeuvre Les Hommes ne sont pas sérieux. 31. Par définition, chaque fait générateur de responsabilité suffit à faire naitre une action indemnitaire ; le demandeur est libre d'agir en réparation au titre de tout ou partie de ces faits, et son action peut être accueillie pour certains, rejetée pour d'autres ; chaque évènement dommageable doit donc être appréhendé distinctement, ce dont il résulte évidemment que chacun donne lieu à sa propre prescription, même quand il en existe plusieurs, et rien ne justifie, juridiquement, de regrouper artificiellement l'ensemble des faits litigieux en un ensemble unique qui serait régi par une prescription commune. Ainsi, les arguments des parties selon lesquels la prescription de l'ensemble des faits de contrefaçon invoqués aurait commencé à courir uniformément, soit dès 1946 alors que certains faits d'exploitation ont été commis ultérieurement, soit seulement à la cessation de tout fait litigieux alors que certains ont été commis auparavant, relèvent d'une erreur d'analyse, ce que révèle au demeurant les conséquences extrêmes qu'ils auraient au cas présent. 32. La prescription a donc commencé à courir, pour chaque fait dommageable pris individuellement, à compter du jour où le titulaire du droit d'auteur a connu ou aurait dû connaitre les faits lui permettant d'exercer chaque action. 33. À cet égard, il est constant qu'en 1959, au plus tard, [V] [N] connaissant la chanson La Vie en rose. Et, au regard de la célébrité quasi-immédiate de cette chanson, dès ses premières années d'exploitation, il est manifeste que [V] [N], même « isolé » et « à la campagne », en avait eu connaissance avant 1950. Le décès du titulaire de l'action est indifférent et la prescription a continué à courir pour les faits antérieurs à ce décès. Pour les faits postérieurs, son fils [I] connaissait lui-même manifestement la poursuite de l'exploitation de La Vie en rose, au regard de la notoriété exceptionnelle de cette chanson, et savait, ou à tout le moins aurait dû savoir, qu'il avait hérité des droits sur la chanson Les hommes ne sont pas sérieux, qui figure notamment au répertoire de [V] [N] à la Sacem. La prescription de l'action du chef des faits ultérieurs d'exploitation de l'oeuvre a donc commencé à courir dès leur commission. 34. Il faut alors rechercher si, comme l'allèguent les demanderesses, la prescription a été suspendue ou interrompue, pour tout ou partie des faits litigieux. Interruption ou suspension 35. L'article 2234 du code civil, depuis 2008, prévoit que la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure ; l'article 2235, qu'elle ne court pas ou est suspendue contre les mineurs non émancipés et les majeurs en tutelle. 36. Il est constant que [I] [N], héritier de [V], n'a jamais été sous tutelle. Le fait qu'il fût bipolaire, à le supposer établi, n'est assurément pas en soi une force majeure, ni une cause d'impossibilité absolue d'agir. Les deux attestations de psychiatres produites sont illisibles, mais les phrases qu'en ont extraites les demanderesses sont en toute hypothèse trop vagues (« impossibilité de vivre une vie normale »), ou révèlent un degré de trouble largement inférieur à ce qui pourrait permettre de présumer une incapacité d'apprécier son droit d'agir en justice (des « troubles obsessionnels du comportement » n'ont a priori aucune incidence sur la capacité de raisonnement). Il en va de même des « journaux intimes » invoqués par les demanderesses, qui ne font que décrire les préoccupations quotidiennes de leur père, certes prosaïques et révélant parfois un état d'esprit intranquille, mais qui sont très loin de prouver une altération de sa capacité d'agir, sauf à qualifier de folie la moindre déviance par rapport à la norme comportementale, et revenir à une conception de la notion relevant davantage du contrôle social que de la protection des individus. 37. Aucune interruption ni suspension n'est alléguée après le décès de [I] [N] en 2020. 38. Ainsi, l'action en responsabilité, dont les demanderesses exposent que leur père [I] [N] était titulaire jusqu'en 2020, n'a connu aucune suspension, ni au demeurant aucune interruption, dans les 5 années précédant l'introduction de l'instance, c'est-à-dire le 5 novembre 2021 à l'égard de l'éditeur, et les 15 et 17 mars 2022 à l'égard respectivement des ayants droits de l'autrice des paroles et du compositeur de La Vie en rose. Par suite, l'action du chef des faits survenus plus de cinq ans avant ces dates est prescrite. Les parties retiennent toutefois unanimement la date du 7 décembre 2021 pour déterminer ce délai de cinq ans à l'égard de toutes, ce qui doit donc être retenu. 39. L'application du droit français a donc pour effet de déclarer prescrites les demandes en ce qu'elles portent sur des faits commis avant le 7 décembre 2016, mais à admettre l'action pour les faits postérieurs. Conformité de la solution à la Convention européenne des droits de l'Homme 40. L'article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales prévoit que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement, et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi. 41. Appliquant ces dispositions, la Cour européenne des droits de l'Homme a rappelé que les délais légaux de prescription, qui figuraient parmi les restrictions légitimes au droit à un tribunal, avaient plusieurs finalités importantes, à savoir « garantir la sécurité juridique en fixant un terme aux actions, mettre les défendeurs potentiels à l'abri de plaintes tardives et peut-être difficiles à contrer, et empêcher l'injustice qui pourrait se produire si les tribunaux étaient appelés à se prononcer sur des évènements survenus loin dans le passé à partir d'éléments de preuve auxquels on ne pourrait plus ajouter foi et qui seraient incomplets en raison du temps écoulé » (CEDH, Sanofi pasteur c. France, 13 février 2020, 25137/16, § 50, et jurisprudence citée). 42. Elle a également « souligné à plusieurs reprises que le principe de sécurité juridique, qui tend notamment à garantir une certaine stabilité des situations juridiques et à favoriser la confiance du public dans la justice, constitue l'un des éléments fondamentaux de l'État de droit » (même arrêt, § 52, et jurisprudence citée). 43. Il en résulte que lorsqu'une personne agit en justice longtemps après l'évènement fondant sa demande, « un droit qu'une personne tire de la Convention se trouve confronté à un droit qu'une autre personne tire également de la Convention : le droit à la sécurité juridique [du défendeur] d'un côté, et le droit à un tribunal [du demandeur] de l'autre. » Elle en a conclu, dans une affaire d'atteinte à l'intégrité physique, où la difficulté d'estimer le préjudice est particulière, que « dans un tel cas de figure, la mise en balance des intérêts contradictoires des uns et des autres est difficile à faire, ce qui plaide en faveur de la reconnaissance d'une marge d'appréciation importante au bénéfice de l'État » (même arrêt, §§ 56-57). 44. La confrontation du droit à un tribunal et du droit à la sécurité juridique résultant de l'inaction du titulaire d'un droit antérieur est parfois résolue par la loi en faveur du titulaire du droit postérieur au-delà d'un certain délai, et à certaines conditions : ainsi de la prescription acquisitive en matière immobilière, ou de la forclusion par tolérance en droit des marques. Toutefois, le législateur peut également ne pas prévoir un tel mécanisme, comme en droit d'auteur, et choisir ainsi de privilégier sans exception le droit antérieur, ce qui n'excède pas en principe sa marge d'appréciation. Mais cela crée le risque d'un bouleversement majeur d'une situation apparemment incontestable. En l'absence d'un équilibre prévu ex ante par la loi, les juridictions doivent alors apprécier si, dans le cas particulier qui leur est soumis, la mise en oeuvre de ces dispositions ne porte pas au droit du défendeur à la sécurité juridique une atteinte disproportionnée, excédant la marge d'appréciation de l'État, au regard du droit du demandeur à un tribunal. 45. La sécurité juridique du défendeur est affectée, en premier lieu, lorsque par une demande très tardive on lui réclame davantage que si la demande avait été formée plus tôt. Toutefois, au cas présent, il n'est pas allégué que l'exploitation soit nettement plus importante aujourd'hui que par le passé, de sorte que, le droit français limitant à 5 ans seulement la période qui peut être remise en cause, comme il a été démontré ci-dessus (en particulier points 31, 32 et 39), la demande ne porte pas aujourd'hui sur une période plus longue ni sensiblement plus active que si elle avait été formée auparavant, donc ne concerne pas un préjudice plus élevé ; autrement formulé, le caractère tardif de la demande n'augmente pas ici ce qui est demandé au défendeur et ne porte donc pas atteinte à sa sécurité juridique sur ce point. 46. En deuxième lieu, l'atteinte à la sécurité juridique est d'autant plus grave que la situation remise en cause est stable depuis longtemps, et que rien ne permettait d'en douter. Ainsi, une personne exploitant une oeuvre de façon continue et notoire, pendant des décennies, acquiert progressivement la certitude que cette exploitation est légitime et ne porte atteinte à aucun droit antérieur, et ce d'autant plus lorsque, comme en l'espèce, cette oeuvre jouit d'une célébrité exceptionnelle. 47. En troisième lieu, la demande tardive porte une atteinte au droit du défendeur lorsqu'elle est plus difficile à contrer au regard de l'ancienneté des faits et de la difficulté de rassembler les preuves utiles. À cet égard, la défense dans un litige relatif à une atteinte au droit d'auteur repose sur la remise en cause de la protection elle-même (l'objet invoqué ne serait pas une oeuvre éligible à la protection), ou sur la réfutation de l'atteinte à cette protection, ce qui peut reposer partiellement dans les deux cas sur les conditions de création des deux oeuvres en cause, et leur examen au regard de leur contexte. 75 ans après la création de l'oeuvre postérieure, et 97 ans après la création de l'oeuvre antérieure, les preuves du contexte de création de chacune sont évidemment difficilement accessibles, notamment parce qu'aucun des créateurs n'est encore en vie, ni aucun témoin direct, et qu'un certain nombre de preuves matérielles ont disparu. 48. Réciproquement, le demandeur au cas présent s'est sciemment abstenu d'agir pendant plus de 70 ans, sans que l'exploitation litigieuse de l'oeuvre seconde (donc le préjudice subi), ait été sensiblement fluctuante, ou même croissante. Or le désintérêt du titulaire des droits n'est pas un argument en faveur du retard de l'action, et l'état psychologique de [I] [N] ne caractérise ici aucun obstacle réel à une action en justice (cf ci-dessus points 33 et 36). Le fait que Mmes [N] elles-mêmes n'aient été investies du droit d'auteur qu'à compter de 2020 est évidemment sans incidence sur la prise en compte de la façon dont ce droit a été exercé par leurs prédécesseurs. Aucun motif légitime n'explique donc le retard de l'action, ce qui amène à apprécier de façon plus sévère le droit d'accès à un tribunal du demandeur au cas présent. Enfin, le droit d'auteur est certes un droit de propriété comme le soulignent les demanderesses, mais tel est le cas de tout droit de créance ; il ne peut en être déduit que son titulaire serait par principe plus légitime à remettre en cause la sécurité juridique d'autrui ; contrairement, par exemple, au cas des atteintes à l'intégrité physique, dont la Cour européenne a souligné dans l'affaire précitée que la fluctuation dans le temps rendait nettement plus difficile de savoir quand former la demande (Sanofi Pasteur c. France, 13 février 2020, 25137/16, §§ 53 et suivants). 49. Les défendeurs au présent litige se trouvent donc soumis à une remise en cause brutale d'une situation dont l'ancienneté est exceptionnelle et que tout permettait de croire absolument stable ; et font face à une difficulté probatoire plus importante que si l'action avait été engagée dans les premières décennies suivant la publication de La Vie en rose ; tandis que corrélativement le demandeur a lui-même négligé son droit d'accès à un tribunal. Ainsi, les droits en présence, dont la balance est au demeurant nettement plus aisée à apprécier que dans le cas qui était soumis à la Cour européenne dans l'affaire précitée, non seulement sont déséquilibrés, mais le sont dans une mesure très importante, qui n'est pas justifiable, même au regard de l'importante marge d'appréciation dont dispose l'État en cette matière. 50. Il en résulte que la France violerait la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme en autorisant l'action de Mmes [N], même limitée aux 5 dernières années ; il est alors nécessaire, pour respecter la Convention, qui est un engagement international de la France, d'écarter l'application de la loi nationale au cas présent ; et il faut, par conséquent, les déclarer irrecevables en toutes leurs demandes. III . Dispositions finales Abus 51. Le droit d'agir en justice dégénère en abus constitutif d'une faute au sens de l'article 1240 du code civil lorsqu'il est exercé en connaissance de l'absence totale de mérite de l'action engagée, ou par une légèreté inexcusable, obligeant le défendeur à se défendre contre une action que rien ne justifie sinon la volonté d'obtenir ce que l'on sait indu, une intention de nuire, ou une indifférence totale aux conséquences de sa légèreté. 52. Mmes [N], se découvrant héritières d'un droit qu'elles ont estimé enfreint de façon massive, ont certes été plus attentives à la valeur qu'elles pourraient en tirer qu'aux raisons éventuelles de ne pas l'invoquer ; elles ont en cela manqué de prudence. Ce manque de prudence n'est toutefois pas si grave qu'il soit fautif en lui-même, et il est loin de suffire à démontrer qu'elles auraient agi en sachant leur action irrecevable, ou dans l'intention de nuire (étant rappelé qu'une motivation financière n'est pas en soi une intention de nuire). Au contraire, la solution retenue est une exception à l'application du droit national, que les demanderesses, même assistées d'un professionnel du droit, pouvaient légitimement ne pas tenir pour évidente. Elles n'ont donc commis aucun abus. Dépens 53. Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. L'article 700 du même code permet au juge de condamner en outre la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre, pour les frais exposés mais non compris dans les dépens, une somme qu'il détermine, en tenant compte de l'équité et de la situation économique de cette partie. 54. Mmes [N], qui perdent le procès, doivent être tenues aux dépens, et indemniser les défendeurs des frais qu'ils ont dû exposer à cette occasion, que l'équité permet de fixer aux montants indiqués au dispositif. Exécution provisoire 55. Enfin, rien ne justifie ici d'écarter l'exécution provisoire, qui est de droit. PAR CES MOTIFS Le juge de la mise en état : Déclare irrecevables Mmes [A] et [L] [N] en l'ensemble de leurs demandes ; Rejette la demande reconventionnelle pour abus de Mmes [S] ; Condamne Mmes [N] aux dépens ainsi qu'à payer, au titre de l'article 700 du code de procédure civile :- 4 000 euros à la société édition Beuscher arpège- 4 000 euros à Mme [P] et M. [H] [K]- 2 500 euros à Mmes [C] et [J] [S]. Faite et rendue à Paris le 03 Février 2023 Le Greffier Le Juge de la mise en étatQuentin CURABET Arthur COURILLON-HAVY | x |
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JURITEXT000047454948 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/45/49/JURITEXT000047454948.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 8 février 2023, 20/06191 | 2023-02-08 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 20/06191 | CT0196 | TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 3ème chambre 3ème section No RG 20/06191 - No Portalis 352J-W-B7E-CSLNR No MINUTE : Assignation du :03 juillet 2020 JUGEMENT rendu le 08 février 2023 DEMANDERESSE S.A.S. PIERRE BALMAIN[Adresse 4][Localité 2] représentée par Maître Georges TERRIER et Maître Alexandre VERMYNCK du cabinet Davis Polk & Wardwell , avocats au barreau de Paris, vestiaire #J0020, et par Maître Julien CANLORBE de la SELARL Momentum AVocats, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #G0343 DÉFENDEUR Monsieur [F] [W] [J][Adresse 5][Localité 1] ( EMIRATS ARABES UNIS) représenté par Maître Arthur DETHOMAS et Maître Olivia BERNARDEAU-PAUPE du Partnerships Hogan Lovells (Paris) LLP, avocats au barreau de Paris, vestiaire #J0033 et par Maître Didier MALKA du cabinet Weil Gotshal & Manges, avocat au barreau de Paris, vestiaire #L132 COMPOSITION DU TRIBUNAL Jean-Christophe GAYET, premier vice-président adjointLinda BOUDOUR, jugeArthur COURILLON-HAVY, juge assistés de Lorine MILLE, greffière DEBATS A l'audience du 06 octobre 2022 tenue en audience publique, avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue le 06 décembre 2022 et prorogée au 08 février 2023. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffeContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE 1. La société par actions simplifiée (ci-après SAS) Pierre Balmain, immatriculée au registre du commerce et des sociétés (RCS) de Paris depuis 1958 est une maison de couture française spécialisée dans la confection de produits de prêt-à-porter de luxe. 2. M. [F] [W] [J], citoyen émirati, est le fondateur de la société émiratie [Localité 3] Fashion, et est actif dans la mode depuis 1983 au Moyen-Orient. 3. Pour permettre à la société Pierre Balmain de faire face à ses difficultés financières rencontrées au début des années 2000, le tribunal de commerce de Paris, par jugement du 11 décembre 2006, a approuvé la cession de droits d'utilisation des marques Balmain à M. [J] pour un montant de trois millions d'euros. Cette autorisation a permis la conclusion d'un accord du 22 mai 2007 liant la société Pierre Balmain et M. [J]. 4. À compter de l'année 2012, la société Pierre Balmain soutient avoir relevé le développement de certaines pratiques qu'elle estime contrevenir à l'accord du 22 mai 2007 par M. [J] et ses sociétés. 5. Afin de voir mettre fin à ce qu'elle estime être des manquements contractuels, la société Pierre Balmain a mis en demeure, par courrier du 12 février 2020, M. [J] de respecter la lettre du contrat du 22 mai 2007. 6. Estimant que ses demandes n'avaient pas été satisfaites, la société Pierre Balmain a notifié, par courrier du 28 février 2020, à M. [J] sa volonté de résoudre unilatéralement le contrat de cession évoqué. 7. En l'absence de réponse, la société Pierre Balmain a, par exploit d'huissier du 3 juillet 2020, assigné M. [J] devant ce tribunal afin que soit constatée la résolution unilatérale du contrat et que cesse l'atteinte alléguée aux marques de la société Pierre Balmain. 8. Le défendeur n'ayant pas constitué avocat, l'affaire a été clôturée une première fois le 19 novembre 2020 sur ordonnance du juge de la mise en état. Le même jour, M. [J] a néanmoins constitué avocat avant de conclure au rabat de la clôture le 22 décembre 2020. 9. Aux termes d'un jugement du 29 janvier 2021, le tribunal judicaire de Paris a fait droit à la demande de rabat de clôture de M. [J]. 10. Par conclusions adressées au juge de la mise en état le 29 octobre 2021, M. [J] a soulevé l'irrecevabilité des demandes de la société Pierre Balmain. 11. Aux termes d'une ordonnance du 14 décembre 2021, le juge de la mise en état a écarté les fins de non-recevoir invoquées par le défendeur. 12. L'affaire a été close par ordonnance du juge de la mise en état du 17 février 2022 et renvoyée à l'audience du 6 octobre 2022 pour être plaidée. PRÉTENTIONS DES PARTIES 13. Selon ses dernières conclusions, signifiées par voie électronique le 15 février 2022, la société Pierre Balmain demande au tribunal, au visa des articles 1134 et 1135 du code civil, 1650 du même code et de l'article L.714-1 du code de la propriété intellectuelle, de : À titre principal,- Constater que Pierre Balmain SAS a prononcé à bon droit la résolution unilatérale :1. du contrat de cession partielle (Trademarks Sale Agreement) du 22 mai 2007 entre Pierre Balmain SAS (venant aux droits de Pierre Balmain SA) et [F] [J]2. des 16 actes confirmatifs (Deed of Assignement) du 22 mai 2007 entre Pierre Balmain SAS (venant aux droits de Pierre Balmain SA) et [F] [J] (relatifs aux territoires suivants : Arabie Saoudite, Bahreïn, Egypte, Emirats arabes unis, Iran, Irak, Jordanie, Koweït, Liban, Libye, Oman, Palestine (Bande de Gaza), Palestine (Cisjordanie), Qatar, Syrie et Yémen)3. des 13 lettres de consentement relatives à la Classe 24 (Letter of Consent) du 22 mai 2007, consenties par Pierre Balmain SAS (venant aux droits de Pierre Balmain SA) au profit d'[F] [J] (relatifs aux territoires suivants : Arabie Saoudite, Bahreïn, Egypte, Emirats arabes unis, Irak, Jordanie, Koweït, Liban, Libye, Oman, Qatar, Syrie, Yémen)En conséquence- Juger que par l'effet de la résolution du contrat de cession partielle, des actes confirmatifs et des lettres de consentement relatives à la classe 24, [F] [J] ainsi que toute personne physique ou morale ayant succédé à ses droits sur les marques et logos Balmain ne disposent plus d'aucun droit sur aucune marque Balmain (en ce compris les logos), ni sur aucun nom commercial, dénomination sociale, enseigne et nom de domaine composé du nom "Balmain" ou "Pierre Balmain" ;- Enjoindre à [F] [J] de procéder, à ses frais, directement ou par l'intermédiaire des sociétés du Groupe [J] (les sociétés du groupe [J] comprenant, de façon non limitative, les personnes morales suivantes : AK [J] Holding SPV Ltd, DO LLC, BA LLC, [Localité 3] Group LLC, Ted Lapidus LLC (désormais dénommée Nejmat Musandam Trading LLC), Theomar Assets Ltd, Balmain Readymade Garnments Trading LLC (désormais dénommée Balmain [Localité 3]), [J] Investments LLC (désormais dénommée Balmain LLC), Banzalini LLC (désormais dénommée Louis Féraud [Localité 3] LLC), Domani International Fashion LLC, East Bridge International Trading LLC (désormais dénommée Maison Balmain LLC), Gentleman Fashion Trading LLC (désormais dénommée Alessandro Dell Acqua Italy LLC), Pierre Balmain SA DMCC (anciennement dénommée Pierre Balmain SA JLT), Pierre Cardin LLC (désormais dénommée Pierre Cardin [Localité 3]), R&L (Roberto Leonardi) LLC) et de toute personne physique ou morale ayant succédé aux droits d'[F] [J] et/ou des sociétés du groupe [J] sur les marques et logos Balmain, aux diligences suivantes dans un délai de 30 jours à compter de la signification du présent jugement, sous astreinte de 50 000 euros par jour de retard passé ce délai (cette astreinte courant dès l'instant qu'il n'aura pas été procédé complètement à l'une ou plusieurs des diligences listées ci-dessous dans le délai imparti) :1. procéder au retrait de toute demande d'enregistrement de marque opposée par Pierre Balmain SAS et déposée, devant tout office de propriété intellectuelle, par [F] [J], les sociétés du Groupe [J] , et toute personne physique ou morale ayant succédé aux droits d'[F] [J] et/ou des sociétés du groupe [J] sur les marques et logos Balmain, portant sur toute marque Balmain ou marque similaire (qu'elle soit verbale, semi-figurative, figurative, représentée en caractères latins et dans toute translittération en tout autre système d'écriture, en ce compris l'alphabet arabe, incluant notamment la marque "BLMN"), ainsi que sur tout logo Balmain ou logo similaire (notamment et de façon non limitative le logo "B") et sur tout autre droit de propriété intellectuelle copiant ou imitant les droits appartenant à Pierre Balmain SAS ; 2. se désister de toute opposition formée, devant tout office de propriété intellectuelle, par [F] [J], les sociétés du groupe [J] , et toute personne physique ou morale ayant succédé aux droits d'[F] [J] et/ou des sociétés du groupe [J] sur les marques et logos Balmain, à l'encontre des demandes d'enregistrements de marques Balmain (en ce compris du logo "B") déposées par Pierre Balmain SAS, ou Balmain SA ;3. transmettre à Pierre Balmain SAS la copie des demandes de retrait et des actes de désistement mentionnés aux paragraphes 1 et 2 ci-dessus, visées par les offices de propriété intellectuelle correspondants ; 4. cesser de fabriquer et/ou de distribuer et/ou d'offrir à la vente et/ou de vendre tout produit et/ou services de marque Balmain (incluant notamment le logo "B" et la marque "BLMN"), et/ou tout produit copiant ou imitant les collections et/ou modèles actuels ou passés, l'identité visuelle et/ou les emblèmes de Pierre Balmain SAS, sur quelque territoire que ce soit y compris au Moyen-Orient et sous quelque forme que ce soit ;5. détruire tout stock de produits de marque Balmain (incluant notamment le logo "B" et la marque "BLMN") en ce compris tout stock de produits copiant ou imitant les collections et/ou modèles, l'identité visuelle et/ou les emblèmes, de Pierre Balmain SAS, détenu, directement ou indirectement, par [F] [J], les sociétés du groupe [J] et toute personne physique ou morale ayant succédé aux droits d'[F] [J] et/ou des sociétés du groupe [J] sur les marques et logos Balmain ; 6. faire attester des destructions mentionnées au paragraphe 5 précédent par un expert indépendant et transmettre la ou les attestation(s) dudit expert à Pierre Balmain SAS ;7. cesser de faire usage, de quelque manière et sous quelque forme que ce soit, de toute marque, nom commercial, dénomination sociale, enseigne et nom de domaine comprenant le nom "Balmain", et/ou un nom similaire, comme par exemple et de façon non limitative : "Balmain", "Pierre Balmain", "Pierre Balmain [Localité 3]", "Balmain for Men Middle East", "Pierre Balmain for Men Middle East" et "BLMN", représentés en caractères latins ainsi que dans toute translittération en tout autre système d'écriture (en ce compris l'alphabet arabe) ;8. procéder au changement, auprès des registres du commerce et des sociétés concernés, de toute dénomination sociale et/ou de tout nom commercial immatriculé sous le nom "(Pierre) Balmain" ou tout nom similaire, représenté en caractères latins et/ou en caractères arabes, en ce compris toute translittération, dans quelque pays du Moyen Orient que ce soit et pour quelque activité que ce soit et ce faisant, transmettre à Pierre Balmain SAS la copie des requêtes déposées auprès des autorités locales compétentes, ainsi que tout acte confirmant l'effectivité de ces démarches auprès desdites autorités ;9. procéder, le cas échéant, au transfert de tout nom de domaine dont le radical est composé du nom "Balmain" et/ou d'un nom similaire comme par exemple et de façon non limitative "BLMN", représentés en caractères latins, ainsi que dans toute translitération en tout autre système d'écriture, réservés au nom d'[F] [J], des sociétés du groupe [J] et toute personne physique ou morale ayant succédé aux droits d'[F] [J] et/ou des sociétés du groupe [J] sur les marques et logos Balmain, sous quelque extension générique et/ou régionale que ce soit ;- Enjoindre à [F] [J] de procéder, à ses frais, directement ou par l'intermédiaire des sociétés du groupe [J] et de toute personne physique ou morale ayant succédé aux droits d'[F] [J] et/ou des sociétés du groupe [J] sur les marques et logos Balmain, aux diligences suivantes :1. transmettre à Pierre Balmain SAS un état complet, exhaustif et à jour de toutes les marques Balmain et marques similaires (qu'elles soient verbales, semi-figuratives, figuratives, représentées en caractères latins et/ ou dans toute translitération en tout autre système d'écriture, en ce compris l'alphabet arabe, incluant notamment la marque "BLMN"), tout logo Balmain et logo similaire (notamment et de façon non limitative le logo "B"), et tout autre droit de propriété intellectuelle copiant ou imitant les droits appartenant à Pierre Balmain SAS, détenus par [F] [J], les sociétés du groupe [J], et toute personne physique ou morale ayant succédé à leurs droits sur les marques et logos Balmain, et ce dans un délai de 30 jours à compter de la signification du présent jugement, sous astreinte de 50 000 euros par jour de retard passé ce délai ;2. transférer à Pierre Balmain SAS la propriété et les titres originaux de propriété de toute marque, tout logo et tout autre droit de propriété intellectuelle figurant sur l'état mentionné au paragraphe 1 précédent et dont Pierre Balmain SAS sollicitera le transfert à son profit par email à [F] [J], dans un délai de 30 jours à compter de l'émission de cet email, sous astreinte de 50 000 euros par jour de retard passé ce délai ; 3. fournir et signer à première demande et, selon les formes locales requises, tout document nécessaire pour permettre à Pierre Balmain SAS de procéder de manière effective et aux frais d'[F] [J] aux inscriptions à son profit des transferts de propriété mentionnés au paragraphe 2 ci-dessus auprès des registres des marques des offices de propriété intellectuelle correspondants, dans un délai de 30 jours à compter de l'émission de toute demande de Pierre Balmain SAS en ce sens par email à [F] [J] , et sous astreinte de 50 000 euros par jour de retard passé ce délai ;4. procéder à la renonciation et/ou la radiation de toute marque, tout logo et tout autre droit de propriété intellectuelle figurant sur l'état mentionné au paragraphe 1 précédent dont Pierre Balmain SAS n'aura pas sollicité le transfert de propriété, dans un délai de 30 jours à compter de l'émission par email de la demande de transfert de Pierre Balmain SAS mentionnée au paragraphe 2 précédent, sous astreinte de 50 000 euros par jour de retard passé ce délai ;À titre subsidiaire, - Constater que Pierre Balmain SAS a mis fin, à bon droit, au droit d'usage octroyé à [F] [J] sur les noms commerciaux, dénominations sociales et enseignes ; - Constater qu'[F] [J] a, au titre de la cession partielle, renoncé à contester la propriété de Pierre Balmain SAS sur les produits Balmain pour femme, enfant et unisexe en classe 18 et 25, et sur tout autre produit Balmain en toute autre classe ; En conséquence- Enjoindre à [F] [J] de procéder, à ses frais, directement ou par l'intermédiaire des sociétés du groupe [J] (les sociétés du groupe [J] comprenant, de façon non limitative, les personnes morales suivantes : AK [J] Holding SPV Ltd, DO LLC, BA LLC, [Localité 3] Group LLC, Ted Lapidus LLC (désormais dénommée Nejmat Musandam Trading LLC), Theomar Assets Ltd, Balmain Readymade Garnments Trading LLC (désormais dénommée Balmain [Localité 3]), [J] Investments LLC (désormais dénommée Balmain LLC), Banzalini LLC (désormais dénommée Louis Féraud [Localité 3] LLC), Domani International Fashion LLC, East Bridge International Trading LLC (désormais dénommée Maison Balmain LLC), Gentleman Fashion Trading LLC (désormais dénommée Alessandro Dell Acqua Italy LLC), Pierre Balmain SA DMCC (anciennement dénommée Pierre Balmain SA JLT), Pierre Cardin LLC (désormais dénommée Pierre Cardin [Localité 3]), R&L (Roberto Leonardi) LLC) et de toute personne physique ou morale ayant succédé aux droits d'[F] [J] et/ou des sociétés du groupe [J] sur les marques et logos Balmain, aux diligences suivantes dans un délai de 30 jours à compter de la signification du présent jugement, sous astreinte de 50 000 euros par jour de retard passé ce délai (cette astreinte courant dès l'instant qu'il n'aura pas été procédé complètement à l'une ou plusieurs des diligences listées ci-dessous dans le délai imparti) :1. procéder au retrait de toute demande d'enregistrement de marque Balmain n'étant pas expressément limitée aux produits pour homme en classe 18 et 25, et déposée, devant tout office de propriété intellectuelle, par [F] [J], les sociétés du groupe [J], et toute personne physique ou morale ayant succédé aux droits d'[F] [J] et/ou des sociétés du groupe [J] sur les marques et logos Balmain, portant sur toute marque Balmain ou marque similaire (qu'elle soit verbale, semi-figurative, figurative, représentée en caractères latins et dans toute translittération en tout autre système d'écriture, en ce compris l'alphabet arabe, incluant notamment la marque "BLMN"), ainsi que sur tout logo Balmain ou logo similaire (notamment et de façon non limitative le logo "B") et sur tout autre droit de propriété intellectuelle copiant ou imitant les droits appartenant à Pierre Balmain SAS ; 2. se désister de toute opposition formée, devant tout office de propriété intellectuelle, par [F] [J], les sociétés du groupe [J], et toute personne physique ou morale ayant succédé aux droits d'[F] [J] et/ou des sociétés du groupe [J] sur les marques et logos Balmain, à l'encontre des demandes d'enregistrements de marques Balmain (en ce compris du logo "B") déposées par Pierre Balmain SAS, ou Balmain SA, pour toute classe et tout produit hors produit pour homme en classe 18 et 25 ;3. transmettre à Pierre Balmain SAS la copie des demandes de retrait et des actes de désistement mentionnés aux paragraphes 1 et 2 ci-dessus, visées par les offices de propriété intellectuelle correspondants ; 4. cesser de fabriquer et/ou de distribuer et/ou d'offrir à la vente et/ou de vendre tout produit et/ou services de marque Balmain pour femme, enfant et unisexe (incluant notamment le logo "B" et la marque "BLMN") ;5. détruire tout stock de produits de marque Balmain (incluant notamment le logo "B" et la marque "BLMN") pour femme, enfant et unisexe ; 6. faire attester des destructions mentionnées au paragraphe 5 précédent par un expert indépendant et transmettre la ou les attestation(s) dudit expert à Pierre Balmain SAS ;7. cesser de faire usage, de quelque manière et sous quelque forme que ce soit, de tout nom commercial, dénomination sociale, enseigne et nom de domaine comprenant le nom "Balmain", et/ou un nom similaire, comme par exemple et de façon non limitative : "Balmain", "Pierre Balmain", "Pierre Balmain [Localité 3]", "Balmain for Men Middle East", "Pierre Balmain for Men Middle East" et "BLMN", représentés en caractères latins ainsi que dans toute translittération en tout autre système d'écriture (en ce compris l'alphabet arabe) ;8. procéder au changement, auprès des registres du commerce et des sociétés concernés, de toute dénomination sociale et/ou de tout nom commercial immatriculé sous le nom "(Pierre) Balmain" ou tout nom similaire, représenté en caractères latins et/ou en caractères arabes, en ce compris toute translittération, dans quelque pays du Moyen Orient que ce soit et pour quelque activité que ce soit et ce faisant, transmettre à Pierre Balmain SAS la copie des requêtes déposées auprès des autorités locales compétentes, ainsi que tout acte confirmant l'effectivité de ces démarches auprès desdites autorités ;9. procéder, le cas échéant, au transfert de tout nom de domaine dont le radical est composé du nom "Balmain" et/ou d'un nom similaire comme par exemple et de façon non limitative "BLMN", représentés en caractères latins, ainsi que dans toute translitération en tout autre système d'écriture, réservés au nom d'[F] [J], des sociétés du Groupe [J] et toute personne physique ou morale ayant succédé aux droits d'[F] [J] et/ou des sociétés du groupe [J] sur les marques et logos Balmain, sous quelque extension générique et/ou régionale que ce soit ;En tout état de cause, - Se réserver la liquidation de l'astreinte ;- Juger qu'[F] [J] a violé ses obligations au titre du contrat de cession partielle du 22 mai 2007;- Condamner [F] [J] à payer à Pierre Balmain SAS la somme de 822 247 euros (sauf à parfaire) en indemnisation des pertes matérielles qu'elle a subies ; - Condamner [F] [J] à payer à Pierre Balmain SAS la somme de 26,4 millions d'euros (sauf à parfaire) au titre des gains manqués ;- Condamner [F] [J] à payer à Pierre Balmain SAS la somme de 3,1 millions d'euros (sauf à parfaire) en indemnisation de son préjudice d'image ;- Rejeter des débats la pièce adverse no54 produite par [F] [J], qui est un faux intellectuel, au surplus obtenu par [F] [J] dans des conditions déloyales, par violation du secret des correspondances de Pierre Balmain SAS ;- Rejeter des débats les pièces no84 et 85 produites par Pierre Balmain SAS, ces deux pièces consistant dans des traductions de la pièce adverse no54, que Pierre Balmain SAS a produites pour démontrer que la pièce adverse no54 était un faux intellectuel ;- Condamner [F] [J] à payer à Pierre Balmain SAS la somme de 200 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; - Condamner [F] [J] aux entiers dépens ; - Dire n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de la décision à intervenir. 14. Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 28 février 2022, M. [J] demande au tribunal, au visa des articles 32, 32-1, 42, 46, 70 et 122 du code de procédure civile, L.714-1 du code de la propriété intellectuelle, 1134 et 1135 anciens du code civil, 1626 et 2224 du code civil, de : À titre principal,- Juger que M. [F] [J] n'est tenu par aucune obligation au terme du contrat autre que de payer le prix et de signer des lettres de consentement,- Juger que Pierre Balmain SAS n'a pas prononcé à bon droit la résolution unilatérale :1. du contrat de cession partielle ("Trademark Sale Agreement") du 22 mai 2007 entre Pierre Balmain SAS (venant aux droits de Pierre Balmain SA) et M. [F] [J]2. des 16 actes confirmatifs ("Deeds of Assignement") du 22 mai 2007 entre Pierre Balmain SAS (venant aux droits de Pierre Balmain SA) et M. [F] [J] (relatifs aux territoires suivants : Arabie Saoudite, Bahreïn, Egypte, Emirats arabes unis, Iran, Irak, Jordanie, Koweït, Liban, Libye, Oman, Palestine (Bande de Gaza), Palestine (Cisjordanie), Qatar, Syrie et Yémen)3. des 13 Lettres de consentement ("Letter of Consent") du 22 mai 2007, consenties par Pierre Balmain SAS (venant aux droits de Pierre Balmain SA) au profit de M. [F] [J] (relatifs aux territoires suivants : Arabie Saoudite, Bahreïn, Egypte, Emirats arabes unis, Irak, Jordanie, Koweït, Liban, Libye, Oman, Qatar, Syrie, Yémen),4. du droit d'usage octroyé à M. [F] [J] sur les noms commerciaux, dénominations sociales et enseignes,En conséquence,- Débouter la société Pierre Balmain SAS de ses demandes comme infondées,À titre subsidiaire,- Juger qu'aucun manquement au contrat n'a été personnellement commis par M. [F] [J],En conséquence,- Débouter la société Pierre Balmain SAS de l'ensemble de ses demandes comme infondées,À titre très subsidiaire,- Juger que la demande en résolution du contrat formée par la société Pierre Balmain SAS est infondée,- Juger que la demande subsidiaire de la société Pierre Balmain en ce qu'elle aurait mis fin, à bon droit, au droit d'usage octroyé à M. [F] [J] sur les noms commerciaux, les dénominations sociales et les enseignes est infondée,- Juger que la demande indemnitaire de la société Pierre Balmain est infondée,En conséquence,- Débouter la société Pierre Balmain SAS de sa demande en résolution du contrat,- Débouter la société Pierre Balmain SAS de sa demande subsidiaire de constat qu'elle aurait mis fin à bon droit au droit d'usage octroyé à M. [F] [J] sur les noms commerciaux, les dénominations sociales et les enseignes,- Débouter la société Pierre Balmain SAS de ses demandes indemnitaires envers M. [F] [J],À titre reconventionnel,- Juger que la procédure engagée par la société Pierre Balmain SAS envers M. [F] [J] est abusive et particulièrement vexatoire,En conséquence,- Condamner la société Pierre Balmain SAS à verser à M. [F] [J] la somme de 1 000 000 euros en réparation du préjudice subi,En tout état de cause,- Débouter la société Pierre Balmain SAS de l'ensemble de ses demandes envers les sociétés AK [J] Holding SPV Ltd, DO LLC, BA LLC, [Localité 3] Group LLC, Ted Lapidus LLC (désormais dénommée Nejmat Musandam Trading LLC), Theomar Assets Ltd, Balmain Readymade Garnments Trading LLC (désormais dénommée Balmain [Localité 3]), [J] Investments LLC (désormais dénommée Balmain LLC), Banzalini LLC (désormais dénommée Louis Féraud [Localité 3] LLC), Domani International Fashion LLC, East Bridge International Trading LLC (désormais dénommée Maison Balmain LLC), Gentleman Fashion Trading LLC (désormais dénommée Alessandro Dell Acqua Italy LLC), Pierre Balmain SA DMCC (anciennement dénommée Pierre Balmain SA JLT), Pierre Cardin LLC (désormais dénommée Pierre Cardin [Localité 3]), R&L (Roberto Leonardi) LLC en ce qu'elles ne sont pas parties à l'instance,- Écarter l'exécution provisoire du jugement à intervenir,- Débouter la société Pierre Balmain SAS de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,- Condamner la société Pierre Balmain SAS à verser à M. [F] [J] la somme de 200 000 euros au titre de l'article 700 CPC,- Condamner la société Pierre Balmain SAS aux entiers dépens qui seront recouvrés par Hogan Lovells ([Localité 3]) LLP, avocat aux offres de droit. MOTIFS DU JUGEMENT I - Sur la demande de rejet des pièces du débat Moyens des parties 15. La SAS Pierre Balmain soutient que la pièce no54 du défendeur intitulée " rapport établi par le directeur du département des affaires de la propriété intellectuelle et les franchises du gouvernement de Dubaï le 8 février 2021 " doit être écartée du débat comme étant un faux en ce qu'elle omet d'inclure la traduction d'une phrase selon laquelle ce rapport " ne peut servir de pièce à valoir devant les tribunaux " et comme étant une atteinte au secret de sa correspondance, cette lettre lui étant destinée et n'ayant pas eu vocation à se retrouver en possession de M. [J]. Selon elle, ses propres pièces no84 et no85, en tant qu'elles consistent en des traductions de la pièce no54 de M. [J], devront également être écartées du débat. 16. M. [F] [W] [J] oppose que la production d'une traduction partielle d'une pièce en langue étrangère est autorisée, alors qu'elle estime sa production fondamentale pour sa défense dans la mesure où elle atteste de l'absence d'atteinte aux droits de la SAS Pierre Balmain à Dubaï, outre que cette traduction a été complétée par la demanderesse. Il indique avoir écarté la phrase traduite par la demanderesse dans la mesure où elle n'a aucune valeur en France et n'est destinée qu'aux tribunaux dubaïotes, ajoutant qu'en tant que partie ayant fait l'objet de l'enquête ayant conduit à la rédaction de ce rapport, il était fondé à en demander une copie Réponse du tribunal 17. En application de l'article 9 du code de procédure civile, "il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention". 18. L'administration de la preuve est gouvernée par le principe de loyauté (voir en ce sens Cour de cassation, assemblée plénière, 7 janvier 2011, no 09-14.316 et no09-14.667). 19. Une atteinte à l'intimité de la vie privée ou au secret des correspondances est admissible si la production litigieuse est indispensable à l'exercice par une partie de son droit à la preuve, et proportionnée aux intérêts antinomiques en présence (en ce sens Cour de cassation, 1ère chambre civile, 5 avril 2012, no11-14.177). 20. De même, le droit à la preuve peut justifier une atteinte au secret des affaires et des correspondances d'une personne morale (en ce sens pour une mesure d'instruction sur requête, Cour de cassation, 2e chambre civile, 24 mars 2022, no20-21.925). 21. Il n'est pas contesté par M. [J] que sa pièce no54 a été produite le 5 décembre 2021 sans mention du caractère partiel de la traduction qu'elle opère, circonstance de nature à mettre en doute sa loyauté dans l'administration de la preuve. 22. Toutefois, le fait que cette pièce n'ait pas été intégralement traduite est indifférent dès lors que la SAS Pierre Balmain a disposé du temps nécessaire à son analyse et a, ainsi, pu déterminer qu'elle n'avait pas été intégralement traduite, ce que ses pièces no84 et no85 établissent. 23. Par ailleurs, la seule mention selon laquelle ce courrier "ne peut servir de pièce à valoir devant les tribunaux" ne constitue pas, par elle-même, une cause de rejet du débat. 24. De plus, la SAS Pierre Balmain admet ne pas pouvoir démontrer que M. [J] s'est trouvé en possession de cette pièce de manière illicite et, quand bien même serait-ce le cas, l'atteinte ainsi portée au secret des affaires ou au secret des correspondances de la SAS Pierre Balmain pourrait être admise si sa production est indispensable à l'exercice par M. [J] de son droit à la preuve. 25. En l'absence de tout caractère illicite de cette pièce ou de sa production, la SAS Pierre Balmain sera déboutée de sa demande tendant à la voir écartée du débat et, par suite, ses pièces no84 et no85 qui en sont la traduction, seront également admises. II - Sur la validité de la résolution du contrat Moyens des parties 26. La SAS Pierre Balmain expose avoir été contrainte de prononcer, le 28 février 2020, la résolution unilatérale de la convention de cession de marque conclue le 22 mai 2007 en raison des violations multiples et continues des conditions de cette cession par le défendeur depuis 2012. Elle avance que cette cession, dont les contours ont été précisés par seize actes confirmatifs et treize lettres de consentement, accordait à M. [J] un droit d'usage limité sur les noms commerciaux et les enseignes du groupe, ainsi qu'une obligation à la charge de celui-ci de s'abstenir de troubler la jouissance paisible de ses propres droits sur les marques exclues de la cession, en particulier celles désignant les produits pour femme, enfant et unisexe, la cession étant limitée, selon elle, aux produits masculins dans les classes 18 (bagages, ceintures, etc.) et 25 (vêtements, chaussures, chapellerie) et à l'usage des marques pour les produits de la classe 24 (couvertures de lit et de table) pour treize territoires du Moyen-Orient. Elle développe qu'en inexécution de cette obligation de jouissance paisible, tirée de l'obligation d'exécution de bonne foi du contrat, M. [J], en sa qualité de cessionnaire, directement ou par l'intermédiaire de sociétés qu'il contrôle ou qu'il a créées, a porté atteinte à ses droits en s'opposant à des dépôts de marques licites qu'elle a entrepris, en enregistrant ou tentant d'enregistrer des marques similaires aux siennes pour des produits en dehors du périmètre cédé, en vendant des produits copiés des siens et de moindre qualité, en opérant une exploitation galvaudée de la marque "Balmain", en utilisant le nom commercial "Balmain [Localité 3]" et son adresse à [Localité 3] sur les étiquettes et les emballages, en affichant des certificats trompeurs dans les magasins qu'il détient par l'intermédiaire de ses sociétés, en s'appropriant l'identité visuelle de ses magasins redéfinie en 2018, en copiant servilement et en vendant sous le nom "Balmain" des modèles à succès de marques concurrentes, l'ensemble provoquant le mécontentement des consommateurs, de ses concurrents et une atteinte à son image justifiant la résolution prononcée. 27. M. [F] [W] [J] objecte qu'il a cédé en mars 2013 les droits qu'il détenait sur les marques de la SAS Pierre Balmain acquises en 2007, en sorte que les manquements contractuels allégués ne lui sont pas imputables, et qu'au surplus aucun de ces manquements n'est caractérisé, la procédure étant commandité par le nouveau propriétaire de la société demanderesse, un fond d'investissement qatari, désireux de reprendre le contrôle de l'ensemble des marques de la SAS Pierre Balmain au Moyen-Orient. Il estime que le contrat de cession et ses annexes lui a transféré la totalité de la propriété des 47 marques qui y étaient incluses couvrant les produits pour homme dans les classes 18 et 25 au Moyen-Orient, sans réserve ni limitation, et qu'il est libre de les exploiter comme bon lui semble, de même pour les enseignes et noms commerciaux qu'il a acquis. À titre principal, il conteste que la cession litigieuse génère les obligations invoquées par la demanderesse, sa seule obligation résidant dans le paiement du prix, dans la mesure où cette cession consiste en une répartition de droits concurrents sur un seul et même signe, "Pierre Balmain", la circonstance que des marques distinctes protègent un même signe ne mettant à la charge de leurs propriétaires aucune obligation sur le signe lui-même, l'obligation de ne pas nuire à la marque acquise et l'obligation de garantie de jouissance paisible pesant, dans le contrat, sur la demanderesse. À titre subsidiaire, il réfute que soient fautifs :- la cession qu'il a faite le 9 février 2013 des noms commerciaux et enseignes "Balmain", celle-ci étant strictement limitée aux droits dont il était propriétaire en vertu du contrat du 22 mai 2007, - le dépôt de deux demandes de marques qu'il a opéré, aucune obligation de ne pas procéder à des dépôts de nouvelles marques ne pouvant être fondée sur les lettres de consentement qu'il a souscrites,- les six oppositions à des dépôts de marques qui lui sont reprochés, ces oppositions étant faites soit par des sociétés tierces, soit par lui-même dans l'attente de l'inscription de la société titulaire des marques à laquelle elles avaient été cédées, - les actes de sociétés tierces dont il ne saurait être tenu personnellement responsable, l'interposition qui lui est imputée n'étant pas constituée, aucune obligation de prévenir les manquements de tiers afin de défendre un prétendu intérêt commun ne pesant sur lui du fait du contrat du 22 mai 2007, et aucune décision des juridictions compétentes n'ayant caractérisé un manquement de ces sociétés tierces, ces manquements relevant de la responsabilité délictuelle dans chacun des États dans lesquels ils sont allégués,- la vente de produits destinés aux femmes dont la matérialité n'est pas établie. À titre plus subsidiaire, il argue que l'obligation principale du contrat de cession est le paiement du prix, que les autres obligations invoquées en sont l'accessoire et qu'à les supposer établies, les manquements prétendus à ces obligations accessoires ne pourraient pas constituer le manquement grave de nature à justifier la résolution du contrat. Réponse du tribunal 28. L'article 4 alinéa 1 du code de procédure civile prévoit que "l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties". 29. Selon l'article 3 paragraphe (§) 1 de la Convention de Rome de 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles, "le contrat est régi par la loi choisie par les parties. Ce choix doit être exprès ou résulter de façon certaine des dispositions du contrat ou des circonstances de la cause. Par ce choix, les parties peuvent désigner la loi applicable à la totalité ou à une partie seulement de leur contrat". 30. L'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable au contrat du 22 mai 2007, prévoit que "les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.Elles doivent être exécutées de bonne foi". 31. L'article 1135 du même code, dans sa rédaction à la même date, ajoute que "les conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l'équité, l'usage ou la loi donnent à l'obligation d'après sa nature". 32. Aux termes de l'article L.714-1 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction applicable au 22 mai 2007, "les droits attachés à une marque sont transmissibles en totalité ou en partie, indépendamment de l'entreprise qui les exploite ou les fait exploiter. La cession, même partielle, ne peut comporter de limitation territoriale". 33. La limitation territoriale, au sens de ce texte, s'entend du territoire pour lequel la marque a été déposée, c'est-à-dire, par principe, le territoire français. Une cession partielle peut, donc, comporter des limitations territoriales visant d'autres territoires. 34. L'article L.716-1 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction applicable au 22 mai 2007, dispose que "l'atteinte portée au droit du propriétaire de la marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur. Constitue une atteinte aux droits de la marque la violation des interdictions prévues aux articles L.713-2, L.713-3 et L.713-4". 35. Cette disposition s'interprète à la lumière de l'article 2 §1 de la directive 2004/48/CE selon lequel "sans préjudice des moyens prévus ou pouvant être prévus dans la législation communautaire ou nationale, pour autant que ces moyens soient plus favorables aux titulaires de droits, les mesures, procédures et réparations prévues par la présente directive s'appliquent, conformément à l'article 3, à toute atteinte aux droits de propriété intellectuelle prévue par la législation communautaire et/ou la législation nationale de l'État membre concerné". 36. La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a dit pour droit qu'il "ressort du libellé de cette disposition, en particulier de l'adjectif ''toute'', que cette directive doit être interprétée en ce sens qu'elle couvre également les atteintes qui résultent du manquement à une clause contractuelle" (CJUE C-666/18 du 18 décembre 2019 IT Development SAS c. Free Mobile SAS §36). 37. Il s'en déduit que toute atteinte portée au droit du propriétaire d'une marque, comme tout manquement à une clause contractuelle d'un contrat de cession de marque, relève des dispositions de la directive 2004/48/CE. 38. Parallèlement, le principe dispositif énoncé à l'article 4 du code de procédure civile précité, permet au cédant d'une marque de ne fonder ses demandes que sur le manquement du cessionnaire à ses obligations contractuelles (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 16 mai 2018, no16-28.728). 39. Par ailleurs, le contrat de cession de marque emporte transfert de la propriété de la marque cédée au profit du cessionnaire, moyennant le paiement de son prix. 40. Le préambule du contrat du 22 mai 2007 (pièces SAS Pierre Balmain no14 et M. [J] no1) conclu entre la SAS Pierre Balmain et M. [J] stipule dans son §A que "Pierre Balmain (?) distribue des vêtements pour femmes, pour hommes et des produits associés sous la marque <Balmain>", dans son §C que "afin de posséder l'appellation commerciale (brand name) et les marques (trademarks) de Pierre Balmain et toutes les marques associées passées, présentes et futures pour les produits homme appartenant aux classes 18 et 25, telles que définies à l'article 1.2.3 dans le Territoire, [F] [W] [J] souhaite acheter par le biais d'un accord définitif et irrévocable les marques de Pierre Balmain et toutes les marques associées telles que définies à l'article 1.2.5 pour le Territoire défini à l'article 1.2.4", dans son §D que "Pierre Balmain, afin de promouvoir ses marques dans le Territoire, a accepté de vendre irrévocablement les marques de Pierre Balmain et toutes les marques associées pour les produits homme tels que définis à l'article 1.2.3 et appartenant aux classes 18 et 25 seulement pour le Territoire spécifique". 41. Ce contrat prévoit (le tribunal reprenant entre parenthèses les termes originaux du contrat stipulé en langue anglaise) :- dans son article 1.2 : "dans ce contrat, les termes ci-dessous auront la signification qui leur a été attribuée ci-dessous, à moins que le contexte leur donne une intention contraire :1.2.1 <Noms commerciaux> doit signifier les noms de l'entreprise et dénominations sociales utilisant les mots <Balmain pour homme Moyen-Orient> (Balmain for Men Middle-East) ou <Pierre Balmain pour homme Moyen-Orient> (Pierre Balmain for Men Middle-East), étant entendu que le Cessionnaire sera autorisé à utiliser <Balmain> ou <Pierre Balmain> comme enseignes (shop names).1.2.2 <Contrat> doit signifier le présent Contrat de Vente de Marques (Trademarks).1.2.3 <Produits> doit signifier tous les articles (items) pour hommes appartenant aux classes 18 et 25.1.2.4 <Territoire> doit signifier le territoire des Émirats Arabes Unis, de l'Arabie Saoudite, d'Oman, du Bahreïn, du Qatar, du Yémen, du Koweït, de l'Iran, de l'Irak, de la Jordanie, du Liban, de la Palestine, de l'Égypte, de la Syrie et de la Lybie.1.2.5 <Marques> doit signifier les marques (trademarks) incluant les logos et autres droits de propriété intellectuelle enregistrés dans le Territoire comme indiqué à l'Annexe E ou en cours d'enregistrement dans le Territoire comme mentionné à l'Annexe F".- dans son article 3 : "le Cédant vend par la présente au Cessionnaire et le Cessionnaire accepte par la présente acheter les marques strictement pour les Produits et le Territoire.Le Cessionnaire devient le propriétaire, dans le sens implicite et explicite du verbe <posséder> des Marques strictement pour les Produits et le Territoire seulement et acquerra le droit d'en disposer comme il l'entend dans le cadre de la définition des Marques, telles qu'il les a achetées.Le Cédant demeure le seul propriétaire des Marques et autres droits de propriété intellectuelle pour tous les produits qui n'ont pas été achetés par le Cessionnaire dans le Territoire et pour tous les produits dans les autres territoires. (?)",- dans son article 5 : "en paiement au titre de la vente de l'ensemble des Marques, le Cessionnaire accepte de payer le montant de 3 000 000 € (trois millions d'euros) (le prix de cession) (Purchase Price)",- dans son article 9 : "le Cédant accorde au Cessionnaire le droit d'utiliser, sans aucune restriction, les Noms Commerciaux dans le Territoire. Tous les autres noms commerciaux dans le Territoire resteront la seule propriété du Cédant". II.1 - S'agissant des atteintes alléguées aux marques de la SAS Pierre Balmain 42. Selon les termes clairs de ce contrat, la SAS Pierre Balmain a cédé en toute propriété à M. [J] les marques qu'elle détenait pour les produits pour homme appartenant aux classes 18 et 25 et pour les États ou territoires du Moyen-Orient limitativement énumérés à l'article 1.2.4 précité. 43. Il en résulte que la SAS Pierre Balmain a conservé la propriété des autres marques pour l'ensemble des États ou classes dans lesquelles elle en a fait enregistrer, ainsi que celles pour femme dans les États ou territoires et les classes 18 et 25 visés par la cession. 44. Les stipulations du contrat du 22 mai 2007 ne prévoient aucune condition ou obligation à la charge de M. [J], autre que celle de payer le prix, en contrepartie de l'acquisition qu'il a faite ; notamment, aucune clause n'impose une quelconque modalité d'exploitation des marques cédées. 45. Or, en l'absence de telles stipulations, la cession de marques, fût-elle partielle, s'analyse en une vente. Il ne saurait, de ce fait, se déduire ni du contrat, ni des suites que la loi ou les usages y donnent, une obligation à la charge de M. [J] d'exécution de bonne foi du contrat qui dépasserait le seul paiement du prix. 46. Compte tenu du transfert de propriété opéré par la cession, il était loisible à M. [J] d'exploiter les marques pour femme qu'il a acquises comme bon lui semble dans les États et territoires et pour les classes 18 et 25 prévus au contrat. 47. Dès lors, les atteintes alléguées par la SAS Pierre Balmain à ses marques et, par-delà, à "un même signe", commun avec les marques acquises par M. [J], ne sauraient valablement se fonder sur une inexécution ou une mauvaise exécution d'une obligation du contrat du 22 mai 2007. 48. Elle sera, en conséquence, déboutée de ses demandes tant principales que subsidiaires sur ce fondement. II.2 - S'agissant des atteintes alléguées à l'usage des noms commerciaux 49. La protection du nom commercial suppose pour celui qui l'invoque de démontrer son droit de propriété sur ce nom, lequel s'acquiert par le premier usage personnel et public (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 24 novembre 1992, no 90-21.230). 50. Le droit de marque permet à son titulaire de s'opposer à l'usage du signe qui la constitue à titre de nom commercial, de dénomination sociale ou d'enseigne (en ce sens Cour de cassation, chambre commerciale, 25 avril 2011, no 98-16.010). Pour ce faire, le titulaire du droit de marque doit démontrer la titularité du droit qu'il revendique. 51. De plus, ce titulaire ne peut s'opposer à l'usage de sa marque à titre de nom commercial que pour le territoire dans lequel il bénéficie d'une protection par l'enregistrement de sa marque. 52. Le contrat du 22 mai 2007 inclut en son annexe E la liste des marques enregistrées par la SAS Pierre Balmain dans les États et territoires prévus au contrat. Or, force est de constater que les signes "Balmain [Localité 3]", "Pierre Balmain [Localité 3]" et l'adresse de la SAS Pierre Balmain à [Adresse 4] n'en font pas partie. Seules sont enregistrées les marques verbales et semi-figuratives "Balmain", "B", "Pierre Balmain" et "PB". 53. Par ailleurs, la SAS Pierre Balmain n'établit pas qu'elle avait acquis au 22 mai 2007, date de la cession, un premier usage personnel et public sur ces signes à titre de noms commerciaux dans les États et territoires prévus au contrat. 54. Dès lors, les atteintes alléguées à l'usage des noms commerciaux et enseignes ne sont pas fondées, tant à titre principal au soutien de la résolution unilatérale du contrat du 22 mai 2007 prononcée par la SAS Pierre Balmain le 28 février 2020, qu'à titre subsidiaire au soutien d'une résiliation du droit d'usage de ces noms commerciaux et enseignes. 55. Il s'ensuit que c'est à tort que la SAS Pierre Balmain soutient avoir valablement prononcé une résolution unilatérale du contrat de cession du 22 mai 2007. 56. En conséquence, la SAS Pierre Balmain sera déboutée de l'ensemble de ses demandes à ce titre. III - Sur la demande en procédure abusive Moyens des parties 57. M. [F] [W] [J] demande reconventionnellement la condamnation de la demanderesse à l'indemniser du préjudice subi en raison du caractère abusif de la procédure. Il considère que ce caractère abusif résulte de la cession qu'il avait opérée en 2013 des marques acquises en 2007 que la demanderesse n'ignorait pas, du caractère infondé de la résolution unilatérale reposant sur des obligations implicites imaginées à dessein, de la disproportion des demandes indemnitaires formulées et de la tentative de la faire juger en dehors de tout contradictoire. 58. La SAS Pierre Balmain n'a pas répliqué à cette demande. Réponse du tribunal 59. L'article 1240 du code civil prévoit que "tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer". 60. En application de l'article 32-1 du code de procédure civile, "celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 € sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés". 61. Le droit d'agir en justice participe des libertés fondamentales de toute personne. Il en résulte que celui qui invoque un abus de ce droit doit prouver la faute le faisant dégénérer en abus (en ce sens Cour de cassation, 2e chambre civile, 28 janvier 2016, pourvoi no 14-20.726). 62. La seule circonstance que les demandes de la SAS Pierre Balmain soient rejetées n'est pas de nature à faire dégénérer son action en abus. 63. De plus, M. [J] ne caractérise aucune faute faisant dégénérer en abus l'exercice du droit d'agir de la demanderesse et ne justifie d'aucun préjudice distinct des frais exposés par lui pour se défendre en justice, lesquels sont indemnisés au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 64. La demande à ce titre de M. [J] sera, en conséquence, rejetée. IV - Dispositions finales IV.1 - Sur les dépens 65. Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge de l'autre partie. 66. La SAS Pierre Balmain, partie perdante, sera condamnée aux dépens, avec distraction pour l'avocat de M. [J]. IV.2 - Sur les frais non compris dans les dépens 67. L'article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a lieu à condamnation. 68. La SAS Pierre Balmain sera, en conséquence, condamnée à payer 50 000 euros à M. [F] [W] [J] au titre des frais non compris dans les dépens. IV.3 - Sur l'exécution provisoire 69. En application des articles 514 et 514-1 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement. Le juge peut écarter l'exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s'il estime qu'elle est incompatible avec la nature de l'affaire. Il statue, d'office ou à la demande d'une partie, par décision spécialement motivée. 70. En l'espèce, si M. [J] demande à écarter l'exécution provisoire de droit, d'une part, il ne formule aucune motivation ni en fait ni en droit à son soutien, d'autre part, l'exécution provisoire, nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire, n'a pas à être écartée. PAR CES MOTIFS Le tribunal, DÉBOUTE la SAS Pierre Balmain de sa demande de rejet du débat de la pièce no54 intitulée "rapport établi par le directeur du département des affaires de la propriété intellectuelle et les franchises du gouvernement de Dubaï le 8 février 2021" produite par M. [F] [W] [J] et de ses propres pièces no84 intitulée "traduction jurée de la pièce adverse no54 par M. [G] [X]" et no85 intitulée "traduction de la pièce adverse no54 par Bablex" ; DÉBOUTE la SAS Pierre Balmain de ses demandes fondées à titre principal sur la résolution unilatérale du contrat du 22 mai 2007 prononcée le 28 février 2020 et à titre subsidiaire sur la résiliation du droit d'usage de ses noms commerciaux et enseignes ; DÉBOUTE M. [F] [W] [J] de sa demande au titre de l'abus de procédure ; CONDAMNE la SAS Pierre Balmain aux dépens, avec droit pour Me Olivia Bernardeau-Paupe, avocat au barreau de Paris, de recouvrer ceux dont elle a fait l'avance sans recevoir provision ; CONDAMNE la SAS Pierre Balmain à payer 50 000 euros à M. [F] [W] [J] en application de l'article 700 du code de procédure civile ; DIT n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de droit. Fait et jugé à Paris le 08 février 2023 La greffière Le président | x |
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JURITEXT000047454949 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/45/49/JURITEXT000047454949.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 17 février 2023, 21/02820 | 2023-02-17 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 21/02820 | CT0196 | TRIBUNALJUDICIAIREDE PARIS 3ème chambre2ème section No RG 21/02820No Portalis 352J-W-B7F-CT3IP No MINUTE : Assignation du :29 Janvier 2021 JUGEMENT rendu le 17 Février 2023 DEMANDERESSE S.A.S. LOUIS VUITTON MALLETIER[Adresse 2][Adresse 2] représentée par Maître Julien BLANCHARD de la SELARL CANDÉ - BLANCHARD - DUCAMP, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0265 DÉFENDERESSE S.A.S. ZV FRANCE[Adresse 1][Adresse 1] représentée par Maître Emmanuelle HOFFMAN de la SELARL HOFFMAN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C0610 COMPOSITION DU TRIBUNAL Madame Irène BENAC, Vice-PrésidenteMadame Elodie GUENNEC, Vice-présidenteMonsieur Arthur COURILLON-HAVY, Juge assisté de Monsieur Quentin CURABET, Greffier DEBATS A l'audience du 10 Novembre 2022 tenue en audience publique devant Irène BENAC et Arthur COURILLON-HAVY, juges rapporteurs, qui sans opposition des avocats ont tenu seuls l'audience, et après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe, en dernier lieu, le 17 Février 2023. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe ContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE 1. La société Louis Vuitton Malletier (la société Louis vuitton) reproche à la société ZV France, connue sous l'enseigne ‘Zadig et Voltaire', l'utilisation, depuis août 2020, d'un logo qu'elle estime tirer indûment profit de la renommée des marques correspondant à son monogramme ‘LV'. Elle qualifie subsidiairement cet usage de parasitisme, en particulier en tant que fermoir de sacs, pris dans son contexte et associé à l'emploi du terme ‘monogram'. 2. Sont ainsi invoquées quatre marques, toutes déposées notamment pour désigner la maroquinerie en classe 18 et des vêtements et chaussures en classe 25, portant sur la version originale ou une version renouvelée du monogramme, à savoir :- la marque française semi-figurative « LV » no 3873608 déposée le 14 novembre 2011 et dûment renouvelée :- la marque semi-figurative de l'Union européenne « LV » no 000015628 déposée le 1er avril 1996 et dûment renouvelée : - la marque française semi-figurative « LV » no 4108655 déposée le 28 juillet 2014 : - la marque internationale désignant l'Union européenne semi-figurative « LV » no 1241670, déposée le 24 novembre 2014 : 3. La société Louis vuitton dit avoir constaté, à partir d'août 2020, que la société ZV France avait modifié la présentation de ses produits, les lettres ‘ZV' étant désormais entrelacées et reproduites avec un décalage du V vers le bas, se distinguant des logos précédents utilisés par cette société et se rapprochant ainsi selon elle de son logo LV : 4. Après l'avoir mise en demeure, par courrier du 16 septembre 2020, de ne pas se placer dans son sillage, et face au refus de la société ZV France de déférer à cette mise en demeure, pour invoquer des différences entre les logos, son « ADN » et ses propres investissements, la société Louis vuitton l'a assignée le 29 janvier 2021 pour atteinte à la renommée de ses marques et subsidiairement parasitisme. L'instruction a été close le 16 juin 2022 et l'affaire plaidée le 10 novembre suivant. Prétentions des parties 5. Dans ses dernières conclusions du 13 mai 2022, la société Louis vuitton demande :? sur l'atteinte à ses marques renommées, ? de condamner la société ZV France à lui payer, à titre de provision, 300 000 euros en réparation de son préjudice moral et 500 000 euros en réparation de son préjudice économique, ? outre la publication du présent jugement,? subsidiairement sur le parasitisme, de condamner la société ZV France à lui payer 500 000 euros de dommages et intérêts,? en tout état de cause, ? de prononcer un droit d'information, et des mesures d'interdiction, de rappel et de destruction des produits litigieux sous astreinte, ? de condamner la société ZV France à lui rembourser les frais de constat et à lui verser la somme de 50 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens à recouvrer par son avocat. 6. Dans ses dernières conclusions du 14 juin 2022, la société ZV France résiste à l'ensemble des demandes, y compris l'exécution provisoire, et réclame elle-même 40 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens. Moyens des parties 7. Sur la renommée, la société Louis vuitton affirme que son monogramme LV, utilisé depuis le XIXe siècle, jouit d'une renommée planétaire exceptionnelle, ce qui a déjà été reconnu en justice ; que ses marques correspondant au nouveau monogramme, stylisé, intitulé ‘Twist', sont renommées auprès du « public visé par ces marques », au regard du succès du sac Twist sur lequel elles sont reproduites, de l'ampleur des campagnes publicitaires et des articles de presse le concernant. En réponse, la société ZV France, qui rappelle que la renommée s'apprécie pour chaque marque prise individuellement, estime que la demanderesse n'invoque que des éléments relatifs à la notoriété de l'ancien monogramme, et conteste expressément la renommée du nouveau. Contre celle-ci, elle fait valoir que la demanderesse ne démontre que le succès d'un produit, le sac Twist, qui ne permettrait pas de prouver la renommée des marques, notamment en ce que le signe qu'il contient, en guise de fermoir, ne les reproduirait pas exactement. 8. Pour démontrer ensuite le lien entre le signe litigieux et ses marques, la société Louis vuitton expose que les signes sont similaires, visuellement car constitués de deux lettres, écrites en majuscule et dont l'une est commune, qui ont quasiment la même taille de caractère et qui se superposent avec un léger décalage de hauteur ; phonétiquement, car une lettre est commune et le L est comme le V une consonne apicale ; conceptuellement, car il s'agit d'initiales ; sur ce dernier point elle conteste la prise en compte d'une évocation du nom entier des parties, car cela reviendrait à se référer aux conditions d'exploitation des signes au lieu de s'en tenir aux ressemblances intrinsèques, ainsi qu'à diminuer la protection des marques exceptionnellement renommée en retenant un lien plus fort entre elles et la personne de leur titulaire. Ainsi, selon elle, au regard de l'identité des produits, du public concerné, et indépendamment du lieu où ces produits sont vendus, il existe un lien dans l'esprit du public entre sa marque et le signe litigieux, dont elle souligne qu'il ne s'agit pas d'un monogramme quelconque, mais d'une évolution particulière du logo de la défenderesse, dont elle affirme ne pas contester de façon générale la possibilité d'utiliser ses initiales, y compris sur le fermoir d'un sac à main. 9. Contre ce lien, la société ZV France, qui conteste toute similitude entre les signes, fait valoir qu'ils sont composés de lettres différentes, stylisées et présentées différemment, à savoir superposées dans la marque LV, et seulement partiellement juxtaposées dans le signe ZV, lettres qui ne sont pas de même taille, se prononcent différemment, et font, conceptuellement, référence respectivement à Louis Vuitton et Zadig & Voltaire, c'est-à-dire à un univers différent. Elle ajoute que l'apposition d'un monogramme à l'effigie des initiales d'une marque est fréquent, ce qui pousserait le public à être attentif aux différences. 10. Estimant alors, en premier lieu, que par ce lien la défenderesse tire indûment profit de la notoriété de ses marques, la société Louis vuitton soutient que le nouveau logo adopté par la société ZV France est à ce point proche des marques LV que l'image de la marque renommée ou les caractéristiques projetées par cette dernière risquent d'être transférées aux produits désignés par le signe litigieux ; que les ailes, présentées comme symbole iconique de la société ZV France, se sont effacées au profit du logo litigieux, la défenderesse ayant entendu faire de ce signe un élément essentiel d'identification et créer un rattachement avec le logo LV, notamment en ce que le signe litigieux a été particulièrement mis en avant et en ce que la défenderesse a baptisé ‘Monogram', en anglais, une ligne de produits, quand la toile Louis Vuitton créée en 1896 est elle-même connue sous le nom de ‘Toile Monogram'. 11. Estimant, en second lieu, que la défenderesse porte également atteinte à la distinctivité de ses marques renommées, la société Louis vuitton fait valoir que son modèle commercial est bâti, depuis 150 ans, sur les notions d'excellence et d'exclusivité, et qu'elle est parvenue à élever ses marques au rang des plus connues au monde tout en préservant cette image d'excellence auprès de ses clients, de sorte que la diffusion de produits reproduisant le logo litigieux brouille cette image. 12. En réplique, la société ZV France soutient en premier lieu, contre le bénéfice indû, qu'elle fait usage de ses initiales à titre de dénomination sociale depuis 1997 et à titre de marque et de logo depuis 2005, de sorte qu'elle poursuivrait cet usage pour sa collection 2020 de manière loyale ; qu'elle cherche à affirmer son identité et à développer sa gamme et non à profiter de la renommée de la société Louis vuitton ; que les ailes et la marque Zadig et voltaire sont toujours identifiables dans les communications autour du logo litigieux et qu'elle n'a pas mis davantage ce logo en avant que d'autres ; qu'elle énonce n'avoir jamais entretenu d'équivoque sur l'origine de ses produits ni cherché à s'inscrire dans le sillage de la demanderesse, sa démarche s'inscrivant dans l'évolution et le renouvellement de ses collections. En second lieu, contre l'atteinte au caractère distinctif, elle conteste toute modification du comportement économique du public pertinent. 13. Subsidiairement, la société Louis vuitton allègue un parasitisme tenant au même nouveau logo ZV, son emploi massif, et en particulier sur le rabat et au centre de sacs, avec le même fonctionnement pivotant, et comme boucle de ceinture ; en ayant fait passer au second plan les ailes qui caractérisaient auparavant la communication de la défenderesse ; ce nouvel ensemble étant désigné par le terme anglais Monogram comme sa fameuse « toile ». Ces éléments constituent en effet, selon elle, un risque d'évocation qui suffirait à caractériser le parasitisme, en vertu de la jurisprudence ; et constitueraient, pris dans leur ensemble, un comportement parasitaire. 14. Sur le parasitisme, la société ZV France répond que la demanderesse n'expose pas la valeur individualisée qui aurait été reprise ; que les éléments invoqués sont impropres à fonder une condamnation, en ce que, outre les moyens déjà rappelés ci-dessus, le rabat au centre d'un sac ou comme boucle de ceinture serait classique, et l'utilisation du terme ‘Monogram' ne saurait lui être reprochée dès lors qu'elle utilise depuis toujours des mots anglais. Elle ajoute avoir elle-même réalisé d'importants investissements pour la promotion de chaque nouvelle ligne de maroquinerie. MOTIVATION I . Demandes en contrefaçon par atteinte à la renommée des marques 1 . Atteinte au droit du titulaire 15. Les droits conférés par les marques nationales et de l'Union européenne sont prévus dans des termes en substance identiques par la directive 2015/2436 et le règlement 2017/1001, respectivement à leur article 10 et 9, ce dernier étant rédigé en ces termes, s'agissant en particulier de l'atteinte à une marque de renommée : « (...)2. Sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité d'une marque de l'Union européenne, le titulaire de cette marque de l'Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe pour des produits ou services lorsque:(...)c) ce signe est identique ou similaire à la marque de l'Union européenne, indépendamment du fait que les produits ou services pour lesquels il est utilisé soient identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée, lorsque celle-ci jouit d'une renommée dans l'Union et que l'usage de ce signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque de l'Union européenne ou leur porte préjudice. » 16. L'atteinte aux marques jouissant d'une renommée, prévue en droit interne, en des termes en substances identiques, à l'article L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle dans sa rédaction postérieure au 15 décembre 2019, est qualifiée de contrefaçon, engageant la responsabilité civile de son auteur, par l'article L. 716-4 (dans le cas des marques françaises) et par l'article L. 717-1 (dans le cas des marques de l'Union européenne). a. Renommée des marques 17. Interprétant les dispositions en substance identiques de la première directive rapprochant les législations des États membres sur les marques, qui doivent en outre être interprétées de manière uniforme avec les disposition du règlement, la Cour de justice des communautés européennes a dit pour droit que pour bénéficier d'une protection élargie à des produits ou à des services non similaires, une marque enregistrée doit être connue d'une partie significative du public concerné par les produits ou services couverts par elle (CJCE, 14 septembre 1999, General motors corporation, C-375/97). 18. Au plan territorial, il suffit que la renommée existe dans une partie substantielle du territoire concerné, État membre ou Union (respectivement, CJCE, General motors corporation, précité, point 28 ; et CJCE, 6 octobre 2009, Pago international, C-301/07, point 27). Marques 3873608 et 000015628 correspondant au monogramme ancien 19. La société ZV France ne conteste pas expressément la renommée des deux marques correspondant au monogramme historique de la demanderesse, et cette renommée, dont il est admis qu'elle a déjà été reconnue par les juridictions, dont ce tribunal, ressort de la très grande ancienneté du signe, précédant l'enregistrement des marques elles-mêmes, de l'extrême intensité de leur usage sur des supports très variables, notamment par une publicité notoirement très importante, et du succès commercial de cet usage, quoiqu'auprès d'un très petit groupe de clients (les plus aisés) parmi le public pertinent (le grand public), l'ampleur de la communication et de la résonnance qui lui a été donnée auprès du grand public allant largement au-delà de ce seul groupe. Ces deux marques ont donc une forte renommée. Marques 4108655 et 1241670 correspondant au nouveau monogramme 20. En revanche, les deux autres marques, correspondant au nouveau monogramme, n'ont été utilisées que depuis 8 ans (6 à la date des faits litigieux) sur un nombre relativement restreint de modèles de sacs à main (que la demanderesse regroupe sous l'appellation Twist), ainsi que des chaussures (selon l'image présente par ailleurs p. 49 des conclusions de la demanderesse). Que ces sacs à main, en particulier, aient fait l'objet d'une campagne de publicité intense comme l'allègue la demanderesse ne suffit toutefois pas, en soi, à démontrer que la marque qui les désigne est connue d'une partie significative du public concerné, et la demanderesse ne démontre pas en quoi ces marques, dont elle n'explicite au demeurant pas le « public visé » qu'elle évoque, mais qui sont à tout le moins enregistrées pour désigner des sacs à main et des chaussures, seraient devenues, en si peu de temps, connues d'une partie significative de la clientèle de ces produits, c'est-à-dire du grand public, par exemple par l'acquisition d'une part de marché significative, ou des investissements de communication si massifs et si efficaces (ce qui ne se présume pas) que le public connaitrait déjà largement ces marques. 21. Au contraire, au-delà d'un certain nombre de photographies publicitaires montrant un mannequin portant un sac revêtu de la marque, ce qui est un élément faible, elle allègue seulement, d'une part, un succès commercial caractérisé par des termes vagues ne permettant pas d'en apprécier l'ampleur réelle (« succès fulgurant »), au demeurant sans viser de preuve ; d'autre part une simple couverture médiatique favorable, sans que les articles invoqués ne permettent de démontrer qu'une partie significative du grand public connait les sacs, et a fortiori la marque particulière dont ils sont revêtus. Ces éléments sont en effet d'autant moins susceptibles de prouver la renommée de la marque elle-même que, alors que celle-ci est très stylisée, le seul usage qui en est allégué est celui de fermoir décoratif (certes très visible) sur les sacs, à l'exclusion de tout autre usage, que ce soit avant ou après la vente, pour désigner le produit : les chances que le public voie et retienne ce signe comme une marque sont donc plus faibles, ce qui amoindrit la portée des preuves de commercialisation du produit pour apprécier la renommée de la marque. 22. La renommée des deux marques correspondant au nouveau monogramme n'est donc pas démontrée. b. Atteinte à la renommée des marques 3873608 et 000015628 23. Le juge qui considère que la condition tirée de la renommée est remplie doit procéder à l'examen de la seconde condition prévue au texte, à savoir l'existence d'une atteinte sans juste motif à la marque antérieure ; à cet égard, il convient d'observer que plus le caractère distinctif et la renommée de celle-ci seront importants, plus l'existence d'une atteinte sera aisément admise (CJCE General Motors Corporation, C-375/97, précité, point 30). 24. L'atteinte peut être de trois types : premièrement, le préjudice porté au caractère distinctif de la marque antérieure, deuxièmement, le préjudice porté à la renommée de cette marque et, troisièmement, le profit indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de ladite marque (CJCE, 27 novembre 2008, Intel corporation, C-252/07, point 27). 25. Une telle atteinte suppose (sans que cela suffise à la caractériser) qu'en raison d'un certain degré de similitude entre les signes, le public concerné effectue un rapprochement entre eux, c'est-à-dire qu'il établisse un lien, même s'il ne les confond pas. L'appréciation de ce lien repose notamment sur le degré de similitude entre les signes, le degré de ressemblance ou de dissemblance entre les produits ou services, le public concerné, l'intensité de la renommée, le degré de caractère distinctif de la marque (CJCE, Intel, précité, points 30 et 31, et point 42). 26. Ces critères font également partie des facteurs pertinents pour apprécier plus généralement l'existence (ou le risque) d'une atteinte (CJCE, Intel, précité, point 68). Lien entre le signe et les marques 27. Le monogramme LV, figuré pour mémoire ci-dessous, représente de façon très simple deux majuscules d'imprimerie de même taille, en police traditionnelle avec empattement, un L superposé à un V, où la barre verticale du L, penchée comme en italique de façon parallèle à la barre oblique droite du V, croise en son milieu le tiers bas de la barre oblique gauche du V, de sorte que le L, quoique de même taille, est légèrement inférieur au V, tandis que les deux lettres sont situées exactement au même emplacement sur la ligne d'écriture (leur début respectif et leur fin respective, à gauche et à droite, se trouvent chacun sur une même ligne verticale). 28. Le signe litigieux, figuré pour mémoire ci-dessous, représente également deux lettres majuscules, mais en police grasse sans empattement, un Z partiellement superposé à un V légèrement plus petit, où le Z, qui parait de prime abord entièrement libre, coupe en réalité par le milieu de sa barre oblique le tiers supérieur de la barre oblique gauche du V, et voit son socle horizontal se terminer contre, ou partiellement dans, le V ; et où le Z apparait clairement à gauche du V, et légèrement supérieur, impression de supériorité renforcée par la taille légèrement plus faible du V, et par le fait que la barre oblique gauche du V n'est pas seulement traversée par le Z, mais est en réalité amputée : elle ne reprend pas au-delà, en haut à gauche, alors que, par symétrie avec la barre droite, elle devrait être partiellement visible au-dessus de la barre oblique du Z. 29. Ainsi, visuellement, les points communs entre la marque et le signe se résument à l'emploi de deux lettres majuscules de taille similaire, superposées, dont l'une est un V et l'autre contient une barre oblique. Or l'emploi de plusieurs lettres superposées en un signe unique est le principe même d'un monogramme, procédé habituel qui n'est pas distinctif dans son simple principe (ce n'est pas l'emploi d'un monogramme en soi qui est apte à indiquer l'origine commerciale du produit, mais l'apparence de ce monogramme). Pour le reste, la superposition dans le signe ZV procède par amputation du V, lequel est clairement positionné à la droite du Z, tandis que dans le monogramme LV, le L croise seulement le V, et les deux lettres sont à la même position dans leur rapport horizontal (de gauche à droite). Quant à la présence dans les deux cas d'une barre oblique dans la 2e lettre, elle est presque inévitable et donc peu distinctive en elle-même dès lors que, en tenant compte des italiques comme dans le L de LV, toutes les lettres sauf 4 contiennent soit une barre oblique, soit une barre verticale devenant oblique en italique (les 4 exceptions étant les lettres C, O, Q, et S). 30. Autrement formulé, la perception de ces deux signes dans leur ensemble est double : elle s'attache d'une part à des éléments certes communs mais génériques, et donc peu susceptible de susciter une association pour le public confronté à ces marques, à savoir la présence de deux lettres aisément reconnaissables, dont un V, se recoupant en tout ou partie ; d'autre part à un mécanisme de superposition clairement visible, et nettement dissemblable. Les deux signes sont donc très peu similaires visuellement dans ce qui fait leur distinctivité. Il en va de même aux plans auditif (aucun lien n'existe dans l'esprit du public entre « ellevé » et « zèdevé ») et cognitif, le public n'attachant pas de sens intrinsèque à l'emploi d'un monogramme de deux lettres. 31. Il faudrait alors, pour que le public associe les marques en cause malgré leur très faible similitude et leur construction et leur agencement différents, que la marque LV soit si renommée que le public lui associe tout autre monogramme de deux lettres contenant un V (sauf ceux associant ce V à C, O, Q ou S). Mais cette association, cette fusion, même, entre un procédé commun et la marque de la demanderesse, n'est pas démontrée, ni même alléguée, la société Louis vuitton se défendant au contraire de chercher à interdire « tout monogramme quelconque » ou l'usage par la défenderesse de ses initiales. 32. Il en résulte que, même pour des produits identiques, les marques en cause sont trop peu similaires pour que le public pertinent, à savoir le grand public, établisse un lien entre elles. Ce qui exclut toute possibilité d'atteinte à la renommée, et justifie le rejet des demandes en contrefaçon. II . Demandes subsidiaires en parasitisme 33. Est fautif, au sens de l'article 1240 du code civil, le fait, pour un agent économique, de se placer dans le sillage d'une entreprise en profitant indûment des investissements consentis ou de sa notoriété, ou encore de ses efforts et de son savoir-faire ; qualifié de parasitisme, il résulte d'un ensemble d'éléments appréhendés dans leur globalité (Cass. Com., 4 février 2014, no13-11.044 ; Cass. Com., 26 janvier 1999, no 96-22.457), et qu'il faut interpréter au regard du principe de liberté du commerce et de l'industrie. 34. Il incombe donc à celui qui impute à un tiers des actes parasitaires de rapporter ce qui est le fruit d'investissements et efforts humains et financiers de sa part, lesquels ne se déduisent pas de la seule longévité et du succès de la commercialisation de l'objet copié ou imité (Cass. Com. 5 juillet 2016, no14-10.108). 35. La société Louis vuitton n'expose pas en quoi l'emploi d'initiales en tant que fermoir de sac, pivotant ou non, ou en tant que boucle de ceinture, serait le fruit d'investissements particuliers lui ayant conféré une valeur économique individualisée. Elle ne démontre, ni même n'allègue, au demeurant, avoir été la seule, ou la première, entreprise à procéder de la sorte, et moins encore en quoi cette seule idée lui appartiendrait. L'emploi des initiales en cause, qui ne contrefont pas les marques invoquées, ne saurait être en lui-même fautif ; pas plus que leur emploi comme boucle de sac. Quant à l'usage du terme Monogram en anglais, il est certes inusuel, mais n'est pas davantage appropriable par la demanderesse, même associé à l'emploi effectif d'un monogramme pour de la maroquinerie. Ainsi, les faits litigieux, tant individuellement que pris dans leur ensemble, ne caractérisent pas l'appropriation d'un investissement identifié de la demanderesse. 36. Par conséquent, les demandes fondées sur le parasitisme sont également rejetées. III . Dispositions finales 37. Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. L'article 700 du même code permet au juge de condamner en outre la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre, pour les frais exposés mais non compris dans les dépens, une somme qu'il détermine, en tenant compte de l'équité et de la situation économique de cette partie. 38. Perdant le procès, la société Louis vuitton est tenue aux dépens, et doit indemniser la défenderesse de ses frais, qui peuvent être estimés, en l'absence de justificatif mais aussi au regard de l'ampleur du procès qu'elle a intenté et qui est corroborée par le montant de sa propre demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à 30 000 euros. 39. Enfin, l'exécution provisoire est de droit, c'est-à-dire qu'elle s'applique à la décision sans que le tribunal ait à la prononcer, sauf à ce qu'il l'écarte, et aucun motif ne justifie de l'écarter ici. PAR CES MOTIFS Le tribunal : Rejette l'ensemble des demandes de la société Louis vuitton malletier ; La condamne aux dépens ainsi qu'à payer 30 000 euros à la société ZV France au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Fait et jugé à Paris le 17 Février 2023 Le Greffier La PrésidenteQuentin CURABET Irène BENAC | x |
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JURITEXT000047454950 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/45/49/JURITEXT000047454950.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 17 février 2023, 21/05343 | 2023-02-17 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 21/05343 | CT0196 | TRIBUNALJUDICIAIREDE PARIS 3ème chambre2ème section No RG 21/05343No Portalis 352J-W-B7F-CUHE2 No MINUTE : Assignation du :07 Avril 2021 JUGEMENT rendu le 17 Février 2023 DEMANDERESSE S.A.S. CLIM DENFERT BOURQUIN[Adresse 6][Localité 5] représentée par Maître Leslie DICKSTEIN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D1398 DÉFENDEURS S.A.R.L. GROUPE ENDF[Adresse 2][Localité 4] Monsieur [K] [B][Adresse 1][Localité 3] représenté par Maître Murielle-Isabelle CAHEN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E1194 COMPOSITION DU TRIBUNAL Madame Irène BENAC, Vice-PrésidenteMadame Elodie GUENNEC, Vice-présidenteMonsieur Arthur COURILLON-HAVY, Juge assisté de Quentin CURABET, Greffier DÉBATS A l'audience du 25 Novembre 2022 tenue en audience publique devant Irène BENAC et Arthur COURILLON-HAVY, juges rapporteurs, qui sans opposition des avocats ont tenu seuls l'audience, et après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile. Avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe, en dernier lieu, le 17 Février 2023. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe ContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE 1. La société Clim denfert-bourquin (la société Clim denfert), qui commercialise des systèmes de climatisation et de traitement de l'air, reproche à la société Groupe endf et à son dirigeant, M. [K] [B], à titre personnel, l'usage pour la même activité du signe ‘Clim Denfert' en contrefaçon de sa marque homonyme, et la reproduction parasitaire de son site internet, faits qui ont été découverts en avril 2019, puis à nouveau en 2021 s'agissant de l'usage de la marque. La société défenderesse conteste notamment l'imputabilité des faits, en particulier en ce que ceux de 2021 auraient été accomplis non par elle mais par un prestataire. 2. La société Clim denfert invoque la marque verbale française ‘Clim Denfert' no 97 674 888, déposée le 23 avril 1997, renouvelée depuis, et enregistrée pour désigner les produits et services suivants en classes 37, 40 et 42 : « Installation et réparation de chauffage, installation et réparation d'appareils pour le conditionnement de l'air, la réfrigération, l'humidification de l'air. Informations en matière d'installation et de réparation de climatisation. Purification, rafraîchissement, humidification, dessication, désodorisation de l'air. Informations en matière de traitement de l'air. Consultation en matière de climatisation de locaux. Etablissement de plans pour la construction. Décoration intérieure. Travaux d'ingénieur en génie climatique. Etude de projets techniques dans le domaine du conditionnement de l'air. Elaboration (conception) de logiciels de gestion d'installations de climatisation ». 3. Après une mise en demeure en 2019 à propos de la reproduction du site internet et de l'usage du signe Clim Denfert sur une plateforme appelée ‘Houzz', qui a été suivie de la cessation des faits critiqués, puis une deuxième mise en demeure justifiée par l'absence de réponse explicite à la première, et s'étant enfin aperçue en 2021 de la reprise du signe Clim Denfert sur une annonce Google, elle a assigné la société Groupe endf et son gérant le 7 avril 2021 en contrefaçon de marque et parasitisme. L'instruction a été close le 23 juin 2022 et l'affaire plaidée le 25 novembre suivant. Prétentions des parties 4. Dans ses dernières conclusions (20 avril 2022), la société Clim denfert demande, avec exécution provisoire :? de condamner la société Groupe endf et M. [B], chacun, à lui payer les sommes forfaitaires suivantes : ? 15 000 euros pour la contrefaçon sur la plate-forme Houzz, ? 45 000 euros pour la contrefaçon dans l'annonce payante Google, ? 30 000 euros pour le parasitisme, ? 75 000 euros en réparation de son préjudice moral et de l'atteinte à son image de marque,? des mesures d'interdiction et de publication sous astreinte,? 25 000 euros de la part de chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens, « en ce compris les frais d'huissiers ». 5. Dans leurs dernières conclusions signifiées par voie électronique le 3 juin 2022, la société Groupe endf et M. [K] [B] résistent à l'ensemble des demandes y compris d'exécution provisoire et sollicitent eux-mêmes 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens, avec exécution provisoire. Moyens des parties 6. Sur la contrefaçon de marque, la société Clim denfert fait valoir que la société Groupe endf a commis des actes de contrefaçon par reproduction de sa marque Clim Denfert en revendiquant, sur la plateforme Houzz, avoir une boutique à l'enseigne ‘Clim Denfert Mediterranée' à [Localité 7], puis qu'une de ses annonces payantes sur le moteur de recherche Google a contenu, en titre, les termes « Clim Denfert ». La société Groupe endf admet avoir commis « une erreur purement matérielle » et fait valoir qu'elle a immédiatement supprimé les mots « Clim Denfert » de son site internet à réception de la lettre de mise en demeure du 7 juin 2019, de même qu'elle a fait rapidement modifier la nouvelle erreur sur l'annonce Google en 2021, commise selon elle par son nouveau prestataire. Ce à quoi la demanderesse répond que la défenderesse est responsable des faits commis par ses salariés et ne rapporte pas la preuve d'un contrat de prestation de service pour la rédaction des annonces sur le moteur de recherche Google. 7. Sur le parasitisme, la demanderesse reproche à la société Groupe endf d'avoir reproduit intégralement sur son site internet gendf.fr le plan, la structure, les fonctionnalités, l'agencement des rubriques et le contenu de son propre site internet climdenfert.com, cherchant ainsi selon elle à se placer dans son sillage sans bourse délier ; en réponse, la société Groupe endf estime que les similitudes relevées concernent le plan et les onglets et qu'il s'agit d'une présentation classique, l'agencement, les fonctionnalités et la structure du site de la demanderesse ne présentant aucune particularité, ce que conteste la demanderesse. 8. Sur la responsabilité personnelle du dirigeant pour les mêmes faits, la société Clim denfert soutient que celui-ci a répété en toute connaissance de cause des actes de contrefaçon et de parasitisme depuis 2019, et que les défendeurs ne démontrent pas qu'il ne s'agit pas d'une faute personnelle de M. [B] ni sa bonne foi. M. [B] conteste toute faute personnelle détachable de ses fonctions, toute intention frauduleuse et affirme avoir immédiatement mis fin aux faits reprochés. 9. Sur la réparation, enfin, la demanderesse, qui demande des sommes forfaitaires, précise qu'elles sont « à parfaire en attendant la communication des éléments relatifs à la campagne publicitaire menée sur Google » ; estime que son préjudice ne peut pas être contesté dès lors qu'il a été porté atteinte à ses droits ; que les pièces versées par les défendeurs ne sont pas probantes ; qu'en particulier, le graphique relatif à la campagne de publicité sur Google concerne une période limitée et n'est « pas officiel », que la défenderesse ne précise pas la destination de sa publicité ni les sommes investies, que la pièce remise à cet égard n'est pas probante car elle montre des paramètres modifiables « à la main » ; que, même à suivre ces pièces, 131 clics ont été comptabilisés sur le site de la défenderesse grâce aux mots-clés Clim Denfert, dont 12 ont donné lieu à un achat en ligne ou un appel depuis un mobile ; que cela indique, selon elle, au minimum une perte de 12 clients potentiels pour elle. Sur le parasitisme, elle soutient que la reproduction du contenu de son site a permis aux défendeurs d'économiser les frais de conception du site et de bénéficier de son propre référencement. Sur le préjudice moral, enfin, elle fait valoir qu'il « s'infère nécessairement un préjudice moral » en matière de concurrence déloyale. 10. Contre la réparation et les mesures demandées, les défendeurs estiment qu'elles ne sont pas justifiées, qu'aucune confusion par des clients n'a été démontrée, qu'aucun bénéfice n'a été retiré des faits litigieux, son chiffre d'affaires ayant même considérablement diminué en 2020 par rapport à 2019, tandis que la demanderesse a vu son chiffre d'affaires augmenter entre 2018 et 2019 ; que l'atteinte à l'image invoquée n'est pas non plus établie, et que les faits reprochés ont été commis sur une courte période n'ayant pas pu leur permettre de bénéficier d'un quelconque avantage. Ils contestent également les astreintes demandées dès lors qu'il n'existe plus de campagne d'annonces faisant apparaître les termes « Clim Denfert ». MOTIVATION I . Demandes en contrefaçon de marque 1 . Atteinte au droit du titulaire de la marque 11. Les droits sur les marques nationales sont prévus par la directive 2015/2436, à son article 10, rédigé en ces termes : « 1. L'enregistrement d'une marque confère à son titulaire un droit exclusif sur celle-ci. 2. Sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité de la marque enregistrée, le titulaire de ladite marque enregistrée est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires, pour des produits ou des services, d'un signe lorsque: a) le signe est identique à la marque et est utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels celle-ci est enregistrée; b) le signe est identique ou similaire à la marque et est utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires aux produits ou services pour lesquels la marque est enregistrée, s'il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion; le risque de confusion comprend le risque d'association entre le signe et la marque; » 12. L'atteinte au droit exclusif conféré par la marque, codifié en droit interne, en des termes non expressément incompatibles avec ceux de la directive, à l'article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle dans sa rédaction postérieure au 15 décembre 2019, est qualifiée de contrefaçon, engageant la responsabilité civile de son auteur, par l'article L. 716-4. 13. Les faits antérieurs au 15 décembre 2019 sont régis par le même article L. 713-2 dans sa rédaction alors en vigueur, elle-même transposant, d'une façon qui n'y était pas expressément incompatible, les dispositions de la directive 2008/95 prévoyant les droits conférés par la marque dans des termes en substance identiques à ceux, précités, de l'actuel article 10 de la nouvelle directive. Et l'atteinte au droit du titulaire de la marque était qualifiée de contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur par les termes identiques de l'ancien article L. 716-1. 14. La Cour de justice de l'Union européenne a précisé que le droit exclusif du titulaire de la marque, qui n'est pas absolu, ne l'autorise à s'opposer à l'usage d'un signe par un tiers en vertu de l'article correspondant à l'actuel article 10, dans les conditions énumérées au paragraphe 2, sous a) et b), que si cet usage porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque et notamment à sa fonction essentielle qui est de garantir aux consommateurs la provenance du produit ou du service (CJCE, 12 novembre 2002, Arsenal football club, C-206/01, point 51). 15. Il est constant que le signe Clim Denfert, identique à la marque de la demanderesse, a été utilisé en 2019 sur la page qui référençait la société Groupe endf sur un site tiers appelé Houzz. L'employeur étant responsable des faits commis par ses préposés dans le cadre de leurs fonctions, il est indifférent que l'usage de 2019 soit le fait du dirigeant de la défenderesse ou d'un de ses salariés ; il s'agit dans les deux cas d'un usage fait par elle. 16. Il est également constant qu'à partir de février 2021 le même signe apparaissait, de façon visible, dans une annonce payante du moteur de recherche Google renvoyant vers le site internet de la société Groupe endf. Bien que la défenderesse allègue être étrangère à ce fait, pour avoir délégué sa communication à un prestataire, cet usage n'en demeure pas moins fait en son nom et pour son compte ; il lui incombe alors d'exposer et de justifier en quoi, malgré ces circonstances, il devrait être considéré comme fait sans son accord et indépendamment de son propre comportement. Or elle n'expose pas de quelle façon son prestataire aurait non seulement pu prendre unilatéralement l'initiative de reproduire la marque d'un concurrent, ce qui est déjà improbable, mais aurait en outre choisi la même marque que celle qui avait déjà été reprise par la société Groupe endf elle-même deux années auparavant. Au contraire, il ressort des propres pièces de la société Groupe endf que son prestataire a « relancé » les « ads » c'est-à-dire les publicités, en suggérant ensuite des modifications par rapport à leur configuration préexistante (pièce Groupe endf no9), ce qui implique qu'il n'a, dans un premier temps, fait que republier les publicités et leurs mots-clés tels qu'ils avaient été créés antérieurement par la société Groupe endf. Les échanges de courriels ultérieurs (pièce Groupe endf no8) montrent même que le prestataire a ensuite recherché la validation de son client pour un « nouveau format » des annonces. L'usage du signe Clim Denfert résulte donc à l'évidence du comportement actif de la société Groupe endf, et lui est imputable, qu'il ait été en pratique accompli par un tiers ou par elle-même ; et son affirmation selon laquelle son prestataire aurait recouru à ce signe de son initiative et sans son accord relève d'une présentation des faits manifestement contraire à la réalité. 17. Il est enfin constant que cet usage a été fait sans l'autorisation de la société Clim denfert, dans la vie des affaires, pour désigner des services d'installation et réparation d'appareils pour le conditionnement de l'air, c'est-à-dire des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, et il est manifeste que par cet usage, des consommateurs ont pu voir dans ce signe l'indication de l'origine commerciale des services, ce qui a porté atteinte ou était susceptible de porter atteinte à la fonction essentielle de la marque. 18. La contrefaçon est donc caractérisée. 2 . Réparation 19. En vertu de l'article L. 716-4-10 du code de la propriété intellectuelle, pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement : 1o Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ; 2o Le préjudice moral causé à cette dernière ; 3o Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon. 20. À titre d'alternative, et sur demande de la partie lésée, la juridiction peut, en vertu du 2nd alinéa de l'article L. 716-4-10, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire, supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée. 21. Ces dispositions doivent être interprétées, d'une part, à la lumière du principe de réparation intégrale, en vertu duquel la partie lésée doit se trouver dans la situation qui aurait été la sienne en l'absence des faits litigieux, sans perte ni profit pour elle ; d'autre part, à la lumière de la directive 2004/48 sur le respect des droits de propriété intellectuelle, qui prévoit à son article 13 que les dommages et intérêts doivent être adaptés au préjudice que le titulaire du droit « a réellement subi du fait de l'atteinte ». 22. Au cas présent, le signe litigieux a été utilisé de façon isolée, dans des périodes de temps courtes, et a systématiquement été arrêté peu de temps après l'envoi d'une mise en demeure. Par ailleurs, la confusion invoquée par la demanderesse à propos d'une cliente qui l'aurait contactée par erreur (sa pièce no3) n'est pas avérée, cette cliente ayant découvert la page Houzz litigieuse dans le cadre d'une démarche de vérification après signature d'un devis avec la société Groupe endf par son père, dans des circonstances qui lui avaient certes paru suspectes mais sans usage de la marque Clim Denfert ; et cette démarche l'a précisément conduite à appeler la demanderesse pour vérifier avec qui la société Groupe endf était réellement en lien, et ne l'a pas amenée à opérer de confusion sur l'origine commerciale des services concernés. 23. Néanmoins, l'usage du signe litigieux sur une page promotionnelle d'un site internet, certes peu connu, mais dont il est constant qu'il a pour objet de permettre aux professionnels de s'attirer une clientèle, a en soi fait subir au titulaire de la marque une dilution de celle-ci, qui caractérise un préjudice, faible, qui peut être estimé ici à 2 000 euros, en tenant compte du préjudice moral. 24. Par ailleurs, l'usage de la marque dans la publicité sur le moteur de recherche Google a donné au signe contrefaisant une visibilité nettement plus grande, et exposé son titulaire à une atteinte corrélativement plus importante. La défenderesse a communiqué une copie du graphique établi par Google sur la fréquentation de son site internet grâce à cette publicité (pièce Groupe endf no19), dont elle déduit qu'il y a eu 131 clics sur la publicité, qui ont donné lieu à 12 personnes remplissant « le formulaire de demande », sans plus de précision. Mais, comme le souligne la demanderesse, ce document, qui n'est qu'une reproduction partielle de l'outil de suivi fourni par Google, ne permet pas d'évaluer la réalité et l'exhaustivité des informations ainsi extraites. Il faut alors apprécier au détriment de la défenderesse son refus d'apporter des éléments fiables, vérifiables et suffisamment clairs permettant d'apprécier les conséquences complètes de la contrefaçon. Au regard de la durée de celle-ci (2 mois), le préjudice en résultant peut alors être estimé à 8 000 euros, en tenant compte du préjudice moral. 25. En tenant ainsi compte de l'ensemble des éléments communiqués par les parties, le préjudice causé par la contrefaçon est de 10 000 euros, somme que la société Groupe endf est condamnée à payer à la demanderesse. 2 . Autres mesures 26. L'interdiction demandée est nécessaire pour mettre fin au préjudice. La défenderesse ayant persévéré dans la contrefaçon malgré une première interruption, une astreinte est nécessaire, dans les termes du dispositif. 27. Par ailleurs, la réitération des faits justifie, pour assurer un caractère dissuasif à la présente décision, d'enjoindre à la défenderesse de mentionner celle-ci sur son site internet, sous astreinte. Il est rappelé à la société Groupe endf qu'ainsi soumise à une obligation de faire, c'est à elle qu'il incombe d'en prouver l'exécution. La demande de publication dans des journaux est en revanche inutile au regard de l'enjeu du litige. II . Demandes en parasitisme 28. Est fautif, au sens de l'article 1240 du code civil, le fait, pour un agent économique, de se placer dans le sillage d'une entreprise en profitant indûment des investissements consentis ou de sa notoriété, ou encore de ses efforts et de son savoir-faire ; qualifié de parasitisme, il résulte d'un ensemble d'éléments appréhendés dans leur globalité (Cass. Com., 4 février 2014, no13-11.044 ; Cass. Com., 26 janvier 1999, no 96-22.457), et qu'il faut interpréter au regard du principe de liberté du commerce et de l'industrie. 29. La demanderesse démontre, par un constat d'huissier (sa pièce no4) et des comparaisons reprises dans ses conclusions (pp. 12-17), non contestées, que le site internet gendf.fr, dont il est constant qu'il s'agissait de celui de la société Groupe endf, reproduisait les noms de l'ensemble des rubriques de son site, ainsi que le texte d'un grand nombre d'entre elles, au mot près, à l'exception du nom de la demanderesse qui était à chaque fois remplacé par celui de la défenderesse. 30. Si, s'agissant des intitulés des rubriques, il ne s'agit manifestement pas d'un ensemble ayant demandé un effort tel qu'il caractérise en lui-même une valeur économique individualisée dont la reproduction ou l'imitation serait fautive, y compris sans leur structure d'ensemble, les textes eux-mêmes, en revanche, représentent un effort de rédaction, et permettent à celui qui se les réapproprie entièrement une économie de temps ou d'argent que rien ne justifie, et ce indépendamment de la banalité de l'information transmise par ces textes. Par ailleurs, si les photographies communes entre les deux sites viennent elles-mêmes d'autres sites internet comme le soulève la société Groupe endf, la reprise de ces photographies n'est pas critiquée et, s'agissant des textes, la défenderesse n'allègue pas que ces textes auraient une autre source que la demanderesse aurait elle-même copiée. La société Groupe endf s'est donc approprié ainsi le travail de la société Clim denfert, commettant ainsi un parasitisme fautif. La valeur de cette appropriation, rapportée à l'économie ainsi indûment réalisée, peut être évaluée à 1 500 euros. III . Demandes dirigées contre M. [B] à titre personnel 31. Le dirigeant d'une personne morale n'engage sa responsabilité personnelle dans l'exercice de ses fonctions que s'il commet intentionnellement une faute d'une particulière gravité, incompatible avec l'exercice normal des fonctions sociales (Cass. Com., 31 mars 2015). 32. M. [B], agissant en qualité de dirigeant de la société Groupe endf, a fait usage, certes à deux reprises séparées dans le temps, de façon intentionnelle, et alors qu'il avait déjà été mis en demeure, d'un signe contrefaisant une marque. La faible ampleur des faits en cause ne caractérise toutefois pas une gravité particulière qui la rendrait incompatible avec l'exercice normal des fonctions sociales. Les demandes dirigées contre M. [B] sont donc rejetées. IV . Dispositions finales 33. Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. L'article 700 du même code permet au juge de condamner en outre la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre, pour les frais exposés mais non compris dans les dépens, une somme qu'il détermine, en tenant compte de l'équité et de la situation économique de cette partie. 34. La société Groupe endf, qui perd le procès, est tenue aux dépens. En outre, par la réitération volontaire d'un comportement qu'elle savait illicite (ou l'absence de toute précaution pour éviter cette réitération du fait de la simple republication de publicités antérieures illicites, qu'au demeurant la demanderesse n'avait manifestement pas découvertes et n'avait pas poursuivies), elle a rendu un procès nécessaire pour la demanderesse ; l'équité commande alors qu'elle l'indemnise intégralement des frais qu'elle a dû exposer pour rechercher et démontrer les faits litigieux puis faire valoir ses droits devant le tribunal, bien que la demanderesse ait elle-même exagéré considérablement le montant de ses demandes indemnitaires. Ces frais peuvent être évalués, malgré l'absence de tout justificatif, en tenant compte de la propre demande de la défenderesse, à 10 000 euros (somme qui inclut les frais d'huissier non compris dans les dépens, comme les frais de constat). 35. Quant à M. [B], qui a bénéficié de la défense assurée par sa société, l'équité permet de rejeter sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 36. L'exécution provisoire est de droit, et rien ne justifie de l'écarter au cas présent, y-compris pour la publication. PAR CES MOTIFS Le tribunal : Condamne la société Groupe ENDF à payer 10 000 euros à la société Clim denfert-bourquin en réparation de la contrefaçon de la marque Clim Denfert ; Interdit à la société Groupe ENDF de faire usage du signe clim denfert (tout attaché ou non), passé un délai de 10 jours après la signification du jugement, sous astreinte de 1 000 euros par infraction constatée ; Condamne la société Groupe ENDF à payer 1 500 euros à la société Clim denfert-bourquin en réparation du parasitisme ; Rejette les demandes dirigées contre M. [B] ; Ordonne à la société Groupe ENDF de publier en haut de la page d'accueil de son site internet, de façon extrêmement visible, en caractères de taille plus grande que le reste de la page, le message suivant, pendant 2 mois en débutant au plus tard 15 jours après la signification du jugement, puis sous astreinte de 500 euros par jour de retard, qui courra au maximum pendant 90 jours : La société Groupe ENDF a été condamnée le 17 février 2022 par le tribunal judiciaire de Paris pour avoir contrefait la marque Clim Denfert appartenant à la société concurrente Clim denfert-bourquin. Rejette la demande en publication pour le surplus ; Se réserve la liquidation des astreintes ; Condamne la société Groupe endf aux dépens ainsi qu'à payer 10 000 euros à la société Clim denfert au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; Rejette la demande de M. [B] à ce titre. Fait et jugé à Paris le 17 Février 2023 Le Greffier La PrésidenteQuentin CURABET Irène BENAC | x |
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JURITEXT000047454951 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/45/49/JURITEXT000047454951.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 10 février 2023, 22/09077 | 2023-02-10 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 22/09077 | CT0196 | TRIBUNALJUDICIAIREDE PARIS 3ème chambre2ème section No RG 22/09077No Portalis 352J-W-B7G-CXMQ5 No MINUTE : Assignation du :12 Juillet 2022 ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETATrendue le 10 Février 2023DEMANDERESSES Association WIMBI FOUNDATION[Adresse 3][Localité 5] Société WIMBI BOATS[Adresse 1][Localité 6] représentée par Maître Tamara BOOTHERSTONE de la SELEURL SELARL BOOTHERSTONE, avocat au barreau de PARIS, avocats plaidant, vestiaire #D2085 et par Maître John GASNERIE-CESARI, avocat au barreau d'AJACCIO, avocat plaidant, DEFENDERESSE S.A.R.L. 3BBB[Adresse 2][Localité 4] représentée par Maître Clara STEINITZ de la SELARL TALIENS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D0320 MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT Monsieur Arthur COURILLON-HAVY, Jugeassisté de Monsieur Quentin CURABET, Greffier lors des débats et de Madame Lorine MILLE, Greffière lors de la mise à dipsosition. DEBATS A l'audience du 12 Janvier 2023, avis a été donné aux avocats que l'ordonnance serait rendue le 10 Février 2023. ORDONNANCE Prononcée publiquement par mise à disposition au greffeContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE 1. L'association ‘Wimbi foundation', titulaire de marques verbales françaises ‘Wimbi' et, depuis le 16 juin 2020, d'une marque de l'Union européenne ‘Wimbi boats' désignant notamment des bateaux, et la société ‘Wimbi boats', licenciée exclusive de cette dernière marque (ensemble, le groupement Wimbi), reprochent à la société 3BBB, qui importait auparavant de façon licite des bateaux sous ces marques, d'avoir continué à le faire après le 8 mars 2019, date à laquelle une société de droit hong-kongais qui faisait fabriquer les bateaux a été dissoute, ce qui aurait rendu illicite toute importation de bateaux revêtus des marques. Procédures devant d'autres juridictions 2. Un bateau revêtu de la marque Wimbi ayant été saisi en douane le 19 mai 2021, l'association Wimbi foundation, la société Wimbi boats, ainsi que la dirigeante de celle-ci, une société civile ‘Wimbi', ont assigné le 19 juin 2021, devant le tribunal judiciaire de Lyon, la société 3BBB en contrefaçon des marques, d'abord les seules marques françaises puis, par demande incidente, la marque de l'Union européenne. 3. Une plainte a, par ailleurs, été portée auprès du procureur de la République de Thonons les bains. 4. Et une action en nullité des dessins ou modèles français a été engagée par la société 3BBB contre la société civile Wimbi devant le tribunal judiciaire de Marseille. Procès devant le présent tribunal 5. Puis, la défenderesse ayant soulevé l'incompétence du tribunal judiciaire de Lyon pour connaitre de l'atteinte à la marque de l'Union européenne, le groupement Wimbi a assigné le 12 juillet 2022 la société 3BBB devant le présent tribunal, en contrefaçon de sa marque de l'Union européenne Wimbi boats, no018170014, déposée le 20 décembre 2019, et enregistrée le 12 juin 2020 pour désigner, notamment, des bateaux. 6. Par conclusions respectives des 15 et 21 novembre 2022, la défenderesse a demandé un sursis à statuer et les demanderesses une communication forcée de pièces. L'incident a été entendu à l'audience du 12 janvier 2023. Prétentions et moyens des parties pour l'incident 7. Dans leurs conclusions respectives du 11 janvier 2023, le groupement Wimbi demande la communication sous astreinte des « pièces visées à [sa] pièce no30 », et la société 3BBB demande un sursis à statuer jusqu'au prononcé d'une décision définitive dans la procédure en cours devant le tribunal judiciaire de Lyon (21/04621) et jusqu'à l'issue de l'enquête du procureur de la République de Thonons les bains. Chacun résiste à la demande de l'autre, et ils réclament respectivement au titre de l'article 700 du code de procédure civile, 4 500 euros pour le groupement Wimbi dont 3 000 pour l'association et 1 500 pour la société, et 4 000 euros pour la société 3BBB. 8. Sur le sursis à statuer, la société 3BBB expose que les procédures de [Localité 7] et [Localité 9] portent sur les mêmes faits et qu'il existe ainsi un risque de contrariété de décisions, alors selon elle que ces autres procédures sont déjà très avancées, celle de [Localité 7] au regard de son ancienneté, tandis que le dossier de l'enquête pénale à [Localité 9] aurait déjà été remis au procureur ; elle estime être victime d'un acharnement procédural et de manoeuvres malhonnêtes (par exemple le demandeur lui réclame ici des pièces pour le bateau objet du procès lyonnais, qui lui ont déjà été refusées, et aurait cherché à retarder artificiellement le procès de [Localité 8] par un changement d'avocat tardif et une intervention intempestive de la société Wimbi boats qui n'est pas partie à ce litige-là) ; et affirme avoir cessé l'usage du signe litigieux, expliquant que le constat de commissaire de justice invoqué par le demandeur concerne en réalité un produit « légitimement revêtu » de la marque en vertu de l'article 14 du règlement 2017/1001. 9. Contre le sursis, le groupement Wimbi soutient que les procédures portent sur des droits distincts, et des faits distincts, à savoir, devant le tribunal de Lyon et au parquet de [Localité 9], l'unique bateau saisi en France par la douane, et devant le présent tribunal, de multiples ventes postérieures dans l'Union européenne et en ligne ; que les délais devant la chambre saisie de l'affaire au sein du tribunal de Lyon sont très longs, ce qu'aggraverait au demeurant l'attitude dilatoire selon elle de la défenderesse, qui aurait formé un nouvel incident devant être audiencé fin février 2023 seulement ; et que contrairement à ce qu'elle affirme, la défenderesse continuerait à exploiter la marque Wimbi boats. 10. Le groupement Wimbi demande, au titre du droit d'information, la communication de documents relatifs aux bateaux que la défenderesse a, selon elle, admis avoir importés « depuis 2019 », et qui correspondraient aux actes de contrefaçon en ligne qu'elle dit avoir relevés ; ces documents, qui sont énumérés dans sa pièce no30, correspondent selon elle à des documents que la défenderesse a obligatoirement en sa possession, au titre de la construction du navire, de son importation, et de sa vente, et ne seraient pas confidentiels. Elle estime que ces documents sont indispensables pour « mieux apprécier la contrefaçon dans son ensemble », en ce qu'ils permettront fixer la date de construction et d'importation des bateaux. 11. Contre la communication de pièces, la société 3BBB estime que les demanderesses n'expliquent pas la pertinence des pièces réclamées pour trancher le fond du litige, qui repose selon elle avant tout sur le consentement des demanderesses concernant l'usage de la marque, usage qui aurait été autorisé jusqu'à la mise en demeure du 16 mars 2021 ; qu'au contraire, les pièces demandées sont « essentiellement » des documents techniques, inutiles pour apprécier la contrefaçon, notamment la licéité de l'apposition de la marque Wimbi boats ; en particulier, que les devis et bons de commande, la communication avec ses clients, les factures de ventes, preuves de règlements, documents comptables et bancaires, bons de livraison, sont confidentiels, et ne permettent pas davantage d'apprécier la licéité de l'apposition de la marque ; que les « documents financiers et le cas échéants relatifs au financement » demandés sont vagues et non pertinents. MOTIVATION I . Sursis à statuer 12. Il est admis que même dans les cas où il n'y est pas tenu, le juge peut surseoir à statuer au regard de la bonne administration de la justice. Il faut notamment tenir compte, à cet égard, des incidences du risque de contrariété de décisions, du risque de travail inutile imposé aux parties pour instruire une affaire en vain, et de l'atteinte causée par le sursis demandé au droit de voir toute cause entendue dans un délai raisonnable. 13. Il est constant que l'action engagée à [Localité 7] par le groupement Wimbi (et une troisième société du même groupe) porte sur l'usage de marques Wimbi, très similaires à la marque invoquée dans la présente instance (Wimbi boats), lors de l'importation d'un bateau en France. Toutefois, la présente affaire porte sur d'autres faits que l'importation de ce bateau, et une autre marque. Elle ne dépend donc pas entièrement de cette autre procédure, et il n'est pas justifié d'attendre que celle-ci soit achevée, d'autant que le délai de son achèvement n'est pas encore connu, et que la question se poserait à nouveau si le jugement était frappé d'appel. 14. Par ailleurs, la plainte pénale porte également sur des marques françaises et non sur les marques de l'Union européenne ; et l'action publique n'ayant pas été mise en mouvement, la juridiction civile n'est pas tenue de surseoir à statuer en application de l'article 4 du code de procédure pénale. 15. Par conséquent, la demande de sursis à statuer est rejetée. II . Demande en communication de documents 16. L'article L. 713-4-9 du code de la propriété intellectuelle, appliquant l'article 8 de la directive 2004/48 relative au respect des droits de propriété intellectuelle, prévoit au bénéfice du demandeur à l'action en contrefaçon un droit d'information en vertu duquel, s'il n'existe pas d'empêchement légitime, la juridiction peut ordonner, au besoin sous astreinte, afin de déterminer l'origine et les réseaux de distribution des produits argüés de contrefaçon qui portent atteinte aux droits du demandeur, la production de tous documents ou informations détenus par le défendeur ou par toute personne qui a été trouvée en possession de produits argués de contrefaçon ou qui fournit des services utilisés dans de prétendues activités de contrefaçon ou encore qui a été signalée comme intervenant dans la production, la fabrication ou la distribution de ces produits ou la fourniture de ces services. 17. La directive précitée, à son article 8, paragraphe 2, sous b) prévoit que les informations visées peuvent comprendre des renseignements sur les quantités ainsi que sur le prix obtenu pour les marchandises ou services en question. Il s'ensuit que les renseignements sur « l'origine et les réseaux de distribution » incluent ceux portant sur l'étendue du préjudice. 18. Plus généralement, en application de l'article 3 de la même directive, la mesure doit ainsi être limitée à ce qui est effectif, et proportionné au regard, notamment, de l'intérêt du défendeur à la protection du secret des affaires. 19. Au cas présent, les informations demandées, très variées, et notamment les correspondances et documents comptables, sont confidentiels. Or la contrefaçon alléguée repose sur une affirmation, imparfaitement claire en l'état du débat, relative à l'incidence de la dissolution d'une société étrangère sur la fin de l'autorisation donnée à la société 3BBB d'importer des bateaux revêtus des marques ; elle n'est donc pas suffisamment évidente à ce stade du débat, pour justifier à elle seule l'atteinte au droit de la défenderesse. Il serait alors disproportionné à cet égard d'ordonner la communication des éléments demandés, d'autant plus qu'il n'est pas contesté qu'il n'existe aucun risque de disparition des informations, lesquelles pourront aisément être obtenues une fois le jugement sur la contrefaçon prononcé. 20. La demande d'informations pré-jugement est donc rejetée. III . Dispositions finales et suite de la procédure 21. Chaque partie voit ses demandes incidentes rejetées, de sorte qu'aucune ne doit prendre en charge les frais de l'autre. 22. Par ailleurs, l'assignation contient les moyens de fait relatifs à la contrefaçon dans la partie « I. Exposé des faits » ; à tel point que la partie « II. exposé de la demande » débute la discussion en l'espèce par « ainsi qu'il a été démontré ». Or l'article 768 du code de procédure civile dispose que « Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions » et que « le tribunal (...) n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion. » Dès lors, comme le permet l'article 782, il faut inviter les demanderesses à mettre leurs écritures en conformité avec les dispositions de l'article 768. PAR CES MOTIFS Le juge de la mise en état : Rejette la demande en sursis à statuer ; Rejette la demande en communication de documents ; Rejette les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; Fixe le prochain examen de la mise en état au 20 avril 2023, après :- signification pour le 10 mars 2023 par les demanderesses de conclusions conformes à l'article 768 du code de procédure civile, en ce que les moyens de droits et de fait (c'est-à-dire tout ce qui est invoqué pour fonder la décision demandée) doivent être tous invoqués dans la discussion, et non dans l'exposé des faits ; - puis conclusions en défense pour le 14 avril. Faite et rendue à Paris le 10 Février 2023 Le Greffier Le Juge de la mise en étatLorine MILLE Arthur COURILLON-HAVY | x |
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JURITEXT000047454952 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/45/49/JURITEXT000047454952.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 2 mars 2023, 19/07532 | 2023-03-02 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 19/07532 | CT0196 | TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 3ème chambre 1ère section No RG 19/07532 No Portalis 352J-W-B7D-CQE6F No MINUTE : JUGEMENT rendu le 02 mars 2023 DEMANDERESSE S.A.R.L. ALPA SYSTEMS INTERNATIONAL[Adresse 14][Localité 6] représentée par Me Béatrice MOREAU-MARGOTIN de la SELARL JP KARSENTY ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R0156 DÉFENDEURS S.A.S. MM[Adresse 1][Localité 17] Société OPTIONS CONSEIL[Adresse 20][Adresse 7]) représentées par Me Virginie LAPP, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #D1974 & Me Anne GUILBERT de la SCP LIENHARD & PETITOT, avocat au barreau de PARIS Maître [O] [G], de la SCP BTSG, ès qualité de liquidateur judiciaire de la SAS MM[Adresse 3][Localité 16] Défaillant Monsieur [C] [S][Adresse 13][Localité 17] Monsieur [C] [Z][Adresse 20][Adresse 7]) représentés par Me Vanessa BOUCHARA de la SELARL CABINET BOUCHARA - AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C0594 Maître [W] [K] ès qualié de curateur de la société OPTIONS CONSEIL[Adresse 19][Adresse 2]) Défaillant S.A.R.L. SOCIETE MEDITERRANEENNE DES ZEOLITHES[Adresse 12][Localité 9] Monsieur [A] [T][Adresse 15][Localité 8] Monsieur [W] [N][Adresse 18][Localité 22] représentés par Me Benoît LLAVADOR de la SELARLU LLAVADOR AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C1193 Monsieur [M] [X][Adresse 4][Localité 10] représenté par Me Emilie VERNHET LAMOLY de la SCP SVA, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #C0055 & Me Estelle RODRIGUEZ, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat plaidant S.A.R.L. RM DISTRIBUTION[Adresse 5][Localité 11] représentée par Me Pierre ORTOLLAND de la SEP ORTOLLAND, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R0231 Monsieur [C] [B][Adresse 21][Localité 11] Défaillant COMPOSITION DU TRIBUNAL Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointeElodie GUENNEC, Vice-présidenteMalik CHAPUIS, Juge, assistés de Caroline REBOUL, Greffière DEBATS A l'audience du 06 décembre 2022 tenue en audience publique, avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue le 02 mars 2023. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffeRéputé contradictoireEn premier ressort EXPOSE DU LITIGE La société Alpa Systems International, créée en 1995, est spécialisée dans le développement, la location et la vente de produits techniques améliorant l'hygiène et le stockage des produits frais dans les espaces réfrigérés. Dans le cadre de son activité, elle a mis au point des filtres stabilisateurs qui se composent de sachets contenant une composition de minéraux divisés naturels possédant notamment des propriétés d'absorption, permettant de réguler l'humidité de l'air et d'absorber les odeurs et gaz nocifs, se plaçant dans les espaces réfrigérés afin de conserver plus longtemps les produits qui y sont stockés. Elle a obtenu l'autorisation de mise sur le marché de son produit en juin 1999 et commercialise depuis cette date cette technologie sous la marque « Biocold Process » à destination de professionnels (restaurateurs, commerçants, cantines scolaires, supermarchés). Elle le distribue via un réseau de partenaires franchisés qu'elle forme aussi bien sur le procédé « Biocold Process », son installation et son entretien, que sur les techniques de vente. Messieurs [C] [B], [C] [S] et [C] [Z] ont rejoint ce réseau de franchise. M. [B] l'a intégré en 2007, par l'intermédiaire de la société RM Distribution, après signature d'un engagement de confidentialité et de non-divulgation, devenant partenaire référent dès 2009. M. [S] l'a rejoint en 2020, par l'intermédiaire de la société [S] Distribution devenue MM SAS, société spécialisée dans le commerce de produits spécifiques loués aux entreprises de transformation ou de distribution alimentaire et agroalimentaire. Sa société a été placée en liquidation judiciaire par un jugement rendu par le tribunal de commerce de Chalon-sur-Saône le 18 février 2021 fixant la date de cessation des paiements au 13 février 2021 et Maître [O] [G] de la SCP BTSG a été désigné en qualité de liquidateur judiciaire. Enfin, M. [Z] a intégré le réseau de franchise par le biais de la société de droit luxembourgeois Options Conseil en 2010, après signature d'un contrat de partenariat avec la société Alpa Systems International. La société Options Conseil est spécialisée dans les activités d'aide, de conseil et de formation au montage de projets, de conseil en stratégies et recherches de partenariats transnationaux. Le 17 février 2021, le tribunal d'arrondissement du Luxembourg a ouvert une procédure de faillite à son égard. Maître [W] [K] est désigné curateur de cette société. Alertée courant 2014 par la résiliation brutale de contrats de plusieurs clients, puis par la découverte chez l'un d'eux, sur les supports destinés à accueillir les cassettes " Biocold Process ", d'un autre produit, la société Alpa Systems International a obtenu plusieurs ordonnances sur requête. Arguant de ce que Messieurs [B], [Z] et [S] auraient créé et géré, un réseau parallèle et concurrent commercialisant un dispositif dit "Air Traitement" qui serait une reprise de son procédé en collaboration avec la société Méditerranéenne Des Zéolithes (Somez), spécialisée dans les produits minéraux " absorbants ", dont le représentant légal est M. [T] et le responsable de projet R&D de 2010 à 2017 M. [M] [X], la société Alpa Systems International a, le 23 janvier 2017, fait assigner la société MM SAS, la société Options Conseil, la société RM Distribution et la société Somez devant le tribunal de commerce de Paris afin de dénoncer la violation des contrats de partenariat. Par un jugement du 6 septembre 2018 confirmé par un arrêt du 13 février 2019 de la Cour d'appel de Paris, le tribunal de commerce de Paris s'est déclaré incompétent concernant la société Somez au profit du tribunal de commerce de Montpellier. La cour d'appel de Paris a également infirmé le jugement du 6 septembre 2018 en ce qu'il a déclaré le tribunal de commerce de Paris compétent en ce qui concerne la société RM Distribution, le litige la concernant étant également renvoyé devant le tribunal de commerce de Montpellier. Par un jugement du 4 février 2021, le tribunal de commerce de Paris a condamné les sociétés Options Conseil et SAS MM à l'indemniser pour la violation des dispositions contractuelles. Puis, par acte d'huissier du 21 juin 2017, la société Alpa Systems International a fait assigner la société MM SAS, M. [C] [S], la société Options Conseil, M. [C] [Z], la société RM Distribution M. [C] [B], la société Somez et M. [P] [L] devant le tribunal de grande instance de Montpellier en concurrence déloyale et parasitaires, et leur reproche également des actes de déstabilisation du réseau " Biocold Process " et une atteinte à son image. Entre temps, le 27 juillet 2015, la société Somez avait déposé une demande de brevet français no15 57165 intitulé " Dispositif de stabilisation d'un produit frais " délivré par l'INPI le 31 janvier 2020. Elle a également déposé une demande de brevet européen, le 27 juillet 2016, sous le no EP 3 123 872 B1, revendiquant la priorité de la demande de brevet français no1557165 et délivré le 18 avril 2018. Le 18 janvier 2019, la société Alpa Systems International a formé opposition auprès de l'OEB à l'encontre du brevet européen no1557165. Le 7 octobre 2019, la division d'opposition a rendu une décision intermédiaire. Le 11 février 2021, l'OEB a déclaré l'opposition recevable et le brevet européen a été révoqué. La décision est définitive depuis le 23 avril 2021, la société Somez n'ayant pas formé de recours. Par actes d'huissier des 27 mai, 28 mai, 7 juin et 11 juin 2019, la société Alpa Systems International a fait assigner la société MM SAS, M. [C] [S], la SARL Somez, M. [M] [X], M. [A] [T], M. [W] [N], la SARL RM Distribution, M. [C] [B], la société Options Conseil et M. [C] [Z] devant le tribunal de grande instance de Paris, devenu tribunal judiciaire de Paris à compter du 1er janvier 2020, afin de contester la validité de la demande du brevet FR 15 571165 et du brevet EP 3 123 872 ainsi que leur propriété. Par acte d'huissier du 24 juin 2021, la société Alpa Systems International a fait assigner le liquidateur judiciaire de la société MM SAS, Me [G], devant le tribunal judiciaire de Paris en intervention forcée. La procédure, enrôlée sous le no RG 21/9533, a été jointe à la présente procédure. De même, par acte d'huissier du 25 juin 2021, la société Alpa Systems International a fait assigner le curateur de la société Options Conseil, Me [K], en intervention forcée devant le tribunal judiciaire de Paris. La procédure, enrôlée sous le no RG 21/9307 a été jointe à la présente procédure. Par conclusions notifiées par la voie électronique le 10 février et le 15 juin 2020, la société Somez, M. [A] [T] et M. [W] [N] ainsi que les sociétés Options Conseil, MM SAS et Messieurs [Z] et [N] ont saisi le juge de la mise en état d'un incident. Par une ordonnance du 12 novembre 2020, le juge de la mise en état a :- Rejeté la demande de conciliation ou de médiation,- Rejeté la demande de sursis à statuer, - Débouté les sociétés Options Conseil, MM SAS, Messieurs [C] [Z] et [C] [S] de leur exception de nullité de l'assignation, - Rejeté l'exception de litispendance soulevée,- Débouté les sociétés Options Conseil, MM SAS, Messieurs [C] [Z] et [C] [S] de leur fin de non-recevoir,- Rejeté des demandes de mise hors de cause. Maître Ortolland, conseil de la société RM Distribution, a précisé dans un message du 16 juin 2020 que, sans nouvelles de sa cliente, il ne conclurait pas. Les sociétés Options Conseil, MM SAS et RM Distribution n'ont pas notifié de conclusions au fond. Bien que régulièrement cité le 7 juin 2019 en la personne de Madame [I] [B], son épouse, Monsieur [C] [B] n'a pas constitué d'avocat.Dans ses dernières conclusions du 16 février 2022, la société Alpa Systems International demande au tribunal judiciaire de Paris de : A Titre Principal :- Déclarer irrecevables les exceptions de litispendance et de connexité n'ayant pas été formées in limine litis par la société Somez, M. [A] [T] et M. [W] [N] ;- D'annuler le brevet FR 15 57165 dans son intégralité, avec transmission du jugement à l'INPI aux frais de la société Somez, dans la mesure où il présente une insuffisance de description et que les revendications 1 à 8 du brevet FR 15 57165 sont dépourvues de nouveauté et d'activité inventive;A Titre Subsidiaire :- Débouter la société Somez, M. [A] [T] et M. [W] [N] de leurs exceptions de litispendance et de connexité en raison de la compétence exclusive du Tribunal judiciaire de Paris sur ses demandes ;- Dire et juger recevable et bien fondée son action en revendication du brevet français FR 15 57165, dire qu'elle est la véritable titulaire et la subroger rétroactivement dans les droits de la société Somez avec transmission du jugement à l'INPI pour rectification du nom des inventeurs. - Condamner la société Somez à effectuer, à ses frais, toute formalité, souscrire tout acte et donner tout pouvoir en vue du transfert au nom de la société Alpa Systems International du brevet FR 15 57165, sous astreinte et lui enjoindre de lui remettre tout contrat affectant ce titre également sous astreinte;En tout état de cause :- Débouter M. [M] [X], la société Somez, Monsieur [T] et Monsieur [N] de leur demande reconventionnelle en procédure abusive ;- Débouter les défendeurs de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions ;- Constater que les sociétés RM Distribution, Options Conseil et MM SAS, et leurs dirigeants respectifs Messieurs [C] [B], [C] [Z] et [C] [S], en collaboration avec la société Somez et Messieurs [M] [X], [A] [T], et [W] [N] ont frauduleusement soustrait son savoir-faire pour son dispositif dénommé Biocold Process afin de procéder au dépôt des brevets FR 15 57165 et EP 3 123 872 et les condamner in solidum à lui régler la somme de 100.000 euros en réparation de son préjudice moral lié au détournement de son savoir-faire et à son dépôt frauduleux en tant que brevets ;- Fixer le montant de la créance qui lui est due à ce titre par la société MM SAS, à la somme de 100.000 euros;- Fixer le montant de la créance qui lui est due à ce titre par la société Options Conseil à la somme de 100.000 euros ;- Condamner in solidum les sociétés RM Distribution et Somez, Messieurs [C] [B], [C] [Z], [C] [S], [M] [X], [A] [T], et [W] [N] à lui régler la somme de 100.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens ;- Fixer le montant de la créance qui lui est due par la société MM SAS au titre de l'article 700 du code de procédure civile à la somme de 100.000 euros, à l'égard du passif de la procédure de liquidation judiciaire dont elle fait l'objet ; - Fixer le montant de la créance qui lui est due par la société Options Conseil à la somme de 100.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à l'égard du passif de la procédure de faillite dont elle fait l'objet ;- Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir ;- Se réserver la liquidation de l'astreinte. Par des conclusions notifiées électroniquement le 13 décembre 2021, Monsieur [M] [X] demande au tribunal de : A titre principal :- Juger irrecevables les demandes formées par la société Alpa Systems International à son encontre, ce dernier n'ayant ni qualité, ni intérêt à se défendre ;- Rejeter les demandes formées à son encontre ; A titre subsidiaire :- Juger non motivées et non fondées les demandes formées à son encontre et subsidiairement, condamner la société Somez, son ancien employeur, à le relever et garantir de toutes condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre, en incluant les frais irrépétibles et dépens auxquels il serait astreint et qu'il aura engagé ;En tout état de cause : - Tenant la légèreté blâmable de la demanderesse et l'absence de diligences préalables élémentaires, condamner la société Alpa Systems International à lui verser la somme de 5.000 (cinq mille) euros pour procédure abusive ;- Condamner la société Alpa Systems International à lui verser la somme de 6.000 (six mille) euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à parfaire outre les dépens. Par des conclusions notifiées électroniquement le 10 janvier 2022, Messieurs [C] [Z] et [C] [S] demandent quant à eux au tribunal de : A titre principal :- Constater que les brevets français noFR15 57165 et européen EP 3 123 872 ont été déposés par la seule société Somez ;- Constater qu'ils ne peuvent être tenus personnellement responsables de la prétendue exploitation réalisée par les sociétés MM SAS et Options Conseil qu'ils dirigeaient, n'ayant commis aucune faute intentionnelle d'une particulière gravité et détachable de leurs fonctions qui soit de nature à engager leur responsabilité ;En conséquence,- Débouter la société Alpa Systems International de l'ensemble des demandes formulées à leur encontre et ordonner leur mise hors de cause.A titre subsidiaire :- Constater l'absence de savoir-faire attribuable à la société Alpa Systems International et, en tout état de cause, l'absence de détournement frauduleux de ce prétendu savoir-faire par M. [Z] et M. [S] ;En conséquence, la débouter de ses demandes à leur encontre.A titre infiniment subsidiaire :- Constater qu'ils ne sauraient être tenus responsables de faits auxquels ils sont tout à fait étrangers et en conséquence, - Débouter la société Alpa Systems International de sa demande de condamnation solidaire, ou à tout le moins la cantonner à de plus justes proportions.En tout état de cause :- Débouter de toutes ses demandes la société Alpa Systems International, la condamner à leur verser à chacun 15.000 euros d'article 700 du code de procédure civile outre les dépens de l'instance avec distraction. Par des conclusions notifiées électroniquement le 10 janvier 2022, Messieurs [A] [T] et [W] [N] ainsi que la société Somez demandent au tribunal de : A titre liminaire :- Constater la litispendance, ou subsidiairement la connexité, entre les demandes de la société Alpa Systems International dans le cadre de la présente instance visant à faire juger que les défendeurs se seraient rendus coupables d'avoir " frauduleusement soustrait le savoir-faire développé par la société Alpa Systems International " et l'action en concurrence déloyale précédemment initiée par cette dernière devant Tribunal Judiciaire Montpellier;- Rejeter en conséquence cette demande comme irrégulière.A titre principal :- Dire et juger irrecevables les demandes formées par la société Alpa Systems International à l'encontre Messieurs [T] et [N], et en tout état de cause les déclarer infondées ;- Rejeter en outre la demande principale de la société Alpa Systems International en vue d'obtenir la nullité des brevets français et européen déposés par la société Somez, ainsi que sa demande subsidiaire d'attribution desdits brevets ;- Débouter enfin la société Alpa Systems International de sa demande d'indemnisation d'un préjudice moral ;A titre reconventionnel :- Condamner la société Alpa Systems International à verser à chacun des concluants la somme de 50.000 euros, à parfaire, à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;En tout état de cause :- Condamner enfin la société Alpa Systems International à payer à chacun des concluants la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;- La condamner aux entiers dépens de procédure. L'ordonnance de clôture a été rendue le 15 mars 2022 et l'affaire plaidée à l'audience du 6 décembre 2022. MOTIFS Sur les exceptions de litispendance et de connexité Moyens des parties La société Somez, Messieurs [T] et [N] soulèvent une exception de litispendance et à tout le moins de connexité avec le litige pendant devant le tribunal judiciaire de Montpellier. Ils soulignent que la société Alpa Systems International poursuit l'engagement de leur responsabilité pour avoir prétendument soustrait de manière frauduleuse son savoir-faire alors que cette demande est déjà formée à l'encontre des mêmes parties attraites devant le tribunal judiciaire de Montpellier par assignations du 19 mai 2017. La société Alpa Systems International soulève l'irrecevabilité de cette exception de procédure, qu'elle estime dilatoire, dans la mesure où elle n'a pas été soulevée avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir, ni de manière simultanée avec une autre exception de procédure soulevée. En tout état de cause, elle conclut au rejet de cette demande dans la mesure où il n'existe pas d'identité entre les litiges pendants devant le tribunal judiciaire de Montpellier et de Paris et que le tribunal judiciaire de Paris est exclusivement compétent pour connaître des demandes relatives aux brevets sur le fondement des articles L. 615-17, D. 631-2 du code de la propriété intellectuelle et de l'article D. 211-6 du code de l'organisation judiciaire. Elle conclut que le juge de la mise en état a déjà statué en ce sens par une ordonnance du 12 novembre 2020. Appréciation du tribunal L'article 74 du code de procédure civile dispose que " Les exceptions doivent, à peine d'irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir. Il en est ainsi alors même que les règles invoquées au soutien de l'exception seraient d'ordre public. La demande de communication de pièces ne constitue pas une cause d'irrecevabilité des exceptions. Les dispositions de l'alinéa premier ne font pas non plus obstacle à l'application des articles 103, 111,112 et 118. " La litispendance est définie à l'article 100 du code de procédure civile : " Si le même litige est pendant devant deux juridictions de même degré également compétentes pour en connaître, la juridiction saisie en second lieu doit se dessaisir au profit de l'autre si l'une des parties le demande. A défaut, elle peut le faire d'office. " L'article 101 du même code de procédure civile dispose que " S'il existe entre des affaires portées devant deux juridictions distinctes un lien tel qu'il soit de l'intérêt d'une bonne justice de les faire instruire et juger ensemble, il peut être demandé à l'une de ces juridictions de se dessaisir et de renvoyer en l'état la connaissance de l'affaire à l'autre juridiction. " L'article 103 du code de procédure civile dispose que " l'exception de connexité peut être proposée en tout état de cause, sauf à être écartée si elle a été soulevée tardivement dans une intention dilatoire. " S'agissant de l'exception de litispendance, le juge de la mise en état a, par ordonnance du 12 novembre 2020, d'ores et déjà rejeté cette exception de procédure, soulignant qu'il n'y a pas identité entre les litiges pendants devant les tribunaux judiciaires de Montpellier et de Paris. La société Somez, Messieurs [T] et [N] ne sont donc pas recevables à soulever cette exception de procédure à nouveau devant le tribunal. De même, l'exception de connexité, si elle peut être soulevée à tout moment de la procédure, l'est en l'occurrence tardivement. En effet, le tribunal judiciaire de Montpellier a été saisi à la suite de la délivrance d'assignations en juin et juillet 2017, si bien que cette exception pouvait être soulevée, dans le cadre de la présente instance, devant le juge de la mise en état. En tout état de cause, les demandes litigieuses ne sont pas unies par des liens si étroits qu'il y aurait intérêt à les juger ensemble, étant au demeurant rappelé que le tribunal judiciaire de Paris est exclusivement compétent pour connaître des demandes formées au titre du brevet français FR 15 57165, en application des dispositions de articles L. 615-17, D. 631-2 et D. 211-6 du code de la propriété intellectuelle. La société Somez, Messieurs [T] et [N] sont donc irrecevables à soulever une exception de litispendance et l'exception de connexité doit être écartée. Sur les fins de non-recevoir et les demandes de mise hors de cause Moyens des parties Messieurs [T] et [N] concluent à l'irrecevabilité des demandes formées à leur égard pour défaut de qualité à se défendre. Ils estiment que la société Somez, titulaire du brevet litigieux, a seule intérêt à se défendre dans le cadre de l'action en nullité ou en revendication du brevet. Pour le surplus, ils ajoutent avoir toujours agi au nom et pour le compte de cette société dont ils sont les représentants légaux et associés. Enfin, ils exposent être étrangers aux contrats concernant le procédé " Air Traitement " ainsi qu'au brevet contesté, si bien que leur mise en cause est infondée, une faute détachable de l'exercice normal de leurs fonctions et d'une particulière gravité n'étant pas démontrée. M. [X] souligne en premier lieu une motivation lacunaire des conclusions de la demanderesse et rappelle ensuite qu'il n'est pas gérant de la société Somez mais seulement associé minoritaire et qu'il ne saurait être tenu pour responsable de ses agissements en sa qualité de salarié, alors qu'il n'a pas tiré profit de ce dépôt ou de l'exploitation du brevet. Il souligne que la société Somez est seule titulaire du brevet et qu'il ne s'est à aucun moment approprié le savoir-faire de la société Alpa Systems International en qualité d'inventeur. Enfin, M. [Z] et M. [S], qui rappellent n'être ni inventeurs ni titulaires du brevet litigieux, demandent leur mise hors de cause dans la mesure où ils ont agi en qualité de représentants légaux des sociétés Options Conseil et MM SAS qui sont également attraites à la cause pour un prétendu détournement du savoir-faire de la société Alpa Systems International. Ils concluent qu'il n'est pas démontré à quel titre leur responsabilité en tant que personnes physiques pourrait être recherchée, en l'absence de faute détachable grave. En réponse, la société Alpa Systems International estime que les demandes formées à l'égard des personnes physiques sont toutes recevables dans la mesure où elles ont activement participé, de manière personnelle et concertée, au détournement de son savoir-faire et à la mise sur le marché du produit " Air Traitement " qui reproduit son procédé "Biocold ". Elle souligne, en tout état de cause, qu'une faute détachable de leurs fonctions est caractérisée s'agissant de Messieurs [X], [T] et [N], dès lors que les agissements ont été commis de manière délibérée et sont d'une particulière gravité, le contenu des échanges mettant en évidence une participation personnelle à l'appropriation frauduleuse reprochée. Quant à M. Messieurs [Z] et [S], elle considère que la gravité de l'appropriation incriminée dépasse largement l'exercice normal des fonctions de dirigeant et justifie la qualification de faute détachable des fonctions. Elle rappelle que ces derniers ont profité de leur statut de partenaire franchisé du réseau Biocold pour analyser le procédé et identifier les caractéristiques innovantes et qu'avec Messieurs [T], [N] et [X], ils ont envisagé de mettre en place une nouvelle société qui serait titulaire des brevets, avec l'intention d'en tirer un profit personnel, indépendamment de leur qualité d'associé, de représentant légal ou de salarié. Elle ajoute que M. [X] a coordonné le dépôt des brevets dont la société Somez est titulaire. Appréciation du tribunal L'article 31 du code de procédure civile dispose que " l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé. " Aux termes des dispositions de l'article 32 du code de procédure civile, " est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir ". En d'autres termes, l'intérêt est exigé de toute personne qui agit dans l'instance, à un titre quelconque, comme demandeur, défendeur ou tiers intervenant. Le représentant légal d'une société étant l'un de ses organes, la faute commise par ce dernier dans l'exercice de ses fonctions constitue une faute de la société elle-même dont la victime peut demander réparation à celle-ci. En effet, en tant que personne morale, la société répond sur le fondement des articles 1240 et 1241 du Code civil, des dommages causés fautivement par un de ses représentants agissant ès qualités (Cass. 2e civ., 17 juill. 1967, no 65-12.671 Cass. 2e civ., 27 avr. 1977, no 75-14.761). En revanche, la responsabilité du dirigeant peut être engagée s'il a commis une faute séparable de ses fonctions, définie comme une faute intentionnelle d'une particulière gravité incompatible avec l'exercice normal des fonctions sociales (Cass. Com., 20 mai 2003). De même, la société répond des agissements de ses préposés et salariés dans l'exercice de leurs fonctions. N'engage pas sa responsabilité à l'égard des tiers le préposé qui agit sans excéder les limites de la mission qui lui a été impartie par son commettant (cass., ass. plén. , 25 février 2000). En revanche, la société n'est pas responsable des actes dommageables de l'un de ses préposés quand, agissant sans autorisation et à des fins étrangères à ses attributions, il s'est situé en dehors des fonctions auxquelles il était employé. Le commettant s'exonère ainsi de sa responsabilité si son préposé a agi hors des fonctions auxquelles il était employé, sans autorisation, et à des fins étrangères à ses attributions (Cass., Ass. Plén., 19 mai 1988). En l'espèce, la société Alpa System International, en sus de sa demande en annulation et, subsidiairement, en revendication de brevet, qu'elle dirige à l'encontre de la société Somez qui en est titulaire, sollicite l'octroi de dommages-intérêts sur le fondement de la responsabilité civile délictuelle de l'article 1240 du Code civil. Elle argue d'un détournement de son savoir-faire secret en vue de son dépôt à titre de brevet, ce qui est prohibé par les dispositions de l'article L. 611-8 du code de la propriété intellectuelle et constitutif, selon elle, d'une faute. Le brevet litigieux ayant été déposé au nom de la société Somez qui en est la titulaire, elle est recevable à se défendre de la commission d'une éventuelle faute dans ce cadre, ce qui n'est pas contesté. La demande est toutefois également dirigée à l'encontre de Messieurs [N] et [T], qui se sont déclarés inventeurs de l'invention dans le cadre du dépôt du brevet. Si Messieurs [T] et [N] sont respectivement représentant légal et associés de la société Somez, la société Alpa Systems International se prévaut à leur égard d'une faute grave, qu'elle qualifie de détachable de leurs fonctions. Il en est de même de Messieurs [Z] et [S]. Si les sociétés dont ils sont les représentants légaux, Options Conseil et MM SAS, sont attraites à la cause, la société Alpa Systems International invoque, au soutien de ses demandes formées à leur égard, des faits qu'elle qualifie de graves et de détachables des fonctions de dirigeants. Dès lors, s'il appartiendra au tribunal d'apprécier le bien fondé de la demande de la société Alpa Systems International en ce qu'elle est dirigée à leur égard, ces prétentions sont recevables, Messieurs [N], [T], [Z] et [S] ayant intérêt à se défendre. Quant à M. [X], la société Alpa Systems International lui reproche également des faits commis à titre personnel. Certes, il était à l'époque associé et salarié de la société Somez en qualité de responsable de projets R&D. Cependant, la société demanderesse soutient qu'il a commis des actes dépassant le cadre de son contrat de travail, de manière délibérée et d'une particulière gravité. Par conséquent, la demande doit être également déclarée recevable en ce qu'elle est dirigée à l'encontre de M. [X]. Il appartiendra au le tribunal se prononcer, au fond, sur le bien fondé de cette demande. Les demandes de mise hors de cause ne peuvent donc prospérer. Sur la demande de nullité du brevet FR 15 57165 Présentation du brevet FR 15 57165 L'invention est relative à un dispositif de stabilisation d'un produit frais, pouvant être des denrées alimentaires ou périssables, stocké dans un espace réfrigéré ouvert ou fermé tels que réfrigérateur, congélateur, chambre froide positive ou négative (page 1, lignes 1 à 9 de la partie description du brevet). La description du brevet souligne qu'actuellement, l'humidité dans un tel espace contenant des produits frais est mal régulée ce qui a pour conséquence une conservation assez faible de ces produits, un aspect visuel de mauvaise qualité et la production de mauvaises odeurs (page 1, lignes 10 à 14 de la description). Il est ajouté, à la page 1 aux lignes 15 à 32 de la description, qu'il n'existe pas, au jour du dépôt de la demande de brevet, de dispositif de stabilisation de produit frais permettant de réguler cette humidité en tenant compte de la température et du degré d'hygrométrie régnant dans l'espace réfrigéré mais également de l'environnement de fonctionnement de cet espace, alors que cela permettrait d'améliorer la conservation des produits frais, de supprimer les mauvaises odeurs générées par les produits frais et éventuellement d'éviter les moisissures. Pour pallier les inconvénients ainsi décrits, l'invention déposée propose un dispositif comprenant un produit de stabilisation naturel ou artificiel (qui peut être un zéolithe ou de l'alumine, un mélange de plusieurs zéolithes ou d'une ou plusieurs zéolithes et d'alumine) ayant subi un traitement chimique permettant de lui conférer une propriété chimique, enfermé dans une enveloppe ajoutée conçue en forme de boudin, dans un matériau adapté au contact alimentaire, doté de moyens de fixation permettant de l'accrocher à un endroit adéquat, de préférence dans un flux d'air. A cette fin, le brevet FR no15 57165 est composé des revendications suivantes, modifiées à la suite de la notification du rapport de recherche préliminaire :1. Dispositif de stabilisation (1) adapté à stabiliser un produit frais stocké dans un espace réfrigéré, comprenant :- un produit de stabilisation (2) qui comporte de l'alumine ou une zéolithe,- une enveloppe ajourée (3) qui laisse passer l'atmosphère régnant dans l'espace réfrigéré et qui enferme le produit de stabilisation (2),- caractérisé en ce que l'enveloppe ajourée (3) a une forme de boudin.2. Dispositif de stabilisation (1) selon la revendication 1, caractérisé en ce que le produit de stabilisation (2) est formé par un mélange de zéolithes.3. Dispositif de stabilisation (1) selon l'une des revendications 1 et 2, caractérisé en ce que le produit de stabilisation (2) est formé par un mélange d'alumine et d'au moins une zéolithe.4. Dispositif de stabilisation (1) selon l'une des revendications 1 à 3, caractérisé en ce qu'au moins un des produits de stabilisation (2) a préalablement subi un traitement chimique.5. Dispositif de stabilisation (1) selon la revendication 4, caractérisé en ce que le traitement chimique est une imprégnation du produit de stabilisation (2) dans une solution oxydante.6. Dispositif de stabilisation (1) selon l'une des revendications 1 à 5, caractérisé en ce que l'enveloppe ajourée (3) comprend des moyens de fixation adaptés à fixer le dispositif de stabilisation (1) dans l'espace réfrigéré.7. Dispositif de stabilisation (1) selon l'une des revendications 1 à 6, caractérisé en ce que l'enveloppe ajourée (3) est faite en un matériau adapté pour le contact alimentaire.8. Espace réfrigéré ayant une atmosphère circulante traversant un dispositif de stabilisation (1) selon l'une des revendications 1 à 7. Sur l'insuffisance de description Moyens des parties : La société Alpa Systems International estime que le brevet est nul dans la mesure où il n'est pas rédigé de manière suffisamment claire, précise et complète pour que l'homme de métier du domaine technique concerné, qu'elle désigne comme étant un technicien spécialisé dans les dispositifs de stabilisation permettant la conservation des produits frais dans les espaces réfrigérés ayant une connaissance des dispositifs du marché, puisse réaliser l'invention. Elle expose que la référence à la caractéristique technique essentielle de " boudin " figurant dans la revendication no1, sans la moindre précision relative à sa forme ou sa dimension pourtant indispensable en fonction de la taille de l'espace réfrigéré pour atteindre l'effet technique désiré, est ambiguë. Elle en déduit que l'homme de métier, qui ne trouvera de définition du " boudin " ni dans la description du brevet, ni dans le domaine technique connu, ne pourra pas reproduire l'invention, faute de savoir quelle forme lui donner. Elle souligne que Messieurs [X], [S] et [Z] ne le contestent pas. La société Somez, Messieurs [T] et [N] estiment que ce grief n'est pas pertinent dans la mesure où le brevet comprend des planches qui illustrent le boudin, qui se présente comme un filet allongé contenant les produits absorbants. Ils ajoutent que le terme [F] fait référence à sa forme et que la revendication no8 désigne clairement l'espace réfrigéré contenant le dispositif. Appréciation du tribunal : L'article L. 613-25 du code de la propriété intellectuelle dispose que " le brevet est déclaré nul par décision de justice : [?]b) S'il n'expose pas l'invention de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter ; " L'article L. 613-2 du code de la propriété intellectuelle dispose par ailleurs que " L'étendue de la protection conférée par le brevet est déterminée par les revendications. Toutefois, la description et les dessins servent à interpréter les revendications. [?] " L'exigence de suffisance de description, qui a pour finalité de garantir la possibilité pour l'homme du métier d'exécuter l'invention sans effort excessif grâce aux informations fournies par l'ensemble du brevet et ses propres connaissances techniques, est satisfaite dès lors que la description indique les moyens qui donnent à l'homme du métier, doté des capacités et des connaissances que l'on est en droit d'attendre de lui, la possibilité d'exécuter ou de mettre en oeuvre l'invention en faisant un effort raisonnable de réflexion par exemple des essais de routine. L'homme du métier est celui du domaine technique où se pose le problème que l'invention, objet du brevet, se propose de résoudre (Cass. Com., 20 novembre 2012, pourvoi no11-18.440). Il peut s'aider de la description et des dessins pour reproduire l'invention (Cass. Com., 20 mars 2007, pourvoi no05-12.626). En l'espèce, l'homme de métier est un technicien spécialisé dans les dispositifs de conservation de produits frais dans les espaces réfrigérés. S'agissant de la forme que doit revêtir l'enveloppe du produit, la revendication no 1 du brevet indique que " l'enveloppe ajourée (3) a une forme de boudin ". Dans la description du brevet, il est proposé un mode de réalisation donné à titre d'exemple non limitatif et illustré dans les figures en annexe. La description (page 5 lignes 23 et suivantes) précise que, dans cet exemple, " l'enveloppe ajourée est configurée sous la forme d'un boudin, dont les dimensions permettent de manipuler facilement le dispositif de stabilisation 1 et de traiter efficacement le produit frais contenu dans l'espace réfrigéré. L'enveloppe ajourée 3 pourrait être un filet ou une enveloppe, le filet ou l'enveloppe pouvant être fait d'un tissu poreux, d'un matériau rigide ou d'un matériau flexible, l'important étant la possibilité de laisser passer l'atmosphère régnant dans l'enceinte réfrigérée tout en emprisonnant le produit de stabilisation (2). ". La figure no1 comporte une illustration de ce boudin à titre d'exemple : Cette illustration, donnée à titre d'exemple non limitatif, en sus des éléments descriptifs, permet à l'homme de métier de comprendre et de se figurer une des formes que peut revêtir le " boudin " cité dans la revendication et ainsi reproduire sans difficulté l'invention. Certes, aucune dimension n'est précisée, que ce soit dans les revendications, la description ou les figures annexées. Cela peut notamment s'expliquer par le champ d'application très large de l'invention qui ne donne pas d'élément concernant la surface et la profondeur de l'espace réfrigéré concerné. Cependant, cela ne sera pas de nature à empêcher l'homme de métier de réaliser l'invention. En effet, celui-ci trouvera dans l'art antérieur les éléments nécessaires pour ajuster la quantité de produit nécessaire et adapter la dimension de l'invention. Le brevet US 2 765 046 "Air purifying device" (dispositif de purification d'air) publié le 2 octobre 1956 et versé aux débats, donne à ce titre des exemples de mélanges de matériaux de filtration, en pages 6 et 7 de la description, qui peuvent être utilisés pour chaque 100 litres d'espace de chambre de réfrigération pour obtenir une purification de l'air, tels que 100-120 g de charbon actif, 80-100 g d'alumine activée et 90-100 g de chaux vive ou encore 100 gr de charbon actif, 80g d'alumine active et 90 g de zéolithe. Par conséquent, il y a lieu de considérer que l'homme de métier pourra exécuter l'invention décrite dans le brevet sans difficulté excessive au regard des informations contenues dans le brevet et de ses connaissances professionnelles. Les revendications no1 et suivantes n'encourent donc pas le grief d'insuffisance de description invoqué. Sur l'absence de nouveauté Moyens des parties La société Alpa Systems International considère que le brevet n'est pas nouveau à deux titre. Elle soutient en premier lieu que le brevet est couvert par l'état de la technique. Elle expose que l'objet des revendications no1 à 8 du brevet litigieux est couvert par l'état de la technique au regard de l'enseignement du brevet US 2 765 046 publié le 2 octobre 1956. Elle souligne en premier lieu que le contenant divulgué par le brevet US présente une forme de parallélépipède ajourée qui correspond tout à fait à la forme de " boudin " de la revendication no1, ainsi que cela ressort de la planche no2 du brevet litigieux. Elle souligne que l'analyse de l'OEB est ainsi transposable au brevet français. La revendication no2, qui dépend de la revendication no1, et la revendication no3, sont, selon elle, également dépourvue de nouveauté au regard de l'exemple IV du document US'046 qui prescrit l'utilisation de zéolithes. Il en est de même de la revendication no4, dans la mesure où le document US'046 divulguait déjà qu'au moins un des produits de stabilisation du dispositif qui a préalablement subi un traitement chimique, en ce qu'il peut être lavé dans un solvant ou enrobé dans de l'argent colloïdale ou de l'oxyde d'argent. La société Alpa Systems International soutient également que la revendication no5, qui dépend de la revendication no4, est dépourvue de nouveauté au regard non seulement du brevet US'046 mais également des connaissances générales de l'homme de métier, qui, à la date du dépôt du brevet, sait déjà que l'argent colloïdal est une solution oxydante qui permet d'oxyder les molécules chimiques produites par les produits frais et notamment l'éthylène. La revendication no6 est selon elle, dépourvue de nouveauté en ce qu'elle divulgue l'enveloppe ajoutée du dispositif avec des moyens de fixation pour l'accrocher dans l'espace réfrigéré, ce qui apparaissait clairement sur les figures 1 et 2 du brevet US'046. De même, la revendication no7, qui prévoit que l'enveloppe ajourée doit être faite en un matériau adapté pour le contact alimentaire, se retrouve dans le dispositif décrit dans le brevet US'046. Enfin, elle souligne que la revendication no8 n'est pas davantage nouvelle, le brevet US'046 préconisant également une atmosphère circulante traversant le dispositif. La société Alpa Systems International rappelle que cette absence de nouveauté des revendications indépendances a conduit l'OEB à annuler le brevet européen. La société Alpa Systems International soutient en second lieu que l'invention a fait l'objet d'une divulgation publique antérieurement à son dépôt. Elle entend démontrer qu'en louant le dispositif " Air Traitement " à des tiers, les défendeurs ont procédé à une divulgation publique destructrice de nouveauté de l'ensemble des revendications du brevet français FR 15 57165. Elle expose que le dispositif a été mis en location auprès de sociétés dès le mois de janvier 2015, et à tout le moins à compter du 18 mars 2015, soit avant la date de demande de brevet française le 27 juillet 2015. Elle estime que la revendication no1 est ainsi divulguée dans la documentation de présentation du produit " Air Traitement ". Elle se prévaut des conditions générales du contrat de location qui donnent une description précise du produit et de ses caractéristiques techniques, aucun des contrats ne contenant de clause de confidentialité à l'égard des locataires. Les revendications no2 et no3 sont, selon elle, tout autant divulguées, l'analyse faite des échantillons prélevés lors des constatations de l'huissier de justice le 18 mars 2015 révélant un produit de stabilisation comportant de l'alumine et une zéolithe. Les revendications no4 et no5 ne sont pas davantage nouvelles puisque les analyses ont révélé la composition chimique. Il en est de même de la revendication no6, plusieurs moyens de fixation étant visibles dans les dispositifs " Air Traitement " dans les espaces réfrigérés. Les dispositifs divulgués comportaient également une enveloppe ajourée visible, dans un matériau adapté aux produits alimentaires, si bien que la revendication no7 n'est pas nouvelle. Enfin, le dispositif ayant été effectivement utilisé dans des espaces réfrigérés ayant une atmosphère circulante, la revendication no8 n'étant ainsi pas nouvelle. La société Alpa Systems International souligne que M. [X], [Z] et [S] ne le contestent pas. La société Somez, Messieurs [T] et [N] estiment que la société Alpa Systems International échoue dans sa démonstration d'une divulgation destructrice de nouveauté, dans la mesure où les actes considérés n'ont pas été réalisés par la société Somez. Appréciation du tribunal : Selon l'article L.611-10 alinéa 1 du code de la propriété intellectuelle, dans sa version applicable au litige, "1. Sont brevetables, dans tous les domaines technologiques, les inventions nouvelles impliquant une activité inventive et susceptibles d'application industrielle." Aux termes de l'article L.611-11 de ce même code, "Une invention est considérée comme nouvelle si elle n'est pas comprise dans l'état de la technique. L'état de la technique est constitué par tout ce qui a été rendu accessible au public avant la date de dépôt de la demande de brevet par une description écrite ou orale, un usage ou tout autre moyen. Est également considéré comme compris dans l'état de la technique le contenu de demandes de brevet français et de demandes de brevet européen ou international désignant la France, telles qu'elles ont été déposées, qui ont une date de dépôt antérieure à celle mentionnée au second alinéa du présent article et qui n'ont été publiées qu'à cette date ou qu'à une date postérieure ". L'article L. 613-25 du code de la propriété intellectuelle dispose que " le brevet est déclaré nul par décision de justice :a) Si son objet n'est pas brevetable aux termes des articles L. 611-10, L. 611-11 et L. 611-13 à L. 611-19 ; [?]" Enfin, aux termes des dispositions de l'article L. 611-13 du code de la propriété intellectuelle, " pour l'application de l'article L. 611-11, une divulgation de l'invention n'est pas prise en considération dans les deux cas suivants :-si elle a lieu dans les six mois précédant la date du dépôt de la demande de brevet ;-si elle résulte de la publication, après la date de ce dépôt, d'une demande de brevet antérieure et si, dans l'un ou l'autre cas, elle résulte directement ou indirectement :a) D'un abus évident à l'égard de l'inventeur ou de son prédécesseur en droit ;b) Du fait que l'invention ait été présentée par eux dans une exposition officielle ou officiellement reconnue au sens de la convention révisée concernant les expositions internationales signée à [Localité 24] le 22 novembre 1928.Toutefois, dans ce dernier cas, l'exposition de l'invention doit avoir été déclarée lors du dépôt et une justification produite dans les délais et conditions fixés par voie réglementaire. " L'élément de l'art antérieur n'est destructeur de nouveauté que s'il renferme tous les moyens techniques essentiels de l'invention dans la même forme, le même agencement et le même fonctionnement en vue du même résultat technique : l'antériorité, qui est un fait juridique dont l'existence, la date et le contenu doivent être prouvés par tous moyens par celui qui l'invoque, doit être unique et être révélée dans un document unique dont la portée est appréciée globalement.Le brevet US 2 765 046 publié le 2 octobre 1956, versé aux débats par la société Alpa Systems International, concerne un dispositif de purification d'air dans l'espace de stockage des réfrigérateurs. Dans sa partie description, le brevet identifie l'inconvénient que constituent les odeurs des produits alimentaires qui se transmettent de l'un à l'autre dans les espaces de stockage de réfrigération à entraînement mécanique, ainsi que les odeurs volatiles de certaines substances alimentaires et les effets indésirables sur l'apparence de certaines substances alimentaires. Il souligne qu'à cette date, les dispositifs existants et consistant par exemple dans l'utilisation de récipients hermétiques pour recouvrir les aliments, sont peu pratiques, inadéquats ou peu économiques et qu'aucun moyen n'a été trouvé jusqu'alors pour éliminer les odeurs dans ces espaces. L'invention est donc décrite comme permettant de purifier l'air et d'éliminer les odeurs des zones de stockage des réfrigérateurs de manière simple, économique et efficace, permettant de supprimer l'humidité. Le matériau de purification d'air consiste en des composés granulaires et absorbants de filtration d'air (page 2 lignes 25-26). Il peut être composé efficacement de substances d'absorption et d'adsorption tels que l'alumine et les zéolithes qui sont cités en exemple (page 5 lignes 25 à 30), les matériaux pouvant être régénérés par lavage aux solvants (page 6 ligne 6), l'utilisation d'un mélange ou de plusieurs couches de deux ou plusieurs composés de filtration en quantité appropriée est par ailleurs préconisée pour éliminer toutes les odeurs (page 5 lignes 33 à 35). La description expose que le matériau est contenu dans un récipient muni de parois perméables à l'air (page 2 ligne 27 et page 4 ligne 28), qui peut être facilement fixé de manière amovible à l'intérieur du réfrigérateur (page 2 ligne 28). Enfin, la description précise que si l'invention a été illustrée comme incorporée à un réfrigérateur domestique, elle n'est pas destinée à être limitée aux détails montrés. Le dispositif est ainsi illustré : La figure no4 du brevet représente la cassette qui correspond au boudin du brevet FR 15 57165. Au regard de l'ensemble de ces éléments, le brevet US 2 765 046, compris dans l'état de la technique lors du dépôt du brevet litigieux, doit être regardé comme privant de nouveauté les revendications 1 à 8 du brevet FR 15 57165, ce qui justifie le prononcé de son annulation. En tout état de cause, et au surplus, pour que la condition de nouveauté soit remplie, l'invention ne doit pas avoir été divulguée plus de six mois avant la date du dépôt du brevet, soit, en l'espèce, avant le 27 janvier 2015. Or, il ressort des pièces versées aux débats que le dispositif " Air Traitement ", qui fait l'objet du brevet litigieux, a été loué à des tiers avant cette date, sans que ces derniers ne soient par ailleurs particulièrement soumis à une obligation de confidentialité. A ce titre, il importe de relever : - un courriel de la société RM Distribution, signé de M. [B] en date du 17 novembre 2014, au terme duquel celui-ci fait une proposition commerciale pour proposer le dispositif " Air Traitement ", le désignant comme un " produit similaire " à " Biocold Process " mais " plus efficace ", indiquant avoir " conduit de nombreux essais dans vos magasins [?] depuis 8 mois, et tous sont unanimes pour reconnaître une plus grande efficacité que les cassettes Biocold Process ". Par un email du 3 décembre 2014, la société interlocutrice a annoncé avoir dénoncé le contrat pour les cassettes Biocold et confirmé la signature d'un nouveau contrat pour l'installation de filtres " Air Traitement " ; - un courriel de la société RM distribution signé par M. [B] le 4 novembre 2014 indiquant que les cinq essais (en chambre froide et vitrine boucherie) lancés dans cinq magasins, sont concluants et faisant une proposition commerciale ; - des fiches " essai Air Traitement " signées par la société RM Distribution avec plusieurs clients entre octobre 2013 et mai 2014 ; - une grille de tarifs 2014 pour " Air Traitement " à entête de la société RM Distribution ; - des factures de la société RM Distribution concernant des forfaits de location des filtres Air traitement sur un devis du 16 janvier 2015 ; - un procès-verbal de constat dressé par Me [E], huissier de justice, le 28 mars 2015 (pièce no47 de la demanderesse) au terme duquel il constate, dans une chambre froide de la société Satoriz, " un dispositif composé de trois boudins de tissus blanc suspendus à l'aide de trois coulissières aimantées " et obtient communication d'un contrat de location " Air Traitement " conclu avec la société RM Distribution à effet du 1er janvier 2015. Il ressort de ces pièces et en particulier du contrat de location du dispositif, la divulgation d'informations techniques : la présentation du dispositif précise qu'il a vocation à être installé dans des espaces réfrigérés. L'article 1er du modèle de contrat de location précité expose qu'il s'agit " d'un média filtrant à base de porosphères minérales et naturelles ", les fiches essais datées du 6 mai 2014 (pièce no33 du demandeur) précisent que la matière utilisée est des zéolithes, l'huissier de justice, dans le procès-verbal de constat du 18 mars 2015, décrit des " boudins de tissus blanc suspendu[s]à l'aide de trois coulissières aimantées ", en a par ailleurs saisi trois et les a placés sous scellés. Dans le cadre d'un nouveau procès-verbal de constat dressé les 11, 12 et 21 décembre 2018 et 8 et 11 janvier 2019, Me [V], huissier de justice, a procédé à la description et à l'ouverture desdits boudins avant d'en prélever une petite quantité pour analyse. L'huissier de justice le décrit de la façon suivante : " La compatibilité du matériau avec les denrées alimentaires se déduit de sa présence dans des espaces réfrigérés qui ont pour destination le stockage de telles denrées. Des photographies sont jointes au procès-verbal ainsi que les rapports d'analyse transmis par les laboratoires FILAB et ICMCB, concluant à la présence majoritaire de clinoptilolite-heulandite, une zéolithe naturelle. La présence de manganèse suppose par ailleurs un traitement chimique. Or, ce dispositif, installé en chambre froide, était accessible aux tiers sans qu'il ne soit démontré que ces tiers étaient tenus au secret, le contrat de location du dispositif ne prévoyant aucune disposition de cette nature. Il importe peu que les pièces concernent principalement la société RM Distribution et non la société Somez. Il est en tout état de cause démontré que les sociétés RM Distribution, MM SAS et Options Conseils s'étaient mises d'accord pour collaborer avec la société Somez, en vertu d'un contrat de collaboration signé le 24 janvier 2014, " afin d'aboutir à la créatio un boudin d'une dimension de 65 cm de long et environ 11 cm de circonférence. Il comprend une enveloppe extérieure en tissu ajouré sur toute sa périphérie [?] à l'intérieur de trouve une matière noire composée de granulés de taille supérieure aux performations qui n'en permettent pas le passage d'un ou de produit(s) permettant l'amélioration de la conservation de denrées (viandes, fruits, légumes?) en chambre froide (positive ou négative) ou en vitrine réfrigéré ". Il ressort par ailleurs notamment d'un email du 22 juin 2015 (pièce no50 de la demanderesse) que la société Somez, dans le cadre de cette collaboration a été chargée de déposer le brevet de l'invention que l'équipe commerciale (composée des sociétés cocontractantes de l'accord) allaient exploiter. Ces éléments viennent également contredire toute allégation d'abus à l'égard de l'inventeur. Il se déduit de l'ensemble de ces considérations et des éléments datés précités que les revendications du brevet litigieux étaient déjà divulguées plus de six mois avant la date de dépôt de la demande de brevet français. Par conséquent, le brevet FR 15 57165 doit être annulé pour défaut de nouveauté, sans qu'il y ait lieu d'examiner la question de son activité inventive ou de statuer sur la demande subsidiaire en revendication de brevet. Sur la demande de dommages-intérêts en réparation d'un préjudice moral Moyens des parties : La société Alpa Systems International conclut que le dépôt des brevets lui occasionne un préjudice moral en ce qu'il constitue une appropriation frauduleuse et une divulgation préjudiciable du savoir-faire secret qu'elle avait élaboré. Elle poursuit donc l'engagement de la responsabilité civile délictuelle des défendeurs, arguant de l'existence d'une faute grave, détachable de leurs fonctions ou excédant les termes de leur contrat de travail, s'agissant des personnes physiques attraites à la cause. En substance, elle reproche aux défendeurs d'avoir reproduit, après analyse, le procédé Biocold Process et d'avoir organisé le dépôt d'un brevet pour donner une apparence de légalité. Elle dénonce le détournement de son savoir-faire jusqu'alors secret sur la composition de son procédé Biocold Process (en particulier concernant la composition du produit et la combinaison particulière des zéolithes, dont la clinoptilolite, qui faisait l'objet d'une clause de confidentialité au sein de son réseau de franchise) et le caractère frauduleux du dépôt de son brevet tant auprès de l'INPI que de l'OEB. Ce détournement lui cause un préjudice moral car il porte sur de nombreuses années de recherches menées par son fondateur, ce savoir-faire représentant une valeur économique et commerciale. Elle ajoute que le dépôt du brevet a rendu public un certain nombre de caractéristiques essentielles secrètes du procédé Biocold Process, et que les défendeurs en ont tiré profit grâce à la commercialisation du produit " Air Traitement ", trompant ainsi la clientèle alors que le procédé Biocold Process est un succès depuis 20 ans. La société Somez dénonce un acharnement procédural à leur endroit, alors que d'autres juridictions sont saisies de mêmes demandes d'indemnisation. Elle affirme avoir procédé à des recherches et tests qui lui ont permis de déposer le brevet alors que son c?ur de métier est la recherche sur les zéolithes et conteste tout détournement du savoir-faire allégué. Messieurs [T] et [N] concluent à l'absence de faute commise qui soit séparable de leurs fonctions et, en tout état de cause, à l'absence de démonstration d'une appropriation frauduleuse du savoir-faire. M. [X] estime que sa responsabilité civile personnelle ne saurait être engagée alors qu'il a exécuté la mission qui lui était confiée par son ancien employeur, en qualité de responsable de projet R&D. Aucune initiative personnelle blâmable ou collusion ne peut lui être reprochée. Il expose l'absence de démonstration par la demanderesse d'un savoir-faire et soutient qu'il n'y a pas eu communication de ce savoir-faire. En tout état de cause, il affirme qu'il n'a pas eu les moyens de s'opposer à la mission confiée par son employeur. Il conclut à l'absence de faute et demande, subsidiairement à ce que son employeur le garantisse de toute condamnation. Soulignant également la confusion entretenue par la demanderesse entre les différentes procédures intentées devant différentes juridictions Messieurs [Z] et [S], qui contestent toute faute détachable grave permettant de retenir leur responsabilité à titre personnel, exposent que la société Alpa Systems International ne démontre pas l'existence d'un savoir-faire identifié, secret et lui conférant un avantage préférentiel, et ne prouve pas qu'ils l'aient, a fortiori, détourné. Ils concluent enfin à l'absence de préjudice moral démontré. Appréciation du tribunal : L'article 1240 du code civil dispose que " tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ". L'article L. 611-8 du code de la propriété intellectuelle dispose que " si un titre de propriété industrielle a été demandé soit pour une invention soustraite à l'inventeur ou à ses ayants cause, soit en violation d'une obligation légale ou conventionnelle, la personne lésée peut revendiquer la propriété de la demande ou du titre délivré. L'action en revendication se prescrit par cinq ans à compter de la publication de la délivrance du titre de propriété industrielle. Toutefois, en cas de mauvaise foi au moment de la délivrance ou de l'acquisition du titre, le délai de prescription est de cinq ans à compter de l'expiration du titre. " Il importe, à titre préalable, de souligner que le tribunal judiciaire de Paris est saisi d'une demande d'indemnisation du préjudice résultant, selon la société Alpa Systems International, de la soustraction frauduleuse d'éléments secrets de son savoir-faire concernant la composition du procédé Biocold Process en vue de son dépôt à titre de brevet et non de faits de concurrence déloyale ou parasitaire dont elle a parallèlement saisi le tribunal judiciaire de Montpellier. Elle cite d'ailleurs, pour fonder sa demande, les deux articles 1240 du Code civil et L. 611-8 du code de la propriété intellectuelle. Il est constant que le savoir-faire désigne, au sens commun, la méthode, la technique, la maîtrise, la manière de faire, propre à une entreprise, développée avec le temps par recherches, expérimentations, tâtonnements, qui détermine son habileté et son professionnalisme et qui est susceptible d'être transmise. En l'espèce, la société Alpa Systems International reproche aux défendeurs la soustraction frauduleuse de son savoir-faire sur la composition du produit Biocold Process qui a, selon elle, donné lieu au dépôt du brevet dont l'annulation est prononcée au terme de la présente procédure. L'aspect technico-commercial de ce savoir-faire, qui n'est pas l'objet du brevet déposé, n'est donc pas visé. La société fait principalement référence, à ce titre, au fait que l'utilisation de la clinoptilolite, c?ur de son savoir-faire maintenu secret, aurait été divulguée par le brevet litigieux. Cependant, ce seul élément de composition, alors qu'il s'agit d'une zéolithe et qu'il n'est pas présenté comme la composante à utiliser en priorité par le brevet qui la cite comme exemple, ne saurait, à lui seul, permettre de caractériser un savoir-faire secret substantiel. Si la société Alpa Systems international démontre la similarité de la composition du produit " Air Traitement " avec le procédé " Biocold " au terme d'analyses précédemment citées, elle n'indique pas en quoi le brevet déposé divulguerait un savoir-faire jusqu'alors secret puisqu'il ne précise pas le mélange minéral complexe et les quantités de ces produits contenus dans le filtre commercialisé (ce qu'elle lui reprochait au titre de l'insuffisance de description). En outre, la société Alpa Systems International ne peut, sans risquer la contradiction, solliciter réparation d'un préjudice moral que lui occasionne le dépôt à titre de brevet d'éléments prétendument secrets de son propre savoir-faire sur la composition du procédé " Biocold Process ", alors qu'elle a démontré avec succès dans le cadre de la présente instance, une absence de nouveauté de ce procédé qui était déjà connu de l'état de la technique et avait déjà fait l'objet d'un brevet, qualifié d'antériorité de toute pièce. Enfin, s'agissant du préjudice allégué et du lien de causalité, la société Alpa Systems International ne démontre pas, au moyen d'éléments probants, que la faute, à la supposer caractérisée, ait eu une incidence sur la clientèle ou sur son image, lui occasionnant ainsi un préjudice moral dont le quantum pourrait être justement apprécié par le tribunal. Sa demande de dommages-intérêts ne peut donc qu'être rejetée. Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande d'appel en garantie. Sur la demande reconventionnelle en dommages-intérêts pour procédure abusive Moyens des parties : Arguant du caractère abusif de la procédure engagée à son encontre, M. [X] demande la condamnation de la société Alpa Systems International à lui payer la somme de 5.000 euros. De même, la société Somez, aux côtés de Messieurs [T] et [N], demandent la somme de 50.000 euros. La société Alpa Systems International conclut au rejet de cette demande. Appréciation du tribunal : L'exercice d'une action en justice constitue un droit et ne dégénère en abus que s'il constitue un acte de malice ou de mauvaise foi ou s'il s'agit d'une erreur équipollente au dol. En l'espèce, il n'est pas démontré d'abus du droit d'ester en justice par la société Alpa Systems International qui voit une partie de ses prétentions prospérer. Les demandes de dommages-intérêts sur ce fondement seront donc rejetées. Sur les demandes annexes Succombant à titre principal, la société Somez sera condamnée aux dépens de l'instance. Supportant les dépens, elle sera condamnée à payer à la société Alpa Systems International la somme de 60.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Les autres demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 seront rejetées. L'exécution provisoire, compatible avec la nature de l'affaire sera ordonnée, sauf en ce qui concerne l'annulation du brevet FR 15 57165. La transmission du jugement, une fois passé en force de chose jugée, à la requête de la partie la plus diligente, à l'Institut [23] aux fins d'inscription au registre national des brevets et aux frais de la société Somez, sera ordonnée. PAR CES MOTIFS LE TRIBUNAL, DÉCLARE la société Somez, Messieurs [W] [N] et [A] [T] irrecevables à soulever une exception de litispendance ; REJETTE l'exception de connexité soulevée par la société Somez, Messieurs [W] [N] et [A] [T] ; DÉCLARE la société Alpa Systems International recevable en sa demande de dommages-intérêts en ce qu'elle est dirigée à l'encontre de Messieurs [W] [N], [A] [T], [M] [X], [C] [Z] et [C] [S] ; DIT que les revendications 1 à 8 du brevet FR 15 57 165 sont dépourvues de nouveauté ; En conséquence, ANNULE le brevet FR 15 57165 appartenant à la société Somez en toutes ses revendications ; ORDONNE la transmission du jugement, une fois passé en force de chose jugée,à la requête de la partie la plus diligente, à l'Institut [23] aux fins d'inscription au registre national des brevets, aux frais de la société Somez ; DÉBOUTE la société Alpa Systems International de sa demande de dommages-intérêts ; REJETTE les demandes de dommages-intérêts pour procédure abusive ; CONDAMNE la société Somez aux dépens de l'instance. CONDAMNE la société Somez à payer à la société Alpa Systems International la somme de 60.000 euros (soixante mille euros) sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; REJETTE les autres demandes sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; ORDONNE l'exécution provisoire de la présente décision, sauf en ce qui concerne la transcription de l'annulation du brevet FR 15 57165. Fait et jugé à Paris le 02 mars 2023. LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE | x |
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JURITEXT000047454953 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/45/49/JURITEXT000047454953.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 2 mars 2023, 22/12892 | 2023-03-02 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 22/12892 | CT0196 | TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 3ème chambre 1ère section No RG 22/12892 No Portalis 352J-W-B7G-CYGJA No MINUTE : Assignation du :27 octobre 2022 JUGEMENT rendu le 02 mars 2023 DEMANDERESSE S.A.S.U. NOVARTIS PHARMA [Adresse 2][Localité 3] représentée par Me Thomas CUCHE de la SELARL DUCLOS THORNE MOLLET-VIEVILLE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0075 DÉFENDERESSE Société GENMAB A/S[Adresse 4][Localité 1] (DANEMARK) représentée par Me Jean-Baptiste LECA, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #P0075 COMPOSITION DU TRIBUNAL Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointeElodie GUENNEC, Vice-présidenteMalik CHAPUIS, Juge, assistés de Caroline REBOUL, Greffière DÉBATS En application de l'article L212-5-1 du Code de l'organisation judiciaire, l'affaire a été mise en délibéré sans audience.Avis a été donné aux parties que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 02 mars 2023. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffeContradictoireEn premier ressort Exposé du litige 1. La société par actions simplifiée Novartis pharma est une entreprise pharmaceutique française appartenant au groupe Novartis. Elle exploite et distribue en France le médicament « Kesimpta 20mg solution injectable » comprenant une solution du principe actif ofatumumab, qui est un anticorps monoclonal entièrement humain, produit à partir d'une lignée de cellules murines par la technologie de l'ADN recombinant. 2. La société de droit danois Genmab est une société de biotechnologie spécialisée dans le développement d'anticorps thérapeutiques pour le traitement du cancer. Elle est titulaire du certificat complémentaire de protection (CCP) no 12C0044 pour le médicament « Arzerra », contenant de l'ofatumumab, octroyé sur la base du brevet européen délivré sous le no EP 1 558 648 et d'une autorisation de mise sur le marché EU/1/10/625. 3. Par une décision du 15 avril 2021, l'Office européen des brevets a révoqué le brevet no EP 1 558 648 de la société Genmab dans son intégralité. 4. La société Genmab avait déposé le 17 octobre 2003 une demande de brevet européen lequel avait été délivré le 5 juin 2019 sous le no EP 3 284 753. Sur la base de ce brevet, la société Genmab avait déposé une demande de CCP no 21C1028 pour l'ofatumumab. Le 27 juin 2022, le directeur de l'INPI a notifié à la société Genmab ne pas pouvoir délivrer le CCP no 21C1028 (ce produit étant déjà couvert par le CCP no 12C0044). 5. Par un acte d'huissier du 27 octobre 2022, la société Novartis Pharma a assigné la société Genmab devant ce tribunal en nullité du CCP no 12C0044. 6. L'instruction a été close le 10 janvier 2023 et il a été procédé sans audience comme prévu aux articles 799 quatrième alinéa du code de procédure civile et L. 212-5-1 du code de l'organisation judiciaire. 7. Dans ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 9 janvier 2023, la société Novartis Pharma demande au tribunal, aux visas des articles 31 et 514 du code de procédure civile, des articles 3, 15.1, c) et 15.2 du règlement (CE) no 469/2009, concernant le certificat complémentaire de protection pour les médicaments, L. 613-27 et L. 615-17 du code de la propriété intellectuelle et D. 211-6 du code de l'organisation judiciaire, de :? Déclarer nul le certificat complémentaire de protection no 12C0044 du fait de la révocation de son brevet de base EP 1 558 648 intervenue définitivement le 5 mai 2021 ;? Prononcer l'annulation du certificat complémentaire de protection no 12C0044 ;? Dire que la présente décision sera inscrite dans le registre national des brevets à l'initiative de la partie la plus diligente ;? Dire que chacune des parties conservera à sa charge frais, honoraires et dépens ;? Dire n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de la décision à intervenir. 8. Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 6 janvier 2023, la société Genmab demande au tribunal, aux visas des articles 31 et 514 du code de procédure civile, des articles 3, 15.1, c) et 15.2 du règlement (CE) no 469/2009, concernant le certificat complémentaire de protection pour les médicaments, L. 613-27 et L. 615-17 du code de la propriété intellectuelle et D. 211-6 du code de l'organisation judiciaire, de :? Constater que la société Genmab acquiesce à la demande d'annulation du CCP no 12C0044, formée par la société Novartis Pharma, du fait de la révocation de son brevet de base EP 1 558 648 intervenue définitivement le 5 mai 2021 ;? Prononcer l'annulation du certification complémentaire de protection no 12C0044 ;? Dire que la présente décision sera inscrite dans le registre national des brevets à l'initiative de la partie la plus diligente ;? Dire que chacune des parties conservera à sa charge ses frais, honoraires et dépens ;? Dire n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de la décision à intervenir. MOTIFS 1) Sur la demande d'annulation du CCP no 12C0044 9. La société Novartis Pharma sollicite l'annulation du CCP no 12C0044 car le brevet de base no EP 1 558 648 auquel il se rattache a été révoqué dans son intégralité ce qui entraîne nécessairement la nullité du CCP no 12C0044. 10. La société Genmab acquiesce à la demande d'annulation du CCP no 12C0044 formée par la société Novartis Pharma (afin de permettre la délivrance du CCP 028). Sur ce, 11. Aux termes de l'article 15, 1., du règlement (CE) no 469/2009 du 6 mai 2009 du Parlement européen et du Conseil concernant le certificat complémentaire de protection pour les médicaments :« 1. Le certificat est nul : [...]c) Si le brevet de base est annulé ou limité de telle sorte que le produit pour lequel le certificat a été délivré n'est plus protégé par les revendications du brevet de base ou si, après l'extinction du brevet de base, il existe des motifs de nullité qui auraient justifié l'annulation ou la limitation ». 12. De la même manière, l'article 613-28 alinéa 1er du code de la propriété intellectuelle dispose que le CCP est nul si le brevet auquel il se rattache est nul. 13. En l'occurrence, le brevet EP 1 558 648, sur la base duquel le CCP no 12C0044 a été délivré, a été révoqué dans son intégralité par décision de l'Office européen des brevets publiée au Bulletin européen des brevets le 5 mai 2021. Conformément aux dispositions précitées, le CCP no 12C0044 doit donc être déclaré nul. En application des dispositions de l'article L. 615-27 deuxième alinéa du code de la propriété intellectuelle, la présente décision, une fois passée en force de chose jugée, sera transmise à l'INPI aux fins d'inscription au registre des brevets. 2) Sur les autres demandes 14. Conformément à l'accord des parties, chacune d'elles conservera à sa charge ses propres frais et dépens. 15. Il sera rappelé que la présente décision est de plein droit exécutoire conformément aux dispositions de l'article 514 du code de procédure civile dans sa rédaction issue du décret du 11 décembre 2019, aucune circonstance ne justifiant ici qu'il en soit décidé autrement. PAR CES MOTIFS, Le tribunal, statuant publiquement par jugement mis à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort, ANNULE le CCP no 12C0044 dont est titulaire la société Genmab A/S ; DIT que le présent jugement, une fois passé en force de chose jugée, sera transmis à l'Institut national de la propriété industrielle aux fins d'inscription au registre national des brevets à l'initiative de la partie la plus diligente ; DIT que chaque partie conservera à sa charge ses propres dépens ; DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ; RAPPELLE que le présent jugement est de plein droit assorti de l'exécution provisoire. Fait et jugé à Paris le 02 mars 2023 LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE | x |
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JURITEXT000047454954 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/45/49/JURITEXT000047454954.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 2 mars 2023, 20/11694 | 2023-03-02 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 20/11694 | CT0196 | TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 3ème chambre 1ère section No RG 20/11694 No Portalis 352J-W-B7E-CTIB5 No MINUTE : Assignation du :05 octobre 2020 JUGEMENT rendu le 02 mars 2023 DEMANDERESSE S.A.R.L. LUZ[Adresse 3][Localité 6] représentée par Me Margaux NEGRE-CARILLON de l'AARPI VALMY AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C386 DÉFENDEURS S.A. LES CANEBIERS[Adresse 8][Localité 2] (SUISSE) représentée par Me Jonathan TOBOLSKI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C2049 Maître [F] [V], membre de la SCP [V], agissant ès qualité de liquidateur judiciaire de la société L'ORMEAU[Adresse 5][Localité 7] représenté par Me Brad SPITZ de la SELARL BRAD SPITZ, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #C0794 & Me Florent LADOUCE, avocat au barreau de DRAGUIGNAN, avocat plaidant COMPOSITION DU TRIBUNAL Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointeElodie GUENNEC, Vice-présidenteMalik CHAPUIS, Juge, assistés de Caroline REBOUL, Greffière DEBATS A l'audience du 24 janvier 2023 tenue en audience publique, avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue le 02 mars 2023. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffeContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DU LITIGE : 1. La société Luz, créée en 2011, conçoit et fabrique des maillots de bains, vêtements de plage et bodies, haut de gamme. Elle expose avoir créé en 2011 un modèle de maillot de bain dénommé « César ». 2. Se plaignant de la reproduction, par une concurrente, la société Les Canebiers, des caractéristiques originales de ce maillot de bain qui rencontrait un certain succès, la société Luz a obtenu, par un jugement de ce tribunal du 19 décembre 2019, qu'il soit fait défense à la société Les Canebiers d'importer, détenir, offrir à la vente, vendre les produits reproduisant les caractéristiques du maillot "César", sous astreinte de 500 euros par jour de retard courant à l'expiration d'un délai de 30 jours suivant la signification de la décision, et ordonné à la société Les Canebiers de rappeler des circuits commerciaux la totalité du stock de maillots "Bugadières" reproduisant les caractéristiques du maillot de bain "César" et ce, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à exécuter la présente décision, courant à l'expiration d'un délai d'un mois suivant la signification du jugement. Le tribunal s'est expressément réservé la liquidation de l'astreinte prononcée. 3. Ce jugement a été signifié à la société Les Canebiers par acte d'huissier du 4 février 2020. 4. La société Luz expose avoir découvert, en août 2020, que le modèle « Bugadières » était toujours offert à la vente dans la boutique à l'enseigne Les Canebiers située [Adresse 1] à [Localité 9], où elle fait procéder à un constat d'achat par huissier de justice le 2 septembre 2020. Elle expose avoir encore procédé à l'achat d'un maillot de bain « Bugadières » le 7 septembre 2020 dans une boutique Les Canebiers située [Adresse 4] à [Localité 9]. 5. Aussi, par acte d'huissier du 5 octobre 2020, la société Luz a fait assigner la société Les Canebiers devant le tribunal judiciaire de Paris en liquidation d'astreinte. 6. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 5 juillet 2021, la société Luz demande au tribunal de : - Débouter la société Les Canebiers de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions; - Liquider l'astreinte provisoire à la somme de 96.000 euros et de condamner la société Les Canebiers S.A. à payer la société Luz cette somme ; - Interdire à la société Les Canebiers d'importer, détenir, offrir à la vente, vendre les produits reprenant les caractéristiques du maillot de bain référencé « César » de la société Luz et ce, sous astreinte définitive de 500 euros par jour de retard courant à l'expiration d'un délai de 30 jours suivant la signification du jugement et pendant six mois ; - Se réserver la liquidation des astreintes précitées ; - Condamner la société Les Canebiers à rembourser à la société Luz les frais engagés par elle pour la réalisation du procès-verbal de constat d'huissier du 2 septembre 2020 à hauteur de 404 euros TTC ; - Condamner la société Les Canebiers au paiement de la somme de 8.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; - Condamner la société Les Canebiers aux entiers dépens. 7. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 14 juin 2021, la société Les Canebiers demande au tribunal de : - Dire la société Les Canebiers recevable et bien fondée en l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ; - Constater que les maillots de bain litigieux ont été vendus par la société L'Ormeau dont le numéro RCS apparait sur les tickets de caisse résultant du procès-verbal de constat d'Huissier du 2 septembre 2020 ; - Constater que la société Les Canebiers a été empêchée de respecter l'injonction qui lui était faite en raison de la négligence de son distributeur unique, la société L'Ormeau ; En conséquence, à titre principal, - Ordonner la suppression de l'astreinte provisoire prononcée dans le jugement en date du 19 décembre 2019 au regard de la cause étrangère résultant de l'empêchement par un tiers, en application de l'article L 131-4 du code des procédures civiles d'exécution ; A titre subsidiaire, - Ordonner la substitution à l'astreinte provisoire de toute astreinte définitive qu'il plaira à la juridiction de céans, en application de l'article L 131-2 alinéa 2 du code des procédures civiles d'exécution ; A titre infiniment subsidiaire, - Ordonner la révision du montant de l'astreinte provisoire et le ramener à de plus justes proportions, au regard du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter, en application de l'article L 131-2 du code des procédures civiles d'exécution ; En tout état de cause, - Condamner la société Luz et la société L'Ormeau à verser chacune à la société Les Canebiers une somme de 5.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens. 8. L'instruction a été close par ordonnance du 14 juin 2022 après que le juge de la mise en état a, par une ordonnance du 14 avril 2022, déclaré la société les Canebiers irrecevable en ses demandes formées contre Me [F] [V] ès-qualités de mandataire liquidateur de la société l'Ormeau (la créance invoquée contre cette société n'ayant pas été soumise à la procédure de vérification en l'absence d'instance en cours au moment de l'ouverture de la procédure collective). L'affaire a été plaidée à l'audience du 24 janvier 2023. MOTIFS DE LA DÉCISION Moyens des parties 9. La société Luz soutient que la société Les Canebiers a continué de détenir, d'offrir à la vente et de vendre des produits en violation des injonctions prononcées par le tribunal judiciaire de Paris dans son jugement rendu le 19 décembre 2019, et ce, entre le 5 mars et le 5 septembre 2020. Elle ajoute que cette société ne justifie d'aucune démarche tendant à faire respecter les injonctions prononcées, les courriers adressés aux enseignes Les Canebiers postérieurement à la réception de l'assignation en liquidation d'astreinte, ne concernant pas la période pendant laquelle l'astreinte était effective. Selon la demanderesse, en effet, il appartenait à la société Les Canebiers, de veiller à ce que l'injonction soit respectée sur l'ensemble de son réseau et de tout mettre en oeuvre pour que son distributeur exécute l'injonction qui lui avait été faite. La société Luz ajoute que les sociétés Les Canebiers et L'Ormeau entretiennent des liens commerciaux étroits et souligne que le président de la société Les Canebiers, M. [E] [U] est également associé de la société L'Ormeau. La société Luz sollicite en définitive la liquidation de l'astreinte à la somme de 96.000 euros (500 euros x 186 jours de retard entre le 5 mars et le 5 septembre 2020). 10. La société Les Canebiers soutient quant à elle que la bonne exécution du jugement du 19 décembre 2019 dépendait exclusivement d'un tiers, la société L'Ormeau, unique distributeur des maillots de bain litigieux à qui elle affirme avoir donné pour instruction de détruire les modèles « Bugadières ». La société Les Canebiers ajoute qu'elle ne pouvait contrôler la véracité des déclarations d'un tiers qui lui avait assuré avoir procédé à la destruction totale du stock de maillot "Bugadières". Il s'agit selon elle d'une cause étrangère insurmontable justifiant la suppression de l'astreinte. Appréciation du tribunal 11. Aux termes de l'article L. 131-3 du code des procédures civiles d'exécution, l'astreinte, même définitive, est liquidée par le juge de l'exécution, sauf si le juge qui l'a ordonnée reste saisi de l'affaire ou s'en est expressément réservé le pouvoir. L'article L. 131-4 du même code prévoit que le montant de l'astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter. Le taux de l'astreinte définitive ne peut jamais être modifié lors de sa liquidation. L'astreinte provisoire ou définitive est supprimée en tout ou partie s'il est établi que l'inexécution ou le retard dans l'exécution de l'injonction du juge provient, en tout ou partie, d'une cause étrangère. 12. La cause étrangère est plus large que la notion de force majeure. Elle recouvre en pratique tous les cas où celui à la charge duquel avait été mise l'injonction s'est trouvé dans l'impossibilité, pour une raison quelconque, de s'y conformer (Cass. Civ. 2ème , 8 novembre 2001, pourvoi no 99-19.776 ; Cass. Civ. 2ème , 14 septembre 2006, pourvoi no 05-16729 ; Cass. Civ. 2ème , 11 février 2021, pourvoi no 19-23.240). 13. Il résulte en l'occurrence des pièces produites aux débats qu'il était encore possible, en violation de l'injonction prononcée le 19 décembre 2019, d'acquérir le maillot de bain "Bugadières" au sein de deux boutiques à l'enseigne "Les Canebiers [Localité 9]" situées à [Localité 9], l'une [Adresse 1], et l'autre [Adresse 4] et ce, le 2 septembre 2020. Il n'est pas contesté que ces boutiques étaient exploitées, jusqu'à sa liquidation survenue le 26 avril 2021, par une société L'Ormeau. 14. Aux termes du jugement du 19 décembre 2019, la société Les Canebiers avait l'interdiction de vendre le maillot " Bugadières" elle-même, mais avait également l'obligation de procéder au rappel de ce maillot de ses circuits commerciaux "sous le contrôle d'un huissier". C'est cette dernière injonction (non assortie de l'exécution provisoire) qui est en cause ici et que la société Les Canebiers ne peut prétendre avoir exécuté (alors que le jugement lui a été signifié le 4 février 2020 et qu'elle disposait d'un délai de 3 mois, compte tenu de son établissement en Suisse, pour faire appel, ce qu'elle n'a pas fait), par un message du 6 août 2020 du gérant de la société L'Ormeau aux termes duquel ce dernier écrivait au dirigeant de la société Les Canebiers "Compte sur moi pour faire au mieux et le plus vite", tandis que le fil de leur discussion apparaît sans lien avec l'injonction rappelée ci-dessus laquelle n'est pas même évoquée. 15. La lettre du 12 janvier 2021 (AR non produit) puis celle du 11 mai 2021 (AR signé par M. [D], dirigeant de la société L'Ormeau, le 19 mai 2021) apparaissent ainsi comme étant le seul commencement d'exécution de l'injonction de rappel des circuits commerciaux. 16. Il en résulte qu'aucune cause étrangère ne peut être retenue ici. 17. Aucun élément ne démontre en revanche que l'interdiction de vendre ou distribuer aurait été violée par la société Les Canebiers elle-même. 18. La société Les Canebiers sera donc condamnée au paiement de la somme de 8.900 euros soit 100 euros (et non 500) x 89 jours de retard, entre le 5 juin 2020 (1+ 3 mois suivant la signification le 4 février 2020), et le 2 septembre 2020 (date de la preuve de l'absence d'exécution), au titre de la liquidation de l'astreinte prononcée par le jugement du 19 décembre 2019. 19. Il sera fait droit à la demande de fixation d'une nouvelle astreinte selon les modalités précisées au dispositif de la présente décision, sans qu'il y ait lieu de s'en réserver la liquidation. 20. Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, la société Les Canebiers sera condamnée aux dépens, ainsi qu'à payer à la société Luz la somme de 5.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, cette somme incluant les frais de constat par huissier de justice. 21. Aucune circonsance ne justifiant qu'il en soit décidé autrement, il sera rappelé que la présente décision est de plein droit assortie de l'exécution provisoire. PAR CES MOTIFS LE TRIBUNAL, LIQUIDE l'astreinte prononcée par le jugement rendu entre les parties le 19 décembre 2019 à la somme de 8.900 euros et CONDAMNE la société Les Canebiers au paiement de cette somme à la société Luz ; INTERDIT à la société Les Canebiers d'importer, détenir, offrir à la vente, vendre les produits reprenant les caractéristiques du maillot de bain référencé « César » de la société Luz et ce, sous astreinte définitive de 1.000 euros par infraction constatée courant à l'expiration d'un délai de 30 jours suivant la signification du présent jugement et pendant 180 jours ; REJETTE le surplus des demandes ; CONDAMNE la société Les Canebiers aux dépens ; CONDAMNE la société Les Canebiers à payer à la société Luz la somme de 5.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, cette somme incluant le remboursement des frais d'établissement d'un constat par huissier de justice ; RAPPELLE que la présente décision est de plein droit assortie de l'exécution provisoire. Fait et jugé à Paris le 02 mars 2023. LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE | x |
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JURITEXT000047454955 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/45/49/JURITEXT000047454955.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 2 mars 2023, 22/01293 | 2023-03-02 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 22/01293 | CT0196 | TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 3ème chambre 1ère section No RG 22/01293 No Portalis 352J-W-B7G-CV7KW No MINUTE : Assignation du :27 janvier 2022 Incident ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETATrendue le 02 mars 2023 DEMANDERESSE - DEFENDERESSE A L'INCIDENT S.A.S. HOLDING DIGITAL VILLAGE [Adresse 1][Adresse 1] représentée par Me Elise VAN BENEDEN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C14 DEFENDERESSE - DEMANDERESSE A L'INCIDENT S.A.S. DIGITAL VILLAGE IO [Adresse 2][Adresse 2] représentée par Me Jean-Mathieu BERTHO de l'AARPI JACOBACCI AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B0260 MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointeassistée de Caroline REBOUL, Greffière DEBATS A l'audience du 31 janvier 2023, avis a été donné aux avocats que l'ordonnance serait rendue le 02 mars 2023. ORDONNANCE Prononcée publiquement par mise à disposition au greffeContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DU LITIGE : 1. Le groupe Digital Village se présente comme spécialisé dans le domaine de la création digitale et la promotion immobilière. Son activité principale est de créer des sites internet, des logiciels et des solutions informatiques, y compris des espaces virtuels de rencontre et de travail, mais aussi d'exploiter des biens immobiliers. Les actifs incorporels du groupe son détenus par sa holding la société Holding Digital Village. 2. La société Holding Digital Village est ainsi la titulaire de 8 marques : - La marque verbale française "Digital Village" no4516720 déposée le 18 janvier 2019 pour désigner différents services en classes 35, 36, 41, 42, 43 et 45 ; - La marque semi-figurative française "DIGITAL VILLAGE" no4241777 enregistrée le 19 janvier 2016 pour désigner différents services en classes 35, 42 et 45 ; - La marque semi-figurative française "DV" no4191683 enregistrée le 24 juin 2015 pour désigner des services en classes 35, 42 et 43; - La marque verbale de l'Union européenne "Digital Village" no18011887 enregistrée le 18 janvier 2019 pour désigner différents services des classes 35, 41, 42 et 45; - La marque de semi-figurative l'Union européenne "DIGITAL VILLAGE" no15626872 enregistrée le 9 juillet 2016 pour désigner des services des classes 35, 36, 41, 42 et 45 ; . - La marque semi-figurative de l'Union européenne "DIGITAL VILLAGE" no017929765 enregistrée le 12 juillet 2018 pour désigner des services des classes 35, 41, 42, 43 et 45; - La marque semi-figurative de l'Union européenne "DV" no017929755 enregistrée le 12 juillet 2018 pour désigner des services des classes 35, 41, 42, 43 et 45; - La marque semi-figurative de l'Union européenne "DV" no15626881 enregistrée le 9 juillet 2016 pour désigner différents services en classes 35, 41, 42, 43 et 45; 3. La société Digital Village Io exploite quant à elle un métavers, au moyen de sa propre technologie de blockchain, le "Village protocol". Elle a annoncé la mise en vente, au cours du premier semestre 2022, de terrains virtuels et le lancement de sa crypto-monnaie, les "DV Coins". 4. Il est rappelé qu'un "métavers" (méta-univers) est un espace virtuel créé par programme informatique, rassemblant une communauté d'utilisateurs, présents sous la forme d'avatars et pouvant s'y déplacer, y interagir socialement et économiquement. L'objectif économique d'un métavers est de commercialiser aux utilisateurs des objets virtuels au moyen d'une cryptomonnaie, les "jetons non fongibles" (ou en langue anglaise les "Non Fungible Tokens" ou NFT). Un NFT permet ainsi d'associer un actif virtuel (un vêtement, un sac, un terrain, une vidéo, une oeuvre d'art...) à un jeton numérique non fongible. Détenir ce jeton, c'est être propriétaire de cet actif, propriété dont l'authenticité est garantie par la "blockchain". La blockchain est une technologie qui permet de sécuriser et de vérifier de manière transparente et infalsifiable des informations. Grâce à la blockchain, l'historique des informations peut être conservé sans que personne ne puisse l'altérer et sans intermédiaire. 5. Estimant les usages des signes "Digital Village" et "DV" faits par elle dans le metavers, contrefaisants de ses marques, la société Holding Digital Village a, par acte d'huissier du 27 janvier 2022, fait assigner la société Digital Village Io devant ce tribunal en contrefaçon de marques. 6. Alors qu'il lui était enjoint de conclure (au fond après sept mois de procédure), la société Digital Village Io a notifié, le 17 octobre 2022, des conclusions d'incident par lesquelles elle conteste la qualité à agir de la société Holding Digital Village, la publication de la cession de ses marques n'ayant été inscrite qu'après la délivrance de l'assignation. 7. Dans ses conclusions d'incident no2 notifiées le 9 janvier 2023, la société Digital Village Io demande au juge de la mise en état de déclarer irrecevables toutes les demandes formées par la société Holding Digital Village, faute de qualité à agir, de la condamner aux entiers dépens, dont distraction au profit de son avocat par application de l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'à lui payer la somme de 7.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 8. Dans ses conclusions d'incident notifiées électroniquement le 22 novembre 2022 la société Holding Digital Village demande quant à elle au juge de la mise en état de débouter la société Digital Village Io de l'ensemble de ses demandes et de la condamner à lui payer la somme de 2.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. 9. Plaidé à l'audience du 31 janvier 2023 l'incident a été mis en délibéré au 2 mars 2023. MOTIFS DE LA DÉCISION Moyens des parties 10. La société Digital Village Io soutient que la société Holding Digital Village n'est pas recevable à agir sur le fondement de droits de marques, la cession d'où elle tient ses droits n'ayant été publiée au registre des marques, qu'après la délivrance de l'assignation. Elle soutient à cet égard que cette irrecevabilité est insusceptible d'être couverte, ainsi que l'a selon elle jugé à plusieurs reprises la cour d'appel de Paris. 11. La société Holding Digital Village conclut à la recevabilité de ses demandes, les dispositions de l'article 126 du code de procédure civile étant, évidemment selon elle, applicables. Appréciation du juge de la mise en état 12. Selon l'article L. 714-7 du code de la propriété intellectuelle, "Toute transmission ou modification des droits attachés à une marque doit, pour être opposable aux tiers, être inscrite au Registre national des marques." 13. De la même manière, aux termes de l'article 27 "Opposabilité aux tiers" du règlement 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne, "1. Les actes juridiques concernant la marque de l'Union européenne visés aux articles 20, 22 et 25 ne sont opposables aux tiers dans tous les États membres qu'après leur inscription au registre. (...) 3. L'opposabilité aux tiers des actes juridiques visés à l'article 23 est régie par le droit de l'État membre déterminé en application de l'article 19." 14. Selon l'article 126 du code de procédure civile, " Dans le cas où la situation donnant lieu à fin de non-recevoir est susceptible d'être régularisée, l'irrecevabilité sera écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue. 15. Ces dispositions sont constamment interprétées comme excluant le droit d'agir en contrefaçon de tout cessionnaire ou licencié exclusif d'un titre de propriété industrielle tant que l'acte d'où il tient ses droits n'a pas été publié (Cass. Com., 7 juillet 2004, pourvoi no02-19.041 ; Cass. Com., 3 avril 2012, pourvoi no11-14.848 concernant des licenciés de brevets). Le cessionnaire est en revanche recevable à agir dès la publication de la cession, l'action pouvant concerner des faits antérieurs à la cession pour peu que l'acte de cession le spécifie (Cass. Com, 11 janvier 2000, pourvoi no97-10.838, Bull. 2000, IV, no6 ; CA Paris, 5 octobre 2011, RG no09/2423). 16. Conformément à l'article 126 du code de procédure civile précité, la publication de la cession a pour effet d'entraîner la régularisation de la procédure. 17. Les dispositions de l'article 126 du code de procédure civile n'ont toutefois pas d'effet rétroactif, c'est à dire que ces dispositions ne peuvent faire revivre une société ayant disparu à la date de la publication de la cession (CA Paris, 12 février 2021, RG no19/10551, Xena IP Holdings Ltd, cité par la défenderesse), ni des faits qui avaient cessé (CA Paris, 9 septembre 2022, RG no20/12901, Sony Interactive Entertainment Inc., également cité par la défenderesse ; Com., 29 juin 1999, pourvoi no 97-11.940, Bull. 1999, IV, no 144). Aucune situation similaire n'est alléguée ici. 18. La cession est intervenue le 18 janvier 2022, l'assignation, le 27 janvier 2022 et la publication aux registres respectivement les 30 août et 20 septembre 2022. Il en résulte que les demandes de la société Holding Digital Village sont recevables, les publications intervenues ayant eu pour effet de régulariser la présente procédure. 19. Les dépens et les demandes au titre de l'article 700 du code de procédre civile sont réservés. PAR CES MOTIFS, LE JUGE DE LA MISE EN ÉTAT, DÉCLARE recevables les demandes de la société Holding Digital Village; RÉSERVE les dépens et les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; DIT que l'affaire est renvoyée à l'audience de mise en état dématérialisée du :4 avril 2023 à 10 heures et qu'il est enjoint à la société Digital Village Io de conclure au fond pour cette date ; Faite et rendue à Paris le 02 mars 2023. LA GREFFIERE LA JUGE DE LA MISE EN ETAT | x |
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JURITEXT000047454956 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/45/49/JURITEXT000047454956.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 2 mars 2023, 22/02717 | 2023-03-02 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 22/02717 | CT0196 | TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 3ème chambre1ère section No RG 22/02717 No Portalis 352J-W-B7G-CV6K2 No MINUTE : Assignation du :14 février 2022 JUGEMENT rendu le 02 mars 2023 DEMANDERESSES Société FIDUCIAL[Adresse 2][Localité 5] Société FIDUCIAL FINANCIAL SERVICES[Adresse 2][Localité 5] Société BANQUE FIDUCIAL EN ABREGE FIDUBANQUE[Adresse 2][Localité 5] Société FIDUCIAL DIGITAL SOLUTIONS[Adresse 2][Localité 5] représentées par Me Louise LACROIX, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C0594 & Me Armelle GROLEE de l'AARPI DE FACTO, avocat au barreau de LYON, avocat plaidant DÉFENDERESSE S.A.S. GREEN IMPACT FIDUCIAL TRUST[Adresse 3][Localité 4] Défaillante COMPOSITION DU TRIBUNAL Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointeElodie GUENNEC, Vice-présidenteMalik CHAPUIS, Juge, assistés de Caroline REBOUL, Greffière DÉBATS A l'audience du 12 décembre 2022 tenue en audience publique, avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue le 16 février 2023. Le délibéré a été prorogé au 02 mars 2023. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffeRéputé contradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DU LITIGE : 1. Fondé en 1970, le groupe Fiducial se présente comme actif dans de nombreux domaines en offrant des services aussi bien comptables, que juridiques, informatiques ou encore de sécurité. Plus de 200 sociétés françaises composent le groupe dont plus de 60 utilisent le terme "Fiducial" dans leur dénomination. 2. La société Fiducial, immatriculée au RCS en 1984, est la holding du groupe. La société Fiducial Financial Services offre des services dans le domaine de la finance, plus particulièrement dans les fonds de placement. La société Banque Fiducial exerce une activité de banque. Enfin, la société Fiducial Digital Solutions réalise des prestations informatiques. 3. La société Fiducial est titulaire de nombreuses marques, dont : - la marque verbale de l'Union européenne "Fiducial" no010306141 déposée le 8 septembre 2011 pour désigner des produits et services dans toutes les classes ; - la marque verbale française "Fiducial" no 1 441 027, enregistrée le 10 mars 1987 et régulièrement renouvelée, pour désigner en classe 36 les services de "société de placement de fonds ayant vocation à gérer un portefeuille de valeurs mobilières et un patrimoine immobilier, d'assurances et de banques" ; - la marque verbale française "Fiducial", enregistrée le 14 mai 1990 sous le no 1 591 848, pour désigner différents services en classes 35, 36, 39, 41, 42, 43 et 45 (et en particulier en classe 36 les services d'assurances et de finances) ; - la marque semi-figurative française "Fiducial Finances" no 1 467 957, déposée le 26 mai 1988 et régulièrement renouvelée depuis en classe 36 - la marque semi-figurative française "Fiducial Conseil" no1 615 231, déposée le 17 octobre 1989 et régulièrement renouvelée depuis, qui revendique une protection en classes 35, 36, 38 et 41 - la marque semi-figurative française "Fiducial" no1 561 555 déposée le 23 novembre 1989 et dûment renouvelée depuis, qui revendique une protection en classes 9, 16, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 42 et 43 - la marque semi-figurative française "Fiducial" no4 017 538 déposée le 4 juillet 2013 en classes 9, 11, 16, 20, 35, 36, 37, 38, 39, 41, 42 et 45 - la marque semi-figurative française " Banque Fiducual, entreprendre avec vous" no4 047 727 déposée le 18 novembre 2013 en classes 9, 16, 35, 36, 38, 41, 42 et 45 4. La société Fiducial a également réservé les noms de domaine <www.fiducial.fr> et <www.fiducial.eu>, respectivement les 17 décembre 1997 et 23 juin 2006, lesquels renvoient à un site internet actif présentant, en langue française, l'ensemble des activités du groupe. 5. La société Fiducial expose avoir découvert en 2020 l'immatriculation d'une société dite "Green Impact Fiducial Trust", au RCS de Versailles le 1er juillet 2019, ayant pour activités déclarées selon son extrait Kbis celles de holding (prise de participation, contrôle de toute entreprise. Animation de groupe de sociétés). Elle a également découvert que cette dernière avait réservé le nom de domaine <www.greenimpact-fiducialtrust.com>. 6. Aussi, lui a-t'elle adressé une lettre de mise en demeure le 2 septembre 2020, réitérée le 25 septembre 2020, lui enjoignant de cesser de faire usage du signe Fiducial sous quelque forme et à quelque titre que ce soit. M. [U] [W] [X], dirigeant de la société Green Impact Fiducial Trust, a répondu qu'il ne serait pas déféré à cette injonction, le terme Fiducial étant selon lui un terme anglais inappropriable par la société Fiducial, tandis que l'activité de sa société, sous le signe "C GIFT" était exclusivement tournée vers l'Afrique. 7. Insatisfaites de cette réponse, les sociétés Fiducial ont, par acte d'huissier du 14 février 2022, fait assigner la société Green Impact Fiducial Trust devant le tribunal judiciaire de Paris en contrefaçon de marques ainsi qu'en concurrence déloyale. 8. Par leur assignation, les sociétés Fiducial, Fiducial Financial Services, Banque Fiducial (dite Fidubanque) et Fiducial Digital Solutions, demandent au tribunal de : - Ordonner à la société Green Impact Fiducial Trust de cesser, dans un délai de quinze jours à compter de la signification du jugement à intervenir, tout usage des signes "Green Impact Fiducial Trust", "Green Impact Fiducial" et "greenimpact-fiducialtrust.com" ainsi que de tout signe similaire comprenant le mot "Fiducial", à quelque titre que ce soit et notamment à titre de dénomination sociale, nom commercial, marque, nom de domaine, enseigne, sous astreinte définitive de 500 € par infraction constatée et de 500 € par jour de retard ; - Se réserver le pouvoir de liquider, le cas échéant, l'astreinte ainsi prononcée conformément aux dispositions de l'article L131-3 du code des procédures civiles d'exécution ; - Condamner la société Green Impact Fiducial Trust à verser à la société Fiducial la somme de 30.000 € de dommages et intérêts à titre d'indemnisation des actes de contrefaçon de ses marques françaises Fiducial no 1 591 848, no 1 441 027, no 1 467 957, no 1 615 231, no 1 561 555, no 4 017 538 et no 4 047 727 ainsi que de sa marque de l'Union Européenne Fiducial no010306141 ; - Condamner la société Green Impact Fiducial Trust à verser à la société Fiducial la somme de 30.000 € de dommages et intérêts à titre d'indemnisation de l'atteinte portée à ses marques Fiducial française no 1 591 848 et de l'Union Européenne no010306141 en raison de leur renommée ; - Condamner la société Green Impact Fiducial Trust à verser à la société Fiducial la somme globale de 20.000 € de dommages et intérêts à titre d'indemnisation des actes distincts de concurrence déloyale commis à son encontre ; - Condamner la société Green Impact Fiducial Trust à verser à la société Fiducial Financial Services la somme de 10.000 € de dommages et intérêts à titre d'indemnisation des actes distincts de concurrence déloyale commis à son encontre; - Condamner la société Green Impact Fiducial Trust à verser à la société Banque Fiducial (Fidubanque) la somme de 10.000 € de dommages et intérêts à titre d'indemnisation des actes distincts de concurrence déloyale commis à son encontre; - Condamner la société Green Impact Fiducial Trust à verser à la Société Fiducial Digital Solutions la somme de 10.000 € de dommages et intérêts à titre d'indemnisation des actes distincts de concurrence déloyale commis à son encontre ; - Ordonner la publication du jugement à intervenir, in extenso ou par extraits, dans cinq journaux ou magazines au choix des Sociétés Fiducial et aux frais avancés de la société Green Impact Fiducial Trust, dans la limite de 10.000 € H.T. par insertion ; - Condamner la société Green Impact Fiducial Trust à lui payer la somme de 20.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; - Condamner la société Green Impact Fiducial Trust aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Louise Lacroix, avocat, sur son affirmation de droit. 9. L'huissier de justice n'ayant pu délivrer l'assignation à la société Green Impact Fiducial Trust en l'absence d'établissement existant à l'adresse du siège social (ni le nom de la société, ni celui de son gérant, M. [U] [W] [X] ne figure sur la boîte aux lettres à l'adresse du [Adresse 3], non plus qu'à l'adresse de M. [U] [W] [X], [Adresse 1]), il a procédé selon les dispositions de l'article 659 du code de procédure civile. 10. L'instruction a été close par une ordonnance du 29 mars 2022 et l'affaire plaidée le 12 décembre 2022. MOTIFS DE LA DÉCISION 11. Il est rappelé à titre liminaire qu'en application de l'article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée. 1o) Sur la contrefaçon Moyens des demanderesses 12. Les sociétés demanderesses font valoir que, contrairement aux affirmations de la société défenderesse dans ses courriels, le terme Fiducial n'a aucune signification en langue anglaise, non plus qu'en langue française. Elles ajoutent que la société défenderesse a son siège en France, qu'elle est inscrite au registre du commerce et des sociétés de Versailles et qu'elle exploite un site internet accessible en France et rédigé en langue française, sans qu'aucune mention ne précise qu'il n'est qu'à l'attention du public africain. Elles soulignent enfin le risque de confusion dès lors que le projet de la société Green Impact Fiducial Trust est de proposer des services financiers inclusifs en offrant à tous un compte et la possibilité d'épargner sans discrimination ni frais bancaires cachés. 13. En ce qui concerne l'atteinte à la renommée de leurs marques, les demanderesses soulignent que leurs marques sont exploitées depuis plus de quarante ans et qu'elles sont au coeur d'un réseau très important. Elles ajoutent que le public fera un lien évident entre le signe litigieux et les marques, et que l'utilisation du signe Fiducial vise à tirer indûment profit de la renommée et du caractère distinctif des marques. Appréciation du tribunal 14. Conformément à l'article 9-2 du règlement 2017/1001 du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne , "sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité d'une marque de l'Union européenne, le titulaire de cette marque de l'Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe pour des produits ou services lorsque: (...) b) ce signe est identique ou similaire à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou services identiques ou similaires aux produits ou services pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public ; le risque de confusion comprend le risque d'association entre le signe et la marque. c) ce signe est identique ou similaire à la marque de l'Union européenne, indépendamment du fait que les produits ou services pour lesquels il est utilisé soient identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée, lorsque celle-ci jouit d'une renommée dans l'Union et que l'usage de ce signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque de l'Union européenne ou leur porte préjudice." 15. De la même manière, selon les articles L. 713-2 et L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle "Est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l'usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services : (...) 2o D'un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s'il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d'association du signe avec la marque. (...) d'un signe identique ou similaire à la marque jouissant d'une renommée et utilisé pour des produits ou des services identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, si cet usage du signe, sans juste motif, tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque, ou leur porte préjudice." 16. Interprétant les dispositions identiques au règlement de l'article 5 § 1 de la première Directive du Conseil du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des États membres sur les marques (89/104/CEE), la Cour de Justice de l'Union européenne a dit pour doit que, constitue un risque de confusion au sens de ce texte, le risque que le public puisse croire que les produits ou services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d'entreprises liées économiquement (CJCE, 29 septembre 1998, Canon, aff. C-39/97, point 29 ; CJCE, 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik, aff. C-342/97). Selon cette même jurisprudence, l'existence d'un risque de confusion dans l'esprit du public doit être appréciée globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce (CJCE, 11 novembre 1997, Sabel, aff. C-251/95, point 22), en tenant compte en particulier de leurs éléments distinctifs et dominants. 17. Afin d'apprécier le degré de similitude existant entre les marques concernées, la juridiction nationale doit déterminer leur degré de similitude visuelle, auditive et conceptuelle et, le cas échéant, évaluer l'importance qu'il convient d'attacher à ces différents éléments, en tenant compte de la catégorie de produits ou services en cause et des conditions dans lesquelles ils sont commercialisés (voir arrêt Lloyd Schuhfabrik, C-342/97 ). 18. Il est également rappelé que l'appréciation de la similitude entre deux signes ne peut se limiter à prendre en considération uniquement un composant d'une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d'opérer la comparaison en examinant les marques en cause considérées chacune dans son ensemble (CJCE, 12 juin 2007, OHMI/Shaker, aff. C-334/05, point 41). L'impression d'ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe peut, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants. Toutefois, ce n'est que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l'appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l'élément dominant (arrêts OHMI/Shaker, points 41 et 42, ainsi que CJCE, 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, aff. C-193/06, points 42 et 43). 19. À cet égard, la Cour a précisé qu'il n'est pas exclu qu'une marque antérieure, utilisée par un tiers dans un signe composé comprenant la dénomination de l'entreprise de ce tiers, conserve une position distinctive autonome dans le signe composé. Dès lors, aux fins de la constatation d'un risque de confusion, il suffit que, en raison de la position distinctive autonome conservée par la marque antérieure, le public attribue également au titulaire de cette marque l'origine des produits ou des services couverts par le signe composé (arrêt Medion, CJCE, 6 octobre 2005, aff. C-120/04, points 30 et 36). 20. Il est enfin rappelé qu'une marque est considérée comme renommée lorsqu'elle est connue d'une partie significative du public pertinent et qu'elle exerce un pouvoir d'attraction propre, indépendant du produit ou du service qu'elle identifie, étant précisé que le public pertinent est celui concerné par la marque (CJCE, 14 septembre 1999, C-375/97, General Motors, points 24 et 26). Pour apprécier la renommée, sont notamment - mais pas exclusivement - pris en compte l'ancienneté de la marque, son succès commercial, l'importance du budget publicitaire consacré, l'étendue géographique et la durée de son usage, son référencement dans la presse ou encore l'existence de sondages (CJCE, 14 septembre 1999, C-375/97, General Motors, point 27 ; TUE, 10 mai 2007, T-47/06, Antartica c/OHMI et the Nasdaq Stock Market, points 46 et 52). 21. Afin de caractériser l'atteinte à la renommée d'une marque, il importe que le public concerné établisse un lien entre le signe et la marque, sans qu'il soit nécessaire d'établir l'existence d'un risque de confusion, l'intensité de la renommée de la marque pouvant être prise en compte pour apprécier l'existence d'un tel lien (CJCE, 23 octobre 2003, C-408-01, Adidas-Salomon AG et Adidas Benelux BV c/ Fitnessworld Trading ; CJUE, 27 novembre 2008, C-252-07, Intel Corporation c/ CPM United Kingdom, point 53). Enfin, ce lien établi entre le signe litigieux et la marque doit porter préjudice au caractère distinctif de cette marque, ce qui suppose que le comportement économique du consommateur moyen ait été modifié par l'usage du signe. 22. La société Fiducial verse aux débats une revue de presse compilant de nombreux articles de journaux ou magazines, régionaux comme nationaux, commentant les décisions de ses dirigeants et les activités du groupe, de 2012 à 2021. Tous citent les marques à de nombreuses reprises. En particulier, le groupe Fiducial est présenté comme spécialisé dans les services, notamment dans le domaine comptable et financier, aux petites entreprises, professions libérales, artisans et commerçants. Le groupe y est également présenté comme ayant généré un chiffre d'affaires de plus d'1 milliard d'euros en Europe en 2019 (cf article Le Bien Public du 6 novembre 2019 - pièce Fiducial no29-1). Fondé en 1970, le groupe emploie plus de 16000 personnes réparties dans plus de 800 agences en Europe. Le groupe justifie de ses dépenses consolidées de communication qui se sont élevées à plus de 9 millions d'euros en 2019, dont 1,5 millions d'euros de sponsoring, en particulier d'événements sportifs. 23. Les sociétés demanderesses justifient ainsi amplement de la renommée des marques Fiducial par leur exploitation intensive ces vingt dernières années. 24. En outre, les marques verbales Fiducial sont enregistrées pour désigner les services financiers, de banque et d'assurance. Selon le procès-verbal de constat dressé le 16 juillet 2021 par Me [C], commissaire de justice à [Localité 7], la société Green Impact Fiducial Trust exerce une activité de "services financiers inclusifs" et à faible émission de CO2. Les services concernés par les marques et le signe litigieux sont donc fortement similaires. 25. Le public pertinent de ces services financiers est d'attention moyenne à élevée. 26. Le terme "Fiducial", en outre, s'il évoque l'institution du droit anglo-saxon de la fiducie, n'a pas de signification en langue française. En langue anglaise, ce terme est un adjectif qui signifie "basé sur la confiance" ou "trustworthy". Le signe Fiducial apparaît donc plutôt distinctif pour désigner les services de banque et d'assurance. 27. La ressemblance visuelle, auditive et conceptuelle entre les signes Fiducial, d'une part, et Green Impact Fiducial Trust, d'autre part, est moyenne, voire faible. 28. Néanmoins, "Fiducial" et "Trust" étant synonyme, et compte tenu de la renommée et de la distinctivité des marques Fiducial, il apparaît que le public pertinent traduira et comprendra le signe complexe et descriptif argué de contrefaçon comme le "Trust à Impact Vert de Fiducial". Aussi, compte tenu de la forte ressemblance des services concernés et de la distinctivité du signe Fiducial, ce dernier doit être regardé comme ayant conservé sa position distinctive autonome dans le syntagme "Green Impact Fiducial Trust", le public étant amené à croire, en dépit de son degré d'attention élevé, que les services proposés sous ce signe sont le fruit d'un partenariat avec le titulaire de la marque, voire même qu'il s'agit d'un fonds de Fiducial proposant des services bancaires aux personnes exclues du système bancaire traditionnel, ce qui n'est pas le cas. Le risque de confusion est donc établi. 29. Le public est également amené à faire un lien avec le groupe Fiducial, ce qui porte atteinte au caractère distinctif de ses marques, dont l'usage dans le signe litigieux évoque immédiatement la confiance et l'appui d'un groupe connu. 30. Le tribunal ne peut en outre que constater que le signe Green Impact Fiducial Trust est utilisé par cette société dans le contexte d'une activité commerciale visant à un avantage économique et non dans le domaine privé. Par conséquent, il est fait usage de ce signe dans la vie des affaires (arrêt [6], CJCE, 12 novembre 2002, aff. C-206/01, point 40 ; arrêt O2 holding, 12 juin 2008, C-533/06, arrêt Celine, CJCE, 11 septembre 2007, C-17/06, point 17 ) et pour distinguer ses services (arrêt Celine, point 22). Le signe désigne en effet la société, laquelle a son siège en région parisienne ; le signe désigne également un site internet présentant l'activité de la société et de ses dirigeants, lequel est accessible en France et rédigé en langue française. Il désigne également les services financiers proposés par cette société (cf ci-dessous extrait du site internet de la société défenderesse - pièce Fiducial no27) lesquels sont également désignés sous l'acronyme "C- GIFT" : 31. La contrefaçon et l'atteinte à la renommée des marques, et en particulier des marques verbales françaises et de l'Union européenne Fiducial no010306141, 1441027 et 1591848, sont donc établies. 2o) Sur les mesures de réparation 32. Il résulte de l'article L. 716-4-2 du code de la propriété intellectuelle que "L'action civile en contrefaçon est engagée par le titulaire de la marque (...) Toute partie à un contrat de licence est recevable à intervenir dans l'instance en contrefaçon engagée par une autre partie afin d'obtenir la réparation du préjudice qui lui est propre." 33. Selon l'article L. 716-4-10 du même code, "Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement : 1o Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ; 2o Le préjudice moral causé à cette dernière ; 3o Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon. Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée." 34. Enfin, l'article L. 716-4-11 prévoit que "En cas de condamnation civile pour contrefaçon, la juridiction peut ordonner, à la demande de la partie lésée, que les produits reconnus comme produits contrefaisants et les matériaux et instruments ayant principalement servi à leur création ou fabrication soient rappelés des circuits commerciaux, écartés définitivement de ces circuits, détruits ou confisqués au profit de la partie lésée. La juridiction peut aussi ordonner toute mesure appropriée de publicité du jugement, notamment son affichage ou sa publication intégrale ou par extraits dans les journaux ou sur les services de communication au public en ligne qu'elle désigne, selon les modalités qu'elle précise. Les mesures mentionnées aux deux premiers alinéas sont ordonnées aux frais du contrefacteur." 35. En application des dispositions précitées, il sera fait droit à la demande d'interdiction sous astreinte selon les modalités visées au dispositif de la présente décision. 36. Il est également retenu que les usages contrefaisants banalisent les marques et justifient la condamnation de la société Green Impact Fiducial Trust à payer à la société Fiducial, titulaire des marques la somme de 3.000 euros à titre de dommages-intérêts, cette somme tenant compte de la durée de l'usage (depuis 2019) et du fait que les services de la défenderesse sont principalement proposés sous l'acronyme "C-Gift", tandis que les sommes dues pour l'une et l'autre atteinte (aux marques et à leur renommée), qui visent les mêmes faits imputables à la défenderesse, ne peuvent se cumuler. 37. Le préjudice propre que subissent les sociétés Fiducial Financial Services, Banque Fiducial (dite Fidubanque) et Fiducial Digital Solutions, exploitantes des marques, du fait des agissements contrefaisants imputables à la société Green Imact Fiducial Trust sera réparé par le versement de la somme de 1.500 euros à chacune. 38. Ces mesures réparent suffisamment le préjudice subi, de sorte que la mesure de publication apparaît ici disproportionnée. Cette demande est rejetée. 39. Il n'est justifié d'aucun préjudice distinct, les atteintes à la dénomination sociale, au nom commercial, à l'enseigne et aux noms de domaine, visant en réalité les mêmes faits de la société Green Impact Fiducial Trust et déjà retenus au titre de la contrefaçon de marques. Ces demandes sont donc rejetées. 3o) Sur les autres demandes 40. Partie perdante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, la société Green Impact Fiducial Trust sera condamnée aux dépens, ainsi qu'à payer à la société Fiducial la somme de 5.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. 41. Aucune circonstance n'imposant qu'il y soit dérogé, il convient de rappeler que la présente décision est de plein droit assortie de l'exécution provisoire conformément aux dispositions de l'article 514 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL, ENJOINT à la société Green Impact Fiducial Trust de cesser tout usage, en France et sur tout le territoire de l'Union européenne, du signe "Fiducial", à quelque titre que ce soit et notamment à titre de dénomination sociale, nom commercial, marque, nom de domaine, enseigne, et ce, sous astreinte de 200 € par jour de retard à exécuter la présente décision, courant à l'expiration d'un délai de 30 jours suivant la signification de la présente décision et pendant 180 jours ; CONDAMNE la société Green Impact Fiducial Trust à payer à la société Fiducial la somme de 3.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation des actes de contrefaçon et d'atteinte à la renommée de ses marques françaises et de l'Union européenne "Fiducial" no 1 591 848, no 1 441 027, no 1 467 957, no 1 615 231, no 1 561 555, no 4 017 538, no 4 047 727 et no010306141 ; CONDAMNE la société Green Impact Fiducial Trust à payer aux sociétés Fiducial Financial Services, Banque Fiducial (Fidubanque) et Fiducial Digital Solutions la somme de 1.500 € chacune à titre de dommages et intérêts réparant le préjudice propre que leur ont causé les actes contrefaisants ; CONDAMNE la société Green Impact Fiducial Trust aux dépens et autorise Maître Louise Lacroix, avocat, à recouvrer directement ceux dont elle aurait fait l'avance sans avoir reçu provision ; CONDAMNE la société Green Impact Fiducial Trust à payer à la société Fiducial la somme de 5.000 € par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; RAPPELLE que la présente décision est de plein droit assortie de l'exécution provisoire. Fait et jugé à Paris le 02 mars 2023. LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE | x |
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JURITEXT000047527025 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/52/70/JURITEXT000047527025.xml | ARRET | Cour d'appel de Paris, 11 septembre 2020, 19/033407 | 2020-09-11 00:00:00 | Cour d'appel de Paris | Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée | 19/033407 | G1 | PARIS | Copies exécutoires délivrées aux parties le RÉPUBLIQUE FRANÇAISEAU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS Cour d'appel de Paris Pôle 4 - chambre 1 Arrêt du 11 septembre 2020 (no /2020, pages) Numéro d'inscription au répertoire général : RG 19/03340-Portalis 35L7-V-B7D-B7JNF Décision déférée à la cour : jugement du 11 janvier 2019 -tribunal de grande instance de Créteil - RG 17/09777 APPELANTS Monsieur [K] [Z][Adresse 2][Localité 3] Madame [P] [W] épouse [Z][Adresse 2][Localité 3] Représentés par Me Philippe Ravayrol, avocat au barreau de Paris, toque : L0155 INTIMÉES SCI CITE DES OLIVIERS représentée par ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège[Adresse 4][Localité 5] Représentée par Me Agnès Lebatteux Simon de la SCP Zurfluh - Lebatteux - Sizaire et associés, avocat au barreau de Paris, toque : P0154 substituée à l'audience par Me Lucchi Mylena du même cabinet SCP [M] [U][Adresse 8][Localité 6] Représentée par Me Valérie Toutain de Hauteclocque, avocat au barreau de Paris, toque : D0848 Composition de la cour : L'affaire a été débattue le 2 juillet 2020, en audience publique, devant la cour composée de : M. Claude Creton, président de chambre, Mme Christine Barberot, conseillère, Mme Monique Chaulet, conseillère, qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par, Mme Christine Barberot, conseillère, dans les conditions prévues par l'article 785 du code de procédure civile. Greffier, lors des débats : M. Grégoire Grospellier Arrêt :- contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.- signé par Claude Creton, président et par Grégoire Grospellier, greffier lors de la mise à disposition. ***Suivant acte authentique du 19 février 2008 reçu par Mme [X] [U], notaire associé de la SCP [R] [M] et [X] [U], M. [K] [Z] et Mme [P] [W], épouse [Z] (les époux [Z]), ont acquis des époux [L] une maison à usage d'habitation, sise [Adresse 1] (94), au prix de 360 000 €. Par acte authentique du 5 juin 2012, l'état de division et le règlement de copropriété de ce bien a été établi par le même notaire. Suivant acte authentique reçu le 6 juin 2012 par le même notaire, les époux [Z] ont vendu à la SCI [Adresse 7] (la société) le lot no 6 de l'état de division de l'immeuble précité, soit dans le bâtiment C, au rez-de-chaussée, un studio, au prix de 82 000 €, étant précisé dans l'acte que le bien était loué à usage d'habitation à M. [J] par un bail en meublé d'une durée d'une année à compter du 9 février 2011, renouvelé, depuis, par tacite reconduction. Par lettre du 30 juillet 2012, le service d'hygiène et de sécurité de la mairie de [Localité 9] a enjoint à la société de réaliser des travaux pour mettre le studio en conformité, notamment, en portant remède à son humidité et en lui rendant "une hauteur sous plafond supérieure à 2,20 m", précisant que le logement, situé au rez-de-chaussé sur rue, avait été aménagé dans un ancien local commercial, la façade du local et la grille de fermeture n'ayant pas été modifiées. Le 20 novembre 2013, le service de l'urbanisme, qui avait reçu de la société un déclaration préalable de travaux pour se conformer aux injonctions précitées, lui a indiqué que le bien vendu n'avait pas fait l'objet d'un changement de destination de local commercial en local d'habitation. Après avoir acquis un garage pour satisfaire aux exigences du plan local d'urbanisme (PLU), la société a déposé une demande de permis de construire qui a été accordé le 11 octobre 2016 sous réserve de travaux d'accessibilité et de consolidation par injection de coulis de béton dans la carrière en sous-sol du projet et de ses abords. Par acte du 17 novembre 2017, la société a assigné les époux [Z], ainsi que la SCP [R] [M] et [X] [U] en nullité de la vente pour erreur et en paiement de dommages-intérêts. Par jugement du 11 janvier 2019, le Tribunal de grande instance de Créteil a :- déclaré la SCI [Adresse 7] recevable en ses demandes,- prononcé la nullité de la vente du 6 juin 2012,- condamné in solidum les époux [Z] à restituer à la SCI [Adresse 7] le prix de vente d'un montant de 82 000 €,- ordonné à la SCI [Adresse 7] de restituer le bien aux époux [Z],- dit que la restitution prendrait la forme d'une remise des clés et de la publication du jugement par la partie la plus diligente au service de la publicité foncière,- condamné la SCP de notaires à payer à la SCI [Adresse 7] la somme de 14 951,04 € à titre de dommages-intérêts,- condamné in solidum la SCP de notaires et les époux [Z] à payer à la SCI [Adresse 7] la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,- condamné in solidum la SCP de notaires et les époux [Z] aux dépens,- condamné la SCP de notaires à garantir les époux [Z] des condamnations prononcées contre eux sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et au titre des dépens. Par dernières conclusions, les époux [Z] demandent à la Cour de :- réformer jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la nullité de la vente et en ce qu'il a limité la garantie de la SCP de notaires aux dépens et aux frais irrépétibles,- statuant à nouveau, vu l'article L. 631-7 du Code de l'urbanisme,- dire que l'acquéreur ne rapportait pas la preuve d'un vice du consentement et débouter la SCI [Adresse 7] de l'ensemble de ses demandes,- subsidiairement :- condamner la SCP de notaire à les garantir des condamnations susceptibles d'être prononcées contre eux,- débouter la SCP de notaires de son appel incident,- débouter la SCI [Adresse 7] de son appel incident,- confirmer jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SCP de notaires à les garantir au titre des dépens et des frais irrépétibles,- y ajoutant : condamner in solidum la SCI [Adresse 7] et la SCP de notaires à leur payer la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, dépens en sus. Par dernières conclusions, la SCI [Adresse 7] prie la Cour de :- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la nullité de la vente sur le fondement de l'article 1110 du code civil et condamné les époux [Z] à réparer le préjudice qu'elle a subi, ainsi qu'en ce qu'il a retenu la responsabilité de la SCP de notaires en l'a condamnant à réparer le préjudice subi,- à titre subsidiaire, prononcer la résolution de la vente pour défaut de délivrance et condamner les vendeurs et la SCP de notaires à réparer son préjudice,- confirmer le jugement en ce qu'il a condamné les époux [Z] à lui restituer le prix et la SCP de notaires à lui payer la somme de 14 951,04 € de dommages-intérêts,- à titre subsidiaire, si la condamnation de la SCP de notaires au paiement de la somme de 13 338 € au titre des travaux engagés n'était pas confirmée, condamner la SCP de notaires à l'indemniser à ce titre à hauteur de la somme de 16 672,51 €,- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a écarté le préjudice lié à la non-perception des loyers,- condamner la SCP de notaires à lui payer la somme de 29 920 € au titre de la perte de chance correspondante,- infirmer jugement entrepris en ce qu'il a écarté le préjudice lié à l'acquisition du garage et condamner la SCP de notaire à lui payer la somme de 17 680 € au titre de la perte de chance correspondante,- en tout état de cause,- débouter les époux [Z] et la SCP de notaires de toutes leurs demandes,- confirmer les condamnations de première instance au titre des dépens et de l'article 700 du Code de procédure civile,- condamner in solidum les époux [Z] et la SCP de notaires à lui payer la somme de 6 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, dépens en sus. Par dernières conclusions, la SCP Marie-Laurence [M] et Valérie [U] demande à la Cour de :- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu sa responsabilité,- débouter les époux [Z] de leurs demandes,- débouter la SCI [Adresse 7] de l'intégralité de ses demandes,- condamner la partie qui succombera à lui payer la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, dépens en sus. SUR CE, LA COUR C'est par des motifs pertinents que la Cour adopte que le Tribunal, après avoir relevé que le consentement de l'acquéreur avait été vicié par une erreur, a annulé la vente du 6 juin 2012.Il sera ajouté que, pour la société [Adresse 7], qui avait acquis un studio "comprenant : séjour, kitchenette, salle d'eau, water closet et cour privative" occupé par un locataire aux termes d'un bail d'habitation en meublé, l'usage d'habitation du bien avait un caractère déterminant de son achat, ainsi que le corrobore, d'ailleurs, le comportement de l'acquéreur postérieur au transfert de propriété qui démontre son souci de se conformer aux normes d'habitabilité imposées par l'Administration pour régulariser le bail en cours. Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a prononcé la nullité de la vente du 6 juin 2012 sur le fondement de l'erreur. Le jugement entrepris sera encore confirmé en ce qu'il a débouté la société [Adresse 7] de ses demandes de dommages-intérêts formées contre les époux [Z] qui avaient acquis le 19 février 2008 une maison à usage d'habitation comportant le studio litigieux et dont aucun élément ne prouve qu'ils avaient connaissance lors de la vente du 6 juin 2012 de ce que ce studio proviendrait, comme l'affirme le service de l'urbanisme dans sa lettre du 20 novembre 201, d'un "changement de destination d'un commerce devenu logement". S'agissant des fautes imputées au notaire, il ressort des deux lettres adressées les 30 juillet 2012 et 20 novembre 2013 par la mairie de [Localité 9] à la société [Adresse 7] qu'au cours d'une visite des lieux par l'inspecteur de salubrité du service Hygiène-Sécurité, ce dernier a constaté que le logement, situé au rez-de-chaussée sur rue, avait été aménagé dans un ancien local commercial, sa façade et la grille de fermeture n'ayant pas été modifiées. Le service de l'urbanisme s'est fondé, quant à lui, sur des photographies fournies par la société [Adresse 7] montrant "une façade commerciale" pour conclure à un "changement de destination d'un local d'activité en habitation". Ainsi, seuls des éléments matériels relatifs à l'aspect de la façade du local litigieux ont conduit l'Administration à présumer un changement de destination du bien. Or, ni la société [Adresse 7] ni les époux [Z] n'établissent que Mme [X] [U], à laquelle il ne peut être fait grief de ne pas s'être déplacée sur les lieux pour les examiner aux fins de rédaction du règlement de copropriété et de l'acte de vente, disposait d'indices lui permettant de présumer que le studio litigieux aurait été aménagé dans un local commercial. En l'absence de faute, la responsabilité du notaire ne peut être engagée. Par suite, la société [Adresse 7] et les époux [Z] doivent être déboutés de leurs demande contre la SCP Marie-Laurence [M] et Valérie [U], le jugement entrepris étant infirmé en ce qu'il est entré en voie de condamnation contre cette dernière. Les époux [Z], dont la responsabilité n'est pas engagée, doivent rembourser à la société [Adresse 7] les dépenses nécessaires et utiles qu'elle a faites pour le bien. La société [Adresse 7], qui poursuit avec succès l'annulation de la vente, ne peut invoquer un préjudice né de l'absence de perception par elle des fruits civils qu'aurait pu produire le bien acquis. Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté la société de sa demande d'indemnisation de la perte de loyers. Le droit de propriété de l'acquéreur sur un garage n'est pas affecté par l'annulation de la vente du studio. Cette acquisition, qui accroît le patrimoine de l'acquéreur, n'est donc pas une dépense utile et ne peut donner lieu à remboursement. En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a débouté la société [Adresse 7] de sa demande d'indemnisation liée à l'acquisition du garage. C'est à bon droit que le Tribunal, après avoir examiné les justifications produites, a retenu que les travaux utiles réalisés par la SCI [Adresse 7] sur le bien s'élevaient à la somme globale de 16 672,51 €. Il convient donc, en vertu du principe précité, de condamner in solidum les époux [Z] à rembourser cette somme à l'acquéreur. Les époux [Z] seront condamnés aux dépens. Par suite les demandes fondées sur l'article 700 du Code de procédure civile ne pourront prospérer qu'à l'encontre de ceux-ci. L'équité ne commande pas qu'il soit fait droit à la demande de la SCP de notaires formée contre les époux [Z]. L'équité commande qu'il soit fait droit aux demandes de la SCI [Adresse 7] en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile à l'encontre des époux [Z] comme il est dit dans le dispositif du présent arrêt. PAR CES MOTIFS Infirme le jugement entrepris, mais seulement en ce qu'il a : - condamné la SCP [R] [M] et [X] [U] à payer à la SCI [Adresse 7] la somme de 14 951,04 € à titre de dommages-intérêts, - condamné in solidum la SCP [R] [M] et [X] [U], ainsi que M. [K] [Z] et Mme [P] [W], épouse [Z], à payer à la SCI [Adresse 7] la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, - condamné in solidum la SCP [R] [M] et [X] [U], ainsi que M. [K] [Z] et Mme [P] [W], épouse [Z], aux dépens, - condamné la SCP [R] [M] et [X] [U] à garantir M. [K] [Z] et Mme [P] [W], épouse [Z], des condamnations prononcées contre eux sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et au titre des dépens ; - débouté les parties du surplus de leurs demandes ; Statuant à nouveau : Déboute la SCI [Adresse 7] et M. [K] [Z] et Mme [P] [W], épouse [Z], de leurs demandes contre la SCP Marie-Laurence [M] et Valérie [U] ; Condamne in solidum M. [K] [Z] et Mme [P] [W], épouse [Z], à rembourser à la SCI [Adresse 7] la somme de 16 672,51 € ; Rejette toute autre demande ; Confirme le jugement entrepris pour le surplus ; Condamne in solidum M. [K] [Z] et Mme [P] [W], épouse [Z], aux dépens de première instance et d'appel, ces derniers pouvant être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile ; Condamne in solidum M. [K] [Z] et Mme [P] [W], épouse [Z], à payer à la SCI [Adresse 7] la somme de 6 000 € en vertu de l'article 700 du Code de procédure civile tant en première instance qu'en appel. Le greffier Le président | |||||||||
JURITEXT000047527026 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/52/70/JURITEXT000047527026.xml | ARRET | Cour d'appel de Paris, 11 septembre 2020, 17/006767 | 2020-09-11 00:00:00 | Cour d'appel de Paris | Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours | 17/006767 | G1 | PARIS | Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISEdélivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS Cour d'appel de Paris Pôle 4 - chambre 1 Arrêt du 11 septembre 2020 (no /2020, pages) Numéro d'inscription au répertoire général : RG 17/00676 -Portalis 35L7-V-B7B-B2LVD Décision déférée à la cour : jugement du 07 décembre 2016 -tribunal de commerce de Melun - RG 2015F507 APPELANTE SAS RECAM Sonofadex prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège [Adresse 4][Localité 3] Représentée par Me Arnault Grognard, avocat au barreau de Paris, toque : E1281 et par Me Stéphanie Baudry, avocat au barreau de Tours. INTIMÉES SARL Trivium transactionreprésentée par son gérant, domicilié audit siège en cette qualité [Adresse 1][Localité 5] Représentée par Me Frédéric Lallement de la SELARL BDL avocats, avocat au barreau de Paris, toque : P0480 et par Me Dominique Nardeaux, avocat au barreau de Melun SARL SLD [S] [Adresse 2][Localité 7] Représentée par Me Alice Hania, avocat au barreau de Paris, toque : E0155 INTERVENANTE SCP CHRISTOPHE ANCEL pris en la personne de Maître Christophe Ancel es qualités de mandataire liquidateur de la société SLD [S][Adresse 6][Localité 7]no siret : 501 184 774 n'a pas constitué avocat Composition de la cour : En application : - de l'article 4 de la loi no 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19;- de l'ordonnance no 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété, notamment ses articles 1er et 8 ;- de l'ordonnance no 2020-306 du 25 mars 2020 modifiée relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période ; L'affaire a été retenue selon la procédure sans audience le 11 mai 2020, les avocats y ayant consenti expressément ou ne s'y étant pas opposés dans le délai de 15 jours de la proposition qui leur a été faite de recourir à cette procédure; La cour composée comme suit en a délibéré : M. Claude Creton, président,Mme Christine Barberot, conseillère, Mme Monique Chaulet, conseillère,Arrêt : -réputé contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.- signé par M. Claude Creton, président et par M. Grégoire Grospellier, greffier lors de la mise à disposition. *** Par acte sous seing privé du 7 juillet 2014, la SAS Recam Sonofadex a donné mandat non exclusif à la SARL Trivium transaction, exerçant l'activité d'agent immobilier, de rechercher un locataire pour le local commercial lui appartenant, sis à [Adresse 9] pour une durée de six mois renouvelable par tacite reconduction, expirant dans tous les cas le 8 juillet 2015. Faisant valoir que la SAS Recam Sonofadex avait traité directement avec la SARL SLD [S] avec laquelle elle avait mené les négociations alors que le mandant ne pouvait, pendant la durée du mandat et jusqu'à 6 mois suivant son expiration ou sa résiliation traiter directement ou indirectement par l'intermédiaire d'un autre mandataire avec un locataire sous peine d'avoir à verser à son mandataire une clause pénale d'un montant égal à la totalité des honoraires perdus, fixés à 30 % du loyer annuel HT, la SARL Trivium transaction a assigné la SAS Recam Sonofadex et la SARL SLD [S] en paiement de la clause pénale. Par jugement du 7 décembre 2016, le tribunal de grande instance de Melun a condamné solidairement la SAS Recam Sonofadex et la SARL SLD [S] à payer à la SARL Trivium transaction la somme de 20 160 euros au titre des honoraires dus en application du mandat et la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et a ordonné l'exécution provisoire du jugement. Par déclaration en date du 6 janvier 2017 enrôlée sous le numéro de RG 17/676, la SAS Recam Sonofadex a interjeté appel de ce jugement. Par déclaration en date du 23 janvier 2017 enrôlée sous le numéro de RG 17/01814, la SARL SLD [S] a interjeté appel de ce jugement. Les instances ont été jointes sous le numéro de RG 17/676 par ordonnance du 1er mars 2017. Le tribunal de commerce d'Evry a, par jugement du 6 novembre 2017, ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la SARL SLD [S] et a désigné en qualité de liquidateur, la SCP Christophe Ancel, mandataire judiciaire qui a été assigné devant la cour par la SAS Recam Sonofadex par acte d'huissier du 6 juin 2018 et par la SARL Trivium transaction par acte d'huissier du 13 juin 2018. La SCP Christophe Ancel ès qualités de mandataire judiciaire n'a pas constitué avocat.Par ses dernières conclusions, la SARL Trivium transaction demande à la cour de. constater que la SAS Recam Sonofadex, appelante à titre principal, qui a d'ailleurs exécuté intégralement les causes du jugement, a seule intérêt à régulariser la procédure d'appel à l'encontre de la SARL SLD [S] en faisant désigner par le tribunal de Melun un mandataire ad hoc,. constater l'absence de régularisation de la procédure par la SAS Recam Sonofadex à l'égard de la liquidation clôturée de la SARL SLD [S],En conséquence constater l'interruption de l'instance qui ne pourra reprendre que lorsque la SAS Recam Sonofadex régularisera cette procédure et qu'alors elle sollicite de la cour,. de confirmer le jugement entrepris,. fixer à hauteur de 20 160 euros sa créance au passif de la liquidation judiciaire de la SARL SLD [S], représentée par la SCP Christophe Ancel, son mandataire liquidateur,Y ajoutant,. condamner pour la procédure d'appel solidairement la SAS Recam Sonofadex et la SARL SLD [S], représentée par la SCP Christophe Ancel, son mandataire liquidateur, à lui payer 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel avec distraction au profit de la SELARL BDL AVOCATS en application de l'article 699 du code de procédure civile,. débouter la SAS Recam Sonofadex et la SARL SLD [S] représentée par la SCP Christophe Ancel de l'ensemble de leurs prétentions. Par ses dernières conclusions qu'elle a fait signifier à la SCP Christophe Ancel ès qualités de mandataire ad hoc par acte d'huissier du 20 janvier 2020, la société Recam Sonofadex demande à la cour : A titre principal :. infirmer le jugement entrepris,. donner acte de son désistement partiel à l'encontre de la société SLD [S] eu égard au jugement de clôture du 7 juin 2018,Statuant à nouveau :. dire qu'elle a respecté ses obligations au titre du mandat,. débouter la société Trivium transaction de ses demandes,en tout état de cause, . condamner la société Trivium transaction à lui payer 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à payer les entiers dépens. SUR CE, Sur la demande de la SARL Trivium transaction visant à constater l'interruption de l'instance La SARL Trivium transaction ne soulève aucun moyen de droit de nature à justifier sa demande visant à constater l'interruption de l'instance, demande qui sera donc rejetée. Sur la demande visant à dire que la SAS Recam Sonofadex doit régulariser la procédure d'appel à l'encontre de la SARL SLD [S] en faisant désigner un mandataire ad hoc Le liquidateur judiciaire de la société SLD [S], régulièrement attrait dans la cause, n'a pas constitué avocat et a indiqué à la cour par courrier ne pas conclure en raison de l'impécuniosité de la liquidation. Il résulte de ces éléments que l'appel de la société SLD [S] n'est pas soutenu. Par ailleurs la SAS Recam Sonofadex, également appelante, a indiqué se désister de ses demandes à l'encontre de la SARL SLD [S] et la société Trivium transaction, intimée, demande la confirmation du jugement. En conséquence la SARL Trivium transaction ne justifie pas du bien fondé de sa demande visant à désigner un mandataire ad hoc pour représenter la SARL SLD [S]. Sur l'appel formé par la SAS Recam Sonofadex Les moyens invoqués par la SAS Recam Sonofadex au soutien de son appel, société qui fait notamment valoir qu'elle qu'elle a respecté ses obligations au titre du mandat, ne font que réitérer, sans justification complémentaire utile, ceux dont les premiers juges ont connu et auxquels ils ont répondu par des motifs exacts et pertinents que la cour adopte, sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail de leur discussion. En effet les éléments produits au débat établissent que la signature du bail par la SARL SLD [S] avec la SAS Recam Sonofadex est l'aboutissement des négociations menées par la SARL Trivium transaction avec Mme [P] en raison des liens étroits existant entre elle et la SARL SLD [S] notamment du lien de filiation avec le gérant de cette société et des responsabilités exerçées par cette dernière au sein de cette société attestées notamment par le fait qu'elle a effectué toutes les démarches administratives réalisées pour l'ouverture du magasin Chateau d'Ax au nom de M. [S] comme l'établit le courriel de Mme [N], chef du service de l'Urbanisme à la mairie de [Localité 8] en date du 4 février 2016, responsabilités qui ne sont pas sérieusement contestées. Sur la dénaturation des termes du mandat et le respect des obligations contractuelles par la SAS Recam Sonofadex, le mandat stipule que le mandant s'interdit, pendant le cours du mandat ou ses renouvellements ainsi que dans les 6 mois suivant son expiration ou sa résiliation, de traiter directement ou indirectement par l'intermédiaire d'un autre mandataire avec un locataire présenté par lui sous peine d'avoir à verser à son mandataire une clause pénale et précise que cette interdiction vise tant la personne du locataire présenté que son conjoint ou toute société dans laquelle ledit mandataire aurait une participation. En l'espèce, il ne peut être reproché aux premiers juges d'avoir dénaturé les termes du mandat dès lors qu'il résulte des motivations du jugement et des circonstances de l'espèce que la signature du bail par la SARL SLD [S] avec la SAS Recam Sonofadex est l'aboutissement des négociations menées par la SARL Trivium transaction avec Mme [P], qu'en conséquence les premiers juges ont constaté à juste titre que les négociations avaient été menées en vue de la location du local par la société SLD [S] et que la conclusion du contrat de location directement avec cette société en l'absence du mandataire est un manquement aux stipulations du mandat, l'interdiction stipulée s'appliquant à la personne du locataire. Il convient de confirmer le jugement. La SARL Trivium transaction faisant valoir que la liquidation judiciaire de la SARL SLD [S] est clôturée, il n'y a pas lieu de faire droit à sa demande de fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire. Sur l'article 700 du code de procédure civile L'équité commande de condamner la SAS Recam Sonofadex à payer à la SARL Trivium transaction la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, Confirme le jugement tribunal de grande instance de Melun du 7 décembre 2016 en toutes ses dispositions, Rejette le surplus des demandes, Condamne la SAS Recam Sonofadex à payer à la SARL Trivium transaction la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, Condamne la SAS Recam Sonofadex à payer les dépens avec distraction au profit de la SELARL BDL AVOCATS pour ceux exposés pour le compte de la SARL Trivium transaction. Le greffier, Le président, | |||||||||
JURITEXT000047527027 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/52/70/JURITEXT000047527027.xml | ARRET | Cour d'appel de Paris, 11 septembre 2020, 19/056867 | 2020-09-11 00:00:00 | Cour d'appel de Paris | Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée | 19/056867 | G1 | PARIS | Copies exécutoires délivrées aux parties le RÉPUBLIQUE FRANÇAISEAU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 4 - Chambre 1 ARRÊT DU 11 SEPTEMBRE 2020 (no /2020, pages) Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 19/05686 - No Portalis 35L7-V-B7D-B7QU7 Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Février 2019 -Tribunal de Grande Instance d'AUXERRE - RG no 17/00842 APPELANTE Madame [U] [E] épouse [L][Adresse 1][Localité 3] Représentée par Me Pascal FERRARIS de la SCP S.C.P. THUAULT-FERRARIS-CORNU, avocat au barreau D'AUXERRE INTIME Monsieur [Y] [W][Adresse 2][Localité 3] Représenté par Me Patricia NOGARET de la SCP REVEST-LEQUIN-NOGARET-DE METZ-CROCI-RLNDC, avocat au barreau D'AUXERRE Composition de la cour : En application des dispositions de l'article 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 juin 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Monique Chaulet, conseiller, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : M. Claude Creton, présidentMme Christine Barberot, conseillère Mme Monique Chaulet, conseillère Greffier, lors des débats : M. Grégoire Grospellier Arrêt :- contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.- signé par Claude Creton, Président et par Grégoire Grospellier, greffier lors de la mise à disposition. *** Mme [U] [E] veuve [L] est propriétaire d'un immeuble d'habitation sis [Adresse 1], lequel est accessible depuis la voie publique par un escalier privatif jouxtant le mur pignon de l'immeuble voisin sis [Adresse 2]. Par acte acte d'huissier du 14 septembre 2017, Mme [E] a fait assigner M. [Y] [W], son voisin, devant le tribunal de grande instance d'Auxerre aux fins de le voir condamné sous astreinte à remplacer la fenêtre murale par un châssis fixe et inamovible et à supprimer la fenêtre de toit. Par jugement du 4 février 2019, le tribunal de grande instance d'Auxerre a :. dit que l'installation de la fenêtre murale sur le fonds de [Y] [W], sis [Adresse 2], telle qu'elle ressort du procès-verbal de constat dressé le 4 novembre 2007 par Maître [Z] [F], huissier de justice, caractérise un jour et qu'elle offre des garanties de discrétion suffisantes au bénéfice du fonds de [U] [E] veuve [L], sis [Adresse 2], . débouté Mme [U] [E] veuve [L] de sa prétention relative au remplacement de la fenêtre murale, . débouté Mme [U] [E] veuve [L] de sa prétention relative à la suppression de la fenêtre de toit,. condamné Mme [U] [E] veuve [L] à payer à M. [Y] [W] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,. débouté Mme [U] [E] veuve [L] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,. condamné Mme [U] [E] veuve [L] aux entiers dépens. Mme [E] veuve [L] a interjeté appel de ce jugement. Par ses dernières conclusions, elle demande à la cour de : vu les articles 676 et 677 du code civil,. infirmer le jugement entrepris,. condamner M. [Y] [W] sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, d'avoir à procéder à la mise en conformité des caractéristiques des ouvrages litigieux aux dispositions légales à savoir :- d'une part de la menuiserie du jour de souffrance au rez-de-chaussée ainsi que du vitrage, par le remplacement des ouvrages existants, respectivement par une menuiserie dormante pourvue d'un vitrage opaque, excluant toute possibilité d'ouverture ou de toute autre transformation sans démontage,- d'autre part de la menuiserie de la fenêtre de toit qui devra être implantée au minimum à une hauteur de 1,90 mètre au-dessus du plancher du premier étage,. condamner M. [W] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Par ses dernières conclusions, M. [W] demande à la cour de : . confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, . débouter Mme [U] [L] de toutes ses demandes,. condamner Mme [U] [L] à lui payer la somme de 2 400 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ainsi qu'aux dépens d'instance. La clôture de l'instruction a été ordonnée le 11 juin 2020. SUR CE, Sur le jour de souffrance au rez-de-chaussée Au soutien de son appel, Mme [L] fait valoir que le tribunal ne pouvait considérer comme étant dormant et empêchant la vue un ouvrage pouvant être facilement modifié et ne présentant donc pas les caractéristiques garantissant les droits du propriétaire riverain au regard des dispositions des articles 676 du code civil et conteste que la circonstance que la menuiserie soit dépourvue de poignée et de vantaux fixés par une baguette de bois permette de considérer que le jour de souffrance n'est pas une vue. L'article 676 du code civil dispose que le propriétaire d'un mur non mitoyen joignant immédiatement l'héritage d'autrui, peut pratiquer dans ce mur des jours ou fenêtres à fer maillé et à verre dormant et que ces fenêtres doivent être garnies d'un treillis de fer, dont les mailles auront un décimètre d'ouverture au plus, et d'un châssis à verre dormant. L'article 677 visé dispose que "ces fenêtres ou jour ne peuvent être établis qu'à vingt-six décimètres [huit pieds] au-dessus du plancher ou sol de la chambre qu'on veut éclairer, si c'est un rez-de-chaussée, et à dix-neuf décimètres [six pieds] au-dessus du plancher pour les étages supérieurs.". Mme [L] ne demande pas la suppression de la fenêtre murale pour non-respect de la hauteur. Le jugement n'est pas contesté en ce qu'il a dit que l'installation de la fenêtre murale sur le fonds de [Y] [W], sis [Adresse 2], telle qu'elle ressort du procès-verbal de constat dressé le 4 novembre 2007 par Maître [Z] [F], huissier de justice, caractérise un jour au sens du code civil. En application des dispositions de l'article 676 du code civil, ce jour, ou cette fenêtre, doit être notamment composé d'un châssis fixe qui ne peut pas s'ouvrir et comporter un verre dormant, non transparent. En l'espèce, il est établi par le procès-verbal d'huissier établi par maître [F] le 4 novembre 2017 produit au débat que la fenêtre de M. [W] ne présente pas les caractéristiques légales puisqu'elle est composée d'un châssis à deux vantaux qui ont été immobilisés par la supression de la poignée et la pose d'une baguette mais qui pourraient être aisément remis en service. En conséquence le châssis de cette fenêtre n'est pas conforme aux dispositions de la loi. Par ailleurs la vue depuis la fenêtre a été occultée par la pose d'un film plastique, ce dont il résulte qu'elle n'est pas constituée d'un verre dormant non transparent, film qui peut également être aisément retiré. En conséquence, les caractéristiques de la fenêtre murale ne sont pas conformes aux dispositions du code civil et il convient, infirmant le jugement, de faire droit à la demande de Mme [L] de ce chef et de condamner M. [W] à procéder au remplacement du châssis et du verre existant par une menuiserie dormante pourvue d'un vitrage opaque, excluant toute possibilité d'ouverture ou de toute autre transformation sans démontage. Eu égard au fait que M. [W] ne s'est pas conformé à la demande du maire, M. [K], en date du 21 octobre 2016, relatif à la pose d'un châssis fixe, prouvant sa réticence à ce titre, cette condamnation sera prononcée sous astreinte de 50 euros par jour de retard pendant un durée de deux mois, astreinte qui commencera à courir au terme d'un délai de deux mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir. Sur la fenêtre de toit Les moyens invoqués par Mme [L] au soutien de son appel ne font que réitérer, sans justification complémentaire utile, ceux dont le premier juge a connu et auxquels il a répondu par des motifs exacts et pertinents que la cour adopte, juge qui a conclu à l'absence de vue droite sur le fonds voisin et, s'agissant des vues obliques, que la distance minimale prévue par les dispositons de l'article 679 du code civil a été respectée. Il convient en outre de souligner que le relevé situant le bas de la fenêtre à 1,85 m résulte d'un simple constat d'huissier établi par maître [F] le 4 novembre 2017, constat qui ne précise pas la manière dont ce mesurage a été effectué et ne permet donc pas d'établir de manière certaine que la hauteur ne respecte pas les dispositions de l'article 677 du code civil comme le soutient Mme [L], ce que conteste M. [W]. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a débouté Mme [L] de sa demande relative au déplacement de la fenêtre de toit. Sur l'article 700 du code de procédure civile L'équité commande d'allouer à Mme [L] une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de rejeter la demande de M. [W] de ce chef. PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, Infirme partiellement le jugement du tribunal de grande instance d'Auxerre en date du 4 février 2019, Condamne M. [W] à procéder au remplacement du châssis et du verre de la fenêtre murale par une menuiserie dormante pourvue d'un vitrage opaque, excluant toute possibilité d'ouverture ou de toute autre transformation sans démontage, Prononce cette condamnation sous peine d'astreinte de 50 euros par jour de retard pendant un durée de deux mois, astreinte qui commencera à courir au terme d'un délai de deux mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, Confirme le jugement pour le surplus, Condamne M. [W] à verser à Mme [L] une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, Condamne M. [W] aux dépens. Le greffier, Le président, | |||||||||
JURITEXT000047527028 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/52/70/JURITEXT000047527028.xml | ARRET | Cour d'appel de Paris, 11 septembre 2020, 18/242107 | 2020-09-11 00:00:00 | Cour d'appel de Paris | Autre décision avant dire droit | 18/242107 | G1 | PARIS | Copies exécutoires délivrées aux parties le RÉPUBLIQUE FRANÇAISEAU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS Cour d'appel de Paris Pôle 4 - chambre 1 Arrêt du 11 septembre 2020 (no /2020, pages) Numéro d'inscription au répertoire général : RG 18/24210-Portalis 35L7-V-B7C-B6XPN Décision déférée à la cour : jugement du 17 septembre 2018 -tribunal de grande instance d'EVRY - RG no 13/07569 APPELANTS Monsieur [A] [B][Adresse 4][Localité 24] Madame [H] [C] épouse [B][Adresse 4][Localité 24] Représentés par Me Chantal MEININGER BOTHOREL de la SELARL PEISSE DUPICHOT LAGARDE BOTHOREL et Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : J149 et par Me Thomas COLLOMBIER de la SELARL AD LITEM JURIS, avocat au barreau de l'ESSONNE INTIMES Monsieur [W] [L][Adresse 5][Localité 24] Madame [U] [DE] épouse [L][Adresse 5][Localité 24] Représentés par Me Pierre-Yves SOULIE de la SELARL EGIDE AVOCATS, avocat au barreau d'ESSONNE Commune [Localité 24] prise en la personne de son maire en exercice [Adresse 8][Adresse 8][Localité 24] Représentée par Me François LE BAUT, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINEet par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065 Composition de la cour : L'affaire a été débattue le 25 juin 2020, en audience publique, devant la cour composée de :M. Claude Creton, présidentMme Monique Chaulet, conseiller Mme Agnès Bisch, conseiller qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur Claude Creton, président dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile. Greffier : lors des débats : M. Grégoire Grospellier Arrêt :- contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.- signé par Claude Creton, président et par Grégoire Grospellier, greffier présent lors de la mise à disposition. *** M. et Mme [B] sont propriétaires d'une parcelle située à [Adresse 4], cadastrée section AC no [Cadastre 10], pour l'avoir acquise par acte du 1er octobre 1971. Cette parcelle est contigüe, à l'est, de la parcelle no [Cadastre 1] appartenant à M. et Mme [L]. Au sud, ces deux parcelles sont longées par le ruisseau [Localité 15]. Cet acte stipule que la parcelle no [Cadastre 10] bénéficie d'une servitude de passage sur les terrains se trouvant à l'est pour rejoindre le chemin rural et est grevé d'une servitude de passage au profit des terrains situés à l'ouest appartenant à M. [J] et M. [E]. Un procès-verbal de bornage amiable a été réalisé avec M. [L], propriétaires des parcelles cadastrées section AC no [Cadastre 2] et [Cadastre 3]. Faisant valoir qu'ils sont propriétaires du chemin, situé au sud de la parcelle de M. et Mme [L], qui longe le ruisseau [Localité 15] et débouche sur le [Adresse 14], le cas échéant pour l'avoir acquis par une possession trentenaire, et que M. et Mme [L] ont réalisé des travaux sur ce chemin, M. et Mme [B], contestant que le procès-verbal de bornage, qui n'a pas été publié au service de la publicité foncière, constitue un accord sur les limites de propriété, ont assigné M. et Mme [L] et la commune de [Localité 24]. Dans leurs dernières conclusions, ils ont demandé au tribunal, de condamner M. et Mme [L] à leur restituer cette bande de terrain, à déposer les clôtures faisant obstacle au droit de passage dont bénéficient les fonds situés à l'ouest de leur parcelle, à remettre en état les lieux et à leur payer une somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts. Subsidiairement, ils ont demandé au tribunal de constater qu'ils bénéficient d'une servitude légale de passage en raison de l'état d'enclave de leur fonds, cette servitude grevant le fonds de M. [L] afin de leur permettre de rejoindre le [Adresse 13]. A titre plus subsidiaire, ils ont sollicité la désignation d'un géomètre-expert avec mission de vérifier les titres de propriété et de déterminer l'assiette du terrain dont ils sont propriétaires. Ils ont en outre demandé au tribunal de déclarer le jugement commun à la commune de [Localité 24]. Par jugement du 17 septembre 2018, le tribunal de grande instance d'Evry a :- déclaré M. et Mme [B] mal fondés en leurs demandes ;- débouté M. et Mme [L] de leur demande reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts ;- dit n'y avoir lieu à la mise hors de cause de la commune de [Localité 24] ;- condamné in solidum M. et Mme [B] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à payer à M. et Mme [L] la somme de 3 000 euros et à la commune de [Localité 24] la somme de 1 800 euros. Pour exclure l'acquisition par usucapion de la bande de terrain litigieuse, le tribunal a retenu que M. et Mme [B] ne justifient d'aucun acte de possession sur ce terrain qui a été clos en 1975 et alors qu'ils n'établissent avoir entretenu cette bande de terrain qu'une seule fois en 2011. Et pour écarter l'existence d'une servitude de passage au profit du fonds de M. et Mme [B], le tribunal a retenu que leur terrain n'était pas enclavé puisqu'ils disposent d'un accès à la voie publique au Nord et utilisent cet accès depuis qu'ils ont acquis leur terrain. M. et Mme [B] ont interjeté appel de ce jugement dont ils sollicitent l'infirmation. Ils demandent à la cour de constater qu'ils sont propriétaires de la bande de terrain litigieuse, de condamner M. et Mme [L] à la leur restituer, à déposer la clôture faisant obstacle au droit de passage dont bénéficient les fonds situés à l'ouest de leur parcelle, à remettre les lieux en leur état initial et à leur payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages-intérêts, outre 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. A l'appui de leur action en revendication de la propriété de la bande de terrain litigieuse, M. et Mme [B] font d'abord valoir que le procès-verbal de bornage ne vaut pas accord des parties sur la propriété de la parcelle litigieuse mais seulement sur l'implantation des bornes. Ils ajoutent que le document d'arpentage du 24 mars 1969 figurant les trois parcelles nées du partage de la propriété [S], de laquelle est issue leur parcelle, a été publié à la conservation des hypothèques et qu'il résulte de ce document que la bande de terrain litigieuse est rattachée à cette parcelle qu'ils ont ensuite acquise de M. [S]. Ils ajoutent que la preuve de leur droit de propriété sur la bande de terrain résulte d'abord du titre en vertu duquel ils ont acquis leur parcelle de M. [G] [S] qui indique que cette parcelle comprend le passage d'environ 4 mètres le long du ruisseau [Localité 15] jusqu'au chemin rural no 24, devenu CR 25 puisque la parcelle acquise est désignée comme suit : "37 ares 95 centiares d'après le cadastre de terre sis commune de [Localité 24], lieudit [Adresse 11].Tenant : d'un bout le [Adresse 13]D'autre bout un ruisseauD'un côté [S]D'un autre côté : [L]", Ils font ensuite valoir que le cadastre intègre également ce chemin dans la parcelle cadastrée AC [Cadastre 10] et produisent plusieurs attestations de témoins indiquant utiliser le chemin pour accéder à la propriété de M. et Mme [B] ou au contraire pour accéder au chemin rural. Sur l'acquisition de la propriété du chemin litigieux par prescription, M. et Mme [B] font état d'une possession trentenaire paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire. A titre subsidiaire, dans l'hypothèse ou leur action en revendication sur ce chemin ne serait pas accueillie, ils font valoir que leur terrain serait alors enclavé et revendiquent une servitude légale de passage sur le fonds de M. et Mme [L] afin d'accéder à la voie publique. M. et Mme [L], formant un appel incident, demandent à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il rejette leur demande en paiement de dommages-intérêts en réparation de leurs préjudices moral et matériel. Ils réclament en conséquence la condamnation de M. et Mme [B] à leur payer la somme de 10 000 euros en réparation de leur préjudice moral et la somme de 14 828,60 euros en réparation de leur préjudice matériel, ainsi qu'une somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Pour conclure à un droit de propriété sur la bande de terrain litigieuse, ils se fondent d'abord sur le titre de propriété de leur auteur, M. [D] qui a acquis la parcelle cadastrée section B [Cadastre 6] des consorts [S] et sur l'acte par lequel ils ont acquis cette parcelle de M. [D] qui désignent l'un et l'autre comme suit le bien vendu :Tenant :Par devant le [Adresse 12] à [Localité 22] (actuellement [Adresse 13] au nord de la parcelle) ;Par derrière [Localité 15] (au sud de la parcelle) ;D'un côté [I] [K]Autre côté [XC] [K] ; Ils ajoutent que leur titre ne fait état d'aucune servitude de passage SUR CE, Attendu que la preuve de la propriété peut se faire par tout moyen tels que les titres de propriété, la possession ainsi que tous les indices rendant vraisemblable la propriété ; qu'en tant qu'ils constituent un fait, les titres peuvent être opposés à un tiers qui n'a pas été partie à l'acte, la question de la preuve de la propriété ne relevant pas des règles d'opposabilité des actes aux tiers ; Attendu que titre de propriété de M. et MM. [L] (acte de vente par les époux [D] du 25 septembre 1969) porte sur la parcelle anciennement cadastrée section B no [Cadastre 6] désignée comme suit : "Tenant : - Pardevant le [Adresse 12] à [Localité 22]- Parderrière [Localité 15]- d'un côté [I] [K]- d'autre côté [K] [XC]" ;qu'il peut se déduire de ce titre que la parcelle, dans sa partie sud, s'étend jusqu'au ruisseau [Localité 15], ce qui serait de nature à établir la propriété de M. et Mme [L] sur la bande de terrain litigieuse ; Attendu que le titre de propriété de M. et Mme [B] (acte de vente par M. [S] du 1er octobre 1971) porte sur la parcelle cadastrée section B no [Cadastre 9] d'une contenance de 37 a 95 ca désignée comme suit :"Tenant : d'un bout le [Adresse 13] d'autre bout un ruisseau d'un côté cts [S] d'autre côté [L]" ; Attendu qu'en indiquant que la parcelle s'étend jusqu'au ruisseau, cette disposition ne permet pas d'exclure la propriété de M. et Mme [B] sur la bande de terrain litigieuse ; qu'en outre, l'indication de l'origine de propriété de la parcelle précise :"EN LA PERSONNE DE MONSIEUR [S]Ledit immeuble appartient en propre à Monsieur [S], vendeur, comme faisant partie du lot qui lui a été attribué, aux termes d'un acte reçu par Me [F], notaire à [Localité 16], prédécesseur immédiat du notaire soussigné le onze septembre mil neuf cent quarante cinq contenant :1) DONATION à titre de partage anticipé conformément aux articles 1075 et 1076 du code civil, par Mme [Y] [V] [O] [HS], sans profession, demeurant à [Adresse 19], veuve en premières noces non remariée de Monsieur [T] [M] [S] à :1)...2)...3) et Monsieur [S] vendeur aux présentes.DE LA NUE PROPRIETE pour y réunir l'usufruit au décès de la donatricede tous les biens immeubles lui appartenant en proprede la moitié lui appartenant dans les biens immeubles dépendant de la communauté de biens réduite aux acquêts aux terme de son contrat de mariage reçu par Me [X], notaire à [Localité 16] le deux mars mil huit cent quatre vingt dix neuf.2) et PARTAGE entre les donataires des biens à eux donnés.(...)Ladite donation partage est devenue définitive attendu le décès de Mme Vve [S] arrivé à [Localité 16], en son domicile, le trente octobre mil neuf cent soixante quatre ainsi que le constate une attestation de propriété dressé après ledit décès par Me [N], Notaire soussigné le quatorze octobre mil neuf cent soixante six, publié au bureau des hypothèques de [Localité 21] le six janvier mil neuf cent soixante sept, volume 5227 numéro 4. DU CHEF DE Mme [S]Ledit immeuble appartenait en propre à Mme [E], Mme [J] et Mr [S], donataires sus nommés, sauf les droits d'usufruit de Mme Vve [S] leur mère, donatrice sus nommée, pour les avoir recueillis dans la succession de Monsieur [M] [S], leur père, en son vivant cultivateur, demeurant à [Adresse 18] où il est décédé le vingt six mars mil neuf cent quarante, époux de Mme [Y], [V] [O] [HS], donatrice, et duquel ils étaient héritiers conjointement pour le tout ou divisément chacun pour un tiers, ains que le constate un acte de notoriété dressé par Me [F] notaire sus nommé le dix huit mars mil neuf cent quarante deux. En la personne de Mr [K] [M] [S]Ledit immeuble appartenait en propre à Mr [K] [M] [S], comme ayant composé avec d'autres le lot qui lui est échu par voie de tirage au sort, aux termes d'un acte reçu par Me [X] notaire à [Localité 16] le vingt sept décembre mil neuf cent neuf, contenant entre :1) Monsieur [I] [TM] [S] ancien marchant grainetier, et Mr [K] [M] [S],le partage entre les successions confondues de Monsieur [M] [TM] [S], et Mme [R] [P] [J], son épouse, demeurant ensemble à [Adresse 17], où ils sont tous deux décédés...". Attendu que l'acte de donation partage du 11 septembre 1945, décrit comme suit la parcelle cadastrée section B no [Cadastre 7], d'une contenance de 1 ha 13 a 83 ca, lieudit [Localité 15] ou le [Adresse 11] : "tenant du nord le chemin rural [Adresse 20] à [Localité 23], du midi le ruisseau dit [Localité 15] et le chemin no 24, de l'est [I] [S], et de l'Ouest [Z] observation faite que dans cette contenance se trouve compris un passage de six mètres de largeur (moitié du ruisseau compris) pour permettre à Monsieur [I] [S], propriétaire voisin d'accéder au chemin rural no 24 (souligné par la cour)" ; que cette description est de nature à établir la propriété de l'auteur de M. et Mme [B] sur la bande de terrain longeant le ruisseau jusqu'au chemin rural no 24 ; Attendu qu'il convient d'ordonner la réouverture des débats et d'inviter aux parties à produire dans leur intégralité :- l'acte de vente du 25 septembre 1969 au profit de M. et Mme [L] (l'acte produit n'étant pas intégral) et les actes qu'il vise dans la partie relative aux origines du bien ;- les actes visés par l'acte de vente au profit de M. et Mme [B] du 1er octobre 1971dans la partie relative aux origines du bien, outre l'acte de donation partage du 11 septembre 1945 déjà produit, l'acte de partage du 27 décembre 1909 au profit de [I] [TM] [S] et de [K] [M] [S] des successions de [M] [TM] [S] et de son épouse [R] [P] [J], acte en vertu duquel la parcelle acquise par M. et Mme [B] avait été attribuée à [K] [M] [S] ; PAR CES MOTIFS Statuant publiquement Ordonne la réouverture des débats et révoque l'ordonnance de clôture ; Invite les parties à produire, dans leur intégralité, les actes suivants :- l'acte de vente du 25 septembre 1969 au profit de M. et Mme [L] (l'acte produit n'étant pas intégral) et l'ensemble des actes qu'il vise dans la partie relative aux origines du bien ;- les actes visés par l'acte de vente au profit de M. et Mme [B] du 1er octobre 1971dans la partie relative aux origines du bien, outre l'acte de donation partage du 11 septembre 1945 déjà produit, l'acte de partage du 27 décembre 1909 au profit de [I] [TM] [S] et de [K] [M] [S] des successions de [M] [TM] [S] et de son épouse [R] [P] [J], acte en vertu duquel la parcelle acquise par M. et Mme [B] avait été attribuée à [K] [M] [S] ; Renvoie à l'audience du jeudi 4 mars 2021 pour clôture (en cabinet) et au 18 mars 2021 à 14 heures en salle Portalis, escalier Z, 2 ème étage plaidoirie ; Réserve les droits des parties ainsi que les dépens. Le greffier Le président | |||||||||
JURITEXT000047527029 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/52/70/JURITEXT000047527029.xml | ARRET | Cour d'appel de Paris, 11 septembre 2020, 18/044187 | 2020-09-11 00:00:00 | Cour d'appel de Paris | Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours | 18/044187 | G1 | PARIS | Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISEdélivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS Cour d'appel de Paris Pôle 4 - chambre 1 Arrêt du 11 septembre 2020 (no /2020, pages) Numéro d'inscription au répertoire général : RG 18/04418-Portalis 35L7-V-B7C-B5FAQ Décision déférée à la cour : jugement du 15 janvier 2018 -tribunal de grande instance d'Evry - RG 16/04643 APPELANTS M. [X] [K][Adresse 3][Localité 11] Mme [V] [N][Adresse 3][Localité 11] Représentés par Me Jean-Pierre DELAUCHE de la SCP DELAUCHE-CHASSAING, avocat au barreau de l'Essonne INTIMES Mme [P] [W][Adresse 1][Localité 9] n'a pas constitué avocat M. [Z] [W][Adresse 12][Localité 2] n'a pas constitué avocat M. [E] [W][Adresse 7][Localité 9] n'a pas constitué avocat Mme [T] [W] épouse [B][Adresse 6][Localité 10] n'a pas constitué avocat Mme [I] [W][Adresse 1][Localité 8] n'a pas constitué avocat SARL [Localité 13] Transac exerçant sous le nom commercial « Agence UDI » prise en la personne de son gérant en exercice domicilié en cette qualité audit siège [Adresse 5][Localité 9] Représentée par Me Manuel RAISON de la SELARL Société d'exercice libéral RAISON-CARNEL, avocat au barreau de Paris, toque : C2444 INTERVENANT Monsieur [A] [W]Intervenant forcé[Adresse 1][Localité 8] n'a pas constitué avocat Composition de la cour : En application : - de l'article 4 de la loi no 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19;- de l'ordonnance no 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété, notamment ses articles 1er et 8 ;- de l'ordonnance no 2020-306 du 25 mars 2020 modifiée relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période ; L'affaire a été retenue selon la procédure sans audience le 11 mai 2020, les avocats y ayant consenti expressément ou ne s'y étant pas opposés dans le délai de 15 jours de la proposition qui leur a été faite de recourir à cette procédure; La cour composée comme suit en a délibéré : M. Claude Creton, président,Mme Christine Barberot, conseillère, Mme Monique Chaulet, conseillère,Arrêt :-réputé contradictoire- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.- signé par M. Claude Creton, président et par M. Grégoire Grospellier, greffier lors de la mise à disposition. *** Mme [P] [G] veuve [W] et ses enfants, M. [Z] [W], M. [E] [W], Mme [T] [W] épouse [B], M. [A] [W] et Mme [I] [W], étaient propriétaires d'un terrain cadastré section AN numéro [Cadastre 4] sis [Adresse 1] à [Localité 9] (91). Par acte sous seing privé du 16 avril 2015, les consorts [W] ont donné mandat à l'agence UDI de vendre le terrain à bâtir susmentionné au prix de 154 000 euros. Par acte sous seing privé du 30 mai 2015 était signée une promesse synallagmatique de vente entre les consorts [W] et M. [K] et Mme [N] portant sur ce bien sous condition suspensive notamment du dépôt par les acquéreurs d'une demande de permis de construire. La date de réitération de l'acte par acte authentique était fixée au plus tard au 28 décembre 2015. Par actes d'avril et mai 2016, les consorts [K] – [N] ont fait assigner les consorts [W] et l'agence immobilière et ont sollicité l'engagement de la responsabilité des vendeurs et leur condamnation au montant de la clause pénale ainsi que l'engagement de la responsabilité délictuelle de l'agence immobilière en raison du défaut d'information. Par jugement réputé contradictoire en date du 15 janvier 2018, les consorts [W] n'ayant pas constitué avocat, le tribunal de grande instance d'Evry a débouté M. [K] et Mme [N] de leur demande à l'encontre de Mme [P] [G] veuve [W], M. [Z] [W], M. [E] [W], Mme [T] [W] épouse [B], M. [A] [W] et Mme [I] [W] sur le fondement de la clause pénale, de leur demande à l'encontre de la SARL [Localité 13] Transac exerçant sous le nom commercial « agence UDI » sur le fondement de la responsabilité délictuelle, a condamné in solidum M. [K] et Mme [N] à verser à la SARL [Localité 13] Transac agissant sous le nom commercial « agence UDI » la somme de 1800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, les a déboutés de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les a condamnés in solidum aux dépens. Par déclaration en date du 27 février 2018, M. [K] et M. [N] ont interjeté appel de ce jugement à l'encontre de Mme [P] [W], M. [Z] [W], M. [E] [W], Mme [T] [W] épouse [B], Mme [I] [W] et la SARL [Localité 13] Transac, intimés. La déclaration d'appel et les conclusions de M. [K] et [N] ont été signifiées aux intimés qui n'ont pas constitué avocat à l'exception de la SARL [Localité 13] Transac qui a conclu. La clôture de l'instruction est intervenue le 12 septembre 2019 et les parties entendues à l'audience du 27 septembre 2019. La présente cour, après avoir constaté qu'un des indivisaires, M. [A] [W], n'est pas visé par la déclaration d'appel alors qu'il était propriétaire indivis du bien objet de la promesse synallagmatique de vente sur laquelle porte le litige, a ordonné la réouverture des débats par arrêt en date du 15 novembre 2019 et a enjoint à M. [K] et à Mme [N] de délivrer à M. [A] [W] une assignation en intervention forcée à l'instance d'appel en cours, a sursis à statuer sur les demandes et réservé les dépens. Par leurs dernières conclusions, M. [K] et Mme [N] demandent à la cour de :- infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,Statuant à nouveau,- dire que les consorts [W] et leur mandataire, la société [Localité 13] Transac, ont failli à leur obligation d'information ainsi qu'à leur obligation de délivrance,En conséquence, - condamner les consorts [W] à les indemniser de leur préjudice et, faisant application de la cause pénale, les condamner à leur payer la somme de 14 000 euros,- condamner solidairement ou à tout le moins in solidum et sur le fondement de l'article 1382 du code civil la société [Localité 13] Transac à leur verser la somme de 14 000 euros à titre de dommages et intérêts en indemnisation du préjudice qu'ils subissent depuis le 30 mai 2015,- condamner les mêmes que dessus sous la même solidarité à leur verser 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,- les condamner en tous les dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de la SCPA Delauche-Chassaing, avocats aux offres de droit, qui pourra les recouvrer conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. Par ses dernières conclusions, la société [Localité 13] Transac demande à la cour de : A titre liminaire,- ordonner le rabat de la clôture et recevoir ses écritures,- à défaut rejeter les conclusions d'appelant et les pièces 11 à 16 communiquées la veille de la clôture, A titre principal,- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a : . débouté M. [K] et Mme [N] de leur demande à l'encontre de Mme [P] [G] veuve [W], M. [Z] [W], M. [E] [W], Mme [T] [W] épouse [B], M. [A] [W] et Mme [I] [W] sur le fondement de la clause pénale, . débouté M. [K] et Mme [N] de leur demande à l'encontre de la SARL [Localité 13] Transac exerçant sous le nom commercial « agence UDI » sur le fondement de la responsabilité délictuelle, . condamné in solidum M. [K] et Mme [N] à verser à la SARL [Localité 13] Transac agissant sous le nom commercial « agence UDI » la somme de 1800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, . débouté M. [K] et Mme [N] de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile . condamné in solidum M. [K] et Mme [N] aux dépens,- constater qu'elle n'a pas commis de faute,- constater l'absence de lien de causalité entre sa mission et les préjudices allégués,- constater l'absence de préjudice indemnisable opposable à l'agence UDI,En conséquence,- débouter M. [K] et Mme [N] de l'ensemble de leurs demandes à l'encontre de l'agence UDI,En toute hypothèse,- condamner M. [K] et Mme [N] in solidum à lui verser 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens avec distraction au profit de a SELARL Raison Carnel conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. La déclaration d'appel et les conclusions d'appelant ont été régulièrement signifiées à Mme [P] [G] veuve [W], M. [Z] [W], M. [E] [W], Mme [T] [W] épouse [B] et Mme [I] [W] qui n'ont pas constitué avocat. M. [A] [W] a été assigné en intervention forcée le 29 novembre 2019 par acte délivré à personne ; il n'a pas constitué avocat. La clôture a été ordonnée le 5 juin 2020. SUR CE, Sur les demandes la société [Localité 13] Transac à titre liminaire Dès lors que la révocation de la clôture et la réouverture des débats ont été ordonnées par arrêt de cette chambre en date du 15 novembre 2019, il n'y a plus lieu de statuer sur la demande de rabat de clôture présentée à titre liminaire par la société [Localité 13] Transac par conclusions signifiées par RPVA le 18 septembre 2019. Sur la demande en paiement de la clause pénale à l'encontre des consorts [W] Mme [N] et M. [K] sollicitent la condamnation des consorts [W] à leur verser le montant de la clause pénale stipulé dans la promesse synallagmatique de vente du 30 mai 2015 en cas de non réalisation d'une condition suspensive. Cet acte a été signé notamment sous condition suspensive du dépôt par les acquéreurs d'une demande de permis de construire. L'acte prévoyait également une condition suspensive relative à l'obtention d'une déclaration préalable de division purgée de tous droits et recours en faveur du vendeur avant la signature de l'acte authentique, cette condition suspensive n'ayant pas été soulevée. Le promesse porte sur la vente d'un terrain à construire non viabilisé correspondant à un lot d'une parcelle en cours de division, les conditions particulières de l'acte stipulant que l'acquéreur fait son affaire personnelle de l'aménagement, de la création d'un chemin d'accès et des clôtures, et que les travaux de viabilisation du terrain sont à la charge exclusive de l'acquéreur. Par courrier au constructeur en date du 10 novembre 2015, la mairie a fait connaître à ce dernier que le délai d'instruction de la demande de permis de construire ne courrait pas car le dossier déposé était incomplet, que la [Adresse 14] est une voie en partie privée gérée par GFC et que la viabilisation du terrain pour la création d'accès et le raccordement aux réseaux existants sont subordonnés à l'octroi d'un accord écrit du propriétaire qui manque au dossier, cette prescription étant indiquée sur la déclaration préalable valant division accordée le 19 août 2015. Le permis de construire a été accordé par arrêté du 26 février 2016 sous réserve du droit des tiers et du respect des prescriptions mentionnées dans l'arrêté, celui-ci précisant notamment que l'accès desservant le terrain devra être mutualisé avec le lot C afin de conserver le maximum d'espaces verts sur le domaine public, réserve émise lors de la division, et que toute modification des aménagements existants nouvellement créés sur la Ruelle des Glaises devra faire l'objet d'une remise en état. Le 11 mars 2016, Mme [N] et M. [K] ont indiqué à Mme [W] leur décision de résilier leur engagement d'acquérir le terrain du lot B au motif que celui-ci est enclavé et ne dispose d'aucune voie publique et que le fait mentionné par la mairie sur le permis de construire que l'accès devait être mutualisé ne figurait pas sur le compromis. Il résulte des termes du compromis de vente que la clause pénale est due par une partie qui viendrait à refuser de régulariser la vente par acte authentique dans le délai imparti sauf à justifier de l'application d'une condition suspensive. En l'espèce, dès lors que ce sont Mme [N] et M. [K] qui ont renoncé à régulariser la vente, ils ne sont pas fondés à demander la condamnation des consorts [W] à leur payer la clause pénale. Mme [N] et M. [K] invoquent le défaut d'information et le défaut de délivrance conforme imputable aux consorts [W] au soutien de leur demande de clause pénale. En l'espèce, le défaut d'information et le défaut de délivrance, s'il était avéré, n'est pas de nature à justifier la condamnation des vendeurs à payer la clause pénale mais des dommages et intérêts aux acquéreurs. Néanmoins Mme [N] et M. [K] n'invoquent ni ne démontrent l'existence d'un préjudice. Ils seront donc déboutés de leur demande et le jugement confirmé de ce chef. Sur la demande de dommages et intérêts à l'encontre de la SARL [Localité 13] Transac exerçant sous le nom commercial « agence UDI » Mme [N] et M. [K] sollicitent la condamnation de la SARL [Localité 13] Transac à leur payer 14 000 euros de dommages et intérêts sur le fondement de sa responsabilité délictuelle pour défaut d'information. La société [Localité 13] Transac conteste le fondement de sa responsabilité et s'oppose à la demande en l'absence de préjudice démontré. En l'espèce, Mme [N] et M. [K], qui se contentent d'affirmer qu'ils ont subi un préjudice du fait de la nécessité de renoncer à la vente en raison de l'incapacité des vendeurs de satisfaire à leur obligation de délivrance dont ils demandent réparation, n'établissent pas la réalité et la matérialité de ce préjudice. En conséquence, et sans qu'il y ait lieu à analyser le défaut d'information allégué, il convient, de les débouter de leur demande et de confirmer le jugement de ce chef. Sur l'article 700 du code de procédure civile Il y a lieu de condamner Mme [N] et M. [K] à payer à la société [Localité 13] Transac la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, Confirme le jugement en toutes ses dispositions, Condamne Mme [N] et M. [K] à payer à la société [Localité 13] Transac la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, Condamne Mme [N] et M. [K] aux dépens avec distraction au profit de la SELARL Raison Carnel pour ceux engagés pour la société [Localité 13] Transac. Le greffier, Le président, | |||||||||
JURITEXT000047527030 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/52/70/JURITEXT000047527030.xml | ARRET | Cour d'appel de Paris, 11 septembre 2020, 19/054917 | 2020-09-11 00:00:00 | Cour d'appel de Paris | Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours | 19/054917 | G1 | PARIS | Copies exécutoires délivrées aux parties le REPUBLIQUE FRANCAISEAU NOM DU PEUPLE FRANCAIS COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 4 - Chambre 1 ARRET DU 11 SEPTEMBRE 2020 (no /2020, pages) Numéro d'inscription au répertoire général : No RG 19/05491 - No Portalis 35L7-V-B7D-B7QG3 Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Décembre 2018 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG no 17/14928 APPELANTE Madame [F] [G][Adresse 3][Localité 5] Représentée par Me Marc MANCIET de la SELARL MBS Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : W02 INTIME Monsieur [V] [X]chez ses parents sis [Adresse 2][Localité 1] Représenté par Me Guillaume DAUCHEL de la SELARL Cabinet SEVELLEC, avocat au barreau de PARIS, toque : W09 et par Me Gisèle COHEN AMZALLAG, avocat au barreau de PARIS, toque : B0342 Composition de la cour : En application des dispositions de l'article 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 juin 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Monique Chaulet, conseiller, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : M. Claude Creton, présidentMme Christine Barberot, conseillère Mme Monique Chaulet, conseillère Greffier, lors des débats : M. Grégoire Grospellier Arrêt :- contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.- signé par Claude Creton, Président et par Grégoire Grospellier, greffier lors de la mise à disposition. ***Par acte de la SCP Pascal Bussière et Eric Dubost du 24 mai 2016, Mme [F] [G] a promis de vendre à M. [V] [X] au prix de 190 000 euros un bien immobilier dans un immeuble en copropriété sis [Adresse 4]. La vente a été conclue par acte de la SCP Pascal Bussière et Eric Dubost en date du 29 juillet 2016. M. [X] a assigné Mme [G] en nullité de la vente. Par jugement en date du 26 décembre 2018, le tribunal de grande instance de Paris a prononcé la nullité de la vente du 29 juillet 2016 portant sur les lots de copropriété 25 et 33 dépendant de l'immeuble sis [Adresse 4] cadastré section [Cadastre 6], a condamné Mme [G] à payer à M. [X] la somme de 3 000 euros en réparation de son préjudice moral, a débouté de M. [X] de sa demande pour résistance abusive et condamné Mme [G] à verser à M. [X] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens. Mme [G] a interjeté appel de ce jugement. Par ses dernières conclusions, elle demande à la cour de : . vu l'article 28,4o,c) du décret du 4 janvier 1955, de déclarer M. [X] irrecevable en sa demande de nullité de la vente,. subsidiairement, vu les articles 1130, 1131 et 1137 du code civil, de dire qu'elle n'était pas informée du mauvais état général de la structure de l'immeuble, qu'elle a informé M. [X] de l'ensemble des problèmes de structure afférents à l'immeuble connus d'elle, de juger qu'elle n'a commis aucune manoeuvre dolosive et que M. [X] n'est pas fondé à pouruivre la nullité de la vente tant sur le fondement du dol que des vices cachés,en conséquence, infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et statuant à nouveau,. déclarer M. [X] irrecevable en ses demandes et l'en débouter,. le condamner à lui payer un euro de dommages et intérêts, 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens. Par ses dernières conclusions, M. [X] demande à la cour de : . confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la nullité de la vente,en conséquence,. condamner Mme [G] à lui payer 190 000 euros au titre de la restitution du prix de vente,. condamner Mme [G] au remboursement intégral des frais de mutation, frais d'enregistrement et frais de notaire relatifs à l'acte de vente,. condamner Mme [G] au paiement de la somme de 37 680 euros au titre des appels de provisions pour travaux,. condamner Mme [G] au paiement de la somme de 3 925 euros au titre des appels de charges de copropriété générales,. condamner Mme [G] au paiement de la somme de 793 euros au titre de la taxe foncière,. condamner Mme [R] paiement de la somme de 356,26 euros au titre de l'assurance habitation,et pour garantir la bonne exécution de l'arrêt à intervenir,. contraindre Mme [G] au paiement intégral du prix de vente et des frais précités avant dessaisissement du bien,. autoriser la prise d'hypothèque sur le bien litigieux et sur tout bien appartenant à Mme [G],à titre subsisidaire, si la cour infirmait le jugement entrepris,. prononcer la résolution du contrat de vente au titre de l'action rédhibitoire sur le fondement des vices cachés,. juger que les parties devront être remises dans l'état où elles se trouvaient avant la conclusion de la vente, en conséquence,. condamner Mme [G] à lui payer 190 000 euros au titre de la restitution du prix de vente,. condamner Mme [G] au remboursement intégral des frais de mutation, frais d'enregistrement et frais de notaire relatifs à l'acte de vente,. condamner Mme [G] au paiement de la somme de 37 680 euros au titre des appels de provisions pour travaux,. condamner Mme [G] au paiement de la somme de 3 925 euros au titre des appels de charges de copropriété générales,. condamner Mme [G] au paiement de la somme de 793 euros au titre de la taxe foncière,. condamner Mme [G] au paiement de la somme de 356,26 euros au titre de l'assurance habitation,et pour garantir la bonne exécution de l'arrêt à intervenir,. contraindre Mme [G] au paiement intégral du prix de vente et des frais précités avant dessaisissement du bien,. autoriser la prise d'hypothèque sur le bien litigieux et sur tout bien appartenant à Mme [G],à titre plus subsidiaire,. juger que Mme [G] engage sa responsabilité du faite de ses manoeuvres dolosives à son encontre,en conséquence,. condamner Mme [G] à lui payer 190 000 euros au titre de la perte de chance d'acquérir le bien litigieux ou tout autre bien dans des conditions normales,. payer à M. [X] la somme de 570 euros par mois depuis le 11 avril 2017 au titre de la parte des revenus locatifs jusqu'à la fin des travaux et à parfaire sous toutes réserves,. lui payer la somme de 37 680 euros au titre des travaux de structure de l'immeuble à parfaire sous toutes réserves,. lui payer la somme de 2 459,60 euros au titre des travaux avancés effectués au 3èmeétage de l'immeuble tel que visé dans la promesse,. dire que Mme [G] garantira l'ensemble du montant des réparations inhérentes à la reprise de la structure de l'immeuble,en tout état de cause,. condamner Mme [G] à lui payer la somme de 7 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l'appel. La clôture de l'instruction a été ordonnée le 11 juin 2020. SUR CE Sur l'irrecevabilité de la demande Au terme des dispositions de l'article 28,4o,c) du décret du 4 janvier 1955 invoqué par Mme [G] au soutien de l'irrecevabilité de la demande de nullité de M. [X], sont obligatoirement publiées au service de la publicité foncière "Les demandes en justice tendant à obtenir, et les actes et décisions constatant, la résolution, la révocation, l'annulation ou la rescision d'une convention ou d'une disposition à cause de mort;". Cette disposition ne s'applique pas en l'espèce dès lors que la demande de nullité de la vente est fondée sur le dol et non sur une cause de mort. L'irrecevabilité de la demande n'est donc pas établie. Sur la nullité de la vente Au soutien de son appel, Mme [G] fait valoir qu'elle n'était pas informée du mauvais état général de la structure de l'immeuble, qu'elle a informé M. [X] de l'ensemble des problèmes de structure afférents à l'immeuble connus d'elle, qu'elle n'a commis aucune manoeuvre dolosive et que le tribunal s'est fondé sur un e-mail du conseil syndical dont il a dénaturé les termes dans la mesure où rien, dans cet e-mail, ne permettait de suspecter une atteinte générale à la structure de l'immeuble; elle ajoute que l'on ignore si le syndic a fait procéder à des investigations par le syndic de l'immeuble et soutient que les seuls éléments évoqués lors de l'assemblée générale du 23 mai 2016 sont relatifs à l'effondrement du plancher haut de l'appartement du 2ème étage. M. [X] soutient que de nombreux désordres affectant l'ensemble de la copropriété et la structure même de l'immeuble n'avaient pas été portés à sa connaissance préalablement à la vente, qu'il a découvert la gravité de la situation lors de sa première convocation à l'assemblée générale du 25 octobre 2016, que notamment des travaux urgents devaient intervenir aux fins de reprise de la structure du 3ème étage et qu'il n'aurait pas contracté s'il avait eu connaissance des problèmes de structure affectant le plancher entre le 3ème et le 4ème étage qui s'est effondré le 23 mai 2013 soit la veille de la signature de la promesse de vente ; il fait valoir qu'il est amené à supporter le coût des travaux de réfection de la structure évalué à 88 510 euros, l'architecte soulignant également que la sécurité des habitants est en jeu, ce qui le prive de la possibilité de louer l'appartement. Au terme des dispositions de l'article 1109 du code civil dans sa version applicable à l'espèce, il n'y a point de consentement valable si le consentement n'a été donné que par erreur, ou s'il a été extorqué par violence ou surpris par dol. L'article 1116 du même code dispose que le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles, qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre partie n'aurait pas contracté, et que le dol ne se présume pas mais doit être prouvé. En l'espèce, un e-mail a été adressé aux copropriétaires dont Mme [G] le 19 mai 2016 par Mme [T], présidente du conseil syndical, mentionné comme "Très important" en son objet, concernant le sinistre "effondrement d'une partie du plafond de l'appartement de M. [D] suite à la dépose d'un cumulus d'eau pour remplacement datant du 23 septembre 2015, mail dans lequel elle précise qu'il est important que les travaux sur parties communes et privatives de l'immeuble concernées par ce sinistre soient réalisées dans les meilleurs délais, la structure de l'immeuble étant en jeu et les locataires des 2ème et 3ème étages ayant dû être évacués, par sécurité, de leur logement. Mme [T] cite, dans son mail, le rapport de M. [C], ingénieur structure joint à la convocation à la prochaine assemblée générale selon lequel il pourrait s'agir de plusieurs infiltrations d'eau ainsi que d'une surcharge de plancher et que plus récemment, suite à l'étude de structure de l'immeuble votée par l'assemblée générale l'année précédente et réalisée le 10 mai, il a pu être constaté également des problèmes d'infiltration d'eau non résolus provenant de la salle de bain de l'appartement du 4ème étage côté cour, 1ère porte droite, que d'après les éléments communiqués par le propriétaire de l'appartement du 3ème étage, il y aurait déjà eu des problèmes d'infiltration d'eau avec le 4ème étage en 2011/2012, qu'il a été signalé au syndic la possibilité d'éventuels risques pour la structure de l'immeuble, Mme [T] ajoutant qu'on peut imaginer raisonnablement que la structure en bois soutenant le plancher du 4ème étage puisse être endommagée, aucune expertise n'ayant été faite. Mme [T] informe également les copropriétaires qu'elle a appris deux jours auparavant que le plancher du 2ème étage était fortement incurvé et que les locataires du 1er étage risquaient de devoir quitter leur appartement pour raison de sécurité ; elle précise qu'une réunion a eu lieu ce jour soit le 19 mai dans l'immeuble et que finalement pourraient être concernés dans le futur les appartements des 1er, 2ème, 3ème et 4ème étages porte droite côté cour à l'aplomb les uns des autres et peut être une partie de la façade côté cour, qu'enfin tous ces éléments portent à croire que les budgets votés ne seront pas suffisants.Si Mme [G] a certes informé M. [X] de l'effondrement du plancher haut de l'appartement du 2ème étage, information qui figure dans la promesse unilatérale de vente conclue le 24 mai 2016, elle ne l'a cependant pas informé du contenu de l'e-mail de la présidente du conseil syndical qui lui avait été envoyé cinq jours avant cette signature et alarmait les copropriétaires sur les risques pesant sur d'autres appartements notamment situés au 4ème étage, sur les risques pesant sur la structure de l'immeuble signalés au syndic et le risque d'atteinte à la structure en bois soutenant le plancher du 4ème étage ainsi que sur l'éventualité d'un budget travaux plus important que celui voté. Par ailleurs M. [X] produit l'attestation de Mme [T] qui déclare avoir mis en oeuvre avec le syndic différentes démarches afin de prévenir les différents copropriétaires du passage de l'architecte de l'immeuble le 10 mai 2016 dans tous les appartements afin de réaliser l'étude "diagnostic de l'immeuble" votée en assemblée générale le 6 mai 2015, et qu'afin de compléter les courriers du syndic elle a apposé une affiche dans l'immeuble demandant d'être présent ou de laisser ses clés et avoir, deux jours avant la visite, frappé à chaque appartement dont celui de Mme [G] et, en raison du défaut de réponse, avoir laissé un message sur son téléphone portable pour lui demander d'être présente le 10 mai 2016 et que finalement seuls trois lots n'ont pu être visités dont celui de Mme [G]. En conséquence Mme [G] affirme à tort que l'on ignore si le syndic a fait procéder à des investigations dans l'immeuble alors que l'attestation produite établit que, du fait de sa défaillance, Mme [G] n'a pas permis l'accès à son lot pour l'établissement d'un diagnostic par l'architecte de l'immeuble et ce moins de deux semaines avant la signature de la promesse de vente. L'absence d'information de M. [X] par Mme [G] du risque pesant sur la structure de l'immeuble et d'une augmentation prévisible du budget de travaux alors qu'en sa qualité d'architecte elle ne pouvait ignorer l'importance de cette information constitue un dol par réticence dès lors qu'il n'est pas contestable que si M. [X] avait connu l'ampleur des difficultés de cet immeuble qui ne lui a été révélée que lors de l'assemblée générale du 25 octobre 2016, notamment l'existence d'un second sinistre à savoir l'effondrement du plancher haut du 3ème étage dans un des appartements de l'immeuble le 23 mai 2016 soit la veille de la signature de la promesse de vente et deux mois avant la vente définitive, il n'aurait pas contracté, ce que ne conteste d'ailleurs pas Mme [G]. Le jugement sera confirmé de ce chef. Sur les conséquences de la nullité de la vente La nullité de la vente a pour conséquence de remettre les parties en l'état où elles se trouvaient avant cette vente et il y a lieu en conséquence à restitutions réciproques du prix de vente et du bien immobilier sis [Adresse 4]. Il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de M. [X] au titre du remboursement des frais de notaire dès lors qu'il ne précise pas le montant de sa demande. Par ailleurs il n'y a pas lieu de condamner Mme [G] à rembourser à M. [X] les frais de mutation et les frais d'enregistrement qui ont été versés à l'administration fiscale et pourront lui être restitués du fait de l'annulation de la vente. Il convient de condamner Mme [G] à payer à M. [X] les sommes qu'il sollicite au titre des appels de provisions pour travaux et des appels de charges de copropriété générales ainsi qu'au titre de la taxe foncière et de la taxe d'habitation qui ne sont pas contestées par Mme [G], étant précisé qu'il résulte du compte-rendu de la réunion de chantier du 11 septembre 2017 que l'appartement a dû être évacué et que M. [X] n'a pu, dès lors, en avoir l'usage. Par ailleurs si le dessaisissement du bien par M. [X] est nécessairement conditionné par le paiement intégral par Mme [G] du prix de vente, il n'y a pas lieu d'autoriser M. [X] à la prise d'hypothèque sur le bien litigieux et sur tout bien appartenant à Mme [G] qui n'est pas justifié par les circonstances. Sur l'article 700 du code de procédure civile L'équité commande d'allouer à M. [X] une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de rejeter la demande de Mme [G] de ce chef. PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, Confirme le jugement du tribunal de grande instance du Paris en date du 26 décembre 2018 en toutes ses dispositions, Dit qu'en conséquence il y a lieu à restitution réciproque, Condamne Mme [G] à payer à M. [X] les sommes suivantes : . 37 680 euros au titre des appels de provisions pour travaux,. 3 925 euros au titre des appels de charges de copropriété générales,. 793 euros au titre de la taxe foncière,. 356,26 euros au titre de l'assurance habitation. Déboute M. [X] du surplus de ses demandes, Condamne Mme [G] à verser à M. [X] une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, Condamne Mme [G] aux dépens. Le greffier, Le président, | |||||||||
JURITEXT000047545826 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/54/58/JURITEXT000047545826.xml | ARRET | Cour d'appel d'Orléans, 27 août 2020, 19/025561 | 2020-08-27 00:00:00 | Cour d'appel d'Orléans | Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée | 19/025561 | C1 | ORLEANS | COUR D'APPEL D'ORLÉANS CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE GROSSES + EXPÉDITIONS : le 27/08/2020la SCP EVIDENCE SELATNA-DE MATOS-SI MOHAMEDMe Nelly GALLIER Me Estelle GARNIER ARRÊT du : 27 AOUT 2020 No : 168 - 20 No RG 19/02556 - No Portalis DBVN-V-B7D-F7XR DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Commerce de BLOIS en date du 14 Juin 2019 PARTIES EN CAUSE APPELANTS :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265240316915085Monsieur [Z] [I][Adresse 7][Localité 5] Ayant pour avocat Me Maâdi SI MOHAMED, membre de la SCP EVIDENCE, avocat au barreau de TOURS S.A.R.L. Z-P&F[Adresse 10][Localité 4] Ayant pour avocat Me Maâdi SI MOHAMED, membre de la SCP EVIDENCE, avocat au barreau de TOURS D'UNE PART INTIMÉES : - Timbre fiscal dématérialisé No: 1265250364166258Madame [B] [N]née le [Date naissance 1] 1974 à [Localité 12][Adresse 11][Adresse 11][Localité 3] Ayant pour avocat Me Nelly GALLIER, avocat au barreau de BLOIS SCP B.T.S.G Représenter par Me [C] mandataire liquidateur de la SA ESPRIT SUSHI[Adresse 2][Localité 8] Défaillante - Timbre fiscal dématérialisé No: 1265248339757052SA SWISSLIFE ASSURANCES DE BIENS Agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au dit siège,[Adresse 6][Localité 9] Ayant pour avocat postulant Me Estelle GARNIER, avocat au barreau d'ORLEANS, et pour avocat plaidant Me Vanessa DRUJONT, membre de la SELARL CM&B et ASSOCIES, avocat au barreau de TOURS D'AUTRE PART DÉCLARATION D'APPEL en date du : 15 Juillet 2019ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 30 avril 2020 COMPOSITION DE LA COUR L'audience du 14 mai 2020 n'a pu se tenir compte tenu de l'état d'urgence sanitaire déclaré par la loi no2020-290 du 23 mars 2020. En application des dispositions de l'article 8 de l'ordonnance no2020-304 du 25 mars 2020 et après information des parties par le président de la chambre, la cour statue sans audience au vu des conclusions et des pièces transmises, après délibéré au cours duquel Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel D'ORLEANS, et Madame Fanny CHENOT, Conseiller, ont rendu compte à la Cour composée de :Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, Madame Fanny CHENOT, Conseiller,Madame Nathalie MICHEL, Conseiller, Greffier : Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier lors des débats et du prononcé, ARRÊT : Prononcé publiquement par arrêt de défaut le 27 AOUT 2020 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE : La société Esprit Sushi qui exerçait notamment une activité d'achat et revente de machines à fabriquer les sushis et de consommables pour fabriquer des sushis et M. [I], qui a acquis le 10 novembre 2015 un fonds de commerce de restauration situé à [Adresse 10], se sont rapprochés à l'automne 2015, ce dernier souhaitant mettre en place, pour sa société Z-P&F en formation, le concept créé et commercialisé par la société esprit Sushi en vendant de manière exclusive sur Blois, la gamme de ses produits Esprit Sushi et Beauty Burger. La société Esprit Sushi a ainsi proposé à M. [I] de l'accompagner dans l'ouverture de son resturant et les parties ont envisagé de régulariser un contrat de distribution comportant certaines clauses d'exclusivité, ainsi que la réalisation par la société Esprit Sushi de travaux d'aménagement intérieur et extérieur des locaux et la fourniture du mobilier. Considérant que le projet de contrat adressé par la société Esprit Sushi n'était pas conforme à ce qui avait été prévu, que cette dernière avait abandonné le chantier, que les travaux effectués n'avaient pas été réalisés dans les règles de l'art et qu'il était d'accord pour les régler à condition que leur juste valeur soit déterminée, M. [I] a sollicité une expertise amiable auprès de M. [P] [G] expert près de la cour d'appel d'Orléans. La société Esprit Sushi a été conviée par le conseil de M. [I] à la réunion d'expertise mais ne s'est pas déplacée. M. [G] a communiqué une note d'expertise le 22 janvier 2016 dans laquelle il a chiffré les travaux réalisés par la société Esprit Sushi à la somme de 12.905€ et a constaté des désordres dont il a chiffré la reprise à la somme de 26.110€, portée à 57.069,54€ dans sa seconde note établie le 25 janvier 2017. Indiquant pour sa part qu'elle a adressé le 27 octobre 2015 à M. [I] le contrat à régulariser intitulé "contrat en distribution exclusive", le bon de commande et la facture, qu'ils se sont l'un et l'autre entendus sur un échéancier de paiement en 4 versements, de 20.000€ le 23 octobre 2015, 30.000€ le 15 novembre 2015, 50.000€ le 31 décembre 2015 et 52400€ le 29 février 2016, soit un total de 152.400€, que seule l'échéance du 23 octobre 2015 a été payée, M. [I] refusant de régler le surplus alors que les travaux ont presque tous été effectués, et refusant aussi de régulariser le contrat, la société Esprit Sushi a fait assigner M. [I] par acte du 17 décembre 2015 devant le tribunal de commerce de Blois en paiement de la somme de 149.000€. La société Z-P&F est intervenue volontairement à l'instance. Par jugement du 4 octobre 2016, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de la société Esprit Sushi et désigné la SCP BTSG prise en la personne de Maître [H] [C] en qualité de mandataire liquidateur. La société Z-P&F a déclaré sa créance entre les mains du mandataire liquidateur le 7 novembre 2016. La société Z-P&F a ensuite fait assigner en intervention forcée, par acte du 24 mai 2017, la société Swiss Life en qualité d'assureur de la société Esprit Sushi, puis par acte du 22 décembre 2017 Mme [B] [N] en sa qualité de dirigeante de la société Esprit Sushi, au motif que le défaut de souscription d'une assurance obligatoire est une faute du dirigeant détachable de ses fonctions sociales. Par jugement du 14 juin 2019, le tribunal de commerce de Blois a statué ainsi : Ordonne la jonction des affaires enrôlées sous les numéros 2015 007086 – 2017 002532 – 2018 000005 ; Déboute la SCP BTSG prise en la personne de Maître [H] [C], désigné ès qualité de liquidateur de la SA Esprit Sushi de toutes ses demandes, fins et prétentions et sera condamné au paiement de ses propres dépens de l'instance ; Déboute la société Z-P&F et M. [I] de toutes leurs demandes fins et prétentions sera condamné au paiement de ses propres dépens de l'instance (sic) ; Condamne la société Z-P&F et M. [I] au paiement de 1.000,00 euros, au profit de la compagnie Swiss Life, au titre de l'article 700 du code de procédure civile; Condamne la société Z-P&F et M. [I] au paiement de 1.000,00 euros, au profit de Mme [B] [N], au titre de l'article 700 du code de procédure civile; Condamne la société Z-P&F et M. [I] aux entiers dépens taxés et liquidés à la somme de 126,72 euros ainsi que les coûts des frais d'huissier et de droits de plaidoirie portés pour mémoire. Les premiers juges ont notamment relevé que le contrat fourni aux débats étant contesté par les parties et n'ayant pas été régularisé, il n'y avait pas de lien contractuel entre les parties et la société BTSG ès qualité de liquidateur de la société Esprit Sushi devait être déboutée de sa demande en paiement de la somme de 149.000€. Ils ont débouté la société Z-P&F de sa demande relative aux travaux après avoir relevé qu'elle ne fournissait pas les factures de réalisation des travaux de remise en état des désordres que la société Esprit Sushi aurait causés et que rien ne prouvait que les travaux survenus par la suite n'étaient pas destinés à la réalisation du projet venant remplacer le concept Esprit Sushi. Ils ont aussi retenu que M. [I] avait de lui-même souhaité interrompre le projet pour en réaliser un autre et qu'il devait être débouté de sa demande de réparation du préjudice subi. La société Z-P&F et M. [I] ont formé appel de la décision par déclaration du 15 juillet 2020 en intimant Mme [N] et la société Swiss Life, et en critiquant les chefs suivant du jugement :Déboute la société Z-P&F et M. [I] de toutes leurs demandes fins et prétentions sera condamné au paiement de ses propres dépens de l'instance ; Condamne la société Z-P&F et M. [I] au paiement de 1.000,00 euros, au profit de la compagnie Swiss Life, au titre de l'article 700 du code de procédure civile; Condamne la société Z-P&F et M. [I] au paiement de 1.000,00 euros, au profit de Mme [B] [N], au titre de l'article 700 du code de procédure civile; Condamne la société Z-P&F et M. [I] aux entiers dépens taxés et liquidés à la somme de 126,72 euros ainsi que les coûts des frais d'huissier et de droits de plaidoirie portés pour mémoire. Dans leurs dernières conclusions du 16 mars 2020, ils demandent à la cour de : Vu les articles L330-3, L721-3 et R330-1 du Code de Commerce, Vu les articles 1109 et suivants et 1382 du Code Civil dans leur rédaction en vigueur entre le mois d'octobre et le mois de décembre 2015, Vu l'article 1240 du Code Civil, Dire et Juger recevable et bien fondé l'appel interjeté par la société Z-P&F et M. [Z] [I] ; Dire et Juger recevable la société Z-P&F en ses prétentions ; Confirmer le Jugement entrepris en ce qu'il : Ordonne la jonction des affaires enrôlées sous les numéros 2015 007086 – 2017 002532 – 2018 000005 ; Déboute la SCP BTSG prise en la personne de Maître [H] [C], désigné ès qualité de liquidateur de la SA Esprit Sushi de toutes ses demandes, fins et prétentions et sera condamné au paiement de ses propres dépens de l'instance ; Infirmer le Jugement entrepris pour le surplus ; Statuant à nouveau, Fixer la créance de la société Z-P&F au passif de la liquidation judiciaire de la société Esprit Sushi à la somme de 20.000,00 euros au titre de la restitution de la somme versée pour la réservation de la zone d'exclusivité ; Fixer la valeur des travaux réalisés par la société Esprit Sushi à la somme de 12.905,00 euros ; En conséquence, fixer la créance de la société Z-P&F au passif de la liquidation judiciaire de la société Esprit Sushi à la somme de 7.095,00 euros suite à la remise en état des parties, augmentée des intérêts légaux à compter du 24 octobre 2015, les intérêts échus sur une année produisant également intérêts ; Fixer la créance de la société Z-P&F au passif de la liquidation judiciaire de la société Esprit Sushi à la somme de 57.069,54 euros au titre des travaux de reprise avec indexation sur l'évolution de l'indice BT du coût de la construction depuis le mois de janvier 2016 ;Fixer la créance de la société Z-P&F au passif de la liquidation judiciaire de la société Esprit Sushi à la somme de 246.595,00 euros au titre du préjudice découlant du retard pris dans l'ouverture du restaurant ; Fixer la créance de la société Z-P&F au passif de la liquidation judiciaire de la société Esprit Sushi à la somme de 10.000,00 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ; Concernant les appels en garantie, A titre principal, Condamner la société Swiss Life, ès qualités d'assureur responsabilité civile de la société Esprit Sushi, à payer à la société Z-P&F la somme de 57.069,54 euros au titre des travaux de reprise avec indexation sur l'évolution de l'indice BT du coût de la construction depuis le mois de janvier 2016 ; A titre subsidiaire, si la Cour estime que les travaux de reprise de la peinture sur les menuiseries extérieures relèvent de la garantie décennale, Condamner la société Swiss Life, ès qualités d'assureur responsabilité civile de la société Esprit Sushi, à payer à la société Z-P&F la somme de 13.730,00 euros au titre des travaux de reprise avec indexation sur l'évolution de l'indice BT du coût de la construction depuis le mois de janvier 2016 ; Condamner Mme [B] [N] à payer à la société Z-P&F la somme de 43.339,54 euros à titre de dommages et intérêts consécutifs au préjudice subi du fait de l'absence de garantie décennale ; En tout état de cause, Condamner la société Swiss Life, ès qualités d'assureur responsabilité civile de la société Esprit Sushi, à payer à la société Z-P&F la somme de 246.595,00 euros au titre du préjudice découlant du retard pris dans l'ouverture du restaurant ; Condamner la société Swiss Life à payer à la société Z-P&F la somme de 20.000,00 euros au titre de la résistance abusive ; Condamner la société Swiss Life à régler à la société Z-P&F la somme de 10.000,00 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure Civile ; Condamner la société Swiss Life à garantir la société Z-P&F de toutes les condamnations pouvant être prononcées à son encontre au profit de Mme [B] [N] au titre des frais irrépétibles ; Condamner la société Swiss Life aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris le coût du constat d'huissier dressé en date du 19 novembre 2015 par la SCP Sentucq-Torquato-Monnier-Foltzer et le rapport d'expertise du 22 janvier 2016, établi par M. [P] [G] ; Ordonner l'emploi des dépens en frais privilégiés de liquidation judiciaire, en ce compris le coût du constat d'huissier dressé en date du 19 novembre 2015 par la SCP Sentucq-Torquato-Monnier-Foltzer, et le rapport d'expertise du 22 janvier 2016, établi par M. [P] [G] ; Ils approuvent le tribunal d'avoir retenu qu'en l'absence de lien contractuel entre les parties la société BTSG devait être déboutée de sa demande de paiement et observe que ce chef du jugement n'est pas contesté et est définitif. Ils reprochent en revanche aux premiers juges de ne pas avoir fait droit à leur demande de fixation au passif à hauteur de 20.000€ au titre de la restitution de l'acompte qu'ils ont réglé, sous déduction de la valeur des travaux réalisés à hauteur de 12.905€, soit une créance de 7095€. Ils indiquent que la société Z-P&F a bien intérêt à agir car s'il est exact que le contrat de vente du 10 novembre 2015 stipulait que le fonds de commerce était cédé à la société Z-P&F, alors en formation, que la reprise automatique de l'acquisition ne se ferait que si cette société était immatriculée au RCS avant le 30 novembre 2015 et que celle-ci n'a été immatriculée que le 31 décembre 2015, il ne peut en être déduit, ainsi que le soutient la société Swiss Life, que le fonds de commerce aurait été cédé aux associés de la société Z-P&F et non à cette société, puisque l'acte de vente du 10 novembre 2015 stipule que pour produire ses effets, la non immatriculation de la société Z-P&F doit être "constatée par un acte établi par Me [D], notaire à [Localité 4], et publié au greffe du tribunal de commerce (?)", ce qui n'a pas été fait, aucune partie n'ayant souhaité se prévaloir de l'absence d'immatriculation de la société avant le 30 novembre 2015. Elle ajoute que cette clause ne concerne que le caractère automatique de la reprise du fonds et que les statuts de la SARL S-P&F signés et enregistrés au services des impôts le 30 novembre 2015 prévoient expressément une reprise à son profit de l'acte de vente du 10 novembre 2015, ce qui emporte reprise des engagements par cette société. La société Z-P&F soutient que la société Esprit Sushi a engagé sa responsabilité délictuelle et qu'elle a subi un double préjudice consistant d'une part en des malfaçons affectant les travaux réalisés par la société Esprit Sushi, étant précisé que les travaux qu'elle a ensuite effectués étaient des travaux de reprise des travaux réalisés par le sous-traitant de la société Esprit Sushi et non des travaux liés à son nouveau projet ainsi que l'a retenu à tort le tribunal, d'autre part dans le retard dans l'ouverture du restaurant qui devait intervenir début décembre 2015 et n'est intervenue que le 18 juillet 2017, soit un retard de 20 mois. M. [I] précise que ce n'est pas lui qui a souhaité interrompre le projet mais la société Esprit Sushi qui a quitté le chantier. Elle indique agir contre la société Swiss Life également sur le fondement délictuel et expose que la société Esprit Sushi n'a jamais fourni son attestation d'assurance et celles de ses sous-traitants; que la société Swiss Life a versé aux débats un contrat d'assurance de 2010 portant uniquement sur la responsabilité civile des entreprises industrielles et commerciales alors que Mme [N] produit un contrat d'assurance signé avec la même compagnie à effet au 1er juillet 2015 qui couvre l'activité de "livraisons et installations de kiosques ou restaurants sushis ; avec petits travaux d'électricité limités aux branchement d'appareils, ainsi que plomberie limitée aux raccords d'appareils". Elle expose que si un sous-traitant est effectivement intervenu, la société Esprit Sushi était le donneur d'ordre des travaux et n'a jamais contesté les avoir réalisés, ayant même initié la procédure pour en demander le paiement. Sur l'argumentation tirée de la suspension du contrat d'assurance le 19 novembre 2015, elle soutient que la société Swiss Life ne produit pas les conditions générales "Swiss RC bâtiment" alors qu'il lui appartient d'établir les circonstances de fait constitutives d'une exclusion de garantie et qu'en tout état de cause, les conditions générales qu'elle produit stipulent que la garantie est acquise au moins 5 jours après la date de résiliation ou d'expiration de la garantie, les travaux ayant en l'espèce été réalisés avant le 19 novembre 2015 et la réclamation de la société Z-P&F formée avant le 19 novembre 2020. Subsidiairement, si la cour estimait que les travaux relèvent de la responsabilité décennale, elle indique que Mme [N] a commis une faute détachable de ses fonctions de dirigeant en ne souscrivant pas de contrat d'assurance responsabilité décennale, qui est une assurance obligatoire. Dans ses dernières conclusions du 15 janvier 2020, la société Swiss Life demande à la cour de : Vu le jugement déféréVu les pièces versées aux débatsDéclarer irrecevable en tout cas mal fondé l'appel interjeté par M. [I] et la Société Z-P&F à l'encontre du jugement rendu le 14 juin 2019 par le Tribunal de Commerce de Blois, et le rejeterConfirmer en toutes ses dispositions ledit jugement, A ti tre subsidiaire, limiter et réduire les demandes formulées par la société Z-P&F en ce qu'elle ne justifie d'aucun préjudice commercial, d'aucune perte de chiffre d'affaires, et que les demandes formulées au titre de dommages et intérêts et des pertes de loyers sont infondées.En tout état de cause, Débouter toutes parties de toutes demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires aux présentes.Condamner in solidum M. [I] et la Société Z-P&F, ou toute autre partie succombante, à verser à la Swiss Life la somme de 3.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Condamner in solidum M. [I] et la Société Z-P&F, ou toute autre partie succombante, à l'excepti on de la concluante, aux entiers dépens de première instance et d'appel et accorder à Maître Estelle Garnier le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. Elle fait valoir :- que la société Z-P&F ne justifie pas d'un intérêt à agir car elle a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés au 31 décembre 2015 sans effet rétroactif et n'existait donc pas à la date des travaux en cause, et car le contrat de vente du fonds de commerce impliquait une reprise automatique de la vente par cette société à condition qu'elle soit immatriculée avant le 30 novembre 2015 ce qui n'a pas été le cas,- que les appelantes ne précisent pas le fondement légal sur lequel ils recherchent la garantie de la Swiss Life,- que les travaux en cause sont des travaux de peinture alors que la SA Esprit Sushi n'a jamais eu une activité de peintre en bâtiment et n'est pas assurée pour ce type de travaux d'autant qu'elle ne les a pas réalisés elle-même mais dit les avoir commandés à des entrepreneurs sans que l'on puisse affirmer qu'il s'agisse de sous traitance,- que les prétendus désordres n'ont jamais été constatés contradictoirement et M. [I], après avoir considéré les relations contractuelles comme rompues, a fait reprendre les travaux pour son propre compte dans le cadre d'un autre projet dès le 9 novembre 2015 soit avant le constat et l'audit de M. [G] et a donné des ordres au peintre en modifiant les prestations, de sorte que rien ne démontre que ces désordres concernent les travaux réalisés par la SARL Sushi, alors qu'aucune facture ni devis n'est versé aux débats,- que ce n'est pas à un assureur de produire une police sur une demande générale mais à celui qui réclame le bénéfice d'un contrat d'assurance d'en apporter la preuve et qu'en tout état de cause, il existe un seul et unique contrat d'assurance no 011135372 conclu le 1er juin 2010, le document produit par Mme [N] étant un avenant qui ne modifie pas les garanties,- que les garanties du contrat on été suspendues à compter du 19 novembre 2015 et le contrat résilié à la suite de la liquidation judiciaire du 4 octobre 2016, de sorte qu'aucune garantie n'est due sur les sinistres déclarés à l'assureur postérieurement au 19 novembre 2015,- subsidiairement, que le préjudice sollicité est surévalué et n'est pas démontré. Mme [N] demande à la cour, par dernières conclusions du 20 mars 2020 de:Vu l'article 1382(devenu article 1240) du Code Civil, Vu l'article L 225-251 du Code de Commerce, Vu les articles 1792 et 1792-1 et 1792-3 du Code Civil, Déclarer irrecevable et mal fondé l'appel interjeté par M. [I] et la Société Z-P&F à l'encontre du jugement rendu le 14 juin 2019 par le Tribunal de Commerce de Blois,Confirmer en toutes ses dispositions ledit jugement, Débouter M. [I] et la Société Z-P&F de toutes leurs demandes dirigées à l'encontre de Mme [B] [N]. Condamner in solidum M. [I], la Société Z-P&F ou qui il appartiendra à verser à Mme [B] [N] la somme de 3.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,Condamner in solidum M. [I], la Société Z-P&F ou qui il appartiendra à l'exception de Mme [B] [N] aux entiers dépens de première instance et d'appel et accorder à Maître N.Gallier le bénéfice des dispositions de l'Article 699 du code de procédure civile. Elle fait valoir que la faute détachable de ses fonctions consiste en une faute intentionnelle d'une particulière gravité incompatible avec l'exercice normal des fonctions sociales et qu'elle n'a aucunement omis de manière volontaire de souscrire une assurance obligatoire. Elle expose en outre que les travaux critiqués par M. [I] sont des travaux de peinture n'ayant qu'un rôle esthétique et que les désordres ne compromettent pas la solidité de l'ouvrage, de sorte que l'assurance décennale ne pouvait couvrir des travaux de cette nature et que l'assurance des travaux n'était pas obligatoire. Elle ajoute qu'elle a souscrit une assurance responsabilité civile auprès de la compagnie Swiss life couvrant les travaux réalisés par la société. Il est expressément référé aux écritures des parties pour plus ample exposé des faits ainsi que de leurs moyens et prétentions. La société BSTG ès qualités de liquidateur de la société Esprit Sushi, à laquelle la déclaration d'appel a été signifiée par acte délivré le 3 octobre 2019 selon les modalités prévues par les articles 656 et 658 du code de procédure civile, n'a pas constitué avocat. La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 30 avril 2020. L'audience du 14 mai 2020 n'a pu se tenir compte tenu de l'état d'urgence sanitaire déclaré par la loi no 2020-290 du 23 mars 2020. Un message a été adressé aux parties le 7 avril 2020 leur rappelant qu'en application des dispositions de l'article 8 de l'ordonnance no 2020-304 du 25 mars 2020, la procédure se déroulera sans audience et l'affaire mise en délibéré, sauf opposition de l'une ou l'autre des parties dans un délai de quinze jours. Aucune partie ne s'y est opposée dans le délai imparti et l'affaire a été mise en délibéré au 27 août 2020. MOTIFS DE LA DÉCISION : Sur la recevabilité de l'appel Dans le dispositif de leurs écritures qui seul saisit la cour, en application de l'article 954 du code de procédure civile, les intimées sollicitent uniquement l'irrecevabilité de l'appel engagé par la société Z-P&F et non de ses demandes. Dès lors qu'elle a été déboutée avec M. [I] de toutes ses demandes et prétentions et condamnée au paiement d'indemnités de procédure et aux dépens, elle a intérêt à interjeter appel du jugement. En outre, en réponse à l'argumentation de la société Swiss Life selon laquelle la société Z-P&F ne justifierait pas du droit d'exploiter le fonds de commerce dans lesquels ont eu lieu les travaux litigieux, la cour relève que par acte du 10 novembre 2015, M. [I] a acquis ce fonds de commerce, comprenant le droit au bail signé le 29 janvier 2015 "pour le compte de la société en formation Z-P&F" (page 2) et que si cet acte stipule en page 3 que l'immatriculation de la société Z-P&F emporte automatiquement reprise par elle de la présente acquisition à condition d'intervenir au plus tard le 30 novembre 2015, et qu'à défaut d'immatriculation dans ce délai, le fonds de commerce appartient aux associés M. [Z] [I] et son frère [E] [I], il est aussi stipulé que cette non immatriculation est alors constatée par un acte notarié publié au greffe du tribunal de commerce. En l'espèce, il est exact que la société Z-P&F n'a été immatriculée que le 31 décembre 2015, mais aucune des parties n'a fait constater l'absence d'immatriculation dans le délai fixé, ni plus largement n'a souhaité s'en prévaloir, ainsi que le confirme Maître [D] notaire ayant reçu l'acte de vente dans une attestation du 10 mars 2020, étant ajouté que la vente au profit de la société Z-P&F a été publié au Bodacc le 30 décembre 2015, que les statuts de cette société signés et enregistrés au service des impôts le 30 novembre 2015 prévoient une reprise à son profit de l'acte de vente du 10 novembre 2015 et que cette société établit, notamment par la production de quittances de loyer de décembre 2015 à juillet 2017, avoir exploité effectivement le fonds de commerce (pièces 44 à 49 produites par les appelants). La société Z-P&F justifie donc de son intérêt à agir et son appel est recevable. Sur les demandes relatives à la restitution de l'acompte de 20.000€ et à la valeur des travaux La cour constate à titre liminaire que la société BTSG ès qualités de liquidateur de la société Esprit Sushi demandait au tribunal de dire que les parties étaient liées par un engagement contractuel emportant l'obligation pour la société Z-P&F de payer la somme de 149.000€ et de la condamner au paiement de cette somme, et que la déclaration d'appel ne vise pas le chef du jugement ayant débouté le liquidateur de la société Esprit Sushi de toutes ses demandes. Aucun des intimés n'ayant non plus contesté ce chef de la décision, le jugement est donc irrévocable en ce qu'il a débouté la société BTSG ès qualités de toutes ses demandes, notamment celle tendant à dire que les parties étaient liées par un engagement contractuel emportant l'obligation pour cette dernière de payer la somme de 149.000€. En l'absence de contrat régularisé entre les parties, c'est à bon droit que la société Z-P&F sollicite la restitution de l'acompte de 20.000€ qu'elle a réglé pour la réservation de la zone d'excluvité. Le jugement qui a débouté la société Z-P&F de la totalité de toutes ses prétentions sans motiver le rejet de cette demande sera infirmé de ce chef et il convient de fixer la créance de la société Z-P&F au passif de la liquidation judiciaire de la société Esprit Sushi à la somme de 20.000€. En revanche, le liquidateur de la société Esprit Sushi ne sollicite pas la fixation de sa créance et les appelants ne peuvent se substituer à lui. Ils seront donc déboutés de leurs demandes tendant à fixer la valeur des travaux réalisés par la société Esprit Sushi à la somme de 12.905,00 euros et la créance de la société Z-P&F de 7.095€. Sur les demandes d'indemnisation formées par la société Z-P&F La société invoque deux préjudices dont elle sollicite l'indemnisation en se fondant exclusivement sur l'article 1382 ancien et l'article 1240 nouveau du Code civil relatifs à la responsabilité délictuelle. D'une part, elle indique que la société Esprit Sushi a réalisé ou fait réaliser des travaux, essentiellement de peinture, pour l'aménagement du restaurant de la société Z-P&F, qui sont effectués de malfaçons et engage à ce titre sa responsabilité délictuelle. D'autre part, elle sollicite l'indemnisation de son préjudice subi du fait du retard dans les travaux, qui consiste dans le remboursement à hauteur de la somme totale de 60.000€ au titre des loyers qu'elle a payés pendant 20 mois en vain, le restaurant qui devait ouvrir le 7 décembre 2015 n'ayant ouvert qu'en août 2017, ainsi que la somme de 186.595€ au titre d'une perte de résultat pendant 20 mois, calculée sur la base du budget prévisionnel de la société Z-P&F établi le 15 octobre 2015. Il ressort des échanges de mails entre elle et la société Esprit Sushi et des écritures de première instance produites par cette dernière que celle-ci a effectivement réalisé ou fait réaliser certains travaux d'aménagement, dans le cadre du projet envisagé par M. [I] et donc d'un commun accord, avec ce dernier puis sa société, la société Z-P&F (pièces 11, 12, 14, 29). Notamment, dans son courriel du 3 novembre 2015 (pièce 11), M. [I] fait très clairement allusion aux travaux convenus entre eux, en indiquant que l'entrée était prévue en noir et que la couleur taupe lui est apparue plus appropriée, mais sans vouloir "tout chambouler en plein chantier". Il a en outre accepté de régler un acompte de 20.000€ sur le prix global convenu à hauteur de 152400€. Les travaux qui seraient affectés de malfaçons, dont la société Z-P&F sollicite l'indemnisation, procèdent donc clairement d'un accord de volonté entre les parties et par suite d'un suite et ne peuvent donc avoir qu'un fondement contractuel et non un fondement délictuel. Or, ainsi qu'il a été dit, le tribunal a débouté la société BTSG ès qualités de toutes ses demandes, y compris celle tendant à dire que les parties étaient liées par un engagement contractuel emportant l'obligation pour la société Z-P&F de payer la somme de 149.000€. Les appelants relèvent expressément en page 11 de leurs écritures que les premiers juges ont jugé qu'il n'existait pas de lien contractuel entre les parties et en ont déduit le débouté de la demande en paiement formée par la société BTSG ès qualités. Dès lors qu'ils n'ont pas interjeté appel de ce chef du jugement déboutant le liquidateur de toutes ses demandes, dont ils soulignent le caractère définitif, de sorte que la cour n'en est pas saisie, et qu'en outre, ils ne recherchent pas la reponsabilité contractuelle de la société Esprit Sushi mais uniquement sa responsabilité délictuelle, c'est sur ce seul fondement de la responsabilité délictuelle que la cour doit statuer. Or, la société Z-P&F ne peut à bon droit fonder sa demande d'indemnisation au titre de la remise en état des locaux, sur la responsabilité délictuelle de la société Esprit Sushi alors que les manquements dont elle se prévaut procèdent de travaux initialement acceptés par eux et donc d'un contrat et qu'elle n'allègue aucun fait ou délit pouvant fonder une responsabilité délictuelle. De même, elle ne peut tout à la fois, se prévaloir de l'absence de lien contractuel entre les parties, et en même temps soutenir que les parties avaient convenu que le restaurant de la société Z-P&F ouvrirait le 7 décembre 2015 et en déduire que la société Esprit Sushi a commis une faute en abandonnant le chantier et en n'achevant donc pas les travaux pour cette date. En effet, à supposer cette faute établie, elle procéderait du non respect d'un engagement convenu entre les parties et ne pourrait dès lors avoir qu'un fondement contractuel et non délictuel. La société Z-P&F doit en conséquence déboutée de toutes ses demandes de dommages et intérêts formées contre la société BTSG ès qualités de liquidateur de la société Esprit Sushi. Sur les demandes formées contre la société Swiss life et contre Mme [N] La société Z-P&F agit contre la société Swiss Life, également sur le fondement délictuel, et se prévaut de l'avenant au contrat d'assurance à effet au 1er juillet 2015 conclu entre la société Swiss Life et la société Esprit Sushi. Cet avenant au contrat d'assurance "responsabilité civile des entreprises industrielles et commerciales" conclu en 2010 est intitulé "responsabilité civile des entreprises du bâtiment et des travaux publics" et couvre l'activité suivante : "Achat et revente de machines à fabriquer les sushis et les consommables pour fabriquer les sushis. Livraisons et installations de kiosques ou restaurants sushis. Avec petits travaux d'électricité limités aux branchement d'appareils, ainsi que plomberie limitée aux raccords d'appareils". Or, dès lors que la société Z-P&F est déboutée de ses demandes de dommages et intérêts formées contre la société BTSG ès qualités de liquidateur de la société Esprit Sushi au titre des travaux et du retard dans l'ouverture du restaurant, elle ne peut qu'être déboutée de ces mêmes demandes formées contre son assureur, en l'absence de fait de responsabilité civile de nature délictuelle engageant la responsabilité de l'assuré. Par ailleurs, ainsi que le rappelle la société Swiss Life, il appartient à celui qui réclame le bénéfice d'un contrat d'assurance et non à l'assureur mis en cause, d'apporter la preuve de l'existence de ce contrat. Il n'y a pas lieu de retenir la mauvaise foi ou la déloyauté de la société Swiss Life dont la garantie n'est au demeurant pas retenue et la demande de dommages et intérêts à hauteur de 20.000€ pour résistance abusive sera rejetée. En l'absence de toute faute retenue à l'encontre de la société Swiss Life, la demande sollicitant qu'elle soit condamnée à garantir la société Z-P&F des condamnations pouvant être prononcées contre cette dernière au profit de Mme [N] au titre des frais irrépétibles sera aussi rejetée. La société Z-P&F agit à titre subsidiaire contre Mme [N] en qualité de gérante de la société Esprit Sushi au motif qu'en ne souscrivant pas de contrat d'assurance responsabilité décennale, qui est une assurance obligatoire, Mme [N] a commis une faute détachable de ses fonctions de dirigeant. La faute détachable des fonctions engageant la responsabilité personnelle d'un dirigeant de société consiste en une faute intentionnelle d'une particulière gravité incompatible avec l'exercice normal des fonctions sociales. En l'espèce, la cour rappelle que la société Z-P&F n'agit pas contre la société Esprit Sushi sur le fondement de la garantie décennale mais sur un fondement uniquement délictuel. Au surplus, il n'est pas établi que les travaux en cause, à supposer que les appelants aient invoqué un fondement contractuel à leur action contre la société Esprit Sushi, aient été de nature à engager sa responsabilité décennale, s'agissant de travaux de peinture à vocation purement esthétique. Enfin, il est établi que la société Esprit Sushi, dirigée par Mme [N] a souscrit un contrat d'assurance "Responsabilité civile des entreprises du bâtiment et des travaux publics". Le fait que Mme [N] n'ait pas souscrit d'assurance responsabilité décennale n'est donc pas une faute détachable de ses fonctions engageant sa responsabilité personnelle. La demande formée contre elle sera rejetée. Sur les autres demandes Au regard des circonstances du litige et du fait que les appelants n'obtiennent que très partiellement gain de cause en leurs demandes et notamment sont déboutées de celles formées contre la société Swiss life et Mme [N], il convient de dire que M. [I], la société Z-P&F et la société BTSG ès qualité de liquidateur de la société Esprit Sushi conserveront la charge des dépens de première instance et d'appel qu'ils ont exposés et qu'il ne sera pas fait application de l'article 700 du code de procédure civile. Les dépens exposés par la société Swiss Life et Mme [N] ainsi que les dépens taxés et liquidés à la somme de 126,72€ par le tribunal, seront mis à la charge de la société Z-P1F et de M. [I], outre le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Maître Garnier et de Maître Gallier qui en font la demande expresse. Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et il sera alloué à la société Z-P&F et à Mme [N] la somme de 1500€ chacune au titre des frais irrépétibles exposés en appel. PAR CES MOTIFS La Cour, INFIRME le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande de la société Z-P&F en fixation de la somme de 20.000€ au passif de la liquidation judiciaire de la société Esprit Sushi et en ses dispositions relatives aux dépens ; STATUANT A NOUVEAU sur ces seuls chefs, FIXE la créance de la société Z-P&F au passif de la liquidation judiciaire de la société Esprit Sushi à la somme de 20.000,00 euros ; DIT que M. [Z] [I] et la société Z-P&F d'une part et la société BTSG ès qualité de liquidateur de la société Esprit Sushi d'autre part, conserveront la charge des dépens que chacun a exposés en première instance ; CONDAMNE in solidum la société Z-P&F et M. [Z] [I] aux dépens exposés en preière instance par la société Swiss Life et Mme [N] et aux dépens taxés et liquidés à la somme de 126,72€ par le tribunal, CONFIRME le jugement déféré en toutes ses autres dispositions ; Y AJOUTANT, CONDAMNE in solidum M. [I] et la société Z-P&F à verser à Mme [B] [N] et à la société Swiss Life la somme de 1500€ à chacune au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, REJETTE toutes les autres demandes ; DIT que M. [I], la société Z-P&F d'une part, et la société BTSG ès qualité de liquidateur de la société Esprit Sushi d'autre part, conserveront la charge des dépens qu'ils ont exposés en appel ; CONDAMNE in solidum la société Z-P&F et de M. [I] aux dépens exposés en appel par la société Swiss Life et Mme [N], outre le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Maître Garnier et de Maître Gallier. Arrêt signé par Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. LE GREFFIERLE PRÉSIDENT | |||||||||
JURITEXT000047545827 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/54/58/JURITEXT000047545827.xml | ARRET | Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 4 septembre 2020, 20/00587W | 2020-09-04 00:00:00 | Cour d'appel d'Aix-en-Provence | Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours | 20/00587W | RA | AIX_PROVENCE | COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCERétention Administrative1-11 RA ORDONNANCEDU 04 SEPTEMBRE 2020 No 2020/0587 Rôle No RG 20/00587 - No Portalis DBVB-V-B7E-BGHSZ Copie conformedélivrée le 04 Septembre 2020 par courriel à :-l'avocat-le préfet-le CRA-le JLD/TGI-le retenu-le MP Signature,le greffier Décision déférée à la Cour : Ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de MARSEILLE en date du 03 Septembre 2020 à 12h58. APPELANT Monsieur [S] [L]né le [Date naissance 3] 1981 à [Localité 5]de nationalité Tunisienne Comparant assisté de Me KARA Sonnia avocat au barreau d'Aix- en-Provence, avocat commis d'office et de Mme [G] [H] interprète en langue arabe non inscrite sur la liste des experts, ayant préalablement prêté serment. INTIME : Monsieur le préfet du Var Représenté par Mme VOILLEQUIN Sylvie MINISTÈRE PUBLIC : Avisé et non représenté DEBATS L'affaire a été débattue en audience publique le 04 Septembre 2020 devant Madame Rachel ISABEY, Conseiller à la cour d'appel déléguée par le premier président par ordonnance,Assistée de : Mme Lydia HAMMACHE, greffière ORDONNANCE Contradictoire, Prononcée par mise à disposition au greffe le 04 Septembre 2020 à 16 H30, Signée par Madame Rachel ISABEY, Conseiller et Mme Lydia HAMMACHE, greffière PROCÉDURE ET MOYENS Vu les articles L 551-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) ; Vu l'arrêté portant réadmission auprès des autorités italiennes pris le 01/09/2020 par le préfet du Var, notifié le même jour à 16H45 ; Vu la décision de placement en rétention prise le 01/09/2020 par le préfet du Var notifiée le même jour à 16H45 ; Vu la requête en contestation de l'arrêté de placement en rétention, adressée par l'étranger au juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Marseille le 2 septembre 2020 à 16H50 ; Vu la requête adressée au juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Marseille par le préfet des Bouches du Rhône le 2 septembre 2020 à 14H46, aux fins de prolongation de la rétention de l'intéressé ; Vu l'ordonnance du 03 Septembre 2020 rendue par le juge des libertés et de la détention de MARSEILLE rejetant la requête de Monsieur [S] [L] et décidant son maintien dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire ; Vu l'appel interjeté le 04/09/2020 par Monsieur [S] [L] ; Monsieur [S] [L] a comparu et a été entendu en ses explications. Il déclare qu'il est prêt à repartir en Italie après une consultation médicale prévue le 8 septembre. Il prétend être venu en France pour voir un ami prénommé [Z] dont il a oublié le nom et l'adresse. Son avocat a été régulièrement entendu. Il conclut à l'illégalité de l'arrêté de placement en rétention, comme insuffisamment motivé et fondé sur une appréciation erronée des garanties de représentation. Il sollicite à titre subsidiaire une assignation à résidence. Le représentant de la préfecture sollicite la confirmation de l'ordonnance entreprise. Il expose que la décision de placement en rétention est motivée en fait et en droit et régulièrement fondé sur l'absence de résidence effective et de volonté de départ. MOTIFS DE LA DÉCISION L'appel est recevable comme ayant été formé dans les 24 heures de la notification de l'ordonnance entreprise. Sur la légalité de la décision de placement en rétention : En application de l'article L.551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans les cas prévus aux 1o à 7o du I de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque mentionné au 3o du II de l'article L. 511-1 peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de quarante-huit heures, en prenant en compte son état de vulnérabilité et tout handicap. Aux termes de l'article L.511-1 II 3o le risque de soustraction à la décision d'éloignement peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;b) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;c) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, de son récépissé de demande de carte de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ;d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ;e) Si l'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ou s'il a fait usage d'un tel titre ou document ;f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au deuxième alinéa de l'article L. 611-3, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 513-4, L. 513-5, L. 552-4, L. 561-1, L. 561-2 et L. 742-2 g) Si l'étranger, entré irrégulièrement sur le territoire de l'un des Etats avec lesquels s'applique l'acquis de Schengen, fait l'objet d'une décision d'éloignement exécutoire prise par l'un de ces Etats ou s'est maintenu sur le territoire d'un de ces Etats sans justifier d'un droit de séjour ; h) Si l'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français. En l'espèce la décision de placement en rétention cite les textes applicables à la situation de M. [L] et énonce les circonstances qui justifient l'application des ces dispositions. Elle précise notamment que l'intéressé n'a pu justifier d'une résidence effective et permanente, n'étant pas en capacité d'indiquer l'adresse et le nom de son hébergeant, et qu'il n'envisage pas son retour en Italie. Ces circonstances correspondent aux éléments dont l'administration disposait au jour de sa décision, comme recueillis au cours de la garde à vue de M. [L] En conséquence cette décision comporte les motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement et M. [L] a pu être regardé comme ne présentant pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque qu'il se soustraie à l'obligation de quitter le territoire.C'est donc sans méconnaître le principe de proportionnalité et de nécessité et en procédant à un examen de la situation de l'étranger que la décision de placement en rétention a été prise. Sur la demande d'assignation à résidence : Aux termes de l'article L.552-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), le juge peut ordonner l'assignation à résidence de l'étranger lorsque celui-ci dispose de garanties de représentation effectives, après remise à un service de police ou à une unité de gendarmerie de l'original du passeport et de tout document justificatif de son identité, en échange d'un récépissé valant justification de l'identité et sur lequel est portée la mention de la mesure d'éloignement en instance d'exécution. L'assignation à résidence concernant un étranger qui s'est préalablement soustrait à l'exécution d'une obligation de quitter le territoire français, d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une interdiction de circulation sur le territoire français, d'une interdiction administrative du territoire, d'une mesure de reconduite à la frontière, d'une interdiction du territoire, ou d'une mesure d'expulsion doit faire l'objet d'une motivation spéciale. L'appréciation de l'opportunité d'accorder cette mesure, qui ne saurait non plus être automatique, suppose que les éléments de la procédure ne laissent pas apparaître un risque de non exécution de la mesure d'éloignement. En l'espèce, si Monsieur [L] est titulaire d'un passeport en original et en cours de validité remis au directeur du centre de rétention administrative, il ne justifie pas d'une domiciliation effective, ayant versé une attestation d'hébergement illisible et fait état au cours de la procédure de 3 hébergeants différents. Enfin, il convient de relever qu'il a déclaré devant le juge des libertés et de la détention être venu en France pour travailler et ne pas souhaiter repartir en Italie. Dans ces conditions, une assignation à résidence constituerait un risque sérieux de non exécution de la mesure d'éloignement et la demande sera rejetée. En conséquence il y a lieu de confirmer l'ordonnance entreprise. PAR CES MOTIFS Statuant publiquement par décision contradictoire en dernier ressort, après débats en audience publique, En la forme, déclarons recevable l'appel formé par Monsieur [S] [L] ; Au fond, le disons mal fondé et confirmons l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de MARSEILLE en date du 03 Septembre 2020. L'intéressé est avisé qu'il peut se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation, signé par un avocat au conseil d'Etat ou de la Cour de cassation. Le greffier,Le président, COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCEService des Rétentions Administratives [Adresse 4]Téléphone : [XXXXXXXX02] - Fax : [XXXXXXXX01] 04.42.33.82.90 04.42.33.80.40 Aix-en-Provence, le 04 Septembre 2020 - Monsieur le préfet des DU VAR- Monsieur le procureur général- Monsieur le directeur du Centre de Rétention Administrative de [Localité 6] - Maître Sonnia KARA- Monsieur le greffier du Juge des libertés et de la détention de MARSEILLE OBJET : Notification d'une ordonnance. J'ai l'honneur de vous notifier l'ordonnance ci-jointe rendue le 04 Septembre 2020, suite à l'appel interjeté par : Monsieur [S] [L]né le [Date naissance 3] 1981 à [Localité 5]de nationalité Tunisienne VOIE DE RECOURS Nous prions Monsieur le directeur du centre de rétention administrative de bien vouloir indiquer au retenu qu'il peut se pourvoir en cassation contre cette ordonnance dans un délai de 2 mois à compter de cette notification, le pourvoi devant être formé par déclaration au greffe de la Cour de cassation. Le greffier, Je vous remercie de m'accuser réception du présent envoi. | |||||||||
JURITEXT000047545828 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/54/58/JURITEXT000047545828.xml | ARRET | Cour d'appel de Bordeaux, 3 septembre 2020, 20/000562 | 2020-09-03 00:00:00 | Cour d'appel de Bordeaux | Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes | 20/000562 | RF | BORDEAUX | RÉFÉRÉ No RG 20/00056 No Portalis DBVJ-V-B7E-LSUY_______________________ SARL DILMEX c/ [V] [P], [R] [P], [W] [P] épouse [U] _______________________ DU 03 SEPTEMBRE 2020_______________________ Grosse délivrée le : Rendu par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. Le 03 septembre 2020 Nous, Marie-Jeanne LAVERGNE-CONTAL, présidente de chambre à la cour d'appel de Bordeaux, désignée en l'empêchement légitime de la première présidente par ordonnance du 10 juin 2020, assistée de Martine MASSÉ, greffière, Avons dans l'affaire opposant : SARL DILMEX, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 6] le gérant présent, assisté de Me Constance MARCONI substituant Me Lionel MARCONI, avocats au barreau de BORDEAUX Demanderesse en référé suivant assignation en date des 24 et 25 juin 2020, à : Madame [V] [P]née le [Date naissance 2] 1980 à [Localité 5], de nationalité française,, demeurant [Adresse 4] Madame [R] [P]de nationalité française,, demeurant [Adresse 3] Madame [W] [P] épouse [U]de nationalité française, demeurant [Adresse 1] en leur qualité d'ayant-droits de [B] [P] décédé absentes, représentées par Me Iwann LE BOEDEC, avocat au barreau de BORDEAUX Défenderesses, rendu l'ordonnance contradictoire suivante après que la cause a été débattue en audience publique devant nous, assistée de Martine MASSÉ, greffière, le 16 juillet 2020. I - FAITS, PROCÉDURE ET DEMANDES DES PARTIES Par jugement de départage en date du 14 janvier 2020, la formation de départage du Conseil de prud'hommes de Bordeaux a :- rejeté la demande de nouvelle expertise- condamné la SARL Dilmex prise en la personne de son représentant légal à payer à Mme [V] [P], Mme [R] [P] et Mme [U] prises en leurs qualités d'ayant-droits de [B] [P] décédé la somme de 12.102,71 euros à titre de rappel de salaires sur heures supplémentaires outre 1.210,27 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférente- prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [P] à la date du 18 décembre 2018- condamné la SARL Dilmex prise en la personne de son représentant légal à payer à Mme [V] [P], Mme [R] [P] et Mme [U] les sommes de : 12.450,96 euros au titre du travail dissimulé 9.304 euros au titre de la contrepartie obligatoire en repos 18.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse 10.029,94 euros au titre de l'indemnité de licenciement 3.448,36 euros au titre de l'indemnité de préavis 344,83 euros au titre des congés payés afférents- déboute Mme [V] [P], Mme [R] [P] et Mme [U] es qualités de leur demande de dommages et intérêts pour violation de la réglementation sur le temps de travail- condamné la SARL Dilmex prise en la personne de son représentant légal à payer à Mme [V] [P], Mme [R] [P] et Mme [U] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile - débouté la SARL Dilmex de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile - condamné la SARL Dilmex aux dépens- rappelé que l'exécution provisoire est de droit pour le paiement des sommes dues au titre des heures supplémentaires, de la contrepartie obligatoire de repos, de l'indemnité compensatrice de congés payés, de préavis et de l'indemnité de licenciement- rejeté la demande d'exécution provisoire pour le surplus des condamnations. La société Dilmex a interjeté appel de cette décision le 6 février 2020. Par actes en date des 24 et 25 juin 2020, la société Dilmex a fait assigner Mme [V] [P], Mme [R] [P] et Mme [U] devant le premier président pour voir prononcer la suspension de l'exécution provisoire de la décision rendue le 14 janvier 2020 par le conseil des Prud'hommes de Bordeaux et voir dire que chaque partie conservera la charge de ses propres dépens. La société Dilmex soutient que les conditions de l'article 524 du code de procédure civile dans sa rédaction application au cas de l'espèce sont réunies pour justifier de la suspension de l'exécution provisoire. Elle fait valoir que le principe du contradictoire n'a pas été respecté par le premier juge puisque alors même que le rapport d'expertise ordonnée par la juridiction n'avait pas été déposé, le conseil des Prud'hommes dans sa formation de départage a fait revenir l'affaire à l'audience rejetant sa demande de renvoi et statuant sur le fond du litige après lui avoir indiqué que "la demande d'expertise sera plaidée à l'audience." Dans ces conditions, elle affirme que le jugement litigieux a été rendu en violation manifeste du principe du contradictoire.D'autre part, elle fait valoir que le conseil des Prud'hommes a rendu outre la présente instance, 12 autres décisions portant condamnations pour un montant total assorti de l'exécution provisoire de 216.766,56 euros et que compte tenu de la situation sanitaire ayant entraîné un ralentissement de son activité, l'exécution de ces décisions serait de nature à entraîner un état de cessation des paiements. Elle soutient que l'exécution à titre provisoire du jugement du 14 janvier 2020 entraînerait pour elle des conséquences manifestement excessives. Elle sollicite la suspension de l'exécution provisoire. Mme [V] [P], Mme [R] [P] et Mme [U] contestent l'existence d'une violation du principe du contradictoire ou de l'article 12 du code de procédure civile rappelant que la société Dilmex a conclu le 18 novembre 2019 devant le conseil des Prud'hommes et qu'elle n'a formé, le jour de l'audience, aucune demande de renvoi. En conséquence, Mme [V] [P], Mme [R] [P] et Mme [U] soutiennent qu'il n'existe pas de violation manifeste du principe du contradictoire.En ce qui concerne l'existence de conséquences manifestement excessives du fait de l'exécution provisoire, Mme [V] [P], Mme [R] [P] et Mme [U] font valoir qu'aucun des documents produits par la société Dilmex ne démontre que cette dernière présenterait une situation financière précaire. Il relève que le courrier en date du 15 juillet 2020 émanant de l'expert-comptable de la société Dilmex ne permet pas de venir établir la réalité de conséquences manifestement excessives en cas d'exécution provisoire.Elles concluent au rejet de la demande de la société Dilmex. SUR CE L'article 524 du code de procédure civile dispose que lorsque l'exécution provisoire a été ordonnée, elle ne peut être arrêtée, en cas d'appel, que par le premier président statuant en référé et dans les cas suivants : (.../...)Lorsque l'exécution provisoire est de droit, le premier président peut prendre les mesures prévues au deuxième alinéa de l'article 521 et à l'article 522.Le premier président peut arrêter l'exécution provisoire de droit en cas de violation manifeste du principe du contradictoire ou de l'article 12 et lorsque l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives. Ainsi lorsqu'elle est de droit, cas de l'espèce, l'exécution provisoire cède devant la double démonstration explicitée au dernier paragraphe de l'article 524 ci-dessus reproduit. En l'espèce, il convient de relever que la société Dilmex, contrairement à ses affirmations, a conclu devant le premier juge tant sur la demande de nouvelle expertise qu'elle sollicitait qu'à titre subsidiaire, sur les demandes en paiement présentées par M. Mme [V] [P], Mme [R] [P] et Mme [U] pour en solliciter le débouté. En conséquence, la société Dilmex ne démontre nullement l'existence d'une violation du principe du contradictoire par le premier juge. En ce qui concerne les conséquences manifestement excessives de l'exécution des condamnations assorties de l'exécution provisoire, il convient de relever que pour l'année 2019, le résultat net de la société Dilmex était de 210.399,64 euros. D'autre part, l'attestation de l'expert comptable du 15 juillet 2020 indique très clairement que les prévisions et hypothèses présentées relèvent de la responsabilité de la direction et que s'agissant de prévisions présentant par nature un caractère incertain, les réalisations différeront parfois de manière significative des informations prévisionnelles présentées. Enfin le bilan établi le 12 mai 2020 indique que la société, compte tenu du caractère récent de l'épidémie (Covid 19) et des mesures annoncées par le gouvernement pour aider les entreprises, n'est toutefois pas en capacité d'en apprécier l'impact chiffré éventuel et il est précisé que A la date d'arrêté des comptes des états financiers 2019 de l'entité, la direction de l'entité n'a pas connaissance d'incertitudes significatives qui remettent en cause la capacité de l'entité à poursuivre son exploitation. En conséquence, il n'est pas démontrer par la société Dilmex que l'exécution provisoire de droit ordonnée par le premier juge serait de nature à entraîner des conséquences manifestement excessives. Il y a lieu de rejeter la demande de la société Dilmex portant sur la suspension de l'exécution provisoire du jugement du 14 janvier 2020. PAR CES MOTIFS Déboutons la société Dilmex de sa demande de suspension de l'exécution provisoire. Condamnons la société Dilmex à verser à Mme [V] [P], Mme [R] [P] et Mme [U] la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Condamnons la société Dilmex aux entiers dépens. La présente ordonnance est signée par Marie-Jeanne LAVERGNE-CONTAL, présidente de chambre et par Martine MASSÉ, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. La greffière La présidente | |||||||||
JURITEXT000047545829 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/54/58/JURITEXT000047545829.xml | ARRET | Cour d'appel de Paris, 4 septembre 2020, 19/051257 | 2020-09-04 00:00:00 | Cour d'appel de Paris | Autre décision avant dire droit | 19/051257 | G1 | PARIS | Copies exécutoires délivrées aux parties le RÉPUBLIQUE FRANÇAISEAU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS Cour d'appel de Paris Pôle 4 - chambre 1 Arrêt du 04 septembre 2020 (no /2020, pages) Numéro d'inscription au répertoire général : RG 19/05125 -Portalis 35L7-V-B7D-B7PF4 Décision déférée à la cour : jugement du 28 septembre 2018 -tribunal de grande instance de Paris - RG 17/01208 APPELANTS Monsieur [L] [A][Adresse 7][Localité 8] Madame [V] [C][Adresse 7][Localité 8] Représentés par Me Béatrice Rudloff de la SCP Rudloff, avocat au barreau de Paris, toque : C1770 INTIMES Monsieur [S] [B][Adresse 4][Localité 6] Madame [Y] [B][Adresse 4][Localité 6] Représentés par Me Nadia Bakour, avocat au barreau de Paris, toque : E1052 substituée à l'audience par Me Daoud Achour, avocat au barreau de Paris Composition de la cour : En application des dispositions de l'article 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 juillet 2020, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Claude Creton, président, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Claude Creton, président,Monique Chaulet, conseiller,Christine Barberot, conseiller. Greffier, lors des débats : M. Grégoire Grospellier Arrêt :- contradictoire- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.- signé par Claude Creton, président, et par Grégoire Grospellier, greffier, présent lors de la mise à disposition. *** Par acte du 8 octobre 2014, M. et Mme [B] ont conclu avec M. [A] et Mme [C] une promesse de vente portant sur une maison à usage d'habitation située à [Adresse 9]. Avant la date prévue pour la réitiération de la vente par acte authentique, un dégât des eaux est survenu. L'acte de vente signé le 16 janvier 2015 précise que "il est toutefois ici précisé qu'un dégât des eaux a eu lieu dans les biens objets des présentes.A ce sujet, le vendeur déclare ce qui suit :- un déclaration de sinistre a été effectuée le 17.12.2014,- la compagnie d'assurance n'a pas encore accepté la prise en charge du sinistre,- les travaux ont été intégralement réalisés et les biens ont été remis en état tels qu'ils ont été visités par l'acquéreur lors de l'avant-contrat. Une copie desdits documents est demeurée ci-annexée.Le vendeur subroge l'acquéreur dans tous ses droits ou obligations à l'égard dudit sinistre et lui délègue le bénéfice de toute somme qui pourrait lui être allouée par la compagnie d'assurance seulement suite à une aggravation du dommage ou de tout autre dommage lié au sinistre dont il est parlé ci-dessus, ce qui est accepté par l'acquéreur. Par ailleurs, dans le cas où la compagnie d'assurance n'aurait pas accepté de prendre en charge le sinistre, que les travaux de remise en état n'auraient pas été correctement réalisés et que les entreprises seraient défaillantes, le vendeur s'engage à prendre en charge le coût de la nouvelle réparation et les frais de remise en état à première demande de l'acquéreur. L'acquéreur devra lui fournir deux devis et le vendeur choisira le professionnel de son choix. Les parties déclarent vouloir régulariser le présent acte malgré l'absence de confirmation de la prise en charge par une compagnie d'assurance et observent qu'une cloque est apparue sur la peinture ayant été refaite". L'acte contient en outre une clause exonérant les vendeurs de la garantie des vices cachés et stipulant que "l'attention de l'acquéreur a été attirée sur le fait que, faute de convention contraire dans le présent acte, ni le raccordement des installations présentes dans les biens vendus aux divers réseaux publics ou privés (eau, électricité, de gaz, de téléphone, de télévision ou autres) ni la conformité aux normes actuellement en vigueur des raccordements éventuellement existants, ne lui sont garantis par le vendeur. Tous travaux qui deviendraient nécessaires au titre de l'un quelconque de ces points seraient donc à sa charge exclusive sans recours contre ledit vendeur". Le 4 mars 2015, M. [A] et Mme [C] ont informé les vendeurs de la survenance de nombreux désordres liés au précédent sinistre de dégât des eaux puis les ont assignés en indemnisation sur le fondement de la garantie des vices cachés et d'un manquement à leurs obligations contractuelles. Par jugement du 28 septembre 2018, le tribunal de grande instance de Paris a :- déclaré irrecevables les conclusions de M. [A] et Mme [C] postérieures à l'ordonnance de clôture ;- condamné M. et Mme [B] à payer à M. [A] et Mme [C] la somme de 513 euros ;- rejeté toutes autres demandes. Le tribunal, après avoir déclaré recevable l'action fondée sur la garantie des vices cachés, a débouté M. [A] et Mme [C] en retenant d'une part que la servitude de vue grevant le bien ne constitue pas un vice caché, d'autre part que les désordres, qui sont la conséquence du sinistre de dégât des eaux survenu en décembre 2014, n'étaient pas prévisibles par les vendeurs qui ne sont pas des professionnels de la vente nonobstant la qualité de plâtrier-finisseur de M. [B] et qu'ainsi leur mauvaise foi n'est pas établie, de sorte qu'ils sont fondés à se prévaloir de la clause de non-garantie. Il a ensuite constaté que l'assureur du bien a réglé à M. [A] et Mme [C] une somme de 7 317,37 euros au titre de l'indemnisation du préjudice causé par la reprise des désordres, qu'une somme de 972,13 euros leur sera versée sous la condition de réalisation des travaux et que ne leur reste due qu'une somme de 513 euros au titre du solde du coût de remplacement des portes. Il a enfin retenu que les autres demandes ne sont pas fondées dès lors que les postes peinture, vêtements et radiateurs ont été indemnisés par l'assureur, que l'indemnisation de la perte de jouissance n'a pas été prévue par le contrat de vente, que les désordres, facilement réparables, ne sont pas à l'origine d'une perte de valeur du bien et que la demande de prise en charge du coût de la mise en conformité de la canalisation d'évacuation des eaux usées, outre qu'elle n'est pas chiffrée, est exclue par la clause exclusive de garantie. M. [A] et Mme [C] ont interjeté appel de ce jugement. Pour écarter le jeu de la clause exclusive de la garantie des vices cachés, ils soutiennent que M. [B] est un professionnel de la construction en sa qualité de plâtrier-finisseur qui avait déclaré dans l'acte d'acquisition du bien du 23 mai 2008 exercer la profession de maçon et qui a lui-même réalisé certains travaux de remise en état de la maison à la suite du dégât des eaux survenu en décembre 2014. Ils ajoutent que ces travaux, réalisés sur des supports encore humides après avoir utilisé des déshumidificateurs, étaient destinés à leur cacher l'ampleur et les conséquences du sinistre qui est à l'origine d'un niveau d'eau de 70 à 80 centimètres dans la maison. Ils ajoutent encore que M. et Mme [B], qui, pour avoir vécu pendant sept ans dans la maison, n'ignoraient pas que la cause de ce dégât des eaux était due à un engorgement récurrent des canalisations, l'ont faussement imputé à des travaux effectués sur le trottoir par la société Veolia, qui ont provoqué un déversement de boues vers les canalisations du pavillon. Ils indiquent que les investigations réalisées ont révélé une non-conformité du regard intermédiaire et une absence de clapet anti-retour destiné à empêcher le refoulement des eaux du réseau public alors que l'expertise diligentée à la demande de leur assureur leur avait révélé cette anomalie. M. [A] et Mme [C] font ensuite valoir que l'utilisation du WC de l'étage provoque un refoulement partiel de matière dans le WC du rez-de-chaussée, anomalie provoquée par l'écrasement de matière dans la canalisation horizontale du rez-de-chaussée menant d'un côté vers les égouts et de l'autre vers le WC. Ils soutiennent que ce vice ne pouvait être ignoré des vendeurs qui ont vécu pendant sept ans dans la maison. Ils demandent en conséquence à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il condamne M. et Mme [B] à leur payer la somme de 513 euros et rejette toutes demandes d'indemnisation complémentaire, de les condamner à leur payer la somme de 50 962,15 se décomposant comme suit : - réfection de la peinture du rez-de-chaussée : 6 594,47 euros - préjudice de jouissance pendant la durée de réalisation de ces travaux : 562,50 euros - préjudice de jouissance du 16 janvier 2015 jusqu'à l'indemnisation : 12 150 euros - préjudice moral de M. [A] : 1 000 euros - préjudice moral de Mme [C] : 2 000 euros - dégradations causés au mobilier en fer forgé : 490 euros - remboursement de la facture de dégorgement : 250 euros - installation de deux sanibroyeurs : 2 202,18 euros - perte de valeur du bien (6 % du prix de vente) : 17 100 euros - remboursement du solde, retenu par M. et Mme [B], de l'indemnité d'assurance versée au titre du remboursement du coût de remplacement de trois portes : 513 euros. A titre subsidiaire, M. [A] et Mme [C] sollicitent l'organisation d'une expertise. Ils réclament enfin une somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. SUR CE, Attendu que M. [A] et Mme [C] fondent d'abord leur action sur la garantie des vices et invoquent à la fois l'existence d'un vice affectant la canalisation alimentant le pavillon en eau et d'un vice affectant la canalisation d'évacuation des eaux des WC ; qu'ils font notamment valoir que ces vices sont à l'origine de dommages récurrents et que les vendeurs, qui ont vécu pendant sept ans dans l'immeuble, ont été de mauvaise foi pour ne pas les avoir informés, ce qui a pour effet de rendre inefficace la clause exclusive de garantie stipulée dans l'acte de vente ; Attendu que la clause exclusive de garantie stipulée au contrat ne peut être écartée au motif de la qualité de professionnel de la vente immobilière ou du bâtiment de M. [B] ; que ne lui confère pas cette qualité l'exercice de la profession de plâtrier-finisseur au jour de la signature de l'acte de vente, M. et Mme [B] ayant en outre revendu le bien litigieux qu'ils avaient acquis pour y habiter avec leur famille sans y réaliser ou diriger des travaux de construction ; Attendu qu'il convient, avant dire droit, d'ordonner une expertise ; PAR CES MOTIFS Statuant publiquement Avant dire-droit, désigne en qualité d'expert: M. [G] [H] [Adresse 2] [Localité 5] Tél : [XXXXXXXX01] avec pour mission, les parties régulièrement convoquées, après avoir pris connaissance du dossier, s'être fait remettre tous documents utiles et avoir entendu les parties ainsi que tout sachant, de: Se rendre sur les lieux, après y avoir convoqué les parties ; - Rechercher l'existence des vices allégués les conclusions de M. [A] et Mme [C], les décrire dans leur nature et dans leur importance, dire s'ils affectent l'usage attendu du bien et, dans l'affirmative, dire dans quelle mesure; - Indiquer, le cas échéant, si M. et Mme [B] en avaient connaissance, si, compte tenu des informations donnés à M. [A] et Mme [C] lors de la signarure de l'acte de vente, ils étaient apparents ou s'ils sont apparus postérieurement ; dans le deuxième cas, indiquer s'ils pouvaient être décelés par un acquéreur profane et si celui-ci pouvait en apprécier la portée; dans le troisième cas, s'ils trouvent leur origine dans une situation postérieure à l'acquisition, notamment s'ils sont la conséquence des travaux réalisés par M. [A] et Mme [C], - Donner un avis sur la moins-value éventuelle causée par ce vice à l'immeuble, - Après avoir exposé ses observations sur la nature des travaux propres à remédier aux vices, et leurs délais d'exécution, chiffrer, à partir des devis fournis par les parties, éventuellement assistées d'un maître d'oeuvre, le coût de ces travaux nécessaires pour remédier aux vices constatés; - Fournir tous éléments de fait de nature à caractériser l'existence et l'évaluation du trouble de jouissance; - Dire si des travaux urgents sont nécessaires soit pour empêcher l'aggravation des vices et du préjudice qui en résulte, soit pour prévenir les dommages aux personnes ou aux biens ; dans l'affirmative, à la demande d'une partie ou en cas de litige sur les travaux de sauvegarde nécessaires, décrire ces travaux et en faire une estimation sommaire dans un rapport intermédiaire qui devra être déposé aussitôt que possible ; Dit que l'expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile et qu'il déposera son rapport en un exemplaire original au greffe de la chambre 1 du pôle 4 de la cour d'appel de Paris, service du contrôle des expertises, dans le délai de six mois à compter de l'avis de consignation, sauf prorogation de ce délai dûment sollicité en temps utile auprès du magistrat en charge du contrôle des expertises (en fonction d'un nouveau calendrier prévisionnel préalablement présenté aux parties), Dit que l'expert devra, dès réception de l'avis de versement de la provision à valoir sur sa rémunération, convoquer les parties à une première réunion qui devra se tenir avant l'expiration d'un délai de deux mois, au cours de laquelle il procédera a une lecture contradictoire de sa mission, présentera la méthodologie envisagée, interrogera les parties sur d'éventuelles mises en cause, établira contradictoirement un calendrier de ses opérations et évaluera le coût prévisible de la mission, et qu'à l'issue de cette première réunion il adressera un compte-rendu aux parties et au magistrat chargé du contrôle, Dit que, sauf accord contraire des parties, l'expert devra adresser à celles-ci une note de synthèse dans laquelle il rappellera l'ensemble de ses constatations matérielles, présentera ses analyses et proposera une réponse à chacune des questions posées par la juridiction, Dit que l'expert devra fixer aux parties un délai pour formuler leurs dernières observations ou réclamations en application de l'article 276 du code de procédure civile et rappelons qu'il ne sera pas tenu de prendre en compte les transmissions tardives ; Désigne le magistrat chargé du contrôle des expertises pour suivre la mesure d'instruction et statuer sur tous incidents ; Dit que l'expert devra rendre compte à ce magistrat de l'avancement de ses travaux d'expertise et des diligences accomplies et qu'il devra l'informer de la carence éventuelle des parties dans la communication des pièces nécessaires à l'exécution de sa mission conformément aux dispositions des articles 273 et 275 du code de procédure civile ; Fixe à la somme de 3 000 euros la provision à valoir sur la rémunération de l'expert, qui devra être consignée par la partie demanderesse entre les mains du régisseur d'avances et de recettes de la cour d'appel de Paris, [Adresse 3], dans le délai maximum de six semaines à compter du présent arrêt, sans autre avis ; Dit que, faute de consignation dans ce délai impératif, la désignation de l'expert sera caduque et privée de tout effet ; Dit qu'en déposant son rapport, l'expert adressera aux parties et à leurs conseils une copie de sa demande de rémunération, Ordonnons le sursis à statuer sur les demandes, Réserve les dépens. Le greffier Le président | |||||||||
JURITEXT000047571142 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/57/11/JURITEXT000047571142.xml | ARRET | Cour d'appel de Paris, 4 septembre 2020, 20/083487 | 2020-09-04 00:00:00 | Cour d'appel de Paris | Interprète la décision, rectifie ou complète le dispositif d'une décision antérieure | 20/083487 | G1 | PARIS | Copies exécutoires délivrées aux parties le RÉPUBLIQUE FRANÇAISEAU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS Cour d'appel de Paris Pôle 4 - Chambre 1 Arrêt du 04 septembre 2020 Rectification d'erreur matérielle (no /2020, pages) Numéro d'inscription au répertoire général : RG 20/08348-Portalis 35L7-V-B7E-CB6R2 Décision déférée à la cour : arrêt du 19 juin 2020 rendu par le pôle 4-chambre 1 APPELANTS Madame [ZJ] [AC][Adresse 31][Localité 102] Représentée par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Monsieur [YD] [TE] [DA][Adresse 121][Localité 85] Représenté par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Monsieur [AX] [L] [EE][Adresse 22][Localité 107] (Martinique) Représenté par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Madame [DU] [GT] [EE]-[WF][Adresse 111][Localité 81] Représentée par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Madame [GE] [HZ] - [AC][Adresse 117][Localité 1]-Belgique Représentée par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Madame [KL] [VG] [E] - [KB] [Adresse 47][Localité 105] décédée Monsieur [BK] [HO] [L] [EG] [AC][Adresse 16],[Adresse 87][Adresse 87] Luxembourg Représenté par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Madame [ZG] [AC]-[YK][Adresse 36][Localité 65] Représentée par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Madame [BW] [I] [D] - [ZN] [Adresse 27][Localité 78] décédée Monsieur [EY] [SM] [C] [ZN][Adresse 18][Localité 76] Représenté par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Madame [IN] [AX] [ZN] - [PS][Adresse 70][Localité 98] Représentée par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Monsieur [TE] [FM][Adresse 41][Localité 20] Représenté par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Monsieur [HO] [P] [YS][Adresse 75][Localité 53] Représenté par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Monsieur [TE] [DU] [BM] [R][Adresse 28][Localité 58] Représenté par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Monsieur [WP] [PZ] [TE] [R][Adresse 60][Localité 80] Représenté par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Monsieur [MN] [L] [ZR] [OE] [KT][Adresse 91][Localité 88] Représenté par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Monsieur [MY] [NU] [HO] [KT][Adresse 14][Localité 4] Représenté par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Monsieur [F] [ZR] [KT][Adresse 52][Localité 84] Représenté par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Madame [DU] [DC] [KT] - [BC][Adresse 51][Localité 84] Représentée par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Madame [RG] [IY] [KT]-[UH][Adresse 38][Localité 79] Représentée par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Madame [L] [UK] [NM] - [A][Adresse 9][Localité 101] décédée Monsieur [MG] [NM][Adresse 10][Localité 92] Représenté par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Monsieur [YD] [NM] [Adresse 30][Localité 101] décédé Madame [PZ] [VY] [HH][Adresse 72][Localité 89] Représentée par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Monsieur [PH] [SM] [OB] [RR][Adresse 25][Localité 83] Représenté par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Madame [H] [IG][Adresse 6][Localité 100] Représentée par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Madame [UZ] [LH] [M][Adresse 109][Localité 108] Tahiti Représentée par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Monsieur [IR] [XE] [WU] [Adresse 86][Localité 103] décédé Madame [L] [NU] [LK] (DCD)[Adresse 11][Localité 66] décédée Monsieur [CE] [OE] [YZ][Adresse 11][Localité 66] Représenté par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Madame [BL] [KL] [LK] - [Y][Adresse 15][Localité 90] Représentée par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Monsieur [IR] [SM] [ZR] [PD][Adresse 62][Localité 33] Représenté par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Monsieur [KE] [MY] [SF] [PD][Localité 110][Localité 33] Représenté par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Madame [AX] [BL] [RY] [HS]-[OT][Adresse 119][Localité 33] Représentée par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Monsieur [MY] [DK] POLICE[Adresse 49][Localité 93] Représenté par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Madame [DC] [FF] [VJ][Adresse 67][Localité 96] Représentée par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Monsieur [GL] [ZR] [JF][Adresse 43][Localité 113] Canada Représenté par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Monsieur [TE] [DK] [JF][Adresse 42][Localité 113] Canada Représenté par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Madame [ZJ] [JM] [JF] - [V][Adresse 61][Localité 68] Représentée par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Madame [PO] [TL] [JF]-[Z][Adresse 63][Localité 69] Représentée par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Madame [IV] [JF][Adresse 116][Localité 69] Représentée par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Madame [SX] [GE] [JF]-[XL][Adresse 118][Localité 24] Représentée par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Madame [JU] [ZY] [OL] [NF]-[U][Adresse 48][Localité 35] Représentée par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Monsieur [PH] [ZR] [NF][Adresse 19][Localité 3] Représenté par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Monsieur [DK] [IR] [NF][Adresse 112][Localité 44] Représenté par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Madame [J] [ZY] [NF]-[W][Adresse 46][Localité 104] Représentée par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Madame [MR] [N] [LO]-[PK][Adresse 21][Localité 106] Représentée par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Madame [PZ] [LO] FALANGA[Adresse 61][Localité 82] Représentée par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Monsieur [L] [FU] [HA][Adresse 12][Localité 55] décédé Monsieur [EY] [XE] [S] [Adresse 39][Localité 95] décédé Madame [VN] [WM] [WX][Localité 115][Localité 32] Représentée par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Madame [NX] [HS]-[AF][Adresse 50][Localité 73] Représentée par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Monsieur [HO] [KB] es qualité d'héritier de [KL] [KB]intervenant volontaire en reprise d'instance[Adresse 47][Localité 105] Représenté par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Madame [FX] [KB] veuve [DC] es qualité d'héritière de [KL] [KB]intervenante volontaire en reprise d'instance[Adresse 37][Localité 94] Représentée par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Madame [CG] [KB] es qualité d'héritière de [KL] [KB]intervenante volontaire en reprise d'instance[Adresse 47][Localité 105] Représentée par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Monsieur [K] [A] es qualité d'héritier de [L] [NM]-[A]intervenant volontaire en reprise d'instance[Adresse 17][Localité 77] Représenté par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Madame [CY] [A] es qualité d'héritière de [L] [NM]-[A]intervenante volontaire en reprise d'instance[Adresse 17][Localité 77] Représentée par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Madame [GB] [GI] es qualité d'héritière de [YD] [NM]intervenante volontaire en reprise d'instance[Adresse 29][Localité 101] Représentée par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Madame [UA] [MV] [LA] es qualité d'héritière de [IR] [DS]intervenante volontaire en reprise d'instance[Adresse 86][Localité 103] Représentée par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Madame [PA] [YA] veuve [HA] es qualité d'héritière de [L] [HA]intervenante volontaire en reprise d'instance[Adresse 12][Localité 55] Représentée par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Madame [O] [HA] épouse [T] es qualité d'héritière de [L] [HA] intervenante volontaire en reprise d'instance[Adresse 74][Localité 59] Représentée par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Madame [RV] [G] veuve [HA] es qualité d'héritière de [L] [HA] intervenante volontaire en reprise d'instance[Adresse 5][Localité 57] Représentée par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Monsieur [RN] [HA] es qualité d'héritier de [L] [HA] intervenant volontaire en reprise d'instance[Adresse 64][Localité 54] Représenté par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Monsieur [SU] [XT] [HA] es qualité d'héritier de [L] [HA] intervenant volontaire en reprise d'instance[Adresse 5][Localité 56] Représenté par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Madame [BL] [AI] es qualité d'héritière de [S] [EY] intervenante volontaire en reprise d'instance[Adresse 39][Localité 95] Représentée par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Madame [IV] [S] épouse [XW] es qualité d'héritière de [S] [EY]intervenante volontaire en reprise d'instance[Adresse 114][Adresse 114][Localité 2] Représentée par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Monsieur [LS] [S] es qualité d'héritier de [S] [EY]intervenant volontaire en reprise d'instance[Adresse 13][Localité 99] Représenté par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 Madame [PZ] [S] épouse [B] es qualité d'héritière de [S] [EY]intervenante volontaire en reprise d'instance[Adresse 34][Localité 97] Représentée par Me Patrick MERY de la SELEURL MERY DURAND VILLETTE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0173 INTIMES Madame [DH] [HK][Adresse 26][Localité 79] Représentée par Me Michel Guizard de la SELARL Guizard et associés, avocat au barreau de Paris, toque : L0020 Maître [TW] [UD][Adresse 120][Localité 45] Représenté par Me Jeanne Baechlin de la SCP Jeanne Baechlin, avocat au barreau de PARIS, toque : L003 Composition de la cour : Il a été délibéré de l'affaire sans audience en vertu de l'article 462 du code de procédure civile par la cour composée de : M. Claude Creton, présidentMme Christine Barberot, conseillère Mme [GE] [LZ], conseillère Greffier : M. Grégoire Grospellier Arrêt :- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.- signé par Claude Creton, président et par Grégoire Grospellier, greffier présent lors du prononcé. Vu l'arrêt no 119/2020 de cette Cour (pôle 4, chambre 1) du 19 juin 2020 (RG no 17/10728) qui, dans son dispositif (p. 14), a, notamment : "Dit que [XE] [HS] et [JX] [LD], son épouse, ont acquis par acte authentique du 19 janvier 1883 le terrain, sis [Adresse 23], cadastré section CN no [Cadastre 71], d'une contenance de 1are 49 centiares ; Dit que ce bien est entré pour partie dans le patrimoine de [JX] [US], saisie de ses droits sur ce bien dès le décès de sa mère, [JX] [LD], le [Date décès 8] 1919, puis de son père, [XE] [HS], le [Date décès 7] 1926" ; Vu la saisine d'office de cette Cour en matière de rectification d'erreur matérielle ; SUR CE, LA COUR, Dans les motifs de l'arrêt du 19 juin 2020 précité, la Cour avait constaté (p 12) que "[JX] [LD] est décédée le [Date décès 8] 1919, puis son époux, [XE] [HS], le [Date décès 7] 1926, laissant trois de leurs six enfants survivants : [XE] [HS], [CF] [HS], épouse [TT], et [X] [HS], épouse [US]. Cette dernière est décédée le [Date décès 40] 1927 laissant pour lui succéder ses deux filles, [VR] et [JX] [US]", ce dont il se déduit que [JX] [US] avait pour mère [X] [HS], épouse [US]. Or, dans le dispositif de cet arrêt (p.14, dernier paragraphe), la Cour a "Dit que ce bien est entré pour partie dans le patrimoine de [JX] [US], saisie de ses droits sur ce bien dès le décès de sa mère, [JX] [LD], le [Date décès 8] 1919, puis de son père, [XE] [HS], le [Date décès 7] 1926". Cette partie du dispositif est affectée d'une erreur matérielle qu'il y a lieu de rectifier en substituant aux époux [LD]-[HS], grands-parents de [JX] [US], la mère de cette dernière, [X] [HS], épouse [US]. PAR CES MOTIFS : Dit que, dans le dispositif de l'arrêt no 119/2020 de cette Cour (pôle 4, chambre 1) du 19 juin 2020 (RG no 17/10728) p.14, dernier paragraphe, à la disposition suivante : "Dit que ce bien est entré pour partie dans le patrimoine de [JX] [US], saisie de ses droits sur ce bien dès le décès de sa mère, [JX] [LD], le [Date décès 8] 1919, puis de son père, [XE] [HS], le [Date décès 7] 1926", est substituée la disposition qui suit : Dit que ce bien est entré pour partie dans le patrimoine de [JX] [US], saisie de ses droits sur ce bien dès le décès le [Date décès 40] 1927 de sa mère, [X] [HS], épouse [US] ; Ordonne que mention de cette rectification soit portée sur la minute de l'arrêt du 19 juin 2020 ainsi rectifié et qu'aucune expédition ne puisse en être délivrée sans que le présent arrêt rectificatif y soit annexé ; Laisse les dépens à la charge du Trésor public. Le greffier Le président | |||||||||
JURITEXT000047636324 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/63/63/JURITEXT000047636324.xml | ARRET | Cour d'appel de Papeete, 12 août 2020, 20/000017 | 2020-08-12 00:00:00 | Cour d'appel de Papeete | Autres mesures ordonnées en référé | 20/000017 | 03 | PAPEETE | No 18 ____________ Copie pour information délivré à - M. [T] [R]le 12.08.2020 Copie authentique délivrée à- M. [K] [X] le 12.0.2020 Copie pour notification- M. Le Procureur Généralle 12.08.2020REPUBLIQUE FRANCAISE COUR D'APPEL DE PAPEETE O R D O N N A N C E No RG 20/00001 Nous, Thierry POLLE, premier président de la cour d'appel de Papeete, Vu les articles 200 et suivant du code de procédure civile de la Polynésie française Vu l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, Vu la requête enregistrée le 3 février 2020 par M. [K] [X] tendant à :Vu le principe de prééminence du Droit, Vu la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen du 26 Août 1789 et notamment ses articles 1er, 2, 4, 6,13,15, 16 et 17; Vu le Préambule de la Constitution du 27 Octobre 1946, notamment ses alinéas 1er et 14, Vu la Constitution du 4 Octobre 1958 et notamment ses articles 1er, 34, 37, 55, 88-1 et 88-2, Vu l'article 6 du Traité sur l'Union européenne du 7 Février 1992, Vu le Traité de Lisbonne signé le 13 Décembre 2oo7 et entré en vigueur le 1er Décembre 2oo9, Vu la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne du 7 Décembre 2ooo, notamment ses articles 1er, 4, 7, 14, 15, 16, 17,2o,21 et 47, Vu les articles 1,6 § 1,8, 13, 14 de la Convention européenne des Droits de l'Homme et l'article I" de son Premier Protocole Additionnel, Vu les articles 2 § 3, 14 § 1 et 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 19 Décembre 1966, 1o) ORDONNER que la présente requête aura un effet suspensif; EN CONSÉQUENCE, 2o) DIRE et JUGER qu'il sera, dans l'attente de la décision devant statuer sur la demande de renvoi pour cause de suspicion légitime de l'affaire no19/163 pendante devant le Tribunal de première instance de Papeete, sursis à la continuation du jugement de l'affaire; 3o) DIRE et JUGER qu'il sera, dans l'attente de la décision devant statuer sur la demande de renvoi pour cause de suspicion légitime de l'affaire no19/168 pendante devant le Tribunal de première instance de Papeete, sursis à la continuation du jugement de l'affaire; 4o) DIRE et JUGER qu'il sera, dans l'attente de la décision devant statuer sur la demande de renvoi pour cause de suspicion légitime de l'affaire no19/o21 pendante devant le Tribunal de première instance de Papeete, sursis à la continuation du jugement de l'affaire; EN TOUT ETAT DE CAUSE, 5o) DIRE et JUGER que M. [X] [K] peut subjectivement et objectivement nourrir un doute légitime quant à l'impartialité de l'ensemble des juges composant le Tribunal de première instance de Papeete; 6o) RENVOYER l'affaire no19/163 devant le Tribunal de grande instance de Colmar, ou toute autre juridiction du même ordre que la juridiction dessaisie; 7o) RENVOYER l'affaire no19/168 devant le Tribunal de grande instance de Colmar, ou toute autre juridiction du même ordre que la juridiction dessaisie; 8o) RENVOYER l'affaire no19/021 devant le Tribunal de grande instance de Colmar, ou toute autre juridiction du même ordre que la juridiction dessaisie; 9o) AVISER M. [X] [K] de la date à laquelle la demande de renvoi pour cause de suspicion légitime sera jugée par la Cour d'Appel de Papeete; Vu les réquisitions de Monsieur le procureur de la République en date du 9 juillet 2020 Vu les conclusions déposées par Monsieur [K] [X] le 22 juillet 2020 Monsieur [K] [X] demande le renvoi de ces dossiers à une autre juridiction de même ordre pour cause de suspicion légitime: -l'affaire 19/168 pendante devant le Tribunal civil de première instance de Papeete, qui l'oppose à la société d'avocats MDH et associés, société d'avocats dont les quatre gérants (Me [L] [O], Me TANG Vaiana, Me HOUBOUYAN, Me DUBAU) sont inscrit au barreau de Papeete et dont une des Gérantes, Me [L] [O], est membre du conseil de l'ordre des avocats de Papeete et en lien direct avec plusieurs personnalités politique de Polynésie française, actives ou retraitées, notamment, Mme [E] [L], personnalité politique retraitée, Mme [V] [A] (la soeur de Mme [E] [L]) et est amie avec plusieurs personnalités politique, notamment le Président actuel de la Polynésie Française, M. [J]; -l'affaire 19/163 pendante devant le Tribunal civil de première instance de Papeete, qui l'oppose à la SCI Emile Martin, société gérée par l'office notariale de Me [H] qui semble collaborer avec le Tribunal de première instance de Papeete en raison de l'émission d'un reçu portant le visa du Tribunal de première instance de Papeete; -l'affaire 19/021 pendante devant le Tribunal civil de première instance de Papeete, qui l'oppose à l'Office des Postes et Télécommunication, établissement public qui bénéficie régulièrement du soutien du Président du gouvernement de la Polynésie française. SUR CE Aux termes de l'article 200 du code de procédure civile de Polynésie française La récusation d'un juge n'est admise que pour les causes déterminées par la loi. Sauf dispositions particulières à certaines juridictions, la récusation d'un juge peut être demandée 1oSi lui-même ou son conjoint a un intérêt personnel à la contestation ;2oSi lui-même ou son conjoint est créancier, débiteur, héritier présomptif ou donataire de l'une des parties ;3oSi lui-même ou son conjoint est parent ou allié de l'une des parties ou de son conjoint jusqu'au quatrième degré inclusivement ;4oS'il y a eu ou s'il y a procès entre lui ou son conjoint et l'une des parties ou son conjoint ;5oS'il a précédemment connu de l'affaire comme juge, membre de la commission de conciliation obligatoire en matière foncière ou comme arbitre ou s'il a conseillé l'une des parties ;6oSi le juge ou son conjoint est chargé d'administrer les biens de l'une des parties ;7oS'il existe un lien de subordination entre le juge ou son conjoint et l'une des parties ou son conjoint ;8oS'il y a amitié ou inimitié notoire entre le juge et l'une des parties. 1- Monsieur [X] soutient : que Me [L] [O] est co-gérante de la société MDH et Associés, partie adverse de M. [X] [K] dans l'affaire 19/168, objet de la demande de renvoi. La famille de Me [L] [O] comprend des personnalités politiques qui sont, notamment, les anciens collaborateurs de M. [J], actuel Président du gourvernement de la Polynésie française. Mme [E] [L] est ou était, notamment, membre du groupe "Rassemblement pour une Majorité Autonomiste" (RMA), formé par [B] [J], Président de la Polynésie française, ainsi que présidente de la commission de la santé et du travail, représentant le président de l'assemblée de la Polynésie française. Il invoque que M. [J], Président du gouvernement de la Polynésie Française et grand maître de l'ordre de Tahiti nui, a organisé le 10 janvier 2020, une cérémonie dans les locaux du Tribunal de Papeete pour offrir un signe distinctif, une médaille de chevalier de l'ordre de Tahiti nui, au Magistrat M. [N] [I]-[P], afin de l'élever au rang de chevalier de l'ordre de Tahiti Nui. Cette cérémonie a bénéficié d'une publicité importante dans les médias et l'homme politique, ainsi que M. [I] [P], se sont affiché ensemble en publique et au sein même du Tribunal de Papeete, et Monsieur [J] a semblé vouloir mettre en avant un lien d'amitié avec Monsieur [I] [P].Monsieur [X] en tire qu'il doute de l'indépendance de la justice Polynésienne qui est sous influence politique. Toutefois la simple allégation que la famille de Me [L] [O] comprend des personnalités politiques qui sont, notamment, les anciens collaborateurs de M. [J], actuel Président du gouvernement de la Polynésie française, et qu'elle est ou était, notamment, membre du groupe "Rassemblement pour une Majorité Autonomiste" (RMA), formé par [B] [J], Président de la Polynésie française, ainsi que présidente de la commission de la santé et du travail, représentant le président de l'assemblée de la Polynésie française, circonstances mises en lien avec la remise d'une distinction à l'ancien premier président de la Cour d'appel de Papeete par le président de la Polynésie française, ne caractérise aucune suspicion légitime de partialité à l'encontre des magistrats du tribunal de première instance de Papeete dans un dossier dans lequel l'ancien premier président de la cour d'appel n'est pas intervenu et dans lequel Monsieur [J] n'est pas partie au litige. 2- Il n'est aucunement démontré que l'intervention de Monsieur [J] dans le cadre de cette remise de distinction puisse avoir une quelconque influence sur le traitement par les magistrats de première instance dans le dossier opposant Monsieur [X] à l'Office des Postes et Télécommunications. 3-La présence d'un tampon du tribunal de première instance au nom du président sur le reçu No 82550 établi par l'Etude de Me [H], Notaire, gestionnaire de la SCI de la rue Emile Martin le 03 décembre 2013 portant sur la réception du paiement par M. [X] [K] d'un "loyer [Adresse 1]" de 46 000 F.CFP au titre du bail professionnel de la SCI [Adresse 1] n'établit aucun lien étroit entre le tribunal de première instance de Papeete et l'étude notariale de Mo[H] 4- Monsieur [X] invoque que le bâtonnier et son délégué refusent de remplacer l'avocat qui a été désigné pour l'assister, alors que celui ci refuse de l'assister.Il ne peut ainsi bénéficier du concours d'un avocat. Toutefois l'article 200 du Code de procédure civile de la Polynésie française ne concerne que les juges et les griefs visant le Bâtonnier et son délégué ne sont pas de nature à remettre en cause l'impartialité des magistrats du tribunal de première instance. Les décisions prises par les juges de la mise en état ne peuvent caractériser un défaut d'impartialité de la juridiction 5- Dans ses conclusions déposées le 22 juillet 2020, Monsieur [X] fait valoir qu'un arrêt du 30 avril 2020, rendu dans la procédure enregistrée sous le numéro RG 16/00271 l'a débouté de toutes ses demandes caractérise l'acharnement des magistrats à son encontre,.Il invoque le caractère litigieux de cette décision en raison du confinement, période durant laquelle il n'y a pas eu d'audience ni d'accès au greffe, alors que l'arrêt mentionne une mise à disposition au greffe de la cour.Il invoque la polyvalence des magistrats en Polynésie l'agencement des locaux et la transmission d'information entre les juridictions;Il invoque la discrimination du Polynésie française.Il invoque le recours abusif au vigile et l'hostilité du greffe de la Cour d'appel.Il invoque la discrimination inverse au sein de la justice polynésienne.Il invoque l'abus d'autorité la prise illégale d'intérêts et l'entrave à l'accès du juge visant les avocats qui refusent de déférer à leurs désignations, l'influence du Bâtonnier et des membres du conseil de l'ordre sur la juridiction, l'entrave à l'accès au greffe pendant le confinement. Toutefois, les griefs relatifs à l'arrêt du 30 avril 2020 rendu par la cour d'appel sont étrangers à la présente requête dirigée contre le tribunal de première instance. Les autres arguments relèvent de considérations générales ne caractérisant aucun défaut d'impartialité des magistrats du tribunal de première instance dans les procédures objets de la requête en suspicion légitime. Il ne résulte ni de la requête ni des pièces produites à son soutien la preuve de l'existence d'un motif de nature à faire peser sur l'ensemble des juges composant le tribunal de première instance un soupçon légitime de partialité à l'égard du requérant PAR CES MOTIFS Rejetons comme non fondée la requête en suspicion légitime présentée par M. [K] [X] contre l'ensemble des juges du tribunal de première instance appelés à statuer dans le cadre des procédures 19/163, 19/168, 19/021 Disons que la présente ordonnance sera portée à la connaissance de la présidente du tribunal de première instance et qu'elle sera notifiée au requérant ainsi qu'au ministère public. Fait à Papeete, le 12 AOUT 2020. Le Premier Président signé : Thierry POLLE | |||||||||
JURITEXT000047636325 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/63/63/JURITEXT000047636325.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 31 mars 2023, 20/02638 | 2023-03-31 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 20/02638 | CT0087 | TRIBUNALJUDICIAIREDE PARIS 3ème chambre2ème section No RG 20/02638No Portalis 352J-W-B7E-CR3GR No MINUTE : Assignation du :30 Décembre 2019 JUGEMENT rendu le 31 Mars 2023 DEMANDEURS Monsieur [Z] [H][Adresse 6][Localité 1] (ALLEMAGNE) S.A.R.L. LEGI GmbH[Adresse 4][Localité 3] (ALLEMAGNE) représentés par Maître Dariusz SZLEPER de l'AARPI SZLEPER HENRY Avocats, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R0017 DÉFENDERESSE S.A.S. SETP[Adresse 5][Localité 2] représentée par Maître Thi my hanh NGO-FOLLIOT, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #B0853 Copies délivrées le : - Maître SZLEPER #R17 - exécutoire- Maître NGO-FOLLIOT #B853 - certifié conformeet par Maître Vincent BERTHAT, avocat au barreau de Dijon, avocat plaidant, COMPOSITION DU TRIBUNAL Madame Irène BENAC, Vice-PrésidenteMonsieur Arthur COURILLON-HAVY, JugeMadame Linda BOUDOUR, Juge assisté de Quentin CURABET, Greffier DÉBATS A l'audience du 21 Octobre 2022 présidée par Irène BENAC tenue en audience publique avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe, en dernier lieu, le 31 Mars 2023. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe ContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE 1. M. [Z] [H] et la société de droit allemand Legi reprochent à la société SETP de fabriquer et commercialiser des gabions en contrefaçon de plusieurs revendications de la partie française du brevet européen EP 1 186 719 (le brevet en cause, ou le brevet), dont ils sont co-titulaires ; la société SETP invoque reconventionnellement la nullité de ces revendications et en conteste la mise en oeuvre par son produit, dénommé Stonebox. 2. Un gabion est un caisson (un panier ou une cage) empli de sable ou de cailloux, servant à construire des quais, des ouvrages de soutènement, notamment dans les ports ou le long des voies d'eau. 3. Le brevet EP 1 186 719, qui s'intitule Gabion, a été demandé le 7 septembre 2001, sous priorité d'un modèle d'utilité allemand du 8 septembre 2000 ; il a été délivré le 17 novembre 2004, et a expiré le 7 septembre 2021. 4. Il a fait l'objet d'une procédure d'opposition, mais a été maintenu. Il a également fait l'objet de plusieurs actions en nullité en France et en Allemagne. En France, une action en contrefaçon et une demande reconventionnelle en nullité devant le tribunal de grande instance de Lyon se sont résolues en 2012 par une transaction. En Allemagne, le brevet a été partiellement annulé par le tribunal fédéral des brevets (Bundespatentgericht) le 20 février 2011 (10 Ni 8/10) ; cette version modifiée du brevet a à nouveau été jugée valide dans une autre procédure par la cour fédérale de justice de ce pays (Bundesgerichtshof) le 11 aout 2015 (X ZR 83/13). Enfin, la partie française du brevet a été limitée en 2019 à la demande des titulaires. 5. La société SETP a été sous-licenciée du brevet de 2005 à 2009. M. [H] et la société Legi se sont ensuite plaints d'un nouveau système de gabion commercialisé par la société SETP, qui leur a finalement paru conforme. Ils lui reprochent désormais d'avoir ultérieurement modifié son produit Stonebox, d'une façon qui selon eux met en oeuvre l'invention. 6. Après une saisie-contrefaçon le 4 décembre 2019, ils ont assigné la société SETP devant ce tribunal le 30 décembre 2019. Ils ont parallèlement demandé au juge des référés une interdiction provisoire qui a été refusée, ce qu'a confirmé la cour d'appel. L'instruction a été close le 19 mai 2022. 7. Dans leurs dernières conclusions du 17 mai 2022, la société Legi et M. [H] résistent aux demandes reconventionnelles et, invoquant la contrefaçon des revendications 1, 5, 6, 7, 9, 10 et 14 du brevet, demandent avec bénéfice de l'exécution provisoire de condamner la défenderesse à leur payer une indemnité de 50 000 euros à chacun pour l'atteinte à la valeur du brevet, une provision de 723 957,79 euros pour le préjudice commercial, ainsi qu'une expertise pour apprécier ce préjudice, ou subsidiairement un droit d'information sous astreinte, la publication de la décision sous astreinte, outre 45 000 euros à chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens (à recouvrer par leur avocat). 8. Dans ses dernières conclusions du 11 mai 2022, la société SETP résiste aux demandes, soulevant également l'irrecevabilité de la demande de publication, et demande reconventionnellement la nullité des revendications qui lui sont opposées, 45 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens (à recouvrer par son avocat). 9. Contre la validité du brevet, la société SETP estime qu'il n'est pas nouveau ni inventif au regard de trois brevets antérieurs relatifs à des gabions immergés, invoque également l'absence d'application industrielle qu'elle associe à l'insuffisance de description, au motif que, selon elle, ce n'est pas la caractéristique essentielle de la revendication 1 qui résout le problème technique ; elle évoque encore en passant le fait que le brevet s'étendrait au-delà de la demande initialement déposée. En réponse, les brevetés contestent le défaut de nouveauté et d'activité inventive en faisant valoir que les antériorités ne divulguent notamment pas la caractéristique essentielle de la revendication 1, et ne concernent pas le même problème technique ; ils réfutent également explicitement l'absence d'application industrielle et l'extension indue. 10. Sur la contrefaçon, la société SETP conteste la reproduction de plusieurs caractéristiques des revendications du brevet, en se prévalant notamment de l'analyse menée par le juge des référés en première instance et en appel, au regard de la portée de ces revendications. MOTIVATION I . Demande reconventionnelle en nullité du brevet 1 . Cadre juridique et portée du brevet a. Cadre juridique 11. L'article L. 614-12 du code de la propriété intellectuelle prévoit que la nullité d'un brevet européen est prononcée en ce qui concerne la France par décision de justice pour l'un quelconque des motifs visés à l'article 138, paragraphe 1, de la Convention de Munich sur le brevet européen (la Convention de Munich), lequel est ainsi rédigé : « (1) Sous réserve de l'article 139, le brevet européen ne peut être déclaré nul, avec effet pour un État contractant, que si : a) l'objet du brevet européen n'est pas brevetable en vertu des articles 52 à 57 ; b) le brevet européen n'expose pas l'invention de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter ; c) l'objet du brevet européen s'étend au-delà du contenu de la demande telle qu'elle a été déposée ou, lorsque le brevet a été délivré sur la base d'une demande divisionnaire ou d'une nouvelle demande déposée en vertu de l'article 61, si l'objet du brevet s'étend au-delà du contenu de la demande antérieure telle qu'elle a été déposée ; d) la protection conférée par le brevet européen a été étendue ; (...). » b. Présentation de l'invention 12. La description du brevet en cause enseigne que les gabions, ou « paniers à pierre », connus de l'art antérieur sont habituellement amenés au chantier pliés ou à plat, et remplis directement à leur futur emplacement, ce qui peut être pénible [0004] ; et qu'on connait déjà un moyen pour transporter et positionner un gabion pré-rempli, en le fixant à plusieurs cordes ou chaines, dont la fixation et la libération nécessite du temps et de la main-d'oeuvre [0005], ou encore en portant le gabion par les mailles situées aux coins du couvercle [0006]. 13. L'invention se propose alors de faciliter et accélérer l'utilisation des gabions et de leur trouver de nouvelles utilisations, grâce à une anse de soulèvement reliée fermement au fond du gabion [0008] [0009], et plus généralement par un gabion qui conserve à l'état rempli sa forme lorsqu'il est soulevé, transporté sur le chantier et mis en place [0001]. La description précise enfin que les avantages de l'invention résident essentiellement dans le fait qu'elle permet de fournir au chantier des gabions prêts à être installés et de les mettre en place [0031]. 14. Le brevet, tel que limité, comprend 14 revendications. La première, dont les 13 autres sont dépendantes, telle que limitée, est identique à la revendication 1 qui a été approuvée après nullité partielle par les juridictions allemandes. Elle est ainsi rédigée : 1. Gabion constitué d'un élément plan formant le fond, quatre éléments plans formant les faces latérales et un élément plan formant la surface supérieure, les éléments plans étant reliés les uns aux autres, lequel gabion conserve à l'état rempli sa forme lorsqu'il est soulevé, transporté sur le chantier et mis en place sur le chantier, caractérisé en ce qu'une anse de soulèvement est prévue pour soulever le gabion, cette anse étant reliée fermement au fond du gabion. 15. Les parties s'accordent à considérer l'anse de soulèvement fermement reliée au fond du gabion comme la caractéristique essentielle de cette revendication. c. Définition de certaines notions 16. Les parties s'opposent (plus ou moins explicitement) sur le sens et la portée de deux caractéristiques de la revendication 1 : l'anse de levage, et le fait qu'elle soit « reliée fermement au fond ». Elles en tirent des conséquences divergentes tant pour la nullité que pour la contrefaçon, ce qui impose une définition uniforme et cohérente. 17. En application de l'article 69 de la Convention de Munich, l'étendue de la protection conférée par le brevet européen est déterminée par les revendications, que la description et les dessins servent à interpréter. L'article 1 de son protocole interprétatif précise que ce texte ne doit pas être lu comme signifiant que la description et les dessins servent uniquement à dissiper les ambigüités que pourraient receler les revendications, ni comme réservant à celles-ci le rôle de lignes directrices, mais doit conduire à une position intermédiaire qui assure à la fois une protection équitable au demandeur et un degré raisonnable de certitude aux tiers. Anse de levage 18. L'anse de levage, selon la société SETP, doit être entendue strictement en référence aux figures du brevet, qui ne montrent qu'une tige cintrée en U ou en V inversé. C'est en ce sens également que l'a entendue l'ordonnance du juge des référés (p. 11), « à savoir un élément saillant recourbé en arc ou en U inversé », et qui a retenu que le levage par des tiges ou cordes saillantes munies de boucles (ce que les parties appellent élingue) n'utilisait pas une « anse » au sens du brevet. 19. Toutefois, rien n'indique, dans le brevet, qu'il faille donner au terme anse une définition plus restrictive que son sens commun ; la description n'apporte au contraire aucune définition spécifique de cette notion, et les détails de forme que peut prendre cette anse ne sont donnés que comme variantes de l'invention, comme l'indique le paragraphe [0015] que cite la société SETP elle-même (ses conclusions p. 24), et comme le confirment les revendications, qui, après la revendication 1 qui mentionne seulement une anse de levage, précisent aux revendications 2 à 4 la forme que peut, éventuellement, prendre cette anse ; quant aux illustrations, elles ne sauraient à elles seules limiter le sens des notions revendiquées. Or, comme le soulèvent la société Legi et M. [H], les dictionnaires Larousse et Robert définissent l'anse respectivement comme « une partie recourbée en arc, en anneau etc., par laquelle on prend certains récipients » et « la partie recourbée et saillante de certains ustensiles permettant de les saisir » ; il faut alors retenir de cette définition que l'anse de levage est un dispositif courbé, en arc ou en anneau, permettant à un engin de levage de soulever le gabion. 20. Ainsi, au sens du brevet en cause, une anse de levage est un dispositif courbé permettant à un engin de levage de soulever le gabion. Reliée au fond du gabion 21. L'expression « reliée fermement au fond » est vague : elle n'indique pas par quel moyen s'opère le lien entre l'anse de levage et le fond, ni si ce lien est direct ou indirect. Le choix d'un terme vague (reliée) n'est pas neutre et il faut en tenir compte. Son sens est notamment plus général que celui des mots attaché ou fixé. Le lien exigé par cette expression n'est donc pas nécessairement une connexion physique directe, c'est-à-dire qu'il peut passer par plusieurs éléments matériels transmettant la force de levée de l'un à l'autre (comme dans une chaîne, par exemple). 22. Il faut toutefois tenir compte également du contexte dans lequel est employée cette expression, et en particulier des exemples antérieurs dont le brevet entend explicitement se départir : la description (rappelée ci-dessus au point 12) cite uniquement des méthodes de levage consistant à exercer la force sur la paroi supérieure ou les coins supérieurs, donc les parois supérieures et latérales. Il ressort ainsi de l'ensemble du brevet que l'invention réside dans la transmission de la force de levage à la paroi du fond sans l'intermédiaire d'une autre paroi. 23. Ainsi, au sens du brevet, l'expression reliée au fond veut dire que la force exercée sur l'anse de levage est transmise directement à la paroi du fond du gabion. Cette transmission peut passer par plusieurs éléments attachés les uns aux autres dès lors que c'est au fond, et non au contenu ou aux autres parois, que la force est transmise en premier lieu. Reliée fermement 24. Enfin, l'adverbe fermement, qui n'est pas expliqué dans la description, exprime simplement une certaine solidité du lien lui-même, sans pour autant impliquer une résistance extrême. Il ne s'agit pas nécessairement d'un lien inamovible. 2 . Extension au-delà du contenu de la demande Moyens des parties 25. La société SETP soutient que la demande de brevet ne précisait pas que l'anse était fixée « au fond » du gabion, et que cet ajout en cours de procédure d'examen constitue donc une extension de l'objet du brevet ou de la protection. La société Legi et M. [H] répondent que comme l'a jugé la cour fédérale allemande, cette caractéristique ressortait des illustrations. Réponse du tribunal 26. Comme le soulèvent la société Legi et M. [H], le fait que ce soit « au fond » du gabion qu'est reliée l'anse de levage n'est certes pas écrit dans la description ou dans les revendications de la demande initiale, mais cela ressort clairement et sans ambigüité de sa figure 1 a (pièce Legi no38), représentée ci-dessous, où l'on voit que la paroi du gabion à laquelle est reliée l'anse est celle du fond. 27. Le moyen tiré de l'extension de l'objet du brevet ou de la protection est donc infondé. 3 . Application industrielle et suffisance de description Moyens des parties 28. La société SETP, invoquant l'article 57 et l'article 138, a) de la Convention de Munich en ce qu'ils conditionnent la brevetabilité à la possibilité d'une application industrielle, soutient que ce qui permet au gabion selon le brevet en cause de conserver sa forme lorsqu'il est transporté n'est pas l'anse reliée au fond, mais la structure et la robustesse du gabion lui-même ; comme pour un sac, que l'on porte par en-dessous mais qui s'affaisse et se déforme s'il n'est pas robuste lui-même. Ce serait au demeurant ce qu'indiquerait la description du brevet. Elle intègre ces arguments dans une partie intitulée « Application industrielle et insuffisance de description ». 29. Les titulaires du brevet répondent qu'en application de l'article 57 de la Convention de Munich, il suffit que l'objet de l'invention puisse être fabriqué ou utilisé, ce qui est le cas ici selon eux ; qu'à supposer que l'anse reliée fermement au fond du gabion ne suffise pas à préserver sa forme lors du soulèvement, elle n'en produit pas moins un effet technique ; qu'au demeurant, ce que critique la demanderesse à la nullité n'est pas réellement une absence d'application industrielle, mais une supposée absence de résultat industriel, ou technique, c'est-à-dire, expliquent-ils, une absence d'intérêt pratique, ce qui n'est pas une condition de brevetabilité. Enfin, ils font valoir que si l'anse fermement reliée au fond n'était pas le moyen technique permettant d'atteindre le résultat revendiqué, la société SETP n'aurait pas eu besoin elle-même de le reproduire servilement. Réponse du tribunal 30. Aux termes des articles 52 et 57 de la Convention de Munich, l'invention, pour être brevetable, doit être susceptible d'application industrielle, c'est-à-dire que son objet puisse être fabriqué ou utilisé dans tout genre d'industrie, y compris l'agriculture. 31. Par ailleurs, l'article 138, point c) de la convention, précité, prévoit qu'est déclaré nul le brevet européen qui n'expose pas l'invention de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter. 32. Contrairement à ce que soutient la demanderesse à la nullité, le fait que le résultat technique revendiqué ne soit pas atteint par le moyen technique revendiqué ne caractérise pas une impossibilité d'utiliser l'objet de l'invention dans l'industrie. Ce peut être en revanche un motif d'insuffisance de description si, en mettant en oeuvre les enseignements du brevet, l'homme du métier n'est pas en mesure de reproduire l'invention. 33. Cependant, le fait que d'autres moyens techniques contribuent au même effet technique, tel que la robustesse du gabion pour éviter sa déformation, n'est pas une preuve de ce que cet effet ne puisse être atteint en suivant les enseignements du brevet. Au demeurant, et comme le soulève la demanderesse à la nullité elle-même, la description du brevet enseigne plusieurs moyens pour éviter la déformation du gabion plein lorsqu'il est transporté (sa construction et le compactage du contenu, aux paragraphes [0011] et [0034]), moyens dont elle affirme que ce sont eux qui assurent l'effet tenant au maintien de la forme. Il n'est donc, en définitive, pas contesté que l'homme du métier, à la lecture du brevet, est en mesure de fabriquer un gabion qui conserve à l'état rempli sa forme lorsqu'il est soulevé, transporté sur le chantier et mis en place sur le chantier, et donc de mettre en oeuvre l'invention. 34. La nullité ne peut donc pas être prononcée de ces chefs. 4 . Nouveauté et activité inventive 35. Les documents de l'art intérieur invoqués par les parties sont les trois brevets ou demandes de brevets suivants ; elles les ont désignés non pas par le nom de leur inventeur, mais par le nom du déposant ; pour la clarté du raisonnement, la même désignation est adoptée ci-après. Il s'agit de : - la demande de brevet européen EP 0 106 745 A2, intitulée Procédé et installation de pose d'un tapis de protection sur un fond immergé, publiée le 25 avril 1984 (pièce SETP no14), ci-après le document Citra ; - le brevet des États-Unis US 4 477 206, intitulé Élément flexible en forme de matelas utilisable comme ballast pour immobiliser et protéger des pipelines sous-marins, délivré le 16 octobre 1984 (pièce SETP no9), ci-après le document Maccaferri ; - le brevet européen EP 0 881 334 B1, intitulé Méthode de fabrication d'un objet flexible type matelas, pour la protection, le lestage et le support d'un conduit ou câble sous-marin, dont la demande a été publiée le 2 décembre 1998 (pièces SETP no13 et 13 bis), ci-après le document Sarti. Moyens des parties 36. Les parties ont regroupé en un ensemble unique leurs développements relatifs à la nouveauté et l'activité inventive. 37. La société SETP soutient à titre liminaire que l'homme du métier, qu'elle définit à l'instar du juge des référés comme un ingénieur dans le domaine du génie civil, savait déjà transporter un gabion sans le déformer, comme le démontrerait l'issue du procès à Lyon contre la société Maccaferri, la transaction conclue avec celle-ci l'autorisant à exploiter le brevet et même à en concéder des sous-licences, jusqu'à son expiration, sans aucune des contreparties usuelles hormis un prix dont la mention est occultée dans le document communiqué ici par les titulaires du brevet. 38. Elle estime aussi, en substance, que le problème technique n'est pas d'empêcher la déformation du gabion mais de rendre plus commode sa manutention ; et que le mode de levage par le fond était connu (notamment par l'usage de porter un sac lourd par en-dessous). 39. Elle estime en particulier, sur le document Citra, que :- il contient des « éléments d'ancrage » formant des anses, qui sont reliés fermement au fond en ce qu'ils contiennent une partie horizontale servant à les fixer au fond du gabion, d'abord provisoirement, puis les pierres qui remplissent le gabion assurent leur fixation définitive ; c'est d'ailleurs par ce même système où les pierres qui se bloquent entre elles et contre les parois assurent la fixation définitive du moyen de soulèvement que son propre produit Stonebox est conçu, précise-t-elle ;- les gabions y sont transportés, d'abord au sec avant d'être immergés, et sans devoir se déformer, car ils doivent former ensemble un tapis pour recouvrir un ouvrage, ce qui serait impossible s'ils étaient déformés. 40. Elle expose ensuite, sur le document Maccaferri, que :- il s'agit d'un matelas certes flexible, mais composé de gabions parallèlépipédiques rigides dont les faces sont en grillage métallique, et qui conservent leur forme quand l'ensemble doit épouser une courbe, grâce à la robustesse des parois ;- le transport est facilité par des éléments de levage composés de câbles traversant le gabion et se finissant en haut par des boucles destinées à êtres prises par le crochet d'un engin de levage, et au fond par des boucles dans lesquelles sont engagés des tubes en acier bloqués sur le fond. 41. Sur le document Sarti, enfin, la société SETP fait valoir que :- le gabion est soulevé par un élément de levage relié à son fond, et non à ses côtés ou son dessus, par l'intermédiaire d'une structure de renforcement parallèle au fond, qui équivaut selon elle à la paroi supérieure d'un fond à double paroi, comme dans le gabion objet du litige à Lyon, qui reproduisait le brevet selon la société Legi et M. [H] ;- la revendication 8 en particulier divulgue un élément de levage (ancré dans une structure de renforcement parallèle au fond) consistant en un segment tubulaire « relié à une plaque de fixation » ;- s'il s'agit comme pour le document Maccaferri de gabions flexibles, il ne faut pas confondre gabions flexibles et gabions déformables. 42. La société Legi et M. [H], qui rappellent que ces trois antériorités ont été examinées par l'OEB ou la cour fédérale allemande, estiment qu'aucune ne divulgue un gabion constitué d'un treillis métallique comportant une anse de soulèvement reliée fermement au fond ; que le problème technique objectif à résoudre est le transport d'un gabion sans le déformer ; que la distinction faite par la société SETP entre flexible et déformable est infondée ; que, pour déclarer le brevet dépourvu d'activité inventive, il faut éviter toute approche a posteriori, et prouver, ce qui incombe au demandeur à la nullité, que l'art antérieur impose la solution technique à l'homme du métier, qu'ils définissent comme un ingénieur habitué des matériaux de construction ; et que la simplicité d'un moyen technique aurait été reconnu par la jurisprudence de l'OEB comme un indice sérieux de l'activité inventive (mais ils n'indiquent pas de décision en ce sens). 43. En particulier, sur le document Citra, ils exposent que :- il ne divulgue pas la caractéristique d'un élément plan formant la paroi supérieure, car les gabions y sont ouverts sur le dessus ;- il concerne des gabions en matériaux souples, comme des sacs, et un tapis de protection formé d'un grand nombre de gabions posés côte à côte, non un gabion individuel ;- les épingles n'y sont pas fixées au fond, mais passent à travers les parfois des gabions, et ne sont fixées que par les pierres lourdes se bloquant entre elles- il ne se préoccupe pas du problème technique lié à la déformation du gabion, mais d'une pose facile à partir de la surface de l'eau (description, p. 2, lignes 22-25) ; la forme même des gabions, ouverts sur le haut, et leurs parois flexibles, font qu'ils se déformeront inévitablement ; le maintien de la forme ne peut donc pas être atteint. 44. Sur le document Maccaferri, ils exposent que :- ce document, qui concerne des matelas flexibles à poser sur des canalisations sous-marines, n'a aucune similitude structurelle avec le brevet en cause, ne vise pas à répondre au même problème technique, mais à maintenir une certaine souplesse après la pose ;- il ne permet pas de maintenir la forme du gabion soulevé plein ;- ni ne divulgue d'anse de soulèvement ancrée fermement au fond, comme l'a retenu la cour allemande : les éléments de levage sont fixés sur des tubes qui ne sont pas fixés au fond du gabion, mais simplement posés au fond de l'élément flexible ; ils sont donc au-dessus du fond ; ils sont maintenus grâce au remplissage par un mélange thermoduscissable contenant du bitume ;- il ne peut s'agir de l'art antérieur le plus proche, car celui-ci doit chercher à résoudre le même problème technique ; le document Citra ne porte même pas sur un gabion rigide, et n'est utilisé qu'en milieu sous-marin ;- il ne relève pas du même domaine technique car il est déposé dans des catégories de brevet correspondant aux tuyaux et aux revêtements de berges, barrages, lits de cours d'eau ; l'homme du métier cherchant à résoudre un problème de déformation du gabion lors de son transport n'avait donc aucune raison de se pencher sur les moyens techniques d'un domaine éloigné du sien. 45. Et sur le document Sarti, ils exposent que- il concerne un matelas flexible qui n'a rien à voir avec les gabions (rigides) du brevet en cause ;- les moyens de soulèvement y sont placés au-dessus du fond, non reliés fermement à lui mais à une plaque de fixation noyée dans le matériau de remplissage au fond du gabion ;- l'homme du métier n'a là encore aucune raison de chercher un moyen technique lui permettant de garder rigide et non déformable un gabion réalisé en treillis métalliques, dans un procédé de fabrication d'un matelas flexible constitué de ciment à base d'asphalte mélangé à de la roche et des renforts métalliques. Réponse du tribunal a. Nouveauté 46. L'article 52 de la Convention de Munich limite la brevetabilité aux inventions nouvelles et inventives. En vertu de l'article 54, une invention est considérée comme nouvelle si elle n'est pas comprise dans l'état de la technique, lequel est constitué par tout ce qui a été rendu accessible au public avant la date de dépôt de la demande de brevet par une description écrite ou orale, un usage ou tout autre moyen. 47. Il résulte de ce texte que pour être comprise dans l'état de la technique et être privée de nouveauté, l'invention doit s'y retrouver tout entière, dans une seule antériorité au caractère certain avec les éléments qui la constituent dans la même forme, le même agencement, le même fonctionnement en vue du même résultat technique. 48. Le document Citra (Procédé et installation de pose d'un tapis de protection sur un fond immergé), concerne un tapis formé d'un grand nombre de gabions souples posés côte à côte. S'il divulgue des éléments d'ancrage dans les gabions permettant le levage de l'ensemble du tapis, il ne ressort pas de ce document que ces éléments d'ancrage soient fermement reliés au fond des gabions. En effet, d'une part, les épingles servant d'éléments de levage s'étendent verticalement au dessus du fond, ce qui ne permet donc pas de transmettre directement la force de levage à celui-ci ; d'autre part, le document Citra n'évoque une fixation de ces éléments d'ancrage que grâce au contenu du gabion, et non par une liaison au fond. La figure 1 de ce document, ci-dessous, invoquée par la société SETP, illustre ces caractéristiques. 49. Or, ainsi qu'il a été démontré aux points 22 et 23, le lien de l'anse au fond, au sens du brevet, implique que la force exercée sur l'anse soit transmise au fond sans l'intermédiaire d'une autre paroi ou du contenu. Certes, de par la cohérence de ce contenu et des parois reliées entre elles, la force exercée sur le contenu est transmise à la paroi supérieure et aux parois latérales, et de celles-ci à la paroi du fond, mais le principe de l'invention réside essentiellement dans le fait que la force de levée s'exerce en premier lieu sur le fond. 50. En divulguant seulement des éléments de levage ancrés dans le contenu ou les parois latérales, le document Citra ne divulgue donc pas la caractéristique de la revendication 1 tenant à ce que l'anse soit reliée fermement au fond. 51. Le document Maccaferri concerne comme son titre l'indique un élément flexible en forme de matelas utilisable comme ballast pour immobiliser et protéger des pipelines sous-marins, matelas qui est constitué de gabions. S'il évoque des moyens de levage, aucun de ces moyens n'est relié au fond du gabion, et moins encore relié fermement : tous sont dans des positions « adjacentes » ou « proches » du fond du gabion (« disposed at intervals in positions adjacent the bottom wall of the gabion », colonne 2, lignes 37-38 ; « close to the bottom of the gabion », colonne 2, lignes 61-62). Les figures ne divulguent pas davantage de lien ferme avec le fond, mais seulement des éléments posés sur le fond, qui transmettent donc la force de levée sur le contenu, et non sur la paroi inférieure. 52. Le document Sarti concerne lui aussi des matelas destinés à recouvrir des conduites sous-marines. Il cherche cependant à se distinguer des gabions connus de l'art antérieur, qui présentent selon lui plusieurs inconvénients. En substance, la robustesse de la structure divulguée dans ce document provient non pas de ses parois, qui sont, selon un mode de réalisation préféré, en tissu geotextile, mais d'une armature grillagée (5) (« a wire net reinforcement frame »). Cette armature est parallèle à la paroi du fond, et noyée dans le matériau de remplissage qui se répartit en deux couches, l'une au-dessus, l'autre en-dessous de l'armature. C'est sur celle-ci que s'exerce la force de levée lorsque le matelas est transporté : une sangle (12) (ou un anneau, 20) est retenu par une goupille de fixation (11, 18) elle-même retenue soit par l'armature, comme l'illustre la figure 1 ci-dessous, soit par des plaques verticales émergeant d'une plaque horizontale, dont la description et la revendication 8 indiquent qu'elles sont toutes trois « ancrées » ou « noyées » dans le matériau de remplissage, comme l'illustrent les figures 8 et 9 ci-dessous (qui représentent le même élément de levage de face et de côté).53. L'armature (5) ne peut être assimilée, comme le fait la société SETP, à une première paroi d'un fond à double paroi : cette armature est noyée dans le contenu du gabion et ne saurait donc s'analyser en un élément du fond. Quant à la plaque de fixation horizontale (15) de laquelle émergent les deux plaques verticales (16, 17) qui fixent la goupille (18) retenant elle-même l'anse (20), si la figure la présente accolée au fond du gabion, rien, ni dans ces deux figures, ni dans les revendications, ni dans la description du document Sarti n'indique qu'elle est fixée d'une façon ou d'une autre à ce fond. Au contraire, la description et la revendication 8 évoquent cet élément de levage comme étant ancré ou noyé dans le matériau de remplissage (3, 4). C'est donc à ce matériau, et non au fond du gabion, que la force de levée est transmise directement, de sorte que le document Sarti ne divulgue pas la caractéristique de la revendication 1 du brevet en cause selon laquelle l'anse est fermement reliée au fond du gabion. 54. Les autres revendications, toutes dépendantes de la revendication 1 et ne faisant qu'y ajouter des caractéristiques supplémentaires, sont nécessairement nouvelles si celle-ci l'est. b. Activité inventive 55. En application de l'article 56 de la Convention de Munich, une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour un homme du métier, elle ne découle pas d'une manière évidente de l'état de la technique. 56. Pour apprécier l'activité inventive d'un brevet, il convient de déterminer d'une part l'état de la technique, d'autre part le problème technique objectif à résoudre, et enfin d'examiner si l'invention revendiquée aurait été évidente pour l'homme du métier. Les éléments de l'art antérieur ne sont destructeurs d'activité inventive que si, pris isolément ou associés entre eux selon une combinaison raisonnablement accessible à l'homme du métier, ils permettaient à l'évidence à ce dernier d'apporter au problème résolu par l'invention la même solution que celle-ci. 57. L'invention porte sur un gabion, de façon générale, ce qui correspond à des usages divers, aussi bien à terre que dans l'eau, le même terme de gabion étant employé dans l'ensemble des documents déjà examinés relatifs à ce dernier usage. L'objet essentiel reste le même à chaque fois, à savoir apporter un poids important pour soutenir un ouvrage. Au demeurant, l'une des catégories d'invention dans lesquelles est référencé le document Maccaferri, et dont se prévalent les défendeurs à la nullité pour affirmer que ce document relèverait d'un autre domaine technique que le brevet en cause, à savoir la catégorie E 02 B 3/12, concerne les revêtements de berges, barrages, lits de cours d'eau ou analogues, ce qui est précisément un usage attendu des gabions en général, y compris ceux du brevet en cause. Enfin, le fait que la revendication 1 ait été limitée à des gabions composés de 6 parois planes n'exclut en rien un usage sous-marin. 58. Le domaine technique peut donc être défini comme celui des gabions, en général, sans distinction selon leur usage, et les trois documents de l'art antérieur invoqués par les parties en relèvent. 59. Il s'en déduit également que l'homme du métier est, comme l'ont également retenu les juridictions allemandes et le juge des référés en France, un ingénieur des travaux publics ayant l'expérience de la conception et de l'usage des gabions. 60. Le problème technique est défini par les parties de façon légèrement divergente, les défendeurs à la nullité insistant sur le maintien de la forme lors du transport du gabion, tandis que la société SETP y voit plus généralement la simplification de la manutention du gabion rempli. Si le brevet mentionne clairement, jusque dans la revendication 1, l'objectif de maintenir la forme du gabion lorsqu'il est transporté, il ressort explicitement de sa description que l'invention cherche de façon plus générale à améliorer le transport du gabion rempli, sans se limiter au problème de la déformation, ce qui est résumé au paragraphe [0031], selon lequel « les avantages de l'invention résident essentiellement » dans la fourniture et la mise en place « au chantier de gabions prêts à être installés », ce qui n'était pas en soi nouveau mais méritait d'être amélioré, comme l'explique le paragraphe [0005] qui évoque une autre méthode de manutention, longue et couteuse. 61. L'homme du métier cherchant ainsi à améliorer la manutention de gabions remplis, les trois documents Citra, Maccaferri et Sarti, qui divulguent des procédés selon lesquels des gabions sont transportés remplis, étaient susceptibles de lui apporter des enseignement utiles. 62. Toutefois, si ces trois documents n'explicitent aucun problème lié à ce transport et le tiennent donc pour connu de l'homme du métier, il a été démontré (ci-dessus, points 48 à 53) qu'aucun ne divulgue, même indirectement, un moyen de soulever le gabion par une anse transmettant la force à la paroi du fond. Tous mentionnent ou illustrent une anse transmettant la force au contenu du gabion ou à ses parois latérales. Et aucune incitation ne résulte de ces documents à adopter une autre méthode, et spécifiquement la méthode du brevet en cause. 63. Cette méthode parait certes d'une très grande simplicité, et les défendeurs à la nullité ne peuvent évidemment être suivis lorsqu'ils affirment péremptoirement que la simplicité serait en soi un indice sérieux de l'activité inventive. Pour autant, la demanderesse à la nullité n'apporte aucune preuve d'une divulgation antérieure de ce moyen, qui n'est donc évident qu'au regard de celui qui le connait a posteriori, mais pas pour l'homme du métier confronté au problème de la manutention des gabions, qui ne l'avait jamais adopté avant le brevet en cause alors que le problème de la manutention des gabions remplis était déjà largement connu. Quant à l'analogie avec l'usage du port de sacs lourds par en-dessous, usage certes connu de tous, elle n'est pas fondée, l'invention consistant au contraire à porter le gabion par au-dessus. La revendication 1 est donc simple mais implique une activité inventive. 64. Il en va nécessairement de même des autres revendications, qui en dépendent et ne font qu'y ajouter des caractéristiques supplémentaires. 65. Aucun des moyens de nullité soulevés par la société SETP n'est donc fondé, et par conséquent sa demande en ce sens est rejetée. II . Demandes en contrefaçon du brevet 1 . Atteinte au droit exclusif d'exploitation 66. La revendication 1 du brevet peut être décomposée ainsi selon ses caractéristiques : a. gabion constitué d'un élément plan formant le fond, quatre éléments plans formant les faces latérales et un élément plan formant la surface supérieure, b. les éléments plans étant reliés les uns aux autres, c. lequel gabion conserve à l'état rempli sa forme lorsqu'il est soulevé, transporté sur le chantier et mis en place sur le chantier, d. caractérisé en ce qu'une anse de soulèvement est prévue pour soulever le gabion, e. cette anse étant reliée fermement au fond du gabion. Moyens des parties 67. La société SETP, qui reproche aux demandeurs de se fonder sur l'imprécision de leur brevet, soutient que : a. son gabion n'est pas constitué d'un élément plan formant le fond, quatre éléments plans formant les parois latérales, car le fond et deux parois latérales sont en fait constituées d'une (unique) bande de grillage pliée deux fois à angle droit (en U) ; d. son gabion est soulevé par une « élingue », qu'elle définit comme une corde qui a un noeud coulant à chaque bout, et non par une anse ; e. son élingue n'est pas reliée fermement au fond du gabion, mais constituée de deux extrémités se terminant par une boucle attachée à une barre métallique se trouvant sous le fond, qui ne fait donc pas partie de celui-ci, et n'y est reliée que provisoirement par des agrafes ne résistant chacune qu'à une force de 60 kg et se défaisant en partie lors de la manutention, de sorte que ce lien n'est pas solide ; qu'en outre la barre métallique peut s'enlever facilement, est de petite taille, et n'est liée qu'à l'une des doubles barres constituant le fond ; et que la forme parallèlépipédique est banale et non protégeable ; que d'autres caractéristiques d'autres revendications étaient également connues ; 68. La société Legi et M. [H], se fondant sur un procès-verbal de saisie-contrefaçon du 4 décembre 2020, font valoir, notamment, que :a. « il a été démontré » que le gabion Stonebox contient des éléments plans conformément à la revendication 1 ;e. la barre métallique reliant l'anse au fond est bien fermement reliée à celui-ci, car lorsque le gabion est posé sur le côté, elle ne tombe pas, maintenue par les multiples agrafes, que même en tirant dessus, on ne peut les enlever et que la force des agrafes est suffisante pour déformer la barre du fond à laquelle elles sont accrochées. 69. Ils invoquent subsidiairement une contrefaçon par équivalence, en ce que l'élingue du gabion Stonebox reproduirait l'effet technique de l'anse du brevet en vue de parvenir au même résultat ; Réponse du tribunal 70. En application des articles L. 614-9 et L. 613-3 du code de la propriété intellectuelle, sont interdites, à défaut de consentement du propriétaire du brevet européen, la fabrication, l'offre, la mise dans le commerce, l'utilisation, l'importation, l'exportation, le transbordement, ou la détention aux fins précitées du produit objet du brevet. L'atteinte à ce droit exclusif est qualifié par l'article L. 615-1 de contrefaçon, engageant la responsabilité civile de son auteur. 71. Il est établi par le procès-verbal de saisie-contrefaçon du 4 décembre 2020 (pièce Legi no8), et au demeurant admis par les parties, que la société SETP fabrique et met dans le commerce des gabions, dénommés Stonebox, en grillage métallique, constitués d'un grand élément plié en U formant à la fois la paroi du fond et deux parois latérales, et d'éléments plans formant deux autres parois latérales ainsi qu'un élément plan formant la paroi supérieure ; que ces gabions peuvent être soulevés par la boucle, fermée par une bague, que forme, au-dessus du gabion, le milieu d'une tige ou corde métallique (« élingue ») dont les deux extrémités se trouvent sous le fond du gabion, extrémités se terminant chacune par une petite boucle, enfilée dans une barre métallique située sous le fond du gabion et accrochée à celui-ci par des agrafes. Une représentation issue de la notice de montage des gabions Stonebox (pièce Legi no20 et conclusions SETP, p. 29) est reproduite ci-dessous, où l'ont voit deux élingues avec leur boucle supérieure, leurs deux extrémités inférieures, et les barres sous le fond auxquelles celles-ci sont attachées. La petite boucle reliant chaque extrémité des élingues à la barre, et les agrafes reliant les barres au grillage du fond ne sont pas visibles sur la photographie en raison de leur petite taille mais il est constant qu'elles sont présentes.72. (a) La société SETP estime que le grand élément plié en U ne s'analyse pas en trois éléments plans formant respectivement le fond et deux parois latérales, mais (implicitement), en un élément unique. Pourtant, chaque composant du gabion peut, lui-même, être divisé en composants plus petits (chaque paroi est une grille composée de tiges), et le gabion dans son ensemble peut réciproquement être désigné comme un « élément » d'ensemble : un élément peut faire partie d'un autre élément plus vaste, et être lui-même composé d'éléments plus petits. Ainsi, le fait que trois parois du gabion soient préformées en un élément global plié en U n'empêche pas de voir, composant cet élément, trois sous-éléments correspondant chacun à une paroi. Or les gabions Stonebox comprennent bien une paroi plane formant le fond, quatre parois planes formant les faces latérales, et une paroi plane formant la surface supérieure, chacune de ces parois étant en tant que telle un élément, faisant partie d'autres éléments plus vastes. Autrement formulé, le fait que parmi ces 6 éléments plans, 3 composent ensemble un élément plus vaste est indifférent. La seule différence relève en définitive de leur mode d'assemblage, qui n'est pas revendiqué et n'a donc pas à être pris en compte. Ainsi, l'argument de la société SETP revient à réduire artificiellement la portée du brevet par l'ajout implicite d'une caractéristique non revendiquée (le mode d'assemblage) ; et la caractéristique a. est reproduite par les gabions Stonebox. 73. (b) Il est constant, et manifeste, que les 6 parois, chacune formant un élément plan, sont reliées ensemble. 74. (c) Il n'est pas contesté que les gabions Stonebox conservent leur forme à l'état rempli. 75. (d) Il résulte de la portée de la notion d'anse de soulèvement au sens du brevet (cf ci-dessus, points 18 à 20) que la boucle supérieure formée par la tige, corde, ou élingue, des gabions stonebox est une anse de soulèvement. 76. (e) Selon la société SETP, les élingues se sont pas reliées fermement au fond car les barres métalliques auxquelles elles sont fixées sont « ajoutées, distinctes de la structure et fixées en dessous ». Toutefois, dès lors que ces barres, précisément situées sous le fond, permettent de transmettre en premier lieu à la paroi du fond, et non à une autre paroi ou au contenu du gabion, la force de levée exercée sur l'anse, celle-ci est bien reliée au fond au sens du brevet (cf ci-dessus points 21 à 23). La caractéristique e. est donc bien reproduite. 77. La barre métallique transmettant la force de levée de l'élingue à la paroi du fond est reliée à celle-ci par sa position (immédiatement en-dessous), et fixée à elle par des agrafes qui l'attachent à l'une des tiges du grillage constituant cette paroi du fond. Comme le soulèvent la société Legi et M. [H], il ressort du procès-verbal de saisie-contrefaçon que non seulement ces barres restent en place quand on pivote le gabion, mais qu'elles ne peuvent pas même être retirées en tirant sur elles à la main (procès-verbal, pièce Legi no8, p. 54). L'anse est donc fermement reliée au fond du gabion. 78. Les gabions Stonebox, reproduisant ainsi toutes les caractéristiques de la revendication 1 du brevet, il mettent en oeuvre celui-ci, de sorte que leur fabrication et leur mise dans le commerce, n'ayant pas été autorisées, sont interdites et constituent une contrefaçon engageant la responsabilité civile de leur auteur, sans qu'il soit besoin d'examiner les griefs relatifs aux autres revendications. 2 . Réparation Moyens des parties 79. La société Legi et M. [H] demandent une indemnité forfaitaire, mais provisionnelle, de 723 957,79 euros, déterminée selon un taux de 8%, supérieur au taux de 6% qui aurait été justifié selon eux en cas de licence, appliqué au chiffre d'affaires de 9 049 472,46 euros dont la saisie-contrefaçon a révélé qu'il avait été réalisé entre le 4 décembre 2014 et le 4 décembre 2019 sur les gabions de format 200x100x100 et 100x100x100. Estimant que ce chiffre d'affaires n'est pas exhaustif car d'autres formats de gabions sont fabriqués (sur mesure et en trapèze), qu'il ne couvre que les ventes faites en France (et non les exportations), et que la contrefaçon a continué après la saisie-contrefaçon du 4 décembre 2019, ils réclament une mesure d'expertise ou à tout le moins la communication d'éléments comptables, certifiés par un expert comptable, au titre du droit d'information. 80. Ils estiment en outre que la défenderesse a fait croire aux milieux intéressés qu'il n'y avait pas de monopole résultant du brevet, portant ainsi atteinte à sa valeur, d'autant plus, précisent-ils, que le brevet a expiré le 7 septembre 2021, ce qui caractérise selon eux un préjudice de 50 000 euros à chacun d'eux. 81. Ils demandent enfin une mesure de publication pour « informer les tiers » de leurs droits de propriété intellectuelle, au regard de la gravité et de la durée de la contrefaçon, commise par une ancienne licenciée. 82. En réponse, la société SETP expose que le tribunal doit estimer une perte de chance que la redevance de 8%, non justifiée selon elle, ne permet pas d'établir ; que les fichiers informatiques communiqués en cours d'instance comme étant ceux obtenus lors de la saisie « semblent » en substance incomplets ; que si des dommages et intérêts étaient tout de même justifiés, une expertise s'imposerait. Elle conteste toute atteinte à la valeur du brevet, faisant valoir qu'une imitation peut au contraire s'imposer sur le marché et créer la réputation d'une technique ou d'une substance. 83. Elle estime la demande de publication irrecevable, en ce qu'elle serait indéterminée, et vexatoire, car le brevet a expiré, outre, précise-t-elle, que « il n'est pas démontré qu'une licence de brevet expiré ait été exploitée effectivement en France, ce qui rendrait la demande de publication mal fondée. » Réponse du tribunal a. Dommages et intérêts 84. En vertu de l'article L. 615-7 du code de la propriété intellectuelle, pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en compte distinctement les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée, le préjudice moral causé à cette dernière, et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon. 85. Le second alinéa de cet article prévoit, à titre alternatif et à la demande de la partie lésée, la possibilité d'allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire, supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte ; et qui n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée. 86. Les demandeurs affirment que les fichiers informatiques obtenus par l'huissier lors de la saisie-contrefaçon révèlent que les deux gabions Stonebox de dimensions 200x100x100 et 100x100x100, dont il est constant qu'ils contiennent l'élingue contrefaisante, ont été vendus pour un chiffre d'affaires total de 9 049 472,46 euros du 4 décembre 2014 au 4 décembre 2019. La défenderesse, qui semble douter de ces documents sans en tirer pour autant de conséquence, ne conteste pas expressément ce montant. Or elle est la plus à même d'apporter la contradiction à cette allégation, en affirmant elle-même le chiffre d'affaires réel qu'elle a réalisé, s'il devait être différent de celui que les demandeurs affirment issu de la saisie-contrefaçon, ce qu'elle ne fait pas. Les fichiers invoqués proviennent donc bien de la saisie-contrefaçon et ils établissement le chiffre d'affaires minimum des ventes de produits contrefaisants. 87. Comme c'est leur droit, les demandeurs réclament l'application du second alinéa de l'article L. 615-7. Ils invoquent un taux de licence de 8% par référence à un taux de 6% qui serait justifié dans le secteur. Ils n'apportent toutefois aucun élément pour le démontrer, et la défenderesse n'apporte aucun élément pour le contredire, sans qu'aucune partie n'estime utile de communiquer d'autres licences complètes portant sur ce brevet, et en particulier la sous-licence qui avait antérieurement été concédée à la société SETP. 88. Il peut toutefois être observé que la seule licence communiquée (pièce Legi no10), conclue avec le licencié exclusif pour la France, comporte seulement une redevance annuelle fixe, dont le montant pour l'ensemble de la France est de seulement 5 chiffres, au regard de la faible longueur de la partie noircie (caviardée), soit moins de 100 000 euros. Cette redevance doit être comparée à celle qu'invoquent les demandeurs contre la défenderesse : sur un chiffre d'affaires d'au moins 1 800 000 euros par an (9 millions divisés par 5), le taux usuel de 6% qu'ils invoquent correspondrait à une redevance de 108 000 euros, soit, de peu, dans un autre ordre de grandeur. En l'absence d'autres éléments, il faut donc retenir un taux usuel de licence légèrement plus faible que celui-ci allégué, donc 5%, et le majorer à 7% pour tenir compte du préjudice supérieur engendré par l'absence d'autorisation préalable, ce qui permet de retenir une provision, appliquée au chiffre d'affaires prouvé par la saisie-contrefaçon, de 633 000 euros. 89. En revanche, il ne s'infère pas en soi de l'exploitation d'un brevet une perte de valeur de celui-ci pour l'avenir. L'atteinte au monopole prive le titulaire de tout ou partie de la valeur économique qu'il aurait dû lui conférer, et c'est précisément ce qu'indemnise l'indemnité déterminée au point précédent ; mais pour le reste, un brevet, dont la valeur réside dans l'intérêt technique et non dans la rareté de sa présentation au public comme certaines oeuvres ou certains modèles, ne se dévalorise pas par son usage. La demande d'indemnisation en ce sens est donc rejetée. b. Droit d'information 90. L'article L. 615-5-2 du code de la propriété intellectuelle, appliquant l'article 8 de la directive 2004/48 relative au respect des droits de propriété intellectuelle, prévoit au bénéfice du demandeur à l'action en contrefaçon un droit d'information en vertu duquel la juridiction peut ordonner, s'il n'existe pas d'empêchement légitime, au besoin sous astreinte, afin de déterminer l'origine et les réseaux de distribution des produits ou procédés argüés de contrefaçon qui portent atteinte aux droits du demandeur, la production de tous documents ou informations détenus par le défendeur ou par toute personne qui a été trouvée en possession de produits argüés de contrefaçon ou mettant en oeuvre des procédés argüés de contrefaçon ou qui fournit des services utilisés dans de prétendues activités de contrefaçon ou a été signalée comme intervenant dans la production, la fabrication ou la distribution de ces produits, la mise en oeuvre de ces procédés ou la fourniture de ces services. 91. La directive précitée, à son article 8, paragraphe 2, sous b) prévoit que les informations visées peuvent comprendre des renseignements sur les quantités ainsi que sur le prix obtenu pour les marchandises ou services en question. Il s'ensuit que les renseignements sur « l'origine et les réseaux de distribution » incluent ceux portant sur l'étendue du préjudice. 92. Plus généralement, en application de l'article 3 de la même directive, la mesure doit ainsi être limitée à ce qui est effectif, et proportionné au regard, notamment, de l'intérêt du défendeur à la protection du secret des affaires. 93. Il résulte du procès-verbal de saisie-contrefaçon que l'huissier a limité sa recherche des éléments comptables à la France ; les éventuelles ventes hors de France de gabions fabriqués en France et donc protégés par la partie française du brevet européen n'ont ainsi pas été prises en compte, ce qui doit être fait. Il n'est en outre pas contesté que la fabrication et la commercialisation de gabions Stonebox identiques à ceux découverts lors de la saisie-contrefaçon s'est poursuivie pendant l'instance. Le préjudice ne peut donc être entièrement déterminé sur la base du chiffre d'affaires obtenu lors de la saisie-contrefaçon, et un droit d'information est nécessaire. 94. Il doit porter sur l'ensemble des gabions Stonebox, mais seulement ceux-là : tous les gabions découverts lors de la saisie portaient ce nom, et tous étaient contrefaisants. Réciproquement, rien ne suggère que des produits vendus sous d'autres noms seraient également contrefaisants. Les documents peuvent se limiter à une attestation d'un expert comptable sur (1) le nombre de produits vendus (où que ce soit) avant le 7 septembre 2021(2) le nombre de produits fabriqués en France avant cette date, s'il est supérieur (seule la différence, évidemment, constitue un préjudice, dans la mesure où les produits fabriqués et vendus génèrent le même préjudice, tandis qu'un stock invendu constitué avant l'expiration du brevet donne un avantage indû au jour de l'expiration ;(3) le chiffre d'affaires correspondant aux ventes. 95. Il n'est pas nécessaire ici de communiquer en outre les pièces comptables elles-mêmes. De même, cette opération n'a aucune technicité et ne justifie donc pas une mesure d'instruction technique, telle qu'une expertise, et la demande en ce sens doit être rejetée. c. Publication 96. Le préjudice subi par les demandeurs est entièrement réparé par l'octroi d'une indemnité, sans que les circonstances de l'espèce ne justifient en outre une publication, et ce d'autant moins que, comme le soulève la société SETP, le brevet est expiré. III . Dispositions finales 1 . Frais de procédure 97. Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. L'article 700 du même code permet au juge de condamner en outre la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre, pour les frais exposés mais non compris dans les dépens, une somme qu'il détermine, en tenant compte de l'équité et de la situation économique de cette partie. 98. La société SETP, qui perd le procès, est tenue aux dépens ; et doit indemniser les demandeurs de leurs frais dans une large mesure qui peut être fixée à 40 000 euros. 2 . Exécution provisoire Moyens des parties 99. La société SETP fait valoir que l'exécution provisoire serait inopportune en ce que les rejets en référé ont montré l'existence de moyens de défense sérieux, qu'elle leur causerait un tort qui doit être comparé à l'urgence pour les demandeurs, d'autant que le brevet a expiré. Elle ajoute que les demandeurs n'ont pas exécuté les condamnations prononcées à leur encontre dans les deux instances en référé, et n'ont pas de biens en France ; elle en déduit la nécessité d'une garantie, idéalement une caution bancaire, en cas d'exécution provisoire. 100. Les demandeurs invoquent la gravité de la contrefaçon, sa durée, le fait qu'elle ait été commise par un ancien licencié qui connaissait parfaitement la validité du brevet. Réponse du tribunal 101. En vertu de l'article 515 du code de procédure civile, dans sa rédaction en vigueur à la date d'introduction de l'instance, l'exécution provisoire peut être ordonnée, à la demande des parties ou d'office, chaque fois que le juge l'estime nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire, à condition qu'elle ne soit pas interdite par la loi. 102. Au cas présent, l'exécution provisoire n'est pas nécessaire, et la demande en ce sens est donc rejetée. PAR CES MOTIFS Le tribunal : Rejette la demande en nullité des revendications 1, 5, 6, 7, 9, 10 et 14 de la partie française du brevet EP 1 186 719 ; Condamne la société SETP à payer à la société Legi et M. [H] une provision totale de 633 000 euros en réparation de leur préjudice ; Rejette leur demande supplémentaire en dommages et intérêts pour « atteinte à la valeur » du brevet ; Rejette leur demande d'expertise ; Ordonne à la société SETP de remettre à la société Legi et à M. [H] une attestation de son expert comptable relative au nombre total de gabions Stonebox fabriqués en France du 30 décembre 2014 au 7 septembre 2021, de ceux vendus partout dans le monde dans cette période, et au chiffre d'affaires afférent ; et ce dans un délai de 45 jours à compter de la signification du jugement, puis sous astreinte de 500 euros par jour de retard qui courra pendant 90 jours ; Rejette les demandes de publication ; Condamne la société SETP aux dépens (qui pourront être recouvrés par Me Szleper pour ceux dont il aurait fait l'avance sans en recevoir provision, le cas échéant), ainsi qu'à payer à la société Legi et M. [H] 40 000 euros (au total) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; Rejette la demande en exécution provisoire de la décision. Fait et jugé à Paris le 31 Mars 2023 Le Greffier La PrésidenteQuentin CURABET Irène BENAC | x |
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JURITEXT000047636326 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/63/63/JURITEXT000047636326.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 21 avril 2023, 22/06910 | 2023-04-21 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 22/06910 | CT0087 | TRIBUNAL JUDICIAIREDE PARIS 3ème chambre2ème section No RG 22/06910No Portalis 352J-W-B7G-CXAKD No MINUTE : Assignation du :25 Mai 2022 JUGEMENT rendu le 21 Avril 2023 DEMANDERESSES S.A. ORANGE[Adresse 1][Localité 5] Société ORANGE BRAND SERVICES LIMITED[Adresse 3][Localité 6] (ROYAUME-UNI) représentée par Maître Marguerite BILALIAN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C0063 DÉFENDERESSE S.A.S. FYBER X[Adresse 2][Localité 4] défaillant COMPOSITION DU TRIBUNAL Madame Irène BENAC, Vice-PrésidenteMadame Elodie GUENNEC, Vice-présidenteMonsieur Arthur COURILLON-HAVY, Juge assisté de Monsieur Quentin CURABET, Greffier, en présence d'Anne BOUTRON, Magistrate en formation. DEBATS A l'audience du 05 Janvier 2023 tenue en audience publique devant Irène BENAC et Arthur COURILLON-HAVY, juges rapporteurs, qui sans opposition des avocats ont tenu seuls l'audience, et après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe, en dernier lieu, le 21 Avril 2023. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à dipsosition au greffe Réputé contradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE 1. La société de droit anglais Orange brand services, et la société Orange, reprochent à la société Fyber X d'avoir vendu des produits appartenant à la seconde et revêtus de marques appartenant à la première et dont la seconde est licenciée, tout en se prétendant à tort numéro un du secteur, commettant ainsi selon elles une contrefaçon de ces marques, une faute civile de droit commun et une concurrence déloyale. 2. Elles invoquent ainsi les deux marques figuratives de l'Union européenne « Orange » suivantes, numéro 000127902 (déposée le 1er avril 1996 et enregistrée le 28 mars 2001) et numéro 012542262 (déposée le 28 janvier 2014 et enregistrée le 28 octobre 2014), désignant des produits notamment en classe 9. La première de ces marques est représentée ci-dessous à gauche. Elle est enregistrée en noir et blanc, sans indication de couleur, bien que les demanderesses la représentent en orange. Elle sera désignée ci-après comme la marque Orange noir et blanc. La seconde est représentée à droite. Le texte est blanc et le carré orange. Elle sera désignée ci-après comme la marque Orange en couleur. 3. Elles exposent que la société Orange met gratuitement à disposition des entreprises chargées de déployer la fibre optique le matériel nécessaire, en particulier des câbles à fibre optique et des boîtiers qu'elle commande auprès de différents fournisseurs tiers, en concluant avec elles un contrat de dépôt, de sorte que les équipements fournis restent sa propriété. 4. Les sociétés Orange et Orange brand se sont aperçues, courant 2021, de la commercialisation par la société Fyber X, sur son site internet, de câbles et boîtiers à fibre optique provenant frauduleusement de ces matériels laissés en dépôt, dont certains étaient revêtus, sur leur emballage, de la marque Orange. Après avoir fait procéder à des constats d'achat, elles ont été autorisées, le 24 mars 2022, à faire procéder à des opérations de saisie-contrefaçon qui ont eu lieu le 28 avril 2022 et aux termes desquelles elles disent avoir appris que la société Fyber X rachetait des produits auprès d'installateurs de fibre optique. 5. Elles l'ont ensuite fait assigner le 25 mai 2022 devant ce tribunal en contrefaçon de marque, responsabilité civile et concurrence déloyale. L'instruction a été close le 1er septembre 2022. 6. Dans leur assignation, les sociétés Orange et Orange brand demandent : ? de condamner la société Fyber X à payer à la société Orange brand 75 000 euros de dommages et intérêts pour contrefaçon de marques,? de condamner la société Fyber X à payer à la société Orange 100 000 euros de dommages et intérêts pour contrefaçon de marque et commercialisation fautive de produits lui appartenant,? des mesures d'interdiction et de publication sous astreinte,? de condamner la société Fyber X à leur verser 6 000 euros chacune en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens. 7. Elles font valoir que la société Fyber X a commis des actes de contrefaçon de marque en commercialisant, sans leur accord, des produits dont les emballages étaient revêtus de la marque Orange dont est titulaire la société Orange brand et dont est licenciée la société Orange, produits par ailleurs identiques à ceux visés aux enregistrements. Elles ajoutent que la défenderesse a reconnu, lors des opérations de saisie-contrefaçon, ne pas être autorisée à vendre ces produits. 8. Elles soutiennent que la société Fyber X engage par ailleurs sa responsabilité extra-contractuelle du fait de la commercialisation illicite de produits appartenant à la société Orange et seulement mis à disposition de ses partenaires installateurs, à savoir :- des boîtiers PTO 4 FO, fabriqués par la société Nexans,- des jarretières simplex monomode 1,6mm, fabriquées par la société Folan,- d'autres produits fabriqués par les sociétés Nexans et Omelcom. 9. En effet, expliquent-elles, la société Fyber X ne produit aucune facture d'achat des produits litigieux et a dit avoir racheté divers matériels auprès d'installateurs au moyen d'un système d'avoirs frauduleux. Elles énoncent que le préjudice qui en découle est certain dès lors que se retrouvent sur le marché des produits fabriqués à la demande et aux frais de la société Orange pour le déploiement de la fibre et qui sont vendus par la défenderesse à son seul bénéfice, mais également car la société Orange est exposée à un risque de voir sa responsabilité engagée du fait du matériel en circulation. 10. Elles énoncent enfin que la défenderesse, en se présentant sur son site internet comme le « fournisseur numéro 1 du matériel optique » et comme le « leader de son domaine », se rend coupable de pratiques commerciales trompeuses, ces allégations étant fausses et ayant pour effet de tromper les clients sur le sérieux et l'expertise de la société Fyber X en la matière, ce qui constitue des actes de concurrence déloyale à l'encontre de la société Orange. 11. A titre de réparation, outre des mesures d'interdiction et de publication sous astreinte, la société Orange brand sollicite la somme forfaitaire de 50 000 euros en réparation de son préjudice matériel et la somme de 25 000 euros en réparation de son préjudice moral du fait des actes de contrefaçon. Se fondant sur le 2e alinéa de l'article L. 716-4-10, elle fait valoir que la revente de produits revêtus de la marque à des tiers présente un risque de voir ces produits utilisés pour déployer des projets concurrents, ce qui banaliserait la marque, tromperait les clients qui penseraient que les projets sont menés sous la supervision ou avec l'assistance d'Orange, et lui causerait un préjudice d'image. 12. La société Orange, se fondant sur le 1er alinéa de l'article L. 716-4-10 et invoquant son préjudice propre, évalue quant à elle sa perte subie à la somme de 50 000 euros et les bénéfices réalisés par la société Fyber X à la somme de 50 000 euros, et additionne ces deux sommes pour déterminer son préjudice. Sur ses pertes, elle soutient que le nombre de pièces détournées par la défenderesse sont autant de produits qu'elle ne pourra pas utiliser sur ses autres projets, et qu'elle sera donc obligée de racheter ; sur les bénéfices du contrefacteur, elle estime que le rachat « à vil prix » de produits lui appartenant a généré des bénéfices importants pour la défenderesse, ce qui lui donnerait un avantage compétitif pour les autres produits et lui permettrait de s'attirer des clients. 13. Sur la publication du jugement, les demanderesses estiment nécessaire d'informer les clients de la société Fyber X et les professionnels du secteur, afin d'assurer l'entière réparation de leur préjudice. 14. La société Fyber X, régulièrement citée à sa personne, d'une part par remise de l'acte à l'adresse de son siège à une personne s'étant dit assistante et déclarée habilitée à le recevoir, d'autre part par l'envoi de la lettre prévue à l'article 658 du code de procédure civile, n'a pas constitué avocat. La présente décision est donc réputée contradictoire. MOTIVATION I . Demandes en contrefaçon, concurrence déloyale et responsabilité de droit commun 1 . Atteinte au droit du titulaire des marques 15. Le droit conféré par les marques de l'Union européenne est prévu par le règlement 2017/1001, à son article 9, rédigé en ces termes : « 1. L'enregistrement d'une marque de l'Union européenne confère à son titulaire un droit exclusif. 2. Sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité d'une marque de l'Union européenne, le titulaire de cette marque de l'Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe pour des produits ou services lorsque : a) ce signe est identique à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée; b) ce signe est identique ou similaire à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou services identiques ou similaires aux produits ou services pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public; le risque de confusion comprend le risque d'association entre le signe et la marque;(...) 3. Il peut notamment être interdit, en vertu du paragraphe 2: a) d'apposer le signe sur les produits ou sur leur conditionnement; b) d'offrir les produits, de les mettre sur le marché ou de les détenir à ces fins sous le signe, ou d'offrir ou de fournir des services sous le signe; » 16. L'atteinte au droit conféré par la marque de l'Union européenne est qualifiée de contrefaçon, engageant la responsabilité civile de son auteur, par l'article L. 717-1 (dans le cas des marques de l'Union européenne). 17. La Cour de justice de l'Union européenne a précisé que le droit exclusif du titulaire de la marque, qui n'est pas absolu, ne l'autorise à s'opposer à l'usage d'un signe par un tiers en vertu de l'article 9, dans les conditions énumérées au paragraphe 2, sous a) et b), que si cet usage porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque, et notamment à sa fonction essentielle, qui est de garantir aux consommateurs la provenance du produit ou du service (CJCE, 12 novembre 2002, Arsenal football club, C-206/01, point 51 ; plus récemment, CJUE, 25 juillet 2018, Mitsubishi, C-129/17, point 34). 18. Dans le cas où l'article 9, paragraphe 2, sous a) est applicable (double identité de signes et de produits ou services), il peut s'agir d'une atteinte à l'une quelconque des fonctions de la marque : non seulement la fonction essentielle (garantie de provenance), mais aussi celle qui consiste « à garantir la qualité de ce produit ou de ce service, ou celles de communication, d'investissement ou de publicité » (CJCE, 18 juin 2009, L'Oréal, C-487/07, point 58). 19. Dans le cas prévu au paragraphe 2, sous b) (similitude de signe et de produits ou services), la condition spécifique de la protection est « le risque de confusion et donc une possibilité d'atteinte à la fonction essentielle de la marque » (L'Oréal précité, point 59). Autrement dit, en ce cas, le signe doit porter atteinte à la fonction d'indication d'origine « en raison d'un risque de confusion dans l'esprit du public » (CJCE, 12 juin 2008, O2 holdings, C-533/06, point 57 ; voir aussi CJUE, 3 mars 2016, Daimler, C-179/15, point 27). 20. Les demanderesses démontrent, par un constat d'achat des 5 et 31 aout 2021 (pièce no11), que le site internet Fyberx.com vend des kits de câbles et boitiers désignés « PTO 1 fo précâblé intérieur 30m », dont l'emballage est revêtu, entre autres signes, d'un signe identique à la marque Orange en couleur, et donc très similaire à la marque Orange noir et blanc. 21. Il ressort de la page de confirmation de la commande sur le site internet fyberx.com, de l'étiquette apposée sur le colis, et du bon de commande qui y était inséré (pièce no11) que la vente effectuée sur ce site internet est le fait de la société Fyber X, défenderesse à cette instance. 22. La marque Orange noir et blanc est enregistrée notamment pour désigner des appareils et instruments électriques et électroniques de communication et de télécommunication. La marque Orange en couleur est quant à elle enregistrée notamment pour désigner des câbles à fibre optiques et des systèmes et installations de télécommunications. Le câble de fibre optique et le boitier vendus par la défenderesse sont ainsi des produits identiques à ceux pour lesquels la marque Orange en couleur est enregistrée, et fortement similaires à ceux pour lesquels la marque Orange noir et blanc est enregistrée. 23. L'apposition du signe sur cet emballage est sans ambigüité une indication de provenance commerciale du produit, ne serait-ce que par l'indication d'un partenariat entre le fabricant et la société Orange, ou d'un aval donné par celle-ci à la qualité du produit. Le signe est donc utilisé « pour des produits ». 24. Certes, ce signe n'est pas apparent sur le site internet, et il ressort du constat d'achat (pièce no11) que l'acquéreur du produit n'avait aucun moyen de savoir avant de faire son choix que le signe figurait sur l'emballage. Cependant, le fait que cette information (la présence de la marque Orange) soit découverte seulement après l'achat est sans incidence dans la mesure où le produit peut être revendu ou présenté dans le même emballage à une personne qui le verra, situation où la marque exercera sa fonction essentielle d'indication de provenance commerciale (voir, en ce sens, CJCE, 12 novembre 2002, Arsenal football club, C-206/01, point 57). 25. Ainsi, à l'égard de la marque Orange noir et blanc, et en raison de la quasi identité du signe à la marque et de la grande similarité des produits, cet usage crée un risque de confusion dont il résulte une atteinte à la fonction essentielle de la marque. 26. Il en va a fortiori de même à l'égard de la marque Orange en couleur, dont le signe en cause est identique et utilisé pour des produits identiques. En outre, l'usage en cause porte également atteinte à la fonction de garantie de qualité de la marque, dès lors que l'utilisateur du produit attribuera la responsabilité de sa qualité à l'entreprise titulaire de la marque, même sans l'avoir initialement acheté en considération de cette marque ; ce qui, en présence d'une double identité (signes et produits ou services) permet de retenir une atteinte au droit exclusif conféré par la marque. 27. L'usage litigieux a enfin été fait dans la vie des affaires, sans l'autorisation du titulaire des marques. À cet égard, la présente espèce a ceci de particulier que l'apposition de la marque sur l'emballage des produits avait à l'origine été fait avec le consentement du titulaire de la marque, puisqu'il s'agit de produits authentiques, dans leur emballage d'origine. Toutefois, cette circonstance que les produits sont « authentiques » n'a pas d'incidence en elle-même, car il est essentiel que le titulaire de la marque puisse contrôler non pas seulement la fabrication du produit revêtu de la marque, mais surtout sa première mise dans le commerce dans l'Espace économique européen. C'est ce qui résulte du mécanisme de l'épuisement du droit prévu par l'article 15 du règlement 2017/1001 (en ce sens, CJUE, 25 juillet 2018, Mitsubichi, C-129/17, points 31 et 32, et jurisprudence citée). Or, la société Fyber X n'a pas comparu pour alléguer et démontrer cet épuisement du droit, dont la preuve incombe en principe à la partie qui s'en prévaut (CJUE, 17 novembre 2022, Harman, C-175/21, point 50, et jurisprudence citée). 28. Par conséquent, l'usage litigieux est une atteinte au droit conféré par les marques, c'est-à-dire une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur. 29. Aucun autre fait susceptible de porter atteinte au droit conféré par les marques n'est allégué dans la partie « discussion » de l'assignation. 2 . Faute résultant de la « revente illicite de produits appartenant à la société Orange acquis illicitement [par] un système opaque [...] d'avoirs » 30. En vertu de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. 31. Pour démontrer que la société Fyber X savait, en acquerrant les matériels litigieux, que ceux-ci avaient une source illicite, la société Orange se prévaut en premier lieu du procès-verbal de saisie-contrefaçon qui énonce que le président de la société Fyber X « précise [à l'huissier] connaitre parfaitement l'interdiction de vendre des produits estampillés de marque Orange ». Outre que les déclarations faites par des personnes lors d'une saisie-contrefaçon, sans aucune garantie quant à leur droit de ne pas s'incriminer elles-mêmes, et en particulier de ne pas répondre aux questions qui leur sont posées et de se faire conseiller par un avocat quant à la portée juridique de leurs déclarations, qui plus est dans un contexte de pression et de surprise, sont intrinsèquement peu fiables et ne peuvent pas valoir aveu, il doit être observé en toute hypothèse au cas présent que cette déclaration ne porte sur rien de plus que l'interdiction légale de vendre des produits revêtus d'une marque sans l'accord de son titulaire. Cette vente illicite a fait l'objet de la partie précédente et il ne peut pas en être déduit d'autres comportements fautifs. 32. De la même manière, la déclaration du président de la société Fyber X selon laquelle il procède « à des avoirs à certaines sociétés en retour de matériel » ne prouve aucun fait précis, ni aucun système en général. Outre que, là encore, aucun aveu ne peut être tiré d'un procès-verbal de saisie-contrefaçon, il n'est en toute hypothèse pas illicite de rembourser ses clients par avoir lors d'un retour de matériel. 33. Enfin, la société Orange se prévaut de l'impossibilité pour la défenderesse de justifier l'origine des produits litigieux, soulignant que l'huissier a constaté que « toutes les factures d'achat des différents kits PTO conservées par la société Fyber X proviennent exclusivement de la société Omelcom » alors que les kits litigieux auraient été fabriqués par une autre société. Cette absence de traçabilité est certes suspecte, mais elle ne constitue pas à elle seule une preuve d'un achat sciemment frauduleux ou illicite. 34. Au demeurant, la demanderesse fonde le caractère illicite des acquisitions de produits sur le fait que ceux-ci seraient sa propriété, en vertu des contrats la liant aux entreprises installant les réseaux. Mais elle ne produit, pour le prouver, que son « contrat type », qui en tant que tel n'a pas plus de force probante qu'une simple allégation : il s'agit d'un document dont la déclinaison en pratique est absolument invérifiable et dont rien ne permet de supposer qu'il a donné lieu à de véritables contrats portant sur les produits en cause. Il n'est donc pas démontré que ces produits fussent toujours la propriété d'Orange lorsqu'ils ont été acquis par la société Fyber X. 35. Reposant ainsi seulement sur des suspicions non étayées et de simples allégations, la faute invoquée n'est pas caractérisée. Par conséquent, les demandes à ce titre doivent être rejetées. 3 . Concurrence déloyale du fait d'affirmations mensongères 36. Si la société Fyber X n'est, en effet, manifestement pas la « numéro 1 du secteur » ou « leader » de la vente de matériel pour la fibre optique, la société Orange n'expose pas en quoi elle serait, personnellement, affectée par cette pratique commerciale trompeuse. 37. En effet, la demanderesse explique mettre gratuitement à disposition de ses « intégrateurs » les matériels utiles, sans leur vendre ; elle n'allègue donc aucun avantage qu'elle perdrait lorsque ces matériels seraient vendus par un tiers. Il est au demeurant difficile d'imaginer dans quelle situation un de ces intégrateurs préfèrerait payer pour du matériel s'il peut l'obtenir de la part de la société Orange. Il n'y a donc aucune conséquence négative, pour celle-ci, résultant de l'affirmation litigieuse. 38. Ses demandes à ce titre doivent par conséquent être rejetées. 4 . Réparation et autres mesures 39. En vertu de l'article L. 716-4-10 du code de propriété intellectuelle, pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en compte distinctement les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée, le préjudice moral causé à cette dernière, et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon. 40. Le second alinéa de cet article prévoit, à titre alternatif et à la demande de la partie lésée, la possibilité d'allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire, supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte ; et qui n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée. 41. Ces dispositions doivent être interprétées, d'une part, à la lumière du principe de réparation intégrale, en vertu duquel la partie lésée doit se trouver dans la situation qui aurait été la sienne en l'absence des faits litigieux, sans perte ni profit pour elle ; d'autre part, à la lumière de la directive 2004/48 sur le respect des droits de propriété intellectuelle, qui prévoit à son article 13 que les dommages et intérêts doivent être adaptés au préjudice que le titulaire du droit « a réellement subi du fait de l'atteinte ». 42. Par ailleurs, l'article L. 716-4-11 du même code prévoit notamment le rappel des produits contrefaisants des circuits commerciaux, ou leur destruction, et toute mesure appropriée de publicité, aux frais du contrefacteur. 43. L'interdiction demandée est justifiée dans la mesure où elle porte sur des câbles et boitiers pour fibre optiques, ou leur emballage, revêtus de la marque Orange. Aucun autre produit contrefaisant n'étant allégué, aucune autre interdiction ne peut être prononcée. 44. S'agissant du préjudice, il faut observer en premier lieu que la société Orange, bien que fondant sa demande sur le droit des marques, allègue en fait les conséquences du détournement de produits issus de ses stocks, et non les conséquences de l'usage de la marque elle-même. Cette demande, qui repose ainsi sur un principe de responsabilité qui n'est pas fondé (cf ci-dessus partie 2), doivent être rejetées. 45. La société Orange brand, en tant que titulaire des marques, a subi un préjudice tiré de l'usage des marques sans son consentement. Cet usage est toutefois très limité : il n'a porté que sur une unique référence de produit, au prix très faible, et sans avoir aucune influence sur l'acte d'achat. Le préjudice ne consiste donc qu'en l'association erronée, faite après le premier achat, du produit avec la société Orange. Il est encore limité par le fait que, la marque n'étant apposée que sur l'emballage, une fois le produit déballé, aucun lien avec la société Orange ne demeure. L'exposition du public est donc particulièrement limitée, et aucun risque n'existe, en particulier, que quiconque se méprenne a posteriori sur l'opérateur à l'origine de l'installation du réseau, comme l'allègue la demanderesse. Sa demande d'indemnité forfaitaire peut donc être fixée à 1 000 euros, outre 2 000 euros de préjudice moral. 46. Ce préjudice est entièrement réparé par ces dommages et intérêts sans qu'il soit besoin d'une mesure de publication, dont la gravité serait au demeurant disproportionnée à la faible ampleur du préjudice. II . Dispositions finales Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. L'article 700 du même code permet au juge de condamner en outre la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre, pour les frais exposés mais non compris dans les dépens, une somme qu'il détermine, en tenant compte de l'équité et de la situation économique de cette partie. La société Fyber X perd le procès en partie. Elle peut être tenue aux dépens. En revanche il ne serait pas équitable de la condamner à payer les autres frais exposés par la demanderesse à hauteur de plus de 1 000 euros. L'exécution provisoire est de droit, et rien ne justifie de l'écarter ici. PAR CES MOTIFS Le tribunal : Condamne la société Fyber X à payer 3 000 euros à la société Orange brand services en réparation de la contrefaçon de ses marques de l'Union européenne 000127902 et 012542262 ; Interdit à la société Fyber X de vendre des câbles et boitiers pour fibre optique revêtus de l'une de ces marques, sous astreinte de 500 euros par infraction constatée, qui débutera 5 jours après la signification du jugement puis courra pendant 90 jours ; Rejette la demande en publication ; Rejette les demandes en dommages et intérêts et interdiction fondées sur la faute tirée de la revente de produits appartenant à la société Orange, et sur la concurrence déloyale ; Condamne la société Fyber X aux dépens ainsi qu'à payer 1 000 euros à la société Orange brand services au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Fait et jugé à Paris le 21 Avril 2023 Le Greffier La PrésidenteQuentin CURABET Irène BENAC | x |
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JURITEXT000047636327 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/63/63/JURITEXT000047636327.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 3 mars 2023, 21/00773 | 2023-03-03 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 21/00773 | CT0087 | TRIBUNALJUDICIAIREDE PARIS 3ème chambre2ème section No RG 21/00773No Portalis 352J-W-B7F-CTTUN No MINUTE : Assignation du :15 Décembre 2020 JUGEMENT rendu le 03 Mars 2023 DEMANDERESSE Société NORMA LEBENSMITTELFILIALBETRIEB STIFTUNG & CO KG[Adresse 4][Localité 3] (ALLEMAGNE) représentée par Maître Michel ABELLO de la SELARL LOYER & ABELLO, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #J0049 DÉFENDERESSE S.A.S.U. POWERTECH SYSTEMS[Adresse 1][Adresse 1][Localité 2] représentée par Maître Didier DOMAT de l'AARPI EARVIN & LEW, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0760 Copies délivrées le : - Me Michel ABELLO #J0049 (certifiée conforme)- Me Didier DOMAT #A0760 (exécutoire)COMPOSITION DU TRIBUNAL Madame Irène BENAC, Vice-PrésidenteMadame Elodie GUENNEC, Vice-présidenteMonsieur Arthur COURILLON-HAVY, Juge assisté de Madame Caroline REBOUL, greffière lors des débats et de Monsieur Quentin CURABET, Greffier lors de la mise à disposition. DÉBATS A l'audience du 16 Décembre 2022 tenue en audience publique devant Irène BENAC et Arthur COURILLON-HAVY, juges rapporteurs, qui sans opposition des avocats ont tenu seuls l'audience, et après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 03 Mars 2023 JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe ContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE 1. La société de droit allemand Norma Lebensmittelfilialbetrieb Stiftung & Co KG (ci-après la société Norma) se présente comme exploitant une chaîne de supermarchés discount en Allemagne, République Tchèque, Autriche et France à travers 1400 magasins et l'onglet Norma24 de son site internet à destination des consommateurs allemands. 2. Elle est notamment titulaire des marques semi-figuratives de l'Union européenne suivantes :- marque no 007177827, enregistrée le 14 juin 2010 pour désigner des produits en classes 7, 9, 11 et 17, notamment des « appareils et instruments pour la conduite, la distribution, la transformation, l'accumulation, le réglage ou la commande du courant électrique » (classe 9) :- marque no 12355319 Powertec Energy enregistrée le 5 février 2014 pour des produits en classes 7, 9, 11 et 17. 3. La SAS Powertech Systems, créée le 2 juillet 2013, exerce l'activité de "commerce de gros , commerce interentreprises de matériel électrique, conseil formation études et recherches techniques" ; elle précise concevoir et commercialiser des batteries de puissance lithium-ion (batteries utilisant le lithium sous forme ionique) dans le domaine de la traction électrique et du stockage d'énergie pour les besoins professionnels. 4. Elle a déposé, le 29 octobre 2017, une demande de marque semi-figurative de l'Union européenne no 017397779 pour désigner des produits en classes 4 et 9 :5. La société Norma a formé opposition partielle à l'enregistrement de cette marque en classe 9 en se fondant sur ses deux marques précitées. Le 23 juillet 2019, l'EUIPO a fait droit à cette opposition partielle pour les produits de la classe 9 et la marque « PowerTech systems » no 017397779 n'a été enregistrée qu'en classe 4. 6. Faute d'accord amiable sur l'usage par la société Powertech Systems du signe « PowerTech systems » en tant que marque et dénomination sociale, notamment pour la commercialisation de batteries, la société Norma a fait assigner la société Powertech Systems devant le tribunal judiciaire de Paris, par acte du 15 décembre 2020, en contrefaçon de sa marque « PowerTec Electric » no 007177827. 7. Par ordonnance du 17 décembre 2021, le juge de la mise en état a déclaré irrecevable la demande reconventionnelle en nullité de la marque de l'Union européenne « PowerTec Energy » no 12355319 présentée par la société Powertech Systems. 8. Dans ses dernières conclusions signifiées le 4 avril 2022, la société Norma Lebensmittelfilialbetrieb Stiftung & Co demande au tribunal de :- débouter la société Powertech Systems de toutes ses demandes ; - juger que l'exploitation par la société Powertech Systems de la marque de l'UE no 017397779 l'exploitation de sa dénomination sociale et nom commercial Powertech Systems, de son nom de domaine www.powertechsystems.eu et de tout autre signe dérivé constituent une contrefaçon de sa marque de l'UE no007177827 « Powertec Electric » ; - diverses mesures d'interdiction d'utiliser les signes verbaux ou semi-figuratifs Powertech Systems et Powertech advanced energy storage Systems comme dénomination sociale ou nom commercial, d'utiliser le nom de domaine www.powertechsystems.eu en lien avec des produits identiques et similaires à ceux couverts par la marque de l'UE no007177827 et d'utiliser dans la vie des affaires tout autre signe créant un risque de confusion dans l'esprit du public avec la marque Powertec Electric ;- la communication de documents relatifs à l'usage des signes verbaux et semi-figuratifs Powertech Systems et Powertech advanced energy storage Systems, sous astreinte;- condamner la société Powertech Systems à lui payer une provision de 60.000 euros à valoir sur la réparation du préjudice commercial et celle de 10.000 euros pour le préjudice moral résultant de la contrefaçon ; - condamner la société Powertech Systems aux dépens et à lui payer la somme de 40.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 9. Dans ses dernières conclusions signifiées le 11 février 2022, la société Powertech Systems demande au tribunal de : A titre reconventionnel, - prononcer la nullité de la marque de l'Union Européenne no007177827 de la société Norma pour les produits concernés de la classe 9 comme dépourvue de caractère distinctif ; - débouter la société Norma de l'ensemble de ses demandes ; A titre principal, - débouter la société Norma de l'ensemble de ses demandes, les éléments constitutifs de la contrefaçon de marque ne sont pas réunis ; A titre subsidiaire, - rejeter les demandes de dommages et intérêts ; En toute hypothèse, - condamner la société Norma aux dépens et à lui payer la somme de 30.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. MOTIVATION I . Sur la nullité de la marque no 007177827 10. La société Powertech Systems soutient que :- la marque no 007177827 est nulle à l'égard des "appareils et instruments pour la conduite, la distribution, la transformation, l'accumulation, le réglage ou la commande du courant électrique" comme descriptive des produits car, pour le consommateur moyen, qu'il soit ou non anglophone, les termes Power Tec Electric sont susceptibles d'être compris dans leur ensemble comme désignant des produits incorporant une technologie en matière d'électricité ;- les éléments figuratifs ne permettent pas non plus de conférer au signe un caractère distinctif s'agissant d'un éclair, symbole usuel pour évoquer la présence de décharge ;- sa propre marque est composée du logo de l'entreprise avec la mention de sa dénomination sociale. 11. La société Norma fait valoir que :- si le terme anglo-saxon power peut être compris du consommateur anglophone comme signifiant énergie ou électricité, la séquence tec évoque tout au plus indirectement la technologie ou la technique et la juxtaposition des deux ne décrit pas les caractéristiques des produits ;- la combinaison des ces mots dans une calligraphie bicolore avec le mot electric dans une calligraphie différente inscrit dans une flèche rouge est intrinsèquement distinctive ;- à suivre l'argumentation de la société Powertech Systems, il faudrait aussi annuler ses marques ayant pour élément phare Powertech en classe 4. Sur ce, 12. L'article 7 du règlement no49/94 du 20 décembre 1993, applicable à la date du dépôt de la marque, prévoyait: « 1. Sont refusés à l'enregistrement : a) les signes qui ne sont pas conformes à l'article 4 ; b) les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif ; c) les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d'indications pouvant servir, dans le commerce, à désigner l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l'époque de la production du produit ou de la prestation du service, ou d'autres caractéristiques de ceux-ci ; d) les marques qui sont composées exclusivement de signes ou d'indications devenus usuels dans le langage courant ou dans les habitudes loyales et constantes du commerce ; ». 13. Un signe est descriptif si, au moins dans une de ses significations potentielles, il désigne une caractéristique des produits ou services concernés et il n'est pas nécessaire qu'il soit effectivement utilisé dans le commerce à des fins descriptives, il suffit qu'il puisse être utilisé à de telles fins (CJCE, 23octobre 2003, Wrigley, C-191/01 P, point 32). 14. Dans le cas présent, la stylisation bicolore des lettres de la marque amène le consommateur à percevoir cet élément comme une combinaison des deux mots "power" et "tec" ; le mot power sera compris comme signifiant énergie et le mot tec comme une abréviation de technologie. Cette compréhension est confirmée par le mot "electric", inscrit dans une forme géométrique rouge évocatrice d'un éclair. 15. La marque étant déposée pour des appareils et instruments pour la conduite, la distribution, la transformation, l'accumulation, le réglage ou la commande du courant électrique, ces trois mots et la forme géométrique qui la composent, concourent tous à décrire deux qualités et caractéristiques des produits : leur caractère technologique et leur utilisation de l'énergie électrique. 16. La marque n'est donc pas distinctive pour ces produits et il y a lieu de l'annuler en tant qu'elle vise ces derniers. La demande fondée sur la déchéance faute de preuve d'un usage sérieux pour ces produits est donc sans objet. II . Sur la contrefaçon de la marque de l'Union européenne no 007177827 17. La société Norma fait valoir que :- la société Powertech Systems fait usage dans la vie des affaires de sa marque pour désigner des batteries, c'est-à-dire des produits identiques ou fortement similaires aux « appareils et instruments pour la conduite, la distribution, la transformation, l'accumulation, le réglage ou la commande du courant électrique » visés par sa marque, car ils présentent les mêmes nature (appareil destiné à la distribution, la transformation ou l'accumulation du courant électrique) et visent la même utilisation (faire fonctionner un appareil par l'électricité) ;- la comparaison des produits doit prendre en compte le seul libellé du dépôt et non les conditions de l'exploitation ;- la société Powertech Systems ne propose pas seulement sous sa marque des produits répondant à des besoins professionnels comme elle le prétend, mais aussi des produits pour les particuliers et le grand public, tels que des batteries de démarrage pour scooters et motos ou encore pour scooters des mers et le fait sur des sites internet destinés au grand public ;- les signes présentent d'importantes similitudes visuelles (un agencement mettant en valeur le terme powertec/h, semblablement scindé en deux par une majuscule au t), phonétiques (mot d'attaque se prononçant identiquement) et conceptuelles (composés des mêmes mots d'attaque), qui ne sont pas minorés par les éléments figuratifs qui sont secondaires par rapport au terme prépondérant powertec/h ;- la dénomination sociale « Powertech Systems », également apposée sur les produits offerts à la vente, et le nom de domaine www.powertechsystems.eu sont fortement similaires à la marque no 007177827 puisqu'ils présentent le même élément distinctif et dominant Powertec(h) ;- il existe un risque de confusion entendu comme celui que le public, sans confondre directement les signes, établisse un lien entre eux et suppose que les produits et services proviennent de la même entreprise ou d'entreprises économiquement liées, ce qui caractérise une atteinte à la fonction essentielle de la marque. 18. La société Powertech Systems soutient que :- elle ne commercialise de batteries de puissance Lithium-Iom que dans le domaine de la traction électrique et du stockage d'énergie pour les besoins professionnels alors que la société Norma vend des piles bouton pour les besoins particuliers de la vie courante ;- les signes qu'elle utilise ne présentent pas de similitudes avec les marques PowerTec Electric et PowerTec Energy : les éléments graphiques, distinctifs et dominants, sont très différents et la reproduction des seuls éléments non-distinctifs power et tec ne suffit pas à créer un risque de confusion ;- sa dénomination sociale et le nom de domaine servent à identifier la société et son site internet et ne sont pas utilisés à titre de marque. Sur ce, 19. L'article 9 du Règlement (UE) 2017/1001 sur la marque de l'Union Européenne prévoit que : « 2. Sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité d'une marque de l'Union européenne, le titulaire de cette marque de l'Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe pour des produits ou services lorsque :(.) b) ce signe est identique ou similaire à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou services identiques ou similaires aux produits ou services pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public ; le risque de confusion comprend le risque d'association entre le signe et la marque ;(.) 3. Il peut notamment être interdit, en vertu du paragraphe 2 : a) d'apposer le signe sur les produits ou sur leur conditionnement ; b) d'offrir les produits, de les mettre sur le marché ou de les détenir à ces fins sous le signe, ou d'offrir ou de fournir des services sous le signe ; c) d'importer ou d'exporter les produits sous le signe ; d) de faire usage du signe comme nom commercial ou dénomination sociale ou comme partie d'un nom commercial ou d'une dénomination sociale ; e) d'utiliser le signe dans les papiers d'affaires et la publicité ; f) de faire usage du signe dans des publicités comparatives d'une manière contraire à la directive 2006/114/CE. » 20. Pour apprécier la contrefaçon, il y a lieu de rechercher si, au regard des degrés de similitude entre les signes et les produits et services désignés, il existe un risque de confusion, y compris un risque d'association, dans l'esprit du public concerné, en tenant compte de toutes les circonstances et facteurs pertinents du cas d'espèce.L'appréciation de la similitude visuelle, auditive et conceptuelle des signes doit être fondée sur l'impression d'ensemble produite par ceux-ci en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants.La comparaison doit s'opérer par rapport aux signes tels qu'ils ont été déposés indépendamment des conditions dans lesquelles ils sont exploités. Les produits et services sont similaires lorsqu'ils peuvent être rattachés la même origine par la clientèle, en raison de leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire (CJCE, 29 septembre 1998, Canon, C-39/97, point 23) ; d'autres facteurs peuvent également être pris en compte, tels que les canaux de distribution des produits concernés. 21. Outre la plupart des produits des classes 7, 11 et 17, la société Norma a déposé la marque no 007177827 pour les produits suivants :- en classe 7, pour les machines-outils et appareils à moteur pour la maison et le jardin,- classe 11, pour la plupart des produits (appareils d'éclairage, chauffage, cuisson, réfrigération, ventilation, installations sanitaires etc...)- en classe 17, pour les produits en caoutchouc et matières plastiques, tuyaux, etc...- pour la quasi-totalité des produits de la classe 9 intitulée "appareils et instruments scientifiques", étant rappelé que la protection pour les "appareils et instruments pour la conduite, la distribution, la transformation, l'accumulation, le réglage ou la commande du courant électrique" qui incluent les piles et batteries a été annulée. 22. Il n'est pas discuté que la société Powertech Systems exploite sa marque no017397779 exclusivement pour vendre des batteries qui sont incluses dans la catégorie générale des accumulateurs électriques et la demanderesse ne soutient pas que certains des autres produits visés aux dépôt seraient similaires aux batteries. 23. Il n'existe donc aucune similarité des produits, donc aucune atteinte à la marque. 24. La dénomination sociale de la société Powertech Systems et le nom de domaine permettant l'accès à son site sont identiques à l'élément verbal de sa marque no017397779 "powertech systems". 25. Il n'est pas établi que la société Powertech Systems utilise sa dénomination sociale à titre de marque et les griefs de la demanderesse à cet égard se rapportent en réalité à la marque, qui est apposée sur les produits.En revanche, quoiqu'elle s'en défende, il résulte des pièces du dossier que la société Powertech Systems utilise son site internet comme site vitrine, ventant ses produits et indiquant ses points de vente, ce qui caractérise un usage dans la vie des affaires. 26. Pour autant, eu égard à l'absence d'usage pour des produits ou services similaires, la contrefaçon n'est pas établie. 27. Il y a donc lieu de rejeter l'ensemble des demandes de la société Norma au titre de la contrefaçon de sa marque de l'Union européenne no 007177827. IV . Sur les autres demandes 28. La société Norma, qui succombe, est condamnée aux dépens et l'équité justifie de la condamner à payer à la société Powertech Systems la somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS Le tribunal, Annule la marque de l'Union Européenne no007177827 de la société Norma Lebensmittelfilialbetrieb Stiftung & Co KG en tant qu'elle vise les produits de la classes 9 "appareils et instruments pour la conduite, la distribution, la transformation, l'accumulation, le réglage ou la commande du courant électrique" ; Rejette l'ensemble des demandes de la société Norma Lebensmittelfilialbetrieb Stiftung & Co KG ; Dit que la décision, une fois passée en force de chose jugée, sera transmise à l'Office de l'Union européenne pour la propriété intellectuelle par la partie la plus diligente; Condamne la société Norma Lebensmittelfilialbetrieb Stiftung & Co KG aux dépens de l'instance ; Condamne la société Norma Lebensmittelfilialbetrieb Stiftung & Co KG à payer à la SAS Powertech systems la somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Fait et jugé à Paris le 03 Mars 2023 Le Greffier La PrésidenteQuentin CURABET Irène BENAC | x |
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JURITEXT000047636328 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/63/63/JURITEXT000047636328.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 31 mars 2023, 20/06208 | 2023-03-31 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 20/06208 | CT0087 | TRIBUNALJUDICIAIREDE PARIS 3ème chambre2ème section No RG 20/06208No Portalis 352J-W-B7E-CSLQU No MINUTE : Assignation du :03 Juin 2020 JUGEMENT rendu le 31 Mars 2023 DEMANDEURS S.A.R.L. ZEASSOCIATES[Adresse 1][Localité 8] Monsieur [K] [H][Adresse 7][Localité 6] représentés par Maître Pierre LAUTIER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B0925 DÉFENDERESSES Société GOOGLE LLC[Adresse 2][Adresse 2][Localité 9] (ETATS-UNIS) représentée par Maître Alexandra NERI du cabinet HERBERT SMITH FREEHILLS PARIS LLP, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #J0025 S.A.S. Production Systems[Adresse 4][Localité 5] représentée par Maître Florence GAULLIER de la SELARL CABINET VERCKEN & GAULLIER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0414 Société [D] représentée par Maître [A] [D] en sa qualité de mandataire judiciaire de la société PROTOTYPO[Adresse 10][Adresse 10][Localité 3] Copies délivrées le : - Maître [B] # B925 - certifiée conforme- Maître [X] #J25 - exécutoire - Maître [P] #P414 - exécutoiredéfaillantCOMPOSITION DU TRIBUNAL Madame Irène BENAC, Vice-PrésidenteMadame Elodie GUENNEC, Vice-PrésidenteMonsieur Arthur COURILLON-HAVY, Juge assisté de Quentin CURABET, Greffier DÉBATS A l'audience du 27 Janvier 2023 tenue en audience publique devant Irène BENAC et Arthur COURILLON-HAVY, juges rapporteurs, qui sans opposition des avocats ont tenu seuls l'audience, et après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile. En présence de Madame Anne BOUTRON, magistrat en formation Avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 31 Mars 2023. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Réputé contradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE 1. M. [K] [H] se présente comme l'un des pionniers de la typographie numérique, ayant notamment créé, en 1994, une famille de polices de caractères sur commande du journal Le Monde intitulée la police « Le Monde Journal ». 2. Il a fondé, fin 2011, la SARL ZeAssociates exerçant sous le nom commercial Typofonderie qui a pour activité l'édition, la publication et la distribution à distance de modèles, d'oeuvres et d'ouvrages dans les domaines spécialisés de la création, du design, de la typographie et des logiciels. 3. M. [C] [T] est un typographe ayant créé en 2014, la SAS Production Systems, une agence de création de polices de caractères numériques, qui exerce son activité sous le nom commercial Production Type. Il a collaboré avec M. [K] [H] en 2008, notamment pour convertir la police Le Monde Courrier au format Opentype. 4. La SAS Production Systems a créé la typographie « Spectral » sur commande du 5 octobre 2016 de la société américaine Google LLC qui l'a diffusée dans la cadre de son service d'hébergement gratuit de polices d'écriture numérique pour Internet Google Fonts, utilisées par les éditeurs de sites internet et les utilisateurs de logiciels de traitement de texte. 5. La SAS Prototypo est désignée comme étant « la première application en ligne permettant aux designers de créer des images de marque uniques grâce à des polices de caractères sur-mesure, en quelques clics » et elle a notamment pour associé, M. [C] [T]. Elle fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire prononcée par jugement du tribunal de commerce de Lyon en date du 27 février 2020 qui a désigné la SELARLU [D] en qualité de mandataire liquidateur. 6. Considérant que la diffusion par la société Prototypo et la société Google LLC de la typographie Spectral constituait des actes de contrefaçon de la police « Le Monde Journal » et subsidiairement de concurrence déloyale, M. [K] [H] et la société ZeAssociates ont vainement adressé une lettre de mise en demeure de 19 pages les 25 et 29 octobre 2018 aux sociétés Google France, Google LLC, Production Systems et Prototypo d'avoir à cesser leurs agissements. 7. C'est dans ces conditions que par actes des 3 juin et 8 juillet 2020, M. [K] [H] et la société ZeAssociates ont fait assigner les sociétés Production Systems, Google LLC et la SELARLU [D], ès qualités de mandataire judiciaire de la société Prototypo, devant le tribunal judiciaire de Paris. 8. Par ordonnance du 21 janvier 2022, le juge de la mise en état a déclaré irrecevables les demandes de la société ZeAssociates fondées sur la contrefaçon de droit d'auteur, constatant que les droits sur les typographies créées par M. [K] [H] ne lui avaient pas été cédés. 9. Dans leurs dernières conclusions signifiées le 29 août 2022, M. [K] [H] et la société ZeAssociates demandent au tribunal, au visa des articles 1240 et 1358 du code civil, L.112-2, L.121-1, L.122-1, L. 122-2 et L.122-4 du code de la propriété intellectuelle 2 et 8 de l'arrangement de Vienne du 12 juin 1973, de :- ordonner le retrait des présentations du projet et la suppression des mises à disposition au téléchargement par les sociétés Google LLC, Production Systems et Prototypo du caractère typographique Spectral et en ce qu'il constitue une contrefaçon du caractère typographique Le Monde Journal, le retrait de l'ensemble des sources, des fichiers de ce caractère, la cessation de l'ensemble de la communication et de la campagne associée à ce caractère typographique Spectral, la publication sur les sites Google Fonts, Prototypo et Production Type d'un communiqué de presse annonçant que le caractère typographique Spectral est retiré car il constitue une contrefaçon du caractère typographique Le Monde Journal,- condamner les sociétés Production Systems, Google LLC et Prototypo, conjointement et solidairement à payer à M. [K] [H] la somme de 450.000 euros en réparation de son préjudice matériel, 150.000 euros en réparation de son préjudice moral et 75. 000 euros en réparation de son préjudice d'image et de notoriété,- à titre subsidiaire, condamner les mêmes à payer les mêmes sommes à M. [K] [H] (préjudice moral) et la société ZeAssociates (préjudice matériel et préjudice d'image) sur le fondement de la concurrence déloyale,- condamner les sociétés Production Type, Google LLC et Prototypo aux dépens et à payer à la société ZeAssociates la somme de 14.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,sous le bénéfice de l'exécution provisoire. 10. Dans ses dernières conclusions signifiées le 2 septembre 2022, la société Production Systems demande au tribunal, au visa des articles L. 112-2, 8o), L. 121-1 et L. 122-4 du code de la propriété intellectuelle, 122, 699 et 700 du code de procédure civile, 1240 et 1353 du code civil, de : - débouter la société ZeAssociates et M. [K] [H] de l'ensemble de leurs demandes, ou, subsidiairement, ramener leurs demandes à de plus justes proportions, - condamner la société ZeAssociates et M. [K] [H] à lui payer la somme de 50.000 euros en réparation des actes de concurrence déloyale à son égard,- condamner solidairement la société ZeAssociates et M. [K] [H] aux dépens, dont distraction au bénéfice de la SELARL Vercken & [P], et à lui payer la somme de 50.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,- ordonner l'exécution provisoire de la décision à son seul bénéfice. 11. Dans ses dernières conclusions signifiées le 21 juin 2022, la société Google LLC demande au tribunal de :- débouter M. [K] [H] de toutes ses demandes fondées sur le droit d'auteur faute d'originalité de la police, subsidiairement, faute de contrefaçon et, très subsidiairement, faute de préjudice,- débouter la société ZeAssociates et M. [H] de l'ensemble de leurs demandes fondées sur la concurrence déloyale et sur le parasitisme,- condamner la société Production Systems à la garantir contre toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ainsi que de toute conséquence que Google pourrait justifier en application de l'article 8 du contrat de développement de police de caractères du 12 septembre 2017,- débouter la société ZeAssociates et M. [H] de leur demande d'exécution provisoire du jugement à intervenir ;- condamner la société ZeAssociates et M. [H] solidairement aux dépens et à lui payer la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 12. Quoique régulièrement assignée à sa personne, la SELARLU [D] n'a pas constitué avocat. 13. L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 septembre 2022. MOTIVATION 14. En application de l'article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée. I . Sur le droit d'auteur 1. Sur l'originalité 15. M. [K] [H] et la société ZeAssociates font valoir que :- l'originalité de la police de caractères « Le Monde Journal » est établie par le long processus de création de la police et son caractère nouveau ;- les choix artistiques réalisés par M. [H] se révèlent par les caractéristiques suivantes : caractère de style français, axe oblique, contre-formes ouvertes pour paraître plus large à l'intérieur, empattements triangulaires, emphase individuelle sur chaque lettre, caractères affirmés, plus contrastés, aspect horizontal, capitales plus petites que les hauteurs des minuscules, le tout faisant apparaître la police de caractères Le Monde Journal plus lisible que la police Times New Roman ;- la goutte a été remplacée par une terminaison qui se finit vers une pointe en bas cassée par un trait court, ce qui constitue un parti pris esthétique constituant l'essence même du caractère typographique Le Monde Journal ;- les instructions du journal Le Monde de réaliser une police de caractères plus lisible et prenant moins d'espace laissaient à M. [H] la place de choix arbitraires en raison de l'infinité de déclinaisons possibles;- cette police de caractères a remporté plusieurs prix, est utilisée dans les grands dictionnaires ou encore par des cabinets interministériels, ce qui participe à établir son caractère original ;- la personnalité de M. [H] ressort nécessairement de cette typographie car il est identifié dans son domaine comme « le créateur du dit caractère Le Monde », qui est une référence reconnue dans les ouvrages spécialisés. 16. La société Production Systems oppose l'absence d'originalité de la police de caractères Le Monde Journal. Elle expose que :- le processus créatif dont se prévalent les demandeurs ne constitue pas une preuve de l'originalité de la police de caractères Le Monde Journal, pas plus que le fait d'avoir été retenu par le journal Le Monde, que M. [H] ait reçu des prix ou que la typographie litigieuse soit utilisée par des administrations françaises ou étrangères ;- les attestations produites en demande n'ont pas de caractère probant ;- il existe de grandes similitudes de certains caractères avec des polices des XVIIIème et XIXème siècles ou encore plus récentes, en particulier sur les gouttes et terminaisons tronquées. 17. La société Google LLC conclut également au défaut d'originalité de la police de caractères Le Monde Journal au motif que les choix réalisés par M. [H] ne résultent que d'exigences techniques imposées par le cahier des charges technique du journal Le Monde exigeant une meilleure lisibilité, un gain de place dans la mise en page et un gain d'encre à l'impression, l'empêchant d'exprimer l'empreinte de sa personnalité. Elle ajoute que la police de caractères Le Monde Journal présente des similitudes significatives avec d'autres polices de caractères antérieures et en particulier avec la police Times New Roman sur la base de laquelle M. [H] a développé la police litigieuse. Elle souligne que la notoriété de M. [H] et sa collaboration avec le journal Le Monde ne permettent pas de caractériser l'originalité revendiquée. Sur ce, 18. Conformément à l'article L.111-1 du code de la propriété intellectuelle, l'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous comportant des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial. Selon l'article L.112-1 du même code, ce droit appartient à l'auteur de toute oeuvre de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination.L'article L.112-2 du même code prévoit que "Sont considérés notamment comme oeuvres de l'esprit au sens du présent code : (...) 8o Les oeuvres graphiques et typographiques ". 19. Bénéficient ainsi de la protection du droit d'auteur, par le seul effet de leur création, tous les caractères typographiques originaux, dès lors qu'ils portent l'empreinte de la personnalité de leur auteur et constituent une création intellectuelle se manifestant par des choix libres et arbitraires, sans que leur forme ait été dictée par des exigences purement techniques.La reconnaissance de la protection par le droit d'auteur ne repose pas sur un examen de l'oeuvre invoquée par référence aux antériorités produites, même si celles-ci peuvent contribuer à l'appréciation de la recherche créative. 20. Il appartient à celui qui se prévaut d'un droit d'auteur dont l'existence est contestée de définir et d'expliciter les contours de l'originalité qu'il allègue. Seul l'auteur, dont le juge ne peut suppléer la carence, est en mesure d'identifier les éléments traduisant sa personnalité et qui justifient son monopole. 21. Il s'évince des écritures des demandeurs qu'ils revendiquent la protection du droit d'auteur pour la police Le Monde Journal, incluant les lettres de l'alphabet, les accents, la ponctuation, les chiffres, ainsi que des signes spéciaux, comme des symboles, ainsi que leur déclinaison en italiques, majuscules et gras, selon leur pièce no59 dont est extraite l'illustration suivante. 22. S'agissant de l'originalité du "caractère typographique le Monde Journal", il se déduit de leurs écritures et de leur pièce no59, document rédigé par M. [H], que celui-ci estime qu'elle est constituée par :- le contraste réduit, - la hauteur d'?il (a, e, n, o) agrandie par rapport aux ascendantes (b, d, h) pour élargir la perception,- les capitales dessinées plus petites que les ascendantes des minuscules, - les proportions des lettres (larges et étroites), - les ouvertures intérieures des lettres, les ouvertures des contre-formes, - les empattements du bas des minuscules et des capitales, dessinées en trapèzes, - les empattement des glyphes s, S, C, G dessinés sans le retour courbe du haut,- les empattements d'attaque des minuscules (haut du n, p, etc) et quelques sorties empattement du bas du a, d etc) dessinés avec un angle sur le fût qui permet d'ouvrir la contreforme du haut,- les terminaisons en forme de goutte remplacées par une forme arrondie qui se finit en pointe cassée par un trait court - le dégraissage des verticales au profit des horizontales. 23. Il est constant que la typographie Le Monde Journal a été créée à partir de la police de caractères Times New Roman antérieurement utilisée par ce quotidien et qu'elle est le point de départ du travail de M. [H] qui a proposé une typographie qui s'en démarque, comme le montre le document de comparaison établi à la demande de la société Production Systems. 24. Il s'agit d'une typographie dite à empattement, destinée à la création de textes pour la presse papier, soumise à une exigence de lisibilité. Cette contrainte n'exclut cependant pas la création, puisque le typographe travaille sur un nombre important de caractéristiques et de variantes, à savoir, sans être exhaustif, l'empattement, le fût, la goutte, l'axe la chasse, la graisse, la hauteur d'?il, notions expliquées sur la figure suivante.25. La reproduction ci-après, extraite de la pièce no67 des demandeurs, présentant un texte dans les deux polices en litige ainsi que deux autres polices courantes, montre cependant la subtilité des différences entre différentes typographies à empattement. 26. C'est à juste titre que les défendeurs soutiennent que l'existence de travaux préparatoires, le succès commercial de la police et de son créateur et le prestige de celui-ci sont inopérants pour caractériser l'originalité de la typographie Le Monde Journal. 27. Il n'est pas discuté que la police Le Monde Journal présente les caractéristiques précitées que sont la hauteur d'?il agrandie par rapport aux jambages, la taille des capitales plus petites que les ascendantes des minuscules, les empattements du bas des minuscules et des capitales, dessinées en trapèze, les terminaisons en forme de goutte remplacées par une forme arrondie qui se finit en pointe cassée par un trait court et le dégraissage des verticales au profit des horizontales. 28. Aucun de ces choix n'est inédit et chacun se rerouve dans certaines autres typographies traditionnelles ou polices de caractères récentes . En particulier, le remplacement de la goutte par une terminaison qui se finit vers une pointe en bas cassée par un trait court, présentée par M. [H] comme un parti pris esthétique constituant l'essence même du caractère typographique Le Monde Journal, se retrouve dans des typographies du XVIIIème siècle et aussi des polices actuelles (Charter, Swiss works, Malabar).Toutefois, la typographie Le Monde Journal présente un aspect particulier obtenu par différents parti-pris tels que le dégraissage des verticales au profit des horizontales, la taille respective des hauteurs d'?il d'une part, majuscules et ascendantes d'autre part, ainsi que les détails d'empattements trapézoïdaux et le dessin particulier des gouttes. Cette combinaison, qui permet d'atteindre l'objectif de gains de lisibilité et d'espace mais qui aurait pu être obtenu par d'autres moyens, est originale, révèle des choix arbitraires et reflètent l'empreinte de la personnalité de son auteur. 29. Dès lors la combinaison des caractéristiques énumérées au point 27 ci-dessus fait de la police Le Monde Journal une oeuvre typographique originale protégeable en tant que telle par le droit d'auteur. 2. Sur la contrefaçon de l'oeuvre typographique Le Monde Journal par la police de caractères Spectral 30. M. [H] et la société ZeAssociates font valoir que :- la police Spectral reprend entièrement le parti pris esthétique qui est l'essence même du caractère typographique « Le Monde Journal »,- la comparaison de certains glyphes superposés (z, a g, c, r, £, 5, 0) montre qu'à une taille identique, les proportions, les graisses, les traits, les formes, les courbes additionnés sont identiques, de même que les terminaisons (c, e),- ces superpositions se répètent de manière systématique pour les différents signes et pour les différents styles, écarte la possibilité du cas fortuit,- la société Production Systems a ainsi nécessairement obtenu ce caractère illégalement, car il n'a jamais été commercialisé,- les antériorités sont insignifiantes, particulièrement la police Charter dont l'auteur indique lui-même qu'il ne les estime pas ressemblantes,- les expertises ont été réalisées par des personnes qui ont toutes affirmé l'originalité de la typographie Le Monde Journal,- l'utilisation de logiciels facilite la manipulation des fontes et les défendeurs ne rapportent pas la preuve d'un processus créatif à l'origine de la police Spectral,- les différences relevées sont infimes. 31. En réponse, la société Production Systems fait valoir que :- l'appréciation de la contrefaçon suppose l'examen non seulement des points de ressemblance mais également des différences du fait que l'existence de similitudes est inhérente à l'art de la typographie ;- les similitudes existantes entre les deux typographies ne portent pas sur des éléments protégeables par le droit d'auteur en raison de leur banalité ;- les ressemblances alléguées ne portent que sur peu de caractères et se retrouvent dans d'autres polices de caractères ;- les contraintes de la typographie font que des correspondances de points et de tensions de courbes sont banales ;- il existe en revanche des différences sur des éléments permettant les choix créatifs, tels les empattements, les espacements entre les caractères, les interlignages ainsi que sur l'impression d'ensemble que dégagent les deux polices de caractères, qui excluent toute contrefaçon, ce qui est démontré par des analyses de créateurs et enseignants en typographie qui concluent à l'existence de différences sur les proportions verticales des deux typographies ainsi que des ascendants, descendants et hauteur du glyphe x (hauteur d'x ou hauteur d'oeil) des minuscules, le crénage, les empattements, triangulaires et non trapézoïdaux, les caractères ronds des majuscules plus circulaires, sur les italiques et soulignant la couleur typographique plus sombre de la police Le Monde Journal ;- la police de caractère Spectral est une création originale de M. [T] qui s'est inspiré de la police de caractères Elzevir no9 de la fonderie Warnery et d'une image du mot party, tiré d'une vieille édition du livre Gargantua comme M. [H] s'était inspiré de la police Times New Roman ;- les italiques du Spectral ont été entièrement créées ;- la similitude d'organisation des caractères n'est pas une contrefaçon s'agissant d'un élément non protégeable par le droit d'auteur. 32. La société Google développe une argumentation similaire pour conclure à l'absence de contrefaçon en faisant valoir que les caractéristiques arguées de similitudes ne sont pas originales et ne portent que sur cinq caractères, les polices de caractères Le Monde Journal et Spectral présentant des impressions d'ensemble distinctes, et souligne que les attestations produites par les demandeurs ne sont pas probantes. Elle ajoute que les équipes Google Fonts ne peuvent se substituer au juge pour apprécier le caractère contrefaisant d'une typographie. Sur ce, 33. Selon l'article L. 122-1 du code de la propriété intellectuelle, le droit d'exploitation appartenant à l'auteur comprend le droit de représentation et le droit de reproduction.Aux termes de l'article L. 122-4 du code de la propriété intellectuelle, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l'adaptation ou la transformation, l'arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque. 34. La contrefaçon s'apprécie par la recherche des points de ressemblances des caractéristiques protégeables de l'oeuvre. 35. Il convient de constater à titre liminaire que les pièces 61 à 77 des demandeurs, émanant de 16 professionnels de la typographie, appuient leur opinion sur l'originalité du caractère Le Monde Journal, la parenté du caractère Spectral avec celle-ci et la probabilité que la seconde se soit inspirée de la première mais force est de constater, qu'à l'exception de deux, elles procèdent par affirmations sans aucune démonstration ni exemple. 36. La plus précise (traduction de l'attestation de M. [U] [G] du 6 septembre 2021, pièce no67) conclut : "Le Monde Journal a fortement influencé la conception de Spectral. De nombreusesformes de glyphes de Spectral sont inconfortablement proches de celles du Monde Journal. La similitude de la construction des courbes est indéniablement celle du Monde Journal et de la main de son créateur, [K] [H]. On peut dire que Spectral est presque une évolution du Monde Journal. Plusieurs formes de glyphes de Spectral peuvent être considérées comme les premières versions du Monde Journal.Avant que les détails ne soient travaillés au fur et à mesure du développement de la conception du caractère. Les empattements, bien que différents,sontdans un espace de conception similaire. (...) Il est dit que le Spectral doit une grande partie de sa conception visuelle au caractère historique Elzévir no9, un caractère publié par la fonderie Warnery en 1882. Cependant, il y a plus de différences que de similitudes,surtout si l'on considère les détails de conception propres au Monde Journal. Il semblerait que les italiques et les chiffres du Monde Journal aient eu une forte influence là où l'Elzévir no9 n'en avait pas. "Il illustre ces conclusions par les exemples des glyphes a, c, e, 5 et £. 37. Dans la pièce 74 (traduction de l'attestation de M. [J] [R] du 5 septembre 2021), il est indiqué "Il y a une similitude dans la structure (largeur, hauteur, contre-forme) entre ces caractères" et les exemples suivants sont donnés : la même courbure de la bosse des m et n, des ressemblances très fortes du a et du q, une courbure à gauche identique du e et une quasi-identité du g, du e, du 0, du 5, de £, du r et du 5. 38. De son côté, la société Production Systems produit cinq rapports d'experts (ses pièces 42, 47, 52, 55 et 56) qui aboutissent à des conclusions radicalement opposées. 39. M. [E] [V] (pièce no47 traduction de l'attestation du 14 juin 2022) indique en particulier pour les minuscules : "proportions des ascendants et des descendants et de la hauteur x sont totalement différentes entre les deux polices", prenant les exmples du a, du h, du m, du n, du u et du w. 40. Prenant les exemples de ces caractères ainsi que du b, du H, du x, du o, du v, du c, du f, du r, du £, du 5, du ! et de *, M. [Z] [O] (pièce no52 traduction de l'attestation du 15 juin 2022) conclut : " en général, les similitudes entre ces deux polices de caractères résident dans certains détails, et ces détails sont similaires, mais pas du tout identiques. À l'inverse, les différences sont grandes et profondes, et concernent de très nombreux glyphes de la police". 41. Les demandeurs caractérisent la contrefaçon par la reproduction des empattements de forme trapézoïdale-triangulaire, des points de construction, graisses et proportions des glyphes (les glyphes z, a, g, c, r, £ et les chiffres 5 et 0 se superposent de manière quasi-parfaite pour les différents styles (romain, gras, italique, etc.), les traits, formes, ratios et dessins courbes identiques. 42. A l'appui de leurs allégations, ils comparent les capitales C, D, G, H, N, O, R, S, Z et des minuscules s, z, r, a, c, n et e, ainsi que des chiffres 0, 3, 5 et 7 et des signes @, £ et * mettent en évidence des similitudes au niveau de la largeur des graisses, des courbes et des points de construction lorsque les caractères sont superposés, selon les exemples ci-dessous : Toutefois, les similitudes ainsi identifiées ne portent que sur un nombre très limité de glyphes comportant trois des cinq caractéristiques constituant l'originalité, énumérées au point 27 supra. 43. De plus, comme le soulignent à juste titre les défendeurs, les empattements des extrémités supérieures apparaissant nettement plus fins dans la police Le Monde Journal, de même que les extrémités de la panse apparaissent plus fines dans la police Spectral, rendant ces deux glyphes bien distincts et la forme de trapèze n'est pas identique à la forme de triangle. Le Monde Journal Spectral Le Monde Journal Spectral 44. Les demandeurs ne démontrent pas plus la présence des autres éléments dont la combinaison a été retenue pour caractériser l'originalité de la police Le Monde Journal que sont la hauteur d'?il agrandie par rapport aux jambages, la taille des capitales plus petites que les ascendantes des minuscules et le dégraissage des verticales au profit des horizontales. 45. Notamment, il n'est pas contesté que les proportions des caractères sont manifestement différentes dans l'une et l'autre des typographies : la différence de hauteur d'oeil est plus élevée dans le monde Journal et les caractères sont plus étroits, ainsi que le souligne notamment Mme [L] dans son rapport du 13 juin 2022 (pièce no56 de la société Production Systems). Or, la hauteur d'oeil est une caractéristique essentielle de l'aspect des caractères en ce qu'elle change l'impression d'ensemble qui se dégage du texte et elle est revendiquée au titre de l'originalité de la typographie. 46. C'est ainsi que la comparaison de bloc de textes rédigés dans chacune des polices Le Monde Journal et Spectral laisse apparaître une nette différence à la lecture : la typographie Le Monde Journal est plus foncée et plus dense que Spectral, comme le montre la reproduction suivante (extrait de la pièce no38 de la société Production Systems). Le Monde JournalSpectral 47. Il ressort de ce qui précède que la combinaison des caractéristiques originales de la typographie Le Monde Journal ne se retrouve pas dans la police Spectral de sorte que la contrefaçon n'est pas caractérisée.Toutes les demandes présentées sur ce fondement sont rejetées. II . Sur la concurrence déloyale 48. M. [H] et la société ZeAssociates font valoir, à titre subsidiaire, que :- la société Production Systems a commis des actes de concurrence déloyale par agissements déloyaux et parasitaires ;- la société ZeAssociates, qui exploite commercialement la police Le Monde Journal est bien fondée à agir en concurrence déloyale;- les sociétés Production Systems et Prototypo ont eu des comportements parasitaires en captant sa clientèle par l'usage massif de la police Spectral et en accroissant de façon indue leur notoriété et celle de M. [T] et ont eu un effet néfaste sur l'exploitation commerciale de la police Le Monde Journal ;- l'exploitation massive et gratuite de la police par la société Google LLC affaiblit la valeur de la police Le Monde Journal , met à mal toute la profession des créateurs de caractères et s'inscrit dans une logique d'abus de position dominante plusieurs fois sanctionnée par le Commission de l'Union européenne. 49. La société Production Systems soutient que :- les demandeurs allèguent au titre de la concurrence déloyale des actes de contrefaçon et ne caractérisent pas de faute s'agissant des allégations de parasitisme - elle n'a pas profité des investissements réalisés par les demandeurs et elle établit avoir effectué ses propres travaux d'étude et ses propres investissements humains et financiers pour créer la police Spectral ;- le préjudice allégué n'est démontré ni dans son principe ni dans son quantum ;- il n'existe pas de lien de causalité entre la publication de la police Spectral et le préjudice allégué. 50. La société Google LLC fait valoir qu'elle n'a pas commis d'agissements déloyaux ou parasitaires. Elle ajoute avoir versé la somme de 75 000 dollars à M. [T] pour obtenir le droit d'héberger la police Spectral qu'elle fournit de manière gratuite sous licence libre via son service Google Fonts. Sur ce, 51. L'article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.Aux termes de l'article 1241 du code civil, chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence. 52. Selon l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention. 53. La concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce, ce qui implique qu'un signe ou un produit qui ne fait pas l'objet de droits de propriété intellectuelle puisse être librement reproduit, en l'absence de faute qui peut être constituée par la création d'un risque de confusion sur l'origine du produit dans l'esprit de la clientèle, circonstance attentatoire à l'exercice paisible et loyal du commerce.L'appréciation de cette faute au regard du risque de confusion doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l'imitation, l'ancienneté de l'usage, l'originalité et la notoriété de la prestation copiée.La concurrence déloyale exige la preuve d'une faute relevant de faits distincts de ceux allégués au titre de la contrefaçon. 54. Le parasitisme, qui s'apprécie dans le même cadre que la concurrence déloyale dont il constitue une déclinaison mais dont la caractérisation est toutefois indépendante du risque de confusion, consiste dans le fait pour une personne physique ou morale de profiter volontairement, de manière injustifiée et sans bourse délier des investissements, d'un savoir-faire ou d'un travail intellectuel d'autrui, produisant une valeur économique individualisée et générant un avantage concurrentiel. 55. En l'espèce, il a été jugé que la police de caractères Spectral n'est pas une copie servile de la police de caractères Le Monde Journal et l'existence de similitudes limitées à un nombre restreint de glyphes est insuffisante à caractériser un risque de confusion entre les deux polices de caractères en litige dans l'esprit de clients moyennement vigilants et attentifs. 56. Les demandes au titre de la concurrence déloyale contre les sociétés Production Systems et Prototypo sont donc rejetées. 57. Les demandeurs ne rapportent pas la preuve d'une imitation fautive de la police Le Monde Journal, les similitudes étant restreintes à quelques glyphes, ce qui n'est pas de nature à procurer un avantage concurrentiel aux défendeurs.Ils ne démontrent pas plus que M. [T] aurait exploité les fichiers auxquels il a eu accès lorsqu'il travaillait à l'adaptation d'une autre police (Le Monde Courrier) entre 2005 et 2010.Au contraire, il n'est pas contesté que M. [T] est un professionnel internationalement reconnu dans le milieu de la typographie et les pièces versées aux débats par la société Production Type permettent de constater que la police Spectral a fait l'objet de travaux propres de M. [T] et de ses équipes. 58. Ainsi, il ne ressort pas des éléments versés aux débats de faits caractérisant la volonté de la société Production Systems de se placer dans le sillage de la société ZeAssociates, ni d'avoir profité de son savoir-faire ou d'une valeur économique procurant un avantage concurrentiel. 59. Les demandeurs ne démontrent pas les faits de parasitisme qui pourraient être imputés aux sociétés Production Systems et Prototypo. 60. S'agissant de la société Google, elle établit avoir versé à M. [T] la somme de 75.000 dollars pour avoir le droit d'héberger la police Spectral sur son service Google Fonts de sorte qu'il ne peut lui être reproché d'avoir économisé des investissements en utilisant le fruit du travail des demandeurs qui manquent en conséquence à établir le parasitisme à son encontre. Les allégations de position dominante de la société Google LLC dans des secteurs distincts du marché de la typographie sont inopérantes pour caractériser des agissements de concurrence déloyale ou de parasitisme. 61. M. [H] et la société ZeAssociates sont dès lors déboutés de leurs demandes indemnitaires fondées sur la concurrence déloyale et le parasitisme contre tous les défendeurs. III . Sur la demande reconventionnelle de la société Production Systems pour dénigrement 62. La société Production Systems fait valoir que l'envoi d'une mise en demeure pour des allégations de contrefaçon peut être constitutif de dénigrement et que les demandeurs ont procédé à des actes de dénigrement par la diffusion auprès de sa clientèle d'allégations mensongères lui causant un préjudice moral. 63. M. [H] et la société ZeAssociates soutiennent que M. [H] a recherché une solution amiable. Sur ce, 64. Le dénigrement consiste à jeter publiquement le discrédit sur les produits, l'entreprise ou la personnalité d'un concurrent pour en tirer un profit par la divulgation d'une information.Une information qualifiant ces produits de contrefaçons alors qu'aucune décision de justice n'a encore été rendue en ce sens, constitue un acte de dénigrement, à moins que l'information en cause ne se rapporte à un sujet d'intérêt général et repose sur une base factuelle suffisante, et sous réserve qu'elle soit exprimée avec une certaine mesure.Elle constitue une faute au sens de l'article 1240 du code civil, précité. 65. En l'espèce, le seul acte de dénigrement invoqué par la société Production Systems est l'envoi de lettres de mise en demeure des 25 et 29 octobre 2018 à son adresse. Pour être fautif, un message dénigrant doit être public, quand bien même il ne serait adressé qu'à un tiers. La lettre précitée n'ayant été envoyée qu'à la société Production Systems, elle n'a pas pu constituer un dénigrement de nature à détourner sa clientèle. 66. Il convient par conséquent de rejeter la demande de la société Production Systems à ce titre. IV . Sur les demandes accessoires 67. Il n'y a pas lieu d'examiner l'appel en garantie formé par la société Google LLC qui n'a pas été condamnée. 68. Parties perdantes au sens de l'article 696 du code de procédure civile, M.[H] et la société ZeAssociates seront condamnés aux dépens, ainsi qu'à payer la somme de 20.000 euros à la société Production Systems et la somme de 10.000 euros à la société Google LLC chacune par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. 69. Il est rappelé que l'exécution provisoire est de droit. PAR CES MOTIFS Le tribunal, Rejette l'ensemble des demandes de M. [K] [H] et la société ZeAssociates ; Rejette la demande reconventionnelle de la société Production Systems ; Condamne in solidum M. [K] [H] et la société ZeAssociates aux dépens, qui pourront être recouvrés directement par la SELARL Vercken & [P] conformément à l'article 699 du code de procédure civile ; Condamne M. [K] [H] et la société ZeAssociates in solidum à payer à la société Production Systems la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; Condamne M. [K] [H] et la société ZeAssociates in solidum à payer à la société Google LLC la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Fait et jugé à Paris le 31 Mars 2023 Le Greffier La PrésidenteQuentin CURABET Irène BENAC | x |
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JURITEXT000047636329 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/63/63/JURITEXT000047636329.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 24 mars 2023, 20/03907 | 2023-03-24 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 20/03907 | CT0087 | TRIBUNALJUDICIAIREDE PARIS 3ème chambre 2ème section No RG 20/03907No Portalis 352J-W-B7E-CSAXY No MINUTE : Assignation du :15 Mai 2020 JUGEMENT rendu le 24 Mars 2023 DEMANDERESSE Société MGI INTERNATIONAL SALES CO., LIMITED[Adresse 7][Adresse 2] [Adresse 8] (CHINE) représentée par Maître David POR du LLP ALLEN & OVERY LLP, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #J0022 DÉFENDERESSE Société ILLUMINA CAMBRIDGE LIMITED[Adresse 1][Localité 3] (ROYAUME-UNI) représentée par Maîtres Sabine AGE et Florence JACQUAND de la SAS HOYNG ROKH MONEGIER, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0512 Copies exécutoires délivrées le : - Me POR #J0022- Me AGE #P0512COMPOSITION DU TRIBUNAL Madame Irène BENAC, Vice-PrésidenteMadame Elodie GUENNEC, Vice-présidenteMonsieur Arthur COURILLON-HAVY, Juge assisté de Monsieur Quentin CURABET, Greffier DÉBATS Aux audiences des 18 et 19 Janvier 2023, présidées par Irène BENAC, tenues en audience publique avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 24 Mars 2023. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoireen premier ressort EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE 1. La société MGI International Sales Co (désignée ci-après par MGI, société chinoise filiale du groupe BGI pour Beijing Genomics Institute) et la société Illumina Cambridge (société britannique filiale du groupe américain du même nom) sont des sociétés spécialisées notamment dans le domaine du séquençage génétique par synthèse et qui commercialisent dans le monde entier des séquenceurs, des réactifs nécessaires aux procédés chimiques de séquençage et des outils d'analyse. 2. Le séquençage consiste à déterminer l'enchaînement des bases nucléiques azotées (Adénine, Thymine, Guanine ou Cytosine) incluses dans des nucléotides dont la structure est la suivante.3. Le principe du séquençage par synthèse (abrégé en SBS) est d'identifier la succession des bases nucléiques en reproduisant la synthèse naturelle de l'ADN par réplication d'un brin simple et en y ajoutant :- le blocage du processus après l'incorporation de chaque nouveau nucléotide, - l'identification de la base de celui-ci et - l'élimination par clivage des groupes moléculaires permettant le blocage et l'identification, après quoi un nouveau cycle commence sur la base suivante du brin d'ADN séquencé. 4. Les nucléotides utilisés pour cette synthèse artificielle sont chimiquement modifiés pour pouvoir non seulement être incorporés au brin séquencé mais aussi bloquer le processus, permettre l'identification de la base et éliminer le groupe de blocage pour permettre la reprise de la synthèse et la répétition du cycle, sans dénaturer le brin d'ADN. Le point de liaison du groupe de blocage est le troisième atome de carbone du sucre du nucléotide (ci-après position 3'), auquel le nucléotide suivant vient se lier. 5. La société Illumina Cambridge est titulaire de plusieurs brevets portant sur des nucléotides modifiés pour permettre la SBS et de procédés d'utilisation de ceux-ci et plus particulièrement- le brevet EP 1 530 578 - ci-après EP 578 - intitulé "nucléotides modifiés pour le séquençage de polynucléotide" dont la demande a été déposée le 23 août 2003 sous priorités des demandes américaines no 227131 du 23 août 2002 et anglaises no0230037 du 23 décembre 2002 et no0303924 du 20 février 2003, délivré le 13 mars 2013 et - le brevet EP 3 002 289 (ci-après EP 289) portant le même intitulé car issu d'une demande divisionnaire du précédent, également déposé le 23 août 2003 sous les mêmes priorités. 6. Par acte du 15 mai 2020, la société MGI a assigné la société Illumina Cambridge en nullité de la partie française de ces deux brevets. 7. Ayant appris que la société MGI avait été lauréate d'un appel d'offres du Commissariat à l'énergie atomique (ci-après CEA) pour la fourniture de séquenceurs, par ordonnance du 24 septembre 2020, la société Illumina Cambridge a été autorisée à pratiquer une saisie contrefaçon dans les locaux du CEA et les opérations ont eu lieu le 30 septembre 2020. 8. Par ordonnance du 9 juillet 2021, le juge de la mise en état a débouté la société Illumina Cambridge de ses demandes tendant au prononcé de mesures provisoires d'interdiction et de communication de pièces au titre du droit d'information aux motifs de l'ancienneté et du caractère isolé des faits de contrefaçon réparables par dommages-intérêts, a débouté la société MGI de sa demande d'indemnité provisionnelle fondée sur l'abus de position dominante commis par la société Illumina Cambridge en France et a condamné la société Illumina Cambridge aux dépens de l'incident et à payer à la société MGI la somme de 80.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 9. Une seconde saisie contrefaçon a été autorisée par la cour d'appel de Paris le 8 février 2022 et a été effectuée dans les locaux du CEA le 10 mars 2022. 10. Dans ses dernières conclusions signifiées le 25 novembre 2022, la société MGI demande : à titre principal,- la nullité des revendications 1 à 30 de la partie française du brevet européen no 1 530 578 et des revendications 1 à 15 de la partie française du brevet européen no 3 002 289 ;- la nullité des deux procès-verbaux de saisie contrefaçon des 30 septembre 2020 et du 10 mars 2022 et la somme de 1.000.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des deux saisies contrefaçon ; à titre subsidiaire,- l'octroi d'une licence obligatoire sur ces brevets ainsi que sur tout brevet (ou demande de brevet) futur de la même famille, non-exclusive, couvrant le territoire français, pour tout produit et procédé dont l'utilisation ou l'offre d'utilisation constituerait une contrefaçon, pour toute la durée légale des brevets de nucléotides modifiés de la société Illumina Cambridge, soit jusqu'au 22 août 2023, moyennant une redevance calculée sur l'assiette du prix de vente net de tout produit sous licence et, à titre très subsidiaire, la désignation d'un expert pour déterminer quel taux de redevance constituerait une juste valeur du marché pour la licence ; en tout état de cause,- la condamnation de la société Illumina Cambridge à lui payer la somme de 1.000.000 euros à titre de dommages et intérêts provisionnels, à parfaire, en réparation de son préjudice résultant de l'abus de position dominante et la désignation d'un expert pour évaluer le préjudice réel ;- la condamnation de la société Illumina Cambridge aux dépens et à lui payer la somme de 250.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 11. Dans ses dernières conclusions signifiées le 26 octobre 2022, la société Illumina Cambridge demande au tribunal de : - débouter la société MGI de ses demandes de nullité des revendications no 1 à 30 de la partie française du brevet EP 578 et no 1 à 15 de la partie française du brevet EP 289 ;- dire que la société MGI a commis des actes de contrefaçon directe ou par fourniture de moyens de ses brevets européens EP 578 et EP 289 en offrant, mettant dans le commerce, important, livrant, utilisant et détenant à ces fins des réactifs de séquençage StandardMPS et CoolMPS et des séquenceurs fonctionnant avec ces réactifs ;- interdire à la société MGI de poursuivre ces agissements sous astreinte ;- ordonner à la société MGI d'adresser à chacun des détenteurs de séquenceurs incriminés en France, dans un délai de 15 jours à compter de la signification du jugement à intervenir, et sous astreinte, une lettre recommandée avec accusé de réception pour les avertir de la décision de justice ;- ordonner que tous les sets et/ou kits de séquençage contenant la chimie StandardMPS ou la chimie CoolMPS soient rappelés pour être confisqués et placés sous séquestre sous astreinte ;- enjoindre à la société MGI de communiquer, sous astreinte, un état certifié des ventes des produits et machines contrefaisants ;- condamner la société MGI à lui payer une provision de 800.000 euros, à valoir sur son préjudice du fait de la contrefaçon et une somme de 1.000.000 euros au titre de l'atteinte portée à la valeur de ses brevets ;- rejeter les demandes de la société MGI au titre d'une licence obligatoire ;- ordonner la publication du jugement à intervenir ;- condamner la société MGI aux dépens et à lui payer 400.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 12. De nombreuses autres instances opposent les parties sur le respect de ces brevets.En Allemagne, la validité du brevet EP 578 et sa contrefaçon par la société MGI et une autre filiale du groupe BGI ont été jugées. En Angleterre, la validité de la partie anglaise des brevets EP 578 (après limitation de la revendication 1 au cas où le groupe de blocage est un groupe azidométhyle) et EP 289 et leur contrefaçon par la société MGI ont été jugées en première instance et en appel.En Belgique, une décision définitive a conclu à la validité et à la contrefaçon par la société MGI du brevet EP 289 et déclaré irrecevable l'action en nullité contre le brevet EP 578.En Suède, la validité de la partie suédoise du brevet EP 289 et sa contrefaçon par la société MGI et deux autres filiales du groupe MGI ont été jugées en première instance le 18 mars 2022 et un appel est en cours. En Suisse, la validité du brevet EP 578 a été admise en première instance et en appel.Des procédures au fond sont encore pendantes au Danemark, en Finlande, en Grèce, en Italie, en République tchèque et en Turquie. 13. L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 décembre 2022 et l'affaire plaidée les 18 et 19 janvier 2023. 14. A l'issue des débats, le tribunal a invité les parties à compléter leurs explications relatives à la nullité des saisies-contrefaçon au regard d'une décision de la Cour de cassation attendue le 1er février 2023.La société MGI a produit deux notes en délibéré les 8 et 15 février et la société Illumina Cambridge une le 14 février 2023. MOTIVATION I . Sur les notes en délibéré 15. Par note du 8 février 2023, la société MGI a non seulement complété ses observations sur la nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 30 septembre 2020 au regard de l'arrêt de la Cour de cassation du 1er février 2023 mais également transmis, traduit et commenté une opinion préliminaire de la chambre de recours de l'OEB sur une des questions de fond soumises au tribunal.Par note du 15 février 2023, elle a présenté ses observations sur l'arrêt de la Cour de cassation du 1er février 2023 et demandé que le moyen nouveau de la société Illumina Cambridge tiré de l'absence d'exception d'incompétence soit écarté ou fasse l'objet d'une réouverture des débats. 16. Par note du 14 février 2023, la société Illumina Cambridge a demandé que les pièces nouvelles produites par la demanderesse soient écartées des débats comme excédant le périmètre de la note autorisée après clôture des débats et a présenté ses explications sur la saisie-contrefaçon du 30 septembre 2020 au regard de l'arrêt du 1er février 2023. Sur ce, 17. L'article 442 du code de procédure civile dispose que le président et les juges peuvent inviter les parties à fournir les explications de droit et de fait qu'ils estiment nécessaires ou à préciser ce qui paraît obscur et l'article 445 pose le principe selon lequel les parties ne peuvent déposer aucune note à l'appui de leurs observations après la clôture des débats, si ce n'est à la demande du président. 18. Les parties ne sont recevables à déposer de notes en délibéré que dans le cadre strict de la demande du tribunal. Dès lors, le tribunal ne saurait retenir dans les débats les explications objet du point 2 de la note de la société MGI du 8 février 2023 et la pièce nouvelle qui y était jointe et il y a lieu de les écarter.En revanche, les observations des parties sur les conséquences qu'elles tirent de l'arrêt de la Cour de cassation du 1er février 2023 seront examinées avec la validité du procès-verbal de saisie- contrefaçon infra sans qu'il y ait lieu de réouvrir les débats. II . Sur la validité des brevets 19. L'article 52 de la Convention sur le brevet européen de Munich du 5 octobre 1973 (ci-après CBE) dispose que "les brevets européens sont délivrés pour toute invention dans tous les domaines technologiques, à condition qu'elle soit nouvelle, qu'elle implique une activité inventive et qu'elle soit susceptible d'application industrielle". 1 . Présentation des brevets 20. La description des brevets expose que :- le séquençage par synthèse d'ADN nécessite de contrôler l'incorporation du nucléotide complémentaire en face de l'oligonucléotide séquencé et d'ajouter des nucléotides en plusieurs cycles au fur et à mesure que chaque résidu nucléotidique est séquencé ; - pour garantir qu'une seule incorporation se produise, une modification structurelle des nucléotides de séquençage dite "groupe de blocage" est nécessaire ;- ce groupe de blocage doit être retirable dans des conditions de réaction qui n'interfèrent pas avec l'intégrité de l'ADN séquencé, le cycle de séquençage pouvant ensuite se poursuivre avec l'incorporation du prochain nucléotide marqué bloqué ;- il existe de nombreuses limites à l'adéquation d'une molécule en tant que groupe de blocage en ce que celui-ci doit jouer ce rôle de contrôle des incorporations tout en étant facilement éliminable du groupement sucre sans endommager la chaîne polynucléotidique, être toléré par la polymérase utilisée et avoir la capacité d'être éliminé dans des conditions douces, de préférence aqueuses ;- des groupes de blocage réversibles à cet effet ont été décrits mais aucun d'entre eux ne remplit de manière générale les critères précités pour la chimie des polynucléotides ;- il n'existe notamment aucun mode de réalisation du clivage réussi d'un groupe 3'-allyl dans des conditions préservant l'intégrité de l'ADN ;- l'invention est basée sur le développement surprenant d'un certain nombre de groupes de blocage réversibles et de procédés visant à leur déprotection dans des conditions compatibles avec l'ADN, certains de ces groupes étant nouveaux et d'autres divulgués dans l'art antérieur mais sans preuve de ce qu'ils pouvaient être utilisés dans le séquençage d'ADN. 21. La description décrit encore les procédés associés, notamment le procédé de séquençage d'un polynucléotide simple brin cible, comprenant :(a) la mise en oeuvre d'une pluralité de nucléotides différents selon l'invention, lesquels sont de préférence liés depuis la base à un marqueur détectable par un lieur clivable et dans lequel le marqueur détectable lié à chaque type de nucléotide peut être distingué lors de la détection du marqueur détectable utilisé pour d'autres types de nucléotides ;(b) l'incorporation du nucléotide dans le complément du polynucléotide simple brin cible ;(c) la détection du marqueur du nucléotide de (b), déterminant ainsi le type de nucléotide incorporé ;(d) le retrait du marqueur du nucléotide de (b) et du groupe de blocage ;(e) éventuellement répétition des étapes (b) - (d) une ou plusieurs fois ;ainsi qu'un kit associant les différents nucléotides de l'invention et leur emballage. 22. Il est enfin indiqué que les nucléotides selon l'invention peuvent être utilisés dans les procédés de séquençage Sanger et les protocoles associés, dans lesquels le lieur reliant le marqueur détectable au nucléotide peut ou non être clivable. 23. Le brevet EP 578 a fait l'objet d'une procédure d'opposition devant l'Office européen des brevets (ci-après OEB). Le 9 décembre 2015, la division d'opposition a rejeté l'opposition et maintenu le brevet tel que délivré et cette décision est définitive. 24. Il comporte 30 revendications se rapportant aux nucléotides modifiés et à leur utilisation, dont seules les suivantes sont invoquées au titre de la contrefaçon : 1. Molécule de nucléotide modifiée comprenant une base purine ou pyrimidine et un groupement sucre ribose ou désoxyribose ayant un groupe de blocage de 3'-OH retirable fixé de manière covalente à celle-ci, de sorte que l'atome de carbone 3' a un groupe fixé de structure O-Z où - Z est l'un quelconque de -C(R')2 -N(R") , -C(R') -N(H)R" et -C(R')2 -N3,- où chaque R" est ou fait partie d'un groupe protecteur retirable ;- chaque R' est indépendamment un atome d'hydrogène, un groupe alkyle, alkyle substitué, arylalkyle, alcényle, alcynyle, aryle, hétéro-aryle, hétérocyclique, acyle, cyano, alcoxy, aryloxy, hétéroaryloxy ou amido, ou un marqueur détectable fixé par le biais d'un groupe de liaison ; ou bien (R')2 représente un groupe alkylidène de formule =C(R"')2 où chaque R"' peut être identique ou différent et est choisi dans le groupe comprenant les atomes d'hydrogène et d'halogène et les groupes alkyle ; et où ladite molécule peut être mise à réagir pour produire un intermédiaire dans lequel chaque R" est échangé pour H, lequel intermédiaire se dissocie dans des conditions aqueuses pour donner une molécule avec un 3'OH libre.4. Molécule selon l'une quelconque des revendications 1 à 3 où Z est un groupe azidométhyle.6. Molécule selon l'une quelconque des revendications précédentes où ladite base est liée à un marqueur détectable via un lieur clivable ou un lieur non clivable.7. Molécule selon la revendication 6 où ledit lieur est clivable.9. Molécule selon l'une quelconque des revendications 6 à 8 où ledit marqueur détectable est un fluorophore.12. Procédé de régulation de l'incorporation d'un nucléotide selon l'une quelconque des revendications 6 à 10 et complémentaire d'un second nucléotide dans un polynucléotide simple brin cible dans une réaction de synthèse ou de séquençage comprenant l'incorporation dans le polynucléotide complémentaire en croissance dudit nucléotide, l'incorporation dudit nucléotide empêchant ou bloquant l'introduction de molécules de nucléoside ou de nucléotide subséquentes dans ledit polynucléotide complémentaire en croissance.17. Procédé pour déterminer la séquence d'un polynucléotide simple brin cible, comprenant le suivi de l'incorporation séquentielle de nucléotides complémentaires, où au moins une incorporation est d'un nucléotide selon l'une quelconque des revendications 6 à 10 et où l'identité du nucléotide incorporé est déterminée par détection du marqueur lié à la base, et le groupe de blocage et ledit marqueur sont retirés avant l'introduction du nucléotide complémentaire suivant.25. Kit, comprenant (a) une pluralité de nucléotides différents où ladite pluralité de nucléotides différents est telle que définie dans l'une quelconque des revendications 6 à 10 ; et(b) des matériaux d'empaquetage pour ceux-ci.29. Oligonucléotide comprenant un nucléotide modifié selon les revendications 1-11.30. Nucléotide triphosphate comprenant un nucléotide modifié selon les revendications 1-11. 25. Le brevet EP 289 est contesté devant l'OEB ; la division d'opposition l'a maintenu avec des modifications par décision du 22 décembre 2021 et un recours est en cours d'examen. 26. Il contient quinze revendications, les revendications 1, 6, 9 et 10 étant indépendantes. Les revendications du titre tel que délivré invoquées au titre de la contrefaçon sont les suivantes. 1. Molécule de nucléotide triphosphate modifiée comprenant une base purique ou pyrimidique et un groupe fonctionnel de sucre désoxyribose comportant un groupe 3'-azidométhyle. 2. Molécule selon la revendication 1, ladite base étant liée à un marqueur détectable par l'intermédiaire d'un lieur clivable ou d'un lieur non clivable. 3. Molécule selon la revendication 2, ledit lieur étant clivable.4. Molécule selon la revendication 2 ou 3, ledit marqueur détectable étant un fluorophore.6. Kit comprenant quatre molécules de nucléotides triphosphates modifiées, chacune comprenant une base purine ou pyrimidine et un groupement sucre désoxyribose comportant un groupe 3'-azidométhyle où chaque nucléotide comporte une base qui est liée à un marqueur détectable lié à chaque nucléotide par l'intermédiaire d'un lieur clivable et où le marqueur détectable lié à chaque nucléotide peut être différencié lors de la détection du marqueur détectable utilisé pour les trois autres nucléotides. 9. Molécule polynucléotidique comportant un groupe 3'-azidométhyle. 10. Procédé permettant de déterminer la séquence d'un polynucléotide simple brin cible, comprenant le suivi de l'incorporation séquentielle de nucléotides complémentaires, au moins une incorporation étant celle d'un nucléotide comprenant une base purique ou pyrimidique et un groupe fonctionnel de sucre désoxyribose comportant un groupe 3'-azidométhyle où le nucléotide comporte une base qui est liée à un marqueur détectable par l'intermédiaire d'un lieur clivable et l'identité du nucléotide étant déterminée en détectant le marqueur lié à la base et le groupe de blocage et le marqueur étant enlevés avant introduction du nucléotide complémentaire suivant. 2 . Sur la nullité des brevets pour insuffisance de description 27. Aux termes de l'article L. 614-12 du code de la propriété intellectuelle, "La nullité du brevet européen est prononcée en ce qui concerne la France par décision de justice pour l'un quelconque des motifs visés à l'article 138, paragraphe 1, de la Convention de Munich Si les motifs de nullité n'affectent le brevet qu'en partie, la nullité est prononcée sous la forme d'une limitation correspondante des revendications.". Selon l'article 138 de cette convention, "(1) Sous réserve de l'article 139, le brevet européen ne peut être déclaré nul, avec effet pour un État contractant, que si : a) l'objet du brevet européen n'est pas brevetable en vertu des articles 52 à 57 ;b) le brevet européen n'expose pas l'invention de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter". 28. Ces dispositions sont constamment interprétées en ce sens qu'une invention est suffisamment décrite lorsque l'homme du métier est en mesure, à la lecture de la description et grâce à ses connaissances professionnelles normales, théoriques et pratiques, d'exécuter l'invention (Com 23 mars 2005, pourvoi no 03-16.532 ; Com., 20 mars 2007, pourvoi no 05-12.626, Bull. 2007, IV, no 89 ; Com., 13 novembre 2013, pourvoi no 12-14.803, 12-15.449). Le fait que certains éléments indispensables au fonctionnement de l'invention ne figurent ni explicitement dans le texte des revendications ou de la description, ni dans les dessins représentant l'invention revendiquée, n'implique pas nécessairement que l'invention n'est pas exposée dans la demande de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter, dès lors que ces éléments indispensables appartiennent à ses connaissances générales (Cass. Com., 23 janvier 2019, pourvois no 17-14.673 et 16-28.322). a) L'homme du métier 29. La société MGI définit l'homme du métier comme une équipe, expérimentée dans l'emploi et le développement de produits commerciaux utilisant des nucléotides ou nucléosides modifiés, y compris des produits de séquençage de l'ADN, comprenant un spécialiste en chimie organique, possédant un diplôme universitaire et plusieurs années d'expérience pratique concernant les nucléotides et nucléosides chimiquement modifiés, avec des connaissances solides concernant les méthodes de synthèse ainsi qu'un ingénieur mécanicien ou un ingénieur ayant une formation appropriée et de l'expérience dans les processus d'imagerie biochimique. 30. Selon la définition proposée par la société Illumina Cambridge, il s'agit d'une équipe comprenant des scientifiques travaillant sur le développement de produits de séquençage par synthèse, cet homme du métier étant titulaire d'un doctorat en chimie, en biologie moléculaire ou dans une discipline voisine et ayant au moins cinq ans d'expérience pratique en laboratoire universitaire ou industriel dans le domaine de la recherche et du développement des technologies de séquençage de l'ADN. Sur ce, 31. L'homme du métier est dans le cas présent une équipe de chimistes spécialisés dans le domaine de la recherche et du développement des technologies de séquençage de l'ADN qui dispose de connaissances étendues en biologie moléculaire, en chimie organique et méthodes de synthèse. b) L'insuffisance de description La société MGI soutient que les brevets sont nuls comme insuffisamment décrits en ce que :a) l'homme du métier ne peut pas mettre en oeuvre l'une des variantes de la revendication 1 du brevet EP 578 (celle dans laquelle Z est -C(R')2-N3 couvrant, entre autres, le groupe azidométhyle) car les caractéristiques 1.4 et 1.5 prescrivent spécifiquement que le nucléotide modifié doit pouvoir être mis à réagir pour produire un intermédiaire dans lequel chaque R" est échangé pour H, lequel intermédiaire se dissocie dans des conditions aqueuses pour donner une molécule avec un 3'-OH libre de sorte que, en l'absence de R", la revendication 1 n'est pas suffisamment décrite et que toutes les revendications qui l'intègrent sont également invalides ;b) la revendication de procédé 17 du brevet EP 578, qui concerne un procédé de séquençage d'un polynucléotide simple brin et précise que le lieur doit être retiré après l'incorporation du nucléotide modifié dans le brin d'ADN cible, ne peut pas être mise en oeuvre car la revendication 6, dont elle dépend définit le lieur du marqueur comme étant clivable ou non clivable ; or, si un lieur non clivable est utilisé, le marqueur ne peut pas être retiré ; la pertinence de ce grief est confirmé par la modification de la revendication 2 du brevet EP 289 (l'équivalent de la revendication 6 du brevet EP 578) dans le cadre de la procédure d'opposition devant l'OEB qui supprime l'alternative "lieur non clivable" ; le même raisonnement s'applique à la revendication 19, dépendante de la revendication 17 ;c) la revendication 10 du brevet EP 289 ne précise pas si le lieur clivable est retiré en totalité ou partie et les exemples ne montrent pas comment retirer le marqueur sans qu'au moins une partie du lieur clivable ne soit enlevée, de sorte que l'homme du métier ne peut pas mettre en oeuvre l'invention ; d) la société Illumina Cambridge définit le problème technique comme consistant à fournir un groupe de blocage aux propriétés améliorées par rapport à l'art antérieur et, dans ce cas, les brevets ne sont pas suffisamment décrits, car ils ne résolvent pas ce problème technique en ce que :- le groupe de blocage divulgué ne présente pas de propriétés d'incorporation améliorées par rapport aux groupes de l'art antérieur, - selon l'expérience retracée dans les brevets, l'invention divulguée permet seulement de séquencer au mieux quelques bases d'un ADN cible, - les conditions de retrait décrites dans les brevets conduisent nécessairement à une dénaturation de l'ADN, - les conditions divulguées dans les brevets ne permettent pas de débloquer le groupe protecteur avec un rendement suffisamment élevé. 32. La société Illumina Cambridge oppose que :a) pour obtenir un bloc retirable avec la variante dans laquelle Z est -C(R')2-N3, l'homme du métier comprend qu'il lui suffit de sélectionner R' dans l'un des substituants proposés par la caractéristique 1.3.4 et l'absence de référence à R" ne le fera pas douter de la possibilité d'obtenir un nucléotide modifié dont le groupe de blocage sera retirable ; les paragraphes 57 à 60, 72 et 116 à 118 de la description l'expliquent et cela n'affecte pas le brevet dans son entier d'une insuffisance de description ; b) dans le cas d'un lieur non clivable, les connaissances générales de l'homme du métier lui enseignent comment opérer le retrait par une autre méthode comme le blanchiment ;c) les paragraphes 76 à 90 de la description fournissent d'amples explications à l'homme du métier pour lui permettre de choisir des lieurs clivables appropriés et la question de la conservation du lieur après clivage ne se poserait pas à lui ;d) les arguments sur l'art antérieur sont les mêmes que ceux opposés au titre du défaut d'activité inventive ; or, les groupes de blocages identifiés dans l'art antérieur (par le docteur [R]) n'ont jamais été utilisés efficacement alors que l'efficacité de ses réactifs de séquençage avec un groupe protecteur azidométhyle est largement démontrée ; la société MGI ne démontre aucunement que le retrait du groupe de blocage selon le brevet endommage l'ADN, les expériences du professeur [N] du 11 janvier 2021 n'étant pas crédibles.Elle rappelle que l'on doit retenir la même définition de l'homme du métier pour l'appréciation de la suffisance de description du brevet examiné qu'à celle de son caractère inventif et non prêter à l'homme du métier des connaissances élargies pour la seconde et étriquées pour la première. Sur ce, 33. La revendication 1 du brevet EP 578 divulgue trois structures moléculaires pour le groupe de blocage et expose le mode de déprotection par production d'un intermédiaire permettant sa dissociation en conditions aqueuses après échange du groupe R" pour H, alors que la troisième structure (-C(R')2 -N3) ne comporte pas de groupe R".Néanmoins, ainsi que le soutient à juste titre la société Illumina Cambridge, la description décrit le processus de déprotection de ce type de groupe de blocage par production d'un intermédiaire (amino) dissociable en milieu aqueux en présence de phosphines :[0060] : Lorsque les molécules contiennent des groupes Z de formule C(R') 2 N 3 , le groupe azido peut être converti en amino par contact de telles molécules avec les ligands phosphine ou phosphines azotées décrits en détail dans le présent document ,[0072] : Le terme amino désigne des groupes de type NR'R", où R' et R" sont choisis indépendamment parmi l'hydrogène, un groupe alkyle en C 1-6 (également appelé alkylamino en C1-6 ou di-alkylamino en C1-6 , [0117] et [0118] : 3'-OH protégé par un groupe azidométhyle en tant que forme protégée d'un hémiaminal : Les nucléotides portant ce groupe de blocage en position 3' ont été synthétisés, et il a été démontré qu'ils (...) peuvent ensuite être éliminés dans des conditions aqueuses neutres en utilisant des phosphines ou des thiols hydrosolubles).Il n'est, de plus, pas discuté que l'homme du métier aurait su déprotéger un tel nucléotide au regard de ses connaissances générales et plus particulièrement la réaction de Staudinger, réaction chimique entre une azoture (-N3) et une phosphine en présence d'eau, au cours de laquelle l'azoture subit une réduction pour générer avec un rendement élevé une amine primaire. 34. Les critiques sous a) ne sont donc pas suffisantes à caractériser une insuffisance de description. 35. La revendication 6 du brevet EP 578 complète les revendications précédentes sur les nucléotides modifiés en ce que "ladite base est liée à un marqueur détectable via un lieur clivable ou un lieur non clivable". Sa revendication 17 divulgue le procédé de séquençage selon les revendications 6 à 10, selon lesquelles l'identité du nucléotide incorporé est déterminée par détection du marqueur lié à la base, puis le groupe de blocage et ledit marqueur sont retirés avant l'introduction du nucléotide suivant, ce qui suppose le retrait du marqueur dans tous les cas, y compris, dans un cas de la revendication 6, lorsque le marqueur est lié par un lien non clivable. 36. La société MGI soutient que l'homme du métier n'était pas en mesure de savoir comment retirer le marqueur si le lien n'est pas clivable, la technique du photo-blanchiment ne permettant pas le retrait du marqueur mais seulement une suppression de sa fluorescence, ce que la société Illumina Cambridge ne discute pas ; or, le terme retrait (removal) ne peut être assimilé à neutralisation de la fluorescence.Dès lors, quand bien même le séquençage resterait possible avec une simple neutralisation du marqueur sans retrait, l'invention ne peut être réalisée selon la revendication 17 dans tous ses éléments. 37. Cette insuffisance de description est cependant limitée à l'exécution de la revendication 17 dans le seul cas de l'une des branches de l'alternative de la revendication 6 dans laquelle le lieur entre base et marqueur est non clivable et n'empêche pas, même dans ce cas, la réalisation du procédé de séquençage décrit. La critique sous b) est donc justifiée mais pointe une insuffisance mineure qui ne vicie qu'une branche particulière et divisible de l'invention. Elle ne justifie donc pas l'annulation totale de la revendication 17 pour insuffisance de description mais seulement son annulation partielle dans la limite de sa référence à cette revendication 6 et sa limitation à la référence aux revendications 7 à 10. 38. La société MGI n'explique pas en quoi le retrait total ou partiel du lieur après clivage du marqueur a un effet sur l'exécution de la revendication 10 du brevet EP 289. Dans ces conditions, quand bien même la question du sort du lieur après clivage ne serait ni revendiquée, ni décrite, cela n'est pas susceptible d'empêcher l'homme du métier de réaliser l'invention. 39. La critique sous c) n'est donc pas suffisante à caractériser une insuffisance de description. 40. Quant aux critiques de la société MGI réunies sous le d), elles portent sur les performances de l'invention et non la suffisance de sa description de sorte qu'elles sont inopérantes. 41. Le grief d'insuffisance de description des brevets EP 578 et EP 289 sera donc partiellement retenu s'agissant de la revendication 17 du brevet EP 578 et rejeté pour le surplus. 3 . Sur la nullité du brevet EP 289 pour extension de l'objet au-delà du contenu de la demande et du champ de la demande parente 42. La société MGI soutient que :- la revendication 1 du brevet EP 289 couvre un nucléotide modifié ayant un "groupe 3'-azidométhyle" c'est-à-dire une molécule dans laquelle le groupe azidométhyle est lié au troisième atome de carbone (3') du groupement sucre directement, sans atome d'oxygène intermédiaire, qui n'est pas divulguée dans la demande parente de sorte que les revendications indépendantes 1, 6, 9 et 10 et les revendications dépendantes sont nulles ;- le terme désoxyribose désigne un ribose dont l'un des atomes d'oxygène a été retiré, peu importe que le groupe hydroxyle restant soit lié à la position 2' ou 3' ; - en l'absence de référence à un atome d'oxygène dans le brevet EP 289, la revendication 1 doit être interprétée comme couvrant une molécule dans laquelle le groupe azidométhyle est lié au troisième atome de carbone (3') sans atome d'oxygène intermédiaire ;- l'interprétation de la société Illumina Cambridge est contraire à la principale source internationale (UICPA) de définitions et de nomenclatures en chimie et biochimie, dont il ressort que les termes "groupe 3'-azidométhyle" désignent un groupe azidométhyle lié directement à l'atome de carbone 3' ;- si elle a écrit que "les formes 3'-azidométhyle et 3'-O-azidométhyle sont interchangeables" dans sa demande de brevet WO 2018/129214 en 2018, c'est au motif que "sinon les deux termes auraient renvoyé à des structures différentes" ; - cette revendication étant dépourvue d'ambiguïté, il ne faut pas recourir à la description du brevet pour interpréter le sens des termes "groupe 3'-azidométhyle". 43. La société Illumina Cambridge fait valoir que :- la caractéristique "structure O-Z" doit être interprétée par l'homme du métier comme un groupe azidométhyle lié au carbone 3' via l'atome d'oxygène du groupe hydroxyle (OH) du sucre désoxyribose, dépourvu de groupe OH en position 2' mais non en position 3' ;- lorsqu'il n'y a pas de groupe OH en position 3', le sucre est nommé didésoxyribose et non désoxyribose ;- la nomenclature UICPA (pour Union internationale de chimie pure et appliquée) fait référence en chimie et biochimie mais pas en biologie moléculaire ;- la société MGI a elle-même écrit dans une demande de brevet en 2018 "les formes 3'-azidométhyle et 3'-O-azidométhyle sont interchangeables" ;- le doute serait en toute hypothèse levé par la description (paragraphes [0102] et [0103]) ;- plusieurs juridictions ont déjà tranché ce point dans son sens. Sur ce, 44. L'article 76(1) de la CBE prévoit notamment "Toute demande divisionnaire de brevet européen doit être déposée directement auprès de l'Office européen des brevets conformément au règlement d'exécution. Elle ne peut être déposée que pour des éléments qui ne s'étendent pas au-delà du contenu de la demande antérieure telle qu'elle a été déposée".et l'article 69 (1) "L'étendue de la protection conférée par le brevet européen ou par la demande de brevet européen est déterminée par les revendications. Toutefois, la description et les dessins servent à interpréter les revendications." 45. La revendication 1 du brevet EP 289 vise une "molécule de nucléotide triphosphate modifiée comprenant [?] un groupement sucre désoxyribose comportant un groupe 3'-azidométhyle" alors que la revendication 1 du brevet EP 578 visait une "molécule de nucléotide modifiée comprenant [?] un groupement sucre désoxyribose ayant un groupe de blocage de 3'-OH retirable fixé de manière covalente à celle-ci, de sorte que l'atome de carbone 3' a un groupe fixé de structure -O-Z".Le brevet parent fait donc référence à un groupe de structure O-Z lié à l'atome de carbone en position 3', tandis que le brevet EP 289 revendique une molécule incluant un groupement sucre désoxyribose comportant un groupe 3'-azidométhyle, et non 3'-O-azidométhyle. 46. A l'appui de sa position selon laquelle l'homme du métier comprendra de la revendication du brevet EP 289 qu'elle décrit un groupe 3'-azidométhyle directement fixé sur l'atome de carbone en position 3' du sucre désoxyribose, la société MGI invoque des rapports du professeur [K] du 28 avril 2020 et du professeur [W] du 13 juillet 2020 selon lesquels cette conclusion s'infère clairement des règles de nomenclature de l'UICPA et qu'il s'agit d'une configuration moléculaire différente de 3'-O-azidométhyle. 47. Elle ne conteste cependant pas que le terme désoxyribose peut renvoyer à un sucre sans groupe hydroxyle (OH) en position 2' (comme dans la figure reproduite au point 4 supra) ou sans groupe hydroxyle en position 3' (étant précisé que, lorsque les deux groupes hydroxyles sont absents, on parle de didésoxyribose) et qu'il est couramment utilisé pour désigner un ribose dépourvu d'un atome d'oxygène dans la position 2' (comme dans ADN, par exemple, au lieu de acide 2- désoxyribonucléique). 48. Ce sens courant est confirmé par la société Complete genomics inc. du groupe BGI qui, dans sa demande de brevet WO 2018/129214 du 4 janvier 2018 ayant pour objet des compositions et procédés de SBS, a indiqué parmi les définitions au paragraphe [0051]: "as used herein, in the context of a cleavable blocking group of nucleotide analog, the designation "3'-O-" is sometimes implied rather than explicit. For example, the terms "azidomethyl", "3'-O- azidomethyl" are interchangeable as will be apparent from context" et a donné la légende "3'-azidomethyl" à sa figure 9 ci-dessous reproduite illustrant un sucre dont l'atome de carbone 3' a un groupe fixé de structure -O-N3. 49. Au regard de ce double sens du terme désoxyribose et du fait que l'expression "3'-O-" soit parfois sous-entendue, la société MGI est mal fondée à soutenir que la revendication 1 du brevet EP 289 signifie de façon si claire que le groupe azidométhyle est lié au troisième atome de carbone (3') du groupement sucre directement, sans atome d'oxygène intermédiaire, qu'il serait exclu de recourir à la description du brevet pour interpréter le sens des termes "groupe 3'-azidométhyle". 50. Or, la description évoque, d'emblée, le caractère retirable du groupe de blocage et, dès le paragraphe [0015] le rattachement d'un groupe de structure -O-Z à l'atome de carbone 3' et fournit des exemples de molécules dans lesquelles le groupe de blocage azidométhyle est lié au carbone 3' par l'intermédiaire d'un atome d'oxygène (paragraphes [00102] et [00103]). 51. De plus, la société MGI ne conteste pas la déclaration du 28 juin 2021 du docteur [X] [I] selon laquelle l'homme du métier aurait nécessairement compris que la revendication 1 portait sur des molécules nucléotidiques possédant une base purine ou pyrimidine et un groupement sucre désoxyribose comportant un groupe azidométhyle (soit un groupe -CH2N3) attaché à l'oxygène à la position 3' car, "si cela n'était pas le cas, par exemple si le groupe azidométhyle était attaché directement au carbone 3', il annulerait entièrement l'objectif technique fondamental auquel les nucléotides sont destinés dans le brevet EP 289" car cela reviendrait à éliminer de façon irréversible le groupe 3'-OH, "ce qui exclurait toute croissance future du polynucléotide, empêchant ainsi tout autre séquençage". 52. Dans ces conditions, le tribunal retient que l'homme du métier comprendrait que, lorsque la revendication 1 mentionne un groupe 3'-azidométhyle, il s'agit d'un groupe 3'-O-azidométhyle car les termes sont interchangeables dans ce contexte et parce que c'est ce qui ressort sans ambiguïté de la description. 53. Le grief d'extension de l'objet du brevet n'est donc pas fondé et la nullité demandée de ce chef est rejetée. 4 . Sur la nullité des brevets pour défaut de nouveauté 54. La société MGI soutient que :- le tableau 1 de l'article de Pentti Oksman et autres (ci-après ea) de 1992, qui concerne la fourniture de nucléosides modifiés pouvant être utiles dans le traitement du VIH, divulgue des nucléosides modifiés par un groupe 3'-O-azidométhyle et l'homme du métier aurait compris que ces nucléosides peuvent agir comme des inhibiteurs potentiels du VIH et que l'utilisation de nucléosides comme antiviraux repose sur leur conversion in vivo en nucléotides correspondants, par l'ajout du groupe triphosphate au carbone 5',- l'homme du métier aurait nécessairement abouti à des nucléotides modifiés 3'-O-azidométhyle, tels que revendiqués par le brevet EP 578 et le brevet EP 289 ;- les revendications 1 et 9 du brevet EP 289 sont implicitement divulguées par un article de Lin ea (1993) mentionnant la formule structurelle d'un nucléoside avec une base thymine, un groupe sucre, un groupe hydroxyle et un groupe azidométhyle. 55. La société Illumina Cambridge oppose que :- pour être destructeur de nouveauté, un document antérieur doit révéler tous les moyens de l'invention et résoudre le même problème technique ;- l'article d'Oksman ea analyse la structure de 20 nucléosides, il ne mentionne pas de nucléotides et ne concerne en rien le séquençage ou la synthèse de l'ADN (il recherche la potentielle activité antivirale des nucléosides étudiés) ;- quand bien même l'article d'Oksman ea aurait divulgué qu'un nucléoside identifié comme potentiel inhibiteur du VIH devait être testé in vivo (ce qui n'est pas le cas), il aurait été purement spéculatif de considérer que ce composé serait converti en un nucléotide triphosphate,- l'article de Lin ea (1993) n'enseigne pas de molécule de nucléotide modifiée par l'adjonction d'un groupe de blocage azidométhyle en position 3' via un atome d'oxygène,- ce sont les conclusions de la division d'opposition dans ses deux décisions sur les deux brevets ainsi que celles des juges suédois, belge et espagnol. Sur ce, 56. L'article 138, 1, a) de la CBE dispose que le brevet européen est déclaré nul par les tribunaux d'un État contractant si "l'objet du brevet européen n'est pas brevetable en vertu des articles 52 à 57" et l'article 54 définit ainsi la nouveauté : "Une invention est considérée comme nouvelle si elle n'est pas comprise dans l'état de la technique".L'élément de l'art antérieur n'est destructeur de nouveauté que s'il renferme tous les moyens techniques essentiels de l'invention dans la même forme, le même agencement et le même fonctionnement en vue du même résultat technique : l'antériorité, qui est un fait juridique dont l'existence, la date et le contenu doivent être prouvés par tous moyens par celui qui l'invoque, doit être unique et être révélée dans un document unique dont la portée est appréciée globalement 57. Il est constant qu'un nucléoside est composé d'un sucre à 5 atomes de carbone et d'une base nucléique et qu'il devient un nucléotide lorsqu'un ou plusieurs groupes phosphate sont liés à son carbone 5'. 58. Il n'est pas contestable que les nucléosides sont des molécules différentes des nucléotides, qu'aucun des nucléosides sélectionnés par les articles précités n'est envisagé comme apte à être utilisé dans le séquençage de l'ADN et que la conversion in vivo des nucléosides n'était pas envisagée par ces articles.De plus, la société MGI ne fournit pas de réponse aux difficultés techniques soulevées par la société Illumina Cambridge à cette conversion in vivo. 59. Enfin, l'article de Pentti Oksman ea a été écrit dans le domaine de la recherche antivirale et décrit des nucléosides inhibiteurs potentiels du VIH, de même que l'article de Lin ea, s'inscrivant dans le cadre de la recherche contre le cancer, c'est-à-dire qu'ils contribuent à la résolution d'un problème technique sans aucun lien avec le séquençage et sans aucune mention d'un effet technique notamment de blocage réversible. 60. Dès lors, la révélation de nucléosides, quand bien même ils comporteraient un groupe COH2N3,comme agents potentiels antiviraux ne saurait constituer la divulgation implicite de nucléotides modifiés pour permettre la SBS de polynucléotides grâce à un groupe de blocage retirable. 61. La demande de nullité des brevets pour défaut de nouveauté est donc rejetée. 5 . Sur la nullité pour défaut d'activité inventive 62. L'article 138, 1, a) de la CBE dispose que le brevet européen est déclaré nul par les tribunaux d'un État contractant si "l'objet du brevet européen n'est pas brevetable en vertu des articles 52 à 57" et l'article l'article 56 que "une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour un homme du métier, elle ne découle pas d'une manière évidente de l'état de la technique".Pour apprécier l'activité inventive d'un brevet, il convient de déterminer d'une part, l'état de la technique le plus proche, d'autre part le problème technique objectif à résoudre et enfin d'examiner si l'invention revendiquée aurait été évidente pour l'homme du métier. Les éléments de l'art antérieur ne sont destructeurs d'activité inventive que si, pris isolément ou associés entre eux selon une combinaison raisonnablement accessible à l'homme du métier, ils permettaient à l'évidence à ce dernier d'apporter au problème résolu par l'invention la même solution que celle-ci. a) Le problème technique à résoudre 63. Selon la société MGI, le problème technique objectif, à partir de la demande de brevet WO02/29003 ([R], 11 avril 2002), ci-après "la demande de brevet [R]", ou, alternativement, la demande de brevet WO 91/06678, publiée le 16 mais 1991 (ci-après "la demande de brevet Tsien"), doit être limité à la recherche d'un groupe de blocage alternatif à ceux divulgués par l'art antérieur car, si l'on suit la position de la société Illumina Cambridge sur ce point, on constate que :- les brevets portent aussi sur des applications pour lesquelles la possibilité de supprimer le groupe bloquant n'est pas pertinente (le séquençage de Sanger, les méthodes de synthèse, les agents antiviraux et les outils de recherche),- l'utilisation du groupe 3'-O-azidométhyle revendiqué n'apporte pas d'amélioration par rapport aux groupes de blocage de l'art antérieur en ce que le breveté n'était pas en mesure de réaliser efficacement une méthode SBS (sans dénaturation de l'ADN) avec un rendement satisfaisant (peu de cycles de déprotection réalisés expérimentalement). 64. La société Illumina Cambridge soutient que cette conception est réductrice et que le problème technique résolu par les brevets est la fourniture d'un groupe de blocage 3'-OH aux propriétés améliorées ou, à tout le moins d'un groupe de blocage 3'-OH alternatif, c'est-à dire un groupe de blocage qui convient à une utilisation dans une réaction de polymérase, et qui peut également être déprotégé avec une excellente efficacité de clivage dans des conditions aqueuses douces et neutres, de sorte qu'aucun dommage n'est causé à la structure polynucléotidique. Sur ce, 65. Comme l'a retenu le juge de la mise en état dans son ordonnance du 9 juillet 2021, la description des deux brevets (paragraphes [0005], [0006]) indique que "pour être utiles dans le séquençage d'ADN, les nucléotides, et plus généralement les nucléotides triphosphates, nécessitent généralement un groupe de blocage 3'OH afin d'empêcher la polymérase utilisée pour l'incorporer dans une chaîne polynucléotidique de continuer à se répliquer une fois que la base sur le nucléotide est ajoutée", qu'"il existe de nombreuses limites à l'adéquation d'une molécule en tant que groupe de blocage" qui "doit être telle qu'elle empêche l'ajout de molécules de nucléotides supplémentaires à la chaîne polynucléotidique tout en étant, simultanément, facilement éliminable du groupement sucre sans endommager la chaîne polynucléotidique" et "des groupes de blocage réversibles à cet effet ont été décrits précédemment, mais aucun d'entre eux ne satisfait de manière générale aux critères ci-dessus pour la chimie des polynucléotides, par exemple, compatible avec l'ADN".Après avoir cité l'article de Metzker ea (1994), la demande de brevet [R] et la méthodologie de déprotection de [S] ea (1999), la description constate "il n'a pas été possible jusqu'à présent d'effectuer un séquençage d'ADN en utilisant des nucléotides 3'OH bloqués par allyle" [0011]. 66. Il apparaît donc, ainsi que l'a retenu la division d'opposition de l'OEB le 9 décembre 2015 saisie d'une opposition au brevet EP 578, que l'objectif de celui-ci était d'identifier des groupes de blocages retirables adaptés au séquençage d'ADN aux propriétés améliorées par rapport à l'art antérieur, et non pas seulement à titre alternatif, et il est indifférent que les revendications et le paragraphe [0080] mentionnent que d'autres applications de l'invention, dans lesquelles le retrait du groupe de blocage n'est pas nécessaire, sont possibles. b) La contestation des priorités revendiquées 67. La société MGI soutient également que toutes les revendications manquent d'activité inventive parce que les priorités ne sont pas valablement revendiquées, en ce que :- le brevet américain 227131 du 23 août 2002 ne contient pas d'enseignement direct concernant l'utilisation de l'azidométhyle en tant que groupe de blocage 3' ni l'incorporation de nucléotides modifiés 3'-O-azidométhyle par l'ADN polymérase, et le brevet anglais 0303924 du 20 février 2003 n'a aucun rapport avec les revendications des brevets, comme l'a retenu la division d'opposition de l'OEB le 22 décembre 2021 ;- le brevet anglais 0230037 du 23 décembre 2002 donne un seul exemple de nucléotides modifiés par un groupe 3'-O-azidométhyle et ne contient aucune donnée montrant l'incorporation de tels nucléotides modifiés par l'ADN polymérase, même si la division d'opposition de l'OEB a jugé les éléments suffisants pour retenir cette priorité, de sorte que le brevet US 2003/0104437, publié le 5 juin 2003 et qui contient une série de formules décrivant les groupes de blocage, doit être retenu au titre de l'état antérieur de la technique. 68. La société Illumina Cambridge soutient que la priorité du brevet anglais 0230037 est incontestable puisqu'elle a le même objet que le brevet EP 578. Sur ce, 69. L'article 87 (1) CBE prévoit : "Celui qui a régulièrement déposé, dans ou pour a) un État partie à la Convention de [Localité 6] pour la protection de la propriété industrielle ou b)un membre de l'Organisation mondiale du commerce, une demande de brevet d'invention, de modèle d'utilité ou de certificat d'utilité, ou son ayant cause, jouit, pour effectuer le dépôt d'une demande de brevet européen pour la même invention, d'un droit de priorité pendant un délai de douze mois à compter de la date de dépôt de la première demande."Selon la grande chambre de recours de l'OEB (décision G 2/98 du 31 mai 2001), une revendication figurant dans une demande de brevet européen ne bénéficie de la priorité d'une demande antérieure conformément à l'article 88 CBE que si l'homme du métier peut, en faisant appel à ses connaissances générales, déduire directement et sans ambiguïté l'objet de cette revendication de la demande antérieure considérée dans son ensemble. 70. Le brevet anglais 0230037 "modified nucleotides" concerne des nucléotides modifiés ayant un groupe de blocage retirable et leur utilisation dans des méthodes de séquençage de polynucléotides ainsi qu'il résulte de sa description et ses revendications. La société MGI ne conteste pas qu'il s'agit de la même invention mais soutient seulement que l'invention est insuffisamment décrite en ce qu'elle affirme sans preuve qu'il est chimiquement possible d'ajouter un groupe 3'-O-azidométhyle retirable, sans identifier de marqueur permettant l'incorporation du nucléotide par polymerase et sans fournir aucune donnée montrant que ces nucléotides pouvaient être utilisés avec succès dans une méthode de SBS. 71. Outre que cette position est radicalement opposée à toute son argumentation sur l'absence d'activité inventive des brevets litigieux au regard de documents provenant de disciplines sans rapport avec le séquençage ADN et ne divulguant même pas de nucléotides modifiés, la société MGI ne saurait être suivie dès lors qu'il n'est aucunement exigé qu'une invention contienne des données expérimentales démontrant son efficacité. Quant à l'affirmation selon laquelle un marqueur est, de par son volume, susceptible de provoquer des problèmes d'incorporation du nucléotide par les polymérases, il n'est étayé par aucune pièce. En revanche, la société Illumina Cambridge souligne à juste titre que le propre expert de la société MGI, le professeur [V], à l'appui d'une démonstration de l'absence de caractère inventif des brevets a indiqué "the skilled person would have been familiar with nucleotides labelled via the base group though the use of the labelled dideoxynucleotides in Sanger sequencing" dans son rapport du 18 septembre 2020, de sorte que le marquage des nucléotides faisait partie des connaissances générales de l'homme du métier. 72. Le brevet anglais 0230037 divulguait donc la même invention que les brevets litigieux et sa priorité est pleinement valable. 73. La société MGI ne contestant les priorités revendiquées que pour opposer l'antériorité du brevet US 2003/0104437, publié le 5 juin 2003, la priorité valable du brevet anglais 0230037 "modified nucleotides" du 23 décembre 2002 suffit à écarter le moyen, sans qu'il y ait lieu d'examiner les deux autres priorités, qui ne sont pas défendues par la société Illumina Cambridge. c) L'état de la technique le plus proche 74. La société MGI soutient que la demande de brevet [R] ou, alternativement, la demande de brevet Tsien peuvent être considérées comme l'état de la technique le plus proche en ce qu'elles divulguent toutes les deux des méthodes de SBS et contiennent des enseignements sur les critères de sélection d'un groupe protecteur permettant de mener à bien une telle méthode.A titre alternatif, elle soutient que les revendications de produit sont dépourvues d'activité inventive au regard des deux articles de Zavgorodny ea de 1991 et 2000 qui divulguent un nucléoside 3'-O-azidométhyle, éventuellement complétés par l'article de Kovacs (1988) qui enseigne explicitement que, pour que les analogues de nucléosides deviennent utiles dans les processus biologiques, ils doivent être convertis en nucléotides. 75. La société Illumina Cambridge ne conteste pas que la demande [R] constitue l'état de la technique le plus proche mais oppose que la société MGI en dénature la portée. Sur ce, 76. La demande de brevet [R] (2002) décrit "un procédé de séquençage d'un acide nucléique en détectant l'identité d'un analogue nucléotidique après l'incorporation de l'analogue nucléotidique dans un brin d'ADN en croissance dans une réaction de polymérase" en 9 étapes, parmi lesquelles "ajouter une polymérase et un ou plusieurs analogues nucléotidiques différents à l'acide nucléique pour incorporer ainsi un analogue nucléotidique dans le brin d'ADN en croissance, où l'analogue nucléotidique incorporé termine la réaction de polymérase et où chaque analogue nucléotidique différent comprend (a) une base choisie dans le groupe consistant en l'adénine, la guanine, la cytosine, la thymine et l'uracile et leurs analogues ; (b) un marqueur unique attaché par un lieur clivable à la base ou à un analogue de la base ; (c) un désoxyribose ; et (d) un groupe chimique clivable pour coiffer un groupe -OH à une position 3' du désoxyribose". 77. De nombreuses recherches étaient menées dans le domaine précis du séquençage d'ADN, et tout particulièrement la SBS, de sorte que les articles de Zavgorodny de 1991 et 2000, publiés dans le domaine distinct de la chimie organique de synthèse, ne sauraient constituer l'état de la technique le plus proche pour la résolution du problème technique, au contraire de la demande de brevet [R], orientée dans le même but que l'invention contestée. 78. Il y a lieu de retenir la demande de brevet [R], comme l'art antérieur le plus proche. d) L'activité inventive 79. La société MGI soutient l'absence d'activité inventive des revendications de produit des deux brevets : en partant de la demande de brevet [R] qui, selon elle, enseigne :- un groupe de petite dimension afin que le nucléotide soit accepté par les polymérases,- des conditions douces pendant la déprotection dans un environnement aqueux afin d'éviter la dénaturation,- des conditions sélectives de clivage du groupe de blocage,- un groupe de blocage devant être bio-orthogonal sans fonction carbonyle adjacente à l'atome d'oxygène 3',(la demande Tsien illustrant aussi selon elle les 3 premières recommandations) complétée par :? l'article de Serguey Zavgorodny de 1991 qui décrit la synthèse d'une classe de nucléosides modifiés de structure CH2-N3 et divulgue des groupes protecteurs en position 3', parmi lesquels l'azidométhyle est identifié comme "particulièrement avantageux" et pouvant être retiré dans des conditions douces par réaction de Staudinger, sans craindre de dénaturation,? l'article de Serguey Zavgorodny de 2000 rapportant la synthèse d'un ribonucléoside modifié avec un groupe 3'-OH-azidométhyle (-O-CH2-N3) et indiquant que ce groupe de blocage peut être éliminé "dans des conditions spécifiques et douces",? le manuel de référence de la chimie organique de synthèse de Greene et Wuts (1999) qui divulgue l'utilisation d'un groupe de blocage azidométhyle,? la publication de [G] [T] (1991) divulguant l'utilisation de l'azidométhyle en tant que groupe de blocage d'un phénol,? la connaissance de la réaction de Staudinger entre une azoture (-N3) et une phosphine en présence d'eau,qui auraient incité l'homme du métier à utiliser le groupe azidométhyle comme groupe de blocage pour des nucléotides modifiés et comme agent bloquant, vu la similarité des nucléosides et des nucléotides et la possibilité de conversion de l'un en l'autre par phosphorylation. 80. S'agissant des revendications portant sur des procédés de séquençage et des kits, elle fait valoir que - la méthode de séquençage par synthèse était largement connue à la date de priorité des brevets - citant neuf brevets antérieurs entre 1990 (Dower) et juin 2000 (Odedra ea) - et ses étapes, décrites par les revendications 12 à 17 du brevet EP 578 et 10 du brevet EP 289, étaient déjà divulguées,- les revendications 18 à 24 du brevet EP 578 sont divulguées par la demande de brevet Tsien et les revendications 11 à 15 brevet EP 289 par l'art antérieur,- l'utilisation de nucléotides modifiés, d'enzymes spécifiques, de marqueurs détectables et la définition des étapes et la formation de kits (revendications 25 à 28 du brevet EP 578) sont évidentes et non inventives. 81. La société Illumina Cambridge oppose à titre liminaire que la division d'opposition de l'OEB a déjà écarté ces arguments.Sur le fond, elle fait valoir que la demande [R] :- évoque l'utilisation de "petites entités chimiques clivables"mais ne définit aucunement une structure chimique optimale ou maximale ni ne mentionne que les groupes métoxyméthyle (ci-après MOM) et allyle, qu'elle préconise, auraient quatre atomes et une structure non ramifiée ;- ne fournit aucune indication à l'homme du métier sur les conditions de déprotection des groupes de blocage qu'elle divulgue (et notamment pas qu'elle se ferait en environnement aqueux) alors même qu'elle qualifie ces conditions de déprotection comme des exigences fondamentales ;- écarte l'utilisation de groupes électrophiles sans nuance ;- les demandes de brevets [R] et Tsien listent des critères pour identifier un groupe de blocage approprié pour le séquençage par synthèse mais ne guidaient pas l'homme du métier vers une utilisation du groupe azidométhyle : au contraire, la demande Tsien n'oriente vers aucun groupe tandis que la demande [R] suggère deux autres groupes moléculaires et enseigne que les composés électrophiles ne sont pas indiqués ;- les deux articles, rédigés à 9 ans d'intervalle par Zavgorodny ea, traitent de la synthèse de nucléosides ou de ribonucléosides et non de nucléotides et relèvent du champ de la chimie organique totalement étranger au séquençage de l'ADN ; un nucléoside ne peut pas être intégré dans une polymérase ; dès lors, même s'ils citent le groupe azidométhyle parmi 21 autres composés étudiés, l'homme du métier n'y aurait vu aucune incitation à tester un tel groupe de blocage pour le séquençage de l'ADN ;- les enseignements du brevet [R] et des articles Zavgorodny ea sont incompatibles et les autres documents n'auraient pas attiré l'attention de l'homme du métier ;- si l'azidométhyle s'imposait à l'homme du métier, sans le moindre effort inventif, comment expliquer que plus de 10 ans se soient écoulés avant que l'azidométhyle ne soit enseigné par le brevet EP 578 (priorité d'août 2002) comme un groupe de blocage de 3'-OH pour une utilisation dans une méthode de séquençage par synthèse et que la demande [R], publiée le 11 avril 2002, préférait les groupes allyle et MOM et contenait des enseignements excluant l'azidométhyle en tant que groupe de blocage de 3'-OH ? - au contraire, il résulte des propres déclarations du docteur [R] que tous les groupes protecteurs qu'il avait identifiés ne marchaient pas ; - il ne peut être exigé au stade du dépôt du brevet, encore objet d'une recherche fondamentale, une efficacité complète : à cette date, les brevets querellés divulguaient des groupes de blocage très prometteurs et démontraient un effet technique jamais atteint (au moins trois cycles intégration/identification/retrait successifs réalisés pour les quatre bases nucléiques) ;- le raisonnement de la société MGI est manifestement rétrospectif.Sur la combinaison des deux articles Zavgorodny de 1991 et 2000 et de l'article Kovacs, elle souligne que ce dernier n'a aucun lien avec le séquençage et n'est aucunement incitatif à utiliser le groupe de blocage azidométhyle comme groupe de protection dans ce contexte. 82. S'agissant des revendications portant sur des procédés de séquençage et des kits, elle fait valoir que : - les neuf brevets antérieurs relatifs à des méthodes de séquençage énumérés par la société MGI ont été examinés dans le cadre de la procédure de délivrance et/ou d'opposition du brevet EP 578 et n'ont pas été jugés susceptibles de priver son invention d'activité inventive : ils démontrent au contraire que, même si un certain nombre d'équipes travaillaient sur des méthodes de séquençage utilisant des terminateurs de chaîne réversibles, aucun n'a été près de mettre au point l'invention objet des brevets de nucléotides modifiés ;- les autres revendications qui en découlent sont donc aussi inventives que la revendication no1. Sur ce, 83. A l'analyse de la demande de brevet [R], celle-ci divulgue, s'agissant du groupe chimique clivable, les éléments suivants :- un "petit groupe chimique clivable", mentionné plusieurs fois et notamment "Les ddNTP, auxquels il manque un groupe 3'-hydroxyle, sont choisis pour coiffer le 3'-OH non réagi du nucléotide en raison de leur petite taille par rapport aux nucléotides marqués" - "Tout groupe chimique pourrait être utilisé tant que le groupe 1) est stable pendant la réaction de polymérase, 2) n'interfère pas avec la reconnaissance de l'analogue nucléotidique par la polymérase comme substrat et 3) est clivable"- les groupes protecteurs préférés pour coiffer le groupe 3'-OH sont les groupes "MOM (-CH2 OCH3 ) ou allyle (-CH2 CH=CH2)" , tandis que "Les groupes chimiques avec des électrophiles tels que les groupes cétones ne conviennent pas pour protéger le 3'-OH du nucléotide dans les réactions enzymatiques en raison de l'existence de nucléophiles forts dans la polymérase". Cette demande de brevet ne fournit aucun détail sur ce qu'elle entend par "petit", notamment pas sur le plan de la structure chimique ou physique.Si elle mentionne "Le clivage chimique des groupes MOM et allyle est assez doux et spécifique, afin de ne pas dégrader l'entité matrice d'ADN", elle ne donne aucune autre indication sur les modalités de déprotection, notamment pas qu'elle doit être possible dans des conditions douces dans un environnement aqueux. Elle juge inappropriés non seulement les esters et cétones mais aussi les groupes électrophiles, dont fait partie l'azidométhyle, sans qu'il en résulte que cette réserve soit limitée à leur localisation dans le site actif de la polymérase. 84. Le document Zavgorodny ea de 1991, déjà évoqué, est un article de chimie organique synthétique. Il concerne un domaine voisin de celui de l'invention et serait pris en compte par l'homme du métier à la recherche d'un groupe de blocage retirable adapté au séquençage d'ADN. Il énumère 21 possibilités de groupes protecteurs possibles pour les nucléosides parmi lesquels le groupe azidométhyle -OCH3 mais aussi le groupe MOM, évoqué par la demande [R] et évoque une élimination spécifique et douce "à savoir avec de la triphénylphosphine dans de la pyridine aqueuse à 20o C". 85. Le document Zavgorodny ea de 2000 divulgue des ribonucléosides protégés par l'incorporation d'un groupe 3'-OH-azidométhyle et l'élimination de celui-ci par une phosphine soluble dans la pyridine aqueuse. 86. Le livre de Theodora Greene et Peter Wuts intitué Protective groups in organic synthesis (1999) indique , dans le chapitre 3 relatif à la protection des phénols et catéchols, que, parmi 230 groupes, "L'éther azidométhyle, utilisé pour protéger le phénol et préparer le déplacement de l'azoture sur le groupe chlorométhylène, est clivé par réduction avec LiAH 4 ou par hydrogénolyse (Pd-C, H2). Il est stable aux acides forts, au permanganate et aux bromations radicalaires". Cet ouvrage comporte un chapitre 2 relatif à la protection des alcools qui ne cite pas l'azidométhyle. 87. L'article de [T] ea de 1988 a pour abstract "Le groupement azidomethylene protége les phénols en milieu basique, nucléophile, oxydant, faiblement acide et faiblement réducteur. (...) Son intérêt réside dans les conditions extrêmement douces de retour au phénol qui permettent la préparation de phénols très instables". 88. Il n'est pas contesté que la possibilité de conversion de nucléosides en nucléotides et la réaction de Staudinger déjà évoquée étaient des connaissances générales de l'homme du métier. 89. Il résulte de tous ces éléments que le groupe azidométhyle est un groupe électrophile explicitement déconseillé par la demande de brevet [R], plus volumineux que les allyles et les MOM. Dès lors, l'homme du métier ne saurait avoir été incité par les articles Zavgorodny ea à le sélectionner parmi les 21 groupes protecteurs possibles pour les nucléosides pour envisager sa conversion en nucléotide afin de réaliser le séquençage selon ce brevet. Il ne s'en évince pas non plus qu'il y aurait été incité par le manuel de Greene et Wuts et les travaux de [T] ea alors que le groupe à protéger n'était pas un phénol et que plusieurs centaines d'autres composés étaient mentionnés. 90. Au surplus, s'agissant de sa capacité à être retiré dans des conditions douces, d'une part il a été vu ci-dessus que la demande [R] n'en fait aucune mention et, d'autre part, qu'il n'est pas établi que le retrait dans le contexte de la chimie organique et de la chimie des phénols soit transposable au retrait dans le contexte du séquençage d'ADN. Quant aux articles Zavgorodny ea de 1991 et 2000, ils évoquent un retrait en pyridine aqueuse ; or, la société MGI ne discute pas que le document Kit de 1963, versé par la société Illumina Cambridge, indique que la pyridine est un puissant agent dénaturant. A cet égard, le fait que le professeur [N] aurait démontré par des résultats expérimentaux que les conditions de déprotection selon l'article Zavgorodny ea de 2000 étaient compatibles avec le procédé d'après la demande [R] et ne seraient pas nuisibles à l'ADN immobilisé en épingle, ainsi qu'il l'indique dans son attestation du 11 janvier 2021, n'induit pas que cela était évident pour l'homme du métier avant la date de priorité. 91. Pour conclure à un défaut d'activité inventive des revendications de produit du brevet EP 578, la demanderesse combine donc des connaissances relevant de domaines voisins mais distincts que sont la chimie fondamentale, la recherche antivirale et la recherche contre le cancer. Or, l'association de ces enseignements ne présentait aucune évidence et ne saurait être assimilée à de simples opérations d'exécution. 92. De plus, une activité inventive était indispensable pour les transposer au séquençage SBS car cette démarche supposait d'aller contre deux préjugés : les préventions de la demande de brevet [R] relatives aux groupes électrophiles, d'une part, et la connaissance de l'effet dénaturant de la pyridine, d'autre part. 93. La revendication 1 du brevet EP 578 et la revendication 1 du brevet EP 289 impliquent donc une activité inventive. Il en va nécessairement de même des autres revendications du brevet EP 578, qui sont toutes dépendantes de la revendication 1 et ne font qu'y ajouter d'autres caractéristiques ; comme pour les revendications 2, 3, et 4 du brevet EP 289. Quant aux revendications 6, 9 et 10 du brevet EP 289, si elles sont nominalement indépendantes, elles ne le sont qu'en apparence. 94. La revendication 6 porte sur un kit comprenant des nucléotides triphosphates modifiés dont le sucre désoxyribose comporte lui-même un groupe 3'-azidométhyle, ce qui correspond à la totalité des caractéristiques de la revendication 1 ; or si la molécule implique une activité inventive, son emploi dans un kit l'implique tout autant. De même, la revendication 9 porte sur une molécule contenant plusieurs des molécules protégées par la revendication 1, et est donc aussi inventive qu'elle. La revendication 10, enfin, porte sur le procédé de séquençage utilisant cette molécule ; elle implique donc a minima la même activité inventive. 95. La société MGI ne démontre pas que l'une quelconque des revendications des brevets EP 578 et EP 289 découlait de manière évidente de l'état antérieur de la technique pour l'homme du métier. Sa demande de nullité est donc rejetée. III . Sur la contrefaçon 1 . Sur les preuves a) Sur la saisie-contrefaçon du 30 septembre 2020 96. La société MGI soutient que :- une action en nullité étant déjà pendante, la demande aurait dû être présentée au président de la chambre saisie de cette action et non au président du tribunal,- le tribunal judiciaire de Paris, confirmé par la cour d'appel de Paris le 25 juin 2021, a jugé dans une espèce similaire que les requêtes présentées aux fins d'établir l'existence de faits argués de contrefaçon d'un brevet, intéressant les mêmes parties et les mêmes produits, sont bien afférentes à la procédure en nullité du brevet ;- la saisie effectuée sans avoir été dûment autorisée est donc nulle, de même que les procès-verbaux de saisie qui en résultent. A la suite de l'arrêt de la Cour de cassation du 1er février 2023, elle indique que sa contestation est un moyen de fond portant sur la validité des preuves qui lui sont opposées et n'est aucunement une exception d'incompétence, ainsi que l'a clairement jugé la Cour de cassation (Com., 14 septembre 2010, pourvoi no09-69.862). 97. La société Illumina Cambridge oppose que :- la requête en contrefaçon portait aussi sur la contrefaçon de trois autres brevets : EP 433, EP 412 et EP 415 ; - à la date de présentation de sa requête aux fins de saisie-contrefaçon, la 3ème chambre n'était saisie d'aucune instance en contrefaçon de sorte qu'elle ne pouvait être afférente à l'instance en cours et n'était pas du tout saisie d'instance incluant les brevets EP 433, EP 412 et EP 415;- pour définir le terme afférent, il est possible de raisonner par analogie avec les conditions d'application des articles 789 et 70 du code de procédure civile et la qualification d'afférente est incertaine lorsqu'il s'agit d'une prétention future non encore présentée ;- le juge des requêtes ayant autorisé la saisie-contrefaçon était parfaitement informé de l'existence de la procédure en nullité des brevets EP 578 et EP 289.Elle ajoute que l'arrêt de la Cour de cassation du 1er février 2023 ne définit pas le terme "afférent" utilisé dans l'article 845 du code de procédure civile mais qu'il a posé que l'exception d'incompétence, distincte de la fin de non recevoir tirée du défaut de pouvoir du juge ayant signé la requête, doit être soulevée avant toute défense au fond. Sur ce, 98. L'article L. 716-7 du code de la propriété intellectuelle confère au président du tribunal judiciaire une compétence exclusive pour autoriser toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon à faire procéder à la saisie des produits ou des services dont il prétend qu'ils constituent la contrefaçon de son titre. L'article 845, alinéa 3, du code de procédure civile prévoit que toute requête afférente à une affaire en cours doit être présentée au président de la chambre saisie ou à laquelle l'affaire a été distribuée ou au juge déjà saisi. 99. Dès lors que la juridiction est saisie au fond, seul l'article 845 du code de procédure civile est applicable à l'exclusion de l'article L. 716-7 du code de la propriété intellectuelle (Com., 14 février 2012, pourvoi no 11-12.619) si la mesure de saisie-contrefaçon sollicitée est afférente à l'instance au fond. 100. La requête aux fins de saisie-contrefaçon dans les locaux du CEA a été présentée par la société Illumina Cambridge au président du tribunal judiciaire de Paris le 23 septembre 2020, soit quatre mois après l'introduction de la présente instance. Les opérations ont été réalisées le 30 septembre 2020. 101. Au cas présent, la procédure dont se trouvait saisie la juridiction avant la présentation de la requête avait pour objet la contestation de la validité des brevets EP 578 et EP 289. L'action en contrefaçon n'avait pas encore été initiée par la société Illumina Cambridge et la requête qu'elle a présentée le 23 septembre 2020 était fondée sur ces mêmes titres, quand bien même elle visait aussi trois autres brevets, aux fins d'établir leur contrefaçon par le demandeur à la nullité. 102. La requête du 23 septembre 2020 était donc bien afférente à la procédure en cours au sens de l'article 845 précité comme portant sur les mêmes titres, intéressant les mêmes parties et les mêmes produits et procédés. 103. La requête afin de saisie-contrefaçon du 23 septembre 2020 ayant été présentée à un juge incompétent pour l'autoriser, la saisie a été conduite sans avoir été régulièrement autorisée et il y a lieu d'annuler le procès-verbal de la saisie-contrefaçon du 30 septembre 2020 et le procès-verbal d'ouverture des scellés du 6 novembre 2020 en résultant et d'ordonner la restitution au saisi des documents et échantillons saisis, à l'exception du kit neuf de modèle DNBSEQ-G400RS High-throughput Sequencing Kit FCL PE100 qui a été analysé par la société Eurofins. La société MGI est mal venue à soulever le défaut de preuve du paiement de ce kit dès lors qu'elle-même en a été réglée par le CEA. b) Sur la saisie-contrefaçon du 10 mars 2022 104. La société MGI soutient que :- si l'huissier était autorisé à saisir des factures indiquant le prix de vente des produits litigieux, il devait les inventorier par une description sommaire et générique dans son procès-verbal pour sauvegarder le secret des affaires or il a fait une description très précise d'un bon de commande divulguant le prix de sorte qu'il a outre passé sa mission et que son procès-verbal est nul ;- cet excès de pouvoir est à l'origine d'un préjudice qui doit être réparé par l'allocation de dommages et intérêts. 105. La société Illumina Cambridge oppose que :- l'huissier n'a pas outrepassé les termes de la décision autorisant la saisie-contrefaçon puisqu'il était autorisé à saisir les informations comptables et financières relatives aux produits argués de contrefaçon, même si elles relevaient du secret des affaires ;- la violation du secret des affaires n'est pas sanctionnée par la nullité du procès-verbal mais engage seulement la responsabilité civile de l'huissier ;- il n'y aurait aucune raison d'écarter l'intégralité de ses constatations ;- le prix de vente des marchandises n'est pas un secret des affaires en l'espèce, et la société MGI n'a pas mis en oeuvre les procédures lui permettant de le protéger,- la société MGI n'a subi aucun préjudice du fait de l'une ou l'autre des saisies-contrefaçon, réalisées pour des raisons clairement énoncées permettant au CEA d'apprécier la portée de la mesure et l'huissier a ensuite conduit ses opérations de façon discrète, avec une équipe réduite au strict minimum (accompagné d'un seul conseil en propriété industrielle). Sur ce, 106. Le dispositif de l'arrêt de la cour d'appel de Paris ayant autorisé la saisie contrefaçon a prévu : "Dit que les pièces éligibles à la protection au titre du secret des affaires pourront être placées sous séquestre provisoire dans les conditions de l'article R. 615-2 du code de la propriété intellectuelle renvoyant à l'article R. 153-1 du code de commerce, étant précisé que le secret des affaires couvre, conformément à l'article L. 151-1 du même code, une information répondant aux critères cumulatifs suivants : - elle n'est pas en elle-même ou dans la configuration et l'assemblage exacts de ses éléments, généralement connue ou aisément accessible pour les personnes familières de ce type d'informations en raison de leur secteur d'activité ; - elle revêt une valeur commerciale, effective ou potentielle, du fait de son caractère secret ; - elle fait l'objet de la part de son détenteur légitime de mesures de protection raisonnables, compte tenu des circonstances, pour en conserver le caractère secret ; Autorise néanmoins l'huissier à inventorier ces documents par une description sommaire et générique dans son procès-verbal". 107. Lors des opérations de saisie-contrefaçon, le commissaire de justice a procédé à la saisie de documents entrant incontestablement dans le champ de sa mission et a procédé à leur description précise ainsi qu'il y est tenu.S'agissant de l'exécution du chef de dispositif reproduit supra, il n'entre pas dans ses compétences de juger quelles pièces ressortissent de la définition de l'article L. 151-1 du code de commerce de sorte que le fait de ne pas s'être borné au cas particulier à une description sommaire et générique de l'une d'elles ne caractérise pas un dépassement de sa mission par rapport à l'autorisation donnée par la cour d'appel. 108. La société MGI ne saurait être suivie lorsqu'elle affirme que le prix de vente mentionné est une information confidentielle au sens du texte précité alors que, au cas présent, elle n'a pas protesté lorsqu'elle a reçu notification du procès-verbal le 11 mars 2022 (ce dont il se déduit que la troisième condition précitée n'est pas remplie), n'a pas mis en oeuvre les procédures ouvertes en cas d'atteinte au secret des affaires et s'est bornée à solliciter pour ce motif la nullité des opérations par ses conclusions au fond du 5 août 2022. 109. Il y a lieu de rejeter la demande de nullité du procès-verbal de la saisie-contrefaçon. c) Sur les autres modes de preuves 110. La société MGI soutient que :- les informations disponibles sur son site internet, son webinaire et l'article de la revue Genome Web de mars 2019 ne révèlent pas la chimie de séquençage utilisée, de même que les manuels d'utilisation qui ne sont pas d'ailleurs édités pour un public français ;- la product and process description du 3 juin 2020 ne concerne que des produits importés au Royaume-Uni et ne pouvait être utilisée que dans la procédure anglaise ;- aucune des dépositions de 2020 et 2021 des docteurs [Z] et [J] effectuées dans les procédures parallèles ne permet de prouver que les brevets en litige sont contrefaits en France à la période visée car il n'est pas établi qu'ils aient compris les questions posées et qu'ils n'ont rien dit de la chimie utilisée aujourd'hui ;- le site Internet du CEA indique seulement qu'il possède des séquenceurs DNBSEQ-G400 mais pas que ceux-ci reproduisent toutes les caractéristiques revendiquées du brevet ;- sur les cinq rapports de la société Eurofins analysant cinq kits de séquençage différents, trois portent sur des échantillons dont l'origine n'est pas démontrée et deux ont été saisis au CEA et ne sont donc pas exploitables ; - toutes les analyses réalisées par cette société comparent des produits prétendument produits par elle (mais dont la provenance n'est ni documentée ni valide) et un produit de référence pas plus documenté et sont affectées d'un biais méthodologique car elles cherchent à établir que la composition des deux produits est identique. 111. La société Illumina Cambridge oppose que :- elle fait analyser des kits de réactifs de séquençage MGISEQ-2000RS High-throughput Sequencing Kit Model PE150 nécessaires à la mise en oeuvre de la SBS sur un séquenceur MGISEQ-2000RS, BGISEQ-500RS High-throughput Sequencing Kit Model PE100 pour la mise en oeuvre sur un séquenceur BGISEQ-500/BGISEQ-500RS, DNBSEQ-G400RS High-throughput Sequencing Kit Model FCL PE100 à utiliser sur des séquenceurs DNBSEQ-G400RS deux kits DNBSEQ-G400RS High-throughput Sequencing Kit FCL PE200 et un kit de modèle DNBSEQ-G400RS High-throughput Sequencing Kit FCS PE150 lors de la saisie-contrefaçon du 10 mars 2022 et a fait analyser les rapports par le docteur [I] ;- la société MGI se trahit en renvoyant, pour étayer ses dires, aux mêmes sources qu'elle juge insuffisantes quand elles lui sont opposées;- la méthode employée par la société Eurofins est largement répandue pour identifier précisément la composition d'une molécule ;- ces analyses ont toutes conduit aux mêmes résultats, à savoir que les nucléotides contenus dans ces kits comprennent tous un groupe de blocage 3'-O-azidométhyle, confirmées par le docteur [I]. Sur ce, 112. Aux termes de l'article 9 du code de procédure civile, "il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention". L'article 3 de la directive 2004/48 du Parlement européen et du Conseil relative au respect des droits de propriété intellectuelle préconise que "les mesures, procédures et réparations [prévues par les Etats membres pour assurer le respect des droits de propriété intellectuelle] doivent être loyales et équitables, ne doivent pas être inutilement complexes ou coûteuses" et son considérant 20 expose "Étant donné que la preuve est un élément capital pour l'établissement de l'atteinte aux droits de propriété intellectuelle, il convient de veiller à ce que des moyens de présenter, d'obtenir et de conserver les éléments de preuve existent effectivement". 113. C'est à juste titre que la société MGI soutient qu'il appartient au demandeur de démontrer la contrefaçon alléguée et que la société Illumina Cambridge lui oppose que, si la preuve d'un fait est raisonnablement rapportée, il appartient à celui qui la conteste d'étayer ses allégations, sans inverser pour autant la charge de la preuve.Le tribunal appliquera ces principes à l'examen des prétentions des parties. 114. La product and process description (PPD) du 3 juin 2020 de la société MGI avait pour objet de décrire, à la demande du juge anglais, les séquenceurs, kits et réactifs fournis au Royaume-Uni.Ceux-ci portent les mêmes références que les produits fournis en France et la société MGI ne donne aucune explication, ni même d'exemple, permettant de suspecter qu'il s'agirait de produits différents.Par ailleurs, elle ne conteste pas les termes de la consultation de M. [O] [U], sollicitor, du 21 avril 2021 selon laquelle, conformément à l'annexe 5 de l'ordonnance finale du juge Birss du 18 février 2021, seuls les paragraphes 3.3(a)-(c), 3.10, 3.11, 4.3, 4.9 et la figure 6 de la PPD demeurent confidentiels de sorte que les autres informations qui y sont contenues peuvent être communiquées dans la présente action. Cette pièce sera donc examinée. 115. Les dépositions sous serment, respectivement du 15 avril 2020 et du 5 février 2021 des docteurs [J] et [Z] devant des juges américains et celle du docteur [P] du 9 novembre 2021 devant un juge suédois sont contemporaines des faits de contrefaçon allégués en France (l'appel d'offres du CEA ayant été lancé en 2019 et exécuté quelques mois plus tard).L'argument selon lequel ces personnes auraient pu ne pas comprendre les questions qui leur étaient posées en justice, s'agissant de cadres scientifiques de la société MGI et d'experts, spécialistes de la SBS et interrogés dans le cadre de procès en contrefaçon, n'est pas sérieux.Ces éléments seront donc examinés. 116. S'agissant des analyses de la société Eurofins et de leur analyse par le docteur [I], ces personnes sont indépendantes des parties. Elles ont appliqué des techniques classiques, bien connues des parties et dont le sérieux n'est pas contesté, pour analyser notamment les produits saisis dans les laboratoires du CEA et des produits dont la fabrication par la société MGI n'est pas discutée.Quant au biais méthodologique allégué, la société MGI ne décrit aucun autre protocole expérimental dont elle aurait admis les conclusions et n'en tire aucune conséquence, notamment pas le risque d'erreur qui affecterait ses résultats qui ne sont aucunement contestés sur le fond.Ces éléments seront donc examinés. 117. La société MGI laisse entendre à plusieurs reprises dans ses conclusions que ses réactifs et séquenceurs référencés de la même façon seraient susceptibles de contenir des chimies et des procédés différents selon les pays où ils ont été exportés entre 2019 et 2022 de sorte que les éléments prétendument probants n'auraient pas de base factuelle. Cette audacieuse position n'est corroborée par aucune illustration, ne serait-ce qu'avec un exemple.Aucune des déclarations en justice et dans la presse de ses représentants, des informations figurant sur ses sites internet, de ses documents publics de marketing ni manuels saisis entre les mains du CEA n'évoque le fait que les références identiques des produits MGI auraient des caractéristiques et performances différentes lorsqu'ils sont vendus dans des pays différents sur ces périodes.Il y a donc lieu de retenir que les différentes références citées dans les pièces désignent des produits de même composition et appliquant les mêmes technologies quelles que soient leur date de mise en vente et leur pays de destination. 118. Toutes les contestations de principe de la société MGI sur les autres modes de preuves de la contrefaçon sont donc rejetées. d) sur les demandes reconventionnelles en dommages et intérêts 119. La société MGI soutient que:- la mise en oeuvre d'une saisie-contrefaçon sans autorisation régulière constitue une faute civile,- il en est résulté pour elle un dommage considérable sur la relation commerciale entre elle et le CEA chez qui la saisie-contrefaçon a eu lieu. 120. La société Illumina Cambridge oppose que :- la société MGI a délibérément pris le risque de saisies contrefaçon en commercialisant en France des séquenceurs et réactifs alors même que des actions en contrefaçon existaient dans plusieurs autres pays ;- les condamnations prononcées dans plusieurs autres pays sont plus de nature à expliquer une dégradation des relations commerciales de la société MGI qu'une saisie-contrefaçon ;- les conséquences dommageables alléguées ne sont établies ni dans leur principe ni dans leur exorbitant quantum. Sur ce, 121. L'article 1240 du code civil dispose "Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer".Toute action en justice est susceptible de dégénérer en abus en cas de faute caractérisée dans l'exercice de ces voies de droit tels qu'une intention de nuire ou une erreur grossière d'appréciation. 122. La saisine d'un juge incompétent ne constitue pas en elle-même une faute. Or, la société MGI ne caractérise aucune faute de la société Illumina Cambridge à l'occasion de la saisine du président du tribunal judiciaire de Paris de sa requête en saisie-contrefaçon plutôt que le président de la chambre saisie d'un litige afférent.En toute hypothèse, à l'appui du montant de 1.000.000 d'euros qu'elle demande, elle ne caractérise aucun dommage, l'altération alléguée de ses relations commerciales avec le CEA n'étant corroborée par aucune pièce. 123. Il y a donc lieu de rejeter la demande. 2 . Sur la contrefaçon 124. La société Illumina Cambridge soutient notamment que :- l'appel d'offres lancé en décembre 2019 par le CEA concernant la fourniture de deux séquenceurs et les lettres du CEA du 23 avril 2020 l'informant de ce que le marché a été attribué à la société MGI et du 15 février 2021 mentionnant expressément les séquenceurs DNBSEQ-G400RS et réactifs acquis auprès de MGI caractérisent les faits de contrefaçon en France ;- comme le démontrent de multiples pièces, les nucléotides des kits de réactifs MGI StandardMPS et CoolMPS qui sont utilisés pour mettre en oeuvre la technologie de séquençage dans les différents séquenceurs MGI comprennent tous un groupe de blocage azidométhyle de 3'-OH retirable qui reproduisent toutes les caractéristiques des nucléotides modifiés selon l'une des alternatives objet de la revendication 1 du brevet EP 578 et selon la revendication 1 du brevet EP 289 et les procédés (incorporation, imagerie, élimination) sont les mêmes que ceux décrits dans les brevets ;- la société MGI n'apporte aucune preuve de ce que les kits et plateformes de séquençage offerts, importés et livrés en France pourraient différer de ceux commercialisés dans les autres pays où ils ont été considérés contrefaisants des parties nationales des mêmes brevets européens comme l'ont relevé les juges suédois et belge ;- la société MGI se trahit en s'opposant aux mesures réparatrices sollicitées au prétexte qu'elle serait désormais en mesure de mettre sur le marché des produits non contrefaisants ;- il n'est pas possible de mettre en oeuvre les procédés revendiqués de SBS sans séquenceur et les séquenceurs incriminés sont aptes et destinés à mettre en oeuvre l'invention objet des revendications opposées, qu'il s'agisse des revendications de procédé ou de produit obtenu au cours du processus de séquençage par synthèse (polynucléotide ou nucléotide doté d'un marqueur) ;- la fourniture de séquenceurs paramétrés pour fonctionner avec les réactifs StandardMPS et CoolMPS porte atteinte à ses brevets car ils constituent un moyen se rapportant à un élément essentiel de l'invention, comme plusieurs juridictions américaine, allemande, espagnole, belge, suisse et suédoise l'ont déjà jugé. 125. La société MGI oppose principalement que :- aucune preuve de faits de contrefaçon commis en France n'est rapportée ;- les informations disponibles sur son site internet, son webinaire et l'article de la revue Genome Web de mars 2019 ne révèlent pas la chimie de séquençage utilisée, de même que les manuels d'utilisation, qui ne sont pas d'ailleurs édités pour un public français ;- aucune des dépositions effectuées dans les procédures parallèles ne permet de prouver que les brevets en litiges sont contrefaits en France à la période visée ;- le site Internet du CEA indique seulement qu'il possède des séquenceurs DNBSEQ-G400 mais pas que ceux-ci reproduisent toutes les caractéristiques revendiquées du brevet ;- il n'y a pas de contrefaçon des revendications 1, caractéristique 4, 4 et 30 du brevet EP 578 qui en dépendent et sont limitées aux molécules dans lesquelles Z contient un groupe R" ;- il n'y a pas de contrefaçon du brevet EP 289 en l'absence de groupe de blocage directement lié à l'atome de carbone en position 3' ;- il n'y a pas de contrefaçon des revendications 6, 7 et 9 du brevet EP 578 (et 2, 3 et 4 du brevet EP 289) par certains réactifs StandardMPS qui n'ont pas de marqueur détectable lié à la base par un lieur clivable ou non clivable, ni par les réactifs CoolMPS qui ne sont pas marqués, les anticorps utilisés ne pouvant pas constituer des lieurs au sens des brevets en litige, n'étant pas clivables et ne liant pas le nucléotide au marqueur via la base ;- il n'y a pas de contrefaçon des revendications de procédé ;- la disposition dérogatoire de contrefaçon par fourniture de moyens est d'interprétation stricte et n'a pas vocation à se cumuler avec la contrefaçon directe ;- les séquenceurs ne constituent pas un moyen, a fortiori essentiel, des nucléotides modifiés et la société Illumina Cambridge fait une confusion sur cette notion en l'étendant à des machines qui seraient adaptées à la fabrication d'un produit breveté, comme l'ont retenu les tribunaux finlandais et suisse ;- un séquenceur, quand bien même il implémenterait un logiciel de manière à fonctionner avec des réactifs, a une configuration permettant de la reprogrammer pour fonctionner avec d'autres types de réactifs ;- les séquenceurs ne constituent pas un moyen, a fortiori essentiel, des revendications de procédé 12 et 17 du brevet EP 578 et 10 du brevet EP 289 faute de preuve d'actes d'offre d'utilisation de la méthode revendiquée que MGI réaliserait sur le territoire français- le caractère contrefaisant des revendications 6, 7 et 9 du brevet EP 578 et 2 à 4 du brevet EP 289 des réactifs CoolMPS n'est pas démontré car les marqueurs ne sont pas liés à la base ;- la société Illumina Cambridge ne démontre pas plus que les séquenceurs seraient spécifiquement configurés pour fonctionner avec des réactifs brevetés plutôt qu'avec tout autre type de réactif. Sur ce, 126. L'article L. 613-3 du code de la propriété intellectuelle interdit, sans l'autorisation du breveté,"a) La fabrication, l'offre, la mise dans le commerce, l'utilisation, l'importation, l'exportation, le transbordement, ou la détention aux fins précitées du produit objet du brevet ;b) L'utilisation d'un procédé objet du brevet ou, lorsque le tiers sait ou lorsque les circonstances rendent évident que l'utilisation du procédé est interdite sans le consentement du propriétaire du brevet, l'offre de son utilisation sur le territoire français ;c) L'offre, la mise dans le commerce, l'utilisation, l'importation, l'exportation, le transbordement ou la détention aux fins précitées du produit obtenu directement par le procédé objet du brevet" et l'article L. 613-4 "la livraison ou l'offre de livraison, sur le territoire français, à une personne autre que celles habilitées à exploiter l'invention brevetée, des moyens de mise en oeuvre, sur ce territoire, de cette invention se rapportant à un élément essentiel de celle-ci, lorsque le tiers sait ou lorsque les circonstances rendent évident que ces moyens sont aptes et destinés à cette mise en oeuvre".127. Il est établi par le procès-verbal de saisie-contrefaçon du 10 mars 2022 que, dans les locaux du CEA à [Localité 4], se trouvaient :- deux séquenceurs de marque MGI modèle DNBSEQG400 et deux manuels d'utilisation,- un cahier d'utilisation des séquenceurs établissant huit utilisations antérieures de kits pour le premier et des déclarations des présents établissant six utilisations antérieures de kits pour le second,- trois kits de séquençage (références DNBSEQG400GR High-throughtput sequencing FCS PE150 et PE200),- différentes pièces contractuelles, mentionnant explicitement la société MGI International Sales Co., relatives aux deux séquenceurs et aux consommables associés du 2 mai 2020 parmi lesquelles un accord-cadre du 29 mai 2020 dont l'annexe 2 comporte les tarifs de 3 références de sets CoolMPS High-throughtput sequencing (FCL SE 50, SE 100 et PE100) et 15 références de sets DNBSEQ-G400RS High-throughtput sequencing, dont il n'est pas discuté qu'ils correspondent au StandardMPS. 128. Ces éléments démontrent l'offre et la mise en vente de réactifs CoolMPS et StandardMPS et de séquenceurs DNBSEQG400 en France par la société MGI dans le cadre d'un marché public. a) Sur le caractère contrefaisant des kits et des réactifs 129. La société Illumina Cambridge démontre que les deux séries de réactifs mentionnés sur les documents saisis au CEA contiennent tous des nucléotides modifiés comportant un groupe de blocage azidométhyle retirable.Cette preuve est rapportée par de très nombreux éléments concordants émanant de la société MGI elle-même tels que les extraits de son site internet (contenu éditorial sur la technique de séquençage MGI, les réactifs StandardMPS et webinaire), les déclarations en justice de ses représentants, évoquées supra, décrivant les caractéristiques chimiques et fonctionnelles de ces réactifs, les déclarations à la presse de scientifiques du groupe MGI du 20 février 2020 décrivant la chimie CoolMPS, ainsi que par l'analyse du kit High-throughput PE-200 saisi le 10 mars 2022 par la société Eurofins le 20 mai 2022. 130. Du reste, les seules contestations opposées par la société MGI au grief de contrefaçon des revendications 1, 4 et 30 du brevet EP 578 et de la revendication 1 du brevet EP 289 par les réactifs StandardMPS que CoolMPS sont les mêmes que celles ayant fondé les moyens, écartés supra, d'insuffisance de description des revendications 1, caractéristique 4, 4 et 30 du brevet EP 578 (point 25) et d'extension de l'objet de la revendication 1 du brevet EP 289 (points 35 à 42).Sur la première, le tribunal constate à nouveau que l'utilisation d'un groupe de blocage azidométhyle correspond à l'une des formulations alternatives de la revendication 1 du brevet EP 578 et sa reproduction suffit à caractériser la contrefaçon de celle-ci quand bien même cette formulation ne comporte pas de groupe R".Quant à la seconde, il a été jugé que, dans la revendication 1 du brevet EP 289, l'homme du métier aurait compris, à la lumière de la description, que les mots "groupe 3'-azidométhyle" comme désignant un groupe 3'-O-azidométhyle.Il convient d'écarter ces contestations mal fondées et de constater la contrefaçon par la société MGI de ces revendications. 131. De plus, la description du procédé figurant dans la product and process description précitée indique expressément que les réactifs StandardMPS présentent aussi les caractéristiques des revendications 6 (une base liée à un marqueur détectable), 7 (par un lieur clivable) et 9 (marqueur détectable de type fluorophore) du brevet EP 578 et 2 à 4 du brevet EP 289.A cet égard, la société MGI soulève dans ses écritures deux contre-exemples pour deux types de réactifs StandardMPS (le variant bicolore et le variant DNBSEQ E) qui ne sont pas des références de l'annexe 2 de l'accord cadre de fournitures de consommables conclu avec le CEA, de sorte que cette objection est sans portée. La contrefaçon de ces revendications est donc établie. 132. S'agissant des réactifs CoolMPS, il s'évince de l'article Genoweb du 4 mars 2019 précité et des explications des parties que les nucléotides modifiés ne sont pas marqués avec un marqueur fluorescent lié à la base par un lieur clivable mais que l'identification de la base est réalisée par un anticorps monoclonal, lui-même pourvu d'un marqueur lié uniquement au bloc 3', qui vient interagir et est éliminé sans être clivé.Il n'est pas contesté que le marqueur de l'anticorps est un fluorophore mais, la revendication 9 du brevet EP 578 (2 du brevet EP 289) est dépendante des revendications 6 et 7 du brevet EP 578 (3 et 4 du brevet EP 289).Dès lors, la contrefaçon de ces revendications par les réactifs CoolMPS n'est pas établie, ni de façon directe, ni par fourniture de moyens. 133. La contrefaçon des revendications 25 du brevet EP 578 et 6 du brevet EP 289 (kit) par les réactifs StandardMPS n'est contestée par la société MGI qu'au bénéfice des contestations rejetées des revendications 1. Elle est établie par la saisie-contrefaçon qui a permis de constater la présence de trois kits de séquençage et l'offre de vente de plusieurs références de ceux-ci. 134. La contrefaçon par fourniture de moyens des revendications 29 du brevet EP 578 et 9 du brevet EP 289 n'est contestée qu'au bénéfice des contestations rejetées des revendications 1. Elle est démontrée par le fait que la fourniture de kits de réactifs de SBS, tant StandardMPS que CoolMPS, conduit à l'incorporation de nucléotides modifiés dans un brin en croissance qui constitue un oligonucléotide (ou polynucléotide).Elle est donc établie. 135. S'agissant des revendications de procédé 12 et 17 (telle que limitée supra) du brevet EP 578 et 10 du brevet EP 289, leur contrefaçon est seulement contestée en ce que la société MGI n'offrirait pas l'utilisation de ces procédés sur le territoire français.Or, elle a livré, avec les séquenceurs et les réactifs, un manuel d'utilisation et diffuse sur son site internet un webinaire qui décrit les procédés, dans les mêmes termes que ces revendications. En offrant à la vente la plate-forme de séquençage, les nucléotides modifiés précisément pour permettre le blocage réversible de la synthèse du brin séquencé, nucléotide après nucléotide, selon la méthode décrite aux revendications précitées, elle s'est rendue coupable de contrefaçon de ces revendications par fourniture de moyens. b) Sur le caractère contrefaisant des séquenceurs 136. Il n'est pas discuté que l'article L. 613-4 précité est un texte dérogatoire, permettant d'étendre la protection du brevet à des actes qui ne résultent pas directement de la reproduction de ses revendications. S'il a été pensé pour pouvoir reprocher à une personne n'effectuant pas d'actes de contrefaçon directe d'avoir procuré à un tiers, en connaissance de cause, les moyens de le faire, ce texte n'exclut pas qu'il soit opposé aussi à une personne à qui il est également reproché des actes de contrefaçon directe.La société MGI ne saurait donc être suivie lorsqu'elle conteste le principe du cumul des demandes sur le fondement de la contrefaçon directe et par fourniture de moyens. 137. L'application de ce texte suppose la fourniture d'un moyen spécialement conçu pour fonctionner en association avec l'objet de la revendication, quel qu'il soit, mais pas celle de tous les moyens nécessaires (Com., 8 juin 2017, pourvoi no15-29.378).Ce moyen doit également se rapporter à un élément essentiel de l'invention, c'est-a-dire nécessaire à sa mise en oeuvre pour atteindre son résultat.Le texte n'exige pas que le moyen fourni soit exclusivement destiné à la mise en oeuvre de l'invention. Il est donc indifférent à l'analyse de l'espèce que les séquenceurs litigieux puissent aussi fonctionner avec des réactifs non contrefaisants moyennant un nouveau paramétrage du logiciel (à supposer ces circonstances démontrées). 138. Les séquenceurs offerts à la vente en France par la société MGI ne sont pas couverts par les revendications des brevets en litige. 139. Ainsi que rappelé au point 4 supra, l'objet de l'invention est la création de nucléotides chimiquement modifiés pour pouvoir être incorporés dans un brin ADN séquencé mais aussi bloquer le processus, permettre l'identification de la base et éliminer le groupe de blocage pour permettre la reprise de la synthèse et la répétition du cycle, sans dénaturer le brin d'ADN. Or, la société Illumina Cambridge soutient à juste titre et démontre que les plate-formes de séquençage livrée au CEA permettent à ce dernier de mettre en oeuvre le procédé selon les revendications 12, 17 et 29 du brevet EP 578 et 9 et 10 du brevet EP 289. 140. Les séquenceurs, ayant été vendus au CEA spécialement pour réaliser des SBS en utilisant seulement des réactifs StandardMPS et CoolMPS, objets d'un contrat cadre de fournitures et accompagnés de manuels d'utilisation, constituent bien un moyen apte et destiné à la mise en oeuvre de l'invention brevetée, ce que la société MGI ne prétend pas avoir ignoré.Dès lors, il y a lieu de constater que les séquenceurs MGI modèle DNBSEQG400 contrefont les revendications 12, 17 et 29 du brevet EP 578 et 9 et 10 du brevet EP 289 par fourniture de moyens. c) Sur les mesures de réparation 141. La société Illumina Cambridge soutient que :- à supposer que les nouveaux réactifs HotMPS de la société MGI soient bien une alternative viable disponible en France, seules deux références de séquenceurs DNBSEQ-G400 pourraient fonctionner avec ceux-ci, moyennant un paramétrage logiciel, et seraient encore aptes à mettre en oeuvre sa technologie brevetée ;- la mesure d'interdiction prononcée par le tribunal devra porter sur les réactifs StandardMPS et CoolMPS et les six gammes de séquenceurs visées susceptibles de fonctionner avec des nucléotides ayant un groupe de blocage 3'O-azidométhyle ;- les actes de commercialisation des séquenceurs aptes et destinés à utiliser les réactifs de séquençage contrefaisants constituent des actes de contrefaçon à part entière ;- les mesures demandées dans la présente instance ont été appliquées au Royaume-Uni ;- les standards de protection posés par la directive 2004/48 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle prévoient que les sanctions doivent non seulement être proportionnées mais aussi effectives et dissuasives ;- la considération d'un principe de proportionnalité n'est pas de nature à remettre en cause la durée de protection conférée par un brevet ;- pour s'insérer sur le marché des NGS, la société MGI a copié sa technologie brevetée plutôt que de poursuivre, comme d'autres concurrents, sa propre solution ce qui tend à démontrer non pas le caractère mineur de l'invention revendiquée, mais bien son caractère déterminant dans les produits incriminés ;- les mesures qu'elle demande ne portent pas sur les équipements du type de ceux fournis en nombre au gouvernement français permettant de préparer les échantillons utiles à la réalisation de tests PCR ;- les injonctions demandées ne visant pas l'utilisation des séquenceurs avec des réactifs autres que ceux mettant en oeuvre sa technologie brevetée, la liberté d'entreprendre de la société MGI conformément aux usages loyaux du commerce n'est aucunement bridée ;- les mesures de publication sur des sites professionnels s'adressent à la communauté scientifique et professionnelle qui suit de près les évolutions du secteur et auprès de laquelle la société MGI a fait la promotion de produits contrefaisants, elles ne font pas double emploi avec l'information des détenteurs de séquenceurs contrefaisants. 142. La société MGI oppose que les mesures doivent être rejetées au regard du principe de proportionnalité car :- elles sont contraires à l'intérêt général, ses produits jouant un rôle essentiel dans la lutte contre la COVID-19 en France ;- elles auraient pour effet de l'exclure du marché français du séquençage au-delà de la date d'expiration des brevets litigieux (le 22 août 2023), les séquenceurs ayant une durée de vie d'environ cinq ans ;- l'interdiction des réactifs suffirait à mettre fin à la contrefaçon alléguée et l'interdiction des séquenceurs limiterait indûment sa liberté d'entreprendre ;- aucun de ses produits ne se trouve dans les circuits commerciaux français de sorte que les mesures de rappel sont sans objet ;- l'information à toutes personnes en possession de séquenceurs MGI en France afin de les informer de l'issue de la présente procédure fait double emploi avec d'éventuelles mesures de publication et produirait des conséquences irréparables, extrêmement difficiles à compenser dans le cas où le jugement à intervenir serait par la suite infirmé. Sur ce, 143. Aux termes de l'article L. 615-7-1 du code de la propriété intellectuelle, "en cas de condamnation civile pour contrefaçon, la juridiction peut ordonner, à la demande de la partie lésée, que les produits reconnus comme produits contrefaisants et les matériaux et instruments ayant principalement servi à leur création ou fabrication soient rappelés des circuits commerciaux, écartés définitivement de ces circuits, détruits ou confisqués au profit de la partie lésée.La juridiction peut aussi ordonner toute mesure appropriée de publicité du jugement, notamment son affichage ou sa publication intégrale ou par extraits dans les journaux ou sur les services de communication au public en ligne qu'elle désigne, selon les modalités qu'elle précise.Les mesures mentionnées aux deux premiers alinéas sont ordonnées aux frais du contrefacteur".L'article 3 de la directive 2004/48 précitée dispose :"1. Les États membres prévoient les mesures, procédures et réparations nécessaires pour assurer le respect des droits de propriété intellectuelle visés par la présente directive. Ces mesures, procédures et réparations doivent être loyales et équitables, ne doivent pas être inutilement complexes ou coûteuses et ne doivent pas comporter de délais déraisonnables ni entraîner de retards injustifiés.2. Les mesures, procédures et réparations doivent également être effectives, proportionnées et dissuasives et être appliquées de manière à éviter la création d'obstacles au commerce légitime et à offrir des sauvegardes contre leur usage abusif." 144. La contrefaçon étant établie, il y a lieu de la faire cesser durant la période restante de validité des brevets litigieux, soit jusqu'au 22 août 2023 inclus. 145. A cette fin il convient d'interdire à la société MGI de commercialiser et livrer sur le territoire français les réactifs correspondant aux désignations actuelles de StandardMPS et CoolMPS et aux plate-formes de séquençages identifiées à ce jour permettant leur utilisation, à savoir DNBSEQ-G400 (anciennement dénommé MGISEQ-2000, à l'exception des DNBSEQ-G400 no900-000493-00 et no900-000492-00), DNBSEQ-G50 (anciennement dénommé MGISEQ-200), DNBSEQ-T7 (anciennement dénommé MGISEQ-T7), DNBSEQ-G99, BGISEQ-500, BGISEQ-50. En effet, la société Illumina Cambridge est bien fondée à soutenir que les six gammes de séquenceurs doivent être interdits, la société MGI ne fournissant aucune garantie de ce qu'ils ne seraient pas aptes et destinés à mettre en oeuvre les réactifs StandardMPS et CoolMPS. En revanche, cette interdiction ne saurait s'étendre à des produits qui ne sont pas identifiés à ce jour comme contrefaisants. 146. Ces mesures viennent sanctionner la violation délibérée par la société MGI du monopole résultant des brevets pour se placer avantageusement sur un marché auquel elle n'aurait pas dû avoir accès dans ces conditions, sans exposer les investissements nécessaires à la mise au point de solutions réellement innovantes comme d'autres intervenants sur le marché des NGS. Elle est mal fondée à invoquer des conséquences excessives sur sa liberté d'entreprendre dès lors que ce monopole expirera à bref délai et d'autant moins qu'elle affirme à plusieurs reprises dans ses écritures la supériorité de ses produits non contrefaisants. S'agissant de la santé publique en France, la société MGI ne démontre aucunement son rôle essentiel dans sa protection, puisqu'elle ne conteste pas l'observation de la société Illumina Cambridge selon laquelle les équipements que le gouvernement français lui a achetés pour la réalisation de tests PCR, et dont elle se targue, sont sans aucun rapport avec les technologies en litige. 147. La résistance de la société MGI à respecter les droits tirés des deux brevets litigieux, malgré les procédures antérieures menées dans plusieurs pays et les ayant validés, justifie d'assortir ces mesures d'une astreinte telle que prévue au dispositif. 148. Il est également justifié d'ordonner le rappel des kits de séquençage contenant la chimie StandardMPS ou la chimie CoolMPS en circulation sur le territoire français. 149. Les mesures de publications sont justifiées en l'espèce et sont ordonnées dans les termes du dispositif de la présente décision. En revanche, l'information individuelle à toutes les personnes en possession de séquenceurs MGI en France afin de porter à leur connaissance l'issue de la présente procédure fait effectivement double emploi avec les publications qui visent tant la communauté scientifique que les utilisateurs de séquenceurs et réactif ; elle est rejetée. d) Sur le droit d'information et les dommages et intérêts 150. La société Illumina Cambridge soutient que :- compte-tenu du cycle de vie des séquenceurs (environ 5 ans en moyenne, bien qu'ils puissent être utilisés 7à 8 ans), la perte résultant pour elle des actes de contrefaçon sera irréparable si ceux-ci se poursuivent car elle est privée non seulement de la vente d'un séquenceur équivalent mais aussi et surtout de la vente de réactifs et des services associés ;- le groupe Illumina Cambridge a consacré des efforts et des investissements considérables à la recherche et au développement de ses produits (682 millions de dollars en 2020 et 1,185 milliard en 2021) et les agissements du groupe BGI ont banalisé et dévalorisé ses travaux, lui causant un préjudice moral important, proportionnel à la valeur technologique de l'invention objet des brevets EP 578 et EP 289 ;- en 2019, les revenus du groupe Illumina Cambridge provenaient à 19 % des instruments de séquençage, 64 % des consommables (dont les réactifs) et 17 % des services et autres revenus associés et chaque vente réalisée par le groupe BGI est une vente manquée par elle car la société MGI ne justifie pas avoir mis sur le marché français des produits permettant de réaliser un séquençage par synthèse autres que ceux reproduisant sa chimie brevetée ;- ce préjudice ne pourra être déterminé qu'une fois identifiée la totalité de la masse contrefaisante, exprimée en quantité et en chiffre d'affaires, depuis le lancement des activités de la société MGI sur le territoire français, ce qui justifie la demande de production forcée par la société MGI des éléments nécessaires à ce calcul ;- le principe d'un effet tremplin au bénéfice de la société MGI est indéniable : du fait du placement anticipé de ses produits contrefaisants, et notamment de ses plate-formes de séquençage, elle a pu constituer une clientèle auprès de laquelle elle pourra d'autant plus facilement proposer des produits non contrefaisants jusqu'à l'expiration des brevets. 151. La société MGI oppose que :- le préjudice au titre de l'atteinte portée à la valeur des brevets n'est pas caractérisée ;- le préjudice au titre de "l'effet tremplin" n'est fondé sur aucun élément sérieux, ni analyse chiffrée et elle a désormais sur le marché la gamme de réactifs HotMPS, produits non-contrefaisants. Sur ce, 152. L'article L. 615-7 du code de la propriété intellectuelle dispose que :"Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :1o Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subie par la partie lésée ;2o Le préjudice moral causé à cette dernière ;3o Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon.« Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée".En application de l'article L. 615-5-2 du même code, "si la demande lui en est faite, la juridiction saisie au fond ou en référé d'une procédure civile prévue au présent titre peut ordonner, au besoin sous astreinte, afin de déterminer l'origine et les réseaux de distribution des produits argués de contrefaçon qui portent atteinte aux droits du demandeur, la production de tous documents ou informations détenus par le défendeur ou par toute personne qui a été trouvée en possession de produits argués de contrefaçon ou qui fournit des services utilisés dans de prétendues activités de contrefaçon ou encore qui a été signalée comme intervenant dans la production, la fabrication ou la distribution de ces produits ou la fourniture de ces services .La production de documents ou d'informations peut être ordonnée s'il n'existe pas d'empêchement légitime". 153. En exploitant à son profit l'invention brevetée, la société MGI a porté atteinte à l'image d'entreprise innovante de la société Illumina Cambridge, ce qui constitue un préjudice grave dans le contexte de ce dossier, les pièces fournies par les deux parties démontrant que le marché des technologies de séquençage est très concurrentiel et fondé sur les capacités d'innovation des entreprises du secteur.Au regard des seuls faits de contrefaçon démontrés en France à ce stade (appel d'offres du CEA), le tribunal fixe les dommages et intérêts dûs au titre du préjudice moral à la somme de 50.000 euros. 154. S'agissant de la demande au titre du droit d'information, le principe de l'existence d'un préjudice économique résultant de la contrefaçon n'est pas sérieusement contestable, de même que l'avantage indu que la société MGI a déjà définitivement tiré de la vente de séquenceurs contrefaisants qui lui permettra de commercialiser sans aucun délai ses produits actuels dès que les brevets en litige seront dans le domaine public. D'ailleurs, les développements de la société MGI sur le préjudice irréparable et durable qu'elle-même subirait si on l'empêchait pendant quelques mois de commercialiser ses séquenceurs confirme qu'elle a parfaitement conscience de l'existence du préjudice invoqué par la société Illumina Cambridge du fait de la contrefaçon.Il y a donc lieu de faire droit aux demandes, y compris d'astreinte, selon le dispositif. 155. S'agissant de la provision sur dommages et intérêts en réparation des conséquences économiques négatives de la contrefaçon, la société Illumina Cambridge fournit dans ses conclusions un mode de calcul clair et fondé sur des données confirmées par les pièces de dossier qui justifie de la fixer à la somme demandée de 800.000 euros. 3. Sur l'octroi d'une licence obligatoire a) sur fondement de l'article L. 613-11 du code de la propriété intellectuelle 156. La société MGI soutient que :- la société Illumina Cambridge ne commercialise pas ses séquenceurs et réactifs en quantité suffisante pour satisfaire les besoins du marché français, surtout en raison de la crise provoquée par le virus SRAS-CoV-2 et ses variants ;- la France manque d'équipements de séquençage. 157. La société Illumina Cambridge fait valoir que la licence obligatoire n'a pas vocation à constituer une sanction au rabais de la contrefaçon, qui serait une alternative aux mesures d'interdiction sollicitées par le breveté pour se voir rétabli dans son monopole d'exploitation temporaire pour toute la durée de celui-ci. Sur le fond, elle oppose que :- elle est en mesure de satisfaire aux besoins du marché français, notamment pour le SARS-CoV-2 qui est un petit virus assez simple à séquencer, - le manque d'équipements de séquençage en France ne résulte pas de son incapacité à en fournir mais de la politique de santé publique française,- les appareils MGI commandés par le gouvernement français en avril 2020 ne sont ni des séquenceurs, ni des réactifs brevetés. Sur ce, 158. L'article L. 613-11 du code de la propriété intellectuelle dispose notamment : "Toute personne de droit public ou privé peut, à l'expiration d'un délai de trois ans après la délivrance d'un brevet, ou de quatre ans à compter de la date du dépôt de la demande, obtenir une licence obligatoire de ce brevet, dans les conditions prévues aux articles suivants, si au moment de la requête, et sauf excuses légitimes le propriétaire du brevet ou son ayant cause : (..) b) N'a pas commercialisé le produit objet du brevet en quantité suffisante pour satisfaire aux besoins du marché français."Ce texte sanctionne l'absence d'exploitation du brevet. 159. A l'appui de sa demande, la société MGI ne fournit que des affirmations, cinq articles de presse de janvier et février 2021 faisant état d'une insuffisance d'équipement en séquenceurs des laboratoires d'analyse français et trois articles de mars et avril 2021 faisant état d'équipements achetés au groupe BGI par l'Assistance Publique à [Localité 5] et à [Localité 6].Ces quelques articles sont en lien avec les besoins exprimés par des personnes interrogées en équipements divers non pourvus lors de la crise sanitaire, ainsi qu'en séquençage des variants du virus SRAS-CoV-2. Ils ne sont corroborés par aucune étude reposant sur des mesures objectives et ils imputent la situation de pénurie à une imprévoyance collective et non à une offre insuffisante.Ils indiquent au surplus que la société MGI a elle-même pourvu de nombreux établissements en équipements à cette période de crise. 160. Aucun de ces éléments n'établit, ou ne permet de suspecter l'absence de commercialisation par la société Illumina Cambridge, qui avait également répondu à l'appel d'offres du CEA gagné par la société MGI, ni l'insuffisance de l'offre par rapport aux besoins du marché français. 161. Les conditions du texte précité n'étant pas réunies, il y a lieu de rejeter la demande de licence sur ce fondement. b) Sur le fondement de l'article L. 613-15 du code de la propriété intellectuelle 162. La société MGI soutient que :- le groupe MGI a développé des solutions de séquençage très innovantes qui lui ont valu d'être récompensée aux Globee Awards 2022 ;- l'offre faite par la société Illumina Cambridge à l'appel d'offres du CEA a été rejetée parce que sa solution ne répondait pas aux spécifications techniques de l'appel d'offres et la supériorité technique de ses produits sur ceux de la société Illumina Cambridge tant en termes de capacité de séquençage que de fréquence d'erreur a également été reconnue par le Karolinska Institutet de Suède, caractérisant l'intérêt économique ;- notamment ses demandes de brevet EP 3 877 548 550 et EP 3 565 905 551, publiées en 2018 et 2020, portent sur une méthode SBS qui présente des avantages techniques et économiques évidents par rapport à celle de la société Illumina Cambridge ;- pour autant, si l'exploitation de ces progrès significatifs n'était pas possible sans contrefaire les brevets litigieux, ce qu'elle conteste, elle aurait droit à une licence dans des termes équitables. 163. La société Illumina Cambridge oppose que :- la société MGI ne démontre pas que les brevets ou demandes de brevet qu'elle invoque au soutien de sa demande seraient dans la dépendance des brevets en litige et ne pourraient être exploités sans y porter atteinte, ce qui suffit à rejeter cette demande ;- elle ne démontre pas plus que la technologie objet de l'un quelconque de ses brevets constituerait un progrès technique important et présenterait un intérêt économique considérable. Sur ce, 164. L'article L. 613-15 du code de la propriété intellectuelle dispose notamment : "Le titulaire d'un brevet portant atteinte à un brevet antérieur ne peut exploiter son brevet sans l'autorisation du titulaire du brevet antérieur ; ledit titulaire ne peut exploiter le brevet postérieur sans l'autorisation du titulaire du brevet postérieur.Lorsque le titulaire d'un brevet ne peut l'exploiter sans porter atteinte à un brevet antérieur dont un tiers est titulaire, le tribunal de grande instance peut lui accorder une licence d'exploitation du brevet antérieur dans la mesure nécessaire à l'exploitation du brevet dont il est titulaire et pour autant que cette invention constitue à l'égard du brevet antérieur un progrès technique important et présente un intérêt économique considérable." 165. Les performances techniques, succès divers et demandes de brevets de séquençage d'acides nucléiques dont se targue la société MGI ne constituent pas une démonstration de ce que ces performances reposent sur des brevets présentant un progrès technique important par rapport aux brevets en litige, ni qu'ils en constituent un perfectionnement, ni qu'ils ne peuvent être exploités sans y porter atteinte. Il n'est en effet pas soutenu que les nucléotides utilisés dans ces demandes de brevets utilisent un groupe de blocage azidométhyle.Au contraire, dans plusieurs documents versés aux débats et dans la présente procédure, la société MGI indique utiliser une chimie propriétaire nouvelle.Au surplus, les avantages économiques considérables attachés à l'exploitation de ses brevets ne sont étayés par aucune pièce objectivant cette affirmation, malgré l'interpellation sur tous ces points par les écritures adverses. 166. Les conditions du texte précité n'étant pas réunies, il y a lieu de rejeter la demande de licence sur ce fondement. IV . Sur l'abus de position dominante 167. La société MGI soutient que :- le marché pertinent est le marché mondial des nouvelles générations de systèmes de séquençage de l'ADN (NGS) ;- dans son rapport du 24 octobre 2019, l'autorité britannique de concurrence a constaté que la société Illumina Cambridge détenait une part de marché de plus de 80 % sur le marché des NGS, détenant incontestablement une position dominante ;- elle en a abusé en refusant d'accorder une licence sur ses brevets à des conditions non-discriminatoires et équitables, alors qu'ils constituent une infrastructure essentielle (indispensable, nécessaire pour créer un produit nouveau et de nature à éliminer la concurrence sur le marché sans motivation objective) et en abusant de son droit d'agir en justice pour protéger ses droits de propriété intellectuelle (en se livrant à un harcèlement judiciaire en vue d'éliminer la concurrence) ;- il en résulte pour elle un préjudice de perte de marge ou de perte de chance de réaliser une marge, de conquérir de nouveaux clients et d'investissements exposés en vain. 168. La société Illumina Cambridge oppose que :- les pièces communiquées par la société MGI démontrent que d'autres sociétés offrent sur le marché des plateformes de séquençage ADN avec des technologies distinctes, et l'innovation est un aspect-clé de la concurrence sur ce marché ;- c'est la présence sur le marché d'un acteur dont la politique consiste non pas à innover mais à contrefaire la technologie d'un autre acteur, avant l'expiration des brevets protégeant cette technologie, qui fausse le jeu normal de la concurrence ;- ses inventions brevetées ne peuvent être considérées comme des infrastructures essentielles dès lors qu'il existe des solutions alternatives économiquement raisonnables ; - les nombreuses décisions rendues par des juridictions étrangères sur la validité et la contrefaçon des brevets invoqués par elle contre la société MGI, en particulier les brevets EP 578 et EP 289, démontrent que ces actions ne sont pas sans fondement et ne sont pas mises en oeuvre dans la perspective d'éliminer la concurrence mais pour protéger les droits sur ses brevets et ses investissements en recherche et développement. Sur ce, 169. L'article L. 420-2 du code de commerce prévoit qu'est prohibée "l'exploitation abusive par une entreprise ou un groupe d'entreprises d'une position dominante sur le marché intérieur ou une partie substantielle de celui-ci." Dans sa communication du 24 février 2009 relative aux orientations sur les priorités retenues par la Commission pour l'application de l'article 82 du traité CE aux pratiques d'éviction abusives des entreprises dominantes (2009/C 45/02), la Commission européenne a indiqué : "la position dominante est définie en droit communautaire comme une situation de puissance économique détenue par une entreprise qui lui donne le pouvoir de faire obstacle au maintien d'une concurrence effective sur le marché en cause en lui fournissant la possibilité de comportements indépendants dans une mesure appréciable vis-à-vis de ses concurrents, de ses clients et, finalement, des consommateurs". 170. La Cour de justice des communautés européennes a dit pour droit : "1. Les droits accordés par un Etat membre au titulaire d'un brevet d'invention ne sont pas affectés dans leur existence par les interdictions des articles 85 , paragraphe 1, et 86 du traité.2 . L'exercice de ces droits ne saurait lui-même relever ni de l'article 85 , paragraphe 1 , en l'absence de tout accord, décision ou pratique concertée visés par cette disposition, ni de l'article 86, en l'absence de toute exploitation abusive de position dominante .3 . La supériorité du prix de vente du produit breveté sur celui du produit non breveté provenant d'un autre Etat membre n'est pas nécessairement constitutive d'abus" (CJCE, 29 février 1968, C-24/67).En réponse à une autre question préjudicielle, la Cour de justice de l'Union européenne a précisé (CJUE, 29 avril 2004, C-418/01) que le refus, opposé par une entreprise qui détient une position dominante et qui est titulaire d'un droit de propriété intellectuelle sur une structure indispensable, d'octroyer une licence pour l'utilisation de cette structure à une autre entreprise constitue un abus de position dominante au sens de l'article 82 CE dès lors que les conditions suivantes sont réunies : - l'entreprise qui a demandé la licence a l'intention d'offrir des produits ou des services nouveaux que le titulaire du droit de propriété intellectuelle n'offre pas et pour lesquels il existe une demande potentielle de la part des consommateurs, - le refus n'est pas justifié par des considérations objectives, - le refus est de nature à réserver à l'entreprise titulaire du droit de propriété intellectuelle le marché dans l'État membre concerné, en excluant toute concurrence sur celui-ci. 171. Il n'est pas discuté que la société Illumina Cambridge occupe une position de leader sur le marché du séquençage de nouvelle génération (NGS), ni qu'elle a refusé le 15 avril 2021 de concéder une licence à la société MGI lorsque celle-ci le lui a demandé. 172. Néanmoins, les arguments de la société MGI sur le fait que les brevets litigieux constitueraient une infrastructure essentielle en ce que les autres technologies de séquençage ne seraient pas économiquement viables ne sont que des affirmations, directement contredites par sa propre production du rapport de l'autorité britannique de la concurrence sur le projet de fusion de la société Illumina Cambridge et la société PacBio qui indique que, outre ces parties, quatre autres entreprises fournissent des produits et services de séquençage d'ADN.Cette position est aussi en contradiction manifeste avec ses affirmations selon lesquelles l'invention en litige a une portée très restreinte, élevées pour s'opposer aux mesures de réparation de la contrefaçon. En toute hypothèse, les autres critères nécessaires pour que le refus soit abusif ne sont même pas abordés. 173. Quant à l'exercice abusif de voies de recours destiné à anéantir la concurrence, le tribunal observe que la présente instance a été introduite par la société MGI, qu'elle fait effectivement concurrence à la société Illumina Cambridge et qu'il n'est donné aucun exemple de pratique abusive qui aurait été mise en oeuvre. 174. Les demandes (expertise et provision d'un million d'euros) à ce titre sont donc rejetées. V . Sur les autres demandes 175. La société MGI soutient qu'il y a lieu d'écarter l'exécution provisoire (au moins en ce qui concerne les mesures d'interdiction), étant donné que celle-ci est profondément incompatible avec la nature de l'affaire et la situation sanitaire actuelle. 176. La société Illumina Cambridge oppose que, loin d'être incompatible avec la nature de l'affaire, l'exécution provisoire de la décision à intervenir est non seulement de droit mais aussi particulièrement nécessaire car, à défaut d'interdiction faite à la société MGI de poursuivre les actes de contrefaçon, elle aura perdu d'ici là une part de marché qu'elle ne pourra retrouver après l'expiration de ses brevets. Sur ce, 177. La société MGI succombant dans la quasi-totalité de ses demandes, elle est condamnée aux dépens de l'instance et l'équité justifie de la condamner à payer à la société Illumina Cambridge la somme de 250.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 178. Aucune circonstance ne justifie de déroger à l'exécution provisoire de droit du présent jugement, sauf s'agissant des mesures de publication susceptibles d'effets irréversibles et de la transmission à l'INPI. PAR CES MOTIFS Le tribunal, Ecarte des débats le point 2 de la note de la société MGI du 8 février 2023 et la pièce nouvelle qui y était jointe ; Annule partiellement la revendication 17 de la partie française du brevet européen no 1 530 578 pour insuffisance de description en ce qu'elle vise la revendication 6 ; Limite la revendication 17 de la partie française du brevet européen no 1 530 578 comme suit "Procédé pour déterminer la séquence d'un polynucléotide simple brin cible, comprenant le suivi de l'incorporation séquentielle de nucléotides complémentaires, où au moins une incorporation est d'un nucléotide selon l'une quelconque des revendications 7 à 10 et où l'identité du nucléotide incorporé est déterminée par détection du marqueur lié à la base, et le groupe de blocage et ledit marqueur sont retirés avant l'introduction du nucléotide complémentaire suivant" ; Dit que la décision une fois définitive sera transmise à l'INPI pour être inscrite au registre national des brevets à l'initiative de la partie la plus diligente ; Déboute la société MGI International Sales Co., Limited de ses demandes de nullité des autres revendications no 1 à 16 et 18 à 30 de la partie française du brevet européen no 1 530 578 et des revendications no 1 à 15 de la partie française du brevet européen no 3 002 289 ; Annule le procès-verbal de la saisie-contrefaçon du 30 septembre 2020 et le procès-verbal d'ouverture des scellés du 6 novembre 2020 en résultant et ordonne la restitution des documents et échantillons saisis, à l'exception du kit neuf de modèle DNBSEQ-G400RS High-throughput Sequencing Kit FCL PE100 ; Rejette la demande à titre de dommages et intérêts de la société MGI International Sales Co., Limited du fait de la saisie-contrefaçon du 30 septembre 2020 ; Rejette la demande de nullité du procès-verbal de la saisie-contrefaçon du 10 mars 2022 ; Dit que la société MGI International Sales Co., Limited a commis des actes de contrefaçon directe ou par fourniture de moyen ? des revendications no 1, 4, 6, 7, 9, 12, 17 (telle que limitée ci-dessus), 25, 29 et 30 du brevet européen no 1 530 578 et no 1 à 4, 6, 9 et 10 du brevet européen no 3 002 289 tel que délivré en offrant, mettant dans le commerce, important, livrant, utilisant et détenant ces fins des réactifs de séquençage StandardMPS ;? des revendications no 1, 4, 12, 17 (telle que limitée ci-dessus), 29 et 30 du brevet européen no 1 530 578 et no 1 et 10 du brevet européen no 3 002 289 tel que délivré en offrant, mettant dans le commerce, important, livrant, utilisant et détenant à ces fins des réactifs de séquençage CoolMPS ;? des revendications no 12, 17 (telle que limitée ci-dessus) et 29 du brevet européen no 1 530 578 et no 9 et 10 du brevet européen no 3 002 289 tel que délivré en offrant, mettant dans le commerce, important, livrant et en utilisant des séquenceurs fonctionnant avec les réactifs de séquençage précités ; Fait interdiction à la société MGI International Sales Co., Limited, d'offrir, de mettre dans le commerce, d'importer, de livrer, d'utiliser et de détenir à ces fins sur le territoire français ? des réactifs de séquençage StandardMPS et CoolMPS, ? des sets et/ou kits de séquençage contenant lesdits réactifs et ? des séquenceurs DNBSEQ-G400 (anciennement dénommé MGISEQ-2000, l'exception des DNBSEQ-G400 no900-000493-00 et no900-000492-00), DNBSEQ-G50 (anciennement dénommé MGISEQ-200), DNBSEQ-T7 (anciennement dénommé MGISEQ-T7), DNBSEQ-G99, BGISEQ-500, BGISEQ-50 ;sous astreinte de 20.000 euros par infraction constatée relative à un séquenceur et 10.000 euros par infraction constatée relative à un set ou kit de réactifs de séquençage jusqu'au 22 août 2023; Ordonne à la société MGI International Sales Co., Limited de rappeler à ses frais tous les sets et/ou kits de séquençage contenant la chimie StandardMPS ou la chimie CoolMPS se trouvant en circulation sur le territoire français et d'en justifier après de la société Illumina Cambridge Ltd ; Ordonne à la société MGI International Sales Co., Limited de communiquer un état certifié par un cabinet d'audit internationalement reconnu, des ventes (en quantités et en chiffre d'affaires), marge brute et marge sur coûts directs réalisées par la société MGI International Sales Co., Limited en France au titre des séquenceurs DNBSEQ-G400 (anciennement dénommé MGISEQ-2000), DNBSEQ-G50 (anciennement dénommé MGISEQ-200), DNBSEQ-T7 (anciennement dénommé MGISEQ-T7), DNBSEQ-G99, BGISEQ-500, BGISEQ-50 et leurs déclinaisons, des sets et/ou kits de séquençage contenant la chimie StandardMPS ou la chimie CoolMPS depuis le début de ses activités sur le territoire français et jusqu'à la date de signification du jugement à intervenir, sous astreinte de 5.000 euros par jour de retard passé le délai de 30 jours suivant la signification du jugement à intervenir et pendant 30 jours ; Se réserve la liquidation des astreintes ; Condamne la société MGI International Sales Co., Limited à payer à la société Illumina Cambridge Ltd une provision de 800.000 euros à valoir sur la réparation du préjudice économique du fait de la contrefaçon ; Condamne la société MGI International Sales Co., Limited à payer à la société Illumina Cambridge Ltd une somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ; Renvoie les parties à la détermination amiable du préjudice qui ne serait pas déjà indemnisé par le présent jugement ou, à défaut d'accord, par le tribunal saisi par nouvelle assignation ; Ordonne la publication dans cinq journaux, revues ou sites Internet professionnels au choix de la société Illumina Cambridge Ltd , dans la limite de 5.000 euros HT par insertion et sur la page d'accueil du site Internet www.en.mgi-tech.com, pendant une dure de trois mois, en caractères Arial de taille 12 du communiqué suivant:"Par jugement du 24 mars 2023, le tribunal judiciaire de Paris a jugé que des réactifs de séquençage StandardMPS et CoolMPS et les séquenceurs paramétrés pour fonctionner avec ces réactifs incluant les modèles DNBSEQ-G400 (anciennement dénommé MGISEQ-2000), DNBSEQ-G50 (anciennement dénommé MGIS,EQ-200), DNBSEQ-T7 (anciennement dénommé MGISEQ-T7), DNBSEQ-G99, BGISEQ-500, BGISEQ-50 commercialisés par la société MGI International Sales Co., Limited contrefont les brevets européens no 1 530 578 et no 3 002 289 dont la société Illumina Cambridge Ltd est titulaire, et a condamné la société MGI International Sales Co à payer à la société Illumina Cambridge Ltd en réparation du préjudice subi la somme pour partie provisionnelle de 1.100.000 euros."aux frais de la société MGI International Sales Co., Limited ; Rejette le surplus des demandes de réparation ; Rejette les demandes de licences obligatoires et au titre de l'abus de position dominante formées par la société MGI International Sales Co., Limited ; Condamne la société MGI International Sales Co., Limited aux dépens qui seront recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile ; Condamne la société MGI International Sales Co., Limited à payer à la société Illumina Cambridge Ltd la somme de 250.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire des mesures de publication et de transmission à l'INPI ; Dit n'y avoir lieu à déroger à l'exécution provisoire de droit pour le surplus. Fait et jugé à Paris le 24 Mars 2023 Le Greffier La PrésidenteQuentin CURABET Irène BENAC | x |
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JURITEXT000047636330 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/63/63/JURITEXT000047636330.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 10 mars 2023, 19/15091 | 2023-03-10 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 19/15091 | CT0087 | TRIBUNALJUDICIAIREDE PARIS 3ème chambre 2ème section No RG 19/15091 No Portalis 352J-W-B7D-CRLXW No MINUTE : Assignation du :04 Décembre 2019 JUGEMENT rendu le 10 Mars 2023 DEMANDERESSES Société PERI S.E.[Adresse 5][Localité 3] (ALLEMAGNE) S.A.S. PERI[Adresse 6][Adresse 6][Localité 1] représentées par Maître Olivier LEGRAND de la SEP LEGRAND LESAGE-CATEL GAULTIER, avocat au barreau de PARIS, #D1104 DÉFENDERESSE Société CONDOR SPA[Adresse 7][Localité 2] (ITALIE) représentée par Maître Camille PECNARD, du cabinet LAVOIX avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E1626 Copies délivrées le : - Me LEGRAND #D1104 (certifiée conforme)- Me PECNARD #E1626 (exécutoire)COMPOSITION DU TRIBUNAL Madame Irène BENAC, Vice-PrésidenteMadame Elodie GUENNEC, Vice-présidenteMonsieur Arthur COURILLON-HAVY, Juge assisté de Monsieur Quentin CURABET, Greffier, DÉBATS A l'audience du 06 Octobre 2022 tenue en audience publique devant Irène BENAC et Arthur COURILLON-HAVY, juges rapporteurs, qui sans opposition des avocats ont tenu seuls l'audience, et après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile. Avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe, en dernier lieu, le 10 Mars 2023 JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe ContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE 1. La société de droit allemand Peri SE (antérieurement nommée Peri GmbH, puis Peri AG) a pour activité la conception, la fabrication et la commercialisation d'éléments de coffrage et d'échafaudages destinés à la construction immobilière. 2. La SAS Peri est une filiale française de la société Peri SE dont l'activité est la distribution, la vente et la location de systèmes de coffrages d'étaiements et d'échafaudages et l'élaboration de plans de coffrages et d'échafaudages. 3. La société Peri SE est titulaire du brevet européen EP 1 899 552 (ci-après EP'552) désignant notamment la France, découlant d'une demande internationale (WO2007/3400) visant également l'Australie, la Chine, la Corée, les Etats-Unis et l'Afrique du Sud, intitulé "système de coffrage de plafond", déposé le 3 juillet 2006 sous priorité d'un brevet allemand DE102005031152 du 4 juillet 2005, délivré le 9 mars 2011 et régulièrement maintenu en vigueur. 4. La société de droit italien Condor Spa se présente comme l'une des principales sociétés européennes de production et commercialisation d'échafaudages, coffrages et tours d'étaiement pour la construction. Elle propose plusieurs solutions de coffrage, parmi lesquelles le système Alu-GD. 5. Le 24 octobre 2019, la société Peri SE a fait constater par huissier de justice la présentation et l'offre de vente de ce système sur le site internet en français condorfrance.fr exploité par la société Condor SpA et qu'elle estime contrefaisant de son brevet. 6. Autorisée par ordonnance sur requête du 28 octobre 2019, la société Peri SE a fait procéder à des opérations de saisie contrefaçon sur le stand tenu par la société Condor SpA à l'occasion du salon Batimat au Parc des expositions de Paris Nord Villepinte le 5 novembre 2019. 7. Par acte du 4 décembre 2019, la société Peri SE et la société Peri ont fait assigner la société de droit italien Condor Spa devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon du brevet EP'552, concurrence déloyale et réparation des préjudices consécutifs. 8. Des actions en contrefaçon du brevet EP'552 ont également été engagées par la société Peri SE à l'encontre de la société Condor SpA en Allemagne et en Italie. La procédure est en cours en Italie (un rapport d'expertise a été rendu mais n'est pas versé aux débats) et un accord mettant fin l'instance a été conclu en Allemagne le 8 septembre 2020. 9. Autorisée par ordonnance sur requête du 4 mai 2021, la société Peri SE a fait procéder, le 7 mai 2021, à de nouvelles opérations de saisie contrefaçon sur un chantier de construction à [Localité 4] et dans les locaux de la SAS Etablissements Boutillet. 10. Dans leurs dernières conclusions signifiées le 22 février 2022, la société Peri SE et la société Peri demandent au tribunal, au visa des articles 54, 56, 83, 138 et 139 de la Convention de Munich, L.613-3, L.615-2 et L.615-5 du code de la propriété intellectuelle, 1240 du code civil, 699 et 700 du code de procédure civile, de :- déclarer la société Condor SpA irrecevable en sa demande de voir juger que les revendications 3 et 24 du brevet EP'552 sont dépourvues de nouveauté ou d'activité inventive; - déclarer la société Condor SpA mal fondée en sa demande en nullité des revendications 1, 2, 8, 9, 10, 12, 13, 16, 17, 20, 21, 22, 23 et 25 de la partie française du brevet EP'552 et l'en débouter ; - déclarer la société Condor SpA coupable de contrefaçon des revendications 1, 2, 8, 9, 10, 12, 13, 16, 17, 20, 21, 22, 23 et 25 de la partie française du brevet EP'552 ; - interdire à la société Condor SpA, sous astreinte, de diffuser tous documents présentant le système de coffrage Alu-GD, les modules standard Alu-GD référencés 21500, les "têtes d'appui à chute" référencées 21509 et les "têtes d'appui fixes" référencées 21510 et d'importer en France les mêmes produits ; - enjoindre à la société Condor SpA, sous astreinte, de produire un état certifié par son commissaire aux comptes de ces produits importés en France depuis le début de leur commercialisation, ainsi que du nombre d'étais référencés CEP 10 / CEP 20 importés en France en même temps que ces éléments, ainsi que du chiffre d'affaires et du bénéfice réalisés à ce titre, accompagné de l'ensemble des éléments comptables justificatifs ; - dire que le tribunal se réservera la liquidation des astreintes ; - condamner la société Condor SpA à payer à la société Peri SE de la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts du chef de l'atteinte portée à ses droits sur le brevet EP'552 et de sa dévalorisation consécutive et celle de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts du chef de la désorganisation de son activité ; - dire que le tribunal statuera sur leur préjudice commercial au vu des pièces qui seront produites par la société Condor SpA en exécution de la condamnation à production de pièces prononcée sous astreinte ; - condamner la société Condor SpA à leur payer une provision de 50.000 euros à valoir sur la réparation du préjudice commercial subi ; - ordonner la publication du jugement à intervenir dans trois journaux ; - débouter la société Condor SpA de toutes ses demandes ;- condamner la société Condor SpA à leur payer la somme de 150.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, à rembourser à la société Peri SE les frais exposés à l'occasion des opérations de constat du 24 octobre 2019 et des opérations de saisie contrefaçon des 5 novembre 2019 et 7 mai 2021 et aux dépens, dont distraction au profit de Maître Olivier Legrand conformément à l'article 699 du code de procédure civile ; - ordonner l'exécution provisoire. 11. Dans ses dernières conclusions signifiées le 18 mars 2022, la société Condor SpA demande au tribunal, au visa des articles 54, 56, 83, 138 et 139 de la Convention de Munich, L.613-3, L.615-2 et L.615-5 du code de la propriété intellectuelle, 1240 du code civil, 699 et 700 du code de procédure civile, de : A titre préliminaire, - prononcer la nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 5 novembre 2019 ; - juger que le procès-verbal de saisie-contrefaçon du 7 mai 2021 est dépourvu de force probante; A titre principal, - juger que le brevet EP'552 est insuffisamment décrit ; - juger que les revendications 1, 2, 3, 8, 9, 10, 12, 13, 16, 17, 20, 21, 22, 23, 24 et 25 du brevet EP1899552 sont dépourvues de nouveauté et/ou d'activité inventive ; - prononcer la nullité des revendications 1, 2, 8, 9, 10, 12, 13, 16, 17, 20, 21, 22, 23 et 25 de la partie française du brevet EP'552 ; - juger que la décision à intervenir sera transmise par le greffe à l'Institut National de la Propriété Industrielle pour inscription au Registre National des Brevets ; - débouter la société Peri SE de son action en contrefaçon de la partie française du brevet EP'552 et des demandes d'interdiction et d'indemnisation en découlant. A titre subsidiaire,- juger que son système de coffrage Alu-GD ne reproduit pas les revendications 1, 2, 8, 9, 10, 12, 13, 16, 17, 20, 21, 22, 23 ou 25 de la partie française du brevet EP'552 ; - débouter la société Peri SE de son action en contrefaçon de la partie française du brevet EP'552 et des demandes d'interdiction et d'indemnisation en découlant. En tout état de cause,- débouter la société Peri de son action en concurrence déloyale ; - rejeter la demande d'indemnité provisionnelle et de reddition des comptes formulée par les sociétés Peri et Peri SE ; - débouter les sociétés Peri et Peri SE de leurs demandes de publication et d'exécution provisoire du jugement à intervenir ; - condamner in solidum les sociétés Peri et Peri SE à lui payer la somme de 108.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens en vertu de l'article 699 du code de procédure civile, qui seront directement recouvrés par Maître Camille Pecnard ; - prononcer l'exécution provisoire ; - débouter les sociétés Peri et Peri SE de toutes leurs demandes. 12. L'ordonnance de clôture a été rendue le 24 mars 2022. MOTIVATION 13. L'article 52 de la Convention sur le brevet européen de Munich du 5 octobre 1973 (ci-après CBE) dispose que "les brevets européens sont délivrés pour toute invention dans tous les domaines technologiques, à condition qu'elle soit nouvelle, qu'elle implique une activité inventive et qu'elle soit susceptible d'application industrielle". I . Présentation du brevet EP 1 899 552 14. Un système de coffrage de plafonds comporte des montants verticaux auxquels sont fixés des panneaux de coffrage formant une table horizontale sur laquelle le béton est coulé et qui sont retirés lorsque le béton a pris. 15. Aux termes de sa description, l'invention objet du brevet européen EP'552 est de "perfectionner un système de coffrage de plafonds dans lesquels la face inférieure des panneaux de coffrage comporte des supports permettant leur accouplement aux têtes de montants verticaux, permettant de les faire pivoter en position horizontale en maintenant l'accrochage et de les assembler au choix dans deux directions décalées de 90o l'une par rapport à l'autre". 16. Les figures suivantes montrent la configuration des supports des éléments de coffrages et des têtes des montants verticaux permettant ces fonctionnalités selon ce brevet.17. La revendication 1, décomposée en sept caractéristiques, est la suivante: a système de coffrage de plafond comprenant plusieurs éléments de coffrage (98) et plusieurs montants verticaux (90), b lesdits éléments de coffrage (98) comportant sur leur face inférieure des supports (2, 100, 102, 104, 106) susceptibles d'être accouplés à des têtes (28) de montants verticaux (90),c dont la section est réalisée au moins localement en forme de C avec deux branches qui s'étendent en éloignement d'un tronçon de base (4),d l'une des branches étant conçue à titre de surface d'appui (6) pour l'appui sur une tête (28) d'un montant vertical (90), e la surface d'appui comprend un évidement, cet évidement étant prévu sur l'extrémité de la surface d'appui détournée du tronçon de base,f caractérisé en ce que la tête (28) d'un montant vertical (90) comporte des éléments de fixation (52, 54, 56, 58, 60, 62, 64, 66) qui s'engagent dans un évidement respectif (20, 22, 24, 26) d'une surface d'appui (6), g l'évidement (20, 22, 24, 26) étant prévu pour l'accouplement du support (2, 100, 102, 104, 106) avec le montant vertical (90) au choix dans deux directions décalées de 90o l'une par rapport à l'autre sur l'extrémité de la surface d'appui (6) détournée du tronçon de base (4). et les autres revendications opposées en sont dépendantes : revendication 2 : le support (2, 100-106) est réalisé sous forme de profilé ouvertrevendication 8 : les montants verticaux (90) sont pourvus chacun d'une tête d'appui (28) qui comporte des pattes de fixation (44-50) coudées à côté d'un plan d'appui (32) s'étendant perpendiculairement à l'extension longitudinale du montant vertical respectif (9), pour l'engagement dans au moins un évidement (20-26) de la surface d'appui (6) d'un support (2,100-106)revendication 9 : il est prévu quatre pattes de fixation (44-50) par tête d'appui (28), lesquelles s'étendent en particulier perpendiculairement au plan d'appui (32) de la tête d'appui (28)revendication 10 : des pattes de fixation (44-50) voisines d'une tête d'appui (28) s'étendent perpendiculairement l'une à l'autre revendication 12 : la tête d'appui (28) comporte des zones de butée pour la face postérieure, détournée des branches (6, 8), du tronçon de base (4) d'un support (2, 100-106), les surfaces de butée (72-86) desdites zones de butée s'étendant en particulier perpendiculairement au plan d'appui (32)revendication 13 : il est prévu au total huit zones de butée, dont les surfaces de butée (72-86) s'étendent en particulier sous un angle de 45o par rapport aux pattes de fixation (44-50)revendication 16 : la tête d'appui (28) est reliée de façon détachable ou fixe au montant vertical (90)revendication 17 : la tête d'appui (28) est susceptible d'être accouplée à une plaque de tête (88), de préférence essentiellement carrée, d'un montant vertical (90) habituel du commercerevendication 20 : la tête d'appui (28), en particulier réalisée à partir d'une plaque unique d'acier ou de matière plastique cintrée, coulée et/ou forgée, est susceptible d'être fixée sur un montant vertical (90) au moyen d'un élément à ressort (38) tenu dans la tête d'appui (28)revendication 21 : le montant vertical (90) et le support (2, 100-106) d'un élément de coffrage (98) sont susceptibles d'être accrochés l'un avec l'autre dans une position dans laquelle l'élément de coffrage (98) et le montant vertical (90) enferment un angle inférieur à 90o, et après l'accrochage il est possible de faire pivoter l'élément de coffrage (98), tout en maintenant la liaison accrochée, jusque dans une position dans laquelle l'élément de coffrage (98) et le montant vertical (90) enferment un angle d'environ 90orevendication 22 : un support (2, 100-106) d'un élément de coffrage est susceptible d'être accroché avec des montants verticaux (90) dans une position dans laquelle l'élément de coffrage (98) s'étend essentiellement parallèlement aux montants verticaux (90)revendication 23 : les éléments de coffrage (98) sont constitués chacun de supports longitudinaux (92) s'étendant à distance parallèlement l'un à l'autre, qui sont reliés par au moins un support transversal (2, 100-106) s'étendant perpendiculairement à eux-mêmes, les faces supérieures des supports longitudinaux (98) formant une surface d'appui pour une peau de coffrage (94), la face supérieure du ou des supports transversaux (2, 100-106) s'appliquant contre la face inférieure des supports longitudinaux (98), et la face inférieure du ou des supports transversaux (2, 100-106) formant la surface d'appuirevendication 25 : les éléments de coffrage comportent seulement un ou deux supports, en particulier rectilignes (2, 100-106), et lorsqu'on prévoit deux supports (2, 100-116), ceux-ci s'étendent parallèlement l'un à l'autre. II . Sur l'irrecevabilité des demandes en nullité des revendications 3 et 24 du brevet EP1899552 18. Les sociétés Peri SE et Peri font valoir que le défendeur à une action en contrefaçon de brevet est irrecevable à poursuivre, à titre reconventionnel, la nullité des revendications de ce brevet qui ne lui sont pas opposées et que, au cas d'espèce, elle lui oppose seulement les revendications 1, 2, 8, 9, 10, 12, 13, 16, 17, 20, 21, 22, 23 et 25 du brevet EP'552 de sorte que les demandes de nullité des revendications 3 et 24 sont irrecevables. 19. La société Condor SpA ne conclut pas sur ce point. Sur ce, 20. L'article 32 du code de procédure civile prévoit que : "Est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir". L'article 70, alinéa 1, du même code prévoit que "les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant". 21. La société Condor SpA soulève la nullité du brevet EP'552 en tant que moyen de défense à l'action en contrefaçon engagée à son encontre. Son intérêt à agir en nullité des revendications qui lui sont opposées est donc incontestable. 22. Les demanderesses ne lui opposent que les revendications 1, 2, 8, 9, 10, 12, 13, 16, 17, 20, 21, 22, 23 et 25 du brevet EP'552.La revendication 3 (dépendante des revendications 1 et 2) est la suivante : "la surface d'appui du support comporte, dans chacune des deux régions terminales, détournées l'une de l'autre, du support, respectivement deux, trois ou plusieurs évidements" et la revendication 24 (dépendante des revendications 1 à 22) indique : "les faces supérieures des supports forment une surface d'appui pour une peau de coffrage". 23. La société Condor SpA n'explique pas en quoi elle a intérêt à agir au titre de ces revendications non opposées et ne démontre donc pas le lien suffisant entre la contestation de ces revendications et ses moyens de défense. 24. Il y a donc lieu de la déclarer irrecevable à opposer la nullité des revendications 3 et 24 du brevet EP1899552. III . Sur la validité du brevet EP1899552 1 - Sur le moyen tiré de l'insuffisance de description 25. La société Condor SpA soutient que :- la description, dans la revendication 1, de la méthode d'accouplement d'une tête de fixation à un support d'élément de coffrage pour que plusieurs supports puissent être assemblés à 90o les uns aux autres, illustrée par un seul et unique arrangement, est insuffisante pour permettre à l'homme du métier de déduire comment réaliser l'invention ;- il existe en plus une contradiction inexpliquée entre la revendication 1 évoquant un support de base dont la section est en forme de C (caractéristique d'un profilé ouvert) et le paragraphe 8 de la description qui indique, sans le décrire, que ce support peut être un profilé fermé. 26. La société Peri SE et la société Peri font valoir que :- les paragraphes 38, 48 à 50 et 52, combinés aux figures 2, 7a, 7c et 8 du brevet, décrivent suffisamment la méthode d'accouplement entre une tête de fixation et un élément de coffrage,- le brevet EP'552 décrit en détail un mode de réalisation de l'invention, ce qui suffit à l'exigence de description dès lors qu'il n'existe pas différents domaines d'applications dans lesquels l'obtention de l'effet technique soit douteuse,- la revendication 1 requiert uniquement que le support revendiqué comprenne deux branches s'étendant en éloignement d'un tronçon de base et remplissant les fonctions prévues et que l'ensemble constitué de ces trois éléments ait une section réalisée au moins localement en forme de C, sans que cela exclue la mise en oeuvre de ces caractéristiques dans un profilé fermé. Sur ce, 27. L'article 138-1-b) de la CBE dispose que le brevet européen est déclaré nul par les tribunaux d'un État contractant si "le brevet européen n'expose pas l'invention de façon suffisamment claire et complète pour qu'un homme du métier puisse l'exécuter".La règle 42 de son règlement d'exécution énumère les composantes de la description, parmi lesquelles "e) indiquer en détail au moins un mode de réalisation de l'invention revendiquée, en utilisant des exemples, si cela s'avère approprié, et en se référant aux dessins, s'il y en a". L'invention est suffisamment décrite lorsque l'ensemble du brevet associé à ses propres connaissances techniques permet à l'homme du métier de l'exécuter par de simples mesures d'exécution, sans effort excessif. Comme le soutiennent à juste titre la société Peri SE et la société Peri, la suffisance de description s'apprécie non seulement au regard des revendications mais également de la description de l'invention et des schémas qui l'accompagnent. 28. La revendication 1 du brevet EP'552 prévoit que l'accouplement se fait par l'engagement des éléments de fixation (52, 54, 56, 58, 60, 62, 64, 66) dont est pourvue la tête dans un évidement respectif (20, 22, 24, 26) de la surface d'appui (6) du support. La position des éléments de fixation et des évidements apparaît sur les figures 1 et 2 du brevet.Les paragraphes 38, 48 à 50 et 52 de la description développent l'explication de cet effet mécanique simple et les figures 7 et 8 du brevet décrivent l'accouplement entre une tête de fixation et un support d'élément de coffrage en distinguant trois positions pour les deux hypothèses d'un montage dans des positions décalées de 90o. Enfin, la figure 9 montre le résultat sous un autre angle. 29. Tous ces éléments permettent à l'homme du métier de réaliser l'invention et la société Condor SpA n'indique pas en quoi la description d'un autre arrangement que celui décrit aux paragraphes précités et montré aux figures 7, 8 et 9 aurait été nécessaire pour ce faire. 30. S'agissant de la forme du support, la revendication 1 prévoit qu'il comporte, au moins localement, la forme d'un C, à savoir "avec deux branches qui s'étendent en éloignement d'un tronçon de base", dont l'une est conçue à titre de surface d'appui sur une tête d'un montant vertical et comprend un évidement sur son extrémité tandis que la revendication 2 porte sur la réalisation du support sous forme de profilé ouvert. 31. Il s'évince sans ambiguïté du brevet que l'effet technique recherché est obtenu par la présence d'évidements sur les extrémités de la surface d'appui du support dont la section, à cet endroit, présente une forme de C.Le § 8 invoqué vient préciser que, si il est préférable que les supports soient réalisés sous forme de profilés ouverts, il est cependant possible d'utiliser des profilés fermés, auquel cas "l'évidement décrit sera alors également prévu au niveau de la surface d'appui respective mise en contact avec les éléments verticaux", ce qui est clair.En toute hypothèse, à le supposer confus, ce point de détail n'aurait pas été de nature à empêcher l'homme du métier de réaliser l'invention. 32. Le grief d'insuffisance de description manque en fait et les demandes à ce titre sont rejetées. 2 . Sur le moyen tiré du défaut de nouveauté 33. La société Condor conteste la nouveauté des revendications 1, 2, 3, 8, 9, 10, 12, 13, 16 et 17 de la partie française du brevet EP'552 sur la base du brevet allemand précité DE'091 "Plate-forme surélevée ou charpente, en particulier exécutée comme coffrage de dalles en béton" déposé le 5 septembre 1996. 34. Elle fait valoir que :- ce brevet DE'091 décrit un système de coffrage comportant une tête de fixation, un support longitudinal et un support transversal, sur lequel est posé une peau de coffrage (caractéristique a de la revendication 1),- les éléments de coffrage décrits par DE'091 ont, sur leur face inférieure, des supports qui peuvent être accouplés à des têtes au sommet de montants verticaux (caractéristique b de la revendication 1),- les supports 4 et 6 ont une section en forme de C avec deux branches s'étendant en éloignement d'un tronçon de base, et servent de surface d'appui pour l'appui d'une tête sur un montant vertical (caractéristiques c et d de la revendication 1), - la surface d'appui inférieure de n'importe quel support (principal comme secondaire) est conçue pour pouvoir être placée en appui sur la plaque d'appui d'une tête d'un montant vertical,- la tête du montant vertical s'engage, par des éléments de fixation (ou éléments en saillie), sur des évidements de la surface d'appui d'un support (caractéristiques e et f de la revendication 1),-un élément de coffrage peut être accouplé à la tête de montant vertical, dans un sens comme dans l'autre, ce qui est explicité dans le paragraphe 6 de la description (caractéristique g de la revendication 1),- l'absence de nouveauté de la revendication 1 du brevet EP'552 au regard de du brevet DE'091 a déjà été retenue par l'examinateur américain et le tribunal de première instance de Bologne, - l'effet technique n'est pas la présence de l'évidement ni sa localisation sur la surface d'appui du support, mais bien la possibilité de fixer, grâce à ces évidements ainsi positionnés, des supports dans une direction à 90o les uns des autres, ce qui est divulgué par le brevet DE'091,- l'antériorité pour les revendications 2 et 3 est établie et non discutée,- pour la revendication 8, les boulons courts font fonction de pattes de fixation et sont bien perpendiculaires au plan d'appui et le fait qu'ils soient distincts ou non de la tête de fixation ne figure dans aucun brevet et cette revendication était déjà divulguée par les brevets DE'081 et DE3921064,- les revendications 16 et 17 n'ont aucun effet technique. 35. La société Peri SE et la société Peri font valoir qu'aussi bien l'examinateur américain de l'office des brevets que l'expert intervenu dans la procédure italienne ont conclu à la validité de la revendication 1 en combinaison avec les revendications 17, 20, 21 et 21-22 du brevet EP'552.Elles ajoutent que le brevet DE'091 ne constitue pas une antériorité destructrice de nouveauté, faute notamment de divulguer l'ensemble des moyens de la revendication principale du brevet EP'552 dans leur forme, leur agencement et leur fonction en vue de leur résultat, notamment : pour la revendication 1 :- les plaques décrites dans le brevet DE'091 ne sont pas des éléments de coffrage mais de simples peaux de coffrage (caractéristique a),- il n'y a pas d'accouplement direct des plaques à la tête d'un montant vertical par un support faisant partie de leur face inférieure mais via un support intermédiaire distinct de la plaque, qui n'en constitue pas un au sens du brevet EP'552 faute de faire partie intégrante de la plaque, voire de n'y être aucunement associé s'agissant du support principal (caractéristiques b, c, d et f),- l'évidement, dans ce brevet, est en réalité une ouverture et elle n'est pas positionnée précisément sur l'extrémité de la surface d'appui du support détournée du tronçon de base et il n'est pas indiqué que la branche inférieure du support secondaire prend appui sur la tête (caractéristiques e et f),- les boulons de la tête ne s'engagent jamais dans les ouvertures de la branche inférieure du support secondaire, seul en contact avec la plaque (caractéristique f), - ce brevet ne décrit, ni même ne suggère, la fixation des supports dans deux configurations à 90o l'une de l'autre, qui n'est qu'une extrapolation hypothétique de la défenderesse, car il décrit un système de coffrage déjà adaptable aux différentes conditions d'espace par la liberté de positionnement des supports secondaires sur les supports principaux grâce aux multiples emplacements sélectionnables sur ces derniers (caractéristique g),- la configuration hypothétique proposée par la société Condor SpA ne permettrait par ailleurs pas un positionnement stable de ce support car il laisserait un espace autorisant un glissement latéral du support et non une immobilisation par complémentarité de forme, pour la revendication 8 : il n'est pas prévu de pattes de fixation coudées faisant partie intégrante de la tête d'appui, pour la revendication 17 : il n'est pas possible d'associer un montant vertical habituel du commerce au système DE'091. Sur ce, 36. L'article 138, 1, a) de la CBE dispose que le brevet européen est déclaré nul par les tribunaux d'un État contractant si "l'objet du brevet européen n'est pas brevetable en vertu des articles 52 à 57;" et l'article 54 définit la nouveauté comme suit : "Une invention est considérée comme nouvelle si elle n'est pas comprise dans l'état de la technique".Pour être comprise dans l'état de la technique et être privée de nouveauté, l'invention doit s'y trouver tout entière dans une seule antériorité au caractère certain, avec les mêmes éléments qui la constituent dans la même forme, le même agencement et le même fonctionnement en vue du même résultat technique. 37. En 2011, l'office américain des brevets a considéré que l'équivalent des revendications 1 à 4 et 23 à 25 du brevet EP'552 étaient antériorisées par le brevet DE 196 36 091 (ci-après désigné par DE'091) enseignant un système de coffrage comportant des supports (beams) en forme de C avec des évidements (recesses) dans lesquels se fixe une tête, dans deux directions perpendiculaires, et a rejeté aussi les revendications dépendantes 5 à 21.Le brevet EP'552 a néanmoins été admis pour les Etats-Unis le 20 novembre 2012 après adjonction à la revendication 1 du contenu de la revendication 21 ("et dans lequel le montant vertical et un élément de coffrage peuvent être couplés l'un à l'autre de telle manière que l'élément de coffrage et le montant vertical forment un angle inférieur à 90o, permettant de faire pivoter l'élément de coffrage en position, cette position étant rendue possible après le couplage tout en maintenant le couplage afin que l'élément de coffrage et les montants verticaux forment un angle d'approximativement 90o"). 38. La figure suivante est extraite du brevet DE'091. 39. Comme le brevet EP'552, le brevet DE'091 décrit un système de coffrage dans lequel les panneaux de coffrage s'appuient sur des supports secondaires, dont la section a localement la forme d'un C, mis en appui sur des supports principaux identiques, eux-mêmes accouplés à des têtes de montants verticaux munies de pièces en saillie, faisant fonction d'éléments de fixation, s'insérant dans des ouvertures pratiquées dans les branches inférieures de ces supports écartées du tronçon de base. Son objectif est d'améliorer ainsi l'immobilisation de la grille formée par les supports secondaires et supports principaux au soutien de la plate-forme. 40. Contrairement à ce que soutiennent les sociétés Peri et Peri SE, le brevet EP'552 n'implique pas nécessairement que : - les supports soient indissociables des éléments de coffrages,- les éléments de coffrages ne puissent être constitués de planches ou de simples peaux de coffrage, - les évidements soient nécessairement en forme d'encoches,de sorte que la plupart de leurs objections quant à la divulgation par le brevet DE'091 des caractéristiques de la revendication 1 ne sont pas justifiées. 41. Néanmoins, à la différence du brevet EP'552, les supports du brevet DE'091 ne sont pas tous en contact avec la face inférieure d'un élément (appelé plaque) de coffrage, et leurs évidements ne permettent pas un accouplement bidirectionnel du support avec le montant vertical : ils forment entre eux une grille de supports principaux et secondaires dont l'immobilisation sera assurée dans toutes les directions du plan perpendiculaire aux montants par la complémentarité de forme des ouvertures et saillies, et cette grille, fixée aux montants verticaux, servira de support aux éléments de coffrages. 42. Ainsi, cette antériorité comporte bien un système d'accouplement de ces supports, notamment à des montants verticaux et à des plaques de coffrages par des évidements respectifs de saillies pratiqués sur ceux-ci, mais il n'utilise pas le même fonctionnement que celui décrit par la revendication 1 et ne vise pas le même résultat d'accrochage et de décrochage facilités des éléments de coffrage aux montants verticaux que le brevet EP'552. 43. Il n'est donc pas destructeur de nouveauté à l'égard de la revendication 1 et de la revendication dépendante 2. 44. Les autres revendications dont la nouveauté est contestée (8, 16 et 17) sont toutes dépendantes de la revendication 1, qui est nouvelle, et ne font qu'y ajouter d'autres caractéristiques. Elles sont donc nécessairement nouvelles elles-mêmes. 45. La nouveauté des revendications 9, 10, 12, 13, 20 à 23 et 25 n'est pas contestée. 3 . Sur le moyen tiré du défaut d'activité inventive a. Le problème technique à résoudre 46. Les sociétés Peri et Peri SE indiquent que le problème technique à résoudre est de mieux adapter le système de coffrage à des conditions d'espace données. 47. La société Condor SpA soutient que le problème technique à résoudre est de permettre l'accouplement d'éléments de coffrage sur des têtes de fixation dans deux configurations, à 90o l'une par rapport à l'autre dans un système de coffrage pour plafonds, résolu par une configuration spécifique entre les têtes de fixation et les supports des éléments de coffrage qui y sont attachés. 48. L'invention objet du brevet européen EP'552 a explicitement pour objet de pallier un inconvénient du système connu antérieur consistant dans le fait que tous les panneaux devaient être orientés dans le même sens et, selon la description du brevet, "ce problème est résolu (...) en ce que la tête d'un montant vertical comporte des éléments de fixation qui s'engagent dans un évidement respectif d'une surface d'appui, l'évidement étant prévu pour l'accouplement du support avec le montant vertical, au choix dans deux directions décalées de 90o l'une par rapport à l'autre". b. L'état de la technique 49. La description du brevet EP'552 cite, au titre de l'art antérieur, le brevet EP 0 130 425 (ci-après EP'425), publié le 9 janvier 1985, ayant pour objet un "coffrage de dalle" qui, selon sa description, "se compose de panneaux de coffrage et de pièces de tête (...) [qui] peuvent être enfichées sur des montants tubulaires en acier et ont, sur une plaque de base (...) quatre saillies en forme de tenon qui sont recouvertes respectivement par un coin de cadre d'un panneau de coffrage en forme de caisson composé de supports longitudinaux et de supports transversaux. Entre les saillies disposées par paires sur deux grands côtés opposés de la plaque de base, il y a un espace libre dans lequel les supports longitudinaux des panneaux de coffrage peuvent s'engager lors de l'accrochage et du décrochage". 50. Le rapport de recherche international sur la demande WO2007/3400 mentionne, outre le brevet EP'425, les brevets EP 1 314 835, DE 19 616 876 et GB 2 266 114 au titre de l'art antérieur (catégorie A). 51. La société Condor SpA fait valoir que l'art antérieur le plus proche est le brevet EP'425 précité, déposé en juin 1984 et invoque également un brevet DE 806 391 (ci-après DE'391), délivré le 29 mars 1951 et intitulé "planches de coffrage en métal plus spécialement en acier", un brevet américain US3052008 (ci-après US'008) "ensemble de longerons soutenant des panneaux pour le coffrage de planchers en béton" du 4 septembre 1962,une demande de brevet FR2475099 (ci-après FR'099) "coffrage modulaire à têtes tombantes pour planchers de béton", déposée le 5 février 1981, un brevet US20040075042 (ci-après US'042), déposé le 2 octobre 2003, qui décrit un "système de coffrage pour plafonds et planchers" et un brevet DE 3147081 (ci-après DE'081), publié le 30 décembre 1982, ayant pour titre "échafaudage pour coffrages pour béton". 52. Il y a donc lieu de retenir le brevet EP'425 comme l'art antérieur le plus proche, et les autres références précitées (DE'391, US'008, FR'099, US'042, DE'081), qui relèvent toutes de la même spécialité de confection de solutions de coffrage en béton, au titre de l'état antérieur. c. L'homme du métier 53. Pour la société Condor SpA, c'est un expert en systèmes et machines de coffrage de plafond particulièrement habitué à adapter diverses solutions d'accouplement de parties d'un système de coffrage existants. 54. Les sociétés Peri SE et Peri indiquent qu'il n'y a pas lieu de prêter à l'homme du métier des compétences et une aptitude à la transposition de solutions de coffrage très élevées, sans toutefois proposer de définition. 55. L'homme du métier est un spécialiste de niveau moyen du secteur technique dont relève l'invention, doté des connaissances théoriques et pratiques et de l'expérience qui peuvent normalement être attendues d'un professionnel du domaine concerné. Il s'agit ici d'un technicien du bâtiment ayant une bonne connaissance des différentes techniques et outils de coffrage dont relève l'invention et qui en pratique la manipulation et l'utilisation. d. L'activité inventive 56. La société Condor SpA soutient que le brevet en litige est le perfectionnement de solutions techniques connues de l'art antérieur et que les brevets antérieurs US'008 du 4 septembre 1962, FR'099 du 5 février 1981 et US'042 du 2 octobre 2003 précités résolvaient déjà le problème technique selon le brevet. Elle fait valoir que :- l'art antérieur le plus proche est le brevet EP'425 précité, déposé en juin 1984, qui divulgue les caractéristiques a à d et f de la revendication 1 du brevet EP'552 à l'exception des revendications e et g (évidement sur la surface d'appui pour l'accouplement du support avec le montant vertical dans deux directions),- la branche (6) du système de coffrage décrit dans EP'425 sert à la fois à agripper les tenons de fixation présents sur la tête du montant vertical et à mettre le support en appui sur ladite tête (d) et il existe, sur les pièces de tête, des saillies verticales qui s'engagent sur les coins des cadres des panneaux (f),- il n'exclut pas la fixation sur une même tête de coffrages agencés perpendiculairement, - confronté au problème technique, l'homme du métier aurait combiné les enseignements du brevet EP'425 à ceux du brevet DE 806 391 (ci-après DE'391), délivré le 29 mars 1951 et intitulé "planches de coffrage en métal plus spécialement en acier", et ceux du brevet DE'081, publié le 30 décembre 1982, ayant pour titre "échafaudage pour coffrages pour béton", pour pratiquer des évidements sur la face inférieure du support des éléments de coffrage permettant de les verrouiller dans la direction longitudinale et dans la direction transversale et dans lesquels introduire les pattes de fixation prévues sur la tête ;- vue son ancienneté, le brevet DE'391 doit aussi être considéré comme un exemple des connaissances générales de l'homme du métier ;- les supports (et donc les éléments de coffrage) peuvent être fixés à 90o les uns par rapport aux autres (g), comme le démontre la figure 4 du brevet EP'425, dès lors que la présence d'évidements, divulguée par le brevet DE'391, permettra d'y insérer les éléments de fixation présents sur la tête ;- la revendication 3 du brevet DE'081, décrit une configuration des têtes de fixation qui permet d'agencer les supports des éléments de coffrage perpendiculairement les uns aux autres pour résoudre le même problème technique que le brevet EP'552 ;- les brevets US'008, FR'099 et US'042 comportaient déjà la possibilité d'accoupler des éléments de coffrages aux montants verticaux dans différentes directions orientées à 90o les unes par rapport aux autres,- le brevet DE'391 divulgue les revendications 2 (profilé ouvert) et 3 (évidements dans les régions terminales du support),- la combinaison de EP 1482 105 "système de fixation de tête avec des étais" et DE'091 aboutit à la même solution que la revendication 8, de même que d'autres combinaisons de brevets antérieurs dans lesquels des têtes de fixation comportent des pattes de fixation destinées à l'accouplement avec un support inférieur d'un élément de coffrage (GB 2266 114 ou US'042 ou EP 0297 357, ci-après EP'357) permettant l'installation d'éléments de coffrage dans deux directions, à 90o les uns par rapport aux autres,- la combinaison de EP'425 ou DE'091 avec GB 2266 114 ou EP'357, qui comportent quatre pattes de fixation perpendiculaires au plan appui d'une tête d'appui, permet d'aboutir aux enseignements des revendications 9 et 10, comme l'a retenu le tribunal de Bologne,- la combinaison de EP'425 et EP 1482 105 décrivent les revendications 12 et 13, EP'425 décrivant des zones de butée du tronçon de base du support de coffrage, de même que celle de DE'091et GB'114 et il n'y a pas d'effet technique de l'angle à 45o entre les pattes de fixation et les zones de butée, ainsi que le démontre l'exemple du brevet DE'081 qui permet d'accrocher quatre éléments de coffrage sans cet angle,- les revendications 16 et 17 ne sont pas inventives, la notion de "montant vertical habituel du commerce" étant imprécise et la forme carrée des têtes d'appui très répandue, de sorte que la revendication 17 est susceptible de couvrir toute plaque de tête,- l'objet de la revendication 20 (fixation d'un montant vertical par un élément à ressort tenu dans la tête d'appui) est déjà décrit dans l'art antérieur, notamment le brevet US5651914 (ci-après US'914), invention susceptible d'être utilisée sur n'importe quel système de coffrage connu,- les revendications 21 et 22 ne sont pas inventives car, ne précisant pas la manière dont le montant vertical et l'élément de coffrage doivent être accouplés l'un à l'autre pour permettre le pivot ou la position parallèle auxquels il est fait référence, elles n'ajoutent aucun élément technique aux enseignements de la revendication 1 du brevet ; de plus, le brevet EP'425 décrit le mouvement de pivot objet de la revendication 21, ce qui est explicitement indiqué dans la description du brevet EP'552, et la revendication 22 ne fait que préciser la revendication 21, dont elle est dépendante,- s'agissant des revendications 23 et 25, elles consistent en des éléments classiques présents dans de nombreux systèmes de coffrage, notamment les brevets DE2352949 de 1973 et CA2493492 de 2004, qui doivent être considérés comme une illustration du fonds des connaissances générales de l'homme du métier. 57. La société Peri SE et la société Peri font valoir que :- le brevet EP'425 divulgue les caractéristiques a, b et c de la revendication 1 du brevet EP'091, mais non les autres en ce qu'il n'est pas conféré à la branche des supports une fonction d'appui (caractéristique d), notamment lorsque le coffrage est en position horizontale, qu'il n'est pas prévu d'évidements et qu'aucun accouplement dans des directions perpendiculaires n'est décrit, ni possible de façon stable (caractéristiques e, f et g) ;- le brevet DE'391 comporte bien des évidements mais ne décrit, ni ne permet, d'agencement autre que parallèle entre les planches en acier et prévoit la coopération de deux évidements et non d'un évidement et d'une saillie ;- la société Condor SpA est mal fondée à se baser sur des combinaisons avec le brevet EP'091 qui n'est pas selon elle l'état de la technique le plus proche,- le brevet DE'081 ne décrit que la caractéristique a de la revendication 1 du brevet EP'552, la surface d'appui n'étant pas sur la face inférieure de l'élément de coffrage et le support ne comportant pas de branche,- la combinaison des brevets DE'391 et DE'081 ne divulgue donc pas l'invention car les caractéristiques b, d et f manqueront nécessairement,- dans le brevet US'008, les plaques ne sont pas des éléments de coffrage au sens de son brevet mais des peaux de coffrage disposées entre des longerons, et ne comportent pas de supports susceptibles d'être accouplés aux têtes de montants verticaux, il ne divulgue donc ni le montage direct d'éléments de coffrage sur la tête de montants verticaux par l'intermédiaire de supports faisant partie intégrante des éléments de coffrage et figurant sur leur face inférieure, ni l'accouplement de tels supports sur cette tête dans des positions décalées de 90o l'une par rapport à l'autre ;- le document FR'099 ne divulgue ni le montage direct d'éléments de coffrage sur la tête de montants verticaux par l'intermédiaire de supports faisant partie intégrante des éléments de coffrage et figurant sur leur face inférieure, ni l'accouplement de tels supports sur cette tête dans des positions décalées de 90o l'une par rapport à l'autre, ni même un positionnement perpendiculaire des panneaux de coffrage eux-mêmes ;- le document US'042 porte sur un simple panneau de coffrage et ne divulgue donc ni l'accouplement de supports d'éléments de coffrage sur la tête d'un montant vertical dans des positions décalées de 90o l'une par rapport à l'autre, ni même un positionnement perpendiculaire des panneaux de coffrage eux-mêmes ;- s'agissant de la revendication 8, en premier lieu, le brevet EP 1482 105, ni le brevet US'042 ne donnent d'enseignement sur la fixation de panneaux de coffrage avec les pattes de fixation et leur combinaison avec DE'091 est inopérante ; en second lieu, le brevet US'042 combiné avec le brevet EP'425 ne fonctionne pas, les pattes de fixation ne pouvant pénétrer dans aucun évidement de la branche du support ; enfin, le document EP'357 se borne à enseigner la présence de saillies disposées en carré sur une pièce de tête qui peuvent s'emboîter chacune sur l'angle d'un cadre de panneau de coffrage et ne donne aucune indication sur le positionnement des panneaux de coffrage ; - s'agissant des revendications 9 et 10, le remplacement éventuel des tenons du brevet EP'425 par des saillies décrites par le document EP'357 ne permettrait pas leur engagement dans la branche du support, faute d'évidements ;- s'agissant des revendications 12 et 13, il n'y a pas de surface de butée dans le brevet EP'425 et l'effet technique de l'angle à 45o entre les pattes de fixation et les huit zones de butée rend possible la fixation de quatre éléments de coffrage sur la même tête à 90o entre eux ;- s'agissant de la revendication 17, elle a été jugée valable par l'expert nommé par le tribunal de Bologne et couvre la combinaison de la plaque d'appui avec toute plaque de tête de montant ;- la revendication 20 a été jugée valable par l'expert nommé par le tribunal de Bologne ;- s'agissant des revendications 21 et 22, elles ont été jugées valables par l'expert nommé par le tribunal de Bologne et par l'office des brevets américain ; - l'homme du métier, confronté au problème technique à la base de l'invention faisant l'objet du brevet EP'552, n'a aucune raison de s'intéresser au document US'042 ;- s'agissant des revendications 23 et 25, elles ne sont aucunement antériorisées par le document DE 23 52 949 ni le document CA 2 493 492. Sur ce, 58. L'article 138, 1, a) de la CBE dispose que le brevet européen est déclaré nul par les tribunaux d'un État contractant si "l'objet du brevet européen n'est pas brevetable en vertu des articles 52 à 57" et l'article l'article 56 que "une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour un homme du métier, elle ne découle pas d'une manière évidente de l'état de la technique".Une invention découle de manière évidente de l'état de la technique si, eu égard à celui-ci et confronté au problème que l'invention prétend résoudre, l'homme du métier aurait adopté la même solution en utilisant ses connaissances professionnelles et en effectuant de simples opérations courantes. Qu'il puisse théoriquement adopter cette solution n'est pas un critère de l'activité inventive. 59. La revendication 1 du brevet EP'425 est la suivante : "coffrage de dalle, composé de panneaux de coffrage (1) avec un cadre en forme de caisson ouvert vers le bas comportant des supports longitudinaux (5) et des supports transversaux (4), et de pièces de tête (2) qui soutiennent les coins de panneaux de coffrage (1) en aboutement et qui présentent une plaque de base rectangulaire (8), auprès des quatre coins de laquelle des saillies verticales sont prévues qui s'engagent dans les coins des cadres de panneaux de coffrage posés, caractérisé en ce que les saillies sont constituées en tant que tenons (11) et sont disposées sur des embouts (9) situés au niveau des coins de la plaque de base (8), et en ce que les panneaux de coffrage (1) comportent, au moins au niveau de leurs supports transversaux (4), une branche (6) dépassant vers l'intérieur ou des goussets".Il n'est pas discuté que ce brevet divulgue les caractéristiques a à c de la revendication 1 du brevet EP'552.S'agissant de la caractéristique d, dans le EP'425, le point de contact entre les panneaux de coffrage et les pièces de tête sur lesquels ils reposent se situe sur la branche (6) des supports transversaux, qui est la branche inférieure en éloignement du tronçon de base de ce support. Elle est ainsi nécessairement une surface d'appui aussi bien lorsque le coffrage est en position d'accrochage qu'en position montée, ainsi qu'il apparaît sur sa figure 2 ci-après reproduite, quand bien même elle ne serait pas ainsi qualifiée. Cette caractéristique d de la revendication 1 est donc remplie. 60. S'agissant de la caractéristique f, la présence de saillies sur la pièce de tête sur lesquelles s'engagent et s'agrippent les panneaux de coffrage lors de l'accrochage et du décrochage ne divulgue pas cette caractéristique en l'absence d'évidements sur le support.Enfin, la société Condor SpA ne saurait être suivie lorsqu'elle soutient que le brevet EP'425 permet l'agencement d'éléments de coffrage perpendiculairement les uns aux autres car cela ne ressort ni de la description, ni des revendications.Il est d'ailleurs expressément mentionné dans la description du brevet EP'552 que l'amélioration apportée au brevet EP'425 consistait à permettre l'orientation perpendiculaire de certains panneaux de coffrages (g).Les éléments caractérisants (f et g) de la revendication 1 du brevet EP'552 ne sont donc pas réunis dans le brevet EP'425 dont les figures 2 et 5 sont ci-après reproduites. 61. Or, le brevet DE'391, délivré le 29 mars 1951, divulgue une invention composée de planches de coffrage dont les bords sont repliés en forme de C et dont la branche parallèle au sol comporte des évidements qui s'engagent dans les évidements des supports transversaux qui les portent pour en permettre l'accrochage rigide et le démontage facile. 62. De plus, le brevet DE'081, publié le 30 décembre 1982, ayant pour titre "échafaudage pour coffrages pour béton", vise à "améliorer un échafaudage pour coffrages pour béton de type générique en ce que les poutrelles de coffrage peuvent être posées sur les têtes d'appui des montants respectivement des deux côtés dans des directions diamétrales qui se croisent et par des butées correspondantes des poutrelles de coffrage sur les têtes d'appui,".Il revendique à cet effet des montants comportant une tête d'appui de base carrée "possédant des barres d'accrochage (15, 16) le long de ses quatre arêtes, et les poutrelles de coffrage (22) ayant au-dessus de leurs éléments d'accrochage (24) une arête ou surface de butée (26) qui, dans la position de montage des poutrelles de coffrage (22), sont adjacentes aux arêtes latérales (25) de la plaque de tête (21) lors de l'appui des barres d'accrochage (15, 16)". 63. Il s'évince de ces deux derniers documents, faisant partie de la même spécialité technique et que l'homme du métier, confronté au problème de l'agencement de coffrages perpendiculaires, aurait donc consultés, que l'état de la technique à la date de la demande du brevet EP'552 incluait :- l'utilisation d'encoches dans une partie repliée des supports d'éléments de coffrage pour les fixer de façon rigide mais facilement détachable (DE'391), et- la possibilité de fixer des éléments de coffrage dans deux directions décalées de 90o les uns par rapport aux autres sur une même tête d'appui fixée sur un montant vertical (DE'081). 64. La simple juxtaposition de ces solutions techniques, connues de longue date, tant pour la constitution de coffrage en métal modulables et faciles à manipuler, pour l'accrochage et le démontage facile des éléments de coffrage que pour l'adaptation des coffrages aux contraintes de la surface à coffrer permettait donc à l'homme du métier d'arriver à la solution objet de la revendication 1 du brevet EP'552, ainsi que l'avait relevé l'office américain des brevets, soulignant que, si le brevet EP'425 ne divulguait pas expressément un évidement sur la surface d'appui du support pour s'engager dans les éléments de fixation de la tête du montant, à l'époque du dépôt de EP'552, l'homme du métier était incité à modifier la tête de fixation (slab formwork) et ajouter des évidements sur le support. 65. De plus, aucun préjugé n'aurait dissuadé l'homme du métier de conjuguer ces solutions parfaitement compatibles entre elles sur le plan mécanique. 66. C'est donc à juste titre que la société Condor SpA fait valoir que la revendication 1 du brevet EP'552 est nulle pour défaut d'activité inventive, de même que la revendication 2 qui n'ajoute à la revendication 1 que le caractère ouvert du profilé, qui était déjà connu. 67. Les revendications 8 (tête d'appui qui comporte des pattes de fixation coudées sur le plan d'appui perpendiculaire à l'extension du montant vertical respectif, pour l'engagement dans au moins un évidement de la surface d'appui d'un support), 9 (quatre pattes de fixation par tête d'appui en particulier perpendiculaires au plan d'appui), 10 (pattes de fixation perpendiculaires l'une à l'autre), 12 (tête d'appui comportant des zones de butée pour la face postérieure du tronçon de base d'un support, les surfaces de butée en particulier perpendiculaires au plan d'appui) et 13 (huit zones de butée, dont les surfaces de butée sont en particulier à un angle de 45o par rapport aux pattes de fixation) portent sur la configuration de la plaque de tête placée sur les montants verticaux. 68. Outre le brevet EP'425, plusieurs brevets antérieurs au brevet EP'552 comportent des têtes de fixation carrées munies de quatre pattes de fixation perpendiculaires au plan appui d'une tête d'appui (GB 2266 114 ou EP'357) destinées à l'accouplement avec un support inférieur d'un élément de coffrage (GB 2266 114 ou US'042 ou EP'357) permettant l'installation d'éléments de coffrage dans deux directions, à 90o les uns par rapport aux autres, avec des zones de butée du tronçon de base du support de coffrage 69. Ainsi, la revendication 1 du brevet EP'357 divulgue de telles têtes de fixation : " Support pour coffrages de planchers (...)qui comporte une pièce de tête (1), servant d'élément d'appui pour les angles de quatre panneaux de coffrage jointifs, qui comprend une plaque de base (2) horizontale de forme carrée et quatre saillies (8) dirigées vers le haut et prévues dans une disposition carrée sur cette plaque de base, qui peuvent chacune s'emboîter dans la région d'angle du cadre d'un panneau de coffrage à supporter, caractérisé par la prévision de nervures (11) dirigées vers le haut et pouvant s'engager entre les cadres de panneaux de coffrage voisins, les saillies (8) et les nervures (11) se succédant alternativement et étant disposées chaque fois avec un décalage de 45o, une saillie (8) sous la forme d'une broche cylindrique dirigée vers le haut étant fixée sur chacun des quatre angles de la plaque de base (2) et une nervure (11) dirigée vers le haut étant fixée dans la région médiane de chacun des côtés de la plaque de base sur un bras d'appui ou de support (10) dépassant au-dessus de la plaque de base (2)". Figures extraites du brevet EP0297357 Il était ainsi loisible à l'homme du métier d'adapter les pattes de fixation de ces têtes d'appui à des évidements de la branche du support en éloignement du tronçon de base. 70. Dès lors, la configuration de la tête d'appui telle que décrite par ces revendications est dépourvue d'activité inventive. 71. Les sociétés Peri et Peri SE ne contestent pas que la revendication 16 n'a aucun effet technique, une tête d'appui étant forcément reliée à un montant vertical de manière soit détachable, soit fixe, seules possibilités matérielles, ce qui suffit à exclure toute activité inventive. 72. La revendication 17 prévoit que la tête d'appui est susceptible d'être accouplée à une plaque de tête, de préférence carrée, d'un montant vertical habituel du commerce et la revendication 20 que la tête d'appui est susceptible d'être fixée sur un montant vertical au moyen d'un élément à ressort tenu dans la tête d'appui. 73. C'est à juste titre que la société Condor SpA fait valoir qu'un accouplement de la tête d'appui à une plaque de tête par ressort objet de la revendication 20 est déjà décrite dans l'art antérieur, notamment le brevet US'914 "support comportant une tête démontable" délivré le 29 juillet 1997 : "L'invention couvre un montant avec une tête d'appui amovible pour le coulage de béton présentant, sur son côté inférieur, un prolongement s'engageant dans la partie creuse de l'extrémité supérieure du montant. Cette invention présente un cliquet à ressort monté en pivot sur le prolongement. Le cliquet s'engage sur une butée sur le montant pour verrouiller la tête d'appui montée sur le support au support, invention susceptible d'être utilisée sur n'importe quel système de coffrage connu". 74. Dès lors, les perfectionnements objets des revendications 17 et 20 sont dépourvus d'activité inventive. 75. La revendication 21 prévoit que le montant vertical et le support d'un élément de coffrage sont susceptibles d'être accrochés l'un avec l'autre dans une position dans laquelle l'élément de coffrage et le montant vertical enferment un angle inférieur à 90o, et après l'accrochage il est possible de faire pivoter l'élément de coffrage, tout en maintenant la liaison accrochée, jusque dans une position dans laquelle l'élément de coffrage et le montant vertical enferment un angle d'environ 90o et la revendication 22 qu'un support d'un élément de coffrage est susceptible d'être accroché avec des montants verticaux dans une position dans laquelle l'élément de coffrage s'étend essentiellement parallèlement aux montants verticaux. 76. C'est à juste titre que la société Condor SpA fait valoir que le brevet EP'425 décrit le mouvement de pivot objet de la revendication 21, qui est aussi explicitement indiquée dans la description du brevet US'042, du même domaine de spécialité que le brevet EP'552 de sorte que l'homme du métier y aura recours, dans les termes suivants : "l'accrochage, comme déjà indiqué, est réalisé par la fixation des pattes de fixation des têtes de soutien et des pattes longues de fixation des panneaux. Ensuite, par l'utilisation d'un crochet ou d'un autre élément adapté, le panneau est mis en rotation de sa position accrochée verticale jusqu'à une position horizontale, et la mise en place de deux autres montants sous ledit panneau pour que ce dernier repose sur les têtes de soutien de cette nouvelle paire de montants, créant ainsi une structure de quatre montants et leurs têtes de soutien et un panneau de coffrage, comme illustré à la depuis laquelle il sera possible de bâtir une grille de panneaux partant dans les deux directions à angles droits jusqu'à ce que toute la dalle à coffrer soit finalisée". 77. Les revendications 21 et 22 ne sont donc pas inventives et sont annulées de ce fait. 78. La revendication 23 prévoit que les éléments de coffrage sont constitués chacun de supports longitudinaux s'étendant à distance parallèlement l'un à l'autre, qui sont reliés par au moins un support transversal s'étendant perpendiculairement à eux-mêmes, les faces supérieures des supports longitudinaux formant une surface d'appui pour une peau de coffrage, la face supérieure du ou des supports transversaux s'appliquant contre la face inférieure des supports longitudinaux et la face inférieure des supports transversaux formant la surface d'appui et la revendication 25 prévoit que les éléments de coffrage comportent seulement un ou deux supports, en particulier rectilignes, et lorsqu'on prévoit deux supports, ceux-ci s'étendent parallèlement l'un à l'autre. 79. Comme le soutient à juste titre la société Condor SpA, elles font partie du fond des connaissances générales de l'homme du métier et sont présentes dans de nombreux systèmes de coffrage, notamment les brevets DE2352949 de 1973 et CA2493492 de 2004. 80. Au regard de l'ensemble de ces éléments, il sera retenu que l'homme du métier, confronté le 3 juillet 2005 au problème technique de l'accrochage transversal d'éléments de coffrage sur une même tête d'appui, aurait combiné la solution apportée par le brevet EP'425 de 1984 à celles résultant des connaissances générales de l'homme du métier, consistant notamment dans les solutions divulguées par les brevets déjà anciens DE'391 (1951) et DE'081 (1981) et EP'0357 (1988) pour parvenir, sans activité inventive à la solution objet des revendications 1, 2, 8, 9, 10, 12, 13, 17, 20, 21, 22, 23 et 25 du brevet EP'552 qu'il y a donc lieu de déclarer nulles pour défaut d'activité inventive. 81. Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter l'ensemble des demandes formées par la société Peri SE au titre de la contrefaçon de son brevet EP'552. IV . Sur la concurrence déloyale 82. La société Peri fait valoir qu'elle subit un préjudice consécutif à la désorganisation de son activité du fait de la présentation et de l'offre à la vente, sur le salon BATIMAT, plus grand salon professionnel français de la construction, d'un système contrefaisant du système de coffrage GRIDFLEX dont elle assure la promotion et la commercialisation en France. 83. La société Condor SpA conteste que sa présence au salon BATIMAT puisse constituer un acte de concurrence déloyale et indique que le système Alu-GD n'a pas été vendu en France. Sur ce, 84. La concurrence déloyale, fondée sur le principe général de responsabilité édicté par l'article 1240 du code civil, consiste dans des agissements s'écartant des règles générales de loyauté et de probité professionnelle applicables dans les activités économiques et régissant la vie des affaires tels que ceux créant un risque de confusion avec les produits ou services offerts par un autre opérateur, ceux parasitaires visant à s'approprier de façon injustifiée et sans contrepartie une valeur économique résultant d'un savoir-faire, de travaux ou d'investissements ou encore ceux constitutifs d'actes de dénigrement ou de désorganisation d'une entreprise. 85. Le distributeur d'un produit breveté peut agir sur le fondement de l'action en concurrence déloyale au visa de l'article 1240 du code civil aux côtés du titulaire de brevet pour la réparation de son préjudice propre.L'action en concurrence déloyale peut être fondée sur les mêmes faits que ceux allégués au soutien d'une action en contrefaçon de brevet rejetée pour défaut d'atteinte à un droit privatif, à condition qu'il soit justifié d'un comportement fautif.Toutefois, la reproduction d'un objet non protégé par un droit de propriété intellectuelle ne constitue pas une faute en l'absence de risque volontaire de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit. 86. En l'espèce, aucun fait distinct de la contrefaçon n'est démontré. La commercialisation de systèmes non contrefaisants de systèmes de coffrages lors d'un salon professionnel ne saurait donc être qualifié de faute. 87. Les demandes au titre de la concurrence déloyale sont donc rejetées. V . Sur la demande reconventionnelle en nullité du procès-verbal de saisie contrefaçon du 5 novembre 2019 88. La société Condor SpA soutient que l'huissier a outrepassé les termes de la requête :- en permettant aux conseils en propriété industrielle l'ayant assisté lors de la saisie-contrefaçon diligentée au cours du salon Batimat d'utiliser un document non visé dans la requête, ni porté à la connaissance du juge, et en refusant de l'annexer au procès-verbal de ses opérations, ce qui lui a nécessairement fait grief en l'empêchant d'en critiquer l'existence, le contenu et l'utilisation,- en se munissant d'un niveau à bulle, qui ne figurait pas parmi les objets autorisés par l'ordonnance, - en permettant au conseil en propriété industrielle d'utiliser un mètre pour procéder à diverses mesures alors que cet outil ne figurait pas dans la liste de ceux autorisés. 89. La société Peri SE et la société Peri font valoir que :- aucune irrégularité n'a été provoquée par le fait que les conseils en propriété industrielle avaient un document de travail et la société Condor SpA n'a subi aucun grief de ce fait,- elles ont demandé l'autorisation pour l'huissier de se munir des outils sans lesquels les opérations de manipulation du système de coffrage risquaient d'être impossibles, ce qui ne lui interdisait aucunement d'en utiliser d'autres. Sur ce, 90. L'article L.615-5 du code de la propriété intellectuelle organise un mode de preuve de la contrefaçon, communément appelé saisie contrefaçon, pratiquée par un huissier (dorénavant commissaire) de justice dans les limites d'une ordonnance rendue sur requête par une juridiction. 91. Il est établi que le conseil en propriété industrielle, dont la présence a été autorisée par l'ordonnance, a recouru à un document personnel de travail qui n'a été communiqué ni au magistrat destinataire de la requête, ni à l'huissier, ni au saisi. 92. Aucun texte ni aucune circonstance ne justifie d'interdire au conseil en propriété industrielle de se référer à des pièces écrites durant les opérations de saisie-contrefaçon. Ce conseil ayant un rôle d'assistance de l'huissier sur des points techniques et pour obligation de le faire en toute indépendance, il n'est pas anormal qu'il recoure à des documents personnels sans outrepasser son rôle. En particulier, il est établi qu'il n'a montré ces documents ni à l'huissier ni au saisi, de sorte qu'il n'a pas ainsi influencé ou orienté les opérations réalisées par l'huissier.C'est à juste titre que l'huissier n'en a ni demandé communication ni ne les a joints au procès-verbal.Cette circonstance ne saurait entraîner la nullité de la saisie-contrefaçon. 93. S'agissant des outils non prévus dans l'ordonnance, la mention dans la requête d'outils autorisés vise à permettre à l'huissier de réaliser matériellement sa mission, en cas de réticence du saisi à les fournir pour permettre les constatations autorisées et ainsi assurer l'efficacité de la mesure. Il ne s'agit aucunement d'une liste limitative des moyens matériels dont peut user l'huissier. 94. L'utilisation d'un mètre pour la prise de mesure dans le cadre de la mission autorisée, pas plus que la présence d'un niveau à bulles non utilisé ne sauraient entraîner la nullité de la saisie-contrefaçon. 95. Il n'y a donc pas lieu d'annuler le procès-verbal de saisie contrefaçon du 5 novembre 2019. VI . Sur les autres demandes 96. Les sociétés Peri et Peri SE, qui succombent, sont condamnées aux dépens de l'instance et à payer à la société Condor SpA la somme de 30.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 97. La nature et l'ancienneté de l'affaire justifient le prononcé de l'exécution provisoire. PAR CES MOTIFS Déclare irrecevable la demande reconventionnelle de la société Condor SpA en nullité des revendications 3 et 24 du brevet EP1899552 ; Prononce la nullité des revendications 1, 2, 8, 9, 10, 12, 13, 16, 17, 20, 21, 22, 23 et 25 du brevet EP1899552 pour défaut d'activité inventive ; Dit que la décision une fois définitive sera transmise à l'Office européen des brevets pour être inscrite au registre européen des brevets à l'initiative de la partie la plus diligente ; Rejette les demandes des sociétés Peri et Peri SE fondées sur la contrefaçon de brevet et la concurrence déloyale ; Rejette la demande de nullité du procès-verbal de saisie contrefaçon du 5 novembre 2019 ; Rejette la demande de nullité du procès-verbal de saisie contrefaçon du 5 novembre 2019 ; Condamne in solidum les sociétés Peri et Peri SE à payer à la société Condor SpA la somme de 30.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; Condamne in solidum les sociétés Peri et Peri SE aux dépens qui pourront être recouvrés par Maître Camille Pecnard conformément à l'article 699 du code de procédure civile ; Ordonne l'exécution provisoire du Jugement à intervenir ; Fait et jugé à Paris le 10 Mars 2023 Le Greffier La PrésidenteQuentin CURABET Irène BENAC | x |
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JURITEXT000047636331 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/63/63/JURITEXT000047636331.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 17 avril 2023, 23/051778 | 2023-04-17 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 23/051778 | CT0760 | TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS No RG 23/51778 - No Portalis 352J-W-B7G-CYPA3 No : 2/MM Assignation du :02 Décembre 2022 ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ rendue le 17 avril 2023 par Irène BENAC, Vice-Présidente au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal, Assistée de Minas MAKRIS, Faisant fonction de Greffier. DEMANDERESSES Société RITZ ENTERPRISE SA[Adresse 6][Localité 1] - SUISSE Société THE RITZ HOTEL LIMITED[Adresse 2][Adresse 2][Localité 3] - ROYAUME-UNI représentée par Maître Marianne SCHAFFNER du PARTNERSHIPS REED SMITH LLP, avocats au barreau de PARIS - #J097 DEFENDERESSE S.A.R.L. CASABLANCA CLOTHING LIMITED [Adresse 4][Adresse 4][Localité 3] / ROYAUME-UNI représentée par Me Isabelle LEROUX, avocat au barreau de PARIS - #P0372 DÉBATS A l'audience du 20 mars 2023, tenue publiquement, présidée par Irène BENAC, Vice-Présidente, assistée de Minas MAKRIS, Faisant fonction de Greffier, Nous, Président, Après avoir entendu les conseils des parties, Vu l'assignation en référé introductive d'instance, délivrée le 02 décembre 2022, et les motifs y énoncés, Exposé des faits et de la procédure 1. La société de droit suisse Ritz Enterprise SA est titulaire des marques suivantes : - la marque verbale française "RITZ PARIS" no 3128241, déposée le 26 octobre 2001 et renouvelée depuis, pour désigner des produits et services en classes 3, 4, 8, 14, 16, 18, 21, 24, 25, 28 et 34 parmi lesquels vêtements et chapellerie ;- la marque verbale française "RITZ" no 94515523, déposée le 14 avril 1994 et renouvelée depuis, pour désigner des produits et services en classes 8, 16, 18, 20, 25, 28, 29, 30, 32, 33, 34, 35, 39, 40, 41, 42, 43, 44 et 45 parmi lesquels les produits vêtements et chapellerie ;- la marque semi-figurative française no 154209817 déposée le 15 septembre 2015 et enregistrée le 8 janvier 2016, pour désigner des produits et services en classes 10 (matelas, oreillers et coussins à usage médical), 20 (articles de literie), 24 (linge de lit) et 33 (boissons alcooliques); - la marque figurative de l'Union européenne no 014735088, déposée le 26 octobre 2015 et enregistrée le 29 avril 2016, pour désigner des produits et services en classes 3, 4, 8, 9, 14, 16, 18, 20, 21, 24, 25 (dont vêtements et chapellerie), 28, 29, 30, 33, 35, 39, 41 et 43. 2. La société britannique The Ritz Hotel ltd est licenciée notamment de la marque figurative de l'Union européenne no 014735088 et de la marque verbale française "RITZ" no 94515523 depuis le 10 décembre 2021, licence publiée le 3 janvier 2023. 3. En 2021, la société Ritz Enterprise SA s'est associée avec un styliste américain pour commercialiser des vêtements - la collection Frame x Ritz - reproduisant la marque semi-figurative française no 154209817 et la marque figurative de l'Union européenne no 014735088. 4. La société Casablanca clothing ltd est une société de droit anglais ayant pour activité la vente de vêtements. En janvier 2022, elle a publié une collection automne-hiver 2022 dans un court métrage intitulé "le monde diplomatique et l'a commercialisée à compter d'octobre 2022. 5. Certaines pièces comportent les motifs suivants ensemble ou séparément. 6. Par courrier du 9 novembre 2022, le conseil de la société Ritz Enterprise SA a mis en demeure la société Casablanca clothing ltd de cesser la commercialisation de certains produits de cette collection et de fournir des éléments sur cette exploitation.Le 28 novembre 2022, le conseil de la société Casablanca clothing ltd lui a répondu que celle-ci avait retiré les produits litigieux de ses plate formes et qu'elle mettait tout en oeuvre pour les faire retirer chez ses revendeurs, s'engageait à ne pas reproduire les marques et logos Ritz et proposait une indemnisation forfaitaire à hauteur de 40.000 euros. 7. Le 20 novembre 2022, deux constats d'achat d'un pull-over et d'un tee-shirt portant le motif représenté au point 4 ont été réalisés dans deux magasins parisiens. 8. Par acte du 2 décembre 2022, la société Ritz Enterprise SA et la société The Ritz Hotel ltd ont fait assigner la société Casablanca clothing ltd devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris sur le fondement de l'article L. 716-4-6 du code de la propriété intellectuelle afin de voir prononcer diverses mesures d'interdiction sous astreinte et de condamnation sur le fondement de la contrefaçon des trois marques. 9. De nouveaux constats par commissaires de justice sur internet ont été réalisés les 13 décembre 2022 ainsi que les 23 janvier, 2 février et 15 mars 2023 sur des sites offrant les produits litigieux à la vente. Prétentions des parties 10. Dans leurs dernières conclusions signifiées le 20 mars 2023 soutenues oralement à l'audience, la société Ritz Enterprise SA et la société The Ritz Hotel ltd demandent au juge des référés de:"SE RECONNAÎTRE COMPÉTENT pour ordonner des mesures d'interdiction sur tout le territoire de l'Union européenne ; DECLARER société Casablanca clothing ltd irrecevable en toutes ses demandes fins et conclusions ;REJETER la demande de la société société Casablanca clothing ltd aux fins de voir prononcer la nullité de l'assignation du 2 décembre 2022 ; DÉCLARER les sociétés Ritz Enterprise SA et The Ritz Hotel ltd recevables et fondées en leurs demandes ; En conséquence, DÉBOUTER la société société Casablanca clothing ltd de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions, et en particulier de sa demande en constitution de garanties ; ENJOINDRE à la société société Casablanca clothing ltd de cesser tout usage et toute reproduction de la marque no 014735088, sur tout support et notamment les vêtements et articles associés sous astreinte de dix mille (10 000) euros par jour de retard dans un délai de trois (3) jours à compter du prononcé de l'ordonnance à intervenir, sur l'ensemble du territoire de l'Union européenne ; ENJOINDRE à la société société Casablanca clothing ltd de cesser tout usage et toute reproduction des marques no 3128241, no 94515523 et no 154209817 sur tout support et notamment les vêtements et articles associés sous astreinte de dix mille (10 000) euros par jour de retard dans un délai de trois (3) jours à compter du prononcé de l'ordonnance à intervenir, en France ; ENJOINDRE à la société société Casablanca clothing ltd de retirer de son site internet et toute page Internet et réseau social qu'elle opère toute reproduction des articles vestimentaires et accessoires reproduisant la marque no 014735088 sous astreinte de dix mille (10 000) euros par jour de retard dans un délai de trois (3) jours à compter du prononcé de l'ordonnance à intervenir, sur l'ensemble du territoire de l'Union européenne ; ENJOINDRE à la société société Casablanca clothing ltd de retirer de son site internet et toute page Internet et réseau social qu'elle opère toute reproduction des articles vestimentaires et accessoires reproduisant les marques no 3128241, no 94515523 et no 154209817 sous astreinte de dix mille (10 000) euros par jour de retard dans un délai de trois (3) jours à compter du prononcé de l'ordonnance à intervenir, en France; ENJOINDRE à la société société Casablanca clothing ltd de produire l'ensemble des documents permettant de déterminer les fabricants et distributeurs des produits argués de contrefaçon, sous astreinte de dix mille (10 000) euros par jour de retard dans un délai de trois (3) jours à compter du prononcé de l'ordonnance à intervenir ; ENJOINDRE à la société société Casablanca clothing ltd de retirer de tous les circuits commerciaux, physique ou Internet, directs ou indirects, l'ensemble des articles vestimentaires et accessoires reproduisant la marque no 014735088, no 3128241 et no 154209817, et procéder à leur entière destruction, sous contrôle d'huissier, aux frais exclusifs de CASABLANCA, sous astreinte de dix mille (10 000) euros par jour de retard dans un délai de trois (3) jours à compter du prononcé de l'ordonnance à intervenir, sur l'ensemble du territoire de l'Union européenne ; ENJOINDRE à la société société Casablanca clothing ltd de retirer de tous les circuits commerciaux, physique ou Internet, directs ou indirects, l'ensemble des articles vestimentaires et accessoires reproduisant les marques marques no 3128241, no 94515523 et no 154209817, et procéder à leur entière destruction, sous contrôle d'huissier, aux frais exclusifs de CASABLANCA, sous astreinte de dix mille (10 000) euros par jour de retard dans un délai de trois (3) jours à compter du prononcé de l'ordonnance à intervenir, en France ; CONDAMNER la société société Casablanca clothing ltd à payer à la société Ritz Enterprise SA SA la somme provisionnelle de cent vingt mille (120 000) euros à titre de dommages et intérêts, quitte à parfaire ; CONDAMNER la société société Casablanca clothing ltd à payer à la société The Ritz Hotel ltd la somme provisionnelle quarante mille (40 000) à titre de dommages et intérêts, quitte à parfaire ; SE RÉSERVER la compétence pour liquider, s'il y a lieu, les astreintes prononcées conformément aux dispositions de l'article L. 131-3 du code des procédures civiles d'exécution ; CONDAMNER la société société Casablanca clothing ltd à verser aux sociétés Ritz Enterprise SA SA et The Ritz Hotel ltd la somme de cent mille (100 000) quitte à parfaire, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; CONDAMNER la société société Casablanca clothing ltd aux entiers dépens lesquels seront recouvrés par Maître Marianne Schaffner, avocat à la cour, Reed Smith LLP, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile, en ce compris les frais de l'ensemble des constats dressés." 11. Dans ses dernières conclusions signifiées le 20 mars 2023 soutenues oralement à l'audience, la société Casablanca clothing ltd demande au juge des référés, au visa des articles L. 716-4-6, L.521-6 du code de la propriété intellectuelle, 4, 15, 31, 56, 74, 700, 768 du code de procédure civile, 9 et 25 du règlement (UE) 2017/1001 sur la marque de l'Union européenne du 14 juin 2017, de :- juger nulle l'assignation délivrée le 2 décembre 2022 par les sociétés Ritz Enterprise SA et The Ritz Hotel ltd ; - dire n'y avoir lieu à référé dès lors qu'elle a rapporté la preuve du retrait des produits litigieux du marché avant la date de l'assignation, le 2 décembre 2022 ; - dire n'y avoir lieu à référé en ce que les demanderesses ne justifient pas de l'urgence requise, ni du caractère vraisemblable des atteintes alléguées ; Si le président du tribunal judiciaire considérait qu'il y avait lieu à référé :- juger que la société The Ritz Hotel ltd n'a pas qualité à agir ni au titre de la contrefaçon, ni de l'atteinte à la renommée d'aucune des quatre marques invoquées dès lors que, au jour de l'assignation, elle n'en n'était ni titulaire, ni licenciée inscrite et qu'il n'est pas rapporté la preuve qu'elle en était licenciée ; - juger irrecevables les sociétés Ritz Enterprise SA et The Ritz Hotel ltd à invoquer une quelconque atteinte à la renommée de leurs marques no 014735088, no 3128241, no 154209817 et no 94515523, la question préalable à la constatation d'une atteinte à la renommée, étant la constatation de leur renommée, relevant uniquement du juge du fond ; - débouter la société Ritz Enterprise SA et la société The Ritz Hotel ltd de l'ensemble de leurs demandes à son encontre ; Subsidiairement, si des mesures d'interdictions provisoires étaient accordées : - assortir les interdictions provisoires de la constitution d'une garantie bancaire d'un montant de 100.000 euros et subordonner toute interdiction à la constitution préalable de celle-ci ; - juger que les mesures d'interdiction, de retrait et de destruction ne prendront effet qu'après un délai qui ne saurait être inférieur à un mois ; - condamner in solidum la société Ritz Enterprise SA et la société The Ritz Hotel ltd au dépens et à lui payer la somme de 45.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Motivation 12. A titre liminaire, la compétence du juge des référés du tribunal judiciaire de Paris n'est pas contestée, seules sont contestées les demandes d'interdiction formées sur le territoire de l'Union européenne sur la base de marques françaises, ce que les demanderesses reconnaissent aussi.Il n'y a donc pas de prétention à trancher à ce égard. 1 . Sur la nullité de l'assignation 13. La société Casablanca clothing ltd fait valoir que l'assignation est truffée d'imprécisions tant factuelles (désigner les "marques Ritz" sans établir pour chaque marque et pour quel territoire les griefs, les fondements et les demandes, imprécision des actes reprochés) que juridiques (imprécision des actes reprochés, absence de fondements, imprécision du dispositif) intentionnelles, qui l'empêchent d'organiser utilement sa défense. 14. Les demanderesses soutiennent que la nullité invoquée est artificielle, la défenderesse étant parfaitement informée de l'objet des demandes, et doit être rejetée car l'assignation identifie les titres invoqués, les éléments de renommée et ceux rendant vraisemblable la contrefaçon de leurs marques, ajoutant que les imprécisions soulevées ne font pas grief et ont à présent disparu. Sur ce, 15. L'article 56 du code de procédure civile dispose que : "L'assignation contient à peine de nullité, outre les mentions prescrites pour les actes d'huissier de justice : (?) 2o L'objet de la demande avec un exposé des moyens en fait et en droit".Ces dispositions visent à assurer le respect de la contradiction en permettant à la partie assignée de présenter en temps utile ses moyens de défense, ce qui suppose la qualification des actes reprochés, l'énumération des titres de propriété industrielle invoqués et la mention des dispositions fondant les demandes.L'article 115 du même code prévoit que la nullité est couverte par la régularisation ultérieure de l'acte si aucune forclusion n'est intervenue et si la régularisation ne laisse subsister aucun grief. 16. En l'espèce, dans leur assignation, les demanderesses n'ont invoqué la contrefaçon que de trois marques, la marque verbale Ritz no 94515523 n'ayant été invoqué que postérieurement. Si elles ont fréquemment désigné les trois marques de façon générale, elles ont néanmoins toujours allégué des faits précis abondamment illustrés et des moyens de droit explicites (contrefaçon de marques fondées sur l'atteinte à la renommée pour les trois marques et sur le risque de confusion avec la marque figurative) en précisant les textes invoqués, sur lesquels la société Casablanca clothing ltd a été en mesure de conclure en défense et d'organiser sa défense. 17. Les griefs concernant la portée des mesures demandées et la précision des faits de contrefaçon alléguée relèvent de la défense au fond et n'affectent aucunement le respect du principe contradictoire.L'exception de nullité de l'assignation est donc rejetée. 2 . Sur l'absence d'objet du référé 18. La société Casablanca clothing ltd fait valoir que, au jour de l'assignation, les produits litigieux ne restaient plus dans aucun magasin et ne subsistaient que sur quatre sites internet, hors de son contrôle (luisaviaroma.com, italist.com, ssense.com et farfetch.com) de sorte qu'il n'y a lieu à référé. 19. Les demanderesses soutiennent que la preuve contraire est rapportée. Sur ce, 20. Il n'est pas discuté, et il est démontré par trois constats de commissaires de justice postérieurs à la date de l'assignation, que les produits litigieux sont toujours en vente en ligne de sorte que la présente action a bien un objet. 3 . Sur la fin de non recevoir tirée du défaut de qualité à agir de la société The Ritz Hotel ltd 21. La société Casablanca clothing ltd fait valoir que, au jour de l'assignation, la société The Ritz Hotel ltd n'était ni titulaire, ni inscrite comme licenciée d'aucune des trois marques servant de base aux demandes et donc irrecevable à agir. 22. Les demanderesses soutiennent que, tant en droit européen qu'en droit français, tout licencié est recevable à intervenir dans la procédure en contrefaçon engagée par une autre partie en réparation du préjudice qui lui est propre quand bien même la licence ne serait pas inscrite au registre des marques. Elles ajoutent que la licence de la société The Ritz Hotel ltd pour les quatre marques est publiée depuis le 3 janvier 2023. Sur ce, 23. L'article 31 du code de procédure civile dispose : "l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé". 24. L'article L.716-4-6 du code de la propriété intellectuelle dispose "Toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon peut saisir en référé la juridiction civile compétente afin de voir ordonner, au besoin sous astreinte, à l'encontre du prétendu contrefacteur ou des intermédiaires dont il utilise les services, toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d'actes argués de contrefaçon." et l'article L. 716-4-2 du même code prévoit que l'action en contrefaçon peut être engagée par le licencié avec le consentement du titulaire. L'absence de publication de la licence n'ôte pas au licencié sa qualité à agir.L'article 25 du règlement 2017/1001 du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne prévoit que tout licencié est recevable à intervenir dans la procédure en contrefaçon engagée par le titulaire de la marque. 25. Les pièces versées aux débats démontrent que la société The Ritz Hotel ltd est licenciée de la marque figurative de l'Union Européenne no 014735088 et de la marque verbale française no 94515523 depuis le 10 décembre 2021, licence publiée le 3 janvier 2023. Sa qualité à agir est donc démontrée.En revanche, ni le contrat de licence du 10 décembre 2021, qui porte sur 26 marques, ni la demande d'inscription de la licence à l'INPI (pièce 1.15) ne font pas mention de la marque verbale française no 3128241, ni de la marque semi-figurative française no 154209817. La société The Ritz Hotel ltd ne justifie donc pas de sa qualité à agir en contrefaçon pour ces deux marques au titre de l'article L.716-4-6 précité. 26. Il convient par conséquent de rejeter la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir de la société The Ritz Hotel ltd s'agissant des demandes au titre de la marque figurative de l'Union Européenne no 014735088 et de la marque verbale française no 94515523 et de déclarer la société The Ritz Hotel ltd irrecevable à agir au titre de la marque verbale française no 3128241 et de la marque semi-figurative française no 154209817. 4 . Sur la vraisemblance de la contrefaçon Sur l'atteinte à la marque jouissant d'une renommée 27. La société Ritz Enterprise SA et la société The Ritz Hotel ltd allèguent une contrefaçon par atteinte à la renommée en ce que :- la marque figurative "blason" a un caractère renommé : elle est utilisée depuis le XIXème siècle pour la restauration et l'hôtellerie mais également pour des vêtements de bain et les vêtements de la collection de 2021 évoquée supra ;- la marque semi-figurative Ritz Paris a un caractère renommé : elle est utilisée depuis la création de l'hôtel en 1898 et jouit d'une très forte connaissance dans le public français et étranger en matière d'hôtellerie mais également pour des vêtements et du linge de maison ;- ces deux marques "exercent un pouvoir propre indépendamment des produits et services qu'elles désignent" ;- le public pertinent est un consommateur normalement visé d'attention moyenne ;- le signe litigieux est celui représenté au point 4 supra, blason et inscription pris ensemble ou séparément ;- le blason est très fortement similaire à la marque figurative no 014735088 et les différences ne remettent pas en cause l'impression d'ensemble sur les plans visuel et conceptuel ;- l'inscription Caza Paris a le même nombre de lettres et utilise les deux mêmes typographies, avec la lettre z caractéristique, que la marque semi-figurative no 154209817 et est similaire aux deux marques verbales ;- les quatre marques Ritz ont un fort caractère distinctif et les signes litigieux y font indéniablement référence par les similitudes visuelles, la commercialisation des produits dans les mêmes points de vente et visent la même clientèle ;- la société Casablanca clothing ltd tire un profit indû des marques Ritz et porte préjudice à leur caractère distinctif et à leur renommée en créant une confusion entre ses produits et ceux de la collection Frame x Ritz. 28. La société Casablanca clothing ltd fait valoir que :- le juge des référés, juge de l'évidence, n'est pas compétent pour statuer sur la renommée d'une marque, de sorte que toute demande au titre de l'atteinte fondée sur celle-ci est irrecevable ;- l'atteinte à la renommée d'aucune des quatre marques invoquées n'est constituée car les éléments versés aux débats établissent tout au plus la popularité de l'hôtel Ritz et son enseigne "Ritz Paris" (Com., 5 janvier 2022, pourvoi no 19-22.673) ;- la renommée de la marque figurative "blason" n'est pas démontrée, pas plus que les marques verbale et semi-figurative "Ritz Paris", ni la marque verbale "Ritz", qui est d'ailleurs l'enseigne d'autres hôtels exploités par des tiers à l'étranger. Sur ce, 29. Les droits conférés par les marques françaises et de l'Union européenne sont prévus dans des termes en substance identiques par la directive 2015/2436 du 16 décembre 2015 rapprochant les législations des États membres sur les marques et le règlement 2017/1001 précité, respectivement à leur article 10 et 9, ce dernier étant rédigé en comme suit, s'agissant de l'atteinte à une marque de renommée :"2. Sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité d'une marque de l'Union européenne, le titulaire de cette marque de l'Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe pour des produits ou services lorsque : (...) c) ce signe est identique ou similaire à la marque de l'Union européenne, indépendamment du fait que les produits ou services pour lesquels il est utilisé soient identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée, lorsque celle-ci jouit d'une renommée dans l'Union et que l'usage de ce signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque de l'Union européenne ou leur porte préjudice." 30. L'atteinte aux marques jouissant d'une renommée, prévue en droit interne, en des termes en substances identiques, à l'article L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle est qualifiée de contrefaçon par l'article L. 716-4 dans le cas des marques françaises et par l'article L. 717-1 dans le cas des marques de l'Union européenne. 31. La Cour de justice des communautés européennes a dit pour droit qu'une marque enregistrée jouit d'une renommée lorsqu'elle est connue d'une partie significative du public concerné par les produits ou services couverts par elle (CJCE, 14 septembre 1999, General motors corporation, C-375/97) dans une partie substantielle du territoire concerné, État membre ou Union (respectivement, CJCE, General motors corporation, précité, point 28 et CJCE, 6 octobre 2009, Pago international, C-301/07, point 27). 32. La preuve de la renommée de la marque pèse sur le demandeur qui peut l'établir par tout moyen, notamment par la part de marché détenue par la marque, l'intensité, l'étendue géographique et la durée de son usage, ainsi que l'importance des investissements réalisés par l'entreprise pour la promouvoir. 33. Les demanderesses font état de l'ancienneté et du prestige du nom Ritz pour l'hôtel parisien de la [Adresse 5] ainsi que la connaissance de cette enseigne par de nombreuses personnes (parisiens, touristes) relayée les personnalités influentes qui y ont séjourné, éléments relevés par les décisions des juridictions polonaises qu'elles citent. Elles versent aussi une étude de l'Ifop réalisée en avril 2021 (pièce 4.13 des demanderesses) qui indique avoir été réalisée du fait que la nouvelle direction de l'hôtel Ritz Paris souhaitait renforcer le rayonnement de la marque Ritz et qui montre que 21 % des 813 personnes françaises sondées appartenant à la catégorie socio-professionnelle la plus élevée en France associe spontanément Ritz à un hôtel de luxe et (33 % pour Ritz Paris). 34. Quoique prestigieux, l'hôtel Ritz parisien est cependant connu d'une clientèle et d'un nombre de touristes et d'amateurs restreints au regard du public français concerné par les produits ou services couverts par la marque Ritz, en l'espèce le grand public. L'enquête précitée porte elle aussi sur un échantillon particulièrement faible et peu représentatif de ce public. Ces éléments sont donc insuffisants à eux seuls à caractériser la renommée de la marque Ritz. 35. Il en va de même pour la marque "Ritz Paris" également déposée en 2001 des produits et services dans 11 classes ainsi que de sa déclinaison semi-figurative, déposée en 2015 pour des produits de literie, linge et boissons alcooliques. 36. Dès lors, la société Ritz Enterprise SA et la société The Ritz Hotel ltd ne démontrent pas, avec l'évidence requise en référé, la renommée des trois marques françaises Ritz et Ritz Paris auprès d'une partie significative du public concerné. 37. S'agissant du blason, déposé à titre de marque de l'Union européenne en 2015, les demanderesses présentent des exemples de sa reproduction, durant le XXème siècle, sur des livres d'or, magazines de l'hôtel et verres qui ne sont pas identiques au signe déposé.Il figure en revanche sur la façade de l'hôtel depuis 2018, sur des sous-verres, sur la très récente collection de vêtements Frame x Ritz, sur des photographies de vêtements et pyjamas publiées sur le compte Instagram d'influenceuses américaines et sur des photographies de divers articles en lien avec l'hôtel (vaisselle, uniformes des employés, pâtisseries, flacons, etc) sur le compte Instagram de l'hôtel Ritz. 38. L'utilisation du signe dans l'identification de l'hôtel et dirigé vers sa clientèle ne caractérise pas un usage intensif de la marque tel qu'elle est connue d'une partie significative du public concerné.Quant à l'écho médiatique donné à la collection Frame x Ritz en 2021, il ne permet pas de démontrer que cette marque aurait, en si peu de temps, acquis une renommée auprès d'une partie significative de la clientèle de ces produits, c'est-à-dire du grand public. Or, aucun élément ne vient démontrer cette renommée par exemple par des ventes considérables ou des investissements de communication intensifs. 39. La renommée de la marque figurative no 014735088 auprès d'une partie significative du public dans une partie substantielle du territoire français ou de l'Union européenne n'est donc pas démontrée. Sur l'atteinte à la marque par risque de confusion 40. La société Ritz Enterprise SA et la société The Ritz Hotel ltd allèguent une contrefaçon de la marque figurative no 014735088 par risque de confusion en ce que :- les signes présentent des similitudes visuelles évidentes ;- les produits incriminés sont des vêtements et chapeaux, c'est-à-dire des produits identiques à ceux protégés en classe 25 par la marque figurative no 014735088 ;- il existe un fort risque de confusion pour le consommateur s'agissant, d'une part, de signes très distinctifs et, d'autre part, de produits très similaires commercialisés dans les mêmes points de vente, pour une clientèle commune (consommateurs jeunes, aisés, intéressés par la mode confortable) à des prix proches. 41. La société Casablanca clothing ltd oppose que :- l'usage d'un signe identique ne mettant pas en péril la garantie de provenance qui constitue la fonction essentielle de la marque ne peut être prohibé par le titulaire de droit (CJCE, 12 novembre 2002, Arsenal Football Club, C-206/01) ;- or, le motif litigieux est très différent visuellement et conceptuellement de la marque figurative de l'Union européenne, et en tous cas suffisamment pour éviter tout risque de confusion dans l'esprit du consommateur qui, au vu du niveau de prix des articles, a un degré d'attention élevé. Sur ce, 42. L'article 9, 2, b), du règlement 2017/1001 précité dispose : "2. Sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité d'une marque de l'Union européenne, le titulaire de cette marque de l'Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe pour des produits ou services lorsque : (...) b) ce signe est identique ou similaire à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou services identiques ou similaires aux produits ou services pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée, s'il existe un risque de confusion dan l'esprit du public ; le risque de confusion comprend le risque d'association entre le signe et la marque". 43. Les signes reproduits aux points 1 et 4 supra ne sont pas identiques. 44. Ce sont tous deux des blasons portés par un cadre identique dans sa forme et ses proportions, surmonté d'un emblème (une couronne pour la marque, un poisson volant pour le signe litigieux) et souligné en partie par un ruban (légèrement différent dans l'un et l'autre cas). Ils sont tous eux unicolores.Dans les deux cas, la moitié supérieure de l'intérieur du blason est striée de lignes horizontales sur lesquelles se détachent trois fleurs de lys dans le cas de la marque ou six petits fruits dans le signe litigieux, et la partie inférieure représente un arbre (ou un champignon) sur fond blanc enraciné, le feuillage et le sol étant striés de lignes parallèles dans le cas de la marque et une pagaie moitié sur fond blanc et moitié sur des lignes parallèles évoquant des flots.La structure, la composition, la couleur et les contrastes sont ainsi très voisins créant une similitude visuelle forte. Cette constatation n'est pas démentie par les autres blasons représentés en défense dont la structure et la composition sont très différentes. 45. Sur le plan conceptuel, les blasons sont les supports d'armoiries qui sont des signes identifiant un territoire ou une famille. En l'espèce, les signes ornant le blason évoquent des références bien différentes dans les deux cas, la marque évoquant l'aristocratie (couronne, fleurs de lys) et le terroir (arbre ou champignon enraciné au sol) et le signe litigieux la nature (poisson, fruits) et la mer (poisson, flots, pagaie). La similitude conceptuelle est donc faible. 46. Les produits vendus sous la marque sont des vêtements et casquettes, identiques à ceux ornés du signe litigieux. Ce sont des articles onéreux sans être des produits de luxe. 47. Le risque de confusion sur l'origine commune des produits revêtus du signe litigieux avec les titulaires de la marque dans l'esprit public pertinent - ici le public consommateur de vêtements normalement averti et raisonnablement attentif qui n'a pas les deux signes simultanément sous les yeux - se déduit de la forte ressemblance visuelle des signes, l'aspect conceptuel étant très secondaire, aucune des parties n'ayant d'identité liée ni à l'aristocratie, ni au terroir, ni à la mer ou la nature, et de l'identité des produits. 48. Au regard de ces éléments, il convient de juger que l'utilisation du blason litigieux par la société défenderesse sur les vêtements et casquettes qu'elle commercialise porte une atteinte vraisemblable à la marque dont la société Ritz Enterprise SA est titulaire et la société The Ritz Hotel ltd est licenciée. 5 . Mesures de réparation 49. L'article L.716-4-6 du code de la propriété intellectuelle précité prévoit notamment : "La juridiction peut interdire la poursuite des actes argués de contrefaçon, la subordonner à la constitution de garanties destinées à assurer l'indemnisation éventuelle du demandeur ou ordonner la saisie ou la remise entre les mains d'un tiers des produits soupçonnés de porter atteinte aux droits conférés par le titre, pour empêcher leur introduction ou leur circulation dans les circuits commerciaux. Si le demandeur justifie de circonstances de nature à compromettre le recouvrement des dommages et intérêts, la juridiction peut ordonner la saisie conservatoire des biens mobiliers et immobiliers du prétendu contrefacteur, y compris le blocage de ses comptes bancaires et autres avoirs, conformément au droit commun. Pour déterminer les biens susceptibles de faire l'objet de la saisie, elle peut ordonner la communication des documents bancaires, financiers, comptables ou commerciaux ou l'accès aux informations pertinentes.Elle peut également accorder au demandeur une provision lorsque l'existence de son préjudice n'est pas sérieusement contestable".L'article L.716-4-9 du même code prévoit : "Si la demande lui en est faite, la juridiction saisie au fond ou en référé d'une procédure civile prévue au présent titre peut ordonner, au besoin sous astreinte, afin de déterminer l'origine et les réseaux de distribution des produits argués de contrefaçon qui portent atteinte aux droits du demandeur, la production de tous documents ou informations détenus par le défendeur ou par toute personne qui a été trouvée en possession de produits argués de contrefaçon ou qui fournit des services utilisés dans de prétendues activités de contrefaçon ou encore qui a été signalée comme intervenant dans la production, la fabrication ou la distribution de ces produits ou la fourniture de ces services.La production de documents ou d'informations peut être ordonnée s'il n'existe pas d'empêchement légitime". 50. Vu le caractère vraisemblable de la contrefaçon de la marque figurative no 014735088, il y a lieu de prononcer les mesures d'interdiction et de retrait des produits dans les limites précisées au dispositif de la présente décision. 51. S'agissant de la provision sur le préjudice commercial, les attestations de M. [U] au nom de la société Ritz Enterprise SA du 22 novembre 2022 et du 16 février 2023 sont trop imprécises sur les articles dont les ventes auraient diminué pour caractériser un quelconque préjudice de l'une ou l'autre des demanderesses, ni pour l'estimer puisqu'elles ne comportent aucun montant. Or, quoiqu'interpellées sur ce point par les écritures adverses, les deux sociétés en demande ne fournissent aucune autre pièce justifiant de leur préjudice sinon le courriel de la société Casablanca clothing ltd du 28 novembre 2022, proposant une indemnisation de 40.000 euros.Le principe de l'existence d'un préjudice de la société Ritz Enterprise SA, titulaire de la marque, étant cependant peu contestable au regard des preuves de commercialisation de produits ornés d'un motif vraisemblablement contrefaisant, il y a lieu de lui allouer une provision sur dommage de 40.000 euros.La société The Ritz Hotel ltd, pour sa part, ne fournit aucun élément démontrant son préjudice commercial ni un préjudice d'image qui n'est pas plus étayé. 52. La société Casablanca clothing ltd ne soulève aucun empêchement légitime aux demandes formées au titre du droit d'information qui seront donc ordonnées, sans qu'il y ait lieu à astreinte. 6 . Dispositions finales 53. La société Casablanca clothing ltd, qui succombe, est condamnée aux dépens de l'instance, qui ne comportent pas les frais exposés pour les constats par commissaire de justice qui n'entrent pas dans la liste limitative des dépens de l'article 699 du code de procédure civile. L'équité justifie de condamner la société Casablanca clothing ltd à payer à la société Ritz Enterprise SA et la société The Ritz Hotel ltd la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Par ces motifs Statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par ordonnance contradictoire et en premier ressort , Rejetons l'exception de nullité de l'assignation ; Rejetons la fin de non recevoir tirée du défaut de qualité à agir de la société The Ritz Hotel ltd au titre de la marque figurative de l'Union européenne no 014735088 et de la marque verbale française no 94515523 ; Déclarons la société The Ritz Hotel ltd irrecevable à agir au titre de la marque verbale française no 3128241 et de la marque semi-figurative française no 154209817 ; Enjoignons à la société Casablanca clothing ltd de cesser tout usage et toute reproduction de la marque no 014735088, sur tout support et notamment les vêtements et articles associés sur l'ensemble du territoire de l'Union européenne, sous astreinte de 500 euros par jour de retard pendant 61 jours, à compter d'un délai de quinze jours à compter de la signification de la présente ordonnance ; Enjoignons à la société Casablanca clothing ltd de produire les documents permettant de déterminer les fabricants et distributeurs des produits sur lesquels figure le signe vraisemblablement contrefaisant de la marque no 014735088 dans un délai de quinze jours à compter du prononcé de la présente ordonnance ; Enjoignons à la société Casablanca clothing ltd de retirer de tous les circuits commerciaux, physique ou Internet, directs ou indirects, l'ensemble des articles vestimentaires et accessoires sur lesquels figure le signe vraisemblablement contrefaisant de la marque no 014735088 et procéder à leur destruction à ses frais ; Condamnons la société Casablanca clothing ltd à payer à la société Ritz Enterprise SA la somme provisionnelle de 40.000 euros à titre de dommages et intérêts ; Nous réservons la liquidation des astreintes prononcées conformément aux dispositions de l'article L. 131-3 du code des procédures civiles d'exécution ; Condamnons la société Casablanca clothing ltd à payer à la société Ritz Enterprise SA et la société The Ritz Hotel ltd, ensemble, la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; Condamnons la société Casablanca clothing ltd aux dépens, qui pourront être recouvrés directement par Maître Marianne Schaffner dans les conditions de l'article 699 ; Déboutons les parties de leurs demandes plus amples ou contraires. Fait à Paris le 17 avril 2023 Le Greffier, Le Président, Minas MAKRIS Irène BENAC | x |
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JURITEXT000047636332 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/63/63/JURITEXT000047636332.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 13 avril 2023, 21/09930 | 2023-04-13 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 21/09930 | CT0087 | TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS 3ème chambre 1ère section No RG 21/09930 No Portalis 352J-W-B7F-CUXLT No MINUTE : Assignation du :08 juillet 2021 JUGEMENT rendu le 13 avril 2023 DEMANDERESSE S.A.S. AMCP[Adresse 2][Localité 3] représentée par Me Alexandra ATLAN-ELHAÏK de la SELARL ATLAN & BOKSENBAUM AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E1876 DÉFENDERESSE S.A.S. NESTLE FRANCE[Adresse 1][Localité 4] représentée par Me Yves BIZOLLON de l'AARPI BIRD & BIRD, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R0255 COMPOSITION DU TRIBUNAL Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointeElodie GUENNEC, Vice-présidenteMalik CHAPUIS, Juge, assistés de Caroline REBOUL, Greffière en présence de [N] [X], magitrat en stage de pré affectationet de Pauline HENG, Greffière stagiaire DEBATS A l'audience du 30 janvier 2023 tenue en audience publique, avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue le 13 avril 2023. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffeContradictoireEn premier ressort 1. La société par actions simplifiée AMCP, créée en 2017 par Mme [P] [T] et M. [D] [W], commercialise du chocolat, notamment sous forme de tablette, par l'intermédiaire de son site internet et de son réseau de distributeurs. 2. La société AMCP indique commercialiser le chocolat qu'elle fabrique sous forme de tablettes de dégustation sous la marque « Encuentro ». Elle précise avoir développé l'emballage de ces produits avec une agence en 2017, dont le plus emblématique est celui de la tablette « Encuentro 70% Haïti » représentant une cabosse de couleur orange à reflets jaune apposée sur un fond uni couvrant la quasi-totalité de l'emballage. 3. Le 11 décembre 2017, la société AMCP a déposé auprès de l'INPI une enveloppe e-Soleau contenant l'emballage de la tablette « Encuentro 70% Haïti ». 4. La société AMCP indique avoir lancé en juin 2021 une nouvelle tablette dénommée « Encuentro 70% Mexique » qui est, selon elle, similaire à celui de la tablette « Encuentro 70% Haïti » à l'exception de la couleur violette de la cabosse. 5. La société par actions simplifiée Nestlé France se présente comme une filiale du groupe Nestlé commercialisant en France du chocolat et des confiseries par l'intermédiaire de son réseau de distributeurs, en ligne et en magasin. 6. La société AMPC indique avoir découvert au mois de mars 2021 que la société Nestlé France offrait à la vente sous ses marques « Nestlé » et « Les recettes de l'atelier » une tablette de chocolat noir dénommée « Incoa » avec un packaging reproduisant, selon elle, les caractéristiques essentielles du packaging de la tablette « Encuentro 70% Haïti ». 7. Par courrier du 9 mai 2021, la société AMCP a mis en demeure la société Nestlé France de cesser la commercialisation de sa tablette de chocolat « Incoa » qu'elle estime porter atteinte à ses droits d'auteur sur l'emballage de la tablette « Encuentro 70% Haïti » et demandé l'indemnisation de préjudice en résultant. 8. Par courrier du 31 mai 2021, la société Nestlé a refusé d'accéder aux demandes de la société AMCP, notamment car selon elle l'emballage de la table « Encuentro » serait dépourvue d'originalité. 9. Par acte d'huissier du 8 juillet 2021, la société AMCP a assigné la société Nestlé France devant le tribunal judiciaire de Paris en contrefaçon de droits d'auteur et concurrence déloyale. 10. La société AMCP indique avoir découvert en novembre 2021 le lancement par la société Nestlé d'une tablette « Incoa 80% » commercialisée selon elle dans le même emballage et dans un coloris également utilisé par la société AMCP pour l'emballage de la tablette « Encuentro 70% Mexique ». 11. Par courrier du 6 décembre 2021, la société AMCP a mis en demeure la société Nestlé France de cesser l'ensemble des actes contrefaisants, déloyaux et parasitaires. 12. Par courrier du 14 décembre 2021, la société Nestlé France a invité la société AMCP à présenter ses griefs dans le cadre de la procédure déjà pendante devant le tribunal. 13. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 14 juin 2022, la société AMCP demande au tribunal de :-condamner la société Nestlé France à payer à la société AMCP :*la somme de 400 000 euros en réparation de la violation de ses droits patrimoniaux d'auteur ;*la somme de 100 000 euros en réparation de la violation de ses droits moraux d'auteur ;-subsidiairement, condamner la société Nestlé France à payer à la société AMCP, la somme de 500 000 euros en réparation du préjudice subi au titre des actes de concurrence déloyale et parasitaire ;-condamner la société Nestlé France à payer à la société AMCP, la somme de 100 000 euros en réparation du préjudice subi au titre des actes de concurrence déloyale résultant des pratiques commerciales déloyales et trompeuses ;-faire interdiction à la société Nestlé France, sous astreinte définitive de 1 000 euros par infraction constatée après l'expiration d'un délai de 24 h à compter du jugement à intervenir, de fabriquer, faire fabriquer, importer, commercialiser directement ou indirectement, détenir, ou continuer à exploiter le « packaging » contrefaisant celui de la société AMCP ;-ordonner, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, le rappel et la destruction, dans les 48 h suivant la signification du jugement à intervenir, de tous stocks contrefaisants et de tous documents ou supports s'y rapportant détenus ou appartenant à la société Nestlé France et ce, en tous lieux où ils se trouveraient ; -ordonner à titre de complément de dommages et intérêts, la publication du jugement à intervenir, par extrait ou dans son intégralité, dans trois journaux ou revues au choix de la société AMCP, et aux frais de la société Nestlé France, pour un montant maximum de 3 000 euros par insertion, et sur la page d'accueil des sites internet https://www.nestle.fr et https://www.croquonslavie.fr, pendant une période d'un mois et ce sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, à compter de la signification du jugement à intervenir.-dire n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de la décision à intervenir-condamner la société Nestlé France à la somme de 20 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, comprenant notamment les frais de constat de l'Étude d'Huissier de Justice Jourdain – Dubois – Racine. 14. Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 29 mars 2022, la société Nestlé France demande au tribunal de :-débouter la société AMCP de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;-subsidiairement, suspendre l'exécution provisoire de la décision à intervenir,Plus subsidiairement, ramener le montant des dommages et intérêts à de plus justes proportions,-condamner la société AMCP à lui payer la somme de 60 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens dont distraction au profit de Me Bizollon, avocat. 14.1 L'instruction de l'affaire a été clôturée par ordonnance du 18 octobre 2022 et renvoyée à l'audience du 30 janvier 2023 pour plaidoirie. La décision a été rendue le 13 avril 2023. SUR CE 1. La contrefaçon de droits d'auteur 15. Selon la société AMCP, les emballages des tablettes de chocolat « Incoa 70% » et « Incoa 80% » commercialisées par la société Nestlé France reprennent l'ensemble des caractéristiques essentielles de l'emballage « Encuentro 70% Haïti, en particulier une cabosse de couleur orange lisse, avec un contour net, sans rainures ni bosses ou aspérités, pourtant spécifiques à la cabosse de cacao, qui recouvre la quasi-totalité de la surface avant. La société AMCP soutient que le seul fait que Nestlé France utilise une étiquette blanche sur les emballages de ses tablettes depuis 2014 ne suffit pas à écarter la qualification de contrefaçon. Elle estime que l'ensemble des caractéristiques de son emballage témoignent de l'empreinte de la personnalité de son auteur en ce qu'elles expriment une authenticité, un savoir-faire artisanal renvoyant à l'histoire personnelle de ses fondateurs outre une balance entre une typographie traditionnelle et une aquarelle plus douce. Elle considère que la société Nestlé ne démontre pas l'absence d'exploitation non équivoque ou la revendication par un tiers de la qualité d'auteur. De la même façon, elle dit que Nestlé n'apporte pas la preuve d'une contrainte fonctionnelle justifiant une telle représentation qui doit être appréciée dans son ensemble. 16. La société Nestlé France soutient que les différentes caractéristiques développées au soutien de l'originalité de l'oeuvre sont banales et répondent à des contraintes fonctionnelles tenant à l'information sur la composition du produit et sa production artisanale et haut de gamme. Elle considère que la combinaison d'éléments banals, telle la reproduction d'une cabonne à l'état naturel, ne peut créer une oeuvre originale. La société Nestlé expose que l'étiquette blanche et les anciens caractères d'imprimerie sont des éléments banals et que la société Nestlé France utilise sur l'emballage de la tablette « Incoa » la même étiquette que celle qu'elle utilise depuis 2014 pour la gamme « Nestlé - Les recettes de l'Atelier ». Selon la société Nestlé France, les emballages de la société AMCP matérialisent des reflets et contrastes qui n'apparaissent pas sur les emballages « Incoa ». Appréciation du tribunal 1.1 Sur l'originalité 17. Aux termes de l'article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle « l'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. / Ce droit comporte des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial, qui sont déterminés par les livres Ier et III du présent code (...) ». 18. Selon l'article L. 112-1 du même code « les dispositions du présent code protègent les droits des auteurs sur toutes les oeuvres de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination ». 19. Pour qu'un objet puisse être regardé comme original, il est à la fois nécessaire et suffisant que celui-ci reflète la personnalité de son auteur, en manifestant les choix libres et créatifs de ce dernier. En revanche, lorsque la réalisation d'un objet a été déterminée par des considérations techniques, par des règles ou par d'autres contraintes, qui n'ont pas laissé de place à l'exercice d'une liberté créative, cet objet ne saurait être regardé comme présentant l'originalité nécessaire pour pouvoir constituer une oeuvre (CJUE, 12 septembre 2019, C.683/17, Cofemel - Sociedade de Vestuário SA contre G-Star Raw CV). 20. Lorsque l'originalité d'une oeuvre de l'esprit est contestée, il appartient à celui qui revendique la protection au titre du droit d'auteur, à même d'identifier les éléments traduisant sa personnalité, d'identifier ce qui caractérise cette originalité. 21. En l'espèce, les oeuvres revendiquées sont présentées par la société AMCP comme des emballages des tablettes de chocolat qu'elle commercialise. Elle décrit les caractéristiques suivantes : - « une unique cabosse, qui couvre la quasi-totalité du recto du packaging,-de couleur orange,-à l'aspect lisse, contour net, dépourvu des rainures et bosses pourtant spécifiques aufruit,-avec des reflets jaune contrastants,-apposé sur un fond uni, -une étiquette blanche rectangulaire est apposée sur la cabosse,-la police de caractères rappelle les anciens caractères d'imprimerie,-la composition 70% est mise en avant en grands caractères gras,-les deux uniques ingrédients sont directement renseignés sur cette étiquette ». 22. Certains de ces éléments sont dictés par la fonction technique de l'emballage, telle l'indication de la teneur en cacao et la mention des ingrédients. D'autres sont banals, comme la représentation d'une cabosse pour désigner du chocolat. Prises isolément, ces caractéristiques ne peuvent toutefois écarter l'originalité revendiquée qui doit porter sur une appréciation d'ensemble de l'oeuvre. 23. Ces éléments, pris dans leur ensemble, attestent d'une opposition entre une étiquette à la typographie d'imprimerie traditionnelle et une représentation stylisée, sous forme d'aquarelle, d'une cabosse de cacao accentuant ses couleurs naturelles orangée ou violette. 24. Contrairement au fruit d'aspect verruqueux et irrégulier, les emballages litigieux sont présentés de façon lisse, avec des couleurs vives et des effets de dégrédés et de reflets. 25. Cette présentation véhicule une atmosphère artisanale et sobre d'authenticité et de qualité, combinée de façon originale, avec une représentation graphique colorée pouvant évoquer un élément passionnel, revendiqué par la société AMCP, et la gourmandise associée au produit. 26. Les emballages revendiquées démontrent donc un effort créatif traduisant l'empreinte de la personnalité de son auteur. Ils sont originaux. 1.2 Sur la contrefaçon 27. Aux termes de l'article L. 122-4 du code de la propriété intellectuelle « toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l'adaptation ou la transformation, l'arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque ». 28. La contrefaçon s'apprécie par les ressemblances et non par les différences. 29. En l'espèce, l'emballage du produit Incoa de Nestlé comporte une étiquette blanche irrégulière en sa partie supérieure qui contient la marque « Nestlé », un fond uni et une cabosse lisse verticale en couleur orange ou violette comportant des reflets épars. La teneur en cacao et la composition de la tablette sont indiqués, mais hors de l'étiquette. La police de caractère utilisée ne présente pas de particularité et n'est pas de couleur unie. Le fond de l'emballage est de couleur sombre combinant des teintes dorées ou marron. 30. Ainsi qu'il précède, la représentation d'une cabosse, fruit du cacaotier, est un élément banal pour un emballage de chocolat. La mention de la composition du produit et de la teneur en chocolat sont dictés par la fonction de l'emballage. 31. Contrairement à l'emballage de la société AMCP, aucune typographie comportant des caractères d'impression traditionnels n'est relevée sur l'emballage Incoa. 32. Il ressort de ces circonstances que l'opposition entre une atmosphère artisanale et sobre d'authenticité et de qualité combinée, de façon originale, avec une représentation graphique colorée pouvant évoquer un élément passionnel ou la gourmandise du produit n'existe pas pour la tablette Incoa de la société Nestlé, dont la version de la cabosse de cacao est épurée, simple, droite et sans reflets. 33. Les ressemblances constatées ne portent donc pas sur les éléments de l'emballage reflétant les marques de l'empreinte de la personnalité de l'auteur. 34. Le produit argué de contrefaçon n'est donc pas une représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur. Ce moyen est écarté. 35. Les demandes fondées sur la contrefaçon sont rejetées. 2. La concurrence déloyale Moyens des parties 36. La société AMCP soutient que la société Nestlé France a imité, en reprenant des caractéristiques qui lui sont propres, le packaging « 70% Haïti » puis le packaging de la table « Encuentro 70% Mexique » en connaissance de cause. Selon la société AMCP que le risque de confusion entre les packagings « Encuentro » et « Incoa » est effectif et aggravé par :-le fait que les produits vendus présentent les mêmes caractéristiques principales et sont substituables aux yeux du consommateurs,-le fait que les produits sont commercialisés dans des points de ventes communs,-la proximité phonétique des deux syllabes d'attaques-la déclinaison du packaging de manière identique, par changement de la couleur de la cabosse, créant un effet de gamme. 37. La société Nestlé soutient qu'elle n'a pas repris les spécificités de l'emballage « Encuentro », qu'il n'existe pas de risque de confusion entre les emballages qui présentent des différences déterminantes, telles que les dimensions de l'emballage, le matériau utilisé, le fond de l'emballage, la présence de la marque « Incoa » différente de celle « Encuentro », l'utilisation des marques notoires « Nestlé » et « Les Recettes de l'Atelier », la composition des produits indiquée sur l'emballage et la représentation des cabosses. La société Nestlé soutient que les produits sont différents par leur composition et leur recette, que les positionnements marketing sont totalement différents, les tablettes « Incoa » étant un chocolat industriel destinées à la moyenne et grande distribution contrairement à la tablette « haut de gamme » vendue par la société AMCP. Appréciation du tribunal 38. Aux termes de l'article 1240 du Code civil « tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». 39. En l'espèce, les deux produits en litige, Encuentro et Incoa, sont des tablettes de chocolat proposées dans des commerces au détail à destination de consommateurs occasionnels ou d'habitude. 40. Le public pertinent, au cas d'espèce acheteur du chocolat Encuentro, est considéré comme recherchant un produit de qualité gustative et par sa composition. Il dépense un prix élevé pour acheter du chocolat, la tablette Encuentro étant vendue au prix de 7 à 8 euros. Il est donc considéré comme disposant d'un niveau d'attention élevée. 41. La tablette Incoa est un chocolat industriel ciblant un large public et commercialisée dans un réseau étendu de magasins de grande surface. A l'inverse, le chocolat Encuentro est un chocolat haut de gamme, ciblant un public d'amateurs ou de connaisseurs et distribué dans un réseau de commerce au détail et spécialisé. 42. La circonstance que deux des tablettes Incoa reproduisent des cabosses de couleur orange et mauve n'est pas de nature à caractériser l'effet de gamme allégué. Il est donc peu probable que le public pertinent soit en situation de confondre les deux produits. A supposer qu'un distributeur vende les deux chocolats, le consommateur d'attention élevée ne pourra pas confondre des produits qui se distinguent par leurs marques, leurs prix et leurs qualités. 43. Il ressort de ces éléments que le risque de confusion pour le public pertinent n'est pas démontré s'agissant de ces produits. La faute de la société Nestlé n'est pas établie. 44. Le moyen est écarté. 3. Le parasitisme Moyens des parties 45. La société AMCP soutient que la société Nestlé s'est volontairement placée dans le sillage dans son sillage en imitant l'emballage « Encuentro » afin de tirer profit de l'image artisanale et haut de gamme attachée à la tablette « Encuentro » pour commercialiser son nouveau produit, de moindre qualité et issu d'une fabrication industrielle. Elle souligne en particulier la commercialisation chez des revendeurs où elle est également présente telles la Grance Epicerie à [Localité 5] et les Galeries Lafayette. 46. La société Nestlé France soutient ne pas avoir cherché à se placer dans le sillage de la société AMCP, elle estime que les tablettes « Incoa », vendues au prix de 1,99 euros, sont des produits de grande consommation pour lesquels la société Nestlé France a exposé des frais considérables. Appréciation du tribunal 47. Aux termes de l'article 1240 du Code civil « tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». 48. A la différence de la concurrence déloyale, qui ne saurait résulter d'un faisceau de présomptions, le parasitisme, qui consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d'une entreprise en profitant indûment des investissements consentis ou de sa notoriété, résulte d'un ensemble d'éléments appréhendés dans leur globalité. 49. Les idées étant de libre parcours, le seul fait de reprendre, en le déclinant, un concept mis en oeuvre par un concurrent ne constitue pas un acte de parasitisme. 50. La seule constatation qu'il n'existe aucun risque de confusion pour un consommateur d'attention moyenne entre deux dessins ne suffit pas à écarter le grief de la concurrence déloyale formée par la première société à l'encontre de la seconde, dès lors qu'est invoqué, outre le risque de confusion, le comportement parasitaire de cette dernière, résultant à la fois de la notoriété, auprès de la clientèle, du conditionnement de la première société et de la volonté manifestée par l'autre de se placer dans son sillage. 51. Les solutions qui précèdent, retenues par le tribunal sont issues de la jurisprudence de la Cour de cassation, en particulier de son arrêt du 4 février 2014 (Com., 4 février 2014, pourvoi no 13-11.044, Civ. 1ère , 22 juin 2017, pourvoi no 14-20.310, Bull. 2017, I, no152, Com., 27 juin 1995, pourvoi no 93-18.601, Bulletin 1995 IV no193). 52. En l'espèce, l'élément de notoriété avancé par la société AMCP est son emballage étendu à l'ensemble de sa gamme « Encuentro ». L'emballage à reçu des prix et des attestations de témoins réputés représentatifs indiquent avoir connaissance de l'emballage et le reconnaître. 53. Les emballages figurent une cabosse de couleur vive et une étiquette traditionnelle véhiculant un concept de produit haut de gamme. 54. Or, ainsi qu'il précède, le concept mis en oeuvre ne peut constituer un acte de parasitisme. 55. En outre, il n'est pas démontré par la société AMCP que la présence de Nestlé dans deux grands magasins parisiens constitue une situation de concurrence entre ces deux sociétés qui visent des clientèles différentes et alors que la société Nestlé démontre que sa présence en vitrine de la Grande Epicerie est une « avant-première » promotionnelle sans rapport avec le produit « Encuentro ». 56. La preuve de ce que la société Nestlé se soit placée dans le dans le sillage de la société AMCP en profitant indûment des investissements consentis ou de sa notoriété n'est pas rapportée. 57. Le moyen est écarté. La demande indemnitaire fondée sur le parasitisme est rejetée. 4. Les pratiques commerciales déloyales et trompeuses 58. La société AMCP soutient que la société Nestlé aurait commis des pratiques commerciales déloyales et trompeuse au sens des articles L. 121-1 et L. 121-2 du code de la consommation lui causant un préjudice. Elle dit qu'en présentant la pulpe de cacao comme un produit habituellement jeté dans le processus du fabrication du cacao de façon à mettre en avant la valorisation de cet ingrédient par Nestlé alors que la pulpe de cacao est indispensable à la fermentation du chocolat. Selon la société AMCP, la société Nestlé France revendique un cacao 70% en indiquant sur le packaging "Incoa 70%" alors que la teneur en cacao est de 75,1% ce qui lui permet d'afficher une teneur en sucre inférieure. 59. La société Nestlé France soutient que ses affirmations quant aux pertes de la pulpe de cacao sont exactes, lors de la fermentation du cacao, la pulpe se transforme en un jus qui s'écoule des caisses et est alors inexploitée ou perdue. La société Nestlé soutient qu'elle valorise la pulpe de cacao en l'intégrant au produit afin de remplacer le sucre habituellement utilisé. La société Nestlé France expose qu'elle indique sur son packaging une teneur minimum en cacao de 70%. 60. Vu l'article 1240 du Code civil précité et les articles L. 121-1 et L. 121-2 du code de la consommation. 61. Il appartient au demandeur qui excipe d'une pratique commerciale déloyale un acte de concurrence déloyale constitutif d'une faute, de démontrer que ces agissements altère ou sont de nature à altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur. 62. La solution qui précède, retenue par le tribunal est issue de la jurisprudence de la Cour de cassation, en particulier de son arrêt du 1er mars 2017 (Com., 1er mars 2017, pourvoi no15-15.448). 63. En l'espèce, il résulte des éléments en débat que la fermentation du cacao dégrade la pulpe blanche entourant les fêves de cacao. Il est établi par les pièces de la société AMCP que la pulpe blanche a un rôle dans la fermentation du cacao. 64. La société Nestlé produit des articles spécialisés (pièce 37) indiquant que la pulpe peut être séparée des fèves de cacao selon la méthode de fermentation utilisée. Il n'est pas possible, en l'état des pièces produites, d'identifier une méthode majoritaire de production avec ou sans pulpe. Ces mêmes documents (pièce 37) indiquent que lorsque la pulpe de cacao est utilisée pour la fermentation, une partie d'icelle demeure sous forme liquide constituant alors des déchets. 65. La société AMCP ne démontre donc pas, en l'état de ces éléments, que la société Nestlé commet une pratique commerciale trompeuse en indiquant utiliser et réduire des « déchets » en utilisant cet ingrédient. 66. De la même façon, la quantité de chocolat fixée à 70 pourcent dans le produit Nestlé est la combinaison de la pâte de cacao et du beurre de cacao ne peut induire en erreur un consommateur cherchant à réduire sa consommation de sucre, comme le soutient la société AMCP, alors que la teneur en cacao précitée est démontrée comme étant une quantité minimale. 67. La société AMCP ne démontre donc pas de pratique commerciale trompeuse ou déloyale. 68. Le moyen est écarté. Sa demande présentée sur ce fondement est rejetée. 5. Les demandes accessoires 69. La demanderesse, partie perdante, est condamnée aux dépens ainsi qu'à payer à la société Nestlé France la somme de 12 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; somme appréciée en équité en l'absence de justificatif ou d'accord des parties sur le montant des frais devant être payés par la partie perdante ou condamnée aux dépens. 70. Il n'y a pas lieu d'écarter l'exécution provisoire qui est de droit et ne porte que sur les demandes accessoires. PAR CES MOTIFSLE TRIBUNAL Statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort, REJETTE les demandes, CONDAMNE la société AMCP à payer à la société Nestlé France la somme de 12 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, CONDAMNE la société AMCP aux dépens dont distraction au profit de Maître Bizollon, avocat, Fait et jugé à Paris le 13 avril 2023. LA GREFFIERE LA PRESIDENTE | x |
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JURITEXT000047636333 | JURI | texte/juri/judi/JURI/TEXT/00/00/47/63/63/JURITEXT000047636333.xml | AUTRES_DECISIONS | Tribunal judiciaire de Paris, 28 avril 2023, 21/12404 | 2023-04-28 00:00:00 | Tribunal judiciaire de Paris | 21/12404 | CT0087 | TRIBUNALJUDICIAIREDE PARIS 3ème chambre2ème section No RG 21/12404No Portalis 352J-W-B7F-CVG3M No MINUTE : Assignation du :04 Octobre 2021 ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETATrendue le 28 Avril 2023 DEMANDEUR Monsieur [K] [T][Adresse 2][Localité 5] représenté par Maître Jean-louis LAGARDE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D0127 DÉFENDERESSES Fondation FONDATION DINA VIERNY – Musée [7][Adresse 3][Localité 4] représentée par Maître Pascal NARBONI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E0700 S.A.S. DONOMA - intervenant volontaire[Adresse 1][Localité 6] Copies délivrées le :- Maître Jean-louis LAGARDE,#D0127 - ccc- Maître Pascal NARBONI, #E0700 - exécutoire- Maître Orly REZLAN,#A0764 - exécutoirereprésentée par Maître Orly REZLAN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0764MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT Monsieur Arthur COURILLON-HAVY, Jugeassisté de Monsieur Quentin CURABET, Greffier DÉBATS A l'audience du 16 Mars 2023, avis a été donné aux avocats que l'ordonnance serait rendue, en dernier lieu, le 28 Avril 2023. ORDONNANCE Prononcée publiquement par mise à disposition au greffe ContradictoireEn premier ressort EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE Objet du litige au principal et procédure 1. M. [K] [T], photographe, reproche à la fondation Dina Vierny - musée [7] (la fondation) et à la société Donoma la reproduction, à l'occasion d'une exposition consacrée au dessinateur [F] [J] au musée [7] en 2021, d'une photographie de 1993 dont il est l'auteur et représentant celui-ci tenant une louche : d'abord en grand format à l'entrée de l'exposition, ensuite en couverture du fascicule d'accompagnement destiné aux enfants, dans le catalogue de l'exposition, et dans des supports de communication, le tout sans son accord, sans le créditer, et selon lui sans respecter l'intégrité de l'oeuvre, en violation de ses droits patrimoniaux et moraux d'auteur. Il réclame à ce titre 100 000 euros de dommages et intérêts à la fondation. 2. Il a assigné en contrefaçon la fondation, dans les locaux de laquelle a eu lieu l'exposition, le 4 octobre 2021. La société Donoma, organisatrice de cette exposition, est intervenue volontairement le 20 avril 2022. 3. La fondation a soulevé par incident, le 11 mai 2022, une fin de non-recevoir tirée de ce qu'elle n'a pas organisé l'exposition, que le juge de la mise en état a renvoyée au tribunal. 4. Par ailleurs, M. [T], qui avait vainement sommé la société Donoma de lui communiquer les tirages originaux ayant servi aux reproductions litigieuses, a demandé par conclusions d'incident du 13 octobre 2022 la communication d'un tirage original et de la facture d'agrandissement de l'exemplaire ayant été exposé. 5. Sur proposition du juge de la mise en état à l'audience d'incident du 24 novembre 2022, les parties ont accepté de rechercher une solution amiable à l'entier litige, mais ont expliqué le 15 février 2023 n'avoir pas pu trouver d'accord, et souhaiter plaider l'incident, ce qui a été fait à l'audience du 16 mars 2023. Objet de l'incident 6. Dans ses dernières conclusions d'incident (2 mars 2023), M. [T] demande la communication sous astreinte :- par la société Donoma, du tirage argentique de la photographie ayant servi aux reproductions litigieuses, et de la facture d'agrandissement de l'exemplaire exposé en grand format ;- par les deux défenderesses, du nombre total de visiteurs de l'exposition, des recettes associées, du tirage du fascicule pour enfants, et de celui du catalogue ;outre leur condamnation à lui payer chacune 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 7. Dans ses dernières conclusions d'incident (15 mars 2023), la fondation, qui s'en rapporte à prudence de justice quant aux demandes dirigées contre la société Donoma, estime sans objet les demandes dirigées contre elle, résiste à la demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et réclame elle-même 2 000 euros à M. [T] à ce titre. 8. Dans ses dernières conclusions d'incident (15 mars 2023), la société Donoma résiste aux demandes de communication de la photographie, de la facture, du tirage du catalogue et du fascicule, et réclame elle-même à M. [T] 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Moyens des parties pour l'incident 9. M. [T] estime (en substance) que la personne responsable de la contrefaçon n'est pas la société Donoma, mais la veuve et la fille d'[F] [J], car l'agrandissement n'a pu être fait qu'avec le tirage original offert en 1993 à celui-ci, dont celles-là ont hérité ; que la communication du tirage original a (ainsi) pour but de prouver qu'elles étaient de mauvaise foi ; qu'au demeurant la société Donoma n'étant partie à l'instance que par une intervention volontaire, aucun lien juridique entre elle et lui n'est né de ce fait, et qu'il doit donc l'assigner. Il soutient, plus généralement, que le tirage original, qui contient un tampon au nom de l'auteur, est « vital pour trancher le litige », faisant référence à [S] [B] qui prouvait par ce moyen sa qualité d'auteur de certaines photographies. Il ajoute que cet original est signé au verso, et que la photographie publiée originellement en 1993, dans un livre consacré aux auteurs de bande-dessinée, était également signée. Il explique enfin que la facture d'agrandissement vise à identifier la personne ayant payé l'agrandissement. 10. Il fonde par ailleurs sa demande d'éléments chiffrés sur la nécessité de fixer une sanction proportionnée à la contrefaçon. 11. La fondation communique le nombre de visiteurs (payants et gratuits) de l'exposition, les recettes, et les éléments comptables correspondants. Elle soutient que la production du fascicule destiné aux enfants relevait de Donoma, mais qu'elle a obtenu la communication de courriels qu'elle produit à son tour aux débats et qui indiquent un tirage total de 30 000 exemplaires, sans qu'elle puisse confirmer le tirage définitif ; que le catalogue incombait également à la société Donoma, et qu'elle n'a pas d'information hormis l'achat par elle-même de 700 exemplaires. Elle en conclut que l'incident est privé d'objet à son égard. Elle critique enfin le recours à un incident avant même de demander les pièces, ce qui rend la demande infondée voire abusive selon elle ; outre que le demandeur sait, précise-t-elle, que c'est la société Donoma qui est responsable. 12. La société Donoma, qui rappelle qu'elle admet que le tirage photographique offert par M. [T] à [F] [J] comportait son cachet au verso, et que c'est ce tirage qui a fait l'objet d'un agrandissement, estime la communication de ce tirage sans intérêt pour la solution du litige. Elle conteste également toute utilité à la facture d'agrandissement dès lors qu'elle ne revendique aucun droit sur la photographie et qu'ainsi, explique-t-elle, cette facture ne serait « pas de nature à établir la réalité d'un droit ». 13. À propos des données numériques réclamées, elle communique son bilan et son compte de résultats 2021 accompagnés d'une attestation de son expert-comptable selon laquelle l'exposition litigieuse est sa seule opération de l'année. Elle affirme par ailleurs qu'elle va interroger l'éditeur du catalogue et celui du fascicule, mais que, ne disposant pas de ces éléments, elle ne peut se voir soumise à une astreinte. MOTIVATION 14. Le demandeur n'a pas estimé utile de qualifier juridiquement sa demande de pièces. La communication forcée des éléments de preuve détenus par les parties est toutefois prévue par l'article 142 du code de procédure civile qui renvoie aux articles 138 et 139, le premier visant de façon générale les actes ou les pièces détenues par un tiers, le second ajoutant simplement que le juge fait droit à la demande s'il l'estime fondée. 15. S'agissant du tirage photographique, il est constant que M. [T] est l'auteur de l'oeuvre qu'il invoque, et il bénéficie de la présomption de titularité résultant de la divulgation de l'oeuvre sous son nom dans le livre de 1993 qu'il communique lui-même aux débats (sa pièce no2). La recherche du cachet de l'artiste au dos du tirage est donc inutile. La communication de ce tirage ne serait pas davantage utile à la preuve de l'identité de son propriétaire actuel, outre qu'il résulte des écritures de M. [T] lui-même que ce tirage n'appartient pas à la société Donoma, qui ne peut donc se voir contrainte à le communiquer. Sa demande en ce sens est donc manifestement infondée et, par conséquent, rejetée. 16. S'agissant de la facture d'agrandissement, son objectif est expressément de rechercher la responsabilité d'un tiers à l'instance. L'utilité de cette demande de pièce, pour l'instance, n'est donc pas perceptible, sans que soit invoqué de fondement juridique pour une demande excédant les besoins de celle-ci. Sa demande est donc rejetée. 17. Par ailleurs, il peut être observé que si M. [T] n'a encore formé aucune prétention au fond contre la société Donoma, de sorte qu'en effet ils n'y a pas de « lien juridique » entre eux, ils n'en sont pas moins tous deux parties à la même instance (comme il le rappelle lui-même au demeurant), de sorte qu'en application de l'article 68 du code de procédure civile, de telles demandes devraient être formées par voie de conclusions, et non d'assignation, nonobstant l'affirmation contenue dans la décision qu'il cite (TJ Paris, 8 juillet 2022, 18/05382). 18. Pour le reste, les informations demandées pour établir le préjudice ont déjà été remises, à l'exception du tirage du catalogue. La société Donoma, qui expose être en mesure de l'obtenir, s'y verra enjointe en tant que de besoin. Sa bonne volonté rend en revanche inutile une astreinte. S'agissant de la fondation, qui a également prouvé sa bonne volonté en communiquant spontanément les informations demandées, rien ne rend plausible qu'elle dispose de cette information ou soit en mesure de l'obtenir, et la demande dirigée contre elle doit par conséquent être rejetée. Dispositions finales 19. M. [T] voit l'essentiel de ses demandes rejetées ; celles qui sont fondées ont été acceptées sans qu'il soit besoin d'une décision judiciaire ; il a ainsi inutilement complexifié la procédure, exposant les défenderesses à des frais évitables qu'il doit indemniser, en application de l'article 700 du code de procédure civile. 20. Il appartient maintenant à M. [T] de conclure sur la base des éléments obtenus (et ceux restant à obtenir prochainement). PAR CES MOTIFS Le juge de la mise en état : Ordonne à la société Donoma de communiquer à M. [T] le tirage du catalogue de l'exposition, dans un délai de 30 jours à compte de la décision ; Rejette les autres demandes de M. [T] Condamne M. [T] à payer 2 000 euros à la fondation Dina Vierny - musée [7] et 1 500 euros à la société Donoma au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais de l'incident ; Fixe au 15 juin 2023 le prochain examen de la mise en état de l'affaire, avec :- conclusions de M. [T] pour le 8 juin 2023 si la date de communication du tirage du catalogue le permet. Faite et rendue à Paris le 28 Avril 2023 Le Greffier Le Juge de la mise en étatQuentin CURABET Arthur COURILLON-HAVY | x |